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Presses Universitaires du Midi

DE LA PHANTASIA ET DU PNEUMA STOICIENS, D'APRES SEXTUS EMPIRICUS, AU CORPS


LUMINEUX NEO-PLATONICIEN (Synésios de Cyrène et Hiéroclès d'Alexandrie)
Author(s): Noël Aujoulat
Source: Pallas, No. 34, LES SPORTS ANTIQUES : TOULOUSE et DOMITIEN (1988), pp. 123-146
Published by: Presses Universitaires du Midi
Stable URL: http://www.jstor.org/stable/43605901
Accessed: 21-03-2018 19:34 UTC

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par Noël Aujoulat (*)

DE LA PHANTASIA
ET DU PNEUMA STOÏCIENS,
D'APRES SEXTUS EMPIRICUS,
AU CORPS LUMINEUX
NEO-PLATONICIEN
(Synésios de Cyrène et Hiérocles d'Alexan

On sait que, pour un adepte du néo-platonisme comme Syné-


sios de Cyrène, les termes de phantasia , de pneuma, de phantasti-
kon pneuma , de phantastikè ousia , de psychikon pneuma, de pneu-
matikè psyché, ďochéma et enfin à" eidôlon, désignent l'élément in-
termédiaire entre l'âme et le corps de chair (1), élément le plus sou-
vent dénommé par Hiérocles d'Alexandrie : to augoeidès sòma,
c'est-à-dire : "le corps lumineux" (2).
Si, d'autre part, les mots pneuma, ochèma, eidôlon, suggèrent plus
ou moins la notion de "corps", celui de phantasia, en revanche, qui
désigne l'imagination, ou plus exactement, la "représentation", ne fait
pas, au premier abord, songer à la matière. On peut alors s'étonner
que Synésios rapproche l'imagination du "souffle" ou de 1' "esprit", ou
des eidôla, images fantomatiques, mal dégagées de la matière. Com-
ment, dans ces conditions, peut-il attribuer à l'imagination le même
rôle qu'au corps lumineux d'Hiéroclès, la concevoir comme suffisam-
ment matérielle pour relier l'âme au corps de chair et pour servir
d'intermédiaire entre le spirituel et le corporel ?
Il est probable que les néo-platoniciens ont été influencés par les
stoïciens dans l'élaboration du concept de phantasia. Sextus Empiri-
cus, médecin et philosophe sceptique de la fin du IIe siècle et du début
du IIIe, a relevé, pour les mettre en doute, les idées essentielles de Ze-
non, de Cléanthe et de Chrysippe, et il a mis en relief leurs
contradictions, mais aussi leur unanimité à lier l'imagination à la ma-
tière. Le moyen stoïcisme a dû, à son tour, fortement influer sur le
néo-platonisme pour parachever le corps lumineux.

(*) Maître de conférences à l'Université de Toulouse - Le Mirail

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Sextus Empiricus affirme que, p


sentation, malgré des différence
empreinte ( typôsis ) dans l'âm
verbe tuptein, frapper, signifie :
plique un agent, qui est un objet
intermédiaire, c'est-à-dire un org
Certes, pour le Portique, la re
une kinèsis, ou mieux une phor
rieure dans l'intérieur de l'âme ; elle est aussi, comme le voulait
Aristote, "un mouvement produit par la sensation en acte" (4), une ki-
nèsis , dans le sens de métabolè, une transformation de Yaisthèsis. Mais
par dessus tout elle est une "empreinte dans l'âme". L'accent n'est
plus mis, par un Zénon ou par un Cléanthe, ni sur Yaisthèsis, ni sur la
kinèsis, mais sur la typôsis. Ils n'insistent pas sur le mouvement, mais
sur le résultat de ce mouvement, qui n'est pas saisi lors de sa pénétra-
tion dans l'âme (eiç yu/riv), mais dans sa manifestation dans l'âme (êv
yuxp) (5). La conception de la phantasia, chez Zénon et chez
Cléanthe, telle que nous la rapporte Sextus Empiricus est donc, appa-
remment, plus statique que dynamique.
Toujours d'après Sextus, à propos de la phantasia, "Cléanthe disait
qu'il s'agissait d'une empreinte selon les pleins ( kata eisochèn) et les creux
( exochèn ), comme l'empreinte née des bagues sur de la cire" (6). Il prenait
donc le mot typôsis au sens propre. Pour lui, l'âme était véritablement
frappée par un coup, porté et transmis de l'extérieur, et cette "frappe" im-
primait une image en relief et en creux dans la cire de l'âme. On ne pouvait
concevoir la phantasia de façon plus matérielle ! Il ne faisait, après tout,
que prendre au pied de la lettre une simple supposition de Platon, procédé
souvent suivi, plus tard, par les néo-platoniciens. Socrate, en effet, expo-
sant à Théodore, dans le Théétète, sa théorie de la connaissance, lui dit :
"Suppose donc, pour le besoin de l'argument, qu'il y ait en nos âmes une
cire impregnable... Tout ce que nous désirons conserver en mémoire de ce
que nous avons vu, entendu ou nous-mêmes conçu, se vient, en cette cire
que nous présentons accueillante aux sensations et conceptions, graver en
relief ( apotypousthai ) comme marques d'anneaux que nous y imprime-
rions. Ce qui s'empreint, nous en aurions mémoire et science tant qu'en
persiste l'image" (7).
Une telle interprétation, un peu simpliste et grossièrement maté-
rielle, de l'âme et de la phantasia, ne pouvait satisfaire longtemps
même les stoïciens pourtant enclins au matérialisme. Chrysippe pen-
sait qu'il était absurde qu'il en fût ainsi. "Tout d'abord" dit-il, "quand
la pensée imagine au même moment un objet triangulaire et un objet
quadrangulaire, le même corps (c'est-à-dire la pensée) doit nécessaire-
ment être délimité par différentes formes, dans le même temps, et
devenir, simultanément, à la fois triangulaire et quadrangulaire, ou
même circulaire, ce qui est absurde". D'autre part, "beaucoup de re-

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LES ORIGINES STOÏCIENNES DU CORPS LUMINEUX 125

présentations se trouvant en même temps en nous, l'âme aurait


tanément beaucoup de figures, et ce résultat est pire que le pr
(8). En effet les images se mêleraient, ou s'imprimeraient les u
les autres, et aucune vision distincte ne serait possible. "C'est
quoi", poursuit Sextus, Chrysippe "supposait qu'" empreinte" ( t
avait été utilisé par Zénon au lieu de "modification" ( hétéroi
bien qu'il fallait dire que "la représentation est une modificat
l'âme", car il n'est plus absurde que le même corps, en un
même instant, lorsque de nombreuses représentations coexist
nous, subisse d'innombrables altérations. En effet, de même qu
quand de nombreuses personnes parlent simultanément, reçoit
fois, des impressions sans nombre et de qualités différentes, et ép
ainsi force modifications, de même V hégémonikon à son tour,
aura une grande variété de représentations, subira une expérien
blable à celle qui vient d'être décrite" (9).
Si l'on s'en tient à l'essentiel, tant pour Alistóte que pour les st
la phantasia est donc un mouvement au sens large. Mais, plus p
ment, d'après Aristote, elle est une métabolè, pour Zénon et pour
une typôsis , et pour Chrysippe une hétéroiôsis. Ces trois termes rec
de profondes différences. Dans métabolè, employé par le Stagi
sous-jacente l'idée de lancer, de frapper, comme dans typôsis, mais
fixe méta- apporte une notion de changement. Il s'agit d'une trans
tion de Vaisthèsis : la phantasia n'est qu'une "sensation affaibli
mais l'âme elle-même reste inchangée. La typôsis imprime une ima
la psyché, mais n'attente pas à son immuabilité.
L' hétéroiôsis, en revanche, est d'une nature différente. D
Chrysippe, en effet, la phantasia n'est plus un changement de
tion, mais une altération de l'âme. Sous l'influence de la sensation,
l'âme devient "autre". Dans le cas de la typôsis, elle recevait des sortes
de coups qui s'imprimaient, pour ainsi dire, en creux et en relief sur sa
surface, mais avec Y hétéroiôsis, elle pourrait subir une infinité de trans-
formations qualitatives. Il est dit, dans l'exemple rapporté par Sextus
Empiricus, que l'air, qui représente Yhégémonikon de l'âme, éprouve
de nombreuses altérations, en un même instant, lorsque retentissent un
grand nombre de voix ( 1 1 ). Il en serait ainsi pour la faculté directrice
de l'âme soumise à diverses représentations.
Cependant, Sextus Empiricus affirme plus loin, en suivant les stoï-
ciens, que la phantasia est soit une typôsis, avec reliefs et dépressions,
soit une typôsis "par simple altération" (icaxà yiXf|v exepoítoavv) (12).
Au premier abord, l'altération paraît donc être une variété de l'impres-
sion, aux traits peu prononcés. Mais, poursuit l'exégète, si l'on adopte
l'opinion de Cléanthe, c'est-à-dire si l'âme affectée par la phantasia
est impressionnée à la manière d'une pellicule de cire, tous les inconvé-
nients signalés par Chrysippe se manifesteront. Suit l'énumération de
ces difficultés, notamment l'abolition de la mémoire et, par consé-

