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sommaire L’HISTOIRE SANS FIN
P.04 INTERVIEW ARNAUD DURIEUX 2007 Etrange coïncidence : après avoir fêté ses quatre décennies d’existence
en 2013, AC/DC a traversé les Quarantièmes Rugissants, comme pris
P.10 MAKING OF CLIP ROCK’N’ROLL TRAIN 2008 dans une tempête d’une violence inouïe, les heures sombres se
P.14 INTERVIEW MIKE FRASER 2008 succédant comme à la parade : mise à l’écart forcée d’un Malcolm
Young malade laissant sa place au neveu Stevie Young, déboires
P.18 INTERVIEW ANGUS YOUNG 2008 judiciaires du batteur Phil Rudd provoquant son « renvoi » en touche et
son « remplacement » de facto par le revenant Chris Slade, départ du
P.24 CONCER T WILKES BARRE 2008 chanteur Brian Johnson en pleine tournée américaine et recrutement
P.26 CONCER TS SAN ANTONIO & HOUSTON 2008 inattendu et controversé d’un « guest » de luxe en la personne d’Axl
Rose (Guns N’ Roses), décès – coup sur coup, en octobre et novembre
P.28 CONCER T PARIS BERCY 2009 2017 – des mentors/grands frères George et Malcolm Young… N’en
jetez plus… Angus Young est désormais seul, ou presque, à la barre
P.30 CONCER T LEIPZIG 2009 du vaisseau amiral. En novembre dernier, nous sortions un premier
P.32 CONCER T PARIS SDF 2009 hors-série « Les Archives », vous promettant une suite pour février
2019. La voici. Comme son grand-frère, ce Tome 2 renferme
P.34 CONCER TS NICE & PARIS 2010 interviews, live-reports, reportages et hommages soigneusement
sélectionnés parmi nos archives. Certains de ces « papiers » ont été
P.36 BON SCOTT EN 15 POINTS actualisés. Tous sont illustrés par de nouvelles photos, dont certaines
P.40 INTERVIEW BRIAN JOHNSON 2012 inédites. Quelques-uns verront peut-être en ce second volume une
sorte d’épitaphe. Ils auront probablement tort.
P.48 DOSSIER SPECIAL 40 ANS : En août dernier, des photos volées révélaient en
LES DEBUTS D’AC/DC effet la présence d’Angus et Stevie Young aux
Warehouse Studios de Vancouver où, depuis
P.58 MAKING OF DU CLIP ROCK OR 1999, AC/DC établit ses quartiers quand il
BUST 2014 enregistre du nouveau matériel. Sur ces clichés
apparaissaient également Phil Rudd et Brian
P.62 INTERVIEW ANGUS YOUNG Johnson, le producteur fétiche Mike Fraser (voir
& CLIFF WILLIAMS 2014 interview dans ce numéro) étant aussi de la partie.
Il y a donc fort à parier qu’un nouvel album pointe
P.68 CONCER TS PARIS 2015 le bout de son nez sous peu. « Salut Phil, tous mes
vœux pour la nouvelle année, le meilleur pour toi et
P.70 AXL/DC 2016 : L’ENQUETE les tiens ! » m’écrivait Brian Johnson le 3 janvier
P.78 CONCER T marseille 2016 dernier, concluant par ces mots : « Qui sait ce que le
futur nous réserve ? ». Nous avons une petite idée.
P.80 CONCER T PHIL RUDD 2017 D’ici là, bonne lecture de ces archives ! Fire !
PHILIPPE LAGEAT
P.82 HOMMAGE GEORGE YOUNG 2017
P.86 HOMMAGE MALCOLM YOUNG 2017
P.96 INTERVIEW CHRIS SLADE 2017
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INTERVIEW

PROMO DVD « PLUG ME IN » (2007)


© Marc Villalonga
INTERVIEW ARNAUD DURIEUX
Propos recueillis par Philippe Lageat • Entretien téléphonique réalisé le 16 octobre 2007
« Pourriez-vous m’en dire plus à propos de ce DVD ? » Voilà français du film Let There Be Rock. Les gens d’Albert se
quelle a été la réponse du chanteur Brian Johnson lorsque montrant intéressés, je les ai mis en contact avec Dionysius
nous l’avons récemment contacté afin de l’interroger sur afin qu’ils récupèrent les bandes 24-Pistes de ce show
Plug Me In, le nouveau DVD d’AC/DC. « Le groupe ne fera parisien. Malheureusement, ces dernières avaient été
aucune promo ! » Telle a été la sentence définitive du label détruites, mais il restait quand même les deux bandes ¼ pouce
Columbia en réponse à nos nombreuses demandes du mixage final du film, celles-là mêmes qui ont été finalement
d’interview. Il nous a donc fallu prendre le taureau par les utilisées dans le coffret. Plus tard, j’ai également proposé à Sony
cornes et faire appel à la seule personne capable de nous de travailler en tant qu’archiviste sur les rééditions en format
parler vraiment de ce superbe DVD qui bat déjà tous les digipak du back-catalogue. Là, je me suis régalé, puisque nous
records de ventes en France : Arnaud Durieux. Ce dernier, avons rassemblé plus de 10.000 photos du groupe, qu’il nous
pote de longue date, fan d’AC/DC depuis bien plus a ensuite fallu classer par époque et trier avant d’en insérer
longtemps encore, est en effet crédité comme « producteur certaines dans les livrets de ces fameux digipaks. Enfin, en
associé » dans le livret de la bête. Autrement dit, c’est en 2005, j’ai été crédité « A&R » (Ndt : Artists And Repertoire)
grande partie à ce Français émigré à New York qu’on doit sur le DVD Family Jewels, parce que, pour simplifier, c’est
les meilleurs moments d’un Plug Me In explosif, dont il a moi qui leur ai donné la liste des titres à insérer dans ce double
très gentiment accepté de nous livrer les secrets en DVD. Lorsqu’il s’agissait de sources qui n’étaient pas des clips
exclusivité. promotionnels, je pense notamment à des passages télé, je leur
ai également indiqué où mener leurs
Rock Hard : Peux-tu nous rappeler recherches, auprès de quelles chaînes, etc.
ton parcours en tant que fan
d’AC/DC ? Sur Plug Me In, tu es crédité en tant que
Arnaud Durieux : J’ai découvert « Associate Producer ». Autrement dit,
AC/DC en 1980 avec l’album If You tu as pris du galon ! En quoi a consisté
Want Blood sorti deux ans plus tôt. ton rôle ?
J’ai immédiatement craqué pour le J’ai été plus impliqué cette fois-ci que sur
groupe, dont je suis devenu fan au point Family Jewels parce que j’ai effectué bien
que je lui ai consacré un fanzine nommé plus de recherches au niveau des sources
Powerbook de 1983 à 1987. J’en garde live.
d’excellents souvenirs, d’autant que ça
m’a permis de rencontrer le groupe en Certains concerts comme ceux de
1984 et 86, mais aussi d’entrer en Londres 1977, Glasgow 78, Colchester
contact avec d’autres passionnés aux 78 et Arnhem 79 étaient déjà bien
quatre coins du monde et le management. connus des collectionneurs, mais
C’est un peu là que j’ai appris les j’imagine que tu as dû mener des sortes
ficelles du métier. A cette époque, en d’enquêtes pour localiser certains
France, plus grand-monde ne suivait enregistrements plus rares ou inédits ?
AC/DC, surtout la presse qui le Oui, c’est exactement ça, un travail de
descendait. Je crois que le groupe était détective ! (rires) Tu suis une piste qui
content de voir que des fans étaient t’embarque sur une autre, et ainsi de
encore là, derrière eux. Ensuite, j’ai suite… Je savais que certaines choses
DR

Arnaud Durieux
bossé comme journaliste à Metal Attack existaient à droite ou à gauche, même
en 1985, puis à Hard Force dès 1987, avant de m’en aller aux si elles n’étaient pas connues des fans parce que tout n’est
Etats-Unis. En 1996, j’ai monté le site Internet Electric Shock heureusement pas piraté. Nous avons donc contacté quasiment
(Ndlr : www.ac-dc.net) avec, pour but avoué, d’en faire quelque toutes les télés du monde, les chaînes sur lesquelles le groupe
chose d’exhaustif. Il existe toujours aujourd’hui. Ce n’est qu’en avait potentiellement fait des apparitions. Principalement en
1997 que j’ai commencé à travailler avec AC/DC sur le coffret Australie, en Europe et aux Etats-Unis. Notre but était
Bonfire en tant que consultant. Je leur ai notamment déniché évidemment de voir ce qu’il nous était possible de dénicher
quelques bandes, à commencer par celles du concert du Pavillon dans cette énorme base d’archives. Nous avons aussi approché
de Paris de 1979. Depuis, j’ai planché sur toutes les rééditions certaines maisons de production indépendantes qui avaient
et les projets DVDs du groupe pour Warner, et maintenant pour produit des émissions pour certaines chaînes dans les années 70.
Sony : rééditions digipak du back-catalogue, DVDs Family Ça a, par exemple, été le cas de l’émission anglaise Rollin’
Jewels et Plug Me In. Enfin, j’ai tout récemment publié le livre Bolan : je savais que cette dernière était partiellement sortie
AC/DC - Maximum Rock & Roll avec le journaliste australien sur le DVD d’un fan-club consacré à Marc Bolan. J’ai donc
Murray Engleheart. contacté les personnes du fan-club, qui m’ont donné le nom
de la boîte de production qui avait filmé ce show télé en 1976.
Que fais-tu depuis ton arrivée aux Etats-Unis ? Il s’agissait de Mike Mansfield Television… qui ne savait même
J’ai bossé durant huit ans pour David Krebs, un ancien de Leber pas qu’elle avait ça dans ses archives. Il nous a fallu attendre
& Krebs, le management qui, justement, s’occupait d’AC/DC trois mois après mes dix coups de fil pour qu’elle se lance à la
dans les années 70 (Ndlr : le tandem manageait également des recherche de ces bandes (qui n’avaient pas bougé de leur
grosses pointures comme Aerosmith et Ted Nugent). Depuis étagère depuis trente ans) et finisse par mettre la main dessus.
2000, je suis webdesigner en freelance.
Dans quelle mesure Columbia s’est-il impliqué dans ce
Comment as-tu été approché, en 1997, pour travailler sur le projet Plug Me In ?
coffret Bonfire ? Disons qu’il a chapeauté le tout. Le groupe a tout délégué, au
En fait, personne ne m’a contacté. Apprenant qu’AC/DC niveau artistique, à David Mallet (Ndlr : qui a déjà travaillé
projetait de sortir ce coffret, j’ai tout simplement joint sa maison avec AC/DC sur de nombreux clips et concerts en tant que
de disques australienne, Albert Productions, pour lui proposer réalisateur. On lui doit notamment les VHS et DVDs Live At
d’inclure, dans ce box-set, le concert de Paris 1979 parce que je Donington, No Bull et Stiff Upper Lip Live). C’est lui qui a eu
savais où se trouvaient les bandes masters. Je pensais qu’elles le dernier mot au niveau du choix des morceaux. Mais à la base,
dormaient chez Eric Dionysius, l’un des deux réalisateurs c’est une équipe de plusieurs personnes, dont le producteur

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Rocky Oldham et moi-même, qui a géré tout le travail de Nous en avons mis l’intégralité sur le DVD. Vu que le son
recherche. Nous avons embauché quelqu’un en Australie afin manquait, nous avons tenté de synchroniser les images avec
qu’il nous aide, mais il n’a malheureusement pas trouvé grand- la bande-son d’un bootleg de ce concert.
chose car nous nous sommes rapidement rendu compte que
beaucoup d’archives australiennes avaient disparu. Nous avons Comment peux-tu être sûr que ces images dénuées de son
été catastrophés quand nous avons compris qu’il allait nous être proviennent du premier soir (Ndlr : deux concerts ont en
impossible de retrouver certains documents extraordinaires. Et il effet été donnés à Nice en 1979 : le premier, le 14 décembre,
y en avait beaucoup. Si seulement les gens avaient été assez et le second le lendemain) ?
intelligents pour en conserver des copies… (Rires) Question pointue ! En fait, le son du bootleg a été
enregistré le 15 décembre. Or, il ne correspond pas tout à fait,
Raconte-nous… A côté de quoi, par exemple, sommes-nous à un ou deux courts moments sur « Sin City », à ce qu’on
passés ? aperçoit à l’écran… et qui n’a donc pu être filmé que la veille.
Je veux bien vous le dire, mais ça va vous faire mal ! (rires) A l’époque, il devait y avoir un mec sur Nice qui filmait tous
Il y a deux choses que nous recherchions en particulier : l’une les concerts auxquels il assistait… Mais j’avoue que c’est assez
d’entre elles était le premier show d’AC/DC jamais filmé avec étrange de voir ce genre de chose ne sortir des greniers que 20
Bon Scott, en décembre 1974, au Hordern Pavilion de Sydney, ou 25 ans après.

On peut être étonné de constater que vous n’avez pas réussi


à mettre la main sur les masters du concert de Tokyo 1981,
d’où la qualité moyenne du document proposé sur Plug Me
In, alors qu’il s’agit originellement d’un document télé.
Oui, je pensais moi aussi que cette quête serait assez facile car
il existe de nombreuses versions bootlegs de ce passage télé.
Malheureusement, encore une fois, la chaîne japonaise qui a
filmé ce concert n’a plus le master. Il nous a donc fallu trouver
la meilleure source VHS possible et la restaurer : réduction du
bruit, travails sur les couleurs, etc. Au niveau du son, nous
avons aussi retravaillé les documents les plus médiocres. Très
souvent, nous avons pu retrouver des bandes multipistes qui ont
été remixées par Mike Fraser (Ndlr : ingé-son sur les albums
The Razors Edge et Stiff Upper Lip, également co-producteur
de Ballbreaker). Ainsi, par exemple, on peut, pour la première
fois, entendre les concerts de Glasgow 1978 et Detroit 83 en
stéréo. Idem pour le « Guns For Hire » extrait des répétitions de
Los Angeles 1983 et les deux titres captés à Melbourne le 5
pour une émission télé intitulée Polaroid In Concert. décembre 1976, dont on n’a malheureusement pas pu retrouver
Malheureusement, ça n’existe plus… Et crois-moi, nous avons le film original. Dans ce cas précis, nous avons été obligés
fouillé partout ! A l’époque, Peter Clack (batterie) et Rob Bailey d’avoir recours à une bande de WEA/Warner qui n’était pas très
(basse) faisaient encore partie du groupe, alors imagine les
morceaux que ce dernier jouait live ! Il y avait également ce
concert donné au Myer Music Bowl de Melbourne le 20 avril
1975, qui avait, à l’époque, été diffusé par la télé australienne
(Ndlr : il s’agissait de l’œuvre caritative « Freedom From
Hunger » destinée à réunir des fonds pour la lutte contre la
faim). Parmi les titres joués, il y avait « Baby Please Don’t
Go », « High Voltage » et, cerise sur le gâteau, une reprise du
« That’s Alright Mama » d’Elvis Presley !!! Là aussi, plus de
traces des bandes. Idem pour de très nombreux passages télé
live notamment diffusés dans le cadre de l’émission Countdown
(Ndlr : l’équivalent australien de Top Of The Pops) sur la
chaîne ABC : certains ont survécu, mais la plupart, environ
85%, est perdue à jamais.

Y a-t-il des documents que vous avez retrouvés, mais rejetés


à cause de leur mauvaise qualité ?
Oui, c’est arrivé. J’avais, par exemple, mis la main sur
des extraits du concert donné en première partie des Who
au Wembley Stadium de Londres, le 18 août
1979 (Ndlr : il s’agit de quatre minutes de « Live
Wire », « Walk All Over You » et « Bad Boy Nous avons été catastrophés quand
nous avons compris qu’il allait nous
Boogie » filmées en Super 8 et disponibles sur le
bootleg japonais The Who And Friends Roar In!
publié en 2004 , mais difficile à dénicher car
limité à 300 copies). Les frères Young les ont,
un instant, considérés, mais leur ont finalement
être impossible de retrouver
préféré les extraits du concert niçois de la
même année.
certains documents extraordinaires.
Parle-nous de ce document… Et il y en avait beaucoup !
Je l’ai récemment déniché sur E-Bay. Il s’agissait
d’un film Super 8 transféré sur une bande U-matic. (Arnaud Durieux)

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bonne, mais restait acceptable… Dommage lorsqu’on sait n’auraient eu que ça à se mettre sous la dent sur le DVD
qu’un fan est en possession de la bande Super 8 d’un de ces consacré à Bon Scott. Dommage, non ? Qui plus est, certains
deux morceaux. titres seraient apparus deux ou trois fois, provoquant peut-être
un effet de lassitude. Glisser trois versions différentes de « Let
D’où viennent les incroyables archives filmées à St. Albans, There Be Rock » sur ces DVDs nous aurait forcés à faire
en Australie, en mars 1976 ? Et pourquoi sont-elles l’impasse sur d’autres titres qui, au final, sont bien présents.
copyrightées à ton nom ? Or, nous voulions avant tout proposer un historique couvrant
Il y a quelques années, par le biais de mon webzine, j’ai reçu un toute la carrière du groupe. C’est le fruit d’une volonté, non
mail d’un type de Melbourne qui prétendait avoir filmé AC/DC d’AC/DC, mais des producteurs.
en 1976. Il avait encore les bandes et voulait les vendre. Je les
lui ai donc achetées, ainsi que les droits. Heureusement, car Question à 3.000 euros : existe-t-il d’autres titres filmés de
c’est un sacré document ! A ma connaissance, c’est le concert Glasgow 1978 que ceux que tout le monde connaît ?
le plus ancien dont il existe encore une trace vidéo à ce jour. Je ne sais pas, mais cela me semble plausible. Un fan qui a
On en trouve quatre extraits sur le triple DVD (Ndlr : « She’s assisté à ce concert m’a soutenu que les caméras avaient tourné
Got Balls », « It’s A Long Way To The Top », « School Days », durant toute la soirée, ce que je crois bien volontiers. Mais
« T.N.T »), mais je dispose du concert entier qui doit durer 45
minutes. J’ai toutefois lâché les titres qui sortaient le plus de
l’ordinaire et je pense que les autres sortiront un jour. Le type
en question, un certain Joe Conte, était un photographe
professionnel. Il s’était pointé à ce show d’AC/DC avec une
caméra semi-pro pour filmer le gig avec un pote qui devait être
devant la scène, tandis que lui serait sur scène. Mais, j’ignore ce
qui s’est passé, son ami n’a finalement pas pu filmer et il lui a
fallu se débrouiller seul. Au final, ce concert est donc capté avec
une caméra, le son étant en prise directe et, par conséquent,
moyen. Vu le document, je pense qu’il fallait qu’il figure
néanmoins sur Plug Me In. Nous avons donc, une fois de plus,
restauré les bandes qui n’étaient même pas en VHS, mais en
EIJA, un format utilisé dans les années 60/70. Il nous a fallu
quatre mois rien que pour trouver une boîte capable de nous
faire un transfert potable ! (rires)

On ne connaît que deux titres filmés par l’équipe du


réalisateur Russell Mulcahy en décembre 1976, en
Australie (« Baby Please Don’t Go » et « Problem Child »). encore une fois, nous n’avons pas réussi à mettre la main sur les
Il semblerait pourtant que le cinéaste ait, à l’époque, suivi bandes originales, le film entier non monté avec toutes les
le groupe durant plusieurs jours. Sais-tu ce qu’il est advenu chutes. Il va falloir, un de ces quatre, se pencher encore plus
de tout ce matériel ? sérieusement sur la question…
Nous l’avons longtemps recherché, sans succès. Lorsque
nous en avons parlé à Russell Mulcahy, il nous a répondu On peut être étonné de voir Sony se compliquer la tâche en
qu’il ignorait où étaient ces bandes. L’ex-bassiste du groupe, publiant plusieurs DVDs compilations alors que le film Let
Mark Evans, a dit, à une époque, qu’elles étaient chez Albert There Be Rock, très attendu par les fans, est, aujourd’hui
Productions, mais c’est faux. Pourtant, il doit y avoir quelque encore, uniquement disponible en format VHS. Que se
part deux heures de film qui prennent la poussière. Hormis passe-t-il de ce côté-là ?
les deux morceaux que tu citais, je ne sais pas si elles ont été (Visiblement gêné) Pour l’instant, c’est juste une histoire de
montées puisqu’à l’époque, le projet n’a finalement pas vu le droits. C’est tout ce que je peux dire… C’est une situation très
jour. complexe. J’entends dire ci et là que le groupe s’oppose à cette
sortie, mais je peux certifier que ce n’est absolument pas le cas.
On peut regretter le fait que des bijoux comme le concert de
Glasgow 1978 ou d’autres soient éparpillés entre Family On a donc une chance de voir un jour ce concert parisien
Jewels et la version triple de Plug Me In. Pourquoi ne pas de 1979 sortir en DVD ?
avoir proposé ces shows d’un seul tenant ? Oui, bien sûr. C’est une intuition, je ne parle pas là au nom du
Nous aurions effectivement pu nous contenter de proposer groupe ou de son label. Même si ce dernier semble, à
une compilation renfermant les concerts de Londres 1977, l’évidence, intéressé (Update 2018 : en 2011, ce film a
Colchester 78, Glasgow 78 et Arnhem 79. Du coup, les fans finalement été édité en DVD par Warner Bros.).

Pourquoi les tournées 1985/86 (Fly On The Wall, Who Made


Who), 88 (Blow Up Your Video) et 90/91 (The Razors Edge)
ont-elles été écartées ou sont-elles absentes de ce Plug Me
In ?
Par manque de matériel, tout simplement…

A ce point-là ??? Je pense notamment au concert du Rock In


Rio 1985 qui avait été diffusé par la télé brésilienne Globo ?
Nous avons retrouvé ce concert, mais il a été décidé, par les
hautes instances, les frères Young ou David Mallet, que les
performances musicales du groupe n’étaient pas à la hauteur.
Ils ont donc choisi de ne pas en extraire de morceaux pour
le DVD, même si nous avions la possibilité « physique »,
« matérielle », de piocher dans ces bandes. Pour le reste,
nous n’avons absolument rien retrouvé de cette période.

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Ce qui n’a, heureusement, pas été le cas du Flick Of The
Switch Tour 1983 qui est, sur Plug Me In, particulièrement
bien représenté alors qu’on aurait pu penser qu’il n’en
existait que peu de traces. D’où viennent ces divers
documents ?
Prenons l’exemple des concerts de Landover et Houston 1983 :
ces deux salles américaines, le Capital Center et le Summit, ont
très tôt été équipées d’écrans géants. Dès les années 70, en fait.
Du coup, forcément, des caméras placées à proximité de la
scène filmaient les shows que ces endroits accueillaient. C’était
systématique. A la fin des concerts, les cassettes étaient remises
au groupe concerné. Par contre, nous n’avons pu proposer
l’intégralité du show de Houston parce qu’il n’avait pas été
filmé en entier. C’est bien de pouvoir voir des documents live
de cette période car Flick Of The Switch est un album très
sous-estimé, même si, au fil du temps et au même titre que

C’est bien de pouvoir voir


Powerage, il a fini par s’imposer comme l’un des favoris
des fans.

Le DVD Family Jewels s’arrêtait à l’album The Razors Edge des documents live de 1983
(1990). Pourquoi ne pas y avoir inclus la vidéo de « Big
Gun » et les clips des albums Ballbreaker (95) et de Stiff
Upper Lip (2000), ce qui représentait sept ou huit morceaux.
car Flick Of The Switch est
Est-ce une question de droits ?
Oui. En 2005, lorsque Family Jewels est sorti, les droits de ces un album très sous-estimé
albums appartenaient encore à Warner. Par contre, Sony en
étant devenu propriétaire depuis, j’imagine que le jour où (Arnaud Durieux)
Family Jewels ressortira, en format Blu-ray ou autre, ces clips
y seront enfin ajoutés. un pass « Guest » de Dallas 1982, ainsi que des billets des
concerts de San Sébastien 1981 et de New York 2000. C’était
Quel est le vrai « trésor de guerre » que tu adorerais effectivement l’idée au départ, mais ça a changé peu de temps
trouver ? avant le rendu des éléments. Nous avons préféré coller au DVD
Je pense, nous en parlions plus tôt, que le document vidéo le en proposant des artefacts de concerts figurant dans Plug Me
plus intéressant est ce fameux film de Russell Mulcahy. Déjà, In : vous avez donc droit, dans le coffret, aux billets de St.
parce qu’il date de 1976 et qu’au niveau de la qualité, il doit Albans 1976, Glasgow 78, Tokyo 81 et Munich 2003, à un pass
être impeccable, mais aussi parce qu’il en existe deux heures. « Guest » de Largo 1981, un pass « Working Personnel » de
Si l’on finissait par mettre la main sur les films originaux Houston 1983 et un pass « All Access » de Londres 1980
d’époque, on pourrait en faire aujourd’hui de très bons différent de celui prévu à l’origine.
transferts. Alors que ceux qu’on a été forcés d’utiliser avec
« Baby Please Don’t Go » et « Problem Child » datent de 1977, On sait que les membres d’AC/DC ne se sentent que très
d’où un rendu plus sombre. Vu la technologie actuelle, il moyennement concernés par tout ce qui n’est pas « album ».
« suffirait » de retrouver les négatifs originaux pour en sortir Le groupe a-t-il suivi la gestation de ce DVD et de son frère
quelque chose de quasi parfait… aîné ?
Oui, il s’est impliqué à sa façon. Bien évidemment, ce n’est pas
Le rêve humide de tout fan est d’avoir accès, un jour, aux lui qui a mené les recherches ou s’est tapé la projection de
fameuses archives du label australien Albert Productions, cinquante heures de vidéos, mais il a donné son accord sur tout
qui doivent recéler quelques joyaux encore inconnus du ce qui figure, au niveau artistique, dans ce nouveau DVD :
public… Quels ont été vos contacts avec les gens du label ? choix des titres, choix des concerts, menus, etc. Tout est passé
Ils ont été très impliqués, même s’il est évident qu’ils par lui avant validation. Le choix final des morceaux a
conservent encore quelques pépites. Je pense qu’ils ne veulent d’ailleurs grandement évolué au fil des mois, ce qui prouve que
tout simplement pas dévoiler tout ce qu’ils ont en leur l’avis du groupe, ou plus exactement de Malcolm et Angus
possession pour éviter que les fans les pressent de questions du Young, a été suivi jusqu’au dernier moment. Et puis, une chose
genre : « Quand est-ce que vous sortez ci ? Quand est-ce que est sûre, s’ils n’avaient pas voulu de ce DVD, il n’existerait
vous sortez ça ? ». Je crois sincèrement qu’ils ont aussi pas ! Ils ont insisté pour tout voir, même les bootlegs, ce qui
certaines choses que le groupe n’a pas spécialement envie de explique qu’on en trouve quelques-uns sur Plug Me In.
publier. Ce qui est tout à fait compréhensible car il y a des trucs
qui ne doivent pas lui plaire musicalement. Je pense cependant D’où vient le titre Plug Me In ?
qu’ils disposent surtout de bandes audio : concerts, chutes de Je pense que c’est une idée de Malcolm Young car c’est lui qui
studio, etc. Par contre, au niveau vidéo, je ne suis pas persuadé avait choisi le titre « Family Jewels », qu’il avait aperçu sur un
qu’ils soient au top : il faut bien se dire qu’à l’époque, ça article de presse reproduit dans le livret du digipak du CD
coûtait une fortune de filmer un concert car on ne pouvait pas Ballbreaker.
le faire par le biais de la vidéo comme c’est souvent le cas
aujourd’hui. S’ils avaient des shows filmés avec Bon Scott, Pour finir, un mot sur ton fantastique bouquin, Maximum
on l’aurait su cette fois-ci… Rock & Roll, qui n’est toujours pas traduit en français.
Que fait donc la police ?
Il était originellement prévu que le triple DVD Plug Me In (Rires) Pour l’instant, rien n’est prévu de ce côté-là, mais notre
renferme le flyer et le billet du Stade de France 2001. Or, à éditeur australien, Harper Collins, recherche des maisons
l’arrivée, nous avons droit à d’autres goodies, intéressantes d’édition intéressées à travers le monde. Rien n’est encore
certes, mais différents de celles initialement annoncés. signé avec la France, alors, avis aux amateurs !
Comment se fait-ce ?
Il devait aussi y avoir un pass « After Show » de Londres 1982, (Première parution : Rock Hard #071)

9
reportage
MAKING OF DU CLIP
« ROCK’N’ROLL TRAIN » (2008)

© Mick Hutson/Dalle
Un reportage de Philippe Lageat • Photos : DR
Si l’on excepte les sorties des deux DVDs d’archives Family août à 17h30 maximum. Des cars vous y attendront. (…)
Jewels (2005) et Plug Me In (2007), la dernière fois que nous S’il vous plaît, venez habillé comme vous iriez à un concert
avons entendu parler d’AC/DC remonte au 21 octobre 2003. d’AC/DC. Souvenez-vous que vous représenterez collectivement
Ce jour-là, en effet, le groupe donna son ultime concert au AC/DC et la famille internationale des fans aux yeux du monde
Carling Apollo (ex-Hammersmith Odeon) de Londres, avant entier, alors faites en sorte de venir habillé de manière
de disparaître dans un nuage de fumée durant pas loin de appropriée. Vous êtes également prévenus que toute personne
cinq ans. Nous avons retrouvé sa trace. prise à enregistrer, filmer ou prendre des photos avec des
téléphones portables ou tout autre appareil, sera immédiatement
Tout juste avait-on droit, de temps à autre, à quelques nouvelles virée du tournage. Merci, on se voit vendredi ! ». Ayant déjà
de Brian Johnson et de Cliff Williams (le premier faisant des assisté au tournage du clip de « Hard As A Rock » dans la
courses de Nascar, jammant avec la moitié de la planète ou campagne londonienne en 1995, je demande néanmoins à
participant à une émission de télé-réalité, le second accompagnant Vanessa, notre maquettiste, de préparer son matos photos en la
parfois le premier sur scène, histoire de se dégourdir les jambes), rassurant : « Tu verras, entre les prises, tu pourras shooter tout
les plus actifs du lot. En Nouvelle-Zélande, Phil Rudd affolait la ce que tu veux ! AC/DC est super cool avec ça, c’est juste sa
presse people en se battant avec sa femme et en se faisant nouvelle maison de disques qui tente d’intimider les gens… ».
rejoindre sur son bateau par des escort-girls. Mais du clan
Young, Angus et Malcolm, rien, pas la moindre nouvelle ou Le lendemain, vers 16h30, nous arrivons à l’adresse indiquée.
photo à se mettre sous la dent. Il faut dire qu’AC/DC est un Il fait un temps superbe sur Londres et de nombreux fans (il y a
spécialiste en matière de silence-radio… 300 gagnants au total) tapent déjà le pied de grue devant le Iron
Duke, un pub tout ce qu’il y a de plus british situé en face du
Et puis, en mars 2008, comme surgis de nulle part, les deux Victoria Apollo, une salle dans laquelle AC/DC s’est produit les
guitaristes et leur clique réapparaissent soudain à Vancouver, 15 et 16 novembre 1980 sur le Back In Black Tour. Voilà qui ne
dans ces Warehouse Studios où ils ont déjà accouché, en 1999, nous rajeunit pas ! Nous prenons un autre coup de vieux en
de Stiff Upper Lip. Sur le Net, un seul mot d’ordre : « Merci aux retrouvant plusieurs connaissances en compagnie desquelles
fans de ne pas déranger le groupe et de respecter son travail ! ». nous avons fait les 400 coups aux quatre coins du monde : des
Vous parlez de retrouvailles ! Alors, bien entendu, la ronde des Belges, des Anglais (Paul et Daniel, les neveux de Bon Scott
rumeurs reprend de plus belle, qui appelant le nouvel album sont de la partie), un Irlandais, des Allemands et même quelques
Strap It On, qui Dirty Rhythm, etc. En fait, le groupe, qui bossait Français. Egalement glissés sur la liste du groupe, Arnaud
avec le producteur Mike Fraser, un habitué de la maison, est Durieux, archiviste officiel d’AC/DC, Samuel Prévot, manager
resté peu de temps au Canada (à peine un mois !) et s’en est vite de Koritni, et Francis Zégut (« Wango Tango, bande de p’tits
fait, bien fait, retourné dans ses pénates. Le 10 juin, Fraser, de graisseux ! ») sont également de la partie. Dire que ce dernier a
passage à Paris, nous confie ses premières impressions au cours largement contribué à parfaire mon éducation metal est un doux
d’un petit-déjeuner : « Brian est le grand bonhomme de ce euphémisme. Lui aussi – il biche comme un fou ! – est heureux
nouvel album ! Il n’a pas chanté aussi bien depuis longtemps ! ». d’être là aujourd’hui. « L’impression de boucler la boucle »
Ça y est, nous tenons enfin du concret ! Un type en chair et en comme il nous le confie avant d’être envahi de sueurs froides :
os a vu les Boys récemment, travaillé avec eux sur un nouvel nos noms figurent-t-ils bien sur la liste ? Nous en avons la
album, et nous en parle ! Franchement, il est des jours, entre fin confirmation, à notre grand soulagement, vers 18h00, alors
2003 et ce début d’été 2008, où nous étions presque arrivés à que quatre assistantes de Sony font l’appel et nous remettent
nous demander si, sans faire de bruit pour une fois, AC/DC un contrat à signer, les autorisant à nous filmer sans contrepartie
n’avait tout simplement pas pris sa retraite. Alors, vous pensez, financière. Après quelques discussions, une poignée d’irréductibles
la nouvelle de la résurrection nous fait drôlement plaisir ! fans germains patchés des pieds à la tête, qui ont fait le déplacement
D’autant que, quelques jours plus tard, nous apprenons que le sans être invités, se voit finalement conviée à nous rejoindre
staff Sony/BMG a écouté six titres à Londres. On parle même dans les cinq cars garés qui font la navette devant le pub.
d’une sortie pour la fin octobre. Bref, tout à coup, ça se précise. Cool ! Notre destination a été tenue secrète jusqu’ici, mais
Des indiscrétions laissent même entendre que le disque les rumeurs vont bon train : certains parient sur les studios
s’intitulerait Runaway Train. Tout un programme ! de cinéma de Bray (où « Hard As A Rock » a été tourné),
d’autres sur la Brixton Academy qui a vu la naissance du clip de
Et puis, le 31 juillet, les choses s’accélèrent encore ! Le site « Thunderstruck »… Tout faux, puisque nous prenons la A40 en
officiel d’AC/DC, acdcrocks.com, publie l’annonce suivante : direction de Wembley et finissons par nous arrêter à Acton, dans
« Recherchons des fans pour participer au prochain clip la proche banlieue de Londres, dans une zone industrielle. Nous
d’AC/DC en Angleterre ! Vous serez dans le centre de Londres pénétrons rapidement dans un grand hangar qui renferme les
le 15 août de 15h00 à minuit ? Vous voulez prendre part au Black Island Studios, des studios professionnels consacrés au
prochain clip d’AC/DC ? Remplissez la fiche de renseignements cinéma et à la télé, divisés en six plateaux. Nous sommes
suivante, faites-nous parvenir une photo, et écrivez en une parqués trente bonnes minutes dans le N°6, le temps d’apprendre
phrase pourquoi vous devez absolument participer à ce clip. ». que le morceau d’AC/DC pour lequel nous sommes là
Dans la semaine qui suit, le site reçoit une multitude aujourd’hui s’intitule « Rock’n’Roll Train » et non « Runaway
d’inscriptions des quatre coins de la planète. Pas de bol, le Train » (même si le groupe a, semble-t-il, longuement hésité)
concours est uniquement réservé aux Anglais. Déceptions à la et d’apercevoir Ellen Young, la femme d’Angus, ainsi que
chaîne… Mais le 13 août au soir, notre téléphone sonne. Nous différents roadies proches du groupe. Le clip étant tourné sur le
sommes conviés à prendre part au tournage en tant qu’invités du plateau N°5, qui jouxte l’endroit où nous nous tenons, certains
groupe. Ravis, nous sautons de joie, mais nous déchantons vite jouent déjà des coudes pour être aux avant-postes et se font
lorsque nous découvrons le prix de deux billets d’Eurostar vertement réprimander par un service de sécurité quelque peu
achetés en dernière minute. Pas grave, nous y serons ! Au matin agressif. Un chauffeur de salle nous rejoints afin de nous faire
du 14 août, nous recevons un mail de confirmation de Sony UK : part de quelques consignes, la première étant – il est désolé pour
« Vous avez été sélectionné pour participer au tournage exclusif nous et nous le fait savoir – que tout fan pris à faire une photo
du prochain clip d’AC/DC ! Rendez-vous au 1, Wilton Road, sur le set sera éjecté manu militari. Il nous le rappellera pas
près de la gare de Victoria, au centre de Londres, vendredi 15 moins de trois fois ce soir…

12
Vu qu’il est déjà 19h30 et que nous devons être de retour à
Victoria Station vers 23h00, nous comprenons que le temps va
filer. Il faut dire que le groupe est présent sur les lieux depuis
10 heures ce matin et que la plupart des prises ont déjà été
réalisées (gros plans, etc.). Nous pénétrons enfin dans le
Studio 5, le plus grand (31 x 23 m, pour 6,5 mètres de haut).
La scène est très large, mais la salle peu profonde. Le plateau
est particulièrement beau : baignant dans des lumières bleutées,
il représente une salle des machines truffée d’engrenages, décor
industriel très réussi. Plus loin, dans la pièce, quelques écrans
verts qui ont servi aux différents trucages plus tôt dans la journée.
AC/DC aimant la continuité, nous ne sommes pas surpris de
croiser le producteur David Mallet (Serpent Productions), auteur
des VHS Live At Donington, No Bull et Stiff Upper Live, et de
nombreux clips du groupe. Autrement dit, pas vraiment de
nouveauté, le gimmick du clip « Rock’n’Roll Train » étant calqué
sur celui de ses prédécesseurs (« Thunderstruck », « Who Made
Who », « Hard As A Rock », etc.) : AC/DC jouera devant un
public de fans. Du « concept » pur jus pour le combo australo-
écossais qui ne pète jamais plus haut que son cul. Le grand
moment est enfin arrivé : avant que les caméras ne commencent
à tourner, le réalisateur veut que nous écoutions le morceau afin
que nous nous familiarisions avec ce dernier. « Rock’n’Roll
Train » à fond dans la sono ! Un riff de départ répété à l’envi,
comme on les aime tant, et un refrain imparable qu’on nous
exhorte à apprendre par cœur : « runaway train / running right
off the track » ! Super son de batterie, grosse prod’, un titre
d’AC/DC pouvant faire penser à du Razors Edge, que les
retrouvailles s’annoncent bonnes ! Le public réagit comme un
seul homme, reprenant, en moins de temps qu’il n’en faut pour
le dire, le chorus comme s’il connaissait le titre depuis dix
bonnes années. Les minutes s’égrènent jusqu’à ce que,
finalement, le groupe fasse son apparition. Putain, cinq ans !
Autant dire une éternité à l’âge de nos gaillards… Brian Johnson,
toujours prêt à balancer une bonne blague, Malcolm et Angus
Young, n’ont pas bougé. Ou quasiment. Cliff Williams a blanchi,
certes, mais ça lui va plutôt bien. Le « problème » vient plutôt de
Phil Rudd. Les dernières news que nous avions eues de sources
bien informées proches du batteur étaient alarmantes, mais là,
quel choc : cheveux courts, « pattes » de rockers sur les joues,
teint blafard, le batteur, qui baille à la moindre occasion et refuse
de signer tout autographe, semble s’ennuyer en permanence sur
le set, comme détaché, ailleurs. Par contre, dès que le playback
est lancé, le voilà qui cogne comme un sourd sur son kit Sonor
légèrement surélevé. Le public est aux anges, à fond : « get it on
/ give it up / come on, give it all you got ! ». Brian, chemise
Harley Davidson aux manches coupées sur le torse, surpris de
voir que les fans ont déjà intégré le morceau, lance un sourire
incroyable à Angus, costard bleu marine et casquette vissée sur
la tête, qui le lui rend bien. Ces deux-là sont heureux de ces
retrouvailles, ça crève les yeux ! Il y aura trois prises
supplémentaires avec le groupe (dont deux avec caméras dos
à Phil), Angus nous réservant même l’un de ses duck-walks
assassins dont il a le secret. Avant de quitter les lieux, le groupe –
minus Phil – vient en bord de scène serrer les paluches et signer
quelques autographes. Vanessa, malheureusement, n’aura pris
aucune photo. Trop de flippe et de risques pour un résultat
aléatoire. Les deux dernières prises ont lieu sans les musiciens,
et le public de se donner à fond deux dernières fois, pour l’amour
de l’hard… Aux environs de 22h00, le retour en car vers Victoria
se fait dans le silence, chacun ayant le sentiment d’avoir assisté à
un événement privilégié. AC/DC, et c’est là l’essentiel, est de
retour sur les bons rails. Ouf !

(Première parution : Rock Hard #80)

13
INTERVIEW

© Mimi Northscott
PROMO « BLACK ICE » (2008)

INTERVIEW MIKE FRASER


Propos recueillis par Philippe Lageat • Interview réalisée le 10 juin 2008 à Paris
Quel point commun y a-t-il entre les albums Razors Edge (rires) L’étape du mixage est décisive car tu peux vraiment
(1990), Ballbreaker (95), Stiff Upper Lip (2000) et Black Ice ? influer sur ce que sera le disque au final. Tu peux changer le
La réponse tient en un nom : Mike Fraser. Ce Canadien a en bleu en rouge… Peu de producteurs savent où placer un micro
effet travaillé sur tous ces disques, ainsi que de nombreux ou comment obtenir tel ou tel son. Ils ont une idée très nette en
DVDs d’AC/DC, en tant qu’ingénieur du son, mixeur, voire tête de ce qu’ils veulent obtenir au final, mais c’est l’ingé-son
même co-producteur. Le groupe ayant pour habitude, depuis qui leur permet, techniquement s’entend, de parvenir à leurs
1990, de changer de producteur à chaque nouvelle livraison fins. Ça paraît simple à première vue, mais ce n’est pas si facile…
studio, cette longévité doit être saluée comme il se doit. Nous
avons donc profité de la venue de Mike en France pour Comment les Little Mountain sont-ils devenus le studio
l’interroger lors d’un petit-déjeuner sur les Champs Elysées, incontournable qu’on connaît aujourd’hui ?
le 10 juin dernier, alors qu’il venait tout juste de mettre les En 1980, Bruce Fairbairn, qui devait avoir trente ans à l’époque,
touches finales à Black Ice et à la version « Director’s Cut » s’est vu remettre trois Juno Awards (Ndlr : l’équivalent
du DVD No Bull. Gros plan sur un parcours hors du commun. canadien de nos Victoires de la Musique) pour son travail de
producteur sur l’album Young And Restless de Prism. Cela a fait
Rock Hard : Comment as-tu appris le métier d’ingé-son ? beaucoup de publicité au studio. Nous avons rapidement tenté
Mike Fraser : Au lycée, je faisais partie d’un petit groupe. de travailler de jour et non plus de nuit. La boîte qui s’occupait
Nous étions tous des autodidactes et ne connaissions que des jingles radio ne le voyait pas de cet œil, mais le rock a
quelques accords. J’étais fan de heavy rock à la Led Zeppelin, vraiment explosé, alors nous avons fini par nous imposer. En
Black Sabbath… C’est à cette période que j’ai commencé à 1980, l’album éponyme de Loverboy, encore une fois produit
bosser au Little Mountain Sound de Vancouver en tant que par Bruce, est devenu Platine et a cartonné. La grande aventure
concierge et homme à tout faire. Je passais le balai et nettoyais a alors débuté. Bruce était le producteur, Bob Rock l’accompagnait
les chiottes… Au fur et à mesure, l’univers des studios m’a comme ingé-son et mixeur, et j’étais ingé-son en second. Je
fasciné et j’ai donc glissé mon pied dans la porte. J’ai progressé faisais le café, je m’occupais des différents branchements…
rapidement, de concierge à coursier, puis de coursier à assistant, Après l’épisode Loverboy, les grands noms ont commencé à se
et d’assistant à ingé-son en second. J’ai eu la chance de bosser succéder au studio : Blue Öyster Cult, Bon Jovi, Mötley Crüe,
avec Bob Rock (Ndlr : qui produira ensuite Mötley Crüe, Aerosmith, AC/DC… En 1989, il y avait Mötley Crüe à ma
Metallica avec le succès qu’on sait…) et Bruce Fairbairn (Ndlr : droite, qui enregistrait Dr Feelgood, et Aerosmith à ma gauche,
qui produira Aerosmith, Bon Jovi, AC/DC, pour ne citer qui mettait en boîte rien moins que Pump... Pour accéder à la
qu’eux…). Ensemble, nous avons enregistré un paquet de porte d’entrée des studios, tu devais franchir plusieurs vagues de
disques. Voilà comment tout a commencé pour moi. On peut fans qui tapaient le pied de grue pour décrocher un autographe
dire que j’ai appris sur le tas car je n’ai jamais pris le moindre ou une photo. C’était complètement dingue !!!
cours. Une école de son te donne les bases, certes, mais ça coûte
très cher et tu as encore bien des choses à apprendre avant de Tu as bossé avec les plus grands producteurs : Bob Rock, Bruce
pouvoir vraiment te débrouiller en studio. Lorsque j’ai débuté Fairbairn, Rick Rubin, Brendan O’Brien et même Jimmy
au Little Mountain, l’ingé-son Roger Monk y bossait déjà. A Page ! Un conseil à donner à quelqu’un qui débuterait ?
l’époque, son travail consistait surtout à enregistrer des jingles Avant d’apprendre le son, il me semble judicieux de prendre des
et des pubs destinés aux radios. Je l’aidais donc en matinée, et cours de psychologie. Car l’ego des musiciens est tel qu’il est
la nuit, j’assistais Bob Rock qui avait pour clientèle tous les important de savoir comment s’adapter à chacun d’entre eux.
groupes punk de Vancouver. J’ai fini par installer mon sac de Il faut sentir quand tu peux être en mesure de demander plus à
couchage dans les studios. J’y ai carrément vécu pendant un an un artiste, de lui tenir tête, et quand il faut relâcher la pression.
et demi. J’étais toujours là, à n’importe quelle heure du jour et Sans parler du mode de fonctionnement interne de certains
de la nuit. J’adorais ça, le pied total ! Il fallait apprendre vite et groupes, qu’il faut apprendre à connaître très rapidement sous
avoir une bonne mémoire. Je devais avoir 19 ans à l’époque… peine de commettre des impairs. Ton rôle devient alors celui
Le premier combo important avec lequel j’ai bossé était d’un coach : « Toi, repars dans ton côté de terrain ! », « Carton
canadien et avait pour nom Prism. Bruce Fairbairn en était le jaune pour toi ! », etc. (rires) Je suis fasciné par ce côté
trompettiste, jusqu’au moment où le groupe a décidé de se profondément humain de mon boulot. Parfois, il faut toutefois
passer de sa section cuivres et que Bruce, de trompettiste du avoir une patience d’ange pour ne pas péter un plomb ! (rires)
groupe, en est soudain devenu le producteur. C’était en 1979, Pour ma part, j’essaie toujours de rester positif. Je suis plutôt du
l’album s’intitulait Armageddon. C’est lors de ces sessions que genre « ok, essayons ça puisque tu en as envie » que « non, je
j’ai réalisé que l’enregistrement d’un disque nécessitait une sais d’avance que ça ne va pas fonctionner ! ». Ça met les
somme de travail colossale, contrairement à l’idée reçue du groupes en confiance et ça, c’est déjà la moitié du boulot de
groupe qui entre en studio, joue ses morceaux et passe le plus faite. Je ne dis pas qu’il faille toujours leur dire qu’ils ont
clair de son temps à faire la fête. J’ai adoré ça, mais cela m’a raison, mais il faut rester diplomate et positif quand tu es en
surpris. C’est en travaillant avec Bob Rock, qui est un grand désaccord. Maintenant, je ne nie pas que lorsque j’ai bossé avec
producteur, mais aussi un excellent ingé-son et mixeur, que je Jimmy Page sur l’album Coverdale/Page, j’étais si intimidé
me suis petit à petit spécialisé dans le mixage. Je ne l’ai jamais qu’il m’était quasi impossible de dire à Jimmy, qui co-produisait
copié, mais j’ai pu voir comment tout fonctionnait. Mon le disque avec moi : « Tu vois Jimmy, cette partie de guitare-là
instrument à moi, c’est la table de mixage ! Je ne suis pas un ne me plaît pas du tout ! » (rires). Tu te vois donner des
musicien, j’ignore tout de la technique musicale, je ne sais pas directives à l’un de tes héros ? Reste que j’ai beaucoup de
lire une partition, ni différencier un accord en ré d’un accord en chance car j’ai bossé avec la plupart de mes idoles : Led
si. Mais je ressens profondément la musique, et dès lors qu’il Zeppelin, Aerosmith, AC/DC, The Cult…
me faut mixer, je suis dans mon élément. J’aime me dire que je
suis une partie d’un processus de création. Et je n’aime pas être De tous les groupes que tu as mixés, quel est celui que tu
sous les projecteurs, je suis un homme de l’ombre. En tant que rêverais de produire ?
producteur, tu passes ton temps à attendre que les groupes soient Aerosmith !!! Je suis un grand fan, j’adore des albums comme
prêts. Si tu es mixeur, ce sont ces derniers qui t’attendent ! Permanent Vacation, Pump et Grip. Ces dernières années, ils

