PNL, cet univers si singulier

Une instrumentale planante, un rythme lent, la dureté de la vie contrastant avec la douceur de la
musicalité, le tout saupoudré d’auto-tune, voilà les ingrédients de la réussite. PNL, c’est plus
qu’une simple musique, c’est tout un monde qu’il faut saisir, apercevoir, vivre, comprendre. Nous
écoutons cette mélodie avec nos oreilles, mais son essence fait exprimer notre imagination. On
aime ou on n’aime pas, tant pis parce qu’au final les goûts et les couleurs ne se discutent pas. La
relation que l’on a avec PNL est particulière, à l’image de leur univers. C’est quelque chose d’inédit,
on est souvent dubitatif à la première écoute, puis au fur et à mesure la sauce commence à
prendre. Là où certains peuvent voir une faiblesse lyricale, on y observe autre chose, quelque
chose de plus profond, travaillé et intéressant. Un réel univers.

Le Monde Chico, l’obscurité a du charme

Grâce au titre Le monde ou rien, les deux frères du 91 ont pris une nouvelle dimension. Après un
très bon projet pour commencer intitulé Que La Famille, PNL nous a invité dans leur monde avec
Le Monde Chico. Dans cet album, le groupe parisien nous impose leur obscurité. À défaut de
pouvoir (pour l’instant) apercevoir la lumière, on se laisser draguer par le charme de la noirceur. Le
Monde Chico est un univers rempli de mélancolie et de résignation. En témoigne Oh lala que l’on
trouve à premier abord faible dans l’écriture. En creusant de plus près, on aperçoit tout le fatalisme
et l’incapacité de faire marche arrière des deux artistes. On remarque à quel point les deux frères
se sentent si petits face à l’immensité de Dieu « Baba j’bibi en bas, le temps passe, je vois le soleil
se lever, se coucher, j’mens quand j’dis ça va », si impuissants face à la vie et face à leurs pêchés.
Les deux frères sont divisés et remplis de contradiction, mais les assument complètement. Entre
amour de la famille et haine d’autrui, entre argent sale et regret vis-à-vis de leur Créateur. Avec
peu de certitudes, la vie de PNL ressemble à une Tempête, mais elle compte bien s’éclaircir grâce à
la détermination sans faille des deux hommes (Le M, Le monde ou rien, Porte de Mesrine). Les
deux frères aiment se retrouver Loin des hommes quand ils ne gèrent pas leur business (Abonné,
J’vends, Plus Tony Que Sosa, Mexico).

Igo on est voué à l'enfer, l'ascenseur est en panne au paradis

C'est bloqué ? Ah bon ? Bah j'vais bicrave dans l'escalier

Le Monde Ou Rien – PNL

J'suis seul sur ma planète et j'nique tout en disant "Hamdoullah" dans ma galère
C'est sale quand j'vends la came
Mais bon, croyez pas qu'j'kiffe, des remords quand j'suis à table

Oh Lala – PNL

« Tu veux qu’on te sauve… on s’est même pas sauvés » conclut N.O.S dans Oh Lala. On comprend
donc dans quelle situation se situent Tarik et Nabil. Toujours englués dans l’illicite, les deux frères
font preuve d’hédonisme violent (PNL pour Peace N’Lovés). Ils ont un lien très fort avec l’argent,
eux qui ont grandi dans la merde (la misère étant souvent personnifiée par N.O.S). Élevés par un
bandit, les deux enfants n’ont pas connu leur mère. Une éducation compliquée en somme, dur de
grandir en s’abreuvant de sentiments, sans tendresse maternelle. On n’en sait pas plus, et c’est
certainement ce qui fait le plus grand charme du duo.

