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Revue de botanique appliquée et

d'agriculture coloniale

A propos de la nomenclature de quelques Sapotacées africaines.


Auguste Chevalier

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Chevalier Auguste. A propos de la nomenclature de quelques Sapotacées africaines.. In: Revue de botanique appliquée et
d'agriculture coloniale, 23ᵉ année, bulletin n°266-268, Octobre-novembre-décembre 1943. pp. 282-285;

doi : https://doi.org/10.3406/jatba.1943.1778

https://www.persee.fr/doc/jatba_0370-3681_1943_num_23_266_1778

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A propos de la nomenclature
de quelques Sapotacées africaines.

Par Aug. CHEVALIER.

Récemment a été publié un travail de M. Ch. Baehni: Mémoires


sur les Sapotacées. II le genre Pouteria, Candollea, IX (1942-1943),
p. 147, qui, si les vues de l'Auteur étaient suivies, bouleverserait
complètement la nomenclature d'une bonne partie des espèces de
la famille des Sapotacées. Le genre Pouteria Aublet (1775) qui fut
longtemps regardé comme monospéciflque avec l'espèce P. guya-
nensis Aubl. du reste restée très énigmatique, Aublet ayant décrit
comme plante unique l'appareil végétatif de Pouteria d'une part et
le fruit de Sloanea d'autre part, devient au sens que lui donne
Baehni un genre tellement vaste qu'on y a inclus environ 30 genres
distincts (et même 70 genres si on retenait tous les synonymes).
Ainsi compris, le genre renferme déjà 277 espèces, 318 avec les in-
certae saedis. Aucune raison ne s'opposerait sans doute à ce qu'on
l'élargisse encore et qu'on y renferme toutes les Sapotacées, imitant
ce qu'avait fait en 1902 E. H. L. Krause (Flora Deutschland, éd. 2,
VI, 31) qui avait créé le genre Crucifera et y faisait rentrer tous les
genres de la famille des Crucifères. Si l'on veut pousser les choses
jusqu'au bout, pourquoi ne pas rétablir le genre Sapota Miller (1740)
qui aurait la priorité sur Pouteria : on pourrait y inclure non
seulement les genres Achras L., Lucuma Molina, mais aussi le genre
Pouteria qui est plus récent et mal défini par son créateur. La
science des plantes y gagnerait-elle en clarté ou en toute autre
manière, nous ne le pensons pas.
Pour notre part nous avons été ému en voyant changer la
nomenclature de 7 ou 8 genres d'Afrique pour les faire rentrer dans le
genre Pouteria; pourtant ils sont bien différents à nos yeux les uns
des autres et se différencient encore davantage du genre Pouteria
d'Amérique, lequel du reste a un état-civil des plus vagues, puisque
Aublet le créateur ne l'a pas défini et les botanistes qui ont suivi :
Radlkofer, 0. Kuntze, Pierre, Eyma, Baehni, l'ont interprété
chacun à leur manière, de sorte que A. Ducke déclarait avec raison il
y a peu de temps encore, que le genre Pouteria n'était pas naturel.
Ne pouvant le conserver il préférait lui substituer le genre Lucuma
Mol. sur lequel les botanistes du siècle dernier avaient su se mettre
d'accord. M. Baehni a vu les choses d'une manière très différente.
Nous estimons que sa révision amplifie la systématique botanique
de noms nouveaux, non seulement inutiles, mais encombrants.
Passons donc en revue les genres africains que Baehni fait
rentrer dans le genre Pouteria.
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Pachystela Pierre ex Bâillon in Bull. Soc. linn. Paris', 1891, 946 et
in Engler Monogr. afr. Pflanz. VIII, 35 (1904).
Le genre Pachystela a été bien défini par Pierre, dans ses notes
manuscrites distribuées aux grands herbiers. Engler et Aubréville
en ont donné d'excellentes figures. Il est typifié par P. brevipes
(Baker). C'est avec raison, croyons-nous, que Baehni rattache à
cette espèce, P. cinerea Pierre, P. Sacleuxii Pierre et P. lib erica
Engler. P. longistyla (Bak.) Radk. n'en est qu'une forme. Par contre
P. Pobeguiniana Pierre (synonyme de P. albida Chev.) que nous
avons observé à l'état vivant est une espèce très distincte au point
de vue morphologique et écologique.
Quant au Bakersideroxylon djalonense Chev. (= Sersalisia dja-
lonensis Aubr. et Pellegr.) qu'il lui rattache aussi c'est non
seulement une espèce différente, mais elle s'écarte du genre Pachystela
et mérite de rentrer dans un genre à part. Baehni a aussi retranché
du g. Pachystela le P. argenlea Chev. pour le placer dans le g.
Chrysophyllum. Cette attribution nous semble peu fondée, le P.
urgentea manque de staminodes il est vrai mais il a de longues
stipules comme les Pachystela.