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quent, de l'art (13). On peut con


rement à l'opinion de Cléanthe, ' hègémonikon de l'âme ne se
comporte pas comme de la cire sous l'effet d'une pression extérieure,
que Yhétéroiôsis n'est donc pas une typôsis affaiblie, mais une modifi-
cation de la manière d'être de Yhègémonikon.
Mais en quoi consiste exactement cette altération de l'âme ? Chry-
sippe voulait-il dire que la partie rectrice de notre être, en
appréhendant un objet extérieur par les sens et l'imagination, est en
contact si intime avec lui qu'"elle est affectée dans sa manière d'être
par la manière d'être de l'objet extérieur" (14) et qu'elle devient, à la li-
mite, cet objet lui-même ? Elle reproduirait ainsi, passivement, le
monde en nous. V hègémonikon, grâce à sa faculté d'altération, autre-
ment dit grâce à la phantasia, deviendrait-il non seulement le miroir de
l'univers changeant, mais cet univers lui-même ? Nous connaîtrions
ainsi la réalité extérieure sans intermédiaire ; le monde serait contenu à
l'intérieur de l'âme (15). Une telle hypothèse avait d'ailleurs été déjà
soutenue, chez Platon, par le jeune Théétète. Ce disciple de Théodore
de Cyrène, cet ami de Protagoras, affirmait sans ambages que "la
science n'est pas autre chose que la sensation", qu'" apparaître, c'est
être senti", et qu'" apparence et sensation sont identiques" (<pavtaaia...
Kai a«y0T|CTiç xautóv) (16).
Zénon et Cléanthe conçoivent, pour leur part, l'âme et la représenta-
tion d'une façon tout à fait matérielle, et le problème ne se pose pas pour
eux des relations entre la chair et l'esprit. Comme pour Protagoras, tel que
le représente Platon, la phantasia, chez ces deux ancêtres du stoïcisme, se
confond avec Yaisthèsis, contrairement à l'enseignement d'Aristote (17).
Pour le Portique, l'âme n'a donc pas besoin d'être protégée du corps par
une enveloppe mi-spirituelle, mi-matérielle, puisqu'elle est elle-même une
sorte de corps malléable, sur lequel viennent se graver les impressions ve-
nues du dehors. D'après le néo-platonicien Synésios de Cyrène, en re-
vanche, la phantasia, ou "sens des sens", est formée de particules maté-
rielles de plus en plus denses, agglutinées autour de l'âme lors de sa des-
cente sur la terre à travers les sphères célestes. Cette phantasia peut même
s'opacifier, si l'âme s'abandonne à ses passions, au point de l'offusquer to-
talement. La phantasia devient alors un eidôlon qui se complaît dans les
antres souterrains ( 1 8).

Cependant Synésios, et d'autres néo-platoniciens, ont pu emprun-


ter au Portique une certaine considération envers la matière, et tout en
maintenant ouvert le fossé creusé par Platon entre l'âme et le corps de
chair, ils ont du moins cherché à le combler en partie. Certes le chris-
tianisme, pour qui la matière est bonne, a sans doute engagé le futur
évêque de Ptolémaïs sur cette voie, mais les chrétiens ont été fortement
influencés par les stoïciens, et pas seulement dans le domaine de l'éthi-
que (19). D'autre part, un néo-platonicien d'étroite observance comme
Hiérocles d'Alexandrie, évite de commettre le terme de phantasia avec

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ceux de pneuma ou de char de l'âme, pour désigner le corps lu


(20). Le païen Hiérocles réprouve davantage la matière que Syn
"hellène et chrétien" (21). La protestation suivante de Longin, n
tonicien du IIIe siècle, rapportée par l'évêque Théodoret d
laisssait prévoir l'attitude d'Hiéroclès : "On serait en droit de
gner", dit-il, "contre Zénon et Cléanthe pour la façon vraiment
déplacée dont ils parlent de l'âme : en effet, ils ont prétendu tous les
deux que l'âme était une exhalaison ( anathymiasis ) du corps solide"
(22). Ce terme d' anathymiasis, déjà employé par Aristote, exprime ce-
pendant, chez les stoïciens, l'élan de la matière vers un état supérieur,
une sorte de sublimation (23). Cette montée stoïcienne de la matière
d'une part, la descente platonicienne de l'âme d'autre part, vont se
croiser en un point, et de cette convergence pourrait bien naître le
corps lumineux.
La tendance de la matière vers une sorte de "spiritualisation", déjà
sensible chez Cléanthe et chez Zénon, est encore plus perceptible chez
Chrysippe. J. P. Dumont, après avoir exposé, en suivant Aëtius, la distinc-
tion établie par Chrysippe entre phantasia, phantaston, phantastikon et
Phantasma, et montré que "l'image ou imagination (phantasia ) est une af-
fection (pathos) qui se produit dans l'âme qui se montre à soi-même l'a-
gent de cette passion (le pépoièkos)" (24) complète ce témoignage par ce-
lui de Sextus Empiricus. Ce dernier, exposant des arguments de Camèade
de Cyrène contre le critérium de la vérité des stoïciens -le nom de Chry-
sippe n'est pas prononcé-, affirme que "c'est dans l'impression causée
dans l'âme par l'évidence sensible que doit être recherché ce critérium" et
que "cette impression (touto tò toxGoç) doit être propre à révéler à la fois
elle-même et le phénomène qui l'a causée ; cette impression n'est d'ailleurs
rien d'autre que la phantasia. De là, "conclut Sextus Empiricus", nous de-
vons dire que la représentation est une impression (pathos) concernant l'ê-
tre vivant, impression capable de se représenter elle-même et ce qui est au-
tre qu'elle-même" (25).
Commentant ce passage, J. P. Dumont déclare : "il est tout à fait
clair que la phantasia ne se réduit pas à Yaisthèsis (sensation), mais
que le pathos (affection) s'accompagne immédiatement en un premier
temps de la conscience du pathos. Ensuite, comme le pathos n'est pas
l'objet autre et extérieur, il devient nécessaire pour l'âme de rapporter
son affection à une cause extérieure ou à un agent imaginable dont le
pathos est l'effet. Ainsi est-ce proprement l'imagination (la phantasia)
qui imagine la cause extérieure (le phantasma) avec laquelle elle n'en-
tre en communication que par la médiation du pathos" (26). Sextus
Empiricus rapporte à la suite l'opinion apparemment similaire d'An-
tiochus d'Ascalon : "Quand nous avons regardé un objet, nous
disposons notre sens de la vue (tèn opsin), et nous ne le conservons pas
dans la même disposition (ou/ ouxcoç SiaKetjievtļv) où nous le tenions
avant de regarder. Et à cause d'une telle modification (alloiôsis), nous