Mon cœur une tirelire toujours en manque de billets

J’voulais juste être riche, igo j’voulais pas briller

Tempête – PNL

Pas besoin des bras d'une femme, j'connais pas ceux de ma mère

Simba - PNL

La juge m'a arrosé, j'ai poussé, grandi sans mère

J'ai saigné mais les anges m'ont dit : "Faut pas s'en faire"

Dans ta rue - PNL

En effet, PNL entretient le mystère d’une façon assez remarquable. Ils ont crée un buzz grâce à eux-
mêmes, sans avoir besoin de personne, si ce n’est leur public. PNL n’a besoin que d’eux et des
réseaux sociaux pour exister, pour briller. D’ailleurs, ils aiment partager les vidéos de jeunes
YouTubers qui font des premières écoutes de leurs morceaux ou albums. Là où certains rappeurs
pourraient mourir pour un Planète Rap, les deux frères de Corbeille-Essonne n’y vont pas. Ils ont
d’ailleurs refusé toute interview. Une journaliste du Monde a pu les approcher, les observer.
"C’était bizarre. Je me contentais d’être observatrice. Ils sont gentils, très polis, mais très mal à
l’aise" dit-elle. C’est certainement là le truc. Tarik et Nabil n’appartiennent pas à ce monde, ils n’en
n’ont pas l’habitude. Tant mieux, ils n’en ont pas besoin. Donc ils s’en créent un, une sorte de
sphère singulière, à l’image de leur musique, comme en témoigne cet article de The Fader.

J’ai mis du temps à m’habituer à cette obscurité

Donc j’caresse timidement la lumière par sécurité

Laisse - PNL

Dans La Légende, nouvelle planète

Le Monde Chico se termine avec le son Dans la soucoupe. Tout au long de l’album, PNL nous a
plongé dans l’incertitude des ténèbres, à l’image de leur quotidien. Une vie où on a certes troqué
l’amour pour l’argent, mais en tout cas pas notre honneur, pas ce qui fait de nous ce que nous
sommes aujourd’hui. Mais ont-ils réellement troqué l’amour ? Ou l’amour ne les-a-t-il pas oubliés ?
Disons qu’ils se fuient, qu’ils ne prennent pas les mêmes chemins. Ils sont incompatibles.

Ici l'amour te manque mais tu l'abandonnes

T'es dans l'attente dans l'ombre d'un parloir fantôme

Mira - PNL
 Elle est belle, mais elle kiffe trop PNL
J'pourrai jamais lui présenter mes séquelles

Bambina – PNL

Yemma, yemma, yemma

J'ai tant de haine, j'charbonne, j'fais pas de pause
Yemma, yemma, yemma
J'deviens, mauvais, comme Kratos

Kratos - PNL

Ademo et N.O.S sont dans leur bulle, « l’obscurité me fait du charme » comme le dit si bien le
dernier. Ainsi, à la fin de l’album, les deux frères s’envolent dans la soucoupe comme l’atteste le
refrain. Il existe différentes interprétations, un certain mystère caché par la soi-disant faiblesse
dans l’écriture à première vue. Mais nous remarquons que dans la cover de leur nouvel album
Dans La Légende, on voit dans le reflet des lunettes des deux frères la Lune, symbolisant donc le
fait qu’ils se sont envolés dans l’espace et qu’ils ont obtenu ce qu’ils voulaient, Le Monde Chico.

Dans la soucoupe
Grand frère dans la soucoupe
Petit frère dans la soucoupe
Grand frère dans la soucoupe
Petit frère dans la soucoupe
Soixante litrons dans la soucoupe
Soixante litrons dans la soucoupe
Dans la soucoupe, dans la soucoupe

Dans la soucoupe - PNL

Pour faire attendre Dans La Légende, PNL a sorti La vie est belle, DA, J’suis QLF, Tchiki Tchiki
(finalement retiré pour droits d’auteur) et Naha. Tous ces clips se sont fait remarquer par leur
exceptionnelle qualité visuelle grâce aux talentueux Mess (qui a seulement suivi six mois de
formation dans l’audiovisuel) et kamerameha!, dépassant un peu plus leurs limites. Naha étant
l’apogée puisqu’il est finalement un court-métrage d’une grande qualité, nous donnant hâte de
voir la seconde partie, et certainement en lien avec le clip Plus Tony Que Sosa.

