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Musique magazine
Bien sûr, les Fab Four lui collent à la peau. Mais le p'ti,t gars nous <!vons enregistré des albums comme Rubber Sou/
et Revolver. John et moi arrivions'en studio, on sortait
de Liverpool a ,fait du chemin, et des disques, en solo. A l'heure nos guitares et on jouait les nouvelles chansons à George
, et à Ringo, qui les découvraient juste avant de les enre-
où sort son dernier-album, et quelques joLirs.avant la,dispa:. gistrer. A l'époque, j'avais le sentifneritd'être un peu un
jeune patron, un musicien encore v~rt. mais qui àvait suf-
rition de son vieux complice George Harrison, l'insubm,ersible fisamment d'expérience pour diriger. Je me suis dit que
ce serait intéressant de recommencer.aujourd'hui.
du "Yellow Submarine" cause amitiés, célébrité, solidarité ... Télérama : C'est un disque paisible, il y est surto~
question d'amour~ .•
Sur les photos d'époque, c'est lui qui sourit tout le temps -Paul McCartney: P,aisible et amoureux, l'état dans
etquitientsa ~uitarebasseà l'envers. Pécaléetserein, lequel je me sens. L'amour, ri;en déplaise ,à certains,
un bon résumé dU personnage; Pendant presque toute reste pour moi lê sentiment le plus fort. Comme j'y pense
sa carrière, on a accusé Paul McCartney de tous les, tout le temps, il est normal que j'écrive souvent des
maux : d'avoir provoqué la séparation des Beatles, d_e chansons d'amour.
n'avoir écrit que des chansons nunuches, d'avoir pré- Télérama•: Peut-on· voir ce disque comm.è le début
féré la vie de famille au grand cirque du show-biz. Pépère d'une troisiè111e phase de votre carrière : il y a eu les
rocker, papy binaire, star gnangnan ... Lui,.en solo ou avec Beatles, puis vos disques avec Linda...
son groupe conjugal, les Wings (avec Linda), s'est contenté Paul McCartney :Après avoir travaillé sur la publica-
de continuer de produire ce qu'il faisaitle mieux : des tion des anthologies des. Beatles, puis du " best of »,des
disques. Pas tous essentiels,- certes; mais empreints de :.Wings;'je me sens libéré, pr~tà aller-de:no~veau de·
cette bonhomie artisanale et de cette.sincérîté mélo- l'avant .. J'ai perdu Linda il y a trois ans et demi, et je suis
dique qui ont fait du eréateur de Yesterday l'un des SOI)g- ·de nouveau amour,eux d'une femme; c'est comme ul)e
writers les plus aisémentreconnaissables. Son tout nou- nouvelle source dé jouvence. Linda était tout pour moi,
vel album, Driving Ra in, est à la fois un hommage , êtje pensais que je ne revivrais jamais quelque ch~se
émouvant à son épouse disparue, Linda, et une ode d'aussi fort. Ma,renco,ntre avec Heather [Mill~]êst pôur
amoureuse à sa nouvelle compagne, Heather. Un beau beaucoup dans leto~ de l'album.
disque de saison, prétexte à rendre visite au gaucher Télérama :Depuis la mort de.votre mère, en 1956,
quinquagénaire dans ses bureaux de Londres. Cet entre-: n'est-ce pa$ devenu une-sorte de constante dans voti-e,
tien a eu lieu:le 23 novembre, quelquesjours avant la: vie, cette.forme de« dèuifposltif •?
mort de. George Harrison (lire-page 5).Paul McCartney Paul McCartnèy_·: .J'~i perdu ma mère, pu,is j'ai
nous avait alors d~mandé de ne pas l'interroger à pro- perdù John [Lennon], puis]' ai perdu Linda, et aussi mon.
