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M.

Gilles Grolleau

Management environnemental et exploitation agricole


In: Économie rurale. N°262, 2001. pp. 35-47.

Abstract
Environmental management systems and farms - We describe and analyze the IS0 14001 standard by considering its
implementation in farms. We identify some opportunities and barriers for developing environmental management systems on
French farms. Lastly, we propose some strategies to overcome the barriers and to encourage the adoption of environmental
management systems on farms.

Résumé
La norme internationale ISO 14001 est décrite et analysée en envisageant son application aux exploitants agricoles. Des facteurs
susceptibles de contribuer à son adoption sont identifiés tandis que des obstacles de taille demeurent. Des stratégies
susceptibles de faciliter l'adoption de cette norme sont également proposées.

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Grolleau Gilles. Management environnemental et exploitation agricole. In: Économie rurale. N°262, 2001. pp. 35-47.

doi : 10.3406/ecoru.2001.5230

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ecoru_0013-0559_2001_num_262_1_5230
anagement environnemental

et exploitation agricole

Gilles GROLLEAU • Umr Inra-Enesa Dijon

Les attentes de la société vis-à-vis des agri agricole. La qualité recherchée par les clients
culteurs sont de plus en plus complexes. ne se limite plus aux caractéristiques du pro
Tout en conservant les demandes passées duit, mais s'étend à l'organisation (Segrestin,
(produire plus et pas cher, fournir de la qual 1997). Selon Mazé et al, (2000), «l'objectif
ité et du choix), elles s'enrichissent d'ex est de s'assurer en amont que l'entreprise
igences nouvelles telles que l'amélioration s'est dotée d'une organisation interne adé
des qualités intrinsèques, les exigences éth quate pour donner confiance à ses clients et/
iques et environnementales. En France, ce ou mettre en œuvre une politique environne
déphasage entre les exigences du consomm mentale adaptée».
ateur-citoyen et la logique productiviste Les caractéristiques environnementales
s'est renforcé suite aux crises de confiance, sont des caractéristiques de croyance, donc
notamment sanitaires impliquant à la fois les invérifiables par le consommateur sur le pro
industriels (vache folle, boues des stations duit fini. Elles nécessitent un signalement spé
d'épuration), les pouvoirs publics (sang con cifique pour être perçu (Caswell et Modjusz-
taminé, amiante) et même la communauté ka, 1996) et sont l'objet d'une différenciation
scientifique dans une certaine mesure (OGM, informationnelle. Derrière les assertions mer-
organismes génétiquement modifiés). Les catiques pro-environnementales diffusées par
réponses actuelles des différents acteurs sont les professionnels de la filière agro-aliment
multiformes et se matérialisent par des dé aire, l'expert découvre des réalités diverses
cisions politiques (durcissement de la r allant d'un véritable management environne
églementa ion, éco-condiu'onnalité des aides), mental au discours de façade. Ces assertions
par des exigences de plus en plus sévères des sont souvent «authentifiées» par la mise en
clients et des autres parties intéressées (ca place d'outils divers et multiples dont la crédib
hiers des charges incluant des garanties envi ilité est difficile à vérifier. Or, les caractéris
ronnementales), voire par la dénonciation et tiques environnementales sont exposées à un
le boycott de certains produits, du côté des fort risque de manipulations opportunistes de
consommateurs. En effet, les consommat l'information. Dans un cadre contractuel bila
eurs établissent une corrélation positive en téral, l'intervention d'un tiers générateur de
tre caractéristiques environnementales et confiance est généralement nécessaire pour
propriétés intrinsèques des denrées, notam garantir une certaine loyauté des transactions
mentsanitaire (Johansson et al., 1999; Pujol (Caswell et Modjuszka, op. cit.). En l'absence
et Dron, 1998). Conscients de cette corréla d'écolabel officiel applicable aux produits
tion,l'aval de la filière agro-alimentaire, agro-alimentaires, la norme ISO 14001 est
outre ses propres initiatives en matière de susceptible de constituer un substitut, vecteur
gestion environnementale, souhaite obtenir de crédibilité du fait de son origine consens
des garanties sur les modes de production uelleet de sa certification par tierce partie.

