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Endodontie Principes Et Pratique-1
Endodontie Principes Et Pratique-1
PRINCIPES ET PRATIQUE
Chez le même éditeur
Autres ouvrages
Atlas d’anatomie clinique et chirurgicale des tissus superficiels de la tête et du cou, par J.-F. Gaudy, C. Vacher, 2010, 216 pages.
Manuel d’analgésie en odontostomatologie, par J.-F. Gaudy, Ch.-D. Arreto, 2005, 224 pages.
Parodontologie, par H. F. Wolf, E. M. & K. H. Rateitschak, 2005, 544 pages.
Endodontie PRINCIPES ET PRATIQUE
Mahmoud Torabinejad, DMD, MSD, PhD
Professor and Program Director
Department of Endodontics
School of Dentistry
Loma Linda University
Loma Linda, Californie, États-Unis
Gérard Lévy
Doyen honoraire
Professeur émérite ondotologie conservatrice, endodontie
Faculté de chirurgie dentaire
Laboratoire Éducations et Pratiques de Santé (LEPS EA 3412) Université Paris 13
Université Sorbonne Paris Cité, France
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l’avenir de l’écrit, tout particulièrement dans le domaine universitaire, le
développement massif du « photo-copillage ». Cette pratique qui s’est géné-
ralisée, notamment dans les établissements d’enseignement, provoque une
baisse brutale des achats de livres, au point que la possibilité même pour les
auteurs de créer des œuvres nouvelles et de les faire éditer correctement est
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This translation of Endodontics : principles and practice, 5th edition, by Mahmoud Torabinejad, Richard E.
Walton, Ashraf F. Fouad is published by arrangement with Elsevier Inc.
Cette traduction de Endodontics : Principles and Practice, 5th edition par Mahmoud Torabinejad, Ashraf Fouad
et Richard E. Walton a été publiée avec l’autorisation d’Elsevier Inc.
© 2016, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés pour la traduction française
ISBN : 978-2-294-74645-1
e-ISBN : 978-2-294-74769-4
VI
ENDODONTIE
VII
Préface
Soulager les patients de la douleur et prévenir la perte de généralistes, contient les informations indispensables pour
leurs dents, tels sont les objectifs principaux et constants ceux qui souhaitent incorporer l’endodontie dans leur pra-
des dentistes. Malgré tous leurs efforts, de nombreuses dents tique professionnelle. Celui-ci comprend le diagnostic et
sont atteintes de caries, de traumatismes ou sont affectées le plan de traitement ainsi que la prise en charge des mala-
par d’autres maladies ou d’autres troubles ; bien souvent, ces dies pulpaires et péri-apicales. Par ailleurs, le médecin
situations conduisent les praticiens à prescrire un traitement dentiste doit être capable d’identifier la complexité d’un
endodontique. L’endodontie est une discipline de la médecine cas et d’estimer s’il est capable de procéder lui-même à
dentaire qui traite de la morphologie, de la physiologie et de l’intervention ou s’il est préférable d’orienter le patient
la pathologie de la pulpe dentaire et des tissus péri-apicaux vers une consultation plus spécialisée.
humains aussi bien que de la prévention et du traitement des Bien que beaucoup d’avancées aient été réalisées en
maladies et des agressions relatives à ces tissus. Son domaine endodontie cette dernière décennie, les objectifs généraux
est vaste et comprend le diagnostic et le traitement de la dou- du traitement des canaux radiculaires demeurent l’élimi-
leur d’origine pulpaire et/ou péri-apicale, le traitement de la nation des tissus malades, l’élimination des micro-orga-
pulpe vivante, les procédures d’endodontie régénérative, le nismes et la prévention d’une récidive de la contamination
traitement non chirurgical des canaux radiculaires, le retrai- après le traitement. Cette nouvelle édition d’Endodontie.
tement des échecs thérapeutiques endodontiques, le blanchi- Principes et pratique est systématiquement organisée
ment interne et la chirurgie endodontique. Fondamentalement, pour simuler l’ordre des interventions exécutées en milieu
le but de l’endodontie est de préserver la denture naturelle. Le clinique. Elle contient des informations relatives aux
traitement de canal radiculaire est une intervention bien codi- structures normales, à l’étiologie des maladies, au diag-
fiée qui a prouvé ses capacités de supprimer la douleur et de nostic et au plan de traitement, à l’anesthésie locale, aux
restaurer la fonction masticatoire et l’esthétique des patients. traitements d’urgence, aux instruments de traitement des
Des millions de patients souhaitant préserver leur denture canaux radiculaires dentaires, à la préparation des cavités
naturelle doivent être informés sur les avantages et sur le taux d’accès, au nettoyage et à la mise en forme des canaux
de succès élevé du traitement de canal qui leur a été prescrit, radiculaires, à l’obturation et à la temporisation. En outre,
si celui-ci est correctement exécuté. l’ouvrage couvre l’étiologie, la prévention et le traitement
Comme pour toute autre discipline de la médecine dentaire, des accidents techniques des interventions ainsi que la
l’endodontie requiert deux composantes inséparables : l’art et résolution des problèmes résultant de traitements non chi-
la science. L’art se rapporte à l’exécution correcte des phases rurgicaux inadéquats par des approches chirurgicales. Un
techniques du traitement de canal. La science comprend les chapitre est dédié à l’analyse des résultats attendus des
sciences fondamentales et les sciences cliniques relatives aux traitements endodontiques, afin de définir des recomman-
conditions biologiques et pathologiques qui sous-tendent l’art dations publiées sous forme de guides d’évaluation des
du traitement endodontique par le truchement de principes résultats attendus de ces interventions. Dans cette édition,
et de méthodes dont la preuve scientifique a été établie. Un nous avons ajouté des informations concernant les cellules
traitement fondé sur la preuve au sens large intègre à la fois les souches de la pulpe dentaire et des tissus péri-apicaux, les
données scientifiques, l’expertise clinique du praticien ainsi interventions endodontiques régénératives, les analyses
que l’analyse des besoins et des préférences exprimés par le récentes de la flore microbienne endodontique, l’utilisation
patient. L’objectif principal visé par ce livre est l’incorpora- de la tomographie volumique à faisceau conique en endo-
tion de ces informations fondées sur les preuves quand elles dontie, les interrelations entre les praticiens généralistes
sont disponibles et pertinentes. et les endodontistes, et des considérations systémiques en
Compte tenu du faible nombre d’endodontistes pour répon- endodontie. De plus, un chapitre évoque le traitement par
dre aux besoins de la population, les praticiens de médecine implant dentaire unique.
dentaire générale doivent s’associer aux endodontistes pour Les autres particularités de cette édition sont : (1) des réfé-
préserver la santé de la denture naturelle. Leur responsabilité rences bibliographiques pertinentes et à jour, (2) des informa-
repose sur le diagnostic des maladies de la pulpe dentaire tions émanant des nouvelles avancées scientifiques et techniques
et des tissus péri-apicaux et sur le traitement des canaux ne dans le domaine de l’endodontie, (3) des informations concer-
présentant aucune complication particulière. En réalité, la nant l’implant dentaire unique, et (4) des contenus revisités en
plupart des traitements endodontiques sont exécutés par des collaboration avec de nouveaux auteurs. L’appendice fournit des
praticiens généralistes. Notre manuel, rédigé spécialement illustrations en couleur représentant la taille, la forme et la loca-
VIII pour les étudiants en médecine dentaire et pour les praticiens lisation de la cavité pulpaire à l’intérieur de chacune des dents.
Préface
Ces propriétés offrent au lecteur un manuel didactique concis, de millions de patients. Nous tenons aussi à exprimer notre
actualisé et facile d’utilisation. appréciation à l’équipe éditoriale d’Elsevier, dont la collabo-
Ce livre ne prétend pas couvrir la totalité des informations ration et le dévouement ont rendu ce projet possible, ainsi qu’à
de l’art et de la science de l’endodontie. Dans le même temps, Mohammad Torabinejad pour la rédaction et la lecture des dif-
il n’est pas conçu comme un livre de recettes ou un manuel férentes versions des manuscrits. Enfin, nous exprimons notre
de travaux pratiques traditionnel. Nous avons tenté de fournir reconnaissance à nos collègues et aux étudiants qui nous ont
au lecteur les informations fondamentales contributives à une fourni des cas et nous ont prodigué des suggestions construc-
bonne exécution du traitement des canaux radiculaires den- tives pour améliorer la qualité de notre manuel didactique.
taires et de lui offrir un cadre général de connaissance dans Compte tenu du volume important de matériel incorporé dans
tous les domaines se rapportant à l’endodontie. Cet ouvrage cette nouvelle édition, nous tenons à exprimer notre recon-
doit être utilisé comme une pièce maîtresse pour la compré- naissance aux contributeurs de la quatrième édition : Leif K.
hension de l’étiologie et du traitement des dents atteintes Bakland, Marie Therese Flores, Gerald N. Glickman, Gary
d’une maladie pulpaire ou péri-apicale ; de la sorte, le lecteur R. Hartwell, Karl Keiser, Keith V. Krell, Ronald R. Lemon,
pourra étendre son champ d’expérience professionnelle en Neville J. McDonald, Mary Rafter, Isabela N. Rôças, Asgeir
endodontie en relevant les défis posés par des cas de plus en Sigurdsson, James H.S. Simon, Henry O. Trowbridge et Frank
plus compliqués. Offrir la meilleure qualité de soin constitue J. Vertucci.
la valeur qui guide la planification d’un traitement endodon-
tique et son exécution appropriée. Mahmoud Torabinejad
Nous exprimons notre gratitude aux auteurs qui partagent
Richard E. Walton
leurs matériels et leur expérience avec nos lecteurs et avec
nous-mêmes. Leurs contributions améliorent la qualité de vie Ashraf F. Fouad
IX
Abréviations
X
Sommaire
CHAPITRE
dentaire et des tissus
périradiculaires
Graham Rex Holland, Mahmoud Torabinejad
PLAN DU CHAPITRE
OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE
Après avoir lu ce chapitre, l’étudiant devrait être capable : 7. D’énoncer la liste des composants neuronaux
1. De décrire le développement de la pulpe dentaire. de la pulpe et de décrire leur distribution et
2. De décrire le processus de développement des racines. leur fonction.
3. De reconnaître les régions anatomiques de la pulpe dentaire. 8. De discuter les théories de la sensibilité de la dentine.
4. D’énoncer tous les types de cellules de la pulpe et de 9. De décrire la voie des nerfs efférents de la pulpe vers le
décrire leur fonction. système nerveux central.
5. De décrire les deux composants fibreux et non fibreux de 10. De décrire les changements morphologiques de la pulpe
la matrice extracellulaire de la pulpe. qui se produisent avec l’âge.
6. De décrire les vaisseaux sanguins et lymphatiques de 11. De décrire la structure et la fonction des tissus
la pulpe. périradiculaires.
L
a pulpe dentaire est un tissu conjonctif lâche occupant et la forme d’une préparation conservatrice ou d’une prothèse
le centre de la dent. Sa fonction première est la for- dentaire dépendent de l’importance et de la morphologie de la
mation et le maintien de la dentine qui l’entoure ; elle cavité pulpaire ; elles dépendent aussi de la typographie de
occupe une place importante dans l’existence de la dent. La la dent (par exemple molaire, incisive, etc.), du stade de déve-
production de la dentine est assurée par des cellules pulpaires loppement de la dent selon l’âge du patient et des conséquences
spécialisées, les odontoblastes, qui, parallèlement à la forma- de traitements restaurateurs antérieurs. En cas d’agression, les
tion dentinaire, interagissent tout au début du développement procédures thérapeutiques de routine peuvent être profondé-
de la dent avec l’épithélium dentaire pour initier la formation ment modifiées si le développement de la dent n’est pas achevé.
de l’émail. La pulpe dentaire reste vivante toute au long de Étant entendu que la discipline d’endodontie engage le
la vie ; elle est capable de répondre aux stimuli externes. diagnostic et le traitement des maladies de la pulpe dentaire et
L’innervation dentinopulpaire est complexe ; la dentine et la de leurs séquelles, il est indispensable de disposer d’une
pulpe dentaire présentent des fibres sensitives ; en revanche, bonne connaissance de la biologie de la pulpe dentaire pour
des fibres du système nerveux autonome restent localisées dresser un plan de traitement scientifiquement raisonné. Ce
uniquement dans la pulpe et, quand cela est nécessaire, ses chapitre présente un panorama de la biologie de la pulpe et du
fibres commandent des réactions immunitaires visant à la parodonte en tant qu’élément scientifique fondamental.
formation de dentine de réparation et à la différenciation de
nouveaux ostéoblastes pendant le processus de cicatrisation.
La pulpe est pourvue de tous les équipements du système DÉVELOPPEMENT DE LA PULPE DENTAIRE
immunitaire périphérique et réagira à toute agression anti
génique telle que celle de la carie dentaire ou celles d’agressions Développement initial
ou de maladies génératrices d’inflammation et de douleur. Le système dentaire se présente à son origine sous la forme
La bonne santé de la pulpe dentaire contribue au succès des d’une crête de cellules épithéliales : la lame dentaire (fig. 1.1, A),
traitements de restaurations dentaires ; par exemple, le volume sur la surface des mâchoires embryonnaires. L’extension de 1
1 ENDODONTIE
Fig. 1.1 A. Stade précoce du développement dentaire. Invagination de la lame dentaire (LD) à partir de l’épithélium oral (EO).
B. Stade du bourgeon. L’ectomésenchyme (EM) commence à se condenser autour du germe dentaire. C. Stade de la cupule/
capuchon. L’ectomésenchyme condensé à l’intérieur de l’invagination est la papille dentaire (PD). Le follicule dentaire (FD)
commence son développement autour du germe dentaire. D. Stade précoce de la cloche. La couche des odontoblastes (OD)
et les vaisseaux sanguins (VS) sont visibles dans la pulpe dentaire. (Remerciements au Dr H. Trowbridge.)
cette lame dentaire et les différents aspects morphologiques (fig. 1.2, C). À ce stade, le tissu invaginé dans la cloche est en
observés au cours de son développement évoquent les stades réalité la pulpe dentaire. Autour de l’organe de l’émail et de la
successifs de formation des deux dentures humaines. Le pre- papille dentaire, des cellules vont se différencier pour former
mier stade est celui du bourgeon (fig. 1.1, B) suivi du stade le follicule dentaire qui deviendra l’attache parodontale. Cet
de la cupule (fig. 1.1, C) qui va s’invaginer pour atteindre ensemble complexe combinant organe de l’émail–papille
le stade de la cloche (fig. 1.1, D), dont le développement dentaire/pulpe–follicule constitue le germe dentaire.
donnera l’organe de l’émail d’origine ectodermique, point L’histodifférenciation et la morphodifférenciation du germe
de départ de l’amélogenèse. À l’intérieur de la cloche, la dentaire sont déterminées génétiquement et exécutées par un
papille dentaire est logée dans l’invagination ; elle corres- ensemble de facteurs de croissance, de facteurs de transcrip-
pond au stade primitif du développement de la pulpe dentaire. tion et autres molécules de signalisation. La plupart des gènes
Cette papille est dérivée des cellules ectomésenchymateuses contrôlant ce processus sont bien identifiés. À ce stade, cer-
provenant de la crête neurale mêlées avec les cellules mésen- tains troubles peuvent conduire à des anomalies de croissance
chymateuses locales. ou de développement telles que l’anodontie, l’amélogenèse
Au stade de la cloche, des cellules de l’épithélium imparfaite, l’odontogenèse imparfaite et tous les troubles asso-
dentaire interne de l’organe de l’émail vont se différencier ciés. Depuis de nombreuses années, ces molécules continuent
en améloblastes (fig. 1.2, A), avec ensuite la différenciation de faire l’objet d’une recherche substantielle dont l’objectif
des cellules de l’épithélium dentaire externe en odontoblastes à long terme est de les utiliser dans les thérapeutiques de
(fig. 1.2, B), qui vont produire la dentine pendant l’ultime régénération cellulaire et tissulaire comme l’apexogenèse et
2 stade de la cloche qui correspond à la formation de la couronne la régénération pulpaire.
La biologie de la pulpe dentaire et des tissus périradiculaires 1
préodontoblastes. Les cellules en dessous des odontoblastes
demeurent des cellules souches indifférenciées gardant leur
potentiel de différenciation.
Dès la différenciation de la couche des odontoblastes, la
lame basale de l’épithélium dentaire interne qui contenait
les molécules de signalisation disparaît et les odontoblastes,
désormais reliés par des jonctions étroites et étanches, des
jonctions communicantes et des desmosomes, sont en mesure
de produire la dentine (voir fig. 1.2, C) [1]. Dès le début de
la production de dentine primaire, les odontoblastes lancent
un signal aux cellules de l’épithélium dentaire interne qui
amorcent la formation de l’émail. Ce contrôle des échanges
de signaux simultanés est une illustration de l’interaction épi-
théliale–mésenchymateuse qui a été démontrée comme étant
la clé de voûte du processus de développement par les nom-
breuses études sur le modèle du germe dentaire. Le rythme du
dépôt de la matrice dentinaire organique qui part de l’extré-
mité de la cuspide vers le collet (ou l’apex) est régulier et
d’une moyenne de 4,5 mm/jour [2]. C’est le modèle génétique
de prolifération des cellules de l’épithélium dentaire interne
qui détermine la forme de la couronne dentaire. La première
couche de dentine formée est le manteau dentinaire. La direc-
tion et la taille des fibres de collagène du manteau dentinaire,
ainsi que son modèle de minéralisation diffèrent de ceux de la
dentine circumpulpaire subséquente. Le dépôt de dentine se
déroule vers la partie la plus interne des canalicules dentinaires
proche du corps cellulaire des odontoblastes. La matrice orga-
nique immédiatement adjacente au corps cellulaire odonto
blastique se présente sous la forme d’une couche de 10 à
50 mm ; c’est la prédentine qui reste toujours déminéralisée.
Au stade de formation de la couronne, les vaisseaux san-
guins et les nerfs débutent leur migration dans le conjonctif
pulpaire en direction coronaire. Chacun d’entre eux se ramifie
et se rétrécit au fur et à mesure qu’il s’approche de la couche
odontoblastique. À une étape avancée de la migration, ils
forment un plexus dont les fibres nerveuses s’étendent sous
la couche des odontoblastes et entre certains canalicules
dentinaires. La formation dentinaire se prolonge toute la vie
durant selon un modèle additionnel marqué par des stries et
des modifications au voisinage des canalicules dentinaires. La
fréquence de dépôt dentinaire ne s’arrête jamais. Elle diminue
à l’âge adulte ; mais elle pourrait augmenter si les odonto-
blastes étaient stimulés par des molécules toxiques pénétrant
la dentine.
Fig. 1.2 A. À un stade avancé de la cupule, l’épithélium dentaire La formation de la racine dentaire
interne (EDI) s’est différencié en une couche d’améloblastes mais n’a Pendant l’achèvement du développement de la couronne den-
pas encore déposé d’émail. La couche externe de la papille dentaire taire, les cellules des épithéliums dentaires interne et externe
(PD) n’est pas encore différenciée en couche d’odontoblastes. B. Moins se rejoignent à un niveau appelé la boucle cervicale délimitant
nettement que dans la fig. 1.2, A, la couche externe des cellules de la un plan qui sépare la couronne anatomique du site de forma-
papille dentaire commence sa transformation en odontoblastes (OD) à tion de la racine dentaire. Celle-ci est initiée par la prolifé-
la périphérie de ce qui devenu la pulpe dentaire (PD). Les améloblastes ration des cellules des deux épithéliums fusionnés appelés
(A) sont entièrement différenciés ; cependant, l’émail n’est pas encore gaine épithéliale de Hertwig [3]. La fonction de cette gaine est
formé. C. Au stade de la cloche, les odontoblastes (OB) déposent
identique à celle de l’épithélium dentaire interne pendant la
de la dentine (D), et les améloblastes (A) ont déposé un peu d’émail.
(Remerciements au Dr H. Trowbridge.)
formation de la couronne en fournissant les signaux induisant
la différenciation des odontoblastes et agissant ainsi comme
La différenciation des odontoblastes à partir des cellules un canevas de construction de la racine dentaire (fig. 1.3, A).
ectomésenchymateuses indifférenciées est initiée et contrôlée La prolifération cellulaire de la gaine de Hertwig est déter-
par les cellules ectodermiques de l’épithélium dentaire interne minée génétiquement et contribue à modeler le morphotype
de l’organe de l’émail. Les améloblastes synthétisent des de la racine qui peut être large ou étroite, droite ou courbe,
facteurs de croissance et des molécules de signalisation qui petite ou longue, unique ou plurielle. Dans ce dernier cas, les
entrent dans la lame basale de l’épithélium et, de là, vers les extrémités des languettes opposées de la gaine de Hertwig 3
1 ENDODONTIE
Fig. 1.3 A. Formation de la gaine épithéliale de Hertwig (GEH) à partir de l’épithélium interne (EDI) et externe (EDE).
B. La gaine épithéliale de Hertwig (GEH) s’est étendue. La dentine (D) et le cément (C) se déposent. La GEH a modifié
sa direction pour former le diaphragme épithélial (DE).
vont proliférer à la fois horizontalement et verticalement et se Les cellules résultant de la désagrégation de la gaine de Hertwig
rejoindre pour former le « diaphragme épithélial » préfigurant persistent dans le parodonte après l’achèvement de la formation
le patron des racines plurielles à venir (fig. 1.3, B). des racines ; ce sont les débris épithéliaux de Malassez [5]. Ils
Dès que la dentine primaire a été formée, la membrane n’ont aucun intérêt fonctionnel, mais ils peuvent former des
basale de la gaine de Hertwig se désagrège, puis se forme la kystes dans certaines conditions [6].
couche hyaline de Hopewell-Smith, bientôt suivie de la forma-
tion du cément. Cette fragmentation permet aux cellules du Formation des canaux latéraux
follicule dentaire environnant (le parodonte futur) de migrer et du foramen apical
pour être en contact avec la nouvelle surface dentinaire, et Canaux latéraux
de se différencier en cémentoblastes qui déposeront la pre- Les canaux latéraux sont des conduits qui mettent la pulpe
mière couche de cément acellulaire (fig. 1.4) [4]. Ce cément dentaire en communication avec le ligament parodontal
servira d’ancrage aux nouvelles fibres du ligament parodontal. (fig. 1.5). Embryologiquement, ils se forment avant la forma-
tion dentinaire et cémentaire en cas de fragmentation localisée
de la gaine de Hertwig en permettant immédiatement aux vais-
seaux sanguins et probablement aux nerfs de la pulpe dentaire
d’atteindre le ligament parodontal. Ces canaux latéraux peu-
vent être simples ou multiples, et plus ou moins volumineux.
Ils se situent à n’importe quelle région de la racine dentaire,
mais ils sont très nombreux dans la région apicale. Ils peuvent
mettre en communication le plancher de la chambre pulpaire
des molaires avec la région inter-radiculaire cervicale. Les
canaux latéraux sont d’une grande importance, au même titre
que le foramen apical ; ils constituent une voie de passage des
maladies de la pulpe vers le parodonte et vice versa.
Foramen apical
L’extension de la gaine de Hertwig prend fin dès que la lon-
gueur prédéterminée de la racine dentaire est atteinte. Quand
le foramen apical se forme, le contenu du parenchyme pul-
paire se réduit au passage des vaisseaux sanguins et des nerfs.
Normalement, le foramen apical est situé à l’extrémité de la
Fig. 1.4 Développement de la dentine (D), du cément (C), racine dentaire anatomique. En réalité, après l’achèvement de
4 du ligament parodontal (LPD), et de l’os alvéolaire (OA). la formation de la racine, le foramen est localisé à une distance
La biologie de la pulpe dentaire et des tissus périradiculaires 1
et constituer ainsi les fibres parodontales de soutien des dents
dans les alvéoles osseux. Les tissus conjonctifs mous et fibreux
intégrant les vaisseaux et les nerfs demeurent entre les fibres
parodontales. Les cellules mésenchymateuses indifférenciées
(cellules souches spécifiques) sont très nombreuses dans le
parodonte et ont la capacité de se différencier en cémento-
blastes, en ostéoblastes ou en fibroblastes en réponse à des
stimuli spécifiques. Le cément formé après l’achèvement de la
formation des fibres parodontales est cellulaire et joue un petit
rôle de soutien des dents. Tout comme le développement de la
pulpe dentaire, ce processus est génétiquement prédéterminé
et exécuté par le truchement de molécules de signalisation.
Une intense recherche dans ce domaine se développe parce
qu’elle est porteuse d’espoir de réelles approches biologiques
dans l’explication des maladies parodontales et de leur
thérapeutique.
L’irrigation sanguine du parodonte provient de l’os qui
l’entoure, de la gencive et des rameaux vasculaires de la pulpe
Fig. 1.5 Les régions anatomiques de la cavité pulpaire dentaire [8]. Cette vascularisation est considérable et pré-
mettant en lumière les cornes pulpaires, la chambre pulpaire, le sente un niveau élevé d’activité cellulaire dans cette région.
canal radiculaire, un canal latéral et le foramen apical. La pulpe
L’innervation du parodonte suit le même schéma que celui
qui est présente dans la cavité pulpaire communique avec le
ligament parodontal par le foramen apical et les canaux latéraux
de la vascularisation et est assurée par des fibres nerveuses
essentiellement. (Remerciements à Orban Collection.) amyéliniques autonomes et sensitives, et des fibres sensitives
myélinisées dont le diamètre est plus grand. Leur fonction
de détection est assurée par des récepteurs nociceptifs et des
plus ou moins grande de l’extrémité radiculaire en direction mécanorécepteurs.
coronaire [7] ; au cours de la vie, cette distance est augmentée
avec le dépôt de cément dans la région apicale.
Le nombre de foramens est unique ou pluriel, en particulier LES RÉGIONS ANATOMIQUES DES DENTS
concernant les dents multiradiculées. En présence de plusieurs ET LEUR IMPORTANCE CLINIQUE
foramens, il est convenu de postuler que celui dont le diamètre
est le plus grand est appelé foramen apical alors que les autres La dent est formée d’une couronne et d’une racine. À la jonc-
de plus petit diamètre sont nommés canaux accessoires tion de ces deux régions, se trouve la ligne du collet (région
(l’ensemble constitue le delta apical). Le diamètre du fora- cervicale). La cavité pulpaire est également divisée en deux
men apical d’une dent mature est compris entre 0,3 et 0,6 mm. régions, l’une coronaire et l’autre radiculaire. En général, le
Les diamètres les plus grands sont trouvés à l’extrémité des contour et la taille de la surface dentaire sont homothétiques
canaux distaux des molaires mandibulaires et des canaux du contour et de la taille de la cavité pulpaire. Dans la cou-
linguaux des molaires maxillaires. Sachant que la taille des ronne, la cavité pulpaire s’appelle la chambre pulpaire. Dans
foramens est imprévisible, il est impossible de la déterminer sa partie occlusale, le plafond présente des extensions appe-
avec précision en clinique. lées les cornes pulpaires (voir fig. 1.5) s’étendant dans les
cuspides. Ces cornes sont très volumineuses dans les jeunes
Formation du parodonte dents ; elles peuvent être exposées par inadvertance pendant
Les tissus parodontaux se forment à partir des tissus ectomé- une préparation cavitaire.
senchymateux (follicule dentaire) entourant la dent en cours Le volume de la cavité pulpaire peut diminuer de manière
de développement. Après la formation du manteau dentinaire, irrégulière après l’achèvement de la croissance de la racine
des protéines de type amélaire sont sécrétées dans l’espace parce que la production de dentine est continue ; il s’ensuit
compris entre la membrane basale et le collagène nouvelle- une réduction de l’extension des cornes pulpaires aussi bien
ment formé par les cellules de la gaine de Hertwig. Cette zone que de la chambre. La chambre pulpaire des molaires présente
de sécrétion est organique près du manteau dentinaire ; elle se un diamètre mésiodistal de plus en plus grand comparé à la
minéralisera à partir de la couche hyaline de Hopewell-Smith. hauteur occluso-apicale ; de telle sorte que si cette hauteur
Il s’ensuivra une désagrégation de la gaine de Hertwig. Cette devient quasiment nulle, l’intervention clinique est délicate,
fragmentation induira la différenciation des cellules du folli- en particulier quand il faudra localiser l’entrée des canaux
cule en cémentoblastes qui s’étendra tout le long de la couche radiculaires et les préparer par la suite (fig. 1.6).
hyaline. Des faisceaux de collagène, produits par des fibro- Les variations anatomiques concernent aussi bien les types
blastes dans la région centrale du follicule (fibres de Sharpey), de dents que les dents d’un même type. Par exemple, il est
sont enchâssés dans le cément néoformé et deviendront les possible qu’une dent dotée généralement d’une cavité simple
fibres principales du ligament parodontal. (un seul canal radiculaire) vienne à présenter plusieurs canaux
Dans le même temps, les cellules du follicule les plus éloi- radiculaires. Comprendre et apprécier tous les aspects de
gnées se différencieront en ostéoblastes pour former le tissu l’anatomie des canaux radiculaires fait partie des prérequis
osseux qui servira aussi d’ancrage aux fibres parodontales. indispensables à la maîtrise de leur traitement.
Plus tard, des fibroblastes parodontaux produiront plus de Les variations dimensionnelles et topographiques du fora-
collagène destiné à relier les fragments de fibres déjà attachés men apical affectent la micro-vascularisation pulpaire quand 5
1 ENDODONTIE
Fig. 1.6 A et B. Modifications de l’image radiographique de la chambre pulpaire avec le temps. Les radiogrammes postérieurs
ont été obtenus à 15 ans d’intervalle. Les contours de la cavité pulpaire radiculaire ont été modifiés à la suite de la dentinogenèse
secondaire et du dépôt de dentine tertiaire dû à la présence de restaurations profondes. C. Dentine secondaire (DS). Coupe
microscopique à faible grossissement. D. Dentine secondaire (DS) à fort grossissement.
Fig. 1.7 Modifications anatomiques de la racine dentaire et de la cavité pulpaire. A. Un faible rapport racine/couronne et une
divergence du tiers apical du canal sont observés. B. Quatre ans plus tard, l’allongement de la racine, un rapport racine/couronne
plus favorable et une convergence apicale sont observés.
celle-ci a subi un traumatisme. Des dents jeunes partiellement grand que sa portion interne dans la racine, appelée constric-
développées offrent un meilleur pronostic de survie de la tion apicale, difficilement localisable à la radiographie. La
pulpe que des dents matures (fig. 1.7). constriction apicale correspond à la jonction cémentodenti-
Le dépôt de cément postéruptif peut induire des difficul- naire (JCD). Sa localisation est variable d’une racine à l’autre ;
tés d’interprétation des radiogrammes de la région apicale et elle est estimée localisée entre 0,5 et 0,75 mm de l’apex
6 du foramen dont le diamètre de l’embouchure peut être plus anatomique en direction coronaire selon les recherches [7].
La biologie de la pulpe dentaire et des tissus périradiculaires 1
Théoriquement, il est admis qu’à ce niveau, la constriction aux traumatismes, à l’attrition et aux procédures de dentis-
apicale est la frontière entre la pulpe dentaire et le ligament terie restauratrice. Cette formation dentinaire se produit par
parodontal ; cliniquement, c’est la limite à ne pas dépasser induction, différenciation et migration des nouveaux odonto-
pour l’extraction de la pulpe malade. Cependant, il n’est pas blastes vers le site de l’exposition de la pulpe face à l’agres-
toujours possible de localiser cette limite, et il est préférable sion (fig. 1.9).
de maintenir le site de préparation et d’obturation du canal La pulpe dentaire est aussi capable de transformer et
radiculaire confiné dans celui-ci pour éviter d’agresser inutile- d’identifier les substances étrangères, telles les toxines bacté-
ment les tissus parodontaux. La détermination de la longueur riennes cariogènes, et de susciter une réponse immunitaire en
de la racine dentaire et la fixation d’une longueur de travail leur présence.
sont des étapes indispensables à la préparation des canaux
radiculaires. À cet effet, les clichés radiographiques et les Sensibilité
localisateurs d’apex électroniques sont des outils efficaces. Les nerfs pulpaires peuvent répondre aux stimuli irritant
directement la pulpe ou en contact avec l’émail et la den-
tine. Des stimuli physiologiques peuvent aussi être ressentis
LES FONCTIONS BIOLOGIQUES DE LA PULPE comme douloureux. La stimulation des nerfs pulpaires myé-
DENTAIRE linisés provoque une douleur rapide et aiguë. L’activation des
nerfs non myélinisés se traduit par une douleur moins violente
La pulpe dentaire remplit cinq fonctions ; certaines relèvent de et plus sourde. La sensibilité de la pulpe due à l’irritation de
l’édification et d’autres du soutien. l’émail et de la dentine est habituellement rapide et aiguë ; elle
est transmise par des fibres Ad (fibres étroites myélinisées).
Induction
La pulpe dentaire participe à la genèse et au développement
de la dentine [9]. Dès la formation de la dentine, se forme HISTOMORPHOLOGIE
l’émail. Ces événements sont interdépendants, sachant que
l’épithélium de l’émail induit la différenciation des odonto- En réalité, la dentine et la pulpe constituent un complexe
blastes et que ceux-ci et la dentine contribuent à la formation tissulaire singulier dont l’apparence histologique varie avec
de l’émail. Ces interactions épithélio-mésenchymateuses sont l’âge et l’exposition aux stimuli externes.
le fondement du processus de la formation de la dent. L’observation au microscope optique d’une dent mature
jeune montre certains aspects reconnaissables de l’architec-
Formation ture pulpaire. Dans la région périphérique sous-jacente à la
Les odontoblastes forment la dentine [10]. Ces cellules haute- prédentine se trouve la couche des odontoblastes. Puis, vers
ment spécialisées participent à cette formation en empruntant l’intérieur de cette couche se trouve une couche acellulaire
trois voies : (1) par la synthèse et la sécrétion d’une matrice (zone acellulaire de Weil), suivie d’une couche riche en cel-
inorganique, (2) par le transport initial de composants inor- lules. (Ces caractéristiques sont limitées à la pulpe coronaire
ganiques vers la matrice nouvellement formée, et (3) par la et sont difficilement discernables.) Au centre se trouve une
création d’un environnement favorisant la minéralisation de région occupée majoritairement par des fibroblastes, des fibres
la matrice. Pendant le développement précoce de la dent, la nerveuses et des vaisseaux sanguins ; l’ensemble constitue le
genèse de la dentine primaire est un processus rapide. Dès tronc de la pulpe dentaire (fig. 1.10).
l’achèvement de la racine dentaire et la maturation de la dent,
la formation de la dentine se prolonge à une vitesse ralentie et
selon un schéma irrégulier (genèse de la dentine secondaire). CELLULES DE LA PULPE DENTAIRE
Les odontoblastes répondent aussi aux agressions associées aux
caries, aux traumatismes ou aux procédures de restauration ; Odontoblastes
ils produisent une dentine généralement moins organisée que Les odontoblastes sont des cellules pulpaires caractéristiques
la dentine primaire et la dentine secondaire concentrée vers le formant une simple couche périphérique, synthétisant la
site de l’agression (dentine tertiaire). Celle-ci se présente sous matrice et contrôlant la minéralisation de la dentine [11]. Ils
deux formes : une dentine tertiaire réactionnelle tubulaire dont produisent le collagène fibreux et trois protéines non colla-
les canalicules prolongent ceux de la dentine originelle, formée géniques dans lesquelles le collagène est enchâssé. Dans la
par les odontoblastes créateurs de cette dernière ; une dentine région coronaire de la cavité pulpaire, les odontoblastes sont
de réparation, largement non tubulaire, formée par des odonto nombreux (entre 45 000 et 65 000 par mm2), relativement
blastes différenciés à partir de cellules souches devenues volumineux et cylindriques. Dans la région cervicale et dans la
actives après la mort des odontoblastes originels (fig. 1.8). moitié supérieure de la racine, leur nombre est inférieur et ils
apparaissent plus plats. La morphologie de ces cellules reflète
Nutrition leur niveau d’activité ; les cellules les plus volumineuses dis-
Les réserves de nutriments de la pulpe sont indispensables à posent d’un mécanisme de synthèse très développé et sont
la fois pour la formation de la dentine et pour le maintien de capables de fabriquer la plus grande quantité de matrice.
sa propre intégrité. Pendant leur cycle de vie, elles passent par des phases de tran-
sition entre activité fonctionnelle et activité de repos, toutes
Les défenses marquées par des variations de taille cellulaire et d’expression
La production de dentine par les odontoblastes de la dent des organites [12]. Des odontoblastes continuent de modifier
mature est une barrière de défense face aux agressions bacté- leur niveau d’activité pour un laps de temps donné. Certains
riennes dues à la carie qui mutile la dentine ; elle répond aussi meurent par apoptose et par autophagie lysosomale pendant 7
1 ENDODONTIE
Fig. 1.8 A. Dentine réactionnaire (DRE) à faible grossissement. B. DRE à fort grossissement montrant un changement
de direction des canalicules (flèches). C. Dentine de réparation (DR) à faible grossissement. D. DR à fort grossissement.
(Remerciements au Dr H. Trowbridge.)
Fig. 1.10 A. Diagramme de l’organisation de la pulpe périphérique. B. Pulpe périphérique à faible grossissement. C. Pulpe
périphérique montrant une zone acellulaire (ZAC) et une zone riche en cellules (ZRC).
Les corps cellulaires sont liés par une variété de jonctions L’ensemble des récepteurs membranaires présentent une
membranaires comprenant des jonctions étroites et étanches, typologie plurielle et variable selon le type cellulaire et l’âge
des jonctions communicantes et des desmosomes disposant de la cellule. Les récepteurs du type Toll (Toll-like receptors,
de fonctions spécifiques. Les desmosomes lient les cellules TLR2 et TLR4) sont à l’origine de la libération de cyto-
mécaniquement pour maintenir les cellules en une couche kine pro-inflammatoire quand les odontoblastes sont acti-
cohérente. Les jonctions communicantes permettent la vés par des bactéries à Gram positif (acide lipotéichoïque)
communication intercellulaire dans la couche. Les jonctions (fig. 1.12). Cela traduit un comportement de l’odontoblaste
étroites et étanches contrôlent la perméabilité de la couche. comparable à celui d’une cellule de reconnaissance antigé-
Les produits de sécrétion des odontoblastes sont libérés à tra- nique quand les toxines bactériennes pénètrent la dentine [14].
vers la membrane cellulaire périphérique et le prolongement. D’autres récepteurs connus de la famille des vanilloïdes
Les jonctions intercellulaires sont des portions spécialisées de (par exemple TRPV1, récepteurs de la capsaïcine, TRK-1)
la membrane cellulaire. D’autres portions membranaires agis- sont thermosensibles à la chaleur et au froid et induisent les
sent comme des récepteurs membranaires capables de fixer mouvements des fluides dans les canalicules (fig. 1.13) [15, 16].
des molécules de signalisations (ligands) et de modifier ainsi Ainsi, l’odontoblaste joue un rôle immunitaire et agit comme
le comportement de la cellule. un nocicepteur. 9
1 ENDODONTIE
Fig. 1.11 A. Corps cellulaire odontoblastique. Le noyau (N) est proximal, et les nombreux organites, tel le réticulum endoplasmique
rugueux (RER) et l’appareil de Golgi (G), qui sont responsables de la synthèse des composants de la matrice, occupent les régions
centrale et distale. B. La prédentine (P) montre l’orientation du collagène (C) dans le prolongement odontoblastique, qui est l’organe
de sécrétion s’étendant de la prédentine dans la dentine (D). (Remerciements au Dr P. Glick et Dr. D. Rowe.)
Fibroblastes
Les fibroblastes constituent la fraction cellulaire la plus
commune et la plus nombreuse dans la pulpe dentaire et en
particulier dans la région coronaire. Ils produisent et maintien-
nent le collagène et la substance fondamentale du conjonctif
Fig. 1.12 Coloration immunohistochimique de la couche pulpaire, et transforment la structure de la pulpe malade. Tout
odontoblastique, de la dentine et de la région sous-odontoblastique comme les odontoblastes, le nombre important d’organites
pour marquer les récepteurs du type Toll (TLR2) (vert) et les cellules cytoplasmiques des fibroblastes varie avec l’activité cellulaire.
dendritiques (rouge). (Veerayutthwilai O, Byers MR, Darveau Ces cellules meurent aussi par apoptose et sont remplacées si
RP, Dale BA : Differential regulation of immune responses by nécessaire par la maturation de cellules moins différenciées.
odontoblasts, Oral Microbiol Immunol 2007 : 22 : 5-13, 2007.) Les progrès de l’immunocytochimie et des analyses géné-
tiques ont permis une reconnaissance plus précise des cellules
Cellules souches (préodontoblastes) de la pulpe dentaires alors que des techniques simples comme
Quand les odontoblastes sont détruits à la suite d’une agres- l’identification par la coloration à l’hématoxyline éosine ne per-
sion, des molécules de signalisation sont libérées ; elles vont mettaient pas la détection des subtilités de la typologie cellulaire.
mobiliser des cellules souches (cellules mésenchymateuses
indifférenciées) très nombreuses dans la pulpe [17] qui vont Cellules du système immunitaire
migrer vers le site de l’agression et se différencier pour former Les cellules immunitaires de la pulpe dentaire les plus
10 de nouveaux odontoblastes [18]. Ces molécules de signalisation importantes sont les cellules dendritiques (estimé à 8 % dans
La biologie de la pulpe dentaire et des tissus périradiculaires 1
Fig. 1.15 A. Concrétions minéralisées multiples dans la pulpe coronaire. B. Pulpolithes occluant une chambre pulpaire.
C. Pulpolithe strié. (Remerciements au Dr H. Trowbridge.)
Matrice non collagénique [22] chronique. Elles ne provoquent pas de douleur quelle que soit
Les fibres de collagène de la pulpe sont noyées dans un gel leur taille.
histologiquement transparent riche en glycosaminoglycanes Des calcifications peuvent être plus diffuses ou se pré-
et d’autres molécules d’adhésion. Les glycosaminoglycanes senter comme des dépôts linéaires associés au paquet vas-
se combinent avec des protéines et d’autres saccharides pour culonerveux du corps de la pulpe dentaire. Ces formes sont
former les protéoglycanes qui sont des molécules plus volumi- très fréquentes dans les pulpes âgées, siège d’inflammation
neuses et constituantes du gel. Parmi les six types de molécules chronique ou si les dents sont traumatisées. La forme, la taille
d’adhésion détectées dans la matrice pulpaire, la fibronectine et la localisation des calcifications rendent quelquefois impos-
est responsable de l’adhésion des cellules dans la matrice. sible de les reconnaître pendant un examen radiographique
(fig. 1.16). Les calculs pulpaires très volumineux sont d’une
Calcifications importance clinique considérable ; ils peuvent obstruer les
Les pulpolithes ou denticules (fig. 1.15) ont été précédemment entrées des canaux radiculaires, voire interdire l’accès vers la
classifiés comme vrais ou faux selon la présence ou l’absence région apicale des canaux.
de structure tubulaire. Cette classification a été discutée et une
nouvelle nomenclature fondée sur la genèse des calcifications
a été suggérée. Une autre classification a été énoncée en tenant VAISSEAUX SANGUINS
compte de leur localisation. Histologiquement, trois types de
calcification pulpaire ont été décrits : les calculs libres entou- La dent mature possède un modèle de microvascularisation
rés du conjonctif pulpaire ; les calculs attachés, qui prolon- dense et spécialisé qui représente un environnement unique [23].
gent la dentine ; et les calculs enchâssés entièrement inclus Le réseau vasculaire a été examiné au moyen de techniques
dans la dentine tertiaire. variées comprenant la perfusion à l’encre de Chine, le micro-
Les calcifications pulpaires sont présentes à tout âge et scope électronique à transmission, le microscope électronique
quelle que soit la dent examinée, comme l’a montré une à balayage et la microradiographie.
enquête récente sur des radiogrammes rétro-coronaires réa-
lisés chez des étudiants d’une clinique universitaire ; 46 % Vaisseaux sanguins afférents (artérioles)
d’entre eux montraient des images de calcification et 10 % Les artérioles, branches de l’artère alvéole inférieure, de
de la totalité des dents présentaient des calculs pulpaires. Ces l’artère alvéolaire supérieure et postérieure ou de l’artère
calcifications peuvent exister dans des pulpes saines et sont infra-orbitaire, sont dotées du diamètre le plus grand quand
12 plus fréquentes si la pulpe est atteinte d’une inflammation elles entrent dans le foramen apical.
La biologie de la pulpe dentaire et des tissus périradiculaires 1
De la région radiculaire vers la région coronaire, les arté- shunts capillaires artério-veineux et des anastomoses veino-
rioles perdent peu à peu leur enveloppe musculaire qui formait veineuses qui deviennent actifs après une agression de la
les sphincters pré-capillaires destinés à contrôler le flux et la pulpe et pendant le processus de réparation.
pression sanguins. Leur diamètre se rétrécit, et elles se rami-
fient en formant un lit de vaisseaux capillaires (fig. 1.17). La Vaisseaux sanguins efférents
micro-vascularisation capillaire la plus développée s’étend le Les vaisseaux efférents sont les veinules qui sortent de la dent
long de la couche sous-odontoblastique de la pulpe coronaire et dont le diamètre est légèrement plus grand que celui des
où elle forme un plexus vasculaire très dense (fig. 1.18) [24]. artérioles correspondantes. Leur formation débute à la jonc-
Certaines boucles capillaires cheminent entre les odonto- tion des capillaires veineux et les diamètres s’élargissent au
blastes [22]. Les échanges de nutriments et de déchets s’effec- fur et à mesure de la rencontre avec de nouvelles ramifications
tuent à ce niveau (fig. 1.19) [25] où s’étendent de nombreux vasculaires. Leur trajet est le même que celui des artérioles 13
1 ENDODONTIE
Fig. 1.19 A. Plexus capillaire sous-odontoblastique. B. Capillaires à l’intérieur de la couche des odontoblastes. C. Ramification
des capillaires dans le plexus sous-odontoblastique. D. Artériole (A) et veinules (V) dans la pulpe périphérique. (Remerciements
au Dr H. Trowbridge.)
jusqu’à la sortie par le foramen apical. Par la suite, ils se diri- Fig. 1.21 Microscope électronique à transmission : image d’un
gent postérieurement dans la veine maxillaire via le plexus vaisseau lymphatique (L) dans la pulpe périphérique. (Source :
ptérygoïdien ou antérieurement dans la veine faciale. Matsumoto Y, Zhang B, Kato S : Lymphatic networks in the
periodontal tissue and dental pulp as revealed by histochemical
Vaisseaux lymphatiques [26, 27] study, Microsc Res Tech 56 : 50, 2002.)
Le réseau lymphatique pulpaire se présente à la périphérie de
la pulpe comme un ensemble de petits vaisseaux peu visibles
14 à paroi fine. Après avoir traversé la pulpe, ils forment un ou
La biologie de la pulpe dentaire et des tissus périradiculaires 1
deux vaisseaux de plus grand diamètre passant par le fora- Des études récentes ont remis en cause l’hypothèse selon
men apical (fig. 1.20 et 1.21). Leurs parois, composées d’un laquelle l’augmentation de la pression du liquide intersti-
endothélium riche en organites et en granules, sont disconti- tiel s’étendait rapidement jusqu’à étrangler les vaisseaux à
nues ; la membrane basale des cellules endothéliales est elle- l’entrée du foramen apical. En réalité, cette augmentation de
même poreuse. Cette porosité permet le passage du liquide pression reste localisée au site de l’agression dans des limites
tissulaire interstitiel et, si nécessaire, le passage des lympho- supportables pour la pulpe parce que la pression interne des
cytes à l’intérieur des vaisseaux lymphatiques dont la pres- capillaires locaux augmente pour la contrebalancer et main-
sion est négative. Les lymphatiques participent à l’élimination tenir l’intégrité des vaisseaux. Pendant la réponse à l’agres-
des exsudats inflammatoires, des transsudats et des débris sion, les gradients de concentration varient pour faciliter les
cellulaires. Dès la sortie de la cavité pulpaire, certains lym- échanges des nutriments et des déchets entrant et sortant des
phatiques rejoignent leurs homologues parodontaux au niveau capillaires. Au même moment, l’activité des lymphatiques
du ligament en se dirigeant vers les ganglions lymphatiques augmente parce qu’ils sont chargés d’éliminer les liquides tis-
(sous-mentonnier, sous-mandibulaire, ou cervical) avant de sulaires et les débris. Par ailleurs, des anastomoses se forment
se drainer dans les veines sous-clavière et jugulaire interne. pour shunter les vaisseaux de cette microcirculation dans le
La compréhension du drainage lymphatique est une aide au but de maintenir l’oxygénation et la nutrition des régions voi-
diagnostic des infections d’origine endodontique. sines du site de l’inflammation. Si la cause de l’agression est
éliminée, la situation retourne progressivement à la normale
Physiologie vasculaire et le processus de réparation ou de régénération se met en
La pulpe dentaire jeune est très richement vascularisée. Le flux action. Dans le cas contraire, le processus inflammatoire per-
sanguin capillaire dans la région coronaire est environ deux siste et augmente en volume, et les tissus pulpaires viennent
fois plus important que dans la racine. L’irrigation sanguine à se nécroser. La nécrose pulpaire peut se présenter sous la
est principalement régulée par les sphincters pré-capillaires et forme d’un abcès localisé dans une région du conjonctif pul-
l’innervation sympathique [28]. D’autres facteurs et peptides paire ; bien souvent, elle tend à s’étendre à l’ensemble de la
locaux libérés par les nerfs sensitifs affectent aussi la vascula- pulpe qui est peu à peu infectée par les toxines bactériennes
risation, particulièrement pendant l’inflammation. provenant de la lésion carieuse et envahissant progressive-
Comme dans d’autres tissus, le volume de la micro- ment les tissus pulpaires.
vascularisation est beaucoup plus important que celui du sang Les variations de la circulation observées pendant l’inflam-
qui y circule. Seule une partie est irriguée, ce qui permet une mation sont largement pilotées par l’innervation locale. La
augmentation considérable du flux sanguin en réponse à pression, le flux et la distribution sanguins sont affectés par les
une agression. Les facteurs qui déterminent le passage du sang fibres sympathiques passant par les sphincters pré-capillaires.
dans les tissus quel que soit le sens comprennent les gradients Les fibres nerveuses sensitives libèrent de nombreux neuropep-
de concentration, l’osmose et la pression hydraulique. Les gra- tides dont les plus importants sont le peptide alternatif du gène
dients de concentration varient le long de la trame capillaire, de la calcitonine (calcitonin gene-related peptide [CGRP]) et la
comme l’oxygène qui se répand hors des tissus décongestionnés substance P (ces désignations sont d’origine histologique et ne
et le dioxyde carbone qui entre à plus ou moins haute concen- sont pas rattachées à une fonction spécifique dans cette situa-
tration. La pression hydraulique des capillaires pulpaires peut tion). Ces neuropeptides, libérés au niveau d’axones réflexes
chuter de 35 mmHg dans les artérioles à 19 mmHg à l’extrémité d’un neurone en T par une branche d’un nerf sensitif stimulé
des veines. Entre les vaisseaux, la pression du liquide interstitiel par une agression, causent la libération de peptides par une
est variable, mais elle est normalement de 6 mmHg [29]. autre branche. Ce mécanisme expliquant l’augmentation du flux
sanguin et la perméabilité capillaire par excitation d’éléments
Modifications vasculaires pendant sensibles est connu sous le nom d’inflammation neurogénique.
l’inflammation [30]
La réponse de la pulpe dentaire aux agressions est en tout
point comparable à celle des autres tissus conjonctifs. Elle INNERVATION
comprend deux phases immunitaires, la première non spéci-
fique, débutant rapidement dans les minutes voire les heures La deuxième et la troisième division du nerf trijumeau (V2 et
suivant l’attaque, et la seconde correspondant à la production V3) distribuent l’innervation sensitive principale de la pulpe
d’anticorps spécifiques. Avant que le caractère immunitaire respective des dents maxillaire et des dents mandibulaires. Les
de la réponse aux agressions n’ait été connu, il était convenu prémolaires mandibulaires reçoivent aussi l’innervation sen-
de caractériser la réponse inflammatoire aux agressions tis- sitive des branches du nerf mylohyoïdien, lui-même branche
sulaires par quatre phénomènes : rougeur, douleur, chaleur et du V3 qui est principalement un nerf moteur. Ces branches
tumeur. Bien que les connaissances aient précisé la nature de innervent ces dents en passant par des foramens accessoires
la réponse au niveau cellulaire, ces quatre signes cardinaux localisés sur la face linguale de la mandibule. Parfois, les
demeurent importants. À l’exception de la douleur, les réac- molaires mandibulaires reçoivent une innervation sensitive du
tions sont essentiellement vasculaires. La chaleur et la rougeur nerf spinal par les deuxième et troisième nerfs cervicaux (C2
proviennent de l’augmentation du flux sanguin, et l’œdème et C3) ; cela peut créer des difficultés pour obtenir l’analgésie
résulte de l’accumulation de liquide tissulaire interstitiel de ces dents par infiltration du nerf mandibulaire.
libéré par l’augmentation de la perméabilité des capillaires ; Les corps cellulaires du nerf trijumeau sont localisés dans le
mais cela ne s’observe qu’au niveau de la peau. C’est différent ganglion trigéminal. Les dendrites de ces nerfs communiquent
pour la pulpe qui est logée dans une cavité rigide qui inter- au moyen de synapses avec les neurones du noyau sensitif du
dit l’observation d’un œdème ; en revanche, la pression du trijumeau dans le tronc cérébral. Des neurones de second ordre
liquide tissulaire est augmentée. communiquent avec certains noyaux du thalamus. Enfin, des 15
1 ENDODONTIE
Neuroanatomie
Les nerfs de la pulpe et de la dentine
Les axones des nerfs sensitifs de la pulpe sont à la fois myéli-
nisés et amyéliniques (fig. 1.22). Les axones myélinisés sont
des fibres Ad nociceptives à conduction lente et étroites (1 à Fig. 1.24 Plexus sous-odontoblastique de Raschkow (flèches)
6 mm de diamètre). Il existe un petit pourcentage d’axones coloré à l’argent.
myélinisés appelés Ab (1 à 5 %) dont la conduction est plus
rapide et de diamètre légèrement supérieur (6 à 12 mm de fins forment des branches qui cheminent aussi bien sous les
diamètre). D’autres tissus sont innervés par des fibres plus odontoblastes qu’autour d’eux, ou encore selon leur axe dans
grandes proprioceptives ou mécanoréceptives. Leur rôle dans les canalicules dentinaires (fig. 1.23) [31]. Sous la couche des
la pulpe n’est pas très bien connu alors qu’il a été démontré odontoblastes, l’ensemble de ces terminaisons nerveuses
que ces fibres Ab sont recrutées dans le modèle de la dou- constituent le plexus de Raschkow (fig. 1.24).
leur quand d’autres tissus sont le siège d’une inflammation. À l’intérieur des canalicules dentinaires, il n’existe pas de
Toutes les fibres myélinisées perdent leur gaine de myéline synapse avec les odontoblastes, mais les fibres voisinent de très
16 à leur extrémité ; les axones devenus amyéliniques et plus près ces cellules sur presque toute leur longueur. Environ 27 %
La biologie de la pulpe dentaire et des tissus périradiculaires 1
des canalicules proches des cornes pulpaires des dents adultes processus appelé convergence. Cependant, l’activité d’une
jeunes contiennent des fibres nerveuses intracanaliculaires. synapse unique est sans effet excitateur d’un neurone de
Celles-ci sont plus rares à mi-hauteur (11 %) et dans la région deuxième ordre. C’est la sommation de l’ensemble des synapses
cervicale (8 %) de la couronne et elles sont inexistantes dans qui contribue à atteindre le seuil d’excitation de ces neurones
la racine [32]. Leur incidence est supérieure dans la prédentine dont l’activation peut être affectée par les fibres appartenant au
que dans la dentine minéralisée. système opioïde endogène et cheminant par le mésencéphale.
L’activation de ces fibres réduit l’activité des neurones de
Les aspects du développement de l’innervation deuxième ordre. Ainsi, les afférences nociceptives sont modu-
pulpaire lées et cela explique pourquoi l’expérience douloureuse n’est pas
Les types et le nombre relatif de nerfs dépendent du degré de toujours directement liée au degré de stimulation périphérique
maturité de la dent. Les fibres myélinisées et amyéliniques nociceptive. Les axones des neurones de deuxième ordre chemi-
pénètrent la pulpe au même instant, mais elles forment le nent en suivant la médiane du noyau thalamique où se situent les
plexus de Raschkow peu après l’achèvement de l’éruption synapses avec les axones de fibres de troisième ordre qui vont
dentaire. Par conséquent, les réponses aux tests de sensibilité transmettre les informations à une variété de centres supérieurs,
pulpaire sont inconstantes quand ceux-ci sont appliqués sur parmi lesquels le cortex somesthésique. La distribution des affé-
des dents partiellement développées. Cela réduit la valeur rences centrales nociceptives et la présence d’un système modu-
des tests de stimulation pour apprécier l’état de la pulpe des lateur de la douleur descendant des centres supérieurs offrent
jeunes patients, particulièrement en cas de traumatisme. un vaste cadre pour la compréhension du contrôle de la douleur.
Le nombre de fibres nerveuses diminue avec l’âge. La Suite à une sommation persistante des afférences nociceptives,
signification de cette réduction est difficilement appréciable les propriétés des neurones de deuxième ordre peuvent changer ;
quant à la réponse aux tests de sensibilité pulpaire. cela permet d’expliquer certains paramètres complexes inter-
venant dans le diagnostic et le traitement de la douleur, comme
Les voies de transmission de l’innervation cela sera développé dans des chapitres ultérieurs.
pulpaire vers le système nerveux central
Les stimuli mécaniques, thermiques et chimiques provo- Théories de l’hypersensibilité dentinaire
quent un influx qui circule le long des axones pulpaires par La douleur provoquée par le curetage ou la section de la den-
les branches maxillaires (V2) et mandibulaires (V3) du nerf tine et par l’application de solutions froides ou hypertoniques
trijumeau vers le ganglion trigéminal (de Gasser) qui contient sur la dentine exposée suggère la présence d’une innervation
les corps cellulaires des neurones. De ces neurones gan- provenant du système nerveux central et aboutissant à la jonc-
glionnaires, des dendrites cheminent centralement et commu- tion de l’émail et de la dentine. En réalité, aucun chemin direct
niquent via des synapses avec des neurones de deuxième n’existe à ce niveau. C’est confirmé par le fait que l’application
ordre dans le complexe nucléaire trigéminal situé à la base du de substances inductrices de douleur comme l’histamine, l’acé-
tronc cérébral (medulla dans la terminologie internationale), tylcholine et le chlorure de potassium sur la dentine exposée
à l’extrémité supérieure de la moelle épinière. Le plus grand est indolore. La douleur provoquée par le chaud et le froid n’est
nombre d’activités issues de la pulpe dentaire passent par les pas bloquée par les anesthésiques locaux. Pendant un certain
axones et les synapses des neurones de la portion spinale du temps, il a été supposé que la sensibilité dentinaire provenait
complexe et notablement le sous-noyau caudal. de fibres sensitives cheminant dans les canalicules dentinaires.
Beaucoup de communications synaptiques entre des axones Actuellement, il existe deux explications largement diffusées
périphériques et un seul neurone se développent selon un concernant la sensibilité dentinaire périphérique (fig. 1.25).
Fig. 1.25 Schéma illustrant les mécanismes théoriques de la sensibilité dentinaire. A. Théorie classique (stimulation directe
des fibres nerveuses dans la dentine). B. Odontoblastes en tant que a médiateur entre les stimuli et les fibres nerveuses.
C. Mouvement des liquides proposé par la théorie hydrodynamique. (Modification d’après : Torneck CD : Dentine-pulp complex.
In Ten Cate AR, editor, Oral histology, ed 4, St Louis, 1994, Mosby.) 17
1 ENDODONTIE
Ligament parodontal
Tout comme la pulpe dentaire, le ligament parodontal est un
tissu conjonctif spécialisé [36]. Sa fonction est en partie liée
à la présence de faisceaux de fibres de collagène qui main-
tiennent la dent dans son alvéole et qui absorbent les forces
occlusales, empêchant leur transmission à l’os environnant.
L’espace ligamentaire est étroit ; sa largeur moyenne varie
entre 0,21 mm pour une dent jeune et 0,15 mm pour une dent
plus âgée. L’uniformité de cette largeur (visible sur un radio-
gramme) est un des critères pris en compte pour déterminer
l’état de santé de la région.
Des cémentoblastes et des ostéoblastes tapissent l’espace
ligamentaire. Entrelacé avec les fibres parodontales principales,
se trouve un tissu conjonctif mou contenant des fibroblastes, des
cellules souches, des macrophages, des ostéoclastes, des vais-
seaux sanguins, des nerfs et des vaisseaux lymphatiques. Des
débris épithéliaux de Malassez sont aussi présents (fig. 1.28).
Comme cela a déjà été noté, ces cellules ne jouent aucun rôle
quand le parodonte est sain ; en revanche, elles prolifèrent en
cas d’inflammation et peuvent former des kystes.
La vascularisation du parodonte est très dense et complexe.
Fig. 1.27 Région apicale d’une incisive maxillaire montrant le
Les artérioles irriguant le ligament parodontal proviennent
foramen apical. t : tissu de transition entre le ligament parodontal
et la pulpe ; o : odontoblastes ; vs : vaisseaux sanguins.
des branches alvéolaires supérieures et inférieures de l’artère
maxillaire cheminant dans l’os spongieux. Ces artérioles tra-
versent des petites ouvertures pour atteindre l’os de l’alvéole
4. Cément secondaire à fibres cellulaires mixtes. Ce cément de la dent ; elles sont accompagnées par les nerfs et vont
de type adaptatif incorpore des fibres parodontales de sorte s’étaler dans tout l’espace supérieur et inférieur du parodonte.
qu’elles poursuivent leur développement. Sa distribution Leur densité est plus importante en face des dents postérieures
est variable et étendue ; il peut être reconnu par l’inclusion qu’en face des dents antérieures. D’autres vaisseaux provien-
des cémentocytes, son apparence feuilletée et la présence nent de la gencive ou de l’irrigation de la pulpe ; ces dernières
de cémentoïdes à sa surface. branches se ramifient et s’étendent vers le haut dans l’espace
5. Cément acellulaire afibrillaire. C’est un cément qui peut parodontal avant que les vaisseaux pulpaires pénètrent dans le
recouvrir l’émail ; il ne joue aucun rôle auprès des fibres foramen apical. Le degré de l’irrigation sanguine collatérale
d’attachement. vers le ligament parodontal et la complexité de ses ressources
Le cément ressemble à l’os ; cependant, il est plus dur, ce qui cellulaire transmettent un excellent potentiel réparateur suite à
le rend résistant à la résorption pendant les mouvements phy- une agression, celui-ci se maintenant toute la vie en l’absence
siologiques de la dent. La jonction entre le cément et la dentine de maladie générale ou chronique locale.
formant la constriction apicale est mal définie et pas uniforme L’innervation du parodonte est à la fois sensitive et sym-
dans sa circonférence. Des principes biologiques suggèrent que pathique du système autonome. Les nerfs sympathiques
la limite de préparation des canaux radiculaires est fixée à la proviennent du ganglion cervical supérieur et leurs termi-
jonction entre la pulpe et le parodonte, cette limite se situant à la naisons innervent les muscles lisses des artérioles parodon-
constriction apicale. Bien que beaucoup de praticiens débattent tales. La stimulation des fibres sympathiques induit une
sur la probabilité et la possibilité d’atteindre ce but, la majorité constriction des vaisseaux. Comme dans la pulpe, il n’y a
d’entre eux s’accordent sur le caractère essentiel de la précision pas de preuve convaincante de l’existence d’une innervation
pour mesurer la longueur de travail et sur l’usage de toutes les parasympathique.
procédures mises à leur disposition pour que l’estimation de L’innervation du parodonte provient des deuxième et troi-
la longueur se situe au plus proche de la constriction apicale. sième divisions du nerf trijumeau (V2 et V3) et elle constitue
Bien que la dentine soit plus dure que l’os et qu’elle se un ensemble mixte de fibres de grand et de petit diamètre. Les
résorbe plus lentement, il arrive qu’elle se résorbe quand elle fibres sensitives amyéliniques comportent des terminaisons
est exposée face à une lésion inflammatoire pré-apicale ; dans non nociceptives. De grandes fibres sont des mécanorécep-
cette situation, la constriction apicale est détruite. Parfois, teurs disposant de terminaisons spécifiques dans l’espace
une résorption rapide dont la cause est inconnue est observée ligamentaire et se concentrant particulièrement dans le tiers
(résorption idiopathique) ; mais elle est très limitée. apical de l’espace parodontal. Ces mécanorécepteurs sont
hautement sensibles aux pressions subies par le ligament
Jonction amélocémentaire pendant les mouvements dentaires. Ils permettent au patient
La jonction du cément et de l’émail au collet anatomique de la d’identifier les dents évoquant une parodontite apicale avec
dent est variable dans son arrangement quelle que soit la dent, précision. 19
1 ENDODONTIE
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21
2 Protection de la pulpe
CHAPITRE
et préservation de la
maturation de la dent
Ashraf F. Fouad, Anthony J. Smith
PLAN DU CHAPITRE
OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE
Après avoir lu ce chapitre, l’étudiant devrait être capable : 7. De discuter les effets des agressions de la pulpe des
1. De décrire la protection et la thérapeutique de la pulpe dents immatures.
dentaire. 8. De décrire le diagnostic et d’évaluer les cas d’agressions
2. D’expliquer les caractéristiques spécifiques et de la pulpe vivante des dents immatures.
structurelles du complexe dentino-pulpaire et comment 9. De décrire les techniques thérapeutiques de la pulpe
elles affectent la réponse de la pulpe aux agressions. vivante (apexogénèse) et d’isolement de la cavité pulpaire
3. De décrire les mécanismes de la réparation de la pulpe au niveau apical (apexification).
comprenant les réponses immunitaires et la formation 10. De décrire le pronostic du traitement de la pulpe vivante
de dentine tertiaire. et de l’apexification.
4. De décrire les effets des procédures de traitement 11. De décrire la technique de revascularisation de la pulpe et
et des matériaux dentaires sur la pulpe. les buts des traitements de régénération endodontique.
5. D’évaluer la signification de l’infiltration bactérienne 12. De reconnaître le potentiel des techniques d’ingénierie
et de la boue dentinaire sur la réponse de la pulpe. tissulaire appliquées à la régénération des tissus
6. De décrire les indications et actions thérapeutiques de la pulpe.
de la pulpe vivante. 13. D’étudier la restauration des dents immatures traitées.
Terme Définition
pansement occlusif immédiat (coiffage pulpaire) suivi d’une Coiffage Un matériau dentaire placé directement sur
restauration de façon à éviter un traitement de canal. Si l’expo- pulpaire direct la plaie de la pulpe vivante exposée à la suite
d’une agression mécanique ou traumatique
sition est importante ou sérieusement contaminée, il peut être
possible d’éliminer la portion malade la plus superficielle de la Excavation Élimination progressive du tissu carié sur
plaie (pulpotomie), de coiffer la pulpe résiduelle et de restau- temps par temps une période de temps pour permettre la
rer la dent. Le pronostic de cette approche est le meilleur s’il de la carie cicatrisation et pour minimiser l’exposition [7]
s’applique aux dents immatures (en particulier les dents tem- Pulpectomie Élimination chirurgicale complète de la pulpe
poraires) quand la racine n’a pas encore achevé sa formation et (extirpation pulpe vivante
atteint sa longueur définitive (apexogénèse) ; cependant, cette vivante)
approche peut aussi être envisagée pour traiter une pulpite
Pulpotomie L’ablation chirurgicale de la partie coronaire
réversible sur des dents dont la formation est totalement ache- (amputation de la pulpe vivante comme un moyen de
vée. Si la dent présente une pulpe nécrosée et une formation de la pulpe) préserver la vitalité de la partie radiculaire
de la racine incomplète, l’isolement de la cavité pulpaire par restante ; la pulpotomie est généralement
la fermeture de l’apex (il ne s’agit pas d’allonger la racine) pratiquée comme une intervention d’urgence
peut être obtenu par apexification. Il est cependant important pour la disparition temporaire des symptômes
ou comme une mesure thérapeutique
de prendre conscience du fait que l’inflammation de la pulpe
est une maladie progressive et que l’utilisation des traitements Pulpotomie L’ablation chirurgicale d’une petite partie
de régénération pour maintenir la vitalité pulpaire requiert une partielle malade de la pulpe vivante comme un
bonne compréhension de l’interaction des facteurs biologiques (pulpotomie moyen de préserver la pulpe coronaire et
superficielle ; radiculaire restante
influençant les événements de la régénération, à quoi s’ajoute pulpotomie
une sélection des cas bien adaptée. De telles approches ne de Cvek)
s’appliquent forcément pas à tous les cas, en particulier quand
l’inflammation de la pulpe est profonde et engage les tissus Apexification Isolation de la cavité pulpaire par induction
d’une calcification ou une barrière artificielle
radiculaires ; les symptômes n’étant pas reliés à l’état physio- à une racine avec un sommet ouvert ou
pathologique de la pulpe dentaire, le pronostic de ces traite- développement apical continue d’une racine
ments reste incertain. Il est possible qu’à l’avenir l’ingénierie incomplètement formée d’une dent dont la
tissulaire permette le remplacement de tout ou partie du tissu pulpe est nécrosée
pulpaire par un nouveau tissu [2, 3] en environnement clinique. Apexogenèse Une procédure de traitement de la pulpe
vivante effectuée pour permettre le
Régénération, revascularisation développement physiologique continu et
et revitalisation la formation de l’extrémité radiculaire ;
La nécrose pulpaire est clairement une maladie irréversible de terme fréquemment utilisé pour décrire le
ce tissu. Une dent mature présentant cette maladie peut survivre traitement de la pulpe vivante qui favorise
la poursuite de ce processus
normalement et sainement après un traitement de canal. En
revanche, si la dent est immature, le traitement est plus délicat Régénération Capacité de recréer du tissu pulpaire perdu
et la résistance aux fonctions normales de la dent est affaiblie pulpaire ou endommagé
parce que les parois de la racine sont plus fines et plus courtes.
Revascularisation Restauration de l’irrigation sanguine dans
Pour ces raisons, des techniques de contrôle de l’infection pulpaire la cavité pulpaire
de la cavité pulpaire et d’induction de reformation des tissus
conjonctifs pour préserver une maturation radiculaire normale Revitalisation Création d’un nouveau tissu conjonctif
ont été présentées ces dernières années [4]. L’utilisation des pulpaire [8] vivant dans la cavité pulpaire
termes revascularisation, revitalisation et régénération pour D’après American Association of Endodontists : Glossary of endodontic
décrire les résultats de ces procédures reste ouverte au débat terms, Chicago, 2012, The Association.
dans ce domaine. La majorité des auteurs proposent le terme 23
2 ENDODONTIE
LES LÉSIONS IATROGÉNIQUES DE LA PULPE dentine pendant les préparations cavitaires peuvent libérer ces
DENTAIRE molécules et la subséquente stimulation des réponses cellu-
laires de la pulpe [11].
Anesthésie locale
Les vasoconstricteurs contenus dans la majorité des solutions
Chaleur
d’anesthésie locale utilisées en dentisterie restauratrice rédui-
La chaleur est produite par le frottement d’une fraise ou d’une
sent le flux sanguin pulpaire de moins de la moitié de son
pointe abrasive rotative en contact avec les structures den-
taux normal [9]. Par exemple, dans le cas de la lidocaïne avec
taires. Jusqu’à l’apparition des instruments rotatifs à grande
adrénaline, cet effet est entièrement dû au vasoconstricteur [10].
vitesse, les préparations de l’émail et de la dentine étaient
Celui-ci peut ajouter un stress supplémentaire sur une pulpe
réalisées au moyen d’instruments rotatifs plus lents et à fort
en mauvaise santé pendant un traitement dentaire sous anes-
couple, et les fraises en acier n’étaient pas refroidies avec de
thésie. Une pulpe saine peut survivre une heure ou deux à un
l’eau. Les conséquences de leur utilisation étaient le roussis-
épisode ischémique ; en revanche, une pulpe déjà ischémique
sement de la dentine vivante et des agressions de la pulpe par
et fortement agressée devient brutalement hémorragique si
une chaleur extrême (fig. 2.3) [12].
elle subit un traumatisme pendant une préparation prothétique
La dentine est un isolant efficace ; c’est pourquoi la section
quand le dispositif de refroidissement est inadéquat.
progressive de ce tissu avec un spray rafraîchissant adéquat est
censée ne pas endommager la pulpe à moins que la distance
Préparation de la cavité/préparation entre les parois de la préparation et la pulpe soit inférieure à
coronaire 1 mm [13]. Malgré tout, la réponse inflammatoire est probable-
Une compréhension de la structure cellulaire du complexe ment légère (fig. 2.4). La plus grande quantité de chaleur est
dentino-pulpaire est indispensable pour ces préparations de dégagée par les fraises diamantées de gros diamètre quand les
dentisterie restauratrice afin de minimiser les agressions tis- dents sont préparées pour des couronnes prothétiques ; la pulpe
sulaires supplémentaires et de maintenir la pulpe vivante. est particulièrement menacée par ces agressions. La chaleur
Cela est élégamment illustré dans la figure 2.2, qui montre le produite par les frottements produit un effet de dessiccation de
contact intime des odontoblastes par leur prolongement avec la dentine dont le liquide canaliculaire en surface est en état
la matrice dentinaire mettant en évidence la communication d’ébullition.
entre ces cellules et leur environnement. La « rougeur » de la dentine pendant la préparation cavitaire
Toute intervention chirurgicale sur la dentine pendant une ou prothétique est supposée due à la chaleur du frottement
préparation cavitaire peut induire à un certain degré l’agres- qui a généré une hémorragie vasculaire dans la pulpe par des-
sion des odontoblastes et de leur prolongement qui, bien truction des vaisseaux [14]. La dentine prend une teinte rosée
qu’inévitable, demande une attention soutenue sur les consé- peu après l’intervention chirurgicale, ce qui reflète une lésion
quences de cette action pour minimiser l’extension de l’agres- vasculaire importante. La préparation prothétique effectuée
sion. Il est aussi important d’admettre que la structure de la
matrice dentinaire ne se limite pas à de simples composants
(par exemple collagène et minéral) ; elle contient aussi un
ensemble biologique complexe de molécules actives compre-
nant des facteurs de croissance, des cytokines et d’autres
constituants. La dissolution de la matrice pendant le proces-
sus carieux ajoutée à la section et à l’action chimique sur la
Profondeur de la cavité/épaisseur
de la dentine résiduelle
La perméabilité de la dentine augmente exponentiellement
avec l’augmentation de la profondeur de la cavité parce qu’à
ce niveau de profondeur la densité et le diamètre des canali-
cules sont beaucoup plus importants (fig. 2.5) [17]. Par consé-
quent, plus la cavité est profonde, plus la surface canaliculaire
potentiellement perméable à la pénétration et à la diffusion des
Fig. 2.4 Inflammation légère sous une préparation cavitaire toxines bactériennes dans la pulpe est étendue. La longueur
profonde réalisée sous un liquide de refroidissement. des canalicules dentinaires sous la cavité est aussi importante.
(Remerciements au Dr H. Trowbridge.) Plus la diffusion des substances est éloignée, plus le liquide
dentinaire les dilue et plus il exerce son pouvoir tampon.
sans l’utilisation d’un agent de refroidissement conduit à une Une épaisseur de dentine résiduelle de 1 mm est souvent
diminution marquée du flux sanguin pulpaire, probablement considérée suffisante pour former un bouclier protecteur contre
en raison de stase vasculaire et de thrombose. La quantité de la plupart des formes d’irritation. Dans les dents non cariées,
chaleur produite pendant la préparation est déterminée par le la formation de dentine tertiaire réactionnaire est plus rapide
Fig. 2.5 Variation en taille et en nombre des canalicules sur une portion superficielle (A), profonde (B), et dans la dentine
radiculaire (C) d’une préparation cavitaire. (Source : Trowbridge HO : Dentistry 82 : 22, 1982.) 25
2 ENDODONTIE
Fig. 2.8 Ces radiogrammes préopératoire (A) et postopératoire (B) démontrent le développement continu des racines
consécutif aux interventions de pulpotomie sur les deux incisives. Si les restaurations sont étanches, les pulpes restent saines ;
le traitement de canal n’est pas nécessaire.
Fig. 2.9 A. Incisive (histoire de lésion de luxation) présentant un apex ouvert (parois divergentes), une pulpe nécrosée et une
pathologie apicale. La fermeture de l’extrémité de la racine est indiquée. B. Région apicale d’une incisive centrale maxillaire
extraite chez un enfant âgé de 7 ans. Parallèlement à cette ouverture, les parois dentinaires présentent l’épaisseur d’une coquille
d’œuf. Ces dents sont difficiles à traiter ; le pronostic à long terme est incertain. (Remerciements au Dr L. Baldassari-Cruz.) 31
2 ENDODONTIE
Plan de traitement
L’état biologique de la pulpe et le stade de développement de
la racine sont les paramètres majeurs pour dresser un plan de
traitement (fig. 2.13). Si le diagnostic de pulpite réversible
était établi, la thérapeutique appropriée serait orientée vers le
traitement de la pulpe vivante ou l’apexogénèse en fonction du
stade de développement radiculaire. En outre, selon l’impor-
tance de la lésion pulpaire, le coiffage pulpaire et la pulpoto-
mie partielle ou coronaire totale pourraient être prescrits.
Si le diagnostic de pulpite irréversible ou de nécrose pul-
paire était établi, le traitement approprié serait déterminé par
Fig. 2.10 Nécrose pulpaire dans une incisive dont la formation le stade de développement de la racine. Si le développement
dentinaire est substantielle et dont l’apex est ouvert (parois
de la racine est achevé et que l’apex est complètement formé,
parallèles). La cavité d’accès dans la chambre pulpaire a été
réalisée. L’induction de la fermeture apicale avec une barrière
un traitement de canal conventionnel peut être réalisé. En
biologique est indiquée. Le pronostic à long terme est bon. revanche, si le développement de la racine était incomplet,
l’isolation de la cavité pulpaire par la fermeture biologique de
l’extrémité de la racine devrait être induite avant l’obturation
des canaux. Alternativement, une procédure de régénération
pourrait être tentée comme la revascularisation/revitalisation
du tissu pulpaire.
Dans la conception du plan de traitement, il faut penser à la
possibilité de restauration de la dent et à l’éventualité de frac-
ture radiculaire, surtout si les parois sont fines. La compliance
du patient est importante, en particulier pendant une procédure
de revascularisation. L’utilisation de l’hydroxyde de calcium
à long terme pour induire l’induction de la fermeture apicale
d’une dent immature peut fragiliser la racine et ne devrait
plus être recommandée. Les alternatives à l’induction de la
fermeture apicale comprennent les techniques mécaniques de
fermeture d’apex (apexification en une séance), la revasculari-
sation, la chirurgie endodontique ou l’extraction.
Apexogenèse [97–102]
L’apexogenèse est définie comme une procédure de traitement
Fig. 2.11 Résorption apicale (apex ouvert) associée à une
inflammation péri-apicale, résultat d’une nécrose pulpaire.
de la pulpe vivante exécutée pour favoriser le développement
physiologique continu et l’achèvement de la formation de la
racine. L’objectif est de maintenir la vitalité de la pulpe radi-
L’interprétation radiographique des dents immatures en culaire ; par conséquent, la pulpe doit rester vivante et être
développement peut être délicate. Il existe presque toujours capable de maintenir la continuité du développement, ce qui
une radio-clarté autour de l’apex d’une dent immature dont est fréquent dans le cas d’une petite exposition traumatique
la pulpe est saine ; si bien qu’il est difficile de la différencier coronaire dans une dent immature. Une petite exposition peut
d’une même image associée à une nécrose pulpaire. La radio- être traitée par coiffage pulpaire.
clarté associée à une dent immature présente des contours Quand l’exposition pulpaire est plus étendue, il pourra être
diffus. Aussi, la comparaison avec l’image du péri-apex de tenté d’éliminer les tissus enflammés (pulpotomie partielle),
la dent controlatérale peut être utile. Un radiogramme est en laissant intacts les restes de la pulpe. Il a été démontré que,
l’image en deux dimensions d’une réalité en trois dimen- jusqu’à 168 heures après l’incident traumatique, l’inflamma-
32 sions ; pour cette raison, le cliché radiographique habituel tion est limitée aux 2 mm les plus superficiels de la pulpe. Pour
Protection de la pulpe et préservation de la maturation de la dent 2
3. Contrôler l’hémorragie par une pression exercée sur une pour que la racine soit plus épaisse varie entre 1 et 2 ans ; il
boulette de coton stérile humectée avec une solution saline. dépend du stade de développement de la racine au moment
Un échec de l’hémostase peut signifier la présence de rési- de l’intervention. Le patient doit être rappelé à des intervalles
dus tissulaires enflammés et l’obligation d’excaver plus de de 6 mois pour vérifier la vitalité de la pulpe et la progression
pulpe. de la maturation apicale. L’absence de symptômes ne traduit
4. Rincer la pulpe exposée avec une solution d’hypochlorite pas l’absence de maladie. C’est pourquoi, à chaque rendez-
de sodium à 1,25 %. vous, il faudra rechercher les signes et les symptômes, tester
5. Placer un matériau de coiffage sur la pulpe amputée. Le la vitalité pulpaire, pratiquer un examen radiographique pour
MTA est le matériau de choix, bien que le pansement pâteux vérifier l’état de la région péri-apicale. L’avantage du coiffage
d’hydroxyde de calcium ait été largement utilisé [82, 106–109]. pulpaire et de la pulpotomie partielle réside dans la possibilité
La réponse tissulaire au MTA est excellente, alors qu’une de tester la vitalité pulpaire.
zone de nécrose est toujours présente sous l’hydroxyde de Le résultat attendu idéal du traitement par apexogénèse est
calcium [86, 97, 110]. l’achèvement physiologique de la croissance radiculaire avec
6. Préparer le MTA immédiatement avant son insertion en la présence d’un apex normal (fig. 2.14). Le tissu vivant peut
incorporant la poudre dans une solution saline dans un être préservé pendant longtemps, voire indéfiniment. Suite au
rapport de 3 pour 1 et en le mixant sur une plaque de verre coiffage pulpaire ou à la pulpotomie partielle, l’examen his-
ou un bloc de papier. Placer la pâte sur la pulpe exposée et tologique de la pulpe montre un tissu sain. Par conséquent, ces
la tapoter sur place avec une boulette de coton humectée. preuves histologiques contre-indiquent l’extirpation totale de
La présence d’humidité contribue à la prise du MTA qui la pulpe et l’obturation définitive après la fermeture apicale.
dure 3 heures, et c’est pourquoi il faudra placer une bou- Le taux de succès est plus bas suite à une pulpotomie conven-
lette de coton humide sur le matériau avant de terminer le tionnelle ; la présence de concrétions calcifiées est fréquente.
pansement avec un matériau d’obturation temporaire. Une Quand la présence des calcifications est prouvée, il a été pro-
alternative consiste à obturer la cavité avec du MTA blanc posé de pratiquer un traitement de canal ; cela n’offre aucune
qui sera protégé avec un carré de gaze pendant 3 à 4 heures. garantie parce qu’une calcification n’est pas en soi patholo-
Ensuite, éliminer 3 à 4 mm de MTA et restaurer immédiate- gique. Cependant, si dans de telles conditions, la pulpe venait
ment la dent définitivement. à l’avenir à se nécroser, la préparation des canaux radiculaires
Le but principal de l’apexogénèse est de préserver la vitalité pourrait être difficilement réalisable et il faudrait y substituer
pulpaire pour garantir la formation dentinaire et permettre la une procédure chirurgicale rendue nécessaire.
fermeture apicale. Les odontoblastes primaires résiduels conti- Si le diagnostic d’une inflammation irréversible ou d’une
nuent ainsi à produire de la dentine, ce qui augmente l’épais- nécrose de la pulpe était établi avant l’achèvement du dévelop-
seur des parois dentinaires radiculaires pour les rendre moins pement radiculaire, ou en présence de résorption interne, l’éli-
sujettes aux fractures. Le temps de production dentinaire mination de la pulpe et l’apexification doivent être exécutées.
Fig. 2.14 A. Prémolaire présentant une dens evaginatus causant une exposition pulpaire. B. Un an après la pulpotomie
et le coiffage avec l’agrégat minéral de trioxyde (MTA). Noter la preuve d’une barrière dentinaire (flèche) et la persistance
34 du développement radiculaire.
Protection de la pulpe et préservation de la maturation de la dent 2
Apexification [101, 111]
L’apexification est l’induction d’une barrière minéralisée (ou la
création d’une barrière artificielle) sur tout le plan d’un apex
ouvert dans des dents évoquant une nécrose pulpaire avec ou
sans lésion péri-apicale. L’apexification comporte l’élimination
de la pulpe nécrosée, suivie de l’assainissement et de la dés
infection du canal et de l’insertion d’un pansement antimicrobien
(fig. 2.15). Autrefois, l’accent était plus porté sur le type et les
propriétés du médicament, et beaucoup de matériaux ont été mis
sur le marché malgré l’absence de consensus quant à leur utili-
sation. Néanmoins, il a été démontré que les facteurs essentiels
favorisant la formation d’une barrière apicale comprennent une
élimination totale des tissus infectés, une désinfection efficace
et une étanchéité d’excellente qualité au niveau de la couronne.
Dans le passé, l’hydroxyde de calcium était choisi pour ses
qualités d’induction d’une barrière apicale. Cela se traduisait
par une nécrose stérile accompagnée d’une stratification miné-
ralisée sous-jacente [112]. Après l’application d’hydroxyde de
calcium, le signal cellulaire des événements réparateurs peut
être dû à plusieurs mécanismes, bien qu’il semble maintenant
que l’hydroxyde de calcium puisse libérer des facteurs de crois-
sance bioactifs enfermés dans la matrice dentinaire [113]. Cepen-
dant, la fragilisation des racines après un traitement à long terme
au moyen de l’hydroxyde de calcium [114] et le bon pronostic de
la barrière obtenue avec le MTA ces années récentes tendent à
faire préférer cette dernière technique d’apexification [115, 116].
Technique
1. Isoler un champ opératoire puis préparer une cavité d’accès
assez grande pour faciliter le retrait de tous les tissus nécrosés.
2. Éliminer les résidus organiques et les résidus de corps
étrangers avec douceur, puis irriguer avec une solution
d’hypochlorite de sodium à 1,25 %.
3. Établir la longueur de travail dans le canal légèrement à dis-
tance de l’apex radiographique. Éviter d’opérer au-delà de
l’apex parce que, dans le cas contraire, les tissus formant la
barrière seraient lésés.
4. Exécuter la préparation instrumentale avec des légers
mouvements circulaires appliqués sur les limes en partant
d’un diamètre relativement grand et en adaptant les diffé-
rents diamètres pendant la progression de la préparation.
L’objectif est d’optimiser le nettoyage en perturbant les
biofilms microbiens sur les parois radiculaires et en irri-
guant copieusement avec l’hypochlorite de sodium, ce qui
conduit à éliminer le moins de dentine possible.
5. Sécher le canal avec des pointes de papier absorbant de
grand diamètre.
6. Introduire le MTA dans le canal, soit en poudre soit en pâte Fig. 2.15 Fermeture apicale par une barrière artificielle. A. Nécrose
(mélange de la poudre avec une solution saline stérile), puis pulpaire accompagnée par l’arrêt du développement radiculaire
le fouler avec un fouloir ou avec une pointe de papier stérile et un apex ouvert (flèche). B. Après l’assainissement et la mise
en forme, une poudre d’agrégat minéral de trioxyde (MTA) est
de grand diamètre.
compactée dans la moitié apicale de la cavité pulpaire. C. La moitié
Le MTA, en tant que matériau pouvant être condensé, coronaire est obturée avec de la gutta percha, et l’accès est restauré
produit une barrière artificielle de défense. En revanche, si avec une résine composite. Le MTA a formé une barrière (flèche).
l’hydroxyde de calcium lui était substitué, cela stimulerait (Remerciements au Dr A. Williamson.)
les cellules pour construire une barrière biologique. Après
placement du MTA, prendre un cliché radiographique pour
confirmer l’isolation de la cavité pulpaire radiculaire par la Restauration après apexification [112, 117]
fermeture adéquate de l’apex (voir fig. 2.15). Insérer une bou- Après l’apexification, l’incidence de fracture radiculaire est très
lette de coton humide pour garantir la prise du pansement, élevée à cause de la fine épaisseur des parois. Il faut s’attacher
puis placer une restauration temporaire très étanche. Convo- à renforcer les racines fragilisées par leur immaturité avec des
quer le patient, au plus tard 24 heures après le traitement au procédures de restaurations spécifiques. L’usage des techniques
MTA, pour obturer et restaurer la dent définitivement. récentes de collage peut augmenter significativement la résistance 35
2 ENDODONTIE
des dents immatures à la fracture, à un niveau comparable de les événements moléculaires et cellulaires surgissant pendant
celui des dents intactes. Une étude in vitro a montré les effets le développement de la dent [3] ; et une des caractéristiques les
renforçateurs des résines composites sur les dents dont le volume plus marquantes du développement est le contrôle temporo
de la cavité pulpaire radiculaire est très important, et restaurées spatial intime de la séquence des événements qui se traduit
avec ces matériaux collés avec ou sans tenon de rétention [117]. par le fait qu’un groupe de cellules souches indifférenciées de
l’embryon puisse créer une hallucinante architecture de tissus
Succès ou échec de l’apexification variés qui prendra la forme d’une dent. Il est évident que de
L’échec peut survenir aussi bien pendant qu’après le traite- tels mécanismes de contrôle sont complexes et demandent
ment. La cause principale de l’échec est la contamination l’interaction de trois éléments clés :
bactérienne généralement due à la perte d’une restauration j les cellules souches progénitrices ;
coronaire ou à une désinfection chirurgicale du canal insuffi- j les signaux moléculaires (également connus sous le nom
sante. En cas de succès apparent du traitement, le patient doit de morphogènes ou facteurs de croissance) qui induisent
être convoqué tous les ans pendant 4 ans. À chaque séance la morphogenèse/différenciation cellulaire et régulent la
de rappel, il faudra pratiquer un examen clinique et radiogra- sécrétion de la matrice par les cellules différenciées ;
phique soigneux. Si le traitement ne respectait pas les règles j une plate-forme qui fournit un micro-environnement en
strictes de l’asepsie chirurgicale, des débris nécrotiques pour- trois dimensions pour la croissance et la différenciation
raient être piégés dans la barrière et contribueraient inévitable- cellulaires.
ment à l’échec. Une fracture radiculaire dentaire non détectée Concevoir et développer des stratégies d’ingénierie tissulaire
est une autre cause d’échec. Des études ont rapporté un taux pulpaire applicables à la pratique clinique et au cabinet dentaire
de succès de ce traitement globalement comparable à celui représente un défi considérable. Cependant, ce défi peut être
relevé à la suite des traitements endodontiques sur des dents simplifié en exploitant les sources de cellules souches propres de
matures présentant une lésion péri-apicale autour d’un apex l’organisme et les réserves endogènes de molécules de signalisa-
normalement fermé [118]. tion emprisonnées à l’intérieur de la matrice extracellulaire. Des
progrès considérables ont été accomplis récemment à propos de
Ingénierie tissulaire et endodontie l’identification des populations de cellules souches de la pulpe
régénératrice dentaire [121, 122] et de la migration des cellules souches mésen-
Actuellement, la thérapeutique de la pulpe vivante appliquée chymateuses vers les sites de l’agression dans les dents [123].
aux dents symptomatiques évoquant les signes cliniques de Favoriser le logement des cellules souches dans la pulpe suite
pulpite irréversible ne semble pas couronnée de succès ; et le à une agression [124] et l’identification de certains signaux molé-
destin de ces dents est le traitement des canaux radiculaires. culaires pour le recrutement des cellules [125] peut amoindrir
Cependant, des avancées significatives en matière de biologie la nécessité de développer des procédures de transplantation
des cellules souches, de médecine régénératrice et d’ingénierie clinique de cellules souches et leur expansion numérique, avec
tissulaire fournissent une plate-forme sur laquelle l’ingénie- le risque inhérent de modification du phénotype cellulaire. Les
rie et la régénération du complexe dentinopulpaire pourraient mécanismes complexes du signal relatifs à la différenciation
devenir une réalité clinique d’avenir. Désormais, nous disposons des odontoblastes et celle des autres cellules de la pulpe den-
de preuves de principe sur ces techniques de laboratoire [2, 3], taire tendent à engager une variété de signaux moléculaires telle
bien que de nombreux défis restent à relever pour transférer qu’il sera probablement difficile de les simuler cliniquement.
leurs applications à la pratique clinique quotidienne. Toutefois, ce cocktail riche en facteurs de croissance et autres
Les applications cliniques de telles techniques peuvent molécules bioactives emprisonnés dans la matrice dentinaire est
prendre des formes différentes, de la stimulation de la régéné- capable d’envoyer les signaux participant aux événements de la
ration naturelle des tissus par l’excision partielle de la pulpe, différenciation [2, 11], en supplément de ceux qui sont engagés
à l’ingénierie d’une pulpe entière suite à l’élimination de la dans l’angiogenèse [126]. Des stratégies de libération locale des
pulpe nécrosée et à la stérilisation de la cavité pulpaire. La molécules de signalisation pourraient être étudiées en créant
régénération naturelle des tissus s’apparente aux processus des milieux acides par le truchement d’un support approprié
de cicatrisation des plaies du corps humain, et la stimulation comme l’acide polylactique contenu dans les agents de condi-
de ces processus peut demander un changement plus modeste tionnement de la dentine [31, 32], dans les pansements de coiffage
dans les habitudes cliniques faisant pencher la balance de pulpaires et dans certains matériaux de restauration [113, 127].
préférence vers la vitalité pulpaire plutôt que la nécrose. Un Nous entrons clairement dans une ère enthousiasmante pendant
environnement tissulaire propice à l’activité de cicatrisation laquelle de plus en plus d’approches biologiques appliquées
est d’une importance capitale, et le contrôle de l’infection et à la thérapeutique dentaire permettront que la régénération et
de l’inflammation sera crucial pour atteindre cet objectif. Les l’ingénierie tissulaire deviennent une réalité clinique. Bien que
interactions intimes entre l’inflammation et la régénération très prometteuses, ces techniques doivent être cliniquement
sont devenues apparentes [119, 120], et les opportunités offertes éprouvées et démontrer qu’elles offrent une alternative fiable et
par des approches innovantes pour contrôler les événements peu coûteuse aux méthodes de traitements dont nous disposons
tissulaires consécutifs à l’agression permettent d’espérer de actuellement pour traiter les maladies de la pulpe.
meilleurs résultats de nos traitements. Bien que plus ambitieuse, L’endodontie régénératrice actuelle emprunte les tech-
l’ingénierie des nouveaux tissus pulpaires élargira grandement niques utilisées pour contrôler l’infection et régénérer les
le répertoire thérapeutique des praticiens et permettra de pré- tissus vivants à l’intérieur de la cavité pulpaire des dents
server les caractéristiques biologiques des dents après leur res- immatures dont le but est de favoriser l’achèvement de la
tauration, un bénéfice qui ne peut être partagé par l’approche maturation radiculaire. Il en est souvent de même quant à la
des traitements de canaux actuels. La plupart des stratégies de revascularisation ou à la revitalisation du tissu pulpaire. Les
36 régénération et d’ingénierie des tissus dentaires visent à mimer connaissances dont nous disposons sur ces techniques sont
Protection de la pulpe et préservation de la maturation de la dent 2
pour la plupart fondées sur les publications de cas ou de séries d’hypochlorite de sodium à 1,5 %. Insérer un pansement
de cas rapportés. Constamment mises à jour, elles nous four- d’hydroxyde de calcium ou un mélange pâteux d’antibiotique
nissent des informations nouvelles sur l’optimisation des pro- (éviter la famille des cyclines compte tenu de leur pouvoir
tocoles de désinfection qui n’interféreraient pas sur la viabilité colorant). Maintenir ce pansement pendant 1 ou 4 semaines.
des cellules souches et favoriseraient la croissance de tissus Il convient de contrindiquer l’utilisation de la minocycline,
vivants. L’American Association of Endodontists (AAE) a génératrice de coloration dentaire [1]
développé un site internet qui recueille de la documentation Seconde séance : pratiquer une anesthésie avec une solution
sur les cas traités dans une base de données centrale ; elle de mépivacaïne à 3 % sans vasoconstricteur pour favoriser
fournit des guides de recommandations pour les cliniciens la formation d’un caillot sanguin spontané. Isoler un champ
sur les protocoles admis pour être appliqués en endodontie opératoire, puis ôter le pansement en irriguant copieusement
régénératrice [128]. Comme ce livre a été mis sous presse en avec une solution d’EDTA à 17 % ; sécher. Introduire un ins-
2014, ces recommandations s’appliquent aux protocoles de trument endodontique stérile jusqu’à 1 ou 2 mm au-delà de
régénération dans les cas de nécrose pulpaire et d’apex imma- l’apex radiographique pour favoriser la formation d’un caillot
tures, quand la cavité pulpaire ne sera pas utilisée pour la res- sanguin à un niveau de hauteur autorisant le scellement d’un
tauration définitive en s’assurant du consentement éclairé des matériau de restauration. Placer une matrice de collagène
patients et après avoir expliqué les options thérapeutiques. résorbable très fine ; sur cette matrice, déposer un pansement
de coiffage au MTA ou à l’hydroxyde de calcium. Le MTA
Technique peut aussi décolorer la couronne des dents antérieures. Enfin,
L’application de cette procédure demande deux séances restaurer la dent avec un matériau de restauration définitif [128].
d’intervention. Comme cela a été souligné précédemment, cette technique
Première séance : après avoir anesthésié la dent et isolé un est en constante évolution et le lecteur est invité à consulter le
champ opératoire, évaluer le volume de pulpe nécrosée conte- site internet de l’AAE pour de plus amples informations sur
nue dans la cavité pulpaire et procéder à l’extraction de ce l’actualité de ces changements.
tissu au moyen d’une instrumentation minimale accompagnée
d’une irrigation copieuse d’une solution à faible concentration 1
L’usage de la minocycline est soumis à prescription hospitalière (note du traducteur)
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39
3 Microbiologie endodontique
CHAPITRE
PLAN DU CHAPITRE
Les origines microbiennes de la parodontite apicale La flore microbienne des infections endodontiques
Les voies de l’infection des canaux radiculaires
OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE
Après avoir lu ce chapitre, l’étudiant devrait être capable : 5. De décrire les facteurs responsables des infections
1. D’expliquer l’étiologie microbienne de la parodontite apicale. endodontiques symptomatiques.
2. De décrire les voies d’entrée des micro-organismes dans la 6. D’expliquer l’écologie de la flore microbienne
pulpe et les tissus périradiculaires. endodontique et les caractéristiques de l’écosystème
3. De reconnaître les différents types d’infections endodontique.
endodontiques et les espèces microbiennes principales 7. De discuter le rôle des micro-organismes sur le résultat
engagées dans chacune d’elles. attendu des traitements endodontiques.
4. D’expliquer la diversité bactérienne à l’intérieur des canaux 8. D’expliquer le développement et les implications des
radiculaires infectés. infections extraradiculaires.
LES ORIGINES MICROBIENNES Le but ultime du traitement endodontique est aussi bien de
DE LA PARODONTITE APICALE prévenir le développement d’une parodontite apicale que de
créer des conditions favorables à la cicatrisation des tissus
La parodontite apicale est une infection inflammatoire dont péri-radiculaires. En tenant compte de l’étiologie microbienne
l’étiologie principale est microbienne et dont la cause est de la parodontie apicale, il est incontestable que la raison du
l’infection de la cavité pulpaire radiculaire (fig. 3.1) [1–3]. Le traitement endodontique soit l’éradication d’une infection
rôle sans équivoque des micro-organismes dans la cause de la installée ou la prévention de l’invasion des micro-organismes
parodontite apicale a été établi depuis 40 ans environ et une infectant ou réinfectant le canal radiculaire et les tissus péri-
quantité astronomique d’informations récentes sur la micro- radiculaires. L’objectif de ce chapitre est de décrire les aspects
biologie des infections endodontiques a émergé durant la microbiologiques des infections endodontiques.
décennie passée. Les infections endodontiques se développent
habituellement à la suite d’une nécrose pulpaire ou dans les
cas pour lesquels la pulpe a été éliminée pendant le traitement. LES VOIES DE L’INFECTION DES CANAUX
Bien que des champignons, des virus et plus récemment des RADICULAIRES
archéobactéries (Archaea) aient été trouvés dans les infections
endodontiques, les bactéries sont les micro-organismes prin- Dans des conditions normales, la pulpe dentaire et la dentine
cipaux impliqués dans la parodontite apicale. Les bactéries sont stériles et isolées des micro-organismes par les couver-
colonisant la cavité pulpaire radiculaire entrent en contact tures d’émail et de cément. Il y a des situations pour les-
avec les tissus péri-radiculaires via les foramens apicaux et quelles l’intégrité de ces couches protectrices est violée (carie,
latéraux. Suite à la rencontre entre les bactéries et les défenses fractures et fêlures traumatique, procédures de restauration,
de l’hôte, des changements inflammatoires s’installent dans détartrage et surfaçage radiculaire, attrition, abrasion, etc.), ou
les tissus péri-radiculaires et sonnent le départ du développe- bien ces couches sont absentes (par exemple pas de jonction
ment d’une parodontite apicale. Suite à la nécrose pulpaire, amélo-cémentaire au collet anatomique entre la couronne et la
il se peut que les défenses de l’hôte soient inefficaces pour racine). Parfois, des anomalies congénitales des dents comme
inhiber la croissance des bactéries ; celles-ci formeront des des dens invaginatus, dens evaginatus, ou des défauts du sillon
biofilms qui envahiront toute l’anatomie complexe de la cavité palatin favorisent des expositions spontanées de la pulpe. En
40 pulpaire radiculaire et irriteront les tissus péri-radiculaires. conséquence de ces altérations, le complexe dentino-pulpaire
Microbiologie endodontique 3
habituellement de 0,2 à 0,7 mm. L’invasion bactérienne se
propage dans les canalicules dentinaires plus rapidement dans
les dents à pulpe non vivante que dans les dents vivantes [6].
Dans les dents vivantes, le mouvement centrifuge du liquide
dentinaire et celui des contenus canaliculaires influencent la
perméabilité dentinaire et peuvent raisonnablement retarder
l’invasion intra-canaliculaire par les bactéries.
La sclérose dentinaire sous la lésion carieuse, la dentine
de réparation ou réactionnelle, la boue dentinaire et l’accu-
mulation des molécules de défense de l’hôte à l’intérieur
des canalicules, comme les anticorps, sont aussi des facteurs
qui limitent, voire empêchent la propagation bactérienne via
les canalicules dentinaires [4]. De ce fait, tant que la pulpe
est vivante, l’exposition dentinaire ne représente pas une
voie significative de l’infection pulpaire, sauf si l’épaisseur
de la dentine est considérablement réduite ; dans ce cas, la
perméabilité dentinaire est significativement augmentée. Au
contraire, si la pulpe est nécrosée, les canalicules dentinaires
constituent de véritables avenues pour que les bactéries attei-
gnent aisément la pulpe et la colonisent.
Tableau 3.1 Les genres bactériens réprésentés dans les infections endodontiques
Bâtonnets Bâtonnets
Cocci Cocci
Spirilla
Treponema
43
3 ENDODONTIE
Fig. 3.3 Prévalence des bactéries détectées dans des infections endodontiques primaires de dents présentant des formes
différentes de parodontite apicale. Compilation de données issues d’un des auteurs (Siqueira) utilisant la technique de biologie
moléculaire.
microbienne que le corps humain contient en grand nombre) constituent un groupe hautement divers de procaryotes, dis-
soit cultivable [48]. Malgré les avancées des techniques de bio- tinct des bactéries, sans caractère pathogène connu pour les
logie moléculaire, les études ont cherché à identifier les bacté- humains. Une étude a trouvé des archéobactéries méthano-
ries, cultivables connues pour leur sensibilité supérieure que de gènes à un taux de 25 % dans les canaux de dents présentant
faire appel à des techniques de culture reposant sur le clonage une parodontite apicale chronique [56], mais cette prévalence
ou le séquençage d’un petit nombre d’organismes par espèce. relativement élevée n’a pas été confirmée par d’autres
Ces dernières techniques ont aidé à l’identification de nom- études [57–59]. Les virus ne sont pas des cellules mais des par
breux organismes jamais encore cultivés. L’évolution de la ticules inanimées sans métabolisme propre. Sachant que les
technique de séquençage moléculaire a été si rapide qu’une virus ont besoin de cellules hôtes viables pour infecter et se
quantité massive de séquençage par spécimen est maintenant répliquer eux-mêmes, ils ne peuvent pas survivre dans les
possible et abordable [49]. Ces technologies, connues sous le canaux radiculaires dont la pulpe est nécrosée. La présence de
nom de « séquençage nouvelle génération » ou pyroséquen- virus a été rapportée uniquement dans des canaux radiculaires
çage, ont permis une couverture beaucoup plus approfondie de dents à pulpe vivante. Par exemple, le virus de l’immu-
de l’identification des micro-organismes endodontiques [50]. nodéficience humaine (VIH) a été détecté dans des pulpes
Les études utilisant le pyroséquençage ont révélé que les infec- vivantes non enflammées chez des patients séropositifs au
tions endodontiques pouvaient abriter de 10 à 24 lignées de VIH [60], et quelques virus herpétiques ont été identifiés dans
bactéries comprenant des centaines de taxons identifiés [50–52]. des pulpes vivantes enflammées ou non [61]. Quelques virus
En outre, ces études peuvent fournir des informations considé- herpétiques ont été trouvés dans les tissus péri-radiculaires
rables sur les différences réelles entre la diversité microbienne enflammés comprenant des lésions parodontales apicales [62]
des infections aiguës et celle des infections chroniques [53] et à et des abcès [63, 64]. Le rôle spécifique des virus dans la patho-
propos de la tranformation de la flore microbienne d’un milieu genèse des pulpites et des parodontites apicales, si toutefois il
buccal sain vers une infection endodontique [54]. existait, reste à être élucidé.
Enterococcus faecalis 77
Pseudoramibacter alactolyticus 55
Propionibacterium propionicum 50
Filifactor alocis 48
Dialister pneumosintes 46
Streptococcus spp. 23
Tannerella forsythia 23
Dialister invisus 14
Campylobacter rectus 14
Porphyromonas gingivalis 14
Treponema denticola 14
Fusobacterium nucleatum 10
Prevotella intermedia 10
Candida albicans 9
Fig. 3.7 Abcès apical aigu accompagné d’une tuméfaction
Campylobacter gracilis 5 sévère. Des situations comme celle-là représentent la forme la
plus commune des infections extraradiculaires dépendantes d’une
Actinomyces radicidentis 5
infection intraradiculaire. (Remerciements au Dr Henrique Martins.)
Porphyromonas endodontalis 5
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51
4
CHAPITRE
Pathologie pulpaire
et péri-apicale
Mahmoud Torabinejad, Shahrokh Shabahang
PLAN DU CHAPITRE
OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE
Après avoir lu ce chapitre, l’étudiant devrait être capable : 7. De classifier les lésions péri-radiculaires d’origine
1. D’identifier les facteurs étiologiques de l’inflammation pulpaire.
pulpaire. 8. D’identifier et de procéder à une distinction comparée des
2. D’expliquer le mécanisme de l’extension de l’inflammation caractéristiques histologiques avec les symptômes et les
dans la pulpe. signes cliniques pour chacune des maladies suivantes :
3. D’expliquer pourquoi la pulpe présente des difficultés à la parodontite apicale aiguë, la parodontite apicale
guérir de lésions sévères. chronique, les abcès péri-apicaux aigus et chroniques
4. D’énoncer la liste des médiateurs spécifiques et non (parodontite apicale suppurée) et l’ostéite condensante.
spécifiques de l’inflammation pulpaire. 9. De décrire les étapes successives de la cicatrisation de
5. De classifier les maladies pulpaires et leurs la pathologie périradiculaire succédant à un traitement de
caractéristiques cliniques et histologiques. canal réussi.
6. De décrire les mécanismes et d’expliquer les 10. D’identifier et de décrire, en général, la similarité
conséquences de l’extension de l’inflammation pulpaire entre la pathologie des lésions non endodontiques
dans les tissus péri-radiculaires ainsi que les réponses et la pathologie des lésions péri-radiculaires d’origine
inflammatoires et immunologiques subséquentes. endodontique.
LES IRRITANTS les odontoblastes sous-jacents. Plus les canalicules sont proches
de la pulpe, plus leur nombre par unité de surface et plus leur
L’inflammation est un des résultats de l’action d’irritants des diamètre augmentent (fig. 4.2). Il en résulte une perméabilité
tissus radiculaires et périradiculaires, ceux-ci étant globalement dentinaire plus grande près de la pulpe que proche de la jonc-
classifiés en vivants et non vivants. Les irritants non vivants tion amélodentinaire (JAD) ou de la jonction dentinocémentaire
sont des agents thermiques, mécaniques ou chimiques. Les (JDC) [1]. Par conséquent, le potentiel d’irritation pulpaire est
irritants vivants comprennent les micro-organismes et les virus. d’autant plus augmenté que si une quantité plus grande de den-
tine est éliminée (c’est-à-dire si la préparation cavitaire devient
Irritants mécaniques plus profonde pour atteindre le proche voisinage de la pulpe).
Des agents irritants mécaniques, comme les préparations cavi- Les dommages pulpaires sont globalement proportionnels à la
taires profondes, l’élimination de la structure dentaire sans quantité de structure dentaire éliminée et à la profondeur de la
refroidissement correct, un choc traumatique, une occlusion cavité obtenue [2]. De même, les interventions à sec sont plus irri-
traumatique, un curetage parodontal profond, et l’application tantes que celles accompagnées d’un refroidissement sous spray
de forces orthodontiques sur les dents, peuvent altérer la pulpe d’eau [3]. Une étude des réactions et des changements vasculaires
sous-jacente. Des changements passagers, comme l’aspiration survenant dans le cadre de pulpites aiguës et chroniques expéri-
des odontoblastes à l’intérieur des canicules, sont habituellement mentales a démontré un accroissement de la perméabilité et de
réversibles dans les pulpes saines (fig. 4.1). Dans des situations la dilatation des vaisseaux aux stades précoces de la pulpite [4].
particulières, cependant, le tissu pulpaire est déjà enflammé Des recherches dans des modèles de rongeurs conçues pour
parce qu’il est en présence d’une carie ou à cause des procédures déterminer l’impact de la production de chaleur sur la pulpe den-
cliniques de restauration. En l’absence de soins précautionneux, taire ont montré qu’une élévation de la température de la pulpe
52 les préparations cavitaires ou prothétiques peuvent endommager jusqu’à environ 42 °C régule les protéines de choc thermique
Pathologie pulpaire et péri-apicale 4
(heat shock proteins [HSP]) [5]. HSP-70 joue un rôle de protec- profond et un curetage peuvent léser les vaisseaux et les nerfs,
tion et ses niveaux reviennent à la normale dans les quelques occasionnant des dommages pulpaires (voir chapitre 7).
heures suivant le retrait du stimulus provoqué par la chaleur. Les tissus péri-radiculaires peuvent être mécaniquement
Les lésions traumatiques avec ou sans fracture coronaire ou irrités et enflammés par un traumatisme, une hyperocclusion,
radiculaire peuvent endommager la pulpe (voir chapitre 11). La des procédures et des accidents endodontiques, l’extirpation
sévérité du traumatisme et le degré de fermeture apicale de la pulpaire, une sur-instrumentation des canaux radiculaires,
racine sont des facteurs importants sur les capacités de guérison la perforation radiculaire, et le dépassement des matériaux
de la pulpe. Les dents soumises à des traumatismes légers ou d’obturation. L’intrusion dentaire traumatique est plus en
modérés et les dents à apex immature ont de meilleures chances mesure de conduire à la nécrose pulpaire que l’extrusion ou
de survie pulpaire comparativement à celles souffrant de dom- le traumatisme latéral (fig. 4.3) [8]. Les irritations mécaniques
mages sévères et aux dents à apex fermé. L’application de forces instrumentales peuvent se produire pendant la préparation des
au-delà de la tolérance physiologique du ligament parodontal canaux. Une détermination imprécise de la longueur de travail
pendant un traitement orthodontique provoque des perturbations conduit presque toujours à un dépassement instrumental et
de l’irrigation sanguine et de la transmission nerveuse dans le une inflammation subséquente. De plus, si, après l’assainis-
tissu pulpaire [6, 7]. Il s’ensuit l’atrophie des cellules pulpaires sement et la préparation des canaux, la forme de résistance
et des modifications des axones nerveux. De plus, le mouve- apicale était inadéquate, il en résulterait un dépassement des
ment orthodontique peut initier une résorption des apex tout en matériaux d’obturation dans les tissus péri-apicaux, occasion-
maintenant la vitalité pulpaire intacte. Un surfaçage radiculaire nant des dommages physiques et chimiques (fig. 4.4). 53
4 ENDODONTIE
Irritants chimiques
Les irritants chimiques comprennent toutes les sortes de pro-
duits de nettoyage de la dentine, les détergents et les subs-
tances désensibilisantes, auxquels s’ajoutent certains produits
présents dans les matériaux de restauration temporaires et
définitifs ainsi que dans les films protecteurs. Les agents
antibactériens, comme le nitrate d’argent, les phénols avec ou
sans camphre et l’eugénol, ont été utilisés avec l’intention de
« stériliser » la dentine après la préparation cavitaire. L’effi-
cacité de beaucoup de ces produits en tant que stérilisants
dentinaires est contestable [9], et leur toxicité est susceptible
de causer des modifications inflammatoires dans la pulpe den-
taire sous-jacente [10]. D’autres agents irritants comprennent
les nettoyants cavitaires comme l’alcool, le chloroforme, le
peroxyde d’hydrogène, des acides variés ; les produits chi-
miques présents dans les désensibilisants ; les films cavitaires
et les bases ; ainsi que les matériaux de restauration tempo-
raires ou définitifs. Fig. 4.5 Une réaction inflammatoire localisée contenant
Les irrigants antibactériens utilisés pendant l’assainis- principalement des leucocytes polymorphonucléaires au site
d’une exposition pulpaire d’origine carieuse. La pulpe coronaire
sement et la mise en forme des canaux radiculaires, les médi-
résiduelle est pratiquement exempte de cellules inflammatoires.
caments insérés dans ces canaux, et les quelques composants (Remerciements au Dr J.H. Simon.)
présents dans les matériaux d’obturation sont des exemples
d’irritants chimiques potentiels des tissus périradiculaires.
La majorité des irrigants et des médicaments sont toxiques
et ne sont pas biocompatibles [11, 12]. Trevino et al. ont testé inflammatoires dans la pulpe [18, 19]. La réaction initiale de la
les effets de l’acide éthylène diamine tétraacétique (EDTA) pulpe est arbitrée par une réponse immunitaire naturelle. Cette
à 17 % utilisé seul ou en combinaison avec l’hypochlorite réponse précoce à la carie se traduit par un foyer d’accumula-
de sodium (NaOCl) ou la chlorhexidine sur la viabilité des tion de cellules inflammatoires chroniques comme les macro-
cellules souches isolées de la papille apicale [13]. Leurs résul- phages, les lymphocytes et les cellules plasmatiques [20]. Au
tats ont montré que l’EDTA était le meilleur pour garantir la fur et à mesure de la progression de la carie vers la pulpe,
viabilité cellulaire (taux de survie cellulaire à 89 %), suivi du l’intensité et la nature des infiltrats varient. Quand l’exposition
NaOCl (taux de survie cellulaire 74 %). En revanche, l’ajout du canal se produit, le tissu pulpaire est infiltré par des leuco-
de chlorhexidine conduisait à l’absence de viabilité cellu- cytes polymorphonucléaires (PMN) pour former une aire de
laire. L’EDTA offre des effets bénéfiques comparables sur la nécrose de liquéfaction au site de l’exposition (fig. 4.5) [21].
pulpe quand il est utilisé comme agent de conditionnement Après l’exposition pulpaire, les bactéries colonisent le site
dentinaire [14]. En ayant testé les effets des médicaments anti de nécrose et s’y maintiennent. Le tissu pulpaire peut rester
microbiens sur la pulpe dentaire, les chercheurs ont montré enflammé pendant longtemps et peut évoluer vers une nécrose
que l’hydroxyde de calcium et que de faibles concentrations rapide. Cela dépend de plusieurs facteurs : (1) la virulence
de pâtes antibiotiques favorisent la survie et la prolifération des bactéries, (2) la capacité de libération des liquides inflam-
cellulaires ; mais des concentrations de pâtes antibiotiques matoires pour éviter un accroissement marqué de la pression
plus fortes seraient préjudiciables [15]. intrapulpaire, (3) la résistance de l’hôte, (4) la quantité d’irri-
gation sanguine et, un facteur important, (5) le drainage lym-
phatique. Yamasaki et al. ont créé des expositions chez des
Irritants microbiens rats et ont montré que la nécrose s’étendait graduellement de
Si les irritations mécaniques et chimiques sont par nature éphé- la région supérieure de la pulpe vers les régions apicales [22].
mères de manière prépondérante, il n’en reste pas moins vrai Une lésion péri-apicale a découlé de l’inflammation et de la
que la cause prédominante de l’inflammation est microbienne. nécrose pulpaire.
Les micro-organismes présents dans les caries dentaires sont Suite à l’exposition face à la cavité buccale et à la carie, la
la source principale d’irritation de la pulpe dentaire et des tis- pulpe abrite les bactéries et leurs produits dérivés. Normale
sus périradiculaires. La dentine et l’émail cariés contiennent ment, la pulpe dentaire ne peut éliminer ces irritants des-
de nombreuses espèces de bactéries, telles que Streptococcus tructeurs. Au mieux, les défenses empêchent temporairement
mutans, les lactobacilles et Actinomyces spp. [16]. Des études l’infection et la destruction tissulaire. Si les irritants persistent,
récentes utilisant les techniques de biologie moléculaire ont il s’ensuit une extension des dommages qui vont se diffuser
impliqué plusieurs autres genres dans le développement des dans toute la pulpe. Par la suite, les bactéries ou leurs toxines
lésions carieuses, comprenant Veillonella, Bifidobacterium et et les autres irritants provenant de la nécrose pulpaire vont
Propionibacterium spp. [17]. diffuser du canal vers la région péri-apicale, occasionnant le
L’exposition directe de la pulpe aux micro-organismes développement de lésions inflammatoires (fig. 4.6).
n’est pas le seul prérequis pour déclencher une réponse et une Les bactéries jouent un rôle important dans la pathogenèse
inflammation pulpaires. Les micro-organismes de la carie pro- des pathologies pulpaires et péri-apicales. De nombreuses
duisent des toxines qui empruntent les canalicules dentinaires recherches ont démontré que les pathologies pulpaires et
pour pénétrer dans la pulpe. Des études ont montré que même péri-apicales ne se développaient pas sans la présence d’une
54 de petites lésions de l’émail sont capables d’attirer des cellules contamination bactérienne [23–25]. Kakehashi et al. ont créé
Pathologie pulpaire et péri-apicale 4
dents obturées portant des pulpes non infectées ont montré
l’absence de lésions péri-apicales, tandis que les dents portant
des pulpes infectées étaient atteintes de lésions péri-apicales.
Les travaux bactériologiques de Sundqvist [25] examinant
la flore des pulpes nécrosées confirment les conclusions de
Kakehashi et al. [23] ainsi que celles de Möller et al. [24]. Ces
études portaient sur l’examen de dents traumatisées atteintes
de nécrose pulpaire avec ou sans pathologie péri-apicale. Les
dents sans lésion péri-apicale étaient aseptiques, tandis que
celles atteintes de ces lésions pathologiques évoquaient des
cultures bactériennes positives.
Des études récentes ont montré une corrélation positive
entre la présence de certains virus et des pathologies apicales
asymptomatiques [26]. Les lésons péri-apicales contenant le
cytomégalovirus (CMV) et le virus d’Epstein-Barr (EBV)
semblent plus symptomatiques que celles qui n’abritent pas
ces virus. Bien que suggérée en tant que rôle étiologique
direct par certains auteurs [27], cette relation cause–effet mérite
d’être encore démontrée par des modèles expérimentaux.
Plusieurs mécanismes ont été proposés pour identifier les
bactéries en tant qu’irritants via le système immunitaire. Ces
Fig. 4.6 La sortie d’irritants (flèche pleine) du canal radiculaire à pathogènes peuvent être détectés par l’interaction entre les
l’intérieur des tissus péri-apicaux provoque une inflammation (flèche motifs moléculaires caractéristiques des pathogènes (pathogen-
vide) et le remplacement des structures péri-apicales normales par associated molecular patterns [PAMP]) et des récepteurs spé-
du tissu granulomateux. cifiques généralement identifiés comme récepteurs du système
immunitaire inné (pathogen recognition patterns [PRR]) [28].