A gauche : Mike Fraser en plein mixage


du DVD Live At River Plate en 2010
15
ont eu tendance à aligner les ballades et j’aimerais les voir jouer de plusieurs instruments, en particulier de la guitare, et
revenir à quelque chose de foncièrement plus rock. Peut-être dont la conception du rock est très proche de celle d’Angus et
ne veulent-ils plus faire ce genre de chose, mais j’aimerais Malcolm Young. Il a vraiment su tirer le meilleur du groupe.
vraiment essayer. Il n’a pas dû intervenir au niveau de l’écriture car les morceaux
étaient déjà prêts. Ne restait plus « qu’à » les mettre en boîte.
Tu nous as parlé des Little Mountain Sound, mais tu bosses J’ai senti que les musiciens le respectaient. Aussi, lorsqu’il lui
désormais au Warehouse Studios de Vancouver… arrivait de soumettre une idée (« J’aime ce riff, peut-être
Ces deux studios sont assez similaires. D’ailleurs, beaucoup pouvez-vous l’étirer un peu plus ? », « pouvez-vous essayer
de gens qui bossaient au Little Mountain travaillent désormais ça ? », etc.), le groupe s’exécutait. Brendan a uniquement
au Warehouse. L’état d’esprit est le même : là-bas, rien souffert parce qu’il était non-fumeur ! (rires) C’est vrai que
d’impossible. L’équipe est prête à relever tous les défis. j’ai travaillé avec un producteur différent à chaque fois, chacun
Tu n’évolues pas en terrain « corporate ». L’équipement est ayant sa « patte », son style propre. Mais au bout du compte,
excellent et très bien entretenu, ce qui est très important à mes peu importe avec qui le groupe enregistre, AC/DC reste AC/DC.
yeux car je gagne ainsi un temps précieux. Les groupes n’ont J’ai tout particulièrement aimé bosser avec George Young sur
donc pas à attendre que je sois prêt. Dès qu’ils débarquent au Stiff Upper Lip, car c’est le grand frère d’Angus et Malcolm et
studio, nous pouvons nous mettre au travail sans perdre une sa relation en est forcément changée. Pas que ce soit matière à
minute. Nous disposons, à Vancouver, d’excellents studios : embrouilles ou à des discussions sans fin, c’est juste que
le Warehouse, mais aussi les Armoury Studios, les Mushroom lorsqu’il leur disait de faire telle ou telle chose, ses frérots
Studios, les plus récents Hypersonic… En cela, nous sommes l’écoutaient : « Maintenant, éteins-moi cette clope et repars
plutôt gâtés ! bosser ! ». C’est également un chouette type et un homme au
grand cœur en compagnie duquel il est très agréable de
Comment as-tu abordé le mixage 5.1 des DVDs live travailler. Rick Rubin était du genre à ne pas s’intéresser du
d’AC/DC ? tout au côté technique de la chose. Il me disait ce qu’il voulait
Musicalement, je trouve que le 5.1 ne fonctionne réellement que au niveau du son et c’était à moi de tout mettre en œuvre pour
sur des enregistrements live. En fait, je commence par faire un y parvenir. Par contre, il a une oreille incroyable. Il sait
mix stéréo que je transforme ensuite en 5.1, de telle sorte que précisément ce qu’il veut et te dit « ok, c’est exactement ça ! »
l’auditeur ait le sentiment de se retrouver au cœur de la foule. dès qu’il entend, en studio, ce qu’il avait en tête dès le départ.
Je n’aime pas entendre, s’il s’agit d’un live, une guitare En ce sens, c’est davantage un directeur artistique. (…) Black
m’arriver dans le dos. Car ce n’est pas ainsi que ça se passe en Ice a été enregistré en analogue sur des bandes 2 pouces.
concert : lorsque Angus traverse la scène de gauche à droite, le Ce son, c’est ce qu’ils aiment, ils ont toujours procédé ainsi.
son ne bouge pas avec lui : en concert, le spectateur continue de Brendan O’Brien et moi avons tout de même fini par utiliser
se prendre le son de face et c’est ce que j’essaie de retranscrire Pro Tools avec eux pour d’évidentes raisons de facilité et
en 5.1. En fait, je propose donc une stéréo super large. Je ne de confort. Les AC/DC ne sont pas contre les nouvelles
fonctionnerais bien sûr pas de la même manière s’il me fallait technologies, mais contre les nouvelles technologies à tout prix :
bosser sur de la pop, avec des effets, ou un disque studio de si c’est meilleur, très bien, si ce n’est pas le cas, ils s’en passent
Pink Floyd. volontiers. Nous avons enregistré les « basic tracks » de Black
Ice en analogique 24 pistes (batterie, basse, guitares), puis nous
Etonnamment, il y a parfois un décalage entre l’image et le avons transféré le tout sur Pro Tools pour les overdubs et les
son sur le DVD Live In Donington que tu as remixé. vocaux. Lorsque j’enregistre, je ne sépare pas les micros. Pour
Comment cela se fait-il ? les guitares et la basse, j’aime mélanger les micros jusqu’à ce
Lorsque nous avons remixé cette bande son, nous n’avons pu que je sois satisfait du son, puis enregistrer sur une ou deux
nous procurer les images dans les temps afin de nous assurer pistes. Pour la batterie, je me sers d’environ 12 à 14 pistes.
qu’il n’y aurait aucun décalage à l’arrivée. Du coup, beaucoup Sur Black Ice, je ne pense pas avoir eu recours à plus de 30
de fans pensent que certaines parties ont été totalement pistes au total.
retravaillées, ce qui n’est pas le cas. Toutes les chansons
proviennent bien du show de Donington, ce qui n’était Raconte nous une journée type en studio avec AC/DC ?
vraisemblablement pas toujours le cas sur la première version Généralement, nous déboulons au studio vers midi et la
proposée. Il arrive que tu entendes Brian chanter alors qu’il est première chose que nous faisons est de vérifier la théière.
loin de son micro. Ce n’est pas parce que le son provient d’un Après quelques tasses de thé et un demi paquet de clopes, il est
autre concert, mais parce que l’image en question a été filmée temps d’y aller. Geoff Banks et Richard Jones, les techniciens
à un autre moment du concert et placée là pour telle ou telle du groupe, accordent la batterie et les grattes pendant qu’Eric
raison par le réalisateur lors du montage initial. J’ai connu le Mosher, mon assistant, s’assure que l’équipement d’enregistrement
même problème récemment avec la nouvelle version est prêt à fonctionner. Je vérifie rapidement le son et c’est parti !
« Director’s Cut » de No Bull puisque je ne disposais pas des Dès le premier coup de baguette, ces mecs sont au point et te
images-témoins lorsque j’en ai remixé le son. J’essaie toutefois frappent en pleine face avec un mur de puissance pure. Il faut
de suivre le processus jusqu’au bout pour m’assurer que, cette le voir pour le croire !
fois-ci, les mecs caleront correctement le son sur les images.
Lorsque j’ai travaillé sur la VHS de No Bull, à l’époque (Ndlr : Une anecdote particulière ?
en 1997), la compagnie vidéo a soudain décidé, sans même Les AC/DC sont vraiment cool et faciles à vivre. Bien sûr, Brian
daigner m’en avertir, de monter le public dans le mix. Un mec Johnson a toujours une ou deux bonnes blagues à raconter et
a bidouillé ça à la va-vite, ce qui fait que, lorsque j’ai reçu la nous avons nos moments de déconne. Mais lorsque le groupe
VHS, je n’ai pas reconnu le travail que je leur avais fourni : arrive au studio, l’heure est à la concentration et au travail.
la voix de Brian disparaissait complètement dans le mix ! A tel
point que ce dernier m’a demandé ce qui s’était passé et que je Black Ice voit AC/DC innover dans certains domaines.
lui ai répondu que je l’ignorais. C’était horrible ! C’est pour ça As-tu été surpris par le nouveau matériel ?
que je suis très heureux d’avoir aujourd’hui la chance de AC/DC sonne toujours comme AC/DC, c’est ce qui fait son
pouvoir proposer, via le « Director’s Cut » de No Bull, une charme. Tu sais toujours où tu mets les pieds. OK, ils ont fait
version remixée qui correspond bien plus à mes attentes. Et appel à des cornemuses, puis à un bottleneck, mais le son de
puis, le concert en lui-même est génial ! base ne change pas. J’adore ce nouvel album. Brian, tout
particulièrement, s’est surpassé sur ce disque, n’hésitant pas à
Tu as bossé sur plusieurs albums d’AC/DC, à chaque fois mettre ses tripes sur la table. Il est dans une forme physique
avec un producteur différent : Bruce Fairbairn, Rick Rubin, éblouissante. En l’écoutant, on pourrait croire qu’il a de
George Young… Qu’as-tu pensé, lors de l’enregistrement de nouveau 30 ans !
Black Ice, de ta collaboration avec Brendan O’Brien ?
Brendan est lui aussi un musicien, un touche-à-tout capable de (Première parution : Rock Hard #81)

A droite : avec AC/DC aux Warehouse Studios


16 durant l’enregistrement de Black Ice (2008)
© Mimi Northscott
INTERVIEW
PROMO « BLACK ICE » (2008)

INTERVIEW ANGUS YOUNG


Propos recueillis par Philippe Lageat & Morgan Rivalin • Interview réalisée le 15 septembre 2008 à Düsseldorf (Allemagne) • Photos : DR
Stiff Upper Lip : 2000 – Black Ice : 2008. Il aura fallu pas me trotter dans la tête pendant des années jusqu’à ce que me
moins de huit ans (un record !!!) pour qu’AC/DC offre vienne le déclic… Au bout d’un moment, il faut vraiment que
enfin un nouvel album à ses fans. Alors, autant dire, même je finisse par en faire quelque chose ! (rires) Nous composons
si le groupe a donné quelques concerts en clubs et avec toujours, Malcolm et moi. Nous écrivons chacun de notre côté
les Rolling Stones en 2003, que le temps a semblé long, et nous nous réunissons de temps en temps pour échanger ce
très long. Hé, on a même cru un instant que la Young que nous avons. Nous écoutons toutes nos démos et choisissons
Connection s’en était définitivement allée, sur la pointe des ce qui nous semble le meilleur. Parfois, nous ne retenons qu’une
pieds. Et sans bruit, pour une fois… C’est donc avec une partie d’un morceau entier… Puis, nous nous séparons à nouveau
joie non dissimulée que nous avons découvert Black Ice en et nous remettons à écrire en solitaire. Mais au cours de ce
avant-première, un album aux multiples facettes, plutôt processus, nous faisons aussi d’autres choses. Nous sommes en
surprenant de la part d’un groupe que certaines mauvaises proie à des distractions… Ou plutôt, à d’autres occupations !
langues ont souvent accusé (à tort) de ne jamais se Notre label peut se mettre, par exemple, à vouloir sortir un
renouveler. La prise de courant se serait-elle transformée DVD truffé de clips et de séquences d’archives et, dans ce cas,
en prise de risques ? Quelques semaines plus tard, nous il faut que nous nous mettions à jouer les réalisateurs. Ce que
prenions, avec trois autres médias triés sur le volet, l’avion nous avons fait plusieurs fois ces derniers temps (Ndlr : Angus
pour l’Allemagne afin de rencontrer la légende Angus fait notamment allusion aux DVDs Family Jewels et Plug Me
Young. Welcome back, lads ! In, respectivement parus en 2005 et 2007). Enfin, je crois !
(rires)
C’est dans un hôtel cossu de la charmante bourgade allemande
qu’est Düsseldorf que nous avons rendez-vous avec AC/DC. Black Ice marque votre première collaboration avec le
Enfin, surtout avec son guitariste emblématique, Angus Young, producteur Brendan O’Brien (Pearl Jam, Bruce Springsteen).
Brian Johnson, éreinté par ses 17 heures d’avion de la veille, En 2001, Mutt Lange, qui a produit les plus gros succès de
étant encore dans les bras de Morphée à notre arrivée. Entouré votre carrière et que vous aviez recroisé au Stade de France,
de Tim, l’imposant tour-manager du groupe (celui-là même qui avait déclaré être prêt à retravailler avec le groupe.
porte Mister Young sur ses épaules lorsqu’il fend la foule en Pourquoi cela ne s’est-il pas fait au final ?
concert) et de divers représentants de son label anglais aux Mutt Lange était occupé lorsque nous l’avons contacté, puis il
petits soins pour lui, ce grand monsieur du hard rock haut nous a dit qu’il serait de nouveau libre dans quelque temps…
comme trois pommes (qui a célébré son 53ème anniversaire En fait, qu’il s’agisse de lui ou de nous, nous n’étions pas au
cette année) nous salue brièvement avant d’aller se requinquer. bon endroit au bon moment. Nous n’avions pas les mêmes
Cigarettes et thé corsé sont une nouvelle fois au programme disponibilités. C’est assez « drôle » comme les choses arrivent,
du musicien et ne le quitteront pas au cours des trente minutes parfois... Nous entendions parler de Brendan depuis les années
qui nous ont été allouées. Entretien. 90 et l’avons vu devenir un producteur de plus en plus demandé.
Au moment de commencer à réfléchir à l’enregistrement de
Rock Hard : La dernière tournée d’AC/DC a eu lieu en Black Ice, nous nous sommes simplement demandé qui pourrait
2003. Depuis ce temps, nous avons pu avoir des nouvelles faire du bon travail. Nous avons vite décidé de bosser avec
des autres membres du groupe, mais très peu de ton frère quelqu’un de nouveau et non avec un producteur que nous
Malcolm ou de toi... Aviez-vous besoin de cette respiration, connaissions. Le challenge nous paraissait excitant ! Et puis,
loin des médias ? le timing était parfait. Au moment où nous étions prêts à entrer
Angus Young : Oui. Il y a des moments où l’on ressent le en studio, Brendan venait justement de terminer un projet et
besoin de prendre un peu de recul. Pour soi, tout d’abord, mais était très enthousiaste à l’idée de collaborer avec nous. C’est
aussi pour pouvoir travailler plus efficacement. Cette période a quelqu’un de très compétent. Il joue de tous les instruments –
été riche en changements, notamment en ce qui concerne notre guitare, piano, batterie… – et est particulièrement doué avec
maison de disques (Ndlr : le groupe a quitté Warner pour tout ce qui touche aux arrangements vocaux. Nous avons bien
rejoindre Sony), et il nous a fallu résoudre certaines questions fait de faire appel à lui.
juridiques délicates. Cliff (Williams/basse) a également eu
quelques problèmes à une main (Ndlr : il s’était gravement Sans utiliser le terme « pop », il a déclaré que son intention
coupé… en changeant une ampoule). Mais cela ne m’a jamais était clairement de rendre vos chansons plus accrocheuses
empêché de composer. Dès que j’ai un peu de temps devant que jamais…
moi, je m’y mets. Il ne se passe pas un jour sans que je C’est exact. Il nous a dit avoir toujours trouvé que les refrains
n’empoigne une guitare pour essayer de faire quelque chose… de nos morceaux constituaient l’un de nos points forts. Il voulait
Ce n’est pas comme s’il m’était possible de devenir quelqu’un vraiment mettre l’accent là-dessus et le travail qu’il a effectué
d’autre du jour au lendemain. Je parviens temporairement à sur le chant et les chœurs est remarquable.
mettre de côté le personnage d’écolier que j’incarne sur scène,
mais pas le musicien qui habite en moi en permanence ! Ce titre de l’album, Black Ice, est-il le fruit de séances de
brainstorming intenses ?
Les quinze titres de Black Ice sont-ils tous nés durant ces (Rires) Non, c’est plutôt le genre de mot qui te reste en tête
cinq dernières années ? après l’avoir entendu à la radio ! J’étais en voiture quand un
En grande partie, oui. Certaines idées nous étaient également avertissement a annoncé du verglas sur la route (Ndlr : « black
venues il y a plus longtemps que cela. Il nous arrive parfois de ice », en anglais). Ces mots m’ont tout simplement marqué à ce
commencer à travailler sur quelque chose et de perdre le fil… moment précis et ont déclenché l’écriture du morceau du même
Dans ce cas, mieux vaut que nous remisions ce sur quoi nous nom. A l’heure de choisir le titre de l’album, nous nous sommes
travaillons pour nous y remettre plus tard. Parfois, une idée peut arrêtés sur le titre de cette chanson… Voilà, c’est tout ! (rires)

A gauche : Cliff Williams, Brian Johnson, Malcolm Young,


Angus Young & Phil Rudd (Londres 2008)
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« Anything Goes » est un titre très accrocheur dont le feeling tourner un bouton pour obtenir le son qu’on souhaite. Quand
boogie nous fait penser à un mélange de vieux Rose Tattoo et la basse sature, en analogique, on obtient tout de même une
de Status Quo, tout en restant assez nouveau malgré tout. distorsion assez « naturelle ». En numérique, il est plus difficile
Comment ce morceau est-il né ? de distinguer une bonne saturation d’une mauvaise... De nos
C’est une chanson écrite par Malcolm. Je venais de quitter jours, en studio, on utilise beaucoup plus de machines. Autant
l’Europe et d’arriver au Canada pour l’enregistrement du de matériel que Brendan maîtrise à la perfection. Mais en ce qui
disque, à Vancouver, quand mon frère m’a dit qu’en plus de me concerne, lorsque j’entends parler de fréquences et d’autres
toutes les démos que j’avais déjà écoutées, il en avait une termes techniques, j’avoue décrocher assez vite… (rires)
supplémentaire dans ses cartons. Il s’était enregistré seul dans
une pièce avec sa guitare en tapant du pied par terre, c’est lui Brian (Johnson/chant) livre une superbe performance sur
qui chantait et ça sonnait d’enfer ! En travaillant tous ensemble Black Ice (Angus acquiesce). Tout le monde connaît le talent
sur ce titre, nous nous sommes efforcés de conserver le swing du bonhomme, mais as-tu malgré tout été agréablement
vraiment très particulier de la démo. Cela s’est fait à la dernière surpris par la qualité de sa prestation ?
minute, mais Malcolm a vraiment eu raison de suggérer Oui, tout à fait. Là encore, je crois qu’il faut y voir l’influence
d’ajouter cette chanson à l’album. de Brendan. Avec Brian, ils ont rapidement mis en place un
mode de fonctionnement qui a porté ses fruits : plutôt que de
Ce pourrait même être un single potentiel pour les radios… demander à Brian d’enregistrer des prises tout au long de la
Peut-être... Mais vous savez, je ne suis pas vraiment la bonne journée – ce qui le fatigue, on a pu le constater lors de précédentes
personne à laquelle parler pour tout ce qui touche au domaine sessions d’enregistrement –, il a préféré le ménager en lui disant
« commercial » ! (rires) Généralement, les chansons que de se donner à fond… mais durant de courtes périodes. Brendan
j’apprécie ne font pas l’unanimité auprès de ceux dont le travail a vite remarqué quand Brian était au maximum de ses capacités
est de vendre notre musique. Et puis, très souvent, il arrive que et a focalisé ses efforts là-dessus. Et puis, il faut croire que ces
je change d’avis en cours de route... Il vaut mieux ne pas me années de repos ont été bénéfiques à Brian. Sa voix sonne de
demander ! (rires) façon bien plus « fraîche » à présent.

Joues-tu de la slide guitar ou est-ce un bottleneck que tu Il atteint des notes vraiment hautes sur le disque…
utilises sur « Stormy May Day » ? C’est vrai. Je suis encore sous le choc ! (rires) Il mérite qu’on
C’est un bottleneck. le couvre de louanges, tout comme Brendan pour qui le chant et
les chœurs ont une importance toute particulière. En ce qui me
C’est la première fois que tu en joues sur un disque concerne, lorsque j’enregistre une démo chez moi, je chantonne
d’AC/DC. Comment cette idée a-t-elle germée ? dans ma barbe, histoire de donner une idée de ce que j’attends
Hé bien, j’enregistrais la démo de ce titre chez moi, sur une ensuite de Brian. J’imagine les placements rythmiques des
guitare acoustique, quand je me suis emparé d’un briquet qui lignes mélodiques, mais je suis loin d’être un chanteur…
traînait par là. Le morceau a débuté avec ce riff et s’est vite Brendan a dû disséquer ces démos et faire un important travail
développé autour de celui-ci. Au moment de partager les d’imagination pour parvenir à guider Brian à partir de mes soi-
chansons que nous avions écrites chacun de notre côté, cette disant lignes de chant.
démo a semblé faire l’unanimité auprès de mes camarades.
Du coup, Brendan m’a poussé à enregistrer le morceau de On trouve quinze nouvelles chansons sur Black Ice, qui est
la même manière, mais en utilisant un véritable bottleneck. aussi l’album studio le plus garni de l’histoire du groupe.
Je lui ai dit que je n’étais pas forcément très à l’aise avec cet Aviez-vous envisagé d’en placer moins au départ ?
accessoire, ni un maître en matière de slide guitar… Mais il a Nous pensions en mettre onze, puis douze… A mesure que les
insisté. Il faut dire qu’il m’arrivait de temps en temps d’utiliser jours passaient, chaque membre du groupe se mettait à voter
un briquet lorsque je taquinais la guitare dans un coin du studio pour un titre particulier, puis pour un autre... Le choix devenait
et qu’il m’a surpris en train de le faire… J’étais fichu ! (rires) vraiment de plus en plus difficile ! (rires) Au moment de quitter
J’ai donc accepté de faire un essai, en me disant que si ça ne le studio, nous avons décidé d’essayer d’assembler une version
marchait pas, nous pourrions toujours oublier cette prise, mais douze titres, ainsi qu’une autre regroupant les quinze morceaux
ça a bien fonctionné. mis en boîte durant ces sessions. Nous avons reçu les différents
track-listings et avons longtemps tergiversé… Une fois de plus,
Près de 35 ans après vos débuts, Black Ice vous voit donc il semblait que chacun d’entre nous avait un avis différent des
essayer de nouvelles choses… autres. Comme nous n’arrivions pas à nous mettre d’accord,
Absolument ! C’est principalement pour cette raison que nous nous avons décidé d’opter pour le « plus ». « Allez, donnez-leur
avons souhaité faire appel à Brendan O’Brien. Nous lui avons les quinze chansons et qu’on n’en parle plus ! » (rires)
laissé suffisamment d’espace et de liberté pour qu’il nous
propose de tenter des choses nouvelles. Si ce qu’on nous soumet Es-tu d’accord pour dire que certains titres de l’album sont
nous plait, alors tout va bien, et si ce n’est pas le cas, nous assez différents dans leur approche et demandent plusieurs
n’hésitons pas à dire précisément ce que nous n’aimons pas et à écoutes pour être assimilés ?
quels changements il faudrait procéder. Mais dans ce cas précis, Oui, je le crois. Ce que j’apprécie particulièrement dans ce
ce que Brendan nous a proposé nous convenait parfaitement. disque, c’est qu’il est suffisamment varié pour qu’on aime
en écouter des titres différents en fonction de l’humeur dans
Cliff doit être ravi par le mixage du disque et par des titres laquelle on se trouve. Certains morceaux, que j’aimais un peu
comme « War Machine » ou « Big Jack ». Jamais sa basse moins que d’autres, font aujourd’hui partie de mes préférés.
n’avait été aussi mixée en avant… Il faut parfois laisser le temps au temps… Il m’arrive aussi
Oui, il est très content ! (rires) De manière générale, la production de réécouter nos vieux albums et de redécouvrir certaines
du disque nous plaît beaucoup. Ce même si, à titre personnel, chansons que j’appréciais moins. Pourquoi est-ce que je les
je mets toujours un certain temps à me faire au son numérique, aime davantage aujourd’hui ? Je l’ignore... Je ne pense pas que
qui est beaucoup plus « croustillant » que l’analogique. Je suis les goûts musicaux puissent beaucoup changer, mais le simple
un adepte de l’ancienne école, celle qui ne demande que de fait d’avoir du recul doit faire la différence. Nous avons

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Nous avons laissé suffisamment d’espace et de
liberté à Brendan O’Brien pour qu’il nous propose
de tenter des choses nouvelles
(Angus Young)
anything goes est une chanson écrite par malcolm.
Il s’était enregistré seul dans une pièce avec sa
guitare, c’est lui qui chantait, et ça sonnait d’enfer !
(Angus Young)
tellement la tête dans le guidon parfois qu’il est assez facile de Il venait tout juste d’arriver de Nouvelle-Zélande pour le tournage
se perdre… et était encore en proie aux affres du décalage horaire. Et puis,
je crois savoir que sa mère, qui est très âgée, est très malade en
Sans parler de la pression qui doit se faire ressentir, qu’elle ce moment. Cela doit être une grande source d’inquiétude pour
vienne de votre label ou des fans, qui attendent ce disque lui. Mais à part ça, rassurez-vous, il va aussi bien qu’il lui est
depuis plus de huit ans et demi… possible d’aller…
Oui. Ça a été le cas vers la fin de l’enregistrement, car au bout
d’un moment, tout le monde savait que nous étions en studio. Vous venez d’annoncer les premières dates de la tournée
Mais notre discours n’a pas changé pour autant : « Vous aurez mondiale du Black Ice Tour qui débutera le 28 octobre
l’album quand nous serons à 100% satisfaits du résultat ! ». prochain aux USA. C’est un long périple d’un an et demi
Pendant tout ce temps, nous l’avons gardé pour nous. Personne qui s’annonce, aménagé d’un nombre de jours de repos
n’a écouté le disque avant que nous n’y mettions les dernières assez conséquent. Seras-tu…
touches. (Coupant la question) En condition ? (rires) Hé bien, je sais
qu’il me faudra être affûté, et ce n’est pas encore tout à fait le
En parlant de l’attente vécue du côté des fans, il nous faut cas… J’essaie de faire attention à ma santé, ce même si, à
te confier qu’à la rédaction de Rock Hard, très rares étaient l’évidence (il désigne la cigarette qui se consume dans ses
les journées qui passaient sans qu’on nous demande quand doigts), je reste un gros fumeur… Je n’ai rien d’un jogger ou
votre nouvel album allait enfin voir le jour ! d’un marathonien, mais je fais quand même un peu d’exercice
(Il sourit) Et c’est pareil pour moi ! Souvent les gens physique. Du fitness et quelques étirements… Et depuis un
m’interpellaient et me posaient la question. On me disait aussi : certain temps déjà, je fais du vélo. Je pratique des activités qui
« Alors, il paraît qu’un nouvel album est sur le point de sont dans mes cordes, je n’ai jamais aimé avoir à me forcer pour
sortir ? ». Certains croient toutes les rumeurs qu’ils peuvent lire faire quelque chose… Je suis loin d’être un grand sportif ! (rires)
sur Internet, tandis que d’autres se trompent et confondent les
sorties de DVDs divers avec celle d’un album… Mais Black Ice Pourtant, ce sont des prestations hyper physiques que tu
est enfin prêt et sur le point de sortir, et pour le moment, délivres soir après soir…
j’entends dire de la part de ceux qui l’ont écouté qu’ils Et tant que je serai capable de le faire, je continuerai !
l’apprécient. Tout va bien ! (rires)
Le concert du Stade de France 2001 reste dans de
Tu nous as déjà dit ne pas être la personne la plus concernée nombreuses mémoires et est considéré comme un moment
par tout ce qui touche au côté « commercial » de la vie fort de votre carrière par beaucoup de fans. Peut-on
d’AC/DC, mais malgré cela, quel regard poses-tu sur la s’attendre à vous voir faire une nouvelle tournée des stades
multiplication des produits dérivés frappés du nom du européens en 2010 ?
groupe opérée au cours des dernières années ? Cela dépendra de la demande. Si elle est là, alors oui, cela
Je me souviens qu’il y a quelques années, ils (Ndlr : comprendre pourrait très bien arriver. « Ils » sont en train de planifier tout
« le management du groupe ») ont été parmi les premiers à cela et veulent qu’un maximum de spectateurs nous voit en un
vendre des licences à des fabricants de t-shirts pour qu’ils y minimum de temps. Je crois que nous serons en Europe dès
apposent notre logo. Aujourd’hui, il me semble que c’est devenu janvier prochain et, bien évidemment, nous passerons par la
beaucoup plus commun. Tout ceci m’inspire que nous essayons France.
de tenter de nouvelles choses, tout en tentant, tant que faire se
peut, de protéger ce que nous pouvons protéger… (Première parution : Rock Hard #81)

Black Ice est d’ailleurs le premier album d’AC/DC qui est


disponible en magasins dans trois versions dotées de
pochettes différentes. Qu’est-ce que cela t’inspire ?
(Un peu embarrassé) Je crois que c’était surtout lié au fait
qu’on nous ait proposé différentes épreuves pour la pochette…
En tout cas, le message que nous souhaitons faire passer n’est
pas : « Achetez-le trois fois pour avoir les trois versions
différentes ! ». Non, ce n’est vraiment pas ça. Nous savons bien
de toute façon que la très grande majorité des gens achèteront le
disque une seule fois, dans la couleur de leur choix. Et en ce qui
me concerne, ce qui m’importe le plus est qu’ils aiment ce
qu’ils entendront ! Car là est l’essentiel…

Tu ne penses pas qu’un nombre non négligeable de vos fans


se rueront sur les trois versions ?
(Très sérieusement) S’ils sont vraiment riches, peut-être…
Certains d’entre eux collectionnent absolument tout ce qui sort,
c’est vrai. Mais je pense tout de même que l’immense majorité
des gens fera comme d’habitude et n’en achètera qu’un seul
exemplaire…

Sur le tournage du clip de « Rock’n’Roll Train », auquel


nous avons eu la chance d’assister à Londres (Cf. RH 80),
nous avons trouvé Phil (Rudd/batterie) très fatigué et assez
peu concerné par ce qui se tramait… Peux-tu nous rassurer
sur son état de santé ?
CONCER T
BLACK ICE WORLD TOUR 2008-2010

AC/DC
LE 26 OCTOBRE 2008 A WILKES-BARRE (WACHOVIA ARENA/USA)
Le 21 octobre 2003, AC/DC donnait son prononcée. N’empêche, les années passent, mais l’éternel
dernier concert à ce jour au Carling Apollo écolier est bien là, devant nous, moins mobile certes, mais
de Londres. Il aura donc fallu patienter toujours prompt à enquiller les duckwalks assassins. Le son est
plus de cinq ans pour revoir le groupe se clair et puissant, les lights, disposées en arcs de cercle, superbes. Setlist
produire sur une scène. Coïncidence, si ce Le public américain, mou durant « Hell Ain’t A Bad Place To •Intro cartoon
show anglais de 2003 eut lieu devant un Be », se réveille dès qu’AC/DC puise dans Black In Black, •Rock’n’Roll Train
parterre réduit, capacité d’accueil de l’ex- comme s’il ne connaissait que l’album noir de 1980, et accueille •Hell Ain’t A Bad
Place To Be
Hammersmith oblige, celui qui nous « You Shook Me All Night Long » par la plus belle ovation de •Back In Black
attend en ce 26 octobre 2008 se veut la soirée. Pour le reste, la setlist ne laisse pas vraiment de place •Dirty Deeds Done
encore plus événementiel. Pas moyen en aux surprises, puisque les classiques (« Dirty Deeds Done Dirt Dirt Cheap
effet d’acheter un billet pour y assister. Cheap », « Thunderstruck », etc.) s’enchaînent comme à la •Thunderstruck
•Hells Bells
Ce soir, seuls 2.000 à 2.500 privilégiés parade. Comme sur la tournée précédente, Johnson se suspend •You Shook Me All
(gagnants de concours, staff du label tel Tarzan à la Hells Bells, avant que le morceau/titre de Black Night Long
Sony et VIPs triés sur le volet) Ice, irrésistible de groove, ne prouve définitivement que ce nouvel •T.N.T
investissent sagement la Wachovia album a la classe. Les effets pyrotechniques sont monstrueux •Black Ice
•Whole Lotta Rosie
Arena de Wilkes-Barre qui peut en (« T.N.T »), à tel point qu’on se demande comment la poupée
•Let There Be Rock
accueillir 10.000 afin d’assister à la Final Dress gonflable géante qui chevauche le train durant « Whole Lotta (+ Angus solo)
Rehearsal (« Ultime Répétition en Costumes ») qu’AC/DC livre Rosie » parvient à tenir le coup (elle cramera le lendemain Rappel :
deux jours avant le coup d’envoi officiel du Black Ice World durant une ultime répétition sans public, forçant le groupe à •Highway To Hell
tour 2008-2010 dans cette même salle (le combo a également ressortir celle des tournées précédentes !). Durant « Let There Be •For Those About
To Rock
répété à Philadelphie la semaine précédente). Une anecdote Rock », Angus, après un strip-tease expédié (il en fera un plus
croustillante en passant : il y a peu, Sony US a fait décorer un long les jours suivants durant « The Jack ») rejoint bien sûr la
train aux couleurs du nouvel album, train censé amener un bon plateforme élévatrice qui l’attend au bout de l’avancée pour le
paquet de fans de la Grosse Pomme à Wilkes-Barre… pour monter à cinq mètres du sol cependant que, sur l’écran géant,
s’apercevoir, une fois le cheval de fer customisé, qu’il n’y avait les pochettes des albums du groupe défilent. Effet garanti
pas de gare dans la petite ville ! Seize bus ont donc été affrétés lorsque le visage de Bon Scott sourit à l’arena… Les musiciens
en dernière minute pour faire bonne figure… Ouarf, ouarf ! quittent la scène après le traditionnel, mais écourté, solo du
Bienvenue donc en Pennsylvanie, à 175 bornes de New York, ce frêle guitariste au-dessus de Phil Rudd. Nous n’aurons donc
« trou du cul du monde » où vivent « des gens, dixit Barack droit, ce soir, qu’à un show amputé pour 1h20 de plaisir (Ndlr :
Obama (alors dans la dernière ligne droite de la course à la par la suite, « Anything Goes », « War Machine », « The Jack »,
présidence), qui s’accrochent à leurs armes à feu et à leur « Shoot To Thrill » et « Big Jack » seront également au
religion, et cultivent une antipathie à l’égard de ceux qui ne programme). Le final est somme toute classique, puisque
sont pas comme eux ». Tout un programme ! Sauf qu’aujourd’hui, constitué de « Highway To Hell » (flammes à gogo au menu)
fans des quatre coins du monde sont accueillis ici comme il se et « For Those About To Rock » rehaussé de ses traditionnels
doit, avec un enthousiasme fleurant bon la fébrilité et l’impatience coups de canons. A l’arrivée, si AC/DC a semblé un brin rouillé
(on aperçoit même, dans la foule, un t-shirt « Brian Johnson for ce soir (un marathonien ne se tape pas 42 bornes en un temps
president » de circonstance !). Chaque spectateur se voit remettre record après cinq ans d’absence), l’envie est là et bien là,
un pass plastifié ainsi qu’un billet, sésames indispensables pour palpable. Et il ne fait nul doute qu’Angus & Co. vont encore
pénétrer dans l’arène devant laquelle trône un pick-up cornu et à monter en puissance au fil des dates. Vivement donc l’invasion
la queue fourchue décoré aux couleurs de Black Ice. Répétition européenne de 2009 ! Le plus dur, maintenant, va être de
oblige, The Answer, le groupe irlandais de première partie, prendre son mal en patience…
ne joue pas ce soir. Direct dans le vif du sujet ! C’est bien PHILIPPE LAGEAT
évidemment une ovation surnaturelle qui retentit dans l’arène Photos : PHILIPPE LAGEAT
soudain plongée dans le noir. Sur l’écran géant de fond de scène
défile un dessin animé aux allures de manga. Très explicite, ce (Première parution : Rock Hard #83)
dernier voit deux filles toutes en rondeurs tenter d’empêcher
coûte que coûte Angus de faire dérailler un train lancé à pleine
vitesse (dans un compartiment, l’incontournable Rosie fait
même une petite gâterie à Mister Johnson !). Le diablotin finit
évidemment par avoir le dessus. Et boum !!!, la locomotive
infernale de fracasser le fond de scène pour finir sa course en
équilibre au-dessus du kit de batterie de Phil Rudd ! Une entrée
en matière bien plus impressionnante que celle du Stiff Upper
Lip Tour 2000/2001. Fort logiquement, c’est donc
« Rock’n’Roll Train », le nouveau single du groupe déjà devenu
classique, qui ouvre les débats. On sent le Club des Cinq tendu,
ainsi qu’en atteste, à l’issue de ce premier morceau, le sourire
de soulagement que décoche Malcolm Young à Cliff Williams.
Brian, dont la voix n’a pas été aussi claire depuis 1982, hésite
encore à s’approprier pleinement cette avancée qui scinde le
public en deux. Il faut même attendre trois titres pour qu’Angus
tombe enfin la casquette, dévoilant une calvitie de plus en plus
CONCER T
BLACK ICE WORLD TOUR 2008-2010

AC/DC • THE ANSWER


LE 12 DECEMBRE 2008 A SAN ANTONIO (AT&T CENTER/USA)
LE 14 DECEMBRE 2008 A HOUSTON (TOYOTA CENTER/USA)
Le Texas a toujours été un état-clef pour AC/DC car il a, dès Answer à Atlanta deux jours après le gig de Houston : « C’est
juillet 1977, accueilli le groupe avec ferveur à l’occasion des du tout bon. Certainement le meilleur groupe qui ait ouvert
quatre premiers concerts américains de sa carrière. C’est donc pour AC/DC depuis une éternité ! ». Voilà qui en dit long sur Setlist
avec un plaisir non feint que nous rallions, les 12 et 14 l’impact des Irlandais que nous retrouverons en Europe avec •Intro cartoon
décembre 2008, le AT&T Center de San Antonio et le Toyota AC/DC sur la tournée des salles, mais aussi en stades. •Rock’n’Roll Train
Center de Houston, deux salles de 20.000 places qui ne sont Bien sûr, dès que l’obscurité se fait de nouveau dans la salle, •Hell Ain’t A Bad
Place To Be
autres que le berceau des Spurs de Tony Parker et des Rockets chacun regagne sa place dare-dare et une ovation incroyable •Back In Black
du colosse Yao Ming. Dans ces deux arènes, des maillots géants retentit dans l’arène. AC/DC est « back in business » et cela •Big Jack
des plus grands basketteurs des deux équipes sont suspendus au s’entend ! D’entrée, les shows de San Antonio et Houston •Dirty Deeds Done
plafond. C’est qu’on ne plaisante pas ici avec le basket, tout nous permettent de constater que le groupe est maintenant Dirt Cheap
comme on ne plaisante pas avec AC/DC, ainsi qu’en témoignent parfaitement rôdé et s’est défait de cette couche de rouille et de •Thunderstruck
les impressionnantes files d’attente qui se forment devant les trouille qui le paralysait encore il y a moins de deux mois, lors •Black Ice
•The Jack
stands de merchandising pris d’assaut (à 115$ le maillot de de la première à Wilkes-Barre (Cf. double page précédente). •Hells Bells
hockey « Black Ice », il y a pourtant de quoi hésiter…). Dans L’impressionnante machine à rocker est désormais sur les •Shoot To Thrill
les deux salles, que des places assises numérotées, y compris bons rails, contrairement à la locomotive qui déraille au-dessus •War Machine
dans la fosse, ce qui explique que de nombreux spectateurs ne de Phil Rudd lors d’une intro toujours aussi spectaculaire. •Anything Goes
rejoignent leur siège que peu de temps avant le show d’AC/DC, Le concert, différent – car plus long – du gig d’échauffement •You Shook Me All
Night Long
boudant au passage la prestation de The Answer. Dommage car de la fin octobre, fait la part belle au nouvel album, Black Ice,
•T.N.T
le groupe de Belfast – ce n’est pas nous qui allons prétendre le puisqu’il en propose pas moins de cinq extraits. A n’en pas •Whole Lotta Rosie
contraire vu notre couverture de ce mois (Cf. RH84) – vaut douter, « Rock’n’Roll Train », « Big Jack », « Black Ice » •Let There Be Rock
vraiment le détour. Officiant dans un hard rock à la croisée des (désormais placé plus haut dans la setlist), « Anything Goes » (+ Angus solo)
chemins entre Led Zeppelin et Free, les quatre Irlandais ont et « War Machine » feront un carton eu Europe, où le public, Rappel :
largement, dans leur musette, de quoi séduire tout bon amateur plus participatif que l’apathique foule texane qui jure avant •Highway To Hell
•For Those About
de classic rock qui se respecte. N’étant autorisé à évoluer que tout par Back In Black, les reprendra à gorges déployées.
To Rock
sur la scène proprement dite (et non l’avancée qui s’enfonce Le dernier de ces cinq morceaux voit, sur les écrans géants,
dans la foule), le jeune combo est limité dans ses mouvements, Angus Young piloter un bombardier cornu qui lâche des
ce qui ne l’empêche nullement de prendre le public à la gorge Gibson SG rouges en guise de bombes, ainsi que des
d’entrée. « Good evening ladies & gentlemen ! » chante Cormac parachutistes sexy. Brian Johnson est, quant à lui, aux
Neeson en guise d’introduction, « I said « good evening, ladies commandes d’un char qu’accompagne la statue géante du Stiff
& gentlemen ! We are The Answer, yes we are ! ». Et même s’il Upper Lip Tour, tandis que Malcolm Young, Phil Rudd et Cliff
est difficile d’évoluer devant des premiers rangs déconcentrés Williams jouent les canonniers sur une caravelle à la Christophe
qui se gavent de nachos et face à un mur de clignotants rouges Colomb. Fun, fun, fun ! Le traditionnel strip-tease d’Angus,
(les fameuses cornes de diablotin qu’AC/DC vend par palettes largement écourté par rapport aux dernières tournées, a
entières depuis deux tournées), le groupe s’en sort bien. Mieux désormais lieu durant « The Jack » (ce qui ne vaut pas un
que ça même, puisqu’il se permet le luxe de glisser, dans les bon « Bad Boy Boogie »). Et si le petit écolier finit par dévoiler
trente petites minutes qui lui sont allouées, pas moins de trois un caleçon flanqué du logo du groupe, il est bientôt imité par
nouveaux titres de son deuxième album, Everyday Demons, plusieurs spectatrices filmées en gros plan qui n’hésitent pas à
qui ne sortira que dans trois mois. « Demon Eye », avec son dévoiler leurs lourds attributs mammaires, offrande suprême
riff central rappelant celui de « Whole Lotta Rosie », déchire aux dieux du rock. Autres nouveautés, le retour de « Shoot To
tout et voit le quatuor, soudé et concentré, se replier vers la Thrill », légèrement remanié au niveau du break (Brian chantant
batterie d’un James Heatley qui cogne comme si sa vie en dessus), et la silhouette d’une fille qui danse lascivement
dépendait. On pense souvent à Free, à Led Zep (la gestuelle de apparaissant sur les écrans durant « You Shook Me All Night
Neeson inspirée de celle de Plant), aux Black Crowes aussi, Long »… Pyro à gogo (« T.N.T »), poupée gonflable géante
mais impossible de ne pas remarquer que The Answer semble (« Whole Lotta Rosie »), solo à huit mètres du sol sur une
enfin avoir trouvé un son plus personnel (« On And On », plateforme élévatrice (« Let There Be Rock »), canons
« Tonight »). Michael Waters a le plus grand mal à résister au assourdissants (« For Those About To Rock ») sont également
groove contagieux de ses propres lignes de basse, mais c’est de la partie, tout comme la cloche de l’enfer que le sexagénaire
avant tout Paul Mahon qui fait le show. Unique guitariste du Johnson secoue comme un bossu de Notre Dame de quarante
combo, le jeune homme abat un boulot titanesque avec sa Les ans de moins. Avant les rappels, on aura également noté, sur
Paul, tronçonnant de gros riffs accrocheurs en rythmique, mais l’écran, une animation inspirée du vieux jeu d’arcade Asteroïd
étant aussi capable de décocher quelques flèches d’argent lors (une Gibson SG fracassant des météorites dans l’espace). Enfin,
de soli plus techniques qu’il y paraît. Un garçon à suivre de très, on aura vibré, durant « Thunderstruck », à l’ovation réservée par
très près ! Neeson assure lui aussi avec brio, pelotant le public le public de San Antonio et Houston à la ligne « Went through
dans le sens du stetson entre deux morceaux de l’album par to Texas / yeah Texas / And we had some fun ! » et à l’image
lequel tout est arrivé, Rise : « Nous sommes positivement ravis d’un Angus Young régénéré traversant, le second soir, un bon
d’avoir l’opportunité de fouler cette scène. Merci de nous tiers de la scène sur les genoux avant de s’en aller faire la
donner notre chance ! Nous adorons le Texas ! » ou encore mouche agonisante non loin de son frère Malcolm durant
« Je vois beaucoup d’entre vous porter des t-shirts AC/DC, une l’hymne « Let There Be Rock ». Le groupe est de nouveau en
bière à la main. C’est donc que nous avons les mêmes valeurs ! forme et va, c’est une certitude, tout casser en Europe. Don’t
». Ovation assurée, surtout à Houston où le public se lève en mess with Texas… and AC/DC !
masse pour applaudir à l’issue d’un « Under The Sky » palpitant PHILIPPE LAGEAT
qui aura vu Cormac se saisir d’un harmonica. Blaine Cartwright, Photo : MARC VILLALONGA
chanteur/guitariste de Nashville Pussy et homme de goût à ses
heures perdues, me confiait récemment, après avoir vu The (Première parution : Rock Hard #84)