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Sur le plan technique, la prise en compte quelques facteurs favorables à l'émergence
des aspects environnementaux est complexe de la norme ISO 14001 dans le contexte
et ne peut être définie de manière uniforme agricole français. Enfin, nous mettons en re
§ selon le lieu, les conditions pédo-climati lief certains obstacles à l'adoption d'un SME,
**ID ques, les antécédents culturaux, etc. À l'i système de management environnemental,
nverse de l'agriculture biologique, qui bé par les agriculteurs, en y associant des pro
néficie d'une définition absolue (absence positions susceptibles de constituer de futu
d'intrants chimiques de synthèse), la dé respistes de recherche.
2 finition d'une agriculture respectueuse de
l'environnement est relative et nécessite un Présentation critique de la démarche
raisonnement en fonction des conditions où IS0 14001
elle est apppliquée. De surcroît, les exploi appliquée à l'exploitation agricole
tantstraitant avec plusieurs clients sont par
fois confrontés à une multiplicité des cahiers Sans prétendre à l'exhaustivité, nous pré
des charges qui les exposent à des exigences sentons une approche critique de la norme
contradictoires, à des risques de surenchère ISO 14001 appliquée à l'exploitation agri
environnementale et de redondance. Ce cl cole. Ces critiques se basent essentiellement
imat génère une perte de lisibilité des dé sur l'analyse des exigences normatives dans
marches, notamment sur le contenu des dé le contexte agricole français et sur une
marches et sur leurs modes de contrôle. synthèse bibliographique. Nous utilisons
Dans un tel contexte, la norme ISO 14001 des informations issues d'une enquête pros
propose un modèle d'organisation consens pective auprès d'une vingtaine d'agriculteurs
uelleet générique. Plusieurs régions (Euro bourguignons et d'entretiens avec des
pe du Nord, Australie, Nouvelle-Zélande, agents représentant tous les maillons de la
Amérique du Nord) s'intéressent au déve filière agro-alimentaire (1999-2000). Les
loppement des systèmes de management en sources empiriques susmentionnées ne per
viron emental dans les exploitations agrico mettent pas un traitement quantitatif des
les (Wall, 1997b; Wall et al., 1999; données, mais fournissent des renseigne
Carruthers et Tinning, 1999; Gottlieb-Peter- ments qualitatifs pertinents.
sen, 1997; MAF, 1998), alors que ce domai
ne de recherche émerge à peine en France. 1. Principes de base et champ d'application
Quelques centaines d'exploitations agricoles
sont déjà certifiées suivant ce référentiel La norme internationale ISO 140011
(1996) d'adhésion volontaire, propose aux
dont quelques-unes en France. Ce début t
imide témoigne de l'existence d'obstacles à entreprises un modèle générique de gestion
la mise en place des systèmes de manage attestant qu'un SME documenté est mis en
mentenvironnemental dans les exploita place. Le SME désigne «la composante du
tions agricoles françaises. Le but de cet arti système de management global qui inclut
cle est d'analyser l'applicabilité de la norme la structure organisationnelle, les activités
ISO 14001 en tant que réfèrent générique de planification, les responsabilités, les
pour la gestion environnementale au sein pratiques, les procédures, les procédés et
les ressources pour élaborer, mettre en
des exploitations agricoles. Nous fournis
sons également des références récentes e
s entiel ement étrangères, qui constituent 1. Il existe un règlement européen (n° 1836/93) ap
pelé couramment éco-audit relatif à la mise en pla
une base de recherche pertinente. Après ced'un système de management environnemental et
avoir présenté la démarche ISO 14001 dans d'audit proche de la norme ISO 14001 dans ses ob
une perspective critique, nous identifions jectifs et sa méthodologie.

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œuvre, réaliser, passer en revue et mainte tale des ateliers, un SME appliqué sur un ate
nir la politique environnementale» (Norme lier ne serait pas crédible et pertinent.
ISO 14001, 1996). Cette démarche est ba Néanmoins, cette argumentation n'exclut pas
sée sur l'exigence minimum de respect de d'autres types de structure jouissant d'une cer
la réglementation, la prévention et sur la taine autonomie décisionnelle lui permettant
recherche d'une amélioration continue. de satisfaire aux exigences normatives (par
Cette logique d'amélioration continue exemple un GAEC). Par ailleurs, plusieurs
constitue la force et la faiblesse de la nor CUMA expérimentent l'adoption d'un système
me. En effet, cette recherche d'une amélio de management environnemental (Plan envi
ration continue ne se fait pas à travers des
ronnement-entreprise de l'ADEME) et pour
seuils imposés de l'extérieur. Il ne s'agit
raient ainsi servir de relais pour la diffusion
pas d'une logique comparative par rapport
de la norme ISO 14001 dans le monde agri
à d'autres exploitations, mais d'une logi
que personnelle et progressive par rapport cole. Cette question du champ d'application
à ses propres performances. Ce qui signifie est l'un des dilemmes du référentiel Agri-
que deux exploitations similaires certifiées Confiance® volet vert2. En effet, ce réfé
ISO 14001 peuvent avoir des performances rentiel, originellement conçu dans une logi
environnementales différentes (au-delà du que de filière, perd une partie de sa pertinence
respect de la réglementation) et bénéficier au regard des aspects environnementaux qui
de la même certification. Difficile à faire nécessitent généralement de considérer l'ex
comprendre, mais cet aspect permet l'ap ploitation agricole dans son ensemble. L'une
plicabilité de la démarche à de nombreuses des solutions envisagées serait la définition
exploitations. Or, en terme d'impact env d'un socle commun défini au niveau national,
ironnemental global, il semble préférable permettant de considérer l'exploitation agri
de rechercher une implication générale cole dans son ensemble vis-à-vis des aspects
des agriculteurs, que seulement celle d'une environnementaux. Considérer l'exploitation
élite dont les effets sur l 'environnement se agricole dans son ensemble est également la
ront négligeables, compte tenu de l'amposition retenue par le rapport Paillotin
pleur des phénomènes considérés. (2000) sur l'agriculture raisonnée, qui recom
La norme ISO 14001 s'applique à tout o mande par ailleurs une application adaptée de
rganisme (site ou unité opérationnelle autono la norme ISO 14001 au secteur agricole.
me sur le plan administratif et fonctionnel)
qui souhaite mettre en œuvre un SME et obte
nirsa certification auprès d'une tierce partie. 2. AgriConfiance® est une application de la norme
d'assurance qualité ISO 9002 à l'interface agricul
S'agissant d'une norme organisationnelle, la teur-coopérative. Promu par la Confédération agri
publicité sur les produits est normalement in cole des coopératives agricoles, ce référentiel vise à
terdite. Grolleau (1998) avait argumenté afin garantir aux tiers la qualité, l'information et les flux
de service entre l'agriculteur et la coopérative. Une
que l'organisme considéré corresponde à extension environnementale de ce référentiel, par
l'exploitation agricole dans son ensemble application de la norme ISO 14001 est actuellement
(hormis les exploitations multi-sites indépen à l'étude (AgriConfiance® volet vert). En décemb
dants)en tant qu'organisme sur lequel s'ap re 2000, 149 sites s'étaient engagés dans la démar
che dont 36 certifiés AgriConfiance® (environ
pliquerait la démarche ISO 14001 plutôt 7900 producteurs) (Site web: http://www.coopera-
qu'une démarche par atelier ou par produit. tion-agricole.asso.fr/qualite_reglement_alim/
Du fait de l'interdépendance agri_confiance/agri_confiance.htm)