Les PRR reconnaissent les PAMP et sont initiateurs des
des expositions de la pulpe chez deux groupes de rats, l’un défenses de l’hôte. Les récepteurs couplés aux protéines G et
étant conventionnel et l’autre étant élevé dans des conditions les récepteurs de type Toll (TLR) font partie de la réponse
stériles [23]. Au bout de 72 jours d’observation, les animaux immunitaire innée et activent les fonctions de phagocytose
élevés dans des conditions stériles évoquaient une inflamma- permettant l’ingestion microbienne. Les récepteurs couplés
tion minime. Les pulpes étaient encore vivantes, mais elles aux protéines G se lient aux chimiokines, aux médiateurs lipi-
présentaient plutôt la formation d’un pont de minéralisation diques de l’inflammation (par exemple le facteur d’activation
dès le 14e jour et, sous ce pont, le tissu pulpaire apical était plaquettaire, la prostaglandine E2 et le leucotriène B4) ou à des
normal (fig. 4.7, A). En revanche, les rats conventionnels protéines bactériennes, causant l’extravasation des leucocytes
présentaient des nécroses pulpaires et des abcès qui se sont et la production de substances bactéricides. Les TLR sont des
formés dès le 8e jour (fig. 4.7, B). D’autres chercheurs ont protéines transmembranaires exprimées par les cellules du
exploré l’importance des bactéries dans le développement système immunitaire inné. Ces récepteurs reconnaissent les
des lésions péri-radiculaires en obturant des cavités pulpaires microbes envahisseurs et activent les voies du signal, lançant
radiculaires infectées et non infectées chez le singe [24]. Après les réponses immunitaires et inflammatoires pour les détruire.
6 à 7 mois, les examens cliniques et radiographiques des Au moins 13 TLR ont été découverts à ce jour avec différents
Fig. 4.7 A. Aucune inflammation n’est observée dans la pulpe (P) exposée de rat élevé dans des conditions stériles. Des
particules alimentaires et autres débris (D) tassés dans la chambre. B. La lésion péri-apicale est apparente dans la pulpe exposée
de rats conventionnels. (Remerciements au Dr H. Stanley.) 55
4 ENDODONTIE
et progressent lentement. C’est pourquoi la pulpe dentaire ne les réponses de la pulpe saine ou malade seront largement
dégénère pas par augmentation excessive de la pression accom- dépendantes des modifications des pressions intrapulpaires.
pagnée d’une strangulation subséquente [52, 53].
La douleur est souvent causée par plusieurs facteurs. La Traitement
libération des médiateurs de l’inflammation est une cause L’élimination des irritants suivie du scellement et de l’isola-
directe de la douleur par abaissement du seuil de sensibilité tion de la dentine ou de la pulpe vivante exposée entraînent
des nerfs. Ces substances peuvent aussi être une cause indi- normalement une diminution des symptômes et la régres-
recte de la douleur par l’augmentation de la vasodilatation des sion du processus inflammatoire du tissu pulpaire (fig. 4.11).
artérioles et de la perméabilité vasculaire des veinules, produi- Néanmoins, si l’irritation de la pulpe persiste ou augmente
sant un œdème et une élévation de la pression tissulaire. Cette en intensité pour les raisons précédemment évoquées, une
pression agit directement sur les récepteurs des nerfs sensitifs. inflammation modérée à sévère se développera, provoquant
L’augmentation de la pression tissulaire, l’incapacité pour une pulpite irréversible, voire une nécrose pulpaire.
la pulpe de s’étendre dans sa cavité rigide et l’absence de cir-
culation collatérale peuvent conduire à la nécrose pulpaire et Pulpite irréversible
au développement d’une pathologie périradiculaire. La pulpite irréversible peut être classifiée en tant que symp-
tomatique ou asymptomatique. Cela correspond à un tableau
clinique dont les données subjectives et objectives évoquent
CLASSIFICATION DES MALADIES DE LA PULPE la présence d’une inflammation sévère du tissu pulpaire. La
pulpite irréversible est souvent une séquelle ou la progression
Parce qu’il n’existe pas ou peu de corrélation entre les don- d’une pulpite réversible. Des dommages sévères résultant de
nées histologiques de la pathologie pulpaire et les symptômes l’élimination extensive de dentine pendant une intervention
cliniques [54], le diagnostic et la classification des maladies de restauratrice, ou une déficience du flux sanguin pulpaire
la pulpe sont fondés sur les symptômes et les signes cliniques consécutive à un traumatisme ou à un mouvement orthodon-
plutôt que sur les aspects histologiques. L’état clinique de la tique des dents peuvent aussi causer une pulpite irréversible.
pulpe peut être classifié ainsi : pulpe normale, pulpite réver- La pulpite irréversible est un processus inflammatoire sévère
sible, pulpite irréversible, pulpite hyperplasique, nécrose, et qui ne guérit pas, même si la cause est éliminée. La pulpe
pulpe déjà traitée. Les réponses des tissus durs comprennent est incapable de cicatriser et évolue plus ou moins rapidement
la calcification et la résorption. vers la nécrose. La pulpite irréversible peut être symptoma-
tique ; la douleur est spontanée et persistante. Elle peut aussi
Pulpe normale être asymptomatique et sans signes cliniques observables.
Le tableau clinique d’une dent à pulpe normale comprend
l’absence de symptômes et une réponse normale aux tests de Symptômes
vitalité. Cette dent ne révèle aucun signe radiographique de La pulpite irréversible est habituellement asymptomatique.
pathologie quelconque. Néanmoins, des patients peuvent évoquer des symptômes
légers. La pulpite irréversible peut aussi être associée à des
Pulpite réversible épisodes intermittents ou continus de douleur spontanée (avec
Par définition, la pulpite réversible est une situation clinique ou sans stimulus externe). La douleur occasionnée par une
associée à des données subjectives et objectives évoquant pulpite irréversible peut être aiguë, sourde, localisée ou dif-
la présence d’une inflammation légère du tissu pulpaire. Si fuse ; elle peut durer de quelques minutes à plusieurs heures.
la cause est éliminée, l’inflammation régresse et l’état de la La localisation d’une douleur pulpaire est plus difficile que
pulpe redevient normal. celle d’une douleur périradiculaire ; cette difficulté augmente
Des stimuli légers ou de courte durée peuvent causer une pul- au fur et à mesure de l’intensification de la douleur. L’appli-
pite réversible, à savoir : la carie débutante, l’érosion cervicale ou cation de stimuli externes comme le froid et le chaud peut
l’attrition occlusale ; il faut y ajouter un certain nombre d’inter- prolonger l’effet douloureux.
ventions comme le curetage parodontal profond et la création Par conséquent, en présence d’une douleur sévère, les
de fractures d’émail exposant les canalicules dentinaires. réponses pulpaires sont différentes de celles que l’on obtient
quand la pulpe est saine ou atteinte d’une pulpite réversible.
Symptômes Par exemple, l’application de la chaleur sur une dent atteinte
La pulpite réversible est habituellement asymptomatique. de pulpite irréversible peut produire une réponse immédiate ;
Cependant, s’ils sont présents, les symptômes suivent un de même, parfois, avec l’application du froid, la douleur ne
modèle particulier. L’application d’un stimulus, comme un disparaît pas mais elle se prolonge. L’application du froid chez
liquide chaud ou froid ou bien de l’air, peut provoquer une des patients atteints de pulpite irréversible peut produire une
douleur aiguë, de courte durée. Dès que ces stimuli, qui ne vasoconstriction, une chute de la pression pulpaire puis un sou-
produisent normalement pas de douleur ni d’inconfort, sont lagement de la douleur. Bien qu’il ait été affirmé que les dents
arrêtés, le soulagement est immédiat. Le chaud et le froid atteintes de pulpite irréversible présentent un seuil de sensi-
occasionnent différentes réponses douloureuses de la pulpe bilité plus bas que la normale aux tests électriques, Mumford
normale [55]. Une application du chaud sur une dent dont la a trouvé des seuils de perception douloureuse similaires aussi
pulpe n’est pas enflammée produit une réponse retardée puis bien sur des pulpes saines que sur des pulpes enflammées [56].
une douleur d’intensité croissante et une augmentation de
température. En revanche, la réponse de la pulpe soumise au Tests et traitement
froid est immédiate, mais cette réponse disparaît lentement si Si l’inflammation est confinée à la pulpe et ne s’est pas éten-
58 le stimulus est maintenu. En se fondant sur ces observations, due dans la région péri-apicale, les réponses des dents à la
Pathologie pulpaire et péri-apicale 4
Fig. 4.11 A. Les cornes pulpaires d’une molaire mandibulaire mécaniquement exposées et montrant des signes de pulpite
réversible ont été coiffées avec de l’agrégat minéral de trioxyde. B. Radiographie postopératoire immédiate. C. La radiographie
de suivi 5 ans plus tard montre l’absence de métamorphose calcique dans la chambre pulpaire, la fermeture des apex et des
réponses normales pendant l’examen clinique.
palpation et à la percussion restent dans des limites normales. d’un chou-fleur dont le volume de l’exposition occupe toute la
L’extension de l’inflammation au ligament parodontal produit surface occlusale. Parfois, les signes cliniques s’apparentent
une sensibilité à la percussion et permet de mieux localiser la à ceux d’une pulpite irréversible, comme une douleur spon-
douleur. Le traitement des canaux radiculaires ou l’extraction tanée, qui peut se prolonger aux tests au froid et au chaud.
est indiqué si les signes et les symptômes d’une pulpite irré- Le seuil de stimulation électrique est comparable à celui des
versible sont patents. pulpes saines. Les réponses aux tests de percussion et de pal-
pation restent dans des limites normales. La pulpite hyper-
plasique peut être traitée par pulpotomie, par traitement de
Pulpite hyperplasique canal radiculaire ou par extraction.
La pulpite hyperplasique (polype pulpaire) est une forme
de pulpite irréversible qui prend son origine dans la crois-
sance hypertrophique d’une pulpe jeune atteinte d’une Modifications des tissus durs causées
inflammation chronique visible à la surface occlusale. Elle par l’inflammation pulpaire
est habituellement observée chez les jeunes patients atteints Deux formes de modifications des tissus durs peuvent être la
de carie coronaire (fig. 4.12, A). La vascularisation consi- conséquence de l’irritation inflammatoire ; ce sont la calcifi-
dérable de la pulpe jeune, l’exposition adéquate pour le cation et la résorption.
drainage et la prolifération tissulaire sont associées à la for-
mation d’une pulpite hyperplasique. L’examen histologique Calcification pulpaire
des pulpes hyperplasiques montre un épithélium de sur- Les calcifications extensives (connues sous le nom de pulpo-
face recouvrant un tissu conjonctif enflammé (fig. 4.12, B). lithes ou calcifications diffuses) se forment en tant que réponse
Les cellules de l’épithélium buccal sont implantées et crois- aux traumatismes, aux caries, aux maladies parodontales et
sent au-dessus de la surface exposée pour former une cou- aux autres irritants. Les thrombus sanguins et les gaines de
verture épithéliale. collagène autour des parois vasculaires sont des sources pos-
La pulpite hyperplasique est habituellement asymptoma- sibles de calcifications.
tique. Elle apparaît rougeâtre ; la croissance hypertrophique Un autre type de calcification est la formation extensive de
du tissu conjonctif dans la lésion carieuse lui donne l’aspect tissu minéralisé sur les parois dentinaires qui survient souvent 59
4 ENDODONTIE
Résorption interne
L’inflammation pulpaire peut initier la résorption des tissus
minéralisés pariétaux. La pulpe est transformée en un tissu
inflammatoire vascularisé dans lequel se développe une acti-
vité dentinoclastique ; cette situation conduit à la résorption
des parois dentinaires, se déplaçant du centre vers la péri-
Fig. 4.12 A. Polype pulpaire, aussi connu sous le nom de pulpite
hyperplasique. La dent concernée est généralement cariée, avec
phérie [58]. Dans la majorité des cas, la résorption interne est
une perte de structure dentaire étendue ; la pulpe reste vivante et asymptomatique. Une résorption interne volumineuse dans la
prolifère à partir du site de l’exposition. B. L’examen histologique de chambre pulpaire est souvent associée à une tache rose (pink
la pulpite hyperplasique montre l’épithélium de surface et le tissu spot), signe clinique visible sur la couronne.
conjonctif sous-jacent enflammé. Les dents atteintes de résorption interne répondent aux
tests cliniques pulpaires et péri-apicaux dans les limites de
la normale. L’image radiographique révèle une radioclarté
dont les contours sont irrégulièrement élargis à l’intérieur
pour répondre aux irritations, à la mort et au remplacement du canal (fig. 4.14). L’élimination immédiate du tissu
des odontoblastes. Ce processus est appelé métamorphose enflammé et l’exécution du traitement de canal sont recom-
calcique (fig. 4.13). Dès que l’irritation augmente, la quantité mandées, ces lésions tendant à évoluer progressivement et
de calcification peut de même augmenter, se traduisant à la finalement à perforer le parodonte latéral. Quand cela se
radiographie (pas histologiquement) par une image d’oblité- produit, la nécrose pulpaire s’installe et le traitement de la
ration partielle ou totale de la chambre pulpaire et du canal dent devient difficile.
radiculaire [57]. Une dyschromie jaunâtre de la couronne est
souvent la manifestation d’une métamorphose calcique. Le Nécrose pulpaire
seuil de sensibilité aux stimuli thermiques et électriques est Comme cela a été mentionné précédemment, la pulpe est
habituellement augmenté, tant et si bien que, souvent, les logée dans une cavité aux parois rigides ; elle ne dispose pas
dents ne répondent pas aux tests. de circulation collatérale, et ses veinules et ses vaisseaux
Les réponses aux tests de percussion et de palpation restent lymphatiques se détruisent sous l’augmentation de la pres-
dans des limites normales. Par opposition aux tissus mous de sion tissulaire. Par conséquent, la pulpite irréversible conduit
la pulpe malade qui ne donne aucune image radiographique à la nécrose de liquéfaction. Si l’exsudat, produit pendant
de signes ou de symptômes, l’image radiographique de la cette pulpite irréversible, était absorbé et drainé via la lésion
calcification des tissus pulpaires montre des degrés différents carieuse ou via l’exposition pulpaire dans la cavité buccale, la
d’oblitération de la cavité pulpaire dans son ensemble. Une nécrose serait retardée et la pulpe radiculaire pourrait se main-
réduction de volume de la région coronaire de la cavité pul- tenir vivante pendant longtemps. En revanche, l’enfermement
paire suivie d’un rétrécissement progressif du canal radicu- ou le scellement d’une pulpe enflammée induit rapidement une
laire est le premier signe de métamorphose calcique. Cet état nécrose pulpaire totale et une pathologie périradiculaire [59].
60 n’est pas pathologique par nature et ne mérite pas d’être traité. En supplément de la nécrose de liquéfaction, la nécrose
Pathologie pulpaire et péri-apicale 4
peuvent être symptomatiques ou asymptomatiques, selon
le tableau clinique pulpaire et péri-apical. L’exécution d’un
traitement de canal partiel, le retraitement suite à un échec
du traitement endodontique, la chirurgie endodontique, ou
l’extraction est indiqué pour ces dents.
PATHOLOGIE PÉRI-APICALE
Fig. 4.15 Les voies de l’inflammation et de la résorption osseuse par les médiateurs non spécifiques de l’inflammation
et les réactions immunitaires spécifiques.
les leucocytes et les macrophages. De plus, les enzymes lyso- Médiateurs spécifiques des lésions
somales occasionnent le clivage d’un puissant composant chi- péri-apicales
miotactique ; le facteur C5, en une génération de facteur C5a ; En supplément des médiateurs non spécifiques des réactions
elles libèrent aussi le kininogène du plasma [31]. Les lésions inflammatoires, des réactions immunitaires participent à la
péri-radiculaires montrent un niveau élevé d’arylsulfatase formation et à la perpétuation des maladies péri-apicales (voir
lysosomale hydrolytique A et B comparativement aux tissus fig. 4.16). De nombreux antigènes potentiels peuvent s’accu-
normaux [62]. Des niveaux élevés de PGE2 et de leucotriènes B4 muler dans la pulpe nécrosée, comprenant plusieurs espèces
sont aussi présents dans ces lésions [31]. D’autres études ont de micro-organismes, leurs toxines, et du tissu pulpaire altéré.
confirmé ces observations en démontrant la cessation des Les canaux radiculaires sont une voie de sensibilisation [31]. La
symptômes à la suite des traitements d’urgence d’assainis- présence d’antigènes potentiels dans les canaux radiculaires,
sement et de préparation des canaux [63]. Les prostaglandines d’IgE et de mastocytes dans la pulpe pathologique concernée
PGE2, PGF2a et 6-keto-PGF1a– un métabolite stable de la et dans les lésions radiculaires indique qu’une réaction immu-
prostaglandine I2 PGI2) ont été observées dans les tissus pul- nitaire de type I peut se produire.
paires enflammés par coloration immunohistochimique [64]. Des classes variées d’immunoglobulines ont été trouvées
Les régions à coloration positive des prostaglandines s’éten- dans les lésions enflammées [31, 70]. Elles comprennent des
dent vers l’apex dans des zones de tissu pulpaire non encore anticorps spécifiques contre certaines espèces de bactéries
enflammé. L’utilisation expérimentale de l’indométacine, un nichant dans les canaux radiculaires infectés [71, 72]. De plus,
inhibiteur des prostaglandines, réduit la résorption osseuse, de nombreux types de cellules immunocompétentes, comme
indiquant aussi la participation des prostaglandines dans la les cellules présentatrices d’antigènes (cellules non lym-
pathogenèse des lésions péri-radiculaires [31, 65]. phoïdes exprimant l’antigène Ia), les macrophages [73], les
Des cytokines variées, comme les interleukines, les facteurs leucocytes PMN, et les lymphocytes B et T, ont été trouvés
de nécrose tumorale (tumor necrosis factors [TNF]) et les dans les lésions péri-radiculaires humaines [74]. La présence
facteurs de croissance, participent au développement et à la de complexes immuns (fig. 4.16) et de cellules immunocom-
perpétuation des lésions péri-radiculaires [44, 66–69]. Kawashima pétentes (par exemple les cellules T ; fig. 4.17) indique que
et Stashenko [68] ont examiné l’expression cinétique de 10 cyto- des types variés de réactions immunitaires (types II à IV)
kines induites expérimentalement dans des lésions péri-apicales peuvent initier, amplifier ou perpétuer ces lésions inflam-
de souris. Leurs résultats ont montré qu’un réseau de cytokine matoires [31].
est activé dans les tissus péri-apicaux en réponse à l’infection
des canaux radiculaires et que les voies pro-inflammatoires Progression de la lésion
modulées par les lymphocytes T auxiliaires (T helper 1 [Th1]) Comme cela a été précédemment développé, la résorption
62 prédominent pendant la résorption de l’os péri-apical. osseuse associée à la formation de la lésion péri-apicale
Pathologie pulpaire et péri-apicale 4
à 3 semaines, simultanément à la progression de la destruction
de l’os péri-apical [80]. La production de RANKL va en dimi-
nuant entre la quatrième et la huitième semaine, pendant que
la production d’OPG augmente dans ce même temps, créant
une boucle rétroactive négative qui limite la quantité de des-
truction osseuse causée par l’infection bactérienne. L’interac-
tion RANKL-RANK participe à la fois à la résorption osseuse
physiologique et pathologique [81]. Des études comparées des
tissus péri-apicaux ont montré une différence significative de
l’augmentation des niveaux de RANKL enregistrée sur des
lésions granulomateuses par rapport à celle relevée sur des tis-
sus sains des groupes contrôles [82, 83].
Caractéristiques histologiques
Dans la PAS, les leucocytes PMN et les macrophages sont
visibles à l’intérieur d’une plage bien délimitée de la région
apicale de la pulpe. Parfois, une petite surface de nécrose de
liquéfaction (abcès) apparaît. Histologiquement, l’os et la
racine peuvent se résorber ; cependant, cette résorption est
invisible à la radiographie.
Traitement
L’équilibration occlusale (en cas d’hyperocclusion), l’élimi-
nation des irritants, de la pulpe malade ou des exsudats péri-
apicaux soulageront le patient. Fig. 4.18 Après le scellement d’un bridge de trois éléments, la
prémolaire développe les signes cliniques et les symptômes d’une
parodontite apicale aiguë. L’image radiographique montre l’espace
Parodontite apicale asymptomatique du ligament parodontal élargi (flèche).
Étiologie
La parodontite apicale asymptomatique (PAA) est provoquée
par la nécrose pulpaire et est habituellement une séquelle de
la PAS.
Signes et symptômes
Par définition, la PAA est un tableau clinique d’origine pul-
paire associé à l’inflammation et à la destruction des tissus
péri-apicaux. Compte tenu de la nécrose pulpaire, les dents
atteintes de PAA ne répondent pas aux tests thermiques et
électriques. La percussion n’est pas douloureuse ou très peu.
La palpation peut être légèrement sensible, ce qui indique
une altération de l’os cortical alvéolaire et une extension de
la PAA vers les tissus mous. L’image radiographique peut
varier de l’interruption de la lamina dura (fig. 4.18) à une des-
truction étendue des tissus parodontaux et inter-radiculaires
(fig. 4.19).
Caractéristiques histologiques
Histologiquement, les lésions de la PAA sont classifiées en
tant que granulomes ou kystes. Un granulome péri-apical est Fig. 4.19 Parodontite apicale chronique. Une destruction
constitué d’un tissu de granulation infiltré par des mastocytes, tissulaire étendue dans la région péri-apicale d’une première molaire
des macrophages, des lymphocytes, des cellules plasmatiques mandibulaire a été induite par la nécrose pulpaire. L’absence
et, parfois, des leucocytes PMN (fig. 4.20). Des cellules de symptômes et l’image radiographique de la lésion ont été
géantes multinucléées, des cellules spumeuses, des cristaux diagnostiquées.
de cholestérol et de l’épithélium sont souvent observés.
Le kyste apical (radiculaire) présente une cavité centrale
remplie d’un liquide éosinophile ou d’un matériau semi-
solide et est encapsulé par un épithélium stratifié squameux méthodes d’échantillonnage et aux critères de diagnostic his-
(fig. 4.21). L’épithélium est entouré par du tissu conjonctif tologiques. Nobuhara et del Rio ont examiné des biopsies
contenant tous les éléments cellulaires trouvés dans le gra- péri-apicales de lésions réfractaires au traitement de canal
nulome péri-apical. Ainsi, un kyste apical est un granulome radiculaire et ont montré que la majorité de ces lésions étaient
qui renferme une cavité ou des cavités encapsulées dans des granulomes (59 %), suivis de kystes (22 %), de cica-
un épithélium. Cet épithélium prend son origine dans les trices (12 %) et de quelques autres types de lésions (7 %) [85].
restes de la gaine de Hertwig, les résidus épithéliaux de Cependant, de tels pourcentages sont trompeurs. Beaucoup
Malassez. Ces résidus cellulaires prolifèrent en réponse à de lésions partagent des caractéristiques combinées de gra-
des stimuli inflammatoires. La genèse exacte du kyste reste nulomes, de lésions inflammatoires, de kystes, et des aires de
obscure. cicatrices. Généralement, les échantillons ne comprennent
L’incidence rapportée des classes variées de lésions endo- pas les abcès, parce que leur guérison totale est délicate pen-
64 dontiques est inégale. Ces variations peuvent être dues aux dant l’intervention chirurgicale de biopsie. En réalité, dans
Pathologie pulpaire et péri-apicale 4
Fig. 4.20 A. Lymphocytes (petites flèches). Les cellules plasmatiques (grandes flèches) ont un noyau excentré avec une
« zone claire » adjacente et le bord externe du cytoplasme est basophile. B. Une cellule plasmatique avec une accumulation
d’immunoglobulines dans le cytoplasme. C. Les leucocytes polymorphonucléaires (PMN) sont concentrés dans ce champ. Ils
contiennent des noyaux multilobés, et beaucoup d’entre eux dégénèrent et les parois cellulaires sont entrecoupées. D. Cellules
géantes (flèches) avec des noyaux multiples. Macrophages (M) avec des noyaux légèrement colorés et un cytoplasme diffus. E. Les
macrophages (flèches) sont plus grands et ont souvent ingéré des matériaux, comme cela est illustré par un cytoplasme « spumeux »
dans ces cellules. F. Les lymphocytes, avec leur noyau très basophile, dominent ce champ. (Remerciements au Dr C. Kleinegger.)
la majorité des cas, une lésion ne guérit jamais totalement infectieux par le traitement adéquat des canaux radiculaires
pendant une biopsie, et seuls quelques fragments sont obtenus ou par l’extraction.
pendant le curetage.
Ostéite condensante
Traitement Étiologie
L’élimination des irritants causaux (pulpe nécrosée) et l’obtu- L’ostéite condensante, une variante de la parodontite apicale
ration complète de la cavité pulpaire résolvent généralement asymptomatique, se traduit par une augmentation de la den-
les problèmes de la PAA (fig. 4.22). Il n’y a pas de preuves sité de l’os trabéculaire en réponse à une irritation persis-
de la résistance des kystes après avoir résolu le problème tante. L’irritant diffusant du canal radiculaire à l’intérieur 65
4 ENDODONTIE
Signes et symptômes
Selon la cause (pulpite ou nécrose pulpaire), l’ostéite conden-
sante peut être aussi bien asymptomatique qu’associée à une
douleur. Le tissu pulpaire des dents atteintes d’ostéite conden-
sante peut ou non répondre aux tests électriques et thermiques.
En outre, ces dents peuvent être ou non sensibles à la palpa-
tion et à la percussion. L’image radiographique caractéristique
de la présence d’un arrangement diffus et concentrique de
la radio-opacité autour de l’apex est pathognomonique de la
lésion (fig. 4.23). Histologiquement, il s’agit d’une augmenta-
tion de l’os trabéculaire osseux irrégulièrement arrangé et de
l’inflammation [86].
Le traitement des canaux radiculaires, s’il est indiqué, peut
résoudre complètement l’ostéite condensante [87]. L’ostéite
condensante peut aussi être confondue avec l’énostose (os
sclérotique) qui est une entité non pathologique.
Fig. 4.21 Une région d’un kyste apical humain évoque une cavité Abcès apical aigu
centrale remplie avec un matériau éosinophile et une paroi couverte Étiologie
d’un épithélium. L’abcès apical aigu (AAA) est une lésion de liquéfaction loca-
lisée (fig. 4.24, A) ou diffuse (fig. 4.24, B) d’origine pulpaire
qui détruit les tissus périradiculaires, accompagnée d’une
des tissus péri-radiculaires est la cause principale de l’ostéite inflammation sévère en réponse à des irritants microbiens ou
condensante. Cette lésion est généralement observée autour non microbiens provenant de la pulpe nécrosée.
des apex des dents mandibulaires postérieures, qui mon-
trent que l’inflammation ou la nécrose pulpaire pourraient Signes et symptômes
probablement en être la cause. Néanmoins, il arrive que L’AAA est caractérisé par son assaut rapide et une douleur
l’ostéite condensante soit observée autour des apex de toute spontanée. Selon la sévérité de la réaction, les patients atteints
autre dent. d’AAA ressentent un inconfort modéré à sévère et présentent
Fig. 4.22 A. Radiographie préopératoire d’une deuxième molaire dont la pulpe est nécrosée avec une parodontite apicale
chronique évidente. B. Radiographie postopératoire de la dent. C. La radiographie postopératoire 2 ans après le traitement des
66 canaux radiculaires montre la résolution complète du problème de la maladie périradiculaire.
Pathologie pulpaire et péri-apicale 4
minéralisés infligée par les irritants, l’image radiographique
de l’AAA peut ne montrer aucune anomalie, jusqu’à une
radioclarté évidente en passant par un élargissement du liga-
ment parodontal.
Caractéristiques histologiques
L’examen histologique de l’AAA montre généralement une
lésion nécrotique de liquéfaction destructrice et localisée
contenant de nombreux leucocytes PMN désintégrateurs, des
débris, des résidus cellulaires et une accumulation d’exsudat
purulent (voir fig. 4.24, C). L’abcès est entouré par un tissu
granulomateux, si bien que cette lésion est précisément caté-
gorisée comme un abcès à l’intérieur d’un granulome. Il est à
noter que, souvent, l’abcès ne communique pas directement
avec le foramen apical ; il est fréquent que le drainage de
l’abcès soit impossible en accédant dans la dent.
L’élimination de la cause de l’abcès, la libération de la
Fig. 4.23 Ostéite condensante. L’inflammation chronique de pression (si le drainage est possible) et le traitement de canal
la pulpe de la première molaire a créé une radio-opacité du tissu entraînent la résolution de la majorité des problèmes dus à
péri-apical. l’AAA.
ou non une tuméfaction. Si l’abcès est confiné dans l’os, il n’a Abcès apical chronique
souvent pas de tuméfaction. L’AAA peut aussi parfois être L’abcès apical chronique (AAC) est une lésion inflammatoire
accompagné de manifestations systémiques d’un processus d’origine pulpaire caractérisée par la présence d’une lésion
infectieux général comme une augmentation de la tempé- ancienne transformée en un abcès qui s’est drainé dans la
rature, des malaises et une leucocytose. Ces manifestations muqueuse ou à la surface de la peau par une fistule.
étant observées en association avec une nécrose pulpaire, les
tests électriques et thermiques ne donnent aucune réponse. Étiologie
Néanmoins, ces dents sont très douloureuses à la palpation La pathogénie de l’AAC est similaire à celle de l’AAA. Son
et à la percussion. Selon le degré de destruction des tissus origine est aussi la nécrose pulpaire, habituellement associée
Fig. 4.24 A. Tuméfaction vestibulaire localisée causée par une nécrose pulpaire sur l’incisive latérale droite. B. Un abcès apical
aigu (AAA) a créé une tuméfaction faciale diffuse. C. L’examen histologique de l’AAA montre un tissu œdémateux lourdement
infiltré par des leucocytes PMN en phase de dégénérescence. 67
4 ENDODONTIE
Fig. 4.25 A. Stomie fistulaire associée à une pulpe nécrosée sur l’incisive centrale gauche. B. L’examen histologique du tissu
péri-apical montre de nombreux lymphocytes, des cellules plasmatiques et des macrophages (cellules spumeuses).
à une parodontite apicale chronique qui a formé un abcès. tissulaire. Les dommages des tissus superficiels sous-jacents
L’abcès a « creusé » l’os et les tissus mous pour former une ne demandent pas de réparation ou de régénération impor-
stomie fistulaire sur la muqueuse buccale (fig. 4.25, A) ou tante. En revanche, des dommages importants requièrent une
parfois à travers le derme facial. Les données histologiques de cicatrisation substantielle (voir fig. 4.22). En d’autres termes,
ces lésions sont comparables à celles de la parodontite apicale la réparation pulpaire et périradiculaire varie d’une résolution
symptomatique (fig. 4.25, B). L’AAC peut aussi se drainer relativement simple d’une infiltration inflammatoire jusqu’à
à travers le parodonte dans le sulcus et peut imiter un abcès une réorganisation et une réparation considérables d’une
parodontal ou une poche (voir chapitre 7). variété de tissus.
Fig. 4.26 A. Dentine sclérotique se présentant comme un tissu minéralisé, irrégulièrement organisé, et une coloration
plus légère que la dentine canaliculaire normale obtenue avec des anticorps contre la sialoprotéine dentinaire (DSP). B. Pont
dentinaire ; et aussi dentine secondaire déposée sur la paroi du canal après un coiffage pulpaire, montrant une structure
canaliculaire, et une coloration similaire à celle de la dentine primaire obtenue avec les anticorps contre la DSP.
fondant sur les processus participant à la réparation des sites et al. sur un modèle expérimental de coiffages pulpaires réa-
d’extraction [93], après l’élimination des irritants, les réponses lisés chez les rats rendus diabétiques par la streptozotocine
inflammatoires diminuent et la population des cellules for- a montré que la formation d’un pont dentinaire, chez ces
mant les tissus (fibroblastes et cellules endothéliales) aug- animaux, était significativement diminuée par rapport à celle
mente ; finalement, l’organisation et la maturation tissulaires de rats non diabétiques [99]. Cette diminution de formation du
s’ensuivent. L’os résorbé est remplacé par un os nouveau ; pont dentinaire était directement corrélée à l’importance de
le cément et la dentine résorbés sont réparés par un cément l’inflammation.
cellulaire. Le ligament parodontal, premier tissu affecté,
est le dernier à être restauré dans son architecture normale.
L’examen histologique de la cicatrisation des lésions péri-
apicales montre une preuve de cicatrisation sous la forme PATHOLOGIE PÉRIRADICULAIRE NON
d’un dépôt cémentaire, d’une vascularisation augmentée et ENDODONTIQUE
de l’augmentation des activités fibroblastique et ostéoblas-
Diagnostic différentiel
tique [94]. Des études ont montré que certaines cytokines
De nombreuses lésions non endodontiques radioclaires et
jouent un rôle important pendant la cicatrisation des lésions
radio-opaques imitent l’apparence radiographique des lésions
péri-apicales [95, 96].
endodontiques. Compte tenu de ces similarités, les dentistes
Certaines lésions ne se résolvent pas par la récupération
doivent mobiliser leur connaissance et pratiquer les tests cli-
complète des structures originelles. Des variations sont
niques de manière systématique pour s’assurer d’établir un
observées dans des modèles différents de fibres ou d’os. Elles
diagnostic précis et éviter des erreurs irréparables. Les tests
peuvent être évidentes à l’observation radiographique avec
de vitalité sont des aides de la plus haute importance pour
une lamina dura plus élargie ou une configuration altérée.
différencier les lésions endodontiques de celles qui ne le sont
Certains facteurs comme la taille d’un défaut ou l’extension
pas. Des dents présentant des lésions péri-radiculaires sont
de la lésion vers le stroma sous-jacent peuvent affecter la régé-
atteintes de nécrose pulpaire et ne répondent généralement
nération complète de l’architecture du tissu originel. Boyne a
pas aux tests de vitalité. En revanche, les lésions d’origine
montré que ces défauts à taille critique ne cicatrisent pas, à
non pulpaire n’affectent pas l’irrigation sanguine ni l’innerva-
moins qu’une stimulation soit induite par des facteurs comme
tion de la pulpe de la dent adjacente ; dans ces conditions, les
les BMP (protéines morphogénétiques osseuses) [97].
réponses aux tests de vitalité n’en sont pas affectées.
Malheureusement, beaucoup de cliniciens se limitent à
Facteurs influençant la cicatrisation s’appuyer sur les radiographies pour établir leur diagnostic et
D’autres facteurs pouvant affecter la cicatrisation des lésions décider de leur procédure de traitement ; ils ne recherchent
péri-apicales comprennent des facteurs inhérents à l’hôte (par pas à retracer une histoire complète de la sémiologie et de
exemple la leucopénie, des troubles de l’irrigation sanguine, la symptomatologie ni à pratiquer les tests. Nombreuses sont
une nutrition inadéquate), les corticostéroïdes, et autres mala- les radioclartés (y compris d’origine pathologique ou de mor-
dies systémiques. Par exemple, après un traitement de canal phologie normale) qui imitent les maladies endodontiques et
destiné à éliminer des lésions apicales, les patients atteints de vice versa. Pour éviter de sérieuses erreurs, tous les moyens
diabète insulinodépendant présentent un taux de cicatrisation diagnostiques pertinents comme les tests de vitalité, les exa-
significativement plus bas que les patients non diabétiques [98]. mens radiographiques, la recherche des signes cliniques et
Une hyperglycémie incontrôlée peut aussi affecter la cica- des symptômes et l’histoire détaillée de la maladie du patient
trisation pulpaire. Une étude comparée réalisée par Garber doivent être utilisés. 69
4 ENDODONTIE
Fig. 4.27 Foramen incisif simulant une lésion péri-apicale Fig. 4.28 Cette radioclarté péri-apicale aux stades précoces d’un
d’origine pulpaire. Les résultats des tests de vitalité restent dans des cémentome fait penser à une lésion péri-apicale. Néanmoins, les
limites normales, indiquant que la radioclarté n’est pas l’image d’une réponses aux tests de vitalité restent dans les limites de la normale.
pathologie endodontique.
Fig. 4.29 A. Radioclarté péri-apicale d’une lésion d’origine non pulpaire. B. Les résultats aux tests de vitalité positifs
et l’examen histologique confirment le diagnostic de carcinome.
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72
Diagnostic, plan de
5
CHAPITRE
traitement et considérations
systémiques
Richard E. Walton, Ashraf F. Fouad
PLAN DU CHAPITRE
OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE
Après avoir lu ce chapitre, l’étudiant devrait être capable : la chirurgie endodontique, la réimplantation intentionnelle,
1. De reconnaître que l’établissement du diagnostic et la l’autotransplantation, l’hémisection, l’apexification,
rédaction du plan de traitement des problèmes pulpaires l’extrusion orthodontique et le retraitement.
et péri-apicaux constituent une partie d’un examen 15. De diagnostiquer les problèmes qui demandent des
clinique et d’un plan de traitement d’un état de santé au modifications du traitement, comme les complications
sens le plus large. opératoires, les fractures dentaires, les problèmes
2. D’intégrer le diagnostic et le plan de traitement parodontaux, les difficultés d’isolation, la possibilité
endodontique à l’intérieur d’un plan de traitement de restauration, la valeur stratégique du traitement, la
d’ensemble. prise en charge du patient, les complications médicales,
3. D’indiquer l’importance des antécédents médicaux et les anomalies anatomiques des racines et de la pulpe,
dentaires pour le diagnostic endodontique. le traumatisme et les difficultés d’accès à la chambre
4. De correctement poser les questions en rapport avec pulpaire (difficulté d’ouverture).
l’histoire et les symptômes de la présente plainte. 16. De dresser un plan de traitement endodontique intégré
5. De décrire clairement au patient le déroulement de la dans une planification générale d’un traitement de santé
procédure diagnostique. globale du patient.
6. De procéder à un examen intrabuccal des tissus durs 17. De présenter au patient le plan de traitement définitivement
et des tissus mous en se focalisant sur la santé pulpaire choisi, accompagné d’éventuelles alternatives, et
et péri-apicale. d’argumenter en se fondant sur les données diagnostiques
7. D’appliquer, d’interpréter et d’expliquer les limites des obtenues du patient et de l’examen clinique.
tests de vitalité. 18. De procéder à l’évaluation comparée du pronostic de
8. De choisir le moment et les modalités d’utilisation des chaque traitement suggéré.
approches spéciales comme les tests de cavité et 19. De classifier les complications potentielles des
l’anesthésie sélective. procédures endodontiques.
9. D’interpréter les radiogrammes et d’établir le diagnostic 20. D’identifier les procédures qui sortent du domaine de
radiographique. compétence ou de l’expérience d’un praticien généraliste
10. D’expliquer les mécanismes de la douleur et la variabilité et qui nécessitent d’adresser les patients à des praticiens
de l’expérience douloureuse. dont les compétences en endodontie sont avancées.
11. D’expliquer et de distinguer la douleur référée de la 21. De décrire les différentes voies et d’expliquer les
présence d’une hyperalgésie ou d’une allodynie. mécanismes d’interactions entre la pathologie
12. De consolider l’ensemble des données obtenues endodontique et les maladies systémiques.
par l’histoire, les symptômes, l’examen physique et 22. D’expliquer les effets du diabète, du tabagisme,
les résultats des tests pour établir le diagnostic des des prédispositions génétiques, de l’irradiation, de
problèmes pulpaires et péri-apicaux en respectant une la drépanocytose et des infections virales sur la
terminologie appropriée. pathogenèse des maladies endodontiques et sur les
13. De déterminer les situations fixant les indications et les résultats attendus des traitements endodontiques.
contre-indications du traitement de canal. 23. D’évaluer les capacités potentielles des infections
14. D’expliquer les raisons proposant les indications de endodontiques aiguës et chroniques à causer – ou
traitements complémentaires tels que la thérapie de la à contribuer au – le développement de maladies
pulpe vivante, le blanchiment, l’amputation radiculaire, systémiques, y compris les maladies cardiovasculaires.
73
5 ENDODONTIE
T
rois processus distinguent le professionnel du non-pro-
fessionnel : (1) le diagnostic, (2) le plan de traitement,
et (3) la résolution de problème. Des tâches étendues
peuvent être accomplies par des assistants comme l’obtention
des informations et les tests ; mais l’interprétation de ces
résultats, l’établissement du diagnostic et la conception d’un
plan de traitement approprié ressortissent de l’unique respon-
sabilité du dentiste.
Le diagnostic et le traitement endodontique se rencontrent
sous la forme de deux scénarios fondamentaux. Dans le pre-
mier scénario, le patient se présente en urgence pour une dou-
leur, une tuméfaction, ou des dents déplacées, fracturées, ou
expulsées. Le second scénario constitue une partie d’un plan
de traitement de restauration quand une maladie pulpaire ou
péri-apicale asymptomatique a été détectée. Dans le premier
cas, le traitement d’urgence se limite à soulager le patient de
la douleur, prévenir l’étendue de l’infection, et à immobiliser
les dents expulsées ou luxées. Dans le second scénario, la réa-
lisation du traitement endodontique définitif est une phase ins-
crite dans un plan de traitement global. Dès que le traitement
d’urgence a soulagé le patient, le premier scénario devient le
second scénario.
Quel que soit le scénario, il est essentiel d’établir un diag-
nostic fondé sur les données issues de l’histoire du problème
et un examen clinique minutieux pour prodiguer des soins
appropriés et efficaces (fig. 5.1). La clé d’un traitement effi-
cace est le diagnostic précis. La clé d’un diagnostic précis
réside dans la compréhension du processus pathologique se
déroulant dans le tissu affecté (voir chapitres 1, 3 et 4). Fig. 5.1 Dans ce cas, une confiance en l’« expérience clinique »
Le diagnostic est la science qui consiste à reconnaître une de préférence au choix d’un test adéquat s’est traduite par
maladie en interprétant les signes, les symptômes et les tests. un mauvais traitement. Le dentiste s’est fié à un radiogramme
Souvent, l’établissement du diagnostic est simple ; parfois, il uniquement (pas de tests) et en a conclu que l’incisive latérale était
peut être plus délicat à formuler. Les étapes fondamentales du à l’origine de la douleur. Après le traitement, le niveau de la douleur
est resté inchangé et le patient a été adressé pour une intervention
diagnostic sont les suivantes :
chirurgicale à l’extrémité de la racine. L’examen des radiogrammes
1. La première plainte volontairement exprimée par le patient préopératoires et postopératoires en supplément des résultats des
2. L’histoire (médicale et dentaire) tests cliniques a montré que le traitement a été exécuté sur une
3. L’examen oral pulpe saine. En revanche, l’incisive centrale s’est révélée atteinte
4. L’analyse des données (conduisant au diagnostic différentiel) d’une nécrose pulpaire accompagnée d’un abcès apical aigu. Le
5. Le plan de traitement traitement de canal exécuté sur la dent correctement diagnostiquée
Un nombre limité d’hypothèses de diagnostic évoque a immédiatement soulagé le patient de sa douleur.
les différents états de la pulpe et de la région péri-apicale
(tableau 5.1). Ces diagnostics sont : pas de symptômes présents ou passés [1]. Le clinicien doit être
j Diagnostic pulpaire conscient d’autres indicateurs de maladies qui requièrent un
j État normal examen minutieux.
j Pulpite réversible La douleur en tant que symptôme est clairement une
j Pulpite irréversible préoccupation clé partagée entre le patient qui en souffre et
j Asymptomatique le dentiste qui désire vivement le soulager de cette douleur.
j Symptomatique Malheureusement, ce symptôme peut être source d’erreur
j Nécrose pulpaire de diagnostic parce que la douleur est souvent référée à un
j Diagnostic péri-apical site distant du foyer local d’origine. De plus, la pathologie
j État normal pulpaire est fréquemment indolore [2]. Un exemple bien connu
j Parodontite apicale symptomatique est l’appendicite ; la douleur semble prendre son origine dans
j Parodontite apicale asymptomatique la région du nombril très éloignée de l’organe malade. Dans
j Abcès apical aigu la bouche, cet événement se produit de manière similaire
j Abcès apical chronique quand une douleur peut être référée d’une dent à une autre.
j Ostéite condensante En outre, une douleur de l’articulation temporomandibulaire
La pathologie de ces tableaux cliniques est décrite dans le et de la musculature associée, du sinus infecté, voire de pro-
chapitre 4. blèmes cardiaques [3] peut être ressentie comme une douleur
Bien que le diagnostic soit une science, c’est une science dentaire. Le mécanisme de la douleur référée sera abordé plus
imparfaite, et son établissement détaillé et définitif est quel- loin, mais le diagnostic d’un état douloureux dans la région
quefois difficile, voire impossible. Des pathologies pulpaires orofaciale doit commencer par la prise en compte des compli-
74 et péri-apicales significativement importantes ne présentent cations provoquées par ces facteurs.
Diagnostic, plan de traitement et considérations systémiques 5
Tableau 5.1 Terminologie diagnostique
Pulpaire
Irréversible Similaire à réversible Rien ou légère image Réponse aux tests Pas de douleur
asymptomatique (diagnostiqué par péri-apicale pulpaires
l’excavation de la carie
pour révéler l’exposition)
Irréversible Douleur sévère au Aucune ou légères images Douleur sévère probable Souvent douloureux
symptomatique stimulus thermique ; péri-apicales suspectes au test thermique ;
probable douleur Exception : ostéite souvent, douleur
spontanée condensante occasionnelle spontanée
Péri-apical
Parodontite apicale Douleur significative à Pas de changement Réponse ou pas de Douleur à la percussion
symptomatique la mastication et à la significatif, ou peut réponse (dépend ou à la palpation
pression montrer une radioclarté de l’état de la pulpe)
Parodontite apicale Aucun à légers Radioclarté apicale Pas de réponse Pas de symptôme à léger
asymptomatique et à la percussion ou à la
kyste apical palpation
Abcès apical aigu Tuméfaction et douleur Généralement, image Pas de réponse Douleur à la percussion
significative radioclaire de la lésion ou à la palpation
Abcès apical chronique Drainage fistulaire Généralement, image Pas de réponse Pas sensible
ou parulie radioclaire de la lésion
Ostéite condensante Variable (dépend de Densité de l’os Réponse ou pas de Peut ou non être
l’état de la pulpe et trabéculaire augmentée réponse (dépend douloureux à la percussion
du péri-apex) de l’état de la pulpe) et à la palpation
D’autres états pathologiques comme la névralgie, la sclé- désirer un traitement ; celui-ci jugera les résultats du traitement
rose en plaques, l’ischémie myocardique, ou les désordres en fonction de la résolution (ou pas) de son problème Pour
psychiatriques peuvent produire les mêmes symptômes. Une gagner la confiance des patients, le clinicien doit être attentif à
compréhension approfondie de la nature compliquée, multi- cette première plainte. Lorsque cette confiance a été acquise,
factorielle et versatile de la douleur est essentielle pour éta- le patient sera capable de comprendre que le diagnostic exige
blir un diagnostic précis et exécuter un traitement couronné une approche approfondie et méthodique et il pourra coopérer
de succès. à cette approche.
De nombreuses douleurs faciales dont l’origine n’est pas
odontogène prennent une place importante. Elles peuvent être
DIAGNOSTIC aisément confondues avec des douleurs dentaires aussi bien
par le patient que par le dentiste.
La première plainte
La première plainte est la première information volontaire- Histoire de la santé du patient
ment et habituellement transmise par le patient à son praticien. Histoire de la santé et médicale
Les patients expriment leurs plaintes avec leurs propres mots, Dans le cas où le patient revient consulter ou s’il a rempli
et ceux-ci doivent être retranscrits tels quels dans le dossier un nouveau questionnaire de santé, l’histoire médicale est
médical. Après tout, c’est cette plainte qui pousse le patient à réexaminée directement avec lui et est enregistrée dans le 75
5 ENDODONTIE
Encadré 5.4 Cas clinique : douleur référée à partir Encadré 5.5 Quels sont les indicateurs
des muscles masticateurs d’un diagnostic difficile ?
Fig. 5.3 Fistule extrabuccale. A. Le diagnostic de cette lésion de surface (flèche) est erroné et le traitement exécuté pendant
plusieurs mois par un dermatologue a échoué. Par bonheur, le dentiste du patient a reconnu une fistule dont l’origine est une
dent mandibulaire antérieure. B. La pulpe était nécrosée à cause d’une attrition sévère qui l’a exposée. Un traitement de canal
correct, à lui seul (C), a résolu complètement le problème de la fistule et de la lésion de surface (D, flèche).
néanmoins leurs propres limites ; certains ne peuvent être uti- de conduite calibrées pour s’exprimer pendant l’exécution
lisés dent par dent et les résultats obtenus interdisent par eux- des tests sur les dents suspectes. Le patient doit ignorer si le
mêmes d’en tirer des conclusions définitives. Les données test s’applique sur la dent contrôle ou sur la dent suspecte. La
qu’ils fournissent doivent être interprétées avec prudence et réponse d’un patient peut varier d’une voie à l’autre ou d’un
être analysées en conjonction avec les autres informations dis- degré à un autre quand les tests sont répétés. C’est pourquoi la
ponibles. Il faut absolument retenir que les réponses aux tests première application du test est la plus significative.
ne sont pas dentaires ; les informations émanent des réponses Les tests utilisés se divisent en deux groupes, percussion et
du patient dont la variabilité est très haute par rapport à la palpation, qui renseignent sur l’état des tissus de soutien et les
variété des stimuli produits par les tests. tests de vitalité qui fournissent des informations sur la santé
de la pulpe.
Dents contrôles
Pendant l’usage des tests, il est important d’intégrer des dents Percussion et palpation des tissus de soutien
de type similaire aux dents suspectées que l’on teste ; ce groupe La percussion est exécutée de différentes façons. Un moyen
de dents de contrôle fournira un élément de comparaison. Les consiste à percuter délicatement la surface occlusale d’une
tests appliqués sur les dents conduisent à éduquer le patient sur dent avec le manche d’un miroir parallèlement ou verticale-
80 la nature de la réponse attendue en lui fournissant des lignes ment par rapport à l’axe de la couronne. Cela peut être précédé
Diagnostic, plan de traitement et considérations systémiques 5
par une légère pression du doigt sur cette dent pour s’assu-
rer que la percussion ne sera pas trop douloureuse ; sinon,
il faudra s’interdire de percuter la dent avec le miroir. En
cas de sensation douloureuse, une inflammation péri-apicale
pourrait être diagnostiquée. L’inflammation péri-apicale peut
provoquer une douleur aiguë. Si le patient se plaint de dou-
leur en mastiquant, une autre approche, le test de morsure,
consiste à inviter le patient à mâcher un coton-tige dent par
dent (fig. 5.6).
Il faudra étendre le test de percussion aux dents voisines
et aux dents controlatérales qui seront les contrôles. Il arrive
souvent que les dents adjacentes à la dent malade présentent
quelques signes douloureux dus à l’étendue des cytokines et
des neuropeptides qui abaissent le seuil de sensibilité.
Pendant l’acte de percussion, il sera judicieux d’estimer
la mobilité de la dent en plaçant le doigt sur la face linguale
Fig. 5.5 Le sondage parodontal révèle un défaut profond. de la couronne et en pressant légèrement avec le miroir par
La nécrose pulpaire suggère que cette lésion est d’origine la face vestibulaire. Le degré du mouvement peut être visua-
endodontique et non parodontale. lisé et ressenti. Un parodonte sain autorise un mouvement 81
5 ENDODONTIE
chaude. Un bâton de gutta percha chauffé à la flamme peut généralement que la pulpe est nécrosée. Des mesures basses
être appliqué sur la face vestibulaire d’une dent badigeonnée montrent que la dent est vivante. Le test des dents contrôles
de vaseline. Il est préférable d’éviter l’utilisation d’un ins- établit la frontière approximative entre les deux situations cli-
trument chauffé à la flamme qu’il est difficile de contrôler. La niques. Le chiffre exact de la mesure n’a aucune signification
chaleur produite par des générateurs électriques est plus facile et ne reflète pas des degrés subtils de vitalité, pas plus que le
à contrôler ; elle est plus efficace et sans danger [28]. test pulpaire électrique signifie que la pulpe est enflammée [30].
Le test au chaud n’est pas couramment utilisé, mais il est utile Tous les tests pulpaires électriques sont utilisés de la même
quand le symptôme majeur est la sensibilité au chaud et que le manière. Il est important de nettoyer, de sécher et d’isoler
patient est incapable d’identifier la dent atteinte. Pendant son les dents. Frotter la surface avec un rouleau de coton, isoler
application, la chaleur est progressivement augmentée jusqu’au avec le même rouleau et sécher complètement avec un jet
moment où la sensation douloureuse est ressentie. Comme d’air comprimé. Placer une petite quantité de pâte dentifrice
pour le froid, une réponse douloureuse courte et aiguë signifie sur l’électrode. Fermer le circuit électrique avec une attache
que la pulpe est vivante (mais pas nécessairement saine). placée sur la lèvre ou en demandant au patient de toucher le
Test pulpaire électrique [29, 30] Tous les tests pulpaires élec- manche métallique selon l’appareil. Placer l’électrode sur la
triques actuellement disponibles produisent un courant élec- surface vestibulaire ou sur la surface linguale (fig. 5.11), et
trique à haute fréquence dont l’ampérage peut être modifié. augmenter progressivement l’intensité du courant jusqu’au
Ces testeurs sont aussi monopolaires, ce qui signifie que le flux moment de la détection de la sensibilité. Le test électrique
du courant électrique chemine de la sonde à travers la dent, n’est pas infaillible et peut donner des réponses faux positif
puis dans le corps du patient pour revenir vers l’appareil géné- ou faux négatif dans 10 à 20 % des cas [31]. Les petits canaux
rateur. De cette façon, les nerfs de toute la pulpe sont stimulés. en particulier peuvent donner des réponses faux négatif [29].
Les testeurs pulpaires électriques avec un lecteur numérique
sont répandus (fig. 5.10). Ces appareils ne sont pas en eux- Signification des tests thermiques
mêmes supérieurs aux autres testeurs électriques, mais ils sont Une réponse exagérée ou prolongée provoquée par un test au
plus commodes d’utilisation. Des mesures élevées signifient froid ou au chaud indique une pulpite irréversible. L’absence 83
5 ENDODONTIE
Fig. 5.9 Une cupule prophylactique entraînée à grande vitesse Détermination du flux sanguin
sans lubrifiant produit une chaleur contrôlée pour tester la pulpe. Les instruments qui détectent la circulation pulpaire font
partie des développements technologiques censés fournir des
approches nouvelles pour déterminer la vitalité du tissu pul-
paire et éventuellement aller jusqu’à mettre en évidence la pré-
sence d’une inflammation [32–34]. Les détecteurs sont appliqués
sur les surfaces vestibulaires et linguales de l’émail. Le flux
sanguin est rendu visible par des rayons lumineux (spectro-
photomètre à double longueur d’onde simultanée) [35], l’oxy-
métrie de pouls [36, 37], ou la débimétrie par laser Doppler [35].
Les composants sanguins sont mis en évidence par la détection
de niveaux d’oxyhémoglobine dans le sang ou par le pouls
pulpaire. Ces approches sont encore plus expérimentales que
cliniques et les appareils sont onéreux. Comme la technologie
progresse, coûte moins cher et qu’elle est mieux maîtrisée, il
est probable que l’utilisation de ces appareils comme testeurs
de vitalité de la pulpe soit possible à l’avenir.
Fig. 5.10 Deux types d’électrodes sont disponibles. L’inférieur Examen parodontal
est un embout conventionnel. Le supérieur est un « mini-embout »
Les lésions péri-apicales et parodontales peuvent être confon-
utile pour l’accès de l’électrode de contact aux petites zones de la
structure dentaire.
dues et doivent être différenciées (voir chapitre 7). Il est aussi
important de préciser l’état de santé du parodonte et de la ou
des dents comme une partie du plan de traitement global.
de réponse en comparaison avec d’autres tests et en testant
des dents contrôles, oriente habituellement vers la nécrose Sondage
pulpaire. Le sondage est un test clinique important qui est souvent omis
L’application d’un seul test est rarement suffisante pour ou insuffisamment exploité pour le diagnostic des lésions péri-
conclure sur la présence ou l’absence de maladie pulpaire ou apicales. La destruction des tissus parodontaux mous et celle
péri-apicale. Deux ou plusieurs tests seraient plus précis. Les des tissus minéralisés sont induites aussi bien par les maladies
données issues d’un test pulpaire doivent être exploitées en parodontales que les lésions péri-apicales et il peut ne pas être
tenant compte de l’histoire de la plainte, de l’examen intra- aisé de les détecter et de les différencier radiographiquement.
buccal et des radiogrammes. La sensibilité d’un test (capacité La sonde parodontale aide à la détermination du niveau
de détecter une nécrose pulpaire confirmée cliniquement) à de l’attache tissulaire (parodontale). De même, la sonde
la neige de CO2 ou avec un autre réfrigérant est de 75 % et la peut pénétrer à l’intérieur d’une lésion péri-apicale inflam-
spécificité (capacité d’identifier une pulpe saine et normale) matoire qui s’étend vers la région cervicale. Le sondage est
de 92 %. La sensibilité d’un test pulpaire électrique est de une aide diagnostique qui est dotée d’une valeur pronos-
92 %, et la spécificité est de 75 % [25]. Par conséquent, il est tique. Le pronostic d’une dent dont la pulpe nécrosée induit
clair que les deux tests sont complémentaires et peuvent aider une extension cervicale d’une inflammation péri-apicale
84 le praticien à évaluer avec précision la vitalité de la pulpe. (d’origine endodontique) est bon après un traitement de canal
Diagnostic, plan de traitement et considérations systémiques 5
adéquat. Cependant, les résultats attendus d’un traitement de
canal d’une dent atteinte d’une maladie parodontale sévère
dépendent généralement du succès du traitement parodontal.
Le sondage doit être régulièrement enregistré pour procéder à
une évaluation comparée du pronostic.
Examen radiographique
Les radiogrammes sont essentiels pour l’étude de l’état des
tissus minéralisés. Leur valeur est cependant surestimée. Pen-
dant l’examen clinique, les cliniciens accordent leur première Fig. 5.12 Dans ce quadrant, la perte osseuse horizontale et
attention aux clichés radiographiques et se penchent peu sur verticale est évidente. Toutes les dents répondent aux tests de
l’examen visuel et les manœuvres de l’examen physique. C’est vitalité ; par conséquent, cette résorption considérable est l’image
une erreur. L’observation radiographique trouve logiquement d’une maladie parodontale sévère et non d’une pathologie pulpaire
sa place seulement après l’entretien sur l’histoire du problème ou apicale. Le traitement de canal est contre-indiqué.
et après l’examen physique direct. Ensuite, chaque donnée
qui en résulte est étudiée et interprétée comme une étape d’un
examen clinique global et ne se substitue pas à l’entretien ni
à l’examen physique. Les radiogrammes conventionnels sont
compressés en images en deux dimensions dans lesquelles
beaucoup de détails peuvent être masqués par superposition.
Cette limitation peut être réduite en réalisant des clichés sup-
plémentaires à des angles différents. Des avancées technolo-
giques récentes ont permis l’imagerie en trois dimensions,
comme la tomographie volumique à faisceau conique (TVFC,
ou cone beam computed tomography [CBCT]), pour aider au
diagnostic des cas complexes.
La radiographie permet d’évaluer les lésions carieuses, les
restaurations inadaptées, les traitements de canal, les appa-
rences pulpaires et péri-apicales anormales, les malpositions
dentaires, la relation entre le paquet vasculonerveux avec les
sinus maxillaires et les apex des dents sinusiennes voisins, et
toute perte osseuse en relation avec une maladie parodontale.
Elle peut aussi révéler des modifications de structure et des
maladies osseuses sans rapport avec les dents (fig. 5.12).
Lésions péri-apicales
La valeur principale des radiographies diagnostiques en
endodontie est d’apprécier la santé des tissus péri-apicaux. Fig. 5.13 Apparence caractéristique d’une lésion endodontique. Ce
L’inflammation produit une résorption osseuse traduite à la radiogramme montre l’absence de la lamina dura et l’apparence d’une
radiographie par une image radioclaire (une lésion) autour goutte radioclaire retenue à l’apex. Le patient a rapporté l’histoire d’un
de l’apex ; il est important de reconnaître, cependant, que traumatisme. Un film réalisé à des angles différents montrerait la lésion
des lésions se développent sans qu’elles soient pour autant attachée à l’apex. (Remerciements au Dr L. Wilcox.)
visibles sur un radiogramme [38]. En outre, certaines radio-
clartés peuvent être normales ou pathologiques d’origine non endodontique ; elle peut être l’image d’une structure normale
endodontique. L’image des lésions péri-apicales d’origine ou celle d’une pathologie non endodontique.
endodontique comporte quatre caractéristiques : (1) absence Les images peuvent aussi être radio-opaques [39–45]. L’ostéite
de la lamina dura à l’apex ; (2) persistance de la radioclarté condensante est une réaction à une inflammation pulpaire ou
à l’apex quel que soit l’angle d’incidence du faisceau ; (3) péri-apicale par augmentation de la densité osseuse. Elle se
radioclarté présentant la forme d’une goutte d’eau retenue ; et présente sous une forme médullaire diffuse, circonférentielle
(4) la nécrose pulpaire est généralement la cause de la lésion à dont les bords sont flous (fig. 5.14). Par contraste, l’énostose
l’apex de la dent nécrosée (fig. 5.13). (ou sclérose osseuse), qui n’est pas pathologique et qui est sou-
Une radioclarté de taille considérable à la région péri-api- vent présente à la mandibule, produit une image de structure
cale d’une dent dont la pulpe est vivante n’est pas d’origine normale plus homogène et bien circonscrite. De même, l’image 85
5 ENDODONTIE
Fig. 5.14 Ostéite condensante. A. Une trabéculation diffuse entoure l’apex radiculaire distal. B. Cela contraste avec la molaire
controlatérale, qui reflète une trame trabéculaire espacée et normale.
Fig. 5.15 Différentes réponses pulpaires à l’agression. A. L’incisive centrale montre une résorption interne perforante
étendue ; l’incisive latérale présente une métamorphose calcique. B. La résolution de ces problèmes mobilisera des traitements
chirurgicaux et non chirurgicaux.
de torus peut être observée à l’aplomb des racines des molaires Il est quasi certain que ces équipements seront d’une grande
maxillaires. Contrairement à une croyance populaire, une image utilité à l’avenir.
radioclaire bordée par une structure circonférentielle radio-
opaque (corticale) n’est pas obligatoirement la représentation Lésions pulpaires
d’un kyste [46, 47]. Une pulpe enflammée avec une activité dentinoclastique peut
Une nouvelle technologie radiographique de détection donner une image anormalement déformée et élargie de la
précoce des changements de la structure osseuse permet cavité pulpaire pathognomonique de la résorption interne
des approches nouvelles pour établir un diagnostic différen- (fig. 5.15). Une calcification diffuse et étendue présente dans
tiel [48, 49]. La radiographie numérique soustractive « lit » les la chambre pulpaire peut être supposée due à une irritation
changements subtils de la résorption osseuse péri-apicale. modérée à long terme (pas nécessairement liée à une pulpite
L’imagerie de résonance magnétique montre les images de irréversible). L’image radiographique de la formation denti-
résorption en relation avec les structures tissulaires molles naire « oblitérant » les canalicules (souvent en lien avec un
et minéralisées [50]. La recherche commence à présenter les traumatisme) n’est pas forcément pathologique (fig. 5.16).
86 bénéfices de ces techniques pour les applications cliniques. Normalement, ces dents ne doivent pas être traitées ; mais
Diagnostic, plan de traitement et considérations systémiques 5
Fig. 5.16 Métamorphose calcique. A. Cette lésion résulte d’irritations répétées provoquées par la carie et les procédures
restauratrices. B. Formation dentinaire (« oblitération ») induite par un traumatisme et l’irrigation de la pulpe. Ni la lésion
A ni la lésion B ne sont pathologiques. Parfois, une pathologie apicale se développe, représentant un défi thérapeutique.
(B, Remerciements au Dr L. Wilcox.)
Ostéite condensante
L’ostéite condensante ne demande aucun traitement. Le traite-
ment varie parce que ce phénomène peut surgir en réaction à
des changements pulpaires. Le taux de résolution de l’ostéite
condensante est d’environ 50 % après un traitement de canal
réussi. Dans ce cas, aucun problème apparent ne se présente
malgré la persistance de l’ostéite ; aucun traitement ne doit
être prescrit à moins que des événements constatés indiquent
l’hypothèse d’un échec du traitement de canal.
Fig. 5.20 A. Situation complexe d’origine traumatique. L’incisive centrale et l’incisive latérale ont été précédemment traitées.
L’autre incisive centrale est symptomatique, sensible à la percussion et ne répond pas aux tests pulpaires. L’incisive latérale
adjacente montre une résorption interne (flèche) et est asymptomatique. Un soin particulier doit être apporté pour nettoyer et
mettre en forme complètement la cavité pulpaire radiculaire dont les parois sont irrégulières, comme cela est illustré sur l’image
postopératoire. B. Ce cas présente un degré élevé de difficulté.
endodontique est quasi exclusive est plus expérimenté face à peut aller jusqu’à détruire complètement la géométrie de
un problème particulier que ne l’est un praticien généraliste. l’apex ou de la surface radiculaire. Une résorption apicale ou
La douleur référée est un exemple de situation qui présente radiculaire externe étendue exige des compétences cliniques
souvent un défi diagnostique à relever par le praticien. Tant excellentes, et si tel n’est pas le cas, il vaut mieux adresser le
que le diagnostic n’a pas été établi, aucun traitement ne peut patient aux structures compétentes.
être prodigué et, dans cette situation, il est préférable d’adres-
ser le patient à un praticien reconnu plus compétent (voir Radiographies
encadré 5.6). Les radiographies diagnostiques et thérapeutiques de bonne
qualité sont cruciales. Les caractéristiques des patients
État endodontique et parodontal comme la difficulté d’ouvrir la bouche et l’anatomie orale
S’il subsiste un doute sur la nature endodontique ou parodon- (par exemple une voûte palatine peu profonde, des arcades
tale du problème (ou une origine différente), il est prudent dentaire grandes et étroites) peuvent gêner l’acquisition de
d’adresser le patient vers une structure compétente. Le diag- radiogrammes de bonne qualité.
nostic différentiel des lésions endodontiques et parodontales
est développé au chapitre 7. Difficultés d’intervention
Histoire de la santé et des actes médicaux
Résorption Les praticiens généralistes peuvent traiter des patients qui
La résorption peut être interne ou externe. Les résorptions doivent être prémédiqués ou qui sont atteints de complications
perforantes (communication de la cavité pulpaire vers le paro- médicales qui affectent le diagnostic et le traitement. Cepen-
donte) sont souvent compliquées. Une résorption dentaire dant, la sévérité de la situation (ou des situations) doit être éva-
interne ou externe est à haut risque quant au pronostic ; le luée. Un clinicien très compétent en endodontie peut le mieux
patient doit être adressé à un spécialiste pour qu’il l’évalue et prendre en charge des patients atteints de troubles sérieux.
la traite (fig. 5.20). Les services plus spécialisés en endodontie sont préférables et
Une résorption interne limitée ne présente pas vraiment de offrent une prévention optimale et une meilleure prise en charge
complication ; en revanche, une résorption apicale externe des complications pendant le traitement (voir chapitre 6). 91
5 ENDODONTIE
Fig. 5.21 A. Radioclarté péri-apicale (A) et radioclarté mésiale au tiers apical (B). Les canaux sont calcifiés, la racine est étroite
et on soupçonne une concavité mésiale significative au tiers coronaire (C). La dent est aussi couronnée, ce qui complique encore
plus l’accès dans la cavité pulpaire. Ce cas est à haut risque. B. Sur le cliché postopératoire, la radioclarté mésiale provient de
la racine vestibulaire plus courte que la racine linguale de quelques millimètres et plus sévèrement courbée. Le praticien doit être
préparé à ce que ce problème inattendu se présente pendant le traitement.
Considérations restauratrices
Les caries sévères ou les fractures traumatiques peuvent
engendrer des difficultés pour isoler un champ opératoire ou
restaurer les dents.
Anatomie
Chambre pulpaire
Le volume de la chambre pulpaire décroît avec l’âge de la dent.
Une attention particulière sera portée à la taille de la chambre
pulpaire, aux pulpolithes et à l’étendue des calcifications dans
les canaux radiculaires.
Fig. 5.23 A. Dilacération au tiers apical. Le degré et la localisation de la courbure demandent une attention très forte, voire
la décision d’adresser le patient à un praticien plus compétent. B. Noter sur ce radiogramme postopératoire le respect de la
courbure au tiers apical.
Fig. 5.24 A. Courbure extrême de la racine mésiovestibulaire. À cause de cet angle de courbure à 90 degrés (A), cette
situation est à risque extrême et le patient pourrait être adressé à un praticien très compétent. B. Noter la courbure de la racine
distovestibulaire sur le radiogramme postopératoire. 93
5 ENDODONTIE
Fig. 5.26 Difficultés anatomiques. A. Dens invaginatus ; la communication anatomique qui en résulte a induit une nécrose
pulpaire. La formation de la dentine incomplète et la morphologie interne irrégulière rendent le nettoyage, la mise en forme et
l’obturation très difficiles à exécuter. La taille de la lésion ne contre-indique pas un traitement non chirurgical. B. Une racine
sévèrement courbée et la localisation postérieure rendent le traitement de cette troisième molaire difficile.
Fig. 5.27 Un cas délicat d’un patient âgé qui a été opéré d’une hémimandibulectomie droite pour traiter un cancer buccal, et
qui a reçu une radiothérapie ; cela a restreint sévèrement l’ouverture de la bouche. Le patient ne pouvait maintenir sa bouche
ouverte que pendant 15 minutes environ, ce qui rendait difficile l’introduction des capteurs radiographiques, des miroirs et des
instruments dentaires. A. Un radiogramme préopératoire de mauvaise qualité montre que l’atteinte de la pulpe est due à une
restauration ancienne, et que cela a provoqué une lésion périradiculaire. B. Un traitement endodontique a été tenté pour prévenir
une ostéoradionécrose et maintenir la dent fonctionnelle. Des complications se sont produites dans la région inter-radiculaire
parce que le clinicien était incapable d’utiliser le miroir et la pièce à main simultanément pour préparer la cavité d’accès.
22 patients ayant reçu une irradiation de 5000 centigray 200/ml. Cependant, une étude de cohorte de patients atteints
(cGy) dans les 6 mois précédents [81]. Après 19 mois, 91 % du sida qui ont reçu plusieurs traitements buccodentaires a
des patients ont guéri, ce qui concorde avec la moyenne du montré que ces patients ne semblaient pas souffrir de douleur
succès des traitements endodontiques chez les patients nor- ou d’infection due à des traitements endodontiques [86]. En
maux observée dans d’autres études. Cependant, le traitement outre, un an après le traitement endodontique, aucune diffé-
des patients irradiés est fréquemment compliqué par une rence significative des résultats attendus du traitement n’a été
éventuelle fibrose tissulaire gênant l’ouverture volontaire et observée entre les patients VIH positif et les patients qui ne
adéquate de la bouche (fig. 5.27) ; à cela s’ajoute le fait que le sont pas infectés par le virus [87].
pronostic peut être moins bon à cause de la sécheresse buccale
et des caries récurrentes. Virus de l’herpès
Au cours de la dernière décennie, il a été reconnu que Plusieurs types de virus de l’herpès affectent l’homme. Ils
les patients traités avec les bisphosphonates risquent d’être comprennent le virus varicelle zona, a l’origine du zona, les
atteints par une ostéonécrose des maxillaires, associée aux virus humains (HHV de 1 à 8), les cytomégalovirus (CMV) et
bisphosphonates (OMB). Ce risque est plus élevé si le traite- le virus d’Epstein-Barr (EBV). :
ment aux bisphosphonates est exécuté par voie intraveineuse, Les infections par le VZV représentent souvent un dilemme
en particulier si plus d’un agent est utilisé simultanément, et diagnostique parce qu’après la guérison de la cloque herpé-
ce risque s’accroît avec la durée d’utilisation des bisphos- tique, le patient peut souffrir de névralgie postherpétique qui
phonates et avec les interventions chirurgicales comme les imite une douleur endodontique. Une documentation soigneu-
extractions [82]. Bien que rare, l’OMB peut survenir après un sement détaillée de l’histoire médicale et des tests de diagnos-
traitement endodontique [83] ou une intervention chirurgicale tic devrait aider le praticien à identifier ce tableau clinique et
endodontique [84]. Quand un traitement endodontique non à prendre les bonnes décisions et/ou à adresser le patient dans
chirurgical est exécuté chez un patient traité aux bisphos- un service clinique compétent. Il arrive cependant que le zona
phonates par voie intraveineuse, il faudra être soigneux pour puisse induire une pathologie pulpaire spontanée [88–90].
éviter de blesser les tissus mous. Par exemple, il ne faut pas Les lésions péri-apicales chez des patients infectés par le
blesser l’os alvéolaire et les tissus mous avec le crampon de CMV et/ou l’EBV, mais pas par l’herpès simplex virus 1 et
la digue. 2 (HSV 1 et 2) sont plus grandes et plus douloureuses [91, 92].
Le traitement aux bisphosphonates par voie orale constitue De plus, les pulpites irréversibles ou les infections endodon-
un risque bien moindre d’OMB. Le taux de succès du traite- tiques aiguës peuvent être associées à une incidence supé-
ment endodontique des patients traités aux bisphosphonates rieure de pathogènes EBV ou HHV [93–95]. Cependant, les
par voie orale est comparable à celui des autres patients [85]. connaissances à ce sujet ne permettent pas encore de savoir
si une association virale potentialise le développement de
Infections virales formes pathologiques endodontiques plus agressives ou si
VIH/sida les résultats du peu d’études disponibles n’étaient que pure
Quand le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) fut coïncidence.
identifié, les praticiens ont été préoccupés par le fait que les
patients atteints par cette infection si dangereuse pouvaient Drépanocytose
souffrir de complications comme des maladies endodontiques La drépanocytose est une maladie génétique caractérisée
et/ou de leur traitement, en particulier chez les patients dont par une anomalie de l’hémoglobine occasionnant un déficit
96 le nombre de lymphocytes T CD4+ avait chuté au-dessous de d’oxygénation du sang. Une forme sans anémie de la maladie,
Diagnostic, plan de traitement et considérations systémiques 5
connue sous le nom de drépanocytose latente, est le résultat La pathologie endodontique peut générer
de la transmission homozygote du gène altéré. Les manifes- des maladies systémiques ou contribuer
tations orales de la drépanocytose comprennent l’image à leur développement
radiographique de la structure trabéculaire de l’os en forme de La cavité buccale est la première composante du tube digestif
feuilletage rappelant des « marches d’escabeau », une hypo- et abrite une frange très grande du microbiome humain (voir
minéralisation de l’émail et une augmentation de la suroc- chapitre 3). La diversité des micro-organismes de la bouche
clusion et du surplomb incisif [96]. Des séries de cas anciens est à mettre en relation avec son exposition aux facteurs nutri-
ont montré le développement spontané de pathologie pulpaire tionnels et environnementaux et aux caractéristiques uniques
sur certaines dents non cariées chez des patients atteints de de l’environnement buccal. Les effets délétères de ces micro-
drépanocytose [97]. Plus récemment, il a été démontré que des organismes sont empêchés par un revêtement muqueux intact,
patients atteints de drépanocytose présentent une incidence capable de réponse immunitaire redoutable, et par des mesures
significativement supérieure de douleur orofaciale que le d’hygiène qui limitent la progression des biofilms microbiens
groupe contrôle et une augmentation de 6 % de nécrose pul- buccaux. La pulpe dentaire est protégée des bactéries par
paire sans étiologie apparente [98]. l’émail et la dentine intacts, alors que le parodonte est protégé
par l’attache parodontale et le sulcus épithélial. Ces barrières
Tabagisme sont absentes en cas de parodontite marginale ou de patholo-
Les problèmes de santé buccodentaire du tabagisme, compre- gie pulpaire, ce qui offre un accès libre vers le parodonte et les
nant l’augmentation de la maladie parodontale, les inflamma- tissus péri-apicaux ; de cette façon, la flore microbienne, qui
tions de la muqueuse buccale et les lésions précancéreuses et était commensale, va devenir pathogène.
malignes, ont été bien documentés. Plus récemment, l’asso-
ciation du tabagisme avec les maladies pulpaires et les lésions Infections endodontiques aiguës
péri-apicales a soulevé de l’intérêt. Le tabagisme est aussi Il ne fait aucun doute que les bactéries des infections endodon-
associé à une prévalence élevée des lésions péri-apicales [99–101] tiques aiguës peuvent causer des bactériémies et peuvent migrer
et une incidence croissante du traitement de canal en tant que vers les ganglions lymphatiques et les espaces membranaires.
marqueur des maladies pulpaires et péri-apicales [102]. L’inci- Des rapports de cas ont documenté l’association des infec-
dence des traitements de canal augmente aussi avec la durée tions endodontiques aiguës avec des abcès au cerveau [107–110],
du tabagisme et est réduite chez les fumeurs qui se sont abste- des médiastinites [111–113], et des fasciites nécrosantes mor-
nus de fumer depuis plus de 9 ans au moment de l’évaluation. telles [114]. En réalité, il a été récemment rapporté qu’environ
Le tabagisme est aussi connu pour augmenter l’incidence de 8000 patients sont hospitalisés chaque année aux États-Unis
la douleur et/ou des tuméfactions survenant après une inter- pour des abcès péri-apicaux, beaucoup d’entre eux ayant
vention de chirurgie endodontique [103]. des comorbidités comme le diabète et l’hypertension [115].
Par conséquent, il est essentiel pour le praticien d’obtenir des
Prédispositions génétiques données diagnostiques adéquates par rapport aux infections
De nos jours, beaucoup de maladies sont connues pour leurs endodontiques aiguës et de traiter les patients de manière
liens avec des gènes spécifiques variés, ce qui aide les pra- appropriée. Il convient de prendre la température des patients
ticiens à évaluer avec précision le risque, à offrir au patient souffrant d’un abcès et de rechercher les adénopathies lym-
des informations sur le degré d’incidence de la maladie, phatiques, d’enquêter sur un malaise probable et de suspecter
et à donner une idée sur sa progression et sur les résultats des infections des espaces membranaires. Ces patients doivent
attendus d’un traitement. Par exemple, il est connu depuis un être immédiatement traités pour éliminer complètement les
certain temps que les individus dotés d’un polymorphisme irritants locaux, y compris le drainage des tuméfactions. Les
génétique du gène qui encode les interleukines-1b (IL-1b) patients atteints d’une infection des espaces membranaires
connaissent une augmentation de certaines maladies, dont la (cellulite) doivent aussi être traités par antibiothérapie et,
maladie parodontale [104]. Plus récemment, plusieurs associa- action la plus importante, être suivis minutieusement jusqu’à
tions de polymorphismes génétiques ont été faites avec les l’amélioration de leur état général.
résultats des traitements endodontiques. Ainsi, IL-1b portant
l’allèle 2 est associé à une réduction de guérison après un Infections endodontiques chroniques
traitement endodontique [105]. D’autres recherches ont porté La preuve de la présence de bactéries dans les lésions péri-api-
sur des associations variées de polymorphismes des gènes cales provenant des infections endodontiques chroniques et
IL-1a (1 ou 2), IL-1b (1 ou 2), FcgRIIA (R131 ou H131) s’échappant dans l’organisme humain n’est pas suffisamment
et FcgRIIIB (NA1 ou NA2) [106]. Le récepteur pour la por- concluante. Des études expérimentales chez l’animal [116, 117] et
tion Fc (fragment cristallisable) des IgG (FcgR) permet aux chez l’homme [118, 119] montrent que cela est rare dans les lésions
monocytes et aux macrophages de reconnaître les anticorps primaires (fig. 5.28). Il a été prouvé que le nombre de bacté-
qui se lient aux antigènes et de les phagocyter (un processus ries dans les lésions péri-apicales persistantes augmentait sen-
appelé opsonisation) ; il représente ainsi une étape essen- siblement si le traitement endodontique avait échoué [120, 121].
tielle de la réponse de l’hôte. Il a été démontré que l’allèle Les bactéries, quand elles sont présentes dans la région péri-
H131 du gène FcgRIIa et une combinaison de cet allèle apicale, peuvent former un biofilm et migrer lentement vers
avec l’allèle NA2 du gène FcgRIIIb étaient associés à des des sites différents pour contribuer au développement de
résultats de traitement moins favorables [106]. Il convient de maladies chroniques.
noter, cependant, que ces associations ne prouvent aucune Pour rechercher cette potentialité que les bactéries des infec-
relation de cause à effet et que des études avec des tailles tions chroniques proviennent de l’environnement endodontique
d’échantillons plus grandes sont nécessaires pour confirmer pour participer à la pathogenèse des maladies systémiques,
ces premiers résultats. il faudra déterminer les associations épidémiologiques entre 97
5 ENDODONTIE
Fig. 5.28 Actinomycose péri-apicale. A. Le radiogramme préopératoire de l’incisive centrale maxillaire droite évoque des
signes de nécrose pulpaire et d’abcès apical chronique. B. Le traitement radiculaire a été exécuté. C. Un rappel 6 mois après
l’intervention a révélé une fistule persistante. D. Une intervention chirurgicale à l’apex a été réalisée et les tissus ont été soumis à
une biopsie. E. Les résultats de la biopsie ont mis en évidence la présence de filaments actiniques (*) entourés par une réaction
inflammatoire sévère. (Remerciements au Dr Blythe Kaufman.)
les deux formes de maladie. Un rapport a associé le nombre traitement endodontique (marqueur de la maladie pulpaire et
d’années d’existence d’une lésion péri-apicale et l’incidence péri-apicale) [124]. Il est clair que ces études d’association, en
d’une maladie coronaire cardiaque chez des hommes âgés de dépit de leur échantillonnage assez grand, ne prouvent pas la
moins de 40 ans [122]. Une autre étude sur un groupe de malades relation de cause à effet, parce que les variables associées peu-
atteints d’infarctus du myocarde a mis en évidence un nombre vent être liées à d’autres, environnementales, qui n’ont pas été
plus élevé de patients avec des dents absentes et avec des lésions testées, nutritionnelles, ou aux facteurs génétiques. Cependant,
péri-apicales par rapport au nombre d’individus du groupe elles soulèvent des questions sur les interrelations de ces diffé-
témoin [123]. Une autre étude portant sur une grande cohorte de rentes maladies, exigeant d’autres études animales et humaines.
professionnels de santé a démontré que la présence de mala- Des études interventionnelles devraient s’orienter vers la preuve
die cardiaque coronarienne était significativement associée à de la relation cause–effet, ce qui les rend très difficiles à réaliser,
la présence d’une ou de plusieurs dents ayant fait l’objet d’un étant donné les problèmes éthiques qu’elles soulèvent.
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100
Interaction entre
6
CHAPITRE
le praticien généraliste
et l’endodontiste
Ashraf F. Fouad, Mahmoud Torabinejad
PLAN DU CHAPITRE
OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE
Après avoir lu ce chapitre, l’étudiant devrait être capable : 5. De définir les normes de soins appliquées aux traitements
1. D’expliquer les raisons qui conduisent à décider d’adresser endodontiques.
le patient à un spécialiste. 6. De décrire les indications qui conduisent à adresser un
2. D’être éduqué sur les qualifications qui confèrent le statut patient à un spécialiste en endodontie.
de spécialiste. 7. D’exposer les sources variées d’informations sur les
3. De comparer la charge de travail de traitements matériaux et les procédures en endodontie.
endodontiques exécutés par les praticiens généralistes et 8. De décrire les éléments importants à retenir dans le dossier
les endodontistes aux États-Unis. du patient en relation avec le traitement endodontique.
4. De décrire les méthodes optimales de communication
entre le praticien généraliste et l’endodontiste.
U
n patient qui demande un traitement de canal radicu- caractériser la complexité d’un cas en utilisant l’Endodontic
laire pour préserver sa denture naturelle mérite une Case Difficulty Assessment Form recommandée par l’American
qualité de soin la meilleure possible. En tenant compte Association of Endodontists. La mise en application de ces
de l’expérience du praticien généraliste et de la complexité du règles de conduite aidera les praticiens à éviter des mésaven-
traitement, l’omnipraticien pourrait être capable d’atteindre de tures avant, pendant et après un traitement de canal radiculaire.
réaliser ce soin.. Néanmoins, dans des situations plus compli-
quées, l’endodontiste dispense les soins les meilleurs [1].
L’orientation des patients vers un endodontiste est appro- LES QUALIFICATIONS DE SPÉCIALITÉ
priée quand le praticien généraliste se sent incapable d’offrir AUX ÉTATS-UNIS
un traitement en conformité avec les normes de soins [2]. Par
définition, la norme de soins prodigués à un patient par un Aux États-Unis, l’American Dental Association (ADA)
dentiste généraliste doit être identique à celle qui est offerte reconnaît neuf aires de spécialisation en dentisterie. Cela
par un endodontiste [3]. Les études montrent que le pourcen- signifie que les membres de ces groupes de spécialités peu-
tage de succès des traitements de canal radiculaire réalisés par vent limiter leur pratique professionnelle à leur spécialité
les endodontistes est supérieur à celui des traitements exécu- respective. Ces spécialités comprennent la santé publique
tés par les dentistes généralistes [4, 5]. Il est probable que l’un dentaire, l’endodontie, la radiologie orale et maxillofaciale,
des facteurs expliquant ce résultat réside dans le fait que, bien la chirurgie buccale et maxillofaciale, la pathologie buccale,
souvent, les dentistes généralistes abordent des traitements l’orthodontie, l’odontologie pédiatrique, la parodontie et la
dont la complexité est au-delà de leurs capacités. prothèse. Un spécialiste en endodontie a suivi un stage de spé-
Ce chapitre fournit des informations sur le cadre de qua- cialité et un programme avancé accrédités par la commission
lification des endodontistes, les chiffres relatifs au nombre d’accréditation de l’ADA pendant 2 ou 3 ans. Pendant cette
d’interventions endodontiques exécutées aux États-Unis par période, les endodontistes en formation sont confrontés à une
les dentistes généralistes et les endodontistes, les méthodes multitude de cas de degrés variés de complexité chez diffé-
de communication entre les dentistes généralistes et les rents types de patients. Les programmes avancés de spécialité
endodontistes, et quelques recommandations générales pour endodontique ont pour mission d’exposer le spécialiste à un 101
6 ENDODONTIE
vaste éventail d’articles de recherche couvrant tous les aspects aux praticiens de décider de la nécessité de traiter lui-même
de la spécialité et ses relations avec les autres spécialités den- ou d’orienter le patient. Cela les aidera ensuite à faciliter les
taires et médicales. En outre, les spécialistes en formation doi- rapports et les interactions entre les patients et les spécialistes.
vent s’engager dans un projet de recherche, qui les amènera à En général, les innombrables données acquises dans les
comprendre les principes fondamentaux qu’il faut appliquer dossiers d’assurance montrent que le maintien des dents sur
pour poser un problème de recherche, pour concevoir une l’arcade (connu aussi sous le nom de taux de survie) après un
étude convenable, et pour rédiger un rapport de résultats en traitement endodontique s’évalue entre 94 % et 97 % [7, 8]. Le
utilisant des principes scientifiques bien argumentés. Après taux de survie des dents traitées par un endodontiste tend dans
avoir validé leur parcours éducatif, beaucoup d’endodontistes une certaine mesure à être supérieur à celui des dents traitées
suivent un processus rigoureux de certification de spécialité par les dentistes généralistes [4, 5]. À cet égard, des informations
en endodontie par l’American Board of Endodontics. récentes suggèrent que le taux de survie des dents traitées
par les dentistes généralistes est de 81 % environ [9]. Comme
cela a été évoqué précédemment, un des facteurs expliquant
LES CHIFFRES DE LA PRATIQUE ENDODONTIQUE ce résultat réside dans le fait que les dentistes généralistes
AUX ÉTATS-UNIS réalisent des traitements de canal radiculaire dont la difficulté
dépasse leurs capacités. Parmi d’autres possibilités, il faut
Aux États-Unis, la majorité des traitements endodontiques relever les protocoles d’asepsie plus ou moins bien respectés,
sont pratiqués par les dentistes généralistes (fig. 6.1). Cela comme l’échec de l’isolation du champ opératoire avec une
explique pourquoi les écoles dentaires doivent enseigner digue mal installée, ainsi que cela a pu être observé dans des
l’endodontie pendant la formation initiale à un niveau de cabinets dentaires de pratique générale [10].
compétence requis pour traiter les cas endodontiques sim- Beaucoup de facteurs guident le dentiste dans sa décision
ples. Selon les résultats d’une enquête sur la pratique dentaire de traiter ou d’orienter un patient vers un endodontiste pour
rendue publique par l’ADA en 2007 (dernière année de dis- traiter une dent. Étant donné le grand nombre d’interventions
ponibilité des données), 15 millions d’interventions endodon- endodontiques réalisées par les dentistes généralistes, il est
tiques primaires sont exécutées chaque année [6]. Selon cette essentiel de s’informer sur leur pratique courante et ce qui
même enquête, les endodontistes interviennent pour un quart guide la manière et le moment de l’orientation vers un endo-
de ces traitements, la majorité d’entre eux étant des retraite- dontiste, les normes spécifiques pour ce type de traitement
ments (environ 600 000), et deux tiers environ de chirurgies et les méthodes de communication optimales entre les deux
endodontiques ( 300 000 par an environ). populations de praticiens qui assureront des normes élevées
La pratique de l’endodontie par les praticiens généralistes de qualité des soins dont bénéficieront les patients.
varie significativement et dépend de leur niveau de forma-
tion, de l’intérêt personnel qu’ils y portent et de la présence
d’endodontistes dans la communauté urbaine ou rurale où ils LA COMMUNICATION ENTRE
exercent. En tant que fournisseurs de soins primaires pour la LES ENDODONTISTES ET LES DENTISTES
majorité des patients, les praticiens généralistes doivent être GÉNÉRALISTES
familiarisés avec les principes du diagnostic en endodontie et
des interventions d’urgence, y compris les urgences trauma- La communication entre les dentistes généralistes et les spé-
tiques. Quand bien même le dentiste généraliste oriente ses cialistes se situe dans le contexte de l’orientation des urgences
patients vers un endodontiste dans sa pratique de routine, il et des interventions compliquées, dans le choix du traite-
doit être capable de comprendre la pathogénie de la maladie ment optimal prodigué au patient et/ou à propos des derniers
endodontique et d’interpréter avec précision les signes et les progrès scientifiques et techniques appliqués à la pratique
symptômes évoqués par le patient ; il doit aussi être capable de endodontique. Beaucoup d’endodontistes s’efforcent aussi
faire les tests pulpaires. Ce niveau de compréhension permet de diffuser des informations sur les dernières techniques et
Fig. 6.1 Pourcentage de cas endodontiques réalisés par des dentistes généralistes, des endodontistes et des chirurgiens
de chirurgie maxillofaciale. (Données de Molven O : The frequency, technical standard and results of endodontic therapy, Nor
102 Tannlasg Tidsskr 86 : 142, 1976.)
Interaction entre le praticien généraliste et l’endodontiste 6
la pratique actualisée dans leur domaine en se rendant à des j la mauvaise isolation du champ opératoire avec la digue
rencontres régionales et des groupes d’études. La majorité des pour le traitement endodontique non chirurgical ;
interactions se développent sous la forme de documents en j des mesures d’asepsie et de contrôle de l’infection insuffi-
104 Fig. 6.2 Classification de la difficulté des cas par l’American Association of Endodontists. (Publié avec l’autorisation de l’AAE.)
Interaction entre le praticien généraliste et l’endodontiste 6
Fig. 6.3 Un exemple de diagnostic simple. La 46 est cariée et ne répond pas aux tests pulpaires. A. Le dentiste a déposé la
restauration et l’a remplacée par une restauration temporaire, parce que « la pulpe n’était pas exposée ». B. Trois mois plus tard,
une lésion péri-apicale s’est développée. Le traitement endodontique aurait dû être exécuté au moment du diagnostic de la
nécrose pulpaire.
Position des dents sur l’arcade Difficulté d’accès liée à l’anatomie dentaire
De nombreux dentistes exécutent des traitements de canaux La figure 6.2 illustre le fait que plusieurs paramètres limitent
sur des dents dont le site est différent sur l’arcade. Cependant, l’accès dans une dent et rendent le traitement de routine diffi-
de nombreux autres facteurs outre la localisation des dents sur cile ; ils comprennent l’ouverture de la bouche limitée (surtout
l’arcade rendent le traitement de canal difficile ; leur présence pour traiter les molaires), la dent surnuméraire, l’inclinaison
fait qu’il peut être plus difficile de traiter une prémolaire chez ou la rotation sévère, la lésion carieuse sous-gingivale condui-
un patient dont les problèmes non dentaires sont plus gênants sant à l’allongement de la couronne clinique ou à d’autres
que de traiter une deuxième molaire chez un patient par ail- interventions pour garantir une bonne isolation, et les molaires
leurs sain. dont la longueur de travail est excessivement longue, ce qui
représente un défi (fig. 6.6).
Difficultés de l’anesthésie locale Les nombreuses variations anatomiques qui pourraient
Des allergies ont été observées chez des patients ayant reçu conduire à orienter le patient vers un endodontiste sont : les
une anesthésie locale (la tachycardie est souvent confondue dents à apex immature, les canaux de courbure sévère, ou les
avec l’allergie), en particulier avec l’adrénaline qui peut être dents dont le volume de la cavité pulpaire est réduit par le
à l’origine d’effets indésirables à caractère allergique. Ce pro- processus de calcification. Le dentiste généraliste, conscient
blème est crucial quand il concerne les molaires mandibulaires des variations anatomiques, saura les apprécier et jugera de
dont la pulpe est sévèrement enflammée [12]. Ces difficultés l’orientation ou non s’il suspecte un canal supplémentaire ou
peuvent faire d’un patient naturellement coopératif un patient une variation anatomique inhabituelle, ou encore si la mala-
phobique et rétif. En cas de difficulté pendant une anesthésie die est réfractaire en dépit du traitement. Les prémolaires
profonde, il peut être envisagé d’orienter le patient.
Difficultés morphologiques
Un certain nombre de facteurs anatomiques doivent être pris
en compte pour planifier un traitement endodontique.
Fig. 6.6 Deuxième molaire maxillaire gauche dont la longueur de travail est de 26 à 28 mm. 107
6 ENDODONTIE
mandibulaires abritant plus d’un canal, les prémolaires maxil- Résorption radiculaire
laires en comportant plus de deux, une quatrième racine de Il existe plusieurs types différents de résorption radiculaire
molaire mandibulaire, des canaux de section en C, les dens (l’ensemble de ces pathologies et leur prise en charge sont
invaginatus et evaginatus, les dents fusionnées ou géminées, traités au chapitre 11). Il n’en reste pas moins important
les dents avec un sillon palatin défectueux et les dents avec de retenir que les étiologies, la pathogenèse, les stratégies de
des images radiographiques de lésions latérales ou en J traitement et le pronostic diffèrent d’une résorption à l’autre.
(arborescence inhabituelle des canaux) sont des exemples de La documentation scientifique relative à ces pathologies est
variations anatomiques d’origines diverses qui compliquent le largement traitée dans les programmes éducatifs avancés ;
travail du dentiste généraliste. compte tenu de la rareté relative de ces cas, il est conseillé au
dentiste généraliste de connaître ces tableaux cliniques et de
Présence de restaurations les adresser à un endodontiste. Dans les cas où la résorption
Beaucoup de dents nécessitant un traitement de canal sont peut imiter une lésion carieuse, le dentiste doit décrire cette
restaurées avec des prothèses [13]. Bien souvent, l’axe de la différence dans sa présentation (fig. 6.8).
prothèse est différent de celui de la couronne anatomique ori-
ginelle, ce qui rend délicate la localisation de la chambre pul- Lésion endoparodontale
paire. Cela est encore plus patent quand la dent est un pilier Les poches parodontales en relation avec la nécrose pulpaire
de bridge ; à cet égard, l’angle de déviation de la prothèse représentent une situation complexe d’un autre ordre. Si l’ori-
par rapport à l’axe originel de la dent et la situation topogra- gine de la poche parodontale semait un doute, il conviendrait
phique de celle-ci sur l’arcade doivent être minutieusement d’orienter le patient soit vers un parodontiste, soit vers un
examinés avant de débuter la préparation. Ces considérations endodontiste. Le parodontiste est la personne la mieux placée
sont particulièrement importantes à propos des premières pré- pour évaluer la parodontite marginale. Les endodontistes aussi
molaires maxillaires, des incisives latérales et des incisives bien que leurs collègues parodontistes sont les mieux placés
mandibulaires. Ces dents sont étroites et sujettes aux perfo- pour différencier la pathologie endodontique de la pathologie
rations coronaires et radiculaires. La perforation mécanique parodontale. (Le diagnostic différentiel des lésions endodon-
d’une couronne en or est plus facile que celle d’une couronne tiques et parodontales est abordé dans le chapitre 7.)
en métal non précieux. Les couronnes en céramique sont fra-
giles et peuvent se briser pendant la préparation de la cavité Traumatismes, retraitements et interventions
d’accès. Si la cavité pulpaire était invisible dans son ensemble chirurgicales
sur un radiogramme préopératoire, l’orientation vers un endo- Les chapitres 11, 20 et 21 traiteront respectivement les trau-
dontiste pourrait être envisagée (fig. 6.7). matismes, les retraitements et les interventions chirurgicales ;
Fig. 6.7 A. Radioclarté péri-apicale (A) et une radioclarté mésiale au tiers apical (B). Les canaux sont calcifiés, la racine est
étroite et semble présenter une courbure mésiale significative au tiers coronaire (C). En outre, la dent est couronnée ce qui rend
l’accès plus compliqué. Cela est considéré comme étant un cas à risque élevé. B. Radiogramme postopératoire. La radioclarté
mésiale provient de la racine vestibulaire qui est de quelques millimètres plus courte que la racine palatine et qui présente une
courbure distale significative. Le praticien doit prendre en charge des complications inattendues quand de tels problèmes se
108 présentent pendant le traitement.
Interaction entre le praticien généraliste et l’endodontiste 6
Fig. 6.8 Résorption cervicale ou étendue détectée pendant un examen de routine. A. L’examen de la face présente des
modifications minimes. B. Dyschromie rosâtre associée à une résorption et à une pulpe vivante vérifiée par les tests. C.
Résorption externe étendue en dessous de l’os alvéolaire marginal. La prise en charge de ces cas est du ressort de l’expertise
d’un spécialiste. Cet état diffère de la lésion carieuse qui est exclusivement sous-gingivale et rarement sous osseuse quand elle
est détectée cliniquement (différent de la lésion carieuse molle) ; la résorption externe peut s’étendre sans dévitaliser la dent.
les interactions entre le dentiste généraliste et le spécialiste en conséquence. Il est important que le patient comprenne les
sont décrites ici dans leur généralité. Beaucoup de trauma- avantages et les limites de toutes les options que le dentiste
tismes sont constatés en premier par le dentiste du patient lui- généraliste lui proposera avant que celui-ci lui recommande
même. Le dentiste généraliste a le devoir de traiter l’urgence d’extraire la dent et de la remplacer par un implant dentaire,
et de procéder à un triage approprié. Les tout derniers guides ou bien de la traiter et de la restaurer avec une prothèse. Il
pour la prise en charge des traumatismes doivent être consul- existe beaucoup de cas pour lesquels le dentiste généraliste
tés et fréquemment révisés. Le diagnostic doit comprendre reconnaît qu’il aura besoin de l’expertise supplémentaire d’un
l’état pulpaire et parodontal de toutes les dents à proximité endodontiste afin de garantir l’évaluation du pronostic et la
du traumatisme après avoir nécessairement effectué l’examen pertinence des différentes options de traitement. Rétrospecti-
clinique et les tests. La prise en charge comprend les premiers vement, la majorité des cas retraités, chirurgicalement ou non
soins des tissus mous, le repositionnement des dents luxées et/ chirurgicalement, par un endodontiste devraient être orientés
ou la restauration des dents fracturées. Le spécialiste devrait vers l’endodontiste pour être traités en première intention en
être impliqué dans le diagnostic et le traitement des lésions cas de nouvelles maladies de la pulpe (fig. 6.9). Le dentiste
extensives et de leurs complications, y compris les luxations, généraliste prudent reconnaît la complexité probable d’un cas
les fractures de l’os alvéolaire, l’atteinte manifeste de la et opte pour l’orientation de préférence au risque de rencon-
pulpe, les fractures radiculaires, les résorptions radiculaires, trer des problèmes pendant le traitement. Beaucoup de cas
les dents à apex immature, les patients souffrant de problèmes semblant relever de la routine peuvent mettre en lumière des
médicaux et comportementaux complexes et les complica- problèmes inattendus ; l’orientation vers un endodontiste peut
tions tardives des traumatismes. aider à assurer de meilleurs résultats (fig. 6.10).
Le rôle du dentiste généraliste est important en tant que gar-
dien de la santé buccodentaire du patient ; il doit reconnaître II. Orientation pendant le traitement
et orienter les patients en cas d’échec d’un traitement endo- Le moment et la discussion avec le patient sur la décision de
dontique. Cette capacité exige un examen clinique et radio- l’orientation vers un endodontiste sont importants pour rédiger
graphique du patient adéquat, sachant que beaucoup de ces le plan de traitement. Il serait professionnellement médiocre
cas sont asymptomatiques. Le dentiste généraliste doit être de débuter un traitement en pensant toujours rencontrer un
conscient des protocoles de traitement qui sont du ressort de la problème et de décider in fine d’orienter le patient. Une orien-
pratique endodontique pour être capable d’éduquer le patient tation immédiate prévient les accidents opératoires potentiels 109
6 ENDODONTIE
Fig. 6.9 Ce patient se présente chez le dentiste généraliste pour un traitement de canal sur 26. La racine mésiovestibulaire
(MV) de cette dent est très courbe. Le dentiste a réalisé un traitement de canal et a couronné la dent. A. Trois mois plus tard, le
patient a été adressé à un endodontiste parce qu’il souffrait d’une douleur continue. Le radiogramme obtenu immédiatement
montre que le canal MV n’a pu être négocié sur toute sa longueur et que la racine est probablement perforée. Pendant la
préparation, un blocage a été ressenti dans la région apicale du canal palatin et du canal distovestibulaire. Une petite radioclarté
est visible à l’apex du canal palatin. B. L’orientation distale du faisceau radiographique montre la perforation du canal MV et
la lésion liée à cette racine. L’apex radiculaire est résorbé. C. Le retraitement a réussi parce que le canal MV et le canal palatin
ont pu être négociés. La perforation a été scellée avec un agrégat minéral de trioxyde (MTA). D. Le suivi de 6 mois montre la
cicatrisation des lésions suivie de la disparition des signes et des symptômes de la maladie.
et améliore le pronostic du traitement des cas difficiles. Une Événements violents et spectaculaires
orientation vers un autre praticien à mi-parcours de soins Normalement, la majorité des douleurs et des tuméfactions
entraîne une incompréhension et une perte de confiance du sont détectées avant le traitement initial. En général, suite au
patient envers son praticien. Par ailleurs, des problèmes finan- traitement d’urgence, la douleur s’atténue significativement
ciers peuvent se poser si le patient, ainsi orienté, devait être chez la majorité des patients dans les 24 à 48 heures. La sur-
contraint de payer deux fois des honoraires pour un même venue d’événements spectaculaires n’est pas courante pendant
traitement. les traitements de canal radiculaire [14]. Cependant, certains
En dépit de toutes les précautions et autres considérations, patients développent des douleurs et/ou des tuméfactions après
des problèmes qui n’ont pas été anticipés peuvent surgir pen- un traitement de canal initial. Le dentiste généraliste peut
dant des traitements qui demandent une orientation vers un choisir de traiter ces événements avec les procédures locales
spécialiste. Une explication complète fournie au patient et appropriées et des médications systémiques. Si ces mesures se
un appel à l’endodontiste sont des épisodes nécessaires pour révèlent inadéquates, l’orientation devient impérative.
prévenir des problèmes futurs. Les raisons qui poussent le
dentiste généraliste à adresser le patient en cours de traite- Accidents d’intervention
ment comprennent des événements brutaux et spectaculaires Les accidents d’intervention pendant le traitement de canal
(douleur violente et/ou tuméfactions très volumineuses), des radiculaire comprennent : la formation de butée, la création
accidents d’intervention, l’incapacité d’obtenir une anesthésie d’un canal artificiel, les perforations radiculaires, les fractures
adéquate et d’autres facteurs qui empêcheront de terminer le instrumentales, les accidents dus à l’hypochlorite de sodium
110 traitement de canal radiculaire. et les obturations insuffisantes ou en excès. (Les causes, la
Interaction entre le praticien généraliste et l’endodontiste 6
du radiogramme de l’obturation au praticien référent. Une Avant et pendant le traitement, l’endodontiste explique
note précise comment la dent a été traitée, le programme des au patient tous les aspects importants de l’intervention et les
rappels programmés, le pronostic (à court terme et à long résultats attendus du traitement. Après la fin du traitement, le
terme), les circonstances et des faits inhabituels. Il peut s’y patient est informé du pronostic, du suivi approprié et de la
ajouter une éventuelle suggestion concernant la restauration nécessité de revoir son praticien référent pour la continuité de
définitive si cela est approprié. ses soins et d’éventuelles interventions supplémentaires [15].
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112
Interrelations
7
CHAPITRE
endoparodontales
Mahmoud Torabinejad, Ilan Rotstein
PLAN DU CHAPITRE
Les voies de communication entre la pulpe et le parodonte Les tests cliniques et radiographiques pour établir le diagnostic
Les conséquences des maladies de la pulpe et des des lésions endoparodontales
traitements endodontiques sur le parodonte Classification et diagnostic différentiel des lésions endoparodontales
Conséquences de la maladie parodontale et des
traitements parodontaux sur la pulpe
OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE
Après avoir lu ce chapitre, l’étudiant devrait être capable : 4. D’interpréter les résultats cliniques et radiographiques
1. De représenter les voies de communication anatomiques importants pour identifier l’origine des poches
entre la pulpe dentaire et les tissus périradiculaires. parodontales.
2. De décrire les conséquences des maladies de la pulpe et 5. De classifier les maladies endoparodontales.
des traitements endodontiques sur le parodonte. 6. D’évaluer un pronostic et d’évaluer les tableaux
3. De décrire les conséquences de la maladie parodontale et cliniques pertinents pour l’orientation des
des traitements parodontaux sur la pulpe. patients.
U
n patient âgé de 46 ans, dont la santé générale est saine, améliorera l’état parodontal autour de cette dent. L’endodon-
a été adressé par un parodontiste vers un endodontiste tiste conteste son collègue et le patient est appelé au milieu
pour diagnostiquer un problème pulpaire éventuel et de l’échange entre les deux praticiens. Bien qu’incroyable, ce
engager un traitement de canal radiculaire. Le patient déclare type de scénario se joue quotidiennement dans tous les cabi-
avoir été traité pour une maladie parodontale pendant quelques nets dentaires du monde. Cela démontre l’importance clinique
années par un parodontiste. Sa première plainte évoque « un de l’interrelation des lésions endoparodontales.
abcès récent en rapport avec une de ses dents antérieures ». De nombreuses recherches ont démontré que la présence de
L’examen clinique montre que le patient est atteint d’une paro- micro-organismes est essentielle pour que se développe une
dontite généralisée modérée et d’une parodontite sévère locali- pathologie pulpaire et/ou périradiculaire [1–4]. Des cultures préle-
sée dans la région de l’incisive latérale gauche. Cette dent n’est vées dans des canaux radiculaires montrent la prédominance de
pas restaurée et est sensible à la percussion et à la palpation. La l’existence de bactéries anaérobie à Gram négatif [5, 6]. Ces bac-
pulpe de l’incisive latérale gauche répond dans les limites de téries pénètrent dans les canaux radiculaires à travers les expo-
la normale par comparaison avec la dent controlatérale et les sitions pulpaires (carie ou traumatismes) ou par des microfuites
dents adjacentes. Le sondage parodontal de cette dent révèle coronaires [7–11]. L’évacuation des bactéries et de leurs toxines
des poches dont la profondeur varie de 3 à 9 mm. L’examen impliquées dans la maladie pulpaire vers les tissus péri-radicu-
radiographique du patient révèle une perte osseuse modérée laires occasionne des réactions inflammatoires et immunitaires
dans la région des dents maxillaires antérieures avec une perte dans cette région. L’extension de la lésion périradiculaire dépend
osseuse angulaire localisée autour de l’incisive latérale gauche. de la virulence des bactéries présentes dans les canaux radicu-
Aucune radioclarté n’est visible autour de cette dent. laires et de la réponse immunitaire pendant le processus patholo-
L’endodontiste contacte le parodontiste référent et lui gique. Les changements parodontaux varient selon que la lésion
apprend que les poches parodontales relevées autour de l’inci- est confinée autour de l’apex ou qu’elle s’étende et communique
sive latérale gauche sont d’origine parodontale et que le traite- avec la cavité buccale par une fistule (fig. 7.1) tout au long de
ment de canal n’améliorerait pas le pronostic de la maladie. Le la surface radiculaire similairement à une poche parodontale [12].
parodontiste déclare que l’état parodontal autour de la dent s’est L’examen des changements pathologiques de la région
stabilisé pendant quelque temps et que des poches profondes coronaire du parodonte en cas de parodontite montre que les
se sont développées récemment. Le parodontiste pense que la mécanismes impliqués dans la maladie parodontale sont iden-
pulpe est impliquée et que le traitement de canal radiculaire tiques à ceux de la pathogenèse des lésions péri-apicales [13]. 113
7 ENDODONTIE
Fig. 7.1 A. La nécrose pulpaire a causé le développement d’une lésion périradiculaire étendue tout au long de la face mésiale
de la racine distale et dans la région inter-radiculaire de la première molaire mandibulaire droite. B. L’exploration de la fistule au
moyen d’une pointe de gutta percha montre que la lésion communique avec la cavité buccale via une poche étroite à l’aplomb
de la face vestibulaire de cette dent.
Fig. 7.4 La microphotographie électronique à balayage révèle la présence de canaux latéraux multiples et de taille variée
sur les surfaces moyenne (A) et apicale (B) du canal radiculaire d’une incisive latérale après le retrait de la boue dentinaire
avec un mélange d’un isomère de tétracycline, d’un acide et d’un détergent (MTAD). (Grossissement original, ×100.) 115
7 ENDODONTIE
Fig. 7.6 La présence d’un canal latéral est suspectée quand on observe l’image d’une encoche sur la surface des racines (A),
ou l’image localisée d’un épaississement du ligament parodontal sur la surface latérale de la racine (B), ou l’image d’une petite
116 (C) ou d’une volumineuse (D) lésion latérale dans les tissus périradiculaires.
Interrelations endoparodontales 7
Fig. 7.7 La localisation des canaux latéraux est révélée après l’obturation de toute la cavité pulpaire radiculaire ainsi que
l’extrusion des matériaux d’obturation des canaux à l’intérieur des voies de communication entre la pulpe et le parodonte.
cémentodentinaire (JCD) sur les surfaces dentaires. Leur dia- ou à son extraction au cours du traitement parodontal met à nu
mètre varie de 1 à 3 mm [26, 27]. Le diamètre des canalicules voisins les ouvertures des nombreux canalicules, voies de communi-
de la région cervicale de la racine est plus grand que celui des cation entre la pulpe et les tissus périradiculaires. Théorique-
canalicules de la région apicale (fig. 7.8). Le nombre de canali- ment, ces canalicules sont capables de transporter les toxines
cules dentinaires par millimètre carré va de 4900 à 90 000 [26]. présentes dans les canaux radiculaires ou dans le parodonte
La taille et le nombre de canalicules dentinaires décroissent de infecté dans les deux directions. Cependant, il a été démontré
la région cervicale vers la région apicale (fig. 7.8). À la jonction que les surfaces radiculaires, bien que dépourvues de couche
amélocémentaire (JAC), le nombre de canalicules dentinaires a cémentaire et exposées dans la cavité buccale, n’entraînent
été estimé à environ 15 000 par millimètre carré. Les canalicules pas des modifications significatives dans la pulpe [39, 40].
dentinaires contiennent les prolongements odontoblastiques, L’invasion des bactéries dans les canalicules dentinaires est
les fibres nerveuses et le liquide tissulaire. Ces canalicules se retardée par le mouvement centrifuge du liquide tissulaire den-
calcifient et leur nombre se réduit avec le vieillissement des tinaire et du contenu des canalicules des pulpes vivantes. Elle
dents ou en cas d’irritation mécanique ou microbienne. peut aussi être empêchée par l’accumulation de cellules de
Des études ont montré que les bactéries présentes dans les défense de l’hôte et de médiateurs de l’inflammation au site de
canaux radiculaires infectés envahissent les canalicules denti- l’exposition, la sclérose dentinaire et la dentine de réparation
naires (fig. 7.9) [28–37]. La présence d’une couche continue de qui comble la lumière des canalicules dentinaires [41]. Ces fac-
cément est une barrière efficace contre la pénétration des bac- teurs de protection deviennent moins efficaces quand l’épais-
téries et de leurs toxines des canaux radiculaires infectés vers seur de la dentine est considérablement réduite et que, par
le parodonte et vice versa. L’absence congénitale de cément conséquent, sa perméabilité est significativement augmentée.
radiculaire à la JAC [38], ou l’absence de cément due à la carie En revanche, si la pulpe est nécrosée, les canalicules exposés 117
7 ENDODONTIE
Fig. 7.8 Ce microphotographie éélectronique à balayage révèle la présence de canalicules dentinaires dans la région cervicale
(A), moyenne (B) et au tiers apical (C) d’une dent monoradiculée après le retrait de la boue dentinaire au moyen de MTAD.
La taille et le nombre de canalicules dentinaires décroissent de la région cervicale vers l’apex. (Grossissement original, ×5000.)
Étiologie
Les irritants présents dans la cavité pulpaire et ceux qui sont
insérés par les traitements de canal peuvent être divisés en
deux groupes : vivants et inertes [12]. Les irritants vivants sont
des micro-organismes variés et des virus. Les irritants inertes
sont mécaniques, thermiques et chimiques par nature. L’effet
inflammatoire des irritants mécaniques, thermiques et chi-
miques est habituellement éphémère et de courte durée pour
le patient. Les bactéries sont la cause majeure des modifica-
tions pathologiques dans les tissus péri-radiculaires [1]. Les
Fig. 7.9 Cette coupe histologique de racine montre l’invasion
des canalicules dentinaires par les bactéries présentes dans le canal
bactéries anaérobies à Gram négatif semblent former la popu-
radiculaire infecté d’une prémolaire chez le chien. (Coloration de lation la plus importante des micro-organismes trouvés dans
Brown et Brenn ; grossissement original, ×60.) les canaux radiculaires infectés [43]. Outre les bactéries [44],
plusieurs autres pathogènes comme les spirochètes [45–49], les
deviennent de véritables avenues pour les bactéries qui vont champignons [50–53] et les virus [54–56] ont été identifiés dans les
y circuler pour atteindre et coloniser la pulpe. Nagoka et al. canaux radiculaires infectés. Les irritants inertes compren-
ont montré que l’invasion bactérienne des canalicules denti- nent les corps étrangers comme les copeaux de dentine et de
naires est beaucoup plus rapide dans les dents dont la pulpe cément, les matériaux d’obturation des canaux et les débris
118 est nécrosée que dans les dents dont la pulpe est vivante [42]. alimentaires.
Interrelations endoparodontales 7
Fig. 7.10 Voies des réactions non spécifiques et spécifiques de la pathogenèse des lésions péri-apicales.
Fig. 7.11 A. La nécrose pulpaire a créé une lésion périradiculaire s’étendant dans la région inter-radiculaire de la première
molaire mandibulaire droite. B. La désinfection, la préparation et l’obturation de la cavité pulpaire de cette dent ont permis
la guérison de cette lésion.
Fig. 7.12 A. Un radiogramme préopératoire révèle la présence d’une lésion dans la région inter-radiculaire de la première
molaire mandibulaire gauche. B. Un radiogramme postopératoire après le traitement de canal montre la présence d’un canal
latéral. C. Un autre radiogramme postopératoire (18 mois plus tard) révèle la guérison de la majorité de la lésion inter-radiculaire.
Fig. 7.13 A. Un radiogramme préopératoire révèle la présence d’une perforation provoquée par la préparation d’un tenon
radiculaire dans la deuxième prémolaire mandibulaire gauche. Il y a une poche parodontale sur la face distale de la racine.
B. Un radiogramme postopératoire après la dépose du tenon et la cicatrisation de la perforation au moyen de l’agrégat minéral
de trioxyde (MTA). C. Un radiogramme postopératoire (14 mois plus tard) révèle une guérison avancée de la lésion. D. Un autre
radiogramme postopératoire (5 ans plus tard) révèle la guérison complète de la lésion. (Remerciements au Dr N. Chivian.)
les mécanismes de défenses de l’hôte peuvent conduire vers Dans une étude rétrospective comparée qui a duré 3 ans,
des réactions extrêmement complexes commandées par des Jansson et al. ont rapporté une perte de l’os alvéolaire trois
réactions spécifiques et non spécifiques. La pathogenèse de fois plus importante en présence d’une infection des canaux
la parodontite marginale chronique a fait l’objet de plusieurs radiculaires comparativement à l’absence de toute maladie
publications [59, 61–65]. Ces revues de la documentation scienti- de la pulpe [67]. Par ailleurs, Jansson et Ehnevid ont noté que
fique montrent des avancées majeures permettant de compren- l’infection endodontique est associée à une perte d’attache
dre les mécanismes moléculaires et cellulaires de l’interaction plus importante dans la région inter-radiculaire des molaires
entre les biofilms et les réponses de l’hôte expliquant la mandibulaire en examinant l’effet de l’infection endodontique
destruction de la gencive, du ligament parodontal et de l’os sur les résultats du sondage parodontal de cette région [68]. Ces
alvéolaire. Bien que la présence de bactéries soit essentielle auteurs ont attribué les résultats à la pénétration des bactéries
à l’installation d’une maladie parodontale, les bactéries par pathogènes venant des canaux infectés vers la région inter-
elles-mêmes ne suffisent pas pour maintenir le processus à radiculaire en cheminant dans les canaux latéraux et les cana-
long terme [62]. La susceptibilité de l’hôte et les facteurs de licules dentinaires. Cependant, cette hypothèse est contredite
risques innés et environnementaux, comme le tabac et le patri- par d’autres chercheurs qui n’ont pas réussi à observer une
moine génétique de l’hôte, déterminent aussi le début de la corrélation entre la perte d’os alvéolaire et l’infection endo-
maladie, sa progression et les conséquences de cette interac- dontique [69].
tion [62]. Selon les effets de ces facteurs, les réactions parodon- Le détartrage et le surfaçage profonds des surfaces radicu-
tales peuvent se présenter sous la forme d’une inflammation laires extraient du cément, ce qui ouvre les canalicules denti-
légère jusqu’à la destruction du tissu parodontal. naires et probablement l’embouchure des canaux latéraux. Un
traitement parodontal invasif comme le curetage profond peut
Effets détériorer les vaisseaux apicaux et causer ainsi la nécrose de
La parodontite sévère est associée à la formation d’un tissu de la pulpe dentaire.
granulation infiltré par des cellules de défense et ne contenant
généralement que peu ou pas de bactérie. Cela se démarque
de la pulpe nécrosée, qui renferme des irritants puissants, en LES TESTS CLINIQUES ET RADIOGRAPHIQUES
particulier les bactéries et leurs toxines, à l’origine des modi- POUR ÉTABLIR LE DIAGNOSTIC DES LÉSIONS
fications pathologiques du parodonte. Bien que des ouvrages ENDOPARODONTALES
didactiques et des articles aient cité le fait que les lésions
parodontales soient à l’origine de l’inflammation, voire de Pour établir correctement un diagnostic et administrer un traite
la nécrose pulpaire [17], de telles hypothèses n’ont pas encore ment adapté, le clinicien doit adopter une approche systéma-
été pleinement étayées (fig. 7.15) [23, 24]. Seltzer et al [17]. ont tique sur le plan subjectif et sur le choix et l’exécution des
affirmé que les canaux latéraux ouverts à la flore buccale tests objectifs. La confiance en un test unique est le prélude à
peuvent transmettre leurs toxines dans la pulpe, occasionnant l’erreur diagnostique et au traitement inapproprié. Le diagnos-
ainsi des altérations atrophiques, dégénératives, inflamma- tic comprend l’étude des symptômes et des signes, les exa-
toires et des résorptions. En revanche, d’autres chercheurs mens visuels et radiographiques ainsi que les tests cliniques.
n’ont trouvé que peu, voire aucune relation cause–effet entre
la maladie parodontale et des modifications inflammatoires Signes et symptômes subjectifs
dans la pulpe [23, 29, 66]. Il existe quelques preuves de l’inflam- L’histoire exhaustive de la localisation, de la durée, de l’inten-
mation et de la nécrose pulpaires dues à une implication sité et de la fréquence de la douleur et des traitements médi-
parodontale sévère accompagnée de dépôt de plaque dentaire camenteux pour soulager le patient constitue une information
proche ou sur le site même de l’apex [21]. précieuse pour comprendre la nature de la plainte du patient.
En général, la maladie parodontale est un processus chronique
et généralisé peu douloureux ou sans ressenti significatif d’une
douleur. En revanche, les lésions pulpaires et péri-radiculaires
sont plus fréquemment associées à des symptômes aigus qui
demandent la prescription d’analgésiques.
Examen visuel
L’examen visuel des dents et des tissus gingivaux fournit
des informations initiales précieuses pour l’établissement
du diagnostic. La présence de lésions carieuses, de restaura-
tions volumineuses et de couronnes décolorées est souvent
associée à des lésions endodontiques. L’absence de défauts
sur les couronnes naturelles associée à la présence de plaque
bactérienne, de tartre et d’une gingivite généralisée indique la
présence d’une maladie parodontale.
Examen radiographique
Les lésions parodontales sont habituellement associées à
Fig. 7.15 Aucune altération inflammatoire atrophique, l’image radiographique d’une perte osseuse angulaire partant
dégénérative ou aucune résorption n’a été diagnostiquée de la région cervicale et dont le sommet de l’angle est à l’apex
122 dans la pulpe de cette dent atteinte d’une parodontite sévère [24]. (fig. 7.16). En revanche, les lésions péri-apicales détruisent le
Interrelations endoparodontales 7
Tests de vitalité
Les résultats des tests de vitalité sont généralement fiables,
mais pas totalement. La pulpite irréversible est invariablement
associée à une réaction douloureuse violente au froid ou au
chaud. La nécrose pulpaire ne donne généralement aucune
réponse aux stimuli thermiques et électriques. En revanche,
les dents présentant des lésions parodontales renferment une
pulpe vivante qui répond normalement aux tests.