pos de son vieil ami, qu'il savait proche de la fin. père, et/ai, d'évidence, une capacité à l'acceptèr. Chez
Télérama : Vous avez enregistré votre nouvel album moi, il y a comme une force qui·me poussé à conti-
en quinze jours. Pour démontrer qu'on peut faire de la nuer. Je'sais que ma mère aimêrait me voir heureux,
musique sans passer des mois dans un studio ? A écouter aimant la vie, plutôt qu'en train de pleurer toute la jourc
Paul McCartney : C'est venu d'une interview que j'ai . Driving.Rain, EMI,fff, née. Même chose pour John : c'était plutôt un battant,
donnée un jour, à propos des Beatles et de la façon dont lire critique page 79. quelqu'un qui aimait rire et agir. Je les décevrais si je me -+
Rencontr~_ave~ Paut- McCartney, Beatle fidèle à ses amours

ji


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'Télérama n• 2708 - 5 décembre. 20o:l. 67
Musique magazine
J U-CO COURS
répondait en chœur : " Excellent, monsieur ! • nages fictifs. Je me suis fait mon petit roman ... notre travail. Après tout, si John était un tel génie,
C'est donc la musique qu'écoutait mon père
Marguerite et la bête féroce.
On me demande souvent quel était le secret pourquoi aurait-il accepté d'écrire avec moi.?
qui m'a d'abord imprégné. Puis le rock a débar- de notre écriture avec John. C'est vrai que, Il y a parfois eu cette idée faùsse que j'étais Du 26 novembre au .21 décembre 2001
qué avec Elvis, Little Richard et les autres ... dans la plupart des tandems, il y en a un qui l'homme des bluettes etJohn le vrai rocker. Sauf
Aces racines se sont ajoutés le blues et les écrit les textes, l'autre la musique, mais que j'ai écrit He/ter skelter, par exemple, pro- Dessine le personnage
tubes du hit-parade. Ensuite, la soul de Motown nous avons toujours fait les deux en même bablement la plus sauvage de nos chansons.
a aussi eu une forte influence sur moi. Mais une
que tu préfères dans la série.
temps. L'un écrivait une ligne, l'autre la com- Télérama : A.travers vos chansons, vous
chanson comme Cheekto cheek, d'Irving Ber- plétait, et ainsi de suite. Et depuis toujours, ne vous êtes jamais inscrit dans la tradition
lin, est toujours pour moi un modèle: cet art de même seul, c'est comme ça que je procède, macho et sexiste du rock. D'où cette éti-
former une boucle parfaite qui pourrait durer au gré de la plume et de l'inspiration. quette de " gnangnan " ?
à l'infini, sans qu'on s'en lasse.' C'est comme
ça que je me vois, comme un artisan, presque
un« compagnon .. , comme d'autres façonnent
, uAvoir fait partie des Beatles, c'est la fierté de
des pièces uniques de mobilier.
•Télérama·: Votre amour des mots, de la
i ma vie. Il n'y avait que quatre places et j'en étais.
langue, de l'écriture, ça vient aussi de
votre père?
: Vous n'auriez pas aimé être un Beatle, vous ?"
Paul McCartney: Même s'il a quitté l'école
à 14 ans, c'était un homme de langage. Télérama : Ne pensez-vous pas que votre Paul McCartney : Quand j'ai rencontré
Chaque fois que je butais sur un mot que je œuvre personnelle a été quelque peu sous- Bruce Springsteen, il m'a dit : "Eh mec ! avant
ne connaissais pas, il me disait de regarder évaluée par la critique ? Il y a eu, à une je pensais que t'étais une vraie lavette, une
sa définition dans le dictionnaire. C'est une
habitude que j'ai prise très tôt, grâce à lui. ..
époque, un acharnement contre vous...
Paul McCartney :Je pense que c'est parce
midinette. Mais maintenant que j'ai une vie de Plus de 400 lots
famille, des enfants, j'adore ce que tu tais ! "
A l'école, j'étais bon en rédaction et en dis- que les Beatles venaient de se séparer et que Pour apprécier Paul McCartney, mariez-vous et à gagner!