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Figure 1. Présentation synthétique d'un système de management environnemental

1. Engagement de la direction

\
2. Analyse environnementale initiale

*
3. Politique environnementale

i
7. Revue de direction 4. Planification
A Amélioration
T , CONTINUE
6. Contrôle et actions correctives 5. Mise en oeuvre et fonctionnement

2. Présentation critique lyse environnementale en amont ou en aval


de la démarche IS0 14001 (comme conseillée dans la norme ISO
Notre description, tout en étant conforme à 14001) de la politique environnementale.
la démarche ISO 14001 ne reprend pas en Située en amont, elle peut orienter la déci
détail toutes les exigences et les conseils sion d'établir un système de management
relatifs à la mise en place de la norme ISO environnemental en rendant «tangible» cer
14001. Nous avons fait le choix dans un tains impacts environnementaux méconnus
souci de compréhension, de ne pas nous par le producteur et constituer une base de
conformer à l'acception stricte des termes et travail pertinente pour la définition de la
au degré de précision présent dans les docu politique environnementale.
ments normatifs (ISO 14001 et ISO L'analyse environnementale initiale préci
140043). Quelques chercheurs et des prati se notamment la réglementation s 'appli
ciens ont élaboré des documents d'applica quant à l'exploitation agricole. Elle identifie
tion pratique de la norme ISO 14001 à l'ex les aspects environnementaux significatifs,
ploitation agricole (Lussier et al., 1998; les effets environnementaux des pratiques
Noslam, 2000). existantes et leurs impacts environnement
aux significatifs (réels et potentiels, bé
Réaliser une analyse environnementale initiale néfiques et négatifs). En effet, les activités
En l'absence de SME préalable, cette analyse agricoles peuvent avoir des effets bé
environnementale constitue à la fois un état néfiques ou nuisibles sur l'environnement
des lieux et un diagnostic. Une question de alors que pour les activités industrielles, on
meure sur l'opportunité de réaliser cette ana- ne recherche généralement que la réduction
d'impacts négatifs. Par exemple, l'exploita
3. Alors que la norme ISO 14001 donne la structure tion des terres agricoles peut provoquer la
du SME et les éléments permettant la certification (le
quoi), la norme ISO 14004 précise le comment, disparition de certains écosystèmes, la dé
c'est-à-dire des recommandations pour la mise en gradation de la qualité du sol, de l'eau, de
place du SME. l'air. Les activités agricoles peuvent éga-