Fig. 7.17 A. Image radiographique d’une lésion périradiculaire étendue à la jonction amélocémentaire (JAC) sur la première
molaire mandibulaire gauche. B. La désinfection complète, la préparation et l’obturation de la cavité pulpaire ont permis
la guérison de cette lésion. 123
7 ENDODONTIE
parodontale et les lésions péri-radiculaires d’origine pulpaire [57]. L’examen visuel de la dent concernée révèle la présence
En se fondant sur leur origine, plusieurs auteurs ont classifié de lésions carieuses et/ou de restaurations volumineuses sus-
ces lésions en plusieurs catégories [70–72]. Les anomalies paro- ceptibles de causer une nécrose pulpaire. L’examen radiogra-
dontales peuvent être classifiées en trois types primaires : phique révèle la présence de lésions péri-apicales limitées à
j origine pulpaire (endodontique) ; une dent unique. Les tests de vitalité thermiques et électriques
j origine parodontale ; donnent des réponses négatives. Les tests de percussion et
j origine endodontique–parodontale (lésions combinées vraies). de palpation donnent des réponses tantôt positives, tantôt
Cette classification est fondée sur les voies de développe- négatives. Le sondage parodontal révèle un sulcus normal,
ment des lésions ; elle permet de comprendre leur pathogenèse, à l’exception d’un enfoncement dans un « couloir » étroit.
les signes cliniques, les symptômes, le traitement et l’évalua- L’insertion d’une pointe de gutta percha aussi bien que de la
tion du pronostic. Dans des situations assez rares, les anoma- sonde parodontale à l’intérieur de ce « couloir » montre que la
lies endoparodontales primaires, quelle que soit leur origine, fistule est profonde et qu’elle peut s’étendre jusqu’à l’embou-
peuvent être converties en lésions combinées secondaires. chure d’un canal latéral ou d’un foramen apical.
Fig. 7.19 Une perle d’émail peut créer une poche étroite imitant
une lésion d’origine pulpaire sur des dents multiradiculées.
Fig. 7.20 A. La nécrose pulpaire de la deuxième prémolaire mandibulaire gauche a occasionné une lésion parodontale sur
la face distale de cette dent. B. La désinfection complète, la préparation et l’obturation de la cavité pulpaire de cette dent ont
permis la guérison de la lésion un an plus tard.
suivies d’une guérison rapide et complète de la lésion (voir suite, présenter des degrés variés de mobilité. L’examen radio-
fig. 7.11, B, 7.12, B, 7.17, B et 7.20, B). Aucun traitement paro- graphique de la dent concernée et des dents adjacentes montre
dontal supplémentaire n’est utile et le pronostic est excellent. la présence d’une perte osseuse généralisée verticale et horizon-
tale tout au long des surfaces radiculaires (fig. 7.21). Les dents
Lésions parodontales primaires d’origine présentant ces anomalies répondent aux tests de vitalité dans
parodontale les limites de la normalité. Contrairement aux lésions d’origine
Une lésion parodontale d’origine parodontale est habituellement pulpaire, l’image radiographique des poches parodontales d’ori-
associée à une gingivite et/ou une parodontite généralisée dont gine parodontale se présente comme une radioclarté très large et
l’origine est l’accumulation de plaque bactérienne et/ou de tartre. en forme de V [57]. Au sondage, la crête reste dans les limites de
Le patient ne ressent pas de symptôme significatif, à l’exception la normale. Puis, la sonde suit un chemin descendant progressif
de la présence d’un abcès parodontal. Les dents peuvent ou non de plus en plus profond pour remonter progressivement à une
avoir été restaurées avec des prothèses volumineuses et, par la profondeur normale sur les autres parois de la poche [70]. 125
7 ENDODONTIE
Fig. 7.22 A. Une lésion endoparodontale combinée vraie est observée sur la deuxième prémolaire mandibulaire.
B. Les traitements endodontique et parodontal combinés de cette dent ont permis une guérison progressive en 6 mois.
longitudinales
Eric M. Rivera, Richard E. Walton
PLAN DU CHAPITRE
OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE
Après avoir lu ce chapitre, l’étudiant devrait être capable : 4. De décrire en général chacune des cinq catégories
1. De décrire et différencier une ligne de fracture, une fracture de fractures selon leur incidence, la pathogenèse,
de cuspide, une dent fêlée, une dent fracturée les caractéristiques cliniques, l’étiologie, le diagnostic,
et une fracture radiculaire verticale. le traitement, le pronostic et la prévention.
2. D’expliquer les causes des fractures des structures 5. D’identifier les patients présentant des difficultés liées à
dentaires. des fractures dentaires et qui pourraient être adressés
3. D’énoncer et de décrire les cinq caractéristiques à un spécialiste.
des fractures de la dentine.
L INCIDENCE
es dents fêlées et leurs entités associées, y compris
les fractures radiculaires verticales, sont des fractures
longitudinales de la couronne et/ou des racines qui évo- L’incidence des fractures longitudinales s’accroît mal
luent avec le temps. Elles diffèrent des fractures horizontales heureusement de plus en plus et cela s’explique par plusieurs
qui prédominent sur les dents antérieures et qui sont trauma- raisons, dont l’une est l’augmentation de l’espérance de vie
tiques. Les fractures longitudinales (verticales) atteignent tous des patients, et la diminution du nombre d’extractions den-
les groupes dentaires et sont causées par les forces occlusales taires. Par conséquent, le nombre de dents traitées au moyen
et les interventions dentaires. Longitudinale implique une d’interventions complexes augmente et leur survie est plus
composante verticale et une composante temporelle [1]. longue. Ces procédures comprennent les traitements restaura-
La recherche sur les fractures longitudinales, en particulier teurs et endodontiques qui réduisent le volume de dentine et
sur le diagnostic et le suivi des traitements, reste relativement compromettent ainsi la résistance interne des dents. L’usage
peu développée. La majorité des modalités de traitement sont excessif de l’acide éthylène diamine tétraacétique (EDTA), de
fondées sur des opinions ou des informations anecdotiques [2, 3]. matériaux de blanchiment et de l’hydroxyde de calcium a été
Ainsi, beaucoup de recommandations n’ont pas été justifiées récemment mis en cause [5–7], bien qu’une revue systématique
par des essais cliniques contrôlés et sont fondées sur l’expé- récente soit peu concluante pour vérifier si une exposition d’un
rience professionnelle. Ce chapitre traite les fractures longi- mois ou moins à l’hydroxyde calcium a un effet négatif. [8]
tudinales dans le plan vertical ou selon l’axe le plus long de Les dents absorbent aussi les forces externes, normalement
la couronne et de la racine qui se propage avec le temps [1, 4]. occlusales, dont l’intensité excède la résistance dentinaire,
Le traitement des fractures longitudinales représente géné- et altère progressivement la structure dentaire. Lorsque
ralement un défi. Il arrive que le diagnostic et le traitement l’intensité des forces destructrices s’exerce au-delà des limites
de ces fractures soient aisés, mais aussi que le degré de muti- de la résistance élastique de la dentine et de l’émail, il se pro-
lation soit tel que la dent concernée ne puisse être conservée duit une fracture [9]. Par conséquent, plus la présence de la
et doive être extraite. Néanmoins, beaucoup de patients dont dent sur l’arcade est longue, plus elle subit de forces et plus les
l’état dentaire présente des problèmes de diagnostic et de traite chances d’une fracture sont grandes. La prise de conscience
ment significatifs devraient être orientés vers des consulta- accrue des cliniciens pendant l’établissement du diagnos-
tions spécialisées. tic et l’identification du problème constitue une autre raison
128
Fractures dentaires longitudinales 8
de l’augmentation de l’incidence des fractures dentaires. En articles cliniques [14–18]; cela engendre l’incompréhension
effet, de telles fractures ne se limitent pas aux dents des per- du problème accompagnée de l’établissement erroné du
sonnes âgées, pas plus qu’aux seules dents restaurées et ayant diagnostic suivi d’un traitement inapproprié. Bien que
été traitées en endodontie [10–13]. tous ces problèmes soient qualifiés de fêlures ou de frac-
tures verticales, chaque catégorie se distingue par son
incidence, sa pathogenèse, ses caractéristiques cliniques,
CATÉGORIES son étiologie, le diagnostic, le traitement et la prévention.
La recherche épidémiologique peut bénéficier de l’analyse
Il existe cinq catégories de fractures longitudinales. Selon de ces distinctions pour espérer que l’avenir nous offrira
le degré croissant de sévérité de la lésion, ce sont : (1) les de meilleures voies pour prévenir ces fractures longitudi-
fêlures, (2) la cuspide fracturée, (3) la fissure de la dent, nales. Le tableau 8.1 identifie les cinq entités selon leur
(4) la dent fractionnée, et (5) la fracture radiculaire verti- constat, les méthodes diagnostiques et le traitement. Le
cale. Bien que différentes les unes des autres, ces fractures lecteur peut consulter ce tableau pendant toute la lecture
sont souvent confondues ou combinées à la lecture des de ce chapitre.
Localisation Émail seulement Couronne et région Couronne seule ou Couronne Racine seulement
Courant sur les cervicale de la racine couronne et extension et extension
crêtes marginales radiculaire (varie avec radiculaire ; vers les
la profondeur) surfaces proximales
Site d’origine Surface occlusale Surface occlusale Surface occlusale Surface occlusale Racine (tout niveau)
Étiologies Forces occlusales, Cuspide non Habitudes traumatiques, Habitudes Forces à l’enfoncement
thermocyclage soutenue, habitudes structures dentaires traumatiques, d’un tenon ou d’une
traumatiques affaiblies structures obturation, élimination
dentaires affaiblies excessive de dentine
radiculaire
Symptômes Asymptomatique Douleur aiguë à la Très variable Douleur à la Aucun à légère sensibilité
mastication et au froid mastication
Identification Visualisation directe, Visualisation, dépose Morsure, dépose Dépose de la Lambeau récliné
transillumination de la restauration de la restauration restauration et transillumination
Tests Aucun Fractures visibles Transillumination, Effet de coin sur Lambeau récliné
diagnostiques des cuspides, coloration, effet de coin sur les segments et transillumination
test de morsure, les segments (inséparables), (séparables)
transillumination sondage parodontal (poche
isolée étroite), test de
morsure, grossissement
Traitement Aucun traitement Extraire la cuspide Le traitement de canal Variable, obligation Extraire la dent ou
nécessaire, et/ou restaurer dépend du diagnostic d’extraire un la racine fracturée ;
esthétique pulpaire et périradiculaire ; segment et envisager la prothèse fixée
restaurer avec de restaurer, ou amovible ou encore les
recouvrement des cuspides ou extraire implants dentaires
Pronostic Très bon Très bon Toujours réservé Maintien sur l’arcade Sans espoir pour la
ou mauvais (sans espoir) fracture de la racine
Extraire un
segment (réservé)
Prévention Non nécessaire Restaurations Éliminer les habitudes Éliminer les Minimiser le retrait de
proximales, protection nocives (par exemple habitudes nocives, tissu dentinaire, éviter les
coronaire par onlay croquer des glaçons), protection coronaire effets de coin en scellant
sur les cuspides protection coronaire par onlay sur les des tenons, réduire les
affaiblies par onlay sur les cuspides cuspides affaiblies forces de condensation
affaiblies de matériaux d’obturation
129
8 ENDODONTIE
Fig. 8.3 Les fêlures sont courantes. Elles sont limitées à l’émail sans atteindre la dentine. A. Cette molaire présente des fêlures
sur les crêtes marginales et dans les sillons lingual et vestibulaire (flèches). B. Les fêlures verticales sont fréquentes sur les dents
antérieures, particulièrement chez les personnes âgées.
Incidence trait de fracture d’une cupide peut être soit mésiodistal, soit
Les fractures de cuspides sont plus courantes que les autres enti- vestibulolingual (fig. 8.4). Ainsi, les lignes de fractures (voir
tés évoquées dans ce chapitre, et c’est heureux parce qu’elles fig. 8.1) traversent la crête marginale et s’étendent ensuite dans
sont les moins mutilantes et les plus aisées à traiter [2, 3]. Ces le sillon vestibulaire ou lingual, et bien souvent dans la ligne du
fractures se produisent fréquemment sur les dents atteintes par collet anatomique parallèlement au bord gingival (parfois sous-
des lésions carieuses étendues, ou porteuses de restaurations gingival, ce qui est plus courant). Quand deux cuspides sont
volumineuses qui ne protègent pas les cuspides non soutenues concernées, les traits de fractures sont mésiaux et distaux, sans
par de la dentine saine [19]. composante vestibulaire ou linguale. Il est rare que deux cus-
pides mésiales ou deux cuspides distales se fracturent ensemble.
Pathogenèse Les fractures de cuspide sont des fractures de cisaillement
La cuspide se fracture parce qu’elle a perdu son soutien dont le trait, toujours oblique, s’étend d’un angle de la base
dentinaire, en particulier après le traitement restaurateur des de la cavité de préparation vers la face externe (fig. 8.5). Cette
lésions carieuses étendues. La fracture de la cuspide peut aussi lésion comprend la région de l’attache épithéliale et ne s’étend
survenir de manière plus inattendue à la suite d’un choc trau- pas au-delà du tiers cervical de la racine [21]. Habituellement,
matique, généralement provoqué par une élévation brutale de il n’existe pas d’exposition pulpaire, surtout quand les dents
la mandibule entraînant un heurt aigu entre les dents mandibu- sont âgées et que leur chambre pulpaire est étroite.
laires et les dents maxillaires. Ces fractures sont immédiates
(à très court terme) et, de fait, non classifiées comme des frac- Étiologie
tures longitudinales, même si le résultat se traduit par la perte C’est typiquement l’histoire de lésions carieuses interproxi-
d’une ou de plusieurs cuspides ; comme cela a été précisé, le males ou d’une restauration consécutive proximo-occlusale.
terme longitudinale implique à la fois une direction verticale Plus rarement, ces fractures de cuspides se produisent sur des
et une composante temporelle. Heureusement, cet accident dents non restaurées avec des lésions carieuses volumineuses.
n’est pas fréquent. Toutefois, un choc unique peut aboutir à
la fracture ou à la perte de plusieurs cuspides, en particulier Diagnostic
celles des prémolaires maxillaires. Résultats subjectifs
Le patient se plaint souvent d’une douleur brève et aiguë à la
Caractéristiques cliniques mastication. Il peut ressentir une sensibilité aux variations de
Les fractures de la cuspide sont généralement associées à des température, particulièrement au froid. La douleur est souvent
crêtes marginales affaiblies par les préparations de restauration plus vive pendant le relâchement masticatoire, au moment où
combinées avec des cuspides non soutenues. Ces situations les dents se séparent, juste après la morsure. La douleur n’est
réduisent la résistance du support dentinaire de la cuspide, qui jamais sévère et est toujours provoquée par un stimulus. Il est
est assurée principalement par la crête marginale [20]. La fracture intéressant de noter que les symptômes disparaissent dès que
peut atteindre aussi bien une que deux cuspides (molaires). Le la cuspide fracturée se détache.
131
8 ENDODONTIE
Fig. 8.4 Fracture de la cuspide. A. Cette fracture est généralement associée à une restauration proximo-occlusale s’étendant
près d’une crête marginale (flèche) et souvent vers la face linguale ou vestibulaire (B). Ces fractures tendent à se colorer avec le
temps et sont généralement asymptomatiques ; elles arrêtent la lumière à la transillumination.
Résultats radiographiques
Tests objectifs La radiographie n’est pas vraiment utile, dans la mesure où les
Le plus pertinent est le test de morsure [13]. Le patient est invité à traits de fracture y sont invisibles.
occlure sur un coton-tige, une cupule de polissage en caoutchouc
(Burlew), ou un instrument spécialement conçu en tant que testeur Autres résultats
(Tooth Slooth Fracture Detector™ ou Frac Finder™) (fig. 8.6). La dépose d’une restauration s’avère souvent nécessaire
Des forces de grincement occlusal sur la cuspide concernée ou pour observer la dentine sous-jacente. La fracture peut être
l’ouverture immédiate de la bouche provoquent la douleur [22]. clairement observable, ou peut être révélée par un marquage
Les patients réagissent normalement aux tests de vitalité pul- de couleur ou par transillumination [23, 24]. Les fractures plus
paire, sauf en cas d’exposition de la pulpe aux bactéries pendant anciennes peuvent déjà avoir été colorées (voir fig. 8.4).
132 longtemps, ce qui a pu occasionner une nécrose pulpaire. Le trait de fracture de la cuspide prend généralement son
Fractures dentaires longitudinales 8
départ à un angle du plancher de la cavité. Le microscope sillon occlusal central mésiodistal (voir fig. 8.1). Les consé-
opératoire est très efficace pour l’identifier. quences de ces fissures tendent à être plus mutilantes parce
qu’elles sont centrales et qu’elles peuvent s’étendre vers la
Traitement région apicale (voir tableau 8.1).
Le maintien de la cuspide fracturée est souvent contre-
indiqué. La cuspide est déposée et la dent est restaurée de Incidence
manière appropriée. La prothèse de restauration peut être une Bien qu’inconnue, l’occurrence des fissures de la dent semble
couronne partielle de revêtement ou une couronne complète augmenter [14, 42, 43]. Une étude réalisée chez des endodontistes,
dont les limites se situeront en position apicale par rapport à la dont les patients avaient été adressés, a compté 10 % de fissures
limite de la fracture. Il n’est souvent pas pertinent de prescrire de la dent impliquant une ou les deux crêtes marginales [43].
un traitement de canal parce que la pulpe n’est généralement Les dents fissurées prédominent chez les patients âgés, bien
pas exposée. Il arrive parfois qu’une restauration soit inutile et qu’elles puissent se présenter chez les adultes de tout âge [10, 12].
que la dent survive avec une cuspide en moins. La longévité et la complexité des restaurations sont des fac-
Si la cuspide n’est pas mobilisée, le trait de fracture ne teurs à prendre en considération, même si les dents fissurées,
s’étend probablement pas vers la surface sous-gingivale de la bien souvent, portent des petites restaurations ou ne sont pas
racine. Dans ces cas, la cuspide peut être conservée et renfor- du tout restaurées [12, 14]. Chez les patients âgés, la mastica-
cée par une restauration dont l’objectif sera de maintenir les tion, particulièrement des objets durs, est aussi un facteur. Les
segments l’un contre l’autre. forces continues et répétées finissent par fatiguer les structures
dentaires et causer de petites fractures qui vont progressive-
Pronostic ment s’agrandir [44].
Le pronostic à long terme des traitements des fractures de Les dents les plus touchées sont les deuxièmes molaires
cuspide est bon, parce que ces fractures tendent à être super- mandibulaires (restaurées ou non), immédiatement suivies
ficielles. En revanche, si la lésion s’étend plus profondément, des premières molaires mandibulaires, puis des deuxièmes
au-delà de l’attache gingivale, le traitement de ces fractures molaires maxillaires et des prémolaires maxillaires selon
devient plus compliqué, comme c’est expliqué plus loin dans les études [12, 13, 43, 45]. Il arrive que les dents antérieures
ce chapitre. développent de vraies fissures, parce que leur structure a
été fragilisée par un traumatisme ou par des restaurations.
Prévention Les prémolaires mandibulaires sont rarement fissurées. En
Le retrait excessif de soutien dentinaire devrait être évité. La outre, des fissures peuvent être présentes à côté de res-
largeur et particulièrement la profondeur des restaurations taurations de sillons ou de restaurations proximales, parti-
doivent être réduites [25]. Les restaurations de cavités comme culièrement sur les molaires. Autrement dit, le phénomène
les inlays demandent un support dentinaire adéquat. Les cus- n’est pas toujours dépendant de la mutilation de la struc-
pides doivent être réduites et recouvertes si elles sont muti- ture dentaire par les préparations de cavités, les lésions
lées ; la résistance à la fracture peut être garantie aussi bien carieuses ou les restaurations [22, 46]. Les dents traitées
avec un amalgame qu’avec un inlay en or [26–28]. Les résines en endodontie ont été « soupçonnées » d’être plus cas-
composites collées à l’émail ou à la dentine mal insérées peu- santes et plus faibles, voire plus susceptibles à la fracture.
vent se contracter excessivement pendant la polymérisation. Cependant, ces spéculations n’ont pas été étayées par des
Cette contraction peut déplacer les cuspides affaiblies et les preuves scientifiques [20, 47–51].
fragiliser face aux forces occlusales jusqu’à ce qu’elles se
fracturent. Pathogenèse
La construction d’une couronne avec un collier de 1 à 2 mm Comme évoqué précédemment, les fissures dentaires sont
semble le facteur le plus important dans la conception d’une dépendantes du temps et des habitudes du patient. Les forces
restauration [29–32]. excessivement supérieures à la résistance de la dentine sont
Le collage et les résines adhésives placées avec des tech- clairement responsables des fissures. Ces forces sont plus
niques bien éprouvées peuvent renforcer les cuspides affai- développées dans la région postérieure (par exemple près de
blies [33–35]. Cependant, la fréquence des fractures de cuspide l’axe de rotation de la mandibule), comparables à l’effet d’un
des dents traitées par les résines est équivalente à celle des casse-noix [12, 52].
dents traitées par l’amalgame [36–39]. Autrement dit, les restau- Bien que l’anatomie occlusale (fissures profondes ou cus-
rations collées offrent un renforcement temporaire [40]. pides proéminentes ou fonctionnelles) et le dysfonctionne-
ment occlusal puisse rendre les dents plus susceptibles à la
fissure, même si la relation entre ces facteurs et les fissures n’a
FISSURE DE LA DENT pas été démontrée par la recherche scientifique.
La fissure de la dent est une fracture incomplète qui débute Caractéristiques cliniques
dans la couronne et s’étend selon une direction mésiodis- Les fissures dentaires sont presque invariablement des frac-
tale sous la gencive [12]. Elle peut atteindre une ou les deux tures mésiodistales [12] (fig. 8.7), bien qu’exceptionnellement
crêtes marginales et les faces proximales. Bien que locali- le trait de fracture des molaires mandibulaires puisse se situer
sée uniquement dans la couronne de la dent, la fracture peut dans le sillon principal vestibulolingual, ce qui conduit à de
atteindre une racine proximale (voir tableau 8.1). La fissure nombreuses erreurs de diagnostic parce que ce trait vestibulo-
de la dent est encore décrite comme une fracture incomplète lingual suit les sillons vestibulaire et lingual (voir fig. 8.3, A).
(de bois vert) [14, 23, 41]. La fissure de la dent est une variation En réalité, ce trait est dans la majorité des cas la trace d’une
de la fracture de la cuspide dont la localisation intéresse le fêlure. 133
8 ENDODONTIE
Diagnostic
Le tableau clinique des dents fissurées est varié sur le plan
des données obtenues par l’examen clinique, les signes et les
symptômes, les tests et les examens radiographiques, compte
tenu des nombreux facteurs impliqués dans ce processus. Le
caractère imprévisible et complexe des fissures dentaires rend
l’établissement du diagnostic et le traitement compliqués. Il
faut le répéter, les fissures dentaires ne sont que des faits obser-
vables et le diagnostic pulpaire/périradiculaire doit suivre la
même démarche que dans les autres situations cliniques.
Résultats subjectifs
En cas de fissure dentaire, le patient évoque le syndrome de la
dent fissurée [52]. Ce syndrome est caractérisé par une douleur
aiguë à la mastication (pression ou relâchement) d’aliments durs
et granuleux et par une douleur brève et aiguë au froid [53, 55, 56].
Les cuspides fracturées évoquent le même syndrome. Cepen-
dant, les dents fissurées peuvent présenter une variété de
symptômes pouvant se classer du plus léger à une douleur
sévère et spontanée compatible avec une pulpite irréversible,
une pulpe nécrosée ou une parodontite apicale [24]. Un abcès
apical aigu, avec ou sans tuméfaction ou fistule, peut être pré-
sent en cas de nécrose pulpaire. En d’autres termes, en cas
d’exposition de la pulpe par l’extension de la fracture, une
pathologie pulpaire et/ou péri-apicale peut survenir. Cela
explique la variété des signes et des symptômes, qui peut être
perturbante et trompeuse pour établir le diagnostic ; ces signes
et ces symptômes peuvent être difficiles à identifier et, par
conséquent, ne peuvent pas être qualifiés de syndrome [57].
Tests objectifs
Les réponses pulpaires et péri-apicales des dents fissurées
sont variables. La sensibilité de la pulpe aux tests est en
général positive (la pulpe est vivante) [52], mais elle peut aussi
ne pas répondre (nécrose). Les tests péri-apicaux sont aussi
variables ; cependant, si la pulpe est vivante, la percussion Fig. 8.10 Dent fissurée. A. La fracture entraîne un changement de
et la palpation ne provoquent aucune douleur. Il est aussi brillance abrupt de cette dentine transilluminée. B. Par comparaison, la
conseillé de varier la direction de la percussion. La percussion prémolaire adjacente atteinte d’une fêlure transmet nettement la lumière.
qui tend à séparer la fracture peut être douloureuse. La per-
cussion en direction opposée à la fissure est asymptomatique. infrarouge sont apparus pour obtenir des images de ces traits
Cela conduit à penser que la douleur provoquée est en relation longitudinaux de façon non mutilante [58–71].
avec les propriocepteurs du ligament parodontal.
Autres données
Données radiographiques Les fissures des dents postérieures traversant les crêtes margi-
La fissure dentaire est invisible à la radiographie parce que nales ou les crêtes vestibulolinguales doivent être différenciées
l’orientation du trait de la fissure est horizontale et mésiodis- au moyen de la transillumination. En cas de fissures mésiodis-
tale. Par conséquent, les images radiographiques se limitent tales, la lumière émise perpendiculairement à la fissure, c’est-
à renseigner l’état de la cavité pulpaire/région péri-apicale. à-dire de la face vestibulaire ou de la face linguale, n’est pas
Globalement, les données ne sont pas significatives, bien que réfléchie ni bloquée et la dent apparaît uniformément lumineuse.
parfois des images différentes puissent se présenter. Il arrive En cas de suspicion de fissure, il est important d’essayer
parfois de constater l’image d’une perte d’os proximal (hori- de visualiser la localisation de la fracture et d’en estimer la
zontale, verticale, inter-radiculaire) en relation avec la fissure ; longueur. L’inspection directe (ici encore le microscope opé-
cette image osseuse s’agrandit avec la sévérité de la fissure. ratoire est utile), le marquage coloré et la transillumination
Des méthodes nouvelles d’imagerie comme la tomographie sont généralement efficaces [24, 72, 73]. Les restaurations occlu-
volumique à faisceau conique (TVFC ; cone beam compu- sales et proximales seront d’emblée déposées [74]. Ensuite, la
ted tomography [CBCT]), les ultrasons et la thermographie transillumination (fig. 8.10) montre souvent un blocage net 135
8 ENDODONTIE
Fig. 8.11 A. Une solution révélatrice sur une boulette de coton (bleu de méthylène) est placée dans la cavité pendant quelques
minutes ou scellée pendant une semaine. B. Cette technique met en évidence la fracture et son étendue. C. Les solutions
colorantes peuvent décolorer les dents.
Fig. 8.12 Évaluation au microscope opératoire et illumination. A. Un ruban orthodontique a été scellé pour minimiser le
mouvement des segments. La cavité d’accès est maintenant réalisée pour estimer la profondeur de la fracture (flèche). B. La
fracture (flèche) traverse le plancher pulpaire. Le pronostic est mauvais.
de la lumière transmise, si elle a été choisie comme moyen (IRM® pour intermediate restorative material) pour que la
de détection. Son principe repose sur le fait que le faisceau révélation de la fissure soit plus nette (fig. 8.11). Il faut infor-
lumineux éclaire une portion de la fracture puis traverse une mer le patient que la dent deviendra temporairement bleue
interface comprise entre les deux portions, cette interface (fig. 8.11) ; il est possible que le patient renonce au test.
étant remplie d’air qui ne transmet pas la lumière directement. L’observation au microscope opératoire est particulière-
Par conséquent, la fissure bloque ou réfléchit le faisceau lumi- ment utile pour identifier la présence et l’étendue d’une fis-
neux, ce qui rend l’autre portion de la fracture d’apparence sure (fig. 8.12).
noire. Parfois (surtout si la fissure est centrale), une préparation
La coloration au bleu de méthylène, à l’iode ou au détec- de cavité est nécessaire pour révéler l’étendue de la fissure
teur de carie peut aussi dévoiler une fissure, mais les résul- (voir fig. 8.12). Après le retrait du plafond de la chambre et
tats sont incertains. Imbiber une boulette de coton de bleu de de la pulpe coronaire, le plancher est transilluminé comme
méthylène ou d’un autre colorant et l’appliquer sur le plancher pour une fracture (attention à ne pas confondre avec les sillons
d’une cavité de préparation. Un rinçage immédiat du colorant anatomiques). Le scellement d’un colorant pendant plusieurs
révélera la fissure ; au besoin, maintenir la boulette de coton jours est utile. Ici encore, le microscope opératoire permet une
136 quelques jours avec un ciment de restauration temporaire identification définitive.
Fractures dentaires longitudinales 8
Fig. 8.13 A. La dépose de la restauration à l’amalgame révèle une fissure dentaire mésiodistale sur le plancher de la cavité.
B. Pour obtenir une cavité d’accès idéale, il a fallu effacer le trait de la fissure du côté distal et en direction apicale. C. Au fur et à
mesure de cette opération, il s’avère que la fracture s’étend dans la chambre pulpaire. D. Estimation de la mobilité des segments
par l’effet de coin.
Pour évaluer l’atteinte possible de la pulpe par l’extension une fissure ; si les segments se séparaient, cela serait classifié
de la fissure, il faudra « effacer » le trait de fracture au fond de comme un fractionnement de la dent (évoqué plus loin). Avant
la cavité ainsi préparée ; cela sera utile pour obtenir un contour de procéder au test, le patient doit être informé des séquelles
idéal de la cavité d’accès aux canaux si la pulpe est exposée possibles (par exemple entendre le son d’un craquement et/
(fig. 8.13). Cependant, même très étendue, la fissure peut être ou ressentir une douleur). Les cliniciens et les patients peu-
petite et invisible (y compris avec un marquage coloré). Par vent hésiter à procéder à ce test par crainte de provoquer une
conséquent, la profondeur de la fissure est plus importante fracture iatrogénique de la dent et de déclencher une douleur.
qu’elle n’apparaît à l’œil nu. Chercher à éliminer une ligne de Cependant, si une force contrôlée exacerbait la fissure, la dent
fracture dans la région proximale fournit certes des informa- serait prédisposée à une fracture prochaine et, de toute façon,
tions sur son étendue, mais cela peut rendre la dent impossible il serait plus utile pour le patient qu’il soit immédiatement
à restaurer. L’ensemble de ces procédures de retrait de la fis- averti de cette éventualité.
sure au niveau des crêtes marginales et de la structure dentaire Le sondage parodontal est important et donne la possibilité
mutilent des tissus sains, et de cette façon, réduisent la solidité de révéler la profondeur approximative ainsi que la sévérité
de la dent et sa résistance à la fracture [75, 76]. de la fracture. La dépose des restaurations interproximales est
Les forces à effet de coin sont utilisées pour déterminer si commode parce qu’elle facilite l’accès de la sonde parodon-
les segments sont séparables (voir fig. 8.13). Si une fracture tale. Cependant, bien souvent, les fractures sous-gingivales
est détectée, les restaurations sont déposées, un instrument est ne provoquent pas d’enfoncement anormal de la sonde paro-
inséré dans la cavité, puis une légère pression est exercée sur dontale. Par conséquent, l’absence d’enfoncement de la sonde
les murs opposés pour tenter de séparer les segments. Si aucun n’exclut pas la présence d’une fissure. En revanche, un enfon-
mouvement n’était détecté, cela serait classifié comme étant cement profond de la sonde est sérieux et laisse préjuger d’un 137
8 ENDODONTIE
mauvais pronostic [77]. L’enregistrement des profondeurs de la pulpe de certaines dents traitées ainsi peuvent s’enflammer,
sondage dans les régions mésiales et distales pour un total voire se nécroser [43, 78], ce qui conduira à prescrire un traite-
de huit points doit être compris avec les autres six points du ment de canal à travers la couronne.
sondage normal.
Le test de morsure sélectif est utile (lire le paragraphe pré- Examen supplémentaire pendant
cédent sur les fractures de la cuspide ; et voir fig. 8.6), en un traitement de canal
particulier quand une douleur est ressentie à la mastication [13]. Quand le traitement de canal a été décidé, l’examen clinique
sera complété par l’observation de la chambre pulpaire après
Traitement avoir réalisé la cavité d’accès pour apprécier l’étendue de la
Dans l’encadré 8.1, six remarques importantes sont men- fissure. Si celle-ci s’étendait à travers la chambre pulpaire, le
tionnées. Le plan de traitement ne peut être dressé qui si le traitement de canal serait sans espoir de guérison et l’extrac-
clinicien et le patient sont conscients des complications pos- tion serait préférée (voir fig. 8.12) [79]. Une exception est la
sibles et des résultats incertains. Dans beaucoup de situations, molaire maxillaire pour laquelle une hémisection au site de
l’extraction est la seule solution raisonnable au problème. La la fracture pourrait épargner la moitié (ou les deux moitiés)
décision dépend principalement de la nature (profondeur et de la couronne et des racines de soutien. Ces nombreux trai-
localisation) de la fracture (encadré 8.2). Il est à rappeler que tements sont complexes et le patient devrait être orienté vers
si les forces à effet de coin ne séparent pas les segments de la des structures de soins compétentes ou chez un endodontiste.
fissure, ce qui est impératif, il existe beaucoup d’alternatives Si une fracture partielle était détectée, la couronne pourrait
de traitement pour maintenir la dent intacte. Si la fracture être cerclée au moyen d’une bague métallique ou d’une bague
d’une préparation de restauration occlusoproximale est cen- orthodontique (voir fig. 8.12) ou d’une couronne tempo-
trée du côté vestibulolingual et concerne le plancher de la raire pour protéger les cuspides jusqu’à la réalisation de la
cavité de préparation, plusieurs options de traitement se pré- restauration finale [23, 80]. Cela sert aussi à déterminer si les
sentent. Dans le cas le plus favorable, c’est-à-dire en l’absence symptômes diminuent pendant le traitement de canal. Dans
de symptômes de pulpite irréversible ou de nécrose pulpaire, le cas contraire, le pronostic est significativement mauvais et
une couronne prothétique peut être envisagée, en sachant que l’extraction devient nécessaire.
Restauration
Encadré 8.2 Suggestions de pronostic Quand la fracture apparaît incomplète (la surface radiculaire
et de traitements des dents fissurées n’est pas atteinte), la dent est restaurée pour enserrer les
deux segments de la fissure (effet d’assemblage des douves
1. Établir le diagnostic pulpaire et péri-apical. Le diagnostic de tonneau) et aussi pour protéger les cuspides. La couronne
oriente le traitement. Cette évaluation consiste à déterminer périphérique est préférable, bien qu’un onlay à biseau puisse
dans quelle mesure les signes observés sur une dent fissurée suffire. Les tenons et les moyens de rétention susceptibles de
correspondent au diagnostic, au pronostic et au traitement
transmettre un effet de coin sont à éviter. Les collages de la
voir l’exemple décrit dans l’encadré 8.1, numéro 1).
2. Proposer des traitements alternatifs au patient.
dentine peuvent aider à créer le support dentinaire de la future
3. Répondre aux questions du patient, et lui laisser choisir le couronne et à empêcher la propagation de la fissure ; mais
traitement. la recherche doit s’intensifier pour soutenir ce concept [81–83].
4. Le pronostic des fissures varie plus que celui des autres L’amalgame est à éviter parce qu’il peut subir une expansion
fractures longitudinales. La détermination de la localisation de prise et qu’il est ductile, ce qui produit un effet de coin pen-
et de l’étendue de la fissure peut faciliter l’évaluation du dant la condensation dans la phase d’insertion de ce matériau.
pronostic et la décision de prescrire une extraction. Mobiliser
les techniques d’imagerie nécessaires qui fournissent Pronostic
le plus d’informations relatives à l’étendue interne et Le pronostic global dépend de la situation mais, dans le
externe sur les surfaces proximales proches de la jonction
meilleur des cas, il est toujours incertain. Le patient doit être
amélocémentaire. Par hypothèse, le pronostic est soit
réservé, soit mauvais quand la fissure intéresse les sites
informé des résultats probables et du caractère imprévisible de
anatomiques suivants (dans l’ordre) : la durée du traitement. La fissure peut s’aggraver et aboutir à la
j une crête marginale, limitée à la couronne fracture complète de la dent, avec ses conséquences mutilantes
j deux crêtes marginales, limitées à la couronne qui peuvent conduire à l’extraction ou à des traitements sup-
j une ou plusieurs crêtes marginales et seulement une paroi plémentaires (fig. 8.14). En outre, le patient doit être informé
cavitaire interne et proximale de la présence éventuelle de fissure atteignant d’autres dents.
j une ou plusieurs crêtes marginales et le plancher de la En général, plus l’origine de la fracture est localisée au
préparation cavitaire (peut conduire à la dépose de la centre de la surface occlusale, plus le pronostic à long terme
restauration) est défavorable. Ces fractures tendent à rester centrées et
j une crête marginale s’étendant de la couronne vers la
deviennent de plus en plus profondes, endommageant consi-
surface radiculaire (difficile à visualiser)
j deux crêtes marginales s’étendant de la couronne vers la
dérablement la dent et le parodonte. En d’autres termes, les
surface radiculaire (difficile à visualiser) dents peuvent se fracturer complètement et être à l’origine de
j une ou plusieurs crêtes marginales atteignant un ou les lésions parodontales sévères.
orifices des canaux radiculaires Une étude a montré que 20 % des dents fissurées atteintes
j une ou plusieurs crêtes marginales et le plancher pulpaire de pulpite réversible et restaurées avec une couronne pro-
j la région inter-radiculaire (confirmé seulement après une thétique par le praticien généraliste ont présenté une pulpite
intervention de chirurgie exploratoire ou l’extraction) irréversible ou une nécrose pulpaire, puis ont fait l’objet soit
138 d’un traitement de canal, soit d’une extraction [43]. De même,
Fractures dentaires longitudinales 8
Fig. 8.14 Fissure dentaire évoluant vers le fractionnement de la dent. A. Une fissure dentaire a été diagnostiquée, le traitement
de canal a été exécuté et une couronne périphérique a été scellée. B. Trois ans et demi plus tard, la fracture devient manifeste,
avec une destruction osseuse étendue. C. La fissure s’est développée avec le temps pour aboutir au fractionnement de la dent.
Noter l’orientation mésiodistale de la fracture et les deux segments coronoradiculaires de la dent.
une autre étude a montré que les dents atteintes d’une pulpite Deux causes principales sont probables : (1) les effets de coin
réversible due à une fissure peuvent être restaurées sans traite- et les contraintes de déplacement des restaurations existantes,
ment endodontique dans 80 % des cas. et (2) de nouvelles forces traumatiques excédant les limites de
l’élasticité de la dentine intacte.
Prévention
En général, les patients sont encouragés à renoncer aux habi- Caractéristiques cliniques
tudes nocives comme croquer des glaçons. De plus, la majo- Le fractionnement de la dent est une fracture mésiodistale
rité des suggestions proposées précédemment pour prévenir primaire qui traverse les crêtes marginales et s’étend profon-
les fractures s’appliquent à la prévention des fissures. La pro- dément pour cisailler la dent au niveau des racines. Plus la
fondeur des préparations cavitaires de sillon ou proximales fracture est localisée au centre de la surface occlusale, plus
doit être réduite, en particulier s’agissant des prémolaires la tendance à l’extension verticale est grande. Ces fractures
maxillaires (la protection des cuspides peut être utile) [85]. Le sont plus mutilantes. La mobilité (ou la séparation) d’un ou
remodelage et/ou la rééquilibration occlusale sont inutiles. des deux segments est observable. Ces fractures impliquent
toujours la pulpe ; plus la fracture est localisée au centre de la
surface occlusale, plus l’exposition de la pulpe est probable.
FRACTIONNEMENT DE LA DENT
Étiologies
Le fractionnement de la dent est une évolution de la fissure L’étiologie du fractionnement de la dent est comparable à
de la dent. À ce stade, la fracture est totale et s’étend à toutes celle de la fissure de la dent. Le fractionnement de la dent
les régions de la dent [11]. La surface radiculaire est impliquée peut être courant sur les dents dépulpées par le traitement de
dans sa partie moyenne jusqu’au tiers apical. Il n’existe plus canal ; mais ce traitement par lui-même ne déshydrate pas la
de connexion dentinaire et les segments de la dent sont entière- dent ou ne modifie pas la dentine [87]. Il faut plutôt attribuer
ment séparés (voir fig. 8.14, C). Le fractionnement peut être cette fragilisation aux lésions carieuses, aux restaurations ou à
soudain ; néanmoins, il est le plus souvent la conséquence l’ouverture excessive des cavités d’accès [10].
d’une fracture incomplète à long terme (voir tableau 8.1).
Diagnostic
Incidence Les symptômes, les signes et les données des tests du fraction-
Comme les fissures de la dent, l’occurrence du fractionnement nement de la dent sont moins variés et confus que ceux des
de la dent semble augmenter [86]. Beaucoup de facteurs relatifs fissures de la dent. Les fractionnements des dents sont plus
à la fissure de la dent sont manifestement récurrents dans le faciles à identifier. Les lésions parodontales sont générale-
cas du fractionnement de la dent. L’hypothèse selon laquelle ment significatives au point d’être détectées aussi bien par le
le traitement de canal fragiliserait la dentine et rendrait la patient que par le dentiste.
dent susceptible à des fractures sévères n’est pas étayée par la
recherche [20, 48–50]. Données subjectives
Habituellement, le patient se plaint d’une nette douleur à la
Pathogenèse mastication. La douleur est moins vive en position d’intercus-
La pathogenèse de la dent fissurée s’applique aussi à la dent pidation maximale que pendant la mastication. La présence
fractionnée. L’explication du processus du fractionnement de éventuelle d’un abcès parodontal peut être la source d’erreur
la dent en tant qu’évolution de la fissure de la dent est inconnue. diagnostique. 139
8 ENDODONTIE
Fig. 8.15 Fractionnement dentaire. A. Bien souvent, l’image radiographique des dents fractionnées montre des pertes
osseuses verticales et horizontales (flèches) interproximales et dans la région inter-radiculaire. B. Cette molaire présente un signe
définitif : séparation des segments sous la pression des forces à effet de coin.
Fig. 8.16 Une technique de prise en charge de certains fractionnements de cuspides et de dents. De en haut à gauche à en
bas à gauche: le segment à séparer est maintenu avec une bague ou une bande de matrice. Le traitement de canal est réalisé,
suivi de l’insertion d’une restauration à l’amalgame retenue dans la chambre pulpaire (onlay). Le segment fracturé est extrait, et
l’amalgame est remodelé. Le tissu parodontal cicatrisera et l’attache se reconstituera. La nature de l’attache est inconnue (tissu
conjonctif ou épithélial). Normalement, le sulcus est rétabli.
Fig. 8.17 Une technique de prise en charge des fractures : transformation de prémolaire en canine. A. Cuspide linguale
fracturée. B. La fracture s’étend profondément sous les tissus gingivaux. C. Poche parodontale profonde. D. Après une courte
période de cicatrisation, le tissu s’est rattaché à la dentine pour former une profondeur du sulcus normale.
parodonte adjacent sont un des résultats de la fracture [93]. (2) les manœuvres de condensation des matériaux d’obtura-
En général, cette destruction parodontale et les événements tion des canaux radiculaires au stade de l’obturation [102–105].
observables, les signes et les symptômes qui l’accompagnent Les seuls cas rapportés de FRV sur des dents non traitées
attirent l’attention du patient et du dentiste. concernaient des patients chinois [106, 107]. D’autres facteurs
étiologiques comme les forces occlusales, les effets de coin
Caractéristiques cliniques des restaurations, la corrosion, les tenons radiculaires perfo-
Les FRV s’observent dans un plan vestibulolingual (voir rants et les restaurations rétrogrades ont été cités sans avoir été
fig. 8.2) [88, 92, 94–100]. Elles sont longitudinales et peuvent être scientifiquement confirmés comme étant à l’origine des FRV.
courtes ou s’étendre sur toute la racine, de l’apex jusqu’au col- Les manœuvres de condensation des matériaux d’obtu-
let anatomique (fig. 8.18). Le point de départ est vraisemblable- ration des canaux radiculaires au stade de l’obturation par
ment interne (par la paroi interne) et la fracture se développe condensation latérale et par condensation verticale sont
vers la surface externe du canal. De plus, la fracture peut débu- des forces à effet de coin excessives qui peuvent créer des
ter à l’apex ou au milieu de la racine [101]. Dans cette condition, FRV [92, 96, 100, 101, 103, 108–113]. Les tenons de rétention intraradi-
elle peut être incomplète (voir fig. 8.2) ; elle ne s’étend ni dans culaires ont aussi été impliqués [102, 103, 114–116] ; cependant, les
le sens vestibulolingual, ni de l’apex vers le collet anatomique. dents porteuses de couronnes sans rétention radiculaire après
Bien que les signes et les symptômes des FRV soient bénins, un traitement endodontique peuvent développer une FRV [117].
les effets sur le parodonte sont dévastateurs et les problèmes Deux types de tenon entraînent des forces à effet de coin : les
insolubles. tenons fuselés (coniques et cylindroconiques) qui sont forte-
ment poussés pendant le scellement pour assurer leur assise,
Étiologies et les tenons striés dont l’effet de rétention dépend de la fric-
Les deux principales causes (les seules à être avérées) des FRV tion [102, 109]. Les forces occlusales exercées sur les tenons après
142 sont : (1) le scellement des tenons radiculaires de rétention et avoir été transmises par les couronnes sont jugées mineures.
Fractures dentaires longitudinales 8
Diagnostic
Les FRV sont manifestement identifiées par la variété
des signes, des symptômes et d’autres données cliniques
observables. Elles peuvent imiter d’autres entités comme
une maladie parodontale ou l’échec d’un traitement de
canal, ce qui complique l’établissement du diagnostic de la
FRV [94]. Compte tenu de cette ressemblance singulière
avec les lésions parodontales et de l’échec des traitements
endodontiques qui aboutit à des erreurs de diagnostic, il est
préférable d’orienter le patient soit chez un endodontiste,
soit chez un parodontiste.
La majorité des résultats observables qui vont être déve-
loppés plus loin sont extraits d’une étude de séries de 42 cas
cliniques réalisée par Michelich et al. [28], à laquelle s’ajoutent
d’autres rapports. Les preuves relatives à la précision diagnos-
tique et à l’efficacité de l’examen clinique et radiologique du
système dentaire pour établir le diagnostic de FRV des dents
ayant fait l’objet d’un traitement endodontique sont man-
quantes [123].
Données subjectives
Les symptômes tendent à être minimes. La FRV est rarement
douloureuse et souvent asymptomatique, ou bien elle évoque
des signes et des symptômes légers, voire insignifiants. Une
Fig. 8.18 La fracture verticale de la racine de cette dent antérieure mobilité est souvent détectable, mais beaucoup de dents sont
s’étend vers les faces vestibulaire et linguale et aussi en direction de
stables. Les symptômes péri-radiculaires (pression et mas-
l’apex.
tication sensibles) sont courants mais légers.
Comme de nombreuses FRV ressemblent à des lésions
Les forces à effet de coin exercées pendant le scellement parodontales, la présence d’une tuméfaction comparable à
d’un tenon sont supérieures à celles qui sont produites par la un abcès parodontal (ou son histoire évoquée au cours d’un
condensation latérale [109]. entretien) est une occurrence courante [93, 103]. En réalité, cette
Certaines tailles et certaines formes de canal sont suscep- tuméfaction est souvent le motif de la consultation chez le
tibles de favoriser une FRV. Les racines très courbes, dont le dentiste.
diamètre vestibulolingual est très supérieur au diamètre mésio-
distal, ont tendance à se fracturer [98, 101, 113]. Ces racines se Tests objectifs
rencontrent sur les incisives et les prémolaires mandibulaires, Les tests de palpation et de percussion valables pour la patho-
les deuxièmes prémolaires maxillaires, les racines mésioves- logie périradiculaire ne sont d’aucune utilité dans ce contexte.
tibulaires des molaires maxillaires et les racines distales des Le sondage parodontal est plus pertinent sur le plan diagnos-
molaires mandibulaires. D’autres racines sont très résistantes tique. Certaines dents dont la racine est fracturée présentent
à la fracture parce que le contour de leur coupe transversale un sondage significativement normal [28, 92, 100], mais le son-
est convexe, qu’elle soit circulaire ou ovale, et qu’elles sont dage de la majorité des dents met en évidence des modèles de
corpulentes (par exemple les incisives centrales maxillaires, poches étroites ou rectangulaires, qui sont typiques des lésions
les racines linguales des premières molaires maxillaires et les parodontales d’origine endodontique [94, 97, 103, 124]. Cependant,
canines maxillaires). pour une même fracture, il n’existe pas de poches présentes à
La susceptibilité à la fracture de la racine est sensiblement la fois sur la surface vestibulaire et sur la surface linguale
augmentée par le retrait de la dentine provoqué par la prépara- de la racine. Cela signifie que le sondage parodontal consti-
tion des canaux et celle des tenons radiculaires [96, 114, 118]. À cela tue plus une aide qu’un moyen d’étayer une hypothèse de
s’ajoute l’insertion excessive de nombreux cônes de gutta per- diagnostic.
cha pendant la condensation latérale, ce qui multiplie les effets
de coin créés par la pression des fouloirs [101, 108]. De même, Données radiographiques
pendant la condensation verticale, l’insertion de fouloirs tron- Les images radiographiques sont également variées. Quel-
coniques rigides dans des canaux courbes crée des distorsions quefois, aucun changement significatif n’est visible [28, 125].
potentialisant d’éventuelles fractures [110]. Les matériaux d’obtu- Cependant, quand des changements sont visibles, ils se pré-
ration semblent incapables d’augmenter la résistance à la frac- sentent sous la forme d’une résorption osseuse très marquée,
ture des canaux soumis à la préparation chimiomécanique [116]. s’étendant de l’apex tout au long de la surface de la racine, en
À l’exception de l’agrégat minéral de trioxyde (MTA), les comprenant souvent une image angulaire de la lésion au niveau
ciments ionomères de verre et les résines composites amé- du collet anatomique (fig. 8.19) [92, 100, 125, 126]. Cela explique
liorent la résistance à la fracture quand ils sont prescrits pour pourquoi beaucoup de ces modèles de résorption relatifs aux
servir de barrière étanche au niveau des orifices des canaux [119]. FRV imitent d’autres entités pathologiques comme la forme
Des enquêtes rétrospectives ont montré que 3 à 13 % d’échecs en « J » ou en « halo » proche des lésions parodontales quand
des traitements endodontiques sur des dents restaurées étaient la lésion part de l’apex vers le collet [92, 100, 125, 126] ; ou bien
dus à des fissures ou à des fractures de la racine [92, 120–122]. comme la forme en « goutte suspendue » proche des lésions 143
8 ENDODONTIE
Histoire dentaire
Virtuellement toutes les dents dont la racine est fracturée ont
fait l’objet d’un traitement de canal [16], et beaucoup d’entre
Fig. 8.19 Fracture verticale de la racine distale. Cette image elles ont été restaurées avec des tenons coulés ou préfabri-
radiographique de la perte osseuse est courante. La lésion s’étend qués. Les tenons fuselés conventionnels et les inlaycores pro-
tout au long de la racine fracturée jusqu’à la région inter-radiculaire. curent un niveau élevé d’échecs, mais les fractures dentaires
Données supplémentaires
Les données résultant des signes, des symptômes et des radio-
grammes sont variables. Cependant, la présence d’une fistule,
surtout dans la gencive attachée, et une poche étroite isolée
au sondage parodontal concernant une dent dont les canaux
ont été traités et restaurée avec ou sans tenon sont considérées
comme pathognomoniques d’une fracture radiculaire verti-
cale [92, 94, 100, 133].
Les radiogrammes obtenus par des angles multiples et/ou
la TVFC peuvent être utiles ; néanmoins, l’approche la plus
fiable pour confirmer le diagnostic de fracture est de récliner
Fig. 8.21 Fracture verticale de la racine après avoir récliné un
un lambeau chirurgical d’exploration. L’exposition des tissus
lambeau d’exploration et de visualisation. L’os peut prendre des
mous et de l’os alvéolaire est la meilleure méthode d’identi- aspects différents allant de la « découpe » ovale ou oblongue à une
fication [28, 88]. Le modèle des FRV est constant (fig. 8.21). Il lésion comblée par un tissu granulomateux (FRV). Cela est différent
se présente sous la forme d’une « découpe » typique de l’os de la fenestration osseuse normale.
qui tend à être oblong et à couvrir toute la surface radiculaire.
Cette lésion peut prendre la forme d’une déhiscence ou d’une
fenestration à différents niveaux de la racine ; elle est comblée
par du tissu granulomateux.
Après l’élimination du tissu inflammatoire, la fracture
est généralement (mais pas toujours) visible sur la racine
(fig. 8.22) et, à cet effet, le microscope opératoire est utile. Si
la fracture n’est pas toujours évidente, le trait de fracture peut
être caché ou très petit et pas encore développé. Cependant,
cette découpe caractéristique et le comblement de la lésion par
du tissu granulomateux doivent amener le praticien à suspec-
ter fortement une FRV quand il établit son diagnostic [28]. La
transillumination ou le marquage coloré sont des aides appré-
ciables. L’apex anatomique peut aussi être réséqué et examiné
au microscope pour détecter la fracture.
Caractéristiques de la fracture
Les caractéristiques histologiques de la FRV ont été observées
sur des dents extraites [93]. Toutes les fractures s’étendent du
canal vers une surface radiculaire, mais pas nécessairement
les deux (fig. 8.23). Généralement, elles s’étendent vers les
surfaces vestibulaires et linguales (fig. 8.23). De même, les
fractures s’étendent souvent sur un segment de la longueur de
la racine, généralement vers l’apex, mais pas toujours vers le
collet anatomique.
Walton et al. ont observé que l’espace de la fracture et du
canal adjacent était occupé par des irritants, produisant une Fig. 8.22 La fracture verticale de la racine est généralement,
inflammation sur la surface radiculaire [93]. Les fractures abri- mais pas toujours, identifiée (flèche) après avoir récliné un lambeau
tent des bactéries, des particules de ciments et des matériaux d’exploration. Généralement (comme dans ce cas), l’os est résorbé,
amorphes. Les canaux adjacents à la fracture contiennent montrant une longue découpe. Une hémisection de la molaire a été
souvent un tissu nécrosé où se concentrent les bactéries. Les exécutée et le segment mésial doit être extrait. 145
8 ENDODONTIE
Traitement Pronostic
Comme cela a été indiqué précédemment, le seul traitement Le pronostic des FRV reste aujourd’hui sans espoir.
prévisible est l’extraction de la dent fracturée. L’amputation
radiculaire ou l’hémisection des dents multiradiculées est une Prévention
alternative (voir fig. 8.22) [134]. La prévention est aisée parce que l’origine des FRV est bien
Pour espérer réduire la fracture ou maintenir la dent sur connue. Les règles cardinales de sécurité sont : (1) éviter
l’arcade, d’autres modalités chirurgicales ou non chirurgi- l’élimination mécanique excessive de la dentine intraradicu-
cales ont été proposées : l’hydroxyde de calcium, ligaturer les laire, et (2) minimiser les forces à effet de coin internes. Les
segments fracturés, sceller les segments fracturés, le collage forces cohésives de la dentine sont considérables, mais elles
des segments avec des résines adhésives, les résines époxy, peuvent être aisément affaiblies. Le traitement de canal et les
les ciments ionomères de verre ou le MTA [7, 135–137]. Une manœuvres de restauration doivent être sélectionnés selon
approche originale consiste à extraire la dent, réparer la frac- des critères de préservation de la dentine. Les techniques de
ture avec un rayon laser, sceller ou coller, puis réimplanter la préparation qui élargissent exagérément les canaux et les ins-
dent [138–141]. Une autre approche inhabituelle est de réimplan- truments trop agressifs, comme les limes en nickel titane qui
ter la dent avec une rotation intentionnelle de 180°, en sorte sont très fuselées, doivent être constamment évalués au regard
que la fracture avec le tissu de granulation est présentée face à de leur possibilité de réduire la résistance des dents à la frac-
l’os sain opposé, tandis que le ligament parodontal sain de la ture [99, 112, 144–146].
surface radiculaire opposée à la fracture est positionné face à La pression de condensation des matériaux d’obturation doit
la découpe osseuse. Le résultat espéré de cette disposition est être minutieusement contrôlée. Des fouloirs à condensation
la cicatrisation des deux surfaces [142, 143]. Beaucoup de ces pro- latérale et verticale plus flexibles et moins fuselés doivent être
positions sont irréalisables et n’ont pas prouvé leur efficacité à choisis parce qu’ils sont moins dangereux que les fouloirs à
146 long terme. Les réparations chirurgicales comme l’extraction main conventionnels qui sont plus rigides [108, 110, 147, 148]. Les
Fractures dentaires longitudinales 8
tenons fragilisent les racines et ils ne doivent pas être pres- de butée d’enfoncement ou de collier pour assurer la stabilité
crits, à moins de servir de fondation pour une restauration (voir axiale de la prothèse sur la racine [29–32, 151–153]. Tout tenon doit
chapitre 17) [149]. Les tenons conçus pour réduire au maximum autant que faire se peut être le plus petit possible, s’adapter pas-
les contraintes et la fracture dentinaire ont pour propriété d’être sivement, ne pas se bloquer ou ne pas s’agripper à l’intérieur
flexibles (fibres de carbone) ou cylindriques préformés [102, 128, 150], des racines au moyen d’un filetage [102]. Le scellement doit être
bien que ces dispositifs ne conviennent pas à tous les projets minutieux et lent ; une rainure d’échappement du ciment est
de restauration. Les tenons coulés ou certains tenons fuselés probablement utile. Choisir un tenon plus susceptible de se
préformés sont nécessaires. Leur forme peut transmettre des fracturer que la dent (et se prêtant à de multiples procédures de
forces à effet de coin entraînant un fractionnement immédiat ou réparation) est certainement plus bénéfique pour le maintien
des tensions dans le tissu dentinaire, en particulier en l’absence de la dent naturelle dans la bouche.
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149
9 Anesthésie locale
CHAPITRE
PLAN DU CHAPITRE
OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE
Après avoir lu ce chapitre, l’étudiant devrait être capable : 7. De justifier l’utilisation des méthodes de complément
1. D’expliquer pourquoi l’appréhension et l’anxiété, pour obtenir l’anesthésie de la pulpe au cas où
la fatigue et l’inflammation tissulaire créent des difficultés l’anesthésie normale et les méthodes d’infiltration
pour obtenir une anesthésie profonde. échouent.
2. De définir le seuil douloureux et les facteurs qui l’affectent. 8. De donner un aperçu des techniques d’infiltration
3. De décrire les techniques de préparation du patient osseuses, du ligament parodontal et des injections
qui facilitent l’obtention d’une anesthésie adéquate. intrapulpaires.
4. D’énoncer les techniques qui aident à réduire la douleur 9. D’expliquer comment obtenir l’anesthésie en cas
pendant l’infiltration de la solution anesthésique. de pathologies spécifiques pulpaires et péri-apicales :
5. De décrire l’approche de « routine » de l’anesthésie locale pulpite irréversible symptomatique, nécrose
conventionnelle ; quand et comment la réaliser. pulpaire symptomatique, nécrose pulpaire
6. De décrire les circonstances qui créent des difficultés asymptomatique, et pendant les interventions
pour obtenir une anesthésie profonde avec des techniques chirurgicales.
conventionnelles.
Quand une dent être extraite parce qu’elle est lâche ou dentistes : comment atteindre un niveau d’anesthésie adéquat
douloureuse, le nez du patient doit être frictionné avec du pour garantir le confort des patients pendant les interventions
sucre brun, du lierre et de l’huile verte ; il lui est conseillé endodontiques ? L’obtention d’une anesthésie profonde en
de retenir son souffle, puis une pierre est calée entre ses endodontie est parfois difficile et constitue un défi à rele-
dents et il doit fermer la bouche. La quantité de liquide à ver. Beaucoup de patients évoquent leurs souvenirs vivaces
l’origine de sa douleur qui s’écoule de sa bouche est telle (souvent valables) de leurs expériences douloureuses. Bien que
qu’elle remplit trois pots ; après avoir nettoyé le nez avec les techniques anesthésiques de routine soient généralement
de l’huile pure, rincé la bouche avec du vin, la dent a cessé efficaces en dentisterie restauratrice, les interventions en endo-
d’être douloureuse et elle peut être aisément extraite. dontie présentent des situations singulières qui demandent des
Scribonius, 47 après J.-C. techniques de complément et des approches spéciales.
Cette citation expose une méthode d’obtention de l’anesthé- LES FACTEURS AFFECTANT L’ANESTHÉSIE
sie des dents décrite par Scribonius il y a quelque 2000 ans. EN ENDODONTIE
Il était convaincu qu’il était possible d’exécuter des extrac-
tions dentaires indolores en mettant en œuvre une technique Des considérations émotionnelles, ajoutées aux modifications
d’apparence assez rudimentaire d’anesthésie par compres- des tissus, nuisent à l’efficacité de l’anesthésie [1]. Un patient
150 sion. Ce souci reste toujours constant de nos jours pour les psychologiquement désemparé qui souffre d’une inflammation
Anesthésie locale 9
pulpaire ou péri-apicale présente un seuil douloureux inférieur PRÉPARATION INITIALE
au seuil physiologique (c’est-à-dire que moins de stimulus
provoque la douleur) [2]. De plus, le nerf trijumeau, qui fournit La phase précoce du traitement est la plus importante. Si le
l’innervation sensitive primaire des structures orales, est une patient est bien préparé et si les techniques d’anesthésie sont
entité complexe. La connaissance de ces paramètres, plus que utilisées avec douceur, le seuil de perception douloureuse
les caractéristiques anatomiques, aide le clinicien à réussir s’élèvera. L’anesthésie aura plus de chance d’être obtenue et
une anesthésie efficace. le patient sera moins craintif et plus coopératif.
Fig. 9.1 A. Dispositif de distribution de solution anesthésique contrôlé par ordinateur. Noter l’assemblage de la pièce à main
et du microtube. B. La pièce à main spécialisée et l’aiguille peuvent être utilisées dans la majorité des situations. (Remerciements
152 à Milestone Scientific, Inc., Livingston, N.J.)
Anesthésie locale 9
Traitement médicamenteux de complément
Les patients anxieux peuvent bénéficier de la sédation
consciente (par voie orale, par inhalation ou par voie intra-
veineuse). Cependant, même avec la sédation consciente,
une anesthésie locale profonde est requise pour que le traite-
ment de canal soit complètement indolore [38–40]. L’adminis-
tration de MEOPA (mélange équimolaire oxygène-protoxyde
d’azote) aide à réduire l’intensité douloureuse pendant le
traitement des patients présentant une pulpite irréversible [39].
Le contrôle de l’anxiété et des moyens utilisés seront évoqués
au chapitre 10.
ANESTHÉSIE MANDIBULAIRE
POUR LA DENTISTERIE RESTAURATRICE
Les vasoconstricteurs sont aussi généralement sans Tentatives alternatives pour améliorer
danger. Il a été mentionné que les vasoconstricteurs la réussite de l’anesthésie
devraient être évités chez les patients hypertendus (plus de Augmenter le volume de la solution
200 mmHg de systolique ou 115 mmHg de diastolique), et L’augmentation du volume de la solution anesthésique d’une
chez les patients atteints d’arythmie cardiaque, de mala- ou de deux cartouches n’améliore pas le succès de l’anesthé-
dies cardiovasculaires sévères, d’angine instable ou les sie du nerf alvéolaire inférieur [44, 45, 53, 54].
patients qui ont souffert d’un infarctus du myocarde ou
d’accident vasculaire cérébral il y a moins de 6 mois [14]. Augmenter la concentration d’adrénaline
Ces états sont des contre-indications aux anesthésies de Une concentration d’adrénaline portée à 1:50 000 n’améliore
routine. Les patients traités avec des antidépresseurs, des pas l’anesthésie du nerf alvéolaire inférieur [54, 55].
agents bêta-bloquants non sélectifs, des médicaments pour
le traitement de la maladie de Parkinson et ceux prenant Les solutions alternatives
de la cocaïne sont des patients à risque [14, 44] ; pour ces Mépivacaïne à 2 % avec 1:20 000 d’alpha
patients, l’infiltration d’une solution de mépivacaïne pure méthyl noradrénaline, prilocaïne à 4 %
(carbocaïne à 3 %) sera utilisée pour anesthésier le nerf avec 1:200 000 d’adrénaline, et solutions
alvéolaire inférieur. sans vasoconstricteurs (mépivacaïne
à 3 % et prilocaïne à 4 %)
Facteurs associés à l’anesthésie du nerf En tant que solutions alternatives, la mépivacaïne à 2 % avec
alvéolaire inférieur 1:20 000 d’alpha méthyl noradrénaline, la prilocaïne à 4 %
Bien que l’anesthésie du nerf alvéolaire inférieur soit la avec 1:200 000 d’adrénaline, et des solutions sans vasocons-
méthode la plus courante pour anesthésier les dents mandibu- tricteurs (mépivacaïne à 3 % et prilocaïne à 4 %) sont équi-
laires, il n’en reste pas moins vrai que de nombreux échecs lui valentes à la lidocaïne à 2 % avec 1:100 000 d’adrénaline
sont associés [44]. Les paragraphes suivants évoquent les signes en anesthésiant la pulpe pendant une heure environ après le
attendus d’une anesthésié réussie (ou ratée) après l’infil- blocage du nerf alvéolaire inférieur [48, 51].
tration d’une cartouche de lidocaïne à 2 % avec 1:100 000
d’adrénaline. Articaïne à 4 % avec adrénaline
pour l’anesthésie du nerf alvéolaire inférieur
Lèvre engourdie L’articaïne est un agent anesthésique local efficace et sans
L’engourdissement de la lèvre se produit généralement 4 danger [56–65]. L’articaïne est réputée améliorer l’effet anes-
à 6 minutes après l’injection [44–51]. Ce phénomène signi- thésique [66]. Cependant, des essais cliniques n’ont pas prouvé
fie uniquement que l’injection a bloqué l’innervation de une quelconque supériorité de cette molécule par rapport à
la lèvre et pas nécessairement celle de la pulpe [44–54]. Si la la lidocaïne pour anesthésier le nerf alvéolaire inférieur [61, 64].
lèvre n’est pas engourdie, l’anesthésie a échoué ; et si cela L’articaïne, comme la prilocaïne, comporte un risque poten-
se produit fréquemment, la technique d’injection devra être tiel de causer des neuropathies [67]. Certains auteurs ont trouvé
repensée. une incidence de paresthésies (de la lèvre et/ou de la langue)
associées à l’articaïne et la prilocaïne supérieure à celles
Anesthésie des tissus mous observées avec la lidocaïne ou la mépivacaïne [67–69]. D’autres
L’absence de réponse de la muqueuse ou de la gencive à la auteurs n’ont pas trouvé d’incidence supérieure en utilisant
piqûre d’une sonde pointue ne signifie pas que la pulpe est l’articaïne [70]. Cependant, compte tenu de l’absence de diffé-
anesthésiée [44–54]. rence entre l’articaïne et la lidocaïne pour anesthésier la pulpe
dentaire en bloquant le nerf alvéolaire inférieur, et que certains
Début de l’anesthésie de la pulpe avocats ont connaissance de l’association de l’articaïne avec
L’anesthésie pulpaire se manifeste généralement au bout les paresthésies, il semble raisonnable de limiter l’usage de
de 5 à 9 minutes pour les molaires et les prémolaires et 14 l’articaïne aux infiltrations locales et de s’abstenir de bloquer
à 19 minutes pour les dents antérieures [44–54]. Chez certains ainsi le nerf alvéolaire inférieur.
patients, l’anesthésie se manifeste plus tôt et chez d’autres,
elle peut être retardée [44–54]. Anesthésiques agissant plus longuement
Des essais cliniques ont été conduits en chirurgie buccale, en
Durée endodontie et en parodontie pour évaluer le temps d’action de
La durée de l’anesthésie pulpaire à la mandibule est très la bupivacaïne et de l’étidocaïne [71–74]. Ces molécules sont utili-
importante [44–54]. Bien exécutée, elle peut durer environ sées pour prolonger le temps de l’effet anesthésique et elles sont
2 heures 30 minutes (mais pas toujours) [52]. indiquées pour anticiper des complications douloureuses post-
opératoires. Cependant, certains patients refusent l’inconfort
Réussite prolongé de l’engourdissement de la lèvre [72]. Pour ces patients,
L’incidence de la réussite de l’anesthésie des dents man- un médicament analgésique peut être prescrit. Comparative-
dibulaires tend à être supérieure pour les molaires et les ment à la lidocaïne, la bupivacaïne débute son effet un peu plus
prémolaires et inférieure pour les dents antérieures [44–54]. tardivement et l’anesthésie de la pulpe à la mandibule dure deux
L’anesthésie pulpaire n’est pas totale chez tous les patients fois plus longtemps (environ 4 heures) [52].
tant que le nerf alvéolaire inférieur n’est pas clinique-
ment bloqué (c’est-à-dire tant que le menton et la lèvre Lidocaïne tamponnée
ne sont pas engourdis). Dans de tels cas, d’autres approches La lidocaïne tamponnée avec du bicarbonate de sodium
154 sont requises. augmente le pH de la solution anesthésique. En médecine,
Anesthésie locale 9
il a été prouvé que tamponner la lidocaïne réduit la douleur
pendant l’injection [75, 76]. En dentisterie, quelques études [77–80]
ont trouvé que la lidocaïne tamponnée diminue la douleur
et accélère la survenue de l’effet anesthésique. Cependant,
d’autres études [81, 82] contredisent les résultats précédents
quand il s’agit d’anesthésier le nerf alvéolaire inférieur
avec la lidocaïne tamponnée. Il existe un produit tampon
commercialisé disponible (On Pharma®, Los Gatos, Califor-
nie), mais aucune étude n’a été publiée dans des revues à
comité de lecture ; des études futures sont nécessaires
pour établir les preuves sur l’effet tampon et l’anesthésie
régionale.
Les méthodes pour augmenter la réussite parce que la durée du maintien de l’anesthésie de la pulpe
de l’anesthésie du nerf alvéolaire inférieur n’est pas aussi longue que celle des tissus mous [44, 126–134].
Infiltrations d’articaïne après l’anesthésie
du nerf alvéolaire inférieur Succès
Il est important de noter que l’infiltration d’articaïne pour anesthé- Le taux d’incidence de l’infiltration évoquant un succès de
sier la première molaire, les prémolaires et les dents antérieures en l’anesthésie pulpaire est assez élevé (87 % à 92 % environ)
[11, 44, 126–134]
complément de l’anesthésie du nerf alvéolaire inférieur maintient . Cependant, certains patients peuvent ne pas être
l’anesthésie pulpaire pendant une heure environ [102, 119, 120]. En ce anesthésiés parce qu’ils présentent des variations dans la
qui concerne la seconde molaire, la réussite demande un complé- réponse aux molécules administrées, ou bien à cause de fac-
ment intraosseux ou une infiltration du ligament parodontal. teurs opérateur-dépendants ou de variations anatomiques, en
plus de la localisation des dents.
Infiltration intraosseuse après l’anesthésie
du nerf alvéolaire inférieur Début de l’anesthésie pulpaire
Des injections de complément intraosseuses de lidocaïne et de L’anesthésie pulpaire est habituellement ressentie dans les 3 à
mépivacaïne avec des vasoconstricteurs permettent un début 5 minutes suivant l’infiltration [44, 126–134].
rapide et une réussite accrue de l’anesthésie du nerf alvéolaire
inférieur pendant une heure environ [121, 122]. L’utilisation de Durée de l’anesthésie pulpaire
mépivacaïne à 3 % sans vasoconstricteurs anesthésie la pulpe La durée de l’anesthésie pulpaire représente un problème
pendant 30 minutes environ [123]. avec l’infiltration maxillaire [44, 126–134]. L’anesthésie pulpaire
des dents antérieures décline après 30 minutes environ, suivie
Infiltration du ligament parodontal de la perte quasi totale de l’anesthésie en 60 minutes envi-
après l’anesthésie du nerf alvéolaire inférieur ron [44, 126–134]. Avec les prémolaires et les premières molaires,
Des injections complémentaires du ligament parodontal de l’anesthésie pulpaire est bonne pendant 40 à 45 minutes envi-
lidocaïne à 2 % avec 1:100 000 d’adrénaline augmentent le ron avant de décliner [44, 126–134]. Une infiltration d’anesthésique
succès de l’anesthésie du nerf alvéolaire inférieur, mais la local supplémentaire doit être administrée en fonction de la
durée n’est que de 23 minutes environ [124]. durée de l’intervention et du type de dent affecté.
Fig. 9.7 Technique d’injection intraosseuse. A. Localisation et angulation du trépan. B. Le trépan passe la corticale osseuse
pour pénétrer l’espace osseux médullaire.
Fig. 9.8 A. L’aiguille est insérée directement dans la perforation. B. L’anesthésique est injecté dans l’os médullaire, où il diffuse
158 largement pour anesthésier les nerfs dentaires.
Anesthésie locale 9
Fracture du trépan
Il est rare que le trépan se sépare de son noyau en plastique. Si
cela se produisait le trépan serait aisément extrait avec une pince
hémostatique ; cet incident n’a pas été rapporté [121–123, 147–149]. Fig. 9.10 A. Le tissu muqueux et l’os ont été perforés, et
maintenant, le trépan sert de guide cylindrique. B. L’aiguille
Inconfort créé par l’injection anesthésique est en place dans le guide cylindrique.
L’anesthésie intraosseuse provoque une douleur qui dure
le quart du temps de l’injection primaire nécessaire pour Début de l’anesthésie pulpaire
l’obtenir [148–150]. Quand l’injection est supplémentaire, L’effet anesthésique de l’injection intraosseuse est immédiat
[121–123, 147–149, 151, 152]
un moins grand nombre de patients ressentent la douleur .
[121–123, 151, 152]
.
Succès
Sélection du site de la perforation Lorsqu’une injection intraosseuse est utilisée en complément
L’anesthésie intraosseuse est la meilleure si le site de la per- d’une anesthésie du nerf alvéolaire inférieur chez des patients
foration est distal par rapport à la dent concernée [121–123, 147– non douloureux, le taux de succès est très bon [121, 122].
149, 151, 152]
. La deuxième molaire est une exception ; le site
préférentiel est mésial [121–123, 147–149, 151, 152]. Échec
Si la solution anesthésique jaillit hors de la perforation (jet
Molécules anesthésiques en retour) avec une injection intraosseuse, l’effet anesthésique
Chez des patients non douloureux, l’anesthésie intraosseuse sera nul [147]. Il faudra soit perforer de nouveau, soit choisir un
de complément à l’anesthésie du nerf alvéolaire inférieur avec autre site de perforation.
une solution de lidocaïne à 2 % avec 1:100 000 d’adréna-
line ou de mépivacaïne à 2 % avec 1:20 000 d’alpha méthyl Durée
noradrénaline a été rapportée comme très efficace [121, 122]. La La durée de l’anesthésie pulpaire décline sans interruption
bupivacaïne à 0,5 % avec 1:200 000 d’adrénaline est moins dans l’heure suivant l’injection intraosseuse primaire [148, 149].
avantageuse que la lidocaïne parce que c’est une molécule qui La durée est encore plus courte avec la mépivacaïne à 3 %
a la propriété de garantir une anesthésie pendant longtemps, comparée à la lidocaïne à 2 % avec 1:100 000 d’adrénaline [149].
ce qui produit des réactions indésirables de l’appareil cardio- Il a été montré qu’une injection intraosseuse de complément
vasculaire [153] ; mais la durée de l’anesthésie de la pulpe est après l’anesthésie du nerf alvéolaire inférieur chez des patients
insuffisante. La mépivacaïne à 3 % est efficace, mais la durée non douloureux produisait une anesthésie pulpaire très bonne
de l’anesthésie de la pulpe est encore plus courte [123]. pendant une heure [121, 122]. Une autre étude a montré une durée 159
9 ENDODONTIE
plus courte de l’anesthésie pulpaire avec une solution de la crête osseuse). Une pression importante est appliquée
mépivacaïne à 3 % utilisée comme injection intraosseuse de lentement sur la seringue conventionnelle pendant 10 à
complément [123]. 20 secondes, ou bien la cible est lentement comprimée
une ou deux fois en pressant sur la seringue comme s’il
Douleur postopératoire et complications s’agissait de résister contre la résistance de la cible. La
La majorité des patients ne rapportent pas de douleur post- pression en retour est importante. Si cette résistance était
opératoire ou, si tel était le cas, la douleur est légère, suite absente – autrement dit, si le liquide s’écoulait en dehors
à l’anesthésie intraosseuse de complément primaire [121– du sulcus –, l’aiguille devrait être repositionnée et la tech-
123, 147–149, 151, 152]
. Moins de 5 % d’entre eux développent un nique reprise en sorte de ressentir cette pression en retour.
exsudat et/ou une tuméfaction localisée, dus probablement Ensuite, l’injection est répétée sur la face distale. Seul un
à une surchauffe pendant la perforation osseuse [121–123, 147– petit volume de solution anesthésique (0,2 ml environ)
149, 151, 152]
. sera déposé sur chaque surface.
Fig. 9.11 Injection intraligamentaire. A. Insertion de l’aiguille avec les doigts pour éviter de la déformer. B. Une pince
hémostatique peut leur être substituée pour maintenir et diriger l’aiguille. L’injection peut être exécutée avec ou sans la digue.
C. Noter la direction et la position de l’aiguille (flèches). L’extrémité de l’aiguille sera insérée entre la crête osseuse et la surface
radiculaire. D. Angle que fait l’axe de l’aiguille avec le grand axe de la dent (à gauche). Avec une orientation de 30 degrés environ,
l’extrémité de l’aiguille sera positionnée proche du milieu de la racine.
Inconfort postopératoire sur les dents impossible parce que cette injection anesthésie aussi les dents
asymptomatiques adjacentes [161–163].
Quand une injection du ligament parodontal est primaire, des
douleurs postopératoires sont ressenties par un tiers à trois Effets systémiques
quarts des patients, pendant une durée de 14 heures à 3 jours Bien que certains auteurs [171] aient attribué une augmentation
[63, 124, 161–163, 168, 169]
. Il n’y a aucune différence dans le ressenti du rythme cardiaque à l’injection du ligament parodontal,
que ce soit avec l’articaïne et la lidocaïne [63]. Cet inconfort des études chez l’homme ont montré que ces injections ne
est lié à la lésion provoquée par l’aiguille plutôt que par la causent pas de changements significatifs sur le rythme car-
pression exercée sur celle-ci pour déposer la solution anes- diaque [169, 172].
thésique [168]. Un tiers des patients environ déclarent que leur
dent est « plus haute que les autres ». Autres facteurs
Quel que soit leur calibre (25, 27, ou 30 G), les aiguilles sont
Anesthésie sélective également efficaces pour réussir les injections du ligament
Cette injection est inutile pour établir un diagnostic, bien parodontal [173]. Des seringues spéciales à pression contrôlée
qu’il ait été suggéré que l’injection du ligament parodontal conçues pour ce type d’injection (fig. 9.15) n’ont pas prouvé
pouvait être utilisée à cet effet pour localiser la cible d’une une efficacité supérieure à celle des seringues normales
pulpite irréversible présentant une douleur irradiée [170] ; c’est [162, 163, 173]
. 161
9 ENDODONTIE
Fig. 9.13 Une injection intraligamentaire au noir de carbone Fig. 9.14 Une injection de colorant a été réalisée dans le ligament
adjacente à la dent d’un chien montre la distribution des particules parodontal, sur la face distale. Cette coupe frontale de l’apex
du colorant. Les particules sont concentrées au site de l’injection (I) dentaire et les tissus qui l’entourent montre que le colorant diffuse
et dans l’os médullaire (OM), Le foramen apical (AF) et la pulpe (P) dans la pulpe (P), dans l’espace du ligament parodontal (LP),
de la dent injectée. Les particules de colorant se sont éparpillées l’espace médullaire osseux (OM) et le canal mandibulaire (CM).
dans tout le ligament parodontal (LP) de la dent injectée et des dents Cette distribution de solution anesthésique largement étendue
162 adjacentes. peut anesthésier les dents adjacentes.
Anesthésie locale 9
Lésions de la pulpe
Des études cliniques et animales ont montré l’absence d’effets
indésirables sur la pulpe suivant l’injection du ligament
parodontal [161–163, 181, 182]. Cependant, des changements phy-
siologiques de la pulpe se produisent, comprenant un ralen-
tissement marqué, rapide et prolongé du flux sanguin causé
par l’adrénaline [183]. Cette diminution du flux n’a pas mis en
évidence des effets destructeurs, même en concomitance avec
des interventions restauratrices [184]. L’injection du ligament
parodontal n’induit pas de lésion pulpaire sévère, bien que
cela n’ait pas été étudié pour les préparations restauratrices
étendues (couronnes prothétiques) ou dans le cas du traite-
ment des lésions carieuses.
Fig. 9.15 Exemple d’une seringue spéciale utilisée pour l’injection Lésions des dents temporaires
intraligamentaire. Bien que cet instrument soit capable d’injecter Des hypoplasies mineures ont été observées sur l’émail des
avec plus de pression, il n’a pas prouvé d’efficacité supérieure dents de remplacement après l’injection du ligament parodon-
à celle des seringues habituelles. tal sur des dents temporaires [185]. Cependant, cet effet était
plus provoqué par la cytotoxicité de l’anesthésie locale que
par l’injection en tant que telle. Par conséquent, cette injection
peut être utilisée pour anesthésier des dents temporaires.
Précautions
L’injection du ligament parodontal est totalement contre-
indiquée en cas de pulpe nécrosée, de pathologies périradicu-
laires, de cellulites ou d’abcès. Cette injection est à la fois très
douloureuse et sans effet anesthésique profond.
membrane nerveuse [14]. Par conséquent, l’anesthésie ne peut souffrant de pulpites irréversibles ont retrouvé un taux de suc-
pas être complète à cause de la réduction ionique de la solu- cès de cette anesthésie compris entre 54 % et 88 % [186, 198, 199].
tion par rapport à celle de la membrane nerveuse dont le pH Certains auteurs ont noté une différence entre l’articaïne et
est neutre. Bien que cette théorie soit valide pour des régions la lidocaïne [200] ; d’autres, aucune différence [199, 201, 202].
tuméfiées, elle n’explique pas les difficultés de l’anesthésie
rencontrées à la mandibule [44]. Elle n’explique pas le pro- Pulpite irréversible asymptomatique versus
blème majeur, à savoir que l’anesthésie du nerf alvéolaire pulpite irréversible symptomatique
inférieur n’est pas efficace en cas de pulpite atteignant une Les patients qui ressentent une douleur spontanée (pulpite irré-
molaire mandibulaire. Le site de l’injection est distant de versible symptomatique) présentent un taux de succès de l’anes-
l’inflammation ; la baisse du pH du tissu pulpaire n’est pas thésie du nerf alvéolaire inférieur supérieur à celui des patients
liée à un problème de solution anesthésique. qui ne ressentent aucune douleur spontanée ou qui ne ressen-
4. Hyperalgésie. Les changements des voies de la nociception tent une douleur que si elle est provoquée (pulpite irréversible
(récepteurs de la douleur) sont une explication plus plausible. asymptomatique) [203]. Il est important de distinguer ces patients
Cette théorie énonce que le potentiel de repos des fibres ner- pour évaluer le succès, car celui-ci diffère d’un cas à l’autre.
veuses débouchant dans les tissus enflammés est altéré et
que le seuil d’excitabilité est abaissé. Ces modifications ne
sont pas restreintes au site de l’inflammation pulpaire, mais TECHNIQUES DE COMPLÉMENT
elles affectent aussi l’intégrité de la membrane neuronale, en POUR L’ANESTHÉSIE DES DENTS
s’étendant vers le système nerveux central [5, 6]. Les solutions MANDIBULAIRES EN ENDODONTIE
d’anesthésie locale ne suffisent pas à empêcher la transmis-
sion de l’impulsion nociceptive, permettant que ces seuils Infiltration vestibulaire d’articaïne
d’excitabilité soient très abaissés [5]. de complément
5. Appréhension. Les patients douloureux sont souvent anxieux Si l’infiltration d’articaïne est efficace en dentisterie restau-
et présentent un seuil abaissé de ressenti de la douleur. Un ratrice en tant que technique de complément (après l’anesthé-
cercle vicieux s’installe : l’appréhension initiale abaisse le sie du nerf alvéolaire inférieur), elle ne permet pas d’obtenir
seuil de ressenti de la douleur, se traduisant par des difficul- une anesthésie profonde en endodontie [146, 190, 191, 196]. De
tés d’anesthésie qui, elles-mêmes, accroissent l’appréhen- même, une infiltration vestibulaire de lidocaïne est ineffi-
sion du patient qui va perdre contrôle et confiance et ainsi cace [197]. Ni l’infiltration vestibulaire seule, ni l’infiltration
de suite. Par conséquent, si ce cycle devient manifeste, le vestibulaire et linguale seules ou en complément de l’anes-
praticien doit arrêter le traitement immédiatement et rega- thésie du nerf alvéolaire inférieur ne réussissent à obtenir
gner le contrôle du patient et de la situation, soit en pro- une anesthésie pulpaire profonde [194, 197, 204, 205].
posant un nouveau rendez-vous, soit en orientant le patient Par conséquent, l’injection intraosseuse ou celle du liga-
vers un endodontiste. La majorité des patients endurent une ment parodontal sont préférées. L’injection intrapulpaire est
certaine douleur pendant les étapes initiales du traitement de réservée à certaines situations endodontiques singulières.
canal s’ils ont confiance en leur praticien. Néanmoins, ils ne
toléreront pas toujours d’être blessés de manière répétitive ! Injections intraosseuses de complément
6. Temps insuffisamment alloué après l’injection. Le dentiste Le taux de réussite des injections intraosseuses de complé-
ne laisse pas suffisamment de temps pour que la diffusion de ment en cas de pulpites irréversibles est élevé (90 % environ)
[186, 190, 191, 206]
l’anesthésique bloque les fibres sensitives. La survenue . Il n’existe pas de différence entre la lidocaïne et
de l’anesthésie peut être très lente, particulièrement quand l’articaïne [206]. La mépivacaïne à 3 % donne un taux de 80 %
il s’agit d’anesthésier le nerf alvéolaire inférieur. de succès et atteint 98 % avec une seconde injection du même
produit [187].
Succès de l’anesthésie du nerf alvéolaire Même si certaines études [207, 208] ont suggéré que les injec-
inférieur en cas de pulpite irréversible tions intraosseuses seules pouvaient anesthésier des patients
symptomatique souffrant de pulpite irréversible, il est douteux que le taux de
Les études cliniques faites sur des molaires mandibulaires pos- succès soit bon [186, 190, 191, 195].
térieures chez des patients souffrant de pulpites irréversibles
symptomatiques ont retrouvé un taux de succès de l’anes- Injections du ligament parodontal
thésie du nerf alvéolaire inférieur compris entre 15 et 57 % de complément
[38–40, 61, 186–197]
. L’articaïne n’est pas supérieure à la lidocaïne Les injections du ligament parodontal de complément ne sont
dans ce groupe de patients [61, 192]. pas aussi efficaces que les injections intraosseuses [146, 209].
Certains auteurs ont suggéré que le volume de deux car- Par exemple, le taux de succès de l’injection du ligament
touches est meilleur que celui d’une cartouche [195]. D’autres parodontal assisté par un dispositif de distribution de solu-
études réalisées avec un volume de deux cartouches contredi- tion anesthésique contrôlé par ordinateur (voir fig. 9.1) est
sent cette suggestion et ont trouvé la même efficacité qu’avec de 50 % environ chez les patients atteints d’une pulpite irré-
une seule cartouche [38, 191, 196]. versible [210]. D’autres auteurs ont rapporté des taux de succès
s’échelonnant de 50 à 75 % des patients [146, 189]. La réinjection
Succès de l’infiltration anesthésique augmente le taux de succès [173, 189].
des molaires maxillaires atteintes
de pulpite irréversible Injection intrapulpaire de complément
Les études cliniques portant sur les infiltrations vestibulaires À côté des injections intraosseuses et de celles du liga-
164 sur des molaires maxillaires postérieures chez des patients ment parodontal de complément évoquées précédemment,
Anesthésie locale 9
l’injection intrapulpaire est utilisée quand les autres méthodes
ont échoué.
Indications
Après l’anesthésie du nerf alvéolaire inférieur, les injections
intraosseuses et celles du ligament parodontal ne permettent
pas toujours d’obtenir une anesthésie profonde de la pulpe,
même si elles ont été répétées, et la douleur persiste dès qu’un
instrument de canal la pénètre. Dans ces conditions, l’injection
intrapulpaire est indiquée. Cependant, cette technique ne doit
être mise en œuvre que si les autres approches ont été tentées,
car la manœuvre de l’anesthésie intrapulpaire en elle-même
est très douloureuse. En effet, les autres tentatives élèvent le
seuil de sensibilité douloureuse et rendent la manœuvre plus
supportable.
Avantages et inconvénients
Bien que l’injection intrapulpaire soit relativement répandue,
elle comporte autant d’avantages que d’inconvénients, qui en
font le choix ultime d’injection de complément. L’inconvé-
nient principal réside dans le fait que l’aiguille est insérée à
l’intérieur d’une pulpe vivante très sensible ; de fait, cette
insertion provoque une douleur exquise. De plus, les effets de
l’injection sont imprévisibles si l’injection n’est pas réalisée
sous pression. Dès que l’anesthésie est obtenue, sa durée est
courte (5 à 15 minutes). Par conséquent, la masse totale du
tissu pulpaire doit être extraite très rapidement à la longueur
de travail correcte pour prévenir une douleur récurrente pen-
dant la préparation du canal. La pulpe doit être exposée avant
de procéder à l’injection, ce qui est un autre inconvénient ;
bien souvent, les problèmes avec l’anesthésie se posent avant
l’exposition de la pulpe.
L’avantage réside dans la profondeur prévisible de l’anes- Fig. 9.17 Technique de l’injection intrapulpaire. A. Une courbure
thésie quand l’injection est réalisée en contre-pression. L’anes- à 45 degrés est positionnée sur l’aiguille. Pour boucher le site
de l’injection, une boulette de coton est poussée sur la pointe de
thésie est immédiate et aucune aiguille spéciale n’est requise,
l’aiguille et l’aiguille est placée dans l’ouverture de la cavité pulpaire
bien que des manœuvres différentes soient nécessaires pour (le patient est informé d’un inconfort certain !). B. La boulette de
atteindre la contre-pression désirée. coton est bourrée avec précaution et est maintenue sur l’ouverture
de la cavité pulpaire ; ensuite, la seringue est poussée lentement. Le
Mécanisme d’action patient ressent souvent une douleur aiguë et résiste à l’enfoncement
Une forte contre-pression est le facteur principal d’obtention de l’aiguille, ce qui indique le succès de l’anesthésie.
de l’anesthésie [211, 212]. Le dépôt passif de la solution anes-
thésique dans la chambre pulpaire est inadéquat ; la solution
ne diffusera pas dans tout le tissu pulpaire. Par conséquent, courbée. L’aiguille est positionnée dans l’ouverture du canal
l’agent anesthésique, à lui seul, ne contribue pas totalement en la maintenant avec les doigts pour éviter sa déformation ;
à l’anesthésie ; son action dépend de la pression exercée pen- ensuite, elle est déplacée dans le canal, en même temps que
dant l’injection. l’anesthésie est exprimée lentement, jusqu’au point de contact.
Une pression maximale est ensuite appliquée lentement sur la
Technique seringue pendant 5 à 10 secondes. Si la contre-pression est
Le patient doit être informé qu’une « petite anesthésie sup- absente, la solution anesthésique s’échappe par l’ouverture.
plémentaire » lui assurera un meilleur confort et qu’il va res- L’aiguille est ensuite enfoncée plus profondément, ou bien
sentir une « douleur aiguë » au moment de l’injection. elle est remplacée par une aiguille de calibre supérieur (ou
Une technique consiste à créer une contre-pression en bou- calfatée avec une boulette de coton) et l’injection est répétée.
chant l’ouverture de la cavité pulpaire avec une boulette de C’est nécessaire pour chaque canal.
coton pour empêcher un flux en retour de la solution anes-
thésique (fig. 9.17) [211, 212]. D’autres matériaux comme la gutta
percha, les cires, des pièces de digue ont été utilisés pour faire PRÉCAUTIONS ANESTHÉSIQUES DANS LE CAS
des bouchons. Si possible, le plafond de la chambre pulpaire DES PATHOLOGIES PULPAIRES ET PÉRI-APICALES
peut être pénétré par une fraise demi-ronde qui permet l’ajus-
tement de l’aiguille au trou de la fraise. Pulpite irréversible symptomatique
Une autre approche consiste à injecter chaque canal après la En cas de pulpite irréversible, les dents les plus difficiles à
perforation du plafond de la chambre pulpaire. Une seringue anesthésier sont les molaires mandibulaires, suivies dans
normale est généralement équipée avec une petite aiguille l’ordre des prémolaires mandibulaires et maxillaires, des 165
9 ENDODONTIE
molaires maxillaires, des dents antérieures mandibulaires et de complément. Si une douleur était ressentie pendant la
des dents antérieures maxillaires. La pulpe vivante enflam- préparation de la cavité d’accès, l’injection du ligament paro-
mée doit être débridée et extraite. Les tissus pulpaires sont dontal ou intraosseuse devrait être répétée, ou bien une injec-
aussi très richement innervés par des fibres sensitives, en tion intrapulpaire pourrait être réalisée si la pulpe est exposée.
particulier dans la chambre pulpaire. Ces facteurs, combinés Généralement, une fois que la pulpe a été extraite, les douleurs
avec d’autres liés aux effets de l’inflammation sur les fibres suivantes sont minimes, ce qui permet une plus longue durée
nerveuses sensitives et aux échecs des techniques convention- de l’anesthésie mandibulaire [47–52, 186].
nelles, donnent à l’anesthésie des patients souffrant de pulpite
irréversible douloureuse un caractère de défi à relever. Dents antérieures mandibulaires
Différentes situations cliniques présentent des surprises. L’anesthésie du nerf alvéolaire inférieur est réalisée pour les
Dans certains cas, les tissus de la chambre pulpaire sont dents antérieures mandibulaires. La dent est testée au froid.
nécrosés. Cela se traduit par l’absence de réponse aux tests au En cas de réponse négative, le praticien peut préparer la cavité
froid et aux tests électriques. Mais il arrive, dans ces cas, que d’accès ; si une douleur était ressentie, une anesthésie de
du tissu pulpaire vivant et enflammé subsiste uniquement dans complément intraosseuse serait administrée avant la prépara-
les canaux apicaux. Manifestement, dans cette situation, la tion de la cavité d’accès (l’anesthésie du ligament parodontal
pénétration dans la chambre pulpaire ne pose aucun problème n’est pas efficace pour les dents antérieures mandibulaires).
douloureux ; mais quand l’opérateur tente de positionner une Avant de procéder à l’anesthésie intraosseuse de complément,
lime précisément à la longueur de travail, le patient ressent il est conseillé de réaliser une anesthésie vestibulaire para-
une douleur intense. Dans ces conditions, les injections intra- apicale avec de l’articaïne à 4 % avec 1:100 000 d’adrénaline
ligamentaires et intraosseuses peuvent aider à résoudre ce pro- pour réduire la douleur pendant la mise en œuvre de l’anes-
blème ; et l’injection intrapulpaire peut être mise en œuvre. thésie de complément. Si une douleur était ressentie pendant
Cependant, il faudra différencier la pulpite irréversible de la la préparation de la cavité d’accès, l’injection intraosseuse
nécrose symptomatique accompagnée d’une image radiogra- devrait être répétée, ou bien une injection intrapulpaire peut
phique distincte d’abcès apical, parce que dans cette dernière être réalisée si la pulpe est exposée et si la douleur persiste.
situation, les injections intraligamentaires, intraosseuses et
l’injection intrapulpaire sont strictement contre-indiquées. Dents postérieures maxillaires
Les approches pour l’anesthésie des dents postérieures maxil-
Considérations générales laires sont identiques à celles qui ont été décrites dans les
Une anesthésie conventionnelle au moyen de techniques considérations générales à l’exception du doublement de la
primaires est administrée chez le patient, puis après l’instal- dose initiale (3,6 ml) de la lidocaïne à 2 % avec 1:100 000
lation des signes d’engourdissement des tissus mous, l’anes- d’adrénaline pour l’infiltration vestibulaire, et une infiltration
thésie se produit, la douleur s’estompe et le patient se détend. palatine pour placer le crampon de digue. La dent est testée
Cependant, il arrive souvent qu’au moment de la préparation au froid. En l’absence de réponse, le clinicien peut commen-
de la cavité d’accès ou de la pénétration des instruments dans cer à préparer la cavité d’accès ; en présence de réponse, une
la pulpe, le patient ressente une douleur parce que la tota- injection intraosseuse ou du ligament parodontal précédera la
lité des fibres sensitives n’a pas été anesthésiée. Il est utile préparation de la cavité d’accès. Si une douleur était ressentie
de prendre l’habitude de tester la pulpe de la dent avec le pendant la préparation de la cavité d’accès, l’injection intraos-
froid avant de commencer d’accéder dans la pulpe [186, 189]. seuse ou du ligament parodontal serait répétée. Dans certains
Si le patient répond, l’injection du ligament parodontal ou cas, l’injection intrapulpaire est nécessaire.
intraosseuse doit être réalisée. Mais l’absence de réponse La durée de l’anesthésie au maxillaire est inférieure à celle
n’assure pas une anesthésie complète [186, 189]. Le patient doit à la mandibule [126–134]. Par conséquent, si la douleur était res-
toujours être informé de l’arrêt immédiat d’une intervention sentie pendant les manœuvres instrumentales ou pendant
si une douleur est ressentie pendant le traitement, ou s’il y l’obturation, il faudrait répéter l’infiltration primaire et/ou
a « prémonition » d’une douleur imminente. Les injections prolonger les anesthésies de complément.
de complément appropriées seront ensuite mises en œuvre.
Parfois, toutes les tentatives échouent, et il est préférable de Dents antérieures maxillaires
placer une restauration temporaire et d’orienter le patient vers Pour les anesthésies des dents antérieures, la manœuvre
un endodontiste. débute par l’infiltration vestibulaire suivie parfois d’une infil-
tration palatine pour rendre la pose du crampon de digue
Dents postérieures mandibulaires plus confortable. La sensibilité de la dent est testée au froid.
Pour les dents postérieures mandibulaires, l’anesthésie du nerf En l’absence de sensibilité, le clinicien peut débuter la prépa-
alvéolaire inférieur est mise en œuvre, généralement accom- ration de la cavité d’accès ; dans le cas contraire, une injec-
pagnée d’une longue injection vestibulaire pour les molaires tion intraosseuse de complément précèdera la préparation
postérieures. La dent est testée avec le froid. Si le patient ne de la cavité d’accès (l’injection au ligament parodontal est
répond pas, le praticien peut exécuter la cavité d’accès ; dans inefficace [163]). La nécessité d’une injection intraosseuse
le cas contraire, si une douleur est ressentie à ce moment, est exceptionnelle. La durée de l’effet anesthésique peut être
l’injection du ligament parodontal ou intraosseuse devrait inférieure à une heure et peut demander une infiltration sup-
être réalisée avant la préparation de la cavité d’accès. Avant plémentaire [126–134].
de procéder à l’anesthésie intraosseuse de complément, il est
conseillé de réaliser une anesthésie vestibulaire para-apicale Nécrose pulpaire symptomatique
avec de l’articaïne à 4 % avec 1:100 000 d’adrénaline pour Les signes cliniques de la nécrose pulpaire symptomatique
166 réduire la douleur pendant la mise en œuvre de l’anesthésie comprennent la douleur et/ou une tuméfaction qui sont le
Anesthésie locale 9
résultat d’une inflammation péri-apicale. Compte tenu de ANESTHÉSIE POUR LES INTERVENTIONS
ce cadre biopathologique, les problèmes rencontrés pendant CHIRURGICALES
l’anesthésie sont différents. Ces dents peuvent être doulou-
reuses pendant les manœuvres du traitement. Incision pour le drainage
Pour les dents mandibulaires, la procédure indiquée est Les patients tolèrent mieux l’intervention quand l’anesthésie
l’anesthésie du nerf alvéolaire inférieur accompagnée d’une est présente avant l’incision et le drainage d’une tuméfac-
longue injection vestibulaire (pour les molaires). Pour les tion. Cependant, l’obtention d’une anesthésie profonde est
dents maxillaires, en l’absence de tuméfaction, la technique difficile, et cela doit être expliqué au patient. Pour les dents
d’anesthésie est conventionnelle. En présence de tuméfaction mandibulaires, la procédure indiquée est l’anesthésie du nerf
des tissus mous (cellulite ou abcès), l’infiltration est admi- alvéolaire inférieur accompagnée d’une longue injection ves-
nistrée de part et d’autre de la tuméfaction. Il arrive parfois tibulaire (pour les molaires, les prémolaires et les dents anté-
qu’une anesthésie régionale soit nécessaire. La préparation rieures). Pour les dents maxillaires, le site de l’infiltration doit
de la cavité d’accès doit débuter lentement. Habituellement, être mésial ou distal par rapport au site de la tuméfaction. En
l’insertion des instruments dans la chambre pulpaire ne cause cas de tuméfaction palatine, un petit volume de solution anes-
pas d’inconfort si la dent ne subit pas de forces de torsion thésique est infiltré vers le foramen grand palatin (pour les
excessives pendant l’utilisation des instruments rotatifs à dents postérieures) et vers le foramen nasopalatin (pour
grande vitesse. La manipulation et l’insertion des limes de les dents antérieures). Si la tuméfaction est proche d’un fora-
mise en forme doivent être douces pour que le traitement soit men, une infiltration latérale est recommandée.
indolore. L’injection directe dans une tuméfaction est contre-
Parfois, les injections conventionnelles ne produisent pas indiquée. Ces tissus enflammés sont hyperalgésiques et
une anesthésie adéquate. Les injections intraosseuses du difficiles à anesthésier. Une croyance populaire veut que
ligament parodontal et intrapulpaires sont contre-indiquées. l’inefficacité de la solution anesthésique s’explique par le
Bien qu’efficace pour les pulpes vivantes, cette procédure fait que son pH est inférieur à celui des tissus enflammés
est douloureuse et inefficace face à une pathologie apicale. et que l’injection directe contribue à « étendre » l’infection,
Il convient d’informer le patient qu’il est difficile d’obtenir ce qui n’a jamais été prouvé. Quoi qu’il en soit, les raisons
une anesthésie profonde en raison de l’inflammation osseuse. qui poussent à éviter l’injection dans une tuméfaction sont
Concernant les molaires maxillaires, l’alternative devant de la douleur exercée par la pression de la solution au moment
telles difficultés est l’anesthésie du nerf alvéolaire supérieur de l’injection et l’inefficacité de cette technique. Théorique-
et postérieur ou de la deuxième division du nerf trijumeau ment, l’irrigation sanguine de l’aire de la tuméfaction est
(position haute de la tubérosité). Concernant les dents anté- augmentée ; par conséquent, les molécules anesthésiques
rieures et les prémolaires, un certain degré d’anesthésie de sont transportées rapidement dans le système sanguin dont la
l’os et des tissus mous peut être obtenu par une injection circulation diminue les effets. De même, un œdème ou une
infra-orbitaire. purulence dilue la solution.
Chez les patients souffrant de douleur préopératoire intense
sans drainage par la dent (ou face à l’impossibilité d’inciser Chirurgie péri-apicale
une tuméfaction), une anesthésie à long terme (par exem- La majorité des interventions chirurgicales endodontiques
ple bupivacaïne) peut aider au contrôle de la douleur post- doivent être exécutées par un clinicien (endodontiste) dis-
opératoire des dents mandibulaires ; mais cette approche est posant d’un niveau de compétence avancé dans le domaine
moins efficace pour les dents maxillaires [127, 135]. La durée de des interventions chirurgicales, de connaissance de l’anatomie
l’analgésie à la mandibule par la bupivacaïne n’est générale- osseuse de la mandibule et du maxillaire, de l’utilisation des
ment pas assez longue ; la prescription d’analgésiques oraux technologies chirurgicales de grossissement, de la complexité
garantira le temps nécessaire pour prévenir l’inconfort post- de l’anatomie de la cavité pulpaire radiculaire et du fait des
opératoire [52]. avancées techniques de la microchirurgie de préparation et de
restauration rétrogrades.
Nécrose pulpaire asymptomatique Des compétences supplémentaires concernant la chirur-
Les dents asymptomatiques sont plus faciles à anesthésier. gie péri-apicale impliquent l’anesthésie des tissus mous et
Bien qu’il soit tentant de traiter ces dents sans anesthésie, du du tissu osseux. Généralement, l’inflammation est aussi
tissu vivant sensible (développement de tissu péri-apical dans présente dans ces cas. À la mandibule, l’anesthésie du nerf
le canal) peut être rencontré dans la portion apicale du canal, alvéolaire inférieur est raisonnablement efficace. Des infil-
ou bien l’insertion des limes peut engendrer une pression et trations vestibulaires supplémentaires achèveront utilement la
l’extrusion des liquides dans la région péri-apicale. vasoconstriction, en particulier dans la région antérieure de
Pour les dents mandibulaires, la procédure indiquée est la mandibule. Au maxillaire, l’infiltration locale et les anes-
l’anesthésie du nerf alvéolaire inférieur accompagnée d’une thésies régionales sont généralement efficaces, et des volumes
longue injection vestibulaire (pour les molaires) et une infil- plus importants sont nécessaires pour que l’effet anesthésique
tration pour les dents maxillaires. En général, le patient reste s’étende au-delà du champ de l’intervention chirurgicale.
confortable. L’injection intraosseuse ou intraligamentaire Le succès de l’anesthésie peut être compromis si le site
reste une exception compte tenu de la rareté des sensibilités de l’intervention est enflammé ou si le patient est anxieux.
dans ce tableau clinique. L’injection intrapulpaire est contre- De plus, l’efficacité de l’anesthésie chirurgicale diminue de
indiquée pour éviter la poussée des bactéries et des débris moitié par rapport à celle des interventions non chirurgicales.
dans la région péri-apicale. Les dents maxillaires pourraient L’élévation d’un lambeau et la trépanation osseuse diluent la
requérir une infiltration supplémentaire si le traitement se solution anesthésique dans le sang et le flux de l’irrigation
prolongeait. l’emporte [213]. 167
9 ENDODONTIE
L’utilisation de molécules anesthésiques agissant à long importante au moment de l’intervention [215]. L’infiltration de
terme a été défendue [14, 72, 214]. Cette proposition est raison- molécules anesthésique agissant à long terme a été proposée
nablement justifiée à la mandibule. Au maxillaire, compte après l’intervention chirurgicale [14]. Cependant, la douleur
tenu de la réduction de la concentration d’adrénaline de postopératoire est généralement peu intense et peut être traitée
ces solutions agissant à long terme, l’hémorragie est plus par des médicaments analgésiques [215].
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171
10 Les urgences
CHAPITRE
et leur thérapeutique
en endodontie
Paul D. Eleazer, Paul A. Rosenberg
PLAN DU CHAPITRE
OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE
Après avoir lu ce chapitre, l’étudiant devrait être capable : 7. De décrire les causes des signaux de l’urgence et leur
1. De reconnaître l’incidence des signaux de l’urgence. prise en charge.
2. De décrire les procédures diagnostiques appropriées 8. De reconnaître les facteurs anatomiques facilitant la
relatives aux urgences en endodontie. progression rapide de l’infection.
3. De décrire le contact initial et les problèmes de prise en 9. De reconnaître l’importance de l’anesthésie profonde.
charge avec les patients en urgence. 10. De décrire le rôle potentiel des facteurs prédisposants,
4. De décrire le rôle de l’équipe de soins pour distinguer une comprenant les facteurs génétiques, le sexe et
vraie urgence d’une fausse urgence. l’anxiété, dans l’exacerbation des signaux de
5. De reconnaître les catégories de signaux d’urgence : l’urgence.
avant le traitement, en interséance et après le traitement 11. De prescrire des médications préopératoires, peropératoires
endodontique. et postopératoires (par exemple anxiolytiques,
6. De dresser une nomenclature appropriée des catégories anesthésiques, anti-inflammatoires, analgésiques et
diagnostiques de l’état pathologique pulpaire et péri-apical. antimicrobiens) en cas d’urgence.
L
es urgences endodontiques représentent une part impor- explosif (flare-up) est souvent défini comme une douleur
tante et complexe de la pratique clinique. Le diagnostic insupportable et/ou une tuméfaction suivant un traitement
et le traitement corrects requièrent une connaissance endodontique qui requiert une séance non programmée et un
des pathologies de la pulpe et des tissus péri-apicaux et la traitement actif [7]. Les lésions traumatiques peuvent aussi être
capacité de choisir les tests diagnostiques appropriés. Les la cause d’une consultation d’urgence (voir chapitre 11).
données diagnostiques doivent être synthétisées avec l’histoire
médicale et dentaire du patient et avec la plainte principale
qui a amené le patient à consulter pour choisir les meilleurs DIAGNOSTIC ET PLAN DE TRAITEMENT
procédures et traitements cliniques correspondant à la situa-
tion spécifique de l’urgence. Le clinicien doit comprendre les La détermination de la cause de la douleur et/ou de la tuméfac-
mécanismes de la douleur, de l’anesthésie locale, de l’usage tion est une étape initiale cruciale de la consultation d’urgence.
approprié de la thérapeutique, et des capacités de prise en Sans diagnostic précisément établi, le traitement risque d’être
charge des patients en urgence. Les urgences peuvent sur- inefficace. D’emblée, le clinicien doit déterminer le caractère
gir avant le début d’un traitement, pendant le traitement, ou odontogénique ou non odontogénique du problème. Ensuite,
immédiatement après la fin d’un traitement de canal, obtura- l’identification précise de la cause de l’urgence doit suivre. De
tion terminée [1–6]. Les facteurs cliniques, biologiques et pré- nombreuses causes potentielles doivent être prises en considé-
disposants associés aux événements de l’urgence font l’objet ration ; elles comprennent les microbes, les problèmes occlu-
d’une revue dans ce chapitre. saux, les troubles psychogéniques, ou les douleurs référées
L’objectif immédiat d’une consultation d’urgence est de pla- d’origine dentaire ou non dentaire. Bien souvent, le simple
cer le cas sous contrôle en éliminant la cause qui met le patient énoncé de l’histoire du motif principal de la consultation et de
en situation de détresse, qui est le plus souvent la douleur avec la date de survenue des symptômes fournit des informations
ou sans tuméfaction. Les définitions de ce qui constitue une suffisantes pour que le clinicien formule une hypothèse de
urgence endodontique sont variables, mais la douleur intense diagnostic, qui doit être étayée par les tests radiographiques
172 et la tuméfaction sont les marques de l’urgence. Un événement et cliniques.
Les urgences et leur thérapeutique en endodontie 10
de restauration du système dentaire, auxquels s’ajoutent les
facteurs de santé générale qui peuvent influencer la prise de
décision de traitement. Pour dresser un plan de traitement
approprié, des informations complémentaires peuvent être
requises de la part d’autres dentistes et de médecins. L’his-
toire dentaire passée du patient est aussi un facteur à prendre
en compte. Le patient qui a perdu beaucoup de dents et qui
présente une hygiène buccale insuffisante n’est pas le meilleur
candidat pour subir un traitement endodontique dont le pro-
nostic sera réservé. Il est important d’apprécier l’intérêt que
porte le patient à sa santé buccodentaire. Faut-il préférer un
traitement endodontique ou un traitement implantaire ? Une
revue de la documentation scientifique indique un taux de
succès élevé pour les deux procédures quand le traitement est
correctement planifié et exécuté.
antibiotiques [57] ; ce fait doit alerter les praticiens pour pres- traitée par des médicaments locaux ou peut-être par des médi-
crire la concentration adéquate du médicament et éduquer le caments systémiques.
patient à respecter les doses prescrites [57].
Plus que jamais, tous les professionnels de la santé doivent Opioïdes, paracétamol et anti-inflammatoires
s’attacher à prévenir l’exposition des bactéries face aux médi- non stéroïdiens
caments, ce qui aggrave le problème de la résistance aux anti- Les prescripteurs doivent disposer d’une connaissance parfaite
biotiques. Les antibiotiques doivent être réservés à combattre des principes de pharmacologie et le lecteur est invité à consul-
les infections actives ; il ne faut absolument pas s’en affran- ter un texte relatif à la pharmacologie de ces médicaments. Les
chir quand ils sont réellement nécessaires. Avant de rédiger paramètres importants à considérer comprennent la demi-vie
une ordonnance, plusieurs questions doivent être posées. Le plasmatique du médicament, l’intervalle entre deux prises, la
patient est-il fébrile, ou bien les signes et les symptômes évo- compatibilité du médicament prescrit avec l’alimentation, le
qués par le patient correspondent-ils à une infection siégeant passé du patient qui pourrait évoquer une réaction allergique,
en dehors de la dent ? Le patient est-il immunodéprimé ? Un et les interactions avec d’autres médicaments que le patient
équilibre doit être trouvé entre ce qui est potentiellement sain prend régulièrement. Ce paragraphe est limité aux principes
et ce qui est dangereux. Si les signes et les symptômes indi- spécifiques de la thérapeutique médicamenteuse pour les évé-
quent que l’infection est localisée et si le patient est immu- nements explosifs.
nodéprimé, l’élimination chirurgicale et la désinfection de la Les médicaments antidouleur peuvent être divisés en deux
cavité pulpaire sont suffisantes dans la mesure où cette pro- grandes catégories : les opioïdes et les autres. Quelle que soit
cédure élimine le maximum de contenu pulpaire et un grand leur origine, bactérienne ou autre, la quasi-totalité des dou-
pourcentage de bactéries, et permet probablement le drainage. leurs dentaires sont causées par l’inflammation. Les opioïdes
Cependant, si l’infection envahissai les tissus proches de et le paracétamol sont censés agir principalement sur le sys-
l’apex en dehors de la dent, un traitement médicamenteux tème nerveux central (SNC). En revanche, les médicaments
antibiotique systémique serait indiqué [58]. anti-inflammatoires, comme les corticostéroïdes et les anti-
inflammatoires non stéroïdiens (AINS), sont très efficaces
Analgésiques pour atténuer la douleur en agissant sur le site de la lésion.[60]
La communication avec le patient est très importante pour La combinaison des AINS avec le paracétamol, qui semble
prendre en charge la douleur. Des chercheurs canadiens ont agir centralement, est encore plus efficace [61, 62].
remarqué qu’un contact téléphonique rassurant après un trai- Une étude récente sur les extractions dentaires a montré
tement chirurgical réduisait le besoin d’analgésiques [59]. Bien que la combinaison du paracétamol avec l’ibuprofène était
souvent, rassurer le patient correspond à ce dont il a unique- supérieure à celle de l’ibuprofène avec un opioïde ou celle
ment besoin dans certaines circonstances. du paracétamol avec un opioïde [63]. Il est connu depuis long-
Pour le patient, la douleur est un indicateur du trouble temps que les opioïdes classiques (par exemple la codéine et
sérieux qui atteint son organisme. Bien que la variété indi- l’hydrocodone [qui n’est pas commercialisée en France parce
viduelle module ce symptôme, la douleur est une partie de la que classée comme stupéfiant, NdT]), bien que prescrits sou-
définition de l’événement explosif. L’inconfort du patient est vent, sont moins efficaces que les médicaments spécifique-
généralement le facteur motivant qui l’amène à consulter. Le ment dirigés vers l’inflammation [64]. Les opioïdes produisent
traitement de la cause des symptômes est important aussi bien des effets indésirables sévères comprenant un effet sédatif, la
pour le dentiste que pour le patient. Logiquement, le seuil de diminution des réflexes de protection, et des effets de poten-
sensibilité douloureuse peut être relevé par les médicaments, tialisation des antidépresseurs ainsi que la dépendance à ces
et/ou la cause de la douleur, à savoir l’infection, peut être substances.
Fig. 10.6 Stratégie de traitement analgésique pour guider la sélection des médicaments fondée sur l’histoire du patient et le
180 niveau de douleur présent ou postopératoire anticipé. (Remerciements au Dr A. Fouad.)
Les urgences et leur thérapeutique en endodontie 10
Une stratégie simplifiée pour prescrire ces médications Dans la détermination du risque ou du bénéfice, l’atténua-
analgésiques est proposée à la figure 10.6. tion de la douleur par la pulpectomie peut être un facteur non
négligeable à côté d’une inflammation plus étendue associée à
Médicaments corticostéroïdes une inflammation péri-apicale. L’inflammation traitée par les
Les médicaments corticostéroïdes, introduits dans les années corticostéroïdes peut aussi prolonger le déroulement naturel
1950, sont de puissants inhibiteurs de l’inflammation et de la de la maladie, induisant une nécrose pulpaire dans les jours
douleur, en bloquant les voies pro-inflammatoires produisant qui suivent [67].
les prostaglandines et la voie des leucotriènes. Il a été émis Les stéroïdes (plus précisément nommés glucocorticos-
une hypothèse selon laquelle la réduction de l’inflamma- téroïdes) sont naturellement produits par les glandes cortico-
tion affaiblissant la phagocytose, le patient serait incapable surrénales avec de nombreuses autres substances chimiques.
d’enrayer rapidement l’infection. Cependant, en 1974, Olds Une surproduction de stéroïdes causée par exemple par une
et al. ont démontré que les corticostéroïdes prescrits à des tumeur de ces glandes est à l’origine du syndrome de Cushing.
niveaux normaux ou en supplément avaient peu d’effet sur la Des dosages de longue durée de stéroïdes pour des raisons
phagocytose [65]. médicales peuvent déclencher ce syndrome. De tels patients ne
Holland a montré que l’inflammation pulpaire était limitée tolèrent pas le stress et le praticien veillera à augmenter la dose
quand des stéroïdes étaient présents systématiquement pen- prescrite pour des interventions génératrices de stress, qu’il soit
dant la pulpectomie pratiquée sur des animaux. L’étendue de physique ou psychologique. Généralement, les doses seront
l’inflammation péri-apicale a été diminuée à un tiers de son réduites graduellement et quotidiennement jusqu’au retour à la
volume, et la quantité de germination neuronale au site de la normale de la fonction des glandes surrénales. Si, suite à cette
neurotomie a été réduite [66]. action, une seule gélule de médicament ingérée provoquait la
Sous l’action des corticostéroïdes, la douleur de pulpite suppression progressive de la fonction surrénale, il faudrait
irréversible est nettement atténuée avant la pulpectomie [67]. renoncer au dosage prévu. Dans une observation comparée
Dans la mesure où l’action de ces médicaments est une ques- au microscope optique, Langeland et al. ont été incapables de
tion d’heures, le praticien envisagera une anesthésie locale de montrer des différences de structures histologiques quand un
longue durée [68]. corticostéroïde a été appliqué directement sur la pulpe [69].
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182
Prise en charge des
11
CHAPITRE
traumatismes dentaires
Nestor Cohenca
PLAN DU CHAPITRE
OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE
Après avoir lu ce chapitre, l’étudiant devrait être capable : 5. De décrire les stratégies appropriées pour le traitement
1. De décrire les caractéristiques cliniques et radiographiques (immédiat et à long terme) pour les formes variées de
des fractures de l’émail, des fractures simples de la couronne, traumatismes.
des fractures compliquées de la couronne, de la commotion 6. De reconnaître les conséquences des traumatismes
cérébrale, de la subluxation, des luxations (latérale, extrusive dentaires.
et intrusive), des avulsions et des fractures alvéolaires. 7. De reconnaître l’oblitération de la cavité pulpaire et de
2. De décrire les réponses des tissus la pulpe, des tissus décrire les modalités de prise en charge.
péri-radiculaires et des tissus durs aux traumatismes 8. De reconnaître la résorption des surfaces radiculaires, la
précédemment cités, à court terme et à long terme. résorption inflammatoire (liée à une infection), la résorption
3. De formuler la liste des informations pertinentes que le de remplacement (ankylose) et de décrire les stratégies de
patient fournit pendant l’examen des lésions dentaires traitement respectives.
(le passé médical, la nature de la lésion et les symptômes). 9. De décrire les différences entre les stratégies des
4. De décrire les tests diagnostiques et les procédures traumatismes de la denture temporaire et de la denture
d’examen des patients atteints de traumatismes dentaires, permanente.
et d’en interpréter les résultats.