sertation, j'aimais _ça. Et qùancije me suis mis ça se passait mal entre John et moi : la rupture faites des gosses, ha ha.ha ! C'est vrai qu'il y
à écrire des chansons, j'avais l'impression n'a pas été amicale. John s'est mis à me déglin- a eu des moments où j'ai douté. Mais pourquoi
d'être dans le prolongement des pièces et des
100 abonnements
guer publiquement, et j'ai commencé à répondre me forcerais-je à nier mes sentiments, à ne
films que j'aimais,je racontais des petites his- à ses attaques. C'était comme une petite guerre plus être sincère? Alors j'ai persisté,.malgré de 3 mois à Abricot
toires remplies de personnages. Par exemple, où il fallait choisir son camp- et beaucoup .ont les sarcasmes. Le pire, c'est quand John s'y 300 VHS du dessin animé
Ob/a di ob/ada, ça vient d'un type, un Nigérien, choisi celui de John. A sa mort, é'est devenu est mis. Lui, mon quasi-frère, rejoignait la
qui m'avait apostrophé dans une boîte en encore plus fort :j'étais le méchant qui avait sur-
"Marguerite et la bête féroce"
meute ... Plus tard, John m'a avoué qu'ilregret-
disant [il prend l'accent" pidgin»] : "Hey man, vécu. Mais progressivement, ce sentiment s'est tâit, qu'il ne le pensait pas vraiment, qu'en fait et d'autres cadeaux .. .
~ obladi ob/ada, lite goes on, man. "En partant éteint. Peut-être parce que même les plus il était plus en colère contre l~i-même.
- de ces expressions, j'ai inventé toute une farouches partisans. de John ont dû se rendre Télérama : Vous vous êtes réconcilié avec·
i histoire avec Desmond et Molly, des person- à l'évidence : il était impossible de dissocier John avant sa mort.••
+contentais de gémir sur une chaise. Ça me allions à la fête foraine, et que les filles ne s'in- Paul McCartney: C'est ce qui m'a rendy sél
déprime tellement d'être déprimé, que je téressaient pas à nous. On se sentait minables disparition plus supportable. Ce meurtre. a été
r;arguerite et la bête
fais en sorte que ça ne m'arrive pas... La seule et sans intérêt. Alors on rentrait à la maison et une tragédie, pour moi et pour le monde entier. féroce
certitude que j'ai, c'est que c'est ma vie, et que ·on posait A// shook up de Presley sur le phono. Dieu merci, nous avions enterré la hache de Sur La Cinquième, du lundi au vendtecf, .
je ne ia vis pas pourd'<,wtres. En deux secondes, on se sentait forts.! A!ors, guerre et nous avions eu de longues conversa- â partir de 8 h 00 dans "Debout les
Télérama : Pourtant, il y a des gens, des quand les gens me disent que les Beatles leur zouzous jusqu'au 21 décembre 200~
tions téléphoniques, C()mme de vieux copains.
fans, qui, eux,_vivent ou ont vécu par pro- ont procuré cetté sensation, je suis heureux. Je lui demandais ce qu:il f<:~briquait, il m~
curation, à travers vous et les Beatles. Télérama : Quelles ont été vos racines musi- répondait:" Du'pain:- Du,pàin ? M_oi aussi,
Paul McCartney: Me~chansonssonttoutes' cales ?.Vous avez un jour cité Fred Astaire ••• je fais mon pain. Et c'est quoi ta recette?"
plutôt optimistes, les gens qui vénèrent les Paul McCartney.: J'ai beaucoup écouté ce Et on discutait pendant une heure des mérites.
