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Avec , Monique Canto-Sperber, , Dimitri El Murr, Raphaél Enthoven, . , Francis Wolff... PHILOSOPHIE MAGAZINE EDITEUR 20 NOS LIVRES Te SONT DISPONIBLES EN FORMAT NUMERIQUE Delécroix Forest REMEDE AVACCELERATION philomag.com/livres ‘SVEN ORTOU REOACTEUR EN CHEF Faut-il sortir de la caverne ? Soit une caverne obscure et des hommes enchainés par les pieds et la nuque, face 4 la paroidu fond, Derriére eux, un muret. Derriére ce muret, tn brasier flamboyantetentre Jes deux, des marionnettistes qui agitent des silhouettes d'animaux, de dieux ou d’hu- mains. Leurs ombres apparaissent sur la paroi face aux prisonniers. Elles sont le monde & leurs yeux. Lun des enchainés est libéré, trouve un chemin vers le dehors, y découvre la douce lueur de la lune et des étoiles, puis celle aveuglante du solei I reviendra, les yeux éblouis par les allers-retours de Yombre & la lumidre puis & Yombre, pour affronter ses compagnons, les éduquer peut-tre, sils ne le mettent pas & mort. Le philosophe, dit en somme Platon, c'est le gars qui a le courage de sortir de la caverne, puis d'y revenir. Interprétez. Vous avez I’éternité. Cestbeau, intelligent, irritant, déconcertant, proche, étranger, bef, Cestla salle des pas perdus de la philosophie. Chacun y passe, chacun sy retrouve, chacun la voit &sa fagon. En mars 1939, Paul Valéry célébre ainsi le centenaire de invention de la photographie: «Qu’est-ce que la fameuse caverne de Platon, sice nest déja. une chambre noire, ta plus grande, je pense, que Von ait jamais réali- sée,»Etilfile la métaphore jusqu’ imaginer que sil avait «réduit@ un trés petit trou Fouverture de son antre, et revétu d’une couche sensible la paroi qui lui servait d'écran, Platon, en développant son fond de caverne, efit obteru un gigantesque film». Un film? Pourquoi pas. Il serait monté avec vingt-cing siécles din- terprétations composées en majorité de celles qui jugent qu'on ne peut passortir de la caverne: de Nietzsche, pour qui le passage a la «lumiére dujour> traduit une pathologie toute socratique, un «fanatisme» dela raison, & Michael Walzer qui affirme: «Sortir dea grotte, quitter la ville, _grimper au sommet de la montagne, ce nest pas mon genre. Moi je reste enville parce quil nya rien dehors. Le mode socratique est une illusion ». Et autour d’eux la cohorte des immanentistes, spinozistes en téte. Mais on ne se débarrasse passi facilement de Platon! D’abord parce qu'un petit village diméductiblesidéalistesa toujours résisté: de Simone Weil pour quisortirde la caverne, Cest sortir du temps, passer au- Comment sortrde neaverne? 77 Sommaire PLOSOPME MRGADINE HORS SERIE REPRENDRE EN FINIR EN MAIN: AVEC LES DISCOURS EUX pp. 36-51 CHRONOLOGIE ‘Soumettre sa vie a Vexamen Socrate et les sophistes, Sven Ortoli Entretien avec un match interminable PP. 08-11 Monique Canto-Sperber Martin Legros 7 PP. 38-41 PP. 54-58 Les dialogues socratiques 2 a Octave Larmagnac-Matheron exrearrs exrearr et Naomi Hytte Faut-il suivre ses désirs? Lhéritage de l'Europe (Patotka) pp. 12-17 pp. 42-43, p.59 Vie dun homme ilustre exrearrs exTRAITS Octave LarmagnaeMatheron justice faitelle le bonheur? Queese-ce que Pame? pp. 18-28 pp. 44-45 pp. 60-61 VLallégorie de la caverne Sur la bonne voie La raison, les poétes et les mythes Jean Harambat (le mythe der et The Good Place) ‘Entretien avec Létitia Mouze pp. 24-27, ‘Samuel Lacroix pp. 62-63 = PP. 48-49 = Une apologie de la libération em EXTRAITS par ia connaissance Kant et Platon ‘Comment puis me connaltre? Enuetien avec Francis Wolff Octave Larmagnac-Matheron DP: 66-67, 5 PP. 28-35 PP. 50-51 = 3 te ree exraarrs i Comment prendre soin de tame? PP. 68-69, a Sophistes contre lanceurs d'alerte i (Thank You for Smoking & et Revelations) & Ollivier Pourriol 7 PP. 70-71 i i Nietzsche et Platon & ‘Naomi Hytte ; Bn coertre j Raphael, LEsol dithines (1512) Pp. 72:78 : a, Muotes du Vatican, sx i i F 3 es ENSUE, 1ONUMEROSPARAN Raton: 0c 00s PEFC Philosophie jee. owueoseem naive rar fate tonghitmapern/Omecsursacien Necntelcarevce ae sends: Piconiemagune ts eec cOCEToomECaIa FakeTOLSSEON TIS % Ghoonscon/Gtee fitment ug) ion AP Teale pert aere SimersalusetestrebTe Ibe en serene i (eg duper Sd Tate res eyelns:%»Cori PEE» Eutepisaon- 001 gt (RETROUVER SE METTRE EN RECONST! LE GOUT QUETE DE L’AMOUR LE MONI DE L’ABSOLU ETDU Hee kee tee Pp. 74-95, ppp. 96-113 pp. 114-129 j Vivre sous Vembléme des idées ras et Philia, passions rationnelles Une «sublime Entretien avec Alain Badiou Entretien avec Dimitri El Murr mise en garde» politique pp. 76-81 pp. 98-101 Raphaél Enthoven, = = pp. 116-119, EXTRAITS _-EXTRAITS = Quiest-ce qu'une idée? A quoi sert la beauté? Le savoir peut-it pp. 82-83 pp. 104-105 ‘guérir la politique? = = Martin Legros EXTRAITS Quand Platon fait te Beau pp. 120-122 Comment connaitre les idées? __Entretien avec Manuela Valle = pp. 84-85, pp. 106-109, Pour vivre heureux, vivons cachés! = = Laurence Devillairs EXTRAITS Les ames prédestinées pp. 123-125 Les idées sont-elles réelles?_(Aristophane et Game of Thrones) ee Pp: 88-89 Octave Larmagnac-Matheron, Les mythes de UAtlantide ea pp. 110-111 ‘Octave Larmagnac-Matheron Les lois physiques = PP. 126-127 dans le ciel des Idées ‘Simone Weil et Platon = Etienne Klein Octave Larmagnae-Matheron Popper et Platon Pp. 90-91 pp. 112-113 ‘Octave Larmagnac-Matheron ae ree Pp. 128-129 Le lieu de la révélation ae (Matrix et The Truman Show) Ollivier Pourriol Pp. 92-93 Aristote et Platon ‘Sven Ortoli PP: 94-95. Une BD & suivre par Jean Harambat pp- 130-146 HORS-SERIE "PLATON” Eté 2020 Rédacteren chet: Sven Orc Rdacteur: Octave Lamagna:-Matheron Secrtie de réaction: Vincent Pascal Rédctice state: arm Deen atsique: Jor Pace Vise UEcarur Veanagraphe: Seesre Tener /Comartare: © Ee Yrs) 2strage Deter dea publation:Fabice Gerchel/ Responsable administrative: Sope Gare Darr Fabrication: Rages pression: Vd, usc Constance 21 du Pes Neu, 62120 ies ys) Commision paar 0521 D S8041 ISSN: 2108 32%6/Dépet gal: son Piesphie ‘agains tt Piston SAS 9 aps de 340200 gure RCS Pre 84835800157 Prside: co Gorse Relations presse: Ca Conte! (6142042100, rancowecaretcanet co /Publeté utr, commerciale partenais: Acre Plare (017118 168), splsreaohiragcorn/impire Farce, nein France La redaction espa esporsle ces exes ot aoaments i sonvenjes. Se ev as ends es apts) HORS SERIE PHILOSOPHIE MNGHZINE Sommaire N ‘Comment sortir de la caverne? a Platon q = 496 415 ~470 ~ 490 GJ Naissance de Sopot. © Mort dHérachte d'éphése qui © Naissance de Socrate © Anaxaporeenseigne oO: professai le dvenir universe astonome explication we 435 «Tout change» = 483 des éclipses) a Athenes. BBE Wort doythagoe, né _-—«Parmbrde Ee (-544 Representation des © VOrested Essie hs 580. On salt peu de choses, 1° 450) pose le principe Supplantes dschyle, 3 simon qi aurat apps es immabiltéet de étemite gy apparait pour fa premiére — —441 env. $ —maths ABabjoneet seserat dete. fois le mot ETE — 399 — 392 - 310 360 {J ONistippe tonde une école © Représentation de ‘© Redaction par Xénophon © Praie sculpt Aphvaaite OE sone Assemblée des femmes, de Anabase rit du péiple de Cnide, premiére we cométie dristophane. des Dix-il, et représentation du nu féminin GS 39 eta Cyopédisbiogaphie dans a grande statuaire,doat =o romancée du souverain Pline Ancien écia qu'elle S —oLacatapulte est uliste - 384 romance Oo eas etm tacsi'@ Relsina thsi perse Cyrus I quiinflencera _«surpasse tutes les auvres Bde Motyé, en Sicile 2 Stagire (Macédoine), oe ear’. 