L
e traumatisme dentaire touche la pulpe dentaire et le dentaires est la chute (44 %), mais les sports et les violences
parodonte, directement ou indirectement ; par consé- sont aussi importants. Les séquelles les plus courantes des
quent, l’évaluation et le traitement des traumatismes traumatismes dentaires sont les fractures de l’émail, voire de
dentaires doivent nécessairement inclure les paramètres l’émail et de la dentine. Les dents les plus souvent traumati-
endodontiques. L’objectif de ce chapitre est de décrire l’inci- sées sont les incisives centrales maxillaires (88 %), les inci-
dence des traumatismes dentaires, les facteurs étiologiques, sives maxillaires latérales (7 %) et les incisives mandibulaires
les procédures d’examen clinique, le traitement d’urgence, (5 %). Parmi les sports pratiqués, le basketball provoque aux
les options thérapeutiques et les séquelles possibles des dents États-Unis le taux le plus élevé de traumatismes, avec une
traumatisées. Sachant que les traumatismes intéressent aussi incidence de 10,6 accidents pour 100 athlètes-saison parmi
la denture temporaire, un paragraphe leur sera consacré. Les les hommes et 5 accidents pour 100 athlètes-saison parmi les
recommandations de la thérapeutique des traumatismes den- femmes [6]. L’incidence des traumatismes au basketball est cinq
taires sont fondées sur les guides publiés par l’International fois supérieure à celle des joueurs de football américain pour
Association of Dental Traumatology, qui sont mis à jour sur le qui le port du protège-dent est obligatoire.
site internet www.iadt-dentaltrauma.org. Le facteur âge est très important dans les traumatismes den-
Les études épidémiologiques ont montré que l’incidence taires ; 25 % des préadolescents âgés de 14 ans sont touchés
des traumatismes dentaires varie de 25 % à 58 %, et que le par les traumatismes de la denture permanente [1, 7]. L’impor-
groupe le plus touché est constitué par des enfants âgés de 8 tance de l’âge est une bonne/mauvaise nouvelle concernant la
à 12 ans [1–5]. Sgan-Cohen et al. ont rapporté une prévalence situation. La bonne nouvelle réside dans le fait que la denture
totale de 29,6 % [4]. Les traumatismes sévères touchant la den- des enfants est mieux vascularisée et donc mieux irriguée par
tine ont été relevés sur une proportion de 13,5 % et sont plus le sang que celle des adultes ; la cicatrisation est potentielle-
fréquents chez les enfants présentant des proalvéolies et des ment meilleure. La mauvaise nouvelle est l’interruption du
lèvres incompétentes. La cause principale des traumatismes développement des dents quand les pulpes sont sévèrement 183
11 ENDODONTIE
Encadré 11.1 Classification des lésions dentaires Tableau 11.1 Classification radiographique
du développement odontogénique
j Fracture de l’émail : implique uniquement l’émail et
comprend les fragments, les fractures incomplètes ou les Classification Description
fissures.
0 Pas de crypte dentaire
j Fracture de la couronne sans exposition de la pulpe : fracture
simple de l’émail et de la dentine sans exposition de la 1 Présence de crypte dentaire
pulpe.
j Fracture de la couronne avec exposition de la pulpe : 2 Début de calcification
fracture complexe impliquant l’émail et la dentine et la pulpe
exposée. 3 Un tiers de la couronne achevée
j Fracture coronoradiculaire : fracture dentaire qui implique
l’émail, la dentine et le cément radiculaire ; elle peut toucher 4 Deux tiers de la couronne achevée
la pulpe ou non.
5 Couronne presque achevée
j Fracture de la racine : fracture de la racine qui n’implique
que le cément, la dentine, et la pulpe ; aussi appelée fracture 6 Couronne complètement achevée
horizontale de la racine.
j Luxations : les luxations dentaires comprennent la 7 Un tiers de la racine achevée
concussion dentaire, la subluxation, la luxation extrusive, la
luxation latérale et la luxation avec ingression de la dent. 8 Deux tiers de la racine achevée
j Avulsion : déplacement complet de la dent hors de l’alvéole.
j Fracture de l’alvéole (mandibule ou maxillaire) : fracture 9 Racine presque ouverte (apex ouvert)
ou fragmentation de l’alvéole dentaire ou du processus
10 Racine complètement achevée
alvéolaire.
endommagées ; les racines sont affaiblies parce que les parois dents traumatisées. En 1976, Fulling et Andreasen ont démon-
radiculaires sont très minces à ce stade. Des fractures cer- tré que la différenciation tardive des fibres nerveuses Ad dans
vicales spontanées provoquées par un traumatisme sur des la pulpe dentaire explique l’absence de réponse fiable et prévi-
parois dentinaires fines sont possibles. Pour ces raisons, en sible des dents non développées ou au stade de l’éruption à la
cas de traumatisme dentaire chez l’enfant, tout doit être fait stimulation thermique et électrique [17]. Chez les jeunes patients
pour préserver la vitalité de la pulpe. avec des dents immatures, la neige de dioxyde carbone (CO2)
La classification des traumatismes dentaires facilite la et le dichlorodifluorométhane (Fréon 12) sont les tests de sen-
communication et la dissémination des informations. La sibilité les plus fiables, suivis des tests électriques, du chlorure
construction de ce chapitre est fondée sur la classification de d’éthyle et de la glace [18]. Par conséquent, en l’absence de
l’Organisation mondiale de la santé modifiée par Andreasen et tests cliniques fiables, les preuves radiographiques du déve-
Andreasen (encadré 11.1) [1, 8]. Feliciano et de Franca Caldas loppement radiculaire et de la maturation dentinaire pendant
ont évalué 164 articles et 54 classifications différentes et les examens de suivi sont cruciales pour fournir une informa-
conclu que la classification fondée sur le modèle d’Andreasen tion fiable sur la vitalité pulpaire au clinicien.
est la plus fréquemment utilisée (32 %) [9]. Les recomman-
dations de traitement sont fondées sur les guides de l’Inter- Histoire du traumatisme
national Association of Dental Traumatology (IADT) [10–12]. Une information pertinente sur les lésions traumatiques doit
être rapidement obtenue en suivant la classification.
La connaissance des stades de développement des dents per- et l’heure de l’accident sont inscrites dans le dossier. Le
manentes est essentielle dans la pratique clinique de certaines dossier doit comprendre la façon dont s’est produite la
disciplines dentaires parce qu’elle influence le diagnostic, le lésion (par exemple accident de vélo, cours de récréation,
plan de traitement et les suites du traitement. En 1960, Nolla sport, violence, ou autre). Cette information est utile dans la
a publié une classification du développement des dents fondée recherche des dents expulsées, les fragments de dent inclus,
sur l’interprétation radiographique (tableau 11.1) [14]. Elle est l’évaluation d’une contamination possible, la détermination
largement utilisée [15, 16], et est particulièrement importante du facteur temps pour choisir le traitement et le potentiel de
184 pour établir un diagnostic et un plan de traitement corrects des guérison et pour rédiger les rapports de l’accident.
Prise en charge des traumatismes dentaires 11
Histoire médicale
Encadré 11.2 Symptômes sélectionnés
L’histoire médicale du patient est souvent significative. Par
de commotion cérébrale
exemple, un terrain allergique, des interactions médicamen-
Symptômes affectifs/émotionnels
teuses ou l’état général du patient peuvent poser des problèmes
j Anxiété/nervosité* de prescriptions médicamenteuses ou contraindre le clinicien
j Adhésion affective exagérée à moduler le plan de traitement. Il convient de s’informer de
j Dépression l’état de la vaccination antitétanique, et d’envisager un rappel
j Détresse émotionnelle en cas de lésions ouvertes comme les avulsions, la pénétration
j Irritabilité* de la lèvre et les lésions de tissus mous [19].
j Changements de personnalité Dans certaines situations, il est toujours opportun d’écarter
j Tristesse un problème neurologique en orientant le patient vers un dépis-
Symptômes cognitifs tage. La commotion cérébrale est un dysfonctionnement du
j Amnésie cerveau causée par un choc sur la tête direct ou indirect [20].
j Confusion Il s’agit plutôt d’un trouble fonctionnel que structurel provoqué
j Réponses verbales et autres retardées par des forces de cisaillement des tissus du cerveau causées
j Difficulté à se concentrer* par des forces intenses de rotation ou d’angulation ; un coup
Difficulté à se souvenir*
direct sur la tête n’est pas forcément l’origine de ces forces.
j
j Désorientation*
j Sensation de brouillard*
La céphalée est le symptôme le plus courant de la commotion
j Sensation de ralenti* cérébrale, bien que des domaines cliniques variés puissent être
j Sensation de stupéfaction altérés (par exemple somatiques, cognitifs, affectifs) (enca-
j Incapacité de se concentrer dré 11.2). Les signes et les symptômes ne sont pas spécifiques ;
j Perte de conscience pour cette raison, il convient d’établir une relation temporelle
j Troubles de l’élocution entre le mécanisme du traumatisme et les symptômes [20]. Au
j Regard vide cas où une commotion cérébrale est suspectée, il est urgent
Sommeil d’orienter le patient pour un examen neurologique complet.
j Diminution du sommeil
j Difficulté à s’endormir Examen clinique
j Somnolence* Outre les dents et leurs tissus de soutien, il conviendra d’exa-
j Augmentation du sommeil* miner les lèvres et tous les tissus mous oraux.
Symptômes somatiques/physiques
j Vision floue Tissus mous
j Convulsions L’objectif de l’inspection des tissus mous est de déterminer
j Vertiges/mauvais équilibre l’étendue des dommages tissulaires et d’identifier la présence de
j Fatigue corps étrangers qu’il faudra extirper de ces tissus blessés. En cas
Maux de tête
de fractures coronaires et de dilacérations des tissus adjacents,
j
j Étourdissements
j Sensibilité à la lumière
les blessures seront examinées visuellement et radiographique-
j Nausées ment pour y rechercher des fragments dentaires. Les lèvres sont
j Sensibilité au bruit des sites propices à l’inclusion de corps étrangers. Des dilacéra-
j Engourdissement/picotement tions tégumentaires requièrent des sutures (fig. 11.1).
j Acouphènes
j Vomissements Squelette facial
*Symptômes les plus couramment constatés.
L’inspection du squelette facial peut mettre en évidence des
Source : De Scorza KA, Raleigh MF, O’Connor FG : Current concepts fractures des mâchoires ou des alvéoles dentaires. De telles frac-
in concussion : evaluation and management, Am Fam Physician 85 : tures, quand les alvéoles dentaires sont touchées, peuvent être à
123-132, 2012. l’origine de nécrose pulpaire des dents qui peuvent aussi être
fracturées avec la mâchoire [21, 22]. Il faudra suspecter des fractures
alvéolaires si l’inspection montre le déplacement ou des mou- manière fiable, est anormalement douloureuse à la percussion.
vements d’unités dentaires ; quand ce déplacement est étendu ; La dent endommagée doit d’abord être examinée pour s’assurer
quand ces dents sortent de l’alignement occlusal physiologique ; de la confiance du patient et qu’il comprend le sens de la pro-
ou encore en cas d’hémorragie continue des tissus gingivaux. cédure. En outre, le test de la dent ou des dents concernées doit
être étendu à plusieurs dents adjacentes et aux dents opposées.
Les dents et leurs tissus de soutien Cela permet de détecter d’autres lésions dentaires dont le patient
L’examen des dents et des tissus de soutien fournit des infor- n’a pas conscience et qui peuvent ne pas être manifestes sur le
mations sur les dommages créés sur les tissus dentaires miné- plan clinique. En cas de complications futures impliquant une
ralisés, les pulpes, les ligaments parodontaux et l’os alvéolaire. de ces dents adjacentes ou opposées, les informations obtenues
Les paragraphes suivants présentent des recommandations précédemment peuvent étayer une hypothèse de diagnostic.
méthodologiques de recueil systématique d’informations.
Dommages pulpaires
Mobilité La guérison complète après un traumatisme serait la réponse pul-
Le clinicien examine (doucement) la mobilité des dents, en pre- paire idéale. Cependant, deux autres phénomènes potentiels peu-
nant soin de s’intéresser aussi à la mobilité des dents adjacentes vent se produire : les métamorphoses calciques, quand la pulpe est
(indiquant une fracture alvéolaire si une dent est mobile). Le progressivement remplacée par du tissu calcifié (reconnaissable à
code d’enregistrement du degré de mobilité est : 0 pour une la décoloration jaunâtre de la couronne), ou la nécrose pulpaire,
mobilité normale ; 1 pour une légère mobilité (moins de 1 mm), qui peut être le point de départ d’une résorption inflammatoire
2 pour une mobilité marquée (1 à 3 mm) ; et 3 pour une mobi- externe (liée à l’infection) [25]. Il est rare que la résorption se
lité sévère (plus de 3 mm), horizontalement et verticalement. développe à l’intérieur de la cavité pulpaire (résorption interne).
En cas d’absence de mobilité, les dents seront percutées pour En tout cas, une dent peut subir une résorption sans symptômes
écouter la nature du son qui est métallique si une ankylose s’est cliniques, ce qui accentue la nécessité d’un suivi constant.
formée. L’absence de mobilité physiologique peut signifier une L’état de la pulpe peut être déterminé par les symptômes,
ankylose, mais aussi un enclavement de la dent dans l’os, par l’histoire de la maladie et les tests cliniques (voir chapitre 5).
exemple en cas d’intrusion ou de luxation latérale. Cependant, deux tests cliniques méritent considération dans ce
contexte parce qu’ils sont applicables aux dents traumatisées :
Déplacement le test électrique et le test au froid avec le dichlorodifluoro-
Une dent déplacée est une dent qui s’est déplacée de sa position méthane (DDM) (Endo-Ice® ; Hygenic Corp., Akron, Ohio).
physiologique. Si le déplacement est traumatique, il doit être Ceux-ci testent les fibres sensitives (spécifiquement les fibres
considéré comme une luxation (évoqué plus loin dans ce chapitre). Ad) dans la chambre pulpaire ; ils sont généralement fiables
pour évaluer et contrôler l’état de la pulpe, à l’exception des
Dommages parodontaux dents dont le développement est incomplet [7, 23]. Néanmoins,
Les traumatismes des tissus de soutien des dents peuvent l’évaluation de la vascularisation pulpaire est le test ultime
se présenter sous la forme de tuméfaction et d’hémorragie pour vérifier la vitalité de la pulpe. Des preuves récentes
du ligament parodontal. La dent concernée est sensible à la montrent que le flux sanguin pulpaire peut être mesuré avec
percussion, même très légère. Un déplacement apical trauma- précision avec la débimétrie au laser Doppler [26–28] et avec
tique avec des lésions vasculaires peut conduire à la nécrose l’oxymétrie de pouls (fig. 11.2) [29–32]. Gopikrishna et al. [31] ont
pulpaire si l’irrigation sanguine est perturbée [23]. comparé l’efficacité d’une sonde d’oxymétrie de pouls adaptée
Le test à la percussion peut aider à identifier la lésion paro- aux dents avec les tests électriques et thermiques pour mesurer
dontale. Ce test doit être pratiqué avec douceur parce qu’il l’état de vitalité de la pulpe de dents permanentes récemment
provoque souvent une douleur exquise à l’examen des dents traumatisées. Les résultats ont démontré des réponses posi-
traumatisées. En conduisant une étude histologique, bactériolo- tives croissantes allant de 0 % au jour 0 à 29,4 % des dents
gique et radiographique, Andreasen a montré que la sensibilité au jour 28, 82,35 % des dents à 2 mois et 94,11 % des dents
à la percussion est le seul qui puisse détecter une pulpe nécrosée à 6 mois. Par comparaison, l’oxymètre de pouls a donné des
infectée [24]. Par conséquent, une attention particulière doit être réponses de vitalité positive constantes pendant la durée de
portée à ce test, surtout quand une dent, invariablement et de l’étude qui s’étendait du jour 0 à 6 mois chez tous les patients.
186 Fig. 11.2 Dispositif d’oxymétrie du pouls dont le détecteur s’adapte aux tissus dentaires. (Remerciements à Covidien.)
Prise en charge des traumatismes dentaires 11
Examen radiographique
Les images radiographiques peuvent révéler les fractures
osseuses et dentaires ainsi que le stade du développement des
dents. Les fractures radiculaires horizontales et les luxations
latérales sont souvent invisibles parce que l’angle d’incidence
des rayons peut estomper des irrégularités qui ne sont pas paral-
lèles avec l’axe des rayons. Pour cette raison, il est d’usage
de pratiquer des incidences multiples pour examiner les dents
traumatisées afin de s’assurer un éclaircissement complet de la
situation aboutissant au diagnostic correct du traumatisme [7, 23].
La taille du film doit être telle que l’image de deux inci-
sives soit visible sans distorsion sur un film non incurvé. Il
est aussi important d’utiliser un porte-film pour obtenir des
images radiographiques normées, spécialement conçues pour
les comparaisons suivantes.
Les avancées récentes en matière d’imagerie radiographique Fig. 11.3 Fracture coronaire compliquée des incisives centrales
numérisée en trois dimensions (3D) ont introduit une perspec- et latérales maxillaires droites et de l’incisive centrale maxillaire
tive nouvelle, nous permettant d’évaluer les structures anato- gauche. A et B. Radiogrammes péri-apicaux à des angles
miques des tissus durs et des tissus mous dans les trois plans de horizontaux différents.
l’espace [33]. Le radiogramme traditionnel n’est que la projection
d’une image en deux dimensions d’un objet en trois dimensions
sur un film plan. L’imagerie en 3D surpasse ces limitations en généralement pas douloureuses et ne sont pas des motifs
fournissant une représentation plus vraisemblable de l’ana- d’urgence. Le pronostic est bon, sauf si la lésion est accompa-
tomie tout en éliminant les superpositions. Plusieurs études gnée de luxation, auquel cas la dent peut être sensible à la
ont rapporté l’utilisation de la tomographie volumique et de percussion [23]. Si c’est le cas, les recommandations devraient
la radiographie numérique pour l’établissement du diagnostic être suivies en tenant compte du diagnostic et du type de trau-
différentiel [34–36], l’évaluation des résultats attendus des traite- matisme (présenté plus loin dans le chapitre).
ments [37, 38], en endodontie [39], en chirurgie buccale et maxillo-
faciale [40–42], en implantologie [43, 44] et en orthodontie avec des Traitement
mesures linéaires fiables pour l’imagerie et la reconstruction Depuis l’apparition des techniques de collage, la restauration de
des structures maxillofaciales [45–47]. Les premières indications la couronne fracturée des incisives avec des résines composites
de l’usage de la tomographie volumique à faisceau conique est devenue possible sans mettre la pulpe en danger (fig. 11.5).
(TVFC) en traumatologie ont été décrites en 2007 [48, 49]. Les Plus conservateur encore est le rattachement des fragments
cas qui pouvaient apparaître simples sur des radiogrammes amélodentinaires par collage. Cela demande l’application d’un
péri-apicaux (fig. 11.3) peuvent se révéler différents et plus agent de collage dentinaire après la préparation de l’émail par
complexes sur des images en trois dimensions (fig. 11.4). un acide pour renforcer la résistance à la fracture de l’incisive
Un examen minutieux et des enregistrements précis fondent ainsi restaurée. Les expériences cliniques et les études sur le
la rédaction d’un plan de traitement approprié. Les informations collage ont démontré que le rattachement des fragments amélo-
recueillies peuvent aussi servir aux constats d’accident deman- dentinaires coronaires est une intervention restauratrice accep-
dés tôt ou tard pour des raisons juridiques ou par les assurances. table qui ne menace pas la vitalité pulpaire [50]. En général, le
collage des fragments représente une avancée dans le traitement
des fractures des dents antérieures. L’anatomie dentaire est res-
LÉSIONS DES TISSUS DURS DENTAIRES taurée avec une structure dentaire qui s’use à un même taux
ET DE LA PULPE d’abrasion que les dents adjacentes non traumatisées. L’état pul-
paire de ces dents peut aussi être contrôlé de la même manière.
Fractures de l’émail L’intervention de dentisterie restauratrice est courte. L’uti-
Les fragments et les fissures confinés dans l’émail ne consti- lisation des techniques indirectes de facettes cosmétiques
tuent pas en eux-mêmes un danger pour la pulpe. Le pronostic récentes pour renforcer le collage ou pour restaurer une inci-
est bon ; mais l’agression qui a produit la fracture peut aussi sive fracturée est une approche conservatrice qui améliore
avoir déplacé la dent et endommagé la microvascularisation l’esthétique et la fonction [51].
pulpaire. Si la dent est sensible à la percussion ou s’il existe
d’autres signes issus de l’agression, le clinicien doit suivre Fractures compliquées de la couronne
les guides recommandés en fonction du type de traumatisme Description
(c’est-à-dire subluxation, luxation) (présenté plus loin dans le Les fractures compliquées de la couronne impliquent l’émail,
chapitre). Le meulage et le polissage des berges rugueuses ou la dentine et la pulpe. Elles sont compliquées parce que la pulpe
la restauration des structures dentaires perdues peuvent être est exposée. Il convient de noter l’étendue de la fracture, le
suffisants pour résoudre le problème. stade de développement de la racine et la date du traumatisme.
L’estimation de l’étendue de la fracture aide à définir les
Fractures de la couronne non compliquées besoins de traitement de la pulpe et de dentisterie restaura-
Description trice ; par exemple, une petite fracture peut conduire au traite-
Les fractures de la couronne non compliquées impliquent ment de la pulpe vivante et la dent peut être restaurée avec une
l’émail sans que la pulpe soit exposée. Ces lésions ne sont résine composite collée. Une fracture étendue peut requérir 187
11 ENDODONTIE
Fig. 11.4 Fracture coronaire compliquée des incisives centrales et latérales maxillaires droites et de l’incisive centrale
maxillaire gauche (même cas que fig. 11.5).
un traitement de canal suivi d’une restauration retenue par un traduire par la règle qui veut qu’une pulpe exposée pendant
tenon radiculaire ou un onlay de reconstitution, en fonction de moins d’une semaine peut être traitée par pulpotomie. Des
l’âge du patient (fig. 11.6). expositions pulpaires de quelques semaines traitées avec suc-
Le stade de maturation de la racine est un facteur impor- cès par la pulpotomie ont été rapportées [52–54].
tant pour choisir entre la pulpotomie ou la pulpectomie. Les
parois radiculaires des dents immatures sont très fines ; tous Traitement des fractures de la couronne
les efforts seront portés pour permettre l’achèvement du déve- Les dents dont la couronne est fracturée et dont la pulpe
loppement de la racine. La technique de choix pour atteindre est exposée peuvent être traitées par le coiffage pulpaire, la
cet objectif est la pulpotomie partielle (décrite plus loin dans pulpotomie (traitement de la pulpe vivante) ou le traitement de
le chapitre). Le traitement de la pulpe vivante par des restau- canal qui précéderont la restauration des structures dentaires
rations en résine composite collée ou le collage des fragments perdues. Si le traitement de la pulpe vivante est planifié, il est
dentaires est également réalisable sur les dents dont la racine important que l’intervention soit exécutée le plus tôt possible
est achevée. Si, toutefois, l’étendue de la perte de structure après le traumatisme.
dentaire dicte la restauration dentaire avec une couronne pro-
thétique, le traitement de canal est recommandé [10]. Traitement de la pulpe vivante
Le temps qui sépare la date du traumatisme de la date de La raison principale invoquée pour recommander un traite-
l’examen clinique peut affecter directement la santé pulpaire. ment de la pulpe vivante d’une dent dont la pulpe est exposée
En général, plus tôt la dent est traitée, meilleur est le pronos- est la préservation de la vitalité de la pulpe. Cela est particuliè-
188 tic de préservation de la vitalité pulpaire. Ce postulat peut se rement important pour les dents immatures dont l’achèvement
Prise en charge des traumatismes dentaires 11
du développement de la racine rendra leurs parois plus En cas de fracture totale de la couronne de la dent imma-
épaisses et donc plus résistantes à la fracture que les parois ture, il faudra sectionner la pulpe au collet, voire au-dessous
plus fines des dents immatures dont les racines ne se sont pas du collet. La pulpotomie se limitera à permettre l’achèvement
complètement développées.. du développement radiculaire pour favoriser la restauration
Par le passé, la pulpotomie voulait dire section et retrait de de la couronne et la construction d’artifices de rétention radi-
la pulpe au niveau du collet, voire au-dessous de ce niveau. La culaires afin de maintenir la couronne prothétique. Ces cas
perte des tissus pulpaires dans la région de la couronne fragi- sont relativement rares. Plus récemment, la technique a été
lise la dent qui sera prédisposée aux fractures. Il y a quelques modifiée par l’usage de l’agrégat minéral de trioxyde (MTA ;
années, une pulpotomie superficielle plus conservatrice a été par exemple ProRoot MTA® [Tulsa Dental Products, Tulsa,
popularisée par Cvek et a été quelquefois citée comme tech- Oklahoma]) au lieu de l’hydroxyde de calcium [55, 56].
nique éponyme (technique de Cvek) [52]. Cette pulpotomie
superficielle ou partielle préserve un volume considérable de Sélection des cas
la pulpe coronaire et tout le tissu pulpaire de la racine qui pro- La pulpotomie superficielle ou partielle est indiquée pour
longera le développement des tissus minéralisés de la racine. le traitement de la pulpe vivante des dents immatures et des
dents matures si, et seulement si, la restauration de ces dents
se limite au collage de résine composite quelles que soient
les techniques. En général, les dents immatures sont les plus
concernées pour les raisons précédemment évoquées.
Technique
Débuter la pulpotomie superficielle (fig. 11.7) par l’anesthésie
et l’isolation du champ opératoire avec la digue de caout-
chouc. Rincer la dentine exposée avec une solution saline
d’hypochlorite de sodium. Excaver le tissu de granulation du
site de la plaie pulpaire avec une curette ; cela donne l’oppor-
tunité d’estimer la taille et la localisation de l’exposition avec
précision. Ensuite, sectionner le tissu pulpaire sur une pro-
fondeur de 2 mm en dessous de l’exposition. Cette quantité
relativement petite de pulpe extraite explique pourquoi l’inter-
vention s’appelle pulpotomie partielle ou superficielle.
Pour réaliser cette étape, monter une petite fraise boule
diamantée (n° 2 ou n° 4) sur un contre-angle à grande vitesse
équipé d’irrigation d’eau rafraîchissante. Effacer le tissu pul-
paire avec légèreté et progressivement, en commençant par
la surface de l’exposition et en s’enfonçant jusqu’à 2 mm en
dessous de l’exposition du site.
Après l’amputation de la pulpe au niveau désiré, créer
une étagère dentinaire autour de la plaie pulpaire. Rincer
doucement la plaie avec une solution saline stérile, et atten-
Fig. 11.5 Fracture coronaire non compliquée de l’incisive centrale dre l’hémostase pendant 5 minutes environ. Ensuite, rincer
maxillaire droite. Vues préopératoires (A) et postopératoire (B) des de nouveau la plaie, pour dégager le caillot, et placer le
restaurations avec des résines composites. (Remerciements au pansement d’hydroxyde de calcium. Protéger soigneusement
Dr Gabriela Ibarra.) le fond de la cavité avec un ciment à prise rapide comme un
Fig. 11.6 Radiogramme péri-apical préopératoire (A) et photographie clinique (B) d’une fracture coronaire compliquée de
l’incisive centrale maxillaire gauche. C et D. Un tenon en fibre de carbone a été scellé contre l’obturation endodontique, puis
la couronne a été restaurée. Les résultats sont montrés sur une photographie clinique postopératoire (E) et un radiogramme
péri-apical final (F). 189
11 ENDODONTIE
Fig. 11.7 Fracture coronaire compliquée de l’incisive centrale maxillaire droite. La pulpotomie partielle est cliniquement
illustrée dans les étapes suivantes. A. La pulpe est exposée. B. Le tissu pulpaire est excisé à 2 mm sous l’exposition. C.
L’hémorragie est contrôlée par pression seulement (boulette de coton humectée de solution saline). D. L’hémostase est obtenue.
E. De l’agrégat minéral de trioxyde (MTA) blanc est appliqué. F. Le MTA est protégé par un film de ciment en ionomère de verre.
Fig. 11.8 Suivi à 6 mois après une pulpotomie partielle. Radiogramme péri-apical (A) et vue sagittale (B) obtenue avec la
tomographie volumique à faisceau conique (TVFC).
ciment ionomère de verre. Dès que le ciment a pris, restaurer Si l’hydroxyde de calcium est remplacé par le MTA, il n’est
la dent avec une résine composite collée. pas nécessaire d’attendre l’hémostase complète. La prise du
Sachant que les films d’hydroxyde de calcium se dégradent MTA requiert de l’humidité ; celui-ci peut être directement
avec le temps, il convient, quand cela est possible, de rappeler le placé sur le tissu pulpaire. Il convient de prendre soin de réduire
patient dans les 6 ou 12 mois qui suivent l’intervention pour ôter le risque d’enfoncement forcé du matériau dans la pulpe saine ;
la couche initiale du pansement et le remplacer par du matériau le clinicien doit enduire une boulette de coton humide de MTA
de collage dentinaire. Cela empêche les microfuites au site de et déposer celui-ci en tamponnant la pulpe avec légèreté.
destruction de l’hydroxyde de calcium et crée un espace entre le Obturer la cavité de la pulpotomie avec le MTA en poudre
190 nouveau pont dentinaire et la restauration qui le couvre. blanche de telle manière à être encastré sur la surface de la
Prise en charge des traumatismes dentaires 11
dentine fracturée. Ensuite, la prise peut se produire pendant Cette fracture ressemble à la fracture coronaire, mais elle est
4 à 6 heures. Il n’est pas nécessaire de protéger le matériau plus étendue et plus grave parce qu’elle engage la racine.
pendant sa prise avec une restauration, mais il faut demander Une autre variation est la fracture qui détruit la couronne
au patient d’éviter de mastiquer avec la dent concernée. Après (fig. 11.9). Les fragments sont maintenus en place, l’un des
la prise, il est possible de restaurer la dent avec une résine deux étant encore attaché au ligament parodontal. Dans toutes
composite ou en collant les fragments séparés de la dent [55]. Il ces fractures, la pulpe est habituellement exposée.
n’est pas nécessaire de revenir dans la dent parce que le MTA À la différence des autres traumatismes, pour lesquels les
est stable et ne se délite pas comme l’hydroxyde de calcium. dents postérieures sont rarement impliquées, les fractures
coronoradiculaires touchent le plus souvent les molaires et
Évaluation du traitement les prémolaires. Il est courant d’observer que les fractures de
Le traitement est évalué dans les 6 mois qui suivent son exé- cuspide s’étendent sous la gencive. Il est cependant difficile
cution, puis annuellement. Le pronostic à long terme de la de diagnostiquer les stades précoces du développement de ces
pulpotomie partielle est très bon, ce qui permet de la qualifier fractures. De même, les fractures verticales le long du grand
de traitement définitif [54, 57]. axe des racines sont difficiles à détecter et à diagnostiquer.
Les fractures coronoradiculaires des dents postérieures ne
Traitement de canal radiculaire sont pas toujours associées à un simple incident traumatique,
Les dents dont la racine est achevée peuvent subir la pulpo- bien que les accidents automobiles ou de deux roues puissent
tomie ou le traitement de canal radiculaire ; ce dernier est produire ce type de phénomène. Le risque augmente avec un
généralement rendu nécessaire pour répondre à des exigences coup franc au menton, à l’origine de l’entrechoquement des
prothétiques afin de restaurer les dents fracturées. Par exem- mâchoires ; des éraflures de la peau sous le menton sont les
ple, si la fracture de la couronne atteint la limite marginale, le signes du traumatisme. Les dents postérieures doivent aussi
traitement de canal permettra de loger des rétentions radicu- être examinées avec une sonde effilée pour détecter le mouve-
laires pour la couronne à venir. ment des fragments détachés.
Fig. 11.9 A et B. Photographies vestibulaire et linguale d’une fracture de la couronne et de la racine au moment de la
présentation du patient. C et D. Illustration de la situation après le retrait des fragments fracturés. 191
11 ENDODONTIE
collage, il est maintenant possible de coller temporairement Le traitement définitif doit être programmé après avoir dressé
les fragments. Les recommandations actuelles préconisent de le plan de traitement endodontique et restaurateur [10].
tenter de coller les fragments, en particulier quand la dent est
immature et qu’elle prolonge encore son développement [10]. La Plan de traitement
décision de l’action à conduire dépend du jugement clinique. Les fractures coronoradiculaires sont souvent compliquées
Quand la couronne d’une dent est cassée en plusieurs mor- par les expositions pulpaires et les pertes importantes de struc-
ceaux, il n’est pas rare de constater cet épilogue de ruine qui ture dentaire. De nombreuses questions doivent être soulevées
touche aussi la racine. Des radiographies et la TVFC prises avant de dresser le plan de traitement.
sous des angles multiples peuvent aider à identifier les traits j Entre la pulpotomie et la pulpectomie, laquelle de ces inter-
canal (fig. 11.11). Si la racine est immature, la pulpotomie est récupérée par extrusion de la racine, ou par gingivoplas-
préférable à la pulpectomie, cette dernière étant par ailleurs le tie ou par alvéoloplastie pour restaurer la dent avec une
traitement de choix quand la racine est achevée (fig. 11.12). prothèse ?
Fig. 11.10 A et B. Radiogrammes montrant le trait de fracture de la couronne. C et D. Vues sagittales et axiales confirmant la
192 présence et l’étendue des traits des fractures (flèche).
Prise en charge des traumatismes dentaires 11
Fig. 11.11 Fracture coronoradiculaire de l’incisive centrale maxillaire gauche. Traitement d’urgence pour stabiliser le fragment
coronaire par collage sur la structure dentaire restante.
Fig. 11.12 Fracture coronoradiculaire de l’incisive centrale maxillaire gauche traitée avec une pulpotomie cervicale. A et B.
Radiogrammes péri-apicaux à des angles horizontaux différents. C. Suivi à 2 mois. D. Suivi à 6 mois.
j Faudrait-il extraire la dent et la remplacer par un bridge ou Ces quelques questions parmi tant d’autres auxquelles il
un implant dentaire ? Ou bien, si l’extraction était choisie, faudra répondre s’appliquent non seulement aux fractures
une fermeture orthodontique de l’espace créé par l’extrac- coronoradiculaires, mais aussi à tous les autres trauma-
tion serait-elle possible ? tismes compliqués. Compte tenu de la complexité de ces 193
11 ENDODONTIE
cas, un concept de travail en équipe s’impose ; la réunion de de fracture. Ce trait de fracture peut être invisible parce qu’il
compétences en odontologie pédiatrique, en endodontie, en est souvent transversal ou oblique (impliquant la pulpe, la
parodontie, en orthodontie, en chirurgie buccale et maxillo- dentine et le cément) et que, dans ces conditions, l’axe central
faciale, et en prothèse est indispensable pour dresser le plan du rayon directeur n’est pas parallèle au trait de fracture. Pour
de traitement. pallier cette difficulté, un cliché par mordu occlusal, supplé-
mentaire au cliché à angle parallèle habituel, est indiqué dès
Fractures de la racine dentaire qu’une fracture est suspectée. Cet angle additionnel (c’est-à-
Description dire déformé, ou occlusal [45 degrés environ]) détecte beau-
Les fractures des racines sont nommées fractures radiculaires coup de fractures, particulièrement dans la région apicale des
intra-alvéolaires, fractures radiculaires horizontales et frac- racines (fig. 11.13) [58, 59]. Récemment, May et al. ont démontré
tures radiculaires transverses. Ces fractures sont rares et sont que la TVFC est plus utile pour les cas où la radiographie
difficiles à détecter [1, 7, 13, 58]. Pour que la fracture soit visible conventionnelle donne des résultats non concluants ou détecte
à la radiographie, il faut que le rayonnement traverse le trait une fracture au tiers médian de la racine [60]. Dans de tels cas,
Fig. 11.13 Fracture radiculaire de l’incisive centrale maxillaire gauche. A et B. Radiogrammes postopératoires immédiatement
194 après la réduction et la contention. C. Suivi à 6 mois. D. Suivi à 18 mois.
Prise en charge des traumatismes dentaires 11
Fig. 11.14 Fracture radiculaire de l’incisive centrale maxillaire gauche. La tomographie volumique à faisceau conique montre
la fracture dans les trois plans : axial (A), sagittal (B) et coronal (C).
la TVFC peut infirmer ou confirmer la fracture oblique englo- l’absence de réponse aux tests électriques par elle-même
bant le tiers cervical dans l’axe vestibulolingual (fig. 11.14). n’indique pas nécessairement un traitement de canal. La majo-
Cliniquement, les dents atteintes de fractures radiculaires sont rité des fractures radiculaires guérissent quelquefois spontané-
soit mobiles, soit déplacées et douloureuses à la mastication. Les ment ou après un traitement de contention [64–66] (voir fig 11.13).
symptômes sont typiquement modérés. Si la mobilité et le dépla-
cement du fragment coronaire sont absents ou imperceptibles, Traitement de canal
le patient ne se plaindra pas et ne consultera pas [61]. En général, Le traitement de canal est indiqué quand la maladie est avé-
plus la fracture est cervicale, plus la mobilité et le déplacement rée, généralement la nécrose pulpaire coronaire qui provoque
du fragment coronaire sont grands, et plus le risque de nécrose ensuite des lésions inflammatoires adjacentes au trait de frac-
pulpaire est grand si le fragment n’est pas immédiatement reposi- ture (fig. 11.16) [66]. L’intervention endodontique, si elle est
tionné. La contention avec une attelle est indiquée pour les dents nécessaire, est généralement compliquée, et l’orientation vers
fracturées au niveau du collet anatomique et au tiers médian de la une structure de soins compétente est à envisager. Par opposi-
racine [10, 62, 63]. Les fractures radiculaires au tiers apical ne néces- tion au traitement de canal dans la plupart des autres situations
sitent généralement pas de traitement endodontique immédiat, endodontiques, en cas de fracture horizontale, le traitement est
mais les dents doivent être observées à long terme [62]. limité à la région coronaire de la cavité pulpaire radiculaire
par rapport au trait de fracture. La pulpe du segment apical de
Traitement d’urgence la racine reste généralement vivante [66–69].
Le traitement initial des fractures radiculaires – par reposi-
tionnement et par stabilisation – doit être une priorité pour LÉSIONS DU PARODONTE
obtenir les meilleurs résultats (fig. 11.15). Le repositionne-
ment des fragments coronaires dentaires déplacés est plus Les lésions du parodonte sont une composante des trauma-
facile s’il est exécuté immédiatement après le traumatisme ; tismes des tissus de soutien et affectent souvent la vascula-
s’il était retardé, un mouvement orthodontique serait indiqué risation et l’innervation pulpaire. La cause est généralement
pour replacer correctement la dent. un événement violent, comme un coup ou un choc contre un
Après son repositionnement, la couronne mutilée sera objet après une chute [70]. Plus le degré de déplacement est
contenue avec une attelle pour permettre la guérison des tissus sérieux, plus les lésions pulpaires et parodontales sont graves.
parodontaux (voir fig. 11.15). Quatre à 6 semaines de stabili- Le tableau 11.2 présente une synthèse des aspects cliniques et
sation sont généralement suffisantes, sauf si la localisation de radiographiques typiques des différentes lésions du parodonte.
la fracture est proche de la crête de l’os alvéolaire, ce qui, rai-
sonnablement, nécessiterait un prolongement du temps de la Concussion
contention [62]. Les résultats attendus des traitements d’urgence En cas de concussion, la dent est sensible à la percussion uni-
doivent être régulièrement contrôlés. quement. Il n’y a pas d’augmentation de la mobilité, et la dent
n’est pas déplacée. La pulpe répond normalement aux tests
Séquelles des fractures de la racine de sensibilité et les images radiographiques sont normales [10].
Les fractures radiculaires sont souvent caractérisées par le
développement de métamorphoses calciques (radio-opacité Subluxation
radiographique) dans une des deux régions de la dent (habi- En cas de subluxation, les dents sont sensibles à la percussion et
tuellement la couronne) ou dans les deux régions ; cela explique sont plus mobiles. Bien qu’une hémorragie du sulcus soit pré-
que les réponses aux tests électriques puissent être très nettes sente, les signes cliniques ne permettent pas d’établir un diag-
ou absentes. Cependant, en l’absence de tout autre preuve de nostic. Ces dents ne sont pas déplacées, et la pulpe peut répondre
nécrose pulpaire (lésions latérales osseuses au site de la frac- normalement aux tests de sensibilité, même si elle ne répondait
ture, symptômes de pulpite irréversible ou de nécrose pulpaire), pas dans un premier temps. Les radiogrammes sont anodins [10]. 195
11 ENDODONTIE
Fig. 11.15 Fracture radiculaire de l’incisive centrale maxillaire droite. A et B. Radiogramme péri-apical et photographie
clinique de la dent à l’arrivée du patient en consultation d’urgence. C et D. Réduction, repositionnement et attelle de contention.
Luxation l’alvéole selon son grand axe, à un point tel que ce dépla-
La luxation est une lésion grave des structures de soutien des cement n’est pas visible cliniquement. L’absence de mobilité
dents avec des dents flottantes et des signes cliniques et radio- ressemble à l’ankylose [71].
graphiques de déplacement dentaire. Le déplacement peut être
en trois directions : extrusion, latéralité ou intrusion. Examen clinique et diagnostic
Les descriptions cliniques des cinq types de luxation devraient
Luxation extrusive être suffisantes pour formuler une hypothèse de diagnostic.
En cas de luxation extrusive, les dents sont partiellement L’état pulpaire doit être contrôlé continuellement jusqu’à l’éta-
déplacées vers l’extérieur de l’alvéole selon le grand axe de blissement définitif du diagnostic qui, dans certains cas, peut
la dent. À ce stade, la mobilité dentaire est plus importante, et prendre plusieurs mois, voire plusieurs années. Les tests au froid
les radiogrammes illustrent le déplacement. La pulpe ne réagit (dichlorodifluorométhane) et électrique sont utilisés à cet effet [72].
généralement pas aux tests de sensibilité [10, 17, 18]. La concussion n’altère pas la réponse de la pulpe aux tests
Luxation latérale de sensibilité parce que la sévérité de la lésion est négligeable,
La luxation latérale est un déplacement horizontal de la dent ce qui rend possible le retour à l’état physiologique de la
au-delà de sa position physiologique ; le déplacement peut microvascularisation pulpaire.
être lingual, vestibulaire, mésial ou distal. Il arrive cependant Dans le cas de la subluxation, le retour à l’état physiologique
que le choc intervienne sur la face vestibulaire de la couronne de la pulpe est possible, mais il est moins prévisible, par compa-
qui sera déplacée en direction linguale, tandis que l’apex, en raison aux lésions de concussion. Dans les deux cas, une dent
étant lui-même déplacé en direction vestibulaire, fracturera immature dont l’apex est ouvert présente un meilleur pronostic.
l’alvéole dentaire. Si l’apex est déplacé dans l’os alvéolaire Les lésions d’extrusion latérale et d’intrusion se tradui-
environnant, la dent peut être parfaitement immobile. Le son sent par un déplacement dentaire, ce qui explique les dom-
métallique du test à la percussion peut indiquer l’enfoncement mages plus importants des nerfs et des vaisseaux apicaux.
forcé de l’extrémité de la dent dans l’os alvéolaire. Les réponses pulpaires aux tests sont souvent absentes ; ce
fait est fréquemment définitif, même si la pulpe est vivante
Luxation intrusive (vascularisation présente) parce que les nerfs sensitifs sont
En cas de luxation intrusive, la dent subit un déplacement définitivement endommagés. Les dents à apex largement
196 forcé de l’extérieur vers l’intérieur (en direction apicale) de ouvert constituent une exception ; elles maintiennent ou elles
Prise en charge des traumatismes dentaires 11
Fig. 11.16 Fracture radiculaire de l’incisive centrale maxillaire droite. A. Radiogramme péri-apical préopératoire. B. Un mois
plus tard, après la dépose de l’attelle. Noter la séparation des fragments coronaire et apical. Le traitement endodontique du
fragment coronaire a été exécuté. C. Suivi à 2 ans.
Fig. 11.17 A à C. Les radiogrammes péri-apicaux échouent à révéler la position de la dent dans son alvéole.
Fig. 11.18 Tomographie volumique à faisceau conique. Reconstruction volumique transaxiale (A) et vue du plan sagittal (B)
montrant une luxation latérale de l’incisive centrale maxillaire gauche avec une fracture alvéolaire concomitante.
Fig. 11.19 Modification de la couleur de la couronne due à Fig. 11.20 Grave extrusion. La dent n’est retenue que par les
une lésion pulpaire après une luxation : vue vestibulaire (A) et vue tissus mous.
linguale (B).
Le traitement de la luxation intrusive dépend de la maturité
La dyschromie peut disparaître, généralement très tôt de la racine [79, 80]. Si la dent est incomplètement formée et que
après le traumatisme, ce qui indique que la pulpe est vivante. l’apex est ouvert, elle peut se repositionner spontanément. Une
Sachant que les changements associés aux dents traumatisées étude clinique chez des jeunes patients de 12 à 17 ans a révélé
sont imprévisibles, l’évaluation à long terme est recom que les dents dont la formation de la racine est achevée pouvaient
mandée [72]. se replacer par « éruption spontanée », et que c’était le meilleur
traitement par rapport à la cicatrisation du parodonte marginal [80].
Traitement des luxations Chez les patients adultes (c’est-à-dire âgés de plus de 17 ans)
Les luxations, selon leur type, sont compliquées à diagnos- dont la dent est complètement mature, il faudra tenter l’extrusion
tiquer et à traiter, et cela demande dans certains cas une chirurgicale ou orthodontique. Le traitement de canal est indiqué
orientation vers des structures spécialisées. La concussion ne pour les dents en cas de luxation intrusive, à l’exception des dents
nécessite pas de traitement immédiat. Il convient de recom- immatures à apex ouvert dont la pulpe peut se revasculariser [81].
mander une alimentation molle pendant 2 semaines et d’expli- Le patient doit être soigneusement contrôlé parce que les compli-
quer au patient qu’il serait prudent d’éviter de mastiquer sur la cations, comme l’échec de la cicatrisation de la pulpe, sont géné-
dent tant que celle-ci est sensible. L’état pulpaire est contrôlé ralement asymptomatiques. Si l’examen radiographique illustre
comme décrit précédemment. La subluxation ne nécessite la preuve d’une nécrose pulpaire (arrêt du développement de la
pas de traitement, à moins que la mobilité soit modérée ; si la racine), il faut exécuter le traitement de canal [10].
mobilité est de niveau 2, une contention peut être nécessaire Le traitement de canal des dents luxées est indiqué quand
pour une courte période (1 à 2 semaines) [77, 78]. les pulpes évoluent vers la nécrose. Le cément des dents luxées
Les luxations extrusives et latérales requièrent le reposi- est souvent endommagé ; si la pulpe s’infecte, une résorption
tionnement et la contention. La durée du maintien de l’attelle externe est stimulée par la présence de bactéries dans la cavité
de contention varie selon la sévérité du traumatisme. Les pulpaire. Il est, par conséquent, important de déployer tous
extrusions demandent 2 semaines de contentions tandis que les efforts possibles pour stopper la résorption présente et
les luxations latérales qui englobent les fractures osseuses en empêcher une résorption additionnelle en désinfectant les
demandent 4 [10]. Ces variations de temps seront dictées par le canaux radiculaires pendant le traitement endodontique. Il est
jugement professionnel. Le traitement de canal radiculaire est recommandé de placer de l’hydroxyde de calcium pendant
indiqué en cas de pulpite irréversible ou de nécrose pulpaire. deux semaines au plus pour faciliter la désinfection avant que
Le diagnostic de cette pathologie est fondé sur une combi- les canaux radiculaires soient obturés [82].
naison de signes et de symptômes, comme une dyschromie
coronaire, l’absence de réponse aux tests pulpaires et d’image Avulsion
radiographique de lésion péri-apicale [10]. Cependant, les cas Description
sévères d’extrusion et de luxation latérale des dents matures L’avulsion est l’expulsion traumatique de la dent de son
requièrent le traitement de canal dans les 2 semaines qui sui- alvéole. Si la dent est réimplantée immédiatement après
vent le traumatisme (fig. 11.20). l’avulsion (réimplantation immédiate), le ligament parodontal 199
11 ENDODONTIE
a de grandes chances de cicatriser. Le temps passé hors de 6. Rechercher des débris sur la dent et, au besoin, les ôter avec
l’alvéole et la technique de conservation utilisée sont les fac- précaution en les aspergeant de solution saline avec une
teurs cruciaux de succès de la réimplantation. Il est important seringue.
de préserver les cellules du ligament parodontal et les fibres 7. Insérer partiellement la dent à l’intérieur de l’alvéole avec
attachées sur la surface radiculaire en gardant la dent humide le davier ; asseoir complètement la dent dans son alvéole,
et en manipulant la racine le moins possible [11, 83–86]. soit en exerçant une légère pression avec le doigt, soit en
demandant au patient d’occlure sur la dent en intercalant
Traitement une pièce de gaze entre les deux mâchoires.
Trois situations se présentent en cas d’avulsion : (1) quelqu’un 8. Vérifier l’alignement correct et corriger toute hyper-
téléphone pour demander conseil, en offrant l’opportunité de occlusion dentaire. Les déchirures des tissus mous doivent
consulter immédiatement pour une réimplantation immédiate être intimement suturées, particulièrement dans la région
(dans les minutes qui suivent l’entretien téléphonique) ; (2) cervicale.
un patient est accompagné à la clinique avec sa dent qui est 9. Stabiliser la dent pendant 2 semaines avec une attelle
conservée dans un milieu physiologique ou un milieu dont flexible ; les fils de nylon, d’acier inoxydable ou de nickel-
l’osmolalité est équilibrée ou à sec (le temps extrabuccal titane de diamètre de 0,4 mm sont significativement plus
est inférieur à 60 minutes) ; ou (3) la dent a été maintenue à flexibles [93].
l’extérieur de la bouche pendant plus de 60 minutes sans avoir
été conservée dans un milieu de conservation. Réimplantation dans l’heure suivant l’avulsion
– dent à apex ouvert
Réimplantation immédiate Dès l’arrivée du patient, les étapes suivantes sont recomman-
Le pronostic est meilleur quand la réimplantation est immé- dées.
diate après l’avulsion [83–86]. Beaucoup de personnes (par 1. Placer la dent dans une cupule contenant la solution saline
exemple les parents, les instructeurs sportifs et autres) sont physiologique pendant la préparation du patient pour la
conscients de ces procédures d’urgence et sont en mesure de réimplantation.
réimplanter la dent dans son alvéole. Certains d’entre eux 2. Administrer une anesthésie locale.
demandent des conseils par téléphone. 3. Examiner l’alvéole pour rechercher une fracture de la paroi
Quand un patient dont la dent a été réimplantée sur le lieu alvéolaire.
de l’accident vient consulter, la dent doit être examinée clini- 4. Couvrir toute la surface radiculaire avec une pâte antibio-
quement et radiographiquement. Le dentiste va rechercher des tique topique à la tétracycline (si disponible) avant de réim-
lésions supplémentaires en inspectant les dents adjacentes ou planter la dent [11, 94–98].
les dents opposées, et il va vérifier la stabilité et l’alignement 5. Réimplanter la dent en exerçant une pression digitale
de la dent réimplantée. L’intervention est décrite dans le para- légère.
graphe suivant sans détailler les étapes de la procédure. 6. Suturer les déchirures gingivales, en particulier dans la
région cervicale.
Réimplantation dans l’heure suivant l’avulsion – 7. Vérifier la position normale de la dent réimplantée.
dent à apex fermé 8. Placer une attelle flexible (fil de diamètre de 0,4 mm pen-
Si la réimplantation n’a pas pu être réalisée sur le lieu du trau- dant 2 semaines).
matisme, le patient doit être accompagné à la clinique den- Pour les enfants de moins de 9 ans, il peut être prescrit de
taire et la dent doit être transportée en milieu humide [11, 87, 88]. l’amoxicilline à 50 mg/kg en doses fractionnées toutes les
Le milieu de conservation préférable est la solution de Hank 8 heures pendant 7 jours. Un rappel de vaccin antitétanique
(solution saline physiologique) [89], présentée commercialement est recommandé si le précédent a été administré il y a plus de
sous forme de kit (Save-a-Tooth® ; Phoenix-Lazerus, Pottstown, 5 ans.
Pennsylvanie). Si ce produit n’est pas disponible, le lait est une Le traitement de canal n’est indiqué que pour les dents
excellente alternative [89–92]. La salive est acceptable, tandis que matures et il doit être exécuté de préférence une semaine après
l’eau n’est pas adaptée pour garantir la vitalité des cellules de la la stabilisation de la dent par l’attelle pour maintenir la dent
surface radiculaire [83–86]. stable pendant le traitement endodontique. La synchronisation
Dès que le patient se présente, les étapes suivantes sont est cruciale pour éviter l’installation et la progression d’une
recommandées. résorption radiculaire externe inflammatoire. Les exceptions
1. Placer la dent dans une cupule contenant la solution saline au traitement de canal de routine sont les dents immatures à
physiologique pendant la préparation du patient pour la apex ouvert ; celles-ci peuvent se revasculariser et elles doi-
réimplantation. vent être évaluées à intervalles réguliers de 2, 6 et 12 mois
2. Prendre un cliché radiographique de la région traumatisée après la réimplantation. Si une de ces évaluations indique une
pour mettre en évidence une fracture alvéolaire. Envisager nécrose pulpaire, le traitement de canal comprenant l’apexifi-
la TVFC si indiqué. cation est prescrit [11, 94].
3. Procéder à l’examen minutieux du site de l’avulsion pour
rechercher des fragments osseux libres qu’il faudra retirer. Réimplantation d’une dent sèche depuis plus
Si l’alvéole est effondré, le dégager et l’ouvrir avec précau- de 60 minutes – apex fermé
tion avec un instrument. Quand une dent est restée plus d’une heure hors de l’alvéole
4. Irriguer doucement avec la solution saline pour ôter le (et si elle n’a pas été conservée humide dans un milieu adé-
coagulum contaminé. quat), les cellules et les fibres du ligament parodontal ne survi-
5. Agripper la couronne de la dent avec un davier en évitant de vront pas quel que soit le stade du développement de la racine.
200 tenir la racine à la main. La résorption radiculaire de remplacement (caractérisée par
Prise en charge des traumatismes dentaires 11
l’ankylose) est probablement la séquelle de la réimplantation. ont rapporté des résultats prometteurs de traitements d’apexi-
Pour cette raison, il faudra préparer la dent avant la réim- fication en une séance de dents à pulpes nécrosées avec des
plantation en traitant la surface radiculaire avec du fluor pour apex ouverts en utilisant le MTA [101]. De plus, l’insertion
ralentir le processus de résorption [84]. d’une médication dans le canal n’est pas nécessaire en utili-
Dès que le patient se présente, les étapes suivantes sont sant le MTA comme un bouchon apical.
recommandées. La revascularisation de la pulpe, intervention utilisée pour
1. Examiner le site de l’avulsion de la dent et examiner les traiter la pulpe nécrosée et l’infection péri-apicale des dents
radiogrammes pour rechercher des fractures alvéolaires. immatures, a retenu l’attention des cliniciens compte tenu des
2. Éliminer les débris et les résidus de tissu mou adhérant à la résultats encourageants observés dans les nombreuses études
surface de la racine avec une gaze. in vitro et in vivo [102, 103]. L’avantage des interventions de
3. En cas de report de la réimplantation, le traitement de revascularisation par rapport à l’apexification est que la revas-
canal doit être exécuté soit avant la réimplantation, soit 7 cularisation peut contribuer à la maturation de la racine [104, 105].
à 10 jours après, comme pour les autres cas de réimplanta-
tions. Oblitération de la cavité pulpaire (métamorphose
4. Aspirer le caillot sanguin minutieusement de l’alvéole et calcique)
rincer celui-ci avec une solution saline. Une calcification partielle ou complète de la cavité pulpaire est
5. Réimplanter doucement la dent dans l’alvéole en vérifiant couramment observée après une luxation des dents immatures
l’alignement et le contact occlusal. dont la pulpe est richement vascularisée [76]. Cette oblitération,
6. Placer un fil de contention flexible (diamètre de 0,4 mm parfois partielle, parfois quasi complète (après plusieurs
pendant 4 semaines). années), ne nécessite pas de traitement de canal, sauf si des
Le trempage de la dent dans une solution de fluorure de signes et des symptômes suggèrent une nécrose pulpaire [76].
sodium à 2,4 % (acidifié à un pH de 5,5) pendant 20 minutes
a été proposé pour diminuer le remplacement osseux [99], mais Résorption radiculaire
cette proposition ne doit pas être considérée comme une La résorption radiculaire externe est une occurrence fréquente
recommandation absolue. des dents réimplantées à la suite d’une avulsion. Trois types
de résorption ont été identifiés : résorption de surface, résorp-
Instructions au patient tion inflammatoire et résorption de remplacement [106, 107].
Une prescription antibiotique est recommandée pour les
patients ayant subi une réimplantation dentaire d’une dent Résorption de surface
avulsée [100]. Pour un patient âgé de 12 ans, la prescription habi Aussi appelée « résorption liée à la réparation », la résorp-
tuelle est la doxycycline, 100 mg deux fois par jour pendant tion de surface est éphémère et se présente sous la forme
7 jours. L’amoxicilline à 500 mg deux fois par jour pendant de lacunes de résorption du cément des dents réimplantées.
7 jours peut être une alternative. Pour des enfants âgés de Elles ne sont généralement pas visibles à la radiographie. Si
moins de 12 ans, la pénicilline V 25 à 50 mg/kg du poids cor- la résorption ne se prolonge pas, la lacune est comblée par le
porel en doses fractionnées toutes les 6 heures pendant 7 jours dépôt de cément néoformé.
peut être prescrite [11]. Un rappel de vaccin antitétanique est
recommandé si le précédent a été administré il y a plus de Résorption inflammatoire (liée à l’infection)
5 ans [19]. L’éducation thérapeutique est importante. Expli- La résorption inflammatoire est une réponse à la nécrose
quer au patient (et aux parents) pourquoi et comment adopter de la pulpe infectée conjuguée avec une lésion du ligament
un régime alimentaire mou pendant 2 semaines, pourquoi parodontal. Elle atteint les dents réimplantées (fig. 11.21) et
et comment brosser ses dents avec une brosse souple après d’autres dents sujettes à d’autres types de luxations trauma-
chaque repas, et enfin pourquoi et comment prendre un bain tiques. Elle est caractérisée par la perte de structure dentaire
de bouche à la chlorhexidine (0,12 %) deux fois par jour pen- et d’os alvéolaire adjacent. Généralement, la résorption cesse
dant une semaine. après le retrait de la pulpe nécrosée infectée ; ainsi, le pronos-
tic est bon. Le traitement de canal est, par conséquent, tou-
Séquelles des traumatismes dentaires jours recommandé pour les dents réimplantées avec des apex
Nécrose pulpaire fermés afin d’éviter une résorption inflammatoire.
Quand une nécrose pulpaire a été diagnostiquée, le facteur
principal à prendre en compte est le stade de développement Résorption externe de remplacement
de la racine. Si le développement est complètement achevé, (lié au ligament parodontal)
le traitement de canal est le choix thérapeutique premier. Si Dans la résorption externe de remplacement, la structure den-
les apex sont ouverts, les options thérapeutiques comprennent taire est résorbée, puis remplacée par de l’os (fig. 11.22) ; il en
l’apexification et la revascularisation de la pulpe. résulte une ankylose, à savoir une fusion tissulaire directe de
L’apexification classique fait référence au traitement à l’os et de la surface radiculaire. Les caractéristiques de l’anky-
l’hydroxyde de calcium à long terme pendant 18 mois. Cepen- lose sont : la perte de mobilité physiologique, l’impossibilité
dant, la longueur et la nature du processus thérapeutique peuvent pour la dent d’achever son éruption le long des dents adjacentes
avoir pour conséquence une fracture coronoradiculaire (parois (béance localisée chez les jeunes), et un son métallique franc
dentinaires fines et peu résistantes) et l’impossibilité immédiate au test à la percussion. Actuellement, aucune thérapeutique
de restaurer la dent absente avec un matériau esthétique. n’est disponible pour traiter la résorption de remplacement,
Plusieurs procédures et différents matériaux ont été utilisés qui est un processus continu dont l’issue est le remplacement
pour induire la formation d’une barrière isolant la cavité pul- total de la racine dentaire par de l’os. Les dents expulsées qui
paire des tissus péri-apicaux. En 2001, Witherspoon et Ham sont maintenues trop longtemps en dehors de l’alvéole à l’état 201
11 ENDODONTIE
Fig. 11.21 Cinq ans après l’avulsion de son incisive centrale maxillaire gauche, un adolescent âgé de 14 ans vient consulter.
Une photographie clinique (A) et l’examen radiographique (B et C) ont révélé la présence d’une résorption radiculaire externe
inflammatoire.
sec se résorbent plus lentement (mais le processus ne s’arrête séance comme médication intracanale peut être utile [82, 106].
pas) si elles sont immergées dans une solution fluorée avant la Il est particulièrement bénéfique si le canal radiculaire est
réimplantation [88, 106]. infecté, ce qui peut probablement se produire si le traitement
est différé à plus de quelques semaines après la réimplanta-
Traitement de canal radiculaire tion. L’utilisation de l’hydroxyde de calcium à long terme
L’espoir de voir les dents réimplantées après avulsion récupé- n’est pas recommandée compte tenu de son action sur les
rer leur irrigation sanguine est vain [85]. La revascularisation structures dentaires [108]. Rosenberg et al. ont démontré que
peut s’installer dans les dents immatures avec apex ouverts, l’hydroxyde de calcium, en tant que matériau d’obturation,
mais c’est imprévisible et doit être contrôlé avec soin. Ces fragilise la dentine dans 23 à 43,9 % des cas par comparaison
dents doivent être suivies radiographiquement pour détecter avec l’obturation à la gutta percha ; la résistance à la fracture
une nécrose pulpaire éventuelle. diminue avec l’augmentation du temps de traitement avec
Les dents matures réimplantées indiquent définitivement l’hydroxyde de calcium [109].
le traitement de canal qui doit être exécuté 7 à 10 jours L’intervention consiste à désinfecter et à préparer la cavité
après la réimplantation. Une attelle de contention peut être pulpaire, puis à placer l’hydroxyde de calcium pendant une
maintenue pendant le traitement pour assurer la stabilité de durée minimale de 1 à 2 semaines [82]. L’obturation définitive
202 la dent. L’utilisation de l’hydroxyde de calcium en inter- est réalisée avec la gutta percha et un ciment de scellement.
Prise en charge des traumatismes dentaires 11
Une évaluation à long terme est nécessaire pour vérifier l’exis- Fractures alvéolaires
tence possible d’une résorption. La nécrose pulpaire est souvent associée aux fractures alvéo-
La restauration de la dent au niveau de la cavité d’accès laires, qui pourraient à leur tour être associées à d’autres
dans la couronne avec un ciment temporaire ou permanent lésions faciales importantes [21, 22]. La demande initiale est de
est la clé du succès. Il est important d’éviter des fuites bacté- diagnostiquer la présence de fracture (fig. 11.23), puis vient
riennes dans la cavité pulpaire. Pour assurer une stabilité à la prise en charge qui consiste à réduire et à contenir les frag-
long terme, une restauration collée avec des résines compo- ments aux dents adjacentes. La TVFC, si elle est disponible,
sites est indiquée. est hautement recommandée. Les chirurgiens buccaux et
maxillofaciaux exécutent généralement cette intervention.
Quand le patient est capable de se laisser examiner la den-
ture, les dents fracturées et les dents adjacentes sont évaluées.
Si, après une période de 3 à 6 mois, les dents ne répondent
toujours pas positivement aux tests de sensibilité, l’hypothèse
d’une nécrose pulpaire est avancée, mais pour l’étayer, la pré-
sence d’autres indicateurs (radioclarté apicale ou symptômes)
est indispensable, avant de prendre la décision de traiter les
canaux radiculaires [110].
Fig. 11.24 Hypoplasie de l’émail sur une incisive permanente après avulsion et réimplantation immédiate de l’incisive centrale
temporaire. Un garçonnet âgé de 1 an a chuté et s’est cogné contre une table. L’incisive centrale maxillaire droite temporaire
a été expulsée et réimplantée. De l’amoxicilline a été prescrite pour 7 jours. A. Le radiogramme réalisé le jour du traumatisme
montre l’incisive centrale temporaire réimplantée. B. À l’âge de 3 ans, le suivi de 5 mois montre que la racine de la dent est
complètement résorbée. L’incisive controlatérale montre l’achèvement de la formation de la racine. C. Hypoplasie de l’émail de la
couronne de l’incisive de remplacement droite au suivi de 7 ans.
fractures radiculaires, les fractures alvéolaires, les extrusions peuvent être restaurées avec des ionomères de verre ou des
et les luxations latérales (fig. 11.25). L’habileté du dentiste résines composites, ou bien les sites de fractures doivent
pour se débrouiller avec un très jeune enfant implique l’uti- être adoucis et polis sans qu’il soit nécessaire de les res-
lisation sans danger des agents sédatifs, la résolution de la taurer.
délicate relation biologique entre l’apex de la dent temporaire
et la dent permanente en développement qui lui succède ; cela Fractures de la couronne avec exposition
exige d’apprécier le stade de résorption de la racine de la dent de la pulpe
temporaire ; tous ces facteurs doivent être pris en compte pour Une fracture de la couronne avec exposition de la pulpe est
dresser un plan de traitement approprié [12, 111]. une urgence difficile, en particulier chez les enfants très
jeunes. La thérapeutique comprend la pulpotomie partielle
Fractures de la couronne sans exposition ou complète avec l’hydroxyde de calcium, ou l’extrac-
de la pulpe tion ; cela dépend de l’âge du patient et de sa capacité de
Les fractures de la couronne deviennent des cas d’urgence coopération. Quand le traitement de la pulpe vivante est
quand des enfants très jeunes ressentent des arêtes aiguës ou possible, la couronne peut être restaurée avec des résines
204 coupantes après l’incident traumatique. Les dents temporaires composites.
Prise en charge des traumatismes dentaires 11
Fig. 11.25 Les priorités thérapeutiques après les traumatismes de la denture temporaire comprennent les soins d’urgence
contre la douleur et pour recouvrer la fonction masticatoire. A. Déplacement dentaire grave. B. Expulsion traumatique des deux
incisives centrales temporaires.
Fig. 11.26 Changement de couleur des dents temporaires après une subluxation. Une fillette âgée de 5 ans a chuté en jouant
et s’est cogné les dents frontales contre le sol. A. Dans l’heure qui a suivi la chute, la fillette a subi un examen clinique. Les
deux incisives centrales étaient mobiles mais non déplacées. Une hémorragie du sillon gingival a été constatée. Compte tenu
des interférences occlusales insignifiantes, un léger meulage a été opéré sur les dents opposées. Des instructions relatives à
l’hygiène buccale ont été données à la mère de l’enfant, y compris l’utilisation de la chlorhexidine. B. Le radiogramme obtenu
au moment du traumatisme ne montre aucune anomalie. C. Un mois après, les interférences occlusales ont disparu, mais une
couleur grise persiste sur les deux incisives centrales. D. Au suivi de 18 mois, la couleur des deux couronnes est redevenue
normale. E. Le radiogramme péri-apical montre une oblitération de la cavité pulpaire des deux dents traumatisées.
Fig. 11.27 Importance d’un diagnostic précis après des intrusions et des avulsions dans la denture temporaire. A. Intrusion.
Une incisive centrale maxillaire droite a été profondément enfoncée dans l’alvéole de telle sorte qu’elle donne l’apparence d’une
dent expulsée. B. Avulsion. La dent expulsée a été apportée à la clinique, infirmant le diagnostic d’intrusion.
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209
12 Radiographie endodontique
CHAPITRE
PLAN DU CHAPITRE
OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE
Après avoir lu ce chapitre, l’étudiant devrait être capable : 9. D’expliquer comment détecter la présence de canaux
1. D’expliquer l’importance des radiographies pour ou de racines et comment localiser des canaux
l’établissement du diagnostic endodontique, pour le et des racines cachés sur des radiogrammes de
traitement et pour l’évaluation postopératoire. travail décalés.
2. De discuter les applications spécifiques de la radiographie 10. De décrire les techniques d’obtention des « radiographies
en endodontie. de travail » (c’est-à-dire placement de la surface
3. D’analyser et de critiquer les arguments pour limiter le photosensible et alignement du cône, digue en place).
nombre d’expositions aux radiations ionisantes. 11. De décrire les détails spécifiques du placement de
4. D’identifier les caractéristiques anatomiques normales du la surface photosensible et de l’alignement du cône
maxillaire et de la mandibule sur les images radiographiques. pour obtenir les radiographies de travail de chacune
5. De différencier et d’expliquer les caractéristiques des dents.
radiographiques des images radioclaires et radio-opaques 12. De décrire les limitations du traitement rapide des
d’origine endodontique et non endodontiques films de travail.
(physiologiques et pathologiques) 13. De décrire la technique radiographique pour localiser
6. D’expliquer une décision de variations de l’angle un canal « calcifié ».
vertical ou horizontal de l’axe du cône pour obtenir un 14. D’indiquer les limitations de l’interprétation
radiogramme de travail décalé. radiographique.
7. D’expliquer comment différencier des structures 15. De décrire certaines technologies nouvelles et
anatomiques dans les trois dimensions de l’espace leur application à la radiographie endodontique
en décalant l’angle du cône (c.-à-dire les structures contemporaine et future.
vestibulo-linguales – règle SLOB.. 16. De décrire la technique de positionnement du film
8. De décrire les structures dentaires visualisées sur des extrabuccal et du cône.
images d’incidence normale et sur des images projetées à 17. De décrire les indications spécifiques de la tomographie
angle décalé. volumique à faisceau conique (TVFC).
M
Nous sommes malades du rayon de Röntgen… Vous pou- anifestement (et heureusement), l’inquiétude expri-
vez voir les os d’autres personnes à l’œil nu, et voir aussi mée par l’éditorial de cette publication londonienne
à travers 20 cm de bois massif. Il est inutile d’insister sur n’est pas devenue le reflet de l’opinion générale
l’indécence révoltante de cela. Mais nous attirons avant tout sur la radiographie. Les radiographies sont indispensables et
l’attention du gouvernement… qui devra soumettre les pro- sont le deuxième « équipement oculaire » du dentiste. C’est
positions restrictives les plus sévères. Peut-être que la meil- particulièrement vrai en endodontie, beaucoup de diagnostics
leure chose serait que toutes les nations civilisées s’unissent et de décisions de traitement étant fondés sur l’observation
pour brûler tous les ouvrages sur les rayons de Röntgen, des radiographies. Étant donné que la majorité des structures
pour exécuter tous les chercheurs, et détruire tous les tung qui intéressent l’endodontie ne sont pas visibles à l’œil nu, la
states du monde et les submerger dans le milieu de l’océan dépendance envers la radiographie est considérable, laquelle
210 Éditorial de Pall Mall Gazette, Londres, 1896 est une nécessité et aussi une bénédiction. Mais la radiographie
Radiographie endodontique 12
engage aussi la responsabilité des utilisateurs sur le plan de la
sécurité et du temps ; enfin, malheureusement, les radiographies
sont souvent interprétées abusivement voire mal interprétées.
Les effets de l’exposition aux radiations ionisantes sont
irréversibles ; pour cette raison, il faut se limiter à n’exposer
le patient que si cela est nécessaire. Du fait de l’augmenta-
tion de l’importance accordée à juste titre à la sécurité, toute
exposition aux radiations ionisantes doit être minimisée [1].
Cependant, la dose de rayon pour observer les tissus oraux et
autres a été calculée pour être très basse et engendrer un risque
minimal (mais ce risque existe) [2, 3].
Le temps pour prendre un cliché et le traiter est un autre souci,
d’ordre économique celui-ci. C’est pourquoi seules les radio-
graphies indispensables aux interventions doivent être faites.
Ce chapitre aborde la radiographie appliquée aux interven-
tions en endodontie. La radiographie est une discipline devenue
de plus en plus importante en odontologie depuis les dernières
avancées techniques. Aux États-Unis, elle est devenue une spé-
cialité, faisant ainsi de l’endodontie la plus récente spécialité
dentaire [4]. Ces dernières années, la technologie a explosé, avec Fig. 12.1 A. La projection mésiodistale de cette prémolaire donne
l’apparition de nouveaux équipements et de nouveaux modes des informations limitées sur la morphologie de la cavité pulpaire.
d’utilisation qui demandent une formation et une expérience La perte brutale de radioclarté (petite flèche) signifie généralement
spécialisées. Ce chapitre aborde les questions posées par l’uti- la bifurcation de plusieurs canaux. Sur la face mésiale, les deux
lisation de ces équipements et leurs applications en endodontie. éminences radiculaires (grande flèche) suggèrent deux ventres
convexes et une concavité ; l’absence de ces éminences sur la
face distale évoque une racine plate dont la surface est convexe.
B. La même prémolaire, vue vestibulolinguale. La présence de deux
IMPORTANCE DE LA RADIOGRAPHIE canaux, dans chacun des « ventres » respectifs, est confirmée.
EN ENDODONTIE
La radiographie est essentielle dans trois domaines : le diag- Délimitation de l’anatomie des racines
nostic, le traitement et l’évaluation postopératoire ou le suivi. et de la cavité pulpaire
Chacun de ces domaines a des limitations qui demandent une La délimitation anatomique ne se limite pas à l’identification
approche particulière. L’image d’un radiogramme est la repré- et au comptage des racines et des canaux radiculaires ; il s’agit
sentation d’une figure volumique spatiale en deux dimensions. aussi de détecter des anomalies anatomiques dentaires comme
Pour obtenir le maximum d’information, il faut déployer un un dens invaginatus et des canaux en C [6], de délimiter les cour-
effort pour interpréter l’image dans l’espace [5]. L’avènement bures, les relations entre les canaux et de localiser un canal [7, 8].
des techniques radiographiques en trois dimensions (3D) L’identification s’étend à la caractérisation de l’anatomie trans-
comme la tomographie volumique à faisceau conique (évo- versale de chaque racine et de chaque canal (fig. 12.1).
quée plus loin dans le chapitre) éclaire ce concept.
Caractérisation des structures normales
Radiographie numérisée De nombreuses structures radioclaires et radio-opaques sont
L’utilisation de la radiographie numérisée est de plus en plus souvent présentes à proximité des dents. Il arrive fréquemment
courante en médecine dentaire. Malgré des avantages techniques que l’image de ces structures se superpose aux couronnes et aux
par rapport aux approches conventionnelles, les limites d’inter- racines dentaires et finisse par les cacher [9]. Ces images doi-
prétation sont comparables. Globalement, la radiographie numé- vent être distinguées et différenciées de celles qui évoquent des
risée équivaut à la radiographie argentique pour l’établissement lésions ou de celles qui correspondent à des structures normales.
du diagnostic et la précision du traitement. Ces facteurs et
d’autres observations seront abordés tout au long de ce chapitre. Traitement
Les radiographies de « travail » sont obtenues digue en place,
Diagnostic ce qui crée des problèmes pour placer la surface sensible et
Le diagnostic radiographique comprend non seulement l’iden- positionner le cône. Les clichés sont pris pendant le traitement
tification de la présence et de la nature d’une pathologie, mais et leurs applications sont spécifiques.
aussi la délimitation des contours de l’anatomie des racines
et de la cavité pulpaire, de même que la caractérisation et la Mesure de la longueur de travail
différenciation des autres structures anatomiques normales. La distance entre un point de référence et l’apex radiogra-
phique est mesurée avec précision. Elle fixe la limite apicale
Identification des maladies de la préparation et de l’obturation par rapport à l’image de
Les radiographies doivent être minutieusement étudiées par des l’apex radiographique [10].
personnels dotés d’une connaissance approfondie des modifica-
tions qui signifient la présence de lésions pulpaires, péri-apicales, Discrimination des structures superposées
parodontales ou d’autres lésions osseuses. Beaucoup d’images Des structures anatomiques radio-opaques couvrent et mas-
anormales sont nettes ; mais d’autres sont plus subtiles. quent souvent les racines et les apex. En modifiant l’angle du 211
12 ENDODONTIE
faisceau ionisant, ces structures sont « déplacées » et l’image fréquemment présentes sans signes et symptômes patents ne
de l’apex est plus nette. sont détectables qu’avec la radiographie (fig. 12.3).
Localisation des canaux Évaluation de la cicatrisation
Pour assurer le succès du traitement, la localisation du canal Les lésions non traitées doivent l’être ou devraient l’être.
est manifestement essentielle. Des techniques normées et spé- Quand le traitement a réussi, la régénération (cicatrisation des
ciales permettent au praticien de positionner les canaux qui lésions) des structures normales doit être nette sur les radio-
n’avaient pas été localisés dans la cavité d’accès. grammes de rappel (fig. 12.4).
Différenciation entre les contours des canaux
et l’espace du ligament parodontal
Les canaux s’ouvrent dans la chambre pulpaire et à l’apex.
L’espace du ligament parodontal s’ouvre sur la surface radicu-
laire et dans la région inter-radiculaire (molaires) et est bordé
par la lamina dura adjacente radio-opaque (fig. 12.2).
Évaluation de l’obturation
Les radiographies postopératoires fournissent des infor-
mations considérables sur la préparation et l’obturation des
canaux. La distance entre l’extrémité de l’obturation et l’apex,
la forme de la préparation, la préservation de la forme origi-
nelle du canal, et la qualité de l’obturation de chaque canal
sont évalués à partir des radiogrammes.
Fig. 12.6 Identification et localisation d’un canal. Cette incisive est en rotation et requiert un déplacement mésial du cône
pour obtenir un radiogramme de travail. A. L’image de la lime est décentrée, comme indiqué par le contour mésial de la surface
radiculaire (flèches). Cela signifie que la lime est dans le canal vestibulaire. B. Une recherche linguale a localisé l’entrée du canal
lingual. Les deux canaux confluent à l’apex.
Fig. 12.7 A. La surface sensible est disposée parallèlement au plan de l’arcade. L’axe central du cône (flèche) est dirigé
perpendiculairement au plan du film. C’est la relation géométrique fondamentale qui régit l’angulation verticale et l’angulation
horizontale. B. Les contours de la molaire sont nets, mais les informations sur les structures superposées sont limitées (les canaux
sont inclus dans un plan vestibulolingual). La flèche pointe un ligament parodontal adjacent à une ligne de convexité radiculaire et
non à un deuxième canal. (Source Walton R : Endodontic radiographic techniques, Dent Radiogr Photogr 46 : 51, 1973.) 215
12 ENDODONTIE
Fig. 12.8 A. Une angulation du cône de 20 degrés par rapport à la perpendiculaire au plan du film (projection mésiale). B.
Le radiogramme résultant démontre les caractéristiques morphologiques du canal dans la troisième dimension. Par exemple,
deux canaux sont maintenant visibles dans la racine distale de la première molaire. (Source Walton R : Endodontic radiographic
techniques, Dent Radiogr Photogr 46 : 51, 1973.)
Avantages et indications apex des molaires maxillaires. Pour pallier cette obstruction
Séparation et identification des canaux des racines par ces structures denses, un déplacement mésial
superposés du cône « pousse » l’arcade zygomatique en direction dis-
La séparation et l’identification des canaux superposés sont tale (fig. 12.10). En outre, un abaissement du cône vers le bas
nécessaires pour toutes les dents qui présentent des canaux « pousse » l’arcade zygomatique vers le haut.
situés sur un plan vestibulolingual. Toutes les dents présentent
probablement au moins une racine dans cette configuration, à Mesure de la longueur de travail
l’exception des dents maxillaires antérieures qui ne présentent Pris individuellement, il est possible de mesurer les canaux
qu’un seul canal, sauf dans de rares situations. à partir de l’orifice de la cavité d’accès jusqu’à l’apex
(fig. 12.11).
Séparation et identification des structures
superposées Délinéament des courbures
Parfois, un objet radio-opaque masque une racine. L’exemple La règle SLOB permet le délinéament des courbures. Selon la
le plus courant est l’arcade zygomatique qui dissimule les direction du mouvement relatif de la courbure, il est possible
Fig. 12.9 Sur le schéma central, l’axe du cône se confond avec l’axe vestibulolingual de la dent et le rayon traverse
directement la racine ; l’image obtenue montrera la superposition des deux canaux sur le radiogramme. Lorsque le cône est
décalé en direction mésiale ou distale, l’objet lingual se déplace relativement dans la même direction que le cône ; l’objet
216 vestibulaire se déplace en direction opposée (règle SLOB). (Remerciements au Dr A. Goerig.)
Radiographie endodontique 12
Fig. 12.10 A. L’arcade zygomatique (flèche) masque l’apex et obstrue la vue sur l’obturation. B. Un léger décalage mésial de
l’axe du cône « pousse » l’apex radiculaire lingual en direction mésiale pour qu’il soit visible.
Fig. 12.11 A. Une projection mésiale fournit des informations limitées sur les caractéristiques morphologiques et la relation
anatomique entre les quatre canaux. B. Une projection distale correcte des molaires mandibulaires « découvre » les racines. Les
canaux mésiaux sont aisément visibles sur toute leur longueur. Le canal distal est unique et large comme le montrent les deux
instruments proches l’un de l’autre et parallèles entre eux. 217
12 ENDODONTIE
Fig. 12.12 A. Une résorption est superposée sur le canal ; elle apparaît externe parce que les contours de la portion du canal
qui traverse l’image de la résorption sont toujours visibles. B. Le décalage distal de l’axe du cône révèle une étendue palatine de
la résorption en application de la règle qui énonce le déplacement de l’objet lingual dans la direction du décalage du cône.
de savoir si celle-ci est vestibulaire ou linguale. Il est aussi invisibles à la radiographie. L’axe d’un canal principal unique
possible d’en déterminer la sévérité. est toujours confondu avec l’axe central de la racine. Pour
cette raison, la recherche d’un canal principal, difficile à sai-
Localisation d’objets dans le plan sir, en pénétrant progressivement en profondeur, avec la fraise
vestibulolingual ou un embout à ultrasons, doit être accompagnée de la prise
La règle SLOB permet de localiser un objet dans le plan ves- de deux radiogrammes de travail. Le premier cliché est pris
tibulolingual, qu’il soit situé dans un canal ou à l’extérieur selon l’angle normal, et le second doit être pris en décalant le
d’une racine. Il peut s’agir par exemple d’une perforation cône soit en direction mésiale, soit en direction distale. Le cli-
ou d’une résorption externe : s’étend-elle sur la surface ves- ché normal donne la position de la pénétration sur le plan du
tibulaire ou linguale d’une racine ? Pour résoudre cette ques- film (mésiodistal) ; le deuxième cliché donne l’image de cette
tion, deux clichés devront être pris avec des angles différents position dans le plan vestibulolingual. La direction de la péné-
(fig. 12.12). tration de l’instrument est ajustée par rapport à l’axe central
de la racine où le canal se trouve avec certitude (fig. 12.14).
Identification d’un canal oublié Les nouvelles techniques d’imagerie, comme la tomogra-
La règle SLOB s’applique pendant l’accès des instruments. Un phie volumique à faisceau conique (TVFC), peuvent faciliter
axiome anatomique énonce que si, à seule une racine, corres- l’identification des canaux quand ceux-ci sont difficilement
pond un seul canal principal, ce canal sera positionné au cen- identifiables cliniquement (fig. 12.15).
tre axial de la racine. Dans l’hypothèse où une seule entrée de
canal est visible dans la cavité d’accès, il convient d’insérer une Inconvénients
lime d’exploration dans ce canal. Ensuite, une radiographie doit La technique du décalage du cône présente des problèmes
être réalisée selon un angle mésial ou distal pour confirmer la inhérents à la déformation de l’image obtenue ; par consé-
probabilité de la présence d’un autre canal. Si l’image de l’ins- quent, il faut l’appliquer en ultime recours et l’angle de déca-
trument prend un chemin de traverse considérable par rapport lage doit être minimisé au maximum.
à l’axe central du canal principal, cela étaye l’hypothèse de la
présence d’un autre canal principal (fig. 12.13) dont la localisa- Réduction de la netteté de l’image
tion dans l’espace est fixée par la règle SLOB. Le radiogramme le plus net et le mieux défini ne peut être
obtenu qu’avec la projection des rayons parallèles ou la
Localisation des canaux « calcifiés » technique des rayons parallèles modifiée [23]. Lorsque la
La localisation des canaux « calcifiés » s’applique aussi direction de l’axe central du cône est relativement modifiée
pendant la préparation de la cavité d’accès. Un autre axiome par rapport à l’objet ou la surface sensible (en passant à
endodontique énonce que, à toute racine, correspond l’exis- travers l’objet avec un angle important par rapport au plan
tence indiscutable d’un canal principal. Ce canal peut être de la surface sensible), les contours de l’objet s’estompent
très ténu, il peut être difficile, voire impossible de le trouver (fig. 12.16). Les contrastes entre les zones radioclaires et les
218 ou de le négocier, mais il est présent. Les canaux sont souvent zone radio-opaques sont gommés. Cette apparence estompée
Radiographie endodontique 12
Fig. 12.13 A. Une perforation iatrogénique (préparation de logement de tenon) est visible par l’image mésiale de la lésion, ce
qui n’était pas le cas en projection perpendiculaire au film. La perforation est visible soit vers la surface vestibulaire, soit vers la
surface linguale suite au décalage de l’angle de prise de vue du cliché radiographique. B. L’extrémité du tenon s’est déplacée
légèrement du côté distal sur cette projection mésiale et, par voie de conséquence, la perforation est localisée vers la surface
vestibulaire (règle SLOB). C. Le site anatomique de la perforation (flèche).
Fig. 12.14 Technique de localisation d’un canal oublié pendant la préparation de la cavité d’accès et pendant la recherche
des entrées dans la chambre pulpaire. A. Le radiogramme distal d’une lime unique montre que celle-ci est décentrée du côté
vestibulaire. Cela laisse présager la localisation d’un canal côté lingual. Les lignes verticales radioclaires (flèches) correspondent
aux espaces du ligament parodontal de la racine mésiale. B. Une recherche minutieuse du côté lingual révèle le canal.
ou floue augmente avec l’augmentation de l’angle d’incidence devenir superposés avec d’autres structures en cas de décalage
des rayons ; à cela s’ajoute la superposition probable d’autres de l’axe du cône radiographique. Par exemple, avec la tech-
structures avec les dents. C’est pourquoi l’obtention du nique des rayons parallèles, l’image d’une molaire maxillaire
maximum de netteté exige de limiter autant que faire se peut montre généralement trois racines séparées et trois apex dis-
la déviation de l’axe du cône pour obtenir l’image nécessaire tincts. Un décalage mésial ou distal de l’angle de prise de vue
aux fins d’interprétation. déplace relativement le canal palatin sur la racine distale ou
mésiale et finit par réduire la possibilité de distinguer nettement
Superposition des structures les apex (fig. 12.17). La position plus verticale du cône sur une
Les objets dont l’image obtenue par la technique des rayons incisive maxillaire est un autre cas exemplaire ; les apex sont
parallèles donne toute satisfaction pour l’interprétation peuvent « poussés » dans l’épine nasale antérieure qui est très dense. 219
12 ENDODONTIE
Fig. 12.15 A. La 16 a fait l’objet d’un traitement endodontique et une radioclarté péri-apicale est suspectée sur la racine
mésiovestibulaire. Le patient évoque des symptômes récurrents. B. Le décalage distal du cône montre l’éventuel canal
mésiolingual oublié (MV2) dans cette racine. C. Cette vue sur un plan axial avec la TVFC montre la localisation du canal oublié.
D. Vue nette de la radioclarté péri-apicale sur le plan sagittal d’un cliché en TVFC.
Fig. 12.16 Localisation d’un canal atteint de métamorphose calcique sévère. La recherche initiale est exécutée sans que
la digue soit placée. A. Le canal est très reculé et la couronne est absente, ce qui rend la détermination de l’axe principal
anatomique de la dent difficile, cet axe étant le guide d’orientation de la recherche du canal. B. Un cliché normal pris pendant la
préparation de la cavité d’accès montre un axe de préparation mésial par rapport au canal. (Retenir que le canal occupe le centre
de la racine.) C. La projection mésiale montre que l’axe de la préparation est déplacé du côté vestibulaire ; le canal est centré
(flèche). Par conséquent, la recherche suivante se fera par projection distale pour visualiser le côté lingual. D. Quand la fraise est
redirigée, le canal unique est découvert au centre de la racine. À ce moment, la digue est placée.
Fig. 12.17 A. La projection perpendiculaire au plan de la surface sensible montre le maximum de netteté sur la première
molaire. B. Un décalage mésial de 30 degrés réduit le contraste et la netteté de la distinction entre les objets radio-opaques et
les objets radioclairs. De plus, les racines sont superposées et l’interprétation est plus difficile. 221
12 ENDODONTIE
Lésions radio-opaques
L’identification de l’image des structures radio-opaques locali-
sées dans la région apicale des dents mandibulaires postérieures
est sujette à des erreurs d’interprétation fréquentes. Contrairement
à l’ostéite condensante, ces images ne sont pas pathologiques ;
leur contour est bien défini et leur structure est homogène. Elles
Fig. 12.18 Les caractéristiques de la radioclarté apicale ne sont pas associées à une pathologie pulpaire (fig. 12.20).
suggèrent fortement une pathologie endodontique. La lamina dura
est absente, et l’image de la lésion a l’apparence d’une « goutte Structures anatomiques
d’huile soutenue ». L’origine d’une pulpe nécrosée est manifeste. Plusieurs entités anatomiques se superposent ou peuvent être
confondues avec une pathologie endodontique. Bien que les
trabéculaire [31]. La trame radiographique se présente sous la programmes d’enseignement de la radiographie abordent
forme d’un arrangement concentrique grossier aux contours l’identification de ces structures, il n’est pas rare qu’un praticien
diffus autour de l’apex (fig. 12.19). Une nécrose pulpaire et échoue à identifier ces structures normales quand un problème
une radioclarté d’origine inflammatoire peuvent ou non être endodontique se présente ou est suspecté. Les sources de
présentes. L’ostéite condensante et la parodontite apicale sont confusion les plus courantes sont les sites comportant des trames
fréquemment concomitantes. La pulpe est souvent vivante et trabéculaires clairsemées, en particulier à la mandibule. La région
enflammée. des dents maxillaires antérieures est tout aussi problématique.
Fig. 12.19 Ostéite condensante. Une trabéculation osseuse croissante produit une trame concentrique et diffuse autour de
222 l’apex. Une inspection précise montre l’image radioclaire d’une lésion apicale concomitante à l’ostéite.
Radiographie endodontique 12
Fig. 12.21 A. La surface radioclaire sur l’apex peut être prise pour une pathologie. B. Le test pulpaire (positif, pulpe vivante) et
l’angulation distale qui montre que la radioclarté est vestibulaire confirment l’image du foramen mentonnier (règle SLOB).
Porte-films et porte-détecteurs
Des adaptations spéciales pour l’application des rayons paral-
lèles sont utilisées pour la radiographie de travail en endodon-
tie [37]. Cependant, avec une pratique accomplie, rien n’est plus
efficace que la pince hémostatique pour porter un film ou un
détecteur muni d’une languette adhésive en bouche, digue en
place. La pince hémostatique peut être ajoutée aux autres ins-
truments endodontiques dans une même trousse pour parfaire
la stérilisation et le travail en asepsie. Le cône peut être aligné
sur le plan de la pince hémostatique verticalement et horizon-
talement (fig. 12.24). Le maintien des surfaces sensibles par
le patient avec ses doigts doit être proscrit. C’est incommode,
et le film peut être courbé et l’image déformée (fig. 12.25). La
surface du film doit rester plate.
Le film ou le détecteur porté par la pince hémostatique
est placé par l’opérateur. Puis le patient maintient la pince
hémostatique dans la même position. Le cône est aligné paral-
lèlement au corps de la pince hémostatique (fig. 12.26) ; l’axe
central du cône étant parallèle aux anneaux de préhension de
la pince hémostatique et perpendiculaire à la surface sensible
(fig. 12.27). C’est parce que le plan des anneaux de préhension
de la pince est perpendiculaire au plan du fil que l’axe du cône
Fig. 12.23 Un palais étroit requiert un positionnement distal du film. l’est lui-même. La surface sensible peut dans bien des cas
Noter que le bord supérieur du film est distal par rapport aux tubérosités. être parallèle à l’axe central des dents ; c’est pourquoi cette
technique de prise de vue est appelée technique des rayons
dents antérieures demande un positionnement spécifique parallèles modifiée. Malgré cette modification, la distorsion
(fig. 12.23). Le film Ektaspeed® est recommandé en tant que de l’image qui pourrait en résulter est si minime qu’elle est
support diagnostique [36]. insignifiante pour une radiographie de travail [14].
Les détecteurs du type dispositif à transfert de charge (charged Récemment, des porte-détecteurs sont apparus sur le mar-
couple device [CCD]) ou semi-conducteur métal-oxyde complé- ché ; ils permettent le positionnement des détecteurs numé-
mentaire (complementary metal-oxide semiconductor [CMOS]) riques pour la technique des rayons parallèles ou la technique
suivent les mêmes dimensions que les films, à l’exception de des rayons parallèles modifiée, y compris avec la digue en
leur épaisseur. La plupart des détecteurs sont si épais qu’ils sont place (fig. 12.28).
inconfortables pour les patients qui leur préfèrent les films. Il
peut être utile d’utiliser un détecteur de taille 1 dans certaines Positionnement du film/détecteur numérique
situations pour éviter les ouvertures de la bouche forcées et auto- Habituellement, les films et les détecteurs numériques sont
riser la prise de vue à rayons parallèles, comme cela a été décrit positionnés pour les prises de vue péri-apicales normales. Il
précédemment. Alternativement, des plaques photostimulables existe cependant des exceptions. Compte tenu de l’étroitesse
au phosphore (PSP) peuvent être utilisées. Leur dimension est relative des arcades antérieures maxillaire et mandibulaire,
identique à celle des films ; le traitement de ce type de surface la surface sensible doit être positionnée beaucoup plus pos-
sensible est informatique et reconnu par un ordinateur. térieurement.
Fig. 12.24 A. Une pince hémostatique est utilisée pour porter le film et orienter le cône. Une pince hémostatique tient une
224 languette adhésive (B) et une languette plastique (C) d’un détecteur numérique.
Radiographie endodontique 12
Fig. 12.25 La pression sur le film cause des courbures déformant les
images. Cette courbure du film « étire » la moitié de l’apex de la racine,
ce qui rend l’interprétation et la mesure du canal précises impossibles.
Fig. 12.28 A. Le porte-détecteur numérique permet le positionnement avec la digue en place. L’autre partie du dispositif
comporte un plan de morsure pour positionner le détecteur quand la digue est déposée. B et C. Des porte-détecteurs de type
XCP équipés d’adhésifs pour maintenir le détecteur.
Projection mésiale
La projection mésiale est indiquée pour les prémolaires maxil-
laires et mandibulaires et pour les canines mandibulaires. Elle
est aussi utile pour déceler et traiter un canal mésial supplé-
mentaire des molaires maxillaires.
Projection distale
La projection distale est utilisée pour les incisives et les
molaires mandibulaires. La projection distale est préférée en
vertu de la position relative des canaux des molaires mandibu-
laires ; elle découvre plus efficacement les canaux de la racine
Fig. 12.32 Technique de radiographie extraorale. Utile en cas
mésiale.
d’ouverture buccale limitée, cette technique consiste à placer la
En résumé, les radiogrammes de travail angulés s’appliquent surface sensible sur la joue. L’augmentation du temps d’exposition
aux molaires et aux prémolaires maxillaires pour détecter le est généralement nécessaire. A. Région maxillaire postérieure : le
canal mésiolingual et pour toutes les dents mandibulaires. Les cône est positionné à 45 degrés par rapport au plan occlusal. B.
projections pour les dents maxillaires sont mésiales ; les pro- Région mandibulaire postérieure : le cône est positionné à 35 degrés
jections mandibulaires sont les suivantes : incisives – distale –, par rapport au plan occlusal.
canine – mésiale –, prémolaires – mésiale –, et molaires – distale.
L’acronyme DMMD exprime les différents angles de prise de
vue pour les dents mandibulaires. rapidement perdent leur qualité avec le temps, sauf si le temps
de fixation et de rinçage est respecté [38]. C’est pourquoi il
Radiogrammes de travail numériques est conseillé d’utiliser un sachet renfermant deux films pour
Les principes de positionnement des détecteurs numériques et traiter normalement un des deux films et se réserver le cliché
du cône sont identiques à ceux qui régissent la radiographie de traité rapidement.
travail avec les films. Les plaques photostimulables au phos-
phore ainsi que les détecteurs numériques rigides peuvent être Positionnement du film/cône extrabuccal
maintenus en place avec le doigt du patient. Une approche plus Certains patients ne tolèrent pas les radiographies intrabuc-
convenable est de coller une languette adhésive spécialement cales, généralement à cause des problèmes d’ouverture de la
conçue pour les capteurs numériques. Cette languette sert à bouche. Des radiographies de diagnostic et de travail accep-
utiliser la pince hémostatique pour positionner le capteur et tables peuvent être obtenues avec un positionnement spécial
éviter le maintien avec le doigt du patient. Le cône est posi- du film et du cône (fig. 12.32) [39].
tionné selon les mêmes gestes décrits pour le positionnement
des films.
NOUVELLE TECHNOLOGIE
Traitement rapide
Des solutions sont disponibles pour traiter les films argen- Des approches nouvelles de l’imagerie ont été développées et
tiques de travail en moins d’une minute ; cela peut être se développent. Elles sont uniques et certaines d’entre elles
bénéfique pour une vue rapide. Cependant, les films traités s’améliorent tout en réduisant les doses de rayonnement pour 227
12 ENDODONTIE
Radiographie numérique
Des dispositifs de radiographie numériques variés ont été
comparés, et aucun d’entre eux n’a démontré une qualité
d’image significativement supérieure [43]. L’intérêt de ces
dispositifs est considérable, en offrant les avantages de la
réduction de l’irradiation du patient, l’obtention plus rapide
de l’image, la possibilité de la transmettre, le stockage et son
traitement informatiques, l’inutilité de la chambre noire et du
développement [44]. En revanche, ces dispositifs ne sont pas
supérieurs à la radiographie analogique pour le diagnostic
et pour le traitement [45–50]. De plus, il ne semble pas que le
traitement de l’image numérique améliore significativement
l’interprétation diagnostique [51].
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229
13 Instruments endodontiques
CHAPITRE
PLAN DU CHAPITRE
Les instruments selon les différentes interventions Instruments d’obturation des canaux
Instruments pour la préparation des canaux radiculaires Désinfection et stérilisation
OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE
Après avoir lu ce chapitre, l’étudiant devrait être capable : 6. De préciser les différences entre les instruments de
1. De désigner une trousse générale d’instruments pour préparation des canaux en acier inoxydable et les
établir un diagnostic, exécuter un traitement d’urgence, instruments en nickel-titane, y compris les propriétés
préparer des canaux radiculaires, obturer la cavité physiques et les caractéristiques de leur utilisation.
pulpaire et pour exécuter un traitement de blanchiment. 7. De décrire l’action et l’utilisation des instruments rotatifs
2. De décrire les propriétés physiques générales des pour nettoyer et mettre en forme les canaux radiculaires.
instruments endodontiques et expliquer dans quelle 8. D’expliquer l’utilisation correcte des instruments pour
mesure ces caractéristiques sont en relation avec leur prévenir leur fracture dans les canaux.
utilisation. 9. De reconnaître les changements visibles prédisposant les
3. De décrire la forme fondamentale (longitudinale, instruments à la fracture.
coupe transversale et configuration de l’extrémité) des 10. De décrire les techniques de stérilisation et de
instruments de préparation des canaux les plus courants désinfection des instruments.
et leur mode d’utilisation. 11. De sélectionner les méthodes de stérilisation pertinentes
4. D’expliquer les fondements de la taille et de la conicité pour chaque type d’instrument.
(normalisation) des instruments manuels. 12. D’identifier les manipulations et les agents chimiques qui
5. De décrire et différencier les limes conventionnelles des pourraient détériorer les limes et d’expliquer les moyens
limes de configuration alternative. de reconnaître de telles détériorations.
C
e texte est consacré aux fondements de l’endodontie petit tenus uniquement avec les doigts ont été créés. Outre
clinique ; par conséquent, la liste des instruments l’adaptabilité accrue, ces instruments améliorent la sensation
décrits dans ce chapitre n’est pas exhaustive. Pour tactile de l’opérateur [2]. Alors que ces instruments subissaient
garantir les succès du traitement endodontique, le clinicien des changements, des instruments mécanisés, comme les ins-
doit disposer d’une connaissance approfondie des instruments truments rotatifs, à mouvement en va-et-vient et les dispositifs
qu’il utilise, à savoir : à quoi ils servent, leur composition, à ultrasons, ont fait leur chemin en endodontie. Des dispositifs
leur forme, leur fonctionnement, leur utilisation correcte, les nouveaux continuent d’évoluer (et apparaissent sur le mar-
règles de sécurité et leur entretien. Pour assurer le succès du ché), en recherchant sans cesse l’amélioration de l’efficacité
traitement et éviter les erreurs opératoires, il faut appliquer d’utilisation et des traitements.
cette règle fondamentale : à chaque étape correspond un ins- Ce chapitre passe en revue la trousse instrumentale de
trument correctement choisi. base destinée à des interventions variées et les équipements
Certains instruments manuels servent à de nombreuses de stérilisation efficace. Les différentes conceptions des ins-
interventions diverses hors du champ de l’endodontie (miroir, truments endodontiques sont présentées, comprenant les
sonde, excavateur), tandis que d’autres sont conçus pour métaux qui les composent et les aspects importants de leurs
répondre aux exigences du traitement de canal radiculaire. À propriétés physiques ainsi que les particularités de leur utili-
l’origine, ces instruments étaient peu nombreux et leur concep- sation. Les informations détaillées sur le mode de fabrication
tion était rudimentaire [1]. Les premières limes manuelles et les tests mécaniques sortent du champ et des objectifs de
apparues sur le marché étaient pourvues d’un long manche, ce chapitre ; cependant, certains faits essentiels évoqués dans
ce qui limitait leur utilisation au traitement des dents anté- les objectifs d’apprentissage sont développés pour permettre
rieures. Suite à la diversification des traitements de canaux l’utilisation efficace des instruments (et empêcher leur mau-
230 étendus aux dents postérieures, des instruments à manche plus vaise utilisation).
Instruments endodontiques 13
LES INSTRUMENTS SELON LES DIFFÉRENTES porte-films, les ciseaux, la pince hémostatique, le porte-
INTERVENTIONS fraises, et les seringues d’anesthésie et d’irrigation.
Concernant l’irrigation, la méthode la plus courante est
La trousse d’examen clinique et de diagnostic celle de l’aiguille d’un calibre variant de 27 à 30, montée sur
Une trousse d’examen clinique et de diagnostic de base une seringue de 5 à 10 ml de type Luer-Lok. Cette aiguille a la
comprend des instruments utilisés également en dentisterie particularité de comporter une extrémité de sécurité fermée en
restauratrice comme la cassette conçue pour la stérilisation sorte que l’expulsion du liquide d’irrigation soit latérale ; cette
contenant le miroir de bouche, une sonde d’exploration, une configuration réduit le risque d’extrusion apicale [3].
sonde parodontale et une précelle, servant à porter les bou- Les dispositifs à agitation soniques ou ultrasoniques, les
lettes de coton pour les tests thermiques et à sécher les dents équipements à pression négative (EndoVac®) [4], ou à ondes
pour le test électrique. photo-acoustiques de photons générées par laser (photon-ini-
Bien qu’ils ne soient pas des instruments à proprement parler, tiated photo-acoustic streaming [PIPS®]) [5] se révèlent effi-
d’autres matériaux d’isolation sont nécessaires : la gaze, les caces dans certaines situations. La description complète de ces
roulons de coton, les Dri-Angles® (tampons plats absorbants), dispositifs et de ces méthodes dépasse la portée de ce chapitre.
la digue de caoutchouc, des boulettes de coton, le papier occlu-
sal, le bâton de morsure, le bâton de bois ou Tooth Slooth®, les La trousse d’urgence
canules d’évacuation et les dispositifs radiographiques. Les instruments requis sont dictés par l’examen diagnos-
tique. Les interventions d’urgence sont multiples ; cela peut
La trousse d’intervention endodontique comprendre la pulpotomie, la pulpectomie, l’équilibration
de routine occlusale, ou l’incision pour drainer un abcès apical aigu.
Les instruments utilisés pour l’anesthésie locale, la radiogra- La plupart des situations d’urgence peuvent être traitées
phie, l’isolation du champ opératoire, la cavité d’accès et la avec une trousse d’intervention ou de diagnostic de routine.
mesure de la longueur de travail sont décrits dans d’autres Si une incision pour drainage est indiquée, il faut disposer
chapitres. Pour la majorité des interventions endodontiques de d’autres outils comme le manche de scalpel et la lame de bis-
routine (nettoyage, mise en forme et obturation), une trousse touri, un élévateur à périoste, une petite pince hémostatique
spécialisée accompagne la trousse d’examen clinique et de courbe, des drains en latex, un porte-aiguille, du matériel de
diagnostic de base précédemment décrite. suture, une seringue à irrigation de 25 ml, une aiguille d’irri-
Certains instruments ont été spécialement adaptés pour gation de calibre 18, une solution saline stérile et des embouts
l’endodontie (fig. 13.1). Par exemple, la sonde double endo- d’aspiration (fig. 13.2).
dontique EX DG 16® présente deux longues pointes coniques à
deux angulations. Les sondes d’exploration ne doivent jamais Instruments pour le blanchiment interne
être chauffées. Les débris sont extraits de la chambre pulpaire Les instruments de blanchiment comprennent les pâtes et les
et des canaux au moyen d’un excavateur en forme de cuiller instruments en plastique. Ils font partie de la trousse de prépa-
monté sur une tige dont la longueur du col est très supérieure ration et de nettoyage des canaux (fig. 13.3). Les instruments
à celle de la tige des excavateurs de dentisterie restauratrice. en plastique sont utilisés pour insérer la préparation de blan-
L’instrument Glick® n° 1 comporte une spatule (pour insérer les chiment (généralement du perborate de sodium et de l’eau dis-
restaurations temporaires) et un fouloir (pour ôter ou condenser tillée) et pour fouler la restauration temporaire.
de la gutta-percha). Le fouloir peut être chauffé. Le manchon
du fouloir est parfois gradué sur 5 mm. D’autres fouloirs à
long col et à bout plat ou à pointe conique sont utilisés pendant INSTRUMENTS POUR LA PRÉPARATION
l’insertion de divers matériaux dans les canaux radiculaires. DES CANAUX RADICULAIRES
Les techniques spécifiques appliquées à ces instruments
seront développées dans d’autres chapitres de ce livre. L’objectif de la préparation des canaux radiculaires (nettoyage
D’autres outils sont utilisés dans beaucoup d’interventions et mise en forme) est d’éliminer mécaniquement le contenu de
endodontiques comme la spatule, la règle millimétrée, les la cavité pulpaire et de permettre la désinfection chimique et
Fig. 13.1 Instruments endodontiques spécialisés. En haut, sonde exploratrice D16. Au centre, excavateur cuiller 31L. En bas,
Glick n° 1. L’extrémité du fouloir (à gauche) sert à chauffer ou à éliminer la gutta-percha ; la spatule (à droite) sert à placer les
pansements provisoires. 231
13 ENDODONTIE
Propriétés physiques
De nos jours, deux catégories fondamentales de métal compo-
sent les instruments de préparation des canaux : l’acier inoxy-
Fig. 13.2 La trousse de base pour l’incision et le drainage comprend : dable et le nickel-titane. Les compositions individuelles des
(1) le manche du scalpel et (2) la lame de bistouri, (3) l’élévateur à métaux et leur manipulation pendant la fabrication varient
périoste, (4) l’embout d’aspiration, (5) le porte-aiguille, (6) la seringue selon les fabricants, ce qui produit des instruments dotés de
d’irrigation avec une aiguille de calibre 18, et (7) une solution saline
propriétés différentes. Ces nombreuses variétés constituent
stérile. Un drain en caoutchouc est fréquemment ajouté.
des marques déposées sous brevets. Le choix du type d’ins-
trument par le clinicien est fondé sur des propriétés phy-
siques pouvant répondre aux nécessités de l’intervention (par
exemple la rigidité, la flexibilité, l’efficacité de la coupe, la
mémoire de forme, la durabilité) et sur le coût [9].
La composition de base des instruments en acier inoxydable
inclut le carbone, le fer et le nickel, auxquels s’ajoutent des traces
de manganèse (Mn), de chrome (Cr) et de molybdène (Mo) pour
parvenir à leur donner leurs propriétés spécifiques. Les instru-
ments en acier inoxydable sont relativement peu flexibles, ce qui
les rend moins adaptables aux courbures des canaux.
Des alliages métalliques nouveaux ont été incorporés pour
tenter d’améliorer la qualité des limes. Les instruments en
nickel-titane sont composés d’environ 55 % de nickel et 45 % de
titane, ces proportions variant selon les fabricants. Ces consti-
tuants spécifiques subissent des processus d’usinage divers
comme la température ou les phases de chaleur intense et de
refroidissement, qui confèrent à ces instruments des propriétés
significativement différentes. Les instruments en nickel-titane
Fig. 13.3 Équipement pour blanchiment interne. La solution saline sont plus flexibles et s’adaptent plus volontiers aux canaux fins
stérile à mélanger avec le perborate de sodium. La spatule à malaxer et courbes [10] tout en ne présentant aucun avantage sur les limes
et un instrument en matière plastique pour le placement de la pâte et en acier inoxydable quant à la préparation des canaux droits et
du ciment provisoire. des espaces irréguliers de la cavité pulpaire radiculaire [11–13].
Le nickel-titane ne se conforme pas aux règles normales de
le scellement de tous les espaces de cette cavité. La mise en la métallurgie. En effet, au sein de la structure cristalline de cet
forme du canal est en partie dictée par la méthode d’obtura- alliage super-élastique, des contraintes externes transforment
tion qui va suivre. Des instruments variés sont conçus pour la forme austénitique du nickel-titane en forme martensitique
améliorer l’efficacité et l’efficience du traitement tout en qui autorise des contraintes plus grandes sans augmentation
réduisant les risques iatrogènes. Le clinicien doit disposer de la tension.
d’une connaissance des matériaux qui composent ces instru- Compte tenu de la structure cristalline unique et de la capa-
ments ainsi que des principes qui guident leur fabrication et cité de changement de phase du nickel-titane, la majorité des
des recommandations fournies par les fabricants. limes usinées avec ce métal sont dotées d’une mémoire de
Pour débarrasser mécaniquement une zone d’un canal radi- forme : elles sont capables de revenir à leur forme originelle
culaire de la totalité de son contenant biologique, un instrument après avoir été déformées. Cette propriété est importante ;
doit être en contact et doit aplanir toutes les parois [6]. Malgré la mémoire de forme confère aux alliages de nickel-titane la
les améliorations constantes des conceptions géométriques et flexibilité et la résistance à l’usure nécessaires à l’utilisation
des propriétés physiques, il n’existe toujours pas d’instruments de routine efficace des limes endodontiques rotatives dans les
232 ou de techniques suffisamment élaborés, capables de préparer canaux courbes [14]. Néanmoins, les tests de torsion démontrent
Instruments endodontiques 13
Instruments rotatifs
Certaines techniques requièrent des instruments rotatifs à
vitesse lente pour faciliter la préparation des canaux, prin-
cipalement en permettant un accès direct dans les canaux
(fig. 13.11) ou en évasant le tiers coronaire des cavités pul-
paires radiculaires. La longueur de ces instruments en acier
inoxydable ou en nickel-titane est variable.
Les fraises rotatives de Gates-Glidden sont elliptiques (en
forme de flamme), et portées par un long col et un mandrin ;
elles servent à ouvrir les entrées des canaux. Elles complètent
l’accès rectiligne aux canaux en éliminant les surplombs den-
Fig. 13.10 Mouvements des limes et des alésoirs. La structure
tinaires et en évasant rapidement le tiers coronaire du canal.
dentaire est d’abord excavée par retrait en limant et par rotation en Les fraises de Gates-Glidden sont conçues pour se briser sur la
alésant. partie la plus haute du col. Cela permet d’extraire facilement
l’instrument brisé de la dent ; une fracture au niveau de la tête
coupante peut obstruer un canal [33, 41, 42]. Il est important de
Selon leur configuration, le maniement des limes et des alé- noter que la rotation de ces fraises doit être continue. En cas
soirs est très différent. Pendant la préparation du canal, deux d’arrêt, l’extrémité de la fraise se bloque dans le canal et les
types de mouvement sont habituels, l’alésage et l’aplanis- forces de torsion créées contribuent à fracturer l’instrument.
sement des parois dû au limage (fig. 13.10) [39]. Les limes sont Les alésoirs rotatifs Peeso (à l’origine conçus pour préparer
efficaces quand elles sont utilisées en va-et-vient (en retrait des logements de tenons) sont similaires aux fraises Gates-
et en aplanissant) et les alésoirs le sont par un mouvement de Glidden, à ceci près que la partie travaillante de l’instrument
rotation alternée (couple de torsion et coupe) ; ils sont moins est allongée et cylindrique plutôt qu’elliptique, avec ou sans
236 efficaces quand ils sont utilisés comme des limes. extrémité de sécurité. On prête aux alésoirs Peeso un moyen
Instruments endodontiques 13
Lasers
Les lasers ont été présentés pour la préparation des canaux
avec des résultats mitigés. Présentement, ils sont prometteurs
pour désinfecter les canaux [5].
Fig. 13.14 A. La conception innovante de l’instrument Lightspeed® en nickel titane. À l’extrémité de l’instrument se trouve
une lame travaillante dont l’extrémité est non coupante et petite ; la tige flexible tend à centrer la partie travaillante pendant la
238 préparation du canal. B et C. Vues à fort grossissement de l’extrémité de l’instrument Lightspeed®.
Instruments endodontiques 13
INSTRUMENTS D’OBTURATION DES CANAUX
Fig. 13.16 Usage excessif des limes rotatives en nickel-titane Fig. 13.17 Fouloir à condensation latérale D11 avec manche (à
montrant un enroulement des torsades sur elles-mêmes (petite gauche) et fouloir à condensation latérale digital (à droite). Le fouloir
flèche), et un déroulement de torsade (grande flèche). digital est plus souple et plus sûr. 239
13 ENDODONTIE
Les fouloirs sont disponibles aussi bien en acier inoxydable équipés de pointes spécifiques dont la taille et la conicité
qu’en nickel-titane. L’avantage manifeste du nickel-titane correspondent à la taille et à la conicité de la forme du canal
sur l’acier inoxydable est sa capacité de pénétration dans les préparé ou encore à la technique d’obturation.
canaux supérieurement courbés [56]. Les fouloirs en nickel- La plupart des fouloirs sont à manche ; cependant, il existe
titane occasionnent moins de contrainte dans les canaux aussi des fouloirs digitaux qui peuvent remplacer les fouloirs
courbes comparés aux fouloirs en acier inoxydable [57]. Les à manche. Les fouloirs sont généralement disponibles en
instruments à manche sont capables de générer des forces très trousses et peuvent être simples ou doubles selon le fabricant.
importantes dans le canal pendant l’obturation ; par consé- Quel que soit le canal à obturer, la région apicale impose
quent, les fouloirs digitaux doivent être envisagés pour obturer d’utiliser le fouloir de diamètre le plus petit, et le diamètre le
des canaux courbes (fig. 13.18). Tous les fouloirs à condensa- plus grand doit être choisi en fonction du diamètre de l’entrée
tion latérale doivent être utilisés avec prudence compte tenu coronaire pour que le fouloir agisse mieux pour compacter la
de l’intensité des forces appliquées. gutta percha verticalement.
Après le remplissage de gutta-percha vers la région apicale,
Compaction verticale à chaud l’espace résiduel du canal resté vide peut être obturé efficace-
Les instruments pour la condensation verticale à chaud sont ment et avec efficience par de la gutta percha injectée.
divisés en deux catégories : ceux qui transfèrent la chaleur à la Certains fabricants offrent un dispositif combiné : une
gutta-percha, et ceux qui compactent la gutta-percha (fouloirs source de chaleur avec une méthode d’injection de la gutta
[pluggers]) (fig. 13.19). Au cours de cette intervention, le maté- percha en un seul équipement. Il existe aussi des dispositifs
riau d’obturation est alternativement chauffé et compacté avec sans fil ou commandés par des batteries pour plus de fonction-
les fouloirs. Ces fouloirs sont disponibles en trousses de tailles nalité d’obturation afin de faciliter le remplissage des espaces
variées, ce qui permet un ajustement approprié pour les diamètres restreints et l’efficience de l’intervention. Ces équipements
variés des canaux préparés. Les fouloirs poussent la gutta percha sont transférables d’une pièce à l’autre.
ramollie à l’intérieur de toutes les crevasses de l’espace du canal. D’autres techniques d’obturation intègrent des méthodes de
Un soin particulier doit être pris pendant cette opération compte transport de gutta percha et d’injection. Tous les instruments
tenu du fait que le chauffage du matériau peut faire perdre le ne peuvent pas être décrits dans ce livre. De plus, des maté-
contrôle de l’obturation par rapport à la compaction latérale. riaux de scellement et d’obturation ainsi que des techniques
Si l’obturation exige l’application de la chaleur, celle-ci voient le jour continuellement ; et certains requièrent un
peut être manuelle avec un réchauffeur (par exemple le Glick équipement instrumental spécifique pour ces matériaux et ces
n° 1) ou avec tout autre fouloir de taille adéquate par rapport méthodes d’obturation. Ceux-ci font l’objet d’une débauche
au canal préparé. Il existe aussi des dispositifs électroniques de marketing en dépit de l’absence de données scientifiques
qui génèrent de la chaleur automatiquement sur un instrument fondamentales et cliniques disponibles pour vérifier leur effi-
240 qui sera inséré dans le canal. Ces générateurs de chaleur sont cacité prétendue par les fabricants.
Instruments endodontiques 13
DÉSINFECTION ET STÉRILISATION vapeur ou chimique. Les instruments enveloppés dans de la
gaze passent à l’autoclave pendant 20 minutes à 121 °C avec
Le terme nettoyage signifie qu’un objet est visiblement débar- une pression de 1,03 Bar [58]. Ce procédé tue l’ensemble des
rassé des débris, du sang ou de contaminants potentiels. La bactéries, des spores et des virus.
désinfection est une tentative de réduire la contamination Les autoclaves utilisant une solution chimique plutôt que
microbienne ; ce qui ne veut pas dire qu’il en résultera un l’eau ont l’avantage de moins rouiller les instruments. Cepen-
objet stérile. Un objet stérile est complètement débarrassé de dant, la vapeur et l’autoclave chimique émoussent le tranchant
toutes les bactéries, de tous les virus, de tous les champignons de tous les instruments coupants, en raison de la dilatation à la
ou de tout autre organisme vivant. chaleur et de la contraction au refroidissement, entraînant un
Les limes et les autres instruments sont contaminés, même certain degré de déformation permanente des arêtes.
quand ils sont neufs. La stérilisation est recommandée avant La chaleur sèche est supérieure pour stériliser les instru-
la première et avant toutes les autres utilisations. Pendant les ments coupants, comme les ciseaux, parce qu’elle préserve
interventions endodontiques, les instruments sont exposés au leur tranchant. Le temps du cycle de stérilisation par la cha-
sang, aux résidus tissulaires mous ou minéralisés, ou bien ils leur sèche est dépendant de la température. Dès que la tempé-
peuvent les retenir ; à cela s’ajoute l’exposition aux virus, aux rature a atteint 160 °C, les instruments doivent être laissés au
bactéries et à leurs toxines. Pour toutes ces raisons, ils doivent repos pendant 60 minutes. L’inconvénient de cette méthode
être nettoyés et désinfectés puis stérilisés. réside dans le temps substantiel pour atteindre la température
Pendant le déroulement d’une intervention, la désinfection maximale de stérilisation et dans l’attente pendant le temps de
et le nettoyage de la surface des instruments peuvent être réa- refroidissement. Si la température n’atteint pas les 160 °C, le
lisés avec une gaze ou une éponge imbibée d’alcool isopropy- cycle de chaleur doit être répété [58].
lique à 70 % ou tout autre solution approuvée. Les instruments Les méthodes de stérilisation des limes endodontiques
peuvent être complètement nettoyés, ou les limes peuvent être suscitent de nombreux débats quant à leur efficacité. La plu-
plantées brusquement dans une éponge et hors d’elle pour part des recherches concernent la stérilisation des limes en
déloger les débris et être humectées par le désinfectant. Cela nickel-titane.
nettoie mais ne stérilise pas l’instrument. Plusieurs articles s’accordent sur l’attention à prêter au net-
Idéalement, tous les instruments doivent pouvoir résister à toyage minutieux des instruments de canaux jusque dans les
la stérilisation par la chaleur. Pour les objets qui ne peuvent pas moindres détails, malgré la difficulté de cette besogne. Il sem-
être stérilisés, des instruments jetables ou « à usage unique » ble que le meilleur protocole de nettoyage de ces instruments
sont recommandés. Pour faciliter l’organisation, la stérilisa- doive obligatoirement comprendre une part mécanique, une
tion et le stockage des instruments, l’utilisation de cassettes part chimique et le passage dans les bains à ultrasons [59, 60].
disponibles dans le commerce est commode pour les grandes Des auteurs ont démontré que l’utilisation des bacs à ultrasons
trousses d’examen et d’intervention. Si le nombre d’instru- impose de placer les instruments éloignés les uns des autres
ments est moindre, comme pour les trousses d’urgence ou de dans le bac [61] ou de les placer dans une mousse de nanoparti-
blanchiment, l’ensachement est préférable à la cassette. cules, ce qui serait plus bénéfique pour maintenir les qualités
Différentes techniques de stérilisation sont à la disposi- des instruments [62].
tion des cliniciens. Quelques concepts sont présentés dans Des discussions concernent aussi la stérilisation des instru-
ce chapitre. Pour une analyse approfondie des principes, des ments selon les usages ; certains auteurs vont jusqu’à recom-
techniques et des protocoles de stérilisation, le lecteur doit mander l’usage des instruments pour un seul patient [63, 64].
consulter un manuel ou un livre manuel spécialisé sur le sujet. Chaque fabricant propose ses recommandations pour chaque
La stérilisation à froid consiste à immerger les objets pendant type d’instrument.
un temps suffisamment long dans des solutions stérilisantes (par Certaines propriétés des limes en nickel-titane ne sont pas
exemple le glutaraldéhyde), généralement pendant 24 heures. affectées par le processus de stérilisation [65–67]. Les effets de la
Cette méthode est la moins souhaitable parce qu’il est impos- désinfection et de la stérilisation n’ont pas été testés sur toutes
sible de vérifier son efficacité par des indicateurs biologiques. les propriétés physiques. C’est pourquoi il faudra porter toute
Une méthode courante de stérilisation des limes et des son attention à la mise en œuvre de protocoles multiples pour
autres instruments endodontiques manuels est l’autoclave à s’assurer du bon état d’utilisation des instruments.