27
CONCER T
BLACK ICE WORLD TOUR 2008-2010

AC/DC • THE ANSWER


LES 25 & 27 FEVRIER 2009 A PARIS (P.O.P.BERCY)
A quatre mois près, cela fait huit ans qu’AC/DC ne s’est pas reste : toujours le sourire aux lèvres, le chanteur, 61 ans au
produit en France… En 2003 pourtant, le groupe a bien joué en compteur, serre un maximum de paluches et cabotine plus qu’à
Allemagne et en Angleterre (où il a donné trois concerts son tour avec son lilliputien de guitariste. Il délivre également
intimistes en clubs et trois autres en plein air, en ouverture des une prestation vocale de tout premier plan, tout juste entachée, Setlist 25.02
Rolling Stones), mais aussi à New York et Toronto, sans pour le second soir, de quelques pains dus à des problèmes de retours •Intro cartoon
autant poser ses flightcases dans l’Hexagone. Il faut donc (grosse colère de Mister Johnson de retour dans les loges !). •Rock’n’Roll Train
remonter au 22 juin 2001 et au mythique show du Stade de L’homme de Newcastle, les deux jours, se laisse même aller à •Hell Ain’t A Bad
Place To Be
France (le groupe y avait joué « Ride On » en guise de dernier quelques petites saillies en français ou en franglais (« We salute •Back In Black
rappel !) pour retrouver trace scénique, dans notre pays, du you Français ! », « Formidable ! »), avant de se voir remettre, •Big Jack
plus grand groupe de rock. Les fans le savant, les curieux aussi, le 25, un double Disque de Platine par l’équipe de Sony en •Dirty Deeds Done
les deux Bercy qui s’annoncent ont, Internet oblige, affiché coulisses. Le 27, en début d’après-midi, le groupe réinvestit les Dirt Cheap
•Shot Down In
« complet » en une petite journée, laissant bien des malheureux lieux vides afin que Mallet tourne des plans rapprochés pour un Flames
sur le carreau. Les 25 et 27 février, c’est donc un public futur clip de « Anything Goes ». Le soir même, afin de filmer •Thunderstruck
« familial » qui rallie la grande salle parisienne. Gamins, ados, des raccords et des séquences avec le public, ce dernier •Black Ice
parents et « ancêtres » se pressent à la grand-messe, dévalisant demande à AC/DC de jouer ce titre plus tôt dans son set afin •The Jack
•Hells Bells
au passage les stands de merchandising. Les deux soirs, The qu’Angus soit encore « frais ». C’est donc Paris et ses fans que
•Shoot To Thrill
Answer bénéficie d’un accueil chaleureux, quand bien même sa le groupe a choisis pour cette nouvelle vidéo, un signe qui ne •War Machine
setlist n’a pas changé d’un iota depuis que nous l’avons vu au trompe pas, même si l’ambiance, parasitée par des curieux plus •Anything Goes
Texas, en décembre dernier. C’est donc à un mix très équilibré intéressés par le fait d’être là que par les concerts, aura été •You Shook Me All
des deux albums du combo irlandais que nous avons droit, trois moins incroyable qu’en 1988, 91, 96 ou 2000. A cette date, et en Night Long
•T.N.T
titres étant extraits de Rise (« Come Follow Me », « Never Too dépit du fait que nous ayons depuis vu le groupe en Belgique – •Whole Lotta Rosie
Late », « Under The Sky ») et trois autres du petit dernier, il s’est vu forcé d’annuler le deuxième concert d’Anvers le 3 •Let There Be Rock
l’excellent Everyday Demons (« Demon Eye », « Tonight », mars car Brian avait chopé une grippe carabinée – et en (+ solo Angus)
« On And On »). Et si Cormac Neeson a eu tout loisir de rôder Allemagne, la foule de Bercy, niveau enthousiasme, demeure Rappel :
•Highway To Hell
ses speeches depuis le début de la tournée américaine d’AC/DC néanmoins sur la première marche du podium depuis le début •For Those About
en octobre dernier, le chanteur n’en oublie pas moins de convier de ce Black Ice World Tour. La cerise sur le gâteau est qu’il ne To Rock
les amoureux de son groupe à un showcase gratuit prévu à la nous faudra désormais patienter que quelques mois avant de
Fnac Montparnasse le 2 avril. Bien plus qu’à un accueil tout revoir le mythe au Vélodrome de Marseille, puis au Stade de
juste poli, c’est à une vraie ovation que The Answer, fils France, les 9 et 12 juin, où, espérons-le, il changera, à l’instar
spirituel de Free et Led Zeppelin, a droit les deux soirs lorsqu’il de ce qu’il avait fait en 2001, sa setlist en profondeur, histoire
quitte la scène. Ce sera une autre paire de manches le 1er mars à de ne pas lasser.
Anvers, en Belgique, devant un Sportpaleis indifférent… PHILIPPE LAGEAT Setlist 27.02
Durant les longues minutes qui nous séparent du show Photos : MARC VILLALONGA •Intro cartoon
d’AC/DC, la tension est palpable. Il y a de l’électricité dans •Rock’n’Roll Train
•Hell Ain’t A Bad
l’air, quand bien même les VIP’s, plus nombreux à chaque (Première parution : Rock Hard #87) Place To Be
nouvelle tournée, squattent la tribune F de Bercy et se font •Back In Black
siffler par une fosse ultra bondée lorsqu’ils ne lèvent pas leurs •Big Jack
culs de plomb alors que le Palais Omnisports se lance dans des •Dirty Deeds Done
Dirt Cheap
olas débridées. AC/DC est attendu comme le Messie et cela se
•Anything Goes
ressent dans chaque vibration, chaque regard, chaque parole •Shot Down In
qui précède la délivrance. Le 25, avant le concert, on peut Flames
apercevoir le réalisateur David Mallet (qui a signé un nombre •Thunderstruck
impressionnant de clips des Boys) inspecter le pit aux •Black Ice
•The Jack
photographes. Tiens, tiens… Quelques minutes encore, et c’est •Hells Bells
parti pour un show d’enfer ! L’intro, avec cette locomotive qui •Shoot To Thrill
fracasse tout durant « Rock’n’Roll Train », est toujours aussi •War Machine
spectaculaire. Bercy se met alors à sauter à l’unisson comme un •You Shook Me All
Night Long
seul homme. Comme pour The Answer, la setlist n’a quasiment •T.N.T
guère changé depuis la tournée US, malheureusement. Tout •Whole Lotta Rosie
juste a-t-on droit, en sus, à un maigre « Shot Down In Flames » •Let There Be Rock
joué depuis les shows de Stockholm, quelques jours plus tôt. (+ solo Angus)
Rappel :
« Toujours ça de pris ! » pensent les die-hards. Pour le reste, •Highway To Hell
la Young Connection déroule, avec davantage de fraîcheur •For Those About
néanmoins qu’au début des dates américaines. Angus, tout To Rock
particulièrement, est impressionnant : alors qu’on pouvait
penser, avant la sortie de Black Ice, que le quinquagénaire allait
à coup sûr être celui des musiciens sur lequel le temps aurait eu
le plus de prise, il nous fait réviser notre jugement en hurlant
comme un damné à la fin de « Dirty Deeds Done Dirt Cheap »,
en alignant les duckwalks assassins, en jouant de la guitare
posée sur la tête (« Let There Be Rock ») ou en s’esquintant les
genoux jusqu’au sang. Respect ! Brian Johnson n’est pas en
CONCER T
BLACK ICE WORLD TOUR 2008-2010

AC/DC • THE ANSWER


LE 13 MAI 2009 A LEIPZIG (ZENTRALSTADION/ALLEMAGNE)
« Il ne nous faudra désormais patienter que quelques mois au Royaume-Uni et l’on parle aussi d’un troisième combo
avant de revoir le mythe au Vélodrome de Marseille, puis au en France). Peu à peu, la nuit tombe sur le Zentralstadion qui,
Stade de France, les 9 et 12 juin, où, espérons-le, le groupe ce soir, accueille environ 50.000 spectateurs. Ovation terrible
changera, à l’instar de ce qu’il avait fait en 2001, sa setlist en lorsque débute le chouette manga truffé de sous-entendus Setlist
profondeur, histoire de ne pas lasser ». Voici par quelle prière lubriques à peine voilés sur l’écran géant en fond de scène. •Intro cartoon
nous achevions notre compte-rendu des deux concerts donnés Niveau éclairages, AC/DC, il est vrai, n’a pas lésiné. Il y a ici •Rock’n’Roll Train
par AC/DC à Bercy les 25 et 27 février dernier. Alors, avons- de quoi illuminer la Tour Eiffel pour huit siècles ! Angus Young, •Hell Ain’t A Bad
Place To Be
nous été entendus ? La réponse d’ici quelques lignes… Toujours cheveux plus longs qu’à Bercy, limite sexy dans son costume •Back In Black
est-il que nous ne pouvons pas attendre que les Boys déboulent d’écolier vert (on repense au clip de « Who Made Who » en •Big Jack
à Marseille, puis Paris, pour découvrir enfin leur « nouveau » 1986) semble rajeunir à vue d’œil. Et c’est bien là la vraie •Dirty Deeds Done
show. C’est donc à Leipzig, une ville qui fut historiquement satisfaction de cette tournée mondiale 2008/09 : AC/DC, Dirt Cheap
•Shot Down In
russe puis partie intégrante de l’ex-Allemagne de l’Est avant malgré le poids des ans, est toujours bien vivant, même si, ce Flames
d’être allemande « tout court », que nous nous rendons dès la soir, Phil Rudd, qui n’en cogne pas moins comme un dément, •Thunderstruck
mi-mai, AC/DC y donnant la première date de sa tournée porte un gros bandage à la cuisse gauche. AC/DC, disions-nous, •Black Ice
européenne d’été (comprendre « concerts en extérieur »). est en vie et tient encore la dragée haute à l’ensemble de la •The Jack
•Hells Bells
La veille de ce coup d’envoi, le groupe rejoint le Zentralstadion jeune garde. De cela, il a de quoi se réjouir car le temps passe,
•Shoot To Thrill
sur le coup de 22 heures pour y faire un soundcheck composé inexorablement, qui nous rapproche de plus en plus de la •War Machine
de « Back In Black », « Big Jack », « Rock’n’Roll Train », disparition de ce groupe formidable. Alors, on en profite à fond, •Dog Eat Dog
« Highway To Hell », « Black Ice » et de deux versions du dans les gradins comme sur la pelouse, en reprenant à tue-tête •Anything Goes
seul titre non joué sur la tournée en salles, « Dog Eat Dog ». les grands classiques que sont « Back In Black », « The Jack », •You Shook Me All
Night Long
Pas vraiment bon signe car l’on se prend alors à penser que, si « You Shook Me All Night Long » ou encore « Whole Lotta •T.N.T
les frères Young prévoyaient d’opérer de multiples changements Rosie ». Et si l’on voit AC/DC pour la première fois sur cette •Whole Lotta Rosie
dans leur setlist, il ne se contenteraient pas ce soir de ce tournée, il n’y a rien à redire. Par contre, le die hard qui •Let There Be Rock
morceau non interprété live depuis 1996. Pour autant, nous ne accumule les dates a de quoi être un tantinet déçu, et ce, pour (+ solo Angus)
Rappels :
désespérons pas et croisons les doigts. Bonne surprise le 13 mai plusieurs raisons : son groupe fétiche, en effet, ne fait beaucoup •Highway To Hell
au matin puisque, contrairement aux prévisions météo, un soleil d’efforts sur ce Summer Tour 2009, que ce soit en termes de •For Those About
de plomb inonde le « Petit Paris ». Toujours ça de pris ! Toute la production (une ancienne scène un poil relookée et hop, le tour To Rock
journée, nous croisons dans les rues piétonnes du centre-ville de passe-passe est joué !) ou de setlist (un unique bonus depuis
un flot ininterrompu de fans qui, déjà, se rendent au stade à pied février dernier, « Dog Eat Dog », ça fait peu comparé aux vraies
(il paraît que certains d’entre eux ont même croisé Angus Young surprises de 2001 que furent « Problem Child », « What Do You
himself, accompagné de son garde du corps, faisant son shopping !). Do For Money Honey », « Up To My Neck In You » et « Ride
Vers 19 heures, nous rallions nous aussi le Zentralstadion, On »). Changement et AC/DC n’ont jamais rimé… Alors, bien
stade flambant neuf de 45.000 places assises construit, pour la sûr, on a droit à la Rosie gonflable, au solo d’Angus sur sa
Coupe du Monde de foot 2006, sur les ruines de son imposant plateforme (on notera les confettis en plus…), à la cloche sur
prédécesseur qui pouvait, lui, accueillir jusqu’à 100.000 « Hells Bells », au petit dessin animé durant « War Machine »
spectateurs. Une fois sur place, nous découvrons la scène et aux sempiternels canons de « For Those About To Rock »
d’AC/DC qui rappelle étrangement celle que le groupe utilisait (les six « guns » de Bercy sont, cette fois-ci, accompagnés de
déjà en outdoor en… 2001, puisqu’elle est coiffée de ces deux six canons « modèles Guerre de Sécession » placés sur les
casquettes à cornes gonflables qui, huit ans plus tôt, illuminèrent côtés de scène). Et ça le fait grave ! Mais quand on pense que
le Stade de France. Seules différences notables au premier Metallica, par exemple, a changé sept ou huit titres de sa setlist
abord, de grandes toiles ornées de dessins d’engrenages (comme entre ses deux concerts parisiens, difficile de ne pas l’avoir
ceux apparaissant dans le clip « Rock’n’Roll Train ») et l’avant mauvaise et de ne pas en vouloir un peu aux frangins Young
d’une locomotive vue de face placée en haut de la structure. pour leur « immobilisme ». Autrement dit, vous l’aurez compris,
Quand on voit la scène que U2 s’apprête à dévoiler cet été, cette tournée d’été propose quasiment la même chose que ce à
vous parlez d’un changement ! Des changements, seul The quoi nous avons déjà eu droit en salles il y a deux mois et demi.
Answer en fait, le groupe n’hésitant pas à repenser sa setlist du Certains s’en satisferont pleinement – et on peut les comprendre
premier trimestre 2009 en supprimant « Never Too Late « et –, d’autres, plus exigeants, en auraient voulu plus. Et on peut
« Come Follow Me » pour les remplacer par « Too Far Gone », les comprendre aussi. Tout dépend de la façon dont vous voyez
« Dead Of The Night », « Pride » (joué live pour la première votre canette de bière : à moitié pleine ou à moitié vide…
fois) et le long blues « Preachin’ », superbe et gavé de slide, Il n’empêche qu’il va falloir se faire à l’idée que le simple
mais pas forcément adapté à l’immensité d’un stade, surtout fait que cette légende du rock qu’est AC/DC soit encore capable
quand ce dernier est bondé d’Allemands imbibés et pas des plus de donner des bons, d’excellents concerts en 2009 est déjà un
patients. Reste que les Irlandais s’en sortent avec les honneurs, miracle en soi. Qui durera le temps qu’il durera, même si ce
quand bien même ils sont diminués par l’absence du batteur dernier est forcément compté. Mais vous savez comment est
James Heatley qui s’est récemment cassé la main gauche et est, l’homme, il en veut toujours plus. Alors, le fan, vous imaginez ?
depuis, remplacé par Carl Papenfus du groupe Relish. Tout juste Bah, on sera tout de même à fond à Marseille et à Paris d’ici
peut-on se plaindre du fait qu’un troisième groupe ne vienne pas quelques jours, comme d’habitude ! C’est juste que qui aime
s’intercaler entre The Answer et AC/DC afin de donner plus de bien châtie bien…
piment à ce premier show « estival ». Un troisième groupe PHILIPPE LAGEAT
« valable » s’entend, et non le Claudia Cane Band qui, dès la Photo : VANESSA GIRTH
date suivante, à Munich, viendra se glisser entre les deux
formations (Thin Lizzy doit faire de même sur les dates prévues (Première parution : Rock Hard #89)

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CONCER T
BLACK ICE WORLD TOUR 2008-2010

AC/DC • THE ANSWER • CAFE BER TRAND


LE 12 JUIN 2009 A PARIS (STADE DE FRANCE)
Il y a huit ans, AC/DC donnait un concert extraordinaire au dans l’ambiance. Et Dieu, il y en a ici à revendre ! La grande
Stade de France, jouant un « Ride On » totalement inespéré en majorité des gradins est déjà debout, et sur la deuxième partie
ultime rappel que les 80.000 personnes présentes ne sont pas de la pelouse, située entre la ligne médiane du terrain et le fond
prêtes d’oublier. C’est qu’il s’agissait d’un vrai pari que de faire du stade, c’est de la folie : sur « Hell Ain’t A Bad Place To Setlist
jouer ce groupe dans la plus grande enceinte de l’Hexagone. Be », ce sont des dizaines et des dizaines de corps compressés •Intro cartoon
AC/DC était certes très populaire, mais ne s’était guère produit contre les barrières qui se voient évacués par une sécurité, il •Rock’n’Roll Train
en France devant plus de 30.000 personnes que sur une seule faut le dire, très efficace. « Back In Black » reçoit le premier •Hell Ain't A Bad
Place To Be
date, et encore, en festival, avec Metallica, à l’Hippodrome de vrai tonnerre d’applaudissements de la soirée. Brian Johnson, •Back In Black
Vincennes, en septembre 1991. Pourtant, dix ans plus tard, qui harangue sans discontinuer les plus motivés postés le long •Big Jack
lentement mais sûrement, ce show au SDF avait fait le plein. de la passerelle qui sépare la pelouse « or » en deux, a le feu •Dirty Deeds Done
En 2009, les 80.000 places se sont vendues en un clin d’œil, et sacré : le sourire qui lui barre le visage en permanence veut tout Dirt Cheap
•Shot Down In
gageons que les promoteurs auraient pu rajouter une autre date dire, il prend son pied et ça se voit. Quant à Angus, selon un Flames
à Paris ou en province (en plus du concert de Marseille, au certain Philippe L., qui voit ici son treizième concert de la •Thunderstruck
Vélodrome, le 9 juin), qui aurait fait le plein en un instant. Un tournée, jamais, en 2008/09, il n’a été aussi tranchant et motivé •Black Ice
signe de l’incroyable retour qu’a opéré AC/DC depuis la sortie que ce soir. Nous n’allons pas revenir dans le détail sur la setlist •The Jack
•Hells Bells
excessivement médiatisée de Black Ice l’an passé… Mais qui du show, qui divise et laisse forcément un petit goût amer à tous
•Shoot To Thrill
s’en plaindra ? Sous un ciel superbe et une température idéale, ceux qui ont déjà vu AC/DC à Bercy, ou ailleurs en salle, •War Machine
Café Bertrand a l’insigne honneur de faire patienter les braves sachant que seul l’excellent « Dog Eat Dog » vient étoffer une •Dog Eat Dog
déjà postés aux premiers rangs et éparpillés dans les gradins. série de morceaux totalement identique à celle interprétée de •Anything Goes
Soyons clairs, si la formation manosquine foule cette scène si février à avril dernier. Mais au-delà de ça, lorsque retentissent •You Shook Me All
Night Long
convoitée, c’est qu’elle est liée de très près à l’organisateur les premiers accords de « Thunderstruck », « Highway To •T.N.T.
du concert. Car d’évidence, comme lors de ses nombreuses Hell » ou « Hell’s Bells », la ferveur de la foule fait naître une •Whole Lotta Rosie
premières parties de Deep Purple, ce groupe, pas foncièrement telle communion, même dans une enceinte aussi immense, •Let There Be Rock
mauvais mais tout simplement pas à sa place (son rock aux qu’on ne peut qu’avoir les tripes nouées. Et que dire du premier (+ solo Angus)
Rappel :
relents de Noir Désir ne sied pas vraiment à l’ambiance), ne couplet de « Whole Lotta Rosie », chanté presque intégralement •Highway To Hell
gagne aucun fan ce soir. Ce qui n’est certainement pas le cas de par le Stade de France sous les yeux médusés de Brian ? Et du •For Those About
The Answer qui progresse à chacune de ses sorties. Cormac solo hallucinant d’Angus sur la plateforme centrale, que les To Rock
Neeson, le vocaliste, ravi de retrouver ce public français qui gradins du fond et la deuxième partie de la pelouse peuvent
l’a accueilli à bras ouverts tant à Bercy qu’au Vélodrome, tient apprécier pleinement en renvoyant toute leur énergie au lutin
bien la scène, même s’il lui est interdit de profiter de la longue guitariste, trempé jusqu’aux os et au taquet pendant ce
avancée, logiquement réservée aux vedettes du jour, qui traverse fantastique « Let The Be Rock » ? Alors, quand retentissent les
la pelouse. Avec une setlist régulièrement modifiée sur cette canons de « For Those About To Rock » et que la messe est
tournée des stades, les jeunes Irlandais (qui ont récupéré le enfin dite, nous comprenons qu’une fois encore, nous venons
batteur James Heatley blessé au mois de mai), à défaut de d’assister à un moment d’Histoire du rock et, qui sait, à bien
déclencher l’hystérie, sont applaudis chaleureusement par les plus si l’on envisage qu’il s’agissait peut-être du dernier concert
fans qui trustent la pelouse (« or » ou non), et même par le d’AC/DC en France. Même si, précisons-le, rien n’est définitif à
public qui commence à remplir copieusement les gradins. ce sujet… Quoi qu’il en soit, Messieurs, merci pour tout : We
Notons une superbe version de « Cry Out » avec son ambiance Salute You !
bluesy très sympa, « Preachin’ » et sa slide endiablée, ou encore BENJI
le jubilatoire « Under The Sky » et son harmonica. Histoire de Photos : MARC VILLALONGA
patienter gaiement avant le plat de résistance, les gradins se
lancent dans une ola qui a du mal à démarrer, mais qui finit par (Première parution : Rock Hard #90)
gagner le stade tout entier. Il est 21h00 pile,
la nuit est loin d’être tombée
(l’impressionnant lightshow ne sera
véritablement efficace que bien plus tard),
quand les écrans géants placés sur les côtés
et au fond de la scène commencent à diffuser
le petit film d’animation qui annonce
l’arrivée de la locomotive folle derrière la
batterie de Phil Rudd. Placé dans les gradins
à droite de la scène, votre serviteur assiste à
un incroyable mouvement de foule dans la
première partie de la pelouse dite « or » :
dès les premiers accords de « Rock’n’Roll
Train », des milliers de fans effectuent une
poussée impressionnante vers la scène. Que
vous le vouliez ou non, vous êtes tenu de
suivre le flot des plus ardents défenseurs du
gang des frères Young ! Le son se veut
particulièrement fort, mais heureusement très
clair, ce qui permet d’entrer tout de suite
CONCER T
BLACK ICE WORLD TOUR 2008-2010

AC/DC • SLASH • KILLING MACHINE


LE 15 JUIN 2010 A NICE (STADE CHARLES EHRMANN/NIKAIA)
LE 18 JUIN 2010 A PARIS (STADE DE FRANCE)
Deux Bercy, deux Stade de France, un Vélodrome (Marseille), 50 minutes de temps de jeu très agréables. Il pleut à grosses
un Stade Charles Ehrman (Nice), faites le compte. L’air de rien, gouttes (chaudes) sur Nice lorsqu’AC/DC investit une scène
AC/DC, sur son Black Ice Tour 2008/2010, aura joué, en France, défoncée, comme l’année passée, par la locomotive folle de Setlist
devant plus de 250.000 spectateurs. Loin le temps où le groupe, « Rock’n’Roll Train ». Pourtant, les fans ne quitteraient leur •Rock’n’Roll Train
•Hell Ain’t A Bad
en 1984, se voyait boudé par le public dans un Bercy à moitié place chèrement acquise pour rien au monde. Trop peur de rater
Place To Be
vide. Loin aussi le Zénith de 1988 qui vit 6.500 fidèles célébrer l’événement, même s’il est vrai que le groupe n’a pas daigné •Back In Black
comme il se doit son grand retour en Gaule. Bien plus qu’un modifier sa setlist depuis l’année dernière, exception faite d’un •Big Jack
groupe de hard, AC/DC est aujourd’hui en passe de détrôner les « High Voltage » version courte venu remplacer « Dog Eat •Dirty Deeds Done
Rolling Stones au sommet de la hiérarchie rock. On se déplace Dog » et « Anything Goes » (ça fait un titre en moins, si l’on Dirt Cheap
•Shot Down In
désormais en famille à ses grands-messes, comme on irait voir compte bien…). C’est bien là le seul reproche qu’on peut faire à Flames
U2, Depeche Mode, Madonna ou Johnny Hallyday. AC/DC, on la Young Connection, parce que, pour le reste, difficile de râler. •Thunderstruck
ne sait trop par quel miracle, est devenu un « groupe tendance », C’est bien simple : le Black Ice Tour a beau avoir débuté le 26 •Black Ice
et ses t-shirts se portent aujourd’hui comme le dernier truc octobre 2008, Angus Young semble plus jeune aujourd’hui qu’il •The Jack
•Hells Bells
« bobo » à la mode, « hyper hype » et « twitter blogger ». y a un an et demi, avec ses cheveux de nouveau longs, une soif •Shoot To Thrill
Le monde est fou, on vous dit, composé de pas mal de moutons de bien faire incroyable et son entrée fracassante au bout de •War Machine
qui n’ont rien entre les oreilles et se contentent de suivre le l’avancée. La machine tourne à plein rendement, parfaitement •High Voltage
mouvement. Mais passons, car cela permet à AC/DC de huilée, et le public niçois, loin d’être uniquement constitué de •You Shook Me All
Night Long
réinvestir le sud et la capitale tout juste un an après ses die hards, s’il vibre sur l’ensemble des titres joués, explose •T.N.T.
dernières prestations françaises à Marseille et Paris. A Nice, littéralement dès lors qu’il s’agit de hits comme « Back In •Whole Lotta Rosie
le 15 juin, son concert pourtant est à deux doigts d’être annulé, Black », « You Shook Me All Night Long » et « Highway To •Let There Be Rock
la faute à la tempête qui s’abat sur les Alpes-Maritimes, à cette Hell ». Derrière moi, les pompiers et les flics n’ont d’yeux que Rappel :
•Highway To Hell
pluie torrentielle qui cause des inondations insensées, mais aussi pour Brian Johnson, fringant et cabot comme un ado malgré ses
•For Those About
à ce vent à décorner les bœufs qui secoue la grande scène 62 ans, et l’écolier qui l’accompagne. C’est que le son, à Nice, To Rock
directement collée, dans le Stade Charles Ehrman, au Palais est parfait (le vent est tombé) et qu’il est impossible de ne pas
Nikaia. Le feu vert finit pourtant par être donné au grand danser et chanter ce rock contagieux à pleins poumons. Sauf
soulagement des 40.000 spectateurs (parmi eux, de nombreux durant « The Jack » où certaines spectatrices dévoilent leurs
Italiens) qui ont fait le déplacement. Passons rapidement sur la soutifs, laissant le public sans voix. Ce n’est plus un concert,
prestation minable de Killing Machine qui compte pourtant des c’est une ribambelle de tubes, de ceux pour lesquels on est
pointures en ses rangs, à l’instar du bassiste Jari Kainulainen capable de se choper une crève carabinée dans ses baskets
(ex-Stratovarius) et du batteur John Dette (ex-Slayer). Ce Judas détrempés. Moment hors du temps que ce solo d’Angus sur
Priest du pauvre, mené par le chanteur Csaba Zvekan, donne la plate-forme élévatrice qui le voit s’élever dans les airs sur
dans un heavy metal stéréotypé qui ne convainc pas grand « Let There Be Rock » dans un rai de lumière blanche déchiré
monde. Bien plus attendu, Slash (qui n’ouvre pour AC/DC de gouttes de pluie. Le petit homme donne tout, encore une fois,
qu’en France) est un invité de choix. Accompagné de Todd mettant à rude épreuve ce genou gauche qui n’en finit pas de
Kerns (basse), Bobby Schneck (guitare), Brent Fitz (batterie) s’ouvrir soir après soir. Et l’on se dit alors qu’on est sacrément
et du chanteur d’Alter Bridge Myles Kennedy, l’ex-bretteur de vernis car on a la chance, en 2010, de pouvoir encore applaudir
Guns N’Roses, haut-de-forme bien vissé sur la tête et Ray-Ban un AC/DC en forme olympique, dont les coups de canons
miroir sur les yeux, entame son set par l’enthousiasmant doivent s’entendre à vingt bons kilomètres de Nikaia (« For
« Ghost », premier extrait de son récent album solo. L’occasion Those About To Rock »). Trois jours plus tard, à Paris, profitant
de vérifier d’entrée de jeu que Myles chante formidablement d’une météo plus clémente, Malcolm Young & Co réinvestissent
bien, y compris lorsqu’il lui faut se frotter au répertoire, très ce Stade de France qu’ils connaissent si bien et qu’ils visitent
applaudi on s’en doute, de GN’R. Au menu, pas moins de pour la troisième fois (2001, 2009, 2010) établissant au passage
quatre extraits de Appetite For Destruction (1987) et, plus un nouveau record après leurs quatre Donington. Là, devant
surprenant, l’excellent « Civil War » de Use Your Illusion II (91) 80.000 fêlés en goguette, AC/DC se surpasse, faisant mieux
clôt par un clin d’œil au « Voodoo Chile » de Jimi Hendrix. encore que l’an dernier, car poussé dans ses derniers
Velvet Revolver est également mis à l’honneur le temps de retranchements par un public incroyable et le clan Young au
« Slither » (et de « Sucker Train Blues », trois jours plus tard, complet dans les gradins (même le grand frère George est de la
au Stade De France), sans pour partie, c’est dire !). « T.N.T », « Highway To Hell » et « Let
autant qu’on en vienne à There Be Rock » sont prétextes à des bacchanales qui
s’ennuyer lorsque le groupe se resteront dans toutes les mémoires. Impossible alors,
frotte aux nouveautés que sont en quittant à regret le SDF, de ne pas avoir le sourire
« Starlight », « By The Sword » aux lèvres tant ce groupe incroyable continue d’écrire
et « Back From Cali ». Slash, sa légende en lettres d’or. Et si c’était la dernière
très à son aise, n’hésite pas à fois ? Mais non, voyons ! AC/DC reviendra un jour en
emprunter le catwalk, cette France achever sa carrière titanesque de « plus grand
longue avancée qui coupe la groupe de rock au monde » ! En attendant, remercions-
« pelouse or » en deux, et ce, le déjà et encore pour toutes ces années de bonheur
y compris lorsqu’il se met partagé…
à pleuvoir sur le final PHILIPPE LAGEAT
ébouriffant de « Paradise Photo : MARC VILLALONGA
City ». Grosse ovation après (Première parution : Rock Hard #101)
HOMMAGE
ROCK IN PEACE

BON SCOTT (1946 - 1980)


Un hommage de Philippe Lageat
Bon Scott, né le 9 juillet 1946 à Forfar (Ecosse), est mort le 19 De même, il est à noter que le groupe a enregistré, en janvier/février
février 1980 à Londres, mais il a vécu pleinement. En lieu et 1974, « Rock’n’Roll Singer » et « Soul Stripper » avec Dave Evans
place des traditionnels hommages-story, nous avons préféré aux EMI Studios de Sydney. Ces versions n’ont jamais vu le jour
répondre à 15 questions pas forcément évidentes qui retracent, puisque Bon a réenregistré ces deux titres pour les albums
à leur manière, l’épopée fulgurante (Scott aura passé à peine australiens High Voltage et T.N.T.
cinq ans au sein d’AC/DC) du plus grand chanteur rock de tous
les temps. Pour le devoir de mémoire. « Gonna be a rock’n’roll 03 – Bon et AC/DC ont souvent repris des standards du rock en
singer, gonna be a rock’n’roll star »… 1975 et 1976. Combien pouvez-vous en citer ?
La liste qui suit est certainement loin d’être exhaustive, mais elle
01 – Qui joue sur le premier album d’AC/DC, High Voltage donne un aperçu des covers que le groupe pouvait défigurer sur
(pressage australien) ? scène et des artistes qu’il affectionnait : citons, en vrac, « Jumpin’
Contrairement à une croyance répandue, le line-up qui a enregistré Jack Flash » et « Honky Tonk Women » (The Rolling Stones),
le High Voltage australien en dix jours en novembre 1974 n’était « Jailhouse Rock », « That’s Alright Mama » et « Heartbreak Hotel »
pas le classique Angus Young – Malcolm Young – Bon Scott – (Elvis Presley), « School Days » et « Roll Over Beethoven »
Phil Rudd – Mark Evans. Il est d’ailleurs à noter que les notes de (Chuck Berry), « Shake, Rattle & Roll » (Big Joe Turner),
pochette de ce disque sont pour le moins succinctes, comme si le « Tutti Frutti » (Little Richard), « All Right Now » (Free), etc.
groupe lui-même, alors en évolution constante, avait tenu à ne pas
trop en dire. Bien sûr, les frères Young sont de la partie, comme 04 – D’où vient « Fling Thing », le titre le plus court jamais
toujours, et Bon Scott également. Peter Clack, ex-Flake et batteur enregistré par Bon avec AC/DC ?
du groupe à l’époque, enregistre péniblement la reprise « Baby La rareté « Fling Thing » a été enregistrée en janvier 1976 à
PLease Don’t Go » avant d’être mis sur la touche et remplacé par Sydney, mais n’est jamais sortie sur album officiel. Elle a
un musicien plus fiable, le requin de studio sicilien Tony Currenti néanmoins rapidement atterri en face B des singles « Jailbreak »
(Inheritance, Jackie Christian & Flight, etc.). Ce dernier met en anglais et australien, respectivement publiés le 14 juin et le 30
boîte pas moins de huit titres (Ndlr : « She’s Got Balls », « Little juillet 1976. Cet instrumental est une adaptation pour le moins
Lover », « Stick Around », « Soul Stripper », « You Ain’t Got A Hold personnelle d’un célèbre thème folklorique écossais intitulé « Loch
On Me », « Love Song », « Show Business » et la version single de Lomond ». Une façon comme une autre, pour les frères Young et
« High Voltage »). Il se dit que John Proud (batteur du Marcus Bon Scott, nés en Ecosse, de rendre hommage à leur terre d’origine.
Hook Roll Band, projet de George Young et Harry Vanda) aurait AC/DC a d’ailleurs joué ce titre lors du concert donné à l’Apollo de
enregistré « Little Lover », mais Currenti nous certifie le contraire : Glasgow, le 30/04/1978. C’est, à notre connaissance, la seule fois
« Je suis sûr à 200% d’avoir joué les huit morceaux que tu viens de du vivant de Bon Scott. Par la suite, le groupe a rejoué « Fling
citer. Et ce, pour deux raisons : la première est que je reconnais Thing » (entre autres, à Londres en 1980, à Glasgow en 1980 et
formellement mon jeu sur ces chansons. La seconde est que John 1991, etc.). Depuis la sortie du double Live en 1992, qui renfermait
Proud n’a jamais mis les pieds aux studios Albert lors de ces le « Fling Thing » joué à Glasgow en 1991, ce court instrumental
sessions ». Rob Bailey, ex-Flake lui aussi, enregistre bien ses s’est vu rebaptiser « Bonny » en hommage à Bon. Il n’est pas rare
parties de basse. Il n’est cependant pas crédité sur l’album car qu’AC/DC le joue aujourd’hui encore lors de ses passages en terre
George Young, jugeant moyenne la performance de ce dernier, écossaise (Glasgow 1996 & 2000).
réenregistre lui-même certaines parties de basse lors de sessions
nocturnes, alors que Bailey s’en est rentré chez lui avec le 05 – Le titre « I’m A Rebel » figurant sur l’album d’Accept
sentiment du devoir accompli. Bassiste émérite qui a souvent joué I’m A Rebel était, à l’origine, un morceau inédit d’AC/DC
live avec AC/DC à ses débuts, George n’a reconnu ce fait que bien enregistré avec Bon Scott ?
plus tard, en 1992. Voici ce qu’il confia alors à votre serviteur : Vrai. AC/DC a donné ses premiers concerts allemands en septembre
« Il y a deux bassistes sur cet album : Rob Bailey et moi. Je me 1976 : le 15 à Hambourg (Fabrik), le 16 à Duisburg (Rhein-Ruhr-
souviens avoir joué sur le titre « High Voltage ». Le groupe était Halle) et le 18 à Münich (PN Club). Le groupe, arrivé en Allemagne
très occupé à l’époque. Il jouait partout, et Dieu sait si l’Australie par ferry le 15 septembre à 9h00 du matin, se vit accueillir sur place
est un grand pays. Aussi, quand Angus et les autres revenaient à par George et Alex Young, frères aînés d’Angus et Malcolm. Alex,
Sydney, ils n’avaient pas beaucoup de temps pour rester en studio. l’aîné de la famille qui habitait alors à Hambourg, fit visiter la ville
Ensuite, ils se rendaient à Brisbane ou à Melbourne, et je restais à ses cadets. Il en profita également, vraisemblablement le 17
seul avec les bandes « masters »… Or, la basse était parfois un peu septembre, pour inviter ses frères dans un studio en périphérie
faible. Je refaisais donc certaines parties moi-même ». Le line-up d’Hambourg. Sur place, il soumit au groupe un titre dont il avait
complet qui apparaît sur le High Voltage australien est donc le écrit paroles et musique, intitulé « I’m A Rebel ». Supposés
suivant : Angus Young (guitare) – Malcolm Young (guitare) – Bon commencer à enregistrer à quatre heures de l’après-midi, les frères
Scott (chant) – Peter Clack (batterie sur 1 titre) – Tony Currenti Young, qui voulaient faire plaisir à leur frère, entamèrent cette
(batterie) – Rob Bailey (basse) – George Young (basse). session avec une à deux heures de retard. Alex, bien sûr, était
présent, ainsi que Jurgen Magnus (l’ingé-son de ce studio situé
02 – Bon Scott a-t-il retravaillé des morceaux sur lesquels dans la banlieue de Hambourg) et un certain Rudy Holzhauer.
le groupe avait bossé avec le premier chanteur d’AC/DC, Bon Scott était pour le moins éméché. Il n’est pas impossible que
Dave Evans ? George, Malcolm ou Alex ait tenu la basse car Mark Evans, l’ex-
Oui. Ainsi, « Love Song » et « Show Business », sortis sur l’album bassiste du groupe, ne conserve aucun souvenir de cette session.
High Voltage australien en 1975, sont des titres composés avant Malheureusement, pour des raisons inconnues, ce titre reste inédit
l’arrivée de Bon au sein d’AC/DC. Chantés par Dave Evans en et n’a jamais vu le jour, y compris dans le coffret Bonfire sorti en
© P. Mazel/Dalle

1974, ils s’intitulaient respectivement « Fell In Love » et « Sunset 1997. Nous n’en connaissons que la version du combo allemand
Strip ». Bon en a simplement réécrit les paroles et changé les titres. Accept qui figure sur son deuxième album, I’m A Rebel, publié en

A gauche : Bon et AC/DC (Hollande 1979)

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1980 (sur ce disque, le titre est crédité George Alexander, pseudo • Trust : Les fans français le savent, Bon a jammé avec ses potes de
d’Alex Young). Alex Young, mort en 1997, n’a jamais donné Trust, auxquels il était venu rendre visite, le 13 février 1980 (Ndlr :
l’autorisation de sortir le « I’m a Rebel » mis en boîte par AC/DC, six jours avant sa mort !), aux Scorpio Studios de Londres. A cette
pensant que ses frères n’aimeraient pas forcément cette idée. occasion, les joyeux drilles ont repris le « Ride On » d’AC/DC,
Il est donc peu probable que ce morceau apparaisse un jour sur un dont une version edit figure sur un CD promo du single de Trust
support officiel. Udo Dirkschneider, l’ex-chanteur d’Accept, nous « Manque De Trop » (2000). Le dernier enregistrement de Bon.
a pourtant confié avoir en sa possession l’enregistrement 8 Pistes • Jenny Darren Band : Le Dirty Deeds Done Dirt Cheap UK Tour
original avec Bon : « C’est un enregistrement brut et non finalisé. a eu lieu du 18 février au 21 mars 1977. Jusqu’au 17 mars inclus,
La voix de Bon Scott est fabuleuse ». Une version alternative a le groupe qui assurait la première partie d’AC/DC était le Jenny
toutefois fuité via YouTube, mais avec Alex Young au chant et Darren Band. Le 17 mars, après que les deux combos aient joué
Bon aux chœurs, selon toute vraisemblance. à l’Electric Circus de Manchester, ils se sont retrouvés aux
Strawberry Studios pour jammer ensemble avant de se quitter.
06 – L’inédit « Carry Me Home » aurait dû figurer sur un EP 4 Le batteur et claviériste du JDB avait les clés des studios, ce qui
titres ? explique que cette jam improvisée ait pu s’y dérouler à une heure
Vrai. Durant l’été 1976, AC/DC s’est enfermé aux Vineyard Studios aussi tardive. Sur place, les deux groupes ont, bien évidemment,
de Londres (UK) en compagnie des producteurs George Young et beaucoup bu tout en tapant le bœuf. Ces sessions décousues ont été
Harry Vanda afin d’y enregistrer quatre morceaux dans le but avoué en partie enregistrées, mais personne ne semble savoir ce que ces
de sortir un EP. Ce dernier n’a jamais vu le jour. Que sont donc bandes sont devenues.
devenus les titres mis en boîte lors de ces sessions londoniennes,
les premières du groupe hors d’Australie ? 08 – Où l’album live If You Want Blood a-t-il été enregistré et
• « Love At First Feel » : Ce titre, qui n’apparaît pas sur l’album quelle a été la setlist complète du groupe ce jour-là ?
Dirty Deeds Done Dirt Cheap australien, est sorti sur la version Le live If You Want Blood a été mis en boîte par George Young
européenne de cet album dès novembre 1976. et Harry Vanda à l’Apollo de Glasgow le 30 avril 1978, sur le
• « Cold Hearted Man » : Cette composition est restée deux ans Powerage UK Tour. Outre les dix titres qui figurent sur cet album,
dans les tiroirs avant d’atterrir sur le LP Powerage sorti en mai une version live de « Dog Eat Dog » est sortie en face B des singles
1978. Uniquement, cependant, sur les pressages originaux anglais, « Whole Lotta Rosie (live) » australien et allemand. Ce qui
allemands, français et suédois. Encore une fois, les fans australiens nous fait un total de onze titres parus sur des supports officiels.
ont dû prendre leur mal en patience et attendre la sortie du premier Le concert était également filmé : sept titres ont été diffusés par la
coffret australien AC/DC, dans lequel ce titre leur fût proposé sur télé anglaise, y compris l’instrumental « Fling Thing », douzième
un maxi-single bonus. titre plaqué sur bandes. A en croire les observateurs présents ce
• « Dirty Eyes » : Ce titre, qui n’est autre que la première version soir-là, le groupe a pourtant joué 14 morceaux ce jour-là. Sur le site
de « Whole Lotta Rosie », est longtemps resté inédit puisqu’il n’est www.glasgowapollo.com, consacré à cette salle écossaise détruite
sorti qu’en 1997 sur le CD Volts du coffret Bonfire. Il est en 1989, figure en effet la setlist complète du show qui,
néanmoins assez différent du « Whole Lotta Rosie » figurant sur apparemment, s’articulait comme suit :
l’album Let There Be Rock paru en mars 1977. Cette curiosité
permet de mieux comprendre comment les frères Young triturent - Riff Raff (*#)
leurs démos pour en extraire la substantifique moelle… - Problem Child (*)
• « Carry Me Home » : Contrairement à « Love At First Feel » - Hell Ain’t A Bad Place To Be (*)
et « Cold Hearted Man », réservés dans un premier temps aux fans - Rock’n’Roll Damnation (*#)
européens, ce fabuleux morceau n’est paru que sur le marché - Bad Boy Boogie (*#)
australien. Il figurait alors en face B du 45 Tours « Dog Eat Dog », - Dog Eat Dog (+#)
sorti le 21 mars 1977. Depuis 2009, il est également disponible - The Jack (*)
dans le coffret Backtracks, et c’est tant mieux car il s’agit - High Voltage (*)
certainement du meilleur inédit de l’ère Bon Scott. - Whole Lotta Rosie (*)
- Let There Be Rock (*#)
07 – Avec quels artistes Bon Scott a-t-il jammé alors qu’il faisait - Rocker (*)
partie d’AC/DC ? (liste non exhaustive) Rappels :
Ils sont plus nombreux qu’on ne le pense : - Fling Thing (#)
• Rose Tattoo : Bon était fan du groupe et a souvent jammé avec - Rocker (#)
ses potes sur des standards rock des 50’s. Entre autres, en juin - Gimme A Bullet (x)
1977, au Bondi Lifsavers, célèbre club rock de Sydney.
• Bruce Howe : Le bassiste de Fraternity, ex-groupe de Bon, (*) figure sur l’album If You Want Blood
a jammé avec AC/DC lors de la première audition de Bon en (+) figure sur le single « Whole Lotta Rosie (live) »
septembre 1974 au Pooraka Hotel d’Adélaïde (Australie). (#) apparaît dans la vidéo du concert
• The Angels : Les deux groupes ont tourné ensemble et souvent (x) jamais sorti sur aucun support
tapé le bœuf lors de fêtes improvisées. Dixit John Brewster,
guitariste : « Je me souviens de cette séance mémorable avec On remarque que « Rocker » a été joué deux fois, ce qui explique
George à la batterie, Malcolm Young à la basse, Harry Vanda à la que, dans la vidéo, Angus ne mette que deux secondes pour aller du
guitare lead et moi à la rythmique. Et des barbecues chez George à balcon à la scène sur ce titre. Il est fort à parier que le second
Epping, où ce dernier se mettait au piano cependant que Malcolm, « Rocker » a été filmé, puis édité au montage, après qu’on lui ait
Angus, Harry, Bon Scott et moi entonnions des chansons des greffé le son de la première version jouée avant les rappels. Plus
années 50, rien que du rock ». étonnant encore, ce « Gimme A Bullet » en ultime rappel dont nous
• Cheap Trick : AC/DC a ouvert pour le groupe aux USA en 1979. n’avons aucune trace audio ou vidéo, et qu’il faut donc prendre
Il existe d’ailleurs un enregistrement d’une reprise du « Johnny B. avec des pincettes. Quoi qu’il en soit, un concert historique !
Goode » de Chuck Berry jouée en rappel le 7 juillet 1979 à l’Arena
de Sioux Falls par Cheap Trick, Angus, Malcolm et un Bon Scott 09 – Bon Scott a-t-il joué au Japon ?
apparemment éméché. Non, mais il s’en est fallu de peu. Le groupe avait en effet prévu de

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donner ses trois premiers concerts japonais les 7, 9 et 12 mars 1979 l’année précédente. Deux pochettes avec une même session,
dans le cadre du If You Want Blood Tour. Les roadies étaient déjà on ne peut pas dire que le label Atlantic ignorait comment faire
sur place. Bon s’en réjouissait. Hélas, cette mini-tournée a été des économies… Pourtant, le groupe avait d’autres projets pour la
annulée à la dernière minute pour des problèmes de visas. Les fans pochette de Highway To Hell. On devait y voir les musiciens,
nippons d’AC/DC n’ont donc jamais pu voir Bon Scott sur scène. supposés être des auto-stoppeurs, assis à l’arrière d’une voiture
conduite par le diable en personne (souriant au groupe dans le
10 – AC/DC et Bon ont-ils travaillé avec le producteur Eddie rétroviseur !) sur une autoroute déserte. L’idée a finalement été
Kramer (Jimi Hendrix, Kiss, etc.) ? abandonnée, mais une session-photos a tout de même été organisée.
Oui, mais cette collaboration n’a pas eu les résultats escomptés. Le seul cliché jamais paru de cette dernière apparaît au verso de
Début 1979, Atlantic USA, jugeant que la production rêche du l’album.
tandem Vanda/Young rebute les DJs américains qui ne
programment pas les titres d’AC/DC en radio, demande que le 12 – Que dit Bon Scott à la fin du magnifique blues « Night
groupe s’associe à un producteur-vedette. Le nom d’Eddie Kramer Prowler », dernier titre de l’album Highway To Hell ?
est alors suggéré à Angus et Malcolm qui voient d’un mauvais œil Sur le vinyle et les premières éditions CD de l’album Highway
la mise sur la touche de leur frère George. Leur label leur force To Hell (1979), on peut, en tendant l’oreille, entendre Bon Scott
toutefois la main et Kramer, dans conclure ce superbe blues par ces
un premier temps, rencontre le mots : « Shazbot, na-nu, na-nu »
groupe à Sydney (Ndlr : AC/DC (prononcer « chase bote, nanou,
a déjà travaillé sur de nouvelles nanou »). Cette phrase est extraite
compos aux Albert Studios), d’un feuilleton américain très
avant de lui demander de venir populaire intitulé Mork And Mindy
enregistrer aux Criteria Studios de et diffusé par ABC de septembre 1978
Miami, en Floride. En l’espace de à juin 1982. Mork était un extra-
trois semaines, les rapports terrestre (joué par le regretté Robin
humains se dégradent, la tension Williams) sur la planète duquel on ne
est palpable et l’enregistrement disait pas « au revoir ! » mais « na-
n’avance guère. Explications nu, na-nu ! », une phrase inventée
d’Angus : « Eddie semblait savoir de toutes pièces par les créateurs
précisément ce qu’il voulait obtenir de la série. Il se dit également que
en termes de son, mais pour ce qui Teddy Rooney, qui bossait au Tight
est de la musique elle-même, il Squeeze, club qu’AC/DC fréquentait
était un peu aux fraises. Il ne assidument au début de l’année
croyait pas vraiment en notre 1979 alors qu’il composait l’album
potentiel. Il lui arrivait de montrer Highway To Hell aux MSR Studios de
Bon du doigt et de nous demander : Miami, avait pour habitude de répéter
« Vous pensez vraiment que ce ces mots que Bon aurait déclamés à
type sait chanter ? ». (…) Il pensait la fin de l’album en guise de clin
aussi que j’étais un simple d’œil.
gimmick, juste bon à servir
d’image au groupe. » Bon est 13 - Où a eu lieu le dernier concert
encore plus dur et écrit de Kramer australien de Bon Scott ?
qu’il ne serait « même pas capable Il s’agissait d’un show improvisé
de produire correctement le son lors d’une fête en l’honneur
d’un bon vieux pet ». Il le dépeint d’AC/DC donnée dans un pub de
également comme « un bon Sydney, la Cremorne Strata Inn,
ingénieur du son doublé d’une le 5 février 1979. Le line-up du jour,
grande gueule ». Tant et si bien pour le moins inhabituel, était alors
qu’un vendredi soir, les musiciens composé de Bon Scott (chant),
DR

disent à Kramer qu’ils vont Angus et Malcolm Young (guitares),


s’accorder un jour de repos. Ils en profitent pour s’enfermer en Ray Arnott (batterie) et George Young (basse).
studio sans le producteur et autoproduire six démos (Ndlr : Angus,
Malcolm aux guitares et à la basse, et Bon à la batterie). Quelques 14 – Où a eu lieu le dernier concert de Bon Scott ?
jours plus tard, devant leur insistance, Atlantic finit par céder et Il s’agit du dernier gig du Highway To Hell Tour 1979/80 qui a eu
autorise AC/DC à se rendre à Londres. Là, le groupe rejoint un lieu le 27 janvier 1980 au Gaumont de Southampton, en Angleterre.
jeune producteur sud-africain inexpérimenté, Robert John « Mutt » Le groupe de première partie n’était autre que Diamond Head.
Lange, aux Roadhouse Studios et lui présente pas moins de quinze Ce concert, qui devait originellement se tenir le 18 décembre 1979
démos qui donneront naissance à l’album Highway To Hell. (avec The Pirates en ouverture) avait été décalé car Bon avait un
La suite est entrée dans l’histoire. problème musculaire.