5 Z = 367 355 E305 em. Oe Snuisstie ui'saltet ‘© fristote vent & Athenes, © Mort de Xenophon E Praitéle iy su pean enti 5 années enseignement 8 de Platon ge gs 58 Bo Bg ‘Comment sortir de la caverne ? S Dialogues PRILOSORHE MAGAZINE HORS-SEREE (399 /-385) Dialogues Ce jeunesse UE PES ILLUSTRATIONS MATHIEU POUPON PROTAGORAS OU LES SOPHISTES QUESTION CENTRALE Qu’est-ce que la vertu? rotagoras revendique son travail de sophiste, qui rend chaque jour ses éléves meilleurs. Meilleurs en quoi? demande Socrate. Le sophiste, répond son interlocuteur, est celui qui enseigne Abien déibérer dans les affaires privées et publique seigne la vertu politique. — Ne faut-il pas, demande Socrate, connaitre ce que lon prétend enseigner? Si Protagoras enseigne la vertu politique, il doit done pouvoir donner une définition de cette vertu. Et déterminer quel est le rapport entre cette vert spécifique et Vidée de vertu en général. —Les vertus, répond Protagoras, sont limage des par ties du visage elles vont ensemble maissontdistinctes. La proposition ne satisfait pas Socrate, Mais examen nlaboutit a aucune définition claire. Pita Prodicos MYTH: PROMETHEE PHILOSOPHIE MNGHZIE HORS-SERIE GORGIAS OU SUR LA RHETORIQUE {QUESTION CENTRALE Qu’est-ce que la rhétorique? elon Gorgias, Part rhétorique donne a un dis- cours la puissance de convainere son interlo- cuteur, II faut done se méfier des mauvais usages dune telle puissance. Socrate, lui, refuse de consi- dérer la rhétorique comme un art parce que ce maniement des discours ne suppose aucune connaissance du vrai et du juste, et ne vise qu’& flatter le peuple. Linsistance de Socrate sur la justice agace Calliclés, pour qui le bonheur se résume au plaisir. Aucune loi ne devrait brider les désirs et la puissance des plus forts. Mais peut-on étre heureux en commettant l'njustice? Interlocuteurs de Sorat Gorgias « Callces «Polos» Chéréphon WYTHE: LE JUGEMENT DES AMES APRES LA MORT MENON OU SUR LA VERTU QUESTION CENTRALE La vertu peut-elle s’enseigner? our enseigner la vertu, encore faudrait-il savoir ce quelle est. Ménon, embarrassé de ne pas trouver de définition satisfaisante, souligne le paradoxe inhérent a toute recherche dela vérité: comment chercher ce que jignore? D'aprés le mythe de la réminiscence, connaitre consiste toujours a reconnattre ce que mon ame a déja contemplé: apprendre, c'est done se souvenir. Si la vertu était une forme de connaissance, alors on comprendrait qu'elle puisse s'enseigner. Mais existe-t-il des maftres capables d'enseigner la vertu? Socrate envisage que Javertu ne soit pas tout fait une science, mais plut6t une opinion vraie, qui nous guide vers une action droite. Interlacuteurs de Socrate: Ménon« Un eclave de Ménon« Anos. MYTHE: LA REMINISCENCE Dialogues q ‘Comment sortir de la caverne ? Platon @ b> ‘Comment sortir de la caverne ? BR Dialogues PRLOSORHE MAGAZINE HORS SERIE (385 /-370) Dialogues ce la maturité PHEDON OU SUR LAME QUESTION CENTRALE Faut-il craindre la mort? ocrate, condamneé & mort, est sur le point d'étre /exécuté, Pourtant, il ne craint pas la mort, parce que le philosophe sait que la vie du corps nest pas tout, et que le corps est méme, bien souvent, une entrave a "épanouissement de ’ame. Mais peut-on prouver que l’ame est immortelle ? Interiocuteurs de Soorte: Echécrate» Cébés » Phédon + Apllodore » Simmias » Crit + Antsthine + Eschine + Euclid «Lysis; Ménexéne « Hermogéne « Terpsion * Chérécrate« Phédondes. MYTHE: LE JUSEMENT DES AMES APRES LA MORT LE BANQUET OU DE AMOUR auestion cenrnate Qu'apporte V’amour de la beauté? ui est Eros, dieu du désir et de Pamour? Les tentatives de définition se succédent dans ce banquet. Le mythe évoqué par Aristophane expose que le désir amoureux cherche & retrouver une fusion, originelle mais perdue, avec notre moitié, Socrate rapporte enfin le dis- cours de Diotime: Eros, a mi-chemin entre homme et le divin, est désir parce qu’il manque de quelque chose que, contrairement aux dieux, il ne posséde pas: le Bien, Lamour de la beauté est-il la voie la plus stire vers la sagesse ? Intriocuteurs de Socrte: Agathon « Phédre « + Eryximaque« Aristophane « Alcibiade. MYTHE: ARISTOPHANE ZB, LA REPUBLIQUE OU SUR LE JUSTE QUESTION CENTRALE Qu’est-ce qu'étre juste? L ‘Ame humaine et la cité sont homologues. Pour savoir ce qu'est une Ame juste, Socrate de- mande done ce que serait une cité parfaitement juste : la justice se réalise lorsque chaque étre occupe la place et la fonction qui lui convient et que la nature lui assigne. La cité doit done étre organisée en 3 classes, calquées sur les 3 parties de Mme: les producteurs, guidés par la partie désirante de leur ame ; les courageux gardiens, qui protégent la cité et écoutent la partie irascible de leur ame; les philosophes-rois, en qui la sagesse et la connaissance de la justice se réalisent. Contre Thrasymaque, Socrate veut prouver que la vie juste, qui n’essaie pas de s'affranchir des limites de sa condition, est la plus heureuse. Interlocuteurs de Soerate-Thrasymaque » Céphale» Glaucon + Adimante »Clitophon. MYTHES: ALLEGORIE DE LA CAVERNE © ‘ANNEAU DE GYGES © ER ET LA METEMPSYCOSE © ANALOGIE DE LA LIGNE PHEDRE OU SUR LE BEAU QUESTIONS CENTRALES Quels sont les bienfaits de Vamour? Qu’est-ce que bien parler et bien écrire? Pp our Lysias, l'amour est une dangereuse folie, qui pousse A agir avec déraison. I faudrait done se méfier des gens qui nous aiment. Selon Socrate, amour quise porte sur le Beau est une folie positive: elle permet "homme de s'élever vers les Idées. La discussion en vient ensuite a 'écriture, qui menace sans cesse de figer la vie de la pensée dans une forme rigide. Le véritable discours doit demeurer vivant: ce n'est pas sur le papier mais dans lime dautrui qu'il doit sinscrire. \\ Interlouteur de Soerate: Phd MYTHE: UATTELAGE AILE HORS-SERIE PHILOSOPHIE MAGAZINE Dialogues a ‘Comment sortir