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1. Transferts financiers directs

Les coûts et les avantages sont des flux financiers qui reflètent en principe des échanges
physiques de biens et services, c.à.d. qu’ils rémunèrent une création de richesse. Toutefois,
certains coûts et avantages sont de simples déplacements de créances d’une entité à une autre,
mais ne traduisent aucune valeur ajoutée pour la communauté. Il s’agit des transferts financiers
directs qui sont généralement de 4 sortes : les impôts et taxes, les subventions, les prêts et le
service de la dette.

Considérons le cas des impôts et des taxes. En analyse financière, les impôts et les taxes (et par
extension les prélèvements similaires) sont considérés comme un coût pour l’entreprise, car ils
réduisent son revenu net. Tous comme ils sont considérés comme un bénéfice pour le budget
de l’Etat, car ils augmentent son revenu net. Mais en analyse économique, c.à.d. à l’échelle de
la collectivité entière, le paiement d’une taxe ne fait ni appauvrir ni enrichir la nation, mais il
constitue seulement un transfert d’argent à l’intérieur du système. A l’opposé, les coûts associés
à la consommation réelle de biens et services comme les intrants et les équipements agricoles
reflètent quant à elles une dépense réelle pour la collectivité, car les ressources disponibles sur
le territoire sont consommées. Nous retenons par cette distinction que le paiement des impôts
et des taxes est considéré comme un coût dans l’analyse financière, mais n’est pas considéré
comme un coût dans l’analyse économique.

Les subventions sont des flux qui circulent dans le sens inverse des taxes. Faisant partie des
transferts financiers directs, elles suivent le même raisonnement précédent. En analyse
financière, elles comptent pour un bénéfice pour l’exploitation car elles augmentent son revenu
net. En analyse économique en revanche, elles ne désignent ni une perte ni un gain pour la
communauté mais représentent un simple transfert de moyens entre ses acteurs, à savoir de
l’Etat aux particuliers. De façon générale, on reconnaît les transferts financiers directs par le
fait qu’ils ne viennent pas en rémunération d’un bien ou d’un service porteurs d’une valeur
ajoutée à la société, mais ils désignent un virement de crédits d’une entité économique à une
autre.

C’est aussi le cas des prêts et emprunts. A l’échelle de l’exploitation, les prêts représentent une
augmentation de recettes dans un premier temps, puis une augmentation des coûts par la suite
lors du remboursement du principal et des intérêts. Mais du point de vue de l’analyse
économique, le prêt est une simple réallocation des moyens financiers entre les agents
économiques. Que les banques nationales accordent un seul prêt, ou alors 10 000 prêts aux
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consommateurs, aucune variation directe du PIB n’est signalée, car par le prêt, aucune richesse
n’est créée et aucune ressource n’est détruite.

2. Coûts des projets

De manière générale, les coûts sont moins difficiles à estimer que les avantages. Pour illustrer
cela, les quantités nécessaires en intrants agricoles comme les engrais et l’eau d’irrigation sont
pratiquement des variables de contrôle ; elles sont déterminées lors de la conception technique.
En revanche, les rendements attendus sont des variables de réponse et leur estimation relève de
la prévision.

Les coûts d’un projet sont très divers. Pour les biens physiques par exemple, comme les engrais,
les produits phytosanitaires, le béton, etc. ils sont faciles à identifier. Mais la difficulté des biens
physiques est de déterminer le moment et les quantités de leur utilisation quand il s’agit de
planifier et de concevoir le projet. Pour le travail, l’évaluation du coût de la main d’œuvre
familiale est un obstacle courant en agriculture, qui peut être résolu par l’évaluation aux prix de
référence, c.à.d. évaluer les avantages que pourrait percevoir la famille en travaillant ailleurs,
et auxquels elle doit renoncer pour participer au projet. S’agissant de la terre, la même démarche
est utilisée. Elle consiste à évaluer la terre à son coût d’opportunité. Nous renvoyons à la
littérature pour plus de développement sur le traitement de chaque type de coût en fonction des
différentes circonstances.