11 – Les photos de groupe qu’on trouve sur les pochettes des 15 – Quelle était la signification du tatouage (deux hirondelles)
albums Powerage et Highway To Hell sont issues d’une seule et que Bon Scott portait au niveau du bas-ventre ?
même session ? « Hirondelle » se dit « swallow » en anglais. Ce dernier mot
Vrai. Il suffit de comparer le verso de Powerage et le recto de signifiant également « avale », on vous laisse deviner ce que
Highway To Hell pour s’en rendre compte. Autrement dit, la Bon avait en tête au moment de se faire tatouer ces deux oiseaux
pochette de Highway To Hell, conçue par Bob Defrin à partir d’un au-dessus du pubis. Poésie, quand tu nous tiens…
cliché du photographe Jim Houghton (les deux personnes qui ont
également pensé celle de Powerage), ne date pas de 1979, mais de (Première parution : Rock Hard #41 - Version 2019)

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INTERVIEW
PROMO CD « LIVE AT RIVER PLATE » (2012)

INTERVIEW BRIAN JOHNSON


Propos recueillis par Philippe Lageat • Entretien téléphonique réalisé le 15 octobre 2012 • Photos : Taylor Crothers (DR)
« J’ai chopé une grippe carabinée, mais ça va mieux fiston ! » bagnoles, me réjouit. Mais nous n’en sommes pour l’instant
Brian Johnson, que nous avons joint au téléphone, appelle qu’au stade des pourparlers.
tout le monde fiston. Il a beau être le chanteur d’AC/DC,
probablement le plus grand groupe au monde, qu’il ne Ok, revenons maintenant sur le Black Ice Tour, qui a vu
change pas. Toujours simple, l’homme est une crème, un AC/DC parcourir le monde en 2008, 2009 et 2010. Un bilan
bon vivant toujours prêt à dégainer une bonne blague ou à nécessaire au moment où s’apprête à sortir le double CD
partager une pinte ou deux. Alors, en ce 15 octobre 2012, Live At River Plate, un concert enregistré à Buenos Aires en
nous savourons une fois encore la confiance que Jonna place décembre 2009.
en nous en acceptant de bonne grâce de répondre à nos Je ne vais pas te raconter d’histoires, je n’ai entendu parler
questions en exclusivité mondiale, alors que le groupe a par de ce CD live pour la première fois qu’il y a trois semaines,
ailleurs refusé de promouvoir le CD Live At River Plate qui lorsque tu m’as contacté par mail pour caler cette interview !
sera en bacs le 20 novembre prochain. Un plaisir vrai ! (rires) Du coup, j’ai appelé notre management : « C’est quoi
ce putain de truc qui sort en novembre ??? Comment se fait-il
Rock Hard : Qu’en est-il de cette blessure à la main droite que je ne sois pas au courant ??? J’espère que, cette fois, vous
que tu t’es faite en Italie il n’y a pas si longtemps ? aurez la bonne idée de m’en faire parvenir un exemplaire ! ».
Brian Johnson : Je me suis fait ça avec un verre de vin dans Et puis, j’ai appelé Cliff :
un restaurant de Toscane qui se trouve à Panzano et est tenu par - Hé, tu sais qu’ils vont sortir un album live ?
un homme délicieux. Bref, lors d’un repas, mon verre s’est - Hein, quel album ???
renversé, et lorsque j’ai tenté de le rattraper, un long morceau - Le putain de Live At River Plate !
de verre s’est enfoncé dans ma main droite sans que je m’en - Hein, quel intérêt d’en sortir un album puisque le DVD du
aperçoive vraiment. Tout le monde autour de la table m’a même concert est déjà dans les bacs depuis l’année dernière ???
regardé en panique. Je leur ai dit « ne vous en faites pas, tout - Bien d’accord avec toi ! Je ne pige pas où ils veulent en
va bien ! ». Mon beau-frère qui est médecin m’a répondu : venir !
« Brian, tu as un morceau de verre en toi ! ». J’ai tenté de le
retirer, mais n’y suis pas parvenu. Alors il m’a dit : « Je vais J’étais sûr de ta réponse. C’est pourquoi nous allons plutôt
le faire, mais ça va être douloureux. Tourne la tête et regarde revenir sur le Black Ice Tour lui-même. Avec le recul, qu’as-
ailleurs ! » Il l’a fait, le sang a commencé à gicler de partout, tu pensé de cette gigantesque tournée ?
et je suis tombé dans les pommes, choqué. Lorsque je me suis Très honnêtement, j’ai trouvé ça merveilleux ! Probablement la
réveillé, cinq heures plus tard, je ne parvenais pas à trouver mon tournée qui m’a le plus satisfait… J’ai trouvé les Boys plus
tendon car il était sectionné. Un médecin m’a recousu la main affutés que jamais. Il faut dire que nous étions très détendus et
et, deux jours plus tard, un spécialiste m’a consulté et soigné. particulièrement excités à l’idée de repartir sur la route après
Les mois sont passés et je m’attendais à ce que ce soit bien toutes ces années durant lesquelles nous n’avions pas tourné
mieux réparé, mais aujourd’hui, ça me fait encore un mal de (Ndlr : les derniers concerts du groupe dataient en effet de
chien. Franchement, j’ai bien flippé car c’est la première fois 2003, et la précédente tournée mondiale de 2000/2001). Nous
de ma vie qu’il m’a fallu passer du temps à l’hôpital. Il est retrouver tous, soudés comme un vrai groupe – ce qui a toujours
arrivé un peu la même chose à Cliff (Williams/basse) il y a été notre motivation première –, échanger des anecdotes dans
quelques années (Ndlr : avant l’enregistrement de Black Ice), les loges, etc., tout cela avait des airs de rentrée des classes,
même si lui s’était coupé toute la main. Il a été opéré, mais quand on retrouve ses potes après les vacances d’été. Nous
comme la douleur persistait, il a fallu qu’il repasse sur le billard avons vraiment pris un pied total ! Ce qui m’a vraiment frappé,
pour se faire rouvrir la main afin que le chirurgien ôte les tissus c’est que, partout où nous nous produisions, les spectateurs
cicatriciels. Et je crois que je vais moi aussi devoir passer par là. avaient de 7 à 77 ans ! Purement incroyable ! Je ne sais pas si
Mais je repousse l’intervention car je sais, pour m’être déjà un autre groupe au monde peut se vanter de toucher autant de
fait opérer deux fois, que c’est un moment infernal à passer. générations. Va voir un groupe de notre âge et tu observeras
Figure-toi qu’ils ne t’endorment même pas ! Ils te font asseoir que le public qu’il draine est principalement constitué de
et t’ouvrent la main en deux. Mais bon, je ne parviens plus à quadras et de quinquas. C’est incroyable cet éventail des
serrer totalement les doigts. Il donc est prévu que je le fasse générations que nous parvenons à séduire, tous ces gens qui
avant Noël, ici, aux Etats-Unis. En attendant, dans mon équipe nous disent : « Ne vous arrêtez pas, ne vous arrêtez pas ! ».
de course automobile, mes potes ont vissé une boule de billard Ça te procure un sentiment merveilleux. Je crois avoir pris
sur mon levier de vitesse, de sorte que je puisse m’en saisir plus de plaisir sur ce Black Ice Tour que sur toutes mes autres
sans me faire mal. Mais pour être en mesure de tenir tournées réunies. Cela venait essentiellement de nos fans qui
correctement un micro, il va falloir attendre que tout cela nous renvoyaient une énergie incroyable parce qu’ils voyaient
soit arrangé. Tu parles d’une galère… Bah, ça ne va pas que nous nous donnions à fond et que nous étions heureux de
m’empêcher d’être sur la ligne de départ à Sebring et Daytona. le faire. Car je ne crois pas que, dans la position qui est la nôtre,
En novembre, je serai également à Londres afin d’enregistrer nous puissions faire semblant. Impossible de tromper autant de
une émission de radio spéciale de deux heures pour noël. gens.
Il faut dire que mon émission Rockers And Rollers, diffusée
par la BBC 2, a été très bien accueillie par les auditeurs ! Entre 2003 et 2008, tu n’as donné que quelques concerts de
Ça leur fait un bien fou d’entendre de bons morceaux de rock charité avec Cliff. Comment t’es-tu préparé physiquement
sur les ondes de la BBC en lieu et place des merdes habituelles ! et mentalement pour une tournée aussi éprouvante que le
Il n’est pas non plus impossible que je fasse six émissions Black Ice Tour ?
pour la BBC et la chaîne de télé Discovery traitant de courses Facile ! J’adore vraiment ça, donc, en ce qui me concerne,
automobiles et de vieux bolides, ce qui, en tant que dingue de je n’ai pas eu à me préparer mentalement. A vrai dire, je

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n’attendais que ça depuis des lustres ! Par contre, physiquement, son kit. Et soudain, le train défonce l’arrière de la scène dans
oui, j’ai travaillé avec un mec qui entraine généralement des une énorme explosion. Dans la seconde, Angus se met à courir
pilotes de Formule 1. Un Gallois super sympa… Dans un comme un dératé, bientôt suivi de Cliff et moi. Voilà quel était
premier temps, j’ai bossé avec lui durant deux semaines à notre rituel chaque soir. Et c’est parti pour 1h50 de folie ! A la
Philadelphie et il m’a fait vivre l’enfer. Cliff m’accompagnait fin de la tournée, après le dernier concert (Ndlr : le 28 juin
sur cette première quinzaine de remise en forme, mais il a arrêté 2010, à Bilbao), j’ai ressenti un vrai coup de blues. D’habitude,
au bout de trois jours ! (il éclate de rire) Moi, je n’avais pas lorsqu’une tournée prend fin, tout le monde est heureux : « Ouf,
vraiment le choix : vu ma position dans le groupe, il fallait que, c’est terminé ! Et maintenant les vacances ! ». Mais cette fois-
le jour « J », je sois affuté, costaud. Et je voulais être percutant, ci, j’ai eu un goût aigre-doux en bouche, un sentiment de
parfait, car il était pour moi hors de question que, sur scène, le tristesse. Le lendemain matin, au moment de nous rendre à
public me considère comme « le vieux gâteux avec un micro », l’aéroport, cinq voitures nous attendaient car nous partions tous
qu’il s’interroge : « Hum, sera-t-il capable d’aller au bout du pour des destinations différentes. Nous nous sommes dit au
set ? ». Car nos concerts sont longs, près de deux heures sans revoir et chacun d’entre nous s’en est allé. Dans la voiture, j’ai
réelle pause, et crois-moi, il faut être solide pour tenir le coup. dit à ma femme Brenda : « Je suis vraiment triste car je ne sais
Dès qu’un titre se finit, tu te jettes sur un verre d’eau, tu tentes pas quand nous remonterons tous ensemble sur scène ! Si tant
de reprendre ton souffle que déjà, ça repart de plus belle ! est que nous le fassions un jour… » (Update 2018 : Avec le
(il hurle le début de « Back In Black » !). recul qui est le nôtre aujourd’hui, on comprend mieux ces
dernières phrases : à l’époque, en effet, le groupe devait déjà
Il est d’ailleurs amusant de constater que plus vous savoir que Malcolm Young ne remonterait plus sur scène).
vieillissez, plus vos concerts sont longs (Ndlr : en 1979,
par exemple, ils ne duraient que 90 minutes à tout casser) !!! As-tu pensé, ne serait-ce que l’espace d’une seconde,
(Rires) C’est tout à fait exact ! Je repensais récemment à qu’AC/DC venait de donner son dernier concert ?
l’enregistrement de Back In Black (1980) avec le producteur C’est bien possible car on ne sait jamais ce que la vie nous
Mutt Lange. A chaque prise, il me demandait d’atteindre des réserve. Qui sait ce qui peut arriver à chacun d’entre nous ?
notes de plus en plus hautes. Et je lui répondais « Mutt, merde, Plus jeunes, nous ne pensions jamais à ce genre de choses car
t’exagères, j’en suis incapable ! ». Et lui : « Mais si, bien sûr nous étions persuadés de remettre le couvert. L’insouciance et
que tu le peux ! ». Alors, bon gré mal gré, je finissais par tout la naïveté de la jeunesse… Mais j’ai eu 65 ans il y a dix jours.
donner et y arriver. Mais si j’avais su, à l’époque, que trente ans Pas que j’ai l’impression d’avoir cet âge, je me crois toujours
plus tard, il me faudrait encore chanter ces titres dans des un jeune homme, mais je sais pertinemment que certaines
stades, je crois qu’en studio, j’aurais moins fait le malin ! (rires) choses dépassent notre contrôle. Et puis, à l’évidence, arrive
Sérieusement, c’est une satisfaction personnelle que d’avoir un âge où tu ne peux plus faire ce que tu faisais vingt ou trente
relevé le défi physique du Black Ice Tour. Mais comment faire ans plus tôt. Mais j’essaie de me maintenir en forme en
autrement lorsque, quand tu te retournes sur scène, tu aperçois travaillant chaque jour.
Malcolm (Young/guitare), tête baissée, en train de tronçonner
un riff monstrueux, Cliff, tête baissée, qui groove à fond, et Cela s’est encore vu sur la dernière tournée. Tes performances
Phil (Rudd/batterie), toujours la cigarette au bec, qui fracasse demeurent très physiques, je pense notamment au moment
sa caisse claire sans même transpirer ? Quant à Angus où tu sautes sur la cloche au début de « Hells Bells » !
(Young/guitare), il parcourt tant de distance chaque soir que Fils, je suis le premier à flipper à ce point du concert ! (rires)
tu as de la chance si tu parviens à le voir ! (rires) Alors, Mes jambes s’entrechoquent et mon cœur bat la chamade !
impossible de ne pas tout donner, non ? Et quand il pleut, c’est pire que tout. Il arrive, certains soirs,
quand les conditions sont dangereuses, que Malcolm me dise,
Au milieu de la tournée, tu as dit que cette tournée après show : « Doux Jésus, Jonna, tu m’as fichu une de ces
d’AC/DC était probablement la dernière que tu faisais car frousses quand je t’ai vu t’élancer ! La cloche bougeait dans
tu te voyais mal rééditer l’exploit à 70 ans. As-tu ressenti, tous les sens à cause du vent ! »
à un moment donné, une certaine pression physique ?
Tu sais, la pression est toujours là, surtout quand les concerts Tu te vois te lancer de nouveau dans une tournée aussi
deviennent de plus en plus gros, que nous passons des arènes longue ?
aux stades – Wembley, Stade de France, etc. – et que de Je ne crois pas que je pourrais tenir la cadence sur un nombre
nouvelles dates n’en finissent plus de venir s’ajouter au de concerts aussi important que celui du Black Ice Tour (Ndlr :
planning originel. Ce n’est pas tant une question de pression on parle tout de même d’environ 169 dates !). Mais qui sait ?
que la volonté de faire le mieux possible. Avant un concert, la Comme je te l’ai dit, je me donne toujours à fond. Maintenant,
tension monte progressivement car nous sommes tous ensemble la question est de savoir si mon corps pourrait supporter une
dans les loges. Nous buvons du thé ou du café, balançons telle dépense d’énergie. Ce n’est pas parce que cerveau le veut
quelques vannes alors qu’Angus gratouille sur sa Gibson, que le reste suit. Je n’ai pas envie de mourir sur scène parce que
jusqu’au moment où Tim, notre colosse de tour-manager, je me suis mis dans le rouge en poussant mon cœur dans ses
frappe à la porte : « Ok, les gars. Vous êtes sur scène dans dix derniers retranchements. Une crise cardiaque en concert, très
minutes ! ». Et Angus s’écrie alors : « Allez Brian, après toi ! ». peu pour moi ! C’est ce qui est malheureusement arrivé à l’un
J’ignore pourquoi, mais ils s’arrangent toujours pour que je de mes meilleurs amis, Duck Dunn, le bassiste de Booker T And
sorte le premier ! (rires) Alors, je bombe le torse, je respire à The MG’s et des Blues Brothers. Il est mort à Tokyo le 13 mai
fond, et je me dirige vers l’arène. Sur le côté de scène, nous dernier à l’âge de 70 ans. Quand il m’a dit qu’il partait jouer au
entendons le train qui fonce (Ndlr : un dessin animé qui passait Japon pour une semaine, je lui ai répondu que c’était un court
sur écran géant en guise d’introduction). Nous avons l’air de laps de temps. Car il faut au moins une semaine, à cet âge-là,
footballeurs sortant du tunnel pour entrer sur la pelouse. Angus pour se remettre du décalage horaire. Il est parti quand même.
commence à gratter sa guitare nerveusement pour se chauffer Le premier jour, il a pu se reposer, mais par la suite, il a
les doigts, tandis que Cliff reste droit comme un piquet, façon donné deux concerts par soir, durant cinq jours consécutifs.
James Bond (rires). Je n’aperçois jamais Malcolm qui est de Le cinquième soir, il s’est couché après le dernier concert et
l’autre côté de la scène, pas plus que Phil qui est caché derrière a été victime d’une crise cardiaque. Il y a quelques années,

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Je n’ai pas envie de mourir sur scène
parce que je me suis mis dans le
rouge en poussant mon cœur dans
ses derniers retranchements
(Brian Johnson)
Phil, il doit avoir 70 gamins !
Il en a tant que je n’arrive jamais
à me souvenir de leurs prénoms
(Brian Johnson)
il m’avait parlé à l’occasion d’une fête donnée en l’honneur des que l’équipe bleue démontait « la scène 3 » à « l’endroit 3 ».
cinquante ans de Greg Billings (Ndlr : ex-membre du groupe C’était la seule solution si nous voulions être certains de
Stranger), alors que j’avais spécialement composé une chanson pouvoir jouer partout dans les mêmes conditions et de présenter
pour sa femme et lui. Ça l’avait rendu très heureux ! Bref, il le même show à tout le monde. Cela nous permettait également
était venu me trouver et m’avait dit : « Brian, s’il m’arrive de préserver nos équipes techniques. Et de nous préserver nous
quelque chose, pourras-tu prendre soin de ma femme, June ? » aussi ! Pouvoir reposer ma voix un jour sur deux, je ne te
Et je lui avais répondu : « Duck, tu peux compter sur Brenda et raconte pas le luxe ! C’était une première pour moi, mais une
moi ! ». (Brian peine à trouver ses mots) Pfff, sa disparition a première qui m’a drôlement botté. Parce que, quand tu es
vraiment été un choc ! Je me souviens qu’un soir, Robert Plant guitariste et que tu choppes la grippe en tournée, c’est délicat,
(Led Zeppelin) était venu dîner à la maison alors que Duck était mais bon, tu parviens toujours à t’en sortir. Quand tu es
là, et ces deux-là ont passé la soirée à parler musique comme chanteur, c’est bien plus compliqué car tu ne peux pas te cacher
s’ils passaient le meilleur moment de leur vie… C’était un derrière un instrument. Si ta voix est momentanément niquée,
homme merveilleux ! Et voilà qu’il est mort d’une crise tant pis, tu montes quand même sur scène et tu tentes de sauver
cardiaque parce qu’il a bossé trop fort. Il nous était arrivé de les apparences en faisant comme si de rien n’était. Mais
partager la même scène lors de concerts de charité, à Sarasota, intérieurement, tu vis un vrai calvaire car tu sais que tu es
en Floride. Quel honneur pour moi ! diminué et que ta performance vocale s’en ressent forcément.
Enfin, je ne me plains pas car c’est ainsi, ça fait partie du jeu.
Qu’est-ce qui est, pour toi, le plus éprouvant : les concerts
avec AC/DC ou les courses de bagnoles ? On te sait amateur de vieilles églises. As-tu pu profiter de ces
Hum, c’est un peu la même chose. Sur la ligne de départ, quand jours de repos entre deux dates pour jouer les touristes ?
tombe le drapeau, il n’y a plus le droit à l’erreur ! Il ne faut pas Non, pas vraiment car, sur cette tournée, nos hôtels étaient
tout donner dans la première ligne droite ou durant les premiers constamment pris d’assaut par les fans. Ils étaient sensiblement
titres, sous peine d’imploser en vol. Disons que, dans les deux plus nombreux que sur le Stiff Upper Lip Tour (Ndlr : la
cas, il faut savoir gérer ses forces. Participer aux 24 Heures de précédente tournée de 2000/2001). Je n’ai rien contre ça, bien
Daytona en janvier 2012 a probablement été la chose la plus au contraire, mais une catégorie de « faux fans » commence à
physique que j’ai faite de ma vie. Mais bon, j’en avais toujours m’agacer sévère : ces mecs qui te demandent des autographes
rêvé, alors, maintenant que c’est fait, je suis ravi. pour les vendre à prix d’or sur e-Bay. Je me souviens
notamment de ce jeune kid américain qui ne devait pas avoir
Sur le Black Ice Tour, vos familles vous accompagnaient plus de douze ans. Il est venu à ma rencontre et m’a gentiment
la plupart du temps, ce qui était plutôt nouveau pour vous. demandé de lui signer une peau de batterie. Je lui ai répondu
En quoi cela a-t-il pu changer votre quotidien sur la route ? « bien sûr fiston, montre-moi ça ! », et voilà que le gosse me
Il est vrai que ma femme Brenda a passé quelques semaines sort 25 peaux de batterie ! J’ai bien sûr pigé le truc : « Non, non
avec nous, avant de partir quelque temps, puis de revenir, mais fiston, hors de question que je te signe tout ça ! Tu n’es pas un
la famille de Malcolm, surtout sa femme Linda et son fils Ross, fan, c’est juste pour les revendre sur e-Bay ! » Il a prétendu que
ont effectivement été présents sur la majorité des dates. Ce ce n’était pas le cas, alors je lui ai dit : « Ok, donne-les moi, je
n’était jamais arrivé auparavant. Il voulait que son fils soit à ses vais dédicacer chacune d’elles en y inscrivant ton prénom ! ».
côtés. Sa fille, Cara, est aussi venue sur quelques concerts. Tu Alors, il s’est bien évidemment écrié « non, ne fais surtout pas
sais, Malcolm est grand-père depuis cinq jours (Ndlr : sa petite- ça !!! » et s’en est reparti penaud avec ses peaux de batterie
fille s’appelle Myla) !!! Inutile de dire qu’il est aux anges. Ellen, sous le bras. Je ne lui en avais finalement signé qu’une. Dans
la femme d’Angus, a toujours été présente sur nos tournées dès un café, à l’angle de la rue, quelques mètres en contrebas,
le départ. Ce n’est pas le cas de Cliff, qui s’en fout un peu un mec l’attendait. Il est donc revenu quelques minutes plus tard
(Ndlr : ceci étant dit sur un ton humoristique). Quant à Phil, il avec une guitare flambant neuve pour me la faire autographier
doit avoir 70 gamins ! Il en a tant que je n’arrive jamais à me afin de la revendre. C’est un putain de business, une mafia !
souvenir de leurs prénoms : « Heu, Phil, rappelle-moi comment Des connards paient des gamins pour que ces derniers squattent
s’appelle celui-ci ! ». Il passe son temps libre, en tournée, à leur devant les hôtels afin de se faire signer un maximum de choses.
acheter des fringues et des jeux car c’est un mec très généreux. Puis, ils les revendent aux fans sur e-Bay et se font des couilles
Mais à ce point, je n’ai jamais vu ça ! C’est vraiment hilarant. en or. Je déteste ça !
Un jour, sur la deuxième partie du Black Ice Tour, je suis rentré
dans sa chambre. Cette dernière était envahie de cadeaux : des En vous produisant au Download Festival en 2010, vous avez
planches de surf, des motos miniatures, des karts, etc. Pense à battu un nouveau record en jouant pour la quatrième fois en
un truc, tu peux être sûr que ça y était. tête d’affiche à Castle Donington (Ndlr : 1981, 1984, 1991 &
- Putain de bordel de merde, qu’est-ce que c’est que tout ça, 2011), site mythique pour les fans de hard rock. Voilà qui a
Phil ??? dû faire chaud au cœur du Geordie Boy (Ndlr : Brian est né
- Oh, juste quelques petits trucs pour les gosses… à Newcastle, à trois heures et demi de là) que tu es ?
- Mais putain, nous sommes en Allemagne et tu habites en Oui, même si le promoteur du Download m’a fait chier avec ça.
Nouvelle Zélande. Pourquoi ne pas acheter ça là-bas ??? Avant le concert, il m’a dit : « Une fois que vous serez sur
- Naaah, c’est pas la même chose… scène, surtout, parlez du Download, pas de Donington ! ».
Je suis sûr qu’il en a eu aussi cher en frais de port qu’en achats ! Je lui ai répondu : « Pardon ? Tu ne serais pas en train de me
(rires) dire quoi dire sur scène par hasard ? ». Et lui, gêné : « Heu,
non, non, c’était juste une suggestion ! ». Ben quoi, merde
Pour la première fois également, vous aviez un jour de repos alors ! Download, c’est une putain de marque, rien de plus.
systématique entre deux concerts. Une cadence plutôt Or, je ne fais pas de publicité. Moi, cet endroit, je l’ai toujours
confortable… appelé Donington, car c’est bien de cela qu’il s’agit ! Alors
Oui, c’était en grande partie dû à la taille de notre scène. évidemment, la première phrase que j’ai dite en arrivant sur
Nous en avions en permanence trois en circulation : pendant scène a été : « Hello Donington, comment ça va ? » (fier de son
que l’équipe rouge montait « la scène 1 » à « l’endroit 1 », coup, il s’étrangle de rire). Le promoteur était sur le côté de la
l’équipe jaune amenait « la scène 2 » à « l’endroit 2 », tandis scène, pâle comme un cul, hahaha ! J’ai toujours eu un petit

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faible pour Donington. A chaque fois que nous nous y sommes lisant l’e-mail d’un pote anglais : « Hé Brian, j’ignorais que
produits (Ndlr : l’événement s’appelait alors « Monsters Of tu t’étais lancé dans le business du vin ! ». Je lui ai répondu :
Rock »), le public, pas forcément le plus « distingué » du « De quoi me parles-tu ? Nous n’avons rien à voir avec le
monde, nous a accueillis avec le plus grand respect. Nous avons business du vin et d’ailleurs, pourquoi devrions-nous ? ».
eu beaucoup de chance car je me souviens de voir d’autres C’est notre management qui a conclu ce deal en Australie.
groupes se prendre des canettes, des animaux morts, et même Et ça me chagrine encore car le vin et AC/DC ne font pas bon
des sacs remplis de pisse sur la tronche ! (rires) Certains ménage. C’est un mariage contre-nature ! De la bière, j’aurais
musiciens y ont passé des moments très, très désagréables. pu comprendre, mais du pinard… Attention, j’adore le bon vin,
En 2010, ça a bien failli être mon tour car, le jour même, j’en bois régulièrement, mais je parle là en termes d’image.
j’avais une grippe carabinée et la gorge douloureuse. Une heure Voilà, ce genre de choses m’irrite car j’aurais aimé être consulté
ou deux avant le concert, j’étais hyper nerveux. Evidemment, avant et non passer pour un con en le découvrant via une tierce
il fallait que ça tombe ce jour-là ! Un médecin m’a ausculté et personne. J’ai récemment entendu parler de cartes de paris
m’a dit : « Je peux vous faire une piqûre. Pendant deux ou AC/DC. Un truc qui, tout bien compté, coûterait 150 dollars !
trois heures, vous allez péter la forme. Mais quand l’effet va J’ai fait savoir que je ne voulais rien avoir à faire avec ça !
s’estomper, vous allez vous sentir très, très mal ! ». Tant pis, j’ai Je ne veux pas que des gens se ruinent en perdant au jeu avec
pris le risque : « Allez-y Doc’, on verra bien ! ». Il m’a fait une des cartes sur lesquelles figure le logo de mon groupe. Il faut
piquouze dans le bras 25 minutes avant que nous montions sur d’autant plus ouvrir l’œil que, parfois, tel ou tel article
scène. Dix minutes plus tard, j’étais dans une forme olympique. estampillé AC/DC n’a rien à voir avec nous. Il s’agit juste de
Durant le concert, tout s’est passé à la perfection. Mais lorsque détournement de logo. Nous tentons de faire de notre mieux,
nous sommes redescendus sur Londres en voiture après le show, mais il n’est pas évident de pouvoir tout contrôler. Je reviens
j’ai cru que j’allais crever. Je claquais des dents, on aurait dit sur le vin : j’aurais d’autant plus aimé qu’on me prévienne et
que j’avais chopé la malaria ! (rires) Je revois encore le qu’on me demande mon avis que je n’ai même pas goûté le
médecin me dire : « Je vous avais prévenu ! ». Mais bon, avec picrate en question ! (rires) Pour te dire, je ne sais même pas à
le recul, le jeu en valait la chandelle car, sur scène, nous avons quoi ressemble une bouteille de ce nectar ! Et puis zut, AC/DC,
passé une soirée magnifique. ce n’est pas Kiss ! Je vois très bien pourquoi tu me parles de ça
car, moi aussi, j’ai le sentiment que cela va parfois trop loin.
Le DVD et le CD Live At River Plate ont été enregistrés en Contentons-nous de faire des t-shirts et ça m’ira très bien
Argentine en 2009. Il y a toujours une ambiance incroyable comme ça !
aux concerts sud-américains. Te souviens-tu de votre
premier passage en Amérique du Sud, au festival Rock In Depuis le Black Ice Tour, Phil s’est remis à piloter des
Rio, en 1985 ? hélicoptères. Quant à toi, tu prends part, comme tout le
Lorsque nous avons pris l’avion pour Rio, nous ne savions pas monde le sait, à des courses automobiles. Voilà deux hobbies
trop à quelle sauce nous allions être mangés. Peu d’infos avaient pour le moins dangereux. Angus et Malcolm voient-ils ça
filtré et nous ignorions si l’organisation allait être carrée ou pas. d’un bon œil ?
Mais une fois sur place, nous avons été agréablement surpris. Malcolm me dit souvent « Jonna, sois vraiment prudent, fais
Je me souviens que notre hôtel était en bord de plage (Ndlr : il attention ! ». Alors, bon, j’évite de lui parler des accidents qu’il
donnait directement sur Copacabana !) et que les Boys et moi m’arrive d’avoir sur les circuits ! (rires) Un jour, alors que je
en avons grandement profité. Un jour, alors que je devais me menais une course sur un circuit très rapide, il s’est mis à
baigner depuis trois bonnes heures, je sors la tête de l’eau et je pleuvoir à verse alors que je n’avais pas de pneus pluie. J’ai fait
m’aperçois que les Boys sont rentrés à l’hôtel sans moi. Il faut un aquaplaning et j’ai heurté le pilier d’un pont avant de faire
dire que le soleil s’est fait la malle et qu’un énorme nuage noir plusieurs tonneaux. Il a fallu que les secours me désincarcèrent
fonce sur moi ! Putain, je commence vraiment à flipper car ça de l’épave. J’ai vraiment cru ma dernière heure venue. C’était
a l’air dangereux. Je jette un œil sur ma droite et je réalise que en 1996/97, au Road Atlanta. Quand j’ai vu la carcasse de la
je ne suis pas seul et qu’un autre nageur s’est fait surprendre. voiture arriver au paddock sur un camion, j’ai réalisé à quel
Je regarde le type et je me dis : « Je suis sûr que je connais point j’avais côtoyé la mort. Heureusement, Jesse Dupree, le
ce mec ! ». Et voilà que le gusse me dit (il prend un très fort chanteur de Jackyl (qui est un bon pote) était sur place : « T’en
accent allemand) : « Hé Prian, mais pordel, kézke tu fé fais pas Brian, j’ai amené un cochon ! » Quelques minutes
là ??? ». Tu me croiras ou pas, c’était Klaus Meine, mon pote après mon accident, nous voilà donc à faire un barbecue autour
des Scorpions. Je lui réponds : « La même chose que toi : de ma voiture accidentée avec quelques packs de bière fraiche !
je sors de l’eau en courant avant de crever sur place ! Bye Bye ! (rires) Mais bon, j’essaie de prendre un minimum de risques, et
». Non, franchement, ces deux concerts à Rio, c’était comme jusqu’ici, je m’en suis plutôt bien tiré, alors…
des vacances. Le matin, nous prenions le soleil près de la
piscine ou sur la plage, et le soir, nous donnions un concert. Dernière question : aura-t-on droit à un nouvel album
Nous n’avons fait qu’un soundcheck. L’endroit (Ndlr : le studio d’AC/DC en 2013 ?
Rockedrome ») était assez énorme. Nous avons dû jouer devant Oh, je ne peux pas répondre à celle-ci ! (rires) Il y a quelques
250 à 300.000 personnes. A l’époque, il s’agissait de notre plus jours, Malcolm m’a dit qu’il avait envie de sortir rapidement un
grand concert. Tout le monde était là : Tina Turner, Rod Stewart, nouvel album. Je ne peux pas vraiment en dire plus car cela
Iron Maiden, Scorpions, Queen, Whitesnake, Ozzy Osbourne, pourrait interférer avec les pourparlers qu’a actuellement notre
etc. management avec Sony. C’est à propos des termes du
renouvellement de notre contrat. Mais laisse-moi quand même
Ces dernières années, on a vu du merchandising estampillé te confier le scoop suivant : Brendan O’Brien, l’homme qui a
du logo AC/DC fleurir de partout, du t-shirt vintage vendu produit Black Ice, a récemment été approché. A toi d’en déduire
chez Gap aux bouteilles de vin. Qu’en pense le groupe et a-t- ce que tu veux… Je ne peux pas en dire plus, excepté que
il un quelconque contrôle sur tout ce qui sort ? j’ADORERAIS retourner en studio avec les Boys au plus vite !
Pas toujours, non. Prenons l’exemple du vin : quand j’ai
appris ça, je suis rentré dans une rage folle ! Encore une fois, (Première parution : Rock Hard #126)
personne ne m’en avait parlé avant que je ne le découvre en

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A la fin du Black Ice Tour, après le
dernier concert, j’ai ressenti un vrai
coup de blues (Brian Johnson)
INTERVIEWs
FLASHBACK

IT’S A LONG WAY TO THE TOP...


Un sujet de Philippe Lageat (janvier 2014) • Photos : Kim Osborne & archives
C’est dans la nuit du 31 décembre 1973 au 1er janvier 1974 certaines rumeurs, Malcolm aurait jammé avec le bassiste Mick
qu’AC/DC donne son premier concert « officiel » dans Sheffzick, ex-Velvet Underground, mais je n’en aurai jamais
un club de Sydney, le Chequers. Quarante ans plus tard, confirmation. Lorsque je le rencontre, il travaille avec deux
jour pour jour, le groupe d’Angus et Malcolm Young est autres musiciens : le bassiste Larry Van Kriedt et le batteur
probablement la formation rock la plus suivie au monde. Colin Burgess, un ex-membre de The Masters Apprentices,
Maintes fois disséqué, le parcours d’AC/DC vers les combo d’Adélaïde qui a connu son heure de gloire en Australie
sommets à fait l’objet de nombreux livres et DVDs. à la fin des années 60. Je suis très impressionné par ce dernier
Pour autant, la naissance et les premiers pas du groupe qui, pour moi, est déjà une star !
demeurent peu connus et prétextes à de nombreuses erreurs.
C’est pourtant en 1974 que s’est forgée la future légende, L’expérimenté Colin, qui est né en 1946 et a donc sept ou huit
entre changements de line-up successifs et rebondissements ans de plus que ses compères, a en effet de la « bouteille »
multiples. Voici, pour vous et afin de célébrer dignement ce puisqu’il a signé quelques hits avec les Masters Apprentices
quarantième anniversaire, l’histoire de ces débuts. entre 1968 et 72, et s’est même ponctuellement installé avec
eux à Londres. C’est Allan Kissick, l’ex-manager des Easybeats,
Angus McKinnon et Malcolm Mitchell Young n’ont que huit qui l’a invité à rejoindre Malcolm.
et dix ans lorsque leurs parents, William et Margaret, quittent
Glasgow et l’Ecosse en mai 1963 pour tenter leur chance à Colin Burgess (batterie) : Il m’a appelé pour me dire que
l’autre bout du monde, à Sydney. Deux ans plus tard, The Malcolm montait un groupe. Je n’avais jamais rencontré ce
Easybeats, le groupe de leur grand frère George Redburn (né dernier, mais je savais néanmoins qu’il s’agissait d’un des
en 1946), décroche son premier hit avec « She’s So Fine » qui frères de George Young, ce qui suffisait largement à attiser ma
truste la première place des charts australiens. En 1966, c’est curiosité. J’ai donc accepté de jammer avec lui et j’ai été très
« Friday On My Mind » qui fait de George et de son compère impressionné par son niveau en tant que guitariste rythmique,
Harry Vanda des superstars. Angus et Malcolm, que les études mais aussi en tant que soliste !
n’intéressent guère, veulent coûte que coûte suivre l’exemple
de leur ainé et devenir eux aussi des rock stars. C’est décidé, A l’inverse, Larry Van Kriedt est un quasi anonyme. Né en 1954
ils seront guitaristes, au grand dam de leur père William qui à San Francisco, il connaît cependant la famille Young depuis
préfèrerait les voir trouver un « vrai » travail. L’un des premiers quelques années déjà.
groupes de Malcolm – à qui Harry Vanda a offert une Gretsch
Jet Firebird, un cadeau extraordinaire à l’époque ! – a pour nom Larry Van Kriedt (basse) : La première fois que j’ai rencontré
Beelzebub Blues, mais en juillet 1971, le jeune prodige rejoint Malcolm et Angus Young, c’était en août 1969. Je vivais alors
le Velvet Underground (Ndlr : aucun lien avec le Velvet dans un foyer pour émigrés à Burwood. Angus devait avoir
Underground new-yorkais de Lou Reed), un combo bien plus 14/15 ans. Il a sympathisé avec moi car j’avais une Gibson SG,
établi qu’il quitte en 1972 parce qu’il le juge « trop pop ». une vraie, pas une copie, et que je savais en jouer. Nous
Le gaillard, au caractère déjà bien trempé, décide alors de sommes rapidement devenus amis et il m’a présenté à sa
monter son propre groupe, celui au sein duquel il sera le patron. famille. Durant l’année qui a suivi, j’ai passé tous mes week-
ends chez les Young. J’apportais toujours ma guitare. Angus,
Dave Evans est quant à lui né à Carmarthen, au Pays de Malcolm et moi passions la plupart du temps à échanger des
Galles, le 20 juillet 1953. Sa famille émigre en Australie en riffs et à jammer. Nous étions tous doués ! Et puis, je ne les ai
1959. En 1970, il intègre son premier groupe, In Session, à plus vus pendant un an ou deux. Mais un soir de 1973, un ami
Charters Towers, une petite ville perdue dans le nord-ouest du de Malcolm m’a appris que ce dernier montait un nouveau
Queensland. Avec celui-ci, il se frotte à des reprises des Rolling groupe et voulait m’auditionner car il savait que j’avais acheté
Stones et des Beatles, puis emménage rapidement à Sydney où une basse. Je l’ai donc rejoint dans un local de répétitions à
il joue dans une autre formation, Django, avant de rejoindre le Newtown. Et j’ai été embauché.
Velvet Underground qu’un certain Malcolm Young a quitté il
y a peu. Ce combo se produit en tête d’affiche, mais il est Entouré de Malcolm, Larry et Colin, Dave Evans jamme
également fréquent que ses musiciens (excepté Dave) sur des morceaux de Free (« All Right Now »), des Stones
accompagnent le chanteur Ted Mulry qui finit par les embaucher (« Honky Tonk Women ») et de Chuck Berry, puis il
et monter le Ted Mulry Gang, portant ainsi un coup fatal au improvise sur quelques compos rock et est recruté dans
Velvet. Mis sur la touche, Dave répond, fin octobre/début la foulée. Un groupe est né. Et pas n’importe lequel…
novembre 1973, à une petite annonce publiée dans le Sydney Malcolm, toutefois, tient à ajouter une cinquième et dernière
Morning Herald, un journal local : « Groupe cherche chanteur pièce au puzzle.
de rock ». Il y est également précisé que le groupe en question a
pour influences Free, les Stones et Rod Stewart. C’est Malcolm Malcolm Young (guitare) : Mon idée première est de recruter
Young qui décroche le téléphone et lui propose de venir jammer un pianiste pour faire du rock’n’roll à la Jerry Lee Lewis, mais
dans le quartier de Newtown, à Wilson Street, au coin ça ne fonctionne pas, probablement parce que je n’ai pas
d’Erskinville Road. suffisamment confiance en mes qualités de soliste.

Dave Evans (chant) : Le bâtiment dans lequel je le rejoins Il pense donc à un deuxième guitariste et, à la grande surprise
abritait autrefois plusieurs bureaux, mais est désormais de ses parents, demande à son frère cadet Angus de venir
totalement désaffecté. Il est constitué d’un rez-de-chaussée et auditionner.
de deux étages. Malcolm et son groupe se sont installés au
premier d’entre eux, sur le côté droit du bâtiment, dans une Malcolm Young (guitare) : William, notre père, en est le
pièce minuscule. Cette dernière n’est pas équipée de l’air premier surpris. Et pour tout dire, connaissant notre propension
conditionné, ce qui fait qu’à la fin de chaque séance de à nous chamailler à la première occasion, ne donne pas plus
répétitions, ses potes et lui sont à tordre. A l’époque, aucun d’une semaine de longévité à notre association de
autre groupe ne répète là. Dans un premier temps, à en croire malfaiteurs ! (rires)

A gauche : Noel Taylor & Malcolm Young


(Sydney, Victoria Park, avril 1974)
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Angus, intimidé par Colin Burgess, mais mis en confiance par ce night-club est en effet l’un des plus réputés du pays et a
Larry Van Kriedt, n’hésite pas bien longtemps avant de tenter sa connu son heure de gloire dans les années 60 en accueillant
chance. Il faut dire que son groupe, Tantrum, peine à décoller. la crème de l’époque, de Frank Sinatra à Shirley Bassey, en
Il a formé ce dernier en 1972, sous le nom de Kantuckee, avec passant par Liza Minelli. Au début des 70’s, sa programmation
Trevor James (batterie), Bob McGlynn (chant) et John Stevens se veut plus rock. On accède au sous-sol par un escalier en
(basse), avant qu’un autre guitariste, Mark Sneddon, ne vienne marbre blanc et il n’est pas rare que les spectateurs (500 au
le seconder. Très inspiré par Mountain (Angus est alors grand maximum) y soient servis à des tables dressées face à la scène,
fan de Leslie West) et Cactus (‘Ot ‘N’ Sweaty est l’un des bien évidemment exiguë. C’est Allan Kissick, très utile une fois
albums live préférés du petit guitariste), le combo vaut le détour, encore, qui, grâce à ses connections, a décroché cette
mais ne parvient pas à percer. Un mois environ avant qu’Angus « résidence » débutant le 31 décembre et censée durer une
n’auditionne pour le groupe de son frère, un certain Dave Evans semaine. AC/DC s’y produira deux fois par soir, à partir de
a refusé de rejoindre Tantrum en tant que chanteur. 23 heures.