Aningeria Aubr. et Pelleg. (1934).


Ce genre fondu avec les Pouteria par Baehni est très voisin des
Malacantha que le même auteur maintient à part.
A l'espèce type A. altissima Aub. et P. (= Hormogyne altissimum
Chev.) Baehni a rattaché H. gabonensis Chev. (dont Lecomte avait
fait un Sideroxylon) .
Peut-être faut-il y rattacher aussi Malacantha superba Vermoesen
du Congo belge dont Baehni ne parle pas (Cf. Chevalier, R. B. A.,
1943, p. 137).

Malacantha Pierre (1891).


Genre des mieux caractérisés, maintenu du reste par Baehni.
Toutefois il en exclut M. Heudelotiana Hutch, et Dalziel pro parte.
Effectivement ces auteurs ont rattaché à tort à cette espèce notre
M. robusta Chev. dont Baehni a fait le Pouteria aningeri (=
Aningeria robusta Aubr. et Pelleg.).

Sersalisia R. Br. Genre ancien (1810), typifié par S. obovata R. Br.


d'Australie devenu un Sideroxylon. Des espèces d'Afrique on a fait
souvent des Sideroxylon. Pierre en fait des Planchonella.
L'espèce la mieux connue d'Afrique occidentale est S. Afzelii
Engler. Hutchinson et Dalziel et à leur suite Baehni y rattachent
avec raison notre S. microphylla.
La plante très voisine et de la même région que nous nommions
Sersalisia Afzelii a été décrite sous le nom Pouteria ligulata Baehni.
Elle est tout au plus une simple variété de S. Afzelii, aussi nous ne
pouvons comprendre pourquoi Baehni l'a éloignée des autres
Sersalisia en la plaçant dans sa section Oligochaeta.
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Synsepalum A. DC. ex Bâillon (1891).
Genre créé par Bâillon pour l'espèce 5. dulcificum Daniell de
l'Ouest et du Centre africain répandue depuis la Guinée française
jusqu'au Congo belge et dans l'Oubangui. M. Baehni en fait une
section à part de son genre Pouteria et il en énumère huit espèces,
toutes spéciales à l'Afrique tropicale; nous décrivons plus loin le
S. dulcificum et deux nouvelles espèces.

Vincentella Pierre (1891) émend.


Il n'est pas douteux comme le remarque Baehni que ce genre a
la priorité sur Bakersideroxylon Engler, mais il doit être élagué
car à l'origine Pierre y faisait rentrer aussi les Pachystela et
nominativement P. longistyla.
L'espèce type est V. revoluta Pierre. Les espèces de ce genre au
nombre de dix constituent pour Baehni la sect. Bakersideroxylon
du g. Pouteria.
Nous avons observé les suivantes :

Y. revolula Pierre (1891) = Sideroxylon revolutum Baker =


Pouteria revoluta Baehni.
Ile de Fernando-Pô, Cameroun, Congo belge, Angola.

V. eamerounensis Pierre Ms ex Aubrév. et Pellegrin =


Bakersideroxylon revolutum Chev. = Pouteria camerounensis Baehni.
Après Engler nous avions confondu cette espèce avec B.
revolutum.
Elle croît dans la grande forêt. Côte d'Ivoire (Chev. 19 515,
19 809).