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bénéficions de deux perceptions :


même, c'est-à-dire de la représe
produit la modification, c'est-à-d
pour tous les autres sens" (27).
Dans ce dernier passage, il n'es
chez Chrysippe, d'une altération
sens de la vue et des autres sens. Valloiôsis d'Antiochus ne désigne
donc pas exactement le même phénomène que V hétèroiôsis de Chry-
sippe ou, à tout le moins, le premier n'insiste pas sur les mêmes
éléments que le second. Pour Chrysippe, les impressions produites par
un objet extérieur et véhiculées par les sens modifient l'état de l'âme
elle-même, et, plus précisément, de Vhègémonikon. Pour Antiochus,
ces impressions, transmises par les sens, modifient ces sens, et non pas
l'âme. L'imagination serait alors identique à la modification des sens,
hypothèse déjà réfutée par Aristote (28).
En effet, poursuit Sextus Empiricus, sans préciser s'il parle tou-
jours d'après Antiochus d'Ascalon, ou s'il rapporte directement les
propos de Chrysippe, "de même que la lumière se montre elle-même
et montre tous les objets qui sont en elle, de même aussi la représenta-
tion, qui est la cause première de la connaissance chez les êtres vivants
doit, comme la lumière, se faire apparaître elle-même ( héautèn empha-
nizein) et révéler son aptitude à montrer ( endeiktikè ) l'objet évident qui
l'a produite" (29). La même assertion se trouvait chez Chrysippe, à
quelques mots près, et J. P. Dumont l'a ainsi commentée : "La
conscience est à la fois ce qui prend conscience de soi, c'est-à-dire de
son état (la lumière se montre elle-même) et ce qui imagine le non-moi
ou l'objet extérieur (ce que la lumière éclaire)" (30).
Si l'on admet donc que les textes de Sextus Empiricus précédemment
cités rapportent la pensée de Chrysippe, on peut conclure que ce dernier,
en réaction contre le matérialisme sommaire de Zénon et de Cléanthe, a
expliqué tous les phénomènes "comme des certitudes temporaires,
comme des "manières d'être" (pôs ékhon) du même substrat. Il reconnais-
sait aussi dans l'âme non pas différentes facultés, mais il enseignait que
c'était le même hègémonikon qui d'après ses certitudes temporaires pen-
sait, jugeait, sentait, mais aussi imaginait. Il montrait encore que la phan-
tasia n'était rien d'autre que l'organe central lui-même (31), dans un com-
portement déterminé, dans la mesure où, à la suite d'un affect extérieur,
cet organe passe par une transformation qualitative" (32).
Cet hègémonikon matériel, capable de subir des modifications qualita-
tives, sous l'effet des sensations venues du dehors, cet organe central qui
rassemble toutes les impressions, et qui les re-présente à lui même pour
être appréciées et jugées, tout en prenant conscience de sa propre exist-
ence et de celle des objets qui lui sont extérieurs, ne préfigure-t-il pas le
"sens des sens" de Synésios ? En effet, l'imagination, pour ce dernier, sera

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LES ORIGINES STOÏCIENNES DU CORPS LUMINEUX 129

le "sens des sens, parce que l'esprit imaginatif ( phantastikon pneuma


le sens le plus "compréhensif 1 et constitue le premier corps de l'âme
D'après le Traité des songes, les facultés sensorielles, "telles des l
droites, divergent du centre et y convergent à nouveau, toutes rédui
l'unité si l'on considère leur commune origine, mais multiples quand
s'en éloignent" (34). Cet esprit imaginatif réside d'ailleurs dans la tête
règne sur le vivant comme du haut d'une citadelle" (35). Le phantastik
pneuma de Synésios, et Yhègémonikon-phantasia de Chrysippe ne
vent-ils pas du "sens commun" d'Aristote, qui était le terme auquel ab
tissaient les diverses sensations ? (36). Il semblerait donc qu'il y ait fili
dans le domaine de la phantasia, du Stagirite aux néo-platoniciens, en
sant par les stoïciens. L'imagination, ce "sens des sens", devient nette
matérielle en passant par la Stoa, pour aboutir à plus ou moins de ma
lité, relevée par une certaine spiritualité, chez Synésios et d'autres né
toniciens.

D'ailleurs, même chez les anciens stoïciens, la matière n'est pas


omniprésente, et le vide, le lieu, le temps et l'exprimable (to lekton)
sont pour eux des incorporels. Ces incorporels, d'après Sextus Empiri-
cus, "ne font rien et ne font naître en nous aucune représentation, mais
c'est nous qui élaborons des représentations à leur sujet. De même, en
effet, disent (les stoïciens), que le maître de gymnastique et que le maî-
tre d'armes prennent parfois l'enfant par la main, règlent la mesure et
lui enseignent à exécuter certains mouvements, et que d'autres fois, de
loin, ils évoluent en cadence et s'offrent à son imitation, de même, par-
mi les objets représentés ( ton phantastôn), les uns touchent pour ainsi
dire Vhègémonikon, entrent en contact avec lui et exécutent l'empreinte
(typôsis) qui est en lui - ainsi font le blanc, le noir et les corps en géné-
ral, - tandis que les autres n'ont pas une telle nature, mais que
Vhègémonikon se crée des images ( phantasiouménou ) à leur propos (èrc'
aôxoïç) et non par leur action (ou* on aôtcov) - telles sont les expres-
sions incorporelles (ta asômata lekta)" (37).
D'après cette comparaison, les incorporels, semblables à des maîtres
imités de loin par un enfant, étaient considérés, par la Stoa, comme des
imitations conçues par la partie directrice de l'âme, d'objets qui paraissent
échapper à la réalité. La comparaison est d'ailleurs maladroite, et Sextus
Empiricus ne manque pas d'objecter que le maître de gymnastique et le
maître d'armes sont tous deux corporels, et peuvent donc engendrer des
représentations corporelles chez l'enfant (38). Il n'en demeure pas moins
que les stoïciens, au prix d'un effort vraiment original, ont rendu Vhègémo-
nikon corporel capable d'imaginer des incorporels. Quand on sait que le
terme d' asômata sera employé par les philosophes néo-platoniciens pour
désigner les êtres qui dépassent le monde sensible, on ne peut s'empêcher
de rapprocher, toute proportion gardée, Vhègémonikon stoïcien du thespé-
sion sôma du Traité des songes de Synésios.

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130 N. AUJOULAT

Ce "corps divin", en effet, c'est


contact, rend le corps terreux apte
compagne l'âme jusque dans les s
véritable transmutation de la matiè
On comprend mieux cette étran
l'aptitude de la "faculté maîtresse"
des êtres corporels, qui existent d
simples abstractions, ni des non-êt
"manière d'être" enseigne E. Bréhi
limite, à la superficie de l'être, et
(40), alors que chez Synésios, nous
les stoïciens n'allaient pas aussi loi
dans la sublimation de la matière
(pôs ékhon), affirme E. Bréhier, "est
tat, un effet qui n'est pas à classer
l'action des êtres..., c'est ce que nou
ou des événements : concept bâta
d'une de ses propriétés, mais ce qu
ce caractère singulier du fait que le
disant qu'il était incorporel ; ils l'ex
l'admettant en une certaine mesure
La conclusion d'E. Bréhier à son ét
est d'ailleurs particulièrement instruc
nent" dit-il "à une notion unique, c
corps, que ce soit l'objet de la pensé
faut prendre bien entendu attribut n
corps comme la couleur et le son qui
mêmes des corps, mais dans le sens d
corporels ne sont pas un monde nouv
comme la limite idéale et irréelle de le

Pasquale Pasquino a fait remarq


textes de Sextus Empiricus, "l'un sur
l'orthodoxie stoïcienne refuse de ré
sion du non-être, et leur donne au
l'imapÇiç, existence des ouk ovxa" (
mais d'une manière explicite. Le m
stoïcienne à côté des corps compren
produisent autour du corps, qui
même temps tvvá et ouk è'vxa, ré
réalité acceptée et disqualifiée à la f
Cette quasi-réalité ou cette demi
des corps, qui ne peut exister sans
mite, les différents états de ces cor
différents moments, toute cette d