de la caverne ? Platon @ > ‘Comment sortir de la caverne ? a Dialogues PRLOSORHE MAGAZINE HORS SERIE (370 /-348) Dialogues de vieillesse ETE ou SUR A SCIENCE fe a auestion ceNTnate Qu’est-ce que‘ \) la connaissance? yrotagoras suggére que la connaissance n’est _ rien dautre que la sensation, laquelle dépend de la singularité des individus. Cette position sup- pose, au fond, que tout savoir rest qu’une opinion: elle conduit donea renoncer Pidée d'une vérité uni- verselle, ce quila rend intenable aux yeux de Socrate. Mais qu'est-ce qui rend une opinion vraie? Suffit-il queellese révéle, par hasard, étre vraie pour constituer une véritable connaissance? Non:: la connaissance doit étre justifiée par certaines raisons. Mais, comme souvent, lenquéte menée n’aboutit pas & tune définition parfaitement satisfaisante Interlocuteurs de Socrate: Thaétte « Théodor (MYTHES: LIMAGE DE AME COMME UN COLOMBIER; LA COMPARAISON DE L'AME A UN MORCEAU DE CIRE OU S'INSCRIVENT LES CONNAISSANCES PHILOSOPHIE MNGIZIE HORS SERIE PARMENIDE OU SUR LES FORMES QUESTION CENTRALE Comment concilier la multiplicité et Vunité y des choses? S ‘emonde sensible est celui dela multiplicitéet ‘du devenitr. Or, les choses sensibles ne sont que le reflet imparfait, aux yeux de Platon, des Formes intelligibles: tous les arbres, par exemple, procédent de Vidée arbre, de Varboréité. Ges idées sont éter- nelles et donc, en un sens, plus réelles que les choses ) sensibles. Quel rapport y a-t.l entre cette théorie des a idées et cele de Parménide, qui affirme que la multi- plicité nest qu'une illusion, que seul existe !'Un? | Comment les choses sensibles participent-elles de cetUn? CetUnest-il quelque chose, ou nestil pas? es My Inver Sorat ' Bi J i | Dialogues 3 Parménide « Zénon Pythodore + jeune Arstte TIMEE QU DE LA NATURE QUESTION CENTRALE D’ou vient le monde? enouant avec le mythe grec d'un chaos originel, le pythagoricien Timée de Locres évoque Ja mise en ordre du cosmos par un Démiurge divin. A la fois physique et métaphysique, cette cosmogonie articule entre elles trois entités ou niveaux d'etre: les formes intelligibles, quiservent de moddle au Démiurge dans son entreprise ; la khéra, matrice informe, indéterminée, en perpétuelle métamorphose, et dont procéde tout étre matériel; enfin, les choses sensibles qui, bien que soumises au devenitr, possédent une parcelle d'éternité en raison de leur participation aux formes intelligibles dont elles sont des imitations. Interlouteurs de Socrate: Timée « Mermocrate« Citas MYTHES: LE DEMIURGE; 'ATLANTIDE ‘Comment sortir de la caverne ? Platon @ ‘Comment sor © illustre Vie d’un homme te, podte et diamaturge, Platon croise,& vingt ans, le chemin de Socrate, Pe ae ne ee mesure quil entreprend une suite de voyages, découvre dautres eee eae ee eRe emt macs Seema ee ieee recuse tens homme illustre De aU Vceuvre et la pensée de Platon sont bien docu- mentées, sa vie reste marquée par de nom- breuses zones d’ombre. Méme son nom serait en réalité un simple surnom, dérivé de [Ticérew: «large et plat», que lui aurait donné son maitre de lutte en référence & sa carrure imposante. La plus ancienne bio- sgraphie consaerée Platon, le De Platone et dogmate eius de Fauteur latin Apulée, remonte au siécle aprés J-C. Plus de 400 ans aprds la mort du pére de la philosophie! ‘Autant dire que les informations que on y trouve ~ de ‘méme que dans les biographies ultérieures comme celles de Diogéne Laérce, d Olympiodore le Jeune ou de Phi- Jodéme ~ sont & prendre avec la plus grande précaution. UN FILS D‘ARISTON a plupart des versions s’accordent pour faire L== Platon dans le déme (unité administrative) de Collytos en 428 ou 427 av. J.-C. — peu apres la mort de Péricles, l'un des fondateurs du systéme démocratique alors en vigueur dans la cité d'Athénes. C'est aussi l’époque ott une épidémie de «peste» (peut-étre la variole ou le typhus) frappe Athénes de plein fouet. a famille de Platon appartient a la haute aristocratie de la cté: son pére, Ariston, serait 'un des descendants de Codros, le dix-septiéme et dernier roi d’Athénes; Périctiond, sa mee, est issue de la famille de Solon, Yun des Iégislateuts les plus oélébres de la cité, Elle est sceur de Charmidés et cousine de Critias, qui donneront leur nom & deux dialogues platoniciens et feront partie, tous deux, du gouvernement oligarchique des Trente tyrans qui se substituera pendant quelques mois & la démocratie en 404 av. JC, aprés la défaite de la guerre du Péloponnese contre Sparte (- 413/- 404). Les deux fiétes de Platon, Adimante et Glaucon, ap- paraissent eux aussi réguligrement dans les dialogues: dans La République, dans le Parménide — ainsi que dans TApologie de Socrate, en ce qui concere Adimante. ‘Quant la sceur de Platon, Pétoné, elle est la mere de Seusippe, qui sera finalement préféré a Aristote pour diriger Académie & la mort du maitre. ‘Tres t6t, Platon recoit une éducation complete, conforme & son statut social: le grammairien Denys lui censeigne les lettres — a cette époque, Platon se pique cre des pices et des poémes ~ tandis que Dracon et “Metellos d’Agrigente le forment & la musique et Ariston, <'Argos a la gymnastique. Platon est au demeurant un ‘excellent lutteur, au point, selon Olympiodore, de rem- porter deux vietoires aux jeux Olympiques et aux jeux Isthmiques. Il est aussi Péléve, & une date incertaine, duu ‘mathématicien Théodore de Cyréne, disciple du célébre sophiste Protagoras (personnage principal du dialogue éponyme), qui lui dispense son enseignement en g60- métrie aptés avoir été le maitre de Théététe et de Socrate Iui-méme, Parmi ses condisciples, on compte Isocrate, célébre orateur auprés de qui Aristote lui-méme étudia avant de rejoindre rAcadémie fondée par Platon, LA RENCONTRE AVEC SOCRATE ais la rencontre la plus décisive est celle de M Soerate, en 407 av. J.