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Mme TEYSSIER

Thème 1: Fragilités des démocraties, totalitarismes et Seconde Guerre Mondiale (1929-1945)


Séquence 3 : La Seconde Guerre Mondiale
Dans quelle mesure la Seconde Guerre mondiale a-t-elle ébranlé le monde, l’Europe et la France ?

Objectifs de la séquence :
Ce chapitre vise à montrer l’étendue du conflit (planétaire), la violence du conflit (brutalisation des sociétés, processus menant au génocide des
juifs d’Europe) et à comprendre les conséquences de la défaite pour la France

Introduction

1ère partie : Un conflit mondialisé (2h)


Séance 1 : Face à la puissante armée allemande comment expliquer la victoire des alliés en 1945 et les enjeux qui en découlent ?

A. Chronologie de la Seconde Guerre mondiale : protagonistes, événements, phases et théâtres d’opération


Consigne : Tout d’abord, réactivez vos connaissances issues des cours de 3ème concernant la 2de Guerre Mondiale. Puis choisissez les documents
qui pourraient venir vous aider à compléter vos informations en suivant le plan ci-dessous
a- Les victoires de l’Axe (1939-1942)
b- La contre-offensive et la victoire des Alliés (1942-1945)

B. Les enjeux de la fin de la guerre : engagements militaires et rivalités de pouvoir


Consigne : Confronter les documents afin d’évaluer l’impact du débarquement de Normandie et l’opération Bagration dans la victoire finale
contre l’Allemagne, puis vous montrerez que ces deux événements témoignent des rapports de forces entre les puissances.

2ème partie : Un conflit marqué par des formes de violences extrêmes (2h)
Séance 2 : comment s’articulent les formes de violence extrême qui font de la Seconde Guerre mondiale le conflit le plus meurtrier ?

A. Une guerre totale caractérisée par une violence inégalée dans l’anéantissement de l’adversaire
Consigne : A la maison réaliser une carte mentale sur les caractéristiques de la guerre totale. En classe confronter cette carte à partir des
critères établis par l’historien François Bédarida. Compléter votre carte si des éléments manquent. Puis travail sur 2 PPO au choix :
- Le front de l’Est : A partir des documents caractériser la guerre d’anéantissement qui touche les soldats et les civils sur le front de
l’Est.
- Les bombardements et la guerre d’anéantissement qui touchent les civils 6 et 9 août 1945 : les bombardements nucléaires
d’Hiroshima et de Nagasaki sont intégrés comme paroxysme de l’utilisation de moyens de destruction massifs.

B. La mise en œuvre des génocides


Consigne : travail préliminaire à la maison en réalisant une fiche avec le vocabulaire spécifique des génocides et les grandes étapes de la Shoah.
Fiche que vous aurez besoin pour analyser des planche de bande dessinée sur ce thème en classe. Il faudra rendre un compte rendu critique

3ème partie : La France dans la Seconde Guerre mondiale (1h)


Séance 3 : comment le rôle de la France pendant la Seconde Guerre mondiale témoigne-t-il des fractures de la société française ?

A. La défaite française
Consigne : Identifier les débats, les acteurs et les arguments qui s’opposent en juin 1940 à la suite de la débâcle de l’armée française. Faut-il en
1940 en France continuer ou arrêter la guerre ?

B. Le Régime de Vichy
Consigne : Vous êtes professeur d’histoire dans une classe de 3ème et vous devez préparer un cours sur le régime de Vichy. Vous avez à disposition
les connaissances que vous devez transmettre aux élèves ainsi que des documents.

C- La Résistance
Consigne : répondre à la problématique : la France libre parvient-elle à se construire en tant qu’Etat incarnant la légitimité républicaine face au
régime de Vichy ?
Aide : pour répondre à la problématique, relevez dans les documents ci-dessous les différents éléments qui permettent de caractériser la France
libre comme un « Etat » qui s’oppose au régime de Vichy.

Conclusion

Thème 1: Fragilités des démocraties, totalitarismes et Seconde Guerre Mondiale (1929-1945)


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Séquence 3 : La Seconde Guerre Mondiale


Dans quelle mesure la Seconde Guerre mondiale par sa brutalisation a-t-elle ébranlé le monde, l’Europe et la France ?

Introduction

La Seconde Guerre mondiale, est une rupture car elle dessine un avant et un après. En effet par son déroulement et ses conséquences, tout le
XXe siècle est marqué par ce conflit, synonyme de démesure, de conflit hors-normes. C’est, à ce jour, le conflit le plus meurtrier de toute
l'histoire de l'humanité puisqu'il a provoqué la mort de 50 à 60 millions d'individus dont plus de 35 millions en Europe ; plus de la moitié des
victimes sont des civils. Ce bilan humain catastrophique s'explique par les caractères mêmes de ce conflit : il s'agit non seulement d'une guerre
totale, où les moyens techniques, humains et financiers sont colossaux, mais aussi d'une guerre d'anéantissement où l'extermination de
l'ennemi devient un objectif de guerre prioritaire au même titre que la victoire finale, l'un allant avec l'autre. Anéantir, cela signifie concrètement
réduire à néant son adversaire, l'écraser, le détruire entièrement. Ce second conflit mondial s'inscrit donc dans la continuité premier conflit
mondial puisque la violence de guerre et la « brutalisation » continuent à s'y exercer mais de manière inédite, surtout à l'encontre des civils. La
Seconde Guerre Mondiale est une guerre d’anéantissement dont la logique est parachevée par les massacres de masse touchant les civils
(génocide Juifs et Tziganes et par l’utilisation de l’arme nucléaire sur des civils). C’est cette tension de la Seconde Guerre mondiale, entre
continuité des évolutions de la Grande guerre et spécificités propres à ce conflit, qu’il s’agit de mettre en lumière. En effet dans qu’elle mesure
la Seconde Guerre Mondiale par sa brutalisation a-t-elle ébranlé le monde, l’Europe et la France.
Nous verrons plusieurs aspects : l’étendu du conflit, l’extrême violence et pour finir nous changerons d’échelle pour voir cette guerre à l’échelle
de la France.

1ère partie : Un conflit mondialisé


Séance 1 : Face à la puissante armée allemande comment expliquer la victoire des alliés en 1945 et les enjeux qui en découlent ?

A. Les victoires de l’Axe 1939-1942


L’invasion brutale de la Pologne, le 1er septembre 1939, montre les choix tactiques de l’armée allemande et l’application de l’idéologie
nazie dans les territoires conquis. La stratégie d’attaque de la Wehrmacht repose sur la concentration des forces blindées sur des espaces
stratégiques afin de garantir une victoire rapide. Le but de l’état-major allemand est d’obtenir une victoire éclair afin de ne pas être confronté
à un double front : en effet, le Royaume-Uni et la France lui ont, cette fois, déclaré la guerre le 3 septembre. La stratégie allemande fonctionne
(le 14, Varsovie est assiégée) face à une armée polonaise qui n’est ni suffisamment importante, ni équipée, d’autant que l’est du territoire subit,
à partir du 17 septembre un assaut soviétique, conformément aux accords secrets d’aout. L’armée polonaise est prise en tenaille et les derniers
combats ont lieu à l’est le 6 octobre alors que Varsovie a déjà capitulé le 21. En trois semaines la Pologne est vaincue et n’existe plus en tant
qu’État. Le nord du pays, considéré comme un espace germanique, est annexé au Reich, alors que dans le reste du territoire devient une zone
occupée sous commandement allemand, destinée à recueillir la population polonaise et juive, tandis que le fleuve Bug devient la frontière entre
le Reich et l’URSS. Le démantèlement de la Pologne montre dès le départ quelles sont les conséquences d’une guerre idéologique : les élites
sont éradiquées afin de décapiter, détruire donc, la nation polonaise et le reste de la population est asservi. En quelques semaines 60.000
personnes sont massacrées par les troupes allemandes tandis que 230.000 soldats sont arrêtés par l’armée rouge et déportés. En mars 1940,
l’ordre est donné d’exécuter les 22.000 officiers et membres de l’élite dont ceux retrouvés à Katyn.
Lors de l’attaque de la Pologne, le Royaume-Uni et la France ne lancent aucune offensive contre l’Allemagne. Pendant les mois qui
suivent, les deux démocraties occidentales, mobilisées sans combattre, vivent la « drôle de guerre ». Leur stratégie est défensive, symbolisée
par la ligne Maginot derrière laquelle se retranche l’armée française, mais aussi économique. Comme lors de la Première guerre mondiale les
armées alliées à l’ouest misent sur l’asphyxie de l’Allemagne dans une guerre d’usure. La tentative occidentale de couper la route du fer suédois
par un contrôle du port de Narvik en Norvège illustre cette stratégie ; une stratégie qui échoue, faute d’un engagement militaire suffisant en
armes et hommes, d’un manque de coordination et de réactions trop tardives face à l’attaque allemande de la Norvège en avril 1940.