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LES ORIGINES STOÏCIENNES DU CORPS LUMINEUX 131

l'espace, préfigurent peut-être les avatars de la phantasia chez Syné-


sios. Elle est, en effet, pour le Cyrénéen, tantôt "une sorte de vie" (zôè
tis), tributaire des sens, tantôt un pneuma, notion éminemment stoï-
cienne et premier corps de l'âme selon Synésios, parfois un ochèma,
quand l'âme est transportée du ciel sur la terre, et jusqu'aux antres
souterrains, ou lors de sa remontée vers les cieux ; un eidôlon enfin,
quand la matière l'entraîne à son dernier degré d'avilissement (45).
Nous retrouvons ainsi sous-jacente, dans la phantasia du Traité des
songes, la vision stoïcienne des corps et des incorporels. Cette repré-
sentation, cet "esprit", ce véhicule, ce fantôme, cette permanence
dans la variété, n'est-ce pas ce même corps lumineux dont parlera Hié-
rocles d'Alexandrie, mais saisi en différents temps et différents lieux,
au fil des événements, comme le corps des stoïciens est affecté de "dis-
positions" variées selon le temps, le lieu et l'action ?
La manière même dont les eidôla émis par les objets extérieurs pénè-
trent dans l'âme humaine, d'après Synésios, trouve peut-être un précédent
dans la doctrine stoïcienne. D'après le Traité des songes, en vertu d'un jeu
de mots contestable, les images (eidôla) des objets matériels errent au ha-
sard, et "lorsqu'elles rencontrent les pneumata psychiques, qui sont des ei-
dôla, avec leur siège à l'intérieur de la nature humaine, elles s'appuient sur
eux, et s'y arrêtent comme dans leur demeure... (46). Les eidôla des choses
passées sont clairs, mais deviennent avec le temps sans consistance et s'ef-
facent. Ceux des événements présents sont encore plus vivants et plus nets.
Enfin, les images de l'avenir sont plus indéterminées et plus indistinctes"
(47). Ces dernières tirent d'ailleurs leur existence d'objets qui n'existent pas
encore. Toutes ces images qui s'écoulent des objets matériels viennent d'en
bas, sont captées par le pneuma et ne pénètrent pas véritablement dans
l'âme, tandis que les rêves venus d'en haut permettent à l'homme de dis-
cerner, grâce à l'imagination, les formes contenues dans l'âme (48). De
même, chez les stoïciens, d'après G. Kerferd, la phantasia survient dans
l'âme, par l'intermédiaire des organes sensoriels, à partir d'objets qui lui
sont extérieurs ou non, et par l'entremise de l'esprit, comme c'est le cas
avec les incorporels et d'autres objets saisis par la raison. D'autre part,
"une quatrième source possible, par l'intermédiaire de l'esprit, mais sans
objet, comme dans un rêve... semble avoir été acceptée comme une phan-
tasia (pour les stoïciens) par Sextus Empiricus" (49). Ce dernier parle, en
effet, de la représentation qui provient ou de choses extérieures, ou de nos
affects intérieurs (ces derniers étant plus précisément dénommés par le
Portique "attraction vaine" (diakénos helkysmos)" , c'est-à-dire imagination
sans objet réellement présent, qui attire l'esprit vers une simple illusion,
comme dans un rêve (50).
En bref, les stoïciens ont pu familiariser les néo-platoniciens, tels
Synésios, avec la matérialité de la représentation. Il est significatif que
le Cyrénéen, dans son Traité sur les songes, ne sépare pas le matériel
du spirituel d'une façon tranchée et qu'il emploie volontiers le mot

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132 N. AUJOULAT

phantasia pour désigner le sen


spirituelle et le corps de chair
plus doctrinaire que Synésios,
tion, mais c'est le terme de p
revient à plusieurs reprises da
pour désigner le corps lumineu
trouve pneuma une vingtaine d
phantastikon, ce qui prouve l'é
tasia et le pneuma chez le Cyré
*

* *

Sextus Empiricus,
l'âme est impressio
elle ne pourra conse
les choses apparent
Twv àôr|Xcov tà (p
jets apparents, qui
peuvent même pas
mêmes, il est raison
empreinte de la pha
que, pour les stoïcie
sion subjective de l
les apparences de
preinte, comme l'e
pression du doigt,
chose qu'un pneum
quatre éléments, ou
non plus. Or, la pha
vons vu, que l'altéra
(53), la phantasia, el
être à l'origine de l'
fication qui sera re
néo-platonicien, pou
de vie, une sorte d
tout, selon les stoïc
main, matériel, ou,
matériel lui aussi, e
l'écran des phénom
chacun sa médiété.
rielle et son corps
mi-spirituel, qui lu
de celle du monde e
rendra possible la ré
tout que des corps,
dans l'obligation de

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LES ORIGINES STOÏCIENNES DU CORPS LUMINEUX 1 33

et un corps de chair : l'âme humaine était pour lui un pneuma, c'es


dire un corps, et ce pneuma se glissait entre les différentes parties
corps charnel, les pénétrait et en assurait l'unité. Son rôle n'était
de protéger l'immatériel de la matière, puisqu'il était lui-même ma
riel, corporel, bien que très subtil dans Yhègémonikon ou la phanta
mais d'unifier le corps. Chez Synésios et Hiérocles, il unira aussi l'â
rationnelle à l'âme irrationnelle et au corps de chair, tout en évitant en
tre eux un contact direct (55). Les néo-platoniciens auront d'ailleu
fort à faire pour dématérialiser le pneuma aristotélicien (56) et stoïcien
et pour le rendre de plus en plus subtil, apte à servir d'intermédia
entre le matériel et l'immatériel, au point d'être qualifié ďaiilon d
le Commentaire sur les Vers d'Or d'Hiéroclès (57).
Cependant, à la lecture de Sextus Empiricus, on constate que certains
stoïciens ont déjà dû participer à l'affranchissement progressif du pneuma
des liens de la matière. Dans le traité Adversus mathematicos (58), en effet,
on trouve que, d'après Poseidonios (59), "il n'est en vérité pas possible de
supposer que des âmes descendent" -ce qui va à rencontre d'une partie
de l'enseignement de Platon - "car consistant en de fines particules ( lepto-
méreis), et n'étant pas moins faites de feu que de vapeur (k<xv ou/ rçxtov nu-
pmSeiç Tļ nveunatóSeiç), elles s'élèvent plutôt avec légèreté ( kouphophorou -
si) vers les régions supérieures". Sextus Empiricus, qui écrit à la fin du IIe
siècle ou au début du IIIe, emploie ici, sous l'influence du Poseidonios, un
vocabulaire que n'aurait pas désavoué un néo-platonicien ! Dans ce pas-
sage, les âmes stoïciennes se comportent en fait comme les âmes, ou, plus
exactement, comme les corps lumineux d'un Synésios ou d'un Hiérocles :
elles sont composées de "fines particules", elles s'élèvent vers le ciel avec
légèreté. Ces âmes "persistent en elles-mêmes (icaO' autáç) et ne se disper-
sent pas en fumée, comme le prétend Epicure, quand elles sont délivrées
de leur corps". Autant de mots, autant d'expressions platoniciennes. Si
elles persistent en elles-mêmes, une fois libres de la chair, cela prouve
qu'elles sont d'une nature différente du corps, et qu'elles sont prob-
ablement immortelles. "Ce n'était pas le corps qui les maintenait sous son
pouvoir, mais c'étaient elles les causes de la vie commune des parties du
corps" - ce qui est plus spécifiquement stoïcien - "et, auparavant encore
de la leur propre". D'après J. Pépin, "si, comme on a des raisons de le
croire, cette page exprime la doctrine de Poseidonios, il en résulte que ce
philosophe admettait la préexistence des âmes... " (60). Cette assertion pa-
raît exacte puisque, avant d'être les causes de la vie des corps, les âmes le
sont de leur propre vie. Elles existent donc avant eux. Nous voici bien loin
du stoïcisme primitif !

"Ayant quitté en effet la sphère du soleil", poursuit Sextus Empiri-


cus, "elles habitent la région sublunaire, et là, à cause de la pureté de
l'air (8ià tt)v evXiKpíveiav tou aépoç), elles continuent à demeurer un as-
sez long temps (nXeiova... /povov)" (61). A quelques détails près,
Hiérocles d'Alexandrie aurait pu rédiger ce passage. On trouve chez lui

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134 N. AUJOULAT

une grande ressemblance ent


psyché elle-même (62). Il est vr
l'âme vient de l'éther et y reto
âmes résidaient dans le soleil, c
dues dans la région située so
l'enseignement du Portique n
âmes. On a dit en effet, un pe
cendre, tellement étaient subti
les composaient (64). Nous assis
des âmes, du soleil sous la lune
Quoi qu'il en soit, si l'on s'en
n'est pas de l'éther que descenden
feu du soleil, et ce n'est pas dava
tement sous la lune, qu'elles s'é
l'air pur. En fait, la notion d'éth
difficile de déterminer, même c
est l'élément le plus élevé (65).
vanche, il est précisé que le feu v
les éléments les plus bas ont leur
Synésios affirme encore que le p
corps lumineux, peut s'affiner et
tai) (68). Il ajoute que les mauvais
fluence des meilleurs, se chang
éthérée ( sunexaithéroito an) (69).
A. J. Festugière a cependant r
une sorte d'air plus subtil, alors
air, eau, terre", et que c'est l'ordr
alors que l'expression "la pureté d
Empiricus, soit une façon de dé
gière, "la distinction entre l'éthe
la théologie hellénistique " (70). M
donios, les âmes, composées de f
feu et à de la vapeur, n'en demeu
ne sont pas immortelles, comm
aiilon d'Hiéroclès (71), et elles pe
long après la mort de l'homme. I
V eidôlon terreux, transmué en
dans l'éther, mais qu'il redescen
Sextus Empiricus, les adeptes du
sous la lune, se nourrissent des
de la terre (73). Voilà une note m
sation de l'âme stoïcienne. Mais Y
halaison sèche, limpide et pure
(ou de la terre), et qui sert à l'en
sublunaires, ou bien encore des a

