Vous êtes sur la page 1sur 7

PRÉSENTATION DES TRAVAUX.

LES GESTES PROFESSIONNELS EN


DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : DU CONCEPT À SON ÉTUDE

Dominique Bucheton, Olivier Dezutter


in Dominique Bucheton et al., Le développement des gestes professionnels dans
l'enseignement du français

De Boeck Supérieur | « Perspectives en éducation et formation »

2008 | pages 29 à 34
ISBN 9782804159511
Article disponible en ligne à l'adresse :
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 16/12/2020 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 16/12/2020 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214)
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
https://www.cairn.info/le-developpement-des-gestes-professionnels---page-29.htm
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur.


© De Boeck Supérieur. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les
limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la
licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie,
sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de
l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage
dans une base de données est également interdit.

Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)


P R É S E N T A T I O N D E S T R A V A U X

Les gestes professionnels


en didactique du français:
du concept à son étude
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 16/12/2020 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 16/12/2020 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214)
Dominique BUCHETON, Olivier DEZUTTER

1. UNE PROBLÉMATIQUE OUVERTE


Les auteurs des travaux qui vont suivre se sont efforcés de répondre
aux questions posées par la problématique du symposium du REF. On lira dans
ces travaux des réponses diverses à une problématique qui avait pour visée
d’ouvrir la réflexion des didacticiens du français à une approche ergonomique
du travail réel des enseignants novices et experts en contexte ordinaire. Rap-
pelons-la succinctement :

1.1 Première question : une description ergonomique


des gestes du praticien dans la classe de français
est-elle possible ? Qu’est-ce qu’elle nous révèle ?
Les gestes qu’on vise à identifier, un peu mieux, sont-ils des macro-
gestes, reconnaissables dans des genres de situations scolaires académiques,
elles-mêmes très identifiables (on fait le portrait, on fait une dictée à l’adulte,
une lecture suivie, un débat littéraire) ? Dans toutes ces situations, on peut
ainsi penser qu’il y aurait des gestes didactiques incontournables, communs
aux praticiens. Ou s’intéresse-t-on aux microgestes qui visent à mettre en
œuvre réellement, ces situations académiques : des gestes précis, situés, qui
30 Le développement des gestes professionnels dans l’enseignement du français

émergent de la situation pour traiter conjointement les contenus enseignés,


les attitudes des élèves, leurs réponses, leurs réussites, leurs difficultés, les
imprévus rencontrés ? Dans ce cas, ces gestes sont-ils spécifiques de la réac-
tivité générale de la classe, du style propre du maître, de l’objet d’étude ensei-
gné, etc. ? Auraient-ils, eux aussi une dimension généralisable participant des
savoirs pragmatiques de la communauté ?
Faut-il catégoriser, nommer ces gestes didactiques ? À partir de quels
cadres théoriques ? Peut-on discriminer des gestes qui relèvent spécifique-
ment du champ de la didactique du français de ceux communs aux différentes
disciplines ? Comment rendre compte de la dynamique des significations co-
construites ?

1.2 Deuxième question : peut-on, faut-il regarder


derrière le miroir ?
Quelles logiques, quelles doxas, quels habitus d’école ou d’équipe,
quels modèles pratiques ou théoriques, quels cadres d’expérience et de pen-
sée, professionnels ou privés, les font naître, les organisent en configurations
de gestes plus ou moins propices aux apprentissages ? Quels systèmes de con-
traintes externes ou internes à la situation pilotent ou déterminent ces prises
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 16/12/2020 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 16/12/2020 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214)
de décision multiples ?

1.3 Troisième question : faut-il, peut-on former aux gestes


de métier ?
S’agit-il de nouveaux savoirs pour la formation ? Quelle place laisser
en formation initiale et continue à la micro-analyse de ces dynamiques com-
plexes qui s’opèrent dans la classe de français ? Comment l’expérience singu-
lière d’un pair ou d’un expert, étudiée dans une situation singulière, peut-elle
devenir un instrument pour l’action future ? Avec quels dispositifs de
formation ? Quelles sont les conditions d’appropriation de ces gestes que les
novices ne perçoivent que très peu et très lentement, qu’ils ne s’approprient
que partiellement ?