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lement jouer le rôle de puits de gaz à effet de tamment (a) le choix, la quantification et le
serre, entretenir le paysage et limiter cer calendrier de réalisation des objectifs env
tains risques naturels (avalanches, inondat ironnementaux pertinents; (b) le choix des
ions). Cette analyse initiale recense les inc meilleures pratiques disponibles économi
idents environnementaux passés et leur quement viables (en se référant notamment
gestion. Cette étape permet aux producteurs aux divers codes de bonnes pratiques agri
de «prendre conscience de leur responsabil coles et aux organismes de conseil) et (c) la
ité environnementale». sélection d'indicateurs mesurant les résul
tatsenvironnementaux.
Définir une politique environnementale
Cette politique environnementale, explicite Cible Indicateur
Réduction de 10% Unités d'azote
les principes généraux et les engagements de la quantité d'azote apportées/quintal
environnementaux décidés par le «plus haut utilisée sur les cultures de céréales récoltées
niveau de direction de l'organisme», c'est- céréalières
à-dire l'exploitant agricole dans la plupart
des cas. Par exemple, elle exprime les enga Cet indicateur précédent a priori séduisant
gements de l'exploitant à rechercher la pré peut à la fois justifier des pratiques intensives
vention et la réduction de la pollution et et extensives, ne mentionne pas la période de
l'amélioration continue de ses performances référence servant à la comparaison et n'abor
environnementales au-delà du seuil r de pas la question du fractionnement et du
églementaire ainsi que l'importance de la type d'azote apporté. Cet indicateur occulte
communication avec les partenaires et les certaines questions méthodologiques (e.g.
parties intéressées de l'exploitation. Cette méthode des bilans) permettant à l'agriculteur
politique environnementale est communiq de raisonner la fertilisation azotée de manière
uée à tout le personnel de l'exploitation et à ajuster ces apports à l'année et à la parcelle.
est disponible pour les tiers (clients, voisins, Ainsi, l'indicateur peut également signifier le
associations, etc.). Elle délimite également développement d'un savoir-faire permettant à
le champ d'application de l'étape suivante: l'agriculteur de se soustraire à la logique des
apports standards. Ainsi, l'élaboration d'indi
Établir un plan environnemental cateurs fiables et adaptés à l'exploitation
Ce plan environnemental, cohérent avec les agricole, facilement mesurables et présentant
grands principes de la politique environne une relation appropriée à l'objectif poursuivi
mentaledonne un contenu concret au SME est particulièrement difficile. En effet, les
mis en place par l'exploitant. Il prend en pratiques agricoles sont des facteurs d'im
considération les aspects réglementaires, les pacts environnementaux, mais la relation
aspects environnementaux significatifs, les complexe entre pratique et impact environne
exigences commerciales et les points de vue mental n'est pas linéaire, d'où la difficulté
des parties intéressées. Ces parties intéres d'avoir des indicateurs appropriés. En fonc
sées correspondent souvent à d'autres util tion des conditions géographiques et pédo
isateurs du milieu biophysique où se situe climatiques, des conditions économiques et
l'exploitation (chasseurs, riverains, associa de la technologie existante, la même pratique
tions environnementales, etc.). Ainsi, l'avis aura un niveau d'impact différent sur l'env
des différents acteurs concernés par le ma ironnement, d'où la difficulté de fixer des cri
nagement environnemental de l'exploitation tères de performance applicables à tous. La
est étroitement associé au processus dé pertinence des indicateurs est généralement
cisionnel, ce qui accroît la crédibilité du sys liée à leur localisation. Malgré l'existence de
tème. Le plan environnemental précise grands principes génériques, une agriculture

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génératrice d'un impact moindre sur l'env tion dispose de procédures pour identifier
ironnement peut difficilement être spécifiée les raisons de ces écarts et mettre en place
de façon uniforme pour tous les types d'ex des mesures correctives. Les audits interne
ploitation agricole. et/ou externe réalisés à intervalles réguliers,
par des personnes compétentes et impartial
Mise en œuvre effective du plan environnemental es permettent une vérification systématique
Cette étape répond aux questions suivantes: de la conformité du SME aux exigences de la
Qui fait quoi et comment? Quand et avec norme ISO 14001. Cette étape est particuli
quels moyens? Les réponses correspondent èrement onéreuse et décourageante, puisque
à l'attribution des responsabilités et des selon Bergstrôm et al. (1999), l'audit exter
moyens, à la formation des actifs de l'ex ne (périodicité: 3 ans) coûte environ 3 500 $
ploitation aux responsabilités environne Us et l'audit interne annuel, environ 1 200 $
mentalesqui leur seront confiées. Cette éta Us. Selon le Noslam (2000), «les coûts de la
pe prévoit également la communication certification ISO 14001 d'une exploitation
interne (actifs de l'exploitation) et externe individuelle sont actuellement d'environ
(fournisseurs, voisins, chasseurs, etc.). La 5 000-7 000 $ pour l'audit initial et d'envi
mise en place d'un véritable système de ges ron 2 000 à 4 000 $ par année». Ces coûts
tion de l'information relative au système de sont des approximations intéressantes, mais
management environnemental implique la leur transposition à d'autres contextes sup
codification des processus de production. pose de connaître les structures agricoles
Cette codification est parfois perçue comme auxquelles ils s'appliquent.
un «facteur de rigidité» ou une «source de
déqualification» (Berny et Peyrat, 1995). A La revue de direction
contrario, ce système de gestion de l'info À intervalles réguliers, l'exploitant passe en
rmation est susceptible de dépasser la seule revue le SME et détermine s'il est toujours
sphère agro-environnementale pour permett approprié, suffisant et efficace. Cette revue
re des effets synergiques avec d'autres pr documentée envisage des modifications de
éoccupations telles que la traçabilité, et les la politique environnementale et des autres
systèmes d'assurance qualité. Enfin, le réfé- composantes du sme de l'exploitation afin
rentiel normatif exige des procédures relat d'améliorer la performance environnement
ivesà la prévention des situations d'urgence ale globale de l'exploitation et de mieux
et à la capacité à réagir des acteurs. En outre, s'ajuster aux demandes extérieures.
cette mise en œuvre effective concentre de
nombreuses exigences normatives sur un La norme IS0 14001 :
petit nombre d'individus soit 1,4 UTA en une démarche de gestion
moyenne par exploitation agricole (Gra- environnementale générique
phAgri, 2000). et différentiatrice

Contrôle, actions correctives


et modification éventuelle du sme 1. Une démarche de gestion
environnementale générique et reconnue
L'exploitation agricole doit établir et maint
enir des procédures documentées lui pe La profession agricole assiste actuellement à
rmettant de surveiller, de mesurer r une multiplication des cahiers des charges
égulièrement et d'enregistrer les principales répondant à des logiques différentes, tout en
caractéristiques de ses activités susceptibles proclamant les mêmes objectifs. Dans cer
d'avoir un impact environnemental signifi tains cas, l'agriculteur est confronté à de mult
catif.En cas de non-conformité, iples exigences dites «environnementales»,