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LES ORIGINES STOÏCIENNES DU CORPS LUMINEUX 1 35

Tout ce passage présente donc un mélange peu cohérent d'id


platoniciennes et stoïciennes. Par exemple : les âmes ont besoin
nourries par les exhalaisons venues de la terre. Elles sont ainsi
geantes et périssables, alors qu'elles devraient être immuables et
immortelles. En effet, elles n'ont rien qui les dissolve (to čnaXucróv te
aîiTctç... ouK exoucriv) dans l'air subtil qui s'étend sous la lune. Toute-
fois, poursuit l'auteur, "si les âmes persistent ( diaménousi ), elles sont
les mêmes que les génies..." (75). Le verbe diaménein exprime la sim-
ple "permanence" d'un objet, c'est-à-dire le maintien de son identité,
malgré des changements apparents, dans un laps de temps déterminé.
Puisqu'elles peuvent être dissoutes sous la lune, les âmes sont soumises
au temps ; elles ont commencé et elles finiront. Faut-il voir là une allu-
sion à la destruction du monde par le feu, enseignée par les stoïciens ?
C'est peu probable, car Yekpyrôsis implique une palingénésie à la-
quelle il n'est pas fait allusion ici. Un tel texte, qu'il ait été inspiré à
Sextus Empiricus par Poseidonios, ou par quelque autre adepte du
moyen stoïcisme, est à rapprocher du passage du De abstinentia de
Porphyre qui expose la demonologie du sage de Tyr.
Ce dernier, en effet, décrira, trois siècles après Poseidonios, les
bons, et surtout les mauvais démons. Les premiers sont des âmes "is-
sues de l'âme universelle" - ce qui est un trait stoïcien - (76) "qui
administrent de vastes parties des régions sublunaires (77), et qui, tout
en s'appuyant sur leur support pneumatique, le dominent néanmoins
grâce à la raison" (78). On retouve ici le séjour sublunaire des âmes.
Ces dernières sont à présent nettement distinctes de leur pneuma puis-
qu'elles s'appuient ( apéreidoménai ) sur lui, et surtout, le pneuma est
considéré comme un élément déraisonnable, pleinement dominé par le
logos, chez les bons démons. Les mauvais démons, au contraire, sont
des âmes assujetties à la partie pneumatique qui leur est contigue (to
auve/èç nveuna) (79). "Ils subissent par cela même des agitations et
des transports excessifs, lorsque les colères et les appétits de la partie
pneumatique prennent leur essor... Ils ne sont pas revêtus d'un corps
solide et n'ont pas tous une seule et même figure, mais ils existent sous
de nombreux aspects, et leurs figures ( morphai ) qui s'impriment dans
leur élément pneumatique et lui donnent sa marque distinctive (etcxu-
7ioújievai 8e kcÙ xctP<XłCTTl pí S.ovxrctv xò rcveuļia auxcov) tantôt font leur
apparition, tantôt restent inapparentes" (80). Le pneuma des mauvais
démons, chez Porphyre, est donc resté très matériel, et peut garder di-
verses empreintes, comme chez les premiers stoïciens. L'auteur ajoute
que "l'élément pneumatique, dans la mesure où il est corporel... est
passible et corruptible (tuiOtitikóv e cm Kai <p0apxóv)" (81). Porphyre
semble parler ainsi aussi bien pour les bons que pour les mauvais dé-
mons. Il renchérit sur l'existence temporaire du pneuma : "... si les
âmes le tiennent enchaîné à elles de façon que leur forme dure plus
longtemps, il n'en est pas pour autant éternel (ou |iiļv ecmv aïtoviov).
Car il est vraisemblable qu'il subit continuellement des écoulements

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136 N. AUJOULAT

( aporrein ) et des enrichissem


terrestres pourvoient, comme
matériel, sans cesse diminué p
Cette dernière est fluide, en ef
cratiques, et particulièrement
Une telle doctrine était probable
Pépin, "l'adjectif fluidus, en g
corps... est traditionnel pour dé
(84), mais aussi son perpétuel éc
Porphyre, dans l'Antre des nym
rheustè (85). Aussi, quand Syn
tous les êtres que contient la na
qui s'échappent de leur substanc
être sensible est un composé de
servé l'écoulement (tèn ekroèn
démontre que la nature des imag
quand il conclut enfin : "Pour to
ton) des objets matériels, l'esp
constitue le plus clair des miroi
néen, dans cet exposé des efflu
ment de Porphyre, mais qu'à tr
qu'au moyen stoïcien Poseidonio
On éprouve la même impress
somnis qui concernent les avat
"L'esprit, par attraction naturel
la chaleur et de la sécheresse,
l'âme... ou bien, devenu épais et
terre, et par inclination natur
souterrains. C'est en effet le lie
là, ils traînent la vie des mauvai
est évident que les plumes de l'â
cavernes, à la République (88).
sios avait lu aussi Y Antre des ny
que les grottes, pour certains an
de la matière". Mais il avait su
croyaient que le soleil se nourr
montent de la mer, la lune, de c
ou de rivières ; les astres, des ex
qui viennent préciser les indicat
Porphyre de renchérir, en parla
"Les âmes par conséquent, et cel
incorporelles mais traînent un c
à se lier à du sang et à des corps
sairement se tourner vers l'élém
prégnant d'humidité... Celles qui

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LES ORIGINES STOÏCIENNES DU CORPS LUMINEUX 1 37

dite le pneuma qu'elles traînent, à l'instar d'un nuage... et une fois con
sé, en elles, l'excès de pneuma humide, elles sont visibles ; et c'est de m
nière analogue que les âmes qui se présentent à certains en vision donn
à leur pneuma l'apparence de fantômes" (90).
Bien qu'un tel passage se réclame des stoïciens, il ne doit pas re
duire l'opinion des premiers philosophes du Portique, pour lesquels
était corporel. Porphyre fait ici allusion à des âmes incorporelles ( asô
tous), bien distinctes du corps de chair. La descente de l'âme est c
par l'humidité du pneuma, tout comme chez Synésios. L'enseignem
d'Heraclite à propos du sec et de l'humide est reproduit tant par le Cy
néen (91) que par le Tyrien (92), et l'on sait que les stoïciens ont repris
grande partie la physique de l'Ephésien. Bref, Synésios pourrait, une f
de plus, par l'intermédiaire de Porphyre, remonter aux stoïciens pour l
daction de son passage sur le pneuma qui se transforme en eidôlon, et
particulièrement à Poseidonios, à cause du mélange de stoïcisme et de
tonisme dans la description de la chute des âmes.
Enfin, si Yeidôlon du De insomniis, humide et chargé de matiè
séjourne dans les espaces souterrains, parce que "le semblable plaî
semblable" (93), les âmes corporelles et incorporelles de l'Antre d
nymphes, surtout celles qui vont s'unir à du sang et à des corps
mides (94), comme chez les stoïciens, affectionnent la grotte des
nymphes, qui symbolise la matière. Certes, comme l'a montré F. Buf-
fière "Par delà Porphyre, c'est... au couple Numénius-Cronius... que
remonte Y Antre des nymphes" , mais le même savant a souligné l'ex-
traordinaire syncrétisme d'une telle oeuvre (95). Des réminiscences
stoïciennes ont pu contribuer aussi à son élaboration.
Dans les vingt-cinq lignes environ du paragraphe onze, consacrées
à la nourriture et à l'humidité du pneuma, et à sa dégradation en eidô-
lon (96), les stoïciens, on le sait, sont reconnus comme les découvreurs
non seulement des exhalaisons terrestres qui entretiennent le soleil, la
lune et les astres, mais aussi de toutes les conséquences qui en décou-
lent pour les âmes, le pneuma et V eidôlon. Ces conséquences sont en
effet étroitement reliées aux anathymiaseis par au moins cinq locutions
exprimant une relation de cause à effet, telles que : KaV 5ià touto, 8iò
Kai, Kai SK tÔov TotoÛTCùv etc... Dans l'esprit de Porphyre, les exhalai-
sons des stoïciens sont les causes de l'humidité du pneuma que traînent
les âmes (uypov to uveuļia e<p8XKO(iévaç). Porphyre n'hésite donc pas à
attribuer, peut-être gratuitement, à certains stoïciens, une coupure en-
tre l'âme et le pneuma. On saisit sur le vif, dans un tel texte,
l'ambiguïté qui a dû se manifester, à un certain moment, entre le pneu-
ma stoïcien et le néo-platonicien. En effet, dans ce même passage, les
âmes sont corporelles d'une part, incorporelles d'autre part, mais ces
dernières traînent un corps. Quelques lignes plus loin, les âmes qui as-
pirent à un corps, donc incorporelles, imprègnent d'humidité le
pneuma qu'elles traînent. On en déduit que les âmes incorporelles sont