Outre les coûts certains qui font partie de la structure du projet, une planification bien conçue
nécessite qu’on prévoie également les contretemps qui peuvent surgir, que ce soit au niveau du
cadre technique ou au niveau des prix. Il est donc normal de prévoir une provision pour faire
face à ces imprévus. L’analyse de sensibilité du projet permet d’apprécier l’amplitude de la
variation des coûts et donc le montant adéquat à prévoir en cas de besoin. Les provisions pour
imprévus comprennent deux composantes : les imprévus physiques et les imprévus liés à la
hausse des prix qui se subdivisent en variation relative des prix et en inflation générale. Notons
que pour l’inflation générale, il est courant de travailler à prix constants, en partant de
l’hypothèse que tous les prix seront uniformément affectés par la houle haussière du coût de la
vie.

Concernant les taxes et le service de la dette, qui ont été classés parmi les transferts financiers
directs, ils devront figurer comme des sorties dans les comptes financiers de l’exploitation, mais
ils ne seront pas portés sur les comptes économiques de la collectivité. Le traitement du service
de la dette devra prendre en compte la manière avec laquelle il est inséré dans le montage
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financier du projet, selon que les intérêts sont séparés, capitalisés ou intégrés dans l’ensemble
des charges du capital.

Enfin, concernant les dépenses qui ont été effectuées antérieurement au projet, et malgré le fait
qu’elles puissent favoriser son démarrage, voire le dispenser de quelques aménagements
préliminaires, elles ne doivent pas figurer au niveau des comptes du projet. La raison est que
ces dépenses déjà accomplies ont rejoint ce qui constitue l’environnement du projet, qui
comporte initialement des atouts et des contraintes non comptabilisables à leur tour, à l’instar
des routes et des équipements de proximité. Ces coûts étant déjà supportés sont dits
« irréversibles », et ne sont pas à l’origine des avantages qui seront nouvellement générés grâce
aux actions spécifiques au projet.

3. Avantages des projets

Les avantages attendus d’un projet sont de diverses natures. Ils proviennent en grande partie de
l’entrée en production des unités nouvellement créées ou de l’accroissement de la production
des unités déjà existantes. La partie de cette production qui est autoconsommée par les ménages
doit être aussi comptabilisée, car sans elle, leurs dépenses de subsistance seraient plus
importantes. Les avantages d’un projet peuvent aussi provenir de l’amélioration de la qualité
d’un produit, qui devient ainsi mieux valorisé à travers l’augmentation de son prix, l’ouverture
aux marchés internationaux hautement standardisés, l’éligibilité à certains labels qui
débouchent sur une clientèle particulière, ou encore l’accès à des transformations
agroalimentaires plus exigeantes en qualité.

Les projets qui permettent de moduler le temps de la vente offrent un autre type d’avantages.
Par exemple, les investissements dans le stockage et la conservation des produits agricoles
permettent de réaliser des ventes au moment où les prix sont les plus intéressants. Il en est de
même pour les projets qui permettent de moduler le lieu de la vente. Par exemple,
l’investissement dans le transport de la marchandise permet d’acheminer les produits de
l’exploitation vers des marchés plus rémunérateurs et plus liquides, et d’offrir la prestation du
transport de marchandises à des tiers.

Outre les avantages qui proviennent de l’accroissement du revenu à travers les prix ou les
quantités vendues, certains avantages résultent de la réduction des coûts de production ou de
commercialisation. Par exemples, la mécanisation permet de réduire les coûts de main d’œuvre,
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le recyclage et le compostage des déchets organiques permet d’obtenir des intrants à coûts
réduits, l’achat de véhicules pour le transport de la marchandise permet d’éviter les coûts et les
risques liés à la location, la construction des ports permet de décongestionner les ports existants
et donc, de réduire les frais liés aux surestaries, etc. La figure 9 a permis d’illustrer les différents
effets des avantages sur l’évolution de la situation économique. Elle inclue aussi comme
avantage, les pertes qui peuvent être diminuées grâce à un projet, comme le reboisement d’une
forêt d’arganiers en pleine déforestation ou encore la mise en place d’un système de drainage
pour prévenir les inondations.