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dont la compatibilité mutuelle et la cohérence biliser ces démarches pro-environnemen-
sont discutables. En outre, certains donneurs tales, «la seule solution consiste donc à trans
d'ordre ne possèdent pas la légitimité et les poser à l'agriculture la logique de la norme
compétences nécessaires pour préconiser une ISO 14001 (...). La démarche de l'agricultu
forme de gestion environnementale applica re trouvera sa pleine crédibilité en se fondant
ble à l'ensemble du site de l'exploitation agri sur un contrat de confiance, traduit concrè
cole, qui constitue pourtant l'entité crédible tement par la mise en œuvre d'une norme
d'un point de vue environnemental. Par inspirée de la norme ISO 14001 ». Le rapport
exemple une firme achetant le lait d'un agri Paillotin (2000) recommande également une
culteur pourra difficilement faire valoir des certification ISO 14001 de l'ensemble des
exigences d'ordre environnemental sur opérateurs intervenant sur le produit agro-al
«l'atelier céréales». Cette situation, en se dé imentaire considéré, ce qui semble difficil
veloppant contribue à l'émergence d'un cl ement réalisable. Ainsi, la démarche préconi
imat suspicieux susceptible de décrédibiliser sée par la norme ISO 14001 permettrait
l'ensemble des démarches (Pujol et Dron, d'objectiver le contenu des allégations envi
1998). Dans ce contexte, la norme ISO 14001 ronnementales relatives aux produits agro
pourrait constituer un document socle adap alimentaires. En outre, le caractère internatio
table aux spécificités diverses de l'activité nal et générique (c'est-à-dire l'applicabilité à
agricole. Quelques exploitations agricoles toutes sortes d'organismes) de la norme ISO
françaises, essentiellement viticoles sont à ce 14001 lui confère une crédibilité supérieure
jour certifiées suivant la norme ISO 14001. par rapport à des référentiels locaux, notam
Notons également que les démarches (Agri- menten terme de reconnaissance sur les mar
Confiance® volet vert et Certi'terre-Qua- chés d'exportation.
li'terre4 notamment) s'y réfèrent de façon
plus ou moins ambitieuse. Dans son rapport
sur l'agriculture raisonnée, Paillotin (2000) 2. La norme IS0 14001: de la différenciation
insiste sur la nécessité de la mise en place de l'organisation à la différenciation produit?
d'une «procédure d'assurance qualité for Sur le marché intermédiaire (business to
melle, fondée sur l'écrit, transparente et op business), les agents de la filière agro-ali
posable à des tiers». Selon lui, afin de crédi- mentaire disposent d'une meilleure capacit
é d'expertise par rapport aux consommat
4. Qualïterre et Certi'terre sont des démarches d'a eurs finaux (Grolleau, 2000), leur
c ompagnement de la Chambre d'agriculture de Pi permettant de comprendre les implications
cardie. Quali' terre est une démarche socle de
management de la qualité et de l'environnement vi d'une certification ISO 14001. En outre,
sant à fournir des garanties aux différents partenai l'adoption de la norme ISO 14001 par les
res de l'exploitation agricole et aux consommate fournisseurs agricoles permet de réduire
urs. Cette démarche est construite autour de deux les coûts de transaction associés aux carac
axes: (a) l'élaboration d'un référentiel de bonnes
pratiques agricoles qui constitue la base des garant téristiques environnementales des denrées
iesapportées et de la communication et (b) des pro agricoles. Ainsi, la certification ISO 14001
cédures de vérification combinant des audits - de pourrait à terme devenir l'un des critères de
seconde partie - de toutes les exploitations volont choix de ses fournisseurs agricoles. Par
aires et engagées dans la démarche par des agents
du développement, un audit par une tierce partie ha exemple, selon Wall et al. (1999), dans le
bilitée des services des agents du développement. cas de la Suède, «un certain nombre de
Les exploitants agricoles souhaitant obtenir une certifications ISO 14001 ont été obtenues
certification officielle de leur système d'assurance
qualité (ISO 9000) et/ou de management environ du fait des fortes attentes des restaurateurs
nemental (ISO 14001 ) intègrent alors le programme (Mac Donald's) et des distributeurs». Dans
Certi'terre, qui se veut plus élitiste. leur rapport à la ministre de l'Aménage-