Beatles ont toujours l'air de les.percevoir. genre de musique grâce à mon père. Il jouait comparés des levures. Il me parlait tout le
comme. une force positive. Il y a souvent des du jazz, mais du jazz vocal, populaire, plus temps de son chat, qui faisait caca partout,
fans qui me diserît: "Si vous saviez comme proche de la comédie musicale. Il écrivait de de l'éducation et de la façon dechanger les
votre musique m'a aidé à vivre ..~ Les Beatles petits. airs. J'étais gavé, aussi, de ces,mélo- .couches de Sean, son dernier-né; Alors, quand
ont changé le mondé ! " Que peut,On rêver de dies que déversait la•radio; c'étai~ comme .si, j'ai appris.qu'II avaifété assassiné, j'ai reçu la
mieux ? Après tout, c'est ce qu'Elvis Presley a avant même ~e jouer, j'avais eu une formation Sooy..Music
balle en plein cœur" maisje me suis dit : on a o • ~ ·'Al'rM~NT
V 1 DE 0
fait pour moi. Je me souviens qu'avec r:non, musicale instinctive. A l'école;· les cours de pu faire la paix auparavan~, Je n'ose imaginer lo.~ est disponible
copain James, quand nous étions ados, nous musique, toutle monde s'en fichait, à com- comment je me sentirais si ça n'avait pas été enVHSetOVD

mencer par le prof. Je me souviens, il mettait le cas. Je serais probablement encore à res-
un disque et sortait de la classe. Aussitôt, on Jeu ouvert aux enfants de moins de 6 am. Un jury 56lec-
sasser tout ce que je n'aurais pu lui dire. tionnera les meilleurs dessins et le gagnant sera publié dans
postait l'un d'entre nous. en sentinelle, on enle- Télérama : Vous avez toujours eu, dès le Abricot. Envoie ton dessin sur papier libre en précisant ton
nom, ton ftge et ton adresse : lEU LÀ CINQUI~ME/
.Paul, John, George vait le disque et on allumait nos cigarettes. Puis dé.but des Beatles, une sorte d!! distance, ABRICOT/SQNY MUSIC VIDÉO. SeMee relallons publique>.
et Rlngo en 1964. le prof revenait : " Quelle merveilleuse pièce notamment cet humour un pèu caustique 2-4. rue Marceau 92130 lssy-les-Moullneaux.(leu gratuit
A droite, Paul en 1961. musicale, n'est~ce pas /es garçons ? "On q~e vous partàgiez avec iohn. . , -+ sans obftgatlon d'achat).

68 Télérama n• 2708 - 5 décembre 2001 Télérama n• 2708 - 5 décembre 2001 69

,... ____ .~· -C-- -. - -....:-.-:;:Il ~· • -- --


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J U-CO COURS
répondait en chœur : " Excellent, monsieur ! • nages fictifs. Je me suis fait mon petit roman ... notre travail. Après tout, si John était un tel génie,
C'est donc la musique qu'écoutait mon père
Marguerite et la bête féroce.
On me demande souvent quel était le secret pourquoi aurait-il accepté d'écrire avec moi.?
qui m'a d'abord imprégné. Puis le rock a débar- de notre écriture avec John. C'est vrai que, Il y a parfois eu cette idée faùsse que j'étais Du 26 novembre au .21 décembre 2001
qué avec Elvis, Little Richard et les autres ... dans la plupart des tandems, il y en a un qui l'homme des bluettes etJohn le vrai rocker. Sauf
Aces racines se sont ajoutés le blues et les écrit les textes, l'autre la musique, mais que j'ai écrit He/ter skelter, par exemple, pro- Dessine le personnage
tubes du hit-parade. Ensuite, la soul de Motown nous avons toujours fait les deux en même bablement la plus sauvage de nos chansons.
a aussi eu une forte influence sur moi. Mais une
que tu préfères dans la série.
temps. L'un écrivait une ligne, l'autre la com- Télérama : A.travers vos chansons, vous
chanson comme Cheekto cheek, d'Irving Ber- plétait, et ainsi de suite. Et depuis toujours, ne vous êtes jamais inscrit dans la tradition
lin, est toujours pour moi un modèle: cet art de même seul, c'est comme ça que je procède, macho et sexiste du rock. D'où cette éti-
former une boucle parfaite qui pourrait durer au gré de la plume et de l'inspiration. quette de " gnangnan " ?
à l'infini, sans qu'on s'en lasse.' C'est comme
ça que je me vois, comme un artisan, presque
un« compagnon .. , comme d'autres façonnent
, uAvoir fait partie des Beatles, c'est la fierté de
des pièces uniques de mobilier.
•Télérama·: Votre amour des mots, de la
i ma vie. Il n'y avait que quatre places et j'en étais.
langue, de l'écriture, ça vient aussi de
votre père?
: Vous n'auriez pas aimé être un Beatle, vous ?"