Certains projets peuvent avoir des retombées positives sur des entités qui lui sont externes. Ces
avantages devront être comptabilisés au niveau de l’analyse économique, car ils reflètent une
valeur ajoutée pour la collectivité entière. L’évaluation de ces effets peut être approchée par le
coût d’opportunité ou le consentement à payer des bénéficiaires pour avoir ces
avantages. L’objectif étant d’attribuer au projet la valeur ajoutée qu’il a créé puis disséminé un
peu partout dans la collectivité (Gittinger, 1985). Nous renvoyons à la littérature pour plus de
détails sur les avantages et les coûts secondaires, notamment Prest et Turvey (1966), Mishan
(1971), et Squire et van der Tak (1977).

En dehors des avantages tangibles et chiffrables que l’on désigne « bénéfices », tous les projets
véhiculent des avantages intangibles qui peuvent être importants ou négligeables. Il s’agit
d’effets non économiques, qui ont trait notamment aux aspects sociaux, environnementaux,
sanitaires, éducatifs ou sécuritaires ; Citons par exemples, la création de nouveaux emplois,
l’amélioration de la santé publique, la contribution à la préservation de l’environnement, ou
encore le désenclavement de certaines agglomérations. Ces avantages ne peuvent se prêter à
une évaluation économique fiable et robuste car la conversion des valeurs immatérielles non
marchandes en valeur monétaire reste assez discutable. Cela n’empêche pas en revanche de
définir ces avantages et de les quantifier via des indicateurs spécifiques. La même démarche
s’applique pour les coûts intangibles qui se rapportent d’ailleurs aux mêmes aspects, comme la
perte d’emploi, la dégradation du paysage, etc.

Certains projets offrent en plus de leurs avantages propres, des opportunités qui peuvent être
saisies dans le futur ; c.à.d. des avantages encore inexplorés. Prenons l’exemple d’un projet par
lequel on souhaite introduire et expérimenter, dans une petite surface, une nouvelle variété
végétale qui paraît avoir un rendement supérieur aux variétés locales, ou qui semble avoir un
usage médicinal prometteur. Au-delà des bénéfices générés par la récolte et quelle que soit leur
importance, ce projet constitue une expérience dont le résultat peut ouvrir des perspectives
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d’envergure. Parmi les exemples de variétés qui ont été introduites avec succès, nous citons le
cas de la betterave à sucre mono-germe introduite au Maroc en 1974, qui a fait preuve d’une
haute rentabilité et d’un moindre besoin en matière de main d’œuvre et dont l’adoption a été
récemment amplifiée dans le cadre du PMV. Il en convient que le fait d’évaluer un projet ainsi
révélateur uniquement sur la base de ses recettes propres serait grandement injuste. Quoique
cette projection dans le futur ne soit pas certaine à cent pour cent, elle représente tout de même
une opportunité qui a une valeur, qu’on appellera « valeur d’option » du projet. Les valeurs
d’options sont de diverses natures. Certains projets, comme celui tout juste présenté, offrent des
options d’expansion. D’autres par ailleurs ont l’avantage d’être flexibles, ce qui permet aux
managers de remodeler les activités du projet au cas où certains risques se manifestent. Ce
concept d’options sera traité plus en détail dans la partie dédiée aux options réelles (chapitre
III).

V. LES ASPECTS FINANCIERS ET ECONOMIQUES DE L’ACB

1. Aspects de l’analyse financière

L’analyse financière est conduite à l’échelle des agents économiques qui peuvent être des
exploitations agricoles, des sociétés privées, des coopératives, des consommateurs, des
entreprises publiques et éventuellement le Trésor public (Gittinger, 1985). Elle vise d’une part,
à établir le plan de financement en définissant les contributions individuelles qui vont alimenter
le projet, et d’autre part, à prédire son impact financier sur chaque acteur économique pris
individuellement, puis de façon agrégée sur l’ensemble des acteurs du projet, à travers les
indicateurs qui seront abordés ultérieurement, en l’occurrence la VAN, le TRI, l’IR, le PB et le
ratio CA.