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cessairement des caractéristiques intrinsè
8 ques supérieures aux produits classiques.
î Dans certains cas, la différenciation env
ironnementale du mode de production peut
I ment
cette
dans
labellisés5,
Pujol
«agriculteurs
incités
En d'autres
outre,
du
voie,
etparDron
territoire
les
leurs
sachant
enpays
sont
industriels
proposant
(1998)
clients
s'y
et
actuellement
que
de
conforment».
affirment
àde
l'Environnement,
des
s'engager
l'produits
agriculteurs
agro-aliment
fortement
quedans
éco-
des se traduire par des effets positifs sur ces
qualités classiques : moindre teneur en pesti
I cides, en métaux lourds... Par ailleurs, une
exploitation certifiée ISO 14001 peut éga
aire et les distributeurs peuvent avoir à dé lement hériter d'un milieu pollué et produire
montrer que leurs matières premières, en des denrées dont le niveau de qualité ne
correspond pas à l'image que s'en fait le
l'occurrence les produits agricoles, provien
consommateur (Thiébaut, 1995). Une diff
nent de systèmes de production effectiv
érenciation environnementale du produit
ement respectueux de l'environnement. Dans
agro-alimentaire est fortement basée sur une
cette perspective, «la certification ISO
différenciation du process et ce passage de
14001 pourrait constituer un moyen fiable»
la certification ISO 14001 des exploitations
pour fournir cette garantie (Wall, 1997b).
à l'écolabellisation des produits agro-ali
Sur le marché final, le produit constitue mentaires est particulièrement complexe et
l'un des principaux véhicules d'information ambiguë. De surcroît, l'univers français des
à l'intention du consommateur. Néanmoins, signes de qualité officiels et non officiels est
la différenciation de produits issus d'exploi souvent méconnu par les consommateurs
tationscertifiées ISO 14001 est particuli qui n'attribuent pas toujours aux produits les
èrementcomplexe, car les caractéristiques caractéristiques signifiées. Les pouvoirs pu
environnementales sont indécelables par le blics ne veulent pas déstabiliser cet équilibre
consommateur. Les produits issus d'exploi précaire en introduisant un nouveau signe,
tations certifiés ne possèdent pas né- dont le message relatif aux impacts enviro
nnementaux du système de production pourr
5. L'idée de créer un écolabel spécifique pour les ait être mal compris par les consommat
produits agro-alimentaires ressort notamment de la eurs. D'un autre côté, cette absence de
résolution d'initiative du Parlement européen du signe officiel basé sur un référentiel crédible
9 octobre 1998 (JOCE C 328 du 26-10-98) adressée
à la Commission européenne et au Conseil de l'Eu laisse la porte ouverte aux allégations plus
rope, qui: mercatiques qu'environnementales.
- «demande la création d'une troisième catégorie
de qualité fondée sur des critères environnemen
taux au sens large (en ce compris le bien être des Obstacles à la mise en place
animaux); souhaite dès lors que soient adoptés, de la norme IS0 14001
comme pour l'agriculture biologique, un code
européen de bonnes pratiques agricoles et une r dans les exploitations agricoles
églementa ion européenne de l 'agriculture intégrée; et propositions
fait observer, enfin, que l'adoption d'un label de
qualité européen permettrait d'informer, de façon Plusieurs auteurs ont identifié des facteurs
uniforme, le consommateur de l'existence de cette favorables et des obstacles à l'adoption de la
nouvelle catégorie de qualité;
- «entend par cette troisième catégorie de qualité, norme ISO 14001 par les agriculteurs (Ba
d'une part, répondre à la demande du consommateur ker et al., 1999; Carruthers et Tinning,
qui souhaite des produits agricoles et des denrées al 1999; Wall et al, 1998; Ljung, 1998; Maf,
imentaires respectant davantage l'environnement et, 1998). Ces travaux doivent être replacés
d'autre part, promouvoir l'agriculture écologique;
invite la Commission à étudier la possibilité de fonder dans le contexte agricole (pays, type de pro
ce label sur des analyses de cycle de vie (Acv) du pro duction, taille des exploitations, modèle
duit concerné (...). » d'organisation, etc.) où ils ont été réalisés.