En mai 1940, après avoir vaincu le Danemark et la Norvège, l’Allemagne attaque à l’ouest : les Pays-Bas et la Belgique sont vaincus,
puis la France qui est écrasée en trois semaines. Les troupes britanniques au nord de la France sont embarquées à la hâte à Dunkerque. L’armée
allemande est à Paris le 14 juin 1940. Le choix de l’armistice est alors vivement discuté en France dans un contexte de désorganisation politique
totale. Le gouvernement qui a fui Paris pour se réfugier à Bordeaux est divisé ; les parlementaires également.
Le 17 juin, le nouveau président du Conseil, le Maréchal Pétain, demande finalement l’armistice qui est signé le 22 juin alors que le Général
De Gaulle, depuis son célèbre appel lancé depuis Londres le 18 juin, tente d’organiser la poursuite des combats. Rétrospectivement, la défaite
des alliés, et particulièrement celle des troupes françaises, a paru inéluctable du fait de la détermination idéologique allemande et de la
supériorité supposée des armes. Il n’y a pourtant pas de déséquilibre des forces en ce sens : contrairement à une légende tenace les alliés
disposent de davantage de chars que l’armée allemande, y compris sur la frontière du nord-est. C’est en réalité la combinaison d’une meilleure
utilisation tactique des armes et de l’audace des généraux allemands qui explique cette défaite franco-britannique catastrophique. On parle de
blitzkrieg pour décrire la stratégie allemande d’intenses bombardements aériens destinés à préparer une offensive des blindés pour percer le
front adverse et obtenir une victoire rapide et décisive. Si l’on peut discuter de la réalité de cette stratégie militaire dans la campagne de France,
il est évident que le choix d’une guerre de mouvement par l’état-major rend ses armes plus efficaces. La réussite des armées allemandes
repose aussi sur les risques pris par les généraux Heinz Guderian et Erwin Rommel, qui poussent leur avantage vers la Manche, au mépris des
ordres de départ et en exploitant les divisions blindées de la Wehrmacht.

Après la défaite française, le Royaume-Uni reste seul combattant dans une Europe désormais dominée par l’Allemagne nazie. A côté
de territoires occupés (nord de la France, Belgique, Pays-Bas), on trouve de nouveaux États collaborateurs (France de Vichy, Danemark). Avec
le Royaume-Uni se trouvent les territoires du Commonwealth ainsi que diverses résistances, avec ou sans ancrage territorial (comme les
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gouvernements en exil ou la résistance de la France libre qui s’appuie sur une partie de l’empire français). La bataille d’Angleterre commence
en août 1940 avec un bombardement massif du sud du pays. Celui-ci doit vaincre les forces britanniques, briser la résistance de la population
et permettre à l’Allemagne d’envisager un débarquement. Le blitz, bombardement systématique de Londres, n’atteint pas ses objectifs pour
des raisons techniques (la RAF dispose de radars lui permettant de compenser son infériorité numérique) et psychologiques (la population est
galvanisée par le premier ministre Winston Churchill). Sans atteindre son objectif militaire premier, le blitz est abandonné au printemps 1941
mais a fait des milliers de morts en Angleterre.

Vis-à-vis de l’Europe, les États-Unis restent politiquement neutres et fidèles à leur isolationnisme traditionnel, même si celui-ci est
en partie abandonné sous l’impulsion de Roosevelt à partir des années 1937-1939. Les États-Unis soutiennent ainsi indirectement le Royaume-
Uni depuis son entrée en guerre, d’abord économiquement puis idéologiquement. La loi cash and carry (1937) est étendue en 1939 à la vente
d’armes et la loi prêt-bail de mars 1941 autorise le président à prêter des armes à tout pays dont la défense est considérée comme essentielle
à la sécurité des États-Unis (armes rendues ou payées après la guerre). Enfin en août 1941, en signant avec le Royaume-Uni la charte de
l’Atlantique, les États-Unis marquent un fort engagement idéologique.

En 1941, la guerre s’étend au bassin méditerranéen où l’armée allemande vient soutenir l’Italie en difficulté en Grèce et en Lybie.
Pour l’Allemagne et l’Italie, le contrôle de la Méditerranée doit affaiblir le Royaume-Uni en lui fermant le canal de Suez, le coupant ainsi de
son empire. Les échecs italiens contraignent l’armée allemande à s’engager au sud, conduisant en mai 1941 à la conquête de la Yougoslavie et
de la Grèce. En avril 1941 l’Afrikakorps de Rommel cantonne les armées britanniques en Égypte.

Enfin, la campagne de Russie est lancée le 22 juin 1941 : l’opération Barbarossa mobilise trois millions de soldats à l’assaut de
l’URSS. Préparée de longue date et répondant à des objectifs idéologiques (la lutte contre le communisme), l’invasion de l’URSS doit aussi
permettre à l’Allemagne d’utiliser un territoire riche en ressources. Dans ce cas la stratégie de la blitzkrieg est bien pensée par l’armée, le but
étant de mener une guerre courte pour pouvoir ensuite vaincre le Royaume-Uni dans une guerre d’usure.
Les premiers succès sont fulgurants : bénéficiant de l’effet de surprise et de la désorganisation soviétique, les troupes de la Wehrmacht arrivent
en octobre aux environs de Moscou. Elles ont fait trois millions de prisonniers soviétiques en chemin. Malgré cela l’avancée allemande est
stoppée en décembre 1941 par l’hiver, pour lequel l’armée allemande est mal équipée, et les premières contre-offensives de l’Armée rouge.

Dans le même temps, le Japon mène en Asie une politique d’expansion : il détient déjà en 1939 l’île de Taiwan et la péninsule de
Corée – colonisées et soumises à une politique d’assimilation forcée respectivement depuis 1895 et 1910 – la Mandchourie, conquise en 1931
et une large partie du littoral chinois, également conquis à partir de 1937. En septembre 1940, profitant de la défaite militaire française, le
Japon envahit l’Indochine et s’allie à l’Allemagne et l’Italie en signant un pacte tripartite. Ce pacte reconnaît l’hégémonie nippone en Asie.
Jusqu’à la fin de l’année 1941 le Japon continue son expansion, visant à s’assurer gains territoriaux et ressources, et reposant sur une idéologie
de la supériorité nippone. Dans ce contexte, la présence étatsunienne dans le Pacifique (Philippines, Hawaï) est un obstacle au monopole
colonial japonais. La politique des États-Unis reste cependant prudente face au Japon, alors même que le Pacifique est un espace dans lequel
les États-Unis ont des intérêts directs. Néanmoins, face à la fulgurante avancée militaire japonaise, ils décrètent, en juillet 1941, un embargo sur
le pétrole et l’acier à destination du Japon. Celui-ci attaque alors la base américaine de Pearl Harbor le 7 décembre 1941. L’attaque surprise,
sans déclaration préalable de guerre, entraine la déclaration de guerre des États-Unis. Le 11 décembre l’Allemagne et l’Italie, en vertu du
pacte tripartite, déclarent à leur tour la guerre aux États-Unis.

Ainsi, à la fin de l’année 1941 la guerre est officiellement devenue mondiale : les espaces du conflit concernent désormais tous les continents
et sont liés entre eux. À cette mondialisation s’ajoute un renversement des alliances. L’URSS rejoint les États-Unis et le Royaume-Uni : c’est le
début de la Grande alliance qui opère une transformation radicale de l’équilibre des forces dans la guerre. Enfin, cette fin d’année 1941 est
marquée par la situation désormais délicate de l’Allemagne : le Reich connaît son extension maximale, mais il est confronté à la gestion d’un
territoire très étiré, de l’Atlantique à Moscou et de la Scandinavie à l’Afrique du nord. Il lui faut par ailleurs combattre la première puissance
mondiale, alors que son allié italien est souvent défaillant. Toutefois, entre la fin 1941 et l’été 1942 il domine en Afrique et à l’est, inflige de
lourdes pertes aux Anglo-saxons dans la guerre sous-marine de l’Atlantique, et son allié japonais réalise les dernières conquêtes qui lui assurent
une maîtrise du Pacifique.

B. Les victoires des Alliés (1942-1945)


Dans le Pacifique, l’année 1942 et le début de l’année 1943 représentent la fin de la suprématie japonaise. Après avoir entrainé les
États-Unis dans la guerre, le Japon doit protéger les territoires qu’il domine, mais il ne contrôle plus la circulation maritime. En avril 1942 les
États-Unis parviennent à bombarder Tokyo. En juin 1942 ils remportent la bataille navale de Midway, qui interdit au Japon toute nouvelle
expansion. Après six mois de combats les États-Unis remportent avec l’aide des Australiens la bataille de Guadalcanal en janvier 1943. Celle-ci
marque le début de leur contre-offensive vers Tokyo. En Europe et en Méditerranée, plusieurs défaites stoppent les progressions allemandes.
En octobre 1942 l’Afrikakorps est défait lors de la bataille d’El Alamein menée par le général Montgomery en Égypte. Les Alliés débarquent au
même moment en novembre 1942 en Afrique du Nord avec cent mille soldats étatsuniens sous le commandement du général Eisenhower.
L’armée allemande capitule à Tunis en mai 1943.