En analyse financière, les coûts et les avantages sont évalués aux prix du marché, car ceux-ci
reflètent la réalité des flux pour chaque partie prenante du projet. Tous les coûts et tous les
avantages sont reportés sur les comptes financiers des participants, puis sur les comptes
consolidés du projet, y compris les transferts financiers directs. En effet, le paiement d’une taxe
sur la production sera évidemment compté comme un coût au niveau des comptes de
l’entreprise, et comme une recette au niveau des comptes de l’Etat. La levée d’un emprunt par
l’établissement public porteur du projet sera inscrite comme recette d’exploitation, puis son
remboursement, principal et intérêt, sera inscrit comme un coût ventilé sur les années de vie du
projet.
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Les projections des coûts et des avantages sur les années futures se feront également sur la base
des espérances des prix de marché futurs. Il appartient à l’analyste de définir l’évolution des
coûts et des bénéfices du projet dans le temps, sur la base des arguments statistiques,
économétriques, qualitatifs, ou autres qu’il doit fournir pour justifier du mieux possible ses
prévisions.

En sus des indicateurs de rentabilité mentionnés ci-dessus, l’analyse financière globale peut
inclure des indicateurs d’efficience globale comme le taux de VAN par unité d’investissement,
le poids du service consolidé de la dette, la productivité moyenne de la main d’œuvre, le
rendement apparent du travail par activité agricole, etc.. Mis à part ces indicateurs qui peuvent
offrir des renseignements supplémentaires, l’analyse financière sera accomplie dès qu’elle aura
apporté un plan de financement du projet et renseigné sur les incidences financières
individuelles et sur la rentabilité globale du projet.

2. Aspects de l’analyse économique

L’analyse économique s’intéresse à l’impact du projet sur toute la collectivité, c.à.d. sur la
Nation entière, et non uniquement sur le collectif des agents économiques concernés par le
projet. L’objectif de l’analyse économique est donc de déterminer la contribution du projet dans
le revenu national, qui est la différence entre les recettes et les dépenses de la société dans son
ensemble (Wolff, 1996).

En langage macroéconomique, il s’agit d’estimer la valeur ajoutée du projet pour l’économie


nationale en soustrayant de la valeur de la production (les recettes), la consommation
intermédiaire (les dépenses). On s’attend à ce qu’au total, la richesse créée pour l’ensemble de
l’économie soit suffisante pour justifier l’emploi des ressources qui lui sont nécessaires et qui
sont rares (Gittinger, 1985).

De cette perspective, l’analyse économique vient en complément à l’analyse financière. Mais


elle est insuffisante à elle seule, car elle ne renseigne pas sur les contributions individuelles
dans l’investissement, ni sur la répartition des revenus au sein de la collectivité, qui sont des
questions relevant des objectifs propres à l’analyse financière.

L’analyse économique peut être approchée de deux façons différentes. La première approche
étant celle de la Banque Mondiale, et qui est la plus utilisée, consiste à transformer les coûts et
les bénéfices des acteurs du projet en leurs équivalents en coûts et bénéfices pour la société
entière, en procédant à une reconsidération de la valeur des flux. La deuxième approche,
appelée méthode des effets, consiste à garder les mêmes coûts et bénéfices se rapportant aux
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acteurs, et à ajouter leur effets d’entrainement sur le reste de l’économie, en utilisant, entre
autres, un modèle input-output. Toutefois, cette méthode requiert des conditions et des
hypothèses particulières. Nous renvoyons à Chervel M. et Le Gall M. (1976) pour plus de
lecture sur la méthode des effets, et nous allons nous limiter dans ce qui suit à la première
approche.