2. DES TRAVAUX SUR UN LARGE SPECTRE


Cette question des gestes professionnels a sollicité des recherches sur
des situations didactiques qui vont de la maternelle au lycée en passant par le
travail avec des adultes.
Dominique Bucheton présente le modèle général des gestes profes-
sionnels et leurs ajustements, modèle élaboré dans l’équipe ERTe de Montpel-
lier. Cette présentation est suivie de trois études de cas qui portent sur l’ensei-
gnement au primaire.
Présentation des travaux 31

Lisa-Marie Brunet présente deux recherches sur l’enseignement


apprentissage de la lecture au cours préparatoire. Elle étudie la manière dont
l’artefact manuel, ou album comme support de la leçon, modifie les macro-
gestes et genres didactiques. La comparaison de deux leçons d’enseignantes
expertes de ZEP (zone d’éducation prioritaire) dans une leçon avec album
révèle les réussites et ratés de microgestes et leurs effets momentanés ou plus
durables sur la construction du sens des tâches par les élèves. L’étude révèle
ainsi l’extrême précision des ajustements et gestes de tissage nécessaires pour
faire franchir aux élèves un certain nombre de gués entre les différentes uni-
tés de la leçon comme entre les deux genres en présence dans le support
album choisi (littéraire et linguistique).
Catherine Dupuy étudie elle aussi de manière comparative deux
enseignants experts de cours moyen 2 aux prises avec la même nouvelle de
Friot dans le cadre des nouveaux programmes français relatifs à l’enseigne-
ment de la littérature à l’école primaire. Elle étudie ce qu’elle nomme les ges-
tes d’orientation culturelle. Ils préexistent à la leçon (une intentionalité) et
permettent la structuration des savoirs dans l’accompagnement de l’action
des élèves. Idée que l’on retrouve chez Grandaty ou Marlair et Dufays.
Yves Soulé montre l’intérêt d’une analyse à grain fin des gestes pro-
fessionnels didactiques, spécifiques pour repérer les points communs et spé-
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 16/12/2020 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 16/12/2020 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214)
cificités des conduites réflexives et discursives qu’ils génèrent entre deux
types de débat qu’ouvre la littérature en primaire : un débat de type philoso-
phique et un débat d’interprétation littéraire (question en partie reprise par
Marlair et Dufays).
Sébastien Marlair et Jean-Louis Dufays étudient les gestes pro-
fessionnels de deux enseignantes chevronnées du secondaire dans quatre
leçons de français à orientation littéraire. Les analyseurs choisis pour compa-
rer les démarches, les conceptions du savoir enseigné, les effets sur les élèves
relèvent des théories du langage (les discours : énonciation, rôles, l’attitude
corporelle, l’expression vocale). L’étude démontre l’imbrication étroite entre
les conceptions de la littérature, le pilotage des actes de langage qui la mettent
en travail auprès des élèves et les représentations et rapports au littéraire
qu’ils contribuent à construire. L’étude s’appuie sur des vidéos et des entre-
tiens avec les maîtres et les élèves. Elle montre le statut incertain des objets
travaillés dans la classe de français.
Sandrine Aeby Daghé et Joaquim Dolz, s’appuyant principale-
ment sur une théorie des objets enseignés et de leur transformation au cours
de l’activité, proposent une dichotomie entre des « gestes fondateurs » : pré-
sentification, pointage élémentarisation, formulation des tâches, mise en
place des dispositifs, appel à la mémoire, régulation et institutionnalisation et
des « gestes spécifiques » de l’objet enseigné – ici le texte d’opinion au secon-
daire. Ces derniers relèvent du faire-faire, faire-observer et faire-comprendre
dans un dosage savant. L’étude se fait à partir de séquences modélisées par
les chercheurs.
32 Le développement des gestes professionnels dans l’enseignement du français

