Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Guerre D'espagne Et Front Russe
Guerre D'espagne Et Front Russe
LE THÈME
02 Guerre d’Espagne
et front russe
Témoignage de Jaime Cervero Calvo
// Numéro 02 ////////////
2021
2 ////////// Numéro 02 //
2021
// Numéro 02 ////////// 3
2021
GUERRE D’ESPAGNE ET FRONT RUSSE
4 ////////// Numéro 02 //
2021
aux opérations de la tête de pont de Volchow, de nous... Nous autres, les soldats
ce qui fut bien plus dur que la guerre espagnols, nous n’avions pas avec la
d’Espagne. Notre équipement était très moyen, population les problèmes que
peut-être bon par rapport à celui que nous rencontraient les allemands ; nous ne
avions eu en Espagne, mais insuffisant pour les venions pas à eux comme des conquérants,
conditions qui étaient les nôtres. Il neigeait et nous savions gagner leur sympathie.
souvent, et quand c’était son tour d’occuper une Nous découvrions avec plaisir leurs
position ou de sortir d’une tranchée pour une traditions, et ces messes orthodoxes qu’ils
attaque, on était perdu. On tombait dans la neige, avaient avec leurs popes.
on sentait l’eau se former en-dessous de soi, Je ne suis pas resté longtemps non plus
et on finissait trempé, frigorifié, et sans plus Blason de la Legión Azúl sur le front russe : trois petits mois. J’ai été
sentir ses pieds. blessé le 1er décembre 1941 à Nitlikino,
un petit village près de Possad.
Pendant cette après-midi, il y eut quelques tirs
échangés avec les soviétiques, une fusillade qui ne
tourna pas en bataille, mais je pris une balle dans la
poitrine au moment où j’aillais entrer dans une isba. Sur
le coup, je n’ai pas eu mal et ne me suis rendu compte
de rien ; j’ai écouté quelques tirs et puis j’ai senti le
sang chaud courir le long de mon corps. Alors je me
suis regardé, et j’ai vu qu’ils m’avaient touché à la
poitrine et que la balle était sortie par l’aisselle en
frôlant le cœur. Je n’avais pas mal, mais j’avais peur de
ce que mon poumon ait été touché. Grâces à Dieu, le
tir n’a pas touché de zone vitale, mais un nerf avait dû
être touché parce que je ne pouvais plus bouger la
main.
Après être passé dans deux hôpitaux espagnols, celui
En revanche, les contacts avec la population russe était
de campagne de Grigorowo et l’hôpital de guerre de
excellents. Quand on allait dans les maisons, ils ne
Porchov, tous deux en territoire soviétique, je fus envoyé
savaient pas quoi inventer pour nous obliger, s’occuper
en convalescence dans un Reservelazarett, un
hôpital situé dans un village appelé
Bromberg, en Pologne. Le personnel était
allemand, les infir mières comme les
médecins, et ils traitaient à merveille les
nombreux blessés espagnols qui étaient là en
convalescence. Ce fut une convalescence très
tranquille : des sorties pour se promener,
aller à un cinéma où l’on pouvait voir
quelques films en espagnol... toujours très
conventionnels. J’ai passé là tout l’hiver, y
compris la Noël 1941, jusqu’en mars 1942 où
je suis rentré en Espagne après que l’on m’a
déclaré inapte, parce que je n’avais toujours
pas retrouvé l’usage de la main gauche.
C’est là que mon aventure en Russie s’est
achevée.
// Numéro 02 ////////// 5
2021
En ce qui me concerne, la guerre d’Espagne m’a anéanti. Lorsqu’elle a commencé, je préparais mon bac, mais entre
les années de notre guerre et celles de Russie, il était trop tard pour reprendre des études et j’en avais alors très
peu envie. Ensuite, pour comble de maux, l’affaire des maquis [organisés en Espagne par les communistes contre le
gouvernement de Franco] m’est tombée dessus ; j’ai été mobilisé et j’ai passé encore deux ans dans les zones d’activité.
Lorsque tout cela a pris fin, je suis devenu fonctionnaire et me suis établi à Saragosse.
Pendant longtemps, j’ai maintenu des contacts avec d’anciens compagnons de guerre, aussi bien du Tercio María de
Molina que de la División Azúl, ici, à Saragosse. Nous nous retrouvions à la Fraternité, nous bavardions et nous
commentions les choses d’alors, mais à présent il n’y a plus rien. J’ai l’impression que je dois rester seul, le dernier de ces
temps. En dépit du temps passé, j’ai gardé mes idées, celles qui m’ont formé pendant 13 ans passées à l’AET, et je
demeure très patriote.
Jaime Cervero Calvo
6 ////////// Numéro 02 //