Après avoir déterminé les éléments financiers des coûts et des bénéfices, l’analyse économique
procède aux ajustements nécessaires pour que ces éléments reflètent au mieux la valeur réelle
qu’ils revêtent pour l’ensemble de la société (Gittinger, 1985), suivant les étapes ci-après :

a) Ajustement des valeurs économiques

TRANSFERTS FINANCIERS DIRECTS. L’analyse économique ne prend pas en compte les transferts
financiers directs. Elle considère qu’il ne s’agit réellement ni d’une utilisation de ressources ni
d’une création de richesse pour la société, mais seulement un transfert de moyens, de droit sur
les ressources, qui a lieu en interne entre les acteurs de la société (Gittinger, 1985). Dans le cas
des impôts et des taxes par exemple, le revenu généré par le projet est pris en entier, peu importe
la partie de ce revenu qui sera détachée et transférée à l’Etat au titre des impôts et des taxes, car
finalement, cette partie demeure une fraction de la richesse créée par le projet, et qui, au final,
va bénéficier à la société entière.

La même logique s’applique aux subventions. Les intrants de production qui sont subventionnés
sont comptabilisés à leurs valeurs entières, car la subvention est une partie du coût réel qui est
supportée par un agent autre que l’exploitant, et qui doit donc figurer parmi les coûts supportés
par toute la société pour l’utilisation de cet intrant. Lorsque ce sont les extrants qui sont
subventionnés, soit pour offrir un prix rémunérateur aux producteurs, soit pour soutenir les
achats des consommateurs, faisant que le prix du marché est au-dessus ou en dessous de ce qu’il
doit être, on utilise dans ce cas aussi la valeur réelle du produit, en considérant qu’une
subvention n’a eu lieu. Lesdites subventions et taxes peuvent prendre des formes diverses. Par
exemple, lorsque le prix d’un produit réglementé est fixé à un niveau favorable au producteur,
c’est une subvention implicite qui est supportée par le consommateur. A l’inverse, lorsque le
prix est fixé à un niveau favorable au consommateur, c’est similaire à une taxe payée par le
producteur au profit des consommateurs. Dans tous les cas, l’analyse économique ne considère
que la « valeur réelle » de la ressource utilisée ou de la richesse créée.
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transferts vis-à-vis de
taxes/subventions omis
l'Etat
Transferts financiers
directs
transaction de crédit Prêt/service de la dette omis

Figure 10 : Détermination de la valeur économique des transferts financiers directs


Source : Ward (1978), Gittinger (1985)

PRIME OU CORRECTION DE CHANGE. Avant de procéder à l’ajustement des prix financiers pour
qu’ils traduisent au mieux les valeurs économiques, il est impératif de déterminer au préalable
la correction de change adéquate. La nécessité d’introduire ce paramètre qu’est la correction de
change vient du fait que les politiques commerciales des différents pays visent généralement à
encourager les exportations par toutes sortes de subventions ou d’exonérations fiscales, faisant
que les produits mis sur le marché international ne reflètent pas leurs valeurs réelles (Gittinger,
1985). Pour homogénéiser les produits échangés avec ceux non échangés, il est nécessaire
d’appliquer une correction (ou prime) qui permettra soit de rehausser les prix des produits
échangés à leur juste valeur (méthode 1), soit de réduire les prix des produits non échangés
(méthode 2), de sorte que ces deux catégories de produits soient comparables et reflètent tous
et de la même façon leurs valeurs économiques réelles, qui est le « consentement à payer » des
consommateurs.

A quel moment cette correction est-elle intégrée dans les calculs ? On l’appelle correction ou
prime de change (PC) car elle est ajoutée au taux de change officiel (TCO) pour le transformer
en taux de change de référence (TCR). Le TCR n’est finalement qu’une majoration du TCO qui
permet de mieux valoriser les biens échangés au moment de les convertir en monnaie nationale.
Bien que cette correction concerne en fait les prix des biens échangés et non le taux de change
en lui-même, on la greffe tout de même sur le taux de change pour corriger de manière assez
pratique tous les produits échangés en même temps. Cela dit, la prime qu’on intègre est une
prime sur « le panier », qui reflète une moyenne pondérée des corrections individuelles des
biens échangés ; Quoique dans l’idéal, il serait mieux de corriger chaque produit
individuellement, ce qui n’est pas toujours évident.