Avec l’énorme DA, PNL a passé un nouveau cap. Le groupe a « pris le monde chico, et tout ce qu’il y
a dedans » comme dirait l’autre (le nombre de vues peut en témoigner). Les deux frères étaient
donc attendus au tournant par tout le monde. Parce qu’ils attirent la curiosité de tout le monde,
peu importe le statut social ou les goûts. Les mauvaises langues diront qu’ils sont rien sans auto-
tune (cela tombe bien, Ademo dit pareil dans Mowgli), mais c’est réducteur. PNL utilise certes
l’auto-tune mais crée un univers, un monde et nous l’impose. Grâce à leur marketing, leur stratégie
de communication, la beauté des clips, à la noirceur des sujets abordés, aux références culturelles
et aussi grâce à ce qu’ils sont. Ne soyons pas dupes, les membres du groupe PNL dégagent une
réelle attitude, ils ont un vrai caractère. Quand on s’intéresse à leurs clips qui sont sur YouTube d’il
y a quelques années, la différence est troublante. Ils sont métamorphosés.
 C'est pas moi, (c'est ma putain de nouvelle vie qu'ils aiment)

Mira - PNL

Ce qui marque dans ce nouvel album, c’est tout d’abord la musicalité. Effectivement, un réel
caractère musical se dégage de leur projet, qui cohabite parfaitement avec l’univers qu’ils veulent
nous proposer. Les deux frères ne sont jamais dépassés par l’instrumentale, ils l’accaparent,
l’embellissent, ils vont de paire avec la musicalité. Il y a un réel perfectionnisme de leur part, tout
est minutieux, rien n’est laissé au hasard. Les échos, les effets vocaux, spéciaux (bruits de la mer,
du cri de Goku etc), l’auto-tune, tout est bien ficelé. C’est un travail acharné dont le rap français
doit impérativement s’inspirer pour faire progresser cet art dans l’Hexagone. Tout est très épuré
provoquant une distance entre les artistes et ceux qui écoutent, donnant l’impression que PNL
enregistre ses musiques dans une autre galaxie. Ceci contraste parfois par une certaine fainéantise
dans l’écriture. Il est vrai que sur plusieurs morceaux, N.O.S et Ademo bâclent leur travail, au
niveau de la prononciation, des onomatopées, des répétitions. La créativité de leur musique
contraste parfois avec la redondance de leurs paroles. Mais il serait injuste de tirer de telles
conclusions sachant qu’il existe certains morceaux, notamment dans cet album, très riches et très
profonds. On aura le temps de s’y intéresser.

Dans la tour, j'me rappelle, j'me rappelle

Les cafards, les baqueux, les ients-cli à la pelle, à la pelle
Aujourd'hui hamdoullah plus besoin de le faire

Dans la légende - PNL

Une évolution

Dans ce nouvel album, la vision des deux parisiens évolue. Parfois, N.O.S et Ademo laissent place à
Nabil et Tarik, principalement sur Mira, Luz de Luna, Tu sais pas ou encore Sheita. L’album prend
une réelle tournure introspective. Ils se confient, notamment sur leur vécu, sur la partie de
l’iceberg que l’on ne connaît pas. Les deux frères aperçoivent enfin ce qui ressemble à la lumière,
mais ont-ils enfin trouvé le bonheur ? Non, depuis Que La Famille, ils sont toujours à sa recherche.
Et s’ils ont réussi à trouver la lumière dans la musique, ils ne savent pas combien de temps elle
durera. Les deux protagonistes semblent tourmentés. Trouveront-t-ils un jour l’apaisement
intérieur ? Trouveront-t-ils un jour le repos dans leurs cœurs ? Peut-on d’ailleurs l’avoir dans un tel
milieu de vie ? Ont-ils la vie qu’il faut pour purifier leurs âmes ? Il est clair que non. En fait, le
problème c’est qu’ils n’ont toujours pas trouvé la lumière dans leurs âmes, celle qui fera d’eux des
gens pieux et aimés de Dieu. Et ils en ont sont totalement conscients.