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242
Anatomie interne
14
CHAPITRE
Richard E. Walton, Eric J. Herbranson, Gérard Lévy
PLAN DU CHAPITRE
Les méthodes de caractérisation de l’anatomie de la pulpe dentaire Les régions de la cavité pulpaire
Considérations générales Variations anatomiques de la racine et de la cavité pulpaire
Les altérations en anatomie interne radiculaire
OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE
Après avoir lu ce chapitre, l’étudiant devrait être capable : 9. De suggérer des méthodes pour indiquer si les racines
1. D’analyser les erreurs qui peuvent causer des difficultés et les canaux sont courbés et caractériser la sévérité
ou des échecs dans le traitement de canal radiculaire de la courbure.
en raison de la méconnaissance de l’anatomie 10. D’énoncer les principes sur la relation entre l’anatomie
de la pulpe dentaire. des racines et celle de la cavité pulpaire radiculaire.
2. D’énoncer les techniques qui aident à caractériser 11. De dresser une liste des dents et des racines
le type de cavité pulpaire dentaire. dentaires qui requièrent la recherche de canal principal
3. D’esquisser les quatre types de canal dentaire les plus supplémentaire.
courants (I à IV), les formes de section des racines 12. De dresser la liste et de reconnaître la signification
dentaires, et les configurations courantes de ces des facteurs pathologiques et iatrogènes qui peuvent
racines. modifier les contours de la cavité pulpaire.
4. De décrire l’anatomie pulpaire et radiculaire respective 13. De décrire le volume de la cavité pulpaire et ses
à chaque dent. composantes majeures.
5. En considérant chaque type de dent, de rédiger une liste 14. De décrire les variations de la cavité pulpaire dans le tiers
de la moyenne des longueurs, du nombre de racines apical en incluant la région du foramen apical.
et des courbures radiculaires les plus courantes. 15. De décrire l’estimation de la distance entre la surface
6. De caractériser les variations anatomiques des racines occlusale/bord incisif de la dent et le plafond
et de la cavité pulpaire les plus fréquentes de chacune de la chambre pulpaire.
des dents. 16. D’analyser la localisation, la morphologie, la fréquence
7. D’expliquer pourquoi les radiographies péri-apicales et l’importance des canaux latéraux.
représentent une image incomplète des racines 17. De décrire la relation entre l’apex anatomique
et de l’anatomie de la cavité pulpaire. et la localisation réelle du foramen apical.
8. D’esquisser un exemple représentatif de l’anatomie 18. De décrire les anomalies anatomiques de la cavité
interne et de l’anatomie externe respective de chaque pulpaire dues aux troubles de développement
dent et de chaque racine dans les plans suivants : du système dentaire et de préciser leur signification.
(1) coupe sagittale des plans mésiodistal et vestibulolingual, 19. D’expliquer pourquoi de nombreuses courbures
et (2) coupe transversale cervicale, à mi-racine et au tiers radiculaires sont invisibles sur des radiogrammes
apical. normaux.
E
n termes de succès du traitement endodontique, la Des techniques spéciales sont requises pour caractériser l’ana-
connaissance de l’anatomie de la cavité pulpaire et de tomie interne des dents pendant le traitement.
son contenu biologique est cruciale. Parmi les causes La véritable connaissance de l’anatomie de la cavité pulpaire
des échecs du traitement, le peu d’effort déployé pour enri- repose sur la compréhension de ses contours dans l’espace ;
chir la connaissance de l’anatomie interne arrive en deuxième la cavité pulpaire est un volume qui doit être appréhendé dans
position derrière les erreurs de diagnostic et de plan de trai- les trois dimensions de l’espace (fig. 14.1). Le clinicien doit
tement. Le succès du traitement dépend de la connaissance développer un travail mental pour visualiser la cavité pulpaire
des configurations de la cavité pulpaire normale et de la prise aussi bien longitudinalement (de la couronne au foramen apical)
de conscience des variations et des anomalies anatomiques. qu’horizontalement par plans horizontaux successifs. De plus 243
14 ENDODONTIE
Fig. 14.1 Exemples de chacun des groupes principaux de dents. Ces images ont été obtenues à partir de dents naturelles en développant
des modèles informatiques polygonaux à partir d’une recherche sous microtomographie à rayons X. Les modèles ont été segmentés au
niveau de la pulpe, de la dentine et de l’émail. La segmentation obtenue, les modèles ont été entrés dans un programme informatique, et des
captures d’écran ont été prises selon la vue souhaitée. Il en résulte une image « transparente » qui reproduit les anatomies interne et externe.
244 A. Incisive centrale maxillaire ; la forme du canal principal tend à être plus régulière. B. Les prémolaires maxillaires montrent des variations
radiculaires et au niveau de l’anatomie de la cavité pulpaire. C. Molaires maxillaires. D. Les variations anatomiques des incisives mandibulaires.
Anatomie interne 14
Fig. 14.1 (suite) E. Les prémolaires mandibulaires présentent une grande variété anatomique des racines et de la cavité pulpaire.
F. Molaires mandibulaires ; de nombreuses variations sont possibles. (Remerciements à Eric Herbranson, images tirées de Tooth Atlas
édité par eHuman.)
des caractéristiques morphologiques générales, des régions outre, les radiogrammes tendent à rendre l’apparence des
« cachées » de la cavité pulpaire sont présentes dans chacun canaux relativement uniforme en forme et en conicité. En
des canaux dentaires. Pour nettoyer et mettre en forme la cavité réalité, des aberrations souvent présentes sont généralement
pulpaire et son contenu au maximum, les instruments endodon- invisibles (fig. 14.2).
tiques doivent atteindre ces régions ; le clinicien doit faire tout Les projections normales illustrent les caractéristiques ana-
ce qui est en son pouvoir pour atteindre ce but afin d’aplanir les tomiques générales. Certaines techniques particulières dévoi-
parois des canaux après les avoir débarrassées des tissus malades lent les canaux oubliés et caractérisent les courbures [8–10]. Ces
et des autres résidus tissulaires [1]. Le manque d’attention à ce techniques sont analysées en détail dans le chapitre 12.
principe important peut conduire à l’échec du traitement.
Exploration
Des informations supplémentaires plus précises sont obtenues
LES MÉTHODES DE CARACTÉRISATION pendant la préparation de la cavité d’accès et la recherche des
DE L’ANATOMIE DE LA PULPE DENTAIRE canaux. Mais ces méthodes ont aussi leurs limites parce que,
souvent, les canaux ne sont pas toujours nettement apparents,
Manuels didactiques ou bien ils ne sont pas aisément accessibles avec les instru-
La consultation de manuels didactiques est la méthode la ments [11].
plus importante et la plus utile pour enrichir la connaissance
en anatomie. Les variations courantes et fréquentes doivent
être mémorisées pour chacune des dents. Cela signifie qu’il CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
faut développer un travail important pour retenir le nombre
de racines par dents, le nombre de canaux et leur localisa- Un postulat énonce que, concernant l’anatomie externe de la
tion pour chaque racine, les morphologies longitudinales et dent et celle de la cavité pulpaire, la forme des contours de
horizontales, la plupart des courbures fréquentes (en parti- la cavité pulpaire est homothétique à celle des contours de la
culier dans le plan vestibulolingual), et les contours radicu- couronne et des racines de la dent [12, 13]. En d’autres termes,
laires dans toutes les dimensions [2–6]. Il est utile de connaître parce que la pulpe a tendance à former les parois opposées de
les pourcentages de ces paramètres pour chaque groupe de la dentine qui l’entoure de manière uniforme, la cavité pul-
dents. Les caractéristiques anatomiques sont schématisées paire est généralement une version miniature de la dent et ses
dans l’appendice à la fin du livre. contours sont en conformité avec les contours de la dent [14].
Fig. 14.2 A. Projection interproximale. La deuxième prémolaire et la première molaire semblent présenter des racines
vestibulaires droites sans complication anatomique. B. Même projection avec un décalage de prise de vue mésial. Ce cliché
interproximal illustre une déformation sévère en « baïonnette » de la deuxième prémolaire avec une courbure vestibulaire
marquée à l’apex (flèche). Les fortes courbures des racines de la molaire et les deux canaux principaux de la racine
mésiovestibulaire sont maintenant mis en évidence. Ces deux dents poseront des problèmes de traitement.
forme d’un sablier au tiers cervical de la racine, fuselée ou groupes dentaires différents et ont examiné leur relation en
très ovale au tiers médian, et ovale dans le tiers apical ; le fonction des populations et du sexe. Leurs résultats retrouvent
nombre et la forme des canaux à chaque niveau de la dent les mêmes constatations que celles des travaux de Vertucci [17].
varieront en conséquence [15]. Il est important de retenir que le Le genre et l’origine ethnique doivent être pris en consi-
contour du plan radiculaire transversal est rarement circulaire dération pendant l’examen clinique préopératoire. Des types
à tout niveau. Penser que la surface transversale d’un canal morphologiques spécifiques de canaux correspondent à des
soit parfaitement circulaire risque de conduire le clinicien à groupes de populations différentes. Par exemple, au sein
exécuter une préparation incorrecte du canal. de la population afro-américaine, le nombre de prémolaires
La connaissance des variations les plus courantes de l’ana- mandibulaires présentant des canaux excédentaires est plus
tomie interne, pour utile qu’elle soit, répond partiellement aux élevé. Une étude a évalué que les patients de cette popula-
questions qui se posent au clinicien ; les réponses ultimes sont tion présentaient plus d’un canal dans 33 % des premières
fournies pendant le traitement de canal. Les canaux radicu- prémolaires et 8 % des secondes prémolaires ; en revanche,
laires prennent des chemins différents dans la région apicale. dans la population caucasienne, cette proportion est de 14 %
La cavité pulpaire radiculaire est complexe ; les canaux peu- pour les premières prémolaires et de 3 % pour les secondes
vent se ramifier, se diviser et se rejoindre. Traditionnellement, prémolaires [24]. Les populations asiatiques présentent encore
les cavités pulpaires radiculaires sont catégorisées en quatre plus de variations que les populations précédemment citées,
types fondamentaux (fig. 14.4) [16]. comme les canaux en C, une (troisième) racine distolinguale
Cependant, en utilisant des techniques précises, Vertucci supplémentaire de la première molaire mandibulaire et la dent
et al. [17] ont trouvé une cavité pulpaire radiculaire complexe, et invaginée (dens invaginatus).
ont identifié quatre variations encore plus complexes et inha-
bituelles, pour un total de huit configurations spatiales de la Identification des canaux et des racines
cavité pulpaire. D’autres chercheurs [18–23] ont minutieusement La différenciation et l’identification des entrées des canaux sont
246 étudié les morphologies des canaux radiculaires dans des facilitées en suivant certaines procédures et en identifiant les
Anatomie interne 14
Agents irritants
LES ALTÉRATIONS EN ANATOMIE INTERNE Tout ce qui expose la dentine à la cavité buccale peut sti-
muler la formation dentinaire à la base des canalicules de la
Comme cela a été évoqué précédemment, la forme originelle pulpe sous-jacente [14]. Les causes de l’exposition dentinaire
de la pulpe est homothétique à la forme du contour des racines. comprennent la carie, la maladie parodontale, l’abrasion,
Cependant, sachant que la pulpe et la dentine réagissent à leur l’érosion, l’attrition, la préparation cavitaire, le surfaçage radi-
environnement, le volume et la forme varient en fonction de culaire et les fractures de cuspides (fig. 14.6). Le traitement
l’âge et en réponse aux agents irritants. de la pulpe vivante, tels la pulpotomie, le coiffage pulpaire 247
14 ENDODONTIE
Calcifications
Les calcifications se présentent sous deux formes fondamen-
tales dans la pulpe : les pulpolithes (denticules) et les calcifica-
tions diffuses. Bien que les pulpolithes soient le plus souvent
logés dans la chambre pulpaire et les calcifications diffuses
dans la pulpe radiculaire, l’inverse est aussi parfois vrai. Ces
calcifications peuvent se former aussi bien sans raison parti-
culière qu’en réponse à une irritation. Les pulpolithes sont
souvent bien visibles à la radiographie [27] ; les calcifications
diffuses peuvent obstruer l’espace pulpaire, mais elles ne sont
visibles qu’à l’examen histologique.
La taille des pulpolithes peut être considérable et elle peut
altérer nettement l’anatomie de la chambre pulpaire (fig. 14.7).
Bien qu’ils ne bloquent pas totalement l’entrée des canaux
radiculaires, les pulpolithes rendent difficiles les processus de
localisation des orifices d’entrée des canaux. Les pulpolithes
volumineux peuvent être attachés ou libres et sont souvent Fig. 14.7 Des calcifications (pulpolithes, ou denticules) sont
extraits pendant la préparation de la cavité pulpaire. Bien que visualisées dans les chambres. Leur apparence discrète entourée
rares dans les canaux, ces pulpolithes sont généralement atta- par des espaces radioclairs démontre que ces calcifications sont
chés ou inclus dans les parois vers la région apicale. Il est rare naturelles et non la réponse à une irritation. (Remerciements
qu’ils forment une barrière au passage des instruments. au Dr T. Gound.)
Fig. 14.8 A. Perforation provoquée par une résorption interne (flèche). B. Quatre ans après le traitement. Des techniques
spéciales de nettoyage, de mise en forme et d’obturation (condensation latérale et condensation thermoplastique) ont permis
248 le succès du traitement.
Anatomie interne 14
LES RÉGIONS DE LA CAVITÉ PULPAIRE Canaux radiculaires
Les canaux radiculaires s’étendent le long de la racine ; ils
La cavité pulpaire est divisée en une portion coronaire (la partent d’une entrée en entonnoir et débouchent à l’extrémité
chambre pulpaire) et une portion radiculaire (le canal radicu- de la racine par le foramen apical. Un nombre significatif de
laire). D’autres entités anatomiques comprennent les cornes racines présentent une majorité de canaux courbes, et les
pulpaires, les orifices d’entrée des canaux et les foramens api- courbures s’observent souvent dans un plan vestibulolingual
caux (fig. 14.9). L’anatomie interne de ces régions est altérée [29, 30]
. Par conséquent, un canal courbe est souvent indétec-
par la formation de dentine secondaire ou de cément. table sur une projection radiographique perpendiculaire à la
surface sensible. Cela conduit un clinicien insuffisamment
Cornes pulpaires initié ou mal formé à supposer qu’un canal est rectiligne
Les cornes pulpaires représentent ce que les dentistes ne sou- et à risquer d’évaser exagérément ce qui est en réalité une
haitent pas rencontrer pendant les interventions de dentisterie courbure vestibulaire et linguale, et à créer une butée ou
restauratrice, mais ce qu’ils souhaitent localiser pendant la une perforation. L’opérateur doit toujours postuler qu’un
préparation de la cavité d’accès. Bien que sa localisation et sa canal est courbe.
hauteur soient variables, une corne pulpaire tend à être toujours
associée à chacune des cuspides d’une dent postérieure ; en ce
qui concerne les incisives, la localisation des cornes pulpaire
tend à être mésiale et distale. En règle générale, la hauteur des
cornes pulpaires correspond à la hauteur du contour de la dent
la plus jeune, mais compte tenu de la formation continue de
dentine, l’extrémité de la corne pulpaire se rapproche du collet
sur une dent plus âgée.
Pour estimer la distance entre la surface occlusale et le pla-
fond de la chambre pulpaire sur un radiogramme analogique,
il convient de positionner une fraise montée sur une pièce à
main en profondeur de la cavité d’accès et d’effectuer une
mesure entre le sommet de la cuspide et la pointe de la corne
pulpaire ou le plafond de la chambre (fig. 14.10). Sur un radio-
gramme numérique, cette distance est mesurée en cliquant sur
l’icône « règle » de l’application informatique.
Chambre pulpaire
La chambre pulpaire occupe le centre de la couronne et le
tronc de la racine. Comme cela a été mentionné, ses dimen-
sions longitudinales et transversales sont dépendantes des
contours de la couronne et du tronc radiculaire ; cette confi-
guration varie avec l’âge de la dent et/ou les réponses aux irri- Fig. 14.10 Une technique pour estimer la distance entre la
tations [12]. Sur les molaires matures, la convexité du plafond surface occlusale et le plafond de la chambre pulpaire. Le bénéfice
de la chambre est généralement située au niveau de la jonction est considérable pour éviter les perforations pendant la préparation
amélocémentaire [28]. de la cavité d’accès.
Fig. 14.9 Les composants anatomiques principaux de la cavité pulpaire. A. Dent antérieure. B. Dent postérieure. (A, source :
Cohen S, Hargreaves K, Keiser K : Pathways of the pulp, ed 9, St Louis, 2006, Mosby.) 249
14 ENDODONTIE
La forme du canal varie en fonction de la forme et de La chambre pulpaire tend à occuper le centre de la cou-
la taille, du degré de la courbure et de l’âge et de l’état de la ronne ; un canal occupe le centre de la racine. Quand deux
dent (voir fig. 14.2 et fig. 14.3). En règle générale, quand une canaux coexistent dans une seule racine, chacun d’entre eux
racine contient deux canaux, le contour horizontal de ces occupe le centre de son propre renflement.
canaux tend à être ovale. Quand, sur une coupe transversale, la
racine présente une concavité mésiale, linguale ou les deux (en Canaux latéraux
forme de sablier ou de haricot), le contour de la coupe transver- Les canaux latéraux (ou accessoires) sont des branches collaté-
sale d’un canal unique peut présenter un contour en forme de rales du canal principal qui font communiquer la pulpe avec le
quille, de haricot, de sablier ou de ruban. En exceptant la forme parodonte. Ils contiennent du tissu conjonctif et des vaisseaux,
au tiers cervical, dans la partie apicale de la courbure, le contour et peuvent être localisés à n’importe quel niveau de la région
de la coupe transversale de la racine (et du canal) tend à être inter-radiculaire [35–38] jusqu’à l’apex ; cependant, ils tendent
plus ovale et peut quelquefois être aplati [31]. Un canal dont le à être plus nombreux au tiers apical et dans les dents posté-
plan transversal est ovale dans la région cervicale peut présenter rieures [38]. En d’autres termes, la probabilité de trouver le plus
une contour ovale ou en ruban à quelques millimètres de l’apex. grand nombre de canaux latéraux augmente au niveau apical
La forme et le nombre de canaux logés dans une racine sont et dans les dents postérieures. Les relations entre les canaux
homothétiques à chaque niveau en profondeur dans le plan latéraux et la santé de la pulpe dentaire sont contestées [39].
vestibulolingual (fig. 14.11) ; et plus le niveau d’observation Ces canaux n’alimentent pas la circulation collatérale et, par
est profond, plus il est probable de constater une division en conséquent, contribuent très peu à la fonction pulpaire ; ils
deux canaux principaux. Si la racine se termine en fuseau sont probablement une anomalie survenue pendant la forma-
au tiers apical, il existe une probabilité de voir les canaux tion radiculaire.
confluer en un seul canal principal proche du foramen apical. Les canaux latéraux sont une voie de passage des irritants
Les irrégularités et les aberrations sont courantes, en particu- qui cheminent de la cavité pulpaire vers le parodonte latéral.
lier sur les dents postérieures. De telles aberrations compren- Ils ne peuvent probablement pas être nettoyés et préparés
nent des convexités et des concavités sur les parois des canaux mécaniquement [1], mais ils sont parfois obturés par les maté-
et sur les contours des racines [32], des communications entre riaux d’obturation (ciment de scellement) pendant la procé-
les canaux (isthmes entre deux canaux), des culs-de-sac, des dure d’obturation (fig. 14.12). Le nettoyage, la désinfection
ailettes, et d’autres variations [33]. Ces aberrations sont géné- et l’obturation des canaux latéraux sont d’une importance
ralement inaccessibles par les instruments ou par les irrigants, négligeable pour le succès du traitement des canaux radicu-
et ils ne peuvent pas non plus être convenablement obturés [34]. laires [24, 40].
Région apicale
Développement
L’apex est l’extrémité de la dent. Il est relativement recti-
ligne chez la dent jeune et mature, mais il tend à se courber
en direction distale avec le temps. Cette courbure est le
résultat de l’apposition disto-apicale du cément pendant
le déroulement de l’éruption. Les variations peuvent aussi être
la conséquence de la résorption et de l’apposition irrégulière
du cément. Pour ces raisons, l’anatomie apicale n’est pas uni-
forme et est imprévisible [41–44].
Foramen apical
La configuration et la taille du foramen apical varient avec
le degré de maturité de la racine. Avant l’achèvement de la
formation de la racine, le foramen est ouvert. Il devient plus
petit et s’ouvre en entonnoir avec le temps de la formation de
la racine et le dépôt de cément. Les preuves scientifiques ont
significativement démontré que le foramen apical ne s’ouvre
jamais au sommet de l’apex anatomique [45, 46], mais plutôt
à 0,5 mm (rarement plus de 1 mm) de distance par rapport à
l’apex anatomique [47]. Le degré de déviation est imprévisible
et peut varier considérablement par rapport à la moyenne, en
particulier sur les dents plus âgées qui ont subi une apposi-
tion de cément (fig. 14.13). Pour ces raisons, l’extrémité de
la préparation et l’obturation du canal radiculaire doivent être
distantes de l’apex radiculaire anatomique, comme c’est illus-
Fig. 14.11 Racines de la première molaire maxillaire. La coupe
tré à la figure 14.14 [48]. Généralement, le foramen apical est
transversale de la racine vestibulaire et de la racine linguale montre invisible radiographiquement. Le clinicien se fonde sur des
une concavité linguale sur la racine vestibulaire et un canal de forme moyennes [41] ou sur des dispositifs de mesure électronique
irrégulière au tiers médian de cette même racine. Cet aspect est pour estimer la longueur de la préparation et de l’obturation
250 courant. (Remerciements au Dr A. Tamse.) du canal.
Anatomie interne 14
Fig. 14.12 A. Lésion de résorption osseuse (flèche) ; cela indique généralement un canal accessoire (invisible) qui est une voie
de circulation des irritants. B. Le canal accessoire est nettement visible après l’obturation.
Fig. 14.13 Variations anatomiques du canal à l’apex. A. Bien souvent, le radiogramme ne donne aucun renseignement
sur la taille, la forme ou la courbure des canaux à l’apex. B. Apex radiculaire mésial montrant une courbe abrupte et embouchure
mésiale du foramen apical bien éloignée de l’apex anatomique. C. Apex radiculaire distal montrant un canal uniforme sans
constriction et des niveaux variables de la jonction cémentodentinaire (flèches) ; ces variabilités sont courantes. (Échantillons
prélevés post-mortem ; remerciements au Dr D. Holtzmann.) 251
14 ENDODONTIE
Fig. 14.16 Dent invaginée. A. L’invagination est visible sur la surface linguale (flèche) de cette incisive anormalement formée.
B. L’invagination tapissée en interne par l’émail (flèche). À cause de la communication avec la pulpe, une nécrose s’est installée
et a induit une pathologie apicale. Ces situations sont difficiles à traiter. (Remerciements au Dr W. Johnson.)
Fig. 14.17 Dent évaginée. A. Les deuxièmes prémolaires montrent deux niveaux d’anomalie ; la flèche montre le tubercule
sur la surface occlusale. B. Le tubercule s’est fracturé (flèche), la pulpe est exposée. C. La coupe histologique objective l’étendue
de la pulpe dans l’évagination du tubercule (flèche). (A et B, Remerciements au Dr W. Johnson.)
Fig. 14.18 Un sillon lingual se présentant sous la forme d’une plicature pendant la formation de la couronne et de la racine.
A. Le sillon est vaguement visible sur le radiogramme péri-apical (flèche). B. Le sillon est souvent détecté à la sonde ; il est
généralement intraitable. (Remerciements au Dr K. Baumgartner.)
Fig. 14.19 A. Le sillon lingual a révélé l’impossibilité de proposer un traitement endodontique et un traitement parodontal
de cette dent. B. La coupe transversale montre que l’invagination du sillon (flèche) communique avec la pulpe.
sont plus fréquemment observées dans les cuspides mésioves- vraie et combinée (fig. 14.19). Le traitement de cette lésion est
tibulaires des premières molaires. difficile et imprévisible, et le pronostic est mauvais. Générale-
ment, l’extraction reste la seule voie du traitement.
Sillon lingual
Généralement observé sur les incisives latérales maxillaires, Déformations sévères de la racine
un sillon lingual apparaît comme une surface invaginée de La plus courante est la courbure sévère ou complexe de la
la dentine s’étendant de la région cervicale en direction api- racine (voir fig. 14.1). Pendant la formation radiculaire, les
cale (fig. 14.18) [63]. Ce sillon induit fréquemment une poche structures comme l’os cortical du sinus maxillaire ou du canal
parodontale profonde et étroite qui peut parfois communiquer mandibulaire ou encore de la fosse nasale peuvent détourner
254 avec la pulpe et être à l’origine d’une lésion endoparodontale le diaphragme épithélial, ce qui entraîne la courbure de la
Anatomie interne 14
racine pendant sa formation. De nombreuses courbures se la chambre pulpaire et des canaux radiculaires affectent le
développent dans le plan vestibulolingual et sont invisibles sur traitement endodontique [69, 70]. Le clinicien astucieux est au
des projections radiographiques normales. fait de ces possibilités et étudie soigneusement les clichés
radiographiques et l’anatomie occlusale. Une anomalie bien
Autres variations connue est le canal radiculaire en forme de C (voir appen-
De nombreuses autres anomalies des racines et de la cavité dice et fig. 14.21). Celui-ci est généralement présent dans les
pulpaire peuvent se produire [64–67]. Certaines sont le résul- deuxièmes molaires mandibulaires et est encore plus fréquent
tat de troubles génétiques [68], comme les anomalies de au sein des populations asiatiques [71]. Compte tenu de
nombre de canaux radiculaires ou de racines (fig. 14.20). l’anatomie interne complexe, le pronostic du traitement
Des dents comprenant des configurations inhabituelles de de canal radiculaire est réservé en raison de la difficulté pour
nettoyer, préparer et obturer correctement ce type de cavité
pulpaire [72]. Des stratégies de traitement supplémentaires
sont nécessaires, et les patients présentant ces dents doivent
dans une certaine mesure être orientés vers des consultations
compétentes.
D’autres morphologies inhabituelles de la chambre et des
racines sont les deuxièmes molaires maxillaires à quatre
canaux [73] et les prémolaires maxillaires à trois racines (voir
appendice et fig. 14.22) [74]. À cela s’ajoute la troisième racine
distolinguale des premières molaires mandibulaires (voir
appendice et fig. 14.23), qui atteint toutes les populations,
mais qui est plus fréquemment observée au sein des popula-
tions asiatiques. Ces variations représentent des défis à relever
sur le plan du traitement endodontique [75, 76].
Des nouvelles technologies utilisant la reconstruction par
tomographie sont capables de fournir des informations dans
les trois dimensions de l’espace sur l’anatomie de la cavité
pulpaire et de la dent. Ces données combinées avec des appli-
cations informatiques interactives en imagerie offrent aux
étudiants un matériel d’étude fiable pour apprendre les fon-
dements anatomiques des dents naturelles (voir fig. 14.1). En
outre, le champ étroit du rayonnement émis par la tomogra-
phie volumique à faisceaux conique présente une résolution
suffisante pour visualiser l’anatomie dentaire d’un patient en
Fig. 14.20 Prémolaire avec trois canaux ; le traitement devient un clinique. Il est prouvé que cette technique est un équipement
défi à relever. auxiliaire important en pratique endodontique [77].
Fig. 14.21 A. Chambre pulpaire en forme de C. Cet espace en C peut s’étendre sur toute la longueur de la racine ; mais il peut
présenter des variations anatomiques. Trois entrées de canal séparées sont fréquemment observées dans le sillon. B. Échec de
traitement d’une dent dont la cavité pulpaire est en forme de C. C. Après l’extraction et la résection du tiers apical de la racine, il
est manifeste que la préparation et l’obturation n’ont pas été complètes dans la totalité de l’espace en C (flèche). 255
14 ENDODONTIE
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257
15 Isolation du champ
CHAPITRE
PLAN DU CHAPITRE
OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE
Après avoir lu ce chapitre, l’étudiant devrait être capable : 13. D’argumenter le motif et la technique d’élimination
1. D’expliquer pourquoi il faut isoler un champ opératoire du surplomb dentinaire des dents antérieures
avec la digue de caoutchouc pendant les interventions et des dents postérieures.
endodontiques. 14. De décrire l’intervention, les fraises utilisées
2. De sélectionner un crampon de digue pour les dents et la séquence de la préparation de la cavité d’accès
antérieures, les prémolaires et les molaires. depuis le début jusqu’à la finition quelle que soit la dent.
3. D’identifier les crampons qui ont plusieurs applications 15. D’identifier les erreurs communes de préparation
et citer les crampons « universels ». de la cavité d’accès spécifiques à chaque dent.
4. De décrire l’isolation du champ opératoire d’une dent 16. De préciser à quel moment ces erreurs surviennent
unique et les techniques de positionnement du crampon et d’expliquer comment les corriger (si cela est possible).
et de la digue de caoutchouc. 17. De décrire les techniques de localisation des chambres
5. De décrire les moyens techniques pour empêcher et des entrées de canaux difficiles à localiser.
les suintements salivaires et sanguins de contaminer 18. De démontrer la technique étape par étape de l’estimation
le champ opératoire. et de la mesure finale de la longueur de travail.
6. De reconnaître les situations pour lesquelles des 19. De rendre compte des situations dans lesquelles l’image
approches spéciales sont nécessaires. radiographique de longueur de travail varie (distance
7. De décrire les techniques utilisées dans les cas où par rapport à l’apex).
des approches spéciales sont nécessaires. 20. D’expliquer comment fixer et maintenir (et créer,
8. D’identifier les patients présentant des problèmes si nécessaire) un repère de référence stable.
d’isolation et, au besoin, devant être adressés 21. De décrire les localisateurs d’apex électroniques :
à un spécialiste. leur fonctionnement et à quel moment ils sont utiles.
9. D’énoncer les objectifs majeurs de la préparation 22. De schématiser les portions dentinaires devant être
de la cavité d’accès dans les dents antérieures éliminées pour obtenir un accès rectiligne dans les
et les dents postérieures. canaux. Illustrer cette action sur des coupes sagittales
10. D’expliquer pourquoi un accès rectiligne est crucial. des dents antérieures et des dents postérieures.
11. D’expliquer l’importance de l’élimination des cornes 23. De schématiser les contours des préparations
pulpaires dans les dents antérieures. de la cavité d’accès pour toutes les dents.
12. D’argumenter les raisons et les indications 24. De montrer la localisation de chaque orifice d’entrée
de l’élimination des caries et des restaurations pendant de chacun des canaux par rapport à la surface occlusale
la préparation de la cavité d’accès. ou à la surface linguale.
L
es chapitres 15, 16 et 18 traitent les aspects techniques préconisés pendant les interventions du traitement. Ces cha-
du traitement de canal non chirurgical. Les domaines pitres présentent des concepts et des principes importants
présentés comprennent l’isolation du champ opéra- pour garantir le succès du traitement. Leur contenus sont
toire, la mesure de la longueur de travail, le nettoyage et la fondés sur les meilleures preuves scientifiques et fournissent
mise en forme des canaux et enfin l’obturation des canaux. un socle pour l’introduction de techniques alternatives plus
258
De nombreux instruments et beaucoup de techniques sont complexes.
ISOLATION DU CHAMP OPÉRATOIRE, CAVITÉ D’ACCÈS ENDODONTIQUE ET MESURE... 15
ISOLATION DU CHAMP OPÉRATOIRE L’aspect des cadres de tension de la digue est aussi varié.
En endodontie, les cadres en plastique sont recommandés
Pose de la digue de caoutchouc parce qu’ils sont radioclairs et qu’ils peuvent être maintenus
La mise en place de la digue en caoutchouc afin d’isoler le pendant les prises de vue radiographiques intermédiaires,
champ opératoire pour le traitement endodontique présente de comme les clichés pour mesurer la longueur de travail, la
nombreux avantages distincts et est obligatoire pour des consi- vérification de la position du maître cône d’obturation et les
dérations juridiques [1]. Le défaut d’utilisation signifie que le clichés numériques.
clinicien ne comprend pas la nature microbienne du processus
pathologique, la nécessité de protéger le patient de l’aspira- Crampons à digue
tion ou de l’ingestion d’instruments, la protection offerte par Les crampons à digue s’ajustent à des groupes variés de dents.
l’équipe de soins dentaires contre les aérosols contaminés, et Pendant un traitement de routine, les crampons en métal sont
la diminution des succès du traitement quand l’asepsie stricte adéquats ; cependant, ils peuvent endommager les structures
n’est pas mise en œuvre. Aux États-Unis, l’usage de la digue dentaires [11] ou les restaurations existantes. Certains cram-
en caoutchouc est qualifié de norme de soin ; par conséquent, pons ont des bords pointus pour améliorer la rétention quand
le témoignage d’un expert n’est pas requis au cas où un patient le volume des structures coronaires résiduelles est minime. Il
a avalé ou inhalé des instruments ou des matériaux, le jury étant existe des crampons en matière plastique qui ont l’avantage
compétent pour signifier la négligence. Il existe des preuves d’être radioclairs et sont avantageux dans les cas où il est diffi-
démontrant que de nombreux dentistes généralistes se mettent cile de localiser la chambre et les canaux. Les crampons doivent
inutilement en danger en n’utilisant pas la digue de caout- souvent être déposés pour prendre un cliché radiographique
chouc pendant l’exécution des interventions d’endodontie [2].
La digue de caoutchouc protège le patient [3] et crée un
environnement aseptique ; elle améliore la visibilité du champ
d’intervention, rétracte les tissus et rend le traitement plus
efficient. Les tissus mous sont protégés de la dilacération par
les instruments rotatifs, des agents chimiques et des médica-
ments. Les solutions d’irrigation sont confinées dans le champ
opératoire. La propriété la plus caractéristique de la digue en
caoutchouc est la protection du patient contre l’ingestion et l’
inhalation des instruments et des matériaux (fig. 15.1) [4]. Outre
la protection des patients, la digue protège aussi le dentiste
et le personnel auxiliaire [5–7]. Le risque d’agression par les
aérosols est minimisé [8, 9], et la digue est une barrière contre la
salive et les bactéries buccales du patient. La digue en place
peut aussi réduire la transmission potentielle de maladies sys-
témiques comme le syndrome d’immunodéficience acquise
(sida), l’hépatite et la tuberculose [5, 9].
La digue en caoutchouc est fabriquée à partir du latex ;
cependant, des digues en matériaux alternatifs au latex sont
disponibles pour les patients et les personnels de soins aller-
giques au latex (fig. 15.2) [10]. La digue de caoutchouc peut se
présenter selon des coloris variés qui offrent du contraste avec
la dent. L’épaisseur est aussi variable ( exprimée par le fabri-
cant par : light, medium, heavy, et extra heavy). Une digue
d’épaisseur moyenne est préférable parce qu’elle se déchire
moins aisément qu’une digue fine pendant sa mise œuvre. De
plus, l’épaisseur moyenne permet une adaptation de qualité au Fig. 15.1 Une lime (flèche) ingérée par un patient pendant
bord gingival et offre une meilleure rétraction des tissus. un traitement endodontique.
Fig. 15.4 A. Pose de la digue de caoutchouc en une unité (cadre, crampon, digue) en utilisant un crampon à ailettes. La feuille
de caoutchouc est perforée, puis elle est étirée pour être ancrée sur les ailettes du crampon choisi. B. La feuille de digue est
260 attachée sur un cadre en matière plastique radioclair et l’ensemble est porté au moyen d’un forceps à digue sur la dent à traiter.
ISOLATION DU CHAMP OPÉRATOIRE, CAVITÉ D’ACCÈS ENDODONTIQUE ET MESURE... 15
d’ancrer la digue sur des dents dont la couronne est très muti- d’utiliser un matériau de calfatage autour du crampon pour
lée. Ils ne doivent pas être positionnés sur des couronnes en assurer un scellement adéquat (fig. 15.6). Une autre option
céramique au risque de les endommager [11]. consiste à fixer une matrice antérieure selon le type de dent.
Pour assurer la stabilité du champ opératoire, il est impératif
de choisir un crampon de telle sorte que les contacts entre les Collage
mors et la dent soient punctiformes. L’instabilité du crampon En cas de perte de structure dentaire, y compris en hauteur, la
peut endommager l’attache gingivale et la structure coronaire rétention peut être augmentée en collant une résine sur la face
[11, 14]
, ou bien le crampon est susceptible de se déloger. Les vestibulaire ou sur la face linguale des structures dentaires rési-
crampons peuvent aussi être modifiés par meulage pour être duelles [18]. Le crampon est positionné entre la limite de la résine
adaptés à des situations inhabituelles [15]. et l’apex. Après le traitement, la résine est aisément déposable.
La pose de la digue en caoutchouc sur une seule unité Cette technique est préférée à une technique plus mutilante
dentaire est rapide et efficace. Une fois en place, la digue est comme créer des encoches horizontales sur les faces vestibu-
poussée avec un fil de soie dentaire pour passer les points de laires et linguales pour y placer les pointes des mors du crampon.
contacts proximaux, et les portions vestibulaires et linguales
sont retournées sous les ailettes du crampon. Positionnement du crampon sur la gencive
L’identification de la dent à traiter est routinière. Cepen- Quand la perte de structure dentaire s’étend sous les tissus
dant, en l’absence de carie et de restauration, l’opérateur peut gingivaux ou sous la crête osseuse, le positionnement du
ancrer un crampon sur une autre dent que celle qui doit être crampon sur la gencive est une option. Cette méthode est peu
traitée. Pour éviter cette erreur, il convient de marquer la dent mutilante et les tissus cicatrisent. L’inconfort postopératoire
avant de l’isoler ou de commencer la préparation de la cavité est minimal (voir fig. 15.16, D).
d’accès après avoir noué un parachute sans poser immédiate-
ment la digue. Remplacement des structures coronaires
Restaurations temporaires
Préparation pour la pose de la digue En cas de perte de structure dentaire accompagnée d’une
de caoutchouc rétention suffisante, il est possible de pallier cette perte avec un
Avant de débuter le traitement, il convient d’évaluer le degré matériau de restauration intermédiaire renforcé à prise rapide
de difficulté à affronter pour obtenir une isolation adéquate du (IRM®) contenant de l’oxyde de zinc-eugénol, des ionomères
champ opératoire. Bien souvent, le traitement de canal s’effec- de verre ou des résines. Ces matériaux offrent une étanchéité
tue sur des dents équipées de restaurations volumineuses, des coronaire adéquate et sont stables jusqu’au moment où la
dents atteintes de lésions carieuses étendues, ou des dents restauration définitive est scellée. Les matériaux collés sont
extrêmement mutilées ; ces situations compliquent l’isolation plus étanches, plus résistants et esthétiques, mais leur mise en
du champ opératoire et la préparation de la cavité d’accès. Pour œuvre prend beaucoup plus de temps.
que l’isolation soit parfaite, il est indispensable d’éliminer les
lésions carieuses, de déposer les restaurations défectueuses et Reconstruction de la couronne
les restaurations mal adaptées avant d’exécuter l’intervention La reconstruction de la couronne remplace les structures man-
endodontique. Cette préparation assure l’asepsie du champ opé- quantes quand la rétention est momentanément nulle [15, 19].
ratoire, permet de juger de la restaurabilité de la dent et garantit Ces interventions sont rares et prennent beaucoup de temps.
la temporisation entre deux séances cliniques. Les matériaux utilisés sont l’amalgame et les résines. Ces
Une fois que le plan de traitement a été définitivement reconstructions servent à rétablir la rétention des crampons et
dressé, il peut être nécessaire de procéder à des actes auxi- à créer les repères indispensables à la mesure de la longueur
liaires pour permettre la pose de la digue de caoutchouc [16, 17]. de travail.
Fig. 15.5 A. La première molaire présente une lésion carieuse distale volumineuse s’étendant vers la crête osseuse. B. Un
lambeau mucopériosté de pleine épaisseur et un remodelage osseux ont été réalisés après l’excavation des tissus cariés et
la préparation d’une couronne provisoire ; ensuite, un espace biologique a été restauré en mettant à nu 3 à 4 mm de structure
dentaire coronaire. C. Traitement de canal et pose de la couronne. D. La restauration définitive.
Fig. 15.6 A. Des matériaux de calfatage sont disponibles pour assurer l’étanchéité du champ opératoire avec la digue.
B. Application du matériau de calfatage. C. Scellement de la digue.
est jugé réalisable avec de bonnes chances de succès. Dans le 3. Porter l’ensemble, digue, cadre et crampon, avec un forceps
cas contraire, il faut considérer l’intérêt du patient. Pour cette à crampon en bouche et engager le crampon proche de la
raison, l’allongement de la couronne clinique et le traitement gencive marginale.
de canal sont exécutés simultanément. 4. Libérer la digue des ailettes du crampon en direction api-
cale pour qu’elle enserre fermement la région cervicale de
Extrusion orthodontique la dent. Appliquer les zones proximales de la digue en pas-
L’extrusion orthodontique (éruption forcée) est indiquée quand sant les zones de contact interdentaires avec un fil de soie
l’allongement de couronne clinique chirurgicale est contre- dentaire.
indiqué pour compenser la perte de structure dentaire et pour
restaurer la dent [24, 30]. Le rapport couronne clinique/racine Positionnement du crampon, suivi de l’ancrage
après l’extrusion et les propriétés esthétiques (diamètre radi- de la digue puis de la tension de la digue
culaire) sont des critères de décision à apporter pour dresser un sur le cadre
plan de traitement pertinent. Parmi ces critères, il faut retenir Le positionnement d’un crampon en bouche suivi de l’ancrage
la restauration de la hauteur biologique (3 mm au-dessus de la de la digue sur le crampon et de la tension de la digue sur le
crête osseuse) et un rapport couronne/racine d’un minimum de cadre, rarement utilisé, est nécessaire pour améliorer la visi-
1/1 récupéré après l’extrusion. bilité pendant le positionnement du crampon. La séquence est
la suivante : positionner le crampon sur la dent et contrôler sa
Installation de la digue de caoutchouc stabilité. Tendre la digue entre le crampon et le cadre [5].
Installation de l’unité digue, cadre et crampon
L’installation de l’unité digue, cadre et crampon est la méthode Pose de la digue de caoutchouc fixée sur son
de choix (voir fig. 15.4). Cette action est la plus efficace et elle cadre suivie du positionnement du crampon
s’applique à la majorité des situations. Le cadre et la digue La méthode de choix du positionnement dun crampon à
traditionnels peuvent être utilisés ; il existe aussi des digues double ressort (sans ailette n° 212) est de placer la feuille de
jetables de marques déposées à la disposition des praticiens digue de caoutchouc ancrée sur son cadre, puis d’ancrer le
(voir fig. 15.2). Les étapes de la pose de digue sont les suivantes. crampon sur la dent. ... Il est possible d’améliorer la visibilité
1. Ancrer la digue de façon qu’elle soit bien tendue à chacun en étirant la perforation au-dessus de la dent (cette opération
des angles du cadre et qu’elle soit lâche vers son centre. peut être faite par l’assistant aussi bien que par le clinicien),
2. Percer la digue et la fixer aux ailettes du crampon par la ce qui facilite le positionnement du crampon. Les mors étroits
perforation. du crampon n° 212 sont une propriété qui étend son utilisation 263
15 ENDODONTIE
dans des situations où les crampons à ailettes sont instables ou les restaurations présentes, la position de la dent sur l’arcade,
ne peuvent pas être retenus sur les dents. et la position, la taille, la profondeur et la forme de la cham-
bre pulpaire. Il est important de disposer d’un radiogramme
Étanchéité de la digue de caoutchouc argentique ou numérisé de bonne qualité obtenu par la tech-
Pour garantir l’étanchéité du champ opératoire, plusieurs pro- nique des rayons parallèles. Des clichés supplémentaires pris
duits brevetés sont disponibles (voir fig. 15.6). Ces matériaux de à des angles différents peuvent aider à détecter des canaux et
calfatage sont faciles à appliquer et à déposer après le traitement des racines supplémentaires. Des radiogrammes argentiques
endodontique ; ils sont particulièrement utiles pour isoler un ou numérisés rétrocoronaires offrent une image plus précise et
pilier de bridge ou une dent attelée à un dispositif orthodontique. peu déformée de la chambre pulpaire des dents postérieures. Les
Le produit de calfatage peut être posé sur les tissus gingi- avancées récentes de l’imagerie par tomographie volumique
vaux avant la pose de la digue ou dans l’interface de la dent à faisceau conique (TVFC) permettent l’observation spatiale
avec la digue dès que le champ est posé. Les matériaux de de la cavité pulpaire coronaire (chambre) et radiculaire [36, 37].
calfatage et les matériaux d’empreinte épais adhèrent sur les La conservation de la structure dentaire est importante pour
surfaces humides, bien que le matériau d’empreinte soit de garantir un bon pronostic du traitement et de la restauration à
consistance plus rigide. long terme [38]. La dentine saine des parois de la cavité d’accès
doit être respectée pendant la préparation de la cavité d’accès ;
Désinfection du champ opératoire cela permet de maintenir une épaisseur adéquate de dentine
Quand la digue est installée, il faut la désinfecter. Il existe des dans la région cervicale et de limiter l’affaiblissement méca-
méthodes et des techniques variées pour désinfecter la dent, nique de la dent. Sur une coupe transversale de la dent à la
le crampon et la feuille de digue. Les agents de désinfection JAC, la distance comprise entre la surface externe de la cou-
comprennent l’alcool, les ammoniums quaternaires, l’hypo- ronne clinique et la paroi de la chambre pulpaire est égale sur
chlorite de sodium, l’iode organique, les sels de mercure, la toute la circonférence de la dent ; et les orifices d’entrée des
chlorhexidine et le peroxyde d’hydrogène. Une technique effi- canaux sont toujours situés aux sommets des angles situés à la
cace est la suivante : (1) éliminer la plaque bactérienne avec jonction des parois de la chambre avec le plancher pulpaire[39].
une cupule de caoutchouc et une ponce ; (2) installer la digue ;
(3) tamponner la surface de la dent, le crampon et la feuille de Principes généraux
digue avec du peroxyde d’hydrogène à 30 % ; et (4) nettoyer Les principes généraux de la préparation de la cavité d’accès
toutes les surfaces avec de la teinture d’iode à 5 % ou avec de endodontique sont : la forme de la ligne de contour, la forme
l’hypochlorite de sodium [31]. de convenance, l’élimination des tissus cariés et la toilette de
la cavité.
PRÉPARATION DE LA CAVITÉ D’ACCÈS La ligne de contour doit être conçue comme si la dent était
saine, l’image radiographique représentant une cavité pulpaire
Les préparations de la cavité d’accès sont fondées sur l’anato- physiologique. La forme de contour met en évidence la forme
mie et la morphologie de chaque groupe de dents et de chacune et le site de l’orifice d’entrée des canaux et offre un accès rec-
des dents du groupe. En général, la morphologie de la chambre tiligne vers la première courbure du canal ou vers sa région
pulpaire dicte la forme de contour de la préparation de la cavité apicale. La préparation de l’accès doit dégager la structure
d’accès. L’anatomie interne de la dent se projette sur l’anato- dentaire qui entraverait le nettoyage et la mise en forme du
mie externe de la dent. La morphologie de la chambre pulpaire canal ou des canaux. La forme de contour est une projection
varie avec l’âge du patient et le dépôt de dentine secondaire et de l’anatomie interne de la dent sur la structure de la racine
tertiaire. Le dépôt de dentine prend différentes formes. Dans les externe. La forme peut changer avec le temps. À titre d’exem-
dents antérieures et les prémolaires monoradiculées, des calcifi- ple, avec les dents antérieures ayant des cornes pulpaires
cations peuvent se former dans la couronne et vers la région api- mésiale et distale, l’accès est triangulaire. Chez les personnes
cale, et le volume de la chambre diminue. La dentine secondaire âgées atteintes de calcification de la chambre, les cornes pul-
se dépose aussi préférentiellement dans la zone inter-radiculaire paires sont absentes ; par conséquent, l’accès est ovoïde.
des dents postérieures, ce qui réduit la distance entre le plafond La forme de convenance permet de modifier la forme de
et le plancher de la chambre [32, 33]. Les distances mésiodistale et contour idéale pour faciliter l’insertion et la manipulation
vestibulolinguale et la distance entre la pointe de la cuspide de l’instrument sans contrainte. À titre d’exemple, l’utilisation
et le plafond restent inchangées. Les caries, les restaurations, des instruments rotatifs en nickel-titane nécessite un accès
l’attrition et l’érosion peuvent générer des calcifications dystro- rectiligne. La cavité d’accès peut être modifiée à cet effet. Un
phiques. En général, la chambre pulpaire est située au niveau de autre exemple est une prémolaire présentant trois racines. La
la région de la jonction amélocémentaire (JAC) [34, 35]. Dans les forme de contour peut être plus triangulaire pour faciliter
dents jeunes, les cornes pulpaires se situent approximativement la localisation des orifices d’entrée des canaux.
au niveau du plus grand contour proximal. L’élimination des tissus cariés est essentielle pour plu-
Les objectifs principaux de la préparation de la cavité sieurs raisons. Tout d’abord, elle fournit un environnement
d’accès sont : (1) la suppression du plafond de la chambre et aseptique avant d’entrer dans la chambre pulpaire et dans les
l’extraction de tous les tissus pulpaires qu’elle contient ; (2) canaux radiculaires. Ensuite, elle permet d’estimer la pos-
la localisation de tous les orifices d’entrée des canaux radicu- sibilité de restaurer la couronne avant le traitement. Enfin, la
laires ; (3) la suppression des entraves à l’insertion des instru- dentine saine résiduelle sert à sceller une couronne provisoire
ments dans les canaux courbes et vers la région apicale quand adéquate. La structure dentaire non soutenue est éliminée pour
elles sont présentes ; et (4) la conservation de la structure den- assurer un point de référence anatomique stable en sorte de
taire. Avant de commencer le traitement, le clinicien doit esti- garantir la permanence de la longueur de travail et d’assurer
264 mer la valeur mécanique de la structure coronaire existante, une étanchéité coronaire pendant et après le traitement.
ISOLATION DU CHAMP OPÉRATOIRE, CAVITÉ D’ACCÈS ENDODONTIQUE ET MESURE... 15
La toilette de la cavité consiste à prévenir la pénétration des Considérations générales
matériaux et des objets dans la chambre pulpaire et dans le La cavité d’accès peut être préparée sans poser la digue dans
canal radiculaire. Une faute fréquente consiste à pénétrer dans les situations opératoires compliquées. Pour ces cas, l’objectif
la chambre pulpaire avant d’avoir adéquatement préparé le tissu est de se fixer une image mentale de la forme de la dent, son
dentaire et les matériaux de restauration ; cela a pour consé- orientation dans l’espace et sa position. La digue sera posée
quence l’entrée intempestive de ces matériaux dans le canal après cette étape d’enregistrement de l’image de la dent dans
radiculaire et l’obstruction de la région apicale de cette cavité. l’espace. Attention : il faut s’interdire d’utiliser les alésoirs et
les limes tant que la digue n’est pas posée (voir fig. 15.1).
Catégories morphologiques du canal Des précautions doivent être prises pour empêcher la péné-
radiculaire tration de tissus dentaires ou de matériaux de restauration
Six catégories morphologiques du canal radiculaire sont dans l’orifice d’entrée du canal radiculaire si la préparation de
identifiées (fig. 15.7) [40]. Vues sur des coupes radiculaires la cavité d’accès doit être étendue après que la chambre pul-
transversales, elles comprennent : le cercle, le ruban ou la paire a été exposée. Dès que la chambre pulpaire est exposée,
forme en huit, la forme ovoïde, la forme de quille, le haricot, il faut penser à protéger la cavité pulpaire radiculaire avant de
et la forme en C. À l’exception de la forme circulaire, chacune prolonger la préparation de la cavité d’accès et l’élimination
des autres catégories présente des problèmes de nettoyage et des matériaux dentaires. Un moyen consiste à compacter de la
de mise en forme spécifiques. gutta percha chauffée avec un fouloir de telle sorte à bloquer
Fig. 15.7 Les catégories morphologiques courantes. A. Circulaire. B. Forme en ruban (sablier). C. Ovoïde. D. Quille. E. Forme
de haricot. F. Forme en C. 265
15 ENDODONTIE
Fig. 15.9 De gauche à droite, image à fort grossissement des fraises Great White®, Beaver®, Transmetal®, H34L®, 269GK®,
Multipurpose®, Endo Z® et Endo Access®.
l’entrée du canal. Ce bouchon sera aisément extrait à chaud ou et de 5 mm pour les incisives latérales maxillaires. Elle est en
avec un solvant dès que la préparation sera terminée. moyenne de 4,5 mm pour les incisives centrales mandibulaires
Le clinicien doit évaluer les radiographies préopératoires afin et de 5 mm pour les incisives latérales mandibulaires. Elle
d’apprécier le degré de difficulté qu’il devra surmonter pendant est en moyenne de 5,5 mm pour les canines maxillaires et de
la préparation de la cavité d’accès. À ce stade, la profondeur de 6 mm pour les canines mandibulaires dont la couronne cli-
cette cavité sera estimée. Cette profondeur sera mesurée entre nique est plus longue. Concernant les prémolaires maxillaires
le centre de la surface linguale des dents antérieures ou de la dont la cavité pulpaire est complexe, la distance moyenne
surface occlusale des dents postérieures et la région coronaire entre la pointe cuspidienne vestibulaire et le plafond de la
de la chambre pulpaire. Calculée en millimètres, cette infor- chambre pulpaire est 7 mm [42]. Cette distance est de 6 mm
mation sera ensuite transférée à la fraise d’accès et fournira pour les molaires maxillaires et de 6,5 mm pour les molaires
des informations sur la profondeur nécessaire pour exposer la mandibulaires. Sachant que la hauteur moyenne de la chambre
pulpe. Si la profondeur estimée de la cavité d’accès est atteinte pulpaire est de 2 mm, la profondeur totale de la cavité d’accès
sans que la pulpe ait été touchée, la profondeur et l’orienta- ne devrait pas excéder 8 mm (au plancher de la chambre) [35].
tion de la préparation doivent être réévaluées. Une prise de L’ouverture de la cavité d’accès est exécutée efficacement
vue radiographique à rayons parallèles après avoir déposé avec des fraises fissures montées sur turbines. Il existe de
la digue permettra de vérifier la profondeur et l’orientation de la nombreuses fraises spécialement conçues à cet effet sans qu’il
préparation pour éviter une perforation ou l’élimination inutile ait été démontré que l’une soit supérieure à l’autre. En réalité,
et excessive de structure dentaire (voir fig. 15.33). seul le clinicien est maître du choix de la fraise, à partir du
La profondeur estimée de la cavité d’accès des dents anté- moment où sa connaissance de l’anatomie et de la morpho-
rieures est similaire quel que soit le groupe de dents [41]. Elle est logie alliée à son jugement et ses compétences le guideront
266 en moyenne de 5,5 mm pour les incisives centrales maxillaires (fig. 15.8 et 15.9). Quoi qu’il en soit, la fraise est introduite
ISOLATION DU CHAMP OPÉRATOIRE, CAVITÉ D’ACCÈS ENDODONTIQUE ET MESURE... 15
Fig. 15.10 A. Fraise fissure fracturée et mesure de la longueur de travail après avoir passé l’obstruction. B. La fraise a été
extraite avec des limes et les ultrasons et le traitement est terminé.
dans la chambre et en est sortie pendant sa rotation. Elle ne Il est important d’éviter de fragiliser les crêtes marginales
doit jamais entrer en contact avec les orifices des canaux ; pendant la préparation de la cavité d’accès, quel que soit le
faute de respecter ce principe, elle se brisera (fig. 15.10). groupe de dents.
La visualisation de l’anatomie interne est améliorée par Les restaurations complexes, comme les couronnes et les
l’utilisation d’une turbine à fibre optique et du microscope prothèses fixées partielles, modifient les repères anatomiques
opératoire [43]. L’illumination est la clé de l’intervention. Une pour localiser les orifices d’entrée des canaux radiculaires.
sonde très affilée permet de détecter les orifices d’entrée des Une dent inclinée pourrait être « redressée » ou une dent en
canaux et de déloger efficacement les calcifications. Dès que rotation pourrait être « réalignée ». La perte de l’orientation
l’entrée du canal a été localisée, le clinicien doit explorer le peut conduire le clinicien à identifier un canal incorrectement
canal pour apprécier sa perméabilité ; pour atteindre cet objec- et à rechercher les autres canaux dans de mauvaises direc-
tif, il utilise des limes ou des explorateurs en acier inoxydable tions ; il en résulte une fragilisation de la dent par élimination
de petit calibre (0,06, 0,08 ou 0,10) pour explorer au plus près excessive de structures, des perforations ou des échecs de
du foramen apical. L’exploration doit être prudente et minu- localisation et de préparations des canaux radiculaires.
tieuse pour éviter d’obstruer le canal en tassant les tissus au La visibilité est très entravée quand la cavité d’accès doit
contact avec les limes (fig. 15.11). C’est pour cette raison que être préparée à travers des couronnes profondément ancrées.
cette procédure doit être exécutée en présence d’irrigant ou de Les restaurations du collet peuvent avoir provoqué des calci-
lubrifiant. fications coronaires ou peuvent avoir été placées directement
Il arrive bien souvent que les cavités d’accès soient volon- dans la cavité pulpaire coronaire ou radiculaire. Dans certains
tairement réduites ou insuffisamment préparées dans le souci cas, il peut être préférable de déposer les matériaux de res-
de préserver les structures dentaires. Malheureusement, cette tauration qui interfèrent avec la visibilité avant de débuter le
bonne intention crée des difficultés pour localiser les orifices traitement de canal.
d’entrée des canaux et pour obtenir des accès rectilignes afin Pour préparer les dents restaurées, le matériel est différent ;
de réduire les risques de fractures des limes. Il est souvent indi- par exemple, le contour de la cavité d’accès à travers une
qué de déposer les restaurations existantes pour améliorer la couronne céramique sera tracé au moyen d’une fraise boule
visibilité de la chambre pulpaire et mettre en évidence tous les montée sur une turbine sous aspersion d’eau rafraîchissante.
orifices d’entrée des canaux sans en oublier un seul et, enfin, Après avoir pénétré la dentine, la fraise boule est remplacée
pour détecter d’éventuelles fractures. Cette dépose de restau- par une fraise fissure. Cependant, pour préparer la cavité
ration est d’autant plus indiquée que la dent sera de nouveau dans une couronne céramométallique, il est recommandé
restaurée. En présence de calcifications ou de restaurations d’utiliser une fraise métallique. Quand cela est possible, la
volumineuses, le clinicien peut être désorienté. La détection préparation doit être limitée au métal pour réduire le risque de
d’un canal peut servir de référence pour localiser les autres fracture potentielle de la céramique. Des preuves scientifiques
canaux ; en insérant une lime dans ce canal et en prenant un ont démontré que l’efficacité des fraises diamantées et celle
cliché radiographique avec un angle décalé, l’opérateur pourra des fraises en carbure de tungstène étaient identiques quand
identifier le canal qu’il vient de découvrir (voir chapitre 13). elles étaient utilisées sous aspersion d’eau rafraîchissante [44]. 267
15 ENDODONTIE
Fig. 15.11 A. La première molaire maxillaire présente une lésion carieuse mésiale volumineuse. B. La coupe histologique
du tissu pulpaire du canal palatin révèle une calcification volumineuse. La première exploration du canal doit être réalisée avec
des limes de petit calibre pour éviter de forcer les tissus et la calcification en direction apicale, ce qui pourrait obstruer le canal
radiculaire.
1
Voir l’appendice pour les illustrations en couleur montrant la taille, la forme Fig. 15.13 Le contour triangulaire de la cavité d’accès d’une
268 et la localisation de la cavité pulpaire de chaque dent. incisive centrale maxillaire.
ISOLATION DU CHAMP OPÉRATOIRE, CAVITÉ D’ACCÈS ENDODONTIQUE ET MESURE... 15
de contour est située au tiers médian de la surface linguale
(fig. 15.15 et 15.16).
Après avoir atteint 2 à 3 mm de profondeur, la fraise est
réorientée pour que son grand axe coïncide avec le grand axe
du canal radiculaire, ce qui réduit le risque de perforation laté-
rale sur la surface vestibulaire. Une erreur courante consiste
à omettre d’éliminer le surplomb lingual (voir fig. 15.15, C),
ce qui a pour résultat un accès et une préparation inadéquats
de la totalité du canal. L’orifice d’entrée du canal doit être
localisé au moyen d’une sonde endodontique exploratrice
effilée. En présence de calcification, des fraises boules à long
col montées sur un contre-angle à très basse vitesse peuvent
être utilisées (voir fig. 15.12 et 15.24,D). Ces fraises éloignent
la tête du contre-angle de la dent, ce qui permet de voir avec
précision la position de la fraise à l’intérieur de celle-ci.
Le contour et la forme de la cavité d’accès concernant l’inci-
sive latérale maxillaire sont similaires à celles de l’incisive
centrale. Le contour est triangulaire chez les jeunes patients, Fig. 15.14 Noter l’inclinaison linguale de la racine par rapport au
grand axe de la couronne. En outre, le modèle de calcification se
les cornes pulpaires étant présentes (fig. 15.17) ; il devient
développe de la couronne vers la région apicale de la pulpe.
ovoïde après récession des cornes due à l’âge (fig. 15.18).
La dent invaginée (ou dens in dente) est une anomalie
fréquente du développement de l’incisive latérale maxillaire
qui évolue souvent vers la nécrose pulpaire [47, 48]. En outre,
l’incisive latérale maxillaire peut présenter un sillon lingual le
Fig. 15.15 Une incisive centrale maxillaire gauche dont la pulpe est nécrosée. A. Une cavité pulpaire volumineuse avec des
cornes pulpaires qui requièrent une cavité d’accès dont le contour est triangulaire. B. La face linguale libérée du fil orthodontique
de contention. Noter la légère dyschromie sur 21. C. La forme triangulaire de la cavité d’accès exposant la chambre pulpaire.
Noter que la paroi linguale de la cavité d’accès est invisible parce que le surplomb lingual n’a pas été éliminé. D. Retrait du
surplomb lingual et cavité d’accès achevée. 269
15 ENDODONTIE
Fig. 15.16 Fracture coronoradiculaire. A. Présentation initiale montrant la séparation des fragments. B. Vue linguale avec le
segment extrait. C. Radiogramme préopératoire. D. L’étendue de la fracture sous-gingivale requiert une approche spécifique
pour isoler le champ opératoire. Noter que le mors lingual du crampon n° 0 est appliqué sur la gencive.
Canines maxillaires
Les canines maxillaires présentent une cavité pulpaire simple,
c’est-à-dire une racine avec un canal principal partant de la
chambre pulpaire coronaire, sans limite précise entre la cham-
bre et le canal. En général, il n’existe qu’une seule corne pul-
paire centrale ; de ce fait, le contour de la cavité d’accès est de
forme ovoïde au tiers médian de la surface linguale (fig. 15.19
Fig. 15.17 Contour triangulaire de la cavité d’accès de l’incisive et 15.20). Sous l’effet de l’attrition, la perte de substance
270 latérale maxillaire. dentaire conduit à réduire la distance entre l’extrémité de la
ISOLATION DU CHAMP OPÉRATOIRE, CAVITÉ D’ACCÈS ENDODONTIQUE ET MESURE... 15
Fig. 15.18 A. Incisive latérale avec une chambre pulpaire rétrécie. B. L’esquisse de la cavité est de forme ovoïde.
C. Le changement de couleur signifie la présence de calcification dans la couronne. D. Cavité d’accès achevée.
Fig. 15.20 A. Les vis placées pendant une intervention chirurgicale orthognatique masquent les apex des dents. B. Vue de la
face linguale. C. Contour de la cavité d’accès initiale dans la dentine. D. Cavité d’accès achevée. E. Localisateur d’apex (flèche).
F. Longueur de travail.
mésiolinguale à la cuspide distovestibulaire est maintenue cuspidien mésiovestibulaire. L’orifice du canal distovestibu-
quasi intacte. Sachant qu’il existe une correspondance topo- laire occupe un site distal et légèrement lingual du canal prin-
graphique entre les cornes pulpaires et les cuspides, le tracé du cipal mésiovestibulaire et est à l’aplomb du sillon central de
contour de la cavité d’accès se fonde sur les repères cuspidiens la face vestibulaire. L’orifice du canal lingual (ou palatin) est
externes qui servent de guide. L’orifice du canal mésiovestibu- beaucoup plus grand et il occupe un site légèrement distal de
272 laire occupe un site légèrement distal de l’aplomb du sommet l’aplomb du sommet de la cuspide mésiolinguale. Le diamètre
ISOLATION DU CHAMP OPÉRATOIRE, CAVITÉ D’ACCÈS ENDODONTIQUE ET MESURE... 15
vestibulolingual de la racine mésiovestibulaire est nettement au site de l’orifice du canal distovestibulaire principal (MV1) ;
plus important que le diamètre mésiodistal de cette racine et ce site est en position légèrement mésiale par rapport à une
cela explique la présence fréquente d’un second canal de dia- ligne passant par l’orifice du canal principal mésiovestibulaire
mètre plus petit [49–53]. L’orifice du canal mésiolingual (souvent et par l’orifice du canal lingual. Le trajet initial du canal à
cité comme deuxième canal mésiovestibulaire [MV2]) occupe partir de la chambre est le plus souvent orienté latéralement en
un site distant de 1 à 3 mm en direction linguale par rapport direction mésiale et non directement vers l’apex (fig. 15.25).
Fig. 15.21 Contour ovoïde de la cavité d’accès Fig. 15.23 Contour triangulaire de la cavité d’accès de la molaire
sur des prémolaires maxillaires. maxillaire.
Fig. 15.22 A. Noter que la région apicale est masquée. B. Deuxième prémolaire maxillaire droite. C. L’esquisse du contour
est préparée dans la dentine. D. La chambre pulpaire et les canaux sont accessibles. 273
15 ENDODONTIE
Fig. 15.24 A. Première molaire maxillaire gauche. Noter la calcification dans la chambre pulpaire. B. Contour de la cavité
d’accès tracé et dentine éliminée couche par couche. C. Exposition des cornes pulpaires. D. Utilisation d’une fraise de Mueller
pour supprimer complètement le plafond de la chambre pulpaire. Noter l’amélioration de la visibilité et de la facilité pour
l’exécution précise de cette action. E. La cavité d’accès achevée. Le site de l’orifice du canal mésiovestibulaire est clairement à
l’aplomb de la pointe cuspidienne correspondante, l’orifice du canal distovestibulaire est bien en face du sillon central de la face
vestibulaire et légèrement lingual par rapport au canal mésiovestibulaire principal, et l’orifice du canal palatin est situé à l’aplomb
de la pointe cuspidienne mésiolinguale. Noter la détection de l’orifice du canal mésiolingual (flèche). F. L’élimination du surplomb
dentinaire au-dessus de l’orifice de ce canal permet de mieux le visualiser. (Voir l’appendice pour les illustrations en couleurs
montrant la taille, la forme et la localisation de la cavité pulpaire à l’intérieur de chacune des dents.)
Le retrait du surplomb dentinaire à ce niveau permet d’exposer Incisives centrales et latérales mandibulaires
le grand axe du canal vers l’apex et de faciliter sa préparation Les incisives mandibulaires sont étroites ; le diamètre mésiodis-
(fig. 15.26 et 15.27 ; et voir fig. 15.24 et 15.25) [54]. Le micro- tal est nettement inférieur au diamètre vestibulolingual. La cavité
[29, 38, 43, 52]
274 scope opératoire est une aide précieuse . pulpaire est parfois simple, et sur une coupe transversale de la
ISOLATION DU CHAMP OPÉRATOIRE, CAVITÉ D’ACCÈS ENDODONTIQUE ET MESURE... 15
racine, la section du canal est de forme ovoïde ou en ruban ; mais
bien souvent la cavité pulpaire est complexe et comprend deux
canaux principaux. Le canal vestibulaire est plus facile à loca-
liser et est plus rectiligne que le canal lingual, dont le diamètre
est plus petit et est souvent protégé par un renflement lingual.
La dent étant souvent inclinée en direction vestibulaire, le canal
lingual est difficile à localiser ; des perforations vestibulaires
peuvent se produire pendant la recherche de l’orifice de ce canal.
Le petit diamètre mésiodistal de ces dents rend la prépa-
ration de la cavité d’accès et la localisation du canal diffi-
ciles. Chez les jeunes patients, en présence des deux cornes
pulpaires mésiale et distale, la forme du contour de la cavité
d’accès est celle d’un triangle dont la base est parallèle au bord
incisif et le sommet est proche de la gencive. Avec le temps,
les cornes pulpaires se réduisent et le contour de la cavité pul-
paire devient plus ovoïde. La cavité d’accès est positionnée au
Fig. 15.25 Le canal mésiolingual, tel qu’il quitte la chambre tiers médian de la face linguale (fig. 15.28 et 15.29). Compte
pulpaire. Des canaux non négociables mais détectés par une sonde tenu de la petite taille de ces dents et de la présence de conca-
peuvent être déplacés latéralement avant de s’orienter vers l’apex.
vités sur les faces proximales des racines, la cavité d’accès
doit être positionnée avec précision. Le contour initial de la
Fig. 15.26 A. Première molaire maxillaire gauche présentant une calcification. B et C. Préparation initiale de la cavité d’accès
et détection d’un pulpolithe. L’hémorragie est identifiée par une ligne périphérique fine et colorée en rouge. D. La chambre
pulpaire débarrassée du pulpolithe. (Voir l’appendice pour les illustrations en couleurs montrant la taille, la forme et la localisation
de la cavité pulpaire à l’intérieur de chacune des dents.) 275
15 ENDODONTIE
Prémolaires mandibulaires
Au premier abord, les prémolaires mandibulaires sont faciles
à traiter, mais leur anatomie peut être complexe. Elles peuvent
présenter un, deux ou trois canaux et, dans le cadre de ces
morphologies complexes, les canaux eux-mêmes peuvent s’y
diviser [49, 59]. La couronne de la première prémolaire présente
Fig. 15.28 Forme de contour de la cavité d’accès sur la face une cuspide vestibulaire proéminente et un vestige de cus-
linguale d’une incisive mandibulaire. pide linguale. De plus, le diamètre mésiodistal de la racine
au collet est très inférieur au canal vestibulolingual. Une vue
préparation est tracé avec une fraise perpendiculairement à la mésiodistale montre la position vestibulaire de la chambre et
face linguale. Dès que la profondeur de la cavité atteint 2 à de l’orifice d’entrée du canal. Par conséquent, une coupe
3 mm, la fraise est réorientée dans le sens du grand axe de transversale montre que la section de la cavité pulpaire est
la racine. Sachant que 25 à 40 % des incisives mandibulaires ovoïde dans le sens vestibulolingual et qu’elle est en position
présentent deux canaux principaux [55, 56], la paroi linguale de vestibulaire par rapport au sillon central (fig. 15.32 et 15.33).
la chambre pulpaire et l’orifice d’entrée du canal doivent être La corne pulpaire est quasiment à l’aplomb de la pointe de
minutieusement explorés avec une lime en acier inoxydable la cuspide vestibulaire. La seconde prémolaire mandibulaire
précourbée de faible calibre. Pour éliminer le surplomb denti- présente une cuspide vestibulaire proéminente, mais la cus-
naire lingual, une fraise Gates-Glidden est recommandée. pide linguale est plus volumineuse que celle de la première
En cas d’usure due à l’attrition, la cavité d’accès peut atteindre prémolaire. De même, le diamètre mésiodistal de la racine au
le bord incisif. Depuis l’avènement de l’utilisation des instru- collet est très inférieur au canal vestibulolingual ; pour cette
ments rotatifs en nickel-titane, l’accès au canal doit impérative- raison, la section de la cavité pulpaire est ovoïde dans le sens
ment être rectiligne. Par conséquent, il devient justifié d’étendre vestibulolingual et sa position est centrale (fig. 15.34).
le contour vestibulaire de la cavité d’accès au bord incisif [57],
voire à la face vestibulaire pour les incisives [58]. Cette dernière Molaires mandibulaires
approche offre une meilleure visibilité et peut être utilisée en La configuration anatomique des molaires mandibulaires est
cas d’encombrement dentaire ou quand l’extrémité incisive du similaire à l’exception de différences subtiles. La configuration
canal radiculaire est reculée à un niveau situé sous la JAC. la plus courante de la première molaire mandibulaire est celle
d’une dent dont la cavité pulpaire est complexe et comporte
Canines mandibulaires trois canaux principaux, à savoir deux canaux dans la racine
Les canines mandibulaires présentent généralement une cou- mésiale et un canal distal [60]. Cependant, des études ana-
ronne longue et mince par comparaison avec les canines maxil- tomiques ont montré que cette dent pouvait présenter un
laires qui sont plus trapues et plus larges dans le sens mésiodistal. deuxième canal dans la racine distale dans une proportion de
Cette dent peut présenter une ou deux racines. Le diamètre ves- 30 à 35 % des cas (fig. 15.35) [61, 62]. Sur une coupe trans-
tibulolingual de la racine est supérieur au diamètre mésiodistal ; versale, la forme de la section radiculaire est celle d’un haricot
pour cette raison, la cavité pulpaire peut être simple ou complexe dont la concavité regarde la région inter-radiculaire.
(deux canaux) [49]. Le contour de la cavité d’accès est ovoïde et Les points anatomiques de référence servant à localiser
est situé sur le tiers médian de la face linguale de la couronne les orifices d’entrée des canaux des molaires mandibulaires
(fig. 15.30 et 15.31). Après l’achèvement de la cavité d’accès, dépendent à la fois de la morphologie coronoradiculaire et de
la paroi linguale doit être explorée pour rechercher la présence l’inclinaison de ces dents sur l’arcade (fig. 15.36). Le site
d’un canal lingual. En cas d’usure par attrition, l’accès peut être de l’orifice d’entrée du canal mésiovestibulaire est légèrement
déporté vers le sommet de la cuspide usée, voire inclure le som- distal par rapport au sommet de la cuspide mésiodistale. Le
276 met de cette cuspide dans les cas les plus sévères. site de l’orifice d’entrée du canal mésiolingual est dans une
ISOLATION DU CHAMP OPÉRATOIRE, CAVITÉ D’ACCÈS ENDODONTIQUE ET MESURE... 15
Fig. 15.29 A. Incisive mandibulaire latérale. B. Estimation de la profondeur de la cavité d’accès depuis le centre de la face
linguale vers l’extrémité coronaire de la cavité pulpaire. C. Le contour initial de la cavité d’accès est plus ovale à cause de la
récession de la cavité pulpaire. D. Cavité d’accès achevée.
Fig. 15.30 Contour ovoïde de la cavité d’accès sur la face linguale de la canine mandibulaire. 277
15 ENDODONTIE
Fig. 15.31 A. Canine mandibulaire. B. Le contour initial est tracé dans la dentine. C. Exposition de la pulpe coronaire.
D. Cavité d’accès achevée.
Fig. 15.32 Forme ovoïde de la cavité d’accès sur une première prémolaire mandibulaire. Noter la position vestibulaire
278 par rapport au sillon central de cette cavité.
ISOLATION DU CHAMP OPÉRATOIRE, CAVITÉ D’ACCÈS ENDODONTIQUE ET MESURE... 15
Fig. 15.33 A. Première prémolaire mandibulaire droite. Noter l’espace réduit de la cavité pulpaire. B. Estimation de la
profondeur de la cavité d’accès. C. La profondeur estimée est atteinte, mais le canal n’est pas localisé. La digue est déposée
et un cliché par la technique des rayons parallèles est réalisé. L’image argentique/numérisée montre le positionnement mésial
du canal par rapport à la cavité d’accès. D. Cavité d’accès achevée.
Fig. 15.34 Contour ovoïde de la cavité d’accès sur une seconde prémolaire mandibulaire. 279
15 ENDODONTIE
Fig. 15.37 A. Radiogramme préopératoire d’une première molaire mandibulaire. B. Anatomie occlusale préopératoire.
C. Esquisse du contour de la cavité d’accès. D. La cavité d’accès achevée montrant deux canaux mésiaux et un canal distal
unique. (Voir l’appendice pour les illustrations en couleurs montrant la taille, la forme et la localisation de la cavité pulpaire
à l’intérieur de chacune des dents.)
région proche de l’aplomb du canal central et légèrement dis- racine distale très distincte. Ces relations anatomiques expli-
tal par rapport au canal mésiovestibulaire. Le site de l’orifice quent que le contour de la préparation de la cavité d’accès des
d’entrée du canal distal est proche de l’aplomb de la fosse cen- molaires mandibulaires prend la forme d’un rectangle ou d’un
trale de la table occlusale. Le site de l’orifice d’entrée du canal trapèze localisé dans la région mésiovestibulaire de la table
distovestibulaire, s’il est présent, est vestibulaire par rapport au occlusale de la couronne (fig. 15.37). La présence d’un orifice
canal distal principal et légèrement plus mésial. La première d’entrée de canal supplémentaire dans la racine mésiale est
280 molaire mandibulaire peut parfois présenter une quatrième une variation anatomique possible (fig. 15.38).
ISOLATION DU CHAMP OPÉRATOIRE, CAVITÉ D’ACCÈS ENDODONTIQUE ET MESURE... 15
Fig. 15.38 A. Radiogramme préopératoire d’une première molaire mandibulaire avec un troisième canal mésial central.
B. Premier radiogramme de travail. C. Le canal mésial central est localisé. D. Canal préparé. E. Radiogramme maître cône
en place. F. Radiogramme postopératoire de 46.
281
15 ENDODONTIE
Fig. 15.39 Les étapes de base de la préparation de la cavité d’accès. A. Le contour de la cavité d’accès est tracé dans la
dentine proche de la profondeur estimée avec une turbine. B. La pénétration et l’élimination du plafond pulpaire sont achevées
avec une fraise fissure sur turbine ou avec des fraises à basse vitesse. D’autres configurations sont acceptables. C, D. Les
orifices d’entrée des canaux sont localisés et identifiés au moyen d’une sonde exploratrice endodontique. Des limes de petit
calibre servent à négocier et à estimer la longueur de travail.
Pendant la préparation de la cavité d’accès, il sera néces- Mutilation excessive pendant la préparation
saire d’éliminer les surplombs dentinaires à l’aplomb du canal de la cavité d’accès
mésiovestibulaire et du canal lingual (fig. 15.39) pour offrir La mutilation excessive des structures dentaires est irréver-
un accès rectiligne en direction de la première courbure et de sible et ne peut être corrigée, ce qui génère des conséquences
la région apicale de la racine. Cela facilite la pénétration des directes parmi lesquelles la fragilisation de la dent et le risque
instruments dans les canaux. de fracture de la couronne. Des preuves scientifiques ont
démontré qu’une cavité d’accès correctement raisonnée et que
l’élimination stratégique de la structure dentaire qui évite de
ERREURS COMMISES PENDANT mutiler les crêtes marginales ne fragilisent pas significative-
LA PRÉPARATION DE LA CAVITÉ D’ACCÈS ment la couronne résiduelle [63]. Les crêtes marginales garan-
tissent la résistance vestibulolinguale de la couronne [64] ; les
Préparation inadéquate cavités d’accès ne nécessitent pas le retrait de la structure
Il existe une variété d’erreurs commises pendant la préparation dentaire à ce niveau [65].
de la cavité d’accès (fig. 15.40). La plus courante est la prépa- La perforation est le stade extrême de la mutilation exces-
ration incomplète dont les conséquences sont cruciales. Parmi sive au cours de la préparation de la cavité d’accès. Elle est
celles-ci, il faut souligner la visibilité incomplète et la difficulté latérale sur les dents à une racine ; elle est latérale ou inter-
pour accéder dans les canaux radiculaires dont les orifices ne radiculaire sur les dents à plusieurs racines (voir chapitre 19).
peuvent pas être localisés par le clinicien. Par ailleurs, il sera
impossible d’extraire la totalité de la pulpe coronaire ainsi que
les matériaux qui auraient été introduits dans la dent ; enfin, MESURE DE LA LONGUEUR DE TRAVAIL
la rectitude de l’entrée dans les canaux serait impossible à
réaliser. L’absence de cet accès rectiligne peut être la source Évaluation radiographique
indirecte d’erreurs pendant le nettoyage et la mise en forme des La longueur de travail est définie comme la distance entre un
canaux radiculaires. Quand une lime est déviée par des interfé- point de référence prédéterminé sur la couronne (généralement
rences coronaires, en particulier dans les canaux courbes, il est le bord incisif pour une dent antérieure et un sommet cuspidien
probable que le clinicien perde la mesure exacte de la longueur pour une dent postérieure) et un point correspondant à la limite
de travail, qu’il crée des butées accidentelles, déplace l’axe du de l’action de nettoyage, de mise en forme et d’obturation. Le
canal dans la région apicale et perfore la racine dans la région point de référence anatomique doit rester stable de telle sorte
apicale. Une lime de calibre 25 ou plus développe une force qu’aucune fracture ne soit possible entre deux séances. Les
de rigidité supérieure à la capacité de résistance de la dentine cuspides non soutenues à cause de lésions carieuses doivent
pariétale. Dans un canal courbe, elle est active à son extrémité être réduites. La limite de la préparation du canal est empi-
sur la surface externe de la courbure ; elle est aussi active en rique et est fondée sur les études anatomiques ; elle est estimée
son milieu sur la surface interne de la courbure. La préparation à 1 mm de l’apex radiographique [66, 67]. Cette estimation tient
d’une entrée dans les canaux rectiligne réduit la courbure et éli- compte de la déviation du foramen par rapport à l’apex et de
mine les interférences coronaires, ce qui offre une plus grande la distance entre le grand diamètre du foramen et le niveau du
282 liberté de travail des instruments dans le canal [62]. foramen où une matrice dentinaire peut être créée à l’apex.
ISOLATION DU CHAMP OPÉRATOIRE, CAVITÉ D’ACCÈS ENDODONTIQUE ET MESURE... 15
Fig. 15.40 A. Cavité d’accès au niveau d’une cavité carieuse mésiale volumineuse. B. Le bord cervical de la lésion carieuse
est au niveau de la crête osseuse. C. L’excavation des tissus cariés offre un champ opératoire aseptique et permet d’apprécier
la restaurabilité de la dent. Noter l’élimination incomplète du plafond de la chambre pulpaire. D. La cavité d’accès correctement
achevée révèle la forme de contour en ruban de la chambre pulpaire. E. Une bande matrice orthodontique est installée
pour fournir une isolation correcte. F. Radiogramme obturation terminée.
283
15 ENDODONTIE
Fig. 15.41 A. Radiogramme préopératoire obtenu avec la technique des rayons parallèles. B. Le décalage mésial de l’angle
fournit une image correcte pour la mesure de la longueur de travail. Les apex et les extrémités des limes sont nettement visibles.
Noter le canal mésiolingual (flèche).
La mesure de la longueur de travail, estimée avant la pré- multiradiculées, les limes sont insérées dans tous les canaux
paration de la cavité d’accès, consiste à mesurer la longueur avant la prise de vue radiographique.
totale de la dent sur le radiogramme argentique ou numérisé Pour distinguer les superpositions des limes de structures
obtenu par la technique des rayons parallèles. Si le canal est anatomiques, des prises de vue radiographique à angle décalé
courbé, la longueur du canal peut être estimée en superposant seront nécessaires (fig. 15.41) [73] pour mieux mesurer la lon-
une lime courbée sur l’image radiographique du canal. Une gueur de travail et réduire l’exposition du patient aux rayons
rondelle de caoutchouc (stop) placée sur la lime est ajustée ionisants. Il est impératif que la mesure de la longueur de tra-
pour coïncider avec le point de référence anatomique, pen- vail soit réalisée digue en place pour maintenir des conditions
dant que la lime est alignée avec l’apex radiographique. Après d’asepsie et protéger le patient contre l’ingestion ou l’inhala-
avoir ajusté le stop, la lime est redressée et la longueur est tion d’instruments. Le film/capteur numérique peut être main-
mesurée. D’un point de vue pratique, la longueur est calcu- tenu par une pince hémostatique ou un porte-film (fig. 15.42).
lée à 0,5 mm près. Ensuite, il faut déduire 2 mm pour tenir La technique des rayons parallèles modifiée utilisée pour
compte de la hauteur du foramen (1 mm) et de la distorsion/ prendre des clichés des dents antérieures s’est révélée supé-
agrandissement de l’image radiographique (1 mm) [68]. Cela rieure à la technique de la bissectrice [74, 75]. Cette technique
offre un facteur de sécurité pour éviter de positionner l’extré- consiste à positionner la surface sensible avec une pince
mité de la lime au-delà de l’apex. Le dépassement de l’apex hémostatique de telle sorte que cette surface soit approximati-
peut inoculer des tissus nécrosés, des débris et des bactéries vement parallèle au grand axe de la dent. Le cône est ensuite
dans les tissus péri-apicaux [69], et peut propulser les matériaux positionné de telle sorte que son grand axe soit perpendiculaire
pendant l’obturation [70, 71] et réduire le caractère favorable du au plan de la surface sensible (fig. 15.43). Bien que fiable,
pronostic [72]. cette technique n’est pas définitivement précise [76].
Après la préparation de la cavité d’accès, le canal, sa per- D’autres paramètres cliniques doivent être pris en considé-
méabilité et la mesure de la longueur de travail sont explorés ration pour s’assurer d’une mesure correcte de la longueur de
avec une lime de petit calibre. Une lime de calibre supérieur travail. Ils comprennent la sensation tactile [77], la réaction du
qui doit se coincer sur les parois sans trop forcer est ensuite patient et l’hémorragie. La sensation tactile est précieuse dans
insérée à la longueur de travail estimée ; si la lime était lâche les canaux fuselés et de grand diamètre ; cependant, dans les
dans le canal, elle pourrait être déplacée pendant la prise de canaux de petit diamètre et quasi cylindriques, la conicité
vue ou être poussée au-delà de l’apex si le patient mordait des limes peut excéder celle des canaux, ce qui coince les limes
par inadvertance. Les graduations millimétrées ou le stop sur dans la région la plus coronaire des canaux en transmettant la
le fût de la lime sont utilisés pour contrôler la longueur de fausse sensation d’avoir atteint une constriction vers l’apex.
travail. L’ajustement du stop se fait sur une réglette millimé- La mise en forme coronaire du canal précédant la mesure de sa
trée stérile ou au moyen de tout autre dispositif de mesure. longueur améliore significativement la sensation tactile [78].
Pour fixer une mesure précise et s’assurer du contrôle de la Après avoir exposé la surface sensible, la longueur de
longueur de travail pendant la préparation du canal, le stop travail corrigée est fixée. La distance entre l’extrémité de la
doit être physiquement en contact avec le point de référence lime et l’apex radiographique est relevée. Si la distance est
anatomique coronaire. Pour obtenir une mesure précise de supérieure à 1 mm, la longueur est de nouveau corrigée (par
la longueur de travail, le calibre minimal de la lime est addition ou par soustraction) en sorte d’être fixée à 1 mm de
de 20. Quand le calibre des limes est inférieur à 20, il est dif- l’apex radiographique. Si la correction est supérieure à 3 mm,
ficile de préciser la localisation de l’extrémité de la lime sur un cliché radiographique normal ou distal doit être pris avec
284 un film argentique ou sur un cliché numérisé. Dans les dents la lime ajustée à la longueur de travail.
ISOLATION DU CHAMP OPÉRATOIRE, CAVITÉ D’ACCÈS ENDODONTIQUE ET MESURE... 15
Le principe de la prise de vue à angle décalé et de son inter-
prétation repose sur la règle SLOB (same lingual, opposite
buccal ; voir chapitre 12) [79, 80]. Cette approche ne s’applique
pas aux dents antérieures maxillaires dont la cavité pulpaire
est simple (un seul canal principal). Le décalage mésial
de l’angle de prise de vue est recommandé aux prémolaires
et aux molaires maxillaires (fig. 15.44). Le décalage distal de
l’angle de prise de vue est recommandé pour les incisives et
les molaires mandibulaires (fig. 15.45). Pour s’assurer de la
capture de l’image des racines palatines des molaires maxil-
laires, la surface sensible doit être positionnée au-delà du
raphé médian du palais (voir fig. 15.43).
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287
16 Nettoyage et mise en forme
CHAPITRE
PLAN DU CHAPITRE
OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE
Après avoir lu ce chapitre, l’étudiant devrait être capable : 11. De lister les propriétés des irrigants pertinents en endodontie
1. D’énoncer les raisons et de décrire les stratégies et d’indiquer lequel d’entre eux correspond à ces propriétés.
d’élargissement de la portion cervicale du canal pour 12. De décrire les techniques offrant le maximum d’efficacité
créer un accès rectiligne. de l’irrigant.
2. D’expliquer la façon d’estimer le calibre approprié de la 13. D’analyser les propriétés et le rôle des agents chélateurs
lime apicale maîtresse. et décalcifiants.
3. D’exposer les objectifs du nettoyage et de la mise 14. D’expliquer comment éviter les erreurs de préparation des
en forme du canal et de préciser comment juger canaux courbes de petit calibre.
l’accomplissement de ces actions. 15. De décrire les techniques de négociation des courbures
4. D’illustrer les formes des préparations de conceptions sévères, des blocages, des butées ou des canaux
différentes et de les dessiner sous forme d’un schéma comportant des constrictions sur leur longueur.
longitudinal et d’un schéma de coupe transversale. 16. De décrire en général les principes de l’application des
5. D’illustrer les formes réelles des préparations iatrogènes dispositifs à ultrasons pour améliorer la désinfection de la
dans les canaux courbes. cavité pulpaire radiculaire.
6. De décrire les techniques de mise en forme des canaux 17. D’évaluer en général les moyens alternatifs de nettoyage
de morphologie irrégulière comme les sections en ovale, et de mise en forme et de lister leurs avantages et leurs
en sablier, en quille, en haricot ou en ruban. inconvénients respectifs.
7. De décrire les techniques de préparation des canaux avec 18. D’analyser les instruments manuels et rotatifs en
des instruments manuels et des instruments mus par des nickel-titane (NiTi) et dans quelle mesure les propriétés de
moteurs. ce métal affectent le nettoyage et la mise en forme.
8. D’expliquer la distinction entre l’arrêt apical, le site 19. D’analyser les propriétés et le rôle des médicaments
apical et l’apex ouvert ; d’analyser comment ménager intracanaux et leur rôle en interséances.
l’obturation dans chacune des configurations. 20. De lister les principaux matériaux d’obturation
9. De décrire les techniques appropriées d’élimination de la temporaires, et de décrire les techniques d’insertion et de
pulpe dentaire. dépose de ces matériaux.
10. De caractériser les difficultés de préparation en présence 21. De décrire la temporisation des dents extrêmement mutilées.
d’anomalies anatomiques rendant difficile l’élimination du 22. De passer en revue les techniques et les matériaux
contenu de la cavité pulpaire. utilisés pour la temporisation à long terme.
L
e succès du traitement de canal est fondé sur l’établis- nettoyage, de la désinfection et de l’obturation de l’intégralité
sement d’un diagnostic précis, le développement d’un de la cavité pulpaire. Historiquement, l’accent était mis sur
plan de traitement approprié, une bonne connaissance l’obturation et le scellement de la cavité radiculaire. Cepen-
288 de l’anatomie et de la morphologie dentaire, et l’exécution du dant, aucune technique ou aucun matériau n’offre d’obturation
Nettoyage et mise en forme 16
Fig. 16.4 A. L’anatomie apicale classique montrant le grand diamètre du foramen et le petit diamètre de la constriction. B. Une
forme ovoïde irrégulière de la section du canal et une résorption externe. C. La morphologie de la section du canal principal en
forme de quille et le foramen d’un canal accessoire. D. Nombreux foramens apicaux.
l’élargissement de la région coronaire du canal doit autoriser selon les dimensions de la racine estimées sur un radio-
l’insertion des fouloirs à condensation verticale (pluggers) gramme préopératoire, la technique d’obturation, et le plan de
autour de 3 à 5 mm de la longueur de travail [8]. traitement restaurateur. Les canaux des racines fines et étroites
Étant donné que la dentine est éliminée des parois du canal, (par exemple celles des incisives mandibulaires) ne peuvent
les racines deviennent moins résistantes à la fracture [9]. Le pas être élargis au même degré que ceux des racines plus ven-
290 degré de mise en forme des canaux radiculaires est déterminé trues (par exemple celles des incisives centrales maxillaires).
Nettoyage et mise en forme 16
Fig. 16.5 A. Reconstruction par microtomographie volumique d’une cavité pulpaire d’une molaire maxillaire non préparée.
B. Cavité pulpaire préparée, dont la région apicale du canal palatin a été élargie à un calibre de 30 et dont les régions apicales
des canaux vestibulaires ont été élargies à un calibre de 25. C. Vue à fort grossissement de la configuration initiale du canal de
chacun des trois apex.
PRÉPARATION APICALE DE LA CAVITÉ PULPAIRE constriction a été estimée à 0,5 mm. Une autre étude a recensé
la présence de la constriction dans 46 % des dents observées.
Finition du nettoyage et de la mise en forme En outre, quand celle-ci est présente, sa forme et sa relation
Malgré la simplicité du concept de nettoyage et de mise forme, avec le foramen apical sont variables [11]. Les variations anato-
certains points ne font pas encore consensus. L’étendue de la miques par rapport à l’apparence classique vont de la constric-
préparation apicale en est un exemple. Des études récentes ont tion fuselée à des parois apicales parallèles en passant par des
identifié la jonction dentinocémentaire en tant que zone terminale constrictions multiples [11]. Enfin, pour compliquer le pro-
de la cavité pulpaire radiculaire et en tant que lieu d’insertion du blème, le foramen est rarement localisé à l’apex anatomique.
ligament parodontal. Malheureusement, la jonction dentinocé- Récemment, des microtomographies volumiques ont fourni
mentaire n’est qu’un repère histologique, et sa position (instable un portrait réaliste de la morphologie apicale (fig. 16.5).
dans le canal) ne peut pas être repérée cliniquement. L’anatomie apicale est très variable (voir fig. 16.4, B et
Il est d’usage de localiser l’extrémité de la cavité pulpaire fig. 16.5). Une étude n’a démontré aucun modèle typique
radiculaire, aussi appelée longueur de travail (LT), à 1 mm de d’ouverture de foramen et a confirmé le fait qu’aucun fora-
l’apex radiographique. Une étude classique a décrit la région men ne coïncidait avec l’apex anatomique de la racine [12] ;
apicale du canal radiculaire ; cette région présente un grand elle a aussi rapporté que la distance entre le foramen et l’apex
diamètre correspondant au foramen, et un petit diamètre cor- anatomique variait de 0,2 à 3,8 mm.
respondant au niveau de la constriction (voir fig. 16.4) [10]. La Il a aussi été souligné que la distance entre le foramen et
constriction apicale est la zone la plus étroite du canal radi- la constriction augmentait avec l’âge [10], et que la résorp-
culaire ; la distance moyenne comprise entre le foramen et la tion radiculaire pouvait détruire la constriction anatomique 291
16 ENDODONTIE
originelle et classique [13]. La résorption radiculaire accom- zone apicale du canal dépend du calibre initial et de la conicité
pagne fréquemment la nécrose pulpaire et la résorption de l’os du canal ainsi que du dispositif d’irrigation utilisé [20–22].
apical. Pour cette raison, la résorption radiculaire est un fac- Il a été démontré que des préparations assez grandes
teur supplémentaire à prendre en considération pour mesurer offraient une meilleure irrigation et une élimination des débris
la longueur de travail. plus efficace tout en diminuant significativement le nombre
Une étude prospective a démontré que la perforation, la des micro-organismes [23–26]. Il n’empêche que toute élimina-
maladie périradiculaire péri-apicale et l’obturation du canal tion de la dentine fragilise potentiellement la structure radi-
radiculaire ne respectant pas la longueur de travail sont des culaire ; c’est pourquoi l’usage d’un dispositif auxiliaire pour
facteurs indésirables qui influencent significativement le suc- offrir une irrigation efficace dans des canaux de petit calibre
cès ou l’échec du traitement de canal [14, 15]. Les auteurs ont serait avantageux [27, 28].
émis l’hypothèse que les canaux obturés à moins de 2 mm Par hypothèse, il existe une relation entre l’augmentation du
de la longueur de travail présentaient des tissus nécrosés, des calibre de la préparation apicale et l’assainissement du canal [29]
bactéries et des irritants et que, lorsqu’ils étaient retraités, il ainsi que la diminution de la population bactérienne [30, 31]. Les
était possible de les nettoyer complètement et de les obturer techniques instrumentales défendant une préparation apicale
avec succès [14]. Une méta-analyse portant sur les succès et les minimale semblent inefficaces pour atteindre les objectifs visés
échecs du traitement de canal montre que le taux de succès par le nettoyage et la désinfection de la cavité pulpaire radicu-
est meilleur quand l’obturation est confinée dans la cavité laire [29, 31]. Néanmoins, ce concept atteint ses limites quand une
pulpaire radiculaire [5, 17, 18]. Dans une étude portant sur les préparation trop grande conduit à des erreurs de procédure [32, 33]
nécroses pulpaires, le taux de succès était meilleur quand la et quand des modifications créées dans des tissus durs inter-
limite de l’intervention était à 2 mm de l’apex radiographique disent le nettoyage de l’anatomie originelle (fig. 16.6) [34].
ou proche de cette limite. Si l’obturation est à plus de 2 mm de Des espèces microbiennes variées peuvent pénétrer profon-
l’apex radiographique à l’intérieur du canal, le taux de succès dément dans les canalicules dentinaires [35]. Ces organismes
diminue. En revanche, si la pulpe est vivante et enflammée, intracanaliculaires sont protégés des instruments endodon-
une distance comprise entre 1 mm et 3 mm de l’apex radiogra- tiques, de l’action des irrigants et des médicaments intraca-
phique à l’intérieur du canal est acceptable [17]. Deux études à naux. L’élimination de la dentine semble être la principale
plus grande échelle ont confirmé que le dépassement d’obtu- méthode pour réduire leur nombre. Cependant, il est impos-
ration était associé à des échecs encore plus nombreux [5, 18]. sible d’éliminer les bactéries profondément enfouies dans les
Le niveau exact de l’extrémité clinique apicale de la prépa- canalicules quelle que soit la technique. Il existe une corréla-
ration et de l’obturation reste sujet à discussion. La compac- tion entre le nombre d’organismes présents et la profondeur
tion de la gutta percha et du scellement contre la dentine de la pénétration canaliculaire [36] ; dans les dents atteintes de
(constriction) est importante pour assurer l’étanchéité de parodontite apicale, les bactéries peuvent cheminer dans les
l’obturation. Le choix de la limite de la préparation est fondé canalicules jusqu’à la périphérie de la racine [37, 38].
sur la connaissance de l’anatomie apicale, de la sensation
tactile, de l’interprétation radiographique des localisateurs Élimination de l’étiologie
d’apex électroniques, de l’hémorragie apicale et des réactions Le développement des instruments en nickel-titane a prodi-
du patient. Pour prévenir l’extrusion des tissus et des maté- gieusement changé les techniques de nettoyage et de mise en
riaux, le nettoyage et la mise en forme doivent être confinés forme des canaux radiculaires ; ces instruments ont été rapide-
dans la cavité pulpaire radiculaire. Une image radiographique ment adoptés par les cliniciens dans de nombreux pays [39–41].
de l’extrémité d’une obturation de canaux coïncidant avec Le premier avantage de ces instruments flexibles est observé
l’apex signifie qu’en réalité cette obturation dépasse le fora- pendant la mise en forme, plus exactement en ce qui concerne
men anatomique [12]. la réduction de l’incidence des erreurs de préparation [32].
Les études ont démontré qu’aucun instrument manuel ou
Degré de l’élargissement apical rotatif ne permet le nettoyage complet des canaux [24, 42, 43].
Bien que chaque dent soit unique, des généralités peuvent L’élargissement mécanique des canaux radiculaires réduit
être énoncées à propos de l’anatomie et de la morphologie. spectaculairement le nombre de micro-organismes présents
Si la longueur de la préparation est souvent mise en exergue, dans la cavité pulpaire radiculaire [44], sans pour autant rendre
d’autres paramètres sont insuffisamment pris en considération stérile le canal [24]. Pour cette raison, l’utilisation des irrigants
comme le diamètre et la forme du canal. La morphologie étant antimicrobiens est recommandée pendant la mise en œuvre
variable, il n’existe pas de critère normatif pour définir le des techniques de préparation mécanique [45]. Actuellement,
calibre du canal à l’apex. Traditionnellement, les techniques il n’existe aucun consensus sur l’irrigant le plus approprié ou
de préparation étaient guidées par le désir d’éviter des erreurs sur la concentration de la solution, bien que l’hypochlorite de
de procédure et par des méthodes d’obturation. Une petite sodium (NaOCl) soit la solution la plus utilisée.
préparation apicale diminue l’incidence des erreurs de pré- Malheureusement, des solutions comme le NaOCl, conçues
paration (voir plus loin), mais elle peut affaiblir l’efficacité pour tuer les bactéries [45–47], sont souvent toxiques pour les cel-
antimicrobienne des procédures de nettoyage. Il semble que lules de l’hôte [48–51] ; par conséquent, le dépassement au-delà du
l’utilisation traditionnelle des instruments manuels en acier canal doit être évité [52, 53]. Le volume d’irrigant utilisé pendant
inoxydable dont le calibre est supérieur à 20 contribue à l’intervention est un facteur majeur de son efficacité [54].
déplacer l’apex des canaux très courbes [19].
Les critères de nettoyage et de mise en forme devraient être Perméabilité apicale
davantage fondés sur la possibilité d’irriguer correctement la La technique de contrôle de la perméabilité apicale consiste
cavité pulpaire plutôt que de s’appuyer sur une technique d’obtu- à insérer une lime de petit calibre et à la pousser légèrement
292 ration spécifique. La possibilité que les irrigants atteignent la au-delà du foramen apical pendant la préparation du canal
Nettoyage et mise en forme 16
Fig. 16.6 A. Microtomographies volumiques individuelles du tiers apical de la racine d’un spécimen typique avant et après
la préparation d’un canal radiculaire et l’irrigation avec l’hypochlorite de sodium (NaOCl), suivie d’une irrigation avec de l’acide
éthylène diamine tétraacétique (EDTA), puis d’une irrigation ultrasonique passive finale contre NaOCl (de gauche à droite). B. Les
reconstructions spatiales correspondantes de l’intégralité de la cavité pulpaire sont représentées dans la ligne inférieure. (Modifié
d’après Paqué F, Boessler C, Zehnder M : Accumulated hard tissue debris levels in mesial roots of mandibular molars after
sequential irrigation steps, Int Endod J 44[2] : 148, 2011.)
Avant le traitement, il convient d’évaluer le degré de difficulté Fig. 16.7 Une lime de petit calibre (n° 10 ou 15) est insérée
de chaque cas. L’examen diagnostique exige d’estimer l’ana- au-delà de l’apex radiographique pour maintenir la perméabilité
tomie normale et ses variations ainsi que la morphologie de la du foramen. Noter la position de l’extrémité de la lime au-delà du
cavité pulpaire [60]. foramen apical. 293
16 ENDODONTIE
L’examen diagnostique radiographique portera sur un ou Les instruments en NiTi sont disponibles sous des formes
plusieurs radiogrammes préopératoires d’excellente qualité. géométriques variées ; un nombre important d’entre eux pré-
Plus la racine est longue, plus la difficulté de la traiter est sentent une conicité supérieure à 0,02 mm correspondant à la
grande. Une racine courbée et fine dans la région apicale norme des limes en acier inoxydable. Les conicités les plus
est susceptible à la perforation ; le tiers médian des racines courantes sont 0,04 et 0,06, et le diamètre au sommet peut ou
plates des dents multiradiculées est susceptible à la perfora- non être conforme aux spécifications d’usinage traditionnelles.
tion latérale au niveau de la concavité. C’est pour ces raisons Les conicités peuvent être variables alors que le diamètre du
qu’il faut localiser la courbure radiculaire. Les canaux sont sommet est constant ; elles peuvent aussi être variables alors
rarement rectilignes et les courbures vestibulolinguales sont que le diamètre de l’extrémité des limes varie en respectant
généralement invisibles sur un radiogramme. Les fortes cour- les normes de l’International Organization for Standardization
bures ou malformations sont plus difficiles à aborder que les (ISO) ; certains instruments en NiTi présentent des conicités
courbes légères et régulières. Les racines en forme de S ou en variables tout au long de la tige travaillante.
baïonnette sont très difficiles à traiter. Les concrétions miné- La préparation du canal radiculaire par étape obéit à
rales présentes dans la cavité pulpaire compliquent aussi le une approche raisonnée utile avec les instruments actuels.
traitement. Ces minéralisations apparaissent dans la couronne Étape 1 : évasement préliminaire pour faciliter l’insertion des
et se développent vers l’apex (voir fig. 14-14) ; cela explique instruments vers le tiers apical du canal. Selon les difficul-
pourquoi un canal volumineux et fuselé peut devenir plus tés du canal anticipées, les instruments pourront atteindre la
cylindrique à cause des irrigations et de l’âge. longueur de travail à l’étape 2 (par exemple quand il n’existe
La présence de résorption complique aussi le traitement. qu’une seule courbure). Dans le cas où une une évaluation
Quand la résorption est interne, le passage des instruments, préopératoire a diagnostiqué une forme en S ou des courbures
depuis la portion coronaire du canal vers la région apicale en multiples, il sera utile d’introduire une étape 3 pour confirmer
passant par la région résorbée, est difficile. De plus, les tissus, les la longueur de travail estimée ; dans cette situation, l’étape 2
débris nécrotiques et les bactéries logés dans la région résorbée est exploitée pour procéder à un élargissement supplémentaire
ne peuvent pas être éliminés par les instruments. Une résorption dans la deuxième courbure [64].
externe peut perforer le canal et poser des problèmes d’isolation En général, l’utilisation des instruments rotatifs en nickel-
du champ opératoire. Les restaurations peuvent obstruer l’accès titane doit être précédée de l’exploration manuelle du canal
et la visibilité des orifices d’entrée des canaux, et leur grand axe jusqu’à la longueur de travail souhaitée. Cette étape est exé-
peut être divergent par rapport au grand axe de la racine. cutée avec une ou plusieurs limes K non précourbées. Si la
longueur de travail estimée était atteinte avec la lime non
précourbée, les instruments rotatifs pourraient être utilisés sur
PRINCIPES DES TECHNIQUES DE NETTOYAGE toute cette longueur. Cependant, les canaux en forme de S,
ET DE MISE EN FORME deux canaux d’une même racine qui confluent pour constituer
un seul canal principal (type 2) et les canaux présentant de
Nettoyage et mise en forme sont des concepts séparés et dis- sévères déformations demandent de la prudence. Les canaux
tincts, mais ils sont exécutés simultanément. Les critères de présentant des saillies et les canaux si larges que les instru-
préparation d’un canal sont : la forme fuselée en fin de pré- ments ne réussissent pas à être en contact avec leurs parois
paration, le respect de la forme originelle du canal, le main- ne peuvent pas se prêter à une préparation par les instruments
tien du foramen dans sa position originelle, le fait de garder rotatifs. En général, l’accès rectiligne coronaire est essentiel
l’ouverture du foramen aussi petite que possible et de rendre pour rendre possible l’utilisation des instruments rotatifs afin
les parois polies [8]. Les procédures de nettoyage et de mise de préparer les canaux.
en forme sont conçues pour former une matrice apicale afin La fracture instrumentale peut survenir en raison de forces
de compacter les matériaux d’obturation en fonction de la de torsion ou de la fatigue cyclique [33]. Les forces de tor-
technique choisie [8]. sion sont générées par réaction aux forces de frottement ;
La degré de connaissance du clinicien concernant les nom- autrement dit, comme la surface de contact entre les parois
breuses techniques et variétés des instruments endodontiques et la lame de la lime augmente, plus la surface de contact est
doit le rendre capable d’aborder le traitement des multiples grande et plus le risque de fracture potentielle est grand. Les
formes anatomiques de la cavité pulpaire. Le clinicien doit contraintes dues à la torsion peuvent être réduites en limitant
bien connaître les techniques et les instruments variés utilisés les contacts avec la lime et en empruntant la technique de
en endodontie et en anatomie dont la multitude de variations préparation par paliers progressifs « crown-down » accom-
est observées concernant la cavité pulpaire. Aucun consensus pagnée de l’irrigation à l’hypochlorite de sodium pendant
et aucune preuve scientifique n’ont abouti à attribuer une l’intervention.
quelconque supériorité clinique à une conception technique et La fatigue cyclique se produit quand la lime est en rotation
instrumentale par rapport à une autre [33, 61]. dans un canal courbe [65]. À un point de la courbure, la sur-
Les limes en nickel-titane ont été introduites en endodon- face extérieure est sous tension et la surface intérieure est sous
tie parce qu’elles sont flexibles et résistantes aux cycles de compression. Pendant la rotation, les aires de tension et celles
fatigue [62]. La résistance à la fatigue cyclique permet à ces de compression alternent et les fissures primaires se forment,
instruments d’être mus par un contre-angle rotatif, ce qui est aboutissant à la fracture. Bien souvent, il n’existe aucune trace
un avantage sur les instruments en acier inoxydable. Les limes évidente qui prédise une fracture imminente ; pour cette rai-
en nickel-titane (NiTi) sont fabriquées en version manuelle son, la fréquence à laquelle un instrument en nickel-titane est
et en version rotative, et ont prouvé une capacité de mise en utilisée doit être contrôlée [66]. Les instruments ne doivent être
forme supérieure à celle des instruments manuels en acier utilisés qu’une seule fois en cas de calcifications, de difficul-
294 inoxydable [32, 61, 63]. tés, ou de canaux très courbes [61].
Nettoyage et mise en forme 16
Fig. 16.8 A. Présence de la boue dentinaire sur une paroi du canal. B. La boue dentinaire est éliminée avec de l’EDTA à 17 %.
Pendant le nettoyage et la mise en forme, des matériaux pul- Les propriétés idéales d’un irrigant endodontique sont énon-
paires organiques et des débris dentinaires minéralisés s’accu- cées dans l’encadré 16.1 [67]. Présentement, aucune solution
mulent. Ils se tassent dans les canaux accessoires, les ailerons ne remplit la totalité de ces propriétés. En réalité, aucune
et les isthmes (voir fig. 16.6), mais ils se déposent aussi sur les technique ne semble capable de nettoyer complètement la
parois du canal radiculaire, en produisant une boue dentinaire cavité pulpaire radiculaire [34, 77–79]. L’irrigation fréquente est
irrégulière et amorphe (fig. 16.8) [67]. Quand la pulpe est nécro- nécessaire pour arroser et pour éliminer les débris générés
sée, la boue dentinaire est contaminée par les bactéries et leurs par l’action mécanique des instruments. En même temps, la
toxines. La boue dentinaire forme une couche superficielle préparation des parois radiculaires crée des débris des tissus
d’une épaisseur de 1 à 5 mm, et les débris peuvent s’entasser minéralisés qui sont typiquement poussés dans les voies anato-
dans les canalicules dentinaires à des distances variables [68]. miques accessoires en bloquant les effets des irrigants [34]. Par
Aucun consensus n’a pu dégager des raisons de conserver conséquent, l’utilisation combinée de la mise en forme méca-
ou non la boue dentinaire avant d’obturer les canaux [67, 69, 70]. nique et de l’irrigation est impérative pour optimiser l’effi-
Les avantages et les inconvénients de l’élimination de la boue cacité des antibactériens et des interventions endodontiques.
dentinaire restent des sujets de controverse ; cependant, des
preuves scientifiques soutiennent l’idée d’éliminer la boue den- Hypochlorite de sodium
tinaire avant d’obturer les canaux [67, 71]. Les débris organiques Comme cela a été mentionné, l’irrigant le plus commun
présents dans la boue dentinaire peuvent constituer un substrat est le NaOCl connu aussi sous le nom d’eau de Javel. Les
favorable à la croissance bactérienne ; il est aussi suggéré que avantages de la solution de NaOCl comprennent l’arrosage
la boue dentinaire empêche l’adhésion du ciment de scelle- mécanique des débris du canal, la capacité de dissoudre les
ment sur les parois du canal et est à l’origine de perte d’étan- tissus vivants [80] et les tissus nécrosés [81], l’action antimi-
chéité. En outre, des micro-organismes vivants logés dans les crobienne [42] et l’action lubrifiante [82]. De plus, le NaOCl est
canalicules dentinaires peuvent exploiter la boue dentinaire peu onéreux et aisément disponible [83].
comme substrat nécessaire à leur développement durable. Si Le chlore actif libre de la solution de NaOCl dissout les
la boue dentinaire n’est pas éliminée, elle peut se désintégrer tissus nécrosés en brisant les protéines à l’intérieur des acides
lentement en même temps que les matériaux qui s’échappent, aminés. Il n’existe pas de concentration appropriée réellement
ou elle peut être éliminée par les acides et les enzymes produits prouvée, mais il est recommandé d’utiliser des concentrations
par les bactéries vivantes résidant dans les canalicules denti- comprises entre 0,5 % et 5,25 %. La concentration la plus
naires ou celles qui entrent par les fuites éventuelles au niveau courante est de 2,5 % ; son potentiel de toxicité est réduit,
de la couronne [3]. La présence de la boue dentinaire peut aussi mais la capacité de dissoudre certains tissus et l’activité
interférer avec l’action et l’efficacité des irrigants et des dés-
infectants interséances insérés dans les canaux [47].
Encadré 16.1 Les propriétés d’un irrigant idéal
Quand la boue dentinaire est éliminée, l’adaptation des
matériaux d’obturation sur les parois des canaux est meilleure Dissoudre les tissus organiques
[72, 73]
. De même, l’élimination de la boue dentinaire renforce Dissoudre les tissus minéralisés
l’adhésion des ciments de scellement à la dentine et leur péné- Remplir une action antimicrobienne
tration dans les canalicules dentinaires [69, 72–74] ; elle permet Non toxique
aussi la pénétration de tous les ciments de scellement à des Faible tension de surface
profondeurs variées [75]. L’élimination de la boue dentinaire Lubrifiant
réduit les fuites coronaires et apicales [71, 76]. 295
16 ENDODONTIE
antimicrobienne y sont maintenues [84, 85]. Sachant que l’action La solution d’irrigation ne se déplace pas à plus de 1 mm
de l’irrigant est liée à la quantité de chlore actif libre, une aug- au-delà de l’extrémité de l’aiguille ; c’est pourquoi une
mentation de volume de la solution peut compenser une dimi- aiguille de petit diamètre insérée le plus profondément pos-
nution de concentration. Le réchauffement de la solution peut sible améliorera l’irrigation (voir fig. 16.9) [89]. Pendant le
aussi augmenter son efficacité [86, 87]. En revanche, le NaOCl rinçage, l’aiguille est déplacée de haut en bas constamment
montre des limites dans sa capacité de dissoudre le contenu pour agiter la solution et prévenir le contact avec les parois et
du canal compte tenu des contacts limités avec les tissus dans le risque de butée.
tous les endroits de la cavité pulpaire.
L’extrusion de NaOCl doit être évitée en raison de sa toxi- EDTA
cité [49, 53, 88]. L’aiguille de la seringue d’irrigation ne doit pas L’acide éthylène diamine tétraacétique (EDTA) [90] est un autre
être en contact avec les parois du canal (fig. 16.9). L’insertion irrigant fréquemment utilisé ; son activité est centrée directe
de l’aiguille jusqu’au contact léger et un petit retrait minimi- ment sur l’élimination de la boue dentinaire. L’irrigation avec
sent l’extrusion potentielle de la solution et un accident dû à de l’EDTA à 17 % pendant 1 minute, suivie d’un rinçage final
la molécule d’hypochlorite de sodium (fig. 16.10). Un soin avec du NaOCl [91], est une méthode recommandée. Les ché-
particulier doit être pris pour irriguer un canal avec un apex lateurs comme l’EDTA éliminent les composants minéraux
ouvert. Pour contrôler la profondeur de l’insertion, il suffit de et gardent les structures tissulaires organiques intactes ; du
courber l’aiguille à une longueur appropriée ou de placer un NaOCl est donc nécessaire pour éliminer les composants
stop de caoutchouc. organiques résiduels ; mais l’hypochlorite de sodium utilisé
après des chélateurs peut déminéraliser excessivement la den-
tine pariétale des canaux [92]. La déminéralisation élimine la
boue et les copeaux dentinaires et élargit les canalicules [93, 94].
Cette action est plus efficace au tiers coronaire du canal et
diminue au tiers apical [90, 95].
La réduction de l’efficacité reflète la taille du canal [96] ou
des variations anatomiques comme les canalicules irréguliers
ou sclérotiques [97, 98]. La structure variable de la dentine api-
cale complique l’obturation endodontique avec des matériaux
adhésifs.
Le temps nécessaire à l’élimination de la boue dentinaire
avec de l’EDTA est 1 minute [90, 99, 100]. Les petites particules de
boue dentinaire sont principalement minérales et la proportion
de la surface par rapport à la masse est élevée, ce qui facilite
leur élimination par les acides et les chélateurs. L’exposition
à l’EDTA pendant plus de 10 minutes est la cause de l’élimi-
nation excessive de la dentine péricanaliculaire et de la den-
tine intracanaliculaire [100]. Des études ont montré que l’acide
citrique est aussi un moyen d’éliminer efficacement la boue
dentinaire [101, 102].
Chlorhexidine
Fig. 16.9 L’aiguille doit être placée au tiers apical de la racine La chlorhexidine est un agent antimicrobien doté d’un
sans être en contact avec les parois pour que l’irrigation soit efficace. large spectre ; son action est durable [88, 103] et sa toxicité est
faible [104–107]. La chlorhexidine à 2 % présente une action anti-
microbienne équivalente à celle du NaOCl à 5,25 % [104], et
elle est plus efficace contre Enterococcus faecalis [88]. NaOCl
et la chlorhexidine sont dotés d’une capacité synergique d’éli-
miner les micro-organismes [105]. L’incapacité de dissoudre
les tissus nécrotiques et d’éliminer la boue dentinaire est le
principal inconvénient. De plus, les études cliniques n’ont pas
prouvé que l’utilisation de la chlorhexidine donne de meil-
leurs résultats [5].
MTAD
Une méthode alternative pour désinfecter la cavité pulpaire et
éliminer la boue dentinaire en un seul temps est l’utilisation
d’une mixture composée d’un isomère de tétracycline, d’un
acide et d’un détergent (MTAD) en tant que solution de rinçage
pour éliminer la boue dentinaire [108]. L’efficacité de la MTAD
réside dans l’amélioration de l’élimination complète de la boue
Fig. 16.10 Accident dû à l’hypochlorite de sodium pendant dentinaire quand NaOCl est utilisé à faible concentration pour
le traitement de l’incisive centrale maxillaire gauche. Œdème irriguer les canaux avant de rincer avec la MTAD [109]. Dans ce
296 volumineux de la lèvre supérieure extrêmement douloureux. cas, une concentration de 1,3 % de NaOCl est recommandée ;
Nettoyage et mise en forme 16
la MTAD est dotée d’une action antimicrobienne supérieure à exerçaient une action antimicrobienne [127]. Une autre prépara-
celle de NaOCl [110, 111]. Il a été démontré que la MTAD tuait tion est composée d’une solution aqueuse visqueuse d’EDTA à
efficacement E. faecalis, un micro-organisme fréquemment 19 %. Cependant, ces spécialités présentent l’inconvénient de
observé en cas d’échec de traitement et qu’elle était bénéfique désactiver l’action du NaOCl en réduisant la quantité de chlore
pendant le retraitement. Elle est biocompatible [112], n’altère [128]
et sa toxicité potentielle [129]. L’adjonction d’EDTA dans les
pas les propriétés physiologiques de la dentine [112] et elle pâtes lubrifiantes n’a pas prouvé son efficacité [130]. En général,
améliore la puissance du collage [113]. Bien que les études in les limes éliminent la dentine plus rapidement que les chéla-
vitro soient encourageantes, des études cliniques sont indis- teurs qui ramollissent les parois du canal. Quand les techniques
pensables pour confirmer le bénéfice que peuvent tirer les rotatives en nickel-titane sont utilisées, les solutions aqueuses
patients de l’usage de la MTAD sur ce point [114]. (par exemple NaOCl) sont utilisées de préférence aux pâtes
lubrifiantes ; elles doivent être constamment présentes dans le
QMix® canal pour réduire les effets des forces de torsion [82].
Un irrigant récemment introduit sur le marché, le QMix® [115],
est stratégiquement comparable à la MTAD ; de plus, outre
l’élimination de la boue dentinaire, QMix® agit en tant ERREURS DE PRÉPARATION
qu’antibiofilm. QMix® est la marque déposée d’une mixture
de chlorhexidine, d’EDTA et d’un agent de surface actif. Bien Quelle que soit la technique de préparation du canal radiculaire,
que ce matériau soit nouveau et que sa contribution aux résul- des erreurs peuvent se produire pendant l’intervention. Elles
tats cliniques soit encore inconnue, son efficacité pour élimi- comprennent la perte de la longueur de travail, le déplacement
ner la boue dentinaire est comparable à celle qui est observée de l’apex, la perforation apicale et les perforations latérales.
avec l’EDTA à 17 % [116], et les effets antimicrobiens sont La perte de la longueur de travail peut avoir différentes ori-
adéquats [117, 118]. Malgré tout, la dissolution des tissus avant la gines, comprenant l’échec de la fixation du point de référence
mise en forme du canal et l’utilisation de NaOCl sont toujours anatomique qui a servi à mesurer la longueur de travail, le tas-
requises [119]. sement des tissus et des débris dans la région apicale du canal,
la formation de butées, et le report de la mesure de la longueur
Activation ultrasonore imprécise sur les limes.