Sur le front de l’est l’offensive allemande stagne durant l’hiver 1941. Elle reprend au printemps 1942 mais s’enlise à Stalingrad. Port
fluvial sur la Volga, Stalingrad représente un lieu stratégique pour l’accès aux ressources du Caucase et le contrôle des voies de circulation. À
partir de septembre 1942 la ville est investie par les Allemands, mais la Wehrmacht fait face à une très grande résistance des Soviétiques, qui
finissent par l’encercler. Le 2 février 1943 la VIe armée de Von Paulus doit capituler. La bataille de Stalingrad est un tournant dans la guerre à
plus d’un titre. En permettant aux Soviétiques de garder le contrôle de l’un des principaux verrous de l’accès à leur territoire, elle signe la fin de
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la progression allemande vers l’est. C’est cette victoire qui permet ensuite à l’Armée rouge de mener la contre-offensive contre l’Allemagne.
La victoire des Soviétiques à Stalingrad a aussi un effet psychologique majeur dans toute l’Europe, montrant que l’armée allemande n’est pas
invincible.

En Europe, la plus grande progression alliée est celle des Soviétiques, qui supportent l’essentiel de l’effort de guerre de l’Allemagne.
En effet, la majorité des soldats allemands combattent à l’est. Après la victoire de Stalingrad, les Soviétiques reconquièrent en 1944 la
Biélorussie, à l’occasion de la titanesque opération Bagration qui stupéfait par son ampleur, ainsi que l’Ukraine, la Pologne et les Balkans. En
mai 1945 les Soviétiques sont les premiers à atteindre Berlin. En Italie, après le débarquement allié en Sicile en juillet 1943, Mussolini est
renversé par le Grand conseil fasciste. L’Allemagne occupe cependant toujours l’Italie au nord de Naples. La ligne Gustav, qui protège les
positions allemandes, est rompue plus tardivement en mai 1944. Alors que les alliés prennent le nord de l’Italie, Mussolini est exécuté le 28
avril 1945. A l’ouest les débarquements en Normandie (6 juin 1944) et en Provence (15 août 1944) créent un double front sur le territoire
français alors que l’armée allemande est désorganisée et que la plupart de ses troupes sont à l’est. Paris est libéré le 25 août 1945 mais la
libération du territoire français est inégale, l’objectif militaire des alliés étant une progression rapide vers l’Allemagne. Après l’entrée des troupes
alliées sur le sol du Reich (le franchissement du Rhin a lieu en mars 1945), Hitler se suicide le 30 avril 1945 au moment où les Soviétiques
prennent Berlin. L’Allemagne capitule sans condition devant les Occidentaux à Reims puis à Berlin le 8 mai 1945.

Dans le Pacifique, les États-Unis sont victorieux sur le Japon au prix de combats très durs. Après les îles Salomon, Saipan et Marianne,
ils reconquièrent les Philippines en février 1945. En juin 1945 ils prennent l’île d’Okinawa au sud du Japon. Depuis la fin 1944, le Japon est
soumis à d’intenses bombardements depuis le continent, les porte-avions et enfin les îles proches conquises (Iwo Jima, Okinawa). La résistance
des Japonais est acharnée, symbolisée par les unités kamikazes formées dans les derniers mois du conflit. D’une efficacité militaire très
relative, ces unités traduisent la conception de la guerre au Japon où le devoir préfère la mort à la capitulation ; elles traduisent également un
idéal patriotique associé à une obéissance absolue aux décisions de l’empereur Hirohito. Les kamikazes, souvent issus de l’élite éclairée, sont
l’expression extrême de la résistance japonaise, fondée sur l’acceptation de la mort dans une défaite qui apparaît inéluctable. Dans ce contexte,
alors que les combats ont cessé en Europe, les États-Unis ont pour objectif de terminer rapidement la guerre et La Seconde guerre mondiale
fait environ cinquante-cinq millions de morts, en majorité des civils.
C’est environ six fois plus que la première et la proportion des victimes s’est inversée au détriment des civils. La Seconde guerre mondiale
montre ainsi une accentuation de la guerre totale qui s’explique par l’extension mondialisée du conflit, l’usage d’armements et de stratégie
bien plus meurtriers et par la volonté affichée et déterminée d’anéantir l’adversaire.

Regard crique sur les enjeux de la fin de la guerre : engagements militaires et rivalités de pouvoir
Les opérations Overlord et Bagration sont deux opérations conjointes qui ont été décidées à Téhéran par les Trois Grands (Churchill, Roosevelt
et Staline). Elles sont un succès à l’Est comme à l’Ouest et elles ouvrent quelques mois plus tard les portes de l’Allemagne aux Alliés.
À l’été 1944, les Alliés lancent sur le continent européen deux offensives majeures : le 6 juin, un débarquement sur les côtes normandes
(opération Overlord) ; le 22 juin, une offensive terrestre à l’est du continent (opération Bagration).
Le 6 Juin 1944 est un débarquement aux moyens inégalés. Il représente l’opération militaire la plus spectaculaire de la Seconde Guerre mondiale
:
- Par la stratégie utilisée, puisqu’elle combine les forces aériennes, les forces navales, et les forces terrestres
-Par les moyens déployés : plus de 10 000 avions (bombardiers et chasseurs), plus de 4000 navires pour le transport des troupes
-Par sa réussite immédiate : le 6 juin, plus de 170 000 hommes sont parvenus sur les plages normandes.
L’opération était pourtant risquée (façade atlantique fortifiée, conditions météorologiques incertaines, difficulté à garder l’effet de surprise...).
Sa réussite ne signifie pas celle de la bataille de Normandie : la progression des troupes anglo-américaines est lente, il faut plus de deux mois
pour que l’armée allemande batte en retraite. Surtout, la bataille s’accompagne, avant et après le débarquement, de bombardements
stratégiques massifs qui frappent les civils (20 000 victimes des bombardements à Caen).

Bagration est une opération militaire qui autorise une progression remarquable des armées soviétiques. Lancée le 22 juin 1944, à la date
anniversaire de l’opération Barbarossa (22 juin 1941), l’opération Bagration porte le nom d’un général russe, qui s’était distingué dans les
guerres napoléoniennes. Cette opération a pour objectif de libérer les territoires soviétiques envahis depuis 1941. Elle emprunte à l’ennemi sa
stratégie, celle de la Blitzkrieg :
- Utilisation combinée de 8 000 avions et plus de 6 000 chars ;
- Mobilisation de plus de 2,5 millions de soldats de l’Armée rouge.
Le rapport de forces est inégal. En ouvrant un front à l’ouest de l’Europe, le débarquement de Normandie oblige en effet l’Allemagne à lutter
sur deux fronts, voire trois (si l’on compte, au sud, la nécessité de lutter contre l’avancée des Alliés en Italie).
Pour l’Allemagne, l’effort le plus important reste à l’Est, comme le montre la répartition de ses troupes (849 000 de soldats sur le front de l’Est
contre 640 000 sur le front occidental en août 1944). Malgré cet effort, la Wehrmacht ne parvient pas à résister à l’avancée soviétique. La
progression des troupes de l’Armée rouge est fulgurante : en trois semaines, la Biélorussie est libérée et l’Armée Rouge est à proximité de
Varsovie. Pourtant, elle n’intervient pas lorsque les Polonais déclenchent une insurrection contre les troupes allemandes, laissant la Wehrmacht
réprimer l’insurrection dans un bain de sang.

Bilan territorial : reconquête de la Biélorussie (libération du territoire soviétique) ; reprise d’une partie des pays baltes et de l’est de la Pologne
jusqu’aux portes de Varsovie.
Bilan humain : le nombre de soldats soviétiques tués ou disparus (178 500 soit 32.8 %) est bien inférieur à celui des Allemands (290 000 47%)
mais on ne connaît pas le nombre de blessés allemands ni de prisonniers soviétiques.
Bilan politique : poids politique renforcé de Staline et de l’URSS dans les relations avec les Alliés ; renforcement de l’État soviétique pour lequel
la victoire est un élément de propagande (défilé des prisonniers allemands à Moscou)
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Prises isolément, ces deux opérations se signalent par leur envergure. Leur conjugaison prend l’Allemagne en étau. En avril 1945, les Soviétiques
et les Américains font leur jonction sur l’Elbe, prélude à la prise de Berlin par les Soviétiques, puis à la capitulation.