Il existe deux méthodes pour intégrer la correction de change. La première consiste à mieux
valoriser les biens échangés, en les convertissant au TCR au lieu du TCO pour leur accorder
plus de valeur, comme cela a été dit précédemment. La seconde méthode consiste, au contraire,
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à réduire la valeur économique des biens non échangés, en utilisant le facteur ou coefficient de
conversion standard (CCS), qui est en quelque sorte l’inverse de la prime de change (PC).

1 TCO TCO
TCO × (1 + PC) = TCR ; = CCS ; TCR = ; CCS =
1+PC CCS TCR

TCO : Taux de change officiel


TCR : Taux de change de référence
PC : Prime de change
CCS : Coefficient de conversion standard

Source : Gittinger (1985), Squire et van der Tak (1977)

AJUSTEMENT DES PRIX DES BIENS ECHANGES. Les biens et services sont échangés sur le marché
international lorsque celui-ci offre un avantage comparatif par rapport au marché local.
Effectivement, pour le cas des importations, un bien est importé lorsque son prix de revient à
l’import est inférieur à son prix sur le marché local (prix c.a.f. < prix local). A l’inverse, pour
les exportations, un produit est exporté lorsque son prix de vente à l’export est supérieur à son
prix sur le marché local (prix f.o.b. > prix local). Quel que soit le sens considéré, qu’il s’agisse
d’importation ou d’exportation, l’aboutissement d’un échange sur le marché international
implique systématiquement que le prix international est plus favorable que le prix local, et qu’il
sera donc utilisé en analyse économique en tant que « prix d’efficacité », car il reflète la
meilleure allocation ou la meilleure destination des biens échangés. Cela dit, dans le cas des
biens échangés, nous substitueront les prix du marché local en simulant des importations et des
exportations. En revanche, les produits non échangés seront traités différemment.

La figure 11 montre comment évaluer les intrants et extrants échangés selon les différents cas
possibles :

 Dans le cas des intrants échangés, nous avons deux cas de figures : soit que ce sont des
intrants importés, qui seront évidemment évalués comme des importations, c.à.d. au prix
c.a.f., soit que ce sont des intrants produits localement, mais qui sont d’habitude
exportés par le pays, et là ils seront évalués au coût d’opportunité de leur exportation,
c.à.d. au prix f.o.b.. Autrement, les intrants produits et consommés localement ne font
pas partie des biens échangés et auront un traitement différent, qui sera décrit par la
suite.
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 Concernant les extrants échangés, nous avons également deux cas de figure : soit qu’il
s’agit de produits exportés, qui seront évalués évidemment au prix d’exportation f.o.b.,
soit qu’ils seront consommés localement, à la place de produits que le pays a l’habitude
d’importer, et là, leur valeur sera donc celle des produits importés c.a.f..

Déterminer si l’intrant ou l’extrant est classé c.a.f. ou f.o.b. ne suffit pas à lui seul. Pour le
premier cas, la valeur économique totale d’un bien importé est calculée par « le prix de parité à
l’importation » (PPI). Il s’agit du prix import qui est le prix c.a.f., qu’il faut convertir en utilisant
le TCO ou le TCR selon l’approche adoptée pour la correction de change, et lui ajouter les frais
et taxes d’acheminement depuis la frontière jusqu’à la zone du projet, dits communément « frais
d’approche ». Le transport maritime étant déjà inclus dans le prix c.a.f. selon sa définition (coût,
assurance et fret).

Pour le deuxième cas, la valeur économique d’un bien exporté est calculée par « le prix de parité
à l’exportation » (PPE). Il s’agit du prix export qui est le prix f.o.b., qu’il faut convertir en
utilisant le TCO ou le TCR selon l’approche adoptée pour la correction de change, et lui ajouter
les frais et taxes d’acheminement depuis la zone du projet jusqu’à la frontière.

Biens
échangés

Intrants du Extrants du
projet projet

Produits locaux, Destination locale,


importés habituellement en remplacement des exportés
exportés produits importés

PPI (c.a.f.) PPE (f.o.b.) PPI (c.a.f.) PPE (f.o.b.)