Yves Soulé et Christine Aigouin analysent l’émergence et la mise


en place de gestes professionnels nouveaux et spécifiques qui visent à tisser
les liens entre enseignement de la langue et enseignement de la littérature, à
l’école primaire : un vrai casse-tête que les enseignants ne savent pas résou-
dre. Ils montrent tous les possibles qu’ouvre ce travail nouveau sur la littéra-
ture mais aussi la culture nécessaire tant en langue qu’en littérature qu’il
demande aux enseignants. Les autoconfrontations avec des élèves de niveaux
très hétérogènes montrent leur capacité à analyser les gestes des enseignants
comme les tâches qui leur sont proposées. C’est un genre professionnel nou-
veau et ses gestes afférents qui est ici montré.
Jacques Crinon, Brigitte Marin et Élisabeth Bautier s’intéressent
à un certain nombre de gestes professionnels maîtrisés (de métier) et à leurs
conceptions directrices, dont ils postulent que le cumul a des effets différencia-
teurs sur les élèves. Ils présentent ainsi un certain nombre d’échantillons de
situations ordinaires, prélevés chez deux maîtres experts de cours moyen 2 de
zone d’éducation prioritaire, tout au long d’une année scolaire. Ils portent sur
des leçons de lecture et sur du travail sur la langue (conjugaison, orthographe).
Maryse Rebière et Martine Jaubert sont les seules à répondre,
avec prudence d’ailleurs, à la question de la formation à partir de vidéos, à des
gestes professionnels mieux identifiés. Elles étudient en abyme des travaux
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 16/12/2020 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 16/12/2020 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214)
précédents les gestes professionnels des formateurs et développent à leur
tour l’idée selon laquelle l’appropriation des savoirs professionnels se fait dans
le creuset de scénarios langagiers initiés et répétés par les formateurs. Elles
analysent avec précision les gestes professionnels de formation spécifique
d’une formation par l’analyse des pratiques d’enseignement de la lecture au
cours préparatoire. Là aussi, le haut niveau de connaissances théoriques de la
didactique concernée reste une pierre angulaire pour mobiliser scénarios et
gestes professionnels afférents.
Dans le texte de Kristine Baslev et Olivier Dezutter, ici c’est la
relation duale enseignant-adulte en formation, dans une tâche de révision tex-
tuelle après la production textuelle, qui est analysée dans un lieu d’enseigne-
ment « ordinaire ». Le cadre est celui de l’étude des microgenèses didactiques.
L’étude cherche à caractériser les configurations des gestes didactiques du
maître avec les gestes d’étude de l’apprenant et la zone de compréhension
commune qu’ils révèlent. Elle se donne divers indicateurs : composantes du
savoir activées, modalités énonciatives, repérage de l’initiateur de la séquence,
différentes formes de co-activité permettant de repérer les places respectives
de l’enseignant et des apprenants.
Si la proximité des enseignants permet d’identifier leurs intentions, le
mystère des conduites, des savoirs déjà-là et des comportements des appre-
nants reste profond.
Stéphanie Volteau et Claudine Garcia se demandent dans quelle
mesure la reformulation constitue un geste professionnel. Au cours des inter-
actions didactiques, l’enseignant effectue en permanence des reformulations : il
Présentation des travaux 33

s’appuie en effet sur les prises de parole des élèves, indices de leurs conceptions
et de leurs savoirs, pour les faire évoluer vers la validation ou la problématisation
à propos des objets d’enseignement sélectionnés. Les modalités de la reformu-
lation participent ainsi de l’expertise enseignante. Elle contribue également de
façon centrale à la dynamique des significations coconstruites. Il s’agit de séan-
ces de réécriture de textes littéraires et d’enseignement de la langue au cycle 3
de l’école primaire. Les auteurs s’intéressent notamment à la manière dont sont
traitées les erreurs et gérés les imprévus.
Michel Grandaty étudie les modes d’intervention langagiers (actes
de langage collectif) des maîtres pour étayer les conduites narratives d’élèves
de maternelle (présentation orale d’un album dans un « comité de lecture »).
L’étude comparative porte sur quatre enseignantes : deux expertes et deux
débutantes. La situation est provoquée. L’analyse explore les différences qui
existent dans le travail langagier de chacune des deux enseignantes pour faci-
liter la construction du contexte discursif pour les élèves et désambiguiser les
énoncés. L’étude s’intéresse aussi aux « organisateurs de la pensée » qui ren-
voient chez d’autres auteurs au concept de logiques profondes.
Jean-Paul Bernié met en perspective ces différents travaux et mon-
tre l’aspect émergent et peut-être brouillonnant de ce nouveau chantier pour
la didactique du français. Il propose des prolongements possibles.
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 16/12/2020 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 16/12/2020 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214)
3. QUELLES LUNETTES POUR LE LECTEUR ?
L’ensemble de ces résumés montre l’ampleur, la diversité et parfois la
récurrence des approches et questions qui sont explorées. Donnons quelques
jalons pour permettre de les situer les uns par rapport aux autres et saisir les
exigences, tensions et problèmes qu’ils soulèvent.