-C. Elien le Sophiste ra- conte quelle eut lieu en pleine guerre du Pélo- onnése, un jour oit Platon achetait des armes pour rejoindre Varmée athénienne, Socrate laurait interpel- Wet convaincu de se dévouer pleinement a la philoso- phie. Les deux hommes ne se ressemblent guére: Platon est grand, jeune et beau, tandis que la laideur de Pautre GLAUCON CHARMIDES HERACLITE C2857) (@/-405) Peo = eS Philosope, musicio, fro de Platon «Voila lorigine et lessence de fa justice: elle tient le milieu entre Je plus grand bien = commettre imounément Vinjustice — et fe plus grand ‘mal — fa subir quand on est incapable de se venger.» Homme politiaue, oncle de Paton ae ‘auteur de Sur fo nature «La sagesse consiste 8 faire = toute chose avec modération et avec caime.» Phitosophe, maitr de Cratye, «On ne se baigne jamais deux fois dans la méme eau d'un fleuve.» «Rien nest permanent, sauf le changement. » HORS SERIE PHILOSOPHIE MNGIZINE Vie d’un homme illustre © ‘Comment sortir de la caverne? a Platon \ > ES NO oO Vie d’un homme PLOSOPME MRCADINE Platon ‘Comment sortir de la caverne? illustre 5 IR made b est proverbiale, Mais un méme gotit de la vérité les anime. Platon connaissait probablement déjat les pen- seurs ioniens - les «physiciens», comme les appellera Aristote, Ses dialogues évoquent notamment Héraclite, découvert par Ventremise de Gratyle, Parménide, Anaxagore ou encore Zénon. Mais Socrate lui révéle une toute nouvelle maniére de penser en Vincitant non plus & siinterroger sur le probléme cosmologique de organisation de la nature, mais & faire de Fhomme et de la maniére dont i lui faut diriger sa vie la question cruciale. Aprés cette rencontre, Platon abandonne ses velléités de tragédien et briile ses pices. Mais il conserve, en quelque sorte, la forme thédtrale qu'il transpose dans ses fameux dialogues philosophiques, dont les premiers sont composés du vivant de Socrate: Hippias mineur, fon, et peut-etre le Lysis, & propos duquel Socrate se serait écrié: «Par Héraclés, que de faussetés dit sur moi ce jeune homme |» LA TENTATION DE LA POLITIQUE ais le jeune homme s'intéresse aussi & la vie politique —la carriére au sein des institutions re- présentant Paccomplissement ultime pour un homme de son milieu. Il est ailleurs proche de certains des Trente, avant que le régime despotique ne soit ren- versé et la démocratie rétablie par Thrasybule et Anytos. Platon s‘éloigne alors de la vie politique: «Du temps de smajeunesse, je ressentais en effet la méme chose que beau ‘coup dans cette situation: je mimaginais qu'aussitdt deve nu maitre de moi-méme, jirais tout droit miaccuper des affaires communes de la cité. Et vilé comment le hasard Fie que je trouvai les choses de la cite Le régime dalorsétant objet de virulentes critiques du plus grand nombre, une révolution éclata. (...] Et moi, voyant donc cela, et les hommes qui s’occupaient de politique, plus fexaminais en profondeur les lois et les coutumes en méme temps que jfavangais en age, plus il me parut quit était diff- cile dadministrer droitement les affaires de la cité. I était en effet pas possible de le faire sans amis et associés dignes de confiance, et il n’était pas aisé d’en trouver parmi ceux qu’on avait sous la main, car notre cité r’était plus administrée selon les coutumes et les habitudes de nos peres» (Lettre VID. ‘Toutefois, l'épisode sanglant des Trente Tyrans fa- ‘gonne en partie la pensée politique de Platon telle quelle sexprime dans La République, notamment: le philosophe gardera toujours une certaine sympathie Pour les régimes aristocratiques, qui lui semblent plus rationnels que le déchainement des passions populaires propre & la démocratie. En outre, il ne pardonnera pas au démocrate Anytos de faire partie des procureurs au procts de Socrate: quel est done, en effet, ce régime ‘qui exécute le meilleur des hommes? LE PROCES DE SOCRATE €s accusations qui conduisent a ce procés, en. = 399, sont multiples et complexes. Elles pro- cédent d'abord d'un contexte: apres la défaite de la guerre du Péloponnése contre Sparte, les Athéniens se cherchent un bouc émissaire. Accusés de subvertir les valeurs traditionnelles, les sophistes feront Yaffe. Une partie des ceuvtes ce Protagoras sont brilées. Para doxalement, Socrate, qui s‘oppose frontalement & eux dans tous les dialogues, se retrouve mis dans le mme sac: on Faccuse de pervertir la jeunesse, de ne pas croire aux dieux de la cité mais en un daimon [génie] personnel, de ridiculiser la sagesse et la vertu des grands DEMOCRITE ANAXAGORE ZENON D’ELEE (480 /-270) (500/-428) (-490/-420), ‘> Porssocen cus] Porssoce cus] Phitosophe, autour de 52 ouvrages pperdus, dont Grand Systeme ‘ou monde, «Le monde est constitu dlatomes et de vide. » Philosophe, astronome, autour ‘de De la nature «Rien ne nait ni ne périt, ‘mais des choses déia existantes se combinent, ovis se séparent de nouveau. » Philosophe, cisciple de Parménide, inventeur dela dlalectique - tart de parvenie la vérité en defendant une ‘these pus son contrare-, ot auteur de célebres paradoxes logiques. «Le monde est un et continu, ‘a pluralité et la divisibiité sont des apparences.» hommes de son époque, d'avoir soutenu les Trente Ty- rans, notamment Critias, un de ses disciples, ou encore etre un alié et un admirateur du régime spartiate. On en veut pour preuve la trahison d'Alcibiade, autre dis- ciple de Socrate, qui quitta Athénes pour Sparte en pleine guerre du Péloponnése. Bref, Socrate le «taon» comme il se surmomme lui-méme, est un géneur. Sa liberté d'esprit lui cotite la vie: un mois aprés sa condamnation, Socrate, qui a refusé de sévader comme le lui proposaient ses amis, boit, volontairement, la cigué, en compagnie de ses disciples. Platon, malade, ne peut assister aux derniers mo- ‘ments de son maitre, mais il est profondément indigné du traitement qui lui est réservé, Comme il rant lui aussi pour sa vie, il se réfugie avec quelques amis chez le philosophe Euclide, a Mégare, & 40 km d’Athénes continue & composer plusieurs dialogues, & des dates incertaines: Gorgias, Protagoras, Charmidés, etc, encore «és marques par les réflexions éthiques de Socrate — qui y tient dailleurs le premier réle. LES VOYAGES, MEDITERRANEENS. ‘e Mégare, il fait voile vers Cyréne oit il retrouve Decent sree avec des pythagoriciens: Eyrytos de Tarente, Phi- Jolaos de Crotone (célébre pour avoir imaginé la terre comme une planéte tournant autour d'un «feu central») et ses disciples, Timée de Locres et Archytas de Tarente (précurseur de Vidée d'un espace infini: «Si je me trou- vais d la limite du ciel, autrement dit sur la sphére des foxes, pourraisjetendre au-dehors la main ou un baton, oui ou non? Certes, est absurde que je ne puisse pas le faire; mais si jy parviens, cela implique Vexistence d'un dehors, corps ou lieu.»). Cest ailleurs & cette période, aprés la mort de Socrate, que Platon commence a s'in- téresser ala pensée secréte et initiatique de Pythagore, et approfondit sa réflexion sur la mathématique et la nature de l'éme. La représentation d'une «dme du ‘monde» et de Iharmonie cosmique dans le Timée, tout ‘comme les réflexions du Philébe sur lillimité ou encore la théorie de la «participation» des choses sensibles aux Idées intelligibles, qui semble reprendre celle, pythago- ricienne, d'simitation» des nombres par les choses, portent, peut-éte, la marque durable de cette influence pythagoricienne. Le voyage le plus long, mais le moins attesté, de Platon Paurait mené en Egypte, auprés des prétres d'Héliopolis, dans le delta du Nil. Bien peu