Paul McCartney: Même s'il a quitté l'école
à 14 ans, c'était un homme de langage. Télérama : Ne pensez-vous pas que votre Paul McCartney : Quand j'ai rencontré
Chaque fois que je butais sur un mot que je œuvre personnelle a été quelque peu sous- Bruce Springsteen, il m'a dit : "Eh mec ! avant
ne connaissais pas, il me disait de regarder évaluée par la critique ? Il y a eu, à une je pensais que t'étais une vraie lavette, une
sa définition dans le dictionnaire. C'est une
habitude que j'ai prise très tôt, grâce à lui. ..
époque, un acharnement contre vous...
Paul McCartney :Je pense que c'est parce
midinette. Mais maintenant que j'ai une vie de Plus de 400 lots
famille, des enfants, j'adore ce que tu tais ! "
A l'école, j'étais bon en rédaction et en dis- que les Beatles venaient de se séparer et que Pour apprécier Paul McCartney, mariez-vous et à gagner!
sertation, j'aimais _ça. Et qùancije me suis mis ça se passait mal entre John et moi : la rupture faites des gosses, ha ha.ha ! C'est vrai qu'il y
à écrire des chansons, j'avais l'impression n'a pas été amicale. John s'est mis à me déglin- a eu des moments où j'ai douté. Mais pourquoi
d'être dans le prolongement des pièces et des
100 abonnements
guer publiquement, et j'ai commencé à répondre me forcerais-je à nier mes sentiments, à ne
films que j'aimais,je racontais des petites his- à ses attaques. C'était comme une petite guerre plus être sincère? Alors j'ai persisté,.malgré de 3 mois à Abricot
toires remplies de personnages. Par exemple, où il fallait choisir son camp- et beaucoup .ont les sarcasmes. Le pire, c'est quand John s'y 300 VHS du dessin animé
Ob/a di ob/ada, ça vient d'un type, un Nigérien, choisi celui de John. A sa mort, é'est devenu est mis. Lui, mon quasi-frère, rejoignait la
qui m'avait apostrophé dans une boîte en encore plus fort :j'étais le méchant qui avait sur-
"Marguerite et la bête féroce"
meute ... Plus tard, John m'a avoué qu'ilregret-
disant [il prend l'accent" pidgin»] : "Hey man, vécu. Mais progressivement, ce sentiment s'est tâit, qu'il ne le pensait pas vraiment, qu'en fait et d'autres cadeaux .. .
~ obladi ob/ada, lite goes on, man. "En partant éteint. Peut-être parce que même les plus il était plus en colère contre l~i-même.
- de ces expressions, j'ai inventé toute une farouches partisans. de John ont dû se rendre Télérama : Vous vous êtes réconcilié avec·
i histoire avec Desmond et Molly, des person- à l'évidence : il était impossible de dissocier John avant sa mort.••
+contentais de gémir sur une chaise. Ça me allions à la fête foraine, et que les filles ne s'in- Paul McCartney: C'est ce qui m'a rendy sél
déprime tellement d'être déprimé, que je téressaient pas à nous. On se sentait minables disparition plus supportable. Ce meurtre. a été
r;arguerite et la bête
fais en sorte que ça ne m'arrive pas... La seule et sans intérêt. Alors on rentrait à la maison et une tragédie, pour moi et pour le monde entier. féroce
certitude que j'ai, c'est que c'est ma vie, et que ·on posait A// shook up de Presley sur le phono. Dieu merci, nous avions enterré la hache de Sur La Cinquième, du lundi au vendtecf, .
je ne ia vis pas pourd'<,wtres. En deux secondes, on se sentait forts.! A!ors, guerre et nous avions eu de longues conversa- â partir de 8 h 00 dans "Debout les
Télérama : Pourtant, il y a des gens, des quand les gens me disent que les Beatles leur zouzous jusqu'au 21 décembre 200~
tions téléphoniques, C()mme de vieux copains.
fans, qui, eux,_vivent ou ont vécu par pro- ont procuré cetté sensation, je suis heureux. Je lui demandais ce qu:il f<:~briquait, il m~
curation, à travers vous et les Beatles. Télérama : Quelles ont été vos racines musi- répondait:" Du'pain:- Du,pàin ? M_oi aussi,
Paul McCartney: Me~chansonssonttoutes' cales ?.Vous avez un jour cité Fred Astaire ••• je fais mon pain. Et c'est quoi ta recette?"
plutôt optimistes, les gens qui vénèrent les Paul McCartney.: J'ai beaucoup écouté ce Et on discutait pendant une heure des mérites.