L’activation ultrasonore est utilisée pour renforcer l’irrigation Le déplacement apical et les obstructions se produisent par
et pour éliminer les matériaux du canal, y compris les tenons l’usage de limes rigides dans des canaux courbes. La tendance
et les cônes d’argent. Des instruments à ultrasons sont aussi à exercer des forces pour retourner à leur forme rectiligne
utilisés pour l’obturation thermoplastique et la préparation de originelle est supérieure à la puissance de coupe de la den-
l’extrémité des racines au cours d’une intervention de chirur- tine dans un canal courbe (fig. 16.11 et 16.12) [131]. Quand ce
gie endodontique ; cependant, ces instruments peuvent induire déplacement apical se prolonge avec des limes de diamètre
des erreurs d’intervention dans les canaux courbes et ne sont de plus en plus grand, il prend la forme d’une goutte d’eau
pas recommandés à cet effet [120–122]. suspendue et une perforation apicale latérale peut se produire
Le mécanisme principal des ultrasons en tant qu’auxi- (fig. 16.11). Le déplacement apical dans les canaux courbes
liaire de nettoyage est la génération de microcourants acous- débute dès la lime n° 25 [19]. Si le calibre est supérieur à 25,
tiques [123], décrits comme complexes, réguliers, dont les l’élargissement des canaux courbes ne peut être possible que
mouvements de type vortex ou courant de Foucault se forment si un évasement suffisant est ménagé dans la région coronaire
près de l’instrument. L’agitation de la solution d’irrigation du canal.
avec un instrument ultrasonore après le nettoyage et la mise
en forme présente l’avantage d’augmenter l’efficacité de la
solution [96, 124–126].
LUBRIFIANTS
Fig. 16.12 La déformation du canal en une préparation rectiligne ou en déplaçant son extrémité est une erreur typique de
procédure. La vue comparée du radiogramme préopératoire (gauche) et du radiogramme postopératoire (droit) confirme que le
canal mésial et le canal distal ont été déplacés et que leur extrémité respective est en réalité une perforation apicale.
TECHNIQUES DE PRÉPARATION
Fig. 16.14 A. La région inter-radiculaire des molaires au niveau de la courbure (zone dangereuse) est un site connu pour les
perforations latérales. B. Noter la concavité (flèches) dans la zone inter-radiculaire de cette molaire mandibulaire.
Fig. 16.15 La recherche d’un accès rectiligne peut provoquer des perforations latérales dans la région inter-radiculaire
des molaires. A. L’utilisation de fraises de Gates-Glidden de grand diamètre a causé une perforation latérale en exagérant la
préparation. B. Noter que la perforation est située dans la concavité de la racine proche de la région inter-radiculaire.
du canal et de détecter la position de la lime exploratrice par devient plus rectiligne par rapport à la situation de l’apex et
rapport au ligament parodontal. La vérification de la mesure donc par rapport à l’extrémité de la préparation ; cet effet est
est visualisée sur un radiogramme, lime en place. cependant minimisé par l’évasement coronaire du canal. Mal-
En se fondant sur cette information, les cliniciens peuvent gré tout, le clinicien doit vérifier périodiquement la longueur
noter la longueur de travail qui est la mesure de la distance et la corriger si nécessaire.
entre un point de référence anatomique relevé sur la couronne
et un autre point relevé sur l’extrémité radiographique de la Instruments manuels
préparation. En se fondant sur des données cliniques scienti- Mouvement du remontoir de montre
fiquement éprouvées [5, 18] et sur des études prospectives [134], Le mouvement du remontoir de montre est un mouvement
l’extrémité de la lime doit être positionnée à un site immé- alternatif de rotation en va-et-vient (sens des aiguilles d’une
diatement en deçà du site fixé par la mesure électronique. montre/sens inverse des aiguilles d’une montre) utilisé pour
Pendant la préparation du canal, la longueur de travail tend négocier les canaux et pour positionner les limes. La première
à diminuer de plus en plus parce que la forme du canal élargi lime atteignant la longueur de travail estimée tout en étant 299
16 ENDODONTIE
Alésage
L’alésage est un mouvement de coupe produit par la rotation
dans le sens des aiguilles d’une montre d’une lime appelée
alésoir. En général, les instruments sont insérés dans le canal
jusqu’au contact pariétal. L’instrument subit un mouvement
de rotation dans le sens des aiguilles d’une montre de 180 à
360 degrés pour surfacer les parois et élargir le canal.
Limage
Le limage consiste à insérer une lime dans le canal et à lui
appliquer une pression latérale et des forces de retrait afin
de limer les parois. La lime est amenée au contact pariétal ;
dès qu’elle est retenue, le clinicien applique simultanément
une légère pression et un mouvement de rotation d’un quart
de tour (90 degrés) suivi immédiatement d’un retrait tout en
maintenant la lime contre la paroi. Le limage a tendance à
redresser des canaux courbes. Fig. 16.16 La technique de préparation par paliers rétrogrades
est conçue pour obtenir une préparation fuselée. Le processus
Limage circonférentiel débute avec une lime dont le diamètre est supérieur à celui de la
Le limage circonférentiel s’applique à des canaux de grand lime apicale maîtresse (LAM) ; son enfoncement sera limité à un
diamètre et/ou dont la section n’est pas circulaire. La lime est palier raccourci de 0,5 ou 1 mm par rapport à la longueur de travail.
insérée dans le canal ; puis elle subit un mouvement manuel de
retrait séquentiel sur chacune des parois mésiale, vestibulaire, la longueur de travail jusqu’au diamètre de la lime apicale
distale et linguale. Le limage circonférentiel est inefficace au- maîtresse (LAM) est fixée à n° 25 ; les limes successives de
delà du niveau du tiers coronaire du canal radiculaire [135, 136]. diamètre croissant sont raccourcies de 0,5 à 1 mm par rapport
à la lime précédente (fig. 16.16 et 16.17) jusqu’à la lime finale
Préparation normalisée (par exemple n° 60). Ce processus par palier rétrograde crée
Après 1961, l’usinage des instruments a été soumis à des une préparation évasée fusiforme et réduit les fautes d’inter-
normes de fabrication. Les cliniciens ont été conduits à adop- ventions. La dernière lime utilisée au cours de cette séquence
ter une technique de préparation séquentielle qui consistait à en recul devient la lime finale. Ce type de préparation est
élargir le canal avec des instruments de calibre croissant en supérieur aux techniques normalisées de limage et d’alésage
maintenant la longueur de travail (encadré 16.2) [137]. Théo- pendant le nettoyage et la mise en forme [139].
riquement, une préparation normalisée présente une coni-
cité uniforme. Malheureusement, cette technique a été une Technique de préparation par paliers
source d’erreurs de procédures quand elle a été appliquée à progressifs (crown-down)
des canaux cylindriques et de petit diamètre et à des canaux La technique de préparation par paliers progressifs (crown-
courbes [138]. down) est préconisée pour le nettoyage et la mise en forme
parce qu’elle élimine les interférences et crée un évasement
Technique de préparation par paliers coronaire conique. D’abord conseillée pour la préparation
rétrogrades (step-back) manuelle [140], la technique par paliers progressifs s’applique
La technique de préparation par paliers rétrogrades (step- aussi à l’utilisation des limes en nickel-titane. La séquence
back) limite les erreurs de préparation et améliore le net- est la suivante : après avoir empli la chambre pulpaire avec
toyage [138, 139]. Dès que l’évasement coronaire est achevé, un irrigant ou un lubrifiant, explorer le canal avec un petit
le diamètre apical du canal est mesuré avec la lime apicale instrument pour évaluer la morphologie (courbure). À ce
initiale (la première lime en contact pariétal avec la longueur moment, estimer la mesure de la longueur de travail. Évaser
de travail). Par hypothèse, la préparation subséquente avec le tiers coronaire du canal avec des fraises Gates-Glidden ou
des conformateurs en nickel-titane (shapers). Insérer une lime
de diamètre n° 60 dans le canal ; appliquer un mouvement
de remontoir de montre jusqu’à ressentir une résistance [140].
Encadré 16.2 Descripteurs des limes pendant la
Répéter le processus séquentiel avec des limes de calibre
préparation du canal radiculaire
décroissant jusqu’à ce que la région apicale du canal soit
Longueur de travail (LT) atteinte. Définir la mesure définitive de la longueur de travail
Lime apicale initiale (LAI) et le calibre de la lime apicale initiale si cela n’a pas été établi
Lime apicale maîtresse (LAM) initialement. La portion apicale du canal peut dès lors être pré-
Lime finale (LF) parée et le calibre de la lime apicale maîtresse peut être mesuré
Lime apicale finale (LAF) à la longueur de travail. La conicité apicale est achevée par la
300 technique de préparation par paliers rétrogrades (step-back).
A B
C D
E F
Fig. 16.17 Exemple d’une préparation par la technique des paliers rétrogrades dans un canal présentant une courbure
modérée. A. La lime apicale maîtresse n° 25 est positionnée à une longueur de travail corrigée de 21 mm. B. La progression par
paliers rétrogrades débute avec une lime n° 30 à 20,5 mm. C. Lime n° 35 à 20 mm. D. Lime n° 40 à 19,5 mm. E. Lime n° 45 à
19 mm. F. Lime n° 50 à 18,5 mm. 301
Fortgefahren
16 ENDODONTIE
G H
Limage anticourbure
Le limage anticourbure est conseillé pendant les manœuvres
Fig. 16.18 Technique de préparation passive par paliers rétrogrades.
d’évasement coronaire pour préserver les parois dentinaires en Des limes de diamètre croissant sont insérées jusqu’au contact léger
relation anatomique avec la région inter-radiculaire pendant le avec les parois du canal ; puis elles subissent un mouvement de
traitement des molaires (fig. 16.19). Comme cela a été men- rotation de 180 à 360 degrés et sont retirées. Ce processus crée une
302 tionné précédemment, les canaux sont souvent décentrés dans conicité légère et évase l’orifice coronaire du canal permettant aux
les racines mésiales des molaires maxillaires et des molaires instruments de diamètre plus grand d’atteindre le tiers apical.
Nettoyage et mise en forme 16
mandibulaires ; ils sont plutôt déportés en direction de la zone
inter-radiculaire. Le risque est élevé de perforer les parois en
regard de cette zone en utilisant des fraises de Gates-Glidden,
mais aussi par l’usage trop zélé des instruments à main. Pour
éviter des erreurs de procédure, l’usage des fraises de Gates-
Glidden doit être confiné à la région coronaire du canal, avant
la courbure, et elles doivent être utilisées soit par le recul par
palier rétrograde, soit par par palier progressif (fig. 16.20
et 16.21). Les fraises de Gates-Glidden et les conformateurs
en NiTi pour la préparation des orifices d’entrée des canaux
peuvent aussi être orientés de telle sorte à n’éliminer que la
dentine de la paroi la plus épaisse (zone de sécurité) tout en
protégeant la paroi de la région inter-radiculaire (zone de dan-
ger) dans la région coronaire de la courbe (fig. 16.19).
Fig. 16.19 Technique de préparation anticourbure. Les
instruments sont poussés à distance de la région inter-radiculaire Technique de l’équilibre des forces
(zone dangereuse) vers les « zones de sécurité » dont les parois La technique de l’équilibre des forces se fonde sur le fait que
dentinaires sont plus épaisses. les instruments sont guidés par les parois du canal pendant leur
Fig. 16.20 Accès rectiligne dans une première molaire maxillaire gauche réalisé avec des fraises de Gates-Glidden à vitesse
lente selon la technique des paliers rétrogrades. La fraise n° 1 est utilisée jusqu’au ressenti d’une résistance sur les parois (A),
suivie de la fraise n° 2, qui ne doit pas passer la courbure (B). La fraise n° 3 pénètre sur une profondeur de 3 à 4 mm dans le 303
canal (C), suivie de la fraise n° 4 (D).
16 ENDODONTIE
Fig. 16.23 Préparation du canal mésiovestibulaire avec les limes rotatives en nickel-titane selon la technique de la descente
par paliers progressifs (crown-down). Pendant cette séquence, la conicité de chaque instrument est de 0,06 ; le diamètre de leur
extrémité varie selon la norme ISO. Les instruments sont utilisés en faisant appel à la sensation de résistance. Le premier palier
306 débute avec une lime de conicité 0,06/diamètre 45 avec une résistance ressentie à 16 mm (A), suivi du deuxième palier avec une lime
de conicité 0,06/diamètre 40 avec une résistance ressentie à 17 mm (B). C. Troisième palier 0,06/35, avec une résistance ressentie
à 18 mm. D. 0,06/30 à 19 mm. E. 0,06/25 à 20 mm. F. La lime 0,06/20 sert à fixer la mesure de la longueur de travail à 21 mm.
Nettoyage et mise en forme 16
Fig. 16.24 Préparation du canal avec des limes rotatives en nickel-titane dont le diamètre constant est de 0,20 mm en conformité
avec les normes ISO et de conicité variable. La préparation débute avec une lime de conicité 0,10/20 (A), suivie d’une lime 0,08/20
(B). C. la troisième lime est 0,06/20. D. La lime finale est 0,04/20, positionnée à la longueur de travail corrigée de 21 mm.
Fig. 16.25 Suite à la préparation rectiligne de la cavité d’accès dans cette molaire maxillaire, la constriction apicale réelle est
localisée en insérant successivement des limes de diamètre croissant à la longueur de travail corrigée. A. Insertion d’une lime
n° 15 en acier inoxydable et positionnement à une profondeur de 21 mm sans résistance ressentie. B Insertion d’une lime n° 20 à
une profondeur de 21 mm sans résistance ressentie. C. Insertion d’une lime n° 25 ; celle-ci atteint la profondeur de 21 mm et un
léger contact est ressenti. D. Insertion d’une lime n° 30 ; celle-ci n’atteint pas la longueur de travail corrigée ; cela indique que le
diamètre initial du canal à ce niveau est de 0,25 mm, correspondant à la lime n° 25 précédente.
région apicale sont les paramètres de l’évaluation de la mise 3. Évaser la région coronaire des canaux pour faciliter
en forme. Si le canal est préparé pour la compaction latérale, l’insertion des limes de grand diamètre (manuels et rota-
l’extrémité d’un fouloir de petit diamètre tenu par les doigts tifs) à la longueur de travail et pour réduire les accidents
doit être positionnée à une distance voisine de 1 mm de la de procédure, comme la perte de la longueur de travail ou
longueur de travail sans contact avec les parois. Si le canal est la déformation des canaux.
préparé pour la compaction verticale, l’extrémité du fouloir 4. Procéder à l’élargissement du canal par paliers en utilisant
doit être positionnée à 5 mm de la longueur de travail corrigée la séquence de limes de grand diamètre selon la technique
(fig. 16.27). d’ampliation de l’espace des canaux radiculaires choisie.
Selon les instruments et les techniques choisis, il convient 5. Mobiliser manuellement les débris et éliminer la dentine
de suivre les principes et les concepts suivants. infectée des parois vers l’extérieur ou utiliser les instru-
1. Toujours utiliser les limes de plus petit calibre pour la ments rotatifs près de la longueur de travail.
première exploration du canal afin de jauger son calibre, 6. Éviter les grandes surfaces de contact avec les parois
sa forme et sa configuration. ou d’emporter de la dentine pendant l’insertion des ins-
2. Irriguer copieusement la cavité pulpaire pendant le pas- truments. Mobiliser les limes avec des mouvements de
308 sage des instruments dans les canaux. remontoir de montre pour atteindre la longueur de travail.
Nettoyage et mise en forme 16
Fig. 16.26 Élargissement apical final A. La lime apicale maîtresse (n° 25) positionnée à la longueur de travail corrigée
de 21 mm B. Élargissement avec une lime n° 30 positionnée à la longueur de travail corrigée de 21 mm C. Élargissement
supplémentaire avec une lime n° 35. D. Élargissement final avec une lime n° 40. Le dernier instrument utilisé devient la lime
apicale finale (LAF).
Accompagner ces mouvements de rotation par un mou- 9. Pratiquer la récapitulation avec une lime de petit diamètre
vement de va-et-vient avec le pouce et l’index en pro- pour mobiliser les débris présents sur toute la longueur de
gressant continuellement vers la région apicale. Exécuter travail ; irriguer pour éliminer mécaniquement les maté-
ces manœuvres avec minutie dans des canaux remplis riaux. Éviter de surfacer ou d’élargir le canal pendant la
d’irrigant pour éviter le tassement des débris et minimiser récapitulation.
l’extrusion des débris dans les tissus périradiculaires. 10. L’élargissement des canaux de petit diamètre, longs et
7. Quand la section d’un canal observée sur une coupe trans- courbes est plus difficile et plus fastidieux. Une attention
versale n’est pas circulaire, procéder au limage circonfé- plus soutenue est nécessaire pendant leur préparation
rentiel des parois ; par exemple, le retrait de la lime doit parce qu’ils sont plus susceptibles à la perte de la longueur
s’opérer successivement contre la paroi mésiale, distale, de travail et au déplacement des foramens.
vestibulaire et linguale. 11. Toute tentative de redresser des canaux courbes expose
8. Débarrasser les lames travaillantes des limes de leurs au risque d’un élargissement excessif source d’accidents
débris après chaque passage dans les canaux, avant de les opératoires (voir fig. 16.11).
réinsérer pour polir les parois. Nettoyer les limes avec une 12. Dans les dents multiradiculées, la paroi radiculaire du
gaze ou un rouleau de coton imbibé d’alcool [151]. côté de la région inter-radiculaire est plus fine que la paroi 309
16 ENDODONTIE
Fig. 16.27 Évaluation de la conicité coronaire et de la profondeur de la préparation avec un fouloir à condensation latérale
ou un fouloir à condensation verticale à chaud. A. L’extrémité du fouloir à condensation latérale doit être éloignée de 1 mm par
rapport à la longueur de travail corrigée et la conicité de la préparation doit garantir un espace adjacent suffisant. B. L’extrémité
du fouloir à condensation verticale à chaud doit être éloignée de 5 mm par rapport à la longueur de travail corrigée.
plus. L’élimination du pansement est délicate [163], surtout dans l’inflammation. L’usage des corticostéroïdes comme médica-
la région apicale de la racine. ments intracanaux peut réduire la douleur postopératoire dans
certaines situations [180] ; cependant, des preuves scientifiques
Phénols et aldéhydes suggèrent une certaine inefficacité, en particulier quand la
La majorité des phénols et des aldéhydes n’ont aucune douleur est intense [179]. La pulpite irréversible et la parodon-
action spécifique et ils peuvent détruire les tissus de l’hôte tite apicale aiguë sont des exemples pour lesquels l’utilisation
en plus des microbes [164–166]. Historiquement, leur usage était des stéroïdes pourrait être bénéfique [180–182].
fondé sur des opinions ou des empirismes qui portaient les
cliniciens à croire à une prétendue efficacité. Les phénols Chlorhexidine
et les aldéhydes sont toxiques et les aldéhydes sont des La chlorhexidine a été récemment prescrite comme médicament
fixateurs biologiques [167, 168]. Insérés dans la cavité pulpaire, intracanal [183, 184]. Elle peut se présenter en gel à 2 % qui peut être
ils accèdent aux tissus péri-radiculaires et dans la circulation utilisé seul ou mélangé avec de l’hydroxyde de calcium. La combi-
systémique [169, 170]. La recherche a démontré que leur usage naison de chlorhexidine et d’hydroxyde de calcium présente une
clinique était injustifié [171–175]. Ces produits ont été jugés plus grande activité antimicrobienne que l’hydroxyde de calcium
inefficaces pour soulager les patients des épisodes douloureux mélangé avec une solution saline [185], et la cicatrisation périradi-
en interséance par des études cliniques [176–179]. culaire semble améliorée chez l’animal [186]. Cependant, un essai
clinique randomisé récent n’a pas démontré que la combinaison
Corticostéroïdes de chlorhexidine à 2 % et d’hydroxyde était avantageuse par
Les corticostéroïdes sont des anti-inflammatoires pres- rapport à un traitement endodontique en une seule séance dans les
crits pour réduire la douleur postopératoire en supprimant cas de lésions péri-apicales, après un suivi de 1 an [187]. 311
16 ENDODONTIE
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316
Préparation pour la
17
CHAPITRE
restauration
Harold H. Messer, Charles J. Goodacre
PLAN DU CHAPITRE
Survie des dents ayant fait l’objet d’un traitement endodontique Préparation de la couronne dentaire et de la cavité pulpaire
État des structures dentaires et considérations esthétiques radiculaire pour le tenon et le moignon prothétique
Étanchéité coronaire Types de tenon
Durée de vie de la restauration Obturation de la cavité d’accès réalisée à travers une restauration
Conception de la restauration existante
OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE
Après avoir lu ce chapitre, l’étudiant devrait être capable : 7. D’identifier les options restauratrices avant l’intervention
1. De décrire les principaux facteurs impliqués dans la survie endodontique.
des dents ayant fait l’objet d’un traitement endodontique. 8. D’analyser les avantages et les inconvénients des
2. De résumer les facteurs contributifs de la perte de restaurations directes et indirectes.
résistance de la dent et d’expliquer l’importance des 9. D’exposer les indications des tenons pour restaurer les
structures des tissus dentaires résiduels. dents antérieures et postérieures.
3. D’expliquer l’importance de l’étanchéité coronaire et 10. De décrire les systèmes courants des tenons radiculaires,
comment l’obtenir. leurs avantages et leurs inconvénients respectifs.
4. De décrire les exigences d’une restauration adéquate. 11. De décrire les matériaux pour fabriquer les moignons
5. D’évoquer les grandes lignes des risques postopératoires artificiels et leur insertion.
des dents non restaurées. 12. De décrire les techniques de restauration pour obturer une
6. De discuter la pertinence de la restauration immédiate. cavité d’accès réalisée à travers une restauration existante.
CONCEPTION DE LA RESTAURATION
Principes et concepts
Trois principes pratiques sont fondamentaux pour garantir la
fonction et la durabilité des restaurations.
1. La conservation des structures dentaires. Certaines dents
antérieures dont les canaux ont été traités sont quasiment
intactes ou portent de petites restaurations ; les données
Fig. 17.3 Il est impossible de restaurer les conséquences de cette scientifiquement éprouvées déconseillent de restaurer ces
fracture pendant le traitement de canal. L’absence de protection des dents avec des couronnes ou des couronnes à onlay de
cuspides combinée avec la forte profondeur des sillons anatomiques
reconstitution avec un tenon [51, 52]. Il est recommandé de
a produit une fracture dans les jours qui ont suivi la préparation de la
cavité d’accès.
se limiter à combler la perte des structures dentaires dues
à la préparation de la cavité d’accès, parce que cela ne
demande pas d’élimination supplémentaire de structure
dentaire. Certaines données vont jusqu’à recommander
de restaurer les molaires dont la cavité d’accès est petite
avec des résines composites [53]. Cependant, la plupart des
dents postérieures dépulpées avec des canaux traités et
quelques dents antérieures sont très mutilées et doivent être
couronnées de telle sorte que les cuspides et les structures
dentaires résiduelles soient recouvertes, ce qui minimise le
risque de fracture potentielle et renforce la longévité des
dents [15, 18]. La démarche empruntée par certains praticiens
consistant à traiter les canaux d’une dent et à remplacer
systématiquement sa couronne naturelle par une couronne
prothétique n’est ni souhaitable ni en conformité avec les
données de la science contemporaine.
2. La rétention. Après un traitement endodontique, si les
parois de la cavité d’accès sont épaisses, la restauration
Fig. 17.4 La chambre pulpaire et les orifices d’entrée des canaux définitive de la dent se limite en réalité à l’obturation de la
retiennent l’amalgame en exploitant les rétentions naturelles. Les cavité d’accès dont les parois sont suffisamment rétentrices.
dents peuvent être préparées pour recevoir une couronne sans Quand la dent est très mutilée et qu’une couronne prothé-
pour autant déposer les noyaux d’amalgame ; ou bien l’amalgame tique est indiquée, elle peut être retenue par la dentine rési-
peut être le matériau définitif des restaurations si les cuspides sont duelle et un noyau de matériau de restauration qui remplace
correctement protégées. (Remerciements à D.P. Parashos.) les structures coronaires détruites. Si ce noyau ne peut être
suffisamment retenu par les structures dentaires résiduelles,
il n’y a aucune raison de retarder la restauration. L’unique un tenon peut être inséré dans la chambre pulpaire et dans
raison invoquée pour retarder la restauration est un pronos- le canal radiculaire pour retenir ce noyau prothétique.
tic réservé, par exemple si l’échec conduit inévitablement à Cependant, les tenons fragilisent les dents [54–58] et sont
l’extraction. parfois la cause d’une fracture radiculaire ; la préparation
Si la restauration définitive est retardée, la restauration des logements de tenons dans les canaux peut générer des
provisoire doit être durable et protectrice, le joint doit être perforations accidentelles [59] ; pour ces raisons, les tenons
étanche et la restauration doit répondre aux exigences fonc- ne peuvent être prescrits que si le noyau de reconstitution
tionnelles et esthétiques. Des matériaux provisoires comme ne peut être retenu par d’autres moyens comme les contre-
le Cavit® sont inadéquats [47]. Les cuspides des dents pos- dépouilles mécaniques ou le collage de matériaux de res-
térieures doivent être protégées, y compris par des restaura- tauration [60, 61].
tions provisoires [48]. La restauration à l’amalgame d’argent 3. La protection des structures dentaires résiduelles. Elle
est une bonne solution à long terme quand celui-ci recouvre consiste à protéger les cuspides non soutenues des dents
les cuspides fragilisées ; il offre une protection fonctionnelle postérieures en minimisant leur flexion et le risque de
et il est très étanche. La préparation de la couronne définitive fracture. La restauration est conçue de telle sorte qu’elle
peut être réalisée plus tard sans déposer le noyau d’amalgame recouvre les cuspides et réduise le risque de fracture, mais
d’argent (fig. 17.4). Les restaurations antérieures sont plus aussi qu’elle répartisse les charges fonctionnelles à travers
320 délicates à réaliser ; elles doivent résoudre des problèmes la dent vers les tissus de soutien.
Préparation pour la restauration 17
Planification de la restauration définitive
Le choix de la restauration définitive est rapide quand la dent
traitée est quasi intacte ou si une restauration existante est
petite et bien exécutée. Le traitement de choix est la dépose
de la restauration provisoire de la cavité d’accès et des autres
matériaux comme les boulettes de coton. Le matériau d’obtu-
ration des canaux doit être visible ; les structures absentes
seront restaurées par un amalgame d’argent ou une résine
composite selon les exigences esthétiques du patient.
Si le plan de traitement prévoit une couronne prothétique,
sa conception ne sera déterminée qu’après la dépose de toutes
les restaurations (existantes ou non) pour s’assurer de l’absence
totale de lésion carieuse et pour exposer tous les tissus dentaires
totalement sains. La visualisation précoce de la préparation pour
la restauration garantit la préservation des critères structurels de
rétention des noyaux prothétiques. Les demandes esthétiques
croissantes imposent l’indication des couronnes définitives tout
céramique ou céramométalliques. En général, ces matériaux
fonctionnent de manière satisfaisante mais leurs propriétés phy- Fig. 17.5 Restauration à recouvrement cuspidien à l’amalgame
siques sont moins favorables que les restaurations métalliques, d’argent pour remplacer les cuspides distales tout en protégeant
en particulier chez les patients dont les charges occlusales très les cuspides mésiales par un recouvrement d’amalgame d’une
lourdes sont mises en évidence par les usures des surfaces den- épaisseur de 2 mm. Cette restauration a duré dix années jusqu’au
taires et les parafonctions comme le bruxisme. moment où le patient a demandé une couronne.
Dents antérieures de crête marginale doivent être recouvertes par une épaisseur
À chaque fois que cela est possible, l’obturation de la cavité d’amalgame d’au moins 2 mm, suffisante pour résister aux
d’accès (par exemple une résine composite collée) est indi- forces occlusales [64] (fig. 17.5). L’amalgame doit être étendu
quée ; cette option suffit pour les dents par ailleurs largement dans la chambre pulpaire et aux orifices d’entrée des canaux
intactes. Concernant les dents antérieures très mutilées (trau- radiculaires pour être bien retenu. Cette restauration pourrait
matisme, restaurations proximales volumineuses), il est pré- ensuite servir de moignon à une restauration indirecte, si elle
férable d’indiquer des couronnes céramométalliques ou des était indiquée (fig. 17.6). Des amalgames collés ont aussi été
couronnes tout céramique retenues par un onlay de reconstitu- utilisés ; mais leurs performances cliniques n’ont pas été bien
tion à tenon. Les choix sont plus variés pour les prémolaires documentées sur les dents dépulpées et obturées, et un défaut
et les molaires. de collage peut être catastrophique en présence de cuspides
fragilisées et non protégées.
Dents postérieures Cependant, l’absence de propriétés esthétiques de l’amal-
Restaurations directes game le contre-indique sur les dents visibles et justifie l’utili-
L’obturation directe de la cavité d’accès à l’amalgame ou aux sation des résines composites collées pour restaurer la teinte
résines composites est considérée comme un acte de dentis- de ces dents. L’utilisation du collage est de plus en plus impor-
terie conservatrice ; mais l’utilisation de ces matériaux doit tante ; les matériaux et les techniques s’améliorent et les études
être examinée avec attention. La restauration doit prévenir la cliniques prospectives à long terme sur les restaurations avec
fracture coronaire. Les critères d’indication pour limiter la les résines composites ont rapporté de bons résultats [65]. Des
restauration de la couronne à l’obturation de la cavité d’accès joints défectueux et des caries proximales récurrentes demeu-
sont les suivants : rent des problèmes si les bords des restaurations sont sous-
1. Perte minimale de structure dentaire avant et pendant le gingivaux et si les interventions se déroulent sans isolation du
traitement de canal ; pas d’atteinte des crêtes marginales champ opératoire avec la digue de caoutchouc.
pendant la préparation de la cavité d’accès ; aucune prépa-
ration supplémentaire ne doit précéder l’obturation. Restaurations indirectes
2. Pronostic à long terme réservé ; la période d’observation Toutes les restaurations métalliques coulées (onlays, cou-
impose une restauration durable. ronnes partielles ou complètes) offrent une protection occlu-
La perte substantielle de structure dentaire des dents posté- sale excellente et sont optimales quand l’étendue de la perte des
rieures peut être restaurée à l’amalgame d’argent en l’absence structures requiert une couronne prothétique. Les onlays sont
de problème esthétique et si les cuspides non soutenues sont attractifs parce que la préparation de la dent est plus conserva-
correctement protégées par l’amalgame [62]. Certaines restau- trice que la préparation périphérique tout en offrant un bon
rations des cuspides à l’amalgame ont duré de nombreuses recouvrement des cuspides (fig. 17.7). La force des alliages
années (fig. 17.5), tandis que d’autres ont été fracturées sous en or réside dans le caractère conservateur de la préparation
l’effet des forces occlusales intenses. L’évaluation des forces de la dent avec un biseau inversé qui procure un recouvrement
occlusales et de l’activité fonctionnelle aide à décider de la per- cuspidien efficace. La couronne complète de recouvrement en
tinence de la restauration par recouvrement des cuspides avec métal est indiquée quand la mutilation tissulaire interdit une
l’amalgame. L’amalgame conventionnel de classe II de Black restauration plus conservatrice, ou si les contraintes fonction-
sans recouvrement cuspidien est déconseillé parce qu’il ne nelles ou parafonctionnelles exigent l’effet protecteur d’une
protège pas les cuspides [63]. Les cuspides adjacentes à la perte couronne complète de revêtement. 321
17 ENDODONTIE
322 Fig. 17.7 Onlay coulé en or sur la seconde prémolaire incorporant un biseau inversé pour protéger la cuspide des forces de
flexion. Cette technique peut ne pas convenir à de nombreux patients pour des raisons esthétiques.
Préparation pour la restauration 17
Fig. 17.8 A. Un traitement endodontique a été réalisé sur la première molaire maxillaire qui porte un moignon à l’amalgame
préparé pour recevoir une couronne céramométallique. B. Couronne scellée. C. Vue occlusale de la couronne. D. Radiogramme
péri-apical montrant la couronne scellée et le moignon à l’amalgame.
Si la dent doit être préparée pour une couronne prothétique, périmètre de la dent doit être complètement exposé. La rétrac-
il est nécessaire de restaurer les structures perdues pendant tion gingivale par un cordon adapté à cet effet ou la section
la préparation de la cavité d’accès avec un amalgame ou une de la gencive par électrochirurgie ou par un rayon laser sont
résine composite collée avant de procéder à la couronne elle- des moyens bénéfiques pour éviter de fabriquer des moignons
même. Le ciment ionomère de verre peut aussi être utilisé sous-dimensionnés par manque de visibilité du périmètre
pour obturer la cavité d’accès, à la condition de s’y limiter et de la dent. Si un onlay de reconstitution prothétique servait de
d’éviter de restaurer des parois qui pourraient être en contact moignon non retenu par un tenon, la rétention devrait être
avec la future couronne pour la retenir. suffisamment assurée par une épaisseur suffisante de structure
La demande esthétique de nombreux patients interdit les dentaire afin d’éviter que le matériau ne fracture la dent pen-
restaurations coronaires totalement métalliques. Les maté- dant la fonction masticatrice, ce qui entraînera un échec du
riaux céramométalliques ou entièrement céramiques sont traitement coronaire prothétique (fig. 17.9).
devenues les techniques les plus fréquentes pour traiter les
dents postérieures dépulpées dont les canaux sont traités. Ces
types de couronnes complètes de revêtement sont fiables, PRÉPARATION DE LA COURONNE DENTAIRE
et leur forte résistance les protège de la fracture radiculaire ET DE LA CAVITÉ PULPAIRE RADICULAIRE POUR
(fig. 17.8) [61, 66, 67]. Malgré tout, la préparation des canaux LE TENON ET LE MOIGNON PROTHÉTIQUE
exige d’éliminer un volume de structure dentaire tel que, si elle
est couplée avec la réduction nécessaire à la préparation de la Préparation de la couronne dentaire
couronne, il sera indispensable de sceller un onlay de recons- La première étape de l’intervention de restauration de la dent
titution du moignon, éventuellement retenu par un tenon radi- qui recevra un tenon et un onlay de reconstitution est la prépa-
culaire. Pour planifier la forme de ce moignon prothétique, le ration des structures coronaires de la dent en fonction du type 323
17 ENDODONTIE
Fig. 17.9 A. Le patient consulte pour un échec prothétique dû à la fracture du moignon à l’amalgame. B. La structure dentaire
résiduelle n’est pas assez rétentrice pour retenir le moignon à l’amalgame ; le diamètre mésiodistal n’offre pas suffisamment de
résistance à cause de la morphologie très étroite de la première prémolaire. (Remerciements au Dr N. Baba.)
de couronne prévu. Même si la couronne est très mutilée, la maxillaires et les molaires mandibulaires sont des exemples
portion résiduelle doit tout d’abord être préparée de telle sorte de dents qui peuvent être restaurées par des moignons et
que l’intégrité de la structure restante puisse être évaluée. des tenons coulés. De même, certaines dents présentent une
Toute structure dentaire fine et friable présente après la pré- section ovale avec un diamètre vestibulolingual supérieur au
paration dentaire doit être éliminée et remplacée par le futur diamètre mésiodistal ; les onlays à tenon coulé alors sont des
moignon, plutôt que de courir le risque de fracture pendant les solutions de choix (fig. 17.10). Les tenons préfabriqués à sec-
manœuvres de dépose des restaurations provisoires pendant la tion circulaire conviennent mieux aux dents dont la section
séance de scellement définitif de la couronne, ou au cours de de la racine et du canal radiculaire est proche du cercle parce
la fonction occlusale après le scellement définitif. que la préparation du canal ne sera pas trop mutilante pour
s’adapter à ce modèle de tenon, à condition que son diamètre
Choix du tenon ne soit pas beaucoup plus grand.
Le tenon sert à retenir le moignon prothétique. La néces- Des travaux ont soulevé des questions sur les interactions
sité d’un tenon est dictée par le volume restant de structure entre les matériaux constituant les tenons et les tissus den-
coronaire disponible pour retenir le moignon prothétique. taires sous l’effet des contraintes des forces masticatoires ;
L’inconvénient principal des tenons réside dans le fait que est-ce que la rigidité des matériaux (fibre de carbone ou fibre
non seulement ils ne renforcent pas la dent, mais tendent de de quartz) doit être similaire à celle de la dentine ? Est-ce que
plus à la fragiliser à cause de la perte de dentine pendant la la rigidité des matériaux (titane, or) doit être supérieure à celle
préparation et des contraintes qui prédisposent les racines de la dentine ? Ou bien est-ce que la rigidité des matériaux
dentaires à la fracture [60, 61, 68–70]. Pour ces raisons, l’indication (acier inoxydable, alliages chrome-cobalt) doit être très supé-
d’un tenon ne se pose que si le moignon prothétique ne peut rieure à celle de la dentine [71] ? Les tenons rigides sont utili-
pas être retenu dans la dent par d’autres moyens. sés avec succès depuis des décennies, mais ils peuvent être à
Le choix d’un modèle de tenon doit répondre aux carac- l’origine de fracture dentaire, alors que d’autres tenons plus
téristiques de la dent et au cahier des charges de la restau- flexibles épousent les déformations de la dent et tendent à se
ration. La préparation de la dent ne doit jamais être adaptée détériorer sans provoquer de fracture dentaire [72]. Les tenons
au modèle de tenon ; le modèle de tenon et la conception de collés aux tissus dentaires permettent une meilleure réparti-
la préparation doivent au contraire être pensés de telle sorte tion des déformations de la dent restaurée par comparaison
qu’ils répondent à la classe et à la morphologie de la dent. aux restaurations indirectes conventionnelles pour lesquelles
Cela explique pourquoi les onlays de reconstitution à tenon le tenon est beaucoup plus rigide que la structure dentaire.
coulés sont préférés quand la cavité pulpaire radiculaire est Les essais cliniques à long terme détermineront dans quelle
très fuselée. En outre, les onlays de reconstitution à tenon mesure les tenons interagissent avec les dents et le meilleur
coulé conviennent mieux aux racines présentant des variations degré de rigidité favorable à la fonction de répartition des
morphologiques dues au développement qu’il faut préserver ; contraintes.
cela permet d’éviter d’éliminer des structures dentaires dans Les moignons prothétiques et les tenons qui serviront
le seul souci d’adapter le canal radiculaire à un tenon préfa- de support rétenteurs des couronnes en céramique doivent
324 briqué. Les incisives mandibulaires, les premières molaires être fabriqués avec des matériaux esthétiques pour prévenir
Préparation pour la restauration 17
Fig. 17.10 A. Canine maxillaire dont la section du canal radiculaire est ovale. Morphologiquement, cette configuration ne
convient pas à un tenon préfabriqué parce que les surfaces de contact du tenon seraient limitées à des petites portions des
parois mésiales et distales ; pour augmenter ces surfaces, il faudrait exagérer la préparation du canal pour obtenir une section
circulaire, ce qui affaiblirait la dent ou induirait une perforation latérale en présence de concavités proximales. B. Une maquette
en résine a été fabriquée directement dans la dent. C. La maquette sera mise en revêtement et coulée. D. L’ensemble du noyau
et du tenon coulés est scellé et la dent est prête pour la préparation de la prothèse définitive. (Remerciements au Dr J. Kan.)
la dyschromie gingivale et permettre la transmission de la des tenons en fibres synthétiques doit être prudente, surtout si
lumière à travers les couronnes et les dents ; cette nécessité sus- leur longueur est inférieure à la longueur optimale (fig. 17.12),
cite un intérêt croissant pour l’utilisation des tenons en fibres en l’absence de parois rétentrices périphériques (fig. 17.13) [90],
synthétiques (fig. 17.11). Ces tenons sont aussi intéressants ou quand des forces occlusales importantes ou des parafonc-
parce que leur flexibilité se rapproche de celle de la structure tions ont été diagnostiquées [91].
dentaire. Les études comparées en laboratoire ont démontré Il a été démontré en laboratoire que les tenons filetés génè-
que les tenons en fibre de carbone et en fibres de quartz sem- rent des contraintes dans les racines dentaires [70, 92]. Par ail-
blent avantageux parce qu’ils réduisent le nombre de fractures leurs, une méta-analyse à partir d’études cliniques indique que
par rapport aux tenons métalliques [73, 74]. Plusieurs études le taux de survie des tenons filetés est de 81 %, alors que celui
cliniques ont rapporté l’absence totale de fractures [75–84] ; cer- des tenons scellés est de 91 % [93]. Pour ces raisons, les tenons
taines autres études cliniques en ont enregistré un petit nom- filetés sont contre-indiqués.
bre [85–88]. Cependant, les tests de laboratoire ont montré que
ces types de tenons sont moins rétenteurs que les tenons métal- Préparation du logement de tenon
liques [89], ce qui évoque la nécessité de disposer d’une lon- La préparation du logement de tenon a pour objectif de créer un
gueur de tenon optimale. Les résultats des études cliniques sur espace minimal (longueur, diamètre, conicité) en relation avec
l’utilisation des tenons en fibres synthétiques sont mitigés ; de les limites qu’impose la morphologie radiculaire. Elle consiste
nombreuses études cliniques notent un niveau élevé de succès ; à éliminer la gutta percha à la longueur requise, puis à élargir
en revanche, d’autres études à long terme [79, 86, 87, 88] ont relevé et à fuseler au minimum la portion de la cavité pulpaire radi-
des taux d’échec bien supérieurs (11 [86, 88] à 28 % [79]) ; cela culaire qui recevra le tenon (fig. 17.14). Cette intervention doit
peut être dû au descellement du tenon, à la fracture du tenon et être prudente pour éviter l’extraction excessive de gutta percha,
même à des fractures radiculaires. Il en résulte que l’utilisation ce qui se solderait par la perte de l’étanchéité apicale [94, 95]. 325
17 ENDODONTIE
Fig. 17.11 A. Incisive latérale maxillaire préparée pour y sceller un tenon en fibre de
verre. B. Le tenon est collé dans la préparation du canal radiculaire. C. Un moignon en
résine composite et la préparation de la dent sont exécutés. D. Couronne scellée. E.
Radiogramme montrant l’image d’une couronne en céramique au zirconium et le tenon
en fibre légèrement radio-opaque.
326
Préparation pour la restauration 17
Sachant qu’il a été démontré que les tenons les plus longs sont
plus rétenteurs [95, 96] et présentent peu de risques potentiels de
fracture comparés aux tenons courts [96–100], l’optimisation de la
longueur du tenon est souhaitable tant que l’étanchéité apicale
n’est pas perturbée. Par conséquent, il est fortement recom-
mandé de se fonder sur le volume de gutta percha requis pour
assurer une bonne étanchéité apicale plutôt que d’appliquer
des règles de proportion pour mesurer la longueur du tenon
(par exemple la moitié de la longueur de la racine ou encore
la règle d’égalité avec la hauteur de la couronne). Pour toutes
les dents sauf pour les molaires, la hauteur de gutta percha
recommandée est de 5 mm et l’extrémité du tenon ne doit pas
dépasser ce niveau (fig. 17.14). Pour les molaires, la mesure Fig. 17.13 A. Tenon en fibres brisé. Noter l’absence de parois
de la longueur dépend de la morphologie des racines et du périphériques pour favoriser le soutien du tenon. B. Radiogramme
risque de perforation possible quand les parois sont très fines montrant le tenon en fibres fracturé. (Remerciements au Dr N. Baba.)
[101]
. En se fondant sur ces données, l’extrémité du tenon doit
être maintenue à 5 mm de l’apex du canal de la racine la plus coniques minimisent la quantité de structure dentaire apicale
trapue des molaires (racine distale des molaires mandibulaires éliminée et, par conséquent, elles réduisent la quantité de
et racine palatine des molaires maxillaires) (fig. 17.15). structure dentaire éliminée.
L’élimination excessive de la dentine fragilise sérieusement
la racine qui devient prédisposée à la fracture. De plus, le Élimination de la gutta percha
risque de perforation est élevé si l’instrument coupant dévie Quand cela est possible, la gutta-percha est éliminée immédia-
de l’axe du canal, ou si la préparation est trop volumineuse tement après l’obturation pour garantir une bonne étanchéité
ou s’étend au-delà de la portion rectiligne du canal. Les radio- apicale [104]. À ce stade, le dentiste est familiarisé avec les
grammes peuvent être trompeurs pour l’interprétation des caractéristiques du canal, comprenant sa forme, sa longueur,
images de courbures et des diamètres radiculaires ; il est par son diamètre et sa courbure. Selon la technique d’obturation,
ailleurs difficile de détecter les concavités radiculaires et les le canal ne doit être rempli qu’à la longueur désirée et la gutta
courbures vestibulolinguales [102]. En règle générale, le dia- percha peut être éliminée à la longueur désirée en utilisant
mètre du tenon doit être minimal, en particulier dans la région un instrument réchauffé. La gutta percha restante est ensuite
apicale, et sa longueur doit mesurer le tiers du diamètre de compactée verticalement avant la prise définitive du ciment
la racine (fig. 17.15) [103]. Les préparations pour les tenons de scellement. Le radiogramme de l’obturation confirmera 327
17 ENDODONTIE
la hauteur de gutta percha restante (5 mm). Des études ont est une manœuvre sans danger. La gutta-percha est extraite
démontré la présence de fuites dans le canal quand la hauteur progressivement en utilisant un instrument ou un fouloir
de gutta percha apicale n’est que de 2 ou 3 mm ; en revanche, chauffé. Tout instrument qui pénètre à la profondeur désirée
l’étanchéité est meilleure quand la hauteur est de 4 mm ou peut être utilisé à partir du moment où sa capacité de chauffe
plus [104, 105]. Par conséquent, même si, en réalité, 4 mm de est suffisante. Les solvants et les techniques mécaniques sont
gutta-percha offrent une étanchéité acceptable, et compte tenu des moyens alternatifs à la chaleur pour désobturer les canaux.
des variations d’angle de prise de vue des radiographies cli- Les solvants (par exemple chloroforme, xylène ou eucalyptol)
niques, il est jugé préférable de retenir une hauteur minimale peuvent créer des problèmes de pollution ou de profondeur de
de 5 mm mesurée sur le radiogramme. pénétration imprévisible. Les instruments rotatifs, comme les
L’élimination de la gutta-percha à une séance ultérieure est alésoirs de Peeso et les fraises de Gates-Glidden, sont utilisés
328 satisfaisante [104–106]. L’utilisation d’un instrument réchauffé depuis des décennies ; mais leur utilisation doit être prudente
Préparation pour la restauration 17
comme cela a été évoqué précédemment. À cet effet, la fini-
tion peut être exécutée avec des instruments rotatifs tenus à la
main, ce qui limite la quantité de tissu dentaire éliminée dans
la plupart des cas.
Cerclage
L’utilisation du cerclage (bande de métal périphérique) qui
entoure la structure dentaire est une méthode clé pour pré-
venir la fracture dentaire (fig. 17.16). Les cerclages formés à
partir de la couronne qui s’étendent jusqu’au collet sont plus
efficaces pour résister à la fracture dentaire que ceux formés à
partir du moignon [110–113]. L’efficacité est maximale quand la
hauteur du recouvrement de la dent par le cerclage est supé-
rieure à 1 mm [111]. Les cerclages de 2 mm de hauteur sur toute
la périphérie de la dent offrent une plus grande résistance à
la fracture que les cerclages qui n’impliquent qu’un seul seg-
Fig. 17.15 L’extrémité du tenon de cette molaire servant de pilier
ment de la circonférence (fig. 17.17) [112, 113].
à une prothèse partielle fixée est à plus de 5 mm du plancher de
la chambre pulpaire dans le canal radiculaire. La préparation du
logement de tenon est conique pour minimiser la perte de structure TYPES DE TENON, RÉTENTION ET SYSTÈMES
dentaire. Le tenon de la prémolaire qui sert de pilier antérieur est D’ONLAYS DE RECONSTITUTION
cylindrique parce que cette configuration est plus favorable compte
tenu de la morphologie et des dimensions radiculaires. Dents antérieures
La restauration des dents antérieures peut être réalisée directe-
parce qu’ils peuvent éliminer rapidement de la dentine. De ment en bouche (voir fig. 17.16), ou par la construction directe
plus, ils peuvent créer un faux canal dont l’axe ne coïncide ou indirecte d’un moignon prothétique retenu par un tenon
pas avec celui du canal originel, ce qui réduit l’épaisseur des (voir fig. 17.10). Les tenons préfabriqués doivent être ajustés
parois des canaux ou, pire, conduit à la perforation. Enfin, passivement dans la racine avant le scellement pour minimi-
ils peuvent arracher et déplacer la gutta-percha apicale. Les ser les forces à effet de coin. Les tenons filetés sont contre-
instruments rotatifs en nickel-titane disponibles sur le mar- indiqués parce qu’ils prédisposent à la fracture radiculaire et
ché et spécialement conçus pour préparer les logements de qu’ils sont difficiles à déposer.
tenons présentent une extrémité non travaillante et une surface L’onlay de reconstitution et le tenon coulés sont fabriqués
latérale non coupante. Leur efficacité a été prouvée [107] et le en une pièce unique de telle sorte que la part importante de
risque de butée ou de déformation du canal est réduit [108, 109]. la résistance et de la rétention offerte par le tenon ne soit pas
séparée du moignon. L’ajustage de cette unité prothétique sur
Finition du logement de tenon la morphologie limite l’élimination de tissu dentinaire dans le
La finition du logement de tenon consiste à polir les parois canal et dans la chambre pulpaire, et offre un cerclage maxi-
pour éliminer toutes les irrégularités après avoir établi la lon- mal sans avoir recours à l’élongation de la couronne [112, 113].
gueur et le diamètre de la préparation. Dès que la gutta-percha La forme du moignon doit être en conformité avec la mor-
est correctement éliminée, les instruments rotatifs peuvent phologie de la structure dentaire coronaire résiduelle.
être utilisés pour affiner la forme du canal ; il faudra cepen- Les dents antérieures dont les canaux sont traités doivent
dant prendre garde à ne pas éliminer trop de structure dentaire, résister aux forces latérales exercées par les mouvements
ce qui pourrait fragiliser la dent et causer des perforations, d’excursion mandibulaires et transmises au tenon qui, si elles
Fig. 17.16 A. Moignon réalisé avec une résine composite avec un cerclage incorporé dans la préparation de telle sorte que la
couronne enserre la structure cervicale sur le moignon. B. Restauration définitive avec une couronne céramométallique. 329
17 ENDODONTIE
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333
18 Obturation de la cavité
CHAPITRE
pulpaire
James C. Kulild, Bekir Karabucak
PLAN DU CHAPITRE
OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE
Après avoir lu ce chapitre, l’étudiant devrait être capable : 11. De décrire la technique de compaction verticale.
1. De définir les critères cliniques qui précisent le moment 12. De décrire brièvement d’autres techniques d’obturation
de l’obturation. mises en œuvre comme la plastification thermique, la
2. De lister les critères d’un matériau d’obturation idéal. thermocompaction, l’injection de pâte, les dispositifs
3. De décrire le but de l’obturation et d’expliquer pourquoi d’obturation par transport du noyau de gutta percha et
une obturation imparfaite est une cause d’échec du l’obturation sectionnelle.
traitement endodontique. 13. De décrire la technique de modelage du cône de gutta
4. D’identifier les matériaux principaux d’obturation les percha (chloroforme) et de justifier son indication.
plus couramment utilisés et d’énumérer la liste de leurs 14. De décrire la préparation du canal pour l’obturation.
constituants et de leurs propriétés physiques. 15. De résumer les techniques de séchage final et de
5. D’expliquer les avantages et les inconvénients de chacun désencombrement de l’apex.
des principaux matériaux d’obturation. 16. D’analyser la technique d’ajustement du maître cône.
6. De justifier les indications et les contre-indications de 17. D’énoncer la liste des critères du ciment idéal pour
l’obturation avec chacun des matériaux principaux. assurer un joint de bonne qualité.
7. D’expliquer les différences entre les cônes de gutta 18. De décrire une technique de malaxage et d’insertion d’un
percha normalisés, non normalisés, et leur conicité, et de ciment de scellement.
justifier l’indication de chacun d’eux. 19. D’analyser la technique de retrait des excès de ciment
8. De définir et différencier la compaction latérale et la de scellement et de matériau d’obturation de la
compaction verticale, et de suggérer leur indication. chambre pulpaire et d’expliquer la nécessité de cette
9. De décrire la technique de compaction latérale. action.
10. D’expliquer la signification de la profondeur de 20. D’analyser les critères cliniques et radiographiques
pénétration du fouloir pendant la compaction latérale. d’évaluation de la qualité de l’obturation.
OBJECTIFS DE « L’OBTURATION » DE LA CAVITÉ images d’obturation des canaux radiculaires, mais l’association
PULPAIRE de deux événements observés uniquement sur des documents
ne prouve pas de relation de cause à effet. En d’autres termes,
Historiquement, l’obturation est considérée comme une des bien que l’image radiographique montre la faible densité de
étapes cruciales du traitement de canal et comme la principale l’obturation de la cavité pulpaire, d’autres facteurs pourraient
cause de l’échec du traitement quand elle est incorrecte. Un être la source d’irritation des tissus péri-apicaux et d’échecs,
rapport publié il y a longtemps a indiqué que la plupart des comme : (1) la perte partielle ou totale de l’étanchéité coronaire,
échecs de traitement pouvaient être attribués à une obturation (2) le nettoyage et la désinfection incorrects, (3) des canaux
incorrecte [1]. La cicatrisation était évaluée sur des images radio- radiculaires oubliés ou non traités, (4) des fractures radiculaires
graphiques à différentes dates suivant le traitement de canal [1]. verticales, (5) une maladie parodontale sévère, (6) des fractures
De telles enquêtes rétrospectives souffrent malheureusement de coronaires, (7) une technique d’asepsie insuffisante, et (8) des
limites majeures ; les résultats semblent clairement démontrer erreurs de procédure (par exemple longueur de travail incor-
334 une corrélation entre les échecs observés et la faible qualité des recte, butées, faux canaux et perforations).
Obturation de la cavité pulpaire 18
Il a été démontré que le taux de guérison temporaire d’une Joint coronaire
lésion apicale après nettoyage et désinfection des canaux était Irritants de la cavité buccale
significatif, même sans obturation [2]. Bien que cette option de Le joint coronaire est extrêmement important car si la multitude
traitement ne soit pas acceptable, cela démontre un concept d’irritants présents dans la cavité buccale accède dans la cavité
important : ce qui est éliminé de la cavité pulpaire est bien pulpaire puis dans les tissus péri-apicaux, elle peut être la cause
plus important que ce qui y est inséré. L’objectif est de créer de l’inflammation et empêche toute cicatrisation. Ces irritants
un joint étanche pour conserver l’environnement de la cavité comprennent les micro-organismes, les débris alimentaires, des
pulpaire propre et désinfecté, et d’offrir une situation saine solutions chimiques ou tout autre agent cheminant dans la bouche.
pour garantir la bonne santé des tissus péri-apicaux. Dès qu’une cavité pulpaire correctement obturée est expo-
L’objectif de l’obturation est de créer un joint étanche tout sée à la salive, le ciment de scellement du joint est susceptible
au long des parois de la cavité pulpaire de l’ouverture de la de se dissoudre, induisant des fuites à court terme [7–9]. Cette
couronne aux extrémités apicales. Traditionnellement, l’impor- destruction du joint se traduit par la présence de bactéries, de
tance de l’étanchéité du joint coronaire a été sous-estimée parce leurs toxines et des agents chimiques à l’intérieur et autour
que celui-ci n’a pas été jugé aussi important que le joint apical. de la gutta percha [10]. Les conséquences de la dissolution du
Cependant, il est aujourd’hui reconnu que l’excellente qualité ciment de scellement sont manifestes ; la communication
des joints coronaires et apicaux est un facteur de pronostic favo- entre la cavité buccale et le ligament parodontal finit par
rable à long terme [3]. Un joint coronaire étanche empêche les devenir totale en passant par les canaux latéraux, les tractus
microbes résidant dans la cavité pulpaire d’accéder au ligament canaliculaires dentinaires morts ou le foramen apical.
parodontal et de causer une maladie. Il empêche aussi l’entrée Il est impossible de préciser cliniquement le passage effec-
des nouveaux microbes dans la cavité pulpaire provenant de tif des irritants de la cavité buccale vers le péri-apex. Par
la région périradiculaire et passant par le foramen apical, les conséquent, il n’est pas judicieux de restaurer une dent dont
canaux latéraux et accessoires, la cavité d’accès ou les canali- la cavité pulpaire est exposée à la salive, aux bactéries, aux
cules dentinaires dépourvus de prolongement odontoblastique. débris alimentaires ou tout autre irritant présent dans la cavité
buccale. L’exposition coronaire du matériau d’obturation
à moyen terme, suite à la perte de la restauration, une carie
CAUSES POTENTIELLES D’ÉCHEC récidivante, ou à des joints marginaux défectueux nécessite de
décider un retraitement. L’estimation de la durée de l’exposi-
La plupart des échecs liés à une obturation déficiente sont tion pour décider du retraitement dépend de facteurs variés,
des échecs de long terme. Les lésions provoquées par un comme la qualité de l’obturation, la longueur des canaux radi-
petit volume d’irritant ou sa très lente libération ne sont pas culaires et/ou la surface de l’aire exposée.
apparentes à court terme. La persistance ou le développement
de maladies péri-apicales peut ne pas être détecté pendant Restauration
des mois, voire des années suivant le traitement. Il est donc La sélection d’un matériau approprié et une technique de mise
important de mettre en place un programme de suivi pour en œuvre de qualité supérieure sont cruciales. Ce cadre du trai-
évaluer le processus de cicatrisation. Les échecs dus à une tement global fait partie intégrante de l’obturation. La restau-
mauvaise obturation prennent différents chemins qui seront ration agit comme une protection des structures dentaires et la
décrits dans les paragraphes suivants. qualité du joint est capitale, que la restauration soit temporaire
ou définitive. Ces facteurs sont traités en détail au chapitre 17.
Joint apical
Débris non évacués de la cavité pulpaire Scellement des canaux latéraux
En général, il est difficile d’éliminer la totalité des bacté- Le scellement des canaux latéraux n’est pas aussi crucial
ries, des débris tissulaires et des autres irritants pendant les que la qualité des joints apicaux et coronaires. Les canaux
manœuvres de nettoyage et de mise en forme (voir chapitre 16). latéraux/accessoires débouchent généralement sous la crête
L’ensemble de ces agents sont une source d’irritation des tis- osseuse et ne communiquent pas avec la cavité buccale. Il
sus péri-apicaux pouvant contrarier la cicatrisation. Enfermer convient de s’assurer de la bonne qualité du joint au niveau
ces irritants dans la cavité pulpaire au moment de l’obturation du tiers médian des canaux radiculaires. C’est d’autant plus
peut empêcher (ou limiter) leur échappement dans les tissus important que les canaux latéraux sont souvent observés
environnants. Ce joint doit rester intact indéfiniment parce que dans cette région. Ces canaux latéraux constituent une voie
ce réservoir d’irritants peut survivre et causer des maladies potentielle de cheminement des irritants à partir de la cavité
des années plus tard. De façon intéressante, certaines bactéries pulpaire radiculaire vers le ligament parodontal (fig. 18.1) [11].
enfermées dans la cavité pulpaire ne peuvent pas survivre par
absence de substrat nutritif [4]. D’autres bactéries demeurent Longueur de l’obturation
dormantes en attendant l’introduction de substrat nutritif pour La proximité de l’extrémité de l’obturation avec le foramen
proliférer et provoquer des maladies. Les bactéries, même apical est aussi importante. Dans l’idéal, cette extrémité doit
mortes, ainsi que leurs toxines peuvent être irritantes ou rester à l’intérieur des canaux.
antigéniques et entraîner de l’inflammation accompagnée de
conséquences immunologiques négatives [5]. Surextension (dépassement)
Traditionnellement, le foramen apical est considéré comme Le dépassement d’obturation est indésirable. Les études pro-
le lieu d’entrée principal des microbes dans la cavité pulpaire. nostiques ont rapporté l’augmentation des échecs dans le temps
Des recherches récentes ont rapporté qu’en réalité les moyens quand le matériau d’obturation du canal principal va au-delà
d’entrée principaux des bactéries les plus fréquents sont les du foramen apical [12, 13]. L’examen histologique des tissus péri-
fuites coronaires par perte d’étanchéité du joint [6]. apicaux après un dépassement de matériau démontre typiquement 335
18 ENDODONTIE
Fig. 18.1 A. Nécrose pulpaire avec des images radioclaires de lésion apicale et de lésion latérale. B. L’image de l’obturation
montre un canal latéral communiquant avec le parodonte. La cicatrisation s’est produite après l’élimination du tissu pulpaire
nécrosé dans le canal principal et après une bonne obturation. C. Obturation montrant un canal latéral et l’extrusion du ciment de
scellement le long du parodonte. La cicatrisation s’est produite entre 6 mois et un an après le traitement. (C, Remerciements au
Dr J. Fransen.)
décision d’obturer se fonde sur des manœuvres minutieuses de j être imperméable à l’humidité
Avantages
L’utilisation de la gutta percha en tant que matériau d’obtura-
tion des canaux date d’il y a plus de 160 ans [30]. Compte tenu
de son utilisation et de sa popularité, elle est devenue la norme
de comparaison avec les autres matériaux d’obturation.
La gutta percha présente de nombreux avantages. Première-
ment, grâce à sa plasticité, elle peut être compactée et s’adapter
aux irrégularités anatomiques des canaux radiculaires prépa-
rés, en particulier quand elle est thermoplastifiée. Deuxième-
ment, il est relativement facile de la manipuler et de la traiter,
y compris pour des obturations de techniques compliquées.
Troisièmement, la gutta percha est facile à extraire des canaux,
que ce soit partiellement pour préparer un logement de tenon,
ou totalement pour retraiter le canal. Quatrièmement, la gutta
percha est relativement biocompatible quand elle est en contact
avec le tissu conjonctif, sachant qu’elle est inerte dans le temps
[15]
. Un cône contaminé peut être efficacement stérilisé par Fig. 18.4 Un système d’obturation à base résineuse contient un
immersion dans de l’hypochlorite de sodium (concentration conditionneur, du ciment et des cônes semblables à la gutta percha
1 % ou plus) pendant 1 minute [37]. et pouvant être insérés par compaction latérale ou verticale. Des
petits fragments sont disponibles pour l’injection thermoplastique.
Étanchéité (Remerciements à Axis/SybronEndo, Orange, CA.)
Les études montrent que, quelle que soit la technique d’obtura-
tion, la gutta percha insérée sans ciment de scellement n’offre
pas une étanchéité adéquate [38, 39]. Parmi les inconvénients porteur est chauffé à l’intérieur d’un dispositif de réchauffe-
de la gutta percha, il faut retenir son manque d’adhésion chi- ment conçu à cet effet, puis inséré dans le canal en bloc.
mique avec les autres matériaux et, plus important, avec la D’autres technologies présentées pour chauffer, plastifier
dentine. Quand la gutta percha est soumise à la chaleur ou et injecter la gutta percha seront détaillées plus loin dans ce
quand elle est mélangée à des solvants (par exemple le chlo- chapitre.
roforme ou l’eucalyptol), elle se contracte significativement
dès qu’elle se refroidit ou après évaporation du solvant [40], Résine
en laissant un espace vide entre la masse de gutta percha et Des polyesters synthétiques à base de polymères résineux ont
les parois dentinaires [41]. Le ciment de scellement est utilisé été préconisés en tant que matériaux d’obturation (fig. 18.4)
[43, 44]
pour combler les espaces entre la masse de gutta percha et les . Un matériau d’obturation composé de polycaprolactone
parois de la cavité pulpaire. Cependant, il a été rapporté des avec des enduits de verre bioactifs et d’autres composants,
incertitudes sur la capacité des ciments de scellement de rem- est utilisé avec une résine de scellement Bis-GMA® à double
plir tous ces espaces et d’enrober parfaitement les parois de la durcissement et un conditionneur automordançant [44]. Cette
cavité pulpaire [42]. combinaison est une tentative de former une entité unique, ou
obturation monobloc de la cavité pulpaire ; elle implique un
Méthodes d’obturation collage chimique du ciment sur la dentine et du ciment sur le
Comme cela a été mentionné précédemment, les méthodes matériau principal. Le matériau est considéré biocompatible,
d’obturation sont variées et inventives. Des initiatives de prati- non toxique et non mutagène ; il a été autorisé à l’usage par
ciens et de fabricants ont permis d’imaginer (et de vendre) des la Food and Drug Administration (FDA). Des recherches
dispositifs variés (avec des techniques spéciales) dans l’espoir récentes ont rapporté une résistance à la détérioration du joint
de rendre le clinicien capable d’obturer plus rapidement et supérieure à celle de la gutta percha [44]. Des preuves scienti-
plus efficacement. fiques plus récentes comparées avec les techniques normali-
La méthode d’obturation la plus populaire est la compaction sées ne mentionnent aucune différence concernant l’étanchéité
latérale, suivie de la compaction verticale. D’autres techniques du joint [45, 46]. Les matériaux résineux sont disponibles sous
impliquent des transformations chimiques ou physiques de la forme normalisée ou non ; ils peuvent se manipuler de la même
gutta percha dans l’espoir de rendre le matériau encore plus façon que la gutta percha et peuvent aisément être déposés avec
malléable, pour faciliter son adaptation avec de la gutta percha des solvants et la chaleur en cas de nécessité de retraitement.
supplémentaire ou avec les parois radiculaires. Ces matériaux sont aussi présentés en petits fragments pour
Une autre variation est un système comprenant un support être insérés par des techniques d’injection thermoplastiques.
solide (porteur) enrobé d’une couverture de gutta percha. Ce Cependant, il n’existe pas encore de données issues d’évalua-
support peut être en acier inoxydable ou en titane, mais il tions fondées sur des essais cliniques contrôlés à long terme
est typiquement ductile. Après la préparation, cet instrument pour comparer ces matériaux d’obturation avec la gutta percha. 339
18 ENDODONTIE
Fig. 18.5 A. Obturation avec des pointes d’argent. Le retraitement est nécessaire à cause de la perte de la restauration
coronaire, d’une obturation insuffisante et d’un nettoyage inadéquat. B. Le retraitement et l’obturation par compaction verticale
de gutta-percha et de ciments de scellement. Un logement de tenon a été préparé pour la restauration définitive. (Remerciements
340 au Dr T. Remmers.)
Obturation de la cavité pulpaire 18
longueur de travail, l’injection et l’utilisation du bourre-pâte sants ne doivent causer ni destruction tissulaire ni mort cel-
de Lentulo présentent des insuffisances majeures et ne sont lulaire. Tous les ciments de scellement couramment utilisés
pas recommandées. présentent un certain degré de toxicité [15]. La toxicité est
d’autant plus grande que le ciment n’est pas pris, mais elle
Avantages et inconvénients des pâtes tend à diminuer après la prise et avec le temps [57].
Les avantages des pâtes sont la rapidité et la facilité relative j Absence de rétraction de prise. La stabilité dimensionnelle
d’utilisation ainsi que le fait qu’elles représentent un maté- du ciment doit être constante, voire s’étendre légèrement
riau unique d’obturation. L’équipement d’usage se limitant pendant la prise. 341
18 ENDODONTIE
après l’achèvement de l’obturation. Il serait souhaitable que (temps de prise et consistance), 27 parts ; sous-carbonate
la prise ne soit pas totale au cas où un logement de tenon de bismuth, 15 parts ; sulfate de baryum (radio-opacité),
devait être préparé dans la même séance. 15 parts ; borate de sodium, 1 part.
j Adhésion. Un matériau vraiment adhésif forme un joint de j Liquide : eugénol.
collage parfait entre le matériau et la dentine. La plupart des ciments à base de ZnOE en usage aujourd’hui
j Radio-opacité. Le ciment de scellement doit être visible sont des variations de cette formule originelle. Néanmoins,
sur un radiogramme pour que le clinicien visualise la cavité cette formulation présente un temps de prise très lent [62], des
pulpaire radiculaire et le péri-apex en cas de dépassement. effets toxiques sur les tissus de l’hôte et une faible adhésion.
Néanmoins, le ciment ne doit pas être plus radio-opaque
que le matériau principal pour ne pas masquer les vacuités Résine époxy
et les imperfections de l’obturation. La résine époxy est traditionnellement disponible sous une
j Absence de coloration. Les ciments en place ne doivent pas forme poudre-liquide (AH26®, AH Plus® et ThermaSeal
colorer la dentine ou l’émail. Actuellement, tous les ciments de Plus®). Ses avantages comprennent l’action antimicrobienne,
scellement testés, en particulier quand ils contiennent des métaux l’adhésion, un temps de travail suffisamment long, le mélange
lourds, colorent la dentine à un degré plus ou moins élevé [58, 59]. facile à réaliser et une bonne étanchéité du joint. Ses inconvé-
j Solubilité dans les solvants. La préparation d’un logement nients sont ses propriétés colorantes, sa relative insolubilité
de tenon ou le retraitement peut parfois être nécessaire dans les solvants, sa toxicité avant la prise, et une certaine
quelques jours, des mois voire des années après l’obtu- solubilité dans les liquides buccaux. De nouvelles formula-
ration. Le ciment de scellement doit être soluble dans un tions exemptes de méthénamine sont impliquées dans les phé-
solvant. Les différents ciments de scellement présentent des nomènes de sensibilité postopératoires [63]. Cette formulation
degrés variables de solubilité selon les différents solvants et est aussi aisée à mélanger parce qu’elle est composée de deux
les techniques mécaniques diverses [60]. pâtes à quantité égale.
j Insolubilité dans les liquides buccaux et tissulaires. Les
ciments de scellement ne devraient pas se résorber quand Autres résines
ils sont en contact avec les liquides tissulaires. En réalité, ils Ce sont principalement des méthyl-méthacrylates qui sont peu
sont tous plus ou moins solubles quand ils sont en contact utilisés.
avec les liquides tissulaires [8].
j Propriétés bactériostatiques. Bien qu’un ciment bactéri- Ciments à base d’hydroxyde de calcium
cide soit souhaitable, il arrive qu’il puisse être aussi toxique Des ciments à base d’hydroxyde de calcium ont été intro-
pour les tissus de l’hôte. Au minimum, le ciment de scelle- duits, l’hydroxyde de calcium étant incorporé dans une base
ment devrait être bactériostatique pour ne pas favoriser la d’oxyde zinc-eugénol ou de résine. Ces ciments seraient
croissance des bactéries [61]. dotés de propriétés biologiques stimulant la formation d’une
j Capacité de créer un joint étanche. C’est manifestement barrière calcifiée à l’apex, bien que ces propriétés n’aient pas
une propriété très importante. Le matériau doit créer et été jugées concluantes à l’usage clinique et expérimental. Les
maintenir un joint étanche dans la région apicale, contre les ciments à base d’hydroxyde de calcium présentent des pro-
parois latérales des canaux et de la couronne. priétés antimicrobiennes et une étanchéité acceptable du joint
à court terme [64]. Des questions ont été soulevées quant à leur
Compositions chimiques stabilité à long terme (plus grande solubilité) et leur toxicité
En général, les quatre principaux ciments sont à base d’oxyde tissulaire [65]. En attendant que des données expérimentales et
de zinc-eugénol, de résines, d’ionomères de verre et il y a ceux cliniques voient le jour, les avantages de ces ciments n’ont pas
qui contiennent de l’hydroxyde calcium. D’autres variations encore été démontrés [65].
et compositions ont été mises sur le marché et doivent être
considérées comme expérimentales. Ciment ionomère de verre
La formulation chimique de Grossman a résisté aux tests Des formulations de ciment ionomère de verre appliquées à
et à l’usage et reste manifestement la norme des études l’endodontie ont été présentées récemment. Ce matériau pos-
comparées avec les autres ciments de scellement, bien que sède l’avantage de coller à la dentine, ce qui semble fournir un
quelques résines largement utilisées présentent des quali- joint apical adéquat et une bonne étanchéité coronaire ; il est
tés souhaitables. Les ciments avec de l’hydroxyde calcium aussi biocompatible [66]. En revanche, sa dureté et son insolu-
et les ionomères de verre sont plus récents ; ils présentent bilité rendent plus difficiles le retraitement et la préparation du
des propriétés intéressantes, mais aussi des inconvénients logement de tenon ; il est aussi difficile de traiter correctement
significatifs. la dentine pour accepter ce type de matériau [67]. (La gutta per-
cha imprégnée d’ionomère de verre et utilisée avec un ciment
Ciments de scellement à base d’oxyde de scellement en ionomère de verre est décrite plus loin dans
de zinc-eugénol ce chapitre.)
L’avantage principal des ciments de scellement à base de
ZnOE est leur longue histoire d’usage couronné de succès. Ciment à base de céramique
Manifestement, les qualités de ces ciments surpassent leurs Le ciment à base de céramique a été récemment présenté comme
aspects négatifs (coloration, temps de prise très long [62], non- un ciment de scellement endodontique. Sa composition est une
342 adhésion et solubilité). biocéramique combinée avec un oxyde de zirconium, des silicates
Obturation de la cavité pulpaire 18
de calcium, du phosphate de calcium et de l’hydroxyde de calcium La lime est insérée jusqu’à la longueur de travail, puis elle
comme constituants principaux auxquels s’ajoutent des enduits et est mobilisée lentement par un effet de rotation dans le sens
des agents épaississants. Le ciment est considéré comme inso- inverse des aiguilles d’une montre ; cela a pour effet de trans-
luble, radio-opaque et sans rétraction ; sa prise est assurée par porter le ciment vers l’apex et d’enrober les parois du canal.
l’humidité. Des études ont montré que les ciments biocéramiques La lime utilisée pour cette action doit être stérile pour éviter
sont très peu toxiques. Cependant, des études complémentaires toute contamination qui pourrait se mélanger avec les copeaux
sont nécessaires pour évaluer les effets à long terme de ce ciment dentinaires résiduels sur la lime. Inonder le canal avec le
quant au succès du traitement de canal [68]. ciment de scellement n’est ni nécessaire ni souhaitable parce
que cela pourrait créer un risque de dépassement.
Autres ciments Il est déconseillé d’insérer le ciment dans tous les canaux à
Divers agents d’obturation, bases et matériaux de restauration, la fois, sauf s’il dispose de propriétés qui autorisent un temps
comme le ciment au phosphate de zinc ou au polycarboxilate, de travail suffisamment long à cet effet. L’extraction d’un
testés en tant que ciments de scellement endodontiques [69], se ciment de scellement dont la prise est totale est difficile. Le
sont révélés insatisfaisants. temps de prise de la formulation de Grossman et des résines
époxy est très lent, ce qui permet son insertion dans tous les
Mélange canaux [61].
Le ciment ZnOE doit se présenter comme une pâte d’une
consistance dont l’épaisseur, une fois le mélange effectué,
permet d’obtenir un filet de pâte de 5 à 7 cm environ au retrait TECHNIQUES D’OBTURATION AVEC LA GUTTA
de la spatule. Plus la pâte est épaisse, meilleures sont les pro- PERCHA
priétés du ciment, en particulier sa stabilité, l’efficacité du
joint et la toxicité diminuée [70]. La consistance du mélange Les différentes approches utilisées pour obturer les canaux
des résines époxy est plus fine. avec la gutta percha dépendent de la taille des canaux pré-
parés, de la forme finale de la préparation et de la nature des
Insertion des ciments de scellement irrégularités rencontrées à l’intérieur des canaux. Le facteur
Des techniques variées ont été préconisées pour introduire prédominant reste encore la préférence du clinicien, étant
un ciment de scellement avant d’insérer le matériau d’obtu- entendu qu’aucune technique ne s’est révélée supérieure à
ration principal. Le ciment peut être placé avec des pointes de l’autre quant aux résultats attendus du traitement à long terme.
papier, des limes, l’activation ultrasonique des limes, ou des
fraises spéciales (bourre-pâtre de Lentulo). Il peut être porté Choix de la technique
sur le maître cône en sorte de l’enrober, ou injecté au moyen Les deux techniques traditionnelles sont la compaction latérale
de seringues appropriées. Bien que ces méthodes différentes et la compaction verticale à chaud de la gutta percha. L’étanchéité
évoquent des degrés variables d’efficacité dans le scellement, du joint est similaire quelle que soit la technique utilisée [74].
aucune n’a prouvé sa supériorité [71–73]. En réalité, les ciments Comme mentionné précédemment, le choix est dicté par les
de scellement ne comblent pas totalement l’interface entre la préférences et les usages du clinicien, bien que des situations
gutta percha et les parois des canaux après l’obturation [42]. particulières puissent indiquer l’usage de l’une ou l’autre
L’enrobement des parois en prélevant le ciment au moyen technique uniquement. L’insertion d’un ciment de scellement
de la lime apicale finale ou d’une lime de taille immédiate- précédera toujours la compaction de la gutta percha.
ment inférieure (fig. 18.7) est une technique simple et efficace. Des approches plus récentes proposent des moyens de
chauffer ou de ramollir la gutta percha avec des dispositifs
conçus à cet effet et de l’insérer en déposant des fragments de
gutta percha successifs. La plupart de ces techniques et de ces
dispositifs font l’objet d’une action marketing et de promotion
soutenues ; ils seront analysés plus loin dans ce chapitre.
D’autres méthodes font appel au ramollissement de la
totalité du cône de gutta percha avec un solvant comme le
chloroforme ou l’eucalyptol. Ce sont des techniques délicates,
ce qui explique qu’elles soient peu utilisées et peu enseignées.
Compaction latérale
La compaction latérale est la technique d’obturation la plus
répandue, à la fois en pratique clinique et en milieu universitaire
où elle est enseignée dans la pluparts des institutions [75]. Une
variation de cette technique consiste à fabriquer un maître cône
de conicité en conformité avec la forme du canal préparé en le
ramollissant avec un solvant (décrit plus loin dans ce chapitre).
La compaction latérale peut aussi être combinée avec d’autres Choix des fouloirs
approches techniques [76]. En général, si la situation ne conve- Choisir et essayer des fouloirs pendant le nettoyage et la mise
nait pas à la compaction latérale (ou à la compaction verticale, en forme du canal. Préférer les fouloirs pointus ou à bout
si cela est l’approche usuelle), ou si le praticien généraliste maintenus par les doigts plutôt que les mêmes fouloirs mon-
éprouvait des difficultés, le patient devrait être orienté vers tés sur un long manche parce que les premiers renforcent la
une personne compétente en endodontie. sensation tactile pendant le travail, un meilleur joint à l’apex
et un meilleur contrôle de l’instrument (fig. 18.8) pendant
Avantages les manœuvres d’obturation [24, 78]. L’utilisation de ces ins-
La compaction latérale est relativement simple et l’équi- truments tenus avec les doigts réduit l’incidence des fractures
pement est relativement peu compliqué ; de plus, la qualité verticales pendant les manœuvres d’obturation. Les fouloirs
du joint et de l’obturation est aussi bonne qu’avec les autres en acier inoxydable tenus par les doigts sont plus flexibles que
techniques en situations habituelles [77]. L’avantage principal les fouloirs montés sur un manche (fig. 18.9).
de la compaction latérale par rapport à la plupart des autres Les fouloirs en nickel-titane tenus par les doigts sont encore
techniques est le contrôle de la longueur de travail. En effet, plus flexibles et ils semblent produire moins de forces à effet de
en créant un arrêt apical définitif et en utilisant les fouloirs coin pendant leur pénétration profonde [79]. Cet avantage réduit
à condensation latérale avec minutie, l’extrémité de l’obtu- le risque de fractures verticales. Leur flexibilité particulière
ration peut espérer être précisément à la longueur de travail
sans l’appréhension d’un éventuel dépassement d’obturation.
D’autres avantages comprennent un faible risque de retraite-
ment, une bonne adaptation aux parois de la cavité pulpaire
radiculaire, une bonne stabilité dimensionnelle et la facilité
offerte pour la préparation du logement de tenon [78].
Inconvénients
Le premier inconvénient est l’hétérogénéité de la masse de
l’obturation résultante. Le maître cône et les cônes latéraux
sont compactés les uns contre les autres et leur interface est
partiellement comblée par le ciment de scellement [33]. Il
n’existe pas d’autre inconvénient important de la compaction
latérale, si ce n’est les limites créées par les fortes courbures
du canal, l’apex ouvert ou les résorptions internes.
La technique de compaction latérale Fig. 18.8 Les fouloirs tenus avec les doigts peuvent être
Bien que des variations existent, une technique réalisable et précourbés pour améliorer la négociation de l’obturation des canaux
acceptable de la compaction latérale est présentée ici. courbes.
Fig. 18.13 Les fouloirs tenus par les doigts de taille 20, 25 et 30,
Fig. 18.12 A. Dispositif permettant un diamètre de section précis et de 25 mm de longueur équipés des repères en caoutchouc, à
de l’extrémité d’un cône de gutta percha de conicité plus grande. B. côté des pointes de gutta percha accessoires normalisées de taille
Vue agrandie des tailles d’extrémité possibles. 20 et 25.
Fig. 18.14 Les étapes de la compaction latérale. A. Le maître cône est ajusté. B. Un fouloir tenu par les doigts est inséré à une
longueur idéale correspondant à la longueur de travail moins 1 à 2 mm C. Le fouloir subit un mouvement de rotation à pression
constante et extrait en relâchant progressivement la pression, et le cône accessoire est inséré dans l’espace créé à la suite de
346 cette manœuvre. D. La manœuvre est répétée.
Fig. 18.15 Compaction latérale. A. Une lime endodontique est tout d’abord insérée pour vérifier la profondeur de pénétration
correcte. B. Les pointes de gutta percha normalisées sont positionnées. C. La position est vérifiée sur un radiogramme. D.
Une fois le ciment de scellement introduit, et que le maître cône a été positionné tout au long du cône ainsi scellé (ici, le canal
mésiovestibulaire). E. Un cône accessoire est positionné dans l’espace créé par le fouloir. F. La manœuvre est répétée (par
exemple réinsertion du fouloir, suivie du positionnement d’un autre cône accessoire) jusqu’à ce que le fouloir ne puisse pénétrer
au-delà du tiers médian du canal. Les excès de cônes sont sectionnés à l’orifice du canal avec la chaleur et la masse coronaire 347
de l’obturation est compactée verticalement. G. Les autres canaux sont obturés de la même manière. H. Le radiogramme final
démontre quatre canaux correctement obturés. (Remerciements au Dr W. Johnson.)
18 ENDODONTIE
les cônes seront aisément extraits. Dans ce cas, réajuster un 9. Compacter verticalement la portion cervicale de la gutta
maître cône à la longueur correcte et répéter la procédure. percha ainsi ramollie par la chaleur à l’aide d’un fouloir
7. Ces manœuvres sont répétées jusqu’à ce que le fouloir chauffant Glick n° 1 préalablement sélectionné, un fouloir
ne puisse aller au-delà du tiers apical du canal. En cas de n° 5-7 ou de tout autre taille appropriée.
besoin, la qualité de l’obturation peut être évaluée sur un 10. Il est généralement conseillé d’obturer de manière
radiogramme à tout moment. étanche les orifices d’entrée sur une longueur de 1 mm
8. Sectionner l’excès de gutta percha avec un instrument réchauffé pour réduire les communications possibles avec la cavité
à l’orifice d’entrée de chaque canal obturé (fig. 18.17). buccale générées par les pansements temporaires. Une
résine cosmétique est utile pour atteindre cet objectif ;
elle est aisément repérable et peut être facilement déposée
avant la préparation d’un logement de tenon radiculaire.
Compaction ultrasonique
L’activation ultrasonique des fouloirs à compaction latérale et
le chauffage d’embouts et de la gutta percha par les ultrasons
sont des alternatives à la technique décrite précédemment.
Insérer le fouloir ultrasonique près du maître cône et l’acti-
ver sans apport de liquide rafraîchissant. Exercer une pres-
sion apicale et pousser le fouloir jusqu’à 1 mm en deçà de la
longueur de travail. L’action des ultrasons permet l’étalement
du ciment de scellement, ce qui est un avantage ; le frottement
des fouloirs ramollit la gutta percha par la chaleur émise et les
forces d’enfoncement du fouloir sont moins grandes, ce qui
réduit le risque de fracture radiculaire verticale [82].
Manœuvres de finition
Pour finir l’obturation, suivre les étapes suivantes.
1. Nettoyer minutieusement la chambre pulpaire avec des
boulettes de coton imbibées d’alcool ou de chlorhexidine.
Puis sécher avec une boulette de coton sèche. Les résidus
de gutta percha et de ciment de scellement peuvent colorer
la dent (fig. 18.18).
Fig. 18.16 Description schématique des étapes de la compaction
latérale. Chaque insertion du fouloir dans son extension la plus
2. Restaurer temporairement ou définitivement la dent (voir
apicale compacte le cône de gutta percha en direction des parois chapitre 17).
opposées. Une fois la compaction achevée, le canal est obturé avec 3. Déposer la digue et prendre un cliché radiographique de la
plusieurs cônes, tous soudés à froid avec le ciment de scellement. dent restaurée pour évaluer la qualité de l’obturation ache-
(Remerciements au Dr J. Schweitzer.) vée. Vérifier l’équilibre occlusal.
Fig. 18.17 A. Un équipement pratique de chauffage à batterie rechargeable avec un assortiment d’embouts. B. L’embout est
348 rapidement chauffé pour extraire l’excès de gutta percha de la chambre pulpaire et du canal afin de créer un logement de tenon.
Obturation de la cavité pulpaire 18
Résolution des problèmes de l’obturation chloroforme ne présente pas de danger pendant le retraitement et
Quand des problèmes de vacuité et de longueur sont détectés pour fabriquer des cônes modelés [84, 85]. Les aspects techniques
sur un radiogramme, il convient de les résoudre immédiate- du modelage des cônes par le chloroforme sont décrits ici.
ment, avant la prise du ciment de scellement. L’objectif de cette technique est obtenir un ajustage précis
En cas de vacuité, déposer la gutta percha avec des fouloirs du maître cône au tiers apical pour éviter tout dépassement
chauffés jusqu’à ce que le fouloir à compaction latérale puisse de gutta percha au-delà de l’apex et pour améliorer la qualité
être enfoncé juste au-delà de la vacuité ou de l’anomalie de de l’étanchéité du joint [86, 87]. Pour atteindre cet objectif, le
l’obturation. Le ciment de scellement est ensuite inséré et la maître cône, ramolli avec le chloroforme, est inséré dans le
compaction latérale est exécutée comme décrite précédemment. canal pour prendre l’empreinte de la portion apicale de la
Un radiogramme obtenu avant l’élimination de l’excès de cavité pulpaire radiculaire sur une hauteur de 3 ou 4 mm.
gutta percha par la chaleur est avantageux dans la mesure où
toute la masse de l’obturation peut être extraite en saisissant Indications
les cônes avec les doigts ou avec une précelle à coton. L’ajus- Cette technique est indiquée (l) en l’absence de butée apicale,
tage d’un nouveau maître cône et la nouvelle obturation peu- ou (2) en présence d’un apex largement ouvert ou présentant des
vent être exécutés pour obtenir des résultats satisfaisants. irrégularités anatomiques, quand bien même une butée a été créée.
Un problème de dépassement peut quelquefois être résolu
en extrayant toute la gutta percha avant que le ciment de Technique
scellement ne prenne, même si l’excès de gutta percha coro- 1. Sélectionner un maître cône de grand diamètre normalisé
naire a été découpé par la chaleur. En revanche, si la prise ou non de telle sorte que son extrémité se positionne nette-
du ciment de scellement est effective, il est plus difficile de ment à la longueur de travail de moins 2 à 4 mm.
récupérer toute la gutta percha. Le problème du dépassement 2. Tremper l’extrémité du maître cône dans le chloroforme
du ciment de scellement peut être résolu par voie chirurgicale sur une longueur de 3 à 4 mm pendant 1 à 2 secondes
(généralement pas nécessaire). (fig. 18.19) pour le ramollir.
Les matériaux d’obturation extrudés au-delà de l’apex sont
des irritants et peuvent perturber la cicatrisation ; cependant, ils
ne l’empêchent pas complètement, sauf si le matériau d’obtu-
ration principal est volumineux. Les ciments de scellement à
base d’oxyde de zinc se résorbent souvent dans les tissus péri-
apicaux avec le temps [83]. Le traitement chirurgical n’est pas
nécessairement indiqué pour résoudre ces problèmes, sauf si
un échec de cicatrisation est devenu évident pendant les exa-
mens du suivi du patient. Au cas où une quantité abondante de
ciment de scellement dépasse, il est recommandé d’orienter le
patient en clinique de chirurgie maxillofaciale, en particulier
si le matériau est au voisinage du canal alvéolaire inférieur ou
s’il s’étend à l’intérieur de ce canal.
dans tous les recoins et les irrégularités architecturales de la Autres approches de la compaction verticale
cavité pulpaire radiculaire [89, 90]. Les inconvénients compren- à chaud
nent la difficulté pour contrôler la longueur de travail, les Une approche récente appelée technique d’obturation en
manœuvres plus difficiles et la trousse instrumentale beaucoup vague continue exige une préparation conique du canal, une
plus fournie que pour l’autre technique [88]. À cela s’ajoute un portion apicale étroite et un ajustage précis du cône de gutta
diamètre de préparation quelquefois plus grand pour insérer percha. La technique est souvent utilisée après la préparation
les instruments à la profondeur requise. du canal avec des limes rotatives en nickel-titane de plus
grande conicité. La source de chaleur est un dispositif élec-
Technique trique qui distribue la chaleur dans un fouloir à la demande
L’équipement nécessaire à la compaction verticale de gutta (fig. 18.22). Les fouloirs sont disponibles en calibres non
percha se compose d’une source de chaleur et de fouloirs de normalisés pour correspondre à des cônes de gutta percha non
calibres variés. La trousse de Schilder comprend des fouloirs normalisés ou en calibre normalisés correspondant à des limes
de calibres croissants de 0,1 mm de diamètre à partir de de conicité plus grande (fig. 18.22). De plus, deux fouloirs de
0,4 mm (taille ISO n° 40), le calibre du dernier instrument diamètres différents montés sur manche servent à maintenir la
étant de 1,1 mm de diamètre (taille ISO n° 110). gutta percha et à sa compaction apicale.
La technique consiste à ajuster un cône de gutta percha La chaleur (200 °C) est appliquée par le clinicien pendant
de conicité similaire à celle de la cavité pulpaire radiculaire une courte période qu’il a déterminée lui-même. Cette chaleur
préparée, à positionner son extrémité en deçà de l’apex et à constante appliquée sur un cône de gutta percha préalable-
le chauffer en utilisant un fouloir réchauffeur de telle sorte ment ajusté permet l’application de la pression hydraulique en
qu’une fois réchauffée la gutta percha soit ramollie par la un mouvement de vague continu. Le déplacement en direction
chaleur et devienne plastique. Les fouloirs sont ensuite apicale du fouloir rend l’ajustage plus précis et augmente la
insérés dans le canal accompagnés d’une pression apicale pression hydraulique, forçant la pénétration de la gutta percha
qui génère une pression hydraulique poussant la gutta per- dans les irrégularités anatomiques de la cavité pulpaire radi-
cha vers l’apex, contre les parois du canal et dans les irré- culaire. Les détails de cette technique d’obturation en vague
gularités morphologiques de la cavité pulpaire comme les continue sont consultables dans d’autres publications [92].
canaux latéraux et accessoires. La gutta percha est ajoutée La technique d’obturation en vague continue ne présente pas
par petites portions, qui seront elles-mêmes ramollies et d’avantages par rapport aux autres techniques quant aux résul-
tassées verticalement jusqu’à ce que la cavité pulpaire soit tats à long terme et il existe des risques inhérents à son utilisa-
complètement obturée. Les détails de cette technique ont tion. La thermoplastification ou tout autre technique altérant la
déjà été décrits [91]. structure de la gutta percha présente des risques de dépassement 351
18 ENDODONTIE
Fig. 18.27 Résorption interne. A. La compaction latérale est contre-indiquée pour obturer une telle anomalie une fois le canal nettoyé
et préparé. B. Injection thermoplastique d’une résine d’obturation qui a ensuite été compactée verticalement dans la lésion de résorption. 353
18 ENDODONTIE
355
18 ENDODONTIE
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357
19 Accidents opératoires
CHAPITRE
PLAN DU CHAPITRE
OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE
Après avoir lu ce chapitre, l’étudiant devrait être capable : d. la perforation coronaire ou radiculaire
1. D’identifier les accidents opératoires et le décrire e. la fracture instrumentale
les causes, les moyens de les prévenir et le traitement f. l’obturation dont l’extrémité est en deçà de la longueur
des dommages suivants : de travail
a. la perforation de la chambre pulpaire pendant g. le dépassement des matériaux d’obturation au-delà
la préparation de la cavité d’accès de l’apex
b. la butée h. l’obturation incomplète
c. l’obstruction du canal radiculaire par de la boue i. la fracture radiculaire verticale
ou des copeaux dentinaires j. les accidents de préparation du logement de tenon
C
omme d’autres disciplines complexes de la dentisterie, (3) les modalités alternatives de traitement, et (4) l’effet de
le traitement du canal radiculaire peut générer des évé- cet accident sur l’évaluation du pronostic. La documentation
nements non désirés ou imprévus qui peuvent affec- médicolégale correcte est obligatoire. Le praticien chevronné
ter le pronostic. Ces mésaventures sont désignées dans leur apprend de ces expériences passées et applique les nouvelles
ensemble sous le vocable accidents opératoires. Cependant, compétences acquises pour relever des défis nouveaux. De
la crainte des accidents opératoires ne doit pas empêcher le plus, un praticien conscient de ses propres limites est poten-
praticien de réaliser un traitement de canal si la sélection des tiellement capable d’identifier les cas difficiles et d’adresser
cas et le cadre de compétences sont respectés. si besoin un patient à un professionnel ayant des compétences
Pour éviter les accidents opératoires, il est essentiel de plus développées en endodontie. Le bénéficiaire principal doit
connaître les facteurs étiologiques qui les sous-tendent. En être le patient, qui de fait doit jouir des soins de la meilleure
outre, il est indispensable d’avoir appris les méthodes d’iden- qualité possible.
tification de ces accidents, leur traitement et dans quelle Ce chapitre analyse les causes, la prévention et le traitement
mesure les accidents et les traitements choisis vont influencer des divers types d’accidents opératoires survenant à chaque
le pronostic. La plupart des problèmes peuvent être évités stade du traitement de canal. Les effets de ces accidents sur
par l’adhésion aux principes fondamentaux du diagnostic, de le pronostic à court terme et à long terme sont aussi décrits.
la sélection du cas, du plan de traitement, de la préparation
de la cavité d’accès, du nettoyage et de la mise en forme, de
l’obturation et de la préparation du logement de tenon. PERFORATIONS PENDANT LA PRÉPARATION
Des exemples d’accidents opératoires comprennent les DE LA CAVITÉ D’ACCÈS
instruments endodontiques avalés ou inhalés la perforation
de la couronne ou de la racine dentaire, la formation des L’objectif principal de la préparation de la cavité d’accès
butées, la fracture des instruments, des canaux insuffisamment est d’offrir une voie directe vers le foramen apical dépourvue
obturés ou des dépassements d’obturation et les fractures d’obstruction visuelle et mécanique (fig. 19.1). Des accidents
radiculaires verticales. Un bon praticien utilise ses connais- comme l’élimination de structure dentaire excessive ou la
sances, sa dextérité, son intuition, de la patience et doit avoir perforation peuvent se produire pendant une tentative de
conscience de ses limites professionnelles personnelles pour localisation des canaux. L’échec pour atteindre une voie
minimiser ces accidents. Lorsqu’un accident survient pendant d’accès directe est souvent le facteur étiologique principal
un traitement de canal, le patient doit être informé sur (1) des autres types d’accidents survenant à l’intérieur des canaux
358 l’incident, (2) les procédures nécessaires pour les corriger, radiculaires.
Accidents opératoires 19
Fig. 19.3 A. L’échec de l’identification du passage de la fraise à travers le plafond de la chambre pulpaire dans une dent
calcifiée conduit au creusement ou à la perforation de la région inter-radiculaire. L’utilisation des localisateurs d’apex et de
clichés radiographiques à des angles différents de prise de vue est nécessaire pour détecter le risque de perforation le plus tôt
possible. Cela réduit les risques de dommages et améliore la guérison. B. L’utilisation de fraises dont l’extrémité n’est pas active
prévient la perforation du plancher pulpaire. Extrémité non travaillante Lame coupante cannelées de 9mm de long
proviennent de l’absence progressive de l’étanchéité du maté- visibilité réduite, le contrôle de l’hémorragie et les capacités
riau de scellement, qui détériore le parodonte et entraîne la réparatrices des matériaux. En général, les perforations sur-
perte de l’attache épithéliale. L’excellent maniement du MTA venant pendant la préparation de la cavité d’accès doivent être
a pu améliorer significativement le pronostic du traitement traitées immédiatement, tout en protégeant la perméabilité des
non chirurgical des perforations latérales par rapport aux canaux. Le traitement immédiat avec MTA donne les meil-
autres matériaux utilisés à cet effet (fig. 19.8). leurs résultats pour la cicatrisation des perforations [22–27].
364
Accidents opératoires 19
et les attitudes du patient concernant ses pratiques d’hygiène au tiers apical n’est atteinte que par l’élargissement de la
buccodentaire [4]. Les détections et les traitements précoces région coronaire du canal. Les courbures sévères exigent une
améliorent le pronostic en minimisant les dommages faits aux séquence d’intervention bien menée de nettoyage et de mise
tissus parodontaux dus aux bactéries, aux manœuvres ins- en forme en sorte de protéger la perméabilité du canal (voir
trumentales et aux irrigants. En outre, une petite perforation chapitre 16).
(inférieure à 1 mm) cause moins de destruction tissulaire et est
plus favorable au traitement qu’une perforation plus grande. Longueur des canaux
Les localisateurs d’apex et les différents angles de prise de Plus les canaux sont longs, plus ils sont susceptibles à la for-
vue radiographique, limes en place, aident à la détection pré- mation de butée par comparaison aux canaux courts. C’est la
coce de ces lésions. plus grande attention portée à la protection de la perméabilité
Une perforation dans la région inter-radiculaire non détec- du canal qui contribue à la prévention de la création de butée.
tée ou non traitée entraîne une lésion parodontale qui commu-
nique dans le sulcus gingival dans les semaines, voire les jours Calibre originel du canal
suivants. Sachant que le temps qui sépare la survenue de la Il est plus facile de créer une butée dans des canaux de petit
perforation et son traitement doit être le plus court possible, diamètre que dans les canaux de plus grand diamètre.
le pronostic d’une communication parodontale préalablement En résumé, les canaux les plus susceptibles à la création
causée par une perforation est bien plus mauvais [22, 28]. Le de butée sont de petit diamètre, courbés et longs. Les radio-
scellement immédiat de la perforation réduit l’incidence d’une grammes fournissent une image à deux dimensions et ne peu-
maladie parodontale. Le suivi des symptômes, des change- vent pas fournir des informations précises sur la forme et la
ments radiographiques et, très important, l’examen de l’état courbure réelles des canaux radiculaires. Tous les canaux radi-
parodontal constituent un ensemble de bonnes pratiques pour culaires présentent un certain degré de courbure, y compris
évaluer le pronostic à long terme. À chaque séance de rappel, des courbures dans le plan vestibulolingual, celles-ci étant
l’appréciation des radiogrammes et le sondage parodontal invisibles en incidence vestibulaire.
sont les meilleurs moyens de mesurer le succès ou l’échec du
traitement de perforations. Procédures techniques
La détermination de la longueur de travail pendant les
manœuvres de nettoyage et de mise en forme est un processus
ACCIDENTS PENDANT LE NETTOYAGE de continuation de la préparation de la cavité d’accès. L’accès
ET LA MISE EN FORME direct vers la région apicale ne peut être obtenu qu’à l’achève-
ment du nettoyage et de la mise en forme. Une mesure précise
Les accidents opératoires les plus fréquents survenant durant de la longueur de travail est une exigence ; une préparation du
le nettoyage et la mise en forme de la cavité pulpaire radi- canal à une longueur inférieure à la longueur de travail devient
culaire sont les créations de butées ou de saillies, de canaux le prélude à la création d’une butée. Une récapitulation et une
artificiels, les perforations radiculaires, les fractures ins- irrigation fréquentes accompagnées de l’utilisation de lubri-
trumentales et l’extrusion de la solution d’irrigation dans les fiants sont obligatoires. L’hypochlorite de sodium peut être
tissus péri-apicaux. La correction de ces accidents est généra- utilisé dès le début pour contrôler l’hémorragie et éliminer
lement difficile ; dans certains cas, il est préférable d’orienter les débris. Cependant, cette solution, à elle seule, n’est pas
le patient vers des cliniques spécialisées. suffisamment adéquate pour offrir une lubrification maximale.
Le silicone, la glycérine et les lubrifiants à base de cire sont
Formation de butée commercialisés à cet effet. Grâce à leur viscosité, ces maté-
Par définition, une butée se forme quand il devient impossible riaux peuvent être transportés dans la région apicale du canal
de préparer le canal à la longueur de travail et que la perméa- au moyen des limes. Renforcer la lubrification permet l’inser-
bilité originelle est perdue. Les causes principales de la for- tion aisée des limes, de réduire les contraintes appliquées
mation de la butée comprennent (1) l’accès direct de l’orifice sur ces instruments et assistent l’élimination des débris. Le
d’entrée vers l’apex du canal inadéquat, (2) l’irrigation ou lubrifiant est facilement éliminé par la solution d’hypochlorite
la lubrification inadéquate, (3) l’élargissement excessif d’un de sodium au cours de l’irrigation. Les limes en nickel-titane
canal courbe avec les limes, et (4) le tassement de débris dans flexibles dont l’extrémité est non coupante réduisent le risque
la portion apicale du canal. de création de butée.
Si la préparation se déroule avec des instruments à main, il
Prévention de la butée convient de progresser avec prudence en leur appliquant un
Évaluation préopératoire mouvement d’alésage par huitième ou quart de tour dans le
La prévention de la butée débute avec l’examen du radio- tiers apical. Ensuite, le retrait de l’instrument s’opère en pla-
gramme préopératoire du canal radiculaire, avec en particulier quant la lime contre la paroi opposée à celle qui est en relation
la recherche des courbures, l’estimation de la longueur et du avec la région inter-radiculaire et en la mobilisant par un mou-
calibre initial de la cavité pulpaire radiculaire. vement de limage axial contre cette paroi, ce qui aura pour
résultat de réduire la courbure du canal. Chaque lime doit être
Courbures activée jusqu’à ressentir l’absence de frottement et la liberté
Le critère important de courbure se situe au tiers coronaire du de l’instrument avant de progresser avec une lime de calibre
canal radiculaire. La courbure sévère augmente le risque de supérieur.
créer une butée à l’apex. L’accès direct entre l’orifice d’entrée Les canaux présentant des courbures sévères exigent une
et l’apex du canal est le résultat de la bonne préparation de la technique de nettoyage et de préparation par paliers rétrograde
cavité d’accès ; mais il convient de retenir que l’accessibilité et passive (voir chapitre 16). La procédure est la suivante. 365
19 ENDODONTIE
Choisir une lime n° 15 et l’insérer jusqu’à la longueur de tra- Création d’un canal artificiel
vail. Élargir passivement et progressivement le canal en se fon- Causes et prévention
dant sur la technique par paliers rétrograde progressive tout en Une déviation du chemin originel du canal principal et la créa-
garantissant une irrigation et une lubrification maximales tion d’un canal artificiel entraînent une butée amplifiée. Cette
et constantes. Récapituler la manœuvre plusieurs fois avec situation se rencontre à partir des facteurs qui ont été à l’ori-
cette lime n° 15 dans le but de préserver la perméabilité du gine de la création d’une butée ; c’est pour cette raison que
canal. Cette technique de pré-évasement réduit la courbure les recommandations de prévention de la formation de butée
du canal tout en l’élargissant. Elle permet de gagner un meil- doivent être suivies pour empêcher la création de canal arti-
leur contrôle des limes pendant l’élargissement et le nettoyage ficiel. Cette mésaventure s’explique de la manière suivante :
du tiers apical en tant que stade final de la préparation (voir dès que la butée est créée et que la longueur de travail est
chapitre 16). En utilisant cette technique, les chances de perdue, l’opérateur s’évertue à récupérer la longueur de tra-
créer une butée sont réduites. Les limes rotatives de conicité vail, il s’acharne à atteindre l’apex coûte que coûte avec toutes
variable donnent à la préparation une forme de tunnel fuselé. les limes, pour finir par créer un canal artificiel. C’est cette
action laborieuse de l’usage persistant des limes qui conduit
Traitement de la butée finalement à perforer la surface de la racine. L’usage violent
Une fois créée, la butée est difficile à corriger. La première des limes en acier inoxydable est la cause la plus commune de
tentative serait d’insinuer une lime en acier de diamètre n° 10 ce problème.
pour récupérer la longueur de travail. Pour espérer réussir la
manœuvre, la première étape consiste à courber significati- Traitement
vement les 2 ou 3 mm de l’extrémité de la lime dans le sens Récupérer le canal originel quand la butée est amplifiée est
de la courbure du canal. Les lubrifiants sont très utiles. La normalement très difficile. Il est rare de le relocaliser, de le
deuxième étape consiste à pratiquer des mouvements de cro- renégocier et de le préparer. Avant d’obturer, le dentiste doit
chetages légers avec l’extrémité de la lime ainsi courbée pour rechercher l’existence d’une éventuelle perforation en utilisant
palper la possibilité de récupérer l’espace originel du canal par exemple le localisateur d’apex, la recherche d’hémorragie
principal qui est très proche de l’extension apicale de la butée. sur des pointes en papier pendant les manœuvres de séchage
Si l’espace originel du canal est localisé, la troisième étape et un radiogramme lime en place. En cas de confirmation de
consiste à rester dans cet espace sans le quitter tout en travail- perforation, il conviendra d’ajuster une longueur de travail en
lant à réduire la butée par de petits mouvements de limage créant un arrêt de blocage apical dans des tissus sains à cette
répétés axiaux de haut en bas et de bas en haut pour récupérer nouvelle longueur avec des limes de plus grand calibre puis
complètement l’espace et éliminer les débris (fig. 19.11), bien de débuter l’obturation. En l’absence de perforation, l’obtu-
que cela puisse n’être que partiellement réussi. Il convient de ration fera appel à la technique de gutta percha chaude ou
retenir qu’une fois une butée créée, même si elle a pu être pas- ramollie sur un ciment de scellement préalablement inséré.
sée, la tendance des instruments et des matériaux d’obturation En cas de perforation, la lésion sera traitée en interne ou chi-
de s’y diriger est permanente. rurgicalement (voir le paragraphe consacré aux perforations
Au cas où il s’avère impossible de localiser le canal originel radiculaires dans ce chapitre). La création d’une barrière avec
par cette méthode, il faudra le nettoyer et le mettre en forme le MTA permet d’obturer le canal sans extrusion apicale de
à la nouvelle longueur de travail. Il arrive parfois que l’éva- gutta percha.
sement du canal autorise le passage de la butée en amélio-
rant l’accès vers la région apicale. Les petites limes courbées
peuvent aussi être utilisées selon la méthode précédemment Pronostic
décrite en tant que tentative ultime de passer la butée. En cas de Le pronostic dépend de la capacité de l’opérateur de récupérer
succès, l’espace apical du canal doit être nettoyé et évasé le canal originel et les portions non préparées et non obturées
de manière séquentielle à un calibre approprié. L’élimination du canal principal. À l’exception de l’existence d’une perfo-
complète de la butée ou sa réduction facilitent l’obturation. ration, le pronostic du traitement des dents dont le canal a été
récupéré, préparé et obturé est similaire à celui des traitements
endodontiques exempts de complication. En revanche, si la
Pronostic portion du canal non préparée et obturée est importante, le
En cas de butée, l’échec du traitement de canal dépend du pronostic est plus mauvais et la dent doit être régulièrement
volume de débris laissés dans la portion du canal qui n’a pas examinée. En général, un échec se solde par la résection chi-
été préparée et obturée. Ce volume dépend du moment où rurgicale de la portion du canal principal qui n’a pu être traité
a été créée la butée pendant le processus de nettoyage et de correctement.
mise en forme. En général, le pronostic est favorable quand
la butée est apicale, petite et bien nettoyée. Les dents dont la
pulpe est vivante au niveau de la butée sont généralement d’un Perforations radiculaires
bien meilleur pronostic que les dents dont la pulpe est nécrosée, Les racines peuvent être perforées à différents niveaux pen-
et dont les tissus sont infectés dans la portion apicale à la butée. dant le nettoyage et la mise en forme. La localisation de la
Le patient doit être tenu informé du pronostic, de l’importance perforation (apicale, moyenne, ou cervicale) et le stade du
d’un programme de rappel pour le suivi du traitement et des traitement affectent le pronostic [17, 28]. La réponse parodon-
signes qui peuvent évoquer un échec. La survenue future de tale à l’agression est affectée par le niveau et la taille de la
symptômes cliniques ou d’image radiographique mettant clai- perforation. Une perforation survenant à des stades précoces
rement un échec en évidence doit conduire à orienter le patient du nettoyage et de la mise en forme affecte significativement
366 vers un retraitement ou une intervention chirurgicale apicale. le pronostic.
Accidents opératoires 19
Fig. 19.11 A. Radiogramme préopératoire. B. Des butées ont été créées dans les canaux mésiaux et distaux avec des limes
en acier. Les butées ont été contournées seulement avec des limes petites et courbées. C. Après le passage de ces butées, une
longueur de travail correcte a été établie. D. Radiogramme montrant l’obturation complète des canaux radiculaires.
Perforations apicales son éclatement. Cela peut être révélé par une hémorragie qui
Les perforations apicales détruisent le foramen apical (par remplit le canal ou visible sur les limes, une sensation doulou-
sur-instrumentation) ou se présentent sous la forme d’un canal reuse pendant toute la préparation du canal alors que la dent
artificiel creusé dans la racine. était asymptomatique, et une perte soudaine de l’arrêt de la
préparation de la cavité pulpaire radiculaire ; l’ensemble de
Étiologie et indicateurs ces événements sont des indicateurs de la perforation radicu-
L’instrumentation du canal au-delà de la constriction apicale laire. À ceux-ci s’ajoutent l’image radiographique de l’exten-
crée une perforation. La mesure incorrecte de la longueur de sion de la lime finale de la préparation au-delà de l’image de
travail ou l’incapacité de la respecter pendant la préparation l’apex et des résultats déroutants donnés par le localisateur
du canal crée une brèche [4] dans le foramen apical ou, au pire, d’apex. 367
19 ENDODONTIE
Fracture instrumentale
Étiologie
La fracture instrumentale résulte de la mauvaise utilisation
des instruments actifs dans les canaux ; cela peut aussi être
dû au manque d’attention porté à la flexibilité des instruments
et à la résistance insuffisante aux forces trop importantes
exercées sur ceux-ci. Tout instrument peut casser, qu’il soit en
acier inoxydable, en nickel-titane, à main ou rotatif. L’usage
trop intensif des limes et les forces excessives exercées sur
celles-ci sont la principale source de fracture instrumentale.
Les défauts de fabrication sont rares.
Détection
Les deux clés principales de détection de la fracture instru-
mentale sont le fait que la lime est raccourcie et épointée au
moment où elle est sortie du canal, et la perte de perméabilité
dans une portion de toute la longueur du canal. Il est essen-
tiel de confirmer l’accident radiographiquement. Il est aussi
impératif d’en informer le patient en précisant les effets de la
fracture sur le pronostic du traitement [1]. Comme dans tout cas Fig. 19.12 Chacune des limes en acier doit être inspectée
pour rechercher des déformations de la lame travaillante avant d’être
d’accident thérapeutique, la documentation détaillée de l’évé-
utilisée dans le canal. Seules les limes endommagées présentent
nement est nécessaire pour des considérations médico-légales. des petites surfaces brillantes (flèche). Cette lime doit être éliminée.
Les limes en nickel-titane ne présentent pas cette déformation
Prévention et doivent être jetées après une ou deux utilisations selon le degré
Il est crucial de reconnaître les propriétés physiques des ins- d’usure.
truments et leurs limites aux contraintes exercées sur eux. Il
convient de s’assurer de la présence constante d’irrigants et de
lubrifiants pour que la lubrification soit permanente pendant de petit diamètre et à procéder en suivant les mêmes règles
le traitement de canal. Chaque instrument doit être examiné que pour négocier une butée, c’est-à-dire tenter de contourner
avant de l’utiliser. Par exemple, en dirigeant la lumière du l’instrument fracturé et, en cas de succès, d’extraire le frag-
scialytique sur une lime, il est possible de mettre en évidence ment fracturé en s’aidant des limes ultrasoniques [33], ou des
par lumière réfléchie un déroulement ou au contraire un enrou- limes Hedström (fig. 19.13). En cas d’impossibilité d’extraire
lement excessif des torsades de la lime (fig. 19.12). Les limes le fragment, il conviendra de nettoyer, de mettre en forme et
doivent être remplacées souvent. Pour éviter toute immobili- d’obturer le canal à la nouvelle longueur de travail.
sation des limes par pression excessive contre les parois, il est À l’intérieur des canaux, les fragments de lime en nickel-
indispensable que chaque lime d’un calibre donné ait perdu titane se présentent différemment des limes en acier. Cela est
le plus de contact possible avec les parois du canal (flottante) dû au fait que les limes en nickel-titane sont dotées d’une
avant d’utiliser une lime de calibre supérieur [29]. En général, mémoire de forme qui les contraint à reprendre une forme
les limes en nickel-titane ne montrent pas les mêmes signes linéaire alors que les limes en acier, moins élastiques, conser-
de fatigue que les limes en acier dont les torsades sont défor- vent la courbure imposée par celle du canal aussi bien avant
mées. Beaucoup de facteurs peuvent contribuer à la fatigue qu’après y avoir été insérées. Les fragments de lime en nickel-
des limes en nickel-titane [30], lesquelles doivent être élimi- titane tendent à se plaquer sur la paroi la plus externe du canal
nées avant d’observer la présence de signes de dommages des à cause de cette mémoire de forme ; cela les rend presque
lames travaillantes. Un évasement préalable des préparations impossibles à récupérer au moyen des instruments conçus
par paliers rétrogrades passive évite les risques de fracture des pour extraire les fragments de limes cassés dans les canaux.
instruments rotatifs en nickel-titane de conicité 0,4 [31]. Il est En revanche, les limes en acier inoxydable peuvent se trouver
important de bien lisser les parois de la cavité pulpaire radicu- plus centrées dans le canal et par là même plus accessibles aux
laire avant d’introduire les instruments rotatifs dans le canal. extracteurs de fragments de limes [34, 35].
Un fragment d’instrument situé dans la portion rectiligne
Traitement du canal est plus facile à extraire si le volume de structure den-
Fondamentalement, il existe trois manières de traiter la frac- taire est suffisant. La méthode consiste à ménager un espace
ture des instruments dans les canaux radiculaires. Ce sont : sous la forme d’une plate-forme au niveau du fragment pour
(1) la tentative d’extraire l’instrument [32], (2) la tentative de le pouvoir insérer des embouts ultrasoniques afin de mobiliser
contourner, ou (3) la préparation et l’obturation de segment du la lime ou de créer un passage pour contourner le fragment.
canal libre. Le traitement initial est similaire à celui qui a déjà L’usage du microscope opératoire améliore avantageusement
été décrit pour traiter la butée. Il consiste à choisir une lime la visibilité du champ. Pour créer cette plate-forme, il convient 369
19 ENDODONTIE
Pronostic
La valeur du pronostic dépend du volume de la cavité pul-
paire radiculaire non traité et non obturé par la présence du
fragment instrumental. Le pronostic est le meilleur quand la
fracture concerne un instrument de gros diamètre se fracturant
aux tout derniers stades de la préparation très proche de la
longueur de travail. Le pronostic est le pire quand les canaux
ne sont pas préparés et qu’un fragment d’instrument de petite
taille s’est bloqué près de l’apex ou au-delà du foramen apical
au tout début de la préparation. Le patient doit être informé de
la fracture instrumentale et l’accident retranscrit dans le dos-
sier pour des raisons médicolégales. En dépit des inquiétudes
du patient et du dentiste [37], les rapports cliniques évoquent
un pronostic favorable dans la plupart des interventions impli-
quant des fractures instrumentales qui ont été correctement
prises en charge [38]. Le pronostic est tout aussi favorable en
cas de fracture de limes rotatives [39].
Au cas où le patient ressent des symptômes ou si un échec
est constaté, la dent peut être traitée chirurgicalement. Les
racines accessibles seront réséquées et leur extrémité sera
obturée avec un matériau d’obturation (fig. 19.14). L’accessi-
bilité à l’apex radiculaire est le point essentiel pour apprécier
le résultat final de l’intervention chirurgicale.
Autres accidents
Inhalation u ingestion des instruments
L’ inhalation ou l’ingestion des instruments est un événement
grave mais aisément évitable par la mise en œuvre de précau-
tions adaptées. L’usage de la digue de caoutchouc doit être
la norme de soin pour éviter les ingestions et les aspirations
d’instruments et les poursuites judiciaires qui en découlent [1].
La disparition d’un instrument malencontreusement
échappé des doigts du dentiste, suivie d’une toux ou d’un
étouffement violent du patient, ainsi que la confirmation
radiographique de l’image de la lime dans le tractus diges-
tif ou dans les voies aériennes sont les signes capitaux. Ces
patients doivent être immédiatement orientés vers un service
médical qui établira le bon diagnostic et exécutera le traite-
ment approprié. Selon une étude de Grossman, 87 % de ces
Fig. 19.13 A. Fracture d’une lime dans le canal mésiovestibulaire instruments sont avalés et le pourcentage restant est inhalé [40].
de la deuxième molaire mandibulaire. B. Le fragment instrumental L’intervention chirurgicale devient la seule action possible
a été contourné puis extrait. C. Tous les canaux sont nettoyés,
pour quelques instruments avalés (fig. 19.15) et pour presque
mis en forme et obturés. Le pronostic est bon.
370 tous les instruments inhalés.
Accidents opératoires 19
Fig. 19.16 A. L’hypochlorite de sodium a été expulsé par inadvertance à travers une perforation apicale d’une canine
maxillaire pendant les manœuvres d’irrigation. La réaction hémorragique a été rapide et diffuse. B. Aucun traitement n’a
été nécessaire ; la tuméfaction et l’hématome ont disparu en quelques semaines. (Remerciements au Dr James Stick.)
s’expliquent en général par une préparation médiocre de la gutta percha chaude permettent d’obturer plus efficacement
cavité pulpaire. Généralement, les canaux adéquatement pré- les irrégularités anatomiques de la cavité pulpaire radiculaire.
parés sont obturés sans anicroche. Néanmoins, des problèmes
peuvent se poser. La qualité de l’obturation reflète la qualité Dépassement
de la préparation du canal. L’extrusion de matériau d’obturation endommage les tissus
environnants et crée de l’inflammation. Cela se traduit par un
Obturation incomplète inconfort postopératoire (sensibilité à la mastication) qui dure
Étiologie généralement quelques jours.
Les causes de l’obturation insuffisante comprennent les bar-
rières naturelles logées dans le canal, une butée créée pendant Étiologie
la préparation, un évasement insuffisant, un maître cône mal Le dépassement est généralement la conséquence de l’instru-
adapté et une pression de condensation de la gutta percha mentation excessive de la constriction apicale ou de la prépa-
inadéquate. Le contournement (si possible) de toute barrière ration géométrique médiocre des canaux. En cas d’ouverture
naturelle ou artificielle pour créer un chenal aux parois lisses naturelle de l’apex par une résorption apicale ou de destruc-
est une possibilité pour prévenir l’obturation incomplète. tion de la constriction apicale pendant les manœuvres de net-
L’introduction des limes rotatives en nickel-titane de conicité toyage et de mise en forme, la matrice géométrique qui permet
croissante a extrêmement amélioré la possibilité de former un de maîtriser la condensation est absente, ce qui provoque des
chenal au fuselage parfait. forces incontrôlées qui conduisent à l’extrusion des matériaux
(fig. 19.17). La résorption inflammatoire ou le développement
Traitement et pronostic incomplet de la racine constituent d’autres causes de dépas-
Il est préférable d’extraire tout le matériau d’obturation et de sement des matériaux d’obturation.
retraiter correctement le canal plutôt que de forcer la gutta
percha vers l’apex par des pressions des fouloirs qui risque- Prévention
raient de fracturer la racine. Si la méthode est la condensation Le meilleur moyen d’éviter les dépassements est le respect des
latérale, il faut contrôler que le maître cône est bien marqué règles de prévention de la perforation de la région du foramen
pour confirmer la mesure de la longueur de travail. En cas de apical. La préparation fuselée comportant une « matrice »
déplacement suspect de ce cône pendant la condensation, il géométrique nette prévient généralement tout dépassement.
convient de prendre un cliché radiographique avant d’élimi- L’assise de la lime du diamètre le plus grand et du maître cône
ner les excès de gutta percha. Si le déplacement est confirmé, doit être nette sans frottement exagéré. Si cela est nécessaire,
les cônes sont extraits en les tirant en sens inverse de leur un maître cône peut être modelé par ramollissement de son
ordre d’insertion. L’extraction des cônes de gutta percha des extrémité avec un solvant. En cas de suspicion de dépassement,
canaux obturés par condensation latérale est plus facile que un cliché radiographique est pris avant l’élimination des excès
l’extraction des matériaux insérés par les autres techniques de gutta percha. Comme pour l’obturation insuffisante, la gutta
372 d’obturation. Cependant, les techniques d’obturation avec la percha peut être extraite avant la prise du ciment de scellement.