éléments de cette expédition sont connus, on ra conte que Platon aurait travaillé comme vendeur «Thuile pour payer son voyage de retour. Ces nombreux voyages indiquent que Platon puise & de multiples sources pour construire sa réflexion, ‘Comme le résume Simone Weil: «contrairementd tous les autres philosophes, Platon répéte constamament quit ria rien inventé, quid ne fait que suivre une tradition. IL inspire tant de philasophes antérieurs dont nous pos- sédons des fragments et dont ila assimilé tes systémes dans une synthése supérieure, tantdt de son maitre So- crate, rantét de traditions grecques seerétes dont nous ne savons presque rien sinon par lui, la tradition orphique, 1a tradition des mystéres d'Eleusis, la tradition pythago- ricienne qui est la mere de la civilisation grecque, et trés probablement des traditions d'igypte et dautres pays Orient.» Le philosophe se rend enfin & Syracuse vers ~ 388, oi il se lie damitié avee Dion. Installé& la cour du tyran Denys Ancien, qui se pique de philosophie, Platon essaie de convainere ce dernier d'instaurer un régime plus juste, En vain: i est remercié et embarqué EMPEDOCLE HIPPIAS GORGIAS (-490/-435) (Caa3/-599) 480/375) as =a Philosophe, csciple de Parménide, «Le monde est constitué de quatre éléments - feu, eau, terre, air - qui se combinent et se séparent en vertu dle deux forces cosmiques. amour et la haine.» ‘oven © Somes Payee héteur, astronome, adomnetre — ‘auteur de De fa nature ou Trait sur «Ce quilly a de plus beau: étre riche, bien portant, honoré par les Grecs, parvenir 4 la vieillesse et recevoir de ses enfants de magnifiques honneurs funébres.» Professour de rhétoriave, Te non-etre, «La rhétorique est fart de convaincre, de faire croire quiune chose est juste ou injuste » HORS SERIE PHILOSOPHIE MNGHZIE Vie d’un homme illustre N ‘Comment sortir de la caverne? a Platon — > ES Nh i) Vie d’un homme PLOSOPME READIN Platon ‘Comment sortir de la caverne? illustre made b de force sur un bateau spartiate, avant d’étre vendu comme esclave & gine. Par chance, le philosophe Anniceris de Cyréne le reconnait, Pachéte et le libére. LA FONDATION DE L’ACADEMIE pras Péchee de Syracuse, Platon, de retour & Athénes, fonde une école de philosophie dans les faubourgs d’Athénes, Académie (du nom d'un certain Academus, propriétaire du terrain), oi il dis- pense son enseignement quatre décennies durant Plutdt que d'influencer directement les hiérarques en place, il est possible que Platon ait alors eu le projet inculquer les principes de la justice chez les jeunes gens appelés a gouverner. Sur le fronton de TAcadémie auraient été gravés ces mots: «Nul nentre ici sil rest .séométre». Lanecdote est probablement une invention, mais elle souligne qu‘au sein de Académie, les sciences sont étudiées en guise de propédeutique a la sagesse véritable. Peu de choses sont connues sur organisation méme de lAcadémie, si ce n'est qu'elle s'inspirait certainement du principe de communion de vie et de recherche des communautés pythagoriciennes. Lensei- sgnement, la différence de celui des sophistes, vest pas payant, mais les académiciens doivent subvenir & leurs besoins, ce qui implique, de facto, leur appartenance, sauf exception, & l'aristocratie. Platon dispense ses lecons soit au gymnase pour les débutants, soit dans sa demeute, oi il recoit un petit cercle d'initiés Des penseurs parmi les plus remanquables de PAntiqui y suivent les lecons du maitre: Aristote (& partir de 367) et son futur disciple Théophraste, Pamphile, futur maitre dpicure, ete., et méme deux jeunes femmes: Axiothée de Phlionte et Lasthénie de Mantinée, qui se rendent dans le batiment grimées en hommes. Platon ‘compose, durant cette période, plusieurs de ses dia- logues de maturité les plus importants: Le Banquet, La République, Phédon, Phédre, Ménon, Théététe..., oi il développe sa théorie des Idées et de la réminiscence, tout en donnant encore largement la parole a Socrate. Ces dialogues jouent, probablement, alors le rle une préparation aux enseignements plus théoriques de Pla- ton, auxquels Aristote fait référence comme les «opi- nions non écrites» du maitre. Une seule de ces legons ‘est mentionnée, «Sur le bien», qui aurait dégu la plu- part des auditeurs, notamment Aristoxéne: Platon n'y parlait en effet que de mathématiques et de nombres, non de biens conerets comme la richesse, la santé ou la renommée. Cette tendance & Vintellectualisme, si elle suscite sou- vent ladmiration, attire aussi quelques détracteurs, notamment les penseurs eyniques. Une anecdote ra- conte ainsi que Diogéne, ayant entendu Platon définir Thomme comme un «bipéde sans cones et sans plumes, ‘déambula le lendemain dans les rues d’Athenes avec un cog déplumé et dont les ergots avaient été coupés, cen criant: «Voici Pomme de Platon !» VECHEC DE SYRACUSE ans les années ~ 370, Platon se trouve, de plus en plus, confronté aux apories de sa théorie des Idées: comment les choses sensibles parti- cipent-elles des Idées? Comment siarticulent PUn et le ‘multiple? Comment sarticulent les Idées les unes par rapport aux autres? Quel est le rapport entre les Idées et lide supréme, celle du Bien? Toutes ces interroga- tions profondément métaphysiques traversent, notam- ment, le Parménide, Sous Vinfluence probable de son CALLICLES: PROTAGORAS EUCLIDE o (© 490/~ 420) (© 480/-365) aE IS aE Rhétour, pout-tre invents par Platon dans le Gorgias, «Sion veut vivre comme ii faut, on dbit laisser aller ‘ses propres passions, si grandes soient-elles, et ne pas les réprimer.» choses i Oratour, professaur de métoriaue, «L/homme est la mesure de toutes choses. Sur toutes est toujours possible de pouvoir formuler deux discours.» Philosophe, clsciple de Socrate. «lL Etre est [Un et le Bien, éternel et indivisible. Tout ce qui n’est pas ce bien est non-étre et apparence.» tant, Pastronome Eudoxe de Cnide, qui a un temps fréquenté les prétres perses, la pensée du maitre de "Académie semble souvrir & Vidée d'un ordre propre au sensible, qui nest plus réduit & une simple illusion, et se teinter d'un dualisme plus tran- ché entre la matiére et esprit, proche en cela du zoroastrisme: «Cet univers, tantét la Divinité guide Pensemble de sa marche, tantét elle Vabandonne é:tui- mémen, dira ainsi Socrate dans le Timée. Quelques années plus tard, en - 367, Platon effec- tue un deuxiéme voyage en Sicile : Dion de Syracuse ui demande en effet de venir former son beau-frére, le tyran Denys II le Jeune, & la philosophic. «Je mavais qu’un seul homme a convainere, écrit Platon, et cela suffirait pour assurer en tout Vavénement du bien. » Mais les choses tournent mal: Denys bannit Dion, qu suspecte de fomenter un complot. Platon, qui