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138 N.AUJOULAT

accompagnées d'un corps et d'u


pneuma. Ce dernier paraît do
comme il est normal chez les n
rapporter la doctrine stoïcienne
Cette ambiguïté du pneuma es
té. On lit dans Sextus Empiricus,
de l'univers : "il est probable qu
sance ( dynamis ) qui la pénètre
mêmes" (97). Cette dynamis qui s
semblablement le pneuma psyc
donc "une pénétration réciproque
vivant contient à la fois la matièr
G. Rodier. Le même savant a ex
des stoïciens... les deux corps ne
d'élasticité indéfinie, ils s'étenden
De plus, ajoute-t-il, "c'est une i
mine là où nous croyons apercevo
Là où il nous semble voir une surf
il n'y a, en somme, qu'une dégrad
central, en quelque sorte, est seu
minue peu à peu, sans jamais cess
monde" (99).
On objectera, bien sûr, qu'une
monde, est bien différente de
sios, et surtout un Hiérocles, voyaient plutôt le pneuma ou corps
lumineux comme une sorte de gaine protectrice, isolant l'âme du corps
de chair. Mais il jouait aussi chez eux le rôle de no man 's land, de mé-
thorion, mettant en contact la chair avec l'esprit (100). Or, comme l'a
montré D. Babut, Plutarque a affirmé que "la distinction platonicienne
entre l'intelligible et le sensible, entre les choses réelles (tà o'vta) et le
devenir (ta yivó|ieva) a une sorte d'équivalent chez les "modernes"
(c'est-à-dire chez les stoïciens), lesquels "refusent ce nom d«être» à
plusieurs choses fort importantes : le vide, le temps, l'espace et toute
la catégorie des exprimables" (101). De même, Sextus Empiricus rap-
porte que le Portique qualifiait les êtres de sensibles et d'intelligibles
(voltee), et assimilait les incorporels aux intelligibles (102).
Ainsi les stoïciens ont connu une sorte de dualité, une opposition
entre les êtres corporels et les incorporels. De tels êtres ne sont pas ra-
dicalement séparés les uns des autres, mais les courants de pneuma qui
constituent un corps "pénètrent, de plus en plus affaiblis, jusqu'à l'au-
tre (corps), ne s'arrêtant que là où le monde cesse" (103), c'est-à-dire
qu'ils se dégradent jusqu'au vide qui entoure le monde, jusqu'à l'incor-
porel (104). De même, tout corps irradie autour de lui des courants
matériels, qui s'amenuisent, invisibles à nos yeux, pour se perdre dans
le temps et dans l'espace, ces deux incorporels, qui n'existent pas,

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LES ORIGINES STOÏCIENNES DU CORPS LUMINEUX 139

mais qui ne sont pas dépourvus cependant de quelque réalité (105


Les stoïciens ne sont donc pas restés fermés aux notions de médiété
de dégradation. Les néo-platoniciens adopteront le pneuma issu
monisme stoïcien et l'adapteront au dualisme platonicien. Ils atténu
ront sa plasticité et supprimeront l'interpénétration des corps, enco
perceptible chez Synésios, qui n'hésite pas à transmuer un eidôlon te
reux en substance éthérée (106). Un peu plus tard, Hiérocles refuse
tout contact direct entre le matériel et l'immatériel, et développera
rôle de médiateur du corps pneumatique (107). Sans minimiser les a
ports de Platon et d'Aristote dans la formation du corps lumine
"selon Hiérocles", il ne faut pas méconnaître la contribution des sto
ciens, qui apparaît aussi dans la dénomination ďaugoeidés sóma ,
absente du Traité des songes du Cyrénéen, mais assez fréquente dans
Commentaire sur les Vers d'Or de l'Alexandrin (108).
Il paraît donc arbitraire, après avoir lu Sextus Empiricus, d'affir
mer, comme R. Beutler, que la doctrine du pneuma chez Synésios,
chez Porphyre, n'a rien à voir avec le pneuma stoïcien (109). D'autr
part, même un article bien documenté comme Quinta Essentia de P
Moraux, se borne à déclarer, sans plus de précisions, que des élémen
stoïciens ont contribué à l'élaboration du corps lumineux néo-platon
cien (110). On ne signale guère, en général, que l'influence de Platon
celle d'Aristote sur Synésios, comme, par exemple, R. C. Kisslin
"La théorie de l'oxrnia-Ttveuna", dit ce dernier, "symbolise la récon
liation de Platon et d'Aristote sur un sujet que le premier n'a jamai
enseigné et que le dernier a été incapable de définir clairement" (111
Le matérialisme stoïcien a pu, d'autre part, obnubiler l'esprit de cer-
tains exégètes, qui ont, sur ce point, jugé l'écart entre le Portique et le né
platonisme trop important pour admettre que le premier ait pu exercer u
influence appréciable sur le second. Ainsi G. Verbeke estime que le m
pneuma "avait, pour les stoïciens les plus spiritualistes, une signification
tout à fait matérielle et qu'il demeurait lié au matérialisme grossier de leu
prédécesseurs" (112). Mais parler ainsi, c'est oublier d'abord que le ma
rialisme stoïcien n'en est pas un au plein sens du terme. Comme l'a écrit
G. Rodier : "Pour les matérialistes, toute force ne réside dans la mati
que parce qu'elle lui a été donnée du dehors, de l'extérieur. Les stoïcie
au contraire, mettent de prime abord dans leur matière, la force, les qual
tés, la vie, la pensée, dont le matérialisme consiste précisément à la d
pouiller et à les en faire sortir par des considérations plus ou moins ingé
nieuses" (113). C'est méconnaître ensuite l'existence des incorporels, l
menuisement invisible et progressif des corps jusqu'au vide qui entoure
monde ; c'est finalement ne pas voir que, pour un stoïcien, la représenta
tion est un corps, tout comme l'esprit, et que Synésios, lorsqu'il dénomm
le corps lumineux : phantasia, ou pneuma , ou phantastikon pneuma, sub
encore l'influence lointaine du matérialisme stoïcien, alors qu'Hiéroclès s

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140

pare nettement l'esprit de la matière et s'abstient d'appeler phantasia son


corps lumineux (1 14).

Pour les premiers stoïciens, la phantasia, Y hègémonikon, et le


pneuma forment un tout, unique et corporel. La séparation de ces di-
vers éléments, la spiritualisation progressive de l'âme, sa distinction
d'avec le pneuma, ont dû être l'oeuvre du moyen-platonisme, et no-
tamment de Poseidonios. Ce dernier détient probablement la clé des
origines du corps lumineux néo-platonicien. Hélas, seuls quelques frag-
ments de son oeuvre nous sont parvenus. Alors que M. Laffranque voit
en lui un matérialiste convaincu, J. Pépin, en revanche, le montre sen-
sible à l'influence de Platon (115), au point de prôner, peut-être,
l'immortalité de l'âme (116).
Ce qui est certain, c'est que la notion de phantasia, et surtout celle
de pneuma, ont joué un trop grand rôle dans le stoïcisme, et que le
stoïcisme a pesé d'un trop grand poids sur la philosophie antique, pour
que les néo-platoniciens aient pu échapper totalement à son influence
dans ces deux domaines. Le corps lumineux, ce pneuma aux frontières
de la matière et de l'immatériel, a dû naître d'une certaine convergence
entre les deux doctrines, comme le suggèrent certaines lignes de Sextus
Empiricus à propos de Poseidonios.
Si ce dernier n'est pas parvenu à un dualisme intégral, c'est, d'après
G. Verbeke, "parce qu'il se représentait le monde comme une échelle, gra-
duellement ascendante, de perfections étagées les unes au-dessus des au-
tres, avec des transitions insensibles de l'une à l'autre, sans aucune fêlure,
sans aucun hiatus, mais comportant une épuration graduelle à partir de la
matière la plus grossière jusqu'au pneuma le plus subtil" (1 17). Le pneuma
phantastikon de Synésios garde encore des traces de cette continuité sans
faille de la matière, de la plus basse à la plus haute condition. Chez Hiéro-
cles, en revanche, le corps lumineux est plus spirituel que matériel, et ne
permet qu'une simple cohabitation entre la chair et l'âme. Dans le Com-
mentaire sur les Vers d'Or, la phantasia est qualifiée de matérielle ( hylikè )
(118), alors que le corps lumineux est un sòma aiilon, (1 19) un corps im-
matériel. L'Alexandrin, à rencontre de Synésios, distingue donc nettement
ces deux dernières notions, et sépare, par un fossé infranchissable, le spiri-
tuel du matériel. Il se libère ainsi, définitivement, sur ce point, de l'in-
fluence des stoïciens.