Beatles ont toujours l'air de les.percevoir. genre de musique grâce à mon père. Il jouait comparés des levures. Il me parlait tout le
comme. une force positive. Il y a souvent des du jazz, mais du jazz vocal, populaire, plus temps de son chat, qui faisait caca partout,
fans qui me diserît: "Si vous saviez comme proche de la comédie musicale. Il écrivait de de l'éducation et de la façon dechanger les
votre musique m'a aidé à vivre ..~ Les Beatles petits. airs. J'étais gavé, aussi, de ces,mélo- .couches de Sean, son dernier-né; Alors, quand
ont changé le mondé ! " Que peut,On rêver de dies que déversait la•radio; c'étai~ comme .si, j'ai appris.qu'II avaifété assassiné, j'ai reçu la
mieux ? Après tout, c'est ce qu'Elvis Presley a avant même ~e jouer, j'avais eu une formation Sooy..Music
balle en plein cœur" maisje me suis dit : on a o • ~ ·'Al'rM~NT
V 1 DE 0
fait pour moi. Je me souviens qu'avec r:non, musicale instinctive. A l'école;· les cours de pu faire la paix auparavan~, Je n'ose imaginer lo.~ est disponible
copain James, quand nous étions ados, nous musique, toutle monde s'en fichait, à com- comment je me sentirais si ça n'avait pas été enVHSetOVD

mencer par le prof. Je me souviens, il mettait le cas. Je serais probablement encore à res-
un disque et sortait de la classe. Aussitôt, on Jeu ouvert aux enfants de moins de 6 am. Un jury 56lec-
sasser tout ce que je n'aurais pu lui dire. tionnera les meilleurs dessins et le gagnant sera publié dans
postait l'un d'entre nous. en sentinelle, on enle- Télérama : Vous avez toujours eu, dès le Abricot. Envoie ton dessin sur papier libre en précisant ton
nom, ton ftge et ton adresse : lEU LÀ CINQUI~ME/
.Paul, John, George vait le disque et on allumait nos cigarettes. Puis dé.but des Beatles, une sorte d!! distance, ABRICOT/SQNY MUSIC VIDÉO. SeMee relallons publique>.
et Rlngo en 1964. le prof revenait : " Quelle merveilleuse pièce notamment cet humour un pèu caustique 2-4. rue Marceau 92130 lssy-les-Moullneaux.(leu gratuit
A droite, Paul en 1961. musicale, n'est~ce pas /es garçons ? "On q~e vous partàgiez avec iohn. . , -+ sans obftgatlon d'achat).

68 Télérama n• 2708 - 5 décembre 2001 Télérama n• 2708 - 5 décembre 2001 69

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? Paul McCartney :Je crois que c'est typique Télérama : Lorsque vous étiez en âge de par- trant ? Pour la majorité des gens, vous êtes
de Liverpool. Promenez-vous là-bas et vous ver- tir à l'armée, le service militaire a été aboli à jamais un ex-Beatle.
rez. On y trouve cette aptitude à rire de tout, e11 Angleterre. Au fond, c'est le rock qui l'a Paul. McCartney : Ça ne me dérange pas.
·surtout des choses dures. Ça permet de sur- un peu remplacé, pour les jeunes Anglais ... ?
Tout le monde a un passé, non Personnelle-
monter. ses malheûrs. Je pènse que c'est un Paul McCartney: Il était moins une! Leser- ment, je suis ravi d'avoir fait partie des Beatles,
élémentfort de mâ personnalité :je déteste a
vice obligatoire été supprimé pile l'année c'est là fierté de ma vie. Il n'y avait que quatre
prendre les choses trop au sérieux. Comme ce où Ringo, le plus âgé d'entre nous; aurait dû places et j'en étais ! Vous n'auriez pas aimé
nouveau disque :c'est avanttout une façon de partir. Ensuite, il y aurait eu John, puis moi, puis être un Beatle, vous ? On peut difficilement
m'amuser, ct'e me faire plaisir, sans me poser George. Sans cette suppression, je pense qu'il imaginer quelque chose de plus génial.