espérait, par les conseils dispensés au souverain, aider & instaurer A Syracuse une cité idéale dans Fes- prit de La République (372), est emprisonné un an avant d’étre renvoyé A Athénes. Il est rappelé quelques années plus tard, en ~ 361, par Denys le Jeune, qui lui promet, en échange de sa venue, de gracier Dion. Platon confie cette fois "Académie & Héraclide du Pont, mais le tyran ne tient pas sa pro- ‘esse, et le philosophe se retrouve A nouveau em: prisonné. Il est libéré par fentremise du pythagoricien Archytas de Tarente. Selon Néanthe de Cyzique, Pla- ton retrouvera Dion de Syracuse en 360 lors des jeux Olympiques. Il essaiera, sans y parvenir, de dissuader son ami rancunier de lancer une expédition militaire contre son beau-frére, Denys; la campagne est un succes, mais Dion est assassiné par son ami, le thé- teur platonicien Callippe, qui Faccuse davoir mis en place un pouvoir tyrannique. LES DERNIERES ANNEES e retour A Athénes, Platon rumine un temps [scree eee crete ee tra pas fin d ses maux avant que la race de ceux qui, dans ta rectitude et ta vérité, ;adonnent a ta phi- losophie nait accédé a Vautorité politique, ou que ceux qui sont au pouvoir ne deviennent eux-mémes philo sophes» (Lettre VID. I passe les treize derniéres an- nées de sa vie A Académie et rédige ses derniers dialogues: le Timée, le Critias, le Sophiste et les Lois ~ qui, a inverse de La République dans laquelle il Sragit de s’élever de la diversité du sensible Vidée d'une Cité idéale, propose de redescendre de lutopie platonicienne vers son application coneréte. La figure de Socrate se fait plus discréte, et disparait méme ‘complétement dans les Lois. Durant cette période de vieillesse, «trois considérations ont amené Platon & modifier ses vues. D'une part, une nouvelle théorie de ame, selon laquelle celle-ci nest plus regardée comme Vennemie du corps, mais comme son principe moteur Drautre part, la reconnaissance de ta régularité et de Vordre que manifestent les mouvements des planétes. Enfin le sentiment que thomme asa place marquée dans le monde congu maintenant comme un ordre, et qu'il doit rendre dés lors non plus d se séparer du monde, mais d imiter le bel ordre cosmique» (André-Jean Festugires) Platon meurt lors d'un repas de noces en ~ 346 ou 347, au cours de Foffensive de Philippe I de Macé- doine contre Athénes. La tradition lui attribue habi- tuellement lage de 81 ans qui représente, x symboliquement, le carré de 9. Platon est enterré a ’Académie. TIMEE DIOTIME PHEDRE or siecle ovr sECLE -v"StECLE?) 6 4a5/-395) 0 ooo] oc] Philosophe. Prophétesse, pratresse, Aristoceate, admirateur ans philosophe, formatrice de Socrate, eut-etre legendlaire ay «Le monde organisé, tel que nous le connaissons, est Vosuvre d'un Démiurge quia mis en ordre le chaos.» «S'élever toujours vers la science du beau luieméme, ‘du sophiste Lysias, «if! vaut mieux choisir pour amant celui qui ne vous aime pas que celui qui vous aime.» dans le but de connaitre finalement la beauté en soi.» PHILOSOPHIE MAGSZIE HORS SERIE Vie d’un homme illustre NO WN ‘Comment sortir de la caverne? a Platon Q E> Lallégorie de la Caverne, dans La République. Un prisonnier libéré de ses chaines stextirpe pour la premire fois de la Caverne des ombres et se confronte par degrés ala lumiére - a la réalité intelligible des Idées, au firmament desquelles brille le Bien. Redescendu dans le monde des opinions et des simulacres, il sexposera a hostlité générale. Socrate ajoute quil ui incombera néanmoins, « par persuasion et par contrainte », de gouverner la Cité, riche de son nouveau savoir, pour le bien de tous. L’allegorie , M de la caverne: vers 2 le soleil des Idées ILLUSTRATION JEAN HARAMBAT Platon ‘Comment sortir de la caverne? N K vers le soleil des Idées « Platon b ‘Comment sortir de la caverne? NO oa vers le soleil des Idées Lallégorie de la caverne: -1- £ de ces prisoners, qu'on iatement, 8 tourer syn. vers la amie: en {asanttous ces nowemensi sofa et ebouis- sementempéchera de dstnguer es objets dont touta hewel vyatiesombres. Que cris-tu done quileépondra si quel un i vint die quit’ jusqu‘alors que de vans fantimes, mais qu’ pré- set, pls prs dea réaité et touré vers ds objets plus els, ivot plus juste?) tsi on 'arrache de sa caverne par force, quan li fasse gravirla montée rude et escarpé,et qu'on ne le che as avant de avoir trainéjusgu’a la ‘umiare du soleil ne souttrra--i pas vivement, et nese plaindra--i pas de cesviolences? (J {aura je pense, besoin d'habitude pour voir les objets de la région supérieure. ..)Alafn, FTimagine,ceseralesolel./asavraiepacequ'l ‘pourra eiretcontemplrtelquiest. len vindra ‘aconcire,ausujet du soe quecest ui quifet les sasonsetles années, qui gouverne tut dans le monde visible, et ui, dune certaine maniére, est la cause de tout ce quil voyait avec ses compagnons dans la cavern, ‘0r done, se sowvenant de sapre- imibre demeure, de le sagesse ‘que l'on y protesse, et de ceux ‘quiy furent ses compagnons de captivité, necros-tupas quilse réjqire duchangement et plain- races demiers? [J a -5- Imagine encore que cet homme redescende dans la caverne taille sasseira son anciene place. Dans ce passage subit du rand jour obscurt, ses yeuneseront-is pas comme aveuglés? ..) Ets, tangs que sa vue est encore conuse, et avant que ses yeux se soient ‘emisetaccoutumés obscurt ufut donner son avis surces ombreset entreren dsputedcesujetaversescompagnons quin‘ont pas uit leurs chaines, ne prtera-ti pas rire? Neots pas que, pour re mont li-haut, ia perdu la we, quece est pas la pine de {enter ascension? Et siquelquunessaedeles dere deles conduireen haut, et quis puissetesalsiret ter, neletueront-is pas?» Plato, La République ie 5142-517, traduction Robert Baccou Gatner-Fammario, 1966, pp. 273-278, g PHILOSOPHIE MNGHZIE s Lallégorie de la caverne: vers le soleil des Ide i) N ‘Comment sortir de la caverne? Platon @ eusanes e] ap snios uaWIOD © uojeld sy ‘a2uess/euuo> ej Jed uonezaqy e/ ap a16ojode aun PHILOSOPHIE MNGHZIE Une apologie de la libération par la connaissance ENTRETIEN AVEC aa Propos recuelis par Sven Oro La philosophie occidentale, notait le philosophe Whitehead, Test qu'une «série de notes au bas des pages de Platon>» Francis Wolff expose la portée de cette oeuvre encyclopédique touchant 4 la métaphysique, aux mathématiques, a la politique, la morale ~ dans laquelle il salue une « critique extraordinaire de ‘obscurantisme », ou « tout se tient». Une apologie de la libération parla connaissance HORS SERIE Cb Quelle lecture faites-vous de la fameuse caverne de Paton? © FRANCIS WOLFF — Avec cette allégorie, Platon veut illustrer la condition humaine, prisonniére de ses sens et séparée de la lumiere