PPI : prix de parité à l’importation ; PPE : prix de parité à l’exportation

Figure 11 : Détermination de la valeur économique des biens échangés


Source : Ward (1978), Gittinger (1985)

AJUSTEMENT DES PRIX DES BIENS NON-ECHANGES. Les biens non-échangés sont des biens qui
sont produits et vendus à meilleur compte sur le territoire national que s’ils venaient à être
importés ou exportés. En principe, ce sont des produits dont le prix sur le marché national est à
la fois compétitif à la production et attrayant à l’écoulement, car il est inférieur au prix de revient
à l’import (PPI) et supérieur au prix de vente à l’export (PPE). Cette préférence pour l’échange
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national est favorisée par l’absence de certains frais d’approche qui s’ajoutent lors des échanges
internationaux comme le coût du transport vers la frontière, les frais portuaires et les surestaries,
sans être exhaustif. La préférence pour le commerce national peut être également forcée par des
mesures de protection tarifaires et non tarifaires comme le cas notamment des produits
alimentaires. Dans d’autres cas, il s’agirait de biens et services à mobilité réduite ou nulle, en
l’occurrence, la terre, la main d’œuvre, les biens encombrants comme la paille et les composts
et les services de proximité.

Selon la méthode retenue pour la correction de change, comme cela a été décrit précédemment,
la valeur économique des biens non-échangés peut être réduite en la multipliant par le CCS, ou
alors elle sera prise comme telle si ladite correction a déjà été intégrée au niveau des biens
échangés moyennant le TCR. La valeur économique des biens non échangés peut être
directement leur prix du marché, si celui-ci reflète de façon fiable son coût d’opportunité (quand
il s’agit de produire), ou le consentement à payer des consommateurs en contrepartie (quand il
s’agit de consommer). Pour cela, l’acceptation du prix du marché comme étant la valeur
économique d’un bien devrait provenir des indices que l’analyste pourrait relever, indiquant
que le marché fonctionne de façon optimale et sans anomalie consistante. C’est le cas
notamment dans un marché en situation de concurrence quasi-parfaite, ou lorsque les capacités
de production dans une filière donnée ont atteint leur maximum. Autrement, lorsque le marché
est biaisé ou que le projet est d’une envergure pouvant modifier les prix, certains ajustements
doivent être apportés. Notons que parmi l’ensemble des biens non-échangés qui peuvent être
utilisés, la terre et la main d’œuvre doivent faire l’objet d’un examen particulièrement
approfondi. Nous renvoyons à Gittinger (1985) et Ward (1978) pour plus de détails sur ces
aspects.
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Intrants non-
échangés

Produits
Non produits
localement

Industrie Industrie à
tournant à capacité Terre Main d'oeuvre
pleine capacité excédentaire

Pleinement
sous-employée
occupée sans
sans le projet
le projet

Valeur
Coût marginal Coût Prix du travail marginale de la
Prix du marché
de production d'opportunité sur le marché M.O. utilisée
sans le projet

Figure 12 : Détermination de la valeur économique des biens non-échangés (intrants)


Source : Ward (1978), Gittinger (1985)

Extrants non-
échangés

Répondent à une Remplace


nouvelle d'autres biens
demande sur le marché

Petit projet non Grand projet


affectant les prix affectant les prix

Moyenne des Economie de


Prix du marché prix avec et sans ressources d'une
projet autre production

Figure 13 : Détermination de la valeur économique des biens non-échangés (extrants)


Source : Ward (1978), Gittinger (1985)

b) Agrégation des comptes et modèle de projet

AGREGATION DES COMPTES. Une fois que les bénéfices et les coûts se rapportant aux différents
intervenants et aux différentes unités du projet ont été convertis en valeurs économiques, il est
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procédé à leur assemblage pour former ce qui constituera les bénéfices et les coûts économiques
de l’ensemble du projet. Le schéma suivant permet d’en décrire la procédure. En prenant les
différentes catégories d’intervenants (notamment les exploitations, les agro-industries et les
services), chacune de ces catégories renferme des modèles représentatifs qui regroupent un
certain nombre d’unités. Par exemple la catégorie « budget pour exploitations » regroupe 1) les
exploitations utilisant uniquement les puits, 2) celles achetant l’eau d’irrigation via les canaux
de grande hydraulique, et 3) celles qui stockent l’eau pluviale dans des bassins, chacun de ces
modèles représentant un nombre déterminé d’unités de production.