·Télérama :Mais n'a-t-on pas l'Impression de

"Springsteen m'a dit : Eh mec ! avant, je pensais · se dédoubler, de se voir comme dans un
. vieux film?

que t'étais une midinette. Maintenant que j'ai une . ... Paul McCartney : Mais ça, c'est le propre de
la célébrité. Avec les Beatles, quand on a com-

vie de famille, des enfants, j'adore ce que tu fais:' mencé, on était quatre types ordinaires ; et puis
le succès a commencé à venir, et c'est ce qu'on
voulait. On voulait gagner de l'argent, on vou-
de questions sur ce qu'on attend de moi... n'y aurait jamais eu de Beatles... Peut-être que lait réussir dans cette profession que nous
A l'époque des sixties, quand les Be_atles la force des Beatles vient un peu de là: ce sen- avions choisie; et, un jour, on s'est rendu
sont allés en Inde voir le Maharishi, celui-ci a ti ment qu'on nous donnait une chance ines- compte qu'il y avait des à-côtés. Il faut alors éva-
offert à chacun un livre qu'il a dédicacé. Sur pérée de.faire autre chose que ce à quoi luer les dangers et décider si on est prêt à les
le mien, il avait écrit" Radiate b/iss conscious- nous étions tous desti'nés. Un coup de pouce assumer. Je me souviens très bien quand, pour
ness"[« Irradie une conscience du bonheur»]. du destin. Nous étions les premiers, une nou- moi, cette question s'est clairement posée. J'al-
Puis il a ajouté.:" Enjoy., [• Apprécie»]. J'ai pris ·· velle génération qui n'allait pas devoir faire la lais souvent passer-des vacances en Grèce. Il
le mot, à l'époque, pour ce qu'il, voulait vrai- guerrè comme nos parents, et ça, forcément, y avait un groupe local qui se produisait tous
ment dire : une approche toute simple mais ça a fait de nous des êtres différents. les soirs; quatre types qui jouaient du bouzou ki,
efficace de la vie,. apprécier chaque jour Télérama :Aujourd'hui, être à tout moment et moi j'adorais traîner avec eux, parce que ma
comme il vient. confronté à son passé, n'est-ce pas frus- passion c'était la musique, pas le bronzage. ~

~~~.-~------~
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Paul en solo. « Avec John, on
faisait tout en même temps,
les textes et la musique. Depuis
toujours, même seul, c'est
comme ça que je procèd~. »

quelque chose de plus utile que d'obtenir sans


réserver une bonne table dans un. resto. Après
le concert, j'ai reçu énormément de témoigna-
ges et de remerciements de gens qui m'ont dit
que ça les avait aidés; que ça les avait encou-
ragés à ressortir de chez eux; à ~eprendre le
cours de leur vie. Si la célébrité permet de trans-
mettre des ondes positives, tant mieux.
TéléraiTia : Vous en ferlez autant pour les
enfants afghans ?
Paul McCartney : Evidemment, c'est d'ail-
possible, ça ne peut pas être lui "·Je fais leurs la prochaine étape.Je milite déjà contre
comme si de rien n'était, ettoutse passe très les mines antipersonnel, et s'il y a un endroit
bien. On me demande toujours si je n'ai pas où elles sont particulièrement concentrées,
peur de me promener dans la rue, si je ne c'est l'Afghanistan. Mais tout ce qu'on peut
crains pas de me faire agresser. Ah bon? Je souhaiter, c'est qu'on réussisse à maîtriser
risque plus que n'importe qui d'être attaqué? la menace terroriste à un niveau mondial.