Dave Evans (chant) : Un beau jour, Angus a frappé à ma porte. Larry Van Kriedt (basse) : Le premier soir, trois groupes
Il était accompagné de son bassiste et s’est présenté : « Salut, je doivent jouer et nous sommes les premiers à monter sur scène.
m’appelle Angus Young ! ». J’ai immédiatement pensé : « Mais Comme je n’ai pas d’ampli basse, nous demandons aux autres
putain, combien y a-t-il donc de Young en Australie ? » (rires) musiciens s’ils peuvent me dépanner. Comme souvent, c’est
Angus avait appris que je venais de quitter le Velvet Underground Malcolm qui s’en charge.
et m’a demandé si je voulais rejoindre son groupe. Il m’a fait
écouter ce qu’il faisait à l’époque, du heavy rock à la Mountain. Lors de ces premiers sets, le groupe est un peu nerveux,
J’ai accroché à la musique, aux paroles, mais pas vraiment aux même si, George Young veillant sur lui et l’ayant pris sous son
compos elles-mêmes que j’ai jugées plus appropriées pour des aile, il évolue ici en terrain « ami ». La principale force du jeune
musiciens que pour un chanteur. J’ai donc fini par refuser son combo est sa paire de guitaristes, Malcolm et Angus n’hésitant
offre et j’ai contacté Malcolm… qui nous a rapidement parlé pas à inverser fréquemment les rôles, le premier tapant alors les
d’Angus car Tantrum venait de splitter, faute d’avoir trouvé soli tandis que son cadet assure la rythmique. Le temps d’un
un chanteur. titre, Larry se saisit même de son saxophone cependant que
Malcolm passe à la basse. Les setlists évoluent au fil des
A Newtown, Angus, bien qu’intimidé, passe l’audition avec les concerts de janvier 1974, mais se concentrent principalement
honneurs et, au grand soulagement de Malcolm trop ravi de autour de classiques rock’n’roll des années 50 signés Chuck
pouvoir enfin se concentrer sur la rythmique, est engagé comme Berry (« No Particular Place To Go », « School Days »,
guitariste soliste de la formation désormais au complet. Reste « Nadine », etc.), Smiley Lewis (« I Hear You Knockin’ ») et
désormais à trouver un nom à cette dernière. Little Richard (« Lucille »), ou de hits plus actuels des Rolling
Stones (« Honky Tonk Women », etc.), des Beatles (« I Want
Dave Evans (chant) : Un beau jour, chacun d’entre nous se You (She’s So Heavy) », « Get Back », etc.) et de Free
pointe au local de répèts avec plusieurs noms. Noms que nous (« Wishing Well »). Quelques morceaux originaux sont aussi
écrivons sur des bouts de papier et glissons dans un chapeau au programme, notamment « Midnight Rock » et « The Old
afin d’en tirer un au sort. Mais le moment venu, Malcolm nous Bay Road », tous deux composés par Malcolm Young.
dit que sa sœur Margaret lui a suggéré « AC/DC » (Ndlr : en
fait, il semblerait que ce soit Sandra, la femme de George Dave Evans (chant) : Il me semble que « The Old Bay Road »
Young, et non Margaret, qui ait trouvé ce nom en regardant sa est le premier titre de Malcolm que j’apprends. Ce morceau a
machine à coudre !) Ça nous plait immédiatement : ce nom est l’air très important à ses yeux car il y a mis beaucoup de lui-
facile à prononcer et à retenir puisqu’on peut le lire sur tous les même et l’a vraiment peaufiné. En concert, ce titre sonne
appareils électriques du pays. Il dégage une impression de toujours bien. Quand je repense à mon expérience avec AC/DC,
puissance. Nous ne procédons donc pas au tirage au sort c’est avant tout de cette chanson que j’aime me souvenir.
initialement prévu !
Tout bons qu’ils soient, il n’empêche que ces deux titres ne
AC/DC, qui signifie « courant alternatif/courant continu », seront, semble-t-il, jamais enregistrés par le groupe. Se
a également un autre sens plus implicitement orienté : « à voile produisant essentiellement au Chequers, AC/DC, aux premiers
et à vapeur », ou encore « bisexuel ». En novembre et décembre jours de 1974, fait néanmoins quelques apparitions dans des
1973, AC/DC répète durant six semaines afin de parfaire son auberges de jeunesse et joue même à l’occasion d’un mariage !
répertoire.
Dave Evans (chant) : Un bon ami, Peter Panayi, m’annonce
Larry Van Kriedt (basse) : Généralement, le groupe passe me que son cousin va se marier et me demande si nous serions prêts
prendre avec sa camionnette, puis nous nous rendons dans ces à jouer lors de la réception. Peter a grandi en Australie, mais il
bureaux désaffectés de Newtown où, chaque semaine, nous est né à Chypre et a des origines grecques. Il nous prête sa sono
répétons dans la même salle, au premier étage. Nous bossons gratuitement. Je lui réponds que nous avons un management,
sur des compositions originales de Malcolm, mais aussi sur des que nous sommes sur le point de publier notre premier single,
reprises. Le son est très fort. Parfois, il nous arrive, lorsque nous et que, par conséquent, tout bon ami qu’il est, il lui faudra nous
faisons une pause, d’aller boire une bière au pub le plus proche payer notre cachet habituel s’il veut louer nos services un
avant de nous y remettre. Il y a de bonnes comme de mauvaises samedi soir car c’est évidemment le jour où nous sommes le
répétitions, des moments de pure création, des disputes parfois, plus demandés. Peter n’y voit aucun inconvénient et nous fait
et même des bastons. Ce groupe est à l’évidence celui de donc jouer, le jour du mariage, dans la cour arrière de la maison
Malcolm, sa vision, et c’est lui qui en est le leader naturel. où se tient la réception. Nous faisons deux sets, et durant le
second, le marié nous demande si nous pouvons interpréter
AC/DC sort aussi, très ponctuellement, de son local de répéts « Zorba The Greek » (Ndlr : « Zorba Le Grec », titre
afin de donner de rares concerts, de ci, de là. Contrairement à folklorique très connu extrait du film du même nom sorti en
une rumeur tenace, le premier show du groupe n’a donc pas 1964 et dont le rôle phare est assuré par Anthony Quinn) pour
lieu le 31 décembre 1973 au Chequers de Sydney. faire danser tous les invités. Je lui réponds dans un premier
temps que c’est impossible car nous ne connaissons pas ce titre,
C’est néanmoins ce jour-là et dans ce club qu’AC/DC donne mais Malcolm apprend rapidement à jouer le morceau, nous
son premier show « important ». Situé dans Goulburn Street, montre comment faire et nous demande de le suivre. Nous

A droite : Malcolm Young & Dave Evans (Sydney, avril 1974)

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Sydney, Hampton
Court Hotel,
03.1974
•Soul Stripper
•No Particular
Place To Go
(Chuck Berry)
•Stay For A While
•Carol (Chuck
Berry) – chanté
par Neil Smith
•It’s All Over Now
(The Valentinos)
•Jumpin’ Jack
Flash (The
Rolling Stones)
•Rock’n’Roll Singer
•Medley : Blue
Suede Shoes (Carl
Perkins) / Shake,
Rattle And Roll
(Big Joe Turner) /
Tutti Frutti
(Little Richard)
•Rockin’ In
The Parlour
•Bye Bye Johnny
(Chuck Berry)
•Lucille
(Little Richard)
•All Right Now
(Free)
•Baby Please Don’t
Go (Big Joe
Williams) – chanté
par Malcolm
•Honky Tonk
Women (The
Rolling Stones)

Line-up :
Angus Young
Malcolm Young
Dave Evans
Neil Smith
Noel Taylor
jouons donc « Zorba The Greek » à la grande joie des mariés, lui car, ayant été assez populaire à la fin des années 60,
de leurs invités et de leurs familles, ravis, qui se mettent à il jouissait d’une certaine popularité et se pointait souvent
danser comme des déments ! Une scène incroyable qui restera avec une fille à chaque bras. Moi, je trouvais ça génial, mais
gravée à jamais dans ma mémoire ! les frangins pas vraiment. Ils parlaient dans son dos, le
traitaient de rock star, ou plutôt de pop star.
De la même manière, Dave n’est pas prêt d’oublier sa rencontre
avec George Young, frère aîné d’Angus et Malcolm qui a eu son L’insulte suprême dans la bouche des Young qui, comme
heure de gloire avec les Easybeats, équivalent australien des toujours à l’époque lorsqu’un problème survient, passent un
Beatles, et connaît toutes les ficelles du métier : coup de fil à George. C’est ce dernier qui assure le second
concert de la soirée avec AC/DC, derrière le kit de batterie.
Dave Evans (chant) : George est fantastique ! C’est déjà une Décidément, cet homme sait tout faire ! Si les musiciens se
légende vivante. Il est venu nous voir répéter une semaine produisent jusqu’ici en t-shirts et en jeans, l’idée de porter des
après que le groupe se soit formé, a craqué et a promis de tenues de scène plus flashy fait très tôt son bonhomme de
nous faire enregistrer très rapidement un premier 45 Tours. chemin.
Je n’en ai pas cru mes oreilles ! Il devient notre mentor, il a
tant d’expérience… Rien que le fait d’être dans la même Larry Van Kriedt (basse) : A un moment, il est question que
pièce que lui est pour moi un honneur incroyable ! Vu ses chacun d’entre nous se forge un personnage de scène. Ainsi,
accointances avec le label Albert Productions, il tient par exemple, l’idée est lancée que je me déguise en policier
rapidement parole puisque, dès janvier 1974, il nous apprend américain – ça fait penser aux Village People, mais ils n’existent
que nous allons entrer en studio sous sa houlette ! J’ai envie pas encore ! Malcolm, lui, devrait être un pilote, ou quelque
d’hurler : « Hé, je vais enregistrer un disque ! ». Je suis si chose du genre, et se teindre les cheveux en bleu. Quant à
excité que je veux que tout le monde le sache ! Je n’oublierai Angus, il est déjà fait mention qu’il s’accoutre en écolier, ce
jamais les répétitions qui ont précédé notre premier qui ne lui plait pas du tout car il ne veut pas qu’AC/DC
enregistrement… A l’époque, Albert Productions n’a pas encore devienne un numéro de cabaret !
ses propres studios, qu’il fera construire peu de temps après sur
Kings Street, à Sydney. Nous enregistrons donc aux EMI Studios Le projet est donc gelé. Momentanément… Courant février
où je me rends en bus de Bondi. Nous nous rejoignons le soir et 1974, c’est au tour de Van Kriedt de se voir montrer la porte
finissons aux premières heures de l’aube. Le 45 Tours est mis en de sortie.
boîte en deux nuits. Nous enregistrons « Can I Sit Next To You
Girl » et « Rockin’ In The Parlour », qui atterriront sur le Larry Van Kriedt (basse) : La raison qu’on me donne est que
disque. Je ne connais aucune de ces deux chansons. Jamais le groupe vient d’engager un nouveau bassiste et un nouveau
entendues ! On me confie les paroles que je dois chanter, et batteur qui possèdent un grand camion, une sono et leur propre
George ou Malcolm me les fredonne pour m’indiquer la matériel. Ce n’est pas rien car, personnellement, je n’ai pas
marche à suivre. Je n’ai pas grand-chose à dire, alors je suis d’ampli basse et je suis père d’un bébé d’un an dont il faut que
les directives et j’ouvre grands les yeux et les oreilles. Plus je m’occupe. Qui plus est, je me considère comme un musicien
tard, lors d’autres sessions, nous enregistrerons également de jazz/blues, et parfois même comme un musicien de pop, ce
« Rock’n’Roll Singer » et « Soul Stripper » en vue du premier qui ne correspond pas à la direction dans laquelle s’engage alors
album du groupe, mais le sort en décidera autrement. Quoi qu’il AC/DC.
en soit, me retrouver en studio avec George Young et Harry
Vanda est purement fascinant ! Il faut dire que les Easybeats Les nouvelles recrues ont pour noms Neil Smith (basse) et Noel
étaient l’un de mes groupes préférés lorsque j’étais adolescent. Taylor (batterie).

Une semaine après ces sessions (au cours desquelles il Neil Smith (basse) : Un soir, Allan Kissick (Ndlr : qui avait
semblerait que George Young ait réenregistré les parties de déjà recommandé Burgess à Malcolm) invite notre groupe,
basse de Larry Van Kriedt sans le dire à l’intéressé), alors Jasper, au Chequers où se produit AC/DC. Nous sommes très
qu’AC/DC se produit une fois encore au Chequers, le batteur impressionnés par ce que nous découvrons, même si c’est
Colin Burgess s’écroule dans son kit en plein set. George Young qui est derrière les fûts, Burgess venant de se
faire virer car il était bourré et incapable de tenir son poste.
Colin Burgess (batterie) : J’ai bu un ou deux verres avant Quelques jours plus tard, Malcolm remplace notre guitariste
d’arriver à la salle, mais je ne suis pas bourré. Une fois sur lead, Peter Emmett, au pied levé car ce dernier a insisté pour
place, je commande un coup et je laisse mon verre sur la table aller voir un concert de Rod Stewart. Tout fonctionne au poil.
afin d’aller vérifier si mon kit est correctement installé. Une A tel point que, le lendemain, Malcolm me téléphone et me
demi-heure plus tard, lorsque je reviens, je le vide d’une gorgée. demande si Noel et moi sommes prêts à rejoindre AC/DC.
Mais une fois sur scène, je commence à voir tout tourner et à Etant avec Jasper, je refuse. Peu après, je m’engueule
me transformer en gelée, à tel point que, lors d’un roulement, sévèrement avec notre chanteur et décide donc de rappeler
je finis par m’écrouler par terre. Malcolm, croyant que je suis Malcolm pour jammer avec lui et voir ce qu’il en sortira.
ivre mort, me vire sur le champ. Il me faut plusieurs minutes
pour reprendre mes esprits. Avec le recul, je suis persuadé que Noel Taylor (batterie) : Nous décidons de jouer ensemble le
quelqu’un a mis un truc pas catholique dans mon verre. lundi soir suivant, mais le jour dit, nous ne parvenons pas à
trouver une salle de répétitions disponible. Je suggère donc que
Toute star qu’il soit, et bien qu’il reste un second set à assurer, nous tentions notre chance au Hampton Court Hotel car je sais
Colin Burgess est renvoyé dans ses pénates. qu’aucun groupe n’y joue ce soir-là. Nous nous rendons sur
place et le propriétaire de la salle, où nous avons récemment
Larry Van Kriedt (basse) : Je le revois partir en boitillant tenu une résidence avec Jasper, accepte que nous montions notre
après avoir cassé le talon d’une de ses bottes. L’un de ces matériel et que nous jouions. Il est vrai que c’est tout bénéf’
moments rock’n’roll qui restent gravés à l’esprit ! pour lui car nous nous produisons gratuitement pour ses clients.
Il n’a rien à perdre. Alors, nous nous mettons tous d’accord sur
Dave Evans est sous le choc, mais pas vraiment surpris. une setlist composée de reprises que nous connaissons tous et
montons sur scène où, heureuse surprise, notre association
Dave Evans (chant) : Colin n’était de toute façon pas très bien fonctionne bien. A tel point qu’à la fin du premier set, le proprio
vu par Angus et Malcolm qui, je crois, étaient assez jaloux de nous propose une résidence de trois mois, à raison de quatre

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nuits par semaine (Ndlr : durant lesquelles le groupe donnera jaillir son alter ego de la boîte. Plus tard, Skyhooks, un autre
deux ou trois sets par soir). Je me retourne vers Malcolm et lui groupe australien, débarquera avec des costumes de scène plus
demande : « Alors, faisons-nous désormais partie d’AC/DC ? » ou moins similaires et nous déciderons alors de laisser tomber
Il me répond par l’affirmative. Neil et moi quittons Jasper dès le ces accoutrements, excepté, bien sûr, l’uniforme d’Angus.
lendemain !
Neil Smith (basse) : Malcolm insiste pour que je porte le
Neil Smith (basse) : Le mercredi suivant (Ndlr : a priori, le 27 casque de moto de Noel, même s’il est trop petit pour moi.
février 1974), nous donnons le premier concert de notre Des photos circulant, il va falloir que je vive avec ce souvenir
résidence au Hampton Court Hotel. Comme il ne s’est écoulé toute ma vie ! (rires) Je passe une journée cauchemardesque.
que deux jours depuis la jam, nous bricolons une setlist à la Durant tout le concert, le soleil me tape dans les yeux car, étant
hâte, uniquement composée de reprises : Chuck Berry, The parti de chez moi à la bourre, j’ai oublié mes lunettes de soleil.
Who, Free, The Rolling Stones, etc. Nous avons pour habitude Sur place, je monte la sono, comme toujours, ce qui ne me
de répéter chez les parents d’Angus et Malcolm, dans l’une des dérange pas car j’adore ça. Ayant des problèmes avec ma basse,
chambres de la maison, en acoustique et, au fil des semaines, il me faut en emprunter une. Du coup, je joue comme une
nous apprenons des compositions originales signées Malcolm et merde. Pour couronner le tout, George Young et Harry Vanda
Angus : « Can I Sit Next To You Girl », « Rockin’ In The sont au fond du parc et assistent au concert. Pour Noel et moi,
Parlour », « Midnight Rock », « Sunset Strip » (Ndlr : qui c’est la fin. Je ne peux pas les en blâmer. Le groupe est pressé
deviendra « Show Business »), « Soul Stripper », etc. de réussir, or, nous le freinons dans son ascension car il nous
faut plus de temps pour être au point.
Dave Evans (chant) : Malcolm a également composé d’autres
titres comme « The Old Bay Road », que j’ai déjà mentionné, Noel Taylor (batterie) : Nous avons à peine passé deux mois au
et « Stay For A While ». Des morceaux que nous jouons sein d’AC/DC, mais Neil et moi n’avons aucun regret. Malcolm
régulièrement, mais qui n’apparaitront malheureusement
jamais sur album.

Neil Smith (basse) : « Baby Please Don’t Go » est aussi


de la partie. Au fil des dates à l’Hampton Court, nous
jouons devant de plus en plus de monde car le bouche à
oreille fonctionne bien. Le public est majoritairement
composé de drag queens, de putes faisant une pause,
de marins et de poivrots. Définitivement, une foule très
bigarrée, soit la meilleure des écoles pour un jeune
groupe. Alors, autant dire que nous nous marrons bien !

Si, en mars 1974, AC/DC se produit majoritairement


dans cette salle, il joue aussi dans des pubs, des clubs
de police, au Chequers, au Town Hall de Newcastle
en ouverture de Sherbet, dans une école de danse à
Gosford, ou encore, un samedi après-midi, au Lewisham
Hotel de Sydney. Un enregistrement réalisé par Noel
Taylor (à l’aide d’un magnéto portable Aiwa) à
l’Hampton Court durant cette période (Cf. encadré pour
setlist complète) montre qu’à l’époque, Malcolm et
Angus se partagent les soli, mais aussi que Malcolm
chante « Baby Please Don’t Go », tandis que Neil se
charge du « Carol » de Chuck Berry ! Courant avril
1974, AC/DC se produit au Victoria Park de Sydney en
compagnie d’un autre combo nommé Flake. Pour ce show en ne se sépare pas de nous parce que nous ne nous entendons
plein air, le groupe, désireux de frapper un grand coup, met les pas, mais tout simplement parce que notre style ne correspond
petits plats dans les grands, reprenant, pour l’occasion, cette pas à ce qu’il recherche. Et puis, dubitatif, j’ai un peu de mal à
idée de déguisements qu’il avait laissée de côté peu de temps partager leur vision : Angus et Malcolm ne cessent de dire
auparavant. qu’ils vont devenir l’un des plus grands groupes au monde. Australie, 1975
Ils n’ont pas le moindre doute à ce sujet. Pas qu’ils soient •Soul Stripper
Dave Evans (chant) : Il nous faut trouver un gimmick fort. arrogants. C’est juste qu’ils y croient dur comme fer. Et ils ont •Jumpin’ Jack
A l’époque, tous les groupes montent sur scène en jeans et raison, ce que je ne comprendrai que plus tard. Bref, nous Flash (The Rolling
Stones)
t-shirts. Nous voulons être différents, marquer les esprits pour venons donc de donner notre dernier concert avec AC/DC…
•Stick Around
faire parler de nous. Margaret, la sœur aînée des frères Young, •Little Lover
propose à Angus de porter un uniforme d’écolier. Malcolm, Décidément, le groupe a du mal à stabiliser son line-up, ou tout •School Days
quant à lui, veut ressembler à un aviateur : il porte donc des du moins sa section rythmique, même si Malcolm, malin, a déjà (Chuck Berry)
fringues de parachutiste et des bottes (Ndlr : en fait, ainsi repéré de nouvelles recrues. •Honky Tonk
vêtu, il rappelle surtout Alex, le héros du célèbre film Orange Women (The
Rolling Stones)
Mécanique sorti trois ans plus tôt). Neil se la joue motard Dave Evans (chant) : Le groupe Flake joue avec nous sur cette
•Shake Rattle
new-yorkais, tout en cuir, avec casque de moto vissé sur la tête. date au Victoria Park, et Malcolm en profite pour discuter And Roll
Noel, le batteur, est grimé en clown arlequin, avec chapeau longuement avec son bassiste, Rob Bailey, et son batteur, Peter (Big Joe Turner)
haut-de-forme et fringues bariolées. Quant à moi, je me la joue Clack, car il les juge nettement supérieurs à Noel et Neil qui, •The Jack
rock star ultime, un mélange de Rod Stewart (pour les sapes ceci étant dit, sont des types épatants. Or, Flake ne va nulle part.
rayées) et de Slade (les bottes rouges et argentées bien flashy !). Il tourne depuis longtemps déjà et ne parvient pas à percer. Rob Line-up :
Angus Young
Nous jouons en extérieur, sur le toit d’une piscine… Un et Peter n’hésitent donc pas et nous rejoignent rapidement.
Malcolm Young
moment historique puisqu’Angus porte son uniforme pour la Bon Scott
première fois ! Je ne l’ai jamais vu aussi dingue. Avant, il était Si leurs prédécesseurs n’ont guère eu le temps de profiter de Mark Evans
bien plus tranquille. Ce costard le transforme littéralement, fait leur place au sein du groupe, ce n’est pas le cas de Bailey et de Phil Rudd

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Clack qui, très vite, tirent quelques marrons du feu. Ainsi, par AC/DC en lui évitant de tomber dans les pièges les plus vicieux
exemple, ils sont de la partie lorsqu’AC/DC se produit le 9 juin du music business et en l’aidant à franchir les paliers, étape
1974 au mythique Opera House de Sydney en première partie après étape. La prochaine consiste à assurer, courant août 1974,
de Stevie Wright. L’ex-chanteur des Easybeats connaît un la première partie de la tournée australienne de Lou Reed
succès incroyable en Australie avec le single « Evie » extrait (Ndlr : le Sally Can’t Dance Tour). Une aubaine qui permet au
de l’album Hard Road paru en mars et sur lequel Malcolm groupe d’être exposé à des foules conséquentes alors que son
apparaît. Il se dit que 10.000 fans font le déplacement (même si premier clip est régulièrement diffusé par la chaine nationale
seule une minorité d’entre eux a accès à la salle) car c’est la GTK. Le 15 août, date du deuxième concert au Festival Hall de
première fois, depuis le split de The Easybeats, que Stevie Melbourne, George Young – encore lui – est sur place afin de
rejoue avec George Young et Harry Vanda. s’assurer que ses petits frères, sabotés deux jours plus tôt à
Sydney par l’équipe de Reed, bénéficie d’un son correct et
Dave Evans (chant) : Le concert, qui est gratuit car organisé suffisamment puissant. Chaque soir, AC/DC joue devant 2.000
par la radio 2SM, affiche complet. Des milliers de spectateurs ne à 5.000 personnes et, très rapidement, vole la vedette à un Lou
pouvant entrer dans la salle, des haut-parleurs ont été installés à alors en proie à de gros problèmes d’addiction à l’héroïne.
l’extérieur, de sorte que tout le monde puisse profiter du show. Adélaïde, Melbourne, Sydney, Brisbane, peu importe, la
Notre premier 45 Tours devant bientôt sortir, nous jouons bien sanction est la même.
sûr « Can I Sit Next To You Girl » et « Rockin’ In The Parlour »,
mais aussi « Rock’n’Roll Singer », « The Old Bay Road » et Dave Evans (chant) : Lou Reed traverse à l’évidence une
une reprise du classique d’Elvis Presley, « Hearbreak Hotel ». mauvaise passe, à tel point qu’il doit être soutenu par deux
« Une cover fantastique », si l’on en croit l’avis des critiques roadies pour parvenir jusqu’à son micro et sortir de scène.
parues par la suite, mais que nous n’avons hélas jamais Chaque matin, il lui faut ces deux mêmes aides pour descendre
enregistrée. Stevie Wright joue après nous, et Malcolm retourne prendre son petit-déjeuner à l’hôtel et retourner à sa chambre.
sur scène afin de l’accompagner aux côtés d’un batteur, de Nous ne lui parlons quasiment pas car, à chaque fois que nous
George qui tient la basse et d’Harry à la guitare. Je suis de la le croisons, il semble complètement défoncé. Résultat, AC/DC
partie moi aussi afin d’assurer les chœurs. C’est un moment lui vole le show chaque soir car nous rockons dur et avec une
merveilleux ! telle énergie que nos concerts sont en parfait contraste avec
ceux de Lou qui, la plupart du temps, demeure immobile, rivé
Deux jours plus tard, le 11 juin, AC/DC tourne un clip de « Can à son pied de micro afin de ne pas s’écrouler. A la sortie des
I Sit Next To You Girl » alors, pourtant, que ce single n’est pas shows, le public parle plus de nous que de lui. Désolé, mais
encore disponible en bacs. Larry Van Kriedt et Colin Burgess ne s‘il était malade, il aurait dû rester à la maison !
faisant plus partie du groupe, ce sont Rob Bailey et Peter Clack
qui y apparaissent aux côtés de Dave Evans, Malcolm et Angus, Durant cette tournée, le groupe joue notamment « Fell In
même s’ils n’ont pas enregistré ce morceau. Le tournage a lieu Love », une nouvelle compo aux allures de ballade dont le riff
au Last Picture Show, un ancien cinéma autrefois nommé The a été écrit par Angus et la mélodie conçue par Dave Evans. Ses
Odeon et transformé en salle de concerts au début des années paroles seront plus tard réécrites par Bon Scott qui renommera
70. AC/DC connaît bien l’endroit, situé à Cronulla (à une cette chanson « Love Song ». Si Angus a désormais adopté le
trentaine de kilomètres de Sydney), pour y avoir joué costume d’écolier, il lui arrive néanmoins, ponctuellement,
régulièrement. Ce qui n’empêche pas les musiciens d’être de se produire sur scène déguisé en… Zorro !
un peu fébriles.
Dave Evans (chant) : Il porte un chapeau, le fameux loup
Dave Evans (chant) : Je n’ai jamais tourné de clip auparavant noir sur les yeux, une cape et ses traditionnels shorts. Il a
et j’ai un putain de trac même si nous filmons en journée, alors même une épée en plastique ! Et ça le fait grave ! Il arrive
que la salle, qui est le repaire de tous les surfeurs du coin, n’est qu’il se serve de cette épée comme d’un archet ou qu’il me
pas ouverte au public. Le clip est filmé en couleurs, ce qui est provoque en duel sur scène. Auquel cas, pendant que nous
étonnant lorsqu’on sait qu’en Australie, à l’époque, tout le monde croisons le fer, épée contre pied de micro, il continue de jouer
a des téléviseurs noir et blanc. Nous rentrons chez nous excités avec sa main libre. Personnellement, je préfère ce costume
comme jamais et très impatients de découvrir le résultat. Lorsque de Zorro à celui d’écolier car ça me permet de me marrer
le clip est diffusé pour la première fois, nous le voyons donc en davantage en live avec Angus (Ndlr : il arrivera qu’Angus
noir et blanc. ressorte ce costume de Zorro lorsque Bon Scott fera partie du
groupe, notamment le 14 décembre 1974, lors de l’émission
Le 26 juin, AC/DC signe officiellement avec Albert Productions Countdown au cours de laquelle AC/DC jouera « Baby Please
et le 22 juillet, publie enfin son premier 45 Tours, « Can I Sit Don’t Go » avec Rob Bailey et Peter Clack).
Next To You Girl / Rockin’ In The Parlour », enregistré cinq
mois plus tôt. Greg Shaw, de Who Put The Bomb, l’un des Hélas, si côté scène, tout se passe bien, les rapports entre les
premiers fanzines rock, écrit alors : « AC/DC n’est très frères Young et Dave Evans se dégradent jour après jour.
probablement rien d’autre que le tandem Harry Vanda/George
Young entouré de requins de studio. Mais s’il s’agit d’un vrai Dave Evans (chant) : Nous tournons comme des malades,
groupe, sa ressemblance avec le Easybeats des débuts est dans des conditions pas toujours enviables, d’où certaines
étonnante. Les Easybeats étaient bien sûr connus pour leurs tensions. Je finis par prendre en grippe notre manager, un
dynamiques surpuissantes (…) et ce 45 Tours est une évolution certain Dennis Laughlin, car je ne parviens pas à comprendre
moderne de ce son classique, avec des riffs et des thèmes heavy où passe l’argent que nous gagnons. Notre single passe en
70’s. Comme si The Sweet avait écouté en boucle « Friday On radio toutes les cinq minutes, nous venons de faire l’Opera
My Mind », « Sorry » et « Easy As Can Be » (Ndlr : des hits des House de Sydney, mais nous sommes sans le sou ! Nous
Easybeats) durant une semaine, puis tenté de faire mieux. (…) nous nourrissons exclusivement de fish & chips. Dennis, lui,
Tout bien considéré, un disque épatant ! » n’a pas l’air dans le besoin. Ses dépenses sont probablement
justifiées, mais jamais il ne veut s’expliquer clairement.
Cette critique est assez bien vue pour qui connaît l’œuvre des On se tue à la tâche en donnant régulièrement deux à trois
Easybeats, ce qui prouve, une fois de plus, à quel point l’apport gigs par jour et nous ne voyons pas la couleur de l’argent.
et l’influence de George Young sont indispensables au bon Nos rapports en tournée se dégradent rapidement, à tel point
développement d’AC/DC. Comme si, frustré de la fin en queue que je finis par me battre avec Dennis à Adélaïde, ce qui bien
de poisson de son groupe, George tentait de se rattraper avec évidemment précipite ma perte.

A gauche : Neil Smith & Noel Taylor (Sydney, avril 1974)

55
En cette soirée de la fin août 1974, AC/DC joue au Pooraka Go » ! (rires) George en ayant marre de perdre son temps,
Hotel. Avant le concert, Vince Lovegrove, ex-chanteur des il fait appel à moi. Il est minuit passé lorsqu’Angus et Malcolm
Valentines reconverti en agent et manager, apprend de la bouche arrivent enfin, sans leur batteur, mais accompagnés de leur
de Malcolm Young que le groupe s’apprête à virer Dave Evans bassiste, Rob Bailey, et de leur chanteur, Bon Scott. Je connais
et lui cherche un remplaçant. ce dernier depuis 1968, quand il officiait encore au sein d’un
groupe de pop assez réputé, The Valentines. Lorsque je jouais
Vince Lovegrove : Je lui réponds que j’en connais un, un avec Grapevine, je l’avais également croisé avec un autre
certain Bon Scott avec qui j’ai chanté au sein des Valentines groupe, Fraternity, car nous répétions au même endroit,
(Ndlr : et qui a également fait partie du groupe hippy Fraternity). Jonathan’s, une boîte de nuit de Sydney. Je suis donc content de
Angus et Malcolm me répondent que Bon est trop vieux, qu’ils le retrouver… Nous discutons un moment, puis ils me proposent
cherchent quelqu’un de jeune. Je leur dis que Bon les prend où d’enregistrer avec eux dans le Studio 1 pour voir si ça le fait.
ils veulent, quand ils veulent. Plus tard, lorsque j’en parle à Ce soir-là, nous mettons en boîte « Show Business », puis
Bon, il me répond que les frères Young sont trop jeunes, qu’ils « Little Lover », et ils semblent apprécier ce que je joue. Il faut
ne sauraient pas rocker si leurs vies en dépendaient. Bref, sur le dire que j’ai déjà réalisé plusieurs sessions pour George et Harry
papier, ce n’est pas gagné, même si je suis persuadé qu’une telle et que ces derniers m’aiment bien, ce qui est évidemment un
association peut faire des étincelles. Ce soir-là, dans les loges, énorme avantage. Car si George aime, Angus et Malcolm ne
je présente donc Bon à Angus et Malcolm. C’est étrange car peuvent qu’adhérer. Ils ont énormément de respect pour leur
Dave Evans est présent et il est le seul dans la pièce à ignorer frère aîné car il a une grande expérience du milieu et les abreuve
ce que Bon fait là. Après le concert, Angus, Malcolm, Bon et de conseils toujours éclairés. Ils me demandent donc sur le champ
moi nous rendons chez Bruce Howe, le bassiste de Fraternity, de rejoindre AC/DC à temps plein, mais je refuse : « Désolé les
et organisons une jam dans son sous-sol. gars, mais je viens d’enregistrer ce nouveau single avec Flight
et j’y crois à fond ! » (…) La deuxième nuit, ou la troisième – je
Angus Young : Une fois sur place, Bon s’installe derrière le kit ne me souviens plus –, Rob Bailey est absent et c’est George
de batterie. Malcolm et moi lui disons : « Mais Bon, nous ne Young qui se met à la basse. Sur le coup, je n’ose pas demander
cherchons pas un batteur, mais un chanteur ! ». On sait qu’il pourquoi : ça ne me regarde pas et je suis bien trop content de
sait chanter, mais avant d’être chanteur, il était avant tout pouvoir jouer avec George ! (rires) Il enregistre les parties de
batteur. Pas un cogneur heavy, mais un batteur créatif, haut basse sur au moins la moitié des chansons de l’album. Le
en couleurs, très naturel. troisième soir, ils proposent de nouveau de m’embaucher comme
batteur, mais je merde. Angus ne cesse de me dire qu’ils ont pour
Bon finit par se saisir du micro et nos trois gaillards, épaulés projet de s’envoler bientôt pour l’Europe. Or, ayant un passeport
par le batteur de Fraternity John Freeman, rockent jusqu’à italien et étant incorporable, donc susceptible d’être appelé à
l’aube sur des reprises de Chuck Berry. Et la sauce prend effectuer mon service militaire dans mon pays natal, il m’est
immédiatement ! Le sort de Dave Evans, qui assure néanmoins impossible de voyager ainsi aux quatre coins du monde. Je refuse
encore quelques shows avec le groupe, est définitivement scellé. donc l’offre qui m’est faite, pour la seconde fois ! (rires) En tout
Le 25 septembre 1974, le chanteur donne son dernier concert et pour tout, il m’a fallu seulement quatre nuits, après mes
avec AC/DC à l’Esplanade Hotel de Melbourne, puis s’en va journées de boulot, pour mettre en boîte huit titres : « She’s Got
sous d’autres cieux former Rabbit. Et le 5 octobre, c’est au Balls », « Little Lover », « Stick Around », « Soul Stripper »,
Masonic Hall de Rockdale, dans la banlieue de Sydney, que « You Ain’t Got A Hold On Me », « Love Song », « Show
Bon Scott donne son premier show officiel avec AC/DC. Business » et la version single de « High Voltage ».

Angus Young : Dans les loges, il descend une bouteille de bourbon A en croire Currenti, le batteur John Proud n’aurait donc pas
et il a aussi de la dope. Je dis à Malcolm : « Nom de Dieu, si ce enregistré le morceau « Little Lover » comme raconté dans
mec parvient à marcher, frangin, ça va être quelque chose ! ». diverses biographies. George se charge de la majorité des parties
de basse, ne laissant que des miettes à Rob Bailey. Il n’est donc
Malcolm Young : Bon monte sur scène avant nous, se saisit du guère surprenant que ce dernier et Peter Clack se fassent renvoyer
micro et dit au public : « Tous ceux qui sont venus ici ce soir au début du mois de janvier 1975, pour être momentanément et
voir Dave Evans chanter avec AC/DC ne le verront pas. Le respectivement remplacés par Larry Van Kriedt (et parfois George
groupe l’a viré parce qu’il s’est marié ! ». Bordel de merde, Young) et Russell Coleman. Rapidement, Coleman quitte le
qu’est-ce que ce mec a fait ?!! Mais une fois sur scène avec lui, gang, laissant la place au batteur Phil Rudd, ex-Charlemagne
nous réalisons vite à quel point Bon est doué et professionnel. et ex-Buster Brown. C’est le 17 février que sort High Voltage.
D’entrée de jeu, il prend les commandes ! Quelques jours plus tard, Paul Matters (ex-Armageddon), un
grand bassiste blond, intègre le groupe. Il n’y fait pas de vieux
L’histoire, tout comme la légende, est en marche. En novembre os puisqu’il est viré par Bon Scott, alors qu’AC/DC s’apprête
1974, Michael Browning devient le nouveau manager d’AC/DC à jouer dans un lycée du nord de Sydney (Ndlr : probablement
qu’il installe à Melbourne, LA ville rock australienne, après que le 28 février 1975). George Young (voire Malcolm quand ce
le groupe ait fait ses adieux à Sydney en y assurant la première dernier n’est pas disponible) reprend la basse jusqu’à l’audition,
partie de Black Sabbath. Ce même mois, George Young et Harry le 16 mars 1975, du jeune Mark Evans (aucun lien avec l’ex-
Vanda produisent le premier album du combo, High Voltage, chanteur Dave Evans). Avec ce dernier, Angus, Bon, Malcolm
dans des Albert Studios flambant neufs. Durant ces sessions, et Phil, AC/DC tient enfin son premier line-up stable, celui qui
Malcolm, Angus et Bon sont accompagnés de plusieurs va accoucher des albums T.N.T. (1975), Dirty Deeds Done Dirt
batteurs : Peter Clack et un certain Tony Currenti. Cheap (76) et Let There Be Rock (77), et s’imposer, à la force
du poignet, en Angleterre, puis en Europe. Un monstre est né !
Tony Currenti (batterie) : Un soir, je suis présent aux studios
Albert avec mon groupe, Jackie Christian & Flight, pour Sources : Archives personnelles (interviews de Dave Evans,
enregistrer le morceau « Love Fever ». Vers onze heures du soir, Tony Currenti, Angus et Malcolm Young), www.acdccollector.com,
George Young me demande de bien vouloir rester aux studios No Nonsense AC/DC Webzine, et le livre Maximum Rock’n’Roll
afin de me présenter à ses frères cadets, Angus et Malcolm. de Murray Engleheart et Arnaud Durieux. Cet article est dédié
AC/DC a commencé à enregistrer son premier album avec un à la mémoire de Neil Smith, victime d’un cancer le 7 avril 2013.
autre batteur, Peter Clack, mais il n’en est pas content. A en
croire ce que me confie George, il a fallu dix jours à Clack pour (Première parution RH #139)
enregistrer un seul titre, en l’occurrence « Baby Please Don’t

A droite : Phil Rudd, Paul Matters, Angus Young,


Malcolm Young & Bon Scott (février 1975)
56
Launceston, Albert
Hall, 16.08.1975
•She’s Got Balls
•Show Business
•Soul Stripper
•School Days
(Chuck Berry)
•High Voltage
•The Jack
•Shake Rattle
And Roll
(Big Joe Turner)
•Baby Please
Don’t Go
(Big Joe Williams)

Line-up :
Angus Young
Malcolm Young
Bon Scott
Mark Evans
Phil Rudd
reportage

MAKING OF DU CLIP
« ROCK OR BUST » (2014)
Un reportage de Philippe Lageat • Photos : DR
Le 15 août 2008, Rock Hard assistait, à Londres, au grand retour date spéciale dans la carrière du groupe puisqu’elle fait mentir
d’AC/DC après cinq ans d’absence à l’occasion du tournage cet adage. Rassemblés dans le Studio 6 (où AC/DC, la veille, a
du clip « Rock’n’Roll Train ». Le 4 octobre dernier, notre équipe, tourné le clip de « Play Ball », sans public, sur un fond vert
sacrément vernie, a remis ça alors qu’AC/DC mettait en permettant l’incrustation d’images sportives), les fans
boîte la vidéo promotionnelle de « Rock Or Bust ». Témoignage. apprennent en effet, de la bouche du chauffeur de salle (le même
depuis des années) que c’est au tournage du clip de « Rock Or
Bust » qu’ils vont finalement assister et que – on s’en doutait –
RAIN OR BUST Malcolm, hospitalisé à Sydney, n’est pas là et est désormais
Londres, Angleterre, le 4 octobre 2014. Midi. Il pleut comme remplacé par Stevie Young. Plus étonnant, il ajoute que Phil
vache qui pisse sur la capitale du Royaume-Uni. A quelques Rudd, « malade », est lui aussi absent et qu’exceptionnellement,
dizaines de mètres de l’Apollo Victoria Theatre, pourtant, c’est un certain Bob Richards qui va aujourd’hui se charger des
plusieurs centaines de personnes bravent des gouttes grosses fûts. Stupeur et léger malaise dans les rangs des die hards, ce qui
comme le poing, totalement indifférentes aux intempéries. En est compréhensible car, Malcolm définitivement écarté, la
s’approchant de la masse grouillante, on distingue plusieurs situation d’AC/DC est déjà suffisamment compliquée pour
accents : anglais, bien sûr, mais aussi français, allemand, belge, qu’un deuxième membre du groupe brille lui aussi par son
espagnol, italien, canadien et même argentin. Un simple coup absence. Vu le caractère « changeant » de Phil, la rumeur se
d’œil circulaire sur les blousons et les t-shirts portés suffit pour répand comme une trainée de poudre : « Et si Phil ne faisait plus
comprendre que nous n’avons ici affaire qu’à des fans d’AC/DC. partie du groupe ??? ». Pas le temps de gamberger car nous
Il faut dire qu’une dizaine de jours plus tôt, le site officiel du sommes maintenant conviés à découvrir le titre « Rock Or
groupe, www.acdc.com, a lancé un concours sur la Toile, Bust » le temps d’une unique écoute.
originellement réservé aux fans anglais : « Tentez votre chance
afin d’apparaître dans le prochain clip d’AC/DC ! ».
Evidemment, l’Europe des « die hards » a répondu comme un CIRQUE ROYAL
seul homme, d’autant qu’il suffisait de laisser ses coordonnées. A 15h00, à peine remis de leurs émotions, les fans (ils sont
Pas bien compliqué, et donc très tentant. Alors, tout le monde, ou maintenant 450 environ, Sony ayant laissé entrer tous ceux qui
presque, a renvoyé le petit questionnaire, à tel point que Sony a avaient eu le courage de se déplacer sans avoir de billet. Bon
reçu plus de 16.000 « candidatures ». Seulement voilà, la maison point !) sont invités à rejoindre le plateau N°5 et y découvrent
de disques, le 2 octobre, n’en a retenues que 500. Cinq fois cent une arène circulaire formée de cinq rangées de gradins
fans qui ont tous reçu une confirmation par mail et se sont concentriques et au milieu de laquelle trône le matériel du
empressés, pour la plupart, de confirmer leur présence deux groupe en configuration ultra minimaliste : Gretsch rouge,
jours plus tard à Londres. Ce sont ces chanceux qui s’entassent Gibson SG, basse Fender Precision, kit de batterie Premier pour
devant nous, dans une cohue bon enfant, mais évitable, afin de cymbales Paiste et quelques rares amplis. La proximité
récupérer le ticket qui leur permettra de grimper dans l’un des incroyable que vont bientôt avoir les spectateurs avec le groupe
huit bus garés quelques rues plus loin. Sony a beau avoir leur donnera l’impression de voir ce dernier évoluer dans un
organisé les choses de la même façon le 15 août 2008, son pub ! Dans chaque coin de la salle, un comptoir de bar laissant
personnel, qui porte une casquette orange, semble débordé et pas apparaître quelques bouteilles savamment éclairées. Une fois les
vraiment carré quand il aurait pourtant suffi, au lieu de laisser les fans placés, le groupe déboule enfin dans une ambiance
fans attendre sous le déluge, de les faire monter un à un dans les incroyable : Angus Young, avec costard vert pour casquette
bus par groupe (un numéro de groupe accompagné d’un code marron (il ne rangera jamais son costume d’écolier et c’est très
barre figurait en effet dans chaque mail de confirmation). Mais bien comme ça !), Brian Johnson, très en forme, Cliff Williams,
passons… Il est maintenant 13h15 et nous quittons enfin les souriant comme rarement, Stevie Young, étonnamment à l’aise
abords de Victoria, direction la « Highway To Hell » ! pour sa première apparition publique officielle depuis l’annonce
du retrait forcé de Malcolm, et Bob Richards, fier d’être là mais
forcément discret au regard des circonstances. Renseignements
VIDEO SANS PHIL pris, ce dernier, né en 1965 au Pays de Galles, a joué avec The
A peine sommes-nous partis que les consignes tombent : Wild Family, Shogun, Adrian Smith Band, Asia et Man. Pour lui,
« Interdiction formelle de prendre des photos ou d’enregistrer ce tournage tient du rêve éveillé car on devine qu’il n’a pas été
quoi que ce soit une fois sur place, sans quoi c’est le renvoi pur choisi pour ses talents de batteur (après tout, le tournage aura
et simple du plateau ! ». On regrette les tournages « à la bonne lieu en playback), mais bien pour son étonnante ressemblance de
franquette » de « Who Made Who » (1986), « Heatseeker » (88), dos (vous avez bien lu, « de dos » !) avec Phil Rudd. Tout porte
« Are You Ready » (91) ou autre « Hard As A Rock » (95), pour donc à penser que Mallet, le réalisateur, va se charger au
ne citer qu’eux, où le précédent label du groupe, Warner, n’avait montage de laisser croire, à l’aide de divers plans filmés de dos
que faire de telles restrictions, mais personne ne pense à se et de trois-quarts, que Phil était bien présent à Londres. Dans le
plaindre, trop ravi de faire partie des « happy fews » conviés à la petit cirque, l’ambiance est électrique : « Ai-Ci-Di-Ci ! Ai-Ci-Di-
fête. On signe donc le contrat les yeux fermés avant de se voir Ci ! Ai-Ci-Di-Ci ! Ai-Ci-Di-Ci ! » hurlent les fans de plus en plus
remettre un bracelet noir, sésame parmi les sésames, et une rapidement, jusqu’à ce que le nom du groupe s’évanouisse dans
pochette plastique dans laquelle il nous faut glisser notre un tonnerre d’applaudissements. Electrique donc, mais bon
téléphone avant de le déposer à la consigne. Après trente bonnes enfant, familiale, et évidemment chargée d’émotion lorsque
minutes de route, nous arrivons enfin dans Alliance Road, la rue Brian, d’entrée de jeu, évoque Malcolm : « Nous sommes très
des Black Island, studios dans lesquels AC/DC avait déjà filmé tristes que Malcolm ne soit pas parmi nous. Sachez que c’est lui
« Rock’n’Roll Train » en 2008. Nous évoluons en terrain qui nous a demandé de continuer. Il veut que le groupe
d’autant plus connu que, comme on pouvait s’y attendre, c’est survive ! ». Dans l’arène, la chorale des fans reprend de plus
une fois de plus Serpent Productions, la boîte du réalisateur belle : « Mal-Colm ! Mal-Colm ! Mal-Colm ! ». Touché mais
David Mallet (Queen, David Bowie, Pink Floyd), qui est aux digne, Angus enfonce plus profondément sa casquette et fixe le
commandes. On l’aura compris, AC/DC, fidèle à ses habitudes, sol afin que personne n’aperçoive ses yeux embués. Première
aime travailler avec les mêmes personnes et n’est pas vraiment prise, à fond les ballons : public survolté, groupe visiblement
du genre à se remettre en question. Ce samedi, pourtant, est une heureux d’être là, et Angus qui donne déjà le tournis aux

60
Le Studio n°5

cameramen en s’en allant faire le pas de canard dans le dos de


Bob Richards ! In rock we trust, it’s rock or bust !

BOB LE BRICOLEUR
Que c’est bon de retrouver ces sensations primales, cette
musique gorgée de groove qui fait invariablement headbanguer
et taper du pied, et ce son, cette rythmique imparable pourtant
jouée par Stevie. Le public ne s’y trompant pas, le neveu
d’Angus et Malcolm (et ex-Starfighters) est lui aussi longuement
acclamé à l’issue de la deuxième prise : « Ste-Vie ! Ste-Vie ! Ste-
Vie ! » Il faut dire qu’il se donne à 200%, chantant chaque refrain
comme si sa vie en dépendait, débordant d’enthousiasme. Les
roadies de Mal et Phil, Geoff Banks et Dickie Jones, très
protecteurs, veillent sur leurs nouveaux protégés comme des
poules sur leurs œufs. Cliff a également droit à son ovation, de
même que Bob, le groupe souriant de voir les fans jouer ainsi le
jeu sans se prendre la tête, tous regroupés derrière un AC/DC
pour le moins secoué ces derniers temps. Entre les prises, les
musiciens s’en repartent dans leurs loges, non sans oublier de
serrer les paluches qui se tendent vers eux ou de distribuer
quelques médiators. Cristian, un fan argentin qui est venu tout
spécialement à Londres pour ce clip, sans aucune certitude de
pouvoir y assister, se régale au deuxième rang, tout comme l’un
de ses homologues écossais, en kilt. Deux prises sont encore
tournées dans la même ferveur, la dernière d’entre elles ne
mettant en scène que la section rythmique Stevie/Bob/Phil le
temps de capturer quelques gros plans bienvenus. Voilà, c’est
déjà fini ! Pour qui a déjà assisté par le passé à un tournage de
clip d’AC/DC (tous interminables), c’est à peine croyable. Même
l’équipe de Mallet semble avoir du mal à réaliser : « C’est allé
très vite, reconnaît le chauffeur de salle, avant d’ajouter, jetant un
regard complice à un Brian impérial, « tout comme hier
d’ailleurs ! ». Angus, Brian, Stevie et Cliff se retournent une
dernière fois vers le kit de Bob afin de lui serrer la main.
Quelques minutes plus tard, alors que le quintet est inabordable
et que les fans sont invités à prendre un panier repas dans le
Studio 6, notre équipe se voit conviée à retrouver le groupe dans
sa loge afin de lui remettre le livre « AC/DC Tours de France
1976-2014 » sur lequel elle planchait depuis sept ans. Nous
reconnaissant, Brian se lève immédiatement et se met à chanter
« Sur le pont d’Avignon », en français s’il vous plaît. Plus tard,
avant de quitter les lieux, Angus signera à la volée quelques
autographes aux derniers fans présents. Quelles retrouvailles,
mes aïeux !