Pour la France et, de façon plus large les Alliés occidentaux, l’opération Overlord, le débarquement en Normandie, est l’un des tournants majeurs
de la guerre, si ce n’est LE tournant majeur. Le cinéma, les séries télévisées, les commémorations annuelles, le mémorial de Caen, Sainte Mère-
Église sont autant de marqueurs qui ont construit et entretiennent notre mémoire collective. Cependant l’historien Jean Lopez démontre dans
son livre que les deux opérations ont été fondamentales dans la victoire finale. En effet alors que les Alliés occidentaux s’enfonçaient dans la
difficile bataille du bocage normand, que Caen ne tombait pas comme prévu, l’Armée rouge lançait, à partir du 22 juin, une immense offensive
en Biélorussie. Selon Jean Lopez, c’est sur le front de l’Est que se joue la destruction de l’appareil militaire allemand. Là, en quelques semaines
de furie, aux portes du Reich avec une retraite chaotique sur des milliers de kilomètres, l’Allemagne enregistre sa pire défaite de la guerre, l’une
des pires de son histoire. Les conséquences sont immenses, y compris pour l’après-guerre. Elle marque d’ailleurs pour certains historiens le
début de la guerre froide. De plus certains historiens notamment britanniques et américains remettent en cause la vision glorieuse du
débarquement et de la campagne de Normandie comme Olivier Wieviorka. Depuis une dizaine d'années, certains auteurs britanniques et
américains ont entrepris de présenter la campagne de Normandie d'une façon moins triomphaliste et héroïque que jusqu'alors. J. Robert Lilly a
révélé les crimes commis par les troupes américaines en Normandie, et Alice Kaplan a montré que les soldats noirs étaient exécutés plus
fréquemment que les blancs pour le viol de femmes françaises ; Paul Fussell a décrit les souffrances, les doutes et le malaise du fantassin
américain ; enfin John Charmley a, avec d'autres, accusé Winston Churchill d'avoir perdu sa guerre sur le long terme parce qu'il avait épuisé
l'Angleterre et subordonné son pays aux Américains. L'impressionnant travail d'Olivier Wieviorka renforce cette nouvelle approche. Se fondant
sur les ouvrages publiés mais aussi sur des recherches minutieuses dans les archives américaines et britanniques, il jette un nouveau regard sur
la campagne de Normandie, décrite comme "un événement essentiellement humain, dans sa grandeur comme dans ses faiblesses". Enfin du
point du vue mémoriel, la Russie lors du 75ème anniversaire du débarquement, a dénoncé « une réécriture catastrophique de
l'Histoire" donnant selon sa porte-parole aux États-Unis et à leurs alliés un rôle prédominant dans la défaite allemande. Selon elle, "le
Débarquement en Normandie n'a pas eu d'influence décisive sur l'issue de la Seconde guerre mondiale (...) déjà déterminée par la victoire de
l'Armée rouge, avant tout à Stalingrad, Koursk".

2ème partie : Un conflit marqué par des formes de violences extrêmes


Séance 2 : comment s’articulent les formes de violence extrême qui font de la Seconde Guerre mondiale le conflit le plus meurtrier ?

A. Une guerre totale caractérisée par une violence inégalée dans l’anéantissement de l’adversaire
Cette guerre est Totale par :
- La mobilisation de soldats
L’armée allemande compte 9.5 millions de soldats en 1943 et le besoin croissant en hommes impose en fin de conflit de mobiliser les jeunes
de 16 ans et les hommes de plus de 50 ans. L’armée américaine compte cette même année 8.8 millions d’hommes. Le nombre de soldats
combattants est cependant très inférieur, d’environ 700.000 hommes. La gestion du matériel dans une armée qui en est richement pourvue
explique le nombre très élevé de soldats non-combattants. Seuls 40% des troupes américaines dans le Pacifique connaissent ainsi réellement les
combats. Malgré tout, l’expérience combattante est lors du second conflit mondial, de manière encore plus large que pour la grande guerre,
une expérience sociologique de masse.
- La mobilisation de toute l’économie à l’effort de guerre
Cette mobilisation sans précédent est bien sûr rendu possible par une la mise en place d’une économie partout entièrement dédiée à l’effort
de guerre afin d’avoir les moyens économiques de la victoire. Cette mobilisation est organisée par l’État dans tous les pays belligérants, de
façon bien plus précoce que lors de la première guerre mondiale pendant laquelle les formes de la régulation étatique s’étaient progressivement
mises en place. Dès 1939 est créé au Royaume-Uni un ministère de la Guerre économique. Les rationnements des populations pour les produits
de première nécessité sont aussi effectifs dès les premiers mois de la guerre.
- La mobilisation de la main d’œuvre
Dans tous les États participant au conflit la mobilisation de la main d’œuvre est un élément essentiel à la planification de l’économie de guerre.
Tous les pays font appel à la main d’œuvre féminine. Mais en Allemagne les besoins en bras sont tels que cela ne suffit pas ; les nécessités
économiques et militaires sont difficiles à concilier. Diverses stratégies sont alors employées pour répondre aux besoins de l’industrie
allemande : le recours aux déportés, aux prisonniers de guerre, particulièrement soviétiques, l’emploi de la main d’œuvre étrangère, avec le
déplacement de populations d’Europe centrale ou le STO (Service du travail obligatoire qui envoie les jeunes Français travailler en Allemagne).
En décembre 1944, il y a 8 millions de travailleurs étrangers en Allemagne. La main d’œuvre est destinée à répondre prioritairement aux besoins
de la guerre industrielle. Pour les puissances de l’Axe, l’effort de guerre repose en large partie sur les territoires occupés. En Allemagne le
réarmement des années 1930 a permis au IIIe Reich de subvenir aux nécessités du début de la guerre.
Mais à partir de 1942 l’extension géographique du conflit et les difficultés militaires imposent une accélération de la production. Sous
le contrôle du ministère des Armements et des Munitions dirigé par Albert Speer la production d’armes connaît une très forte croissance : la
production d’avions passe de dix mille en 1941 à quarante mille en 1944 malgré les bombardements alliés. L’Allemagne réussit surtout à
répondre à ses besoins industriels en pillant les territoires occupés : matières premières, réquisitions, indemnités financières imposées
contribuent à l’effort de guerre nazi. En janvier 1944 les pays occupés en Europe de l’ouest fournissent ainsi 25% du charbon utilisé par
l’Allemagne et 30% de son fer. Le Japon met également à contribution toute l’Asie pacifique qu’il a soumise. Derrière la « sphère de coprospérité
» qui doit permettre le développement de tous les espaces sous domination japonaise se cache une exploitation qui permet au Japon de vivre
en quasi autarcie, du moins avant les bombardements stratégiques américains et le blocus qui lui est imposé en 1942.

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Mme TEYSSIER

Chez les alliés, les États-Unis deviennent « l’arsenal des démocraties » mettant au service de la guerre leur fantastique potentiel
industriel (largement en sommeil depuis 1929…). Le Victory Program lancé en janvier 1942, associé à la loi « prêt-bail » de 1941 permet
l’équipement des alliés. Les États-Unis fournissent ainsi 35% des armes utilisées contre l’Allemagne et 86% de celles utilisées contre le Japon.
La production en masse est rationnalisée pour réduire le temps de production. Les résultats sont spectaculaires : en cinq ans les États-Unis
produisent 300.000 avions, un Liberty ship (cargo de ravitaillement) peut être produit en 12 jours ; une jeep¸ en 80 secondes… Du côté soviétique,
l’effort de guerre se fait à partir du déplacement des centres de production à l’est de l’Oural et, après un effondrement de la production
d’armement en 1941, elle dépasse celle l’Allemagne.

- La mobilisation des scientifiques


Dans tous les pays la guerre industrielle se caractérise aussi par une course à l’innovation technologique, mettant la science au service de la
guerre. La puissance de feu de l’artillerie est ainsi multipliée, les missions d’une aviation de plus en plus perfectionnées sont diversifiées.
L’emploi des chars est généralisé dans des divisions blindées. Le porte-avions devient le navire de guerre essentiel : c’est la supériorité navale
qui permet les débarquements en Afrique du Nord, en Europe et dans le Pacifique. La guerre est aussi le moment d’invention de nouvelles
armes. Les fusées V2 allemandes, d’une portée de trois cents kilomètres, s’avèrent redoutables mais arrivent trop tard dans la guerre pour
modifier le rapport de forces. Mais l’invention la plus importante et décisive est l’arme atomique. Élaborée par des savants européens et
américains dans le projet Manhattan, sous la direction du physicien Oppenheimer, l’arme atomique illustre à la fois la modernisation de
l’armement, qui crée une plus grande mortalité, et le rôle de la science au service de l’effort de guerre.