de la connaissance intellectuelle, Les prisonniers se demandent: «qu’est- ce que cst?» propos des ombres qu'ls voient en face deux, mais ils ne peuvent donner que des réponses confuses et inexactes parce qurils prennent ces images pour la réalité véritable, Les libérer, ce sera les arracher a leur condition pour leur faire enfin apercevoir les vraies réalités et la lumiére du soleil, Ceest une critique extraordinaire de Pobscurantisme et une apologie admirable de la libération par la connais- sance. Les sciences, notamment, possédentle pouvoir de rectifier les illusions auquelles nous sommes attachés — Cest le cas de le dire ~ et qui satisfont des impératifs pratiques immédiats (on le voit tous les jours avec les théories complotistes): la croyance quelaterreest. <> N oO < Platon ‘Comment sortir de la caverne? > aA S- b Platon ‘Comment sortir de la caverne? Ww oO naissance Une apologie de la libération parlacom PrLOSOPME READIN HORS SER - FRANCIS WOLFF Prise estes Toole normale supérieure ie Paris, ve spévaliste te phiosopie antique defend ‘ue le propre de home eta edition un «nous, la fois humaniste et cesmopalte Dans Pager our wiverso ayard, 209), habe uiversalsme, st dre doté un langage en since comme en morale capable de «dre lemonde> et aver Dire ie monde ‘aut de maitre objective, (Puri, 202), i are une Auteur de Are Humanté. _cflecion autour de Veistence Diastate aux reursciences du made, dla connaissance (Fejard, 2010, cestaussi et dela liber ¢ acta, tun passoné de musique qui ainsi que des appa entre achaché cere essence le langage et era eet at dans Pourquoi fa musique? Fayard, 2015 ‘ob, Pluie, 2019). Dans Tris Lopes contemporaines (Fey, 2017, relece fa Derspective utopique autour > plate, que le Soleil tourne autour de la Terre, que Vhomme a été eréé a limage d’un Dieu qui a fait le monde en sept jours il ya quelques milliers d'années, que les espéces vivantes sont fixes, que nos ancétres étaient les Gaulois, ete. Cependant, trois traits m’ont toujours frappé dans cette allégorie: le privilege exclusif de la vue au détriment des autres sens celui de la conquete de la vérité de fagon purement théorique ; celui de la libration exclusive par laconnaissance. Cest pourquoi ai forgé, dans Pourquoi la musique? une autre caverne:: une caverne sonore. On s‘en libére dabord en produisant soi-méme des sons (et pourquoi pas en applaudissant!) ; on s’en évade finalement par la musique. Les arts, ou plus précisément, les modes de représentation ont toujours été pour les hommes des voies de libération dans les situations d’étouffement ou d’oppression. Comment sonore»? ° F.W.— Mes prisonniers sont non seulement pieds et poings liés, mais ls sont aveugles. Ils ne font qu’entendre les bruits duu monde, un brouhaha, Comme ceux de la caverne platonicienne, ils tentent de comprendre le monde. Mais au lieu que chez:Platon lonctionne votre « caverne ils se demandent « Qu'est-ce que ?» pour tenter diden- tifier les objets visibles, mes prisonniers se demandent «Pourquoi ?», tentant d'expliquer les sons et leur sue- cession. Evidemment, ils ne peuvent pas le faire, parce que, en labsence des choses visibles, ils ne peuvent pas distinguer les événements les uns des autres (quand commence un son, quand finit Fautre) et en- core moins les prévoir. Telle est la situation initiale. Sans les choses visibles, le monde sonore est double- ment incompréhensible. On les libére de leurs chaines (mais ils sont toujours: aveugles). Mais au contraire de Platon qui imagine des libérateurs assez tyranniques, je les laisse faire. Eh bien, je crois que, avant de vouloir sortirde la caverne, la pre- mide chose que voudront faire mes prisonniers, ce sera Jjustement de faire quelque chose Gurieusement, on ne libére les prisonniers de Platon que pour leur faite voir les réalités qui se trouvent derriére eux. On ne les laisse pas 'essayer® faire eux-mémes des «ombres chinoises» Je mur, avec leurs mains, leurs bras ou leurtéte, Pour sndre wn mécanisme, nevaut-il pas mieux utiliser ver? Le meilleur moyen pour saisir comment duit un effet, nest-ce pas de le causer 3t, ce mlest pas & ce moyen que recourent teurs!).« Mes» pris ‘commencent.aclaquer ers délivrés de leurs chatnes, eux, leurs mains pour produire ces produite —ce que dhabitude on se contente de pa cet done de subir passivement La deuxiéme étape consistera & produire des sons dis- tincts. Done, d'un cété, & inventer des instruments de musique pour rendre les timbres identifiables et harmo- nieux (Cest une constante anthropologique : on ne connait pas de peuples sans instruments). D'un autre été, Ainventer des échelles de sons pourles rendre iden- tifiables. Ca, cest un universel musical: il n'y a pas «échelle de sons universelle, mais toute musique sup- pose une ou plusieurs échelles discontinues qui se substituent a la continuité naturelle du sonore. Les: sons produits par les ex-prisonniers seront cette fois bien reconnaissables. Mes prisonniers ont donc inven- 16 des «notes», une grande innovation dans Phistoire de Phumanité et une invention universelle! Puis viendra la troisiéme étape (je ne les distingue é ‘demment que pour la commodité de exposition) : la ise en ordre de ces «notes». Inventer des rythmes ou ddes mélodies dans Iesquels ces sons distints constituent «Jaime en Platon ‘une suite par laquelle ces sons produits sont en partie l’élégance dans I’art prévisibles (par le jeu des attentes rythmiques ou mélo- de poser des questions. diques, des répétitions, des reprises, des ritournelles, des anatana refrains, etc. sont inventéla musique etse sont libérés alrvoyance du brouhaha du monde, apercevoir ‘ions » Maisilya plus: dans la caverne sonore, ilsrventendaient quel’écho des événements du monde, etisne pouvaient pas les comprendte, parce que, sans les choses dont ils sont la manifestation, ces événements demeurent obs- curs et imprévisibles. Libérés ils ont inventé un monde sonore sans choses, mais od, cette fois, elles ne manque} pas: le monde de la musique! Jen viens plus généralement a Platon. Quaimez-vous en lui? F.W.—Son élégance dans Fart de poser les ques- tions. Bt sa clairvoyance impressionnante pour a tousles arts? ‘en apercevoir les relations. On peut ne pas adhérer ses F.W.