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En effet, le vocable exploitation agricole 14001. En outre, une communication envi
peut cacher des réalités diverses qui contra ronnementale à l'intention du public (instit
rient les logiques de transposition. Par utionnelle ou privée) sera difficilement
exemple, la firme Del Monte a obtenu la compréhensible par la seule référence à la
certification ISO 14001 pour plusieurs ex norme ISO 14001. Selon Mike Logan, le pre
ploitations bananières sud-américaines dont mier agriculteur du monde à être certifié ISO
la superficie se chiffre en dizaines de mil 14001 (1997), «il faut changer l'expression
liers d'hectares. Nous postulons que les ex ISO 14001 en quelque chose que nous puis
ploitations susceptibles de mettre en place sions utiliser dans notre marketing - c'est une
un SME présentent des caractéristiques expression terrible d'un comité qui n'a ja
particulières6. mais vendu une once de produit sur un
marché» (Carruthers, 1999).
1. Une transcription de la norme IS0 14001
à l'activité agricole 2. Des exigences normatives lourdes
et des coûts élevés
La méconnaissance de la norme ISO 14001
par les agriculteurs peut générer des confu Dans le cas des exploitations agricoles fran
sions et des préjugés, notamment avec çaises, les exigences normatives (formation,
d'autres expressions qui se réfèrent au do veille réglementaire et technologique, sur
maine réglementaire (mise aux normes des veillance et actions correctives, communic
bâtiments d'élevage, normes de rejets, etc.). ation, etc.) sont concentrées sur un ou deux
En outre, la norme ISO 14001 utilise un vo individus. En outre, les coûts directs (inves
cabulaire générique et un style propre aux tissements environnementaux, audit, etc.) et
documents normatifs qui peuvent constituer indirects (formation, temps, etc.) constituent
des obstacles à sa compréhension et à son l'un des principaux obstacles à l'adoption de
acceptation. Une transcription de la norme la norme ISO 14001 par les exploitants agri
ISO 14001 à l'activité agricole et une adapta coles, notamment pour les petites structures.
tion de son vocabulaire lui permettrait certa Cette mise en place génère également une
inement de déclencher un intérêt plus pronon diminution des dépenses, notamment liée à
cé des agriculteurs (Grolleau, 1998). Ainsi, une meilleure efficacité technique et organi-
dans le secteur forestier, un document techni sationnelle. Néanmoins, les coûts relatifs à
quefournit des informations spécifiques la mise en place d'un SME et à son fonctio
(ISO/TR 14061) pour assister les organismes nnement ne sont pas immédiatement comp
forestiers dans l'utilisation des normes ISO ensés. Quant aux bénéfices à moyen et à
long terme, ils sont difficilement chiffrables
6. Nous avons remarqué que les exploitations viti- notamment à cause d'un manque de recul et
vinicoles et les exploitations dont l'organisation est de la difficulté à les dissocier d'autres sour
proche de l'organisation industrielle (exploitation cesde bénéfices. Face aux problèmes précé
de grande taille, présence d'une activité de transfo
rmation) présentent un intérêt plus prononcé pour la dents, nous proposons quelques pistes ex
norme ISO 14001. Dans leurs recommandations ploratoires et complémentaires:
synthétiques, Pujol et Dron (1998, p. 85) considè • Les possibilités de valorisation supérieure
rent qu' «on peut envisager l'intégration des exploi
tations dans le règlement d'Ecoaudit [n° 1836/93] des produits issus de d'exploitations certi
pour les exploitations agricoles situées dans le pre fiées ISO 14001, comme c'est le cas pour
mier quart en terme de taille pour chaque secteur certains produits forestiers éco-labellisés.
agricole». Cette analyse rejoint le concept de seuil
d'intérêt ou d'opportunité relatif à l'adoption de la Cette valorisation peut s'envisager à travers
norme ISO 14001 développé dans Montel (2000) un label produit (Van Ravenswaay et Blend,
dans le cas des porcheries bretonnes. 1997) mais aussi devenir une condition de

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différenciation dans une relation «business l'autonomie de l'exploitation. Une formation
i to business». Selon Mike Logan, il ne faut à l'audit pourrait être centralisée par cette
pas s'attendre à bénéficier d'un surprix structure, ce qui permettrait de réaliser les
automatique, mais des possibilités de valori audits annuels par «échange d'exploitants».
sation existent à travers la différenciation du L'identification de cette structure intermé
produit et de son exploitation agricole. Cette diaireet des rôles qui lui seront confiés reste
différenciation permet l'accès à de nou à préciser, en tenant compte de l'expérience
veaux marchés (Carruthers, 1999). acquise dans le secteur forestier et dans les
• Des formes d'organisation collective afin de systèmes utilisant déjà ce type d'approches.
pallier la lourdeur du système ISO 14001 sur Selon Mazé et al. (op. cit.), l'organisme certi-
des exploitations agricoles de petite taille ficateur contrôlerait «un échantillon donné
(Mazé et ai, 2000; Noslam, 2000). Certaines d'exploitations agricoles, ainsi que le syst
exigences normatives sont génériques, c'est- ème-qualité mis en place par l'organisme
à-dire qu'elles peuvent être centralisées par intermédiaire». Ce concept de répartition des
une structure intermédiaire crédible (modèle exigences normatives se retrouve à des de
de politique environnementale, veille r grés divers dans le référentiel AgriConfian-
églementaire et technologique, audit, outils de ce® et dans le programme de qualification
i des exploitations agricoles Quali' terre.
suivi, conseil, etc.) sans remettre en question

Figure 2. Organisation collective pour la mise en place d'un sme (adaptée de Noslam, 2000)

Vérification par tierce partie

i
deAudit
la structure
completintermédiaire
des services
Audit aléatoire
i des sme individuels
des Élaboration
exigences
STRUCTURE normatives
etINTERMÉDIAIRE
mise en génériques
oeuvre

1
Audit interne
des sme individuels SME1 SME 2 SME 3 SME 4 SME 5

EA1 EA2 EA3 EA4 EA5


♦ ♦ ♦ ♦

• L'inventaire des outils existants suscepti à la mise en place de SME dans les petites
bles de répondre aux exigences de la norme entreprises (Stapleton et al., 1996) pourraient
ISO 14001. En effet, un certain nombre également être adaptés pour correspondre
d'outils d'origines diverses (auto-diagnostic aux activités agricoles. Cet inventaire per
environnemental Faire, guide des bonnes mettrait de repérer les manques et d'orienter
pratiques agricoles par type de production les recherches dans ce sens. Un document
des instituts techniques, outils issus des Plans synthétique similaire à la norme outil ISO
de développement durable, etc.) existent et 14004 pourrait être rédigé de façon à guider
peuvent s'insérer dans une démarche ISO les agriculteurs dans la mise en place de leur
14001. Des outils d'accompagnement relatifs SME (Carruthers et Tinning, op. cit.).