ET MAINTENANT ?
Rock Or Bust, l’album, est annoncé pour le 1er décembre. Il est
toutefois vraisemblable qu’en France, on le trouvera dans les
bacs dès le vendredi 28 novembre. A en croire le tourneur Gérard
Drouot, que nous avons récemment croisé, deux Stade de France
seraient prévus pour 2015. Et peut-être même (ça reste à
confirmer) une ou deux dates en province. Mais la question qui
taraude maintenant les fans est la suivante : Phil Rudd fera-t-il
partie du voyage ? Il semblerait qu’au moment où nous écrivons
ces lignes, les autres membres du groupe l’ignorent encore. Brian
a parlé de « problèmes personnels » lors du tournage, mais tout
laisse à croire que le malaise est plus prononcé que ça. Les
AC/DC n’ont d’ailleurs pas hésité, récemment, à s’afficher à
quatre sur la première photo officielle de cette ère Rock Or Bust
quand il aurait été bien plus simple de faire ajouter Rudd sur ce
cliché via Photoshop, histoire de rassurer les fans. Wait and see…
© Stephan Deshaies

Special thanks to : Stevie Young, Brian Johnson, Angus Young,


Cliff Williams, Bob Richards, Tim Brockman & Michel Remy.
(Première parution : Rock Hard #148)

Bob Richards

61
INTERVIEW
PROMO « ROCK OR BUST » (2014)

INTERVIEW ANGUS YOUNG & CLIFF WILLIAMS


Propos recueillis par Philippe Lageat • Interview réalisée le 05 novembre 2014 à Paris • Photos : DR
AC/DC l’a déjà prouvé en 1980, quelques mois après la Nous avons toujours conservé, dans nos archives, de nombreux
disparition de Bon Scott, en publiant Back In Black, morceaux plus ou moins avancés. Malcolm est donc très présent
deuxième disque le plus vendu de tous les temps derrière le sur Rock Or Bust. Il a écrit jusqu’à ce que son état de santé l’en
Thriller de Michael Jackson : ce groupe n’est jamais aussi empêche. Nous disposons donc de beaucoup de matériel inédit
fort que dans l’adversité, lorsqu’il a le dos au mur et qu’on conçu ces six dernières années, mais aussi de titres – ou d’idées
ne donne pas cher de sa peau. Alors que le « boss » et de titres – plus anciens qui remontent, pour certains, à un
guitariste rythmique Malcolm Young, touché par une paquet de temps. A vrai dire, nous n’avons jamais été à cours
maladie dégénérative, a définitivement jeté l’éponge et que d’idées. L’angoisse de la page blanche ? Pas vraiment pour
le batteur Phil Rudd connaît de sérieux soucis avec la justice nous ! Il n’empêche que c’est parfois compliqué car tu ne
néo-zélandaise, AC/DC le prouve encore une fois en disposes pas toujours du temps nécessaire pour reprendre
publiant, au cœur de la tempête, un Rock Or Bust chacune de ces idées et te pencher davantage dessus pour la
d’excellente facture. Présents à Paris en novembre dernier, développer et, éventuellement, la finaliser. Parmi les onze
Angus Young, Capitaine Courage seul à la barre du navire chansons qui apparaissent sur Rock Or Bust, certaines sont
désormais, et le discret Cliff Williams (basse) ont répondu à récentes et d’autres plus vieilles. Mais tu sais, c’est ainsi que
toutes nos questions sans jamais chercher à botter en touche nous avons toujours agi : sur chacun de nos albums précédents
et nous ont narré la genèse de cet album anti déprime qui figuraient également des morceaux spécialement composés
chasse le blues ambiant à grandes rasades de rock joyeux. pour l’occasion et d’autres écrits antérieurement. Cette façon
Rock the blues away… de faire est dans la nature même du groupe. Lorsque Malcolm
et moi jammions ensemble, ces improvisations débouchaient
Rock Hard : Quand Malcolm vous a-t-il appris qu’il ne parfois sur de bonnes idées que nous finalisions ou que nous
pouvait plus tenir son poste au sein d’AC/DC ? mettions de côté afin de revenir dessus plus tard, voire bien plus
Angus Young : Six mois environ avant que nous ne tard. De certaines de ces ébauches naissaient des morceaux, ou
commencions à travailler sur le nouvel album… Mais j’avais des bribes de morceaux, que nous insérions au sein d’autres
déjà un pressentiment, je l’avais vu venir. C’est sa maladie qui compos : « Tu te souviens de ce riff ? J’aimerais bien que nous
veut ça : son état de santé ne peut aller en s’améliorant, il se rebossions dessus ! ». C’est ainsi, par exemple, que nous avons
dégrade invariablement au fil des jours. Mais Malcolm lui- partiellement conçu des albums comme Highway To Hell (1979)
même a toujours aimé aller de l’avant. Il a parfaitement compris, et Back In Black (80) : Malcolm avait une idée de riff, mais ne
seul, qu’il ne serait pas en mesure de continuer avec nous. parvenait pas à s’en servir car il lui manquait un refrain. Et tout
à coup, je lui soumettais un plan – ou il me soumettait un plan –
Avez-vous un instant envisagé de laisser tomber et d’arrêter et, enfin, des années après sa création originelle, ce riff se
là la carrière d’AC/DC ? transformait en un morceau. Ça a notamment été le cas de
C’est difficile à dire… Bien sûr qu’il m’est arrivé de penser à « Whole Lotta Rosie », que nous avons longuement trituré avant
jeter l’éponge mais, pendant un certain temps, j’ai cru au d’en être pleinement satisfaits (Ndlr : à l’origine, ce morceau,
miracle : ils vont trouver un truc pour sortir Malcolm de là, un alors intitulé « Dirty Eye », avait une structure et des paroles
vaccin, des cachets. Et puis, le temps passant et son état mental différentes. Voir son évolution dans le coffret Bonfire paru en
se détériorant, il a bien fallu que je me fasse une raison. 1997). Il arrivait aussi souvent que nous oubliions une idée dans
D’autant qu’il s’est également fait opérer du cœur et des nos cartons ou que nous finissions par abandonner un plan qui
poumons. Il faut savoir que la maladie de Malcolm n’est pas nous avait semblé génial car, avec le recul, il nous apparaissait
survenue du jour au lendemain. Avant même que nous moins bon.
n’enregistrions Black Ice (Ndlr : le précédent album du groupe
mis en boîte et publié en 2008), on pouvait déjà observer Votre neveu, Stevie Young, vous avait déjà dépannés sur
ponctuellement que Malcolm n’agissait pas comme il l’avait la tournée américaine de 1988 quand Malcolm s’était
toujours fait jusqu’ici. Connaissant mon frère sur le bout des volontairement mis en retrait afin de se défaire de son
doigts, je le voyais à certains détails. Son comportement me addiction à l’alcool. Pour autant, le rappeler cette fois-ci
semblait parfois bizarre, sa concentration, notamment, s’est-il avéré évident ? Après tout, c’est une chose de partir
faiblissait. Et peu de temps après, mes craintes se sont en tournée, c’en est une autre d’entrer pour la première fois
malheureusement avérées fondées quand, suite à une batterie en studio avec AC/DC…
d’examens, les médecins ont diagnostiqué sa maladie. Je lui ai C’est vrai, mais faire de nouveau appel à lui s’est néanmoins
alors posé la question : « Que veux-tu faire ? Veux-tu continuer imposé à nous comme une évidence car il ne faut pas oublier
à jouer avec nous ? ». Et il m’a répondu : « Absolument. Tant que, dans le passé, Stevie avait bossé sur d’autres projets en
que mon état me le permettra ! ». Il était très décidé, comme compagnie de Malcolm. Entre deux tournées, quand il avait un
il l’a toujours été. C’est même lui qui nous a recommandé le moment de libre, il arrivait fréquemment que Malcolm aille lui
producteur Brendan O’Brien (Bruce Springsteen, Pearl Jam). filer un coup de main sur l’un des divers groupes qu’il a montés
A l’évidence, il savait très précisément ce qu’il voulait pour le au fil des ans. Ils ont donc passé pas mal de temps ensemble
bien du groupe. Idem pour la tournée, le Black Ice Tour (Ndlr : (Ndlr : Mal a notamment travaillé avec Stevie sur la démo
qui a eu lieu du 26 octobre 2008 au 28 juin 2010). Il suivait un Skin Games du projet Little Big Horn, au début des années 90).
traitement, était sous médicaments, mais il voulait absolument Mal a toujours eu beaucoup d’affection pour Stevie.
aller au bout. A tel point qu’il n’a pas hésité à réapprendre Probablement parce qu’ils ont de nombreux centres d’intérêt
certains riffs pour être en mesure de tourner avec nous. en commun. Il est même arrivé, à plusieurs reprises, que mon
frère me parle de certaines compos de Stevie en termes très
Angus, as-tu eu le temps de composer de nouveaux titres élogieux : « Il faut que tu écoutes ça, c’est vraiment bon ! ».
avec lui ?

63
Cliff, lorsque Stevie a remplacé Malcolm en 1988, en Australie, Stevie, le fils de Steven, l’un de tes frères aînés,
quel impact cela a-t-il eu sur le son du groupe ? était du voyage. Son frère Fraser aussi. Ont-ils eu l’occasion
Cliff Williams : C’était un peu différent, ce qui est logique car d’assister aux premiers pas australiens d’AC/DC en
chaque guitariste a sa patte, une manière de riffer qui lui est 1974/75 ?
propre, une certaine attaque. Mais il évolue dans la même ligue Non, pas vraiment. Il est arrivé à Fraser de traîner avec nous,
que Malcolm, son jeu n’est pas si différent. Les influences sont mais pas au début, un peu plus tard. Quand nous sommes
les mêmes. Et cette fois-ci encore, durant l’enregistrement de arrivés en Angleterre, en 1976, nous les avons recroisés
Rock Or Bust, il a abattu un boulot phénoménal ! Il a vraiment régulièrement car ils étaient revenus s’installer en Ecosse.
bien bossé.
Le 4 octobre dernier, vous avez retrouvé votre public à
A-t-il pu apporter sa contribution aux nouveaux morceaux, l’occasion du tournage, à Londres (UK), du clip de « Rock
faire part de ses suggestions ? Or Bust ». Un moment chargé en émotion puisque,
Angus Young : Il m’a aidé, avant que nous n’entrions en studio, forcément, Malcolm était absent…
à mettre les choses en place et à m’organiser. L’organisation Cliff Williams : Ce fut très cool de remettre la machine en
n’est pas mon fort ! (rires) Il faut dire que cette tâche incombait branle après avoir enregistré l’album. Tout s’est très bien passé
auparavant à Malcolm, qui a toujours été très méticuleux et et l’accueil des fans a été fantastique !
pointilleux dès lors qu’il s’agissait de planifier, de monter un
emploi du temps qui se tienne ou de garder une trace de tout Effectivement. Entre les prises, on pouvait même les
ce sur quoi nous bossions. Moi, je me contentais de prendre entendre chanter les prénoms de Malcolm et de Stevie.
ma guitare et de jouer. Heureusement, parfois, qu’il était là Angus Young : Et celui de Bob Richards, le batteur qui nous
pour appuyer sur la touche « record » alors que moi, j’étais dépannait ! Ça, ça m’a vraiment fait marrer. J’ai trouvé ça très
déjà au milieu d’un riff ! (rires). J’ai toujours travaillé comme drôle ! (rires).
ça, à l’instinct, alors que lui était extrêmement organisé. Cliff Williams : Oui, il a été très bien accepté.
Il enregistrait tout sur bandes ou sur CD.
Cliff Williams : Tu évoluais dans une sorte de « chaos Moins drôle était l’absence de Phil (Rudd/batterie).
organisé » ? (rires) Pourquoi n’était-il pas là ?
Angus Young : Oui, c’est exactement ça : un chaos organisé. Angus Young : Nous l’attendions tous. Il était supposé être là,
Même si, parfois, j’essayais de faire comme Mal, en prenant des mais il n’est pas venu. Pour être franc, ce n’est pas là quelque
notes… Mais bon, dans mon désordre, je sais toujours où j’en chose de nouveau pour Phil. Avec lui, ce comportement
suis (rires). Ce qui, j’en conviens, n’apparaît pas forcément erratique est toujours plus ou moins sous-jacent. Et c’est là
comme une évidence aux yeux des observateurs (rires). quelque chose qu’il va nous falloir régler. Nous tentons
actuellement de nous y employer. Evidemment, son absence
Angus, as-tu ressenti une pression supplémentaire au nous a déçus, mais je le répète, ce n’est pas la première fois
moment d’enregistrer le nouvel album du fait de la tournure qu’il agit ainsi. C’est un habitué. Parfois, avec lui, tu ne sais
des événements ? pas où tu en es. Enfin, je ne peux pas parler pour lui car c’est
Oui, dans une certaine mesure. Le plus dur a été de me décider difficile et délicat de décrire son attitude avec des mots.
à me lancer, de me dire : « Ok, maintenant, il faut y aller ! ». Toujours est-il qu’il est devenu imprévisible.
Parce que, dans un coin de ma tête, comme je l’ai dit plus tôt,
je ne pouvais m’empêcher de penser que Malcolm finirait par Vous a-t-il au moins dit pourquoi il n’était pas venu à
aller mieux. C’est ce côté inexorable des choses qu’il a fallu que Londres sur le tournage (Ndlr : interview réalisée le 4
je finisse par intégrer et accepter pour enfin décider d’avancer. octobre, à la veille du scandale qui a frappé le batteur de
De là, quand j’ai compris que tout le monde était partant, j’ai plein fouet) ?
tenu compte des emplois du temps de chacun et tout coordonné Les deux : Non, même pas !
afin que nous puissions aller de l’avant. Angus Young : (avec une mine incrédule) Rien ! (rires) Il ne
s’est juste pas pointé…
As-tu un instant envisagé d’enregistrer toutes les guitares ? Cliff Williams : Il semblerait que ce qu’il avait à faire là-bas
Oui, j’y ai pensé, mais j’ai rapidement rejeté cette idée. Je ne (Ndlr : en Nouvelle-Zélande où il habite) était plus important
joue pas comme ça (Ndlr : comprendre « comme Malcolm), à ses yeux que de nous rejoindre à Londres.
ce n’est pas naturel chez moi. Pas que je n’aime pas jouer en Angus Young : Ces clips (Ndlr : « Play Ball » et « Rock Or
rythmique – ça peut me plaire de temps à autre –, mais lorsque Bust ») étaient également très importants pour nous, pour
je le fais, mon style est très différent de celui de mon frère qui différentes raisons. Sans quoi, nous nous serions abstenus.
a ça dans le sang. Ça sonne comme une « rythmique Mais bon, même au moment d’enregistrer l’album, ça avait
angusienne », c’est assez bruyant en vérité ! (rires) Stevie, lui, déjà été la galère. Il a fallu que nous attendions qu’il daigne
parvient à jouer comme Malcolm le fait car c’est comme ça enfin se pointer au studio pour mettre en boîte ses parties de
qu’il a appris à le faire dès le départ. Dans le passé, il est arrivé batterie. A la longue, ça devient gavant d’avoir à convaincre
que Stevie vienne nous rendre visite en studio et qu’il jamme quelqu’un en permanence… Hélas, je ne peux pas deviner ce
avec Malcolm. Nous avons alors pu observer à quel point ils qui se passe sous son crâne.
étaient similaires, aussi carrés et fiables l’un que l’autre. Mais
moi, ce n’est définitivement pas mon truc. Lorsque je compose Aujourd’hui, 5 novembre 2014, vous n’êtes donc pas en
seul dans mon coin, j’enregistre des parties rythmiques afin de mesure de dire si Phil va ou non être présent sur votre
vérifier qu’un titre peut fonctionner, mais ça s’arrête là. Parfois, prochaine tournée ?
quand je faisais écouter le résultat à Malcolm, il me faisait un Non, effectivement. A ce point, nous l’ignorons… Tout ce que
compliment ou deux : « Hé, tu t’améliores en rythmique ! » Ou je peux dire, c’est que, quoiqu’il advienne avec Phil, nous allons
peut-être me charriait-il ? (rires). Toujours est-il qu’en aucun tourner et que nous aurons un bon batteur derrière les fûts. Ça,
cas je ne parvenais à sonner comme lui. c’est une certitude.
Cliff Williams : Comme tu le soulignais tout à l’heure, c’est un
Angus, quand tes parents ont quitté l’Ecosse pour s’installer cas de figure que nous avons déjà rencontré lorsqu’en 1988,

A gauche (de g. à d.) : Brian Johnson,


Stevie Young, Angus Young & Cliff Williams

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Il m’est arrivé de penser à jeter l’éponge mais, pendant
un certain temps, j’ai cru au miracle : ils vont trouver un
truc pour sortir Malcolm de là, un vaccin, des cachets.
Et puis, le temps passant et son état mental se
détériorant, il a bien fallu que je me fasse une raison
(Angus Young)
nous avons tourné aux USA avec Stevie à la guitare rythmique Quelques-unes, oui. Brendan lui-même aime ça, faire en sorte
et Simon Wright à la batterie. Et nous nous en sommes sortis. que les choses soient spontanées et fraîches, et en aucun cas
Nous le ferons encore… au besoin. « surjouées ». Il est vrai que quand tu commences à être trop en
confiance avec un morceau ou un solo, tu as inconsciemment
Avez-vous déjà le nom d’un éventuel remplaçant ? tendance à te déconcentrer et à la jouer trop facile, ce qui est
Angus Young : Disons que nous espérons encore pouvoir très naturel.
clarifier et résoudre la situation avec Phil car c’est un sacré
emploi du temps qui nous attend dans les mois à venir. Et tout Rock Or Bust ne dure que 34 minutes pour un total de onze
cela nous rend la tâche très compliquée car, pour faire ce que morceaux. On est loin de ces groupes qui cherchent à
nous avons en tête, nous devons aller de l’avant et agir en remplir leurs disques jusqu’à la gueule. Etait-ce voulu ?
professionnels. Et il est hors de question que nous ne puissions Oui. Nous avons cherché à préserver une certaine excitation,
tenir notre parole ou que nous décevions les fans car nous ne à aller droit au but. Brendan lui aussi nous a dit que ce qu’il
sommes pas en mesure d’assurer parce que Phil est absent ou tenait avant tout à éviter, c’était que les auditeurs zappent un
quoi que ce soit d’autre. Ces mots peuvent sembler durs dans morceau par ennui. Il n’y a rien de pire… C’est pourquoi il
ma bouche, mais je crois sincèrement que Phil doit avant tout nous a poussés à proposer des titres courts qui aillent droit au
résoudre ses problèmes et remettre de l’ordre dans sa vie privée. but, durant l’écoute desquels on n’ait pas le temps de piquer
un roupillon ! (rires)
Vous avez récemment laissé filtrer une nouvelle photo
officielle, la première de « l’ère Rock Or Bust », sur laquelle Vous pratiquez beaucoup votre instrument entre deux
vous n’apparaissez qu’à quatre, sans batteur. Etait-ce là une tournées ou deux albums ?
façon de dire à Phil : « Avec ou sans toi, nous irons jusqu’au Cliff Williams : (sourire) Oh oui, je pratique beaucoup mon
bout ! » ? instrument ! (rires)
Nous aurions pu tricher et rajouter Phil sur ce cliché avec Angus Young : En voilà une question pour le moins
Photoshop, mais dans ce cas-là, j’aurais demandé qu’on en personnelle ! (rires)
profite pour effacer ma tronche et me remplacer par une photo Cliff Williams : Cela m’arrive à l’occasion, avec des amis,
de moi en 1977, quand j’étais jeune ! (rires) Chacun d’entre juste pour le fun. Histoire de me dérouiller aussi car il s’écoule
nous aurait ainsi choisi son portrait préféré ! Tu imagines le toujours pas mal de temps entre deux tournées d’AC/DC. Alors
bordel, hahaha ! Plus sérieusement, nous n’avons pas cherché oui, je sors la basse de temps en temps, mais rien de très
à dissimuler la vérité, voilà tout. sérieux.

Après une unique écoute de l’album (Ndlr : rappelons que Nous savons que vous aimez les pionniers du blues et du
l’interview a eu lieu le 5 novembre 2014), j’ai trouvé que rock’n’roll, mais y a-t-il de nouveaux artistes qui ont
quelques influences ressortaient de certains nouveaux récemment attiré ton attention, Cliff ?
morceaux, peut-être de façon plus évidente que jamais : Oh, très franchement, je n’écoute que de vieux trucs : The
je pense notamment à Aerosmith, Led Zeppelin, mais aussi Beatles, The Rolling Stones, Chuck Berry… Quand mes enfants
à James Brown, Stevie Wonder et Muddy Waters. Qu’en allaient encore à l’école, il leur arrivait de me faire écouter de
pensez-vous ? jeunes groupes, mais aujourd’hui, je suis de nouveau coincé
Je n’ai jamais envisagé les choses sous cet angle, mais oui, dans une faille spatio-temporelle ! (rires) Pour moi, l’un des
on trouve certainement, disséminées ci et là, des influences de meilleurs bassistes demeure Paul McCartney, c’est tout dire !
divers musiciens. Mais si nous faisons appel à un producteur Hélas, je ne l’ai jamais vu sur scène, c’est là quelque chose que
extérieur comme Brendan O’Brien, c’est avant tout parce que j’adorerais.
c’est un fan de notre musique et qu’il est capable de nous
dire : « Oui, ça, c’est vraiment du AC/DC ! » ou « conservez Le Black Ice Tour a duré deux ans, ce qui a fait dire à Brian
ce passage, ça va vraiment fonctionner ! ». (Johnson/chant) qu’il ne croyait pas qu’il serait capable de
remettre le couvert sur une aussi longue tournée. Qu’allez-
Vous avez une fois de plus travaillé avec Brendan, mais aussi vous faire cette fois-ci ?
avec Mike Fraser. On ne change pas une équipe qui gagne, Angus Young : Nous voulons tous tourner, donc, oui, il va y
c’est ça ? avoir de nouvelles dates.
Disons que nous établissons une liste de personnes avec Cliff Williams : C’est prévu pour l’année prochaine, mais il est
lesquelles nous voulons travailler et que si celles-ci s’avèrent trop tôt pour annoncer quoi que ce soit car certaines données et
disponibles au moment où nous avons besoin d’elles, alors nous disponibilités restent à vérifier. Il faut tout coordonner, ce qui
ne nous posons pas davantage de questions… Nous aimons demande un certain temps.
bosser avec des gens qui nous connaissent et avec lesquels
nous nous sentons à l’aise, en confiance. Brian avait un moment évoqué 40 dates pour votre 40ème
Cliff Williams : Brendan sait précisément ce qu’il veut. Il n’est anniversaire… Vu la demande, on vous voit mal donner si
pas du genre à se reposer sur ses lauriers et maintient un certain peu de concerts.
flux, un rythme, qui fait que les choses avancent invariablement. Angus Young : Effectivement. Si tu pars en tournée, c’est pour
Il faut avoir une certaine expérience pour en être capable. Jour jouer partout où l’on te demande. Alors, quand nous remettrons
après jour, sa motivation ne faiblit pas, il sait précisément où il le pied à l’étrier, ce sera pour de bon. J’aime quand nous jouons
va. tous ensemble. J’aime jouer, tout simplement. Peu m’importe la
Angus Young : Du coup, avec lui, les choses vont vite. L’un taille de la scène. Alors, tant que le public voudra encore de
dans l’autre, nous avons enregistré les basic tracks en quatre nous et que nous aurons la santé, nous nous ferons un plaisir de
semaines, puis je suis resté seul avec lui à Vancouver (Canada) répondre présent.
durant quinze jours afin de mettre en boîte mes overdubs de
guitare et de m’assurer que tout était ok. (Première parution : Rock Hard #149)

Il y a beaucoup de premières prises sur ce nouveau disque ?

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CONCER T
ROCK OR BUST WORLD TOUR 2015-2016

AC/DC • VINTAGE TROUBLE • NO ONE IS INNOCENT


LES 23 & 26 MAI 2015 A PARIS (STADE DE FRANCE)
Je sais, je sais… Dès qu’il est question d’AC/DC, j’ai le plus les observateurs par surprise, AC/DC délaisse, une fois n’est pas
grand mal à faire preuve d’objectivité. Il ne faut pas m’en coutume, le blues « The Jack », mais aussi certains moments qui
vouloir (ou si peu) : ce groupe est l’histoire de ma vie, rien de lui permettaient habituellement de reprendre son souffle, comme
moins. A en croire la foule présente au Stade de France samedi le strip-tease d’Angus. Résultat, ça démarre à cent à l’heure et Setlist
23 et mardi 26 mai (tout de même 80.000 spectateurs par jour), ça accélère, encore et encore, jusqu’au bout. « Nous, vieux ? » •Rock Or Bust
je ne fais pourtant pas figure d’exception. « On ne va pas assister semble dire le Club des Cinq, « on va voir ça ! ». Sur cette tournée, •Shoot To Thrill
à un concert d’AC/DC comme on irait faire son petit marché. pas le temps de débander, les hits se succèdent comme à la •Hell Ain’t A Bad
On part plutôt comme on partirait en croisade, bardé de cuir et parade : « Back In Black », « Dirty Deeds Done Dirt Cheap », Place To Be
imbibé de bière, pour se faire éclater la tête à coups de décibels « Thunderstruck » (quel incroyable accueil !), « High Voltage », •Back In Black
•Play Ball
aux portes de l’enfer » écrivait le journaliste Maxime Chavanne « Hells Bells » (même si Brian Johnson ne se suspend plus à la
•Dirty Deeds Done
dans l’hebdomadaire Salut en 1980. A vrai dire, 35 ans plus tard cloche), « You Shook Me All Night Long », etc. Et ce n’est qu’un Dirt Cheap
(35 ANS !!!), rien n’a changé. Ou presque. Le cuir, aujourd’hui, début. Même « Rock’n’Roll Train », qui ouvrait le show sur le •Thunderstruck
laisse plutôt place à l’incontournable t-shirt de tournée (voire au Black Ice Tour, étonne par sa puissance, ainsi placé en milieu de •High Voltage
t-shirt « fait maison ») et la bière, ma foi, si elle continue de couler, show. Des nouveaux titres, c’est l’entrainant « Play Ball » qui, •Rock’n’Roll Train
coûte désormais neuf euros (NEUF EUROS !!!), Consortium du finalement, passe le mieux, le plus nerveux « Baptism By Fire » •Hells Bells
•Baptism By Fire
Stade de France oblige. Et puis, en 2015, on se déplace en s’avérant moins carré, surtout le premier des deux soirs, Brian
•You Shook Me All
famille pour voir AC/DC, et non plus forcément avec la clique. ayant des problèmes d’oreillette. Qu’on aimerait entendre « Dogs Night Long
Ambiance très détendue donc en ces deux jours de fête. D’autant Of War » à la place, même si ce vœu pieux est tout à fait subjectif. •Sin City
plus détendue que, contrairement à Munich où il a plu comme Et puis survient ce que j’appelle « la triplette des fans », trois •Shot Down In
vache qui pisse quelques jours plus tôt, Paris est gâté par la titres un peu moins connus du « grand public », mais que les Flames
météo. Novak Djokovic, le numéro un du tennis mondial, est là die-hards guettent comme le lait sur le feu : « Sin City » (qui •Have A Drink
On Me
lui aussi, heureux comme un gosse à quelques heures d’entrer voit Angus se servir de sa cravate comme d’un archet), « Shot •T.N.T
en lice à Roland-Garros. Des gosses… Il n’y a que ça dans Down In Flames » et plus encore « Have A Drink On Me », •Whole Lotta Rosie
l’enceinte du SDF où règne une ambiance bon enfant. No One extrait de Back In Black qui passe super bien sur scène et qu’on •Let There Be Rock
Is Innocent, uniquement présent sur ces dates parisiennes, reçoit n’avait plus entendu live depuis… 1985. La fin du set est Rappel :
un accueil poli. Il faut dire que le groupe français bénéficie d’un apocalyptique : « T.N.T », repris par 80.000 gorges, a des airs •Highway To Hell
son plus que correct, à défaut d’être puissant. Abonnée aux grosses de rallye de Nuremberg, le côté festif en plus, of course. Sacré •For Those About
To Rock
premières parties (Guns N’Roses, Motörhead, etc.), la bande à panorama que ces dizaines de milliers de spectateurs noyés dans
Kemar a le courage de puiser largement, durant les trente minutes un océan de sang (les cornes clignotantes se sont littéralement
qui lui sont allouées, dans son nouvel album, Propaganda, sous arrachées !), hurlant « Oï ! Oï ! » à l’unisson dans la nuit de
les yeux de Mouss, chanteur de Mass Hysteria (présent en Saint-Denis (ce sont les riverains qui doivent être contents !).
« Pelouse Or » le mardi). « Charlie » se voit même dédié aux Et puis, voilà la nouvelle Rosie gonflable façon « cabaret »,
victimes des attentats de janvier : « On n’oublie pas… Et on coquette avec son chapeau à plumes, coquine aussi lorsqu’elle
n’oubliera jamais ! ». Pour autant, c’est « Révolution.com » se caresse l’entrejambe pendant que, sur scène, AC/DC hurle
qui fait avant tout bouger la foule, même si, à l’applaudimètre, aux étoiles : « Whole Lotta Rosiiiiiiiiiiiie !!! ». Angus est
« La Peau » recueille le plus de suffrages. L’un dans l’autre, intenable et, pendant que Chris, Stevie et Cliff, impeccables de
le groupe s’en sort très correctement, ce qui, en première partie bout en bout, transforment « Let There Be Rock », les tables de
d’AC/DC, relève toujours de la gageure. loi, en boucherie industrielle, le lutin s’élève au-dessus de son
Avec Vintage Trouble, on évolue toutefois indéniablement un public le temps d’un solo dantesque qu’il conclut sur le mur
cran au-dessus. Adopté par le public depuis le début de la d’enceintes en fond de scène, un bras en l’air et la chemise à
tournée, le combo d’Hollywood continue de marquer des points tordre. Coiffé de cornes diaboliques, le guitariste réapparait au
à Paris avec son rock « gospel » saupoudré de soul. Il faut dire moment des rappels tandis que rugit « Highway To Hell ».
que Ty Taylor, le chanteur, ne s’économise pas. Sorte de sosie Enorme ! C’est bien simple, dans le Stade de France, tout le
de James Brown (jeune) portant des costards improbables, il monde chante et danse, donnant raison à Angus Young : « C’est
vocalise merveilleusement, mais sait aussi brosser les spectateurs en enfer qu’on s’amuse, pas au paradis ! (…) Et d’abord, il n’y
dans le sens du poil, allant jusqu’à descendre dans le pit pour a pas de rock’n’roll au paradis ! ». Les canons apparaissent sur
slammer durant « Run Like The River ». On retient également scène, une scène baignée dans des lumières incroyables (bravo
des titres enthousiasmants comme « Blues Hand Me Down » et à celui qui a conçu le light-show, superbe !). « For Those About
« Angel City », propulsés par un son assez puissant mais clair. To Rock » est joué alors qu’un soleil rouge sang embrase l’écran
Inconnu il y a quelques semaines encore de la plupart des fans géant central. L’heure du crépuscule des idoles n’a pourtant pas
d’AC/DC, le groupe crée la surprise en se faisant applaudir encore sonné. « Fiiiiiiiiiiiiiiiiire ! », et c’est déjà fini.
jusqu’au fond du SDF. Bien joué ! Franchement, on n’a pas vu le temps passer. On a juste kiffé
Evidemment, dans les minutes qui suivent son départ de scène, avec les potes, gueulé les paroles comme des malades, joué de
la tension monte de dix crans, des holàs débridées secouant l’air guitar à s’en cramer les doigts (mention spéciale au second
l’énorme arène durant de longues minutes. Ambiance électrique soir, plus carré et doté d’un meilleur son). Bref, on a pris un
lorsque l’heure tant attendue de la libération sonne enfin alors putain de pied. Ce groupe, avec ou sans Malcolm, avec ou sans
qu’un cartoon d’animation défile sur les écrans géants : saviez- Phil Rudd (Stevie et Chris ont tenu leurs postes avec une
vous qu’Angus Young et AC/DC avaient investi la Lune avant application de tous les instants), demeure, en 2015, le Maître du
même que Neil Armstrong n’y pose un pied ? Bam ! Le groupe Rock. Et dire qu’Angus, Brian et Slade ont respectivement 60,
apparaît dans un nuage de fumée, tronçonnant d’entrée un 67 et 68 ans ! C’est à peine croyable ! AC/DC est une icône
« Rock Or Bust » encore plus puissant que sur album. Angus indémodable qui réunit les générations et que certains ont enterrée
(costard rouge et casquette flanquée d’un « A » le 23, costard trop vite. A ceux-là, je demande : « Tu l’as sentie cette bonne
bleu le 26), en éternel adolescent qu’il est, semble n’avoir pas grosse baffe dans ta gueule ? ». Je sais, je sais… Dès qu’il est
pris une ride, tandis que, derrière lui, Cliff Williams, Chris question d’AC/DC, j’ai le plus grand mal à faire preuve
Slade et Stevie Young déchiquètent « Shoot To Thrill ». d’objectivité.
Paradoxalement, alors qu’on aurait pu s’attendre à voir le PHILIPPE LAGEAT
groupe – l’âge de ses musiciens aidant – ralentir la cadence sur Photo : MARC VILLALONGA
ce Rock Or Bust Tour, il n’en est rien. Au contraire, prenant tous (Première parution : Rock Hard #155)

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ENQUETE
ENQUETE AXL / DC 2016

GUNS FOR HIRE


Un sujet de Philippe Lageat • Photos : Marc Villalonga
Pour les fans d’AC/DC et de Guns N’Roses, mars et avril ce fameux « invité » ? Le terme « probablement » signifie-t-il
2016 demeureront à jamais des marqueurs majeurs dans la qu’il y a encore une chance que Brian Johnson puisse finir la
carrière de ces deux mastodontes du rock. 36 ans après tournée ? Et quid de la série de dates que le groupe a prévu de
l’avoir recruté, le premier a en effet dû se séparer de son faire en Europe du 7 mai au 12 juin ? Le mystère est entier.
chanteur, Brian Johnson, alors que le second, à l’inverse,
voyait ses trois principaux membres originaux retravailler Un début de réponse est donné le jour-même par Erin Lucas, la
ensemble pour la première fois depuis 1993. Cet improbable fille du bassiste Cliff Williams, sur son compte Instagram :
chassé-croisé s’est même, à la surprise générale, achevé en « Choquée, sans voix et tellement, tellement triste. Je ne peux
collision frontale puisque Axl Rose, le frontman des Guns imaginer à quel point il a dû lui être difficile de prendre cette
N’Roses, s’apprête à tenir le micro au sein d’AC/DC sur les décision. AC/DC ne sera pas le même sans toi, Brian ». Il ne
23 dernières dates du Rock Or Bust World Tour. Tentative de s’agit pas là d’un communiqué officiel, mais les fans, totalement
décryptage de cet incroyable et impensable rebondissement déboussolés, se raccrochent à ce qu’ils peuvent. Et ce « post »
qui n’en finit plus de déchaîner les passions… ne les pousse pas franchement à l’optimisme puisqu’il sous-entend
clairement qu’entre Brian Johnson et AC/DC, c’est bel et bien

WE SALUTE YOU, KANSAS CITY !


fini, et que le chanteur a donné son dernier show avec Angus
Young & Co. à Kansas City. Peu de temps après, prenant
Le 28 février dernier, AC/DC se produit au Sprint Center de probablement conscience qu’elle en a trop dit, Erin ajoute, à la
Kansas City (USA), dans le Missouri, devant 15.000 spectateurs. fin de son post, la phrase « je prie pour ton retour rapide », qui
A l’issue de l’ultime morceau du set, l’indéboulonnable « For se veut moins définitive sans pour autant rassurer les nombreux
Those About To Rock », et quelques secondes après une dernière fans du chanteur. Le 11 mars, quatre jours après que la nouvelle
salve de canons tonitruante, Brian Johnson s’avance vers le public soit tombée, un membre de l’équipe technique du groupe laisse
et lâche, dans une courbette, « we saluuuuuuuute youuuuuu ! planer peu de doutes quant à un éventuel retour de Brian en nous
And thank you ! », avant de porter sa main droite à son cœur à envoyant un mail court, certes, mais lourd de sens : « Nous sommes
deux reprises. Il tient sans doute à remercier ce public qui a accepté tous dans un endroit secret… La tournée européenne aura bien
sans broncher de venir l’applaudir un jour plus tôt que prévu, le lieu ». Notre équipe comprend dès lors qu’AC/DC auditionne –
show étant originellement calé au lendemain. Brian, hélas, a perdu, ou se prépare à auditionner – des chanteurs à l’abri des regards.
le 21 février, l’un de ses plus chers amis, le comédien Brendan Sinon, pourquoi investir un lieu « secret » ? L’envie du groupe
Healy, son « âme frère » comme il aimait à le décrire, originaire de poursuivre sa route quoi qu’il arrive nous est également
comme lui du Nord de l’Angleterre et qui se battait contre un cancer confirmée, tant par ce mail que par certaines déclarations à la
depuis cinq ans. Le chanteur d’AC/DC tenant à assister aux presse de promoteurs qui assurent que les concerts européens
funérailles de son ami le 1er mars à Fenham (UK), le concert de auront bien lieu, certains s’avançant même à promettre que
Kansas City a été avancé d’un jour. Le groupe a prévu de marquer Brian sera de la partie, faisant naître au passage de faux espoirs.
une pause d’une semaine avant de poursuivre la seconde partie
de sa tournée américaine (les seules dates en salles du Rock Or De leur côté, les médias et certains fans – qui oublient bien vite
Bust World Tour 2015/2016). Le prochain concert doit donc les 36 années de bons et loyaux services passées par Johnson au
avoir lieu le 8 mars à la Philips Arena d’Atlanta… chevet d’AC/DC – lui cherchent déjà un remplaçant. On se croirait
revenus en février et mars 1980, à l’heure où les hebdomadaires
C’est la veille de la reprise, le 7 mars, que, du côté d’AC/DC, et mensuels rock se lançaient dans une course au scoop pour tenter
se produit une secousse sismique. Un communiqué pour le d’être les premiers à annoncer le nom du successeur du regretté
moins inattendu est en effet posté sur le site officiel du groupe, Bon Scott, accidentellement décédé le 19 février. Cette fois-ci
www.acdc.com. Son titre ? « Les médecins conseillent au chanteur encore, des noms sont rapidement jetés en pâture à qui veut les
Brian Johnson d’arrêter de tourner » !!! « AC/DC, peut-on y lire, lire. Crédibles ou pas, ceux qui reviennent le plus souvent sont
se voit contraint de reprogrammer les dix derniers concerts US sans conteste ceux de Myles Kennedy (Slash, Alter Bridge),
de sa tournée mondiale Rock Or Bust. Les médecins ont conseillé Dave Grohl (Foo Fighters), Angry Anderson (Rose Tattoo),
au chanteur d’AC/DC, Brian Johnson, d’arrêter de tourner Marc Storace (Krokus), Jimmy Barnes et Steve Souza (Exodus).
immédiatement sous peine de devenir sourd ». Cette nouvelle, Certains vocalistes n’hésitent pas à proposer leurs services, la
déjà terrible en soi, est immédiatement suivie d’un second palme du ridicule étant à coup sûr attribuée à Howlin’ Pelle
tremblement de terre : « Tous les shows, de celui prévu demain Almqvist qui, sur la page Facebook de son groupe, The Hives,
à Atlanta jusqu’à celui qui devait se tenir au Madison Square ne perd pas une minute pour postuler et proposer ses services
Garden de New York début avril, auront lieu plus tard cette année, avec une modestie qui n’a d’égal que son manque d’élégance :
probablement avec un invité au micro (…) ». Sur les réseaux « (…) Si le groupe a besoin d’aide, je me lance en disant : « JE
sociaux et les forums de fans, stupeur, dans un premier temps, SUIS LA ! ». J’ai de très nombreuses années d’expérience, j’ai
et, très vite, le branle-bas de combat ! Il faut dire que les rocké sur les plus grandes scènes du monde et, à en croire ce
interrogations, nombreuses, se succèdent : Brian Johnson est-il qui se dit, je suis le plus grand frontman du rock. Et puis, à en
par ailleurs en bonne santé ? Sa surdité partielle est-elle juger à l’accueil que nous avons reçu en Australie (Ndlr : où
passagère ? Sa mise à l’écart forcée est-t-elle ponctuelle ou se The Hives a ouvert pour AC/DC à la fin 2015), votre public semble
veut-elle définitive ? Pourquoi AC/DC tient-il absolument à déjà m’aimer. Sans oublier que je chante vos chansons depuis
assurer les dates américaines restantes ? Pourquoi ne préfère-t-il l’âge de six ans. Alors, AC/DC, s’il vous plaît, prenez en compte
pas annuler purement et simplement la fin de sa tournée ? ma candidature (…) ». Pardonnez le très mauvais jeu de mots,
Pourquoi prévoit-il éventuellement de courir le risque d’honorer mais franchement, mieux vaut être sourd que d’entendre ça !
les dates repoussées avec un « chanteur invité » ? Pourquoi
l’annonce-t-il aussi tôt alors qu’il sait pertinemment que cette
hypothèse va bouleverser les fans ? Doit-on comprendre, par DERAPAGE INCONTRÔLÉ
l’emploi du mot « invité », qu’un éventuel « remplaçant » ne Le 13 mars, la fille de Cliff Williams, évidemment sollicitée par
serait pas considéré comme le nouveau chanteur du groupe, les internautes, précise qu’Angus Young, Stevie Young, Chris
mais bien comme un « dépanneur » ponctuel ? Qui pourrait être Slade et son père « doivent se réunir cette semaine afin de

A gauche : Brian Johnson, le 26.05.2015 au Stade de France,


pour ce qui reste à ce jour son dernier concert parisien.
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discuter des différentes options pour aller de l’avant ». Deux Déboulant au pire moment, Marc Storace tente de nous faire
jours plus tard, le 15, un nouveau Scud lancé des Etats-Unis avaler des couleuvres comme il l’avait déjà fait en 1980, clamant
finit de déchiqueter les dernières illusions des fans. L’humoriste à qui voulait alors l’entendre qu’il avait refusé de remplacer
américain Jim Breuer, ami de Brian Johnson, prétend en effet, Bon Scott. Se disant prêt, cette fois-ci, à accepter une éventuelle
via son podcast, avoir rencontré le chanteur le 12 mars en Floride, offre d’AC/DC (ah, bon ?), le chanteur de Krokus s’émerveille :
dans sa maison de Sarasota. Et ce qu’il raconte n’est pas très « C’est dingue qu’après tant d’années, cette situation se répète.
flatteur pour AC/DC, ainsi qu’en témoignent ces morceaux C’est vraiment, vraiment incroyable ! ». Quelques jours plus
choisis : « Je suis allé chez lui. Il était déprimé. Je ne l’avais tard, le bassiste Chris Von Rohr se charge de remettre les
jamais vu dans cet état auparavant. Il était dégoûté car il avait pendules à l’heure, tordant une fois pour toutes le cou à une
le sentiment d’avoir été viré comme une merde. (…) Il m’a dit : vieille légende urbaine : « Marc est un super chanteur, mais il
- J’ai eu Angus au téléphone et il ne disait rien. Rien. n’a jamais été convié à la moindre audition. Pas plus aujourd’hui
Il s’est contenté de répondre « ok » à plusieurs reprises. Je lui ai qu’à la mort de Bon Scott. C’est une fausse rumeur ». Et pan
dit : « Tu m’as l’air préoccupé. Je veux juste te faire savoir que dans les dents !
je suis là. J’ignore si je peux assurer tous les concerts qui
restent, mais j’aimerais vraiment faire le maximum de shows ». Le 17 mars 2016, Brian Johnson en personne répond par mail
Breuer poursuit. « Brian a dit : « Je voudrais vraiment finir à nos vœux de prompt rétablissement. Par respect pour sa vie
la tournée. Je pense que nous pouvons surmonter tout ça ». privée, nous ne publions pas aujourd’hui l’intégralité de sa
Et puis, tous ses bagages de tournée ont été déposés devant réponse, mais en voici le principal extrait : « (…) Ça a été très
l’entrée de son garage ! Sans aucun coup de fil préalable. Pas dur pour moi, mais Angus et Cliff m’ont beaucoup soutenu, et
de « comment va ton audition ? Et ta santé ? Boum, voilà tes eux aussi sont embêtés par cette situation. Mais ma santé passe
affaires, content de t’avoir connu ! ». D’un ton grave qu’on ne avant tout. Je leur ai dit de ne pas laisser AC/DC mourir (…) ».
lui connaît pas d’ordinaire, le comique ajoute que le chanteur Le chanteur n’ayant pas encore communiqué officiellement (ça
aurait perdu un pourcentage non négligeable d’audition durant viendra plus tard…), ces quelques phrases sont lourdes de sens
le Rock Or Bust Tour, dans les stades. Et va bien plus loin puisqu’elles vont à l’encontre des dires de Breuer : AC/DC, en
encore : « Il avait le sentiment d’avoir entendu de la bouche effet, soutiendrait son chanteur – comprendre « ne l’aurait pas
de quelqu’un qu’ils lui avaient déjà trouvé un remplaçant viré comme un malpropre » – et, mieux encore, Brian lui-même
(Ndlr : ce qui, on va le voir ensuite, n’était pas encore le cas). aurait demandé à ses comparses de continuer sans lui, pour le
C’est juste que ça n’avait pas encore été annoncé (…) Il est bien du groupe. Si ce mail se veut donc rassurant quant aux
convaincu qu’Angus veut continuer durant les dix prochaines relations internes au sein du quintet, il ne faut pas oublier qu’il
années avec ou sans lui. Il veut écrire un nouvel album et faire nous parvient alors que, sur le net et dans les médias, le doute,
une tournée supplémentaire (…) ». depuis quelques jours déjà, vérole tout forum ou article relatant
« l’affaire ». Peut-être Brian cherche-t-il simplement à calmer
BOOOOOOOOM !!! La « communication » officielle d’AC/DC le jeu et à nous rassurer en refusant de souffler sur les braises.
vole en éclats. Car peu importe finalement que ce que raconte Ce n’est assurément pas le but d’une source anonyme soi-disant
Breuer soit vrai ou non, le mal est fait, l’incendie allumé. Et rien, proche d’AC/DC qui, le lendemain, affirme à son tour que
ou presque, ne va pouvoir l’empêcher de se propager. Désormais, Brian s’est fait virer : « Tout ce que Monsieur Breuer a dit
dans la tête des fans, le doute s’est construit un petit nid bien originellement est vrai, de façon détournée. Jonna (Ndlr : le
douillet d’où il va être quasi impossible de le déloger. Et ce surnom de Brian) est un type fabuleux et a été traité comme de
n’est pas le timide démenti que, du bout des lèvres, Breuer fait la merde. Il a bien des problèmes d’audition, mais pas aussi
le même jour (certainement chahuté par des auditeurs qui sérieux que ce qu’ils prétendent. Ça a juste servi d’excuse pour
refusent de le croire et après s’être vraisemblablement fait le virer (…) Non, Marc (Storace) n’a jamais été envisagé
souffler dans les bronches par un Brian furieux de ces indiscrétions comme remplaçant possible, ni contacté par le management ».
– ou de ces mensonges – qui le mettent en porte-à-faux) qui Cette source – anonyme, rappelons le – précise également
parvient à éteindre des braises rouge cramoisi : « J’ai vu qu’Angus Young a ramené sa sélection à deux ou trois
certaines histoires circuler à propos de mon podcast. En tant chanteurs, « tous relativement inconnus en dehors de leur pays
qu’ami, j’ai vu Brian déprimé pour la première fois de ma vie. respectif. Ce ne sont pas des noms connus. Le groupe n’a
Ce n’est pas un lâcheur, il semblait blessé par le fait d’être jamais envisagé de faire appel à de grands noms de la scène
coincé entre le marteau et l’enclume. J’ai parlé comme un vrai pour remplacer Brian. Je pense qu’il [Angus Young] veut
fan et ami, juste pour évacuer mes émotions, comme s’il s’agissait dénicher un nouveau talent. Le plan est de se décider sur le
d’un frère. J’espère que j’aurai encore l’occasion de le voir chanteur dans les deux prochaines semaines, peut-être plus tôt,
rocker. Souvenez-vous que je suis un humoriste et un conteur. de reprogrammer les dates annulées et de retourner sur la route
J’exagère les choses délibérément et, parfois, je me laisse un comme si rien ne s’était passé (…) Une partie de ces auditions
peu emporter ! Ce qui a été le cas cette fois-ci ! ». On notera a consisté à travailler sur de nouvelles chansons. Je pense
toutefois qu’à aucun moment, le pyromane ne revient sur la qu’Angus veut retourner en studio après une pause bien plus
véracité intrinsèque de ses propos – ce qu’il est important de courte cette fois-ci. Ce n’est plus un groupe, mais une marque,
noter (Ndlr : il persistera d’ailleurs dans ses propos initiaux à comme Kiss je suppose, ce qui, franchement, est un peu à vomir ».
notre micro par la suite) – et qu’il semble surtout s’en vouloir Le problème de ce genre de déclaration est que, pour anonyme
de s’être laissé aller à ces indiscrétions qui ont plongé Brian qu’elle soit, beaucoup de gens y croient dur comme fer et en
dans l’embarras. Et pas que lui, les méthodes expéditives tirent des conclusions hâtives sans autre forme de procès. Pourtant,
prétendues d’AC/DC – on dit bien « prétendues » – déclenchant ainsi qu’on va le voir, cette source se trompe au moins sur un
immédiatement la colère de très nombreux fans. Erin Lucas, point… car AC/DC va faire appel à un « gros nom ».
forcément consciente des dégâts collatéraux qu’un tel missile

LE NOM DU ROSE
sol/air ne manque pas de faire, réagit sur Instagram : choquée
dans un premier temps (« Oh mon dieu, non ! C’est tout
simplement faux. Brian n’est pas qu’un simple copain de Toujours le 18, Mark Guglielmo, un fan de Guns N’Roses, se
groupe, mais l’un des meilleurs amis de mon père. Ce dernier fait prendre en photo en compagnie du chanteur Axl Rose qu’il
est évidemment dégoûté de la perte d’audition de Brian, comme vient de croiser au pied de l’hôtel Loews à Atlanta. Il poste ce
le reste du groupe. Inutile de préciser que cette situation est cliché sur le net, ignorant que ce geste qu’il pense anodin va
plus qu’emmerdante pour tout le monde »), puis définitivement bientôt plonger la Toile dans un tourbillon de folie. Le 22 mars,
outrée (« Mon sang bout dans mes veines. Rien de cela n’est une nouvelle source anonyme s’exprime (décidément, ça devient
vrai, de près comme de loin ! »). le nouveau « sport » à la mode !). Prétendant être proche de