Le budget de chaque modèle d’unité est ensuite multiplié par le nombre des unités qui répondent
à ce modèle de façon à obtenir les avantages et les coûts agrégés de la catégorie des
« exploitations ». Il en est ainsi pour les autres catégories d’intervenants. Jusque-là, avec un
calcul financier, en consolidant les comptes on obtiendra l’impact financier du projet. Or, pour
obtenir l’impact économique, ces budgets suivront la transformation illustrée par la seconde
colonne qui permettra de convertir, pour chaque catégorie, les budgets financiers en budgets
économiques, pour les agréger finalement et obtenir les avantages supplémentaires nets du
projet en mesure économique.

Analyse financière Analyse économique


(Prix du marché) (Valeurs économiques)

Budgets pour Budgets pour


exploitations types 1 Convertir les prix du exploitations types
ou budgets par 2 ou budgets par
marché en valeurs
activités unitaires … économiques: activités unitaires
n Agréger les
Transferts directs avantages nets
Budgets pour agro- Articles qui font Budgets pour agro- (directement ou en
industries l'objet d'échanges industries sommant
internationaux séparemment les
Articles qui ne font avantages et les
pas l'objet coûts)
Budgets des services d'échanges Budgets des services
officiels internationaux officiels

Figure 14 : Agrégation des comptes de projet


Source : Gittinger (1985)

REVENU NATIONAL ET VALEUR AJOUTEE. Comme cela a été exprimé précédemment, on attend
de l’analyse économique qu’elle puisse renseigner sur l’apport du projet dans le revenu national,
c.à.d. la valeur ajoutée qui constituera un nouveau fragment du produit intérieur brut (PIB). La
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valeur ajoutée d’une unité économique, quelle que soit sa nature et sa grandeur, est calculée par
la valeur de la production diminuée des consommations intermédiaires que sont les coûts des
matériaux et des services achetés à des fournisseurs externes, comme le montre la figure 15.

QUELLE EST LA DIFFERENCE ENTRE LES AVANTAGES SUPPLEMENTAIRES NETS (CASH-FLOWS) QUI
CONSTITUENT LES ANNUITES DE LA VAN ET DU TR, ET LA VALEUR AJOUTEE ? La différence se
situe au niveau de la considération de la main d’œuvre. Les cash-flows annuels représentent
une rémunération du capital seulement, car la main d’œuvre a été considérée comme un coût,
et rémunérée à son prix économique. Cela fait, l’ensemble des avantages nets restants sont
attribués au mérite du capital. En revanche, la valeur ajoutée considère à la fois le capital et le
travail, car la richesse produite profite aux investisseurs et aux travailleurs. Elle comprend donc
les avantages nets et les salaires. D’autant que la création et la rémunération de l’emploi sont
considérés comme un plus pour la société, car c’est une création de richesse qui profite à la
communauté travailleuse et qui est donc injectée dans le circuit économique.

PROJET

FACTEURS DE
PRODUCTION
EXTERNES PRODUCTION

Facteurs de
production
internes Valeur ajoutée

Main d’œuvre

Capital

Figure 15 : Modèle d’un projet : flux des ressources réelles


Source : Gittinger (1985)
P a g e | 15

RESTE DE
L’ECONOMIE
PROJET

Paiement aux
fournisseurs VALEUR DES VENTES +
extérieurs AUTOCONSOMMATION

Rémunération des
facteurs de Valeur ajoutée brute
production internes

Salaires,
paiements en nature, Main d’œuvre
autoconsommation,
sécurité sociale

Avantages supplémentaires nets


Rendement du capital : (Cash-flows)
Amortissement, amort. Financier
Profit net
Capital
Intérêts, Impôts directs, Droits,
Gains réinvestis, Dividendes

Figure 16 : Modèle d’un projet : flux de la valeur économique


Source : Gittinger (1985)

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