NOTES

(1) Cf. N. Aujoulat, Les avatars de la phantasia dans le Traité des songes
de Synésios de Cyrène, dans KOINÍ2NIA, Napoli, 8/1, 1984, p. 54.
(2) Cf. N. Aujoulat, Le néo-platonisme alexandrin, Hiéroclès d'Alexan-
drie, Leiden, 1986, p. 283.
(3) On a utilisé, pour la lecture de Sextus Empiricus, Sextus Empiricus
with an english translation, by R. G. Bury, Cambridge (Massachusetts)

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LES ORIGINES STOÏCIENNES DU CORPS LUMINEUX 141

(collection Loeb), 4 vol., 1960-1967, édition désignée parle sigle S. E., et


H. von Arnim, Stoïcorum veterum fragmenta , 4 vol., Leipzig, 1903-1905,
rééd. 1968, édition désignée par le sigle S. V. F. S. E., II, p. 122, 227-
228 : S. V. F., II, 56, 1.32.

(4) Aristote, De anima , 429 a.

(5) S. E., II, p. 122, 228 ; S. V. F., 56, 1.32.

(6) S. E., II, p. 122,228 ; S. V. F., II, 56, 1.33.


(7) Platon, Théétète , éd. et trad. A. Diès, Paris, 1967, 191 c-d.

(8) S. E., II, p. 122 et 1 24, 229 ; S. V. F., II, 56, p. 22, 1.35-37 - p.
23, 1.1-4.

(9) S. E., II, p. 124, 230 et 231 ; S. V. F., II, 56, p. 23, 1.4-11. Cf. J.
Brun, Les stoïciens , Paris, 1957, p. 16.

(10) Cf. G. Rodier, Aristote , Traité de Vâme, commentaire , Paris, 1985,


p. 428.

(11) Cf. n.9.

(12) S. E., II, p. 196, 372 ; S. V. F. II, 56, p. 23, 1.12-15.


(13) S. E., II, p. 196 et 198, 373 ; S. V. F., II, p. 23, 1.15-21. Cf. Oeu-
vres choisies de Sextus Empiricus , traduites par J. Grenier et G. Goron,
Paris, 1948, p. 321 : "Les Stoïciens... disent que les biens de l'âme sont
certains arts, telles les vertus ; par art ils entendent un système de re-
présentations éprouvées par l'exercice et ces représentations se produi-
sent dans la faculté maîtresse. Comment donc dans la faculté maîtresse,
qui est un souffle selon eux il se produit une réserve de représentations
et une réunion de choses susceptibles de créer un art, il n'est pas poss
ble de le concevoir, car l'impression qui survient efface toujours l'impres
sion précédente puisque le souffle est fluide et qu'à chaque impression il
se meut tout entier." Pour le texte original, cf. S. E., Outlines of Pyr-
rhonism », III, p. 454, 188.
(14) Cf. J. P. Dumont, Le scepticisme et le phénomène , essai sur la si-
gnification et les origines du pyrrhonisme , Paris, 1972, p. 118.
(15) Cf. chez J. P. Dumont, ibid., p. 118-119, l'opposition entre l'opi-
nion des Cyrénaïques et des Epicuriens, et celle de Chrysippe.
(16) Cf. Théétète , 152 b. Sur le personnage de Théétète, voir la notice
de l'édition de la C. U. F. par A. Diès, p. 125 ss.
(17) Cf. p. ex. Aristote, De anima , 428 a.

(18) Sur cette question, cf. N. Aujoulat, Les avatars de la phantasia...


KOINQNIA, 7/2, 1983, p. 157-177 et 8/1, 1984, p.33-55.

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142 N. AUJOULAT

(19) Cf. l'ouvrage de M. Spanneut


Clément de Rome à Clément d'Alexan

(20) Le terme de phantasia n'appara


sur les Vers d'Or : cf. Hieroclis in aureum Pythagoreorum carmen com-
mentaries recensuit F. G. Koehler , Stuttgart, 1974 : 58, 14 ; 59, 6 ; 118,
8. Dans le dernier exemple, Hiérocles parle des hylikas phantasias , c'est-
à-dire des "illusions qui proviennent de la matière." L'édition Koehler
sera dorénavant désignée par le sigle K.
(21) Sur Synésios, cf. C. Lacombrade, Synésios de Cyrène, hellène et
chrétien , Paris, 1951. Voir aussi : Jay Bregman, Synesius of Cyrene , phi-
losopher-bishop, university of California Press, Berkeley and Los Angeles,
1982, et S. Wollenweider, Neuplatonische und christliche Theologie bei
Synesios von Kyrene , Göttingen, 1985. Sur la matière dans le Traité des
songes de Synésios, cf. N. Aujoulat, Les avatars de la phantasia... dans
KOINQNIA, 7/2, 1983, p. 168-169 ; 172 ; 8/1, 1984, p. 37-42.
(22) Théodoret de Cyr, Thérapeutique des maladies helléniques , texte
établi et traduit par P. Canivet, Paris, 1958, t. I, V, 27. Théodoret de
Cyr a vécu de 393 env. à 466.

(23) Sur l'emploi de ce mot chez Aristote et chez les stoïciens, cf. p.
ex. G. Verbeke, L'évolution de la doctrine du pneuma du stoïcisme à St-
Augustin , Paris-Louvain, 1945, p. 24-25.
(24) J. P. Dumont, op. cit., p. 119.
(25) S. E., II, p. 88, 161.
(26) J. P. Dumont, op. cit., p. 119. Cette explication, rappelons-le, s'ap-
plique à une conclusion de Camèade à propos du critérium de la vérité,
conclusion transmise par Sextus Empiricus, et rien ne prouve de façon
formelle que ledit Camèade a exposé les idées de Chrysippe. Il en est
de même pour l'exemple tiré d'Antiochus d'Ascalon cité ensuite par Sex-
tus Empiricus. Cet Antiochus, académicien sceptique des IIe et Ie siècles
avant J. C., qui serait passé du scepticisme au dogmatisme dans sa vieil-
lesse, a utilisé un passage attribué à Chrysippe par Aëtius, mais cet em-
prunt d'Antiochus à Chrysippe n'est que suggéré par Von Arnim (Cf. S.
V. F., II, p.24, 1.37, apparat critique).
(27) S. E., II, p. 88, 162 ; S. V. F., II, 63, p. 24, 1.30-36.
(28) Cf. la n. 17.

(29) S. E., II, p. 88, 163 ; S. V. F., II, 54, p. 21, 1.28 - p. 22, 1.2 ;
63, p. 24, 1.36.39.

(30) J. P. Dumont, op. cit., p. 11 9.


(31) Comme le dit Sextus Empiricus, "La représentation, dans la doctrine
des stoïciens, est difficile à définir." (S. E., II, p. 130, 241). D'après lui,

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LES ORIGINES STOÏCIENNES DU CORPS LUMINEUX 143

il y a ceux pour qui la représentation est une altération dans Yhègém


kon ; d'autres la voient comme une altération de Vhègémonikon. Pou
uns, elle est passive, pour les autres, active, etc... Tout le passage
contenu dans S. E., II, 232-262 est rempli de ce genre de subtilités.
(32) Max Pohlenz, Die S toa, Geschichte einer geistigen Bewegung , Göt-
tingen, t. I, 1948, p.61.
(33) Sur ies songes , dans Synesii Cyrenensis opuscula , N. Terzaghi recen-
suit, Rome, 1944, p. 153, 135 D.