- La violence des combats qui touche aussi bien les soldats que les civils
La Seconde guerre mondiale confirme une autre des évolutions entamées en 1914-1918, celle de l’expérience de la durée et de
l’acharnement des combats. Sur tous les fronts, peu de combattants connaissent la guerre éclair. Au contraire, la plupart connaissent de grandes
batailles qui durent plusieurs mois. C’est particulièrement le cas sur le front de l’Est à partir de la bataille de Stalingrad. La « brutalisation »
des combattants, qui était apparue durant la Première Guerre mondiale, franchit un nouveau seuil durant la Seconde Guerre mondiale où la
haine est tenace entre les Allemands et les Soviétiques d'autant plus qu'une partie des soldats qui s'affrontent à partir de 1941 sont les mêmes
qui se faisaient déjà face lors de la Première Guerre.
Les combats sont particulièrement meurtriers. Les armées ne respectent pas les lois de la guerre ni les conventions de Genève de 1864
et de 1929 qui fixe les réglés du droit international pour la protection des victimes des conflits armes.
En avril-mai 1940, l’Armée rouge organise l’exécution de 22 000 officiers polonais a Katyn. Cette exécution est ordonnée par l’armée allemande,
quant à elle, assassine par milliers les prisonniers de l’Armée rouge. Beaucoup de civils ont été massacrés, avec souvent pour prétexte qu’ils
aidaient les partisans (résistants) qui harcelaient les troupes allemandes derrière la ligne de front. Les nazis veulent montrer la supériorité du
nazisme sur le communisme, et détruire le « système judéo-bolchevique ». Ils veulent aussi étendre et purifier « l’espace vital européen »
nécessaire aux Allemands selon eux et enfin anéantir les Juifs accusés non seulement de pervertir la race aryenne, mais aussi d’être les vrais
instigateurs du communisme et du régime bolchevique. Alors qu’elle s’engage sur un nouveau théâtre d’opérations, la Wehrmacht reçoit pour
consignes de ne faire preuve d’aucune pitié envers les soldats, ni même les civils, soviétiques. En effet, la lutte contre l’Armée rouge s’apparente
à une lutte pour la survie.

Du côté soviétique, il faut absolument libérer le territoire et montrer aux yeux du monde la supériorité du régime stalinien. C’est l’extension de
la guerre à l’URSS avec l’opération Barbarossa déclenchée par l’Allemagne nazie, le 22 juin 1941, qui marque un franchissement du seuil de
violence. Du côté soviétique, l’ordre de lutter à mort contre l’armée allemande vient d’en haut puisqu’il émane de Staline. Ce dernier ordonne
aux soldats soviétiques d’aller toujours de l’avant – « pas un seul pas en arrière » – quelles que soient les difficultés rencontrées. D’ailleurs, il
annonce même l’extermination des « fauteurs de troubles et des couards ». Tout soldat qui recule est considéré comme un traître à la patrie.
L’objectif est non seulement de « repousser » mais aussi d’« exterminer l’ennemi ».

Lorsqu’ils ne sont pas tués, les prisonniers de guerre soviétiques sont parqués dans des camps en plein air où ils meurent de faim et
de froid ou sont envoyés en camps de concentration dans le Grand Reich (exemple Mauthausen). Les prisonniers allemands sont envoyés dans
les camps du Goulag. La guerre entraîne donc une très forte mortalité parmi les militaires : 10,2 millions de soldats soviétiques sont tués, soit 34
% des soldats mobilisés. Le front de l’Est est aussi un lieu où le massacre des civils a été fréquent, avec le prétexte qu’ils aidaient les résistants
qui harcelaient les troupes allemandes derrière la ligne de front. La population civile est aussi volontairement affamée «une grande partie de la
population devra souffrir de la faim». De nombreux civils sont aussi déportés vers l’Allemagne pour y travailler et souvent dans des conditions
très dures (5,3 millions de déportés) Ainsi la mortalité est considérable parmi les civils : 16,8 millions de morts et disparus au total.

C’est bien pour des raisons idéologiques que la violence de guerre devient extrême sur le front de l’Est. Chaque camp essaie non pas
seulement d’atteindre la victoire, mais aussi d’anéantir l’adversaire. Les deux camps défendent une vision du monde radicalement opposée.
Pour l’Allemagne comme pour le Japon, la guerre de conquête se justifie par une idéologie raciste : l’expansionnisme permet de remodeler les
territoires afin d’y imposer un ordre nouveau. C’est particulièrement le cas pour l’Allemagne nazie dans sa lutte contre l’URSS. Dès la rédaction
de Mein Kampf (1924) on trouve sous la plume d’Hitler la notion d’espace vital, qui désigne le projet nazi d’étendre par la force le territoire
de l’Allemagne en Europe centrale et orientale.

Ce jusqu’auboutisme des alliés se traduit par les bombardements massifs des villes allemandes et japonaises. En effet les
bombardements constituent un autre exemple de la totalisation de la guerre dans laquelle les civils sont une cible en soi. Ils ont pour but de
terroriser les populations, briser leur résistance afin de remporter la victoire. C’est le cas du bombardement du sud de l’Angleterre lors de l’été
1940, comme celui des villes allemandes en 1944 et 1945. Malgré les discussions au sein des pays démocratiques alliés sur leur légitimité dans
la conduite de la guerre, ces bombardements de terreur sont utilisés à plusieurs reprises et considérés comme des armes efficaces.
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Ils sont en effet pensés comme le point essentiel d’une révolution stratégique : grâce à la force aérienne on peut désormais détruire le cœur
de l’ennemi en économisant hommes et matériels au sol et contraindre l’adversaire à céder. Le bombardement de Dresde le 14 février 1945
fait de 35 à 40.000 morts. Les bombardements atomiques sur Hiroshima et Nagasaki, tout en étant des cas exceptionnels par leurs
conséquences, relèvent de la même logique. Ces bombardements stratégiques urbains évoluent avec les moyens disponibles, qui permettent
désormais d’anéantir des villes entières. Ces raids aériens commencent ainsi par des lancers de mines qui détruisent les grandes structures, puis
celui de bombes incendiaires qui propagent le feu dans la ville, et enfin par celui de bombes explosives ou à retardement qui ciblent les secours.
L’arme atomique, en permettant un anéantissement total par une seule bombe achève ce processus.
Il faut pourtant relever que ces bombardements ne sont pas à eux seuls synonymes de victoire : ils affaiblissent l’adversaire, en particulier
l’Allemagne dont l’économie est désorganisée et qui doit mobiliser ses ressources pour la reconstruction au détriment de la production
d’armement. Ils n’arrivent toutefois pas à casser le moral des civils malgré le pilonnage des villes (ni en Angleterre en 1940-1941, ni en
Allemagne à partir de 1942).