72
Brian Johnson, elle « confirme » que ce dernier ne fait plus impeccablement millimétré qu’on comprend mieux pourquoi le
partie d’AC/DC, mais qu’il s’agit d’une décision mutuelle prise groupe ne s’est pas exprimé plus tôt : il voulait officialiser le nom
en accord avec le reste du groupe et qu’il n’a « pas été viré, pas de Rose via un communiqué, mais aussi sur scène, dans la foulée,
du tout. Il ne fera plus partie du groupe car il ne veut pas courir histoire de frapper un grand coup. Certains fans se réjouissent
le risque de devenir totalement sourd. (…) Le groupe a décidé de la nouvelle, mais le choix d’Axl est très majoritairement
que ce n’était peut-être pas la meilleure solution de continuer rejeté, du moins par de nombreux die-hards qui hurlent au
avec Brian si cela avait pour conséquence que son audition se scandale et s’empressent de revendre les billets de dates
détériore totalement. Eux non plus ne le veulent pas ». Le 23, européennes qu’ils avaient achetés quelques mois plus tôt,
la photo de Mark Gugliemo et Axl Rose est à l’origine d’une pensant que Brian Johnson en serait. Certains vont même
nouvelle rumeur : le chanteur de GN’R – qui se prépare à jusqu’à affirmer qu’AC/DC a cédé aux sirènes du business et
remonter sur scène avec Slash et Duff McKagan pour la réalisé le premier faux pas de sa carrière, signant son arrêt de
première fois depuis 1993 (voir encadré) – serait le nouveau mort en ce 16 avril 2016. Les grands noms du rock sont eux
chanteur d’AC/DC. Le lendemain, Ross Young, le fils du aussi partagés. Alice Cooper, par exemple, « pense simplement
guitariste Malcolm Young, confirme sur sa page Facebook : que c’est une combinaison unique. Quiconque est en possession
« C’est vrai ». Face aux réactions incrédules des internautes, d’un billet pour l’une de ces dates a un ticket en or. Qui voudrait
il enfonce encore le clou : « Il peut le faire, il va le faire ». rater ça ? (…) Sa voix est absolument parfaite pour ce groupe.
Il efface très rapidement son post, mais des captures d’écran Il se pourrait bien que cela fonctionne ». Un avis que ne partage
commencent à circuler, qui font encore enfler la rumeur. Jason pas Roger Daltrey, le chanteur de The Who : « Je me sens vraiment
Bailey, DJ de la radio Rock 100.5, à Atlanta, connaît lui aussi mal pour Brian. Ça doit lui briser le cœur après tout ce qu’il a
son quart d’heure de gloire en affirmant qu’une « source très, donné à ce groupe au fil des ans. J’ai trouvé que le communiqué
très fiable » lui a confirmé qu’Axl Rose était dans le coup : d’adieu qu’ils ont fait suivre à la presse et à Brian était vraiment
« Voilà ce qu’on m’a dit : Axl a rencontré le groupe AC/DC car laconique, pour le moins. J’ai eu de la peine pour lui. Ça a dû
c’est lui qui va tenir le micro sur les dix shows [américains] qui le blesser. J’ai parlé à Brian. Il y a des tas d’autres choses qu’il
restent (…) Ils sont en ville, ils auditionnaient des mecs pour le veut faire de sa vie. Je pense qu’il manquera bien plus à AC/DC
job, et puis, ils ont fait venir Axl par avion. Encore une fois, qu’AC/DC ne lui manquera. Voilà. Que peut-on décemment
c’est ce que m’assure ma source ». AC/DC ne communiquant attendre de la part d’Australiens ? (rires) Et Brian est tellement
pas depuis le 7 mars, les fans commencent à perdre patience. adorable. Je le connais depuis une quarantaine d’années… Alors,
Ils ont néanmoins du mal à en croire leurs yeux lorsque, le 28 aller voir un karaoké avec Axl Rose ? Vous n’y pensez pas ! (rires) ».
mars, le site de news people TMZ.com met en ligne deux photos

UNE QUESTION D’AUDITION


prises à Atlanta quelques jours plus tôt devant le même studio
de répétitions : Axl apparaît sur la première, Cliff Williams,
Stevie Young et Chris Slade sur la seconde. Jack Slade, le fils AC/DC ayant officialisé son choix, les langues se délient.
de ce dernier, a beau écrire un semblant de démenti crypté Certains chanteurs qui ont auditionné racontent en effet cette
(« 2 + 2 peut parfois faire 5 ») et un représentant de Guns expérience à part qu’ils ont vécue. C’est notamment le cas de
N’Roses affirmer que cette rumeur est « absolument infondée », Darren Caperna, le chanteur du tribute-band américain Back In
rien n’y fait : le ver est dans la pomme et les fans commencent Black, qui a rejoint les Boys à Atlanta le 14 mars. Il dit avoir
à s’entredéchirer sur la véracité de ces clichés et l’attitude à commencé par jouer avec les roadies du groupe, avant de chanter
adopter si Rose venait à chanter pour AC/DC. Comme toujours, un show complet avec les quatre AC/DC, mais aussi « Riff Raff »
le personnage d’Axl, aussi adoré qu’haï, ne laisse personne et « Dog Eat Dog » : « Même si je n’ai pas décroché le job, ça
indifférent. Le 16 avril 2016, après des jours et des jours de reste l’expérience d’une vie ! Faisant partie d’un tribute-band
prise de tête et de palabres, un second communiqué officiel depuis 16 ans, nous espérions rencontrer AC/DC un jour, mais
tombe enfin sur www.acdc.com. ce qui s’est passé a largement surpassé nos attentes. Maintenant,
j’aurai une super histoire à raconter à mes petits-enfants et aux
Intitulé « La tournée mondiale Rock Or Bust continue avec étudiants auxquels je donne des cours de guitare ». Les Robinson,
Axl Rose », le voici reproduit dans son intégralité : frontman d’un autre tribute-band nommé Thunderstruck, a
« Les membres du groupe AC/DC aimeraient remercier Brian auditionné le même jour que Darren après avoir été approché
Johnson pour sa contribution et son dévouement durant toutes par l’agence CAA Ltd. Prétendument recommandé par Cliff
ces années. Nous lui souhaitons le meilleur avec ses problèmes Williams qui l’aurait déniché sur YouTube, il dit avoir dîné le 13
d’audition et dans ses projets futurs. Même si nous tenons au soir avec l’équipe technique avant, le lendemain, de chanter
vraiment que cette tournée s’achève comme elle a commencé, la setlist classique du Rock Or Bust Tour, exception faite de deux
nous comprenons, respectons et soutenons la décision de Brian titres remplacés par « What Do You Do For Money Honey »,
d’arrêter de tourner afin de préserver son audition. Nous « Given The Dog A Bone », « Sin City », « Guns For Hire » et
sommes décidés à remplir nos engagements envers tous ceux quelques autres. Plus intéressante est la rumeur selon laquelle
qui nous ont soutenus au fil des ans et avons la chance qu’Axl Phil Conalane, le chanteur de Million Dollar Reload (qui avait
Rose ait gentiment proposé de nous aider à respecter ces été pressenti pour devenir le frontman de Velvet Revolver,
engagements. AC/DC va achever sa tournée mondiale Rock Or l’ex-groupe de… Slash), aurait lui aussi auditionné entre le
Bust avec Axl Rose au chant. La tournée européenne des stades 14 et le 18 mars, un jour avant Axl Rose. Plus intéressante car
commence le 7 mai à Lisbonne, au Portugal, et s’achèvera le 12 voilà un gaillard qui est autre chose qu’un simple clone de Brian
juin à Aarhus, au Danemark, comme précédemment annoncé. Johnson et dont la voix à la personnalité affirmée pourrait peut-
Après ces dates européennes avec AC/DC, Axl assurera la être « coller ». Autre atout non négligeable, le garçon n’est
tournée estivale des stades Not In This Lifetime en compagnie pas américain, mais irlandais, ce qui est probablement un
de ses Guns N’Roses. Les dix shows US repoussés seront « plus » aux yeux de l’Ecossais Angus Young. Pourrait-il être
reprogrammés et annoncés sous peu, également avec Axl Rose ». « l’heureux élu » si – ce qui reste à confirmer – Axl Rose se
Certains y voient une simple confirmation de la rumeur relayée contentait de dépanner AC/DC sur les 23 dernières dates du
aux quatre coins du monde les semaines précédentes, d’autres – Rock Or Bust Tour ? L’avenir nous le dira…
nous en sommes – restent estomaqués pour des raisons sur

MISE AU POINT
lesquelles nous reviendrons plus tard dans cet article. Mais pas
le temps de digérer la nouvelle qu’Angus Young – en costume
d’écolier, svp !!! – rejoint les Guns N’Roses menés par Axl Le 18 avril 2016, jugeant trop succincts les deux communiqués
Rose sur la scène du festival Coachella (USA) pour jammer sur officiels de ses comparses, Brian himself se fend d’une mise au
« Whole Lotta Rosie » et « Riff Raff » ! Le timing est si point aussi touchante qu’élégante. Quelques heures plus tard,

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Un mois après la parution de cet article, AC/DC sur scène avec Axl Rose !
cette dernière est reprise sur le site officiel du groupe. Nous la d’AC/DC, enregistrer des disques, chanter devant des millions
reproduisons ici dans son intégralité car c’est un élément de fans dévoués ces dernières 36 années était le job de ma vie.
essentiel du puzzle : Je ne parviens pas à me faire à l’idée d’un futur sans cela, mais
« Comme beaucoup de fans d’AC/DC le savent, le reste des pour l’instant, je n’ai pas le choix. Une chose est sûre. Je serai
shows du Rock Or Bust World Tour 2016, y compris les dix toujours présent à chaque show d’AC/DC spirituellement, à
shows américains décalés, seront assurés par un chanteur invité. défaut de pouvoir l’être physiquement. Plus important encore,
Je souhaite personnellement en expliquer les raisons car je ne je suis horriblement gêné à l’idée de décevoir les fans qui ont
pense pas que les précédents communiqués de presse expliquent acheté des billets pour les shows annulés et qui m’ont
de façon suffisamment claire ce que je tenais à dire à nos fans inlassablement soutenu durant toutes ces années. Les mots ne
ou la façon dont je pensais que cela devait être présenté. Le 7 peuvent exprimer la profonde gratitude et les remerciements
mars dernier, après une série d’examens menés par des experts sincères que j’ai pour eux, non seulement pour la récente
de la perte d’audition, j’ai été informé que je risquais de devenir effusion de mots gentils et de vœux de rétablissement qui m’ont
totalement sourd si je continuais à me produire dans de grandes été personnellement adressés, mais aussi pour les années de
salles ou des stades. Bien qu’horrifié par la nouvelle, cela faisait loyal soutien d’AC/DC. Mes remerciements vont également à
un certain temps que je m’étais rendu compte que ma perte Angus et Cliff pour leur soutien. Enfin, je veux assurer les fans
partielle d’audition commençait à affecter mes performances que je ne pars pas à la retraite. Les docteurs m’ont dit que je
scéniques. J’avais des difficultés à entendre les guitares sur pouvais continuer à enregistrer en studio et c’est bien ce que
scène, et comme je n’étais pas capable d’entendre clairement, je compte faire. Pour le moment, je me concentre pleinement
j’ai craint que cela ait un impact négatif sur la qualité de mes sur la suite de mon traitement médical afin d’améliorer mon
prestations. Et ça, c’est une chose à laquelle je ne pouvais me audition. J’espère qu’avec le temps elle s’améliorera et me
résoudre en mon âme et conscience. Nos fans méritent que je permettra de redonner des concerts. Rien n’est sûr, mais je veux
sois au top, et si, pour une raison ou une autre, je ne peux rester optimiste. Seul le temps nous donnera la réponse. Encore
atteindre ce niveau d’exigence, je ne veux pas les décevoir et une fois, mes vœux et remerciements sincères à chacun pour son
embarrasser les autres membres d’AC/DC. Je ne suis pas un soutien et sa compréhension ».
lâcheur et j’aime finir ce que j’entreprends, mais les docteurs Love, Brian »
ont été très clairs avec moi et mes camarades d’AC/DC : je
n’avais pas d’autre solution que d’arrêter de me produire sur Classieux, Brian Johnson tente de calmer un peu les choses,
scène le temps des shows initialement programmés, et peut-être même si certains fans continuent de penser qu’il a été écarté
plus longtemps encore. Clairement le jour le plus sombre de sans ménagement et qu’il ne dit pas tout afin de pas ternir
ma carrière professionnelle. Depuis ce jour, j’ai consulté à de l’image du groupe et son héritage. Toujours est-il que c’est bien
nombreuses reprises et il apparaît que, dans un futur proche, AC/DC « featuring Axl Rose » qu’on verra le 13 mai prochain
je ne serai pas en mesure de monter sur scène dans des grandes au Nouveau Stade Vélodrome de Marseille, accompagné de
salles ou des stades où les niveaux sonores dépassent ce que Tyler Bryant & The Shakedown. Alors, en guise de conclusion
je peux actuellement tolérer, sans courir le risque de perdre (provisoire), que faut-il penser de tout ça ?
substantiellement l’ouïe, voire de devenir totalement sourd.
Jusqu’ici, j’avais tenté au mieux de continuer en dépit de la COMMUNICATION BREAKDOWN
& NERVOUS SHAKEDOWN
douleur et de ma perte d’audition, mais c’est devenu trop dur
à supporter et trop risqué. Je suis dévasté par la tournure des
événements plus que quiconque ne saurait l’imaginer. Ce que Difficile, en l’état, de se faire une idée. En tentant de rester impartial
je ressens émotionnellement en ce moment est pire que tout ce et objectif, et sans vouloir juger qui que ce soit ou se poser en
que j’ai jamais vécu dans ma vie jusqu’à présent. Faire partie donneur de leçons, on peut néanmoins souligner les points suivants.

75
• Il est probable que cet imbroglio aurait facilement pu (dû) vraie insouciance, pour se jeter ainsi dans l’arène après Bon
être évité si AC/DC avait opté pour une autre communication Scott et Brian Johnson. Rose risque gros sur ce coup-là, AC/DC
que celle, succincte, clinique, froide et laissant peu de place aussi. Mais le chanteur peut également redorer son blason s’il
à l’affect, qui a été la sienne. Ce sont en effet ses deux chante avec application et cœur, et se montre respectueux envers
communiqués laconiques, « à l’américaine », qui ont en premier le groupe, son héritage et ses fans (Update 2018 : ce qu’il n’a
lieu chagriné les ultras avant même le choix d’Axl Rose. Ces pas manqué de faire sur les 23 concerts qu’il a assurés).
derniers considèrent AC/DC comme une famille, leur famille,
et sont unanimes pour dire qu’après 36 ans passés au sein du • « AC/DC est désormais un tribute-band » affirment certains,
groupe, Brian Johnson méritait plus d’égards et une sortie digne le groupe ayant, en moins de deux ans, « perdu » le guitariste
de son rang. La jam Angus/Guns N’Roses à Coachella est Malcolm Young, le batteur Phil Rudd et son chanteur. C’est là
probablement arrivée un peu vite elle aussi, alors que les fans un commentaire bien irrespectueux au regard du boulot de titan
étaient encore sous le choc du communiqué annonçant le choix effectué ces derniers temps par Stevie Young et Chris Slade.
d’Axl Rose. L’image du groupe « soudé », « familial », a pris A-t-on le droit de reprocher à Angus – qui est, soit dit en
du plomb dans l’aile, et c’est très vraisemblablement ce que les passant, l’unique membre du groupe qui n’a raté aucun concert
fans ont le plus de mal à pardonner. Ceci étant dit, AC/DC n’a depuis le 31 décembre 1973 !!! – de décider ce qui est bon ou
jamais été un maître dans l’art de communiquer, ainsi qu’il l’a pas pour son groupe ? Une chose est sûre, seule la musique
récemment encore démontré en ne prenant pas le soin, par compte pour le lutin, ce qui signifie qu’il n’aurait jamais
exemple, d’officialiser le retour de Chris Slade en son sein. donné le feu vert s’il pensait une seule seconde que Rose était
Un an plus tard, le visage du batteur n’apparaît toujours pas sur incapable de faire le job. Et puis, vous auriez voulu d’un
les affiches de tournée et l’on ignore si son retour est temporaire chanteur de tribute-band, vous ? On a vu ce que ça a donné
et si Phil Rudd est définitivement écarté… Reconnaissons du côté de Judas Priest avec Ripper Owens…
toutefois à AC/DC qu’il ne parle jamais pour ne rien dire et
qu’il ne communique que lorsqu’il a pris une décision ferme • « Pourquoi ne pas avoir annulé purement et simplement ? » est
et définitive. On ne saurait l’en blâmer. C’est juste que ce qui aussi une interrogation qui revient sur les réseaux sociaux. C’eut
était jouable dans les années 70/80/90, ne l’est plus à l’heure certainement été plus simple, même s’il eut alors fallu planter
des réseaux sociaux où seuls des communiqués de presse toute l’équipe technique, les promoteurs, mais aussi les fans.
officiels et réguliers peuvent empêcher les rumeurs insidieuses Mais Angus Young est encore jeune (il n’a que 61 ans contre 68
de se répandre et d’empoisonner le cerveau des fans. pour Brian) et il prouve, sur cette tournée, qu’il a encore le feu
sacré, même si, depuis deux ans, on peut avoir le sentiment
• A l’annonce de l’arrivée d’Axl Rose, certains se sont empressés qu’un sorcier vaudou lui a jeté un sort : le groupe, qui était
de taxer le groupe de « vendu », uniquement intéressé par l’appât d’une discrétion absolue jusqu’ici, s’est soudain mis à truster les
du gain. Ceci ne tient pas. Si AC/DC, comme ses pairs, ne crache médias pour des histoires de « démence », de « tueur à gages »,
pas sur le cash (pourquoi le devrait-il ?), l’unique priorité de « méthamphétamine », on en passe et des meilleures. Guère
d’Angus Young reste la musique. Pensez-vous honnêtement habitué à devoir surfer sur de tels remous, Angus a choisi de
qu’on se focalise encore sur l’argent quand on a cosigné la jouer les « Père Courage » et de poursuivre sa route, coûte que
quasi-totalité des titres du groupe et que ce dernier a vendu plus coûte. Rien ne nous dit non plus que Brian ne traînait pas la
de cent millions d’albums ? Franchement, voilà un argument patte depuis un certain temps déjà… AC/DC, pour Angus,
fallacieux et non valide… c’est toute sa vie. Il aurait certainement préféré aller au bout
avec son frère et ses plus vieux compagnons d’armes. Et qui
• Le choix d’Axl Rose est très contesté, pour le moins. Il fallait sait s’il n’a pas également promis à Malcolm, malade, d’aller
s’y attendre. Après tout, l’imprévisible chanteur ne récolte que jusqu’au bout ? Enfin, qui serions-nous pour discuter ses
ce qu’il a semé par son comportement parfois erratique et ses choix ? AC/DC, c’est SON groupe.
caprices de diva. Aux yeux des fans, Axl est l’ultime antithèse

ET MAINTENANT ?
d’un Brian Johnson modeste, affable, drôle, avenant et anti
« star system ». Nous-mêmes avons été surpris, non musicalement
mais humainement, par cette décision. Et pourtant, vous le Reste évidemment un tas de questions en suspens : Axl Rose
savez si vous lisez régulièrement ce magazine, nous avons plus va-t-il le faire sur scène ? Comment va-t-il être accueilli ?
souvent qu’à notre tour pris la « défense » d’Axl Rose dans ces Certains lui jetteront la pierre sans même prendre le soin de
colonnes, faisant même de son Chinese Democracy un « Album venir le voir sur scène. A Rock Hard, nous ne nous permettrons
du Mois » et écrivant, dans l’édito du RH#55 : « Il est rassurant, pas de juger sans avoir vu, ce qui – je le concède – n’est pas
dans un univers metal où les groupes pullulent et dans lequel il aisé dans le contexte du moment. Le groupe prévoit-il de
est de plus en plus fréquent d’avoir affaire à des musiciens continuer après ça ou de raccrocher les gants ? S’il continue,
ayant le charisme d’une moule, de pouvoir encore se raccrocher laissera-t-il la porte ouverte à Axl ou préférera-t-il opter pour
à de vraies « stars », de celles qui font rêver, qui sont adorées un nouveau chanteur moins connu ? Reverra-t-on un jour
autant qu’haïes, bref, qui ne laissent personne insensible. Brian Johnson sur scène et/ou sur disque, avec ou sans AC/DC ?
Comme disait justement Dave Mustaine, « le monde a besoin Que va-t-il advenir du DVD Live At Wrigley Field capté à
d’un héros ». Oh, pas que Rose soit le Zorro que nous attendons Chicago le 15 septembre 2015, chanté par ce dernier et déjà
tous, loin s’en faut, mais il a au moins le mérite de mettre un mixé par l’indéboulonnable Mike Fraser et que Sony prévoyait
grand coup de tatane dans la petite fourmilière sclérosée qui de sortir ? Aujourd’hui, on ne peut affirmer que deux choses :
est la nôtre. Quitte à agacer ». Et puis, il faut bien garder en Quoiqu’il arrive, cette date marseillaise du 13 mai 2016 restera
tête qu’AC/DC disposait de moins de deux mois pour trouver un moment rare et donc historique. Et quelle tristesse pour
une solution de dépannage. Pouvait-il faire autrement que de Brian, très proche des fans et très aimé, que nous aurions voulu
recruter un fan du groupe (ce qu’est Axl, assurément) qui ait à voir aller au bout et que nous remercions du fond du cœur pour
la fois la voix requise et l’expérience des stades ? Comment le son investissement et sa bonhomie. Nous restons bien
« grand public » aurait-il réagi en découvrant, sur scène, un évidemment au contact. Merci Monsieur Johnson, pour tout.
inconnu en lieu et place du « chanteur à la casquette » ? Enfin, « WE SALUTE YOOOOOOOOOOOUUUUUUUU !!! ».
Rose n’est probablement plus celui qu’il était en 1993 et des
contrats « serrés » doivent limiter le risque qu’il se conduise (Première parution RH #165)
mal. Axl se disant « hyper excité de réaliser ce rêve éveillé »,
il devrait se conduire décemment. Ne lui jetons donc pas la
pierre car il faut avoir un certain courage, pour pas dire une

A gauche : Axl Rose sur scène avec AC/DC à Marseille le 13.05.2016.

77
CONCER T
ROCK OR BUST WORLD TOUR 2015-2016

AC/DC • TYLER BRYANT & THE SHAKEDOWN


LE 13 MAI 2016 A MARSEILLE (NOUVEAU STADE VELODROME)
On ne va pas revenir sur « l’affaire Brian Johnson » qui a fait par oublier ce handicap. Pas la moindre prouesse du soir !
couler beaucoup d’encre et de salive ces dernières semaines car Impossible de ne pas avoir une (grosse) pensée pour Brian
nous l’avons déjà fait, en long, en large et en travers, dans notre Johnson, mais ce serait mentir de prétendre qu’Axl ne s’en sort
précédent numéro. Juste préciser que cette date marseillaise, pas fantastiquement sur « Shoot To Thrill ». On se doutait que Setlist
l’unique halte d’AC/DC en France sur cette seconde partie de le répertoire de Bon Scott lui siérait comme un gant, mais •Rock Or Bust
tournée, est l’une des treize étapes européennes (Düsseldorf a en comment aurions-nous pu nous douter que le catalogue « 1980- •Shoot To Thrill
effet été ajouté sur le planning à la dernière minute…) sur 2014 » serait lui aussi globalement à la fête ? « Hell Ain’t A •Hell Ain’t A Bad
laquelle le groupe est dépanné par le « guest singer » Axl Rose, Bad Place To Be » et « Back In Black » confirment encore cette Place To Be
frontman de Guns N’Roses. Il fait gris à Marseille en ce étonnante maîtrise, bien plus qu’un « Got Some Rock & Roll •Back In Black
•Got Some Rock
vendredi 13, six mois jour pour jour après les attentats de Paris. Thunder » poussif remplaçant le « Play Ball » enjoué de la
& Roll Thunder
Cette date « anniversaire » et la tenue proche de l’Euro de première partie de tournée. Avec ou sans chapeau, avec ou sans •Dirty Deeds
football expliquent certainement la fouille au corps minutieuse à bandana, avec ou sans lunettes, Rose fait le job, avec Done Dirt Cheap
laquelle ont droit les 60.000 spectateurs qui investissent le application et en restant à sa place, osant même quelques traits •Rock’n’Roll
Nouveau Stade Vélodrome. L’organisation est par ailleurs d’humour bienvenus entre les morceaux (« Je ne suis pas Damnation
dépassée, certains scanners de contrôle ne fonctionnant pas et la habitué à voir la lumière du jour. Je dois être allergique ! »). •Thunderstruck
•High Voltage
Pelouse Or étant dramatiquement gavée au détriment des plus Mais le vrai « plus » de ces quelques dates – qui, quoi qu’on en
•Rock’n’Roll Train
élémentaires règles de sécurité. On se console en découvrant ce dise, resteront ancrées de manière indélébile dans l’histoire du •Hells Bells
« nouveau » Vélodrome agrandi, superbe avec son énorme groupe et du rock –, c’est que l’immuable setlist d’AC/DC •Given The Dog
collerette. L’endroit est bondé en dépit du fait que le promoteur évolue au fil des shows. Oui, vous avez bien lu ! On savoure A Bone
français GDP, à l’instar de ses collègues européens, ait proposé donc à sa juste valeur l’arrivée de « Rock’n’Roll Damnation » •If You Want Blood
aux spectateurs mécontents de l’absence de Brian Johnson de se (Powerage/1978), un « Given The Dog A Bone » (il est vrai (You’ve Got It)
•You Shook Me All
faire rembourser (2.000 demandes au total, pour des billets qui, déjà joué aux USA) épatant, chanté comme sur album, en lieu et Night Long
pour l’essentiel, ont retrouvé preneur immédiatement). Soutien place de « Baptism By Fire », et, plus encore, la cerise sur le •Sin City
indéfectible au groupe, simple effet de curiosité, intérêt soudain gâteau, avec cet « If You Want Blood » plus ressorti des cartons •Shot Down In
de certains fans de GN’R, etc., bien des raisons peuvent depuis 2003 et ici présenté dans une version féroce, « just for Flames
expliquer cette affluence inchangée. you ». Alors oui, Chris Slade ne tape pas dans le fond du temps •Have A Drink
A 19h30, Tyler Bryant & The Shakedown, pourtant desservi par comme Phil Rudd, Stevie Young n’a pas la main droite de son On Me
•T.N.T
un son rebondissant comme une balle japonaise aux quatre coins cousin Malcolm, mais on observe que le groupe semble •Whole Lotta Rosie
du Vél’, marque des points auprès de spectateurs polis à défaut revigoré, à l’image d’un Angus qui, ce soir, est littéralement •Let There Be Rock
d’être très impliqués. « Weak & Weepin’ » séduit, par exemple, possédé. A tel point qu’on ne peut penser une seule seconde, au (+ Angus solo)
avec son break bluesy et ses sonorités rappelant Aerosmith. Pas regard de son ahurissante performance, que nous assistons là à Rappel :
vraiment surprenant, le guitariste rythmique, Graham, n’étant l’ultime tournée du groupe. AC/DC, c’est certain, n’a pas encore •Highway To Hell
autre que le fils de Brad Whitford. Reste que la vraie star du dit son dernier mot car il semble s’amuser davantage, en variant •Riff Raff
•For Those About
groupe en est l’autre bretteur, Tyler Bryant, sorte de petit génie les plaisirs, en peaufinant les chœurs et en accélérant le rythme. To Rock
de la six cordes qui assure aussi des vocaux souvent filtrés et Les classiques sont là eux aussi (« Thunderstruck », « High
aux consonances « indus ». Les jeunes gaillards piochent dans Voltage », « Hells Bells », « T.N.T », etc.), mais c’est peut-être
leur unique album, Wild Child (2013) – notamment le avec « Have A Drink On Me », aussi aigu que son pendant
nirvanesque « House On Fire » entendu dans la série Sons Of studio qui apparaissait sur Back In Black (1980), qu’on prend le
Anarchy – mais aussi dans leur récent et enthousiasmant EP, The plus notre pied, ou à l’écoute d’un « Sin City » qu’Angus
Wayside (2015), d’où sont issus de bons titres comme défigure en se servant de sa cravate comme d’un archet.
« Criminal Imagination », sorte de Led Zep industriel, le riffu « Whole Lotta Rosie » et « Let There Be Rock », comme à
« Mojo Workin’ » et le plus bluesy « Stitch It Up ». Tout chaque fois, assomment les derniers mammouths de l’assistance,
sourire, le chanteur/guitariste ne manque pas de charisme et, Angus faisant face à ses troupes tel un César partant en guerre.
déjà adoubé par de nombreux « anciens », semble promis à un Nouvelle surprise au moment des rappels puisque l’énergique
bel avenir. Difficile toutefois, dans ces conditions sonores « Riff Raff », plus joué depuis… 1979, fait une apparition
indélicates, de soulever plus que des applaudissements polis, tonitruante entre « Highway To Hell » et « For Those About To
même si, en fin de show, Caleb Crosby saute par-dessus son kit. Rock ». On se pince pour vérifier qu’on ne rêve pas ! Et dire
On reverra donc ces jeunes loups prometteurs sur des scènes que, dix jours plus tard, les fans auront « Dog Eat Dog » en rab
plus intimistes, c’est promis. A suivre, en tout cas. et même l’improbable « Touch Too Much » à la place de « Riff
Les mauvaises langues s’étaient gaussées : la diva Axl Rose, Raff » ! Alors oui, on n’oublie pas Brian Johnson, qu’on a hâte
forcément, allait en faire voir de toutes les couleurs à AC/DC et de revoir avec ou sans AC/DC. Alors oui, mon avis de fan n’est
à son crew, commençant notamment par arriver aux concerts pas le plus subjectif qui soit. Alors oui, Axl Rose a les défauts
avec des heures et des heures de retard. Tout faux ! Comme à de ses qualités. Mais oui aussi, nous avons assisté à un très bon
Lisbonne le 6 juin, où a eu lieu le premier concert de cette concert, juste milieu entre « classiques », titres moins courants
mouture inédite, ou trois jours plus tôt à Séville, c’est avec un et surprises, propulsé par un Angus stratosphérique (et le mot
timing impeccable – et alors que le public enchaîne les olas – est faible !) et un Axl dont on a compris qu’il était fan avant
que le groupe fait son entrée sur scène dès 20h45 à l’issue de tout et donc honoré et heureux d’être là. Sera-t-il de nouveau au
son intro « lunaire » et dans un épais nuage de fumée. Angus poste sur un éventuel nouvel album, une prochaine tournée ? Le
Young, dans un uniforme azur et blanc aux couleurs de groupe l’ignore encore à l’heure qu’il est. Mais une chose est
l’Olympique de Marseille, est déjà au four et au moulin. On ne sûre : ce soir, les grincheux et les absents en ont été pour leurs
peut pas en dire autant d’Axl Rose qui chante assis sur une frais.
chaise depuis qu’il s’est cassé le métatarse du pied gauche. PHILIPPE LAGEAT
Frustrant, c’est vrai (il faudra attendre le concert suivant à Photo : MARC VILLALONGA
Werchter, en Belgique, pour voir le chanteur se lever un peu),
mais le charisme de l’animal est tel et les cadrages sur écrans (Première parution : Rock Hard #166)
géants suffisamment bien pensés pour qu’on finisse – presque –

79
CONCER T
BACK ON THE BEAT TOUR 2017

PHIL RUDD BAND • LEX KORITNI


LE 21 AVRIL 2017 A SAVIGNY-LE-TEMPLE (EMPREINTE)
Après les déboires judiciaires largement médiatisés qui ont Peu importe, la volonté de Phil de se concentrer sur son propre
conduit à sa mise à l’écart implicite d’AC/DC (le groupe répertoire rend la soirée plus unique encore qu’elle ne l’est
n’ayant jamais signifié son renvoi, mais l’ayant « remplacé » déjà, et ça, nous aimons. Nous aimons moins les musiciens qui
par Chris Slade sur le Rock Or Bust Tour 2015/2016), le batteur entourent le batteur car, tout sympathiques qu’ils sont, ils
Phil Rudd vient en Europe défendre son premier album solo, manquent cruellement de présence scénique et leur niveau de
Head Job. Son Back On The Beat Tour 2017, qui a débuté le 31 jeu est moyen (jetons, par exemple, un voile pudique sur le
mars à Oslo (Norvège), compte plus d’une cinquantaine de massacre en règle des soli d’Angus Young par un Martin plus
dates (des clubs ou bars, principalement), dont deux en France : que bancal…), et le set s’en ressent. Tout limité qu’il est,
la première, une soirée privée réservée à une cinquantaine de Badger (comme l’ensemble du groupe) s’en sort correctement
personnes, s’est tenue à Orchamps-Vennes le 19 avril, au bar à sur les titres de Head Job (c’est le minimum syndical, me direz-
vin Del Vino, tandis que la seconde s’apprête à avoir lieu à vous…), mais a toutes les peines du monde à monter dans les
L’Empreinte de Savigny-le-Temple. Cette chouette salle affiche aigues dès lors qu’il lui faut se frotter au répertoire du regretté
quasi complet avec ses 400 spectateurs (pour une capacité Bon Scott, notamment celui issu de l’album Powerage (1978)
maximale de 430), pour l’essentiel des fans d’AC/DC venus que Phil Rudd aime tant. On n’a donc de regards que pour le
des quatre coins de l’Hexagone afin de célébrer le retour du batteur, placé en avant dans le mix, qui dépasse de la tête et des
Setlist
« fils prodigue », du « Bad Boy » aussi, et plus encore de épaules ses compagnons d’infortune. Mains gantées et armé de
•The Other Side
celui que beaucoup considèrent – à raison – comme le batteur baguettes en carbone, le Philou n’a en effet rien perdu de cette
•When I Get My
historique de la Young Connection. En ce 21 avril, toutes les frappe « au fond du temps » que lui seul maîtrise à ce point et Hands On You
conditions sont donc réunies pour que la soirée s’avère réussie : qui est sa signature. Il frappe si fort que sa caisse claire doit •Lost In America
le soleil brille, les filles sont belles, la bière est fraiche, et la souffrir le martyre, et c’est un plaisir non dissimulé de pouvoir •Crazy
musique est bonne puisque c’est Lex Koritni qui assure la réentendre, en situation live, ce groove impeccable. Difficile •Shot Down In
Flames (AC/DC)
première partie. Le chanteur/guitariste, qui se produit ce soir en toutefois de ne pas grimacer lorsqu’à chaque frappe, son visage •Sun Goes Down
acoustique, n’est pas accompagné de son groupe, mais de deux se dérobe, comme avalé par sa propre bouche, Phil apparaissant •Up To My Neck In
amis : Charles Bourdon à la deuxième guitare et Marcelo devant nous édenté, la faute probablement à des gencives You (AC/DC)
Merens aux percussions. Joueur et placé en bord de scène, le supportant mal une récente prothèse (il assure néanmoins •No Right
•Repo Man
trio, qui bénéficie d’un son excellent, ouvre les débats avec un certains chœurs, une curiosité). Reste que le son est bon, que •Head Job
nouveau titre, « Looking So Fine », déjà interprété en ouverture les extraits de Head Job passent plutôt bien et que les fans sont •Rock’n’Roll
des Dead Daisies le 27 novembre 2015 au Divan du Monde. tout à leur joie de retrouver ce membre historique d’AC/DC Damnation (AC/DC)
La setlist du jour est d’ailleurs très proche de celle jouée dans qu’il n’y a pas longtemps encore, ils pensaient ne plus jamais chœurs Phil
Rappel :
la salle parisienne puisqu’elle aussi se focalise sur le dernier croiser. Alors, le voir dans une salle à ce point intimiste, pour •Forty Days
album, Night Goes On For Days paru en 2015 (« Carousel », les DC maniacs, ça n’a pas de prix. Hélas, ce qui devait être
« Seal The Deal », « Woman In Love »), s’abreuvant également une tentative de « re-séduction » tourne court au bout de 55
à la source du No More Bets de 2010 (« Dance Mamma minutes de show puisque le groupe, après un unique rappel
Dance ») et de l’impeccable Lady Luck de 2007 (« Red Light (« Forty Days »), quitte définitivement la scène sans un mot,
Joint »). Perché sur un tabouret et casquette de trucker vissée Phil se contentant de saluer le public poing tendu. Quelques
sur la tête, le chanteur australien, comme à son habitude, remerciements au micro auraient pourtant été grandement
vocalise impeccablement, impressionnant à n’en pas douter appréciés, le public du soir étant à l’évidence constitué des
une salle qui l’accueille plus que poliment, l’apport percussif derniers fidèles. De même qu’une apparition au stand de
de Merens apportant aux compos rock une coloration tribale fort merchandising pour serrer quelques paluches et saluer ce public
bienvenue. Nous avons droit à un autre nouveau titre, « Bottle qui ne l’a pas lâché dans la tourmente. Pourquoi, aussi, ne pas
Of Wine », qui laisse entrevoir un nouvel album prometteur, avoir interprété Head Job en entier (« Lonely Child » et « Bad
cependant que les reprises « Beds Are Burning » (d’un Midnight Move » ayant été laissés de côté) ou deux ou trois titres de
Oil qui vient de se reformer) et « Sweet Home Chicago » Buster Brown (le groupe de Phil « pré-AC/DC ») qui auraient
permettent à la triplette de s’attirer définitivement les faveurs allongé un set qui en avait cruellement besoin ? Bref, les
de spectateurs ravis de chantonner les refrains de ces deux spectateurs, dans leur grande majorité, sortent de L’Empreinte
grands classiques connus de tous. L’un dans l’autre, 45 minutes avec un sentiment mitigé, heureux d’avoir vu Rudd de si près
qu’on n’a pas vu passer et qui auront encore prouvé que Lex et en forme, mais avec la désagréable sensation de ne pas en
Koritni a un organe de classe internationale. Vivement la suite ! avoir eu totalement pour leur argent. Dommage car c’eut été si
Pour cette première échappée européenne en solitaire, Phil simple de bien faire et de transformer cette date en retrouvailles
Rudd n’a pas choisi la carte de la facilité puisque, loin de inoubliables… Pour cela, il aurait vraiment fallu jouer plus
présenter un tribute-band à son ancien groupe, il a préféré longtemps et en donner plus à ce public qui ne demandait que
s’entourer d’amis de longue date (le guitariste lead Geoffrey ça : voir et écouter la légende au plus près. La toucher et lui
Martin et le chanteur Allan Badger) et transformer, pour le live, parler aussi… Phil fait-il uniquement cette tournée pour prouver
son trio originel en quintet en recrutant le bassiste John Proctor à Angus Young qu’il en a encore sous le capot ? C’est bien
et le guitariste Mike « Mutt » Furness. L’idée ici n’est pas de possible. Cela suffira-t-il à inciter le guitariste à le
multiplier les reprises d’AC/DC (il n’y en aura que trois reconvoquer ? Pas sûr…
disséminées dans le set), mais bien de défendre un Head Job PHILIPPE LAGEAT
paru en Australie en 2014 et qui n’est que parcimonieusement Photo : VANESSA GIRTH
distribué en Europe depuis la fin de l’année dernière. Et ceci
doit être salué car voilà un choix d’autant plus courageux que si (Première parution : Rock Hard #176)
Rock Hard l’a hissé au rang d’Album du Mois dans son numéro
147, ce disque est assez diversement apprécié par les die-hards.

81
HOMMAGE
ROCK IN PEACe

GEORGE YOUNG (1946 - 2017)


Un hommage de Philippe Lageat
George Young, le père d’AC/DC, Rose Tattoo et The Angels, rééditer l’exploit en dépit de deux nouveaux albums, Good Friday
s’est éteint le 22 octobre 2017 à l’âge de 70 ans. Peu le savent, (1967) et Vigil (1968). Ce dernier renferme pourtant le superbe
mais le grand frère d’Angus et Malcolm a joué un rôle « Good Times » dont il se dit que quand Paul McCartney (The
considérable dans le succès d’AC/DC, y tenant tour à tour le Beatles) l’a entendu pour la première fois, il a garé sa voiture et a
rôle de producteur, conseiller artistique, bassiste, batteur et téléphoné à la station de radio pour demander qu’elle le repasse !
même chanteur : « Un soir de 1974/75, Bon Scott étant malade, Pour info, ce morceau a également été repris par INXS & Jimmy
j’ai dû prendre sa place le temps d’un concert. Mais je chante Barnes dans une superbe version en 1986 (pour les besoins du film
très mal, vous savez. Le public a aimé le groupe, mais pas le The Lost Boys), mais aussi par Meat Loaf en 1995. En octobre
chanteur ! » me confiait-il en 1992. Humilité et discrétion sont 1969, un mois environ après une courte tournée européenne et cinq
souvent l’apanage des grands. George Young, petit par la taille, semaines de dates australiennes, The Easybeats annonce son split.
immense par le talent, était de ceux-là. Le line-up originel se reformera 17 ans plus tard, en 1986, le temps
d’un ultime baroud d’honneur australien.

EASY WRITER
George Redburn voit le jour le 6 novembre 1946 à Glasgow INVITÉS DE MARCUS
(Ecosse). En mai 1963, ses parents William et Margaret, à la tête Depuis la fin 1967, George Young et son inséparable partenaire
d’une famille nombreuse, s’envolent pour l’Australie en quête d’un d’écriture Harry Vanda, prévoyants, ont commencé à composer
nouvel Eldorado. A Sydney, ils déchantent rapidement lorsqu’ils se pour d’autres, dans tous styles. De 1969 à 1973, les deux
voient parqués dans de simples baraquements au Villawood Migrant guitaristes, qui ont installé leur QG dans un appartement londonien
Hostel. George, du haut de ses 17 ans et passionné de guitare, voit transformé en studio 4 Pistes, écrivent sans relâche, produisent
les choses d’un autre œil et profite de ce « nouveau départ » pour également. En juin et novembre 1972, ils enregistrent deux
se faire des copains au sein même du village et dans ses environs. sessions aux mythiques Abbey Road sous la houlette du producteur
Les principaux sont le guitariste hollandais Johannes Hendrikus Alan « Wally » Waller (ex-bassiste de The Pretty Things) et en
Jacob van den Berg (alias Harry Vanda), le bassiste hollandais compagnie d’Alex Young (saxophone), l’un des grands frères de
Dingeman Vandersluys (alias Dick Diamonde) et le chanteur Stevie George, du batteur Freddie Smith (ex-Easybeats) et du bassiste Ian
Wright, un Anglais originaire de Leeds. C’est à la fin 1964 que ces Campbell. Avant la sortie d’un premier 45 Tours, « Natural Man »,
quatre-là, bientôt rejoints par le batteur liverpuldien Gordon le groupe, qui a pour nom The Jay Jays, décide d’opter pour le
« Snowy » Fleet, forment The Easybeats. Le groupe est repéré, patronyme Marcus Hook Roll Band. En juillet et août 1973, alors
auditionné, puis signé par Ted Albert, un jeune de 25 ans fan de que George et Harry s’en sont retournés en Australie pour devenir
rock’n’roll qui, inspiré par les Beatles qui viennent de tourner dans les producteurs attitrés des nouveaux studios de Ted Albert (« Il
le pays, veut créer une vague australienne en soutenant des artistes nous a fait une offre qu’on ne pouvait pas refuser ! » dira Vanda),
locaux via son label Albert Productions. Après un premier single, Wally retrouve le tandem aux EMI Studios de Sydney pour mettre
« For My Woman », c’est en mai 1965, avec « She’s So Fine », en boîte des morceaux supplémentaires en vue de la sortie d’un
que les Easybeats décrochent la troisième place des charts album. Harry est à la guitare lead et ponctuellement au chant,
australiens. Très vite, le succès du groupe devient colossal : tandis que George tient la guitare rythmique et la basse. Il lui
l’Angleterre succombe à la Beatlemania, l’Australie à la Easyfever. arrive aussi de passer derrière le micro et le piano. Malcolm
Un après-midi, le cadet de la famille Young, un certain Angus Young, âgé d’à peine vingt ans, est présent, à la demande de
McKinnon (31.03.1955), rentre de l’école et tombe nez à nez avec George, évidemment. Wally se souvient : « Trouvant Malcolm
des dizaines de groupies hystériques qui essaient de pénétrer dans vraiment doué, tant en lead qu’en rythmique, j’ai dit à George :
sa maison, l’adresse de George ayant été révélée par un magazine. « Dis donc, il assure ton petit frangin ! ». Il m’a répondu en se
Angus se souvient : « J’ai vu tous ces flics, ces barrières qu’ils marrant : « J’en ai un autre à la maison, qui s’appelle Angus. Il est
avaient installées dans la rue pour empêcher les gens de passer, encore plus jeune ! Il faut le voir pour le croire ! ». Alors, je lui ai
alors je me suis approché d’un policier et j’ai essayé de lui dit : « N’hésite pas à nous le ramener la prochaine fois ! ». On
expliquer : « Puis-je passer ? Je vis dans cette maison ! » Et le flic voyait que Malcolm avait déjà un certain métier car il semblait
m’a répondu : « Fiston, tout le monde me dit la même chose ! » très à l’aise en studio, mais Angus, lui, était très, très jeune. Et je
Hahaha ! ». C’est très vraisemblablement la notoriété grandissante crois que George a voulu profiter de ces sessions pour l’initier un
de George qui incite Angus et un autre frère, Malcolm Mitchell peu au travail en studio ». Il ajoute, à propos de George : « Il
(06.01.1953), à quitter rapidement les bancs de l’école pour trouver traitait ses frères en égaux. En aucun cas, il ne se posait en patron.
du travail et, surtout, pratiquer la guitare afin de tenter leur chance Bien sûr, quand il avait un truc à dire, il ne s’en privait pas, mais
eux aussi. Le 10 juillet 1966, après avoir publié les albums Easy il était très respectueux envers eux. (…) En cela, George accordait
et It’s 2 Easy, les Easybeats débarquent à Londres pour tenter de à chacun l’espace nécessaire pour qu’il puisse pleinement
s’imposer à l’échelle internationale. Volume 3, un troisième LP que s’exprimer, y compris à ses frangins. Il n’exigeait rien d’eux, se
les gaillards ont enregistré peu de temps avant, sort le 3 novembre contentant à l’occasion de leur donner quelques conseils si cela lui
1966 et truste les charts, mais c’est grâce au lumineux single semblait nécessaire. Il ne se posait pas en grand frère, mais tout
« Friday On My Mind », produit par Shel Talmy (The Kinks, simplement en frère. Tout le monde savait que c’était lui le patron,
The Who), enregistré en une seule prise et publié dans la foulée, ce qui lui suffisait amplement. Il n’en abusait pas. Après tout, s’il
que les Easybeats décrochent la timbale : 1er en Australie, 6ème au avait amené Angus et Malcolm en studio, c’est avant tout parce
Royaume Uni, 16ème aux USA, dans le Top 10 en France, cet qu’il savait qu’ils avaient le niveau requis et qu’il voulait les
irrésistible 45 Tours (qui, en 1973, sera repris par David Bowie sur plonger dans le grand bain ». Le Tales Of Old Grand-Daddy du
Pin Ups, puis, plus tard, par une avalanche d’artistes parmi Marcus Hook Roll Band, qui sort en 1973, est donc le premier
lesquels Bruce Springsteen, Blue Öyster Cult et Gary Moore avant, album sur lequel, couvés par un George bienveillant, Angus et
en 2001, d’être élu « meilleure chanson australienne de tous les Malcolm Young ont fourbi leurs premières armes en studio. Nous
© Stephen Fleay

temps ») permet à George et ses compères de tourner en première ne saurions trop conseiller ce disque (sur lequel jouent donc quatre
partie de Cream, mais aussi des Rolling Stones. Hélas, mal frères Young), réédité en juin 2014, aux amoureux d’AC/DC qui y
conseillé et managé, en proie à une pression énorme, le jeune découvriront les fondations de leur groupe de cœur (« Quick
combo se fait de plus en plus sophistiqué et ne parvient pas à Reaction » est un « T.N.T » avant l’heure…).