(34) Ibid., p. 153, 136 B.


(35) Ibid., p. 153, 136 A.
(36) Cf. Aristote, De Anima , 426 b, 431 a-b.

(37) S. E., II, p. 452, 409 ; S. V. F., 85, p.28-29. Cf. S. E., II, p. 450,
406 ; III, p. 318, 218.

(38) S. E., II, p. 452, 410.

(39) Sur les songes , p. 162, 140 D. Cf. Jay Bregman, op. cit., p. 150-151.
(40) E. Bréhier, La théorie des incorporels dans V ancien stoicisme , Paris,
1970, p. 12.

(41) Ibid., p 12.


(42) Ibid., p. 62. C'est nous qui soulignons.
(43) Pasquale Pasquino, Le statut ontologique des incorporels dans ran-
cien stoïcisme, dans Les stoïciens et leur logique , actes du colloque de
Chantilly, 18-22 septembre 1976, Paris, 1978, p. 378.
(44) Ibid., p. 381.
(45) Cf. n. I.

(46) Sur les songes, p. 177, 149 C-D.


(47) Ibid., p. 177, 1.21-23 ; p. 178, 1. 1-3. Cf. N. Aujoulat, Les avatars
de la phantasia..., KOINQNIA, 8/1, 1984, p. 46-48.
(48) Cf. N. Aujoulat, ibid., 7/2, 1983, p. 160 ; 8/1, 1944, p 46.
(49) Cf. G. Kerferd, The problem of synkatathesis and katalepsis in stoic
doctrinet /, The doctrine of the phantasia, dans Les stoïciens et leur lo-
gique, Paris, 1978, p. 252.
(50) S. E., II, p. 128, 241.
(51) S. E., II, p. 198, 374.
(52) Cf. J. P. Dumont, op. cit., p. 108-129.
(53) S. E., Outlines of pyrrhonism, II, p. 196, 70 ; p. 203, 81.

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144 N. AUJOULAT

(54) Cf. J. P. Dumont, op . cit.,


(55) Cf. N. Aujoulat, Le néo-platonisme alexandrin , Hiérocles d'Alexan-
drie, Leiden, 1986, p. 15, 272, 276-278.
(56) Pour Aristote déjà, "il y a toujours dans le sperme ce qui rend les
semences fécondes, c'est-à-dire ce qu'on appelle la chaleur. Or cette cha-
leur n'est ni du feu ni une substance de ce genre, mais le gaz (pneuma )
emmagasiné dans le sperme, et dans l'écumeux, et la nature inhérente à
ce gaz et qui est analogue à l'élément astral." (Aristote, De la génération
des animaux , éd. P. Louis, Paris, 1961, 736 b, 27 ss.).

(57) Cf. N. Aujoulat, op. cit., p. 266 ; p. 272, n. 269.


(58) S. E., Ill, p. 40, 71.

(59) Sextus Empiricus n'attribue pas expressément les lignes qui suivent
à Poseidonios. M. Laffranque, dans Poseidonios d'Apamée , Paris, 1964,
s'élève contre le platonisme attribué à Poseidonios et insiste sur son ma-
térialisme tout stoïcien. Elle refuse de lui attribuer les fragments qui ne
portent pas son nom (Cf. en particulier p. 515-527). J. Pépin, en re-
vanche {Idées grecques sur l'homme et sur Dieu , Paris, 1971, p. 145-
160), après G. Verbeke (op. cit. p. 151-153), prouve que le passage de
Sextus Empiricus que nous citons (S. E., Ill, p. 40-41, 71-74) est d'ins-
piration nettement poseidonienne.
(60) J. Pépin, op. cit , p. 152.
(61) S. E., Ill, p. 40, 73.
(62) Cf. N. Aujoulat, op. cit., p. 265-268 ; 284.
(63) Ibid., p. 265-266.
(64) Cf. p. 13.
(65) Cf. N. Aujoulat, op. cit., p. 260-261.
(66) Sur les songes, p. 162, 141 A.
(67) Ibid., p. 162,141 B.
(68) Ibid., p. 155, 137 A.
(69) Ibid., p. 162, 141 B.

(70) A. J. Festugière, Les " Mémoires pythagoriques" cités par Alexandre


Polyhistor, dans Etudes de philosophie grecque , Paris, 1971, p. 395-396.
Cf. N. Aujoulat, op. cit., p. 260.
(71) Cf. N. Aujoulat, op. cit., p. 266.
(72) Sur les songes , p. 162, 141 A. Cf. N. Aujoulat, Les avatars de la
phantasia, dans KOINQNIA, 8/1, 1984, p. 41.
(73) S. E., Ill, p. 40, 73.

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LES ORIGINES STOÏCIENNES DU CORPS LUMINEUX 145

(74) Cf. n. 23.

(75) S. E., Ill, p. 40, 74.


(76) Porphyre, De l'abstinence , t. II, texte établi et traduit par J. Bouf-
fartigue et M. Patillon, Paris, 1979, p. 216, n. 2.
(77) Ibid., p. 216, n. 3.
(78) Ibid., p 104, 38, 2.
(79) Ibid, 38, 3.

(80) Ibid., 38, 4-39, I

(81) Ibid., 39, 2.

(82) Ibid., 39, 2.

(83) Cf. n. 23.

(84) J. Pépin, op. cit., p. 156 et n. 3.


(85) Porphyre, De antro nympharum , dans Porphyre, Opuscuia selecta,
éd. A. Nauck, Leipzig (Teubner), réimpr. Hildesheim, 1963, p. 59, 5. Cf
F. Buffière, Les mythes d'Homère dans la pensée grecque, Paris, 1956,
réimpr. 1973, Appendice , L'antre des nymphes, p. 599, 5.
(86) Sur les songes, p. 177, 149 B-C.
(87) Ibid., p. 156-157, 138 A.

(88) Cf. Phèdre, 246 a et ss. ; République , VII, 514 a ss.


(89) De antro nympharum, éd. Nauck, p. 59, 5 ; Cf. F. Buffière, op.
cit., p. 599, 5.

(90) De antro nympharum, Nauck, p. 64, 11 ; F Buffière, op. cit., p.


602-603, 11.

(91) Sur les songes, p. 156- 157, 138 A.


(92) De antro nympharum, Nauck, p. 64, 11 ; Cf. F. Buffière, op. cit.,
p. 603, 11.

(93) Sur les songes, p. 158, 138 D.


(94) De antro nympharum, Nauck, p. 64, 11 ; Cf. F. Buffière, op. cit.,
p. 603, 11.

(95) Ibid., p. 423-424.

(96) De antro nympharum, Nauck, p. 64, 11 ; Cf. F. Buffière, op. cit., p.


602-603, 11.

(97) S. E., Ill, p. 42, 76.


(98) G. Rodier, Etudes de philosophie grecque, Paris, 1969, p. 258.

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146 N. AUJOULAT

(99) Ibid., p. 260. C'est nous qui soulignons.


(100) N. Aujoulat, Le néo- platonisme alexandrin. .., p. 271 ; 285. Sur la
notion de met horion, cf. ibid., p. 171-173.
(101) D. Babut, Plutarque et le stoicisme , Paris, 1969, p. 137.
(102) S. E., II, p. 244, 10 ; cf. 270, 67.
(103) G. Rodier, op. cit., p. 260.
(104) Sur le vide et l'espace, cf. S. E., Outlines of pyrrhonism, III, p.
411, 124SS.

(105) D'après S. E., ibid., III, p. 360, 52.


(106) Cf. n. 39.

(107) Cf. N. Aujoulat, op. cit., p. 285.


(108) K., 111, 17-18 ; 112, 8-9 ; 113,4.

(109) R. Beutler, R. E., s. v. Porphyrios, col. 308.


(110) P. Moraux, Quinta essentia , R. E., XXIV, 1963, col. 1252.
(Ill) Kissling R. C., The OXHEMA-îlNEYM A of the neo- pi at on ist s and
the De insomniis of Synesius of Cyrene , dans The american journal of
philology, 43, 1922, p. 318.

(112) G. Verbeke, op. cit., p. 173.


(113) G. Rodier, op. cit., p. 269.
(114) Cf. p. 131

(115) J. Pépin, op. cit., p. 146.


(116) Cf. n. 59.

(117) G. Verbeke, op. cit., p. 142.


(118) K., 118, 8.

(119) K., 117, 9 ; 112, 14, 17.

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