3.1 Des épistémologies multiples, organisées, conjuguées


ou dissociées
Les travaux en effet relèvent de plusieurs épistémologies dans les-
quelles ils circulent plus ou moins. Le lecteur pourra s’amuser à les repérer,
nous lui laissons ce plaisir tout en lui fournissant nos principaux repères :
1. une épistémologie ergonomique d’un agir situé, contextualisé, qui
s’intéresse aux acteurs dans la singularité et la généricité de leur
engagement ;
2. une épistémologie de la didactique du français avec ses tensions
intérieures : centration sur les objets des savoirs, les tâches, les situa-
tions ou centration sur les sujets dans leurs rapports aux situations,
aux objets, aux savoirs, etc. ;
3. une épistémologie du paradigme enseigner-apprendre qui a déve-
loppé des modèles et doxas toujours requestionnés et qui aujour-
d’hui pose avec force la question du développement des sujets ;
34 Le développement des gestes professionnels dans l’enseignement du français

4. une épistémologie de la sociologie scolaire ;


5. une épistémologie des sciences du langage, très ouverte puisqu’elle
s’intéresse tant aux approches pragmatiques, énonciatives, génériques et
discursives qu’à des approches où les microgenèses et transformations
des significations par des sujets singuliers sont au cœur de l’analyse.
Ces épistémologies diverses convoquent des outils d’analyse, des des-
cripteurs dont le degré de précision, l’exigence et la nature sont fort différents.

3.2 Quelles lunettes pour les chercheurs ?


Quelles postures de recherche différentes ?
C’est en observant le statut des corpus, la nature des données analy-
sées (la commande exigeait la présence des corpus étudiés), la place donnée
ou non à l’étude du point de vue des acteurs qu’on en vient à identifier des pos-
tures, des objets et finalités de recherche différents.
1. Une posture descriptive en extériorité qui trie les gestes profession-
nels à la recherche des constantes fatales aux apprentissages des
élèves : les données sont des échantillons emblématiques illustrant
des hypothèses elles-mêmes issues d’observations longues.
2. Une posture descriptive et compréhensive qui cherche à identifier
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 16/12/2020 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 16/12/2020 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214)
de manière très fine les genres et gestes de métier et leurs ajuste-
ments, leurs logiques situées ou profondes, en les documentant par un
double ou triple point de vue : celui du didacticien chercheur qui fait
l’analyse a priori de la situation avec ses connaissances sur la didacti-
que de l’objet enseigné, celui des enseignants observés et parfois celui
des élèves. Cette posture amène le chercheur à identifier avec préci-
sion un certain nombre de micro-gestes professionnels, imperceptibles
à la première observation, à repérer certains de leurs points névralgi-
ques, à identifier des singularités dans les modes de faire.
3. Une posture descriptive avec des finalités prescriptives ou de
conseil. Les descriptions qui permettent de nommer, de discriminer
un certain nombre de gestes génériques ou très spécifiques s’inscri-
vent ou non dans des conceptions ou modèles didactiques identifiés
ou en émergence. Elles cherchent à repérer finement les gestes pro-
fessionnels qui les mettent en œuvre, les régulent.
4. Une posture exploratoire qui observe, accompagne, cueille l’inven-
tion de gestes professionnels nouveaux pour travailler autrement les
objets didactiques et le rapport des élèves et des maîtres à ces objets
difficiles ou au statut incertain.
5. Une posture modélisante qui cherche à rendre compte de la com-
plexité de l’ensemble de l’agir enseignant et de ses préoccupations.
Les travaux présentés s’inscrivent souvent dans plusieurs de ces pos-
tures. Chacune à sa façon apporte un éclairage spécifique propice à la mise en
débat et en perspectives des travaux.

Vous aimerez peut-être aussi