V. dpnsiflora (Baker) Pierre (1891) = Sideroxylon densiflorum


Baker = Bakersideroxylon densiflorum Engler = Pouteria densi-
flora Baehni.
Ile de San Thomé, Mann n° 1 083, forêt dense près de la mer,
surtout dans le S de l'île (Chev. 14 483, 14 483 bis, 14 613).

V. micrantha Chev. (comb, nov.) = Mimusops micranlha Chev.


(1909) = Sersalisia micrantha Aubrév. et Pelleg. = Pouteria akuedo
Baehni.
Espèce trouvée d'abord dans la forêt de la Côte d'Ivoire.

V. kemoensis Chev. (comb, nov.) = Bakeriella Kemoensis Dubard


= Pouteria Kemoensis Baehni.
Haut-Oubangui, près du confluent de la Kémo (Dybowski, 676).

Breviea Aubr. et Pelleg. (1934).


L'unique espèce B. sericea (Chev.) Aubr. et Pelleg. dont nous
avions fait un Chrysophyllum (C. sericeum) ne connaissant pas ses
fleurs lors de la découverte (il s'en rapproche du reste beaucoup
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sauf qu'il a des staminodes), Baehni en a fait le Pouteria leptosper-
ma (loc. cit. p. 388) ; il avait créé à la page 375 un P. sericea pour le
Sideroxylon sericeum Ait. d'Australie, de sorte qu'il devenait
nécessaire de créer un nom spécifique nouveau.

Sideroxylon L. (1753).
M. Baehni a eu au moins l'heureuse idée de laisser les
Sideroxylon africains dans ce genre linnéen, mais il signale p. 99 de son
premier mémoire que le 5. inerme L., la première espèce décrite
qui typifie le genre Colvaria ressuscité par Dubard, ne devrait plus
être un Sideroxylon dans le sens de Dubard. Les Calvaria devraient
s'appeler Sideroxylon et ce genre connu de tous les botanistes
devrait prendre un nom nouveau. On voit à quelles absurdités
conduisent ces remaniements de la nomenclature.
Nous pouvons citer encore un autre exemple des choses
étonnantes que les botanistes les mieux intentionnés sont amenés à
faire parfois, quand ils élargissent le sens donné à un genre ancien
mal défini.
M. Baehni a admis le genre indochinois Eberhardtia Lecomte
(1920) ; pourtant il classe dans son genre Pouteria l'espèce E. aurata
Lecomte; il a été amené sans doute à faire cette attribution par le
fait que l'espèce avait d'abord été décrite sous le nom de Plancho-
nella aurata Pierre ex Dubard. Or, en faisant l'examen de tous les
spécimens d'Eberhardtia d'Indochine (j'en ai récolté moi-même)
j'ai acquis la conviction que E. aurata, E. Krempfii et E. tonkinensis
ne forment qu'une seule et même espèce à laquelle nous avons
maintenu le nom de Planchonella aurata, nom qui a la priorité. Le
genre Planchonella (sensu Dubard) est aussi admis par Lam. Mais
que devient alors le genre Eberhardtia? Loin de nous la prétention
de méconnaître l'importance de l'œuvre de M. Baehni sur les Sapo-
tacées. Ses deux mémoires représentent un travail considérable de
coordination. Ses diagnoses et citations de spécimens nous semblent
des plus consciencieuses, mais le fait d'avoir réuni tant d'espèces
plus ou moins disparates dans un genre unique ne simplifie pas le
travail des chercheurs de l'avenir. Plus les travaux nouveaux
s'accumulent sur cette famille, plus il apparaît regrettable que la
Monographie de Pierre restée au Muséum à l'état manuscrit et qui était
presque achevée à la mort de ce savant en 1905 n'ait jamais été
publiée. Accompagnée d'admirables planches (qui manquent
malheureusement dans les mémoires de Baehni) elle constitue
aujourd'hui encore une base d'études pour la famille des Sapotacées,
unique au monde.

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