Accidents opératoires 19
Traitement et pronostic extrudé, de la réponse de l’hôte et de la toxicité ainsi que de la
En cas d’échec endodontique accompagné de symptômes et qualité du joint du matériau de scellement apical.
de signes, l’élimination du matériau extrudé requiert une inter-
vention chirurgicale pour le dégager des tissus apicaux et pour Fracture verticale de la racine
sceller l’extrémité apicale avec un matériau biocompatible. Le La fracture verticale et totale de la racine produit un échec
pronostic à long terme du traitement dépend de la qualité du impossible à traiter. Tous les aspects de la fracture verticale de
joint apical, de la quantité et de la biocompatibilité du matériau la racine sont décrits en détail dans le chapitre 8.
Étiologie
Les facteurs à l’origine de la fracture verticale de la racine
sont les erreurs de manipulation pendant le traitement de canal
et d’autres manœuvres comme le logement et le scellement
de tenon radiculaire qui, d’ailleurs, en est la cause principale.
L’excès de zèle consistant à appliquer des forces exagérées
pour obturer des canaux insuffisamment ou au contraire
démesurément préparés [45] constitue une cause secondaire.
Prévention
Le meilleur moyen d’éviter les fractures verticales de la racine
pendant les traitements de canaux est l’exécution de la prépara-
tion de la cavité pulpaire de manière appropriée et l’application
de forces bien équilibrées pendant les manœuvres d’obtura-
tion. Il convient de retenir que la raison majeure qui impose
l’évasement des canaux est la création de l’espace nécessaire
et suffisant pour le travail des instruments de condensation.
Les fouloirs tenus par les doigts induisent moins de contrainte
et moins de distorsion sur la racine que les fouloirs montés sur
un manche [46–48]. Par ailleurs, comparés aux fouloirs en acier
inoxydables, les fouloirs en nickel-titane tenus par les doigts
produisent moins de contrainte pendant la compaction [49, 50].
Fig. 19.17 Des mesures de la longueur de travail incorrectes Fig. 19.18 A. Image d’une radioclarté latérale en forme de goutte
peuvent se solder par un dépassement du ciment de scellement suspendue et d’une poche parodontale étroite s’étendant jusqu’à
(A), ou du ciment de scellement et de la gutta-percha (B). l’apex d’une dent présentant une fracture verticale de la racine. 373
19 ENDODONTIE
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375
20 Retraitement
CHAPITRE
PLAN DU CHAPITRE
OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE
Après avoir lu ce chapitre, l’étudiant devrait être capable : 4. D’expliquer et de justifier les risques et les bénéfices du
1. De reconnaître les situations susceptibles d’être traitées retraitement.
par un traitement de canal non chirurgical. 5. De décrire les techniques et les matériaux utilisés pendant
2. D’identifier les options du traitement disponibles des dents le retraitement endodontique.
posant des problèmes endodontiques. 6. De procéder à l’analyse critique des options restauratrices
et des soins de suivi.
3. D’énoncer les indications et les contre-indications des
7. De discuter le pronostic et les résultats attendus du
traitements de canaux radiculaires. retraitement endodontique non chirurgical.
L
es méthodes et les matériaux contemporains ont permis du traitement [6, 10]. Par ailleurs, le traitement initial peut être
que le traitement de canal atteigne un taux de succès compromis par l’utilisation à long terme de matériaux tempo-
excellent en maintenant les dents sur l’arcade et en leur raires avant le scellement des restaurations définitives [12–14].
garantissant leurs fonctions [1, 2]. Cependant, la guérison d’un Il est aussi important de reconnaître que les fractures ver-
traitement de canal initial n’est pas toujours au rendez-vous et ticales de la racine peuvent être quelquefois confondues avec
la récurrence d’une maladie endodontique empêche la réussite des lésions qui ne guérissent pas. Des fractures longitudinales
de l’intervention. Par exemple, une désinfection insuffisante de peuvent survenir après un traitement de canal ; elles peuvent
la cavité pulpaire radiculaire nuit à la cicatrisation. Les bactéries s’expliquer par la fragilisation des racines consécutive à l’éli-
peuvent se maintenir après le traitement initial parce que cer- mination excessive de la dentine saine ou, tout simplement,
tains endroits sont inaccessibles aux instruments et à l’irrigation par les contraintes subies par les dents pendant l’accomplis-
[6, 8–10]
. En outre, la réinstallation d’une infection dans le canal sement de leur fonction masticatrice physiologique [15–17].
radiculaire après le traitement initial peut conduire à la progres-
sion de la maladie [3–5]. La réintroduction de micro-organismes
est principalement causée par des fuites coronaires et une OPTIONS DU TRAITEMENT
lésion carieuse récurrente [6–8]. À cela s’ajoutent d’autres causes
d’échecs comprenant l’absence d’isolation du champ opératoire, Trois facteurs sont à l’origine des échecs à court terme et à long
un nettoyage, une mise en forme et une obturation inadéquats. terme du traitement de canal initial ; ce sont : (1) l’absence de
Les obstructions du canal radiculaire comme les calcifications guérison, (2) la récurrence d’une maladie endodontique, et (3)
peuvent aussi poser des problèmes (fig. 20.1) [6, 8, 9]. l’installation d’une nouvelle maladie et de ses complications.
L’absence de guérison après un traitement endodontique ini- De nombreux facteurs qui seront décrits en détail dans ce
tial non chirurgical peut aussi être lié à des erreurs opératoires, chapitre concourent à empêcher la guérison et prolongent les
des variations anatomiques complexes de la cavité pulpaire ou à problèmes endodontiques après le traitement de canal initial.
la présence de biofilms extraradiculaires [11]. Les erreurs d’inter- La récurrence d’une maladie pulpaire se produit après la
vention comprennent les perforations, les déformations des guérison du traitement initial ; cela s’explique par le fait que les
canaux, les fractures instrumentales et la formation de butées ; bactéries ont pu avoir une nouvelle possibilité de cheminer dans
376 tout cet ensemble peut contrarier les bons résultats attendus la cavité pulpaire et de réinfecter toute la dent. Tout au début du
Retraitement 20
Fig. 20.1 A. Radiogramme de rappel de la première molaire et de la deuxième molaire mandibulaires droite 3 ans après
le traitement de canal initial et les restaurations coronaires. Les deux molaires présentent des caries récurrentes, un joint
coronaire mal adapté et des pathologies apicales et latérales. Le patient n’évoque aucun symptôme, mais il présente une fistule
vestibulaire. B. L’examen radiographique de la première molaire mandibulaire gauche montre une pathologie apicale associée à
de médiocres techniques d’obturation à la gutta percha et à un canal non traité dans la racine distale. (© Dr Robert Handysides.
Tous droits réservés.)
Fig. 20.2 A. Les fractures verticales de la racine surviennent souvent sur les dents ayant fait l’objet d’un traitement
endodontique ; le tableau typique est caractérisé par un point de départ apical et une progression vers la racine. Ces fractures
se déplacent la plupart du temps dans le sens vestibulolingual par opposition aux fractures incomplètes qui se déplacent dans
le sens mésiodistal. Le radiogramme montre une fracture verticale de la racine (flèche). B. La dent extraite montre la fracture.
(© Dr Robert Handysides. Tous droits réservés.)
processus, aucun inconfort, symptôme ou signe ne laisse pré- lésions apicales associées aux infections du canal radiculaire
sager la maladie ; ce n’est que plus tard que le patient ressent (fig. 20.2). Une FRV peut parfois être détectée au moyen d’une
certains symptômes. Ces nouveaux problèmes endodontiques sonde parodontale si la fracture s’étend dans la crête osseuse
peuvent être révélés par des preuves cliniques et radiographiques. vers la couronne. Même si une dent monoradiculée présente
Avec la troisième cause, à savoir l’installation d’un nouveau une FRV dont l’issue est fatalement l’extraction, ce problème
problème après le succès avéré d’un traitement de canal initial, n’est pas directement lié au traitement de canal et ne peut pas
des complications surviennent qui n’ont aucune relation avec être considéré comme un échec du traitement. Cette situation
le traitement de canal. Un exemple d’une telle situation est est comparable à la dent qui doit être extraite uniquement
la fracture radiculaire verticale (FRV) qui survient longtemps pour des raisons parodontales sans rapport avec un traitement
après le traitement endodontique. Ces fractures apparaissent endodontique préalablement exécuté. D’autres interventions
quelquefois après un traitement initial et peuvent être inter- chirurgicales peuvent servir à sauver des portions de dents
prétées comme des lésions latérales au lieu des habituelles multiradiculées non atteintes par une FRV. 377
20 ENDODONTIE
Quand le traitement de canal initial échoue à favoriser la l’inconfort est en fait plus grave. La douleur est provoquée
guérison, les options de traitement pour conserver la dent par la mastication et par la morsure, mais elle peut être aussi
comprennent le retraitement non chirurgical avec ou sans la spontanée. L’examen radiographique montre une image radio-
chirurgie apicale, la réimplantation intentionnelle et l’extrac- claire qui n’existait pas au moment du traitement initial.
tion. Si la dent peut être restaurée, le retraitement non chi- À l’examen clinique, une dent qui n’a pas guéri suite au
rurgical est généralement la stratégie de traitement préférée. traitement endodontique révèle une sensibilité à la palpation et
Cette option peut offrir une opportunité d’améliorer la dés à la percussion, une tuméfaction localisée, une lésion carieuse
infection de la cavité pulpaire radiculaire ou de se concentrer sur récurrente, des restaurations mal adaptées ou l’absence de res-
les lieux de réinfection due à des fuites bactériennes associées tauration coronaire. L’évaluation radiographique peut montrer
à des restaurations mal adaptées. Sachant que le retraitement la présence de canaux non traités, d’obturations médiocres
endodontique orthograde ne permet pas d’accéder dans tous avec des vacuités, ou des restaurations défectueuses dont
les lieux de l’infection du canal, ou en présence d’une infec- l’interface entre les bords et la dent sont vides. De tels phé-
tion extraradiculaire, la chirurgie apicale peut être une part nomènes contribuent à empêcher la guérison d’un traitement.
indispensable du retraitement. Toute combinaison de symptômes et de signes cliniques et
L’indication d’une intervention chirurgicale peut être envi- radiographiques peut évoquer l’absence de guérison. Mais
sagée en premier choix dans les cas d’obstruction d’un canal l’absence de guérison n’est pas nécessairement liée aux condi-
ou de prothèse fixée étendue, ou encore en cas d’extrusion de tions susmentionnées.
matériau d’obturation. Toutefois, un traitement endodontique Le retraitement doit être la première option de traitement
chirurgical peut ne pas éliminer complètement les micro- quand le parodonte de la dent est stable, quand la structure
organismes survivants dans les régions inaccessibles de la dentaire résiduelle est suffisante sans fracture verticale détec-
cavité pulpaire. Même si le traitement chirurgical est requis, le table et quand l’accès dans la cavité pulpaire est faisable. La
retraitement non chirurgical préalable a prouvé son efficacité restaurabilité de la dent doit être déterminée en déposant toutes
pour améliorer la guérison et pour aider à l’obtention de la les restaurations défectueuses ainsi que les tenons ou les maté-
réussite du traitement [9, 18]. riaux d’obturation et en éliminant les lésions carieuses. L’éva-
La réimplantation intentionnelle des dents est une option luation initiale comprend le sondage parodontal, les tests de
thérapeutique qui jouit d’une longue histoire dans la dentisterie. mobilité et les radiographies péri-apicales et rétrocoronaires
Correctement planifiée et exécutée, la réimplantation intention- pour évaluer le rapport entre la hauteur de la couronne et celle
nelle donne d’excellents résultats et satisfait les patients dont la de la racine clinique, apprécier la qualité du support osseux,
fonction des dents est prolongée pendant quelques années [19, 20]. la santé des tissus mous et la nécessité d’une intervention
Cette procédure ne peut être envisagée que pour des dents très d’élongation de la couronne clinique.
peu mutilées pour lesquelles il n’a pas été possible d’accéder Il est important que l’équipe de soins soit familiarisée avec
dans tous les canaux radiculaires de la cavité pulpaire pendant les procédures de retraitement pour s’assurer de traitements
le traitement initial et dont la chirurgie apicale est compliquée efficaces et professionnels. Le cabinet doit être pourvu des
par des difficultés anatomiques. Elle offre aussi une opportunité équipements d’éclairage et de grossissement, des ultrasons
d’examiner les racines des dents pour mettre en évidence des et des embouts appropriés, de dispositifs rotatifs, de limes
éventuels traits de fracture verticale [6, 8, 9]. endodontiques, de solvants, de digues, d’extracteurs de tenons
Les interventions de retraitement sont généralement plus variés et de systèmes d’irrigation. Le clinicien doit être doté
difficiles à exécuter que celles des traitements endodontiques d’un haut niveau de capacité, d’expérience et de formation
initiaux. Elles exigent souvent une instrumentation spécialisée, pour exécuter un retraitement efficacement. Compte tenu de la
des équipements équipés de loupes grossissantes et une forma- complexité et du défi que représentent en général ces cas, seul
tion particulière [9]. Aux États-Unis, les endodontistes ont reçu l’intérêt du patient doit être le motif de la prise de décision du
une formation extensive pour apprendre à évaluer et à traiter les traitement ou de son orientation vers un service clinique plus
dents qui ne guérissent pas après un traitement de canal initial spécialisé.
et des dents développant de nouvelles lésions. La plus grande
partie de ce chapitre analyse les interventions pratiquées par
les spécialistes. Cette discussion se propose d’offrir des infor- CONTRE-INDICATIONS DU RETRAITEMENT
mations sur les techniques utilisées par les praticiens entraînés ENDODONTIQUE NON CHIRURGICAL
pour de telles interventions. Dans ce chapitre, l’accent est porté
sur la reconnaissance des maladies endodontiques qui ne gué- Le critère principal qui permet d’envisager un retraitement
rissent pas après un traitement ou de la récurrence de nouvelles non chirurgical est la restaurabilité de la dent après la dépose
maladies pulpaires et sur la compréhension du processus qui nécessaire des restaurations préexistantes. De la structure
permet de résoudre ces problèmes. dentaire supplémentaire peut être perdue pendant le curetage
d’une lésion carieuse ou suite à la dépose de tenon ou de maté-
riaux d’obturation. Le manque de structure dentaire suffisant
INDICATIONS DU RETRAITEMENT pour permettre la restauration de la dent après un traitement
ENDODONTIQUE NON CHIRURGICAL endodontique est une contre-indication au retraitement non
chirurgical. La décision de restaurer exige souvent la dépose
Le cas suivant évoque un problème pathologique typique non extensive des restaurations existantes et l’évaluation de l’état
résolu par le traitement de canal initial prescrit pour traiter de la cavité pulpaire résiduelle. Une maladie parodontale très
une nécrose pulpaire et une parodontite apicale symptoma- grave qui affaiblit les tissus de soutien de la dent et/ou la pré-
tique. Le patient déclare que non seulement les symptômes sence de fractures coronaires ou radiculaires problématiques
378 non pas disparu depuis le traitement initial, mais de plus que sont aussi des contre-indications au retraitement.
Retraitement 20
INDICATIONS ET CONTRE-INDICATIONS ces complications peuvent également affecter les résultats
DU RETRAITEMENT CHIRURGICAL attendus du retraitement et peuvent potentiellement conduire
à la nécessité de l’extraction. Les bénéfices du retraitement
Les complications rencontrées dans les canaux sont d’autres comprennent la préservation de la structure naturelle de la
contre-indications au retraitement endodontique non chirurgi- dent du patient, son maintien sur l’arcade et le fait d’éviter des
cal. Par exemple des obstructions empêchent d’accéder dans traitements plus extensifs.
les canaux. Ces obstructions comprennent des tenons préfabri-
qués ou coulés avec des onlays de reconstitution volumineux
très bien adaptés, des calcifications dans le canal radiculaire, PROCÉDURES DE RETRAITEMENT
et d’autres obstructions pouvant interdire l’accès dans la cavité ENDODONTIQUE
pulpaire. Dans de telles situations, le traitement chirurgical est
la meilleure des options [6, 10]. La présence d’instruments frac- Dépose des restaurations existantes
turés qui n’ont pas pu être contournés ou extraits, les maté- Les interventions du retraitement endodontique non chirurgi-
riaux d’obturation qui n’ont pas pu être déposés adéquatement cal sont souvent plus faisables si les restaurations coronaires
et les dents présentant des lésions apicales persistantes après sont complètement déposées. Les conditions sont alors meil-
le traitement endodontique orthograde sont des exemples leures pour la visualisation et l’accès pour déposer le tenon et
d’obstructions rencontrées dans les canaux radiculaires [21, 22]. l’onlay de reconstitution, pour excaver les lésions carieuses,
Les dents atteintes d’événements iatrogéniques impossibles à pour évaluer et traiter les fuites coronaires et pour déposer
traiter, comme les butées non négociables, la déformation du les matériaux d’obturation des canaux radiculaires (fig. 20.3)
[9, 28]
canal et le déplacement de l’apex, ou encore des perforations .
qui ne peuvent pas être traitées par voie interne constituent des Après la dépose de la restauration coronaire, il est plus
indications pour une approche chirurgicale [6, 10]. facile d’évaluer des fuites coronaires potentielles. Si la fuite
Les dents atteintes de résorption externe de la racine asso- est manifeste, l’inspection de la totalité de la structure dentaire
ciée à une histoire traumatique et des tissus pulpaires infectés résiduelle est possible, y compris les canaux radiculaires et le
qui n’ont pas pu être correctement traités au préalable peuvent plancher pulpaire ainsi que les lésions carieuses récurrentes
être pris en charge par une approche orthograde. Mais le trai- éventuelles. Cela permet aussi d’évaluer la restaurabilité de
tement chirurgical d’une résorption externe de la racine n’est la dent [10, 18, 28]. Les restaurations des dents postérieures en
généralement pas indiqué. résine composite ou à l’amalgame doivent être complètement
L’extraction d’une dent est généralement indiquée quand déposées. La structure coronaire résiduelle peut être évaluée
une fracture verticale de la racine (FVR) a été diagnostiquée, pour planifier une nouvelle restauration destinée à recouvrir et
à l’exception peut-être de la molaire maxillaire multiradicu- à protéger les cuspides.
lée dont une seule racine développe une FVR. L’amputation Quand une dent couronnée présente des lésions carieuses
chirurgicale d’une racine atteinte d’une FVR peut maintenir marginales, des béances au niveau du joint ou la perte de l’inté-
la fonction d’une dent de manière satisfaisante pendant plu- grité marginale, il est aussi indiqué de déposer la couronne
sieurs années, surtout si le remplacement de cette dent par un prothétique. Il en est de même pour la dépose des tenons et
implant est rendu difficile en raison du type ou de l’absence des onlays de reconstitution [9, 10, 28]. Les dents antérieures por-
d’os alvéolaire [23–25]. Chaque situation clinique est unique au teuses de couronnes céramiques dont l’intégrité marginale est
patient présentant des problèmes endodontiques et les options acceptable et qui sont exemptes de lésions carieuses peuvent
de traitement doivent être soigneusement évaluées en tenant être retraitées sans déposer la couronne. Cependant, le risque
compte de tous les aspects de la situation du patient. d’une fracture de la céramique pendant la préparation linguale
de la cavité d’accès est toujours présent [9, 10, 28]. En cas de volu-
mineux tenon métallique ou non, il est souhaitable de déposer
RISQUES ET BÉNÉFICES DU RETRAITEMENT la couronne pour réaliser le traitement. Les patients doivent
être informés de l’éventualité de fracture de la céramique,
Le patient doit être informé des risques, des bénéfices, des du descellement de la couronne ou d’une fracture radiculaire
alternatives et des conséquences des diverses modalités de qui pourraient survenir à chaque moment du retraitement. Au
traitement avant le début de l’intervention. La discussion avec cas où l’intégrité structurelle de la couronne prothétique est
le patient doit comprendre l’importance d’une bonne hygiène compromise, il est judicieux de proposer une nouvelle res-
buccodentaire et de l’évaluation régulière des dents. Le coût tauration au patient. Si le retraitement peut être exécuté en
du traitement doit être expliqué, compte tenu du fait que le gardant intacte la couronne de recouvrement, la cavité d’accès
retraitement peut prendre du temps [26]. peut être obturée avec un matériau de restauration définitif.
Les interventions de retraitement endodontique non chirur-
gical présentent beaucoup de risques potentiels. Ces risques Dégagement des obstructions du canal
sont : la fracture d’une couronne en céramique pendant l’exé- radiculaire
cution de la cavité d’accès, la fracture de la racine pendant les Les obstructions empêchent quelquefois de réussir la négo-
procédures de dépose d’un tenon et du matériau d’obturation, ciation de la cavité pulpaire radiculaire pendant le traitement
et le descellement de la couronne qui devra être remplacée endodontique non chirurgical. Si celles-ci ne peuvent pas être
[9, 10, 27]
. En outre, les procédures de retraitement peuvent contournées ou extraites, la guérison peut être compromise.
entraîner des pertes importantes de structure dentaire qui Un traitement chirurgical peut être nécessaire pour relever les
vont fragiliser la dent, créer des butées, ou déplacer le canal défis que représentent ces traitements.
radiculaire. La fracture instrumentale peut aussi empêcher Les quatre catégories d’obstruction sont : (1) les tenons et
de déposer complètement les matériaux d’obturation. Toutes les onlays de reconstitution, (2) les calcifications de la cavité 379
20 ENDODONTIE
Fig. 20.3 A. Radiogramme d’une première molaire mandibulaire droite anciennement traitée montrant un canal
mésiovestibulaire non traité, des lésions apicales et une restauration coronaire mal posée (noter la flèche montrant un espace
vide) chez une patiente âgée de 21 ans qui évoque des symptômes. B. Radiogramme postopératoire après un retraitement non
chirurgical et le collage d’une restauration coronaire. C. Radiogramme de rappel à 1 an et demi montrant la guérison complète
de a lésion apicale originelle. (© Dr George Bogen. Tous droits réservés.)
pulpaire radiculaire, (3) les butées iatrogéniques et les débris traitement [10, 27, 28]. Toutes les nombreuses méthodes de dépose
dentinaires présents dans la cavité pulpaire radiculaire, et (4) de tenon peuvent compromettre la structure dentaire existante
[27]
les instruments fracturés, les pointes d’argent ou les débris . Certains tenons peuvent être difficiles, voire impossibles
métalliques et quelques matériaux pâteux [6, 9, 10]. Ces situations à déposer s’ils sont longs, bien ajustés, ou scellés par collage
typiquement complexes requièrent une formation intensive et ou avec des ciments en résine (fig. 20.4). Les tenons non
de l’expérience pour réaliser ces traitements. Pour le bénéfice métalliques sont très difficiles à déposer, particulièrement les
du patient, l’orientation vers un spécialiste doit être envisagée tenons esthétiques ou les tenons en zirconium (fig. 20.5). La
et offerte [29]. La suite du chapitre se propose d’exposer des dépose de tenons longs ou de grand diamètre peut être contre-
descriptions générales des procédures mises en œuvre. indiquée si la structure dentaire existante est fine ou s’il y a
risque de perforation pendant l’intervention [9, 28].
Dépose du tenon et de l’onlay de reconstitution La dépose d’un tenon débute par l’élimination progressive
Plusieurs facteurs concourent au succès de la dépose du tenon du matériau coronaire qui doit être soigneusement sectionné
et de l’onlay de reconstitution et influencent le résultat. Ils afin de protéger la portion du tenon qui pointe dans la cou-
comprennent le niveau de capacité de l’opérateur, son expé- ronne tandis que l’autre portion est enfouie dans le canal.
rience et sa formation ainsi que la mise à disposition des Pour éliminer le matériau coronaire, il convient de se munir
équipements d’agrandissement, d’illumination et des géné- de fraises diamantées, transmétal et en carbure de tungstène,
rateurs à ultrasons. Par ailleurs, le matériau de restauration ou encore d’utiliser des embouts ultrasoniques conçus spécia-
(onlay coulé versus résine ou amalgame), la longueur et le lement pour cette action [10, 27, 28].
diamètre des tenons préformés ou moulés, le site du tenon, Pour que la réalisation soit parfaite, il convient d’être bien
le matériau du tenon (métallique ou non métallique), et le éclairé et de disposer de loupes grossissantes afin de préserver
type de ciment ou de collage utilisé pour sécuriser le tenon la structure des dents adjacentes pendant l’intervention. Après
380 et l’onlay de reconstitution jouent un rôle sur les résultats du la dépose du matériau coronaire, tout le ciment de scellement
Retraitement 20
de la racine [33]. Si le seuil de température est atteint, une
nécrose osseuse induite par la chaleur peut s’installer, suivie
d’une éventuelle perte de la dent et de l’os de soutien.
Le temps requis pour mobiliser les tenons dépend de
plusieurs facteurs comprenant le type de tenon (coulé ou
préformé), la longueur et le diamètre du tenon, et l’agent de
scellement utilisé [34]. Les tenons scellés avec des ciments au
phosphate de zinc sont en général plus faciles à desceller que
ceux qui sont scellés avec des ciments en résine [10, 27, 31–33, 35, 36].
Les tenons scellés avec des ciments en résine sont difficiles,
voire impossibles à desceller [28].
Une fois le tenon mobilisé, il suffira de le saisir et de
l’extraire avec une pince hémostatique, des forceps à mors
étroits ou encore avec une précelle. Dans de nombreux cas, le
tenon peut être délogé en utilisant uniquement les ultrasons.
Les tenons filetés sont généralement extraits par dévissage.
Si ces méthodes échouent, l’extraction des tenons peut être
exécutée au moyen de dispositifs spécialement conçus à cet
Fig. 20.4 Radiogramme du traitement de canal d’une première
molaire maxillaire gauche symptomatique présentant un volumineux
effet [10, 27, 30, 37]. Cependant, l’utilisation de ces équipements
onlay de reconstitution et un énorme tenon. Cette molaire est le peut faire courir un risque plus grand de fracture dentaire dans
pilier distal d’un bridge fixé de quatre éléments ; pour cette raison, la mesure où leur utilisation entraîne une perte importante de
le traitement chirurgical sera préféré plutôt que de déposer le bridge structure dentaire, surtout si le tenon n’a pas pu être mobi-
et de desceller le tenon. (© Dr George Bogen. Tous droits réservés.) lisé au préalable avec les ultrasons [10, 27, 38]. D’autres études
Fig. 20.7 A. Les tenons doivent être déposés avant le retraitement. B. Tenon déposé du canal distal avec le Post Removal
System Extractor®.
la taille correspond à celle du trépan précédemment ajusté possible de courber légèrement une lime de petit calibre rigide
pour saisir fermement le tenon. Engager l’extracteur spécial pour négocier avec soin la partie courbe du canal en s’aidant
autour de la tige d’extraction de telle sorte qu’il s’appuie sur la des agents lubrifiants et chélateurs. Ensuite, le canal sera évasé,
structure dentaire résiduelle préalablement protégée avec des par la technique de préparation par paliers progressifs (crown-
rondelles de caoutchouc et sur le manche de la tige d’extrac- down) avec une combinaison de limes manuelles, de fraises de
tion (fig. 20.7). La technique est efficace et se révèle sans dan- Gates-Glidden ou de limes rotatives en nickel-titane de grande
ger [37]. Après la dépose du tenon et du ciment de scellement, conicité. En cas d’impossibilité d’accéder dans le canal parce
le nettoyage, la mise en forme et l’obturation du canal peuvent que la calcification est volumineuse ou en raison d’autres obs-
être réalisés avec les instruments et les matériaux d’obturation tructions, l’ensemble étant associé à une lésion apicale, l’inter-
appropriés (fig. 20.8 et 20.9). vention chirurgicale devra être envisagée.
Fig. 20.8 A. Radiogramme préopératoire d’une deuxième molaire mandibulaire droite symptomatique et présentant
des canaux médiocrement obturés ainsi qu’une lésion apicale. B. Radiogramme initial de mesure de la longueur de travail
après élimination de la gutta percha avec les frais de Gates-Glidden et l’irrigation. C. Radiogramme postopératoire montrant
la gutta percha et la molaire retraitée et obturée avec un matériau retenu par un tenon non métallique (fibre de carbone) scellé
et un moignon coronaire collé. D. Photographie après la préparation pour sceller une couronne de recouvrement total.
E. Radiogramme de rappel à 1 an illustrant la substitution de l’os péri-apical à la lésion apicale. F. Radiogramme à 11 ans
et demi ; le patient est asymptomatique, la mobilité de la molaire est physiologique et le sondage parodontal est normal.
(© Dr George Bogen. Tous droits réservés.)
383
20 ENDODONTIE
Fig. 20.9 A. Radiogramme préopératoire d’une première molaire mandibulaire gauche symptomatique restaurée avec un onlay
de reconstitution et un tenon coulé, et présentant une lésion au niveau de la racine mésiale dont les canaux n’ont pas été traités
chez une patiente âgée de 41 ans. B. Radiogramme final d’un retraitement endodontique non chirurgical d’une molaire obturée
par compaction latérale de gutta percha contre un ciment de scellement et restaurée avec un moignon collé retenu par un tenon
Parapost® en titane. C. Radiogramme de rappel à 4 ans et demi illustrant une restauration de recouvrement total et la guérison
apicale d’une lésion apicale mésiale. (© Dr George Bogen. Tous droits réservés.)
de visualiser la butée. Courber fortement l’extrémité d’une aisément accessibles dans la portion coronaire du canal peuvent
lime. Insérer délicatement cette lime en lui appliquant un être mobilisés ou contournés au moyen de fraises ou d’instru-
mouvement de remontoir de montre dans l’espoir de contour- ments ultrasonores [28, 49]. Les fragments localisés en profondeur
ner ou de passer cette butée en direction apicale. En cas de peuvent nécessiter l’utilisation de dispositifs ou de trousses
succès, maintenir la lime dans sa position et limer toute la conçus spécialement pour ces situations (fig. 20.11) [10, 27, 43].
circonférence pariétale du canal jusqu’à ce que la butée soit Une autre approche pour saisir des instruments, la technique
suffisamment émoussée ou éliminée pour permettre une pré- des fraises tressées, consiste à insérer deux ou trois limes, à
paration et une obturation possible. Les limes Hedström sont des sites distants, autour du fragment jusqu’à une certaine
des instruments excellents pour réduire les butées ; mais elles profondeur possible ; l’étape suivante consiste à les entortiller
doivent être utilisées avec une prudence extrême. En cas de comme une tresse de telle sorte à enserrer le fragment et de le
succès du contournement de la butée ou de son élimination, la tirer doucement en direction coronaire. Cette technique est plus
portion apicale du canal peut être nettoyée et préparée quels efficace pour extraire des matériaux d’obturation plus ductiles
que soient les équipements instrumentaux utilisés. Il est utile (par exemple les pointes d’argent ou les tiges de transport en
de retenir qu’une tentative infructueuse de réduire la butée ne matière plastique) que pour extraire des matériaux plus rigides
se solde pas toujours par une absence de guérison (fig. 20.10). (par exemple les fragments d’instruments ou les tiges de trans-
port métalliques) (fig. 20.12). En règle générale, cependant, plus
Extraction d’un fragment instrumental le fragment est long, plus la probabilité d’extraire l’instrument
La réussite de l’extraction d’un fragment instrumental dans les avec la technique des fraises tressées est grande. Il est aussi pos-
canaux radiculaires dépend de facteurs variés [10, 42–48]. Ceux-ci sible de réussir cette opération avec les trousses spécialement
comprennent l’expérience de l’opérateur et son niveau d’habi- mises à la disposition des praticiens sur le marché [10, 42, 43, 48, 49].
leté, le calibre, la longueur et la localisation du fragment ainsi que Si le fragment est situé dans la portion coronaire précédant la
384 la technique d’extraction choisie. Les instruments les plus petits courbure, et s’il peut être distingué avec le MOD, la probabilité
Retraitement 20
Fig. 20.10 A. Radiogramme préopératoire d’une première molaire mandibulaire gauche montrant une obturation inadéquate
des canaux mésiaux et l’évolution d’une parodontite apicale symptomatique chez un patient âgé de 37 ans. B. Radiogramme
de travail limes en place illustrant l’incapacité pour l’opérateur de négocier la courbure et les 4 mm restants du canal.
C. Radiogramme de fin de traitement après restauration de la cavité d’accès avec un matériau collé. D. Radiogramme de suivi
à 1 an montrant la guérison complète de la lésion apicale initiale. (© Dr George Bogen. Tous droits réservés.)
de l’extraire est augmentée [44]. Si les fragments sont situés En cas d’échec d’extraction du fragment et d’atteinte de la
entre la courbure et l’apex, l’espoir de réussir leur extraction portion apicale du canal à cause de l’obstruction, le traitement
est réduit ; mais leur contournement peut être tenté [45–47]. endodontique au niveau de l’obstruction suivi d’un programme
Les tentatives d’extraction des fragments à l’apex du canal de suivi sera mis en place pour contrôler l’absence de tout autre
se soldent souvent par une déformation de la région apicale, problème endodontique. De nombreuses dents présentant des
des perforations et, quelquefois, par la fracture intempestive inclusions d’instruments fracturés peuvent être traitées avec
de l’instrument servant à la manœuvre. L’épaisseur des parois succès sans causer aucun problème ultérieur (fig. 20.13) [51].
de la dentine et le degré de courbure doivent être évalués Quand un fragment long et de gros calibre est fermement
avant de débuter toute intervention d’extraction de fragment coincé dans la portion rectiligne du canal, il est difficile,
instrumental. Si le pronostic de l’extraction est défavorable, voire impossible de le contourner et de le mobiliser. Dans
l’option chirurgicale est préférée [27]. ce cas, il convient de créer une plate-forme circulaire au
Le but principal pour réussir l’extraction d’un instrument moyen de fraises modifiées, d’instruments rotatifs ou de
est de le visualiser dans la portion coronaire du canal à l’aide fraises de Gates-Glidden modifiées autour de l’objet après
du MOD. L’éclairage et l’agrandissement du fragment sont qu’il a été visualisé [42, 45–47, 50, 52]. Cette plate-forme permet
essentiels pour voir le fragment. L’accès au fragment peut être à l’opérateur d’utiliser des petits embouts ultrasoniques
assuré avec les instruments à ultrasons, les fraises de Gates- pour créer soigneusement un espace ou s’insérer autour de
Glidden modifiés, des instruments à mains ou les fraises de la tête de ce fragment. Celui-ci peut être dégagé des parois
Mueller [10, 27, 45–50]. Les limes manuelles de petit diamètre sont ou extrait avec un extracteur de tenon ou la technique des
utilisées pour contourner ou passer les petits fragments. Les limes tressées. Le fragment peut être délogé et extrait avec
embouts ultrasoniques de petit diamètre peuvent être d’une les ultrasons à haute énergie en appliquant l’embout sur la
aide appréciable pour mobiliser et déloger les fragments, ou partie supérieure de celui-ci. Dans les canaux radiculaires de
même les réduire en fragments plus petits qui seront expulsés petit diamètre, il faut prendre soin d’éviter les perforations.
par rinçage dans un courant d’une solution d’irrigation neutre. Pour ces cas, l’utilisation de trousses de microtubes enduits 385
20 ENDODONTIE
Fig. 20.11 A. Radiogramme préopératoire d’une deuxième molaire mandibulaire droite symptomatique chez une patiente âgée de
52 ans. Noter la présence d’un fragment de lime K fracturée dans la portion apicale de la racine mésiovestibulaire (flèche) associé à
une pathologie apicale. B. Radiogramme de la mesure de la longueur de travail après extraction de la lime sous microscope opératoire
dentaire et au moyen des embouts à ultrasons. Noter la localisation et la négociation du deuxième canal distal oublié. C. Retraitement
final montrant le deuxième canal distal obturé (flèche) et la restauration du moignon dentaire collé. D. Radiogramme de suivi à 6 mois
montrant la guérison avancée de la parodontite apicale préexistante. (© Dr George Bogen. Tous droits réservés.)
386
Fig. 20.12 Petites limes de Hedström tressées autour d’une pointe d’argent qui a servi d’obturation. (Remerciements au Dr Robert
Handysides. Tous droits réservés.)
Retraitement 20
Fig. 20.13 A. Radiogramme d’une deuxième molaire mandibulaire gauche présentant une lime en nickel-titane de conicité 0,6 fracturée
dans la racine mésiolinguale chez un patient âgé de 64 ans qui n’évoque aucun symptôme. B. Radiogramme lime en place à la longueur
de travail avant la création d’une « plate-forme ». C. Radiogramme de travail des limes montrant une perforation de la paroi mésiale du
canal mésiolingual après plusieurs tentatives de délogement du fragment de lime au moyen des embouts à ultrasons. D. Radiogramme
postopératoire après l’obturation finale et le traitement de la perforation avec l’agrégat minéral de trioxyde (MTA). E. Radiogramme de
rappel un an après le collage du moignon coronaire. Noter l’absence de maladie apicale. F. Radiogramme de suivi 7 ans plus tard. La dent
est solide et présente une mobilité et un sondage parodontal physiologiques. (© Dr George Bogen. Tous droits réservés.)
de colle cyanoacrylate peut être efficace pour extraire des Si l’extraction du fragment réussit, la portion apicale du
fragments instrumentaux [10, 27]. D’autres trousses compren- canal peut être nettoyée et préparée avec des instruments
nent des microtubes à pas vissant ou des treillis métalliques manuels ou rotatifs. Si l’instrument est contourné, mais n’est
pouvant être ajustés pour enserrer la tête du fragment et la pas extrait, il est préférable de préparer cette portion du canal
saisir pour l’extraire [10, 27, 43, 49]. avec des instruments manuels. L’instrumentation rotative n’est 387
20 ENDODONTIE
Fig. 20.15 A. La dent est asymptomatique, et trois canaux sont obturés avec des pointes d’argent. B. Le ciment d’obturation
est éliminé, et les portions coronaires des trois pointes d’argent sont exposées dans la chambre pulpaire (flèches). C. Une lime
manuelle a servi pour créer un espace entre les pointes d’argent (flèche) et la paroi du canal radiculaire. D. Des limes manuelles
sont tressées autour d’une des pointes d’argent. E. Un embout ultrasonique est activé au contact des limes pour fournir l’énergie
nécessaire à la mobilisation de la pointe d’argent. Cette technique sert à briser le joint entre la pointe d’argent et le ciment
390 d’obturation du canal. F. Les forceps de Steiglitz saisissent les extrémités coronaires des pointes d’argent mobilisées.
G. Les trois pointes d’argent ont été extraites intactes avec succès.
Retraitement 20
Fig. 20.16 A. Radiogramme préopératoire d’une première molaire mandibulaire droite obturée avec une pointe d’argent chez
une patiente âgée de 34 ans qui n’évoque aucun symptôme. B. Radiogramme de l’obturation initiale par compaction latérale de
gutta percha avec un ciment de scellement après l’extraction de la pointe d’argent. C. Radiogramme final du retraitement non
chirurgical avec la restauration d’un moignon en résine composite collée. D. Le suivi radiographique 2 ans plus tard montre une
prothèse de recouvrement et l’absence de pathologie péri-apicale. (© Dr George Bogen. Tous droits réservés.)
étude ait rapporté l’efficacité de l’hypochlorite de sodium paliers progressifs couplée avec une irrigation copieuse au
pour ramollir la résine résorcine-formaldéhyde (rouge russe), moyen d’aiguilles perforées latéralement favorise le dégage-
une étude de suivi comparée sur différents solvants, y compris ment des débris en direction coronaire et contribue à éviter
l’hypochlorite de sodium, a démontré leur inefficacité par les complications. D’autres actions préventives consistent
rapport à l’eau qui a servi de contrôle (fig. 20.19) [94, 95]. à maintenir l’asepsie en isolant le champ opératoire avec la
L’instrumentation ultrasonique reste le moyen le plus pré- digue, à s’assurer de la désinfection complète de la cavité pul-
visible pour éliminer les pâtes dures. En cas d’échec pour paire, en insérant des médicaments antiseptiques entre deux
éliminer ces pâtes ou en cas de risque d’erreur d’intervention, séances (par exemple l’hydroxyde de calcium), à utiliser des
il est envisageable de prescrire une chirurgie apicale ou une irrigants et des équipements de qualité supérieure, à éviter de
réimplantation intentionnelle pour conserver la dent. maintenir la dent ouverte pour le drainage entre deux séances,
et à inspecter les canaux avec le MOD avant d’obturer pour
être certain de l’élimination correcte de tous les matériaux
COMPLICATIONS POSTÉRIEURES visibles [5, 55, 99, 100]. Le clinicien doit envisager de planifier
AU TRAITEMENT plusieurs rendez-vous pour l’exécution du retraitement afin de
tirer le bénéfice des médicaments insérés dans les canaux et
Les réactions douloureuses explosives surviennent plus fré- de l’irrigation antiseptique pour désinfecter la cavité pulpaire.
quemment dans certains mais pas dans tous les cas de retraite-
ment par comparaison aux dents faisant l’objet d’un traitement Traitement des perforations
endodontique initial [96–98]. L’explication de l’augmentation de Les accidents iatrogéniques sont étudiés dans le chapitre 18 ;
ces événements réside en partie dans l’extrusion accidentelle certains d’entre eux se produisent aussi pendant le retraitement.
de bactéries et d’autres irritants dans les tissus apicaux pen- Le pronostic d’un retraitement est plus réservé quand une
dant les manœuvres de l’intervention [5]. La préparation par perforation initiale est diagnostiquée [101, 102]. Les perforations 391
20 ENDODONTIE
Fig. 20.17 A. Radiogramme d’un traitement endodontique ancien sur une première molaire maxillaire droite chez une patiente âgée
de 62 ans n’évoquant aucun symptôme. Noter que les pointes d’argent ont été sectionnées aux orifices d’entrée des canaux. B, C.
Radiogramme à la longueur de travail (B) et radiogramme d’obturation (C) montrant l’impossibilité d’extraire la pointe d’argent du canal
mésiovestibulaire. D. Radiogramme postopératoire après l’extraction de la pointe d’argent, la résection des deux racines vestibulaires
et l’obturation à rétro avec MTA. Suivi radiographique à 6 mois (E) et 1 an (F) montrant la cicatrisation et la guérison des sites de
l’ostéotomie. La molaire est solide, sa mobilité et le sondage sont physiologiques. (© Dr George Bogen. Tous droits réservés.)
nécessitent d’être traitées pendant le retraitement. Le pronostic et d’autres substances bioactives similaires se sont révélés
des dents perforées dépend de trois facteurs cruciaux : la favorables pour traiter les perforations (fig. 20.20) [104, 105].
taille de la perforation, sa localisation et le temps qui s’est L’évaluation radiographique préopératoire est utile pour
écoulé entre le dommage et le moment du retraitement [102, 103]. identifier les sites anciens de perforations iatrogéniques avant
392 Ces dernières années, l’agrégat minéral de trioxyde (MTA) de débuter un retraitement non chirurgical. Les traitements
Retraitement 20
Fig. 20.18 A. Radiogramme de prétraitement d’une prémolaire mandibulaire droite avec une ancienne obturation à pâte
molle et une lésion apicale volumineuse chez un patient âgé de 29 ans. Radiogramme de la lime mesurant la longueur de
travail initiale (B) et avec la lime apicale maîtresse à la longueur de travail (C). D. Radiogramme de l’obturation initiale avec un
ciment de scellement AH26 et la compaction latérale de gutta percha. E. Radiogramme final avec le logement de tenon. F. Suivi
radiographique à un an montrant un tenon non métallique et la restauration de l’arcade avec un bridge de cinq éléments. Noter
la présence de la cicatrisation de l’os parodontal et la guérison de la lésion apicale. (© Dr George Bogen. Tous droits réservés.)
des perforations exigent une évaluation soigneuse de tous les l’aggravation des mutilations coronaires, de conserver la struc-
facteurs impliqués ; il arrive que, pour le bénéfice du patient, ture dentaire résiduelle saine et de prévenir un retraitement
l’orientation vers un praticien plus spécialisé doive être supplémentaire ou des interventions chirurgicales ; le moyen
envisagée. clé pour y parvenir est de restaurer définitivement la dent le plus
tôt possible sachant que des restaurations provisoires mainte-
nues trop longtemps conduisent à contaminer de nouveau
OPTIONS DE RESTAURATION le matériau d’obturation, avec le risque de devoir extraire la
dent [106]. Les restaurations à recouvrement complet sont géné-
La restauration des dents retraitées avec succès exige la ralement recommandées pour toutes les dents postérieures et
même attention que les dents ayant été traitées initialement. peuvent être requises pour certaines dents antérieures. Une
L’objectif principal est d’éviter toute fuite coronaire, d’éviter restauration en résine composite collée peut être indiquée 393
20 ENDODONTIE
Fig. 20.19 A. La dent (flèche) présente une décoloration rougeâtre de la couronne suite à l’obturation du canal radiculaire avec
une pâte dure de résorcinol. B. La longueur de l’obturation est inférieure à la longueur de travail idéale dans les trois canaux de
16. La pâte dure de résorcinol est aussi présente dans les prémolaires. C. Le matériau de résorcinol a été éliminé avec succès
de la région coronaire du canal mésiovestibulaire, mais celui-ci est calcifié au niveau de l’extrémité de la restauration ancienne.
Les tentatives d’élimination du matériau du canal palatin se sont soldées par une perforation radiculaire. Le plan de traitement
doit être modifié et indique l’extraction de la dent et son remplacement en tant qu’élément d’un bridge. D. Noter l’extension
de la décoloration rougeâtre des racines au niveau des anciennes obturations avec la pâte de résorcinol.
Fig. 20.20 A. Radiogramme d’une première molaire maxillaire gauche symptomatique présentant un canal mésiovestibulaire
non traité, une restauration à l’amalgame mal adaptée et une restauration de recouvrement médiocre chez un patient âgé de
57 ans. B. Radiogramme postérieur au traitement montrant le retraitement non chirurgical de la molaire avec du MTA (flèche)
de la perforation ancienne, l’obturation de la racine mésiovestibulaire, et un moignon réalisé en résine composite collée.
394 (© Dr George Bogen. Tous droits réservés.)
Retraitement 20
pour des raisons esthétiques si le volume de structure dentaire chirurgical est significativement supérieur après 4 à 6 ans
de la dent antérieure est suffisant. (83 % contre 71,8 %) [114]. D’autres études comparées des deux
procédures à partir d’essais randomisés ont affirmé que les
différences n’étaient pas significatives [115]. En outre, le taux
SOINS DE SUIVI de succès des procédures de chirurgie endodontique augmente
quand ces interventions sont combinées avec un retraitement
Les soins de suivi sont importants pour vérifier la disparition non chirurgical [9, 18, 21, 90]. Une étude prospective de l’état péri-
des symptômes et le bon déroulement du processus de guéri- apical des dents ayant reçu un traitement initial comparative-
son péri-apical. Le calendrier de suivi habituel débute 6 mois ment à des dents ayant été retraitées sur une période de 2 à
après l’intervention et se prolonge tous les ans. Il est quel- 4 ans a démontré un taux de succès similaire (83 % et 80 %,
quefois judicieux de planifier la date du premier suivi avant respectivement) [101].
6 mois en fonction des problèmes posés par l’état de la dent Quelques facteurs pronostiques identifiés permettent de
après le traitement. L’examen de suivi comprend la mobilité, préjuger d’une guérison possible. Ils comprennent l’absence
le sondage parodontal, la palpation et la percussion, auxquels de lésion péri-apicale préopératoire ainsi que de fistule, le
s’ajoute l’examen radiographique des lésions péri-apicales maintien de la perméabilité des canaux apicaux et l’étendue
présentes au moment du retraitement. Les patients doivent être du nettoyage de la région apicale du canal, une bonne irri-
conseillés pour prendre rendez-vous en cas de symptômes. gation, l’absence de perforations ou d’événements explosifs
douloureux entre deux séances, le maintien de la forme origi-
nelle du canal observée radiographiquement, et des restaura-
PRONOSTIC tions coronaires satisfaisantes. Un suivi cumulatif de 4 années
comparant la survie des dents ayant été traitées initialement
Les progrès en matière de retraitement non chirurgical ont et celles ayant été retraitées a démontré des taux de succès
amélioré les résultats attendus des interventions réalisées avec similaires (95 %) quand les interventions étaient exécutées en
des technologies récentes comparativement aux méthodes utilisant des protocoles contemporains [116].
plus anciennes de retraitement [6, 107–110]. Une méta-analyse En se fondant sur les résultats de nombreuses études, il est
sur des études menées entre 1956 et 1996 a montré un taux clair que le retraitement des dents présentant des lésions non
de succès du retraitement de 95 % des dents ne présentant guéries ou la récurrence d’une maladie endodontique peut
aucune pathologie apicale et de 66 % des dents présentant être d’un bon pronostic si le traitement est réalisé selon des
une pathologie apicale. Cependant, ces mêmes études mon- principes endodontiques contemporains. Il doit être souligné
trent que la survie fonctionnelle de ces dents varie de 86 % à que les résultats favorables sont renforcés par l’utilisation
92 % à partir du moment où le traitement endodontique a été d’un éclairage et d’un grossissement excellents, l’isolation du
exécuté [111–113]. champ opératoire avec la digue, un équipement d’irrigation de
Il a été démontré que le taux de succès à long terme d’un grande qualité et les dispositifs instrumentaux les plus récents
[99, 100]
retraitement non chirurgical comparé à celui d’un traitement .
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397
21 Chirurgie endodontique
CHAPITRE
PLAN DU CHAPITRE
OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE
Après avoir lu ce chapitre, l’étudiant devrait être capable : 7. D’indiquer le pronostic de chacune des procédures
1. De discuter le rôle de la chirurgie endodontique dans le énoncées dans l’objectif 4.
plan de traitement dressé pour un patient. 8. De formuler les principes de la conception d’un lambeau.
2. De reconnaître des situations pour lesquelles la chirurgie 9. De schématiser les formes variées du lambeau et d’en
est le traitement de choix. déduire les indications, les avantages et les inconvénients
3. De reconnaître des situations médicales ou dentaires pour de chacune des formes.
lesquelles la chirurgie endodontique est contre-indiquée. 10. D’énoncer les matériaux d’obturation de l’apex les plus
4. De définir les termes incision pour le drainage, curetage courants.
apical, résection apicale, préparation et obturation apicale, 11. De passer en revue les principes fondamentaux de la suture.
amputation radiculaire, hémisection, et transformation de 12. De décrire les modes généraux de cicatrisation des tissus
molaires en prémolaires. mous et des tissus minéralisés.
5. De décrire brièvement les étapes successives des 13. De rédiger des instructions à remettre au patient
procédures de la chirurgie péri-apicale comprenant l’incision, concernant les soins postopératoires après une
la réflexion d’un lambeau, l’accès dans l’apex, le curetage intervention de chirurgie endodontique.
apical, la résection apicale, la préparation et l’obturation 14. De lister et décrire les conditions qui conduisent à orienter
apicale, le repositionnement d’un lambeau et la suture. le patient vers une consultation spécialisée pour évaluer
6. D’argumenter les indications de chacune des procédures le problème et le résoudre.
énoncées dans l’objectif 4.
L
e traitement de canal non chirurgical est une procédure qui péri-radiculaires par leurs toxines, et fournir un environnement
présente un taux très élevé de succès si le diagnostic est cor- propice à la régénération des tissus périradiculaires.
rectement établi et si tous les aspects techniques de l’inter- L’art et la science de la chirurgie endodontique ont été spec-
vention sont correctement exécutés [1–4]. Une croyance courante taculairement transformés ces dix dernières années. Aupara-
laisse entendre qu’en cas d’échec du traitement de canal, il convient vant, ce traitement était limité aux dents antérieures parce
d’indiquer un traitement chirurgical pour corriger le problème. qu’elles étaient considérées plus accessibles. Avec l’introduc-
Cela n’est pas nécessairement exact ; la plupart des échecs sont tion du microscope opératoire, des ultrasons et des nouveaux
corrigés par le retraitement non chirurgical. Des études ont déclaré matériaux d’obturation apicale, les dents qui devaient être
77 % à 89 % de succès d’un retraitement non chirurgical suite à un autrefois indubitablement extraites bénéficient aujourd’hui
traitement endodontique initial [5–7]. Cependant, certaines situations d’une chance d’être maintenues sur l’arcade [8].
nécessitent une intervention chirurgicale pour maintenir une dent Ce chapitre décrit les indications et les interventions, à
sur l’arcade qui, faute de ce traitement, devrait être extraite. savoir l’incision pour le drainage, la chirurgie péri-apicale
La chirurgie endodontique ne peut être qualifiée de chirurgie et la chirurgie corrective comme l’amputation radiculaire,
orale au sens traditionnel du terme. Elle se définit plutôt comme l’hémisection et la transformation de molaires en prémolaires.
un authentique « traitement endodontique par réflexion d’un
lambeau chirurgical ». Mais le simple fait de sectionner l’apex
d’une racine et d’insérer une obturation au voisinage du canal INCISION POUR LE DRAINAGE
ne vise pas nécessairement la totalité des objectifs du traitement
endodontique chirurgical. Ces objectifs sont : obturer toutes les L’objectif visé par l’incision pour le drainage est l’évacuation
portes de sortie de la cavité pulpaire ainsi que tous les isthmes, des exsudats inflammatoires et du pus d’une tuméfaction des
398 éliminer les bactéries et prévenir la contamination des tissus tissus mous. L’incision pour le drainage réduit l’inconfort
Chirurgie endodontique 21
douloureux résultant de la pression exercée dans la tuméfac- fig. 10.3, B et aussi fig. 21.1, B, C). Cela s’explique par l’existence
tion et accélère la cicatrisation. possible de plusieurs abcès séparés, l’un étant situé à l’apex, et
l’autre étant sous-muqueux ou logé dans un espace anatomique.
Indications Le drainage à travers les tissus mous est d’autant plus efficace
L’abcès apical symptomatique d’origine pulpaire est l’indication que la tuméfaction est fluctuante. Une tuméfaction fluctuante
principale du drainage (fig. 21.1, A). Il existe deux manières de est une masse de liquide dont la pression avec un doigt procure
drainer l’abcès : la voie dentaire et, plus exactement, le canal radi- la sensation de vague (comme un ballon poussé dans l’eau) et
culaire (fig. 21.1, B) ; et, si cette approche est impossible ou ne laisse une empreinte du doigt (signe du godet) (voir fig. 10.3
peut pas être complètement accomplie, la technique de l’incision B et aussi fig. 21.1, A). L’incision de la tuméfaction fluctuante
des tissus mous. Parfois, le drainage peut être réalisé par l’incision libère immédiatement son contenu purulent et soulage rapide-
des tissus mous, même s’il a été exécuté par voie dentaire (voir ment le patient. Si la tuméfaction est non fluctuante ou ferme,
le drainage libère souvent uniquement du sang et des sérosités.
L’incision et le drainage d’un abcès non fluctuant réduisent la
pression et facilitent la cicatrisation par diminution du volume
des irritants et par facilitation de la circulation dans cette zone.
Contre-indications
L’incision pour le drainage est relativement peu contre-indi-
quée. En revanche, il convient d’être prudent pour traiter les
patients dont le temps de saignement ou le temps de coagula-
tion est allongé ou ceux qui sont traités avec des bisphospho-
nates ; il est indiqué de demander un bilan sanguin préalable.
Un abcès localisé dans un espace anatomique ou à son voisi-
nage doit être traité avec une grande prudence.
Interventions
Anesthésie
Il est difficile d’obtenir une anesthésie profonde en présence
d’une inflammation, d’une tuméfaction ou d’exsudats. L’anes-
thésie régionale est préférée à l’anesthésie sous-périostée qui est
inefficace et peut être très douloureuse dans cette situation. Les
techniques d’anesthésie régionale de choix sont l’anesthésie du
nerf mandibulaire pour les dents postérieures, l’anesthésie bila-
térale des nerfs mentonniers pour les dents mandibulaires anté-
rieures, l’anesthésie du nerf alvéolaire postérieur et supérieur
pour les dents maxillaires postérieures et l’anesthésie du nerf
infra-orbitaire pour les prémolaires maxillaires. Ces injections
peuvent être complétées par des infiltrations locales.
En plus de l’anesthésie régionale, une des méthodes suivantes
peut être utilisée. La première consiste à anesthésier la périphérie
de la tuméfaction dont les étapes sont : appliquer un anesthésique
local ; injecter lentement la solution anesthésique à faible pression
et à faible profondeur ; infiltrer de nouveau les tissus préalablement
anesthésiés ; se déplacer progressivement de proche en proche du
centre de la tuméfaction. Cette procédure améliore la qualité de
l’anesthésie et évite un inconfort extrême. La seconde technique
consiste à utiliser le chlorure d’éthyle par voie topique [9]. La tech-
nique est la suivante : asperger à distance un jet de la solution sur
la tuméfaction de telle sorte que le liquide se volatilise immédia-
tement sur la surface tissulaire. Dans les secondes suivantes, le
site de la volatilisation devient blanc. C’est à ce moment qu’il faut
inciser sous une aspersion continue de chlorure d’éthyle. Cette
anesthésie topique complète efficacement l’anesthésie régionale
quand une incision rapide est requise.
Si aucune de ces procédures n’est efficace, la sédation avec
le MEOPA ou par voie intraveineuse peut être requise pour
accomplir l’incision et le drainage.
ferme et doit traverser le périoste pour s’appuyer sur l’os. Si la d’obtenir un joint adéquat au terme du traitement de canal non
tuméfaction est fluctuante, en général, le pus jaillit immédiate- chirurgical orthograde.
ment et précède un écoulement sanguin. Dans le cas contraire,
le liquide de drainage prédominant est le sang. Indications
Les indications principales de la chirurgie péri-apicale sont :
Drainage la complexité de l’anatomie de la cavité pulpaire radiculaire,
Après l’incision initiale, la voie de drainage peut être ouverte les accidents opératoires, l’impossibilité d’extraire des corps
et élargie en insérant une petite pince hémostatique [10]. Cette étrangers des canaux radiculaires, des symptômes persistants
procédure est utile avec les tuméfactions volumineuses. et la fracture apicale horizontale ; à ces cas s’ajoutent la biop-
Afin de maintenir ouverte la voie de drainage, un drain en sie et la chirurgie correctrice.
forme de I ou d’arbre de Noël peut être confectionné avec
de la digue de caoutchouc ou une pièce de gaze iodoforme, Problèmes anatomiques
celui-ci étant inséré dans l’incision (suture optionnelle) Le nettoyage et la mise en forme de la cavité pulpaire peuvent être
(voir fig. 10.5). Le drain doit être retiré après 2 à 3 jours s’il altérés à cause de l’impossibilité de négocier un canal obstrué ou
n’est pas suturé ; le patient peut le retirer lui-même chez lui. très courbé. L’indication des traitements endodontiques non chi-
rurgicaux (et chirurgicaux) est pertinente dans ces cas (fig. 21.2).
CHIRURGIE PÉRI-APICALE La thérapeutique endodontique non chirurgicale ou le retraitement
(si possible) avant l’intervention chirurgicale améliore le taux de
La chirurgie péri-apicale consiste généralement à sectionner succès de cette dernière [11, 12]. Cependant, si aucun des deux n’est
une portion de la racine dont le canal n’a pas été préparé ou faisable, la section de la portion radiculaire non préparée et non
bien à obturer l’apex du canal quand il n’a pas été possible obturée ou la chirurgie apicale deviennent nécessaires (fig. 21.3).
Biopsie
Bien que la plupart des lésions péri-apicales soient d’origine
pulpaire, il en existe d’origine différente (voir au chapitre 5
le diagnostic et le plan de traitement). L’image d’une radio-
clarté radiculaire d’une dent dont la pulpe est vivante et saine
Fig. 21.3 A. La butée présente dans la racine mésiovestibulaire
(fig. 21.7), des lésions péri-apicales mal définies près de dents
de la première molaire maxillaire n’a pas pu être négociée. dont la pulpe est vivante et saine chez des patients évoquant
B. Pour corriger cet accident de procédure et résoudre des antécédents de tumeurs malignes, une paresthésie ou une
un problème posé dans la racine distovestibulaire, anesthésie de la lèvre sont des indications de biopsie.
une intervention de chirurgie endodontique a été exécutée.
Contre-indications
Les quatre contre-indications majeures de la chirurgie péri-
La fenestration osseuse due à la perforation anatomique de apicale sont : (1) les facteurs anatomiques, (2) les complications
l’apex radiculaire, bien qu’exceptionnelle, pose l’indication médicales ou systémiques, (3) la prescription systématique de
de la chirurgie apicale après le traitement de canal dans le but la chirurgie, et (4) un échec dont la cause n’est pas identifiée [10].
de réduire l’extrémité radiculaire et de la replacer dans l’os
afin de corriger la situation. Parfois, une résorption apicale Facteurs anatomiques
trop étendue compromet un traitement de canal. Il devient Les difficultés d’accès au site chirurgical liées à la situation des
alors nécessaire d’exposer la racine, d’éliminer la zone résor- dents sur l’arcade, la proximité de cavités naturelles (par exem-
bée et de traiter cette portion du canal. ple les sinus et les fosses nasales), une configuration osseuse
inhabituelle ou la proximité de paquets vasculonerveux peuvent
Accidents d’intervention être une contre-indication, ou du moins exiger de la prudence ou
Les instruments fracturés, les butées, les perforations, les gros des approches chirurgicales spéciales (fig. 21.8). Par exemple,
dépassements de matériaux peuvent conduire à l’échec du la ligne oblique externe de la mandibule très épaisse à l’aplomb
traitement de canal et posent l’indication d’une intervention d’une molaire inférieure ou la proximité des apex avec le canal
chirurgicale. Si les symptômes ou les lésions s’installent ou mandibulaire peuvent compromettre l’accès chirurgical. Les
persistent après l’accident, la chirurgie péri-apicale devient racines dentaires très courtes empêchant toute résection, les
généralement nécessaire (voir fig. 19.14 et aussi fig. 21.4). maladies parodontales sévères (pronostic très réservé, même
avec la chirurgie) et des dents impossibles à restaurer consti-
Corps étrangers impossibles à extraire tuent d’autres situations contre-indiquant la chirurgie apicale.
des canaux radiculaires
Le retraitement est indiqué pour traiter les échecs. Cependant, Complications médicales ou systémiques
les tenons ou les clavettes impossibles à déposer, ou des maté- Les problèmes systémiques sévères ou l’angoisse, voire la
riaux d’obturation comme les pointes d’argent, l’amalgame, phobie peuvent contre-indiquer la chirurgie apicale chez ces
ou les pâtes non résorbables empêchent le retraitement, ou patients. Les troubles sanguins, les maladies terminales, le
bien leur élimination peut aggraver la fragilisation de la struc- diabète incontrôlé ou les maladies cardiaques sévères ainsi que
ture radiculaire dentaire. L’approche chirurgicale et l’obtura- les insuffisances immunitaires peuvent aussi contre-indiquer
tion apicale deviennent la meilleure alternative (fig. 21.5). la chirurgie apicale. 401
21 ENDODONTIE
Fig. 21.4 A. Radiogramme préopératoire d’une incisive centrale maxillaire montrant la présence de portions de gutta percha
dans l’os. B. L’inconfort et la douleur évoqués par le patient ont conduit à l’exécution d’une intervention de chirurgie péri-apicale
sur cette dent. C. Le radiogramme postopératoire obtenu 18 mois plus tard montre une résolution complète de la lésion.
402
Chirurgie endodontique 21
Fig. 21.5 A. L’échec du traitement de canal de la canine maxillaire droite indique une intervention de chirurgie péri-apicale.
B. La racine a été réséquée, et une cavité a été préparée et obturée avec l’agrégat minéral de trioxyde (MTA). C. Le radiogramme
postopératoire obtenu 5 ans plus tard montre une guérison complète. (Remerciements au Dr CCU Hong.)
403
21 ENDODONTIE
Fig. 21.6 En se fondant sur les données radiographiques (A) et l’examen clinique (B), une perforation ou une fracture
radiculaire de la seconde prémolaire maxillaire droite a été suspectée. C. Une fracture verticale de la racine a été confirmée
pendant l’intervention de chirurgie exploratoire. (Remerciements pour le cas au Dr Martin Rogers.)
Fig. 21.7 A. La présence de pulpes vivantes sur les dents antérieures gauches et d’une radioclarté multiloculaire très étendue
évoque l’hypothèse d’une lésion dont l’origine n’est pas pulpaire. B. Un autre cliché radiographique montre l’extension de cette
lésion. La biopsie a révélé la présence d’un kératokyste.
Tracé du lambeau
La première étape en chirurgie péri-apicale est le tracé du
lambeau qui doit offrir une exposition adéquate du site de
Fig. 21.8 L’apex de la première prémolaire mandibulaire l’intervention chirurgicale. Les principes et les recommanda-
est à proximité du paquet vasculonerveux, ce qui appelle tions généraux suivants doivent être suivis pendant le tracé du
à la prudence pendant l’intervention de chirurgie endodontique. lambeau [15, 16]. 405
21 ENDODONTIE
Fig. 21.10 A. Échec d’un traitement chirurgical ancien sur les dents 22 et 23. Un retraitement chirurgical a été réalisé au moyen
de matériaux et de techniques plus récents (microscope opératoire dentaire, résection apicale perpendiculaire, préparation apicale
406 aux ultrasons et obturation avec MTA). B. Dix-huit mois plus tard, le suivi montre une guérison complète. (Remerciements pour le cas
au Dr Martin Rogers.)
Chirurgie endodontique 21
Fig. 21.12 Vue comparée entre un ancien contre-angle chirurgical à microtête et à basse vitesse (A) et un embout ultrasonique
utilisé pour la préparation de l’apex radiculaire (B).
Fig. 21.13 Vue comparée entre un bistouri avec une lame n° 15 Fig. 21.14 Incision horizontale festonnée (Ochsenbein-Luebke)
(en haut) et un bistouri de microchirurgie (en bas). réalisée dans la gencive attachée et accompagnée de deux incisions
verticales pour une intervention chirurgicale sur l’incisive centrale
7. Le lambeau incisé et récliné doit inclure le périoste. Toute gauche.
partie ou zone cellulaire du périoste non réclinée sera hémor-
ragique et compromettra la visibilité du champ opératoire. prévue. Les lèvres de l’incision de ce type de lambeau guéris-
8. Éviter d’inciser la papille interdentaire qui doit être complè- sent en laissant des cicatrisations visibles [17]. Le lambeau sous-
tement intégrée au lambeau ou bien exclue de ce lambeau marginal semi-lunaire est limité à la frénectomie ou à l’excision
dans son intégralité. d’une attache musculaire membraneuse, ou encore à la correction
9. Étendre les incisions de décharge verticales afin de recou- d’éminences canines ou osseuses. Compte tenu de ses inconvé-
vrir l’os sans écraser les portions du lambeau. nients, ce tracé est généralement contre-indiqué.
Malgré le nombre important de tracés de lambeau, deux
d’entre eux correspondent aux nécessités de la plupart des Lambeaux triangulaires et rectangulaires
interventions de chirurgie apicale : le lambeau sous-marginal sous-marginaux
(incurvé, triangulaire ou rectangulaire) et le lambeau mucopé- Les lambeaux triangulaires et rectangulaires sont connus en
riosté de pleine épaisseur (triangulaire ou rectangulaire). tant lambeaux sous-marginaux semi-lunaires modifiés. Le
tracé de l’incision se présente sous la forme d’un feston hori-
Lambeau sous-marginal semi-lunaire zontal (Ochsenbein-Luebke) réalisé dans la gencive attachée
Le tracé du lambeau sous-marginal incurvé est une courbe très accompagné d’une ou de deux incisions de décharge verticales
légère en demi-lune. Ce tracé est positionné sur la gencive atta- (fig. 21.14). Ce lambeau est choisi (avec de bons résultats) pour
chée et la convexité de la courbe est proche de la gencive mar- traiter les dents maxillaires antérieures restaurées avec une
ginale libre. L’incision est simple et le lambeau est facilement couronne prothétique. L’alternative au lambeau sous-marginal
récliné, ce qui offre un accès à l’apex sans empiéter sur les tissus est un tracé qui englobe les papilles interdentaires maintenues
voisins des couronnes. Il comporte certains inconvénients comme intactes [18]. Ce lambeau exige une hauteur de gencive attachée
un accès restreint et une visibilité limitée, les déchirements des de 4 mm dans un parodonte sain sans poche parodontale.
angles de l’incision au cas où l’opérateur se verrait contraint Ce tracé offre un meilleur accès et une visibilité améliorée
d’élargir l’accès au champ en étirant les tissus, et enfin le risque par comparaison avec le lambeau sous-marginal semi-lunaire
de voir l’incision à l’aplomb d’une lésion plus volumineuse que et réduit le risque d’inciser à l’aplomb d’une lésion osseuse. 407
21 ENDODONTIE
d’une fraise à basse vitesse avec un mouvement de brossage léger Fig. 21.19 A. Résection apicale (apectomie) réalisée au moyen
accompagné d’une copieuse irrigation de solution saline [15, 16, 21]. d’une fraise fissure à grande vitesse. B. La totalité de la portion
radiculaire réséquée doit être visible.
Curetage périradiculaire
Le curetage des tissus mous pathologiques autour de l’apex maximale sur l’apex radiculaire [15, 16, 19]. En général, le volume
offre les bénéfices suivants : radiculaire sectionné dépend du jugement de l’opérateur qui a
j accès et visibilité de l’apex ;
décidé la résection apicale. Cependant, les objectifs visés pour
j élimination des tissus enflammés ;
l’exécution adéquate de la résection apicale sont les suivants :
j obtention d’un échantillon tissulaire de biopsie pour son j offrir un accès sur la surface linguale (palatine) de la racine ;
Prélever le tissu avec soin, idéalement en une seule pièce des fractures.
au moyen d’une curette de taille appropriée et bien aiguisée
(fig. 21.18). Cette manœuvre laisse une cavité osseuse saine. Préparation et obturation de la cavité apicale
Soumettre une portion de l’échantillon à la biopsie. Si la La préparation et l’obturation de la cavité apicale sont indi-
lésion est volumineuse, il faut laisser des portions tissulaires quées dans la plupart des interventions de chirurgie endodon-
pour éviter de compromettre l’irrigation sanguine des dents tique. De nos jours, les préparations sont réalisées avec des
adjacentes. Cela n’affecte pas la guérison périradiculaire. embouts ultrasoniques. Ceux-ci se présentent sous des formes
variées afin de s’adapter à pratiquement toutes les contraintes
Résection apicale se présentant pour accéder aux canaux (fig. 21.20). Pendant
La résection apicale consiste à biseauter l’extrémité apicale de leur utilisation, il convient d’orienter les embouts de manière
la racine. Cette étape fait souvent partie intégrale de l’inter- à ce que les parois de la préparation soient parallèles au grand
vention de chirurgie apicale. Elle vise deux objectifs : axe de la racine. Une préparation cavitaire de classe 1 d’une
j sectionner la portion de la racine qui n’a pas pu être traitée, profondeur minimale de 3 mm dans le canal sera réalisée au
permettant à l’opérateur de déterminer la cause de l’échec ; moyen de ces embouts (fig. 21.21) [19, 22, 23]. Mais ce type de
j obtenir une surface plane permettant à l’opérateur de pré- préparation sera modifié en fonction des complications anato
parer une cavité apicale et de l’obturer avec un matériau miques de la racine concernée [15]. Les avantages principaux des
d’obturation apical. instruments ultrasoniques résident dans la facilité et le contrôle
Sectionner la portion apicale avec une fraise fissure conique à de leur utilisation, ainsi que dans la réduction de la taille du
grande vitesse accompagnée d’une copieuse irrigation de solu- biseau, et dans l’uniformité de profondeur de la préparation [22–24].
tion saline (fig. 21.19). Orienter le biseau avec un angle proche De plus, les préparations apicales sont plus petites, les pré-
de 0 degré dans le sens vestibulolingual pour offrir la visibilité parations des isthmes sont plus aisées, l’ensemble de ces 409
21 ENDODONTIE
j biocompatible ;
j non résorbable ;
j aisément inséré ;
Fig. 21.21 A. Un embout ultrasonique est utilisé pour préparer
j non altéré par l’humilité ; une cavité de classe 1 dans la portion apicale du canal radiculaire.
j visible radiographiquement ; B. Vue dans le miroir de la préparation. (Remerciements
j capable d’induire la régénération des tissus périradiculaires. au Dr R. Rubinstein.).
410
Chirurgie endodontique 21
Fig. 21.23 Une épaisseur de 3 mm de MTA est insérée dans la Fig. 21.24 Cicatrisation complète et formation de cément
préparation de cavité apicale pour offrir un joint fluide très étanche. cellulaire (flèches) adjacentes au MTA observées chez le singe dont
(Remerciements au Dr R. Rubinstein.) les cavités apicales ont été obturées avec ce matériau.
De nombreux matériaux composent les ciments de scelle- La suture est couramment exécutée avec du Tevdek® n° 5
ment apicaux [25–33]. Les mieux adaptés sont SuperEBA® (fig. 21.25), bien que d’autres matériaux soient acceptables [35–37].
(Boswoth, Skokie, Illinois) et ProRoot MTA® (Dentsply/Tulsa Il existe plusieurs techniques de sutures, comprenant les
Dental, Johnson City, Tennessee) ; ils sont, de nos jours, les sutures à points interrompus (point en « 0 », point en « 8 »),
matériaux de choix [8]. Plusieurs études histologiques ont mis les points dits de matelassier et les sutures continues à point
en évidence une néoformation de cément suite à des obtura- de surjet [16]. Les sutures à points interrompus sont couramment
tions avec l’agrégat de trioxyde minéral (MTA) en tant que utilisées (fig. 21.26, A). L’aiguille est tout d’abord insérée
matériau d’obturation apical [29, 30, 34], tandis que ce phénomène dans la partie réclinée du lambeau, puis dans le tissu attaché
n’est pas observé avec les autres matériaux d’obturation api- contre lequel le lambeau doit être en contact. Les sutures sont
cale couramment utilisés (fig. 21.24). fermées avec un double nœud de chirurgien. Le nœud ne doit
pas être placé sur le trait de l’incision parce qu’il retient les
Repositionnement du lambeau et suture débris et les bactéries à l’origine d’une éventuelle inflamma-
Après l’obturation de l’apex, les étapes précédant le reposition- tion, d’une infection et du retard de guérison. Les sutures sont
nement du lambeau et sa suture sont les suivantes : finition de déposées en général 3 à 7 jours après l’intervention chirurgi-
l’obturation, prise de vue radiographique, inspection minutieuse cale (fig. 21.26, B).
de l’os et des tissus mous pour rechercher et éliminer les résidus
de ciments d’obturation, les agents hémostatiques ou tout autre Instructions de soins postopératoires
corps étranger. Le repositionnement du lambeau s’effectue en le Le patient doit recevoir des instructions écrites concernant les
maintenant dans sa position originale à l’aide d’une gaze humide soins buccodentaires et les soins postopératoires. Celles-ci
sur laquelle l’opérateur applique une légère compression digi- doivent être formulées en langage clair et compréhensible. Le
tale. Cette application permet l’expression de l’hémorragie sous but est de minimiser l’anxiété du patient due aux symptômes
le lambeau, son adaptation initiale, une suture plus facile, et évite postopératoires en lui expliquant le processus de guérison et
une hémorragie et une tuméfaction postopératoires importantes. en le réconfortant. 411
21 ENDODONTIE
Cicatrisation
Pendent l’intervention chirurgicale, les tissus mous et les
tissus durs sont manipulés. Les tissus mous (le périoste, la
gencive, le ligament parodontal et la muqueuse alvéolaire) et
les tissus durs (la dentine, le cément et l’os) sont incisés, dis-
séqués et excisés.
Tissus mous
La cicatrisation des tissus mous implique la coagulation san-
guine, l’inflammation, l’épithélialisation, ainsi que la cicatrisa-
Fig. 21.26 A. Les sutures à points interrompus sont couramment tion du tissu conjonctif, auxquels s’ajoutent la maturation et le
utilisées pour maintenir les tissus mous du lambeau dans leur remodelage [38]. La coagulation sanguine et l’inflammation sont
localisation initiale. B. Les sutures sont enlevées 3 à 7 jours après des processus à la fois chimiques et cellulaires. Le mécanisme
l’intervention chirurgicale. de coagulation est important parce qu’il est fondé sur la conver-
sion du fibrinogène en fibrine. Sous une certaine pression, le
caillot se présente comme une couche fine. L’échec de forma
Les patients reçoivent les instructions suivantes. tion du caillot entraîne des fuites sanguines sur le site de la plaie.
1. Il est courant d’observer une tuméfaction ou une décolora- Les composants inflammatoires de la cicatrisation forment un
tion. Appliquer sans pression excessive un sac de glaçons réseau complexe d’éléments extrinsèques et intrinsèques [38].
sur votre visage pendant 20 minutes toutes les 5 minutes La cicatrisation épithéliale initiale consiste à former une
jusqu’à l’heure du coucher. Cela réduira l’œdème et dégon barrière constituée de couches de cellules épithéliales qui
flera la tuméfaction tout en vous anesthésiant. dépend de la capacité du tissu conjonctif sous-jacent de four-
2. Quelques suintements sanguins sont normaux. Si l’hémor- nir des nutriments. La couche épithéliale migre tout au long
ragie augmente, appliquer une gaze humide sur votre visage de la surface de fibrine jusqu’à être en contact avec les cellules
et presser avec le doigt pendant 15 minutes. Si le saigne épithéliales du bord opposé de la plaie, formant ainsi le pont
ment persiste, appeler votre praticien. épithélial.
3. Ne pas soulever votre lèvre ou votre joue pour regarder la Les composants du tissu conjonctif proviennent des fibro-
surface concernée. Les points de suture sont serrés et vous blastes qui résultent de la différenciation des cellules ecto-
pouvez les arracher. mésenchymateuses, et sont attirés sur le site de la plaie. Les
4. Dès demain, verser une cuiller à thé de sel dans un verre vaisseaux sanguins adjacents fournissent les nutriments aux
d’eau chaude et rincer votre bouche trois à quatre fois par fibroblastes et à leurs précurseurs pour fabriquer le collagène,
jour. Un bain de bouche avec de la chlorhexidine à 0,12 % initialement de type III, suivi du collagène de type I. Les
facilite la guérison. Éviter les bains de bouche contenant macrophages prennent une part importante dans le dérou-
de l’alcool dans les quelques jours suivant l’intervention. lement du processus. Quand la cicatrisation entre en phase
Le brossage soigneux est important, mais un brossage de maturation, l’inflammation et le nombre de fibroblastes
vigoureux peut endommager la région. Ce soir avant le cou diminuent en même temps que le collagène se désagrège et se
cher, brosser et nettoyer les surfaces interdentaires partout reforme pour former des fibres collagéniques selon un modèle
sauf sur le site de l’intervention. Demain soir, brosser soi- d’organisation mieux structuré [38–41].
gneusement le site de l’intervention.
5. L’ingestion de liquide et d’aliment appropriés est essen- Tissus durs
tielle après une intervention chirurgicale. Préférer une ali- Comme pour la cicatrisation, la réponse des tissus durs est
412 mentation molle et mastiquer sur l’arcade opposée à celle fondée sur la présence de cellules comme les fibroblastes,
Chirurgie endodontique 21
les ostéoblastes et les cémentoblastes qui produisent la subs- La localisation de la perforation est souvent le facteur
tance fondamentale et contribuent à la formation de la matrice limitant du succès du traitement chirurgical. Si la perforation
osseuse. Le dépôt de néocément par les cémentoblastes débute intéresse une des surfaces proximales de la dent à proximité
12 jours environ après l’intervention chirurgicale. Il arrive des dents adjacentes, le traitement est problématique parce
qu’une fine couche de cément recouvre de la dentine et même que l’accès au site de la lésion est délicat et peut entraîner le
certains matériaux d’obturation apicale (voir fig. 21.24). La risque d’endommager les dents adjacentes (fig. 21.27). C’est
dentine exposée agit comme une force inductrice de la forma- particulièrement vrai à propos de la face linguale des dents
tion du cément de la périphérie vers le centre de la dent. mandibulaires. En revanche, le traitement de la perforation à
La cicatrisation osseuse débute par la prolifération des la face vestibulaire est plus aisé.
cellules de l’endosteum à l’intérieur du coagulum du site
de la plaie. Après 12 à 14 jours, la trame trabéculaire et les
ostéocytes apparaissent, conduisant à la maturation précoce
de la matrice de collagène à 30 jours environ. Ce processus
se produit de l’intérieur vers l’extérieur et se termine par la
formation de l’os lamellaire mature [42–44], qui est visible radio-
graphiquement (voir fig. 21.5, C).
Une recherche émergente suggère que l’addition d’un
concentré de plaquettes autologues sur le site chirurgical
réduit la douleur postchirurgicale et le besoin de consommer
des analgésiques. Le concentré de plaquettes fournit des fac-
teurs de croissance dans la zone chirurgicale et pourrait accé-
lérer le processus de cicatrisation [45].
CHIRURGIE CORRECTRICE
Indications
Erreurs de procédure
Les erreurs les plus fréquentes sont les perforations radicu-
laires créées pendant la préparation de la cavité d’accès, celle
d’un canal ou bien pendant des interventions prothétiques
comme la préparation d’un logement de tenon radiculaire.
Ces perforations sont traitées par des actes de dentisterie res-
tauratrice et par le traitement endodontique. Celui-ci peut Fig. 21.27 Traitement d’une perforation. A. Un tenon décentré
être orthograde et la plupart des perforations sont réparées a perforé la racine et a causé une lésion osseuse. B. La perforation
avec l’agrégat minéral de trioxyde (MTA ; voir chapitre 19). interne et la perforation externe sont traitées avec du MTA.
Cependant, certaines perforations ne peuvent être traitées que C. Réparation complète de la lésion osseuse 3 ans après
par une intervention chirurgicale. le traitement. (Remerciements au Dr N. Chivian.) 413
21 ENDODONTIE
ou non un lambeau. Souvent, si la racine est impliquée dans les deux hémidents peuvent être restaurées en tant que deux
une maladie parodontale, l’extraction est possible sans prémolaires séparées (voir fig. 21.30).
lambeau (voir fig. 21.29). Si le plan de traitement prévoit
un remodelage osseux, il faudra récliner un lambeau avant Pronostic
de pratiquer la résection radiculaire. Un lambeau sulculaire Chaque cas est unique et le pronostic diffère selon la situation
sans incision verticale de décharge est souvent suffisant. En donnée. Le pronostic de la résection radiculaire est bon selon
cas de doute, un lambeau doit être récliné, ce qui facilitera certains auteurs et seulement assez bon pour d’autres [50]. Le
l’intervention. succès se définit par la rétention de la racine sans pathologie ;
La transformation de molaire en prémolaires consiste en il dépend des facteurs suivants :
une section verticale à travers la couronne jusqu’à la région j la sélection du cas ;
inter-radiculaire au moyen d’une fraise fissure. Le résultat j la section et la préparation de la dent sans dommage sup-
Fig. 21.29 Hémisection. A. La lésion carieuse et la perte osseuse dans la région inter-radiculaire ont compromis l’existence
de la racine distale. B. Après le traitement de canal, la couronne est divisée jusqu’à la bifurcation. D. Rappel à 20 mois après que
la dent a été restaurée avec une couronne scellée sur un onlay de reconstitution retenu par des tenons. L’alvéole de la racine
extraite est comblé par l’os.
Fig. 21.30 Transformation de molaire en prémolaires. A. La région inter-radiculaire est à proximité de lésions carieuses et
d’une perte osseuse évidente ; mais le support osseux des deux racines est adéquat. B. Traitement de canal et séparation au
moyen d’une fraise entre les deux racines et à travers la couronne. C. Restauration avec deux couronne céramométalliques
soudées jouant le rôle d’attelle pour les deux racines. D. Rappel à 30 mois montrant une bonne réponse gingivale sans poche
parodontale. Noter que l’espace biologique entre les deux racines est ouvert pour faciliter les manœuvres d’hygiène.
96,8 % [52]. Un suivi à long terme de ces cas qui a duré 5 à endodontique de 1996 à 2001. Sur l’ensemble de ces patients, 75
7 ans a montré un taux de 91,5 % de guérison [53]. Maddalone d’entre eux dont la cavité apicale avait été obturée avec le MTA
et Gagliani, qui ont suivi le résultat attendu de chirurgie péri- ont été identifiés pour participer à un programme de rappel.
radiculaire de dents traitées par la méthode de microchirurgie Vingt-cinq patients ont participé aux évaluations cliniques et
et les ultrasons pour préparer les cavités apicales, ont rapporté radiographiques. Vingt-cinq (93 %) des cas du programme de
un taux élevé de succès similaire [54]. rappel sont fonctionnels et asymptomatiques. Selon les résultats
Bien qu’il soit impossible d’affirmer si ce taux de succès de Sechrist, il semble que l’utilisation du MTA facilite la cica-
inhabituellement élevé dépend de la technique ou du matériau, trisation dans la majorité des cas de chirurgie endodontique.
l’impression clinique laisse entendre que les deux facteurs Dans une revue systématique récente, Setzer et al. [56] ont
contribuent au succès avec une prééminence de la technique. comparé les résultats des interventions chirurgicales tradition-
Sechrist [55] a dressé une revue sur les dossiers cliniques de nelles avec les techniques et les matériaux actuels de micro-
294 patients chez qui le MTA a été utilisé pendant le traitement chirurgie endodontique (par exemple la préparation apicale 417
21 ENDODONTIE
avec les ultrasons, puis l’obturation de la cavité apicale avec significativement plus faible en présence d’une lésion endo
des eugénates à prise rapide comme de l’intermediate restora- parodontale combinée.
tive material [IRM®] ou du Super EBA®, ou bien le MTA ; et
enfin sous éclairage de grande intensité et sous microscope
opératoire). Ces chercheurs ont relevé un taux de succès de SITUATIONS QUI INDIQUENT L’ORIENTATION
94 % avec la microchirurgie endodontique contre un taux de DU PATIENT VERS UN SPÉCIALISTE
succès de 59 % avec des techniques et des matériaux tradi-
tionnels. L’utilité de l’usage du microscope opératoire den- À l’exception de l’incision pour le drainage, les autres inter-
taire en microchirurgie endodontique, en particulier pour la ventions chirurgicales doivent être réalisées par des praticiens
chirurgie des molaires, a été aussi confirmée dans une revue plus spécialisés dans ce domaine. Bien que les interventions
systématique récente [57]. Une sélection soigneuse des cas décrites dans ce chapitre puissent apparaître simples, la chi-
est un élément clé pour prévoir le succès des interventions. rurgie endodontique exige de l’expérience et un apprentissage
418 Par exemple, la probabilité du succès de la cicatrisation est approfondi en plus d’une habileté chirurgicale considérable.
Chirurgie endodontique 21
Les problèmes relatifs à la norme des soins et aux poursuites proche des apex des molaires mandibulaires, des prémolaires
judiciaires dans notre société contemporaine, couplés avec et des racines palatines maxillaires prédispose le patient à la
l’existence de spécialistes expérimentés, signifient que le pra- paresthésie chirurgicale postopératoire ou à une hémorragie
ticien généraliste doit être très au fait de sa propre expertise et excessive. Le traitement des problèmes endodontiques dans
qu’il doit procéder à une évaluation précise de la difficulté du ces régions exige une évaluation préopératoire soigneuse et
cas clinique avant de tenter une intervention chirurgicale. Ces une habileté chirurgicale considérable. La présence d’un os
procédures sont souvent l’ultime espoir de maintenir la dent cortical épais et d’éminences osseuses à la mandibule et sur la
et elles requièrent un très haut niveau d’habileté et d’expertise voûte palatine, d’un frein et d’attaches musculaires, les fenes-
pour atteindre le succès. Le manque de formation peut non trations de l’os cortical et les cavités sinusiennes exigent une
seulement conduire à la perte de la dent, mais aussi endom- habileté chirurgicale considérable et une grande expérience
mager les structures adjacentes, créer une paresthésie par pour accéder vers la plupart des dents.
lésion d’un nerf, des perforations du sinus, des fenestrations Le caractère approprié du diagnostic, du plan de traitement,
des tissus mous et des complications postopératoires comme de l’évaluation du cas, du pronostic et de l’évaluation du
l’hémorragie et l’infection. suivi est très important. Le dentiste généraliste doit connaître
Dans de nombreuses situations, l’accès au site chirurgical ce domaine professionnel de pratique chirurgicale ; mais il
est limité et potentiellement dangereux. Les lésions chro- peut choisir d’adresser le patient à un endodontiste ou de
niques volumineuses peuvent atteindre les structures adja- lui demander des conseils. Le spécialiste est plus capable
centes et leur traitement requiert des techniques spéciales pour d’atteindre ces objectifs et d’évaluer les résultats attendus du
résoudre ces problèmes (fig. 21.31). Le paquet vasculonerveux traitement à court terme et à long terme [59].
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420
Évaluation des résultats
22
CHAPITRE
attendus du traitement
endodontique
Mahmoud Torabinejad, Shane N. White
PLAN DU CHAPITRE
OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE
Après avoir lu ce chapitre, l’étudiant devrait être capable de : 5. D’identifier les causes endodontiques
1. De décrire les signes du succès et de l’échec du traitement et non endodontiques de l’échec du traitement.
de canal. 6. D’énoncer les résultats attendus du retraitement, de la
2. De décrire la plupart des modalités courantes chirurgie endodontique et de la réimplantation intentionnelle.
pour conclure à un succès ou à un échec. 7. D’énoncer les résultats attendus des traitements de
3. D’énoncer l’éventail global des résultats attendus prothèse partielle fixée et de prothèse implantaire unitaire.
du traitement de canal de routine simple fondé 8. D’aborder la planification du traitement d’un échec
sur l’analyse des données du diagnostic. du traitement de canal en identifiant les avantages et les
4. D’énoncer les prédicteurs du succès et de l’échec. inconvénients des différentes modalités de traitement.
Q
uand un patient consulte pour une inflammation ou une traitement de canal a été réalisé ; cependant, en raison des
infection due à maladie ou à un traumatisme pulpaire, interactions complexes entre l’hôte et les pathogènes, des évé-
les objectifs fondamentaux du traitement de canal sont nements inattendus sont parfois observés, sans rapport avec
le maintien à long terme du plus haut niveau de confort, l’observance correcte ou incorrecte des protocoles.
de la fonction et de l’esthétique. Ces objectifs sont atteints en Les objectifs de ce chapitre sont : (1) de définir le concept
éliminant ou en réduisant significativement les populations de succès ou d’échec, (2) de décrire les méthodes d’évaluation
bactériennes et en évitant toute recontamination [1–3]. L’isolation des résultats attendus des traitements endodontiques, (3) de
du champ opératoire avec la digue de caoutchouc et l’asepsie prévoir les taux de succès, (4) d’expliquer les signes et les
fournissent un environnement hygiénique. L’élimination ou la symptômes des échecs, (5) de discuter les facteurs influençant
réduction significative des populations de bactéries pathogènes les résultats attendus des traitements endodontiques, et (6) de
ne sont possibles qu’au prix d’un nettoyage et d’une mise comparer les résultats attendus des traitements endodontiques
en forme méticuleux. De même, les bactéries ne pourront se non chirurgicaux avec ceux des retraitements, de la chirurgie
reloger dans la cavité pulpaire que si l’obturation est complète. endodontique et des traitements alternatifs comme le traite-
Enfin, les bactéries ne pourront contaminer de nouveau la cavité ment implantaire unitaire.
pulpaire que si les joints de la restauration sont étanches ; celle-
ci rétablit la réhabilitation esthétique et fonctionnelle.
La réussite des traitements est liée à l’atteinte de ces objec- DÉFINITIONS DES NOTIONS DE SUCCÈS
tifs techniques. Dans certains cas il est impossible d’éliminer ET D’ÉCHEC
complètement les bactéries habitant la cavité ; cela est dû
au caractère complexe de l’anatomie de cette cavité[4, 5], des Les patients, les tierces parties payeuses (assurances, mutuelles
méthodes d’instrumentation et d’obturation qui sont loin d’être etc.) et les dentistes, soit toutes les parties prenantes du sys-
parfaites, et au manque d’étanchéité des restaurations perma- tème de soins, évoquent des perspectives différentes concernant
nentes. Le respect des règles précises du protocole améliore leurs espoirs relatifs aux résultats attendus des traitements
significativement le pronostic des dents pour lesquelles un endodontiques [6]. En général, les patients sont satisfaits quand 421
22 ENDODONTIE
leurs dents sont confortables, fonctionnelles et agréables esthé- traitement a réussi ou échoué et que la situation ne changera
tiquement. Les compagnies d’assurances mesurent le succès pas, et donc que le programme de rappel deviendra inutile ?
par l’accès aux soins, la qualité des soins, le coût et la longévité L’image radiographique d’une lésion inchangée ou ayant
du traitement. Les dentistes sont généralement les plus concer- augmenté de taille après une année n’a probablement aucune
nés par une offre de soins de qualité, la guérison probable de chance de se résoudre ; par conséquent, le traitement peut
la maladie évaluée cliniquement et radiographiquement et une être considéré comme échoué. Si après 6 mois, la lésion, bien
prise en charge correcte. L’art dentaire réel se définit comme la qu’encore présente, est plus petite, cela signifie une probabilité
coordination et la liaison de ces perspectives et de ces attentes de guérison et un rappel supplémentaire sera planifié. Le temps
par les parties prenantes sans sacrifier la qualité des soins. de guérison est proportionnel au volume de la lésion périradicu-
Au fil des ans, de nombreux termes ont été utilisés pour laire. Malheureusement, il arrive qu’un succès apparent puisse
décrire les résultats attendus des traitements endodontiques. se transformer en un échec dans le temps (souvent suite à un
Parfois, les mêmes mots définissent différents concepts selon joint coronaire défectueux). Il se peut aussi que la guérison soit
les auteurs. Pour cette raison, il est important de comprendre très tardive. C’est pour ces raisons que l’évaluation endodon-
la définition des concepts utilisés. Les termes « succès » et tique doit être une partie de tout examen global du patient, et
« échec », aussi simples qu’ils soient, devraient être clairs pour comprendre l’histoire du patient, l’examen clinique et les radio-
tous. L’absence de symptômes cliniques et celle de lésions api- grammes des dents traitées dont l’image des canaux est entière.
cales sont les indicateurs principaux de la réussite du traitement
de canal radiculaire. Il est important de se souvenir que la paro- MÉTHODES D’ÉVALUATION DES RÉSULTATS
dontite apicale est fréquemment asymptomatique et ne peut ATTENDUS DU TRAITEMENT ENDODONTIQUE
souvent être démontré que par l’examen radiographique [7].
Quand une dent traitée abritait une pulpe vivante et ne Les instruments d’évaluation des résultats attendus du traitement
présentait aucune lésion apicale, le succès signifie que la dent endodontique les plus courants sont l’histoire du patient, les don-
reste asymptomatique et qu’aucune lésion apicale ne s’installe. nées de l’examen clinique et l’examen radiographique. L’éva-
L’apparition de nouveaux symptômes et d’une lésion apicale luation des résultats attendus du traitement endodontique suit la
serait le signe d’un échec de traitement si la dent traitée abri- même démarche diagnostique que celle qui précède le traitement
tait une pulpe vivante et ne présentait aucune lésion apicale. initial (voir chapitre 5). La biopsie des tissus péri-radiculaires
Si la dent traitée abritait une pulpe nécrosée, le traitement prélevée pendant une intervention de chirurgie apicale permet un
serait considéré réussi si la dent reste asymptomatique, si diagnostic histologique, autre méthode d’évaluation du succès ou
la lésion apicale préexistante cicatrise et si aucune nouvelle de l’échec du traitement de canal. Cette méthode n’est pas systé-
lésion apicale ne s’installe. La présence de symptômes ou matiquement utilisée et il n’est pas pratique de la mettre en œuvre
d’une nouvelle lésion qui s’étend dans une dent dont la pulpe pour évaluer les résultats attendus des traitements de canal.
est nécrosée signifie l’échec du traitement.
Histoire du patient
L’American Association of Endodontists a proposé les termes
Quand un patient évoque des symptômes persistants, voire
suivants en tant qu’alternative aux termes « succès » et « échec » :
j guérie : dents fonctionnelles, asymptomatiques sans image
aggravés des mois ou des années après un traitement de canal,
le clinicien peut diagnostiquer l’échec de ce traitement ou
radiographique ou avec une image réduite d’une pathologie
bien la continuité d’une maladie non traitée. Les symptômes
périradiculaire ;
j non guérie : dents non fonctionnelles, symptomatiques
liés à l’inconfort ou à la douleur provoquée, la douleur sponta-
née, etc. font généralement penser à une inflammation ou une
avec ou sans image radiographique d’une pathologie péri-
infection périradiculaire. Il faut se souvenir que la cicatrisa-
radiculaire ;
j guérison : dents avec une pathologie périradiculaire asymp-
tion osseuse prend beaucoup de temps et qu’une dent ressentie
« différente » à la morsure peut être en cours de cicatrisation ;
tomatique et fonctionnelle, ou dents avec ou sans image
cette hypothèse doit être étayée par l’examen clique et radio-
radiographique d’une pathologie périradiculaire sympto-
graphique. Quand un patient ressent une douleur au moment
matiques mais dont la fonction souhaitée n’est pas altérée ;
j fonctionnelle : une dent ou une racine traitée qui remplit ses
où il relâche la morsure, il convient de suspecter une fêlure
dentaire. Le ressenti d’un goût désagréable peut signifier le
objectifs souhaités dans la denture.
drainage d’un abcès. Parfois, un patient évoque une sensibilité
En raison de la trame osseuse périradiculaire, la guérison
au froid ou à la chaleur ; cela peut faire penser à un problème
peut être longue et irrégulière, et la détermination du succès
posé par une dent adjacente non traitée, mais aussi à un canal
ou de l’échec peut être difficile. De nombreuses dents asymp-
oublié dans la dent qui vient d’être traitée.
tomatiques dont les canaux sont traités présentent des degrés
variés de radioclarté. Le dentiste doit juger si ces dents sont Examen clinique
en cours de guérison ou d’échec, puis informer le patient et La persistance des signes et des symptômes est générale-
traiter correctement les dents. ment la manifestation d’une maladie ou d’un échec. En
revanche, l’absence de symptômes ne signifie pas nécessai-
QUAND FAUT-IL ÉVALUER ? rement le succès d’un traitement. Une pathologie péri-apicale
significativement asymptomatique est fréquente au niveau des
Le temps recommandé pour le suivi d’un traitement va de dents, que ce soit avant ou après le traitement de canal, et ce
6 mois à 5 ans [8–13]. Un intervalle de 6 mois est globalement jusqu’à ce que la guérison soit totale [7]. La corrélation entre la
jugé raisonnable pour programmer un rappel d’évaluation pour présence d’une pathologie et des symptômes correspondants
la plupart des patients. La question clé est : à quel moment peut- est très faible ; en revanche, quand des signes et des symp-
on estimer que le résultat d’un traitement ne changera pas ? En tômes non désirés sont évidents, il y a une forte probabilité
422 d’autres termes : à quel moment peut-on déterminer que le pour qu’une maladie soit présente [14]. Des signes (par exemple
Évaluation des résultats attendus du traitement endodontique 22
tuméfaction, poche parodontale, ou fistule) ou des symptômes Le succès radiographique illustre l’absence de radioclarté
persistants signifient habituellement un échec. apicale. Cela signifie qu’une lésion présente au moment du
En général, les critères cliniques du succès sont les suivants [14] : traitement s’est résolue ou que, s’il n’y avait pas de lésion au
j absence de tuméfaction ou d’autre signe d’infection et moment du traitement, aucune lésion ne s’est installée après.
d’inflammation ; En conclusion, le succès radiographique est prouvé par la dis-
j disparition de la fistule ou d’une poche parodontale étroite parition d’une radioclarté ou par son absence au bout d’une
au sondage ; année au minimum après le traitement (fig. 22.1).
j pas de destruction tissulaire ni de poche parodontale évi- L’échec radiographique est la persistance ou le développe-
dentes ; ment d’une radioclarté. Plus précisément, la radioclarté reste
j la dent a été restaurée et sa fonction est normale. identique, ou elle s’est élargie, ou encore une nouvelle radio-
clarté s’installe après le traitement (fig. 22.2). Les dents non
Données radiographiques fonctionnelles, symptomatiques avec ou sans lésions radio-
Les données radiographiques servent à classifier les résultats graphiques sont qualifiées d’échec du traitement.
de chaque traitement en tant que succès, échec ou état inconnu. L’état radiographiquement inconnu signifie l’incerti-
Les radiogrammes obtenus à des dates différentes doivent être tude. Cette classification comprend les dents fonctionnelles
reproductibles et la distorsion doit être minime pour que les présentant des radioclartés asymptomatiques. Ces radioclartés
comparaisons longitudinales puissent être validées dans le préexistantes au niveau de ces dents ne se sont pas réduites ou
temps. Le meilleur moyen d’assurer la reproductibilité des leur taille s’est agrandie. Les dents présentant des radioclartés,
images est d’utiliser les porte-films conçus pour la technique dont le traitement a été réalisé ailleurs que chez le praticien
des rayons parallèles (voir chapitre 12). Les dents multiradi- habituel et pour lesquelles le patient ne dispose d’aucun radio-
culées doivent être examinées avec des incidences directes, gramme pour établir une comparaison sont souvent classifiées
mais aussi en variant les angles de prise de vue. dans cette catégorie (fig. 22.3).
Fig. 22.1 Succès. A. Le radiogramme initial montre la présence de perte osseuse de la crête cervicale jusqu’autour
des apex de toutes les racines de la dent. Le sondage parodontal démontre que le sulcus gingival est intact. Aucune réponse
n’est enregistrée aux tests de vitalité pulpaire. B. Le traitement de canal est exécuté. C. Un radiogramme de rappel 2 ans après
le traitement montre la résolution de la radioclarté. 423
22 ENDODONTIE
Fig. 22.2 Échec. A. Le traitement de canal est apparemment adéquat. La dent a été restaurée plus tard avec un onlay de
reconstitution retenu par un tenon radiculaire et une couronne. B. Deux ans plus tard, le patient se plaint d’inconfort persistant.
La radioclarté périradiculaire illustre un échec, probablement dû à des fuites coronaires liées à un joint marginal défectueux (flèche).
Fig. 22.3 Échec. A. Une préparation inadéquate du canal, une obturation médiocre et des fuites coronaires ont toutes
contribué à cet échec. La dent peut être raisonnablement retraitée et restaurée de manière conventionnelle. B. Le patient
est rappelé un an plus tard après le retraitement. Une fistule existante a disparu et le patient ne mentionne aucun symptôme.
La radioclarté diminue de taille, mais elle n’a pas encore disparu. Un rappel supplémentaire est nécessaire dans la mesure
où le résultat attendu est incertain. (Remerciements au Dr A. Stabholz.)
Le fait que les radiogrammes ne soient pas corrects, ou d’angulation de prise de vue donne une image complètement
interprétés hors d’un cadre normatif constitue un défaut différente d’une lésion, qui peut être interprétée plus petite
de l’évaluation radiographique. En 1966, Bender et al. [14] ou plus volumineuse. Il arrive aussi que des observateurs
ont remarqué que l’interprétation radiographique est sou- différents soient en désaccord sur ce qu’ils observent sur un
424 vent sujette à des biais individuels et qu’un changement radiogramme et qu’un même observateur puisse contredire
Évaluation des résultats attendus du traitement endodontique 22
ses interprétations précédentes s’il doit revoir le même radio- après les traitements de canal mesurés avec le PAI peut prendre
gramme à différentes dates [15]. plusieurs années. Jusqu’à 4 à 5 ans après l’intervention chirur-
Il y a très longtemps, Larz Strindberg a mis au point une gicale, les cicatrisations lentes tendent à augmenter le nombre
échelle à trois niveaux fondée sur l’histoire des symptômes, d’échecs selon le PAI, bien qu’elles soient encore en cours.
l’examen clinique et les images radiographiques pour étudier les La tomographie volumique à faisceau conique (TVFC) peut
prédicteurs des résultats attendus du traitement endodontique servir en endodontie pour établir un diagnostic et évaluer la
[16]
. Ces critères extrêmement stricts étaient conçus pour prévoir cicatrisation. La TVFC peut révéler une pathologie qui n’a pas
les résultats futurs ; même l’image d’une lamina dura mal défi- pu être vue sur un radiogramme péri-apical [19]. Cependant,
nie justifiait la qualification d’échec. Plus tard, Ørstavik et al. [17] la cicatrisation doit être évaluée dans le temps en utilisant un
ont proposé un index péri-apical (periapical index [PAI]) sous cliché préopératoire de base comparable ; elle ne peut pas
la forme d’une échelle ordinale de cinq résultats pour conduire être évaluée sur une image instantanée ou par comparaison
des études épidémiologiques sur le traitement de canal radicu- avec des images dissemblables. Pour le moment, la résolution
laire. Le radiogramme d’un patient est comparé avec une série d’image de la TVFC est moins grande que celle des films péri-
de cinq images radiographiques normales allant du péri-apex apicaux et des images numériques, elle est plus onéreuse et
sain à la lésion péri-apicale de grande étendue [18]. Des résultats l’exposition aux radiations est supérieure.
sont attribués aux radiogrammes préopératoires et de rappel
selon leur ressemblance avec une des cinq images de références. Examen histologique
Le PAI permet de classer les traitements de canal comme « en L’évaluation histologique de routine des tissus péri-apicaux
cours de cicatrisation » si la taille de l’image de la lésion est après un traitement de canal est impraticable, voire impossible
réduite, « cicatrisée » si cette image a complètement disparu, ou sans intervention chirurgicale [20]. Si une dent traitée devait
« nouvelle » si une nouvelle lésion est formée. Le PAI est corrélé être évaluée histologiquement, le succès serait caractérisé par
avec l’histologie et la radio-opacité ; il est précis, reproductible la reconstitution de la structure tissulaire périradiculaire et
et discriminatoire. Cependant, la cicatrisation complète attendue l’absence d’inflammation (fig. 22.4).
Comme c’est le cas pour toutes les interventions médicales et Bridge trois éléments (pondérés) 78 (76-81) —
dentaires, la totalité des traitements de canaux ne sont pas cou-
4 à 6 ans
ronnés de succès. La détection et le traitement rapide des pro-
blèmes non résolus et l’absence de guérison sont cruciaux mais Implant dentaire (combinés) 97 (96-98) 97 (95-98)
difficiles et complexes. Historiquement, il était admis qu’en
utilisant des critères hautement discriminatoires comme ceux Implant dentaire (pondérés) 98 (97-99) 97 (95-98)
de Strindberg ou le PAI, le taux de succès pouvait varier de Traitement de canal (combinés) 93 (87-97) 94 (92-96)
80 % à 95 %. Cependant, ces pourcentages généraux doivent
être considérés avec prudence et chaque cas doit être évalué Traitement de canal (pondérés) 94 (92-96) 94 (91-96)
individuellement pour estimer sa propre probabilité de succès.
Torabinejad et al. [22] ont réalisé une revue systématique de la Bridge trois éléments (combinés) 82 (71-91) 93
documentation scientifique relative au succès et à l’échec des Bridge trois éléments (pondérés) 76 (74-79) —
traitements de canal non chirurgicaux et ont attribué un niveau
de preuve à chacune des études. Dans les 40 dernières années, 6 ans et plus
306 publications se sont intéressées aux résultats attendus du
Implant dentaire (combinés) 95 (93-96) 97 (95-99)
traitement de canal non chirurgical ; 51 études traitaient des
échantillons de 100 dents au minimum. Une méta-analyse de Implant dentaire (pondérés) 95 (93-97) 97 (96-98)
ces publications, se fondant sur l’examen radiographique, a
suggéré un taux de succès de 81 % sur une période de 5 ans. Traitement de canal (combinés) 84 (82-87) 92 (84-97)
D’autres publications ont rapporté des taux de guérison simi-
Traitement de canal (pondérés) 84 (81-87) 97 (97-97)
laires en évaluant les résultats attendus du traitement endo-
dontique initial pendant 4 à 6 ans [23]. Dans une méta-analyse Bridge trois éléments (combinés) 81 (74-86) 82
récente, Torabinejad et al. [24] ont comparé les résultats atten-
dus du traitement de canal avec ceux des implants dentaires Bridge trois éléments (pondérés) 80 (79-82) —
unitaires couronnés, des prothèses dentaires fixées et des déci-
sions de non-traitement après extraction. Les données rappor-
tent invariablement la supériorité des implants dentaires sur le similaires dans une revue systématique quand ils ont comparé
traitement endodontique qui, en retour, est supérieur au traite- les taux de survie des dents traitées endodontiquement restau-
ment par prothèse fixée (tableau 22.1). Cependant, les critères rées avec les implants dentaires couronnés [25]. Plusieurs études
de succès utilisés pour le traitement implantaire, l’endodontie à grande échelle ont toutes rapporté des taux de survie à long
et la prothèse sont très différents et tendent à invalider de terme extrêmement élevés des dents dont les canaux ont été
telles comparaisons. La comparaison des taux de survie est traités : Lazarski et al. [26], 94 % de survie fonctionnelle pour
beaucoup plus significative. 44 613 cas, 3,5 ans après le traitement aux États-Unis ; Salehrabi
et Rotstein [27], 97 % de survie pour 1,1 million de patients, 8 ans
après le traitement aux États-Unis ; et Chen et al. [28], 93 % de
TAUX DE SURVIE survie pour 1,5 million de dents, 5 8 ans après le traitement à
Les taux de survie à long terme des dents traitées endodonti- Taïwan. Les dents dont les canaux ont été traités présentent un
quement sont très élevés, à hauteur de 90 % [24–28]. Une revue taux de survie à long terme remarquablement élevé.
systématique récente de Torabinejad et al. a montré que le
traitement de canal et le traitement implantaire offrent un RÉSULTATS FONDÉS SUR LE PATIENT
taux de survie des dents très élevé (97 % plus de 6 ans après
le traitement), comparé aux 80 % des traitements par prothèse Les patients choisissent le traitement de canal parce qu’ils
dentaire fixée sous forme de bridge de trois à quatre éléments souhaitent être soulagés de leur douleur, conserver leurs dents
426 (voir tableau 22.1) [24]. Iqbal et Kim ont rapporté des résultats et préserver l’esthétique naturelle du sourire. L’appréhension
Évaluation des résultats attendus du traitement endodontique 22
et l’expérience de la douleur associée au traitement de dans le canal avant l’obturation [39] ; et les obturations trop courtes,
canal sont les sources principales de la peur des patients et trop longues, contenant des vacuités ou peu denses [40–44]. Des
d’inquiétude pour les dentistes. La douleur est anticipée, preuves scientifiques suggèrent que l’utilisation d’hydroxyde de
subie, inscrite dans la mémoire et partagée par les patients. calcium en tant que médicament inséré dans le canal pourrait
Une revue systématique récente a trouvé que l’intensité de la améliorer le pronostic [45–47]. La qualité du joint de la restauration
douleur associée avant le traitement de canal était modérée, coronaire joue un rôle important quant aux résultats attendus du
diminuait substantiellement pendant le jour suivant et conti- traitement de canal [48–50].
nuait de diminuer pour atteindre son niveau minimal en une La classe de dent, l’âge et le sexe du patient ainsi que la
semaine [29]. Cette même étude montre que la prévalence de la technique d’obturation ont peu d’influence, si ce n’est aucune,
douleur associée avant le traitement de canal est élevée, qu’elle sur le pronostic [51]. La plupart des problèmes médicaux sont
décroît modérément le jour suivant pour atteindre rapidement sans rapport significatif avec le pronostic [52]. Cependant, le
son plus bas niveau en 7 jours. Un supplément d’anesthésie taux de guérison du traitement de canal pour traiter des lésions
est souvent nécessaire pendant le traitement. En général, les apicales chez les patients souffrant d’un diabète insulinodé-
patients appréhendent moins la douleur pendant le déroule- pendant est significativement inférieur [53]. Il est intéressant
ment du traitement de canal que cela n’était supposé [30]. Des de constater que le diabète, l’hypertension et la maladie des
pourcentages élevés de patients acceptent volontiers d’autres artères coronaires sont associés à un risque accru d’extraction
traitements de canal si nécessaire [31]. Les taux de satisfaction après un traitement de canal [54]. Bien que ces données ne sem-
globaux des traitements de canal sont extrêmement élevés, blent pas évoquer un lien de causalité, le fardeau des mala-
généralement au-dessus du 90e percentile [32]. Le degré de dies systémiques affecte largement le bien-être du patient, la
satisfaction est plus élevé quand le traitement endodontique morbidité et son comportement. Il est manifeste qu’un patient
est exécuté par des spécialistes, probablement le reflet d’une souffrant d’une histoire médicale complexe, d’une maladie
communication efficace et d’une prise en charge efficiente. grave, ou d’un handicap peut présenter un haut degré de diffi-
Les coûts initiaux du traitement de canal et de la restauration culté dans sa prise en charge et des demandes exigeant un haut
sont substantiellement inférieurs pour le remplacement de niveau d’expérience et d’expertise. Néanmoins, les patients
la dent avec un implant couronné ou des prothèses dentaires souffrant de troubles sanguins, les patients sous radiothérapie
fixées [24, 33]. Bien que les études longitudinales aient démontré de la tête et du cou, ou ceux traités avec des bisphosphonates
des résultats à long terme excellents, les patients pâtissent du à haute dose peuvent bénéficier du traitement de canal qui
fait que les soins de santé communautaire ne suivent souvent évitera une extraction à haut risque ou d’autres interventions
pas les normes et les protocoles de soins décrits dans les textes chirurgicales.
de référence comme cet ouvrage [34, 35].
bactéries ; (4) des erreurs opératoires ; (5) une obturation au sondage sur une dent suspecte, une fracture verticale de la
défectueuse ; (6) l’absence de consolidation des cuspides racine devrait être envisagée (fig. 22.6).
des dents postérieures permettant une fracture radiculaire
verticale ; (7) l’élimination excessive de structure dentaire, Causes opératoires
prédisposant les dents à la fracture ; et (8) les restaurations De nombreux échecs sont dus à des erreurs opératoires (voir
coronaires provisoires et définitives mal adaptées dont les chapitre 19). Le nettoyage et la mise en forme chimioméca-
joints autorisent des fuites de toute nature. Ces facteurs peu- nique de la cavité pulpaire suivie de son obturation complète
vent être liés aux stades préopératoires, peropératoires et post- sont indispensables pour garantir le succès du traitement.
opératoires du traitement de canal. La préparation de la cavité d’accès fuselée pour faciliter
le nettoyage et la désinfection est souvent survolée. La géo-
Causes préopératoires métrie de la cavité d’accès est encore plus importante depuis
L’échec du traitement de canal provient souvent d’une erreur l’usage de plus en plus fréquent des instruments rotatifs en
diagnostique ; d’erreurs pendant la planification du traite- nickel-titane. Si la cavité d’accès est insuffisamment étendue,
ment ; d’une mauvaise sélection des cas (par exemple les den- certains canaux peuvent être oubliés et le traitement risque
tistes tentant un traitement dépassant leur expérience ou leur d’échouer. Si les cornes pulpaires ne sont pas ouvertes, le tissu
niveau d’habileté) ; et du traitement d’une dent dont le pronos- pulpaire, les bactéries, les débris et le ciment de scellement
tic était initialement déjà très réservé. Le diagnostic doit être peuvent être confinés dans la région coronaire de la cavité pul-
fondé sur toutes les informations disponibles : l’histoire du paire. De tels résidus alimentent souvent une infection persis-
patient, les signes et les symptômes ; une évaluation endodon- tante ou induisent une décoloration de la couronne.
tique globale présente (par exemple la palpation, la percus- Les cavités d’accès insuffisamment étendues limitent les
sion, le sondage, et les tests thermiques et électriques) ; enfin, manœuvres instrumentales, ce qui rend le nettoyage incom-
l’évaluation radiographique (voir chapitre 5). Le clinicien doit plet, entraîne une mise en forme aberrante et peut fracturer
évaluer tous ces facteurs et établir un diagnostic clair ; faute de les instruments. Les cavités d’accès trop étendues, avec une
quoi, il court le risque de prodiguer un traitement inapproprié perte excessive de dentine, fragilisent la dent, augmentent les
ou, pire, de traiter par erreur une dent qui ne présentait aucun risques de fracture et de perforation et rendent la restauration
problème. compliquée [61, 62].
Tout manquement pour utiliser de bonnes projections radio- L’échec du maintien de la courbure apicale du canal (qui
graphiques, y compris des vues multiples avec des angles survient parce que les limes abrasent la paroi externe de la
de prise de vue mésiodistaux, pour identifier les aberrations courbure apicale) induit un déplacement de l’axe du canal,
anatomiques variées de la cavité pulpaire, comme un canal une butée ou une perforation apicale. La morphologie du
supplémentaire (par exemple les deuxièmes canaux mésio- canal s’en trouve altérée, en laissant des débris potentielle-
vestibulaires des molaires maxillaires, distovestibulaires des ment infectés dans la cavité pulpaire et en rendant l’obtura-
molaires mandibulaires et les canaux linguaux des incisives tion plus difficile. Les limes en acier inoxydable peuvent être
mandibulaires), est souvent sanctionné par un échec même si précourbées. Des déviations marquées de l’axe des canaux
le diagnostic pulpaire et péri-apical était correctement établi ou des évasements excessifs ou encore des préparations exa-
(fig. 22.5). gérées au voisinage de la région inter-radiculaire et près de
Les fractures radiculaires sont souvent mal diagnostiquées l’apex entraînent des risques de perforation (voir fig. 16.15 et
ou bien elles échappent à la détection précoce. Les poches 19.8). La plupart de ces perforations peuvent être traités non
parodontales associées à une perte osseuse apparaissent à chirurgicalement avec l’agrégat minéral de trioxyde (MTA),
cause de l’infection d’une ancienne fracture s’étendant tout mais dans certains cas, elles nécessitent une intervention
au long de la couronne et de la racine de la fracture (voir de chirurgie endodontique (voir fig. 22.4) [63]. Les manques
chapitre 7) [16, 39–41]. Si une poche profonde isolée était détectée d’étanchéité et l’irritation mécanique qui sont susceptibles
Fig. 22.5 A. La disparition soudaine du canal dans la première prémolaire mandibulaire indique la présence d’une division
du canal ou de la racine. B. Un radiogramme postopératoire a révélé trois canaux et deux racines séparées dans cette dent.
428 (Remerciements au Dr Shawn Anderson.)
Évaluation des résultats attendus du traitement endodontique 22
Fig. 22.6 Les indicateurs d’une fracture verticale de la racine. A. Une radioclarté latérale en forme de goutte suspendue
ou de J est observée le long de la racine. B. Une poche parodontale étroite s’étend jusqu’à l’apex. C. Confirmation de la fracture
verticale après l’extraction de la dent.
d’être créés pendant ces interventions peuvent favoriser l’ins- trop courtes ou trop longues, les obturations sont associées à
tallation et le développement d’une lésion [64]. des échecs, en particulier en présence de nécroses pulpaires
Les conséquences d’une fracture instrumentale ou du blo- diagnostiquées avant le traitement, de bactéries et de lésions
cage d’une lime endodontique cassée et logée dans un canal apicales [74].
dépendent du stade de la préparation de celui-ci et de l’état
biologique de la pulpe avant le traitement (vivante ou nécro- Causes postopératoires
sée) (voir fig. 19.13 et 19.14) [65, 66]. Les résultats du traitement Il est regrettable de constater que la trop courte durée de la qua-
pourraient ne pas être modifiés si les objectifs biologiques de lité du joint est le problème le plus courant. Une restauration
l’élimination et l’exclusion des bactéries étaient atteints au permanente bien adaptée, offrant un joint de qualité excellente
moyen de la préparation chimiomécanique et de l’obturation, et durable, protège définitivement le scellement de la dent en
même si l’instrument ne pouvait pas être contourné ou extrait. empêchant l’entrée et la percolation apicale des bactéries et
L’instrumentation insuffisante au voisinage de la constric- des contaminants salivaires (fig. 22.7) [45, 50, 56–60, 74–78]. La cavité
tion apicale maintient la plus grande partie du canal infectée d’accès coronaire de la dent traitée endodontiquement doit
et est associée à des taux d’échec accrus [12, 44]. En confinant être complètement scellée pendant toute la vie de l’organe.
les manœuvres opératoires et les matériaux dans cet espace La restauration devrait être réalisée au moment de l’obtura-
du canal, le traitement des tissus péri-radiculaires est facilité tion ou immédiatement après, en isolant le champ opératoire
[40, 67]
. L’instrumentation excessive endommage certains tis- avec la digue de caoutchouc dans un environnement à l’abri
sus, provoque des hémorragies périradiculaires, induit une de la salive. Les restaurations temporaires et les boulettes de
inflammation transitoire ; quand elle est continue, elle induit coton doivent être totalement déposées avant la restauration.
une inflammation persistante responsable de la résorption des La gutta percha et le ciment de scellement doivent être élimi-
tissus osseux et dentaires [68]. L’instrumentation excessive peut nés du plancher de la cavité d’accès. Aucun espace vide ne
aussi transférer les micro-organismes du canal vers les tissus doit rester entre l’obturation et la restauration coronaire parce
péri-apicaux, et compromettre les résultats attendus du traite- qu’un tel espace offre un lieu de colonisation et de croissance
ment endodontique [69]. des bactéries.