Première nouvelle. A ma connaissance, toute Presque tous les pays souffrent d'attaques ter-
personne est susceptible d'être à la merci d'un roristes. En Angleterre, Of1 vient d'annoncer des
dingue. li y a beaucoup de gens inconnus: risques d'attentats irlandais pendant les fêtes
qui se font descèndre par des barges qui tirent de Noël. C'est devenu pour nous comme une
dans le tas, au McDo du coin. Et il n'y a jamais sorte de routine, etc'est atroce. En Afghanistan,
de célébrités dans ces McDo, que je sache. l'a~tre espoir est que les femmes puissent vivre
· Ql!i y avait-il de célèbre dans les Twin Towers? comme elles l'entendent, qu'elles abordent ce
Personne,juste des milliers d'anonymes. Tout troisième millénaire libres de leur destin, pas
le monde risque sa vie à tout instant, la vie . avec un tchador qu'elles ne souhaitent pas for-
· est dure pour tout le.monde. cément porter. Il ne faut jamais oublier que la
+Us me trouvaient sympa~ je crois, mais un peu
collant Je' leur disais : ;; Vous savez; moi aussi,
er Angleterre, je joue dans un groupe, " Et eux:
uAprès le concert àNew York, beaucoup de gens
·"Ouais, ouais; c'estça: "Alors moi :"Mais c'est
sérieùx, un vrai groupe, je crois même pouvoir
m'ont dit que ça les avait aidés. Si la célébrité
dire qu'on n'est pas mauvais, on s'appelle /es
Beatles. " Et eux. ils se marraient : "Arrête de
peut transmeHre des onde positives, tant mieux."
baratiner, /es Beat/es,. ouat, ouaf!!!" Et au fond,
je me disais :c'est super,je pourrai toujours Télérama : Jouer dans des concerts de cha- première victime de la guerre, c'est le peuple.
venir en Grèce dès que J;aurai envie d'un· peu rité,- comme celui . que vous avez récemment Télérama : Mick Jagger publie un disque en
,-....._. 1

de quiétude et d'anonymàt Peu après, j'ai reçu organisé pour les pompiers new-yorkais, mêmetemps.quevous. Pour la pre!!Se, c'est
un coup de fil qui m'annonçait que les Beatles c'est un devoir quand OIJ est une star ? lui le ringard et vous le branché•••
étalent numéro un en Grèce aussi. Et là j'ai Paul McCartney: Non, mais, en vieillissant, Paul McCaitney: Ça m'embête parce que
compris que c'était fini. Qu'il n'y aurait bientôt on devient forcém~nt plus adulte, on prend Mick est un ami. Je ne trouve pas son disque
plus jamais un endroit, même le plus reculé, où conscience que l'on occupe une place dans la nul, d'ailleurs. Mais ça m'a fait penser qu'on
je pourrais passer inaperçu. société... Le i1 septembre, j'étais à New York. ne se voit presque plus. Dans les sixties, on se
Au fond, quoi qu'en disent certaines J'ai donc vécu de près l'événement et, surtout, fréquentait beaucoup, et on s'arrangeait pour
vedettes, il n'y a pas tant d'inconvénients que j'ai vu pour la première fois lâ peur envahir l'es- que les Beatles et les Stones ne sortent jamais
ça à la célébrité. Les gens connus se plàignent prit des Américains. Us se sentaient vulnérables, leurs disques enmême temps, pour éviter les
toujours de ne plus pouvoir faire ce qu'ils appel- une sensation qu'ils ignoraient pratiquement. comparaisons tro·p faciles. Je me dis qu'on
lentdes" choses ordinaires "• comme prendre En France, vous avez l'" expérience " d'attentats devrait conÙnuer à faire la même chose.
le bus ou le métro. A Pa ris, je prends le métro, meurtriers, en Angleterre, on est presque habi- C'est la morale de cette histoire : Mick et moi
j'adore ça. Je suis là, accroché à la barre, je tués aux bombes de l'IRA, mais l'Amérique devrions nous parler davantage. C'est stupide,
sifflote, l'air de rien [i\ mime la scène]. Je senS n'avaitjamai!:! connu ça. Ce n'était pas pardevoir là compétition : il y a de la place pour tous •
tous tes passagers qui me regardent, genre que j'ai organisé ce concert mais plutôt comme Propos recueillis par
"qui c'est celuHà<? "• ou bien" non, c'est pas une bonne occasion d'utiliser ma notoriété, pour Philippe Barbot et Hugo Cassavettl

72 Télérama n• 2708 - 5 décembre 2001 .

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