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• Un niveau d'exigence proportionné à la vent devenir des instruments valorisants et
structure agricole considérée. Ainsi, le rap motivants pour les producteurs agricoles,
port sur l'agriculture raisonnée (Paillotin, leur permettant de reconquérir une image de
2000), tout en encourageant la mise en œu marque. Les pouvoirs publics peuvent jouer
vre de la norme ISO 14001 reconnaît la né un rôle de promotion de ces outils managér
cessité d'adapter la norme à la structure des iaux par l'information, la formation, la re
exploitations agricoles. D'ailleurs, le texte cherche, l'accompagnement financier et
normatif mentionne clairement sa volonté technique, la cohérence entre ces démarches
de s'adapter à tous les types d'organismes: volontaires et le contenu des autres instr
«Le niveau de détail et de complexité du uments réglementaires, économiques et inci
système de management environnemental, tatifs (écoconditionnalité des aides, Contrat
l'importance de la documentation et le ni territorial d'exploitation). Par exemple, la
veau des ressources qui lui sont allouées norme ISO 14001 imposant comme base
dépendront de la taille de l'organisme et de minimale le respect de la réglementation
la nature de ses activités. C'est particuli peut entraîner un allégement du contrôle au
èrementle cas des petites et moyennes titre des installations classées pour les entre
entreprises» (Norme ISO 14001, 1996). prises certifiées, ce qui est déjà le cas dans le
Reste à savoir comment cette flexibilité du secteur industriel. En repensant leurs modes
texte normatif peut se traduire dans le cas d'intervention (Pujol et Dron, 1998), les
des exploitations agricoles. pouvoirs publics peuvent jouer un rôle pré
pondérant dans l'adoption des SME dans les
exploitations agricoles.
3. Favoriser l'engagement individuel
par la promotion des outils managériaux
Remarques finales
Vis-à-vis des pratiques environnementales
des firmes, les pouvoirs publics ont souvent L'adoption de la norme ISO 14001 génère
joué un rôle contraignant en utilisant les po une réflexion stratégique sur la gestion glo
litiques réglementaires et économiques. bale de l'exploitation et fournit des outils et
Sans remettre en question le bien fondé de des méthodes susceptibles d'être transposa-
ces politiques, celles ont souvent visé des bles à des aspects autres qu'environnement
objectifs partiels dont l'effet pervers peut aux. Nous avons discuté de la norme ISO
être un transfert de la pollution d'un com14001 sans considérer les liens forts qui
partiment environnemental à un autre, d'une l'unissent au système d'assurance qualité de
étape du cycle de vie du produit à une autre, type ISO 9000. Outre le parallélisme des
voir d'un lieu à un autre (Grolleau, 2000). démarches, la plupart des opérations visant
Ces politiques ont souvent contrarié les pro à encourager et à accompagner des exploita
ducteurs agricoles, leur donnant l'impres tions vers la norme ISO 14001 sont des dé
sion d'être des «boucs émissaires». Les marches mixtes associant assurance qualité
outils managériaux offrent de nouvelles et management de l'environnement (Gott-
perspectives en incitant les exploitations à lieb-Petersen, 1997; Wall et al. 1999;
dépasser une attitude purement réactive (sa Bergstrôm et al, 1999; Mazé et al, 2000).
tisfaire à la réglementation) pour s'engager En outre, dans la perspective d'une commun
dans une démarche globale, volontaire et ication vers le public, les cloisonnements
pro-active susceptible de devenir un enjeu des experts ne correspondent pas aux per
stratégique (gain de parts de marché, diffé ceptions globalisantes des consommateurs
renciation des produits, management orga- (Grolleau, 2000). Une analyse approfondie
nisationnel). En outre, ces démarches et comparative des systèmes mis en place en

Économie Rurale 262/Mars-avril 2001


France et à l'étranger pourrait constituer une (1996) qui considère qu'« encourager les
g base crédible pour étudier l'applicabilité sous traitants et les fournisseurs à établir un
S1 d'un système mixte assurance qualité - ma- SME est l'un des principes fondamentaux de
.o nagement environnemental aux structures la mise en œuvre d'un SME au sein d'un
3 agricoles françaises. organisme». Cette situation se vérifie déjà
L'intérêt pour la norme ISO 14001 et son dans certains secteurs industriels où les fi
adoption par les agriculteurs semble éga- rmes certifiées ISO 14001 et possédant un
"S lement lié au type d'aval considéré. L'étude fort pouvoir de marché demandent à leurs
S des conséquences sur l'exploitation agricole fournisseurs d'adopter la norme ISO 14001.
de clients certifiés ISO 14001 ou dé
veloppant une image environnementale de Remerciements
leurs produits semble être une voie de r Ces travaux bénéficient du soutien financier de I'Aoe-
echerche pertinente. En effet, selon Wall et me (Agence de l'environnement et de la maîtrise de
l'énergie), du Conseil Régional de Bourgogne et du
al. (1998), «les industriels [agro-aliment Piree (Programme interinstitutionnel d'études et de
aires] certifiés ISO 14001 pourraient à te recherches en économie de l'environnement). Je tiens
rme n'utiliser que des fournisseurs qui ont à remercier B. Montel, A. Desforges, 0. Theobald et
L Thiébaut ainsi que les deux lecteurs pour leurs r
adopté la norme ISO 14001». Cette idée se emarques constructives. Les erreurs et omissions res
situe dans l'esprit de la norme ISO 14004 tent miennes.

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