Le dépassement de l’obturation peut faire échouer le traite- Des manœuvres de restauration compromettent aussi le
ment de canal. Dans beaucoup de cas, la gutta percha ne cause succès. Par exemple, l’usure de la dentine pendant la pré-
pas de lésion apicale parce qu’elle est relativement inerte. paration du logement de tenon fragilise les dents et accroît
L’échec vient plutôt d’une préparation et d’une obturation la susceptibilité à la fracture (fig. 22.8) [61]. Trop souvent, la
mécaniquement inadéquates. Le cône de gutta percha peut préparation de logement de tenon est la cause de perforations.
glisser à travers le foramen apical parce que l’arrêt géomé- Le recouvrement coronaire (une couronne ou un onlay) amé-
trique apical était inadéquat. À cela s’ajoutent les propriétés liore le pronostic de survie des dents postérieures en réduisant
irritantes et toxiques des ciments de scellement pour les tissus l’incidence des fractures radiculaires. Cependant, la prépara-
apicaux [20, 70, 71]. tion des dents antérieures traitées endodontiquement élimine
Les fautes d’obturation proviennent essentiellement d’une un volume conséquent de structure dentaire précieuse, ce
préparation médiocre de la cavité pulpaire et de mauvaises qui diminue la valeur du pronostic. Le blanchiment interne,
techniques d’obturation. Une obturation insuffisamment dense les restaurations par stratification en résine composite et les
(par exemple trop courte ou enfermant des vacuités) induit facettes de céramique sont préférables aux couronnes de
des fuites apicales et/ou coronaires [20, 72, 73]. Qu’elles soient recouvrement pour les dents antérieures. 429
22 ENDODONTIE
Fig. 22.7 A. La perte d’étanchéité a induit des symptômes cliniques et une lésion péri-apicale sur la canine maxillaire droite.
B. Une photographie clinique montre l’absence de restauration permanente et une lésion carieuse coronaire. C. Après le
retraitement du traitement endodontique antérieur et le scellement d’un tenon en fibre de carbone, la cavité d’accès coronaire
de la dent précédemment traitée a été obturée définitivement. (Remerciements au Dr D. Roland.)
Fig. 22.8 A. L’élargissement excessif d’un canal a fragilisé la racine. B. Le scellement d’un tenon fileté de grosse taille,
vraisemblablement combiné avec des forces de condensation antérieures excessives, s’est soldé par une fracture verticale
et une pathologie apicale et latérale. La dent a été extraite.
RÉSULTATS ATTENDUS DES TRAITEMENTS (3) l’extraction et le remplacement par un implant dentaire
DES ÉCHECS RÉSULTANT DES TRAITEMENTS unique, (4) l’extraction et le remplacement par une pro-
ENDODONTIQUES INITIAUX thèse dentaire fixée, (5) la réimplantation intentionnelle ou
l’autotransplantation, et (6) l’extraction sans remplacement.
Pendant des décennies, le but principal de la dentisterie était Il convient de se souvenir que la grande majorité des dents
la préservation de la denture naturelle. Auparavant, tous traitées par l’endodontie non chirurgicale initiale guérissent
les efforts étaient déployés pour sauver des dents avec des sans intervention thérapeutique supplémentaire et que les
maladies pulpaires et parodontales ou pour extraire les dents options discutées dans les paragraphes qui suivent illustrent
irrécupérables et les remplacer par des prothèses fixées ou des « filets de sécurité ».
amovibles. Les taux de succès et de survie élevés des implants
dentaires ont changé le paradigme de la planification du traite- Retraitement non chirurgical
ment. Les cliniciens sont régulièrement confrontés à des choix Une recherche minutieuse des publications scientifiques
difficiles après avoir constaté un échec du traitement de canal. concernant le succès et l’échec du retraitement non chirurgical
De nos jours, les options de traitement comprennent : (1) le a identifié 31 études cliniques publiées depuis 1970 [79]. Le
430 retraitement non chirurgical, (2) la chirurgie endodontique, taux de succès du retraitement non chirurgical varie entre
Évaluation des résultats attendus du traitement endodontique 22
Fig. 22.9 A. Le radiogramme péri-apical préopératoire montre une grande radioclarté autour de la racine mésiale et de la
racine distale de la première molaire mandibulaire dont le traitement de canal est inadéquat. B. Le retraitement non chirurgical
des canaux a été exécuté ; les canaux ont été obturés avec l’agrégat minéral de trioxyde (MTA) et restaurés définitivement.
C. Le radiogramme obtenu 4 ans plus tard montre la résolution complète de la lésion péri-apicale. (Remerciements au
Dr M. Pouresmail.)
40 % et 100 % [79]. L’étude prospective de Toronto révèle que des taux de succès élevés (fig. 22.10) (voir chapitre 21) [84–86].
le taux de « guérison » du retraitement endodontique s’élève Cependant, une étude systématique comparée récente sur le
à 81 % [80]. Récemment, Torabinejad et al. ont réalisé une retraitement non chirurgical et la chirurgie endodontique a
étude systématique comparée sur le retraitement non chirur- démontré la supériorité des résultats à long terme du retrai-
gical et la chirurgie endodontique en analysant les résultats tement [81]. Par conséquent, la chirurgie endodontique devrait
cliniques et radiographiques de chacune des procédures. Ils être réservée aux cas d’échec du retraitement en l’absence
ont trouvé que le taux de succès à court terme de la chirurgie de guérison ou parce que des raisons techniques empêchent
endodontique était le plus favorable ; malgré ces résultats, l’exécution du retraitement.
ils ont constaté que le taux de succès à long terme du retrai-
tement non chirurgical était encore plus favorable [81]. En se Implant dentaire unique
fondant sur ces résultats, il semble que le taux de succès de La dentisterie implantaire offre un remplacement de dent
la correction d’un échec par un retraitement non chirurgical fonctionnel, durable et esthétique. Cela affecte profondément
conventionnel (fig. 22.9) est très élevé, surtout en l’absence de la planification du traitement endodontique, du traitement
lésion péri-apicale et quand la cause de l’échec est identifiée parodontal et du traitement prothétique [87]. Les prothèses por-
et corrigée (voir chapitre 20) [82]. tées par des implants ont contribué à éviter des préparations
coronaires sur des piliers intacts (fig. 22.11) et ont permis des
Chirurgie endodontique restaurations de prothèse fixée de remplacement en l’absence
Des chercheurs de l’Université de Loma Linda ont analysé des de piliers dentaires acceptables [88, 89].
articles scientifiques relatifs au succès et à l’échec de la chirur- Les critères de succès des traitements implantaires ne sont
gie péri-apicale [83]. Les recherches électroniques et manuelles généralement pas directement comparables à ceux des autres
ont conclu à un faible niveau de preuve scientifique parce modalités de traitement ; par exemple, l’intégrité de la pro-
que la majorité des publications citant « succès et échec » thèse n’est généralement pas prise en compte, pas plus que
décrivaient des séries de cas cliniques. Des études de suivi à les complications exigeant des interventions chirurgicales ou
long terme récentes sur la chirurgie endodontique montrent prothétiques. Les taux de succès et de survie des implants 431
22 ENDODONTIE
dentaires uniques sont maintenant généralement très élevés. Prothèses dentaires fixées
Les taux moyens de succès et de survie (à plus de 6 ans après Traditionnellement, après l’extraction d’une dent irrécupé-
le traitement) des implants dentaires uniques, tels qu’ils ont rable, les dents adjacentes étaient préparées pour servir de
été relevés par la revue systématique, sont de 95 % et de 97 %, piliers pour retenir des prothèses fixées et retenir et stabiliser
respectivement (voir tableau 22.1). Cependant, la documenta- des prothèses amovibles. Ces dents devenaient sujettes à des
tion scientifique a rapporté un large éventail de taux de suc- maladies futures, comme les caries, et à des problèmes pul-
cès [90–101]. Néanmoins, il est manifeste que les taux de succès paires et parodontaux, sans compter les complications comme
et de survie des traitements endodontiques et des traitements la fracture d’une céramique ou d’une racine (fig. 22.12) [105].
implantaires sont substantiellement supérieurs à ceux des trai- Les taux de succès et de survie des prothèses dentaires fixées
tements de prothèses fixées (voir tableau 22.1). ont été relevés de 48 % à 95 %. Une méta-analyse de la
Plusieurs facteurs influencent le choix pour décider si une documentation scientifique a rapporté un taux de survie de
dent requiert un traitement endodontique ou si elle doit être 87 % sur 10 ans et de 69 % sur 15 ans des prothèses den-
extraite et remplacée par une prothèse portée par un implant. taires fixées [106]. D’autres chercheurs ont trouvé des résul-
Ces facteurs sont liés au patient, à la dent, au parodonte, au site, tats similaires [24, 107, 108]. La revue systématique comparée
et au type de traitement requis. La prise en compte de ces fac- définitive concernant l’endodontie, les implants dentaires et
teurs pendant la planification du traitement permet au praticien les prothèses dentaires fixées a rapporté un taux de succès
d’offrir un confort, une fonction, une longévité et une esthé- sur plus de 6 ans de 82 % seulement (voir tableau 22.1). La
tique au niveau le plus élevé possible à des patients souffrant de planification du traitement prothétique a significativement
maladies ou de traumatismes buccodentaires [102–104]. Il convient changé en vertu des avancées récentes relatives au taux de
de se souvenir que l’alternative artificielle à l’état naturel ne succès des implants dentaires [109]. Les prothèses supportées
doit être choisie que si elle est supérieure à l’état naturel ou par des implants sont de nos jours largement préférées aux
[24]
432 moins onéreuse que celle-ci . dents support de prothèses.
Évaluation des résultats attendus du traitement endodontique 22
Fig. 22.11 Une dent impossible à restaurer et décolorée (A et B) a été extraite (C), et un implant unique a été immédiatement
inséré.
Fig. 22.13 A. Un radiogramme péri-apical montre une deuxième molaire mandibulaire gauche impossible à restaurer. B. Après
le traitement de canal et une intervention chirurgicale endodontique utilisant le MTA en tant que matériau d’obturation apical sur
la troisième molaire du même côté, la deuxième molaire a été extraite et la troisième molaire a été autotransplantée dans son
alvéole. C. Un radiogramme 46 mois plus tard montre la cicatrisation complète des tissus péri-apicaux.
CRITÈRES DE DÉCISION D’EXTRACTION raisons les plus fréquentes pour extraire ces dents sont
DES DENTS AYANT FAIT L’OBJET les caries, la maladie parodontale, l’impossibilité de les
D’UN TRAITEMENT ENDODONTIQUE restaurer, l’échec prothétique et la fracture (28, 37, 54,
120, 121]. Pour ces raisons, il est crucial de tenir compte
Seule une très petite proportion de dents traitées endodon- des facteurs de risque pour tous ces problèmes pendant
tiquement sont extraites ; et quand elles sont extraites, très l’évaluation et la planification globale du traitement du
peu le sont pour des raisons endodontiques [28, 37, 54]. Les patient [102–104].
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436
Implant dentaire unique
23
CHAPITRE
Mohammad A. Sabeti, Mahmoud Torabinejad
PLAN DU CHAPITRE
OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE
Après avoir lu ce chapitre, l’étudiant devrait être capable : 6. De décrire les étapes du positionnement chirurgical d’un
1. D’indiquer l’histoire des implants dentaires uniques. implant dentaire unique sans avoir recours à un lambeau.
2. D’énoncer successivement les étapes du diagnostic et 7. D’identifier les régions non esthétiques pour des implants
du plan de traitement par implant unique. uniques.
3. De décrire la manœuvre d’extraction d’une dent avec un 8. De décrire les facteurs à prendre en compte concernant
traumatisme minimal et celle de la préparation du site les tissus durs et les tissus mous pour positionner
pour y insérer un implant dentaire. un implant unique dans des régions non esthétiques.
4. De décrire les régions esthétiques pour des implants 9. De décrire le tracé du lambeau et la fermeture de la plaie
uniques. pour positionner un implant unique des régions non
5. D’expliquer les situations qui se prêtent à la pose d’un esthétiques.
implant unique sans avoir recours à un lambeau. 10. De décrire les principes de l’entretien des implants uniques.
HISTOIRE DES IMPLANTS UNIQUES forme de panier creux a continué d’inspirer les conceptions
des fausses racines dentaires pendant les années 1990.
Dès leur origine, les hommes se sont efforcés de garder leurs Des années 1930 jusqu’aux années 1960, de nouveaux alliages
dents (fig. 23.1) et de les remplacer en cas de nécessité. Un métalliques ont été utilisés pour fabriquer des formes variées
sourire agréable a toujours été d’une importance psychosociale d’implants sous-périostés (fig. 23.2). D’autres types d’implants
considérable depuis la nuit des temps. Les implants en pierre, comprennent les lames endostées (fig. 23.3) et les implants trans-
en métal, en ivoire et à partir des coquillages marins sont cités mandibulaires ou basals (fig. 23.4). Ces approches étaient géné-
dans les documents archéologiques de Chine, d’Égypte et du ralement orientées vers des dents piliers de prothèses plurielles.
continent américain. Le succès n’était cependant pas toujours La plupart de ces implants étaient fabriqués en une seule pièce et
au rendez-vous. En 1685, Charles Allen [1] publia le premier n’étaient pas complètement submergés. Des formes variées de
ouvrage de dentisterie (The Operator for the Teeth), et suggéra racines endostées en une seule pièce qui prenaient la forme
que les dents des chiens, des babouins et des moutons soient uti- de tenon, de vis et de cylindre ont aussi été développées. Dans
lisées en tant qu’implants dentaires. Cependant, il a été reconnu les années 1930, Strock [7] utilisa le positionnement immédiat
que ces interventions pouvaient transmettre des maladies. d’un implant Vitallium supportant une couronne en porcelaine
La transplantation a aussi été décrite par Pare [2], Fauchard [3] unique. Il a publié une étude de cas qu’il a suivie pendant 15 ans
et Hunter [4], qui désinfectaient les dents avec l’eau bouillante. pour noter le rôle de l’occlusion et décrire l’environnement his-
L’autotransplantation a également sa place dans la dentisterie tologique. Adams [8] a décrit une procédure en deux étapes en
clinique contemporaine. En 1807, Maggiolo développa plaçant une vis avec une bague de cicatrisation.
un implant dentaire en or qui fut placé en une étape dans À la fin des années 1940, Formiggini [9] présenta un implant
l’alvéole de dent fraîchement extraite en le laissant cicatriser en tantale en forme de vis hélicoïdale. Cette géométrie a été
passivement à l’abri des charges occlusales ; mais il s’ensuit modifiée par Cherchève dans les années 1960 pour augmenter
de l’inflammation et de la douleur [5]. Au début du XXe siècle, la distance entre le pas de vis et la tête de l’implant (fig. 23.5) [10].
Greenfield [6] présenta des implants en forme de panier de fils Certains de ces spécimens endo-osseux commençaient à ressem-
de métal précieux entrelacés servant de support de prothèse bler aux implants ostéo-intégrés, modérément coniques, solides
dentaire complète et de couronnes dentaires prothétiques. Cette et cylindriques contemporains (fig. 23.6). Même si la conférence 437
23 ENDODONTIE
Fig. 23.1 Vue frontale d’une mandibule datant de 500 ans avant Fig. 23.2 Implant sous-périosté maxillaire avec quatre tenons
J.-C. découverte au Liban dans le site ancien de Sidon. Les dents destinés à retenir une prothèse plurielle. (Remerciements
antérieures mal soutenues par le parodonte ont été contenues avec à R. James.)
une attelle en fil d’or. (Remerciements à l’Archaeological Museum,
American University, Beyrouth, Liban.)
Fig. 23.8 A. Restauration implantaire au site de 11 illustrant l’équilibre et l’harmonie avec les tissus mous adjacents.
B. Radiogramme de l’implant au site de 11 montrant un excellent état osseux. (Source : Torabinejad M, Sabeti MA,
Goodacre CJ : Principles and practice of single implant and restoration, St Louis, 2014, Saunders.)
Fig. 23.9 Récession marginale autour de la restauration Fig. 23.10 Perte de la papille interproximale distale du site
implantaire au site de 11. (Source : Torabinejad M, Sabeti MA, implantaire de 11. (Source : Torabinejad M, Sabeti MA, Goodacre
Goodacre CJ : Principles and practice of single implant and CJ : Principles and practice of single implant and restoration,
restoration, St Louis, 2014, Saunders.) St Louis, 2014, Saunders.)
Les changements morphologiques de l’os alvéolaire et des tis- esthétiques et pour limiter les traumatismes de la papille inter-
sus mous ont été étudiés après l’extraction dentaire. L’extraction dentaire et de la gencive marginale. Le périotome se présente
d’une dent peut induire une perte d’os de 2 mm de moyenne. sous la forme d’une lame fine et plate, ce qui facilite la mobili-
Des études ont mis en évidence des comblements osseux sation de la dent en coupant l’attache gingivale et en la luxant
incomplets d’alvéole et la réduction de hauteur de l’os alvé depuis l’intérieur du sulcus. La méthode est la suivante. Insé-
olaire [17–19]. Si ces situations ne sont pas corrigées, cette perte rer le périotome dans l’espace ligamentaire parodontal tout au
osseuse tend à empêcher un positionnement idéal de l’implant long des surfaces radiculaires en exerçant une pression conti-
dentaire de remplacement. Par bonheur, cette déficience peut nue en direction apicale. Prolonger la pression avec ou sans
être surmontée par l’usage des membranes parodontales. maillet chirurgical jusqu’à ce que le périotome s’enfonce dans
le sulcus gingival à une profondeur suffisante pour initier la
Extraction peu traumatisante mobilité de la dent (fig. 23.11). Quand cela est possible, insé-
Pour extraire une dent, l’utilisation d’un périotome est pré- rer le périotome dans le sulcus interproximal ou lingual de la
férable à l’élévateur conventionnel qui est associé à des trau- dent pour éviter d’endommager la paroi alvéolaire vestibulaire
matismes des tissus osseux et des tissus mous. Cet instrument dans le but de maintenir l’intégrité de la paroi vestibulaire de
440 est indispensable pour les extractions dentaires dans les zones la mâchoire et le bord marginal de la gencive.
Implant dentaire unique 23
IMPLANTS UNIQUES DANS LA RÉGION
ESTHÉTIQUE
l’extraction ?
j Existe-t-il des lésions osseuses présentes dans cette région ?
ment de l’implant simultanément ou de procéder en deux étapes. apicale de la jonction amélocémentaire des deux dents adja-
Les implants uniques peuvent remplacer chacune des dents centes (fig. 23.13) ;
de l’arcade dentaire. Pour répondre au cahier des charges d’un j la plate-forme de l’implant doit être à 1 à 2 mm palatin par
implant unique, différentes régions de la cavité buccale ont rapport au profil des deux dents adjacentes (fig. 23.14) ;
été classifiées en deux grands groupes comprenant la région j la plate-forme de l’implant doit être positionnée dans l’os
esthétique (c’est-à-dire les incisives, les canines et les pré- à une distance acceptable de 1,5 mm des dents adjacentes
molaires au maxillaire) et la région non esthétique (c’est-à- (fig. 23.15).
dire les molaires maxillaires et les dents mandibulaires). Cela Dès que l’implant a été correctement positionné, combler
permet d’analyser séparément les caractéristiques de chacune l’espace vide entre l’implant et l’os vestibulaire avec de l’os
des régions. autogène [20] ou tout autre matériau osseux de comblement 441
23 ENDODONTIE
Fig. 23.13 Tracés des régions de confort et de danger dans Fig. 23.14 Tracés des régions de confort et de danger dans
le sens vertical. (Source : Torabinejad M, Sabeti MA, Goodacre CJ : le sens horizontal. La zone de confort est l’endroit correct pour
Principles and practice of single implant and restoration, St Louis, positionner la plate-forme de l’implant horizontalement ; les zones
2014, Saunders.) de danger sont à éviter pour positionner la plate-forme de l’implant.
de l’os jouent un rôle important pour préciser la localisation et appartiennent à la catégorie des implants courts dont le pro-
le positionnement de l’implant. nostic est moins favorable que les implants plus longs. Pour
En 1985, Zarb et Lekholm ont établi une classification de la ces raisons, une hauteur d’os de 8 à 14 mm et aucune structure
qualité et de la quantité d’os des mâchoires. L’échelle de clas- anatomique ne risquant d’être touchée offrent des conditions
sification de la qualité osseuse comprend quatre niveaux du idéales pour un traitement implantaire. Il doit être souligné
type I au type IV et celle de la quantité osseuse comprend cinq que la distance entre l’apex de l’implant et le plafond du canal
niveaux du type A au type E (fig. 23.18). D’un point de vue mandibulaire doit être de 2 mm au minimum. En revanche,
qualitatif, les os de type II et de type III sont les plus appro- un contact entre l’apex de l’implant et le plancher du sinus
priés pour le positionnement de l’implant. Les os de type I et maxillaire, voire la perforation de ce plancher, ne pose pas de
de type IV peuvent poser des problèmes de processus de régé- problème si la muqueuse sinusienne n’est pas rompue.
nération et d’ostéo-intégration. D’un point de vue quantitatif, La largeur de l’os est un paramètre crucial pour garantir
les os de type A et de type B sont idéaux ; mais des problèmes la longévité de l’implant dentaire. Des implants de 4 mm de
de plus en plus nombreux se poseront avec l’augmentation de diamètre exigent une largeur d’os de 6 mm ; si cette largeur
la résorption osseuse. est de 7 mm, le pronostic à long terme n’en est que plus favo-
Dans un premier temps, la hauteur de l’os est estimée sur rable. Des implants épais de 5 mm de diamètre exigent une
un cliché radiographique des régions de la mâchoire concer- largeur d’os de 7 à 8 mm. L’os vestibulaire à l’implant dont
née. La radiographie panoramique est la méthode la plus la largeur est inférieure à 1 mm indique son renforcement par la
couramment utilisée pour mesurer la hauteur de l’os. Cette technique de régénération osseuse guidée. C’est d’autant plus
hauteur est mesurée à partir de la crête édentée et de repères important dans la région antérieure du maxillaire qu’un os trop
anatomiques remarquables. Le sinus maxillaire et le canal fin peut se résorber ; par conséquent, une récession gingivale
mandibulaire limitent fortement la hauteur d’os. En général, le s’installera et découvrira le bord métallique de l’implant et
pronostic du traitement implantaire est d’autant plus favorable compromettra l’apparence esthétique du patient. Pour préve-
que la hauteur de l’implant est plus grande. Cependant, des nir de tels problèmes, toutes les interventions implantaires de
longueurs d’implant excédant 13 à 14 mm ne sont pas recom- la région antérieure doivent être complétées avec un comble-
mandées. Les implants dont la longueur est inférieure à 8 mm ment osseux.
A B
C D
Fig. 23.17 A. Vue radiographique de l’incisive centrale maxillaire gauche. B. Vue clinique de la même dent qu’en A. C. Après
444 avoir récliné un lambeau mucopériosté. D. Après extraction et préparation du site.
Implant dentaire unique 23
E F
G H
Fig. 23.17 (suite) E. Positionnement spatial correct de l’implant. F et G. Technique de régénération osseuse guidée avec des
particules osseuses et une membrane de collagène. H. Suture et enfouissement de l’implant. (Source : Torabinejad M, Sabeti MA,
Goodacre CJ : Principles and practice of single implant and restoration, St Louis, 2014, Saunders.)
Fig. 23.18 Les quatre types de qualité de l’os. (Source : Lekholm U, Zarb GA : Patient selection and preparation. In Brånemark PI,
Zarb GA, Albrektsson T, editors : Tissue integrated prostheses : osseointegration in clinical dentistry, Chicago, 1985, Quintessence.) 445
23 ENDODONTIE
Considérations sur les tissus mous était plus favorable avec une épaisseur de plus de 2 mm. Cepen-
Tout comme l’os, les tissus mous kératinisés entourant l’implant dant, certains auteurs pensent que le besoin de gencive attachée
sont des facteurs importants pour garantir la longévité de kératinisée est spécifique selon les patients [23]. Pour ces raisons,
l’implant et la prévention de la péri-implantite. Une recherche pendant la planification du traitement, il conviendra de mesurer
considérable s’est penchée sur cette question. Certaines la quantité de gencive attachée kératinisée. Si cette quantité est
études ont montré que les implants pouvaient durer, même en insuffisante, des mesures doivent être prises pour l’augmenter.
l’absence de gencive kératinisée, et ne présenter aucun pro- Si cette quantité est suffisante, des moyens doivent être mis en
blème. D’autres études, en revanche, insistent sur la néces- œuvre pour faire en sorte que la localisation de cette gencive
sité de la présence de la gencive kératinisée jugée favorable soit correcte autour de la gencive. Les techniques couramment
aux implants [22]. Par conséquent, pour prévenir d’éventuels utilisées pour fournir de la gencive attachée kératinisée autour
problèmes, la présence de gencive kératinisée est le moyen de l’implant sont le repositionnement apical d’un lambeau, la
logique d’offrir un environnement favorable pour positionner greffe de gencive libre et la greffe de tissu conjonctif enfouie.
un implant. Cet environnement peut être ménagé pendant ou
après le positionnement de l’implant. Les avantages associés Régénération osseuse guidée
à la présence de gencive kératinisée autour des implants sont pour le développement du site de l’implant
décrits dans l’encadré 23.1. La planification du traitement pour Une largeur ou une hauteur d’os insuffisante avant la thérapie
le positionnement des implants doit tenir compte de la présence implantaire peut être augmentée au moment du positionnement
de gencive attachée kératinisée dont l’importance est cruciale. de l’implant. Cette procédure peut impliquer de combler un
Cette gencive doit être reconstruite pendant le positionnement site d’extraction volumineux par de la greffe accompagnant le
de l’implant ou bien après, en cas d’absence de gencive kérati- positionnement implantaire immédiat, ou bien par de la greffe
nisée. Il a été empiriquement démontré que 2 mm au minimum pour compenser une déficience de crête osseuse horizontale ou
de gencive attachée kératinisée suffisaient, et que le pronostic verticale constatée pendant la pose de l’implant. Ces problèmes
peuvent être résolus en pratiquant une variété de méthodes fon-
dées sur le principe de la régénération osseuse guidée. Pour que
Encadré 23.1 Avantages de la gencive kératinisée l’augmentation de volume osseuse réussisse, les trois dimen-
autour des implants sions de l’espace du site receveur doivent être assez longues pour
que le processus de régénération prenne place et que la matrice
Certains avantages de la gencive kératinisée autour des implants
finale se minéralise. Cet espace peut être créé avec un treillis
sont les suivants.
j La gencive kératinisée stabilise la crête osseuse autour
rigide ou non rigide ou une membrane et un greffon osseux à
de l’implant. particules. Quand un implant est immédiatement positionné
j Le patient peut contrôler la plaque bactérienne plus dans le site d’extraction de la dent qui vient d’être extraite, il
aisément. existe souvent un espace vide entre la surface de l’implant et les
j Le risque de récession gingivale et d’altération des critères parois osseuses qui l’entourent. Ce vide peut être exploité pour
esthétiques diminue. rétablir une épaisseur adéquate de l’os vestibulaire dans le but
j Le praticien peut aisément prendre des empreintes.
d’éviter sa résorption et de garantir l’esthétique de l’implant [24].
j Les surfaces métalliques des implants ont probablement
Cela peut être accompli en insérant un greffon dans l’alvéole
plus de chance d’être invisibles quand l’épaisseur gingivale ou sur la surface de la paroi osseuse vestibulaire immédiate-
est augmentée.
ment avant l’insertion de l’implant (fig. 23.19). Le matériau du
Fig. 23.19 A. Insertion d’un greffon de particules d’os dans un site d’extraction frais, immédiatement avant le positionnement
de l’implant. B. Positionnement de l’implant après le placement du greffon. (Source : Torabinejad M, Sabeti MA, Goodacre CJ :
446 Principles and practice of single implant and restoration, St Louis, 2014, Saunders.)
Implant dentaire unique 23
greffon peut être alternativement inséré après le positionnement limite pas à confiner un greffon ; elle sert aussi de trame pour
de l’implant, malgré la difficulté rencontrée pour instrumenter régénérer les tissus mous environnants. Ces matériaux ont
et combler l’espace apical de la fausse racine pendant cette l’avantage de ne pas requérir de fermeture primaire de la plaie
séquence. et, par conséquent, de ne pas nécessiter de décharge tissulaire
Dès que le positionnement de la fausse racine et du greffon pour le repositionnement du lambeau (fig. 23.20). L’utili-
a été exécuté dans la localisation souhaitée, il conviendra de sation de membrane résorbable en polytétrafluoroéthylène
procéder au confinement des particules et à l’exclusion cel- (PTFE, ou Téflon®) peut être indiquée si la fermeture primaire
lulaire au moyen d’une membrane résorbable ou non résor- est impossible et que l’augmentation de tissu mou n’est pas
bable. Si une augmentation de gencive attachée est souhaitée, nécessaire ou souhaitée (fig. 23.21). Ce matériau peut être
un greffon de tissu conjonctif autogène ou allogène convient exposé pendant la cicatrisation sans pour autant améliorer
idéalement pour remplir ces fonctions. Cette greffe ne se significativement l’état des tissus mous [25].
Fig. 23.20 A. Positionnement immédiat d’un implant sur un site d’extraction frais. B. Greffon à particules d’os contre la face
vestibulaire de l’implant. C. Un greffon de tissu conjonctif autogène recouvre le site chirurgical et augmente les contours des
tissus mous. D. Résultat postopératoire montrant des tissus mous en abondance. E. Positionnement immédiat d’un implant
dans un site d’extraction frais avec un comblement de l’alvéole au moyen de greffe de particules d’os sur la face vestibulaire.
F. Un greffon de matrice dermique acellulaire recouvre le site chirurgical et augmente les contours des tissus mous. G. Résultat
postopératoire montrant des tissus mous en abondance. (Source : Torabinejad M, Sabeti MA, Goodacre CJ : Principles and
practice of single implant and restoration, St Louis, 2014, Saunders.) 447
23 ENDODONTIE
Tracé du lambeau
Quand la pose chirurgicale d’un implant exige un accès à
travers les tissus mous buccaux jusqu’à l’os sous-jacent, le
tracé de l’accès est non seulement important pour l’interven-
tion chirurgicale, mais aussi pour minimiser les complications
Fig. 23.22 Un treillis en titane utilisé pour augmenter le volume postopératoires relatives à la déhiscence ou à la rétraction du
de tissu dur dans les trois dimensions de l’espace. (Source : lambeau. En général, pour préparer l’ostéotomie, une incision
Torabinejad M, Sabeti MA, Goodacre CJ : Principles and practice of
au sommet de la crête ou légèrement linguale est appropriée.
single implant and restoration, St Louis, 2014, Saunders.)
Avant d’inciser, il convient d’estimer la qualité et la quantité
de gencive attachée. Plus celle-ci est dense, plus elle aide à
L’utilisation de membrane résorbable en collagène est indi- minimiser le traumatisme marginal de l’incision pendant
quée pour fermer la plaie si la gencive attachée est bien pré- la réflexion du lambeau. Cette densité améliorée facilite
sente au moment du positionnement de l’implant, et qu’une aussi la suture et réduit l’incidence du déchirement à la fin de
fermeture primaire est possible sur le site. Il arrive souvent l’intervention (voir fig. 23.24 et fig. 23.25).
que la qualité de l’os ne soit pas suffisamment acceptable pour L’incision initiale doit s’étendre sur toute l’épaisseur de la
initier le positionnement de l’implant. Dans de tels cas, la sta- gencive et du périoste pour atteindre la crête osseuse sous-
bilité de l’implant dans le site peut être assurée simultanément jacente. Cela offre une réflexion initiale du lambeau très nette
à la pose par comblement latéral et vertical. Pour compenser sur le site chirurgical. Un échec de l’incision au niveau de ces
les forces de compression du lambeau de recouvrement et deux couches entraîne des difficultés pour récliner le lambeau
des tissus, un dispositif rigide peut être utilisé pour protéger et augmente l’incidence des déchirements et des traumatismes
l’espace dans lequel le greffon va poursuivre sa maturation. marginaux du lambeau. Ces dommages vont finalement
Traditionnellement, le titane est le premier matériau consti- compliquer la fermeture définitive de la plaie à cause de
tuant un treillis rigide pour laisser de l’espace à la régénération troubles de l’irrigation sanguine dans cette zone essentielle, ce
osseuse guidée. Les avantages de ce matériau ont été prouvés ; qui peut induire une perte de stabilité tissulaire postopératoire.
ce sont : la biocompatibilité, la facilité de manipulation, la Si la papille interdentaire doit être réclinée, l’incision doit être
stabilité sur le site chirurgical et le réglage raisonnable des homogène à celle des autres tissus pour que l’épaisseur du
448 contraintes de la rigidité (fig. 23.22). Bien que le treillis de lambeau soit la même quand il sera récliné. Le maintien de
Implant dentaire unique 23
Fig. 23.23 A. Un tenon de fixation résorbable SonicWeld Rx®. B. Une membrane rigide résorbable SonicWeld RX®. C. La
membrane rigide résorbable est utilisée pour augmenter le volume de crête osseuse vestibulaire. D. Vue occlusale montrant
la création de l’espace obtenu avec la membrane rigide. E. Implant positionné avec la crête osseuse vestibulaire augmentée.
(Source : Torabinejad M, Sabeti MA, Goodacre CJ : Principles and practice of single implant and restoration, St Louis, 2014,
Saunders.)
l’intégrité de la papille pendant la réflexion du lambeau réduit devrait être réalisée en direction apicale pour autoriser l’accès
le risque de nécrose et renforce sa vitalité postopératoire (voir au site. Si l’augmentation n’était pas requise ou si une régu-
fig. 23.21 et 23.24). lation chirurgicale de crête osseuse devrait être réalisée, la
Une fois le lambeau de pleine épaisseur récliné, le praticien décharge périostée devrait être exécutée en direction coronaire
peut choisir d’inciser le périoste pour récliner un lambeau sus- dans la partie réclinée du lambeau pour maintenir l’irrigation
périosté plus mobile [27]. Si l’accès à la surface vestibulaire sanguine de l’os cortical et pour limiter le remodelage post-
pour régénérer le tissu dur était requis, cette décharge périostée opératoire. En conformité avec les principes de la chirurgie 449
23 ENDODONTIE
Fig. 23.24 A. Tracé de l’enveloppe du lambeau conçu pour minimiser les incisions de décharge verticales et pour augmenter
le volume de gencive attachée sur la crête endentée. B. Tracé alternatif de l’enveloppe du lambeau conçu pour minimiser les
incisions de décharge verticales et pour augmenter le volume de gencive attachée sur la crête endentée. (Source : Torabinejad M,
Sabeti MA, Goodacre CJ : Principles and practice of single implant and restoration, St Louis, 2014, Saunders.)
Fig. 23.26 Sondage délicat du sulcus périphérique de l’implant. Fig. 23.27 Irrigation du sulcus périphérique de l’implant
(Source : Torabinejad M, Sabeti MA, Goodacre CJ : Principles and avec de la povidone iodée à 10 %. (Source : Torabinejad M,
practice of single implant and restoration, St Louis, 2014, Saunders.) Sabeti MA, Goodacre CJ : Principles and practice of single
implant and restoration, St Louis, 2014, Saunders.)
racine ; cela requiert une attention soutenue, en particulier
quand il existe une divergence entre l’axe de la fausse racine et être accomplie avec les équipements de polissage avec la
celui du pilier porteur de la restauration. En général, une dou- poudre de bicarbonate de sodium ou de sels d’acide aminé
leur, un œdème ou une suppuration nécessite une évaluation glycine sous pression d’air [36]. À côté de l’assainissement
radiographique ; autrement, des examens de routine seront mécanique, un traitement antimicrobien local de complément
planifiés régulièrement au bout d’un petit nombre d’années. peut être administré, bien que la documentation scientifique
Après l’examen clinique et le recueil des données, l’état péri- ait démontré des limites ou des preuves contradictoires sur
implantaire est documenté. Ensuite, des actes de prophylaxie les résultats de cette thérapie [37–42]. Le sulcus péri-implantaire
professionnelle sont réalisés pour réduire ou éliminer la peut être irrigué avec un antiseptique à base de povidone iodée
plaque bactérienne et le tartre. à 10 % (fig. 23.27).
Les curettes et les détartreurs métalliques ne sont pas
recommandés pour assainir le pourtour des implants à cause Fréquence des rendez-vous pour l’entretien
du risque d’éraflure de la surface du titane. L’efficacité des des implants
détartreurs en matière plastique mis à la disposition des den- Un traitement d’entretien périodique est essentiel pour garantir
tistes est jugée discutable pour détacher les dépôts tartriques le succès à long terme des implants dentaires, mais la fréquence
volumineux ; les instruments en or, en titane, ou les pointes de des rappels de consultation est largement intuitive [43–45]. Les
carbone vitrifiées sont généralement plus efficaces. Les détar- intervalles de rappel sont fixés individuellement pour chaque
treurs ultrasoniques et piézoélectriques avec des embouts en patient, en général tous les 3 à 6 mois. Les facteurs devant être
matière plastique ou en carbone ont prouvé leur efficacité sans retenus pour fixer la fréquence des consultations d’entretien
endommager les surfaces de l’implant (voir fig. 23.26) [32–34]. comprennent l’histoire de la maladie parodontale ou de la
Les équipements de polissage sous pression d’air et les péri-implantite, l’efficacité du contrôle quotidien de la plaque
cupules de caoutchouc peuvent être utilisés pour éliminer bactérienne, la tabagie, le taux de la formation de tartre, la
la plaque bactérienne et lisser les colliers implantaires [35]. La profondeur du sondage péri-implantaire, l’hémorragie péri-
perturbation du biofilm dans le sulcus péri-implantaire peut implantaire au sondage et la suppuration [46–53].
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452
Blanchiment des dents
24
CHAPITRE
décolorées
Ilan Rotstein, Richard E. Walton
PLAN DU CHAPITRE
OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE
Après avoir lu ce chapitre, l’étudiant devrait être capable : 6. De décrire chaque étape de la technique de blanchiment
1. D’identifier les causes et la nature de la décoloration interne ambulatoire.
dentaire. 7. De décrire les indications et l’intervention de la technique
2. De décrire les moyens de prévention des décolorations de micro-abrasion.
coronaires. 8. D’expliquer comment les agents de blanchiment peuvent
3. De différencier les décolorations de la dentine et celles altérer la dentine.
de l’émail. 9. De choisir la méthode appropriée pour restaurer la cavité
4. D’évaluer le pronostic à court terme et à long terme d’accès après le blanchiment.
des traitements de blanchiment. 10. De reconnaître les effets indésirables potentiels
5. De choisir l’agent et la technique de blanchiment du blanchiment et d’indiquer les moyens
en fonction des causes de la décoloration. de les prévenir.
L
a décoloration des dents antérieures pose souvent un identifier la cause et la localisation de la décoloration), un plan
problème suffisamment important pour que le patient de traitement doit être dressé (blanchiment interne ou externe
soit conduit à demander des mesures correctives. avec la technique) et le pronostic doit être estimé (anticipa-
Malgré la possibilité de résoudre ce problème par des res- tion d’un succès à court terme et à long terme). Les patients
taurations prothétiques comme les couronnes et les facettes, doivent être informés de ces facteurs avant d’entreprendre
la décoloration peut souvent être corrigée par le blanchiment l’intervention ; toute décision de traiter une décoloration est
total ou partiel. tempérée par une explication qui précise que le blanchiment
Les procédures de blanchiment sont plus conservatrices est, dans une certaine mesure, imprévisible ; l’amélioration
que les méthodes de restauration ; elles sont relativement plus peut être spectaculaire comme elle peut être décevante.
simples à réaliser et elles sont moins onéreuses. Le blanchi- Cependant, le blanchiment vaut la peine d’être essayé parce
ment peut être interne (à l’intérieur de la chambre pulpaire) que, si la technique est correcte et soigneuse, ce traitement ne
ou externe (sur la surface de l’émail) ; il met en œuvre des crée pas de dommage irréversible aussi bien sur la couronne
approches variées [1]. Les objectifs du traitement sont la réduc- que sur la racine.
tion ou l’élimination de la décoloration, l’augmentation du Ce chapitre dresse un panorama de la décoloration de la
degré de translucidité de la couronne et le soulagement pré- dent, de sa prévention et de sa correction. Les causes et le
sent ou futur des signes cliniques et des symptômes [2]. traitement de la décoloration sont analysés sur le plan de (1)
Pour bien comprendre les techniques de blanchiment, il est la localisation de la décoloration, (2) de la méthode de cor-
important de connaître les causes de la décoloration, la loca- rection, et (3) du pronostic à court terme et à long terme du
lisation de l’agent décolorant, et les modalités de traitement succès du blanchiment. L’analyse portera sur les aspects de
disponibles. Il est aussi important d’être capable de prédire la décoloration et les interventions de blanchiment suivants :
les résultats attendus du traitement (c’est-à-dire les chances de j les causes et la localisation de la décoloration ;
réussir le traitement des décolorations variées et la durée des j les agents de blanchiments couramment utilisés ;
résultats du traitement). Pour ces raisons, avant de tenter de j les techniques de blanchiment interne (habituellement
corriger une décoloration, un diagnostic doit être établi (pour conjointes avec ou après le traitement de canal) ; 453
24 ENDODONTIE
Hémorragie intrapulpaire
L’hémorragie intrapulpaire est généralement associée à un
choc traumatique sur une dent provoquant des perturbations
des vaisseaux sanguins dans la couronne, une hémorragie et
une lyse des érythrocytes. Une théorie veut que certains pro-
duits dérivés de la désintégration sanguine, probablement les
sulfures ferreux, imprègnent les canalicules pour colorer la Fig. 24.1 A. Décoloration provoquée par une lésion traumatique
dentine intercanaliculaire. La décoloration tend à augmenter suivie d’une nécrose de la pulpe. B. Suite au traitement de canal,
avec le temps. une pâte de perborate de sodium mélangée et de la consistance du
Si la pulpe se nécrose, la décoloration se maintient. Si la sable mouillé avec de l’eau a été insérée dans la chambre pulpaire.
pulpe survit, la décoloration peut se résoudre et la dent peut Après 21 jours de blanchiment ambulatoire, la dent a retrouvé sa
retrouver sa teinte originelle. Quelquefois, en particulier chez teinte originelle. (Remerciements au Dr A. Claisse.)
les jeunes individus, la dent reste décolorée même si la pulpe
répond aux tests de vitalité.
Le blanchiment interne de la décoloration provoquée par apparence « plate » des couronnes qui deviennent translucides
une hémorragie est généralement d’un bon pronostic à court et prennent une couleur jaunâtre ou jaune brunâtre (fig. 24.2).
terme et à long terme [3, 4]. Habituellement, la pulpe reste vivante et le traitement de canal
est contre-indiqué.
Métamorphose calcique Si le patient désire corriger la décoloration, un blanchiment
La métamorphose calcique est une formation extensive de externe de première intention doit être tenté. En cas d’échec,
dentine tertiaire (secondaire irrégulière) dans la chambre pul- le traitement de canal doit être exécuté (quelquefois avec dif-
paire et sur les parois des canaux. En général, ce phénomène ficulté), suivi d’une intervention de blanchiment interne, que
suit un épisode traumatique qui n’a pas provoqué de nécrose la pulpe soit vivante ou nécrosée. Le pronostic esthétique d’un
pulpaire. C’est plutôt la conséquence d’une perturbation de tel blanchiment est incertain.
l’irrigation sanguine avec une destruction partielle des odon-
toblastes. Ces cellules sont en général remplacées par des Âge
cellules qui produisent rapidement une dentine irrégulière sur Chez les patients âgés, les changements de couleur de la
454 les parois de la totalité de la cavité pulpaire. Il en résulte une couronne sont physiologiques dans la mesure où ils résultent
Blanchiment des dents décolorées 24
externe parce que la décoloration atteint principalement la
surface de l’émail. Le succès varie selon les facteurs qui cau-
sent la décoloration.
Troubles du développement
Les décolorations proviennent aussi des troubles du dévelop-
pement ou des substances incorporées dans l’émail ou dans la
dentine pendant la formation de la dent.
Fluorose endémique
L’ingestion d’une quantité excessive de fluorures pendant
la formation dentaire entraîne des défauts de minéralisation
structurelle, en particulier au sein de la matrice de l’émail,
ce qui peut se traduire par de l’hypoplasie. La sévérité et le
degré de coloration dépendent généralement de l’hypoplasie,
qui dépend pour sa part de l’âge du patient et de la quantité
de fluorures ingérés pendant l’odontogenèse [5]. Les dents ne
se décolorent pas pendant l’éruption, mais elles peuvent appa-
raître crayeuses. Leur surface est cependant poreuse, ce qui
permet l’absorption graduelle des colorants chimiques de la
cavité buccale.
Le blanchiment de ces dents est externe parce qu’il exploite
cette porosité de l’émail. Le succès esthétique dépend princi-
palement du degré et de la durée de la décoloration. Celle-ci
peut tendre à régresser ou réapparaître après le traitement ;
mais cela peut être de nouveau corrigé.
Médicaments systémiques
L’administration ou l’ingestion de certains médicaments ou de
substances chimiques (non identifiés pour la plus grande part)
pendant la formation dentaire peut provoquer une décolora-
tion parfois sévère [6].
La décoloration de ce type la plus fréquente et la plus spec-
taculaire s’installe après ingestion de la tétracycline, généra-
lement chez les enfants. La décoloration est bilatérale ; elle
affecte plusieurs dents appartenant aux deux arcades. Elle
varie du jaune en passant par le brun jusqu’au gris, selon la
quantité, la fréquence de consommation et le type de tétra-
cycline ainsi que l’âge (stade de développement) du patient
pendant l’administration de ce médicament.
La décoloration à la tétracycline est classée en trois groupe
selon son importance [7]. Le premier degré de décoloration est
jaune clair, brun clair ou gris clair ; il se produit uniformément
sur toute la couronne sans irisation striée. Le deuxième degré
est plus intense et aussi sans irisation striée. Le troisième
degré est très intense, et la couronne présente des bandes iri-
sées. Ce type de décoloration prédomine généralement dans
la région cervicale.
La tétracycline se lie au calcium, pour être ensuite incor-
Fig. 24.2 Métamorphose calcique. Un choc traumatique a porée dans les cristaux d’hydroxyapatite de l’émail et de la
créé des dommages pulpaires irréversibles (A) avec la formation dentine. La plus grande partie de la tétracycline est cependant
extensive de dentine tertiaire (B). Ces dents peuvent présenter des
retrouvée dans la dentine. Une exposition chronique au soleil
difficultés pendant le traitement de canal et le blanchiment interne.
des dents imprégnées de ce médicament provoque la forma-
tion de produits dérivés d’oxydation de couleur rougeâtre,
d’une apposition extensive de la dentine et d’un émail plus fin colorant davantage encore les dents permanentes.
aux caractères optiques modifiés. La nourriture et les boissons Un phénomène de décoloration à la tétracycline a aussi été
ont aussi un effet décolorant cumulatif à cause des fêlures et rapporté chez l’adulte [8]. Ce type de décoloration se produit
autres modifications inévitables de la surface de l’émail et de parfois sur les dents permanentes matures chez des patients
la dentine sous-jacente. En outre, la dégradation des restaura- suivant un traitement à la minocycline à long terme pour trai-
tions anciennes entraîne des décolorations supplémentaires. Il ter une acné kystique. La décoloration est progressive parce
existe une demande croissante de traitement de blanchiment que la minocycline s’incorpore pendant la formation continue
parmi les patients âgés. Le blanchiment est habituellement de la dentine [5]. En général, la coloration n’est pas sévère. 455
24 ENDODONTIE
Le blanchiment des dents décolorées par la tétracycline suit brunes, ou vertes. L’amélogenèse imparfaite peut se traduire
deux approches. La première implique le blanchiment de la par des décolorations jaunâtres et brunâtres. La dentinogenèse
surface externe de l’émail ; elle est limitée à une décoloration imparfaite peut induire une décoloration brun violet, jaunâtre
jaunâtre légère et elle demande plusieurs séances pour obtenir ou grise. Il est quasi impossible de traiter ces décolorations
un résultat satisfaisant [9]. La deuxième comprend le traite- avec le blanchiment ; il faudrait pour cela recourir à des traite-
ment de canal suivi du blanchiment interne. C’est une inter- ments restaurateurs très peu mutilants.
vention d’un bon pronostic qui est utile pour tous les degrés de Il existe d’autres facteurs colorants relatifs à des maladies
sévérité de la décoloration ; elle a prouvé son efficacité à court systémiques ou à la consommation de médicaments ; ils sont
terme et à long terme [10]. plus rares et plus difficiles à identifier.
Médicaments intracanaux
Plusieurs médicaments sont susceptibles d’entraîner une
décoloration interne de la dentine [16, 17]. Les médications à
base de phénol et d’iode insérés dans les canaux radiculaires
sont en contact direct avec la dentine ; elles le sont quelque-
fois pendant de longues périodes et, pour cette raison, elles
peuvent pénétrer dans les canalicules dentinaires et s’oxyder.
Ces composants tendent à décolorer progressivement la den-
tine. Heureusement, la plupart de ces décolorations ne sont
pas marquées et sont rapidement et de manière permanente
corrigées par le blanchiment. Les colorations induites par
l’iodoforme tendent à être plus importantes.
Restaurations coronaires
Les restaurations coronaires sont généralement métalliques
ou résineuses. Les causes de décoloration (et leur correction
spécifique) sont très différentes.
Restaurations métalliques
L’amalgame est le principal responsable de la décoloration
parce que ses composants métalliques noirs peuvent rendre la
dentine de couleur gris noir. Quand il est utilisé pour combler
la cavité d’accès, l’amalgame décolore la couronne assez
souvent (fig. 24.6). Ce type de décoloration est difficile à trai-
ter par blanchiment et la récidive est possible avec le temps.
Cependant, il est utile d’essayer de traiter en vue d’une éven-
tuelle amélioration qui peut satisfaire le patient.
Les dents antérieures peuvent quelquefois être décolorées
à la suite du scellement inapproprié d’un tenon dentinaire
métallique ou de tenons radiculaires préfabriqués ; ceux-ci
sont visibles à travers les composites et la structure dentaire.
La structure dentaire translucide transmet parfois la couleur 457
24 ENDODONTIE
Fig. 24.5 Blanchiment ambulatoire. A. Coloration interne de la dentine causée par des résidus de matériaux d’obturation
(MO) dans la chambre pulpaire et par des matériaux et des débris tissulaires dans les cornes pulpaires (CP). B. La restauration
coronaire est complètement déposée, la cavité d’accès est améliorée, et la gutta percha est réduite en direction apicale
jusqu’au-dessous du collet anatomique. Par la suite, les cornes pulpaires sont nettoyées avec une fraise boule. (Éroder une
fine couche de dentine sur la paroi vestibulaire est facultatif et peut être tenté pendant les séances suivantes si la décoloration
persiste.) C. Un ciment intermédiaire facultatif (C) est placé sur la gutta percha, sans s’étendre au-dessus du collet anatomique.
Après l’élimination des résidus de ciments de scellement et des autres matériaux avec des solvants, une pâte (P) composée
de perborate de sodium et d’eau (consistance de sable humide) est insérée. Le bord incisif est protégé pour retenir la
restauration temporaire. D. Un pansement d’oxyde de zinc-eugénol de consistance épaisse (Z) scelle la cavité d’accès.
E. Pendant la séance suivante, quand la teinte souhaitée est obtenue, la dent est restaurée définitivement. Une autre méthode
consiste à obturer la chambre avec un ciment temporaire à prise rapide (PR), ou avec un ciment aux polycarboxilates ou au
phosphate de zinc. Une restauration en résine composite collée (C) obture la cavité d’accès linguale et s’étend dans la corne
pulpaire pour renforcer le bord incisif. (Source : Walton RE : Bleaching procedures for teeth with vital and nonvital pulps. In Levine
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de la restauration à l’amalgame à la couronne qui se décolore. chimiques qui eux-mêmes créent des espaces entre la res-
Le remplacement des anciennes restaurations métalliques par tauration et la structure dentaire et colorent la dentine sous-
des composites esthétiques suffit pour restaurer la couleur jacente. De plus, les composites se décolorent avec le temps
originelle de la couronne. et altèrent la teinte de la couronne. Ces altérations peuvent
être corrigées en remplaçant les composites anciens avec une
Restaurations composites nouvelle restauration esthétique dont les joints sont de qualité.
Les joints des composites peuvent provoquer des décolora- Dans bien des cas, un blanchiment interne préalable peut don-
458 tions. Des bords ouverts permettent la pénétration des agents ner de bons résultats.
Blanchiment des dents décolorées 24
Fig. 24.6 A. Décoloration d’une incisive ayant bénéficié d’un traitement endodontique. B. La présence d’une pointe d’argent
dans le canal, l’élimination incomplète du tissu pulpaire et l’obturation de la cavité d’accès à l’amalgame semblent les causes
de la décoloration. C. Dépose de l’amalgame et finition de la cavité d’accès. La pointe d’argent a été extraite et un retraitement
endodontique a été exécuté. D. L’esthétique a été rétablie par un blanchiment interne et en restaurant la dent avec une nouvelle
résine composite.
la lumière. En outre, ce sont des substances chimiques caus- D’autres agents de blanchiment non peroxydés ont été
tiques brûlant les tissus biologiques à leur contact. proposés en usage clinique ; cependant, ils se révèlent moins
Bien que le peroxyde d’hydrogène à 30 à 35 % blan- efficaces que les agents traditionnels [29, 30].
chisse rapidement, les autres solutions chimiques libérant du
peroxyde à des niveaux nettement inférieurs offrent un blan-
chiment efficace moyennant des périodes d’application plus TECHNIQUES DE BLANCHIMENT INTERNE
longues [18]. (PULPE NON VIVANTE)
Perborate de sodium Les méthodes les plus couramment utilisées pour blanchir les
Le perborate de sodium se présente sous la forme de poudre dents conjointement au traitement de canal se fondent sur la tech-
ou de combinaisons commerciales variées. À l’état frais, la nique thermocatalytique et le blanchiment ambulatoire [19, 28].
concentration de perborate est de 95 %, correspondant à 9,9 % Bien que différentes, ces techniques donnent des résultats
d’oxygène disponible. Le perborate de sodium est stable similaires [3, 4, 19]. Le blanchiment ambulatoire (décrit plus
quand il est sec, mais en présence d’acide, d’air chaud ou loin dans ce chapitre) est préféré parce qu’il demande moins
d’eau, il se décompose pour former du métaborate de sodium, de séances au fauteuil et qu’il est sans danger pour le patient.
du peroxyde d’hydrogène et de l’oxygène naissant [19]. Les Quelle que soit la technique, l’agent actif est un oxydant qui
préparations variées de perborate de sodium comme le mono- se présente sous des formes chimiques différentes ; il est pré-
hydrate, le tri-hydrate et le tétra-hydrate mises sur le marché férable d’utiliser la moins puissante.
diffèrent selon leur contenu en oxygène ; cela détermine leur Le blanchiment interne est indiqué pour (1) les décolora-
efficacité de blanchiment [20]. Les préparations de perborate tions provenant de la chambre pulpaire, (2) les décolorations
de sodium communément utilisées sont alcalines ; leur pH de la dentine, et (3) les décolorations non traitables par blan-
dépend de la quantité de peroxyde d’hydrogène libéré et de la chiment externe. Il est contre-indiqué pour (1) les décolora-
quantité de métaborate de sodium résiduel [21]. tions superficielles de l’émail, (2) les anomalies de formation
Le perborate de sodium est plus facilement contrôlé et moins de l’émail, (3) la perte sévère de dentine, (4) la présence de
dangereux que les solutions concentrées de peroxyde d’hydro- caries, et (5) les colorations marginales des composites (sauf
gène [3, 4, 19, 22, 23]. C’est pourquoi, dans la plupart des cas, il s’ils sont remplacés après un blanchiment).
devrait être le matériau de choix pour le blanchiment interne.
Technique thermocatalytique
Peroxyde de carbamide La technique thermocatalytique consiste à placer un agent
Le peroxyde de carbamide, aussi connu en tant que peroxyde oxydant dans la chambre pulpaire et à le chauffer par des
d’urée hydrogéné, est généralement disponible à des concen- lampes chauffantes, des instruments chauffés à la flamme ou
trations variant de 3 à 15 %. Les préparations commerciales au moyen d’équipements chauffants fabriqués spécialement
les plus communes contiennent 10 % environ de peroxyde de pour le blanchiment des dents [31].
carbamide et leur pH moyen est compris entre 5 et 6,5. Elles La technique thermocatalytique peut potentiellement
comprennent généralement de la glycérine ou du propylène- endommager les dents ; la combinaison de l’oxydant et de la
glycol, du stannate de sodium, de l’acide phosphorique ou chaleur peut irriter le cément et le ligament parodontal, ce qui
de l’acide citrique, et des agents de sapidité. Dans certaines rend possible l’installation de résorption externe de la région
préparations, un polymère de Carbopol® soluble dans l’eau cervicale [32–34]. Pour ces raisons, il n’est pas conseillé d’appli-
est ajouté pour prolonger la libération de peroxyde actif et quer de la chaleur pendant le blanchiment interne. De plus, la
améliorer sa durée de vie. Dix pour cent de peroxyde de car- technique thermocatalytique ne se révèle pas efficace à long
bamide libèrent de l’urée, de l’ammoniaque, du dioxyde de terme par comparaison avec les autres méthodes ; elle n’est
carbone et environ 3,5 % de peroxyde d’hydrogène. pas recommandée pour le blanchiment interne de routine.
Le peroxyde de carbamide et les systèmes à base de peroxyde Il existe une variation de la technique thermocatalytique qui
d’hydrogène sont les plus utilisés pour le blanchiment externe est la photo-oxydation. Une boulette de coton imbibée d’une
et sont associés à différents degrés (généralement légers) de solution de peroxyde d’hydrogène à 30 à 35 % est tassée dans
lésions des dents et de la muqueuse environnante [24, 25]. Ils la chambre pulpaire, suivie d’une exposition de la face ves-
peuvent donner des effets indésirables concernant l’adhérence tibulaire de la couronne dentaire par une lumière ultraviolette
et les joints marginaux des résines composites [24–27]. Pour ces pendant 2 minutes. Cette manœuvre est supposée libérer une
raisons, ces matériaux doivent être utilisés avec prudence et quantité similaire d’oxygène à celle des autres techniques
sous la supervision stricte du dentiste. thermocatalytiques [35, 36]. Cette technique de photo-oxydation
est très peu utilisée en clinique et les données scientifiques
Autres agents sont rares. Il semble qu’elle soit moins efficace que le blan-
Dans le passé, une préparation de monohydrate peroxybo- chiment ambulatoire et que le temps au fauteuil soit plus long.
rate de sodium (Amosan®), qui libère plus d’oxygène que le Compte tenu de sa toxicité due à la concentration de peroxyde
perborate de sodium, était recommandée pour le blanchiment d’hydrogène, cette technique n’est pas recommandée.
interne [28]. Ce produit n’est plus commercialisé dans le monde
entier et son usage est moins fréquent. Blanchiment ambulatoire
L’hypochlorite de sodium est un irrigant des canaux courant Le blanchiment ambulatoire peut être utilisé dans toutes les
disponible dans le commerce et bien connu en tant qu’agent situations requérant un blanchiment interne. Il est non seule-
blanchissant à une concentration de 3 % à 6 %. Malgré tout, ment aussi efficace que les techniques décrites précédemment,
il ne libère pas suffisamment d’oxydants pour un blanchiment mais il est de plus le moins dangereux et le plus économe en
460 professionnel de routine. temps passé sur le fauteuil (encadré 24.1) [2, 3, 10, 19, 21, 23, 37].
Blanchiment des dents décolorées 24
Encadré 24.1 Technique du blanchiment ambulatoire
Les étapes du blanchiment ambulatoire sont les suivantes (voir 9. Si une solution de peroxyde d’hydrogène à 30–35 % est
fig. 24.5). l’agent utilisé, créer une barrière de protection de cette
1. Expliquer au patient les causes probables de la décoloration, solution d’épaisseur suffisante au moyen d’un ciment (par
la nature de l’intervention, les résultats attendus de exemple polycarboxilates, phosphate de zinc, ionomère
l’intervention et la probabilité d’une récurrence future de verre, eugénate à prise rapide [IRM®], ou Cavit®, 2 mm
de la décoloration. Il est indispensable de maintenir une d’épaisseur au minimum) pour isoler l’agent blanchissant
communication efficace avant, pendant et après le traitement du matériau d’obturation. C’est important pour minimiser
pour éviter toute déception ou toute incompréhension. les fuites des agents de blanchiment [53]. La barrière
2. Prendre des clichés radiographiques pour évaluer l’état des protège les canalicules dentinaires et maintient l’intégralité
tissus péri-apicaux et la qualité du traitement de canal. Un de l’attache épithéliale externe [54]. Elle ne doit pas s’étendre
échec de traitement ou une obturation douteuse exige un en direction du bord incisif par rapport à la gencive marginale
retraitement avant le blanchiment. (voir fig. 24.5, C).
3. Évaluer la qualité et la teinte de la restauration. La remplacer Le mordançage de la dentine interne avec un acide
si elle est défectueuse. Bien souvent, la décoloration phosphorique (ou autre) pour éliminer la boue dentinaire
dentaire est due à des joints de restauration défectueux, et ouvrir les canalicules dentinaires est inutile [55, 56].
ces restaurations étant elles-mêmes colorées. Informer L’utilisation de composés chimiques caustiques n’est
aussi le patient sur le fait que le blanchiment peut affecter pas souhaitable parce qu’ils peuvent irriter le ligament
temporairement ou définitivement le joint et la teinte d’une parodontal et induire une résorption radiculaire externe [56].
restauration, qui devra être remplacée. Ces mêmes réserves s’appliquent aux solvants comme
4. Évaluer la teinte de la dent avec un guide de nuances, l’éther ou l’acétone avant l’application de l’agent de
et prendre des clichés photographiques avant et pendant blanchiment. L’application thermocatalytique d’un
l’intervention. Cela fournit un point de référence pour des concentré de peroxyde d’hydrogène chauffé n’est pas
comparaisons futures établies par le praticien et le patient. plus efficace et pose des problèmes du point de vue de la
5. Isoler la dent avec la digue de caoutchouc. Parachever sécurité du traitement.
l’isolation au moyen de cales interproximales. En cas 10. Préparer la pâte destinée au blanchiment ambulatoire
d’utilisation du Superoxol®, appliquer une crème protectrice en mélangeant du perborate de sodium avec un liquide
de la gencive (par exemple vaseline, Orabase® ou beurre de inerte comme l’eau, une solution saline, ou une solution
cacao) avant de placer la digue. Cette protection est inutile anesthésique afin d’obtenir une consistance de sable mouillé
en cas d’utilisation du perborate de sodium. (environ 2 g/ml). Bien que le perborate de sodium mélangé
6. Déposer la restauration de la cavité d’accès (voir fig. 24.5, B). avec du peroxyde d’hydrogène à 30 % blanchisse plus
La finition de la cavité d’accès et l’élimination de tous les rapidement, dans la plupart des cas, les résultats à long terme
matériaux d’obturation et de restauration de la chambre sont similaires à ceux du perborate de sodium mélangé avec
pulpaire constituent l’étape la plus importante du processus de l’eau ; c’est pourquoi il est prudent de ne pas utiliser le
de blanchiment. Le clinicien doit vérifier que les cornes premier mélange en tant que traitement de routine [3, 4, 19, 37].
pulpaires ou toutes les zones « cachées » soient ouvertes et Parmi les avantages du perborate de sodium mélangé à un
débarrassées des résidus des tissus pulpaires. liquide inerte, il convient de souligner l’inutilité d’une barrière
Une chambre totalement obturée avec une résine composite de ciment et d’une protection gingivale. Tasser la pâte dans
pose un problème clinique. Premièrement, ce matériau la chambre pulpaire avec un instrument en matière plastique.
résiste à l’effet de coupe des fraises. Deuxièmement, sa Éliminer les excès de liquide par tamponnement avec une
teinte est souvent confondue avec celle de la dentine. Malgré boulette de coton. Cela comprime la pâte dans tous les
cela, tout composite doit être déposé pour que l’agent de recoins de la chambre (voir fig. 24.5, C).
blanchiment puisse être en contact avec la dentine et pénétrer 11. Éliminer les excès de pâte oxydante des cornes pulpaires et
les canalicules. Un soin particulier doit être apporté pendant de la région gingivale avec une sonde exploratrice. Obturer la
la dépose de la restauration pour éviter de sectionner de la cavité sans interposer de coton en tassant méticuleusement
dentine saine. Le microscope opératoire ou les loupes un mélange épais de ciment oxyde de zinc-eugénol
grossissantes sont bénéfiques. (IRM® de préférence) ou un Cavit® selon une épaisseur
7. (Optionnel). Cette étape peut être nécessaire si l’origine de la de 3 mm au minimum pour assurer une bonne étanchéité
décoloration semble métallique ou si, à la séance suivante, (voir fig. 24.5, D).
voire à la troisième séance, le blanchiment semble insuffisant 12. Déposer la digue de caoutchouc. Informer le patient sur la
à lui seul. Dégager une fine couche de dentine colorée sur lenteur de l’action de l’agent de blanchiment et indiquer que
la paroi vestibulaire de la chambre au moyen d’une fraise l’éclaircissement peut ne devenir significatif qu’après deux
boule à basse vitesse (voir fig. 24.5, B). Cela fait disparaître ou plusieurs semaines. Il est courant de ne constater aucun
la plus grande partie de la décoloration (qui est concentrée changement au tout début du traitement ; mais des résultats
dans la région de la paroi pulpaire). Cela ouvre aussi les spectaculaires se produisent dans les jours et les semaines
canalicules dentinaires pour faciliter la pénétration des agents après une autre application future.
de blanchiment. 13. Convoquer le patient environ 2 à 6 semaines plus tard pour
8. Éliminer tous les matériaux jusqu’à un niveau apical répéter l’intervention. Au cas où, après la troisième ou la
en dessous de la gencive marginale. Dissoudre les résidus quatrième séance, aucun éclaircissement progressif n’est
de ciment de scellement au moyen de boulettes de coton manifeste, cela signifie que des traitements de blanchiment
imprégnées d’un solvant approprié (par exemple essence supplémentaires avec le perborate de sodium mélangé à une
d’orange, chloroforme, ou xylol). solution aqueuse n’offriront aucun bénéfice [37].
461
24 ENDODONTIE
Une croyance veut que le « sur-blanchiment » est souhai- affecter l’adhérence des collages des composites sur les tis-
table en raison d’une rechute future de la décoloration. Cepen- sus dentaires minéralisés [27, 48–50]. Le perborate de sodium
dant, blanchir une dent un peu plus que les voisines doit être mélangé avec l’eau réduit l’adhérence de ces matériaux dans
réalisé avec prudence parce qu’une dent trop blanche peut ne une proportion supérieure à celle du peroxyde d’hydrogène
pas se décolorer de nouveau [38]. Une dent trop blanche peut concentré [50]. Par conséquent, il n’est pas recommandé de
aussi être inesthétique qu’une dent trop sombre. restaurer une dent avec un composite immédiatement après
Les traitements pendant plusieurs séances successives l’intervention de blanchiment, mais seulement après un inter-
sont similaires. Si les premières séances ne donnent pas de valle de quelques jours. L’utilisation de la catalase ou d’autres
résultats satisfaisants, il convient de tenter les procédures agents, proposée pour éliminer les résidus de peroxyde de la
supplémentaires suivantes : (1) éliminer une fine couche de cavité d’accès et pour protéger la cavité buccale contre des
dentine colorée vestibulaire avec une petite fraise boule (voir phénomènes dangereux [51, 52] demande des recherches sup-
encadré 24.1, étape 7) ; et (2) renforcer la pâte de blanchiment plémentaires.
ambulatoire en mélangeant le perborate de sodium avec du Il a été proposé de tasser une pâte d’hydroxyde de calcium
peroxyde d’hydrogène à plus forte concentration (3 % à 30 %) dans la chambre pulpaire pendant quelques semaines avant la
plutôt qu’avec de l’eau. Ne pas chauffer. Un oxydant plus restauration définitive pour inverser le pH dû à l’acidité des
puissant peut renforcer l’effet blanchissant, mais il accroît agents de blanchiment et prévenir la résorption ; finalement,
aussi le risque de résorption radiculaire consécutive [32, 39]. cette procédure s’avère inefficace et donc inutile [21, 39].
Le peroxyde de carbamide a aussi été proposé pour le blan- D’autres agents proposés pour améliorer l’effet du blanchi-
chiment interne [40]. Cet agent, cependant, n’est probablement ment ou pour ouvrir les canalicules dentinaires se sont révélés
pas supérieur au perborate de sodium. inefficaces [53–56].
Bien que les résultats finaux soient généralement excel-
lents, il arrive quelquefois que le blanchiment soit partiel. De Rechute de la décoloration
façon surprenante, le patient est souvent content et très satis- Malgré un blanchiment réussi, beaucoup de dents traitées
fait d’une amélioration modeste et ne recherche pas forcément sont de nouveau décolorées après plusieurs années [38, 57, 58].
la perfection [40]. Par conséquent, le blanchiment interne vaut la Les patients doivent être informés de cette rechute possible et
peine d’être tenté. qu’un nouveau traitement de blanchiment leur donnera satis-
faction.
Restauration définitive des dents antérieures
Le succès à long terme du blanchiment interne est significati- Quand blanchir ?
vement corrélé avec l’indispensable bonne qualité de la restau- Le blanchiment interne peut être réalisé après le traitement
ration de la dent [41, 42]. Le comblement de la chambre pulpaire de canal à des intervalles de temps variés (voir fig. 24.1
et celui de la cavité d’accès doivent être réalisés pendant la et 24.6). L’amélioration de l’apparence de la dent décolorée
dernière séance (voir fig. 24.5, E). Les monomères acryliques peut être constatée assez tôt après le traitement. Cependant,
ou les silicones proposés pour oblitérer les canalicules den- le blanchiment ambulatoire peut débuter dans la même
tinaires n’offrent aucun bénéfice. De plus, ces matériaux séance que celle de l’obturation des canaux ; en réalité,
peuvent eux-mêmes décolorer la dent avec le temps. Néan- cela motive le patient pour l’accepter, justement parce que
moins, il est important de combler soigneusement la chambre l’amélioration de l’apparence peut être précoce après l’inter-
pulpaire et de parfaire le joint des bords linguaux des dents vention. Le blanchiment peut aussi être tenté de nombreuses
antérieures pour améliorer la nouvelle teinte et pour assurer années après l’installation de la décoloration (voir fig. 24.3
une bonne étanchéité. Il n’existe pas de méthode idéale pour et 24.4), quand bien même des facettes en porcelaine ont
obturer la chambre pulpaire après un blanchiment ; cependant, restauré les dents (fig. 24.7). Ces dents présentent une moins
il est souhaitable d’éviter de l’obturer complètement, ce qui grande tendance à la rechute que les dents colorées pendant
peut entraîner une perte de translucidité de la couronne de la des périodes plus courtes [38]. Cependant, il est probable
dent [43]. qu’une période plus courte de décoloration tende à amélio-
Il est aisé et efficace d’obturer la chambre avec de la gutta rer les chances de réussite du blanchiment et à réduire la
percha blanche, un ionomère de verre ou un ciment au phos- probabilité de rechute de la décoloration [58].
phate de zinc de couleur claire et de terminer la restauration D’autres facteurs susceptibles d’influencer le succès à long
linguale avec un composite collé dont la prise est catalysée terme ont aussi été évalués cliniquement. L’âge du patient et
par la lumière [44] parce que les résines composites présentent l’importance de la décoloration n’ont pas d’effet majeur sur la
des niveaux différents de couleur est des contrastes variables stabilité à long terme du blanchiment [38].
[45]
. En ayant conscience de ces propriétés optiques, le choix
du matériau est facilité. Pour assurer un joint étanche et la
consolidation des bords incisifs, la profondeur de la restaura- COMPLICATIONS ET INNOCUITÉ
tion avec des composites doit être suffisante. Il est préférable
d’orienter le rayon lumineux de telle sorte qu’il illumine la La sécurité du patient est toujours le souci majeur du praticien
face vestibulaire de préférence à la face linguale pour éviter quelle que soit l’intervention. Les quelques effets indésirables
une rétraction de prise et réduire la proportion de microfuites produits par les protocoles chimiques et les procédures de
au niveau des parois axiales [46]. La perte d’étanchéité des res- blanchiment sont décrits dans les paragraphes suivants.
taurations linguales pose un problème [47] ; une restauration
perméable peut conduire à la réapparition de la décoloration. Résorption radiculaire externe
Les résidus des agents peroxydés, principalement le Des rapports cliniques [33, 34, 59] et des études histologiques
462 peroxyde d’hydrogène et le peroxyde de carbamide, peuvent [32, 39]
ont montré que le blanchiment interne pouvait induire
Blanchiment des dents décolorées 24
résorption radiculaire qui s’ensuit [32, 39]. Le processus risque
d’être renforcé par la présence de bactéries [62]. Des trauma-
tismes anciens et le jeune âge peuvent aussi être des facteurs
prédisposants [33]. Compte tenu de ces facteurs, les procédures
et les molécules chimiques agressives doivent être évitées si
elles ne sont pas essentielles pour le blanchiment. De plus,
pour obtenir un résultat esthétique clinique acceptable, il est
absolument nécessaire d’empêcher que que les agents oxy-
dants soient en contact avec les parois de la cavité pulpaire
au-delà du collet en direction apicale et avecla dentine
Fracture coronaire
Le blanchiment, en particulier quand il est associé à la chaleur,
est censé fragiliser la structure coronaire de la dent. Cela pour-
rait s’expliquer par la dessiccation ou par des altérations des
propriétés physicochimiques de la dentine et de l’émail [63–66].
L’expérience clinique suggère que les dents blanchies seraient
plus susceptibles à la fracture, bien qu’aucune preuve ne
confirme cette hypothèse.
Brûlures chimiques
Comme cela a été mentionné précédemment, le perborate de
sodium est sans danger, tandis que le peroxyde d’hydrogène à
30 % est caustique et peut provoquer des brûlures chimiques
et une escarre de la gencive. Quand une molécule chimique
agressive est utilisée, il convient d’enduire les tissus mous
avec une crème comme la vaseline, l’Orabase® ou le beurre
de cacao. Les études animales suggèrent que l’application de
catalase sur les tissus buccaux avant un traitement au peroxyde
d’hydrogène prévient totalement les dommages tissulaires
associés à cette thérapeutique [67].
DÉCOLORATIONS INTRINSÈQUES
Fig. 24.8 A. Décolorations dues à la tétracycline caractérisées par des bandes de couleur grisâtre. Les régions cervicales
des dents maxillaires et mandibulaires ne présentent aucune décoloration ; la tétracycline n’a pas été administrée pendant ces
périodes du développement de ces dents. B. Le traitement de canal des dents maxillaires antérieures a été exécuté, suivi d’un
traitement ambulatoire de blanchiment. C. Après les séances nécessaires de blanchiment, les dents ont été définitivement
restaurées. Noter le contraste marqué avec les incisives mandibulaires qui n’ont pas été traitées. D. Le suivi 4 ans après le
traitement ne montre aucune régression et aucune récurrence de la décoloration. (Remerciements au Dr H. Wayne Mohorn.)
l’origine d’une décoloration. Il n’existe pas de rapports relatifs décoloration graduelle de la dent [70]. L’apparence du patient
à la tentative de blanchiment de ces dents. Il est probable que souffrant de telles décolorations peut être améliorée par le
les tentatives d’éclaircir les dents dont la dentine est décolorée blanchiment et d’autres mesures, certaines ayant un effet
par un blanchiment externe soient peu efficaces. spectaculaire. Bien que de nombreuses techniques impliquant
des molécules chimiques et des procédures différentes aient
été proposées, la micro-abrasion contrôlée avec le mélange
DÉCOLORATIONS EXTRINSÈQUES d’acide chlorhydrique et de pierre ponce est probablement la
plus efficace (fig. 24.9) [11]. Ce n’est pas à proprement parler
Les décolorations extrinsèques sont plus superficielles et une technique de blanchiment (par oxydant), mais plutôt une
relèvent manifestement du blanchiment externe. Le succès décalcification et l’élimination d’une couche fine d’émail
du blanchiment dépend cependant plus de la profondeur de coloré. Depuis son apparition au milieu des années 1980,
la coloration dans l’émail que de la nuance de la teinte elle- cette technique a été quelque peu modifiée [11, 71]. Elle est utile
même. principalement pour la fluorose et les autres décolorations
extrinsèques et elle a prouvé sa très grande efficacité [72].
Anomalies superficielles
Bien que certaines altérations soient dues à l’hypoplasie de Technique de micro-abrasion
l’émail qui devient poreux, l’anomalie la plus courante et Les étapes de la technique d’abrasion contrôlée avec le
souvent la plus inesthétique, est la fluorose endémique. Cette mélange d’acide chlorhydrique et de pierre ponce sont les
hypoplasie se traduit par des couleurs différentes et des degrés suivantes.
de tons variés. 1. Photographier les dents à traiter ; cela sert d’enregistrement
permanent et de base pour des comparaisons futures.
Mécanisme de la décoloration 2. Protéger la gencive et les dents en isolant soigneusement un
L’ingestion de grandes quantités de fluorures pendant la for- champ opératoire avec une digue de caoutchouc inversée et
464 mation dentaire peut induire une hypoplasie de l’émail et une des ligatures. Étendre la digue sur le nez du patient.
Blanchiment des dents décolorées 24
3. Couvrir les zones exposées de la face et des yeux du patient
avec un champ en tissu ou une serviette de protection contre
les éclaboussures d’acide.
4. Mélanger une solution d’acide chlorhydrique à 36 % avec
un volume égal d’eau distillée pour en faire une solution
d’acide chlorhydrique à 18 %. Ajouter une grande quantité
de poudre de pierre ponce pour former une pâte épaisse.
Mélanger du bicarbonate de sodium et de l’eau dans un
autre godet pour former une pâte alcaline qui servira à neu-
traliser l’acide. Des préparations de ce type existent dans le
commerce.
5. Appliquer la pâte d’acide chlorhydrique et de pierre ponce
sur la surface de l’émail avec un abaisse-langue en bois ou
un bâtonnet en bois d’oranger écrasé. Presser fermement
pour que la pâte travaille efficacement sur la surface de
l’émail par frottement pendant 5 secondes. Rincer la sur-
face de l’émail pendant 10 secondes avec de l’eau.
6. Appliquer la pâte de nouveau jusqu’à ce que la teinte dési-
rée soit obtenue.
7. Neutraliser la surface avec le mélange de bicarbonate de
sodium et d’eau. Déposer la digue et polir les dents avec
une pâte prophylactique. Généralement, une seule séance
suffit pour obtenir la teinte désirée. Dans le cas contraire, la
coloration est trop profonde et ne pourra pas être éliminée
avec ce traitement.
Pronostic
Le pronostic de l’abrasion avec le mélange acide–pierre ponce
est excellent ; si la teinte initiale est obtenue dans la séance,
l’éclaircissement est relativement permanent. De nombreux
patients suivis pendant de longues périodes n’ont présenté
aucune rechute de décoloration [11].
Sécurité
Le souci de sécurité s’applique à deux domaines : les effets sur
l’émail (décalcification excessive) et les brûlures chimiques
des tissus mous.
Une quantité insignifiante d’émail peut être éliminée à
condition d’appliquer l’acide de manière raisonnée et avec
soin dans le cadre des techniques à l’acide chlorhydrique.
L’enduction de la gencive avec un matériau isolant, l’inversion
de la digue de caoutchouc et la ligature des dents préviennent
aisément les brûlures chimiques de la gencive occasionnées
par les acides concentrés ou le peroxyde d’hydrogène. Les
Fig. 24.9 Technique de micro-abrasion contrôlée au moyen
d’un mélange d’acide chlorhydrique et de pierre ponce. A. Des
conséquences pulpaires sont minimes, voire inexistantes.
décolorations marquées résultent des anomalies de surfaces
hypoplasiques. B. L’acide chlorhydrique à 18 % est mélangé avec
une poudre fine de pierre ponce et appliqué par écrasement au QUAND ORIENTER VERS UN SPÉCIALISTE
moyen d’un bâtonnet de bois d’oranger. La pâte est travaillée ET POUR QUOI FAIRE ?
dans l’émail par frottement pendant 5 secondes, puis la dent
est rincée avec de l’eau. La pâte est de nouveau appliquée à la La plupart des interventions de blanchiment peuvent être
demande. Enfin, l’acide est neutralisé avec du bicarbonate de exécutées par les dentistes généralistes, en particulier si l’ori-
sodium. C. L’amélioration désirée a été obtenue en une seule gine de la décoloration est diagnostiquée. Si le diagnostic ne
séance. Aucune rechute n’a été constatée. (Remerciements au
peut pas être établi, l’orientation vers un spécialiste doit être
Dr S. Goepferd.)
envisagée.
Le praticien peut aussi orienter un patient pour lequel les
méthodes conventionnelles de blanchiment interne et externe
sont inefficaces pour traiter la décoloration. Des facteurs non
identifiés peuvent empêcher les molécules du matériau de
blanchiment d’atteindre la coloration avec efficacité. L’identi-
fication et la correction de ces facteurs par un spécialiste sont
possibles. 465
24 ENDODONTIE
RÉFÉRENCES
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466
Endodontie gériatrique
25
CHAPITRE
Richard E. Walton
PLAN DU CHAPITRE
OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE
Après avoir lu ce chapitre, l’étudiant devrait être capable : 6. D’identifier les facteurs susceptibles de compliquer la
1. D’identifier les aspects biologiques qui sont similaires et sélection des cas.
différents selon que le patient soit âgé ou plus jeune. 7. D’indiquer l’origine et la nature des différences quand un
2. D’indiquer les changements physiologiques et traitement de canal est exécuté chez un patient âgé par
anatomiques de la pulpe dentaire du patient âgé. rapport à un patient non âgé.
3. D’indiquer les différences dans les modèles de 8. De reconnaître les complications de la chirurgie
cicatrisation chez le patient âgé. endodontique.
4. De décrire les complications présentées par un patient 9. De choisir la restauration appropriée après le traitement
âgé médicalement affaibli. de canal.
5. De décrire chaque étape du processus de diagnostic et 10. D’identifier les patients âgés dont l’état justifie
du plan de traitement chez le patient âgé. l’orientation vers une consultation spécialisée.
L
es problèmes endodontiques chez un patient âgé sont (fig. 25.1) ; ces événements sont générateurs d’effets indési-
similaires à bien des égards à ceux que pose un patient rables sur les tissus pulpaires, péri-apicaux et les tissus envi-
plus jeune à quelques exceptions notables. Ce chapitre ronnants (fig. 25.2). En d’autres termes, plus les patients âgés
se propose d’analyser les similarités et de se concentrer sur les sont atteints par les maladies bucco-dentaires, plus les chances
différences. Les sujets abordés comprennent les aspects biolo- qu’ils souffrent de maladies irréversibles sont grandes, et plus le
giques des tissus pulpaires et péri-apicaux, le modèle de cicatri- besoin de traitement est grand. Le nombre de personnes âgées
sation, le diagnostic et les aspects du traitement du patient âgé. traitées en endodontie augmente et cela ne s’arrêtera pas [8].
Aux États-Unis, le nombre de personnes âgées de 65 ans et La combinaison entre l’augmentation des maladies bucco-
plus est de plus de 39 millions et est supposé atteindre une pro- dentaires et de leurs traitements et des attentes plus fortes a eu pour
portion de 20 % de la population totale du pays en 2020. Leurs résultat un accroissement des interventions endodontiques chez les
besoins en soins dentaires continueront aussi à s’accroître [1–3]. patients âgés (fig. 25.3). En outre, les assurances complémentaires
De nombreux patients âgés refuseront l’extraction d’une pour les soins dentaires dont bénéficient les retraités et des reve-
dent, sauf s’il n’est pas possible d’envisager des alternatives nus disponibles plus confortables rendent un traitement complexe
à cette intervention [4, 5]. Le taux de fréquentation des services financièrement plus accessible [1]. D’autres moyens sont à l’étude
dentaires par les personnes âgées est élevé [6]. Leurs attentes en pour financer les soins de santé bucco-dentaire à l’avenir [9].
matière de qualité des soins dentaires sont parallèles à celles de Les problèmes endodontiques des patients âgés sont d’ordre
la qualité des soins médicaux. C’est d’autant plus important que biologique, médical et comprennent des aspects psycholo-
la denture de ces patients continue d’être touchée par la carie [7] giques différents de ceux des patients plus jeunes, auxquels
et par la pathologie dentaire pendant des décennies, aux- s’ajoutent les complications liées au traitement. Ces points 467
quelles s’ajoutent les traitements restaurateurs et parodontaux seront développés dans ce chapitre.
25 ENDODONTIE
Fig. 25.1 A. Cette patiente âgée de 87 ans souffre de la maladie d’Alzheimer. B. Sa denture présente des problèmes divers posés
par de nombreuses années de maladie, de restaurations, et de changements systémiques généraux et locaux. L’établissement du
diagnostic est un défi, et la restauration de la fonction et de l’esthétique de sa denture sera difficile compte tenu de son handicap mental.
Fig. 25.2 Résorption cervicale externe exposant la pulpe. L’assise Fig. 25.3 La formation de la dentine est le résultat des restaurations,
postérieure d’une prothèse amovible partielle a exercé une pression des caries et du temps. La première prémolaire montre une
sur la gencive et a induit une inflammation à l’origine de la résorption métamorphose calcique (l’espace de la cavité pulpaire est restreint). La
de la racine. (Source : Walton RE : Endodontic considerations in the formation dentinaire de la seconde prémolaire (flèche) est la réponse aux
geriatric patient, Dent Clin North Am 41 : 795, 1997.) caries récurrentes. Les deux dents sont difficiles à traiter et à restaurer.
(Source : Walton RE : Endodontic considerations in the geriatric patient,
Dent Clin North Am 41 : 795, 1997.)
PARAMÈTRES BIOLOGIQUES
Structure
La pulpe est un tissu conjonctif biodynamique. Avec l’âge,
des changements apparaissent au niveau des éléments
extracellulaires et au niveau des structures de soutien (voir
chapitre 1). Le nombre des cellules odontoblastiques et fibro-
blastiques diminue. L’innervation et l’irrigation sanguine se
raréfient [10, 11]. La raréfaction de la microcirculation pulpaire
réduit le flux sanguin pulpaire [12] ; mais la signification de
cette diminution est inconnue. Les capillaires présentent un
certain degré de dégénérescence de l’endothélium avec l’âge
[13]
. Il existe probablement une augmentation du pourcentage
d’espace par le collagène au détriment de la substance fonda- Fig. 25.4 Chambre pulpaire en forme de disque (flèche). La
chambre est aplatie à la suite de la formation de dentine sur son
mentale [14].
plafond et sur son plancher. Ces chambres et les orifices d’entrée
des canaux sont difficiles à localiser. (Source : Walton RE :
Calcifications Endodontic considerations in the geriatric patient, Dent Clin North
Les calcifications comprennent les pulpolithes et les calci- Am 41 : 795, 1997.)
fications diffuses (linéaires). Leur nombre et leur volume
augmentent avec l’âge [15] et avec les irritations de la pulpe
vivante [16]. Les pulpolithes s’observent plus fréquemment Réponse aux irritations
dans la chambre pulpaire et les calcifications diffuses sont Plusieurs raisons expliquent une pathologie pulpaire après des
plutôt présentes dans la pulpe radiculaire. Des hypothèses ont interventions restauratrices. Tout d’abord, la dent a été agres-
été avancées suggérant que les calcifications proviendraient sée dans le passé. Ensuite, la dent a subi des interventions plus
de la dégénérescence des fibres nerveuses ou des vaisseaux mutilantes pour la structure dentaire, comme une préparation
sanguins, mais aucune preuve ne vient les étayer. De même, de prothèse fixée. Les agressions potentielles générées par
l’hypothèse selon laquelle les pulpolithes seraient à l’origine une couronne prothétique sont le scellement de la base inter-
de la douleur odontogénique s’est révélée fausse. médiaire entre la couronne et la pulpe dentaire, la préparation
avec les fraises, les empreintes, la couronne provisoire (faible
Variations dimensionnelles étanchéité), le scellement, les limites marginales de la couronne
En général, la taille des espaces occupés par la pulpe rétrécit non scellées. La pulpe dentaire peut trébucher et recevoir le coup
progressivement et bien souvent la cavité pulpaire devient très de grâce au moment du scellement de la restauration définitive.
petite [17], ce phénomène étant connu sous le nom de métamor-
phose calcique [18]. La formation dentinaire peut être accé- Vieillissement
lérée sous l’effet des irritations dues à la carie dentaire, des Au cours du vieillissement, la pulpe peut être moins résistante
restaurations et de la maladie parodontale ; cette formation aux agressions, bien que cela ne soit pas encore prouvé. Les
n’est pas uniforme. Par exemple, dans les chambres pulpaires réponses de la pulpe dentaire aux interventions diverses prati-
des molaires, la formation dentinaire est plus importante au quées chez des patients appartenant à des groupes d’âges dif-
niveau du plafond et du plancher que le long des parois [10]. Le férents ne sont pas significativement différentes, bien qu’il soit
profil de la chambre pulpaire est aplati, lui donnant une forme difficile d’isoler le facteur âge parmi les nombreuses variables
de disque (fig. 25.4). inhérentes à ces types d’études cliniques. En revanche, ce n’est
pas nécessairement le cas en ce qui concerne la dent immature
Nature de la réponse aux agressions (apex ouvert) dont la pulpe démontre de réelles capacités de
Les réactions pulpaires sévères tendent à être plus rares chez résistance aux agressions. Néanmoins, il existe une théorie
les patients âgés que chez les jeunes patients. La raison de ces selon laquelle les pulpes des dents plus âgées sont en fait plus
différences n’est pas vraiment comprise, mais il est probable résistantes parce que la dentine devient de moins en moins
que l’accumulation des agressions tout au long de la vie les perméable [19]. Il convient encore de souligner que la résistance
explique. aux agressions des dents âgées n’est pas encore prouvée [20]. 469
25 ENDODONTIE
En un mot, les patients âgés exigent plus de soin pendant les Certains paramètres de l’état général, plus fréquents chez
manœuvres de préparation et de restauration ; les change- le patient âgé, requièrent cependant une attention particulière.
ments de l’état des pulpes de ces patients sont probablement Ils comprennent l’hypertension, les maladies cardiovascu-
le résultat d’une histoire d’agressions antérieures plutôt que le laires, l’ostéoporose (souvent accompagnée du traitement aux
facteur âge par lui-même. bisphosphonates) et les prothèses articulaires. Ces dernières
ont soulevé récemment une polémique sur la pertinence de la
État général prescription d’antibiotiques avant de dispenser des soins den-
Aucune preuve scientifique ne permet de conclure que l’état taires chez les patients qui les portent. Une enquête récente de
systémique ou le parcours médical du patient contribue direc- la Medicare Current Beneficiary Survey indique que la pres-
tement à la perte de résistance de la pulpe aux agressions. cription des antibiotiques n’est pas pertinente [27].
L’athérosclérose était, par hypothèse, supposée affecter la Le diabète, qu’il soit de type I ou de type II, rend la guérison
structure des vaisseaux pulpaires [21] ; cependant, le phéno- aléatoire [28], bien que cela soit vrai à tout âge. C’est particuliè-
mène d’athérosclérose pulpaire n’a pas pu être démontré [22]. rement préoccupant chez les patients atteints de diabète sévère
et incontrôlé qui nécessitent des précautions supplémentaires
et un suivi méticuleux [29].
RÉPONSE PÉRI-APICALE Concernant l’hypertension, qui est courante chez le patient
âgé, et contrairement à une croyance répandue, l’anesthésie
La documentation scientifique n’offre que peu d’information avec adrénaline présente un très faible risque d’effets indési-
relative aux effets du vieillissement sur l’os et sur les tissus rables [30].
mous, ainsi que sur les mécanismes qui pourraient affecter la L’association de la baisse de densité de l’os trabéculaire
réponse aux irritants ou qui pourraient expliquer les phéno- des mâchoires avec l’ostéoporose dont la femme ménopausée
mènes de cicatrisation après la neutralisation de ces irritants. est fréquemment atteinte a été scientifiquement prouvée ; elle
Certaines données évoquent des changements relativement touche particulièrement le maxillaire antérieur et la région
modestes sur les effets de l’âge concernant le contenu cellu- postérieure de la mandibule [31, 32]. Cependant, on ignore si, à
laire péri-apical, la vascularisation et l’innervation [23]. Pour la suite d’un traitement endodontique ou d’une intervention
cette raison, il semble que les réponses péri-apicales chez les chirurgicale, la cicatrisation osseuse est perturbée chez les
patients âgés ne soient pas significativement différentes de patients atteints d’ostéoporose. Quand il s’agit de diagnos-
celles observées chez des patients plus jeunes. tiquer une pathologie péri-apicale, l’amplitude des change-
ments ostéoporotiques est probablement insuffisante [33] pour
confondre l’évaluation avant le traitement et l’évaluation post-
CICATRISATION opératoire. Il est intéressant de souligner que l’analyse de la
densité optique des radiogrammes péri-apicaux puisse être
Un concept répandu est que la cicatrisation chez les personnes un indicateur des changements ostéoporotiques des régions
âgées est altérée, diminuée ou retardée. Cela n’est pas néces- lombaires et fémorales chez les personnes âgées [34]. D’autres
sairement vrai. Des études animales ont nettement montré observations ainsi que l’impact du traitement avec les bis-
que le modèle de réparation des tissus mous observé chez les phosphonates, qui est un cofacteur de l’ostéonécrose des
sujets jeunes et les sujets âgés était similaire, mais un léger mâchoires [35, 36], sont passés en revue dans le chapitre 5.
retard a été souligné avec le temps [24]. L’observation radiogra- Le traitement anticoagulant est courant et tend à s’accroître
phique des dossiers de patients âgés et de patients plus jeunes avec l’âge. Il ne représente pas une préoccupation avec les
n’a pas prouvé qu’il existait des différences sur la nature du interventions endodontiques conventionnelles. En revanche, il
succès et de l’échec du traitement de canal que ces deux popu- peut poser des problèmes pendant les interventions chirurgi-
lations avaient subi [25]. Aucune preuve scientifique ne vient cales comme des hémorragies fréquentes et abondantes aussi
étayer l’hypothèse selon laquelle les changements vasculaires bien au niveau des tissus mous que des tissus osseux. Il est
ou ceux du tissu conjonctif pourraient ralentir ou diminuer la généralement recommandé de ne pas modifier le traitement
cicatrisation chez les patients âgés. Dans l’ensemble, la nature anticoagulant avant, pendant et après un traitement de chirur-
de la guérison, y compris de la cicatrisation de l’os et des tis- gie endodontique.
sus mous, est peu différente quels que soient les groupes d’âge En résumé, les personnes âgées médicalement diminuées
concernés. La vascularisation est cruciale pour assurer la cica- ne courent généralement pas plus de risque de complications
trisation et, chez les patients sains, le flux sanguin péri-apical que les personnes appartenant aux autres groupes d’âge. En
n’est pas détérioré avec l’âge [26]. réalité, pour les personnes âgées médicalement diminuées, le
traitement de canal et les autres interventions endodontiques
sont bien moins traumatisants et causent moins de dommages
PATIENTS MÉDICALEMENT DIMINUÉS que les extractions dentaires. Par exemple, chez un patient traité
ou ayant été traité par des bisphosphonates, la prescription d’un
Les problèmes systémiques tendent à atteindre les patients traitement endodontique et d’une restauration est préférable au
âgés avec plus de fréquence et plus de sévérité. En général, traumatisme causé par l’extraction de sa dent malade.
l’état médical du patient âgé n’intervient pas significativement Il est aussi important de souligner que les prescriptions
dans le cadre du traitement endodontique, pas plus que pour médicamenteuses des patients âgés sont de plus en plus plu-
les autres types de traitement dentaire. En réalité, il n’existe rielles et que les dosages sont de plus en plus forts [37]. Il
pas beaucoup d’informations sur la relation entre l’étal médi- importe d’être prudent pour éviter des interactions médica-
cal, voire l’état général diminué et les réactions indésirables menteuses, en particulier avec la prescription de nouvelles
470 pendant ou après les interventions en endodontie. molécules.
Endodontie gériatrique 25
DIAGNOSTIC signes et de symptômes significatifs ne signifie pas l’absence
de maladie significative ; la plupart des pathologies pulpaires
Les principes fondamentaux et l’établissement du diagnos- et péri-apicales sont asymptomatiques quel que soit l’âge. Par
tic s’appliquent aussi bien chez les patients âgés que chez conséquent, quand une maladie est suspectée, les tests sont
les jeunes patients. La différence réside dans la présence des requis en présence ou non de signes et de symptômes.
réponses et leur niveau dans la relation entre le praticien et
son patient. Tests objectifs
Les données objectives sont principalement obtenues au
Procédure diagnostique moyen des tests pulpaires et péri-apicaux. L’examen bucco-
Les patients âgés nécessitent l’application d’une séquence dentaire et la transillumination sont aussi couramment réali-
de routine convenant à cette classe d’âge. Les informations sés.
les plus importantes pour identifier les symptômes et pour 1. Tests pulpaires. Bien que l’usage de ces tests soit simi-
prendre connaissance de l’histoire des problèmes dont souf- laire chez les patients jeunes ou âgés, il existe quelques
frent les patients âgés sont fournies pendant l’entretien. Les différences. Le seuil de sensibilité pulpaire augmente avec
questions posées avec soin et le fait d’allouer suffisamment de l’âge, en particulier en présence de métamorphose calcique
temps pour favoriser la reformulation des questions poussent (fig. 25.5) [8]. Pour cette raison, chez les patients âgés, les
souvent les patients âgés à donner de précieuses informations. tests doivent être pratiqués lentement et méticuleusement,
en appliquant des stimuli différents. Il arrive fréquemment
La raison principale de la consultation qu’un patient âgé ne ressente aucune sensibilité en réponse
Le patient doit évoquer son ou ses problèmes en s’exprimant à un test thermique (par exemple le froid) pratiqué sur une
avec ses propres mots. À côté de l’identification des symp- dent à pulpe vivante, alors qu’il est sensible à un test élec-
tômes, cette expression offre aussi l’opportunité d’apprécier trique. De même, la sensibilité est moins grande en cas de
la connaissance du patient sur l’état de sa denture, et sa capa- récession gingivale et de perte d’attache [39]. Ces résultats
cité de communication. Cette capacité peut être altérée par des doivent être corrélés avec ceux des autres tests et avec
troubles de la vision, de l’ouïe ou par l’état mental. l’examen radiographique.
Les tests électriques ont soulevé la question de leur
Histoire médicale usage chez les patients porteurs de stimulateur du rythme
Un diagnosticien prudent se propose non seulement d’ana- cardiaque [40]. Bien qu’il soit improbable que ces tests cau-
lyser les réponses notées sur le questionnaire médical, mais sent des dysfonctionnements des stimulateurs du rythme
aussi de reformuler des items importants qui n’auraient pas cardiaque, d’autres tests peuvent être utilisés sans danger
été soulignés, ou qui auraient été omis par le patient. L’état pour obtenir des informations sur l’état de la pulpe dentaire.
général, les prescriptions médicales et les problèmes qui y C’est pourquoi il est recommandé d’éviter d’utiliser les tests
sont rattachés seront analysés en profondeur. Il convient, à ce
moment, d’expliquer dans quelle mesure les situations médi-
cales affectent le diagnostic, le plan de traitement, le traite-
ment et ses résultats.
Histoire dentaire
En général, le bilan de l’histoire médicale présente ou passée
des patients âgés est important. La mémoire des événements
dentaires importants peut être imprécise et demande à être sti-
mulée par l’examinateur. Ces événements comprennent l’his-
toire d’un traumatisme, des fractures, des lésions carieuses ou
la douleur et les tuméfactions.
Données subjectives
Les données subjectives comprennent les informations obte-
nues en questionnant le patient sur ses symptômes et les
signes qui les accompagnent au moment de l’entretien. De
nombreux patients âgés sont stoïques, n’expriment pas claire-
ment les symptômes et peuvent leur accorder une importance
négligeable par rapport aux autres problèmes systémiques
ou douloureux. Au cours de l’entretien, le fait de se pencher
particulièrement sur ces problèmes apparemment mineurs
aide aussi à établir une relation de confiance.
En général, les symptômes de pulpite ne sont pas si aigus
chez les patients âgés. Cela pourrait s’expliquer par le volume
Fig. 25.5 Métamorphose calcique. Bien que généralement le
réduit de la pulpe dentaire et par une réduction de la densité tissu pulpaire soit vivant, les dents des patients âgés ne répondent
des fibres nerveuses sensitives [38], en particulier dans la den- souvent pas à cause de la perte d’innervation et de la quantité de
tine. dentine de plus en plus isolante. (Source : Walton RE : Endodontic
L’absence de signes et de symptômes significatifs est aussi considerations in the geriatric patient, Dent Clin North Am 41 : 795,
plus courante que leur présence. Naturellement, l’absence de 1997.) 471
25 ENDODONTIE
électriques chez un patient porteur de stimulateur du rythme mentionné, la pulpe des patients âgés tend à se rétrécir jusqu’à
cardiaque. devenir invisible radiographiquement (fig. 25.6). Il convient
Le test de cavité, souvent indiqué, n’est pas d’une de rappeler que l’image d’une pulpe invisible ne signifie pas
grande utilité chez le patient âgé compte tenu de la réduc- son absence. En réalité, il a été démontré qu’il existe toujours
tion de l’innervation de la dentine. Une réponse classée une cavité pulpaire [41], même si elle n’est pas visible
faux négatif (pas de réponse/pulpe vivante) n’est pas rare, radiographiquement. Chez les patients âgés, l’anatomie de
même avec le test de cavité. la racine et du canal dans la région apicale est relativement
2. Tests péri-apicaux. Les tests à la percussion (morsure et différente à cause de la formation continue de cément [42, 43].
tapotement) et à la palpation suggèrent une inflammation Cela peut être compliqué en cas de résorption apicale de la
péri-apicale ; mais ces tests ne sont pas particulièrement racine d’origine pathologique [44].
utiles, sauf si le patient évoque une douleur significative. Ils
sont plus utiles pour confirmer que les symptômes provien-
nent réellement d’une dent particulière et pour apprécier la DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
sévérité de la réponse.
Le diagnostic différentiel est le moyen ultime de conclure à
Données radiographiques une pathologie endodontique ou à une autre maladie et, au cas
Les films argentiques de bonne qualité actuels sont toujours où le diagnostic d’un problème endodontique a été établi, de
nécessaires et les principes de prise de vue sont identiques, que préciser les détails de la lésion pulpaire ou apicale.
le patient soit âgé ou non. De même, les techniques de prise de
vue sont similaires à quelques différences près concernant le Pathologie endodontique
patient âgé. Des patients âgés peuvent présenter des excrois- La recherche des signes et des symptômes, l’interprétation des
sances osseuses comme des torus et certains freins musculaires, résultats des tests et la conduite des autres observations chez
qui peuvent gêner le positionnement de la surface sensible. les patients âgés suivent un modèle assez constant. Il faudra
En outre, les patients âgés peuvent éprouver des difficultés à être attentif aux médicaments pouvant provoquer des troubles
maintenir la position des surfaces sensibles ; ce problème est mentaux et des problèmes de perception occasionnels. Des
quelquefois résolu avec l’utilisation des porte-films. En géné- symptômes imprécis difficilement localisables, ou évoquant
ral, l’option de la technique des rayons parallèles convient au un modèle non identifiable, n’ont probablement pas une cause
diagnostic, accompagnée de prises de vue sous incidence de endodontique. D’autres pathologies ou entités non patholo-
rayon décalé en direction mésiale ou distale, ou d’une radio- giques peuvent être d’ordre psychosomatique.
panoramique ou encore d’une vue occlusale. Souvent, des
radiogrammes rétrocoronaires (bitewing) facilitent l’estimation Autres pathologies
de la taille de la chambre pulpaire, de la localisation et des pro- Les autres maladies des os et des tissus mous des patients âgés
fondeurs relatives des lésions carieuses et des restaurations. sont plus fréquentes et se présentent sous de nombreuses entités.
Chez les patients âgés, l’image de la région apicale peut La lésion qui imite le plus une pathologie endodontique est la
présenter certaines différences. L’incidence des pathologies lésion parodontale. Les troubles symptomatiques non endodon-
des mâchoires non endodontiques tend à augmenter avec tiques imitant une maladie endodontique comprennent l’infection
l’âge. Dans ces situations, la nature de la pathologie est incer- sinusienne, le spasme musculaire, la céphalée, le dysfonctionne-
taine ; par conséquent, l’estimation soigneuse de l’état de la ment temporomandibulaire, la névrite et la névralgie. L’incidence
pulpe dentaire est très importante dans ces cas. Si la pulpe de ces troubles tend à augmenter d’une certaine façon avec l’âge,
est vivante et saine, il faut formuler l’hypothèse que l’image en particulier chez des patients souffrant de troubles précis tels
d’une lésion apicale n’est pas d’origine endodontique. que l’arthrite qui peut atteindre les articulations.
L’étude des radiogrammes donne des renseignements La différenciation entre la maladie parodontale et la mala-
sur la taille de la pulpe dentaire et sur l’anatomie de la die pulpaire est un problème courant compte tenu de l’aug-
472 cavité pulpaire et de la pulpe elle-même. Comme cela a été mentation de l’incidence de ces deux maladies. En général,
Endodontie gériatrique 25
Fig. 25.7 A. L’axe des prothèses fixées diverge fréquemment à cause de l’inclinaison ou de la rotation de la dent. B. L’accès
à la chambre pulpaire devient plus difficile. L’observation soigneuse avant et la prudence au cours de la réalisation de la cavité
d’accès sont cruciales pour éviter une perforation. (Source : Walton RE : Endodontic considerations in the geriatric patient, Dent
Clin North Am 41 : 795, 1997.)
le problème sous-jacent est soit endodontique, soit parodon- et plan de traitement global) ; c’est à ce moment que se décide
tal, avec très peu de lésions combinées (voir chapitre 7). Les l’orientation du patient vers des consultations spécialisées si
changements radiographiques, la tuméfaction, les fistules et la situation est jugée trop complexe.
les poches parodontales sont aussi bien d’origine endodon-
tique que parodontale. Bien que ces données doivent être Intervention
prises en compte, l’indicateur ultime est constitué par les tests Quel que soit le traitement, sur le plan technique, les interven-
pulpaires. Si la pulpe est vraiment vivante, le problème est tions sont généralement plus compliquées chez les patients
parodontal. Si la pulpe est nécrosée, il est probable que le pro- âgés. Les restaurations volumineuses, une histoire de lésions
blème soit endodontique. Les tests pulpaires sont cruciaux ; le carieuses plurielles, l’implication parodontale, le rétrécis-
test de cavité peut donc être déterminant. sement de la cavité pulpaire, l’inclinaison (fig. 25.7) et la
rotation dentaire sont tous des facteurs de complication. Le
plan de traitement doit souvent être modifié pendant une inter-
PLAN DE TRAITEMENT ET SÉLECTION DU CAS vention quand surgit un événement inattendu. Par exemple,
un traitement de canal peut débuter uniquement pour s’aper-
Dès que le diagnostic différentiel a été établi, le plan de trai- cevoir qu’un canal ne peut pas être localisé ou négocié. La
tement est dressé ; il comprend généralement le traitement de chirurgie apicale devient alors une nécessité (fig. 25.8). Ces
canal, mais aussi des interventions complémentaires. Tous les possibilités doivent être expliquées au patient, de préférence
paramètres doivent être relevés (restaurabilité, état parodontal avant le début du traitement. 473
25 ENDODONTIE
La localisation des orifices d’entrée des canaux est souvent l’inflammation péri-apicale [56]. Il est indiqué si la pulpe est
décevante et fatigante, aussi bien pour le clinicien que pour nécrosée et si la préparation du canal est complètement exécutée.
le patient. Bien qu’un temps raisonnable soit nécessaire pour
procéder à cette action, il convient de ne pas dépasser une Obturation
certaine limite et de préférer s’arrêter tout en proposant une Il n’existe pas de préférence prouvée par la science en ce qui
autre séance au patient. Souvent, l’orifice d’entrée du canal concerne l’approche technique, bien que les obturations à la
est aisément localisé à la séance suivante. C’est aussi à ce gutta percha froide ou à la gutta chaude soient les plus cou-
moment qu’une orientation du patient vers un spécialiste peut ramment utilisées et les mieux documentées.
être envisagée au cas où une intervention différente, comme
de la chirurgie, est indiquée. IMPACT DE LA RESTAURATION
Longueur de travail En général, le traitement de canal est d’autant plus compliqué
Les patients âgés présentent certaines différences quant à la que la restauration est plus volumineuse et plus profonde. Les
mesure de la longueur de travail [53]. Il est plus difficile de fixer patients âgés ont une probabilité plus grande de porter des
une longueur de travail convenable [43] parce que le site du fora- couronnes dentaires prothétiques. Deux problèmes peuvent se
men apical varie plus largement (fig. 25.13) que chez les patients poser en face d’une couronne prothétique : (1) une altération
plus jeunes et parce que le diamètre du canal dans la région api- potentielle de la rétention des composants de la couronne,
cale est très petit. Quel que soit l’âge, les matériaux et les ins- et (2) l’obstruction de la cavité d’accès accompagnée d’une
truments doivent être confinés à l’intérieur de la cavité pulpaire. faible visibilité interne.
La longueur de travail souhaitée pour une obturation correcte La couronne céramométallique est plus fréquente que la
doit être inférieure de 1 à 2 mm par rapport à position de l’apex couronne totalement métallique et elle pose des problèmes sup-
radiographique [54] ; elle doit être réduite s’il est impossible de plémentaires. La porcelaine peut se casser ou se craqueler. Le
détecter un arrêt apical. Les localisateurs d’apex sont aussi très problème peut être minimisé en utilisant des fraises spéciale-
utiles, en particulier quand il est difficile d’obtenir une longueur ment conçues pour perforer la porcelaine [57], combinées avec
de travail adéquate avec la radiographie [55]. une coupe douce et avec un refroidissement au moyen d’une
aspersion d’eau copieuse. La cavité d’accès occlusale est large
Nettoyage et mise en forme (fig. 25.14). Il faut éviter de meuler le métal après l’ouverture de
En général, il est courant de constater que l’élargissement des la chambre pulpaire pour empêcher que les débris métalliques
canaux de petit diamètre prend plus de temps. Le début de la n’entrent dans les canaux et les obstruent. Après le traitement,
préparation d’un canal de très petit diamètre peut être facilité la cavité d’accès réalisée à travers une couronne prothétique
au moyen d’un lubrifiant comme la glycérine ; elle peut être céramométallique ou en or (antérieure ou postérieure) peut
utilisée avec deux ou trois limes des diamètres les plus petits être obturée avec un amalgame. Les couronnes antérieures non
pour faciliter l’élargissement et réduire le risque de coincer métalliques peuvent être réparées avec une résine composite.
et de fracturer les limes suivantes. Il convient de respecter les
mêmes principes de nettoyage et de mise en forme adéquats.
RETRAITEMENT
Médicaments intracanaux
Les médicaments intracanaux sont contre-indiqués, à l’exception Les facteurs d’échec tendent à augmenter avec l’âge ; le retrai-
de l’hydroxyde de calcium. Ce dernier est antimicrobien, inhibe tement est donc plus courant chez les patients âgés. Quel que
476 la croissance bactérienne entre deux séances et peut réduire soit l’âge, le retraitement est souvent plus compliqué et doit
Endodontie gériatrique 25
anticoagulant ne devait pas être modifié et que l’hémorragie
était contrôlable par des agents hémostatiques locaux.
CONSIDÉRATIONS DE DENTISTERIE
RESTAURATRICE
Fig. 25.17 Les piliers radiculaires servant d’overdenture doivent être restaurés (A) pour sceller un espace pulpaire (B), qui est
toujours présent. Le traitement de canal n’est pas nécessaire dans certaines situations.
numéro un des échecs de traitement et la raison principale de tests au fauteuil (voir chapitre 11), exige une consultation
l’indication d’un retraitement. immédiate en urgence à l’hôpital. Les autres préoccupations
rencontrées pendant la consultation d’un patient âgé trauma-
tisé sont similaires à celles qui ont été analysées au début de
TRAUMATISMES ce chapitre, à savoir : son état médical, les facteurs cognitifs
et ses attentes. Compte tenu de ces considérations, la prise en
Les traumatismes atteignent les personnes âgées pendant leurs charge des tissus minéralisés et des tissus mous et les résul-
loisirs et à cause de l’instabilité posturale et de la perte de tats attendus de ces soins sont comparables à ceux avec les
coordination des mouvements. En général, les patients âgés patients plus jeunes.
atteints d’un traumatisme facial évoquent différentes préoc- Pour beaucoup de patients âgés traumatisés, la prise en
cupations et requièrent des approches différentes de celles charge initiale est réalisée par le praticien généraliste, qui
mises en œuvre chez les patients plus jeunes [68]. peut orienter ces patients vers une consultation spécialisée de
Un problème important est le traumatisme crânien masqué chirurgie maxillofaciale pour évaluer les dommages faciaux.
par un traumatisme facial superficiel très visible. La preuve Le suivi à long terme de la denture peut être efficace s’il est
de ces traumatismes, comme celle qui a été décrite par les exécuté par un praticien très compétent en endodontie.
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480
APPENDICE
Les illustrations de cet appendice représentent la taille, la 2. La taille et l’apparence de la cavité d’accès des dents
forme et la localisation de la cavité pulpaire à l’intérieur de antérieures vues du bord incisif
chaque dent ainsi que les variations morphologiques les plus 3. La taille approximative de l’ouverture de la cavité d’accès
courantes. La délinéation correcte du tracé en vues occlusale, 4. La localisation des orifices des canaux et leurs positions
linguale et proximale de la cavité d’accès est fondée sur la relatives par rapport aux repères anatomiques et par
connaissance de la forme de la cavité pulpaire et de ses rela- rapport aux sites des orifices des autres canaux
tions spatiales avec la couronne et avec la racine. À partir de 5. Les courbures des canaux et la localisation des fora-
ces illustrations, les caractéristiques suivantes peuvent être mens apicaux
observées. 6. La configuration de la chambre pulpaire et de la portion
1. La localisation de la cavité d’accès des dents posté- cervicale des canaux rectilignes après la préparation de
rieures en relation avec les repères anatomiques occlu- la cavité d’accès
saux comme les crêtes marginales et les sommets des 7. Les courbures des canaux les plus communes
cuspides Chaque illustration donne les informations suivantes :
En outre, les pourcentages des variations anatomiques des informations générales et pour démontrer la relativité des
racines et des canaux les plus courantes seront mentionnés. variations. Les courbures les plus courantes des racines et des
Pour beaucoup des groupes de dents, les pourcentages ne canaux sont illustrées. Ce sont les courbures difficiles à identi-
totalisent pas 100 %. Le pourcentage restant représente les fier sur les radiogrammes (c’est-à-dire les courbures orientées
variations les plus rares qui ne sont pas illustrées. Les pour- sur un plan vestibulolingual, perpendiculaire au plan de la sur-
centages sont approximatifs pour donner principalement des face radiographique sensible).
481
Anatomie pulpaire et préparation de la cavité d’accès
482
Anatomie pulpaire et préparation de la cavité d’accès
483
Anatomie pulpaire et préparation de la cavité d’accès
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Anatomie pulpaire et préparation de la cavité d’accès
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Anatomie pulpaire et préparation de la cavité d’accès
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Anatomie pulpaire et préparation de la cavité d’accès
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Anatomie pulpaire et préparation de la cavité d’accès
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Anatomie pulpaire et préparation de la cavité d’accès
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Anatomie pulpaire et préparation de la cavité d’accès
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Anatomie pulpaire et préparation de la cavité d’accès
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Anatomie pulpaire et préparation de la cavité d’accès
492
Anatomie pulpaire et préparation de la cavité d’accès
493
Anatomie pulpaire et préparation de la cavité d’accès
Des exemples d’ouvertures de la cavité d’accès préparées nales et sommets des cuspides), et (2) la taille et la forme des
sur des dents extraites sont représentés. Il est important de cavités d’accès par rapport à la taille et à la forme de la surface
reconnaître (1) la localisation de la cavité d’accès par rapport occlusale ou de la surface linguale.
aux repères anatomiques occlusaux ou linguaux (crêtes margi-
494
Anatomie pulpaire et préparation de la cavité d’accès
495
Index
Fissure de la dent, 133 Hopewell-Smith, couche hyaline de, 4 Interaction entre le praticien généraliste
Fistule, 111 Hydroxyde de calcium, 310 et l'endodontiste, 101
Flore microbienne des infections endodontiques, ciments à base d', 342 Irrigant(s), 295
42 Hygroscopie, dessiccation par, 28 extrusion, 371
dans les dents aux canaux traités, 47 Hyperalgésie, 164 Irritants, 52
écologie, 45 Hypersensibilité altérations de l'anatomie interne et, 247
Fluorose endémique, 455 dentinaire, 17 chimiques, 54
Flux sanguin, détermination du, 84 post-restauration, 27 de la cavité buccale, 335
Follicule dentaire, 5 Hypertension, 95 mécaniques, 52
Foramen apical Hypochlorite de sodium, 295 microbiens, 54
anatomie, 250 Irritations liées à l'âge, 469
communication via le, 114 I Isolation du champ opératoire, 259
formation, 4 Implant dentaire unique, 431 pour les dents dont la structure coronaire
Forme de convenance pour la cavité d'accès, 264 dans la région esthétique, 441 est inadéquate, 261
Fractionnement de la dent, 139 dans les régions non esthétiques, 442
Fracture(s) diagnostic et plan de traitement, 439 J
alvéolaires, 203, 205 extraction de la dent et préparation du site, Joint
apicale horizontale, 401 439 apical, 335
coronaire(s), 463 histoire, 437 coronaire, 335
avec exposition de la pulpe, 204 programme de l'entretien, 450 Jonction
compliquées, 187 Incision pour le drainage, 167, 398 amélocémentaire, 19
non compliquées, 187 Incisive(s) cémentodentinaire, 6
sans exposition de la pulpe, 204 centrales et latérales mandibulaires, 274
coronoradiculaires, 191, 205 centrales et latérales maxillaires, 268 L
de l'émail, 187 Infection(s) Lambeau(x)
dentaires longitudinales, 128 canaux radiculaires, 40 mucopériosté de pleine épaisseur, 408
catégories, 129 endodontiques réflexion, 408
incidence, 128 aiguës, 97 repositionnement et suture, 411
instrumentale, 298, 369 chroniques, 97 sous-marginal semi-lunaire, 407
radiculaire(s), 194, 205 flore microbienne des, 42 tracé du, 405, 448
verticale, 141, 337, 373 micro-organismes, 44 triangulaires et rectangulaires sous-marginaux,
Fraises de Gates-Glidden, 236, 304 persistantes et secondaires, 46 407
Froid, tests au, 82 polymicrobiennes, complexité des, 43 Lasers, 238
symptomatiques, 44 Lentulo, bourre-pâte de, 237
G extraradiculaires, 48 Lésions
Gates-Glidden, fraises de, 236, 304 primaire intraradiculaire, 42 des tissus durs dentaires et de la pulpe, 187
Génétiques, prédispositions, 97 Inflammation endoparodontales, 108
Gériatrique, endodontie, 467 des tissus, anesthésie et, 151 classification et diagnostic différentiel, 123
blanchiment, 477 modifications locales des tissus, 163 secondaires, 126
chirurgie endodontique, 477 modifications vasculaires pendant l', 15 tests cliniques et radiographiques, 122
cicatrisation, 470 Inflammatoire, processus, 56 parodontales, 195
dentisterie restauratrice, 478 Ingénierie tissulaire, 36 primaires
diagnostic, 471 Injection d'origine endodontique, 124
différentiel, 472 en deux étapes, 152 d'origine endodontique et parodontale, 126
impact de la restauration, 476 lente, 152 d'origine parodontale, 125
paramètres biologiques, 468 Innervation radioclaires, 220, 222
patients médicalement diminués, 470 accessoire, 155 radio-opaques, 222
réponse péri-apicale, 470 croisée par les nerfs alvéolaires inférieurs, 155 Lèvre engourdie, 154, 156
réponse pulpaire, 468 Instruments endodontiques, 230 Lidocaïne, 153
retraitement, 476 caractéristiques physiques, 233 infiltrations
Gingivectomie, 262 code couleur, 234 maxillaires, 157
Gow-Gates, technique de, 155 conception géométrique et normalisation, 234 vestibulaires et linguales, 155
Grossman, formule de, 342 d’obturation des canaux, 239 tamponnée, 154
Gutta percha, 338 désinfection et stérilisation, 241 Ligament parodontal, 19
cônes modelés par ramollissement de la, avec dimensions, 234 espace du, différenciation du, 212
un solvant, 349 éviter la cassure des, 238 infiltration, après l'anesthésie du nerf
élimination, 327, 388 fabrication, 233 alvéolaire inférieur, 156
obturateurs de transport, extraction, 389 fracture, 298 injection, 160
techniques d'obturation, 334, 343 prévention, 369 de complément, 164
thermoplastifiée, injection de, 352 fragment, extraction, 384 Ligature, 261
inhalation ou ingestion, 370 Lightspeed®, instrument, 237
H longueur, 235 Ligne de contour pour la cavité d'accès, 264
Hémisection, 414 manuels, 235 Limage
Hémorragie intrapulpaire, décoloration et, 454 mus par un moteur, 236 anticourbure, 302
Hertwig, gaine épithéliale de, 3 à mouvement en va-et-vient, 237 circonférentiel, 300
Histoire, 471 à vibrations, 237 Lime(s)
de la maladie présente, 184 rotatifs, 236 détériorations, 239
de la plainte présente, 76 pour l’examen clinique et le diagnostic, 231 en nickel-titane, 237
de la santé du patient, 75 pour l’intervention de routine, 231 Hedström, 233, 236
dentaire, 76 pour la préparation des canaux radiculaires, Localisateurs d'apex électroniques, 285
patients âgés, 471 231 Longueur de travail, 214, 282
du patient, 422 pour le blanchiment, 231 mesure, 211, 216, 298
médicale, 75, 185 pour les urgences, 231 évaluation radiographique, 282
patients âgés, 471 propriétés physiques, 232 patients âgés, 476
Histologique, examen, 425 rotatifs en nickel-titane, 305 perte, 297
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