B. La mise en œuvre des génocides


L’idéologie nazie est fondée sur l’exclusion de ceux qui sont considérés comme des « nuisibles » et comme un risque pour la société
allemande. Dans la vision du monde raciste des nazis cela s’applique aux Juifs, mais aussi aux Tziganes, aux homosexuels, aux handicapés.
Dans les documents nazis, l’obsession de rendre le territoire du Reich Judenfrei (« libre de Juifs ») ou Judenrein (« propre de Juifs ») est
récurrente. Divers projets visent dès les années 1930 à faire de la société allemande un espace vidé de ces populations. L’épuration par la mise
à l’écart de la vie civile, l’émigration, l’enfermement dans des ghettos, puis l’extermination industrielle font partie d’un processus qui est
radicalisé par la guerre mais qui est contenu dès le départ dans les premières formulations de l’idéologie hitlérienne et se concrétise
progressivement à partir de 1933.
1-Les Ghettos une politique ségrégationniste
Avec le début de la guerre en Pologne, la « question juive » change d’échelle lorsque l’Allemagne domine un territoire où se trouvent les
grands foyers de peuplement juif. Les Juifs sont alors internés dans des camps de concentration, initialement prévus à la rééducation des
déviants, et dans des ghettos. Des centaines de ghettos sont créés dans les villes de Pologne, les plus importants étant à Varsovie, Lublin, Lodz
et Cracovie. Dans ces quartiers isolés du reste de la ville et fermés par les nazis, les Juifs sont entassés et réduits à des conditions de vie
misérables. Contraints au travail forcé puis enfermés sans pouvoir sortir, leur survie dans le ghetto dépend de l’approvisionnement en
alimentation et en énergie. Celui-ci n’est ni continu, ni suffisant, ni de bonne qualité. On meurt ainsi de faim, mais aussi de maladies (typhus
et grippe surtout), d’épuisement. La logique de concentration des ghettos atteint cependant ses limites : trop affaiblis ou mourants les Juifs
ne sont plus des travailleurs efficaces pour le Reich. Trop difficiles à gérer (maladies contagieuses), les ghettos pensés comme provisoires, en
attendant la relégation des Juifs hors d’Europe, posent problème et deviennent insuffisants, tout comme l’enfermement en camp de
concentration.
2-La Shoah par balle
Aussi, à partir de l’invasion du territoire soviétique en 1941, la politique d’exclusion des Juifs par les nazis se radicalise vers la « solution finale
», même si le terme est employé dans les documents nazis dès 1939. Avec la guerre totale à l’Est, la politique nazie contre les Juifs passe de
mesures ségrégatives (exclusion de la vie publique, déportation, réorganisation territoriale, ghettoïsation) à des massacres de masse et à
l’extermination industrielle. Après le déclenchement et le succès de l’opération Barbarossa le 22 juin 1941, l’armée allemande contrôle un vaste
territoire soviétique dans lequel les populations juives sont nombreuses, particulièrement en Ukraine : 5 millions de juifs vivent en URSS, dont
4 dans les territoires occupés par l’armée allemande. À l’arrière du front des unités spécifiques, les Einsatzgruppen, utilisées en Pologne dès
1939, se déplacent en suivant l’avancée des troupes et sont chargées de l’élimination de tous ceux qui sont considérés comme des ennemis
de l’intérieur, que l’on ne peut laisser à l’arrière, « dans le dos » des soldats. Il s’agit des responsables soviétiques, des Juifs, des Tziganes. Les
Juifs et autres ennemis sont regroupés, à l’écart des villes et des villages, dans un lieu d’exécution soigneusement choisi (souvent en forêt) et
préparé (fosses). L’exécution est méthodique, selon les instructions définies à l’avance. L’organisation rigoureuse des exécutions et le vaste
espace géographique concerné expliquent l’importance des victimes des Einsatzgruppen : environ 1,5 million. Les « unités mobiles de tuerie
», pour reprendre l’expression qu’utilise à leur sujet Raul Hilberg, réalisent un véritable génocide avec l’extermination programmée et organisée
des Juifs d’Europe orientale ; un génocide « régional », liée à l’avancée sur le territoire soviétique. L’action des Einsatzgruppen est, la plupart
du temps, séparée de celle de la Wehrmacht. Mais contrairement à ce qui a longtemps été dit, notamment par l’armée allemande, les frontières
sont parfois floues et les opérations peuvent se recouper. L’armée mène aussi des actions de « lutte contre les partisans », incluant des
Soviétiques mais aussi tous ceux qui sont soupçonnés de connivence avec eux.
Les populations soviétiques, lorsqu’elles fuient et se déplacent, sont ainsi souvent confondues avec des Tziganes et exécutées. Les
Einsatzgruppen sont ainsi responsables de l’essentiel de la politique d’extermination même s’il ne faut pas exclure d’autres actions de l’armée.
Cette politique d’extermination s’appuie parfois aussi sur des auxiliaires locaux. C’est le cas lors du massacre de Babi Yar, en Ukraine en 1941,
l’un des plus importants lieux de massacres commis sur le front oriental : les 29 et 30 septembre 1941, 33 741 juifs de Kiev, soit un tiers de la
communauté juive de cette ville, sont massacrés devant le ravin de Babi Yar qui restent les mois suivant un lieu d’extermination : 100 à 150.000
victimes supplémentaires y sont exécutés Toutefois l’extermination menée par les Einsatzgruppen soulève un certain nombre de problèmes
pour les autorités nazies. Les exécutions ont nécessairement des répercussions sur les populations civiles. Souvent indifférente, la population
soviétique comprend cependant l’enjeu de ces massacres, se sachant à peine mieux placée que les Juifs dans la hiérarchie raciale des nazis.
La crainte et la réprobation vont croissant à mesure que la domination allemande est plus rigoureuse. Les SS doivent alors cacher les
exécutions.
L’extermination des Juifs a aussi des répercussions sur l’armée, de plusieurs natures. Un esprit critique, « diffus mais néanmoins perceptible »
se développe, obligeant à réaffirmer les ordres et la hiérarchie militaires. Par ailleurs les exécutions fascinent certains soldats, qui peuvent
devenir incontrôlables et assassiner seuls et sans ordre des Juifs, posant ainsi un problème de discipline militaire. Les photographies prises par
les soldats, ou le récit qu’ils font du spectacle des exécutions ou de leur participation aux meurtres de masse dépassent aussi les frontières de
l’armée, posant cette fois-ci un problème politique aux nazis. Enfin, les exécutions massives ont aussi des conséquences non négligeables sur
les policiers et SS eux-mêmes. L’exécution est pourtant conçue et préparée comme un travail à faire, en conformité avec les exigences d’un
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temps de guerre. Le mal est ainsi banalisé, et la solidarité de groupe doit permettre aux exécutants d’adhérer aux ordres. L’endoctrinement est
continu, d’autant plus que les membres des Einsatzgruppen ne sont pas tous des fanatiques : ils y ont été affectés sur ordre, et beaucoup sont
simplement là parce que non aptes au service militaire actif. Aucun ne s’est porté volontaire pour tuer des Juifs. Les conséquences
psychologiques et somatiques sont nombreuses, la consommation d’alcool répandue et il y a quelques cas de refus qui ne sont pas sanctionnés.
Les policiers changent de fonction (surveillent par exemple), preuve que la difficulté psychologique de ces exécutions est bien prise en compte.
3-La mise à mort industrielle
Outre ces difficultés pour les nazis, cette extermination se révèle trop lente à leurs yeux ; et à l’automne 1941 les premiers centres
d’extermination commencent à être construits, notamment celui de Belzec. On entre dès lors dans ce que Raul Hilberg appelle la « seconde
grande opération qui aboutit à transporter les Juifs de toute l’Europe vers les camps munis d’installation de gazage ». La politique nazie se
radicalise envers les ennemis intérieurs.
- Le 19 septembre 1941, tous les Juifs du Reich doivent porter une étoile jaune, ce qui permet l’identification directe et donc, plus tard,
facilite les rafles.
- Entre le 20 et le 25 octobre 1941, Himmler décide de la construction d’un centre de mise à mort à Belzec, l’agrandissement de
Birkenau, l’interdiction de sortie du territoire européen aux Juifs.
- Le 7 décembre 1941 a lieu le premier gazage dans un camion à Chelmno.
- Enfin, en janvier 1942, la conférence de Wannsee complète ce processus.

Cette réunion est centrale dans le passage de l’extermination des Juifs par des unités mobiles à la mise en œuvre d’une extermination dans
des centres industriels.
Dans la mise au point de cette « solution finale » Himmler, chef des SS, et son bras droit, Heydrich, jouent un rôle déterminant. La conférence
de Wannsee aboutit à un protocole qui prévoit l’acheminement des Juifs de tous les pays occupés vers des centres d’extermination. Après la
conférence de Wannsee toute une administration est mise en place pour acheminer les Juifs de l’Europe entière vers les camps de l’est. Le
système d’extermination devient plus complexe : déportations massives, organisation plus vaste à l’échelle européenne ; de nouvelles
ressources sont mobilisées pour appliquer la « solution finale ».

Les historiens s’accordent sur l’idée que l’extermination des Juifs relève donc d’un processus, d’une prise de décision progressive, dans
laquelle les mesures d’exclusion et de concentration cèdent la place à la liquidation physique, puis à la systématisation de celle-ci dans le sillage
de l’occupation de l’URSS. Les centres d’extermination (Chelmno, Belzec, Sobibor, Treblinka, Majdanek, Auschwitz-Birkenau) sont tous situés
sur le territoire de l’ancienne Pologne, là où les Juifs sont plus nombreux. La transformation d’Auschwitz, achevée au début de l’année 1943,
fait de ce camp le plus grand centre de destruction des Juifs d’Europe. Le complexe d’Auschwitz est formé du premier camp de concentration,
ouvert en 1940, où sont principalement internés des hommes polonais. Il se double d’Auschwitz II Birkenau, à la double fonction de camp de
concentration et de centre d’extermination, où fonctionnent les deux premières chambres à gaz de mars 1942 au printemps 1943, ensuite
abandonnées au profit des quatre installations contenant chambre à gaz et crématoires. A côté de ces deux camps se trouve le troisième
ensemble à Monowitz où se situe l’immense usine IG Farben, construite à partir du printemps 1941, et destinée à produire du fuel et du
caoutchouc synthétique. Devant au départ fonctionner avec des prisonniers de guerre soviétiques, ce sont finalement les Juifs « aptes » qui
seront employés dans l’usine. Dans cet immense ensemble, c’est dans le camp de Birkenau que s’organise la mort industrielle des Juifs.
- Les convois arrivent dans le camp puis à partir du printemps 1944 directement jusqu’à la zone des crématoires avec le prolongement
de la voie ferrée.
- Les déportés sont triés par le médecin : les « aptes » au travail sont séparés des femmes, enfants, vieillards et tous ceux jugés trop
faibles.
- Ces derniers, sans être enregistrés contrairement aux autres déportés qui sont eux immatriculés et tatoués, sont immédiatement
conduits vers les chambres de déshabillage. Croyant aller vers une salle de douche, les déportés sont enfermés par centaines dans
une pièce hermétique où ils sont gazés. Le gaz employé, le Zyklon B, est un insecticide acide qui met quelques minutes à tuer.
- Les corps sont ensuite ramassés et ensevelis dans des fosses communes ou, à partir du printemps 1943 incinérés par les
Sonderkommandos, des Juifs chargés de cette ignoble besogne avant d’être à leur tour exécutés.