A gauche : George Young avec The Easybeats (Australie, 26.10.1969)

83
journaux, on ne parle que de ça : « Un jeune groupe australien
LE MARIONNETTISTE résiste au géant Deep Purple ! ». L’air de rien, ça nous fait une
Lorsque, fin 1973, Malcolm Young (guitare rythmique) forme bonne pub, d’autant que notre premier album, High Voltage,
AC/DC en recrutant Dave Evans (chant), Larry Van Kriedt (basse), n’est pas encore sorti ! ».
Colin Burgess (batterie) et son petit frère Angus (guitare lead),
George est déjà présent, prompt à distribuer les conseils et à filer
un coup de main bienvenu, ainsi que nous le confie Dave Evans : L’ANGE GARDIEN
« C’est déjà une légende vivante. Il vient nous voir répéter une Sur ce premier LP publié le 17 février 1975, toujours produit par le
semaine après que le groupe se soit formé, craque et promet de tandem Vanda/Young, George tient encore la basse sur de nombreux
nous faire enregistrer très rapidement un premier 45 Tours. titres, en lieu et place d’un Rob Bailey dont il a réenregistré la plupart
Je n’en crois pas mes oreilles ! Il devient notre mentor, il a tant des parties mais qui est pourtant crédité. En 1992, il s’en confie à
d’expérience… Rien que le fait d’être dans la même pièce que lui l’auteur de ces lignes : « C’est vrai, il y a deux bassistes sur cet
est pour moi un honneur incroyable ! Vu ses accointances avec le album, Rob et moi. Je me souviens notamment avoir joué sur le
label Albert Productions, il tient rapidement parole puisque, dès titre « High Voltage ». Le groupe était très occupé à l’époque. Il
janvier 1974, il nous apprend que nous allons entrer en studio jouait partout, et Dieu sait si l’Australie est un grand pays. Aussi,
sous sa houlette ! ». C’est donc George qui intercède auprès de quand il revenait à Sydney, il n’avait pas beaucoup de temps pour
Ted Albert pour permettre à un AC/DC balbutiant de dénicher rester en studio. Ensuite, il se rendait à Brisbane ou à Melbourne,
son premier label. En studio, ce sont Vanda et lui qui produisent et je restais seul avec les bandes masters. La basse étant parfois un
ce premier single, « Can I Sit Next To You Girl/Rockin’ In The peu faible, je refaisais certaines parties moi-même ». Le mois suivant,
Parlour ». « Je ne connais aucune de ces deux chansons, avoue avec l’arrivée de Mark Evans, AC/DC se stabilise enfin. Le jeune
Evans. Jamais entendues ! On me confie les paroles que je dois bassiste est lui aussi impressionné par George, comme il nous le
chanter, et George ou Malcolm me les fredonne pour m’indiquer confie : « Je ne dirais pas qu’il agit en patron, mais il est pour nous
la marche à suivre. Je n’ai pas grand-chose à dire, alors je suis une sorte de mentor, une personne de bon conseil. C’est le type le
les directives et j’ouvre grands les yeux et les oreilles (…) Me plus futé qu’il m’est arrivé de croiser dans le business. C’est un
retrouver en studio avec George Young et Harry Vanda est excellent compositeur, un producteur et un musicien hors-pair, il
purement fascinant ! ». Non content d’aider ses jeunes frères à comprend le rock’n’roll mieux que personne. Je pense sincèrement
peaufiner ces compos et à en sortir la substantifique moelle, que, sans les Easybeats, AC/DC n’aurait jamais vu le jour. Angus
George en réenregistre les parties de basse (un instrument qu’il et Malcolm sont très largement inspirés par le succès que leur grand
maîtrise à la perfection, parmi de nombreux autres !) de Van Kriedt. frère a connu avec les Easybeats. Je crois qu’ils veulent rééditer
Homme à tout faire, il lui arrive également, dans les mois qui suivent l’exploit à leur façon, en imitant leur aîné (…) J’apprends beaucoup
et à l’occasion de concerts, de remplacer au pied levé le batteur à l’époque et je suis très reconnaissant de ce qu’un producteur
Colin Burgess ou les bassistes qui se succèdent. La presse nationale, comme George peut m’inculquer. C’est passionnant de travailler
d’ailleurs, ne s’y trompe pas, voyant en AC/DC le protégé de l’ex- en studio avec un tel génie ! Il est brillant ». C’est ce génie qui a la
Easybeats. Lorsque sort « Can I Sit Next To You Girl », le fanzine merveilleuse idée de la cornemuse sur « It’s A Long Way To The
rock Who Put The Bomb écrit : « AC/DC n’est très probablement Top », par exemple. Le reste fait partie de l’histoire : de 1975 à
rien d’autre que le tandem Harry Vanda/George Young entouré de 1978, George place AC/DC sur les bons rails en produisant T.N.T.
requins de studio. Mais s’il s’agit d’un vrai groupe, sa ressemblance (1975) – et par extension le High Voltage européen (76) – Dirty
avec les Easybeats des débuts est étonnante. Les Easybeats étaient Deeds Done Dirt Cheap (76), Let There Be Rock (77), Powerage (78)
bien sûr connus pour leurs dynamiques surpuissantes (…) et ce 45 et If You Want Blood (78). Rien que ça… En 1983, alors qu’Angus
Tours est une évolution moderne de ce son classique, avec des riffs et Malcolm s’autoproduisent pour la première fois, c’est lui qui
et des thèmes heavy 70’s. Comme si The Sweet avait écouté en vient à la rescousse afin de superviser, à New York, le mixage de
boucle « Friday On My Mind », « Sorry » et « Easy As Can Be » Flick Of The Switch et de réenregistrer les parties de chant de
durant une semaine, puis tenté de faire mieux ». Dès le départ, les Brian Johnson. Toujours aidé par Vanda, c’est lui qui permet à un
observateurs au parfum comprennent que, tout doués que soient AC/DC essoufflé de sortir la tête de l’eau en produisant notamment
Malcolm et Angus Young, c’est, dans l’ombre, George qui tire les le hit « Who Made Who » (1986) et l’album Blow Up Your Video
ficelles en évitant à ses protégés de tomber dans les mêmes pièges (1988). Obligé de laisser la place à Bruce Fairbairn sur The Razors
que lui. Le 15 août 1974, par exemple, alors qu’AC/DC ouvre pour Edge (1990) à cause de problèmes familiaux, il sort de sa retraite
Lou Reed, l’homme se déplace jusqu’à Melbourne afin de s’assurer pour épauler une dernière fois ses cadets en studio, seul cette
que ses petits frères, sabotés deux jours plus tôt à Sydney, bénéficient fois-ci (Stiff Upper Lip/2000). Et puis, n’oublions pas : George
d’un son correct et suffisamment puissant. C’est qu’on ne déconne Young, c’est aussi celui qui a donné sa chance à Rose Tattoo et
pas avec George Young… Le 25 janvier 1975, alors qu’AC/DC The Angels, les deux autres perles du hard rock australien, en les
doit succéder à Deep Purple sur la scène du Sunbury Pop Festival, signant et en produisant leurs premiers et indispensables LP’s :
à Victoria, Bon Scott (chant) et Phil Rudd (batterie), qui n’ont Rose Tattoo (1978), Assault & Battery (81), Scarred For Life (82)
rejoint le groupe que très récemment, comprennent rapidement qui pour les premiers, The Angels (1977) pour les seconds. Le Rock &
est le « marionnettiste », ainsi que nous l’explique Malcolm Young : Roll Women (1982) du tandem féminin Cheetah ? C’est encore lui !
« Lorsque nous arrivons sur le site, on nous apprend que Deep
Purple, qui a failli annuler sa participation les jours précédents, Rock Hard oblige, nous n’avons abordé ici que le visage « hard
est bien présent et que nous allons donc devoir jouer après son set, rock » de ce visionnaire, mais on lui doit, par ailleurs, de très
vers une heure du matin. A l’heure dite, alors que nous nous nombreux hits comme « Black Eyed Bruiser », du pur AC/DC, et
préparons à monter sur scène, l’équipe technique de Purple « Evie » (Stevie Wright), « Walking In The Rain », « Waiting For
commence à démonter le matériel du groupe sous nos yeux : A Train » et « Ayla » de Flash And The Pan (projet pop avec
amplis, rampes de lights, etc. Nous sommes furieux car cela Vanda), ou encore le giga tube « Love Is In The Air » chanté par
signifie qu’il va nous falloir patienter jusqu’à quatre heures du John Paul Young. Et ce n’est là que la partie visible de « l’iceberg
matin pour pouvoir jouer. Ce qui est hors de question. Nos roadies George Young », homme-orchestre, visionnaire, producteur de
montent donc sur scène comme si de rien n’était afin de brancher génie (« Mon problème n’est pas de savoir si le son est parfait,
nos instruments. Evidemment, le crew de Purple se met à gueuler du moment que le feeling est présent, m’avait-il confié un jour, à
et à virer ces derniers comme des malpropres. Alors, nous nous y Londres) et compositeur d’exception sur l’œuvre duquel nous ne
mettons à notre tour, jusqu’au moment où George, qui a fort à faire saurions trop vous conseiller de vous pencher plus avant. « George
avec Bruce Payne, le manager de Deep Purple, très méprisant et nous a appris à faire avec ce que nous avions, à sortir le meilleur
© J. O’Rourke

qui ne veut rien entendre, balance une pêche à ce dernier. Baston de nos instruments », résumait Angus Young en 2000. A vrai dire,
générale sur scène devant 16.000 spectateurs ! (rires) Harry, l’ange gardien d’AC/DC a fait bien plus que ça…
George, les roadies, tout le monde s’écharpe ! Au final, nous ne
jouons pas et quittons le site furax. Le lendemain, dans les (Première parution : Rock Hard #183)

A droite : George Young & Phil Rudd durant les sessions


d’enregistrement de l’album Powerage (Sydney, 08.02.1978)
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HOMMAGE
ROCK IN PEACE

MALCOLM YOUNG (1953 - 2017)


Un hommage de Philippe Lageat • Photos : Marc Villalonga
Malcolm Young s’est éteint le 18 novembre 2017 à Sydney, Colin Burgess, un ex-membre de The Masters Apprentices, combo
Australie. Il restera, quoi qu’il arrive, le père d’AC/DC, son d’Adélaïde qui a connu son heure de gloire en Australie à la fin des
fondateur, mais aussi un guitariste rythmique d’exception. années 60. Fin octobre/début novembre 1973, Malcolm publie une
Visionnaire, exclusif, authentique, jusqu’au-boutiste, petite annonce dans le Sydney Morning Herald, un journal local :
abordable, disponible, humble, d’une modestie à faire peur, « Groupe cherche chanteur de rock ». Un certain Dave Evans se
directif, dur au mal, intransigeant sont plusieurs des adjectifs présente et est embauché à l’issue d’une jam qui le voit notamment
qui peuvent également dépeindre ce musicien dont la principale se frotter à des classiques de Free (« All Right Now »), des Rolling
caractéristique a été, jusqu’au bout, de rester droit dans ses Stones (« Honky Tonk Women ») et de Chuck Berry. Malcolm tient
bottes. Connaissant le gaillard, on est en droit de penser qu’il toutefois à ajouter une cinquième et dernière pièce au puzzle.
aurait détesté ce raffut qui est aujourd’hui fait autour de sa
disparition, tous ces hommages qui se succèdent… Après avoir Colin Burgess : La première fois que je jamme avec Malcolm,
fouillé dans nos archives pour préparer cet article, nous en je suis très impressionné par son niveau en tant que guitariste
sommes arrivés à la conclusion que vous narrer une énième rythmique, mais aussi en tant que soliste !
fois son histoire ou celle d’AC/DC serait redondant. Et que
personne mieux que lui, son frère Angus et ceux qui l’ont Malcolm, pourtant, ne l’entend pas de cette oreille car il ne se
vraiment connu ne pouvait en dresser un portait fidèle. Ici, voit pas assurer les parties de guitare lead.
c’est donc lui qui se raconte, avec ses mots extraits de
différentes interviews réalisées au fil de sa carrière. Pas de Malcolm Young : Mon idée première est de recruter un pianiste
place au compromis, à la branlette de manche et aux faux pour faire du rock’n’roll à la Jerry Lee Lewis, mais ça ne
semblants. Juste un petit bonhomme d’1m60 (tout au plus) fonctionne pas, probablement parce que je n’ai pas suffisamment
qui, sur disque comme sur scène, se transformait en géant, confiance en mes qualités de soliste.
transfiguré par l’amour du rock’n’roll, du vrai. « No Bullshit »
comme il aimait à le dire. We salute him ! Il pense alors à son frère cadet, Angus, le dernier de la fratrie,
dont le groupe Tantrum (qu’il a formé en 1972 sous le nom

LE VISIONNAIRE
Kentuckee) vient de splitter, et lui demande de venir auditionner
dans la salle de répétions du groupe : un bâtiment de deux étages
(situé dans le quartier de Newtown, sur Wilson Street, au coin
Né le 6 janvier 1953 à Glasgow, Malcolm Mitchell Young quitte d’Urskinville Road) qui abritait autrefois des bureaux, mais est
son Ecosse natale en mai 1963 pour s’installer à Sydney avec sa désormais désaffecté. Malcolm et son groupe se sont installés au
famille. L’année suivante, l’un de ses grands frères, George premier étage, dans une pièce minuscule.
Redburn (06.11.1946), forme les Easybeats, un groupe avec lequel
il devient très rapidement une star en Australie. Dans son sillage, Larry Van Kriedt : A l’époque, Malcolm est un peu un
le jeune Malcolm, qui bénéficie de ses conseils avisés, s’affirme visionnaire. Il l’est encore aujourd’hui. Il considère toujours le
très tôt comme un guitariste brillant. Il faut dire que, dans la groupe dans son ensemble. Il ne pense pas qu’à la guitare. Je me
famille Young, être musicien est presqu’une seconde nature. souviens l’entendre dire qu’il aimerait être le guitariste qui gère
Et que Malcolm est du genre précoce. dans l’ombre cependant qu’Angus serait le showman et le guitariste
lead.
Malcolm Young : Je commence à jouer à l’âge de quatre ans.
Du Elvis Presley, ce genre de choses. Et puis, les Beatles déboulent Angus Young : Malcolm me dit qu’il veut enrichir le son de son
alors que je dois avoir dix ou douze ans. Alors, j’essaie d’apprendre groupe avec deux guitares et me propose donc de les rejoindre.
leurs morceaux, les bons accords. Pourtant, à cette époque, je ne suis pas franchement excellent et
je me demande ce que je vais bien pouvoir lui apporter.
Malcolm Young : La première fois que j’entends « My
Generation » de The Who, c’est une épiphanie. Les Beatles et Malcolm Young : Angus a commencé à jouer tôt lui aussi,
les Stones sont alors les gros trucs, et puis, soudain, ce groupe mais lorsqu’il a eu dix/onze ans, c’est Hendrix qui était dans
débarque, qui sonne foncièrement plus heavy. Ça bouleverse l’air du temps. Alors il a envisagé la guitare différemment de moi.
totalement ma perception. Plus tard, je craque pour des morceaux A l’époque, il n’y a aucun doute que lorsqu’il joue en lead, il a le
comme « Jumpin’ Jack Flash », « Honky Tonk Women » (The son. Il a ce talent, mais il me dit : « Mal, tu devrais aussi taper
Rolling Stones) et « Get Back » des Beatles. C’est juste du pur des soli ! ». Moi, ce n’est pas mon truc, alors je lui réponds :
rock’n’roll. « Le groupe rocke comme ça, avec toi en lead et moi en rythmique.
Ça fonctionne vraiment, alors laissons les choses en l’état ! ». (…)
Malcolm Young : J’aime Muddy Waters. Elmore James pour le L’essence du groupe vient de là.
swing, Muddy pour la pureté… Tous les pionniers de cette époque
avaient des choses incroyables à offrir. Malcolm Young : William, notre père, en est le premier surpris.
Et pour tout dire, connaissant notre propension à nous chamailler
Malcolm Young : Gamin, je n’écoute jamais les paroles des à la première occasion, il ne donne pas plus d’une semaine de
morceaux. Je me focalise uniquement sur la guitare, puis le piano. longévité à notre association de malfaiteurs ! (rires)
Celui de Johnny Johnson qui accompagne Chuck Berry, par
exemple. Puis je commence à me concentrer sur la batterie. C’est Larry Van Kriedt : Nous commençons donc, tous les cinq, à
ainsi que, petit à petit, je finis par devenir un passionné de rythme, bosser sur des compositions originales de Malcolm, mais aussi
de rythmique. De ce qu’il faut faire pour qu’une chanson swingue. sur des reprises. Il y a de bonnes comme de mauvaises répétitions,
des moments de pure création, des disputes parfois, et même des
Après avoir joué au sein de plusieurs formations (Beelzebub Blues, bastons. Ce groupe est à l’évidence celui de Malcolm, sa vision.
© P. Mazel/Dalle

Velvet Underground), Malcolm décide de prendre son destin en C’est lui qui en est le leader naturel.
main en formant son propre groupe. Pour ce faire, il recrute un ami
de la famille, le bassiste Larry Van Kriedt, ainsi que le batteur Lors des premiers concerts que donne le quintet maintenant baptisé

A gauche : Malcolm Young (Hollande 1977)

87
AC/DC, il n’est pas rare qu’Angus et Malcolm échangent les rôles, l’édifice. C’est Malcolm qui nous apporte la solidité, une pulsation.
le premier passant parfois à la rythmique tandis que le second Sa main droite est toujours en mouvement. Je pense que, dans le
tape les soli. Au fil des mois, le line-up évolue et il arrive que genre musical qui est le nôtre, personne n’est capable de faire ce
Malcolm prenne la basse en concert en attendant que le groupe, qu’il fait. Il est très propre, très hard. Son jeu est une attaque en
momentanément réduit à quatre, se stabilise. Les setlists elles règle. Toute personne qui l’a vu jouer ou qui s’y connait en matière
aussi évoluent au gré des dates de janvier 1974, mais se de guitares vous le dira.
concentrent principalement autour de classiques rock’n’roll des
années 50 signés Chuck Berry (« No Particular Place To Go », Angus Young : Il tape le solo sur quelques chansons de notre
« School Days », « Nadine », etc.), Smiley Lewis (« I Hear You premier album (Ndlr : Angus parle du High Voltage australien,
Knockin’ ») et Little Richard (« Lucille »), ou de hits plus actuels sur lequel Malcolm joue notamment en lead sur « Soul Stripper »
des Rolling Stones (« Honky Tonk Women », etc.), des Beatles (« I et « You Ain’t Got A Hold On Me »). C’est un bon lead guitariste.
Want You (She’s So Heavy) », « Get Back », etc.) et de Free Il joue lead comme il jouerait en rythmique, et le résultat sonne
(« Wishing Well »). Quelques morceaux originaux sont aussi au comme personne d’autre. (…) C’est un très bon performer. Le cœur
programme, notamment « Midnight Rock » et « The Old Bay du groupe. Parfois, je m’assois pour le regarder jouer, et je me dis :
Road », tous composés par Malcolm. Le bassiste Neil Smith et le « Je vais jouer tel ou tel truc pour l’accompagner ». J’essaie de
batteur Noel Taylor accompagnent AC/DC durant deux mois, mais copier ce qu’il fait.
ils se font vite saquer parce qu’ils n’ont pas le feu sacré qui anime
leur visionnaire de leader, désormais en mission. Angus Young : Je ne pourrais pas échanger mon rôle avec celui de
Malcolm. Je pourrais éventuellement tenter de le copier, mais je ne
Noel Taylor : Malcolm ne se sépare pas de nous parce que nous ne parviendrais pas à jouer comme il le fait.
nous entendons pas, mais tout simplement parce que notre style ne
correspond pas à ce qu’il recherche. Et puis, dubitatif, j’ai un peu Malcolm Young : Angus dit ça pour me flatter. Je suis un guitariste
de mal à partager leur vision : Angus et lui ne cessent de dire qu’ils rythmique. En tant que soliste, je ne lui arrive pas à la cheville.
vont devenir l’un des plus grands groupes au monde. Ils n’ont pas Je ne pourrais pas faire ce qu’il fait. Je pense qu’Angus n’aime
le moindre doute à ce sujet. Pas qu’ils soient arrogants. C’est juste pas que les gens disent qu’il est bon guitariste, mais personne ne
qu’ils y croient dur comme fer. Et ils ont raison, ce que je ne le vaut. Demandez aux kids, ils vous diront qui est le meilleur de
comprendrai que plus tard. nous deux ! (rires)

La suite, effectivement, appartient désormais à l’histoire, AC/DC Les observateurs auront remarqué que Malcolm, d’une modestie
parvenant à s’imposer à l’échelle internationale en l’espace de six maladive, a toujours tenté de minimiser son rôle, pourtant crucial,
ans, jusqu’à devenir l’un des plus grands groupes de rock. Si ce laissant Angus bénéficier de toute l’attention, quand bien même les
n’est le meilleur… plus grands savaient pertinemment qu’il était le poumon du groupe.
C’est qu’il fallait voir, en concert, ce petit gabarit, le corps tout

LE MUSICIEN ACCOMPLI
entier secoué par le groove et le swing (deux maîtres mots),
maltraiter une Gretsch plus grande et plus épaisse que lui,
carbonisant les médiators qui fondaient littéralement sous son
Malcolm aura passé le plus clair de sa carrière à évoluer dans attaque. « Let There Be Rock » était mon moment préféré en
l’ombre de son petit-frère. Il faut dire qu’Angus, par son concert. Souvent, quand la salle toute entière n’avait d’yeux que
accoutrement d’écolier et sa prestation ultra énergique, attirait pour Angus, perché sur sa plateforme hydraulique ou juché sur les
tous les regards à lui. Pour autant, il n’en demeure pas moins que, épaules d’un roadie, mon regard restait rivé sur Malcolm. Durant
« guitaristiquement », nombreux sont les musiciens qui le jugent plus de dix minutes, ce dernier, épaulé par la batterie et la basse,
supérieur – si tant est que cela veuille dire quelque chose – à son tronçonnait au coupe-coupe, avec une précision et une énergie
cadet. Ce dernier semble d’ailleurs partager l’avis général, ainsi incroyables, un riff répété à l’envi qui m’amenait à la limite de
qu’il l’a souvent clamé dans les médias. la transe. Josh Homme, le leader des Queens Of The Stone Age,
partageait ce même ressenti, ainsi qu’il l’a confié récemment :
Angus Young : Malcolm est bien meilleur guitariste que moi ! « J’ai tenté de voir ce que ça faisait quand je jouais juste un riff
Si, au cours d’un concert, je m’arrête de jouer quelques instants, jusqu’à la transe. Décocher une bonne note, c’est bien plus difficile
son jeu compense l’absence de deuxième guitare. Je connais peu que cinquante. C’est ce que j’ai appris avec The Screaming Trees
de guitaristes capables d’un tel exploit ! (…) C’est son jeu qui a dont j’étais le guitariste rythmique. J’essayais de jouer comme
déterminé et détermine encore le style du groupe. Malcolm Young, de répéter un riff encore et encore, comme un
robot ». Malcolm Young était la rythmique faite homme. Et
Angus Young : Très tôt, Mal s’est avéré hyper compétent. C’était certainement pas le guitariste limité que certains ont cru voir
un guitariste très complet. Je sais que, sur nos albums, il est écrit dans ses compositions.
« guitare rythmique » en face de son nom, mais je vous assure que
s’il tape un solo, il peut le faire mieux que moi… Malcolm Young : Par bien des aspects, c’est plus difficile de
rester simple. C’est ça qui est compliqué.
Angus Young : Malcolm a plus d’expérience que moi, tant en solo
qu’en rythmique. Il sait toujours ce qu’il fait. Il a sa propre Malcolm Young : J’aime rester aussi près que possible de la
approche, un son unique. batterie et de la basse. Nous sommes juste là pour nous assurer
que le son transperce, que ça swingue, pour donner la meilleure
Angus Young : Mon frère Malcolm reste mon préféré. Il est, assise à Brian et Angus.
à mes yeux, l’un des meilleurs guitaristes rythmiques au monde.
Malcolm Young : Je ne dis pas que, dans l’intimité de ma salle de
Angus Young : Mal a la meilleure main droite au monde. Je n’ai bain, je ne joue pas quelques trucs romantiques à souhait, mais ce
jamais entendu quelqu’un jouer de cet instrument comme il le fait. n’est pas ma tasse de thé. Sur scène, il faut jouer hard.
Pas même Keith Richards.
Malcolm Young : Un bon guitariste rythmique doit être solide,
Angus Young : Malcolm demeure un meilleur guitariste qu’Eddie se souvenir qu’il représente un soutien capital pour l’ensemble
Van Halen ! du groupe. Le rôle de la rythmique est loin d’être limité. (…)
La spontanéité joue un grand rôle dans notre groupe. Notre jeu
Angus Young : Je suis juste la touche de couleur au sommet de est essentiellement basé sur des riffs.

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un bon guitariste
rythmique doit être
solide, se souvenir qu’il
représente un soutien
capital pour l’ensemble
du groupe
(malcolm Young)
Malcolm Young : Quand le groupe ouvre les vannes, c’est faisons du rock’n’roll. Nous sommes plus durs que tous ces
comme si je surfais une vague ! punks. Nous avions pour habitude de nous marrer en regardant
ces mecs qui étaient supposés être capables de te décapiter avec

LA BÊTE
les dents. Nous nous disions : « On devrait lui arracher l’épingle
à nourrice qu’il a dans le nez et l’assommer ! ». Bon, en même
temps, c’est une bonne chose que le punk soit arrivé et qu’il ait
S’il est arrivé à Malcolm de jouer sur des Fender, ce dernier contribué à changer le visage de la musique pendant un petit
est toujours resté fidèle à Gretsch et, tout spécialement, à une moment, balayant toute cette merde hippie !
Jet Firebird de 1963 affectueusement surnommée « The Beast »
(La Bête), à juste titre, comme vous le savez. Malcolm Young : Nous, en compétition avec Iron Maiden
et Judas Priest ??? Non, pas du tout. Je pense sincèrement
Malcolm Young : C’est mon frère George, qui jouait avec les qu’AC/DC a une meilleure classe. Nous n’avons rien à voir
Easybeats, qui m’a offert ma première guitare : une Höfner avec ces groupes de heavy metal !
Clubman. Je l’ai repeinte en noir et utilisée pendant pas mal de
temps. Puis, quand j’ai eu ma Gretsch, j’ai refilé la Höfner à Angus. Malcolm Young : (Répondant à un journaliste qui lui parle de
Twisted Sister et Mötley Crüe) Je n’en pense pas grand-chose.
Angus Young : C’est avec cette Höfner que j’ai fait mes débuts Je leur dis juste « bonne chance ! ». Je ne me suis jamais trop
en électrique. intéressé à toutes ces histoires de look ou de mode. Ça reste des
images créées et cultivées par des managers ou des maisons de
Malcolm Young : Ma guitare préférée est une Gretsch Jet disques. Moi, je suis dans le métier par amour du rock’n’roll,
Firebird. (…) Elle a été abîmée un paquet de fois. Elle n’a qu’un le reste m’importe peu. Chez moi, pour rien au monde je
seul bouton. Celui du volume. C’est tout ce dont j’ai besoin. Dès n’écouterais les disques de ces gens-là. Je suis fier de tout ce
le premier jour, je l’ai utilisée avec AC/DC. C’est Harry Vanda, qu’a fait et fera AC/DC. Se faire plaisir et donner du bon temps
le guitariste des Easybeats, qui me l’a offerte. Il a acheté, à un aux kids : voilà notre seule raison d’être.
prix défiant toute concurrence, une vieille Les Paul à un gamin
qui ne savait pas ce qu’il avait entre les mains. Alors, un soir, Malcolm Young : En ce moment, la scène rock est un peu
il est passé à la maison et m’a offert cette Gretsch. Inutile de rance à mon goût. Elle se durcit aux USA, mais reste trop
dire que mes pieds ne touchaient plus terre tant j’étais ravi ! commerciale, ce qui nuit à l’image même du vrai rock’n’roll.
A l’époque, j’étais le seul gamin en ville avec une Gretsch ! Pour moi, ce n’est rien d’autre que de la pop rock sophistiquée…
Et depuis le premier jour où je l’ai amenée en studio, ça a été Je préfère écouter des vieux trucs des 60’s du style Little Richard,
une super guitare ! C’est mon Stradivarius ! Jerry Lee Lewis, ou même des œuvres classiques parce qu’elles
ne prennent et ne prendront pas une ride.
Angus Young : Malcolm utilise des cordes de plus en plus
grosses. C’en est arrivé à un point où ils ne fabriquent plus ces Malcolm Young : Men At Work ? INXS ? C’est pas des groupes,
cordes car les jeunes en veulent de plus en plus fines. ça, c’est des produits. Ces mecs louent les meilleurs studios,
s’entourent des meilleurs producteurs et arrivent encore à pondre
Malcolm Young : Il m’arrive de regretter de m’être concentré des trucs à chier. Aucun intérêt. J’ai vu une vidéo d’INXS
sur la rythmique. Quand je vois les cordes énormes avec récemment. Assurément, ces jeunes gens ont des idées. Mais
lesquelles je joue, je me dis que j’aurais dû m’abstenir. Ça alors, leur musique…
demande une grande force de jouer avec ça. La finesse passe à
la trappe. Bah, c’est juste le naturel qui revient au galop ! (rires) Malcolm Young : Nommez-moi un autre style de musique
qui, comme le rock’n’roll, est encore là après trente ans. Où
Angus Young : J’ai essayé de copier son son de rythmique, à la est le punk aujourd’hui ? Et le disco ?
maison, avec l’une de ses guitares. Croyez-moi, ce n’est pas une
tâche aisée. Il utilise des cordes énormes, larges comme des rails Malcolm Young : L’état de la musique rock aujourd’hui ?
de chemin de fer. Tout est dans son petit poignet. Je ne parviens pas à en écouter, alors je ne peux pas vraiment
en parler. Ça m’ennuie à mourir. Ces jours-ci, les gosses ne
Stevie Young, le neveu du groupe qui a « remplacé » Mal lors savent plus comment swinguer.
du Rock Or Bust Tour 2015/2016, m’a confié qu’il jouait sur la
guitare N°2 de son oncle, s’empressant d’ajouter : « Sa N°1, la Malcolm Young : Chris (Slade) fait maintenant partie du
Firebird de 1963 est restée avec lui en Australie. Mais même si groupe, mais je tiens à dire haut et fort que nous ne voulons pas
je pouvais, je n’en jouerais pas. Par respect… ». Les fans qui ont pour autant sonner comme Uriah Heep !
connu le groupe sur les tournées Back In Black (1980/81) et For
Those About To Rock (1982) gardent également une tendresse Malcolm Young : Les gens peuvent aller voir REM en concert
toute particulière pour l’énorme Gretsch White Falcon de 1959 s’ils veulent entendre des paroles profondes, mais à la fin de la
dont il se servait alors et derrière laquelle il disparaissait soirée, tout ce qu’ils veulent, c’est rentrer à la maison et tirer
totalement. leur coup. Et c’est là qu’AC/DC entre en action. Je pense que
c’est ce qui explique notre longévité : les gens veulent baiser

L’EXCLUSIF
avant toute autre chose.

Malcolm Young : La musique d’hier reste la meilleure. Nous


Ça a toujours été une constante au sein d’AC/DC. Ses musiciens aimons les bonnes vibrations dans la musique, le côté fun. Or,
ont, dès les débuts, été très peu tendres envers les autres groupes ce qui se fait aujourd’hui est si déprimant que tu n’as qu’une
à propos desquels on les interrogeait dans les médias, à tel point seule envie : te couper les veines.
que je me suis souvent demandé si ce n’était pas une directive de
Malcolm : ignorer la concurrence ou la rabaisser afin de Malcolm Young : Angus et moi sommes allés voir Led Zeppelin
renforcer ce sentiment – certainement partagé par les Boys à en concert. Nous sommes partis après quelques morceaux. Le
l’époque – qu’AC/DC ne jouait pas dans la même catégorie, chanteur était un blondin. Un sacré poseur.
avait une autre classe. AC/DC contre le reste du monde…
Malcolm Young : Le chanteur de Nirvana ? Un blondin.
Malcolm Young : Nous ne sommes pas un groupe punk, nous Un sacré poseur lui aussi.

90
- Question : A tes yeux, quels sont les meilleurs candidats pour l’instinct, alors que lui était extrêmement organisé. Il enregistrait
garder la flamme du rock allumée après vous ? tout sur bandes ou sur CD.
- Malcolm Young : Je ne vois pas d’autre AC/DC où que je
regarde... Angus Young : Malcolm a une très grande force de caractère,
et son grand truc, c’est de donner au public ce qu’il est venu
Une exception, toutefois ? chercher. Il arrive à me faire garder les pieds sur terre. Même
quand je suis fatigué, je regarde ce qu’il fait et ça me rebooste
Malcolm Young : Quelqu’un m’a envoyé une vidéo sur laquelle instantanément. Parfois même, il me file un bon coup de pied
Céline Dion reprenait « You Shook Me All Night Long ». J’ai au cul, ce qui peut aussi aider !
été très impressionné. Pas nécessairement par son chant, mais
par le fait qu’elle soit capable de faire le pas de canard d’Angus Phil Rudd (batteur d’AC/DC) : En concert, j’écoute surtout
en putains de talons aiguilles ! J’ai pensé : « Fucking Hell, elle a Malcolm. C’est celui sur lequel je me cale.
vraiment des baloches pour faire un truc comme ça ! »
Angus Young : Nous nous disputons, mais nous nous retrouvons
En vérité, la plupart de ces affirmations constituaient une allure dans la musique. Nos avis sur ce que nous faisons peuvent être
de façade. Dans l’intimité, Malcolm s’intéressait de très près à différents, mais à l’arrivée, nous savons tous les deux que seul le
ce qui se faisait de nouveau, n’hésitant pas à choisir lui-même résultat compte. Alors, nous nous querellons, mais nous nous
les premières parties d’AC/DC en les contactant en personne. entendons probablement mieux parce que nous jouons ensemble
Whitesnake, les Backyard Babies, The Answer et les Black que si nous nous contentions simplement de vivre ensemble. (…)
Crowes, exemples parmi d’autres, peuvent en témoigner. C’est lui qui m’a toujours incité à occuper les avant-postes.
Il a toujours été un supporter de ce que je faisais et de mon jeu.

LE TAULIER
Il était le premier à dire : « Angus sait jouer. Il peut faire ça ! ».

Angus Young : En studio, il arrive qu’il me demande de refaire


On ne le dira jamais assez : quand bien même Angus est l’image un solo s’il pense que celui que je viens de sortir n’est pas assez
du groupe et le seul musicien qui ait assuré tous les concerts rock ou qu’il ne correspond pas à la chanson (…) Il me dit des
d’AC/DC (pas un mince exploit !), c’est Malcolm qui, jusqu’en choses assez extrêmes parfois, avant que j’enregistre un solo :
2012, en était le leader incontesté, l’organisateur, le patron. Il le « Je veux que ça rocke comme le tonnerre ! ». Et, croyez-moi,
restera jusqu’au bout, spirituellement. Les témoignages qui il ne faut pas le décevoir.
suivent en attestent.
Angus Young : Quand j’enregistre un truc en studio et que le
Jake Berry (ex- production manager du groupe) : Quand il y producteur me dit « c’est génial ! », je me retourne toujours vers
avait un problème, c’était vers Malcolm qu’il fallait se tourner. Malcolm : « Ok, mais qu’est-ce qu’il en pense, lui ? ». Parce que
Je ne dirais pas qu’il était le plus sensé, non… Mais disons que Malcolm me connaît mieux que personne, et selon qu’il trouve
si nous rencontrions un problème lors d’un concert, Malcolm ce que je viens de faire bon ou pas, je rentre me coucher ou je
était plus à l’écoute qu’Angus, qui était tout entier absorbé par sa passe la nuit au studio. Parfois, c’est comme si j’avais affaire à
performance. Après un gig, il lui fallait toujours un certain temps deux producteurs. Mais c’est une bonne chose parce que ça me
pour redescendre. Il y avait eu tant d’adrénaline qu’il avait fait me surpasser. Et puis, si le cœur n’y est plus, je peux tendre
besoin d’un palier de décompression. A ce moment-là, il était ma guitare à Malcolm et lui dire : « Vas-y, essaie ! ». Alors, il me
quasi impossible de lui parler ou d’échanger avec lui, alors nous montre ce que je dois faire et je me dis : « Ok, je vais faire tout
nous tournions logiquement et spontanément vers Malcolm qui, ce qui en mon pouvoir pour tenter de faire mieux que lui ! ».
lui, se montrait concerné. C’était, à n’en pas douter, le boss du
groupe, son porte-parole.
L’HUMILITÉ FAITE HOMME
Robert Ellis (ex-photographe du groupe) : La plupart des
groupes sont composés d’individualités à la personnalité J’en ai été témoin à de nombreuses reprises, les frères Young,
affirmée et aux opinions bien arrêtées. Plutôt que de passer leur Malcolm en tête, ont toujours fait preuve d’une grande humilité
temps à se prendre la tête ou à se battre, comme le faisaient les et d’une disponibilité de tous les instants envers leur public.
Who, les AC/DC préféraient faire des compromis afin de trouver Combien de fois ai-je vu ces deux-là quitter une salle de
un terrain d’entente. Lorsqu’il leur fallait prendre une décision, concerts à pied, s’arrêtant de longues, très longues minutes pour
ils suivaient donc une hiérarchie bien arrêtée, au sommet de discuter avec les fans, prendre la photo souvenir, ou signer tout
laquelle se trouvait Malcolm. Quand ce dernier disait « non ! », ce qu’on leur présentait ? Comment pourrais-je aussi oublier
la discussion s’arrêtait là et personne ne mettait son avis en cette fois où, alors que la maison de disques néo-zélandaise du
doute. Et quand il répondait « oui ! », Malcolm était content et groupe attendait impatiemment que les musiciens viennent poser
tout le monde avec lui. (…) Comme dans le milieu des affaires, avec elle afin de leur remettre des Disques d’Or, il lui était passé
il y avait d’abord réunions et discussions, mais au final, c’est le sous le nez, sans un regard, pour venir nous saluer, mes amis et
Président qui prenait les décisions. moi, à l’autre bout de la pièce ?
- Qu’est-ce que vous foutez là ???
Bon Scott (ex-chanteur d’AC/DC décédé en 1980) : C’est le - Ben, on a pris l’avion de France pour voir votre première
mec tranquille, le « cerveau ». Je ne veux pas le flatter en disant partie, Shihad, parce qu’on est de grands fans !
cela, bien sûr, mais il a une bonne vision de ce qui se passe dans (silence)
le business et au sein même du groupe. Je suis très heureux -Hahahaha ! Putain, vous êtes vraiment cons ! J’ai failli y croire !
d’être associé à lui. Il y a eu cette fois, aussi, où il m’a convié à son hôtel parisien
afin de me faire part de son idée de coffret en hommage à Bon
Angus Young : Malcolm a toujours été très méticuleux et Scott (Bonfire, qui est paru en 1997) et me demander si j’avais
pointilleux dès lors qu’il s’agissait de planifier, de monter un des suggestions à lui faire. Ou encore ce soir de janvier 1996 où,
emploi du temps qui se tienne ou de garder une trace de tout ce backstage et alors qu’il faisait un froid polaire à Greesboro, il
sur quoi nous bossions. Moi, je me contentais de prendre ma avait demandé à son tour-manager de trouver une chambre à un
guitare et de jouer. Heureusement, parfois, qu’il était là pour fan sans le sou qui pensait dormir dehors. On parle là de choses
appuyer sur la touche « record » alors que moi, j’étais déjà au vécues, pas de blablas. Et ce n’est là qu’un (très) mince aperçu
milieu d’un riff ! (rires) J’ai toujours travaillé comme ça, à du réel intérêt et de la gentillesse non calculée qu’il portait à ce

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se faire plaisir et
donner du bon temps
aux kids : voilà notre
seule raison d’être
(malcolm Young)
public qui l’avait fait. Pas vraiment le genre à péter plus haut et décortiquait un passage durant des heures jusqu’à ce qu’il
que son cul. Tu parlais à ce mec, celui qui avait composé la parvienne à le rejouer note pour note.
bande son de ta vie, et tu avais l’impression de causer à un pote.
Ni plus, ni moins… Robert Alford (photographe) : Je les ai vus pour la première
fois le 13 septembre 1978, dans la banlieue de Detroit. Ils
Malcolm Young : Je suis content que le succès ne nous soit pas ouvraient alors pour Thin Lizzy au Music Theatre de Royal Oak.
monté à la tête. Mon truc, c’est d’aller avec les Boys boire un Lorsqu’AC/DC est monté sur scène, l’ambiance est devenue
coup, peinard, et de me conduire comme n’importe quel quidam. électrique car le groupe assurait grave. J’ai eu l’impression que
Si je devais être en représentation toute ma vie, je ne saurais pas le volume montait au fil des morceaux. Juste avant la fin du
comment gérer ça. concert, un type a mesuré le son avec un sonomètre, et comme le
seuil toléré était dépassé, il a demandé au propriétaire de la salle
Malcolm Young : Maintenant qu’on a vu la vie d’Ozzy de couper le jus. Tout à coup, plus de son ! Malcolm est devenu
Osbourne à la télé, la nôtre nous paraît bien simple ! (rires) fou furieux, totalement enragé. Il a arrêté de jouer et s’en est allé
sur le côté de scène, là où se tenait le patron des lieux. Il l’a
Malcolm Young : A l’époque, Flick Of The Switch (1983) est chopé par le col de la chemise, forçant ce dernier à baisser la tête
mal tombé parce que la pop/rock cartonnait avec des groupes au niveau de la sienne, et lui a mis un bon coup de boule !!! Le
comme Def Leppard et Bon Jovi. Nous étions contre ces clips mec était profondément coupé. Il a donc appelé la police qui a
sirupeux, superficiels et prétentieux. Nous voulions rester emmené Malcolm au poste. Ce dernier a fini par être libéré par
humbles. son tour-manager. Whoaah ! J’ai trouvé ça génial !

Angus Young : Le groupe n’a pas changé d’un iota. Malcolm Malcolm Young : C’est comme ça que tu apprends, en bouffant
porte le même jeans depuis toutes ces années. de la vache enragée. Si tu pètes l’une de tes cordes et que tu n’en
as pas de rechange, pas de problème : tu finis le concert avec les
Angus Young : Comme le dit mon frère : « AC/DC n’a pas cinq cordes restantes ! Rien ne doit venir entraver ton show !
besoin de prendre une cigarette pour avoir une dégaine. Si nous
mettons une cigarette à la bouche, c’est pour fumer ! ». En 1984, alors qu’AC/DC se produit aux Monsters Of Rock de
Donington, une altercation improbable se produit entre des
Malcolm Young : Je n’aime pas accorder trop d’interviews... membres de Mötley Crüe et les frangins Young. Elle est un
Il y a déjà bien trop de musiciens qui ne peuvent s’empêcher de exemple, parmi tant d’autres, du caractère bien forgé de
raconter à qui veut les entendre comment ils composent, tout ce Malcolm, grand amateur de boxe devant l’éternel, qui ne
côté artistico-péteux. Inutile que je m’y mette à mon tour ! craignait rien, ni personne.

Malcolm Young : Je crois sincèrement qu’AC/DC appartient Tommy Lee (batteur de Mötley Crüe) : Nikki et moi étions
à son public. Il y a le groupe et ses fans. AC/DC n’appartient totalement bourrés et, à l’époque, nous avions cette manie de
certainement pas au business, en tout cas. Les gens savent que mordre au sang les musiciens que nous croisions pour leur
nous sommes honnêtes vis-à-vis d’eux. montrer à quel point nous les adorions ! (rires) Je revois Nikki
s’élancer sur Angus et le mordre, mais ce dernier ne voit pas la
Malcolm Young : Nous ne faisons pas de musique pour les chose du même œil que nous. A vrai dire, il est plutôt fâché. Il
critiques. La seule chose qui nous intéresse, c’est de savoir ce faut reconnaître que ça fait vachement mal de se faire mordre
qu’en pensent les kids, si ça leur plaît. Si les gamins arrêtaient ainsi. Mais nous, nous trouvons ça drôle car c’est une façon
de réagir positivement à ce que nous faisions, nous saurions que originale de montrer notre affection.
nous avons merdé quelque part.
Nikki Sixx (bassiste de Mötley Crüe) : Quelques secondes
Malcolm Young : Nous n’avons jamais été de ces groupes après que j’aie mordu Angus, je vois débouler une mini tornade.
qui déboulent et demandent aux gens : « Allez, debout et Il s’agit de son frère, Malcolm, qui est dans une colère monstre.
applaudissez ! ». C’est à nous de faire en sorte que, si vous Il s’avance vers moi, nullement intimidé en dépit du fait que,
nous aimez, vous applaudissiez. Pas le contraire ! perché sur mes platform boots, je fasse deux fois sa taille :
« Pauvre connard ! » me crache-t-il à la gueule, totalement

UN CARACTÈRE BIEN TREMPÉ


incontrôlable du haut de son mètre soixante : « Qu’est-ce qui te
prend, p’tite pédale ??? T’as pété un boulard, espèce de givré ?
Je te préviens tout de suite : t’as mordu mon frangin, mais si tu
Pour amener un combo au sommet, une vision, le talent, le t’en prends à moi, putain, j’te jure que j’t’arrache ton putain de
travail et l’envie ne suffisent pas. Il faut qu’à la tête de ce nez avec les dents et que j’te bouffe tes putains d’oreilles de
groupe, une personnalité sache précisément ce qu’elle veut et travelo ! » Il a un certain cran car il ne dépasse pas ma ceinture,
mette tout en branle pour parvenir à ses fins, sans crainte de mais je lui réponds : « Ah bon, le nain, tu veux que j’te fasse la
faire de dégâts collatéraux. Il suffit de jeter un œil sur le courte échelle ? ». Alors, il devient hystérique et me saute
parcours, au hasard, de Lars Ulrich (Metallica), Steve Harris dessus, me labourant le visage avec ses ongles tandis que je
(Iron Maiden) et Lemmy Kilmister (Motörhead) pour s’en repousse sa tête d’une main ! (rires) Je crois que Doug, notre
convaincre. Malcolm, assurément, étaient de ceux-là. Ecartant manager, finit par le repousser hors de notre loge. De l’autre
d’un revers de la main toux ceux qui se mettaient en travers de côté, Malcolm continue de m’insulter en donnant des coups de
son passage (membres du groupe, managers, promoteurs, latte dans la porte pendant de longues minutes.
responsables de maisons de disques, etc.), il ne se laissait jamais
marcher sur les pieds, ce qui a permis à AC/DC de tenir contre En 1988, durant le Blow Up Your Video Tour européen,
vents et marées, y compris quand il était dans le creux de la Malcolm est en proie à de sévères problèmes d’alcool. En
vague. Droit dans ses bottes, franc du collier, parfois dur en patron, le guitariste décide de se faire momentanément
affaires, il n’a rien lâché. Jamais. remplacer (le temps d’une tournée américaine) par son neveu,
Stevie Young, afin de se faire soigner de cette addiction qui
Angus Young : J’ai appris à jouer en écoutant et en commence à altérer son jugement et à avoir des répercussions
accompagnant des disques. J’étais incapable de recopier les soli néfastes sur ce groupe qui est toute sa vie. Il reviendra l’année
de ces albums car je n’ai jamais eu la patience requise pour le suivante, sevré et de nouveau prêt à en découdre. Un nouvel
faire correctement. Malcolm, lui, arrivait à le faire : il s’asseyait exemple de son obstination et de sa volonté à toute épreuve.

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Brian Johnson : C’était moche. Mais il fallait qu’il le fasse, bout des doigts, je le voyais à certains détails. Son comportement
et il voulait le faire, pour ses enfants notamment. C’était un sujet me semblait parfois bizarre, sa concentration, notamment,
très personnel et une sacrée décision pour lui. Il avait tout à ses faiblissait. Et peu de temps après, mes craintes se sont
pieds, il pouvait faire ce qu’il voulait, mais il a quitté la tournée malheureusement avérées fondées quand, suite à une batterie
pour faire ce qu’il avait à faire (…) Nous venions de donner le d’examens, les médecins ont diagnostiqué sa maladie. Je lui ai
dernier concert à Wembley quand il nous a appris qu’il allait se alors posé la question : « Que veux-tu faire ? Veux-tu continuer
retirer. Nous n’en avons pas parlé car Malcolm n’est jamais du à jouer avec nous ? ». Et il m’a répondu : « Absolument. Tant
genre à s’étaler publiquement. Il nous a dit : « Gardons ça pour que mon état me le permettra ! ». Il était très décidé, comme
nous ! ». il l’a toujours