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25 février 2019
Dans son grand manteau, Bonnie Banane a un 33 tours de Steve Waring qu’un pote vient de lui prêter. On
se pose aux Cent Kilos, petit troquet du 11ème, le chauffage
age au gaz au dessus de nos têtes ne marche pas
à cause du vent. Il caille. Elle commande un café serré avec un verre d’eau. Bonnie est le genre de meuf à
qui on ne donne pas d’âge.
âge A la fois anachronique et résolument de son temps. Elle parle avec une
gouaille qui lui est propre, dilue sa bonhomie dans un cynisme qui claque. De la force, de la mélancolie
aussi : c’est une poupée clownesque qui se désarticule, et qui n’est jamais celle que l’on attend.
Maquillage:
age Céline Exbrayat – Stylisme: Julia Heuer chez Autrement PR
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Elise Amblard : Ah non t’inquiète. T’as pas besoin d’être concise, on est pas fan de concision, nous.
J’aime bien les entretiens un peu à l’ancienne. Celui d’André Halimi avec Françoise Sagan. Dans
l’enregistrement, on entend le bruit des glaçons dans le whisky, les cigarettes qui s’allument… c’est une
référence !
B : J’adore ça.
Elle grelotte.
E : On commence ?
Qu’est ce que c’est Bonnie Banane ?
C’est un projet d’abord. Le nom d’un projet. Représenté par quelqu’un qui est entre le clown et la strip-
teaseuse.
A la base, c’est un délire entre potes. J’ai trouvé ça, on s’est tapé des barres pendant longtemps, et après
je l’ai adopté pour moi. C’est peut être le nom de quelqu’un qui… enfin, c’est une facette, tu vois. Y’a un
film de Claire Denis qui s’appelle Nénette et Boni. J’aime beaucoup ce film. C’est un prénom de mec.
Boniface… Bonifacio. Boni. Et puis banane c’est rond, c’est marrant à dire, ça rebondit. C’est chaud, c’est
ce que j’aime dans la vie. C’est un mot que tout le monde peut comprendre, mais y’a plusieurs lectures. Et
puis c’est aussi un truc qui est bon, mais qui est écœurant.
Je travaille sur mon album. J’ai fait pas mal de feats récemment, et y’a d’autres projets collaboratifs qui
vont sortir.
Myth Syzer, Flavien Berger, Jazzy Bazz, Vanish la Piscine… Tu feates beaucoup ! Qu’est ce qui te
plaît la dedans ?
J’aime trop ça. J’ai souvent bossé de cette façon. J’aime rebondir sur une idée, j’aime vraiment l’échange.
Les artistes avec lesquels j’ai collaboré sont des amis, tu vois, ce sont avant tout des humains que j’aime
beaucoup. Ca va de soi. J’ai du mal à bosser avec des gens que je n’ai jamais vu. Par exemple, Flavien,
(Flavien Berger, ndlr) je le connais depuis longtemps. Je travaille avec des gens dont je me soucie.
Contre-Temps
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Tu qualifies ta musique comme étant du « R&B de genre ». C’est quoi ?
C’est un peu hybride ce que je fais. C’est pas totalement expérimental non plus…C’est pas de la variète,
pas de la dance, pas de la chanson. Le R&B, c’est la musique que j’ai le plus écouté. Alors voilà, ouais,
c’est ma contribution, mais c’est pas du R&B pur et dur parce que je ne peux pas prétendre à ça.
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Aujourd’hui, plus tant que ça. J’ai beaucoup fait la fête. J’aime ça, mais je trouve qu’il y a trop de drogues.
C’est un cauchemar pour moi de voir tous mes amis en prendre. Je vois des gens tomber dans la drogue…
c’est aberrant pour moi. Ca me fout la flemme. Les gens ne se rendent pas compte, ils ne savent pas
doser, c’est vraiment boring… j’aime danser, écouter de la musique très fort. Mais mes meilleurs moments
d’extase en club, c’est quand je suis sobre.
C’est chaud ! J’en ai plein. C’était en 2010, sûrement. Jah Shaka, tu vois qui c’est ? C’est un pionnier du
roots dub, disons. Il passait des disques au Trabendo. Le sound-system était au milieu de la foule à
l’époque, avant qu’ils fassent les travaux. J’étais à un mètre de lui. Et le gars, il parle entre les vinyles. Il est
là, genre : « grow your own fruits ! eat your own vegetables ! » Il met une version de Redemption Song de
Bob Marley, que je n’ai jamais retrouvée. C’est une version instrumentale de dix/quinze minutes, que des
cuivres. Le mec descendait sous les platines pour tirer une taff, la fumée remontait, elle arrivait avant lui et
il rentrait dedans, il apparaissait comme un champignon. C’était magnifique. J’ai dansé pendant sept
heures, et j’étais sous eau !
Quelle chanson t’aurais aimé écrire ?
La plus belle chanson d’amour ? Celle que tu as envie que l’on te chante, ou de chanter à ceux que
t’aimes…
C’est très dur ce que tu me demandes. Ce serait sûrement Connais-tu de Michel Legrand et Nana
Mouskouri. Surtout pour la fin du morceau. Michel Legrand, quand il est mort récemment, j’ai chialé toute la
journée. Je te jure, toute la journée. Ce mec là a dédié sa vie à faire des chansons d’amour. J’ai assisté à
un discours qu’il a fait il y a quelques années au festival du film romantique de Cabourg. On lui remettait
une sorte de prix d’honneur, et il a parlé de son amour pour Macha Méril. De cet amour impossible. Tu
sais… je sais pas si t’es au courant, mais ils ont eu un coup de foudre, puis ne se sont pas revus parce
qu’ils étaient chacun mariés. Et puis, il est allé la voir au théâtre, des dizaines d’années plus tard. Ils se
sont mariés en 2013, et ils ont enfin pu vivre leur histoire. Il racontait ça, et certains essayaient de le
couper, de reprendre le micro, mais il persistait. Il disait : je veux encore dire que je l’aime. Il l’a fait venir
sur la scène, il était en transe. Ca m’a énormément touchée. Aujourd’hui j’ai peur qu’on ne sache plus
parler d’amour, parce que l’amour, enfin en tout cas l’esprit de l’amour a changé. J’espère qu’il est
interminable et infini. C’est vraiment ce que j’espère. Mais chanter l’amour comme lui… j’ai l’impression que
c’est mort avec lui, en fait.
Bonnie Banane
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Bonnie Banane
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incroyables ces mecs là. Je trouve ça ouf ce qu’ils proposent. Et puis mes potes, quoi ! Ils sont
formidables.
C’est cliché, mais j’aime vraiment les couchers de soleil, y’a un truc qui se passe, où que tu sois. La ville le
matin très tôt, quand y’a personne, le dimanche matin. J’aime les endroits où y’a peu de monde. La
possibilité d’avoir du silence, de manière générale. Les lieux de culte, tu vois… ou le train.
Très bien. J’ai la chance de pouvoir m’adapter. Je me suis façonnée comme ça, de manière à pouvoir
m’adapter n’importe où, n’importe quand, à n’importe quoi. Je ne dis pas que j’y arrive tout le temps, mais
c’est comme ça que je vis des choses. J’aime m’adapter à différentes personnes, à différents lieux dans
une même journée. J’aime bien faire en sorte de me sentir comme un poisson dans l’eau. Y’a plusieurs
étapes de ma vie où j’ai du le faire. C’est comme ça que j’ai appris. En faisant en sorte que. En faisant
genre que tout est normal. Et ça l’est devenu, par la force des choses.
Je pense que j’ai une vision différente de ce que je pense avoir été enfant et de ce que j’étais vraiment. J’ai
l’impression d’avoir été difficile, alors qu’en fait non. Par exemple, tu vois. J’étais très solitaire. Je parlais
beaucoup toute seule. D’ailleurs, je parle encore beaucoup toute seule.
Dépressive. Je ne parlais à personne. J’avais beaucoup de mal à parler. Mais je vivais dans l’espoir d’un
ailleurs. Dès l’âge
âge de douze ans, je voulais vivre autre part. J’étais assez indépendante pour rêver de ça.
Je suis partie très tôt, quand j’avais 17 ans.
C’est quoi ton rapport à ta famille ?
Je ne les vois pas trop. Ma famille, c’est mes amis. J’ai des petits frères que j’aime très, très fort. Voilà.
Mais je vis beaucoup avec les défunts. Je suis dans le deuil de beaucoup de personnes.
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Je dirais : aie confiance en toi. Là où je n’ai pas eu de bonnes fondations, c’est dans la confiance en moi.
J’ai pas été élevée par des gens qui avaient confiance en eux. J’ai pas été élevée par des gens qui
n’étaient pas stressés. Qui n’étaient pas dépressifs. Qui n’avaient pas peur. N’écoute pas les gens qui
t’éduquent, et aie confiance en toi. C’est ça, ce que je dirais. Ce que j’ai découvert en étant seule, jeune
adulte, c’est vraiment que ce que tu es en train de vivre, c’est petit par rapport à ce qui t’attend. Toujours.
Pas du tout, zéro. Après, j’ai moins de moments de solitude qu’avant. C’est ça que je déplore d’ailleurs, en
ce moment. La solitude pour moi c’est un confort énorme, et je me suis forcée à sortir de cette zone de
confort. Parce que dans la solitude, je me sens chez moi. C’est là où je fais les plus grands pas, c’est là ou
j’évolue le plus. Avant que je sorte mon premier track, j’ai passé une période seule pendant six mois. Je
répondais pas au téléphone, je parlais seule. J’ai frôlé la folie quand même, mais je me suis réveillée à
temps.
Ca va avec la solitude. La folie, c’est une forme de confort. Je me sens trop bien, je me sens à la maison
quand je suis borderline. Parce que mon but dans la vie, c’est de ne pas aller à l’hôpital psychiatrique. Je
ne veux pas avoir de traitement médicamenteux. Je vise ça. Si je meurs et que je ne suis pas allée à l’HP,
j’aurais réussi ma vie. Je te jure, j’aurais réussi ma vie. Je comprends complètement les gens qui vrillent.
Tu peux pas faire autrement. Ce niveau de réalité, là ? C’est insupportable.
Pourquoi ?
Ca se négocie. J’aime bien la France quand j’y reviens. J’ai beaucoup besoin de partir. La France… Je
dirais que le hic, c’est les différents tabous qu’il y a par rapport à l’histoire. Le déni. Si je la personnifiais, la
France serait une dame qui est dans le déni : elle est généreuse, accueillante, protéiforme, de toutes les
origines… mais elle ne l’accepte pas. Assume que tu es généreuse, que tu accueilles tout le monde. Mais
fais le bien. Donne des cours de français gratuits aux gens qui arrivent sur ta terre. Gratos. Assume que tu
as colonisé des pays, et que tu es encore dans le post-colonialisme. Que main est mise sur certains pays.
Libère les.
engagée
agé dans une interview, je ne peux
qu’être hardcore. »
« Tu viens d’où ? » Je ne trouve pas ça intéressant. Pour plein d’autres artistes, ça l’est, ça dit quelque
chose de leur parcours, mais moi non. Je suis ne suis pas une survivante. Là d’où je viens ne donne pas
d’indication sur ce que je fais. J’ai changé.
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Miami Art Basel: le Elsa et Johanna: A
Eamon Ore-Giron:
66ème embouteillage
age couple of them
Notre Renaissance
de Leandro Erlich
sera une exaltation
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La fondation Louis
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Vuitton maintient le
cap grâce aux artistes
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