—Disons plutét aux grand modes univer. solutions, il faut admettre quil a su voir tous les pro- sels de représentation. Je ve méfie un peu du blémes. Et ceci dans tous les domaines: métaphysique, ‘mot «art» qui est trés équivogde. Or, dans toutes les épistémologique, politique, moral, et, Ilya du vrai sociétés et cultures, et depwis des dizaines de milliers dans le mot célébre du philosophe et logicien britan années, ily a trois modesde représentation: onrepré- nique Whitehead qui dit que «toute la philosophic occi- Cemodle est-il généralisable sente les «choses» paf des images, on représente des dentale n'est qu’une série de notes au bas des pages de suites d'événement par des musiques, on représente Platon». Bien str, jadmire aussi Pécrivain, le podte, le des personnes agissantes par des récits. Or, les choses, dramaturge, le metteur en scéne... J’aime qu'une phi- les événemerts et les personnes sont selon moi, les trois losophie, si sévére pour les illusions véhiculées par les stitutives de notre monde, comme jeme suis _ images, soit bien servie par les images qu'elle invente cfforgé de le montrer dans Dire le monde ou dans Pour- (la caverne, le chien de garde et le loup sauvage, V'an- ila musique? Dans la caverne oti nous vivons, elles neau du berger, etc). Platon a beau condamner la cont mélées, confuses, incompréhensibles. Leshommes, poésie et le théatre, est un formidable dramaturge et deja les enfants dans toutes les cultures, s'efforcent dans ses dialogues de jeunesse, Hippias, Lachés, Lysis. done d’apprivoiser ce monde qui leur semble étranger, La scéne dans le Ménon de Interrogation d'un esclave de le «comprendre» de toutes les maniéres possibles. est un grand moment de théAtre. Ilya des saynétes de On peut s‘efforcer de le comprendre par la connais- _ comédie dans le Charmnide et des moments dramatiques sance, la science et la philosophie, comme Platon. _inoubliables dans le Gorgias: le personage de Calliclés Mais on peut aussi sefforcer dele comprendre,etdone semble tout droit sorti d'une tragédie de Shakespeare dese libérer de ce quillad’opaque et de menacant, par _réécrite par Nietzsche > imagination créatrice ou reproductrice. Et donc in- venter tn monde d’événements sans choses mais par- faitement autonome et compréhensible: le monde ‘musical, Ou inventer un monde de choses sans événe- ments: Cest le monde des images. Ou inventer des mondes de personnes, de personnages ou d'esprits agissants et qui ont tous une identité ou contribuent a la nétre: c'est le monde des récits, des contes, mythes, légendes, histoires, aussi nécessaires & toute humanité que lair quelle respire. Mais lair qu'on respire hors de la caverne est plus pur! HORS SERIE PHILOSOPHIE MNGHZINE Une apologie de la libération parla connaissance w ‘Comment sortir de la caverne? a Platon Ss > A p Platon ‘Comment sortir de la caverne? WN NO naissance Une apologie de la libération parlacom PLOSOPHE MRGADINE HORS SER as ‘Tout cela fait qu'il est difficile de ne pas aimer Platon. Mais, pour en revenir votre question, je 'aime etje ne cesse de le relire, pour sa vision panoramique et systé- ‘matique des questions philosophiques. Il nous montre comment tout se tient. Quest-ce qui le distingue de Socrate? F.W.— Crest ce quidistingue un immense disciple d'un petit-maitre, Socrate avait été condamné & ‘mort parla Cité, Platon veut réhabilitersa mémoire. So- crate niavait rien écrit, Platon écrit une ceuvre encyclo- pédique. Mais il tecourra pour cela un artifice, un gente littéraire qui nait peu aprés la mort du maitre, le «dia- logue socratique», par lequel chacun de ses disciples met dans la bouche du maitre disparu les réflexions et les interrogations quil lui préte asa facon. Crest ce que fait Platon dans les premiers temps, avant de se servir du nom et de la figure de Socrate comme porte-parole de ses propres doctrines, etfinalement de fabandonner tout a fait. De toute cette littérature socratique, seuls nous sont parvenus les dialogues de Platon et les Mémorables de Xénophon, et quelques témoignages indirects, dont celui d’Aristote, lui-méme éléve de Platon. Il est done extrémement difficile de savoir ce qu’était la pensée propre de Socrate. Selon la thése la mieux établie, Cait surtout un éveil- leur de consciences. On dit quil invente la philosophie morale, parce que, pour la premiére fois, il pose la ques- tion de essence (sa fameuse question « Qu’est-ce que?>), non plus a 'Btre ou a la Nature, comme ses prédécesseurs (ceux qu’on appelle aujourd hui les «pré- socratiques»), mais & la conduite humaine: qu’est-ce que le courage, la piété, la justice? Mais ce questionne- ment est foreément véeu par la société athénienne comme tune remise en cause de ses valeurs morales etde ses croyances religieuses. D’oi e procéset la condamna- tion mort par un tribunal populaire. Sinterroger, cest gia douter: «On fait comme ga, mais au fond, ne pour- rait-on pas faire autrement ?» Socrate, c'est done avant tout un mode de vie exemplair, celui d'un Sage qui régle sa vie sur tn idéal et qui lui est fidéle jusqu’a la mort, est aussi une interrogation critique. A-t-il une «doc- trine»? On pense aujourd'hui que les trois grands pliers delaphilosophie de Platon: léternité de ime, la théorie des Idées, et la doctrine de la réminiscence de la vérié, ne peuvent pas luiétre attribués. La seule thése dont on lui faitcréditest celle qui est Forigine de la philosophie dePlaton. Elle est exposée et discutée dans ses dialogues de jeunesse. C'est ce qu’on appelte.«Tintellectualisme ‘moral, Vidée que la conduite vertueuse (la belle action) dépend uniquement de la raison; qu'il &st nécessaire, mais surtout suffisant, de savoir ce quest bien agir.Cest évidemment paradoxal. Danslai -gtecquie de !époque, on ne cesse de voir des étre’ agissent contre leur me llya des expressions qui choquent chez Platon. « Nuln’estméchant volontairement, affirme Socrate; « Mieux vaut subit injustice que la commettre » F.W.— Oui, ce sont des paradoxes prétés au ‘maitre mais dont, petit & petit, Platon va séloi- ‘gner. Le premier est une conséquence en deux temps de cet intellectualisme moral: qui fait le mal ignote le bien; et qui connait le bien le fait nécessairement. Toute faute est donc involontaire puisquelle reléve d'une igno- rance. Le second paradoxe est déja un peu «platonisé» sije puisdire. Ilsuppose une théorie del’ame. Gest Vidée ‘que homme qui commet des injustices est au fond dé- séquilibré; son dime est malade, il soufite, Faire le mal, est d’abord étre mal, avoirmal. Alors que celui quisubit TTinjustice (et on pense évidemment & Socrate) est, lui, parfaitement équilibré, sain, son Ame est robuste, en pleine santé. Dod il vaut mieux étre bien qu’étre mal! «Leplus juste des hommes de son temps», ditPlaton de son maftre, persécuté par les Trente, puis condamné a mort par les démocrates. Cest le facteur déclenchant des interrogations de Platon sure juste etlinjuste? ° FM. —CesteneffetTorigine de son interrogation politique sur le meilleur régime, car aucun de ‘ceux quill connait, nila tyrannie, ni aristocratie, nila

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