Le fonctionnement d’Auschwitz-Birkenau traduit l’organisation industrielle de la mort ; le commandant d’Auschwitz, Rudolf Höss, explique
lui-même dans ses mémoires que face à l’afflux de déportés c’est une sorte de travail à la chaine qui est mis en place. En effet en 1943 sont
déportés vers Auschwitz les Juifs des Balkans puis d’Italie. En 1944 arrive un grand nombre de convois venant de Hongrie, les Juifs des derniers
ghettos polonais liquidés comme celui de Lodz, puis les prisonniers d’autres camps évacués devant la progression de l’armée rouge (celui de
Majdanek). Au total, même si les chiffres sont difficiles à établir, on considère qu’environ 1,3 millions de personnes ont été déportées dans le
camp d’Auschwitz, et 1,1 millions y sont mortes. Les installations d’Auschwitz sont finalement détruites par les SS sur ordre d’Himmler en
novembre 1944.
4- Un effroyable bilan
Le bilan de la politique d’extermination nazie dépasse l’entendement. Dix millions de personnes sont tuées : prisonniers soviétiques,
internés dans des camps de concentration, Juifs et Tziganes exterminés. Les victimes juives représentent environ six millions de morts, les
Tziganes deux cent quarante mille.
Les deux tiers de la population juive d’Europe ont disparu ; dans certains pays c’est presque tous les Juifs qui ont été massacrés : 90% de la
communauté juive polonaise, 90% de la communauté lituanienne, plus de 80% des communautés grecque et autrichienne. En URSS si la
proportion est moindre, le nombre de victimes juives atteint 700.000.
Les inégalités entre régions occupées par l’Allemagne s’expliquent par les attitudes variables des gouvernements, qui collaborent
plus ou moins, et par l’attitude des populations, qui résistent en sauvant la population juive. L’État français de Vichy, en collaborant activement
aux déportations, fait ainsi partie des gouvernements très zélés et bien plus qu’auxiliaires de la politique nazie d’extermination. Aux antipodes,
le Danemark, dans l’un des plus grands actes de résistance collective de la guerre, parvient, contre les ordres de l’occupant, à sauver 99% de sa
communauté juive.
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Le génocide des Juifs et des Tziganes, à l’échelle européenne, est le symbole de la guerre d’anéantissement. Ici l’anéantissement
n’est même plus seulement la destruction totale de l’ennemi intérieur, ce sont ses restes, ses traces, qui doivent aussi disparaître. D’où le
maintien du secret autour de la « solution finale », d’où la destruction des camps autant que possible avant le départ des SS. Comme l’écrit
Anne Duménil « massacres de masse et génocides laissent des endeuillés sans corps à veiller, sans récit de mort et sans représentation de celle-
ci, comme si rien n’avait eu lieu. L’anéantissement de la personne et de la communauté est ainsi parachevé tant que rien ne vient inscrire ces
morts dans l’histoire collective ». L’histoire collective a pourtant pris corps autour de la Shoah, qui est devenue un élément central de la
mémoire de la Seconde Guerre Mondiale. Le génocide des Juifs, avec Auschwitz comme symbole, a pourtant longtemps été mis de côté, voire
occulté par des sociétés d’après-guerre préoccupées par la reconstruction et pour qui le déporté est surtout le résistant. C’est à partir des années
1960, et notamment avec le procès d’Eichmann à Jérusalem en 1961, que se constitue une mémoire collective de la Shoah s’affirmant dans
l’espace public. La mémoire de la Shoah est aujourd’hui mondialisée, porteuse parfois de visées différentes, parfois niée aussi. Mais à côté de
l’évolution, et à certains moments des concurrences des mémoires, l’histoire des génocides explicite les motifs, les conditions, les conséquences
d’un processus d’extermination qui dépasse l’entendement et qui, dans une guerre totale et mondiale, porte à son comble la notion
d’anéantissement.

3ème partie : La France dans la Seconde Guerre mondiale (1h)


Séance 3 : Comment le rôle de la France pendant la Seconde Guerre mondiale témoigne-t-il des fractures de la société française ?

A. La défaite française
L’année 1940 est marquée en France par une défaite militaire humiliante qui stupéfait le monde entier. La défaite n’a pas pu être
pensée par les contemporains car aucun signe avant-coureur ne permettait de l’anticiper. Grande puissance coloniale, la France est une force
militaire redoutée quand elle déclare la guerre à l’Allemagne le 3 septembre 1939 aux côtés des Britanniques. Ses forces armées lui permettent
de rivaliser avec l’armée allemande et la mobilisation indique que les hommes sont prêts à se battre. Après huit mois d’une « drôle de guerre »
qui déconcerte l’opinion, la rapidité de la défaite en mai-juin 1940 provoque un effondrement brutal du pays et de ses structures, avec près de
huit millions de réfugiés sur les routes. Cet effondrement est vécu comme un traumatisme par les Français qui entrent alors de plain-pied dans
les « années noires ». Succédant en mars 1940 à Édouard Daladier à la présidence du Conseil, Paul Reynaud échoue à constituer un véritable
« cabinet de guerre » et doit composer au sein même de son gouvernement avec la persistance du courant « pacifiste » qui demande l’ouverture
de négociations avec l’Allemagne.
L’offensive allemande du 10 mai 1940 provoque un effondrement militaire qui s’accompagne d’une véritable crise politique dès lors que le
gouvernement apparaît miné par l’opposition entre les partisans d’un armistice et ceux qui souhaitent continuer la lutte aux côtés des
Britanniques grâce aux ressources de l’Empire et à la flotte demeurée intacte.
Les arguments de chaque camp montrent que sont déjà en germe les deux visions géopolitiques qui allaient caractériser par la suite le
régime de Vichy et sa politique de collaboration d’un côté, la France libre et la poursuite de la guerre aux côtés des Alliés de l’autre. Dans ce
contexte, deux lignes de conduite s’opposent au gouvernement.
Le président du Conseil – donc le chef du gouvernement sous la IIIe République –, Paul Reynaud, est partisan de la capitulation avec l’Allemagne
d’une alliance renforcée avec le Royaume-Uni, qui permettrait de continuer ensemble le combat depuis l’Angleterre et depuis l’Empire.
À l’opposé, le maréchal Pétain, entré au gouvernement comme vice-président du Conseil (17 mai 1940), est favorable au fait d’accepter la
défaite. Il défend l’idée d’une cessation des combats dans le cadre d’un armistice, c’est-à-dire d’une cessation provisoire des hostilités.

L’armistice signé dans la clairière de Rethondes entre les délégations françaises et allemandes le 22 juin 1940 marque la fin de la bataille de
France. Pour Hitler, cet armistice constitue la revanche de 1918 et permet d’imposer des conditions très dures à la France, avec notamment
l’occupation des deux-tiers de son territoire. Mais le « Führer » souhaite également que la France vaincue sorte définitivement du conflit. Il ne
veut pas voir le gouvernement français quitter la métropole. Le chancelier du « Reich » renonce à certaines dispositions qui auraient pu faire
échouer la négociation, notamment une occupation totale du territoire, l’occupation d’une partie de l’empire, la remise totale ou partielle de la
flotte française.
L’armistice est un événement considérable qui pose le cadre juridique de toute l’Occupation, place la France dans une dépendance totale à
l’égard du Reich et constitue en réalité la matrice de toute la politique du futur gouvernement de Vichy, notamment la collaboration avec
l’Allemagne.

B. Le Régime de Vichy
Le gouvernement du Maréchal Pétain s’installe en zone libre à Vichy. Auréolé par son prestige issu de la Première Guerre mondiale et
vu comme le « sauveur de la « paix », il obtient du Parlement les pleins pouvoirs le 10 juillet et modifie la Constitution. Il devient « Chef de l’État
français » doté des pouvoirs exécutifs et législatifs. Pierre Laval, personnalité de la droite conservatrice, est nommé vice-président. C’est la fin
de la IIIe République. Plus encore, c’est la fin de la République.
Il s’agit en effet d’un régime autoritaire d’extrême droite. Les médias sont sous contrôle, au service de la propagande d’État qui instaure un culte
à la gloire du chef. Il s’entoure d’une armada de fonctionnaires dévoués et la Légion française des combattants, composée des anciens de 14-
18, forme la garde prétorienne du régime. Des organisations de jeunesse, tels les Compagnons de France achèvent de donner sa couleur fasciste
au nouveau régime.
Les élections sont supprimées ainsi que le pluralisme politiques : les opposants sont arrêtés voire déportés et d’anciens dirigeants de
la IIIe République comme Édouard Daladier, Léon Blum, Paul Reynaud, sont accusés d’être responsables de la défaite de 1940 et jugés lors du
procès de Riom (février-avril 1942). Selon Pétain et les siens (la droite traditionnaliste réactionnaire héritière de l’antidreyfusisme et des « anti-
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Lumières »), les « dérives » d’une France devenue trop « rouge », trop « juive », trop oisive dans les années 1930, notamment sous le Front
populaire détesté, sont les causes profondes de la défaite : la France est malade, il entend la régénérer par une « Révolution nationale » résumée
dans la nouvelle devise « travail, famille, patrie ». Le travail : les métiers d’autan, artisanat, agriculture sont glorifiés ; les syndicats et les grèves
sont interdits ; les corporations de métiers resurgissent. La famille : c’est le retour du modèle traditionnel. Les femmes doivent retrouver leur
rôle au foyer, faire plus d’enfants et le divorce est presque impossible. La Patrie : derrière le drapeau, seuls les « vrais » français sont reconnus
dans un relent très fort de xénophobie et d’antisémitisme tout à fait assumé. Les Juifs sont très rapidement exclus de la communauté nationale,
la fonction publique et un grand nombre de professions leur étant interdites par les ordonnances du 3 octobre 1940 et du 2 juin 1941 qui
émanent de la volonté propre de l’État français sans que l’Allemagne ne les lui impose.

Le 24 octobre 1940, Pétain rencontre Hitler à Montoire (dans le Loir-et-Cher). Elle marque la collaboration idéologique et politique entre régime
apparenté. C'est dans le domaine de l'antisémitisme que la collaboration d'État a été la plus active. Vichy met immédiatement en œuvre et
avant que les Allemands ne demandent quoi que ce soit, une politique d'exclusion débouchant sur un antisémitisme d'État, qui passe d'abord
par le retrait de la nationalité française à plus de 15 000 étrangers, dont 6 000 Juifs. A partir du juillet 1942, près de 13.000 Juifs sont arrêtés,
parqués et déportés vers Auschwitz. C’est la « rafle du Vel’ d’hiv’ ». Au total, 76.000 des 300.000 juifs de France métropolitaine disparaissent
dans les centres de mise à mort nazis.

La collaboration est aussi économique entre industriels et banquiers français et allemands. Ainsi des chefs d'entreprise français vont ainsi
s'enrichir en acceptant de travailler pour les Allemands, à l'instar du constructeur automobile Renault.
Enfin la collaboration est policière avec la création de la milice par Laval pour prêter la main forte à la gestapo dans la traque des résistants, des
juifs, des réfractaires au STO, Service du travail obligatoire, mis en place, par lui-même, en février 1943 et qui organise la réquisition et le transfert
vers l’Allemagne de travailleurs contre leur gré. Au total, au moins 600.000 français ont été concernés.
Forte de 35 000 adhérents dont 15 000 sont armés (les miliciens), recrutés y compris parmi les repris de justice et les voyous, elle compte les
éléments les plus extrémistes parmi les collaborationnistes et les fascistes. Elle accumule de plus en plus de pouvoirs surtout à partir de janvier
1944 lorsqu'elle commence à se substituer aux forces de polices régulières et à agir en toute impunité. La Milice devient une organisation de
type fasciste. Elle impose pendant les derniers mois de l'Occupation un régime de terreur : les miliciens pratiquent l'infiltration et l'attaque des
maquis mais aussi le meurtre politique (Jean Zay en juin 1944 ou Georges Mandel en juillet 1944, anciens ministres du Front populaire) et les
exécutions arbitraires. Cela entraîne un tel désordre dans le pays que Pétain lui-même s'en plaint auprès de Laval. Les miliciens lancent une quasi
guerre civile contre la Résistance en multipliant les attaques de maquis.

A- La Résistance
La Résistance désigne l'ensemble des oppositions actives à l'occupation d'un pays par une force étrangère, en l'occurrence ici par l'Allemagne
nazie. Elle est d'une très grande variété dans ses modes d'action : refus de travailler pour les Allemands, actes de sabotages, aide aux personnes
en danger comme les Juifs, rédaction de tracts clandestins, impression de journaux clandestins ... Le refus d'obéissance au régime de Vichy est
aussi une forme de Résistance, puisque ce régime a fait le choix de collaborer avec les Allemands. On distingue une Résistance intérieure,
organisée clandestinement sur le sol français, et une Résistance extérieure (appelée France libre), mise en place sous l'égide du général de
Gaulle depuis Londres puis Alger, qui vise à mettre sur pied une armée (aide apportée aux Alliés) et un État qui sera capable de remplacer le
régime de Vichy le moment venu. En effet refusant l’armistice demandé par Pétain, le général de Gaulle, lance un appel, le 18 juin 1940, à
poursuivre la lutte depuis Londres. Il fonde la France libre et les Forces françaises libres (FFL), composées l’une et l’autre de soldats et de civils
échappés de France et de troupes coloniales. Les FFL, dont les effectifs s’élèvent à 73.3300 hommes en 1943, se battent sur les différents fronts
de la guerre sous commandement britannique et s’illustrent notamment lors de la bataille de Bir Hakeim.

Par ailleurs, pour se donner une légitimité aux yeux des alliés, de Gaulle forme, en septembre 1941, un gouvernement, le Comité national français
qui devient le Conseil français de libération national et s’installe à Alger en juin 1943 suite au débarquement allié en Afrique du Nord. En effet
depuis juin 1940, de Gaulle est « chef des Français Libres » autoproclamé. Cependant, il lui faut former une autorité nationale légitime, une
structure gouvernementale capable d’assurer la légitimité de son autorité en exil face aux Alliés, à l’occupant mais aussi face à Vichy. Le Comité
national s’organise autour de différents ministères, ici rappelés scrupuleusement par Gaston Palewski, qui constituent les instruments de
l’exercice du pouvoir. Il s’agit d’une entité bien sûr non représentative, provisoire dans l’attente de la Libération, constitué par des compagnons
de de Gaulle, de fonctionnaires (Hervé Alphand, André Diethelm ou Palewski lui-même), d’intellectuels (Jacques Soustelle) ou de cadres brillants
(René Pleven) qui se rallient à lui progressivement afin de construire une autorité civile. Cependant, ces gaullistes de la première heure ne sont
qu’une poignée et manquent de moyens et d’autorité pour peser dans le conflit.

En France métropolitaine, la Résistance est d’abord timide, Pétain bénéficiant alors de la confiance d’une majorité de la population. Il s’agit de
plusieurs groupuscules (Combat, Franc-Tireur, Libération-Sud) qui organisent une presse clandestine, des attentats, des opérations de sabotage,
de renseignement, d’évasion. Les événements de la guerre et le cours de l’occupation entrainent un gonflement des effectifs. L’invasion de
l’URSS par l’Allemagne amène les communistes, jusque-là, pour la plupart, attentistes en vertu du pacte germano-soviétique, à s’engager dans
le Front national créé le PCF en mai. La promulgation du STO en 1943 pousse de nombreux jeunes à prendre le maquis. A partir de 1941, tous
les mouvements de la résistance intérieure sont progressivement unifiés par Jean Moulin sur l’ordre de De Gaulle. En mai 1943, Moulin inaugure
la première réunion du Conseil national de la Résistance, avant son arrestation et sa mort en juillet. De Gaulle est alors reconnu comme seul
chef de la Résistance. Une « armée de l’ombre » mène alors sur le sol national une guérilla face à l’occupant nazi et à Vichy. Les débarquements
alliés de Normandie (6 juin 1944) et de Provence (15 août 1944) précipitent les événements. La guérilla se généralise et Paris est libéré le 25
aout, après 6 jours de combat, par les résistants et la 2ème division blindée du Général Leclerc (aux ordres d’Eisenhower). Le 26 août, une foule
en liesse assiste à la marche triomphale de De Gaulle sur les Champs-Élysées.

Conclusion
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Mme TEYSSIER

La Seconde Guerre mondiale est un conflit mondial, opposant les forces de l’Axe aux Allies sur tous les continents et tous les océans. Elle est
aussi un conflit total, pour les civils qui sont mobilisés ou victimes de violences, et pour les soldats, car les lois de la guerre ne sont plus respectées.
Elle est la première guerre d’anéantissement de l’histoire de l’humanité : l’objectif de chacun des deux camps est de détruire l’ennemi, par tous
les moyens, plus seulement de le vaincre. En témoignent le génocide des Juifs et des Tsiganes ou le bombardement nucléaire sur Hiroshima et
Nagasaki.
Le destin de la France est aussi grandement bouleverse par cette guerre. Vaincue, elle est occupée militairement et entre dans la voie de la
collaboration suite aux décisions du maréchal Pétain. Mais une poignée d’hommes, autour du général de Gaulle, refuse l’occupation et la
collaboration : ils résistent et se battent pour la libération du pays, qui s’étend entre 1944 et 1945.

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