On connait que le noir, paraît que la lumière existe

Mira – PNL

Tu sais rien
Fuck vos interviews, j'aurais pu passer dans vos reportages de chiens

Tu sais pas - PNL

 Cette lumière va partir, et mes rêves en pâtir
Cette lumière va partir, l'obscurité m'attire

Jusqu’au dernier gramme – PNL

Igo j'suis dans la vi-, igo j'suis dans la villa

Tout ça c'est pas l'avenir, j'm'attache pas à cette vie là
Pourquoi se mentir, ce présent n'est qu'un mirage
J'ai pas dit "Bismillah", j'perds la foi comme un minable

Uranus – PNL

Réside dans ce contraste tout l’intérêt de l’univers de PNL. C’est un monde fait de contradictions,
comme dans le cœur de la plupart des hommes. Un monde manichéen, où l’âme combat ses
mauvais penchants, entre pêchés et bonnes actions, entre le bien et le mal. La cruauté de la vie
contrastant avec la délicatesse de la musicalité. Ces rimes si sombres. Ce quotidien morose, adouci
par l’auto-tune. D’ailleurs, si PNL a pu sortir de l’obscurité, c’est grâce à leur argent sale.
Finalement, se reflète dans leur lumière une certaine nébulosité. La réussite est enfin présente,
mais elle est toujours accompagnée par les mêmes problèmes: le même mal-être, la même
mélancolie, voire la même tristesse, le même éloignement de Dieu (qui profite donc au Diable), la
même famille, les mêmes personnes mal intentionnées, la même peur du lendemain.

J'ai percé avec l'argent sale

La vie est belle – PNL

Cette époque est lourde

Aussi lourde, que le poids qu'portent mes paupières
J'ouvre la porte de l'Audi ou de l'Enfer

La vie est belle – PNL

J'redoute demain dis moi pourquoi?

Mira - PNL

L’univers de PNL est une prison. Par ailleurs, le monde d’ici-bas emprisonne les croyants. L’illicite
est un sable mouvant et freine leur avenir. Pour s’en détacher, les deux frères avancent sans
sentiment (car « le cœur ne veut plus se nourrir » selon Ademo) et sans aucun regret. On ne vit
plus, on survit. PNL court derrière leur but, derrière le bonheur, et leur seule façon de le trouver
est avec l’argent. Ils sont englués dans les tentations, les pêchés et le vice. Ils sont à la recherche
d’un idéal, eux, pris au piège dans leur spleen. Un bonheur qui est totalement aux antipodes de
leur actuel mode de vie.

J'ai pas le temps de te séduire, faut que j'retourne charbonner

J'ai pas le temps de te mentir, QLF abonné

Jusqu’au dernier gramme – PNL

 Igo j'ai demandé pardon, on m'a demandé la mort

Mira – PNL

Milliers d'euros, plus de peine de coeur

Cœur à zéro, j't'oublie sans rancœur
Fonce-dé dans le noir pour oublier que ce monde est moche
Non j'aime pas l'argent, j'aime mes proches
Donc je remplis mes poches

Cramés - PNL

Authenticité et complémentarité

Ademo et N.O.S sont authentiques. Quoi qu’on dise, malgré tous leurs défauts, ils sont vrais. Ils ne
se mentent pas à eux-mêmes, malgré tous leurs pêchés. Les deux frères sont continuellement dans
cette sphère, entre spleen et idéal, comme ce célèbre poète. Comme ce dernier, ils ont ce besoin
de cueillir les fleurs du mal, gangrènes de leur mal-être. On remarque dans ce nouvel album un
Ademo toujours autant incisif et désabusé. Il semble parfois se caricaturer (Dans la légende) et fait
parler sa schizophrénie (Luz de Luna) pour se confier. Ademo nous impose son style, l’acide de sa
plume et sa désinvolture. Tarik nous ordonne de regarder le monde avec ses lunettes, pour
comprendre pourquoi il est comme cela, pourquoi il est si dur. Il utilise toujours les onomatopées si
caractéristiques de son style et laisse toujours autant sa nostalgie s’exprimer avec de belles
références culturelles (Onizuka, Bené, Kratos) d’une époque révolue. Nous avons l’impression
qu’Ademo a parfois l’envie de rester cet éternel gamin. Sa haine a malheureusement pris le dessus
sur son innocence à cause des épreuves de la vie. Mais il aime replonger dans son enfance, avec
mélancolie et nous rappelle donc à nous aussi de bons moments de nostalgie.

En fait le truc c'est qu'j'dois tuer mon monstre

Ouais j'suis là, j'me balade dans ce décor de merde

Humain – PNL

Sous alcool, sous beuh, j'ai tout fait consciemment

Le poids d'mes erreurs, découpé constamment

Jusqu’au dernier gramme – PNL

Tu sais la vie t'a mis des coups à long terme

J't'ai vu nager, trimer dans le haram ramper
J't'ai vu tout seul, connaître, le temps sa lenteur
Je sais que tu sais la haine éclaire ta lanterne
Mais wallah wallah wallah
J'sais pas, j'sais pas, j'sais pas
J'aimerai sourire des fois
Mira mira mira

Mira – PNL

Le soleil se lève, temps et soucis dessinent le visage

La lune prend le relais, lance un dernier baiser dans l'virage

La vie est belle - PNL

C’est un personnage très intéressant qui est à la fois dur et touchant, qui semble être dans son
univers, dans sa bulle pour se protéger. Ademo a une relation spéciale avec l’orgueil et la haine, il
en parle comme une personne normale parlerait d’amour. Tarik a cette façon de parler de religion
avec fatalisme. « Je ferai les frais de ce que le Très-Haut décidera » dit-il dans La vie est belle. Il a
l’air d’accepter son châtiment éternel, ne se laissant plus aucune chance de repentir et de
miséricorde de la part de son Créateur. On a parfois l’impression que ses pêchés l’écrasent, et qu’il
ne voit aucune solution pour se faire pardonner. Il n’y a aucune échappatoire dans son monde,
aucun espoir, aucune rédemption possible. Le rappeur du 91 a pris l’habitude de vivre avec le cœur
endurci, sans sentiment. C’est sa froideur qui est triste, elle qui ne veut rien ressentir. C’est le fait
que son cœur soit endurci qui rend le personnage si attristant, lui qui laisse sa haine parler pour
mieux se protéger.

Mon Dieu faut qu'j'me dirige vers la Mecque

Mais bon j'suis d'la pire espèce

DA – PNL

Et donc là ? Et donc rien, ça me rend pas plus heureux

Et l'amour ? J'en ai pas et je ferai bien plus d'euros
Hein c'est triste, ouais, hé tranquille c'est la vie, vraiment triste
Hé, m'fais pas comme la psy
 T'as beaucoup d'haine tu sais ?
Sans ça j'serais mort
T'es fou toi, t'es fou toi !

Luz de luna - PNL

Et j'ai la tête à l'envers, j'vois tous les jnouns à l'endroit

Sur terre en Enfer, j'rentre dans le four avant toi

Kratos - PNL

De l’autre côté, nous avons son frère N.O.S, qui a beaucoup plus de recul et une plume s’exprimant
dans la quiétude. Sur cet album, il est très important de noter la grande progression de Nabil,
auteur de grandes performances et d’un énorme couplet qui conclut parfaitement l’album dans
Jusqu’au dernier gramme. Nabil a énormément évolué, passant du jeune haineux à la sagesse. À
l’époque, dans le son Obligés de prendre (de l’album QLF), N.O.S déclarait : « T'es pas qui t'aurais
voulu être, dommage la vie est mal faite ». Aujourd’hui, il s’excuse à la vie, qu’il personnifie une
nouvelle fois :

Pardon la vie
J'serai jamais qui j'voulais être

Tchiki Tchiki – PNL

Pardon la vie, j'recompte

Naha – PNL

J'voulais juste grailler

QLF ne cherche pas d'alliés
Eh zut la vie est bonne, bonne à niquer

Onizuka - PNL

N.O.S semble moins révolté, et a accepté son sort, pour pouvoir aider les siens. Il a l’air moins
fataliste que son aîné, il a encore un espoir, certainement parce qu’il est un peu plus jeune et parce
qu’il n’a pas connu la prison comme Tarik. N.O.S est tiraillé, il dit parfois que « La vie est belle », il
« reprend goût à la vie » grâce à l’ « oseille, agrumes » (Uranus) pour finalement avoué avoir menti
(Jusqu’au dernier gramme). Il raffole de métaphores, de personnifications et d’allégories en tout
genre. Les deux frères ont la même vie mais n’écrivent pas de la même façon. Mais malgré cette
différence, ils font preuve d’une complémentarité inouïe. N.O.S arrive à rendre vivant tout ce qui
l’entoure (la misère, l’argent, le cœur, la lune). Il s’est construit lui aussi un réel univers où il a
remplacé les femmes par ce qu’il connaît depuis toujours. En fait, il a délaissé la noblesse des
sentiments pour l’avidité, pour le superficiel qu’il personnifie dans Jusqu’au dernier gramme. Son
cœur ne bat que pour l’argent, puisqu’il a certainement déjà battu pour une femme mais cela ne
lui a servi à rien (« Je l’ai mise à nue, elle m’a volé mon cœur, confiance confiance, plus de mal que
de peur »). Nabil apprécie aussi le fait de parler de ses proches en parlant d’eux à la troisième
personne du pluriel, en les excluant de ses affaires. Il fait tout ça pour eux, il se mouille quand il
pleut et protège sa famille sous le parapluie.

Vous pouvez me quitter, ma liasse me chuchote "tu finiras jamais seul"

Tu sais pas – PNL

La vie si c'est pas moi (c'est un autre qui la déshabille)

Mira – PNL

Le cœur qui brûle, sentiments glacés

Jusqu’au dernier gramme – PNL

J'recompte, j'recompte mon coeur

J'fais mon beurre
Jusqu'à ce que l'avenir ne leur fasse plus jamais peur

Tu sais pas – PNL

Igo la vie est moche donc on l'a maquillée avec des mensonges
Igo son âme est moche, plus qu'à la maquiller avec des mensonges

Jusqu’au dernier gramme - PNL

La lune ne sera pas toujours pleine

Mon cœur ne sera pas toujours vide
Et tard le soir je traîne, en attendant qu'ma peine se transforme en haine
Comme papa, j'veux qu'ils nous craignent

Uranus – PNL

Tends pas ta main, on te tord ton âme

Jusqu’au dernier gramme - PNL

Ce qui est aussi très intéressant dans ce nouvel album, c’est la continuité avec les deux
précédents projets. Pourtant, PNL avait besoin de se diversifier et de se renouveler pour
Dans La Légende, cela a été fait avec brio. C’est un nouvel univers, un autre monde, qui est
aussi le résultat des différents voyages du groupe, de cultures apprises durant tout ce temps
(des intonations japonaises, hispaniques et brésiliennes), d’une évolution musicale et
intérieure. Mais nous remarquons comme toujours avec PNL plusieurs clins d’œil aux anciens
morceaux, personnages etc. « J'suis pas là mais VR continue de voter (dans l'escalier) »
explique Ademo dans Naha. Cela est en rapport à leur client Hervé, dont il parlait déjà dans
Le monde ou rien :
 Président, dans l'hall j'ai vu ien-cli voter blanc
Ounga, ounga, ounga ouais, mon gars, mon gars, mon gars j'sers
Du taga taga à vé-Her, en jaune ou en vert nique sa mère

Le monde ou rien – PNL

ou encore :

Mais quand tu dis "vous" toi tu cites qui en fait ?

Prononce mon blaze j'aimerais bien rigoler

Plus Tony Que Sosa – PNL

J'veux du L j'veux du V j'veux du G

Président, ta grand-mère
Rigolo, prononce mon blaze j'aimerais bien rigoler

Naha - PNL

Ademo n’est plus là, il est sorti de la galère et a réussi grâce à la musique. Il peut désormais
voyager, comme on le voit notamment dans les clips La vie est belle et J’suis QLF. Mais ce n’est pas
pour autant qu’il oublie sa vie d’autrefois et ses proches. Il sait pertinemment que même si lui s’est
sorti de la merde, ce n’est absolument pas le cas de tout le monde, au contraire. Enfin, N.O.S,
comme son frère, semble toujours contemplatif face aux merveilles de Dieu. Il a une relation
particulière avec la nature, avec le ciel, le soleil et plus particulièrement la lune. Il a tant erré la
nuit, pour gérer son business, qu’il l’a vue veiller sur lui, voire être gênée quand ils se retrouvaient,
et qu’il aime tant personnifier.

J'ai compté toute la journée jusqu'à m'en brûler les ailes

J'ai cogité toute la nuit jusqu'à ce que s'éclaircisse le ciel

Mira – PNL

Elle est sombre, elle est timide

Ce soir la Lune rougit
J'pète niaks vers Itachi

J’suis QLF - PNL

La nuit elle trompe le soleil, le jour elle trompe la lune

Uranus – PNL

Tard la nuit je montre mes blessures à la Lune car j'ai mal à la Terre
Ce monde sale m'aveugle, j'verrai pas l'auréole au dessus de ta tête

Cramés – PNL
Autre point intéressant, c’est la façon dont PNL parle aujourd’hui de la Terre. On avait quitté le
groupe il y a un an où il voulait absolument prendre le monde, le contrôler, le manger. Il voulait le
posséder. Avec énormément de références à Scarface, Ademo voulait lui aussi devenir puissant et
qu’on parle de lui. Aujourd’hui, sa vision a changé. L’idée n’est plus d’avoir le monde, ils l’ont déjà
conquis. C’est le passé. Avec ce nouvel album, Ademo veut s’inscrire dans la légende et s’amuser
avec le monde. N.O.S disait d’ailleurs « On va s’amuser, mais pas maintenant » à la fin du précédent
album. Ademo se questionnait dans le même son : « Wesh les mecs, c’est quand qu’on s’arrête ?
J’ouvre un terrain sur la planète Namek ».

En fait le truc c'est qu'j'suis plus f*** le monde

J'fais des cauchemars, ouais mama, les anges sont loin d'mon sommeil

Humain – PNL

J'voulais le monde, aujourd'hui je veux jongler avec

Demain j'lui pisse dessus et j'pars sur Namek

Uranus - PNL

Pas de héros héros, apparemment le monde est dar, j'l'ai dans le viseur
Frérot, frérot, rien d'alarmant tant que les miens sont peace

Uranus - PNL

Ainsi, PNL est sorti de l’obscurité et a enfin pu apercevoir la lumière. Mais comme dit
précédemment, Tarik et Nabil n’ont toujours pas chassé leurs plus grands démons. Dans cet album,
la mélancolie et la tristesse sont omniprésentes. Ademo et N.O.S sont à la recherche de souvenirs
perdus et dans la nostalgie d’un vécu meurtri. Leur plume a un goût amer, et la réussite ne peut
pas l’adoucir. Le mal est bien plus profond. Pour pouvoir atténuer l’horreur, PNL a misé sur la
musicalité. Et le cocktail est une immense réussite. PNL, c’est l’histoire de types qui ont compris
qu’ils n’avaient besoin que d’eux pour arriver à leurs fins. C’est un message d’espoir et de
motivation pour toute une jeunesse, surtout vu l’actualité. L’idée n’est pas de dire qu’il faut
s’orienter dans l’illicite, loin de là, mais la façon dont PNL est sorti de l’ombre est un réel modèle de
réussite en termes de marketing et de travail. On dit souvent que les gens intelligents apprennent
d’eux mais surtout des autres. Et il y a dans l’histoire de PNL une grande morale, celle du travail et
de la détermination. Enfin, on constate qu’Ademo et N.O.S n’ont toujours pas trouvé le bonheur.
Pourront-ils le trouver et continuer à réussir dans la musique ? Combien de temps vont-ils encore
durer dans le top du rap français ? Pourront-ils trouvé l’apaisement intérieur ? Est-ce possible de le
trouver avec un tel mode de vie ? Avec un tel vécu ? Est-ce que la piété et l’apaisement vont avec
ce que représente l’identité PNL ? Cet album est une preuve de la progression musicale et
intérieure de PNL, mais qui laisse toujours une place importante au mal, ancré dans l’âme. La
lumière n’est qu’extérieure et temporaire, mais quand les deux hommes sont seuls face à eux-
mêmes, loin de l’argent et de la réussite, ils retrouvent peine et haine, les seules femmes qui ne les
ont jamais quitté. Avec un effet imposant une distance entre nous et PNL, Ademo conclut l’album :
« Je vois leurs regards me dire à l'aide
Et plus je monte, plus j'ai mal », résumant parfaitement l’isolement et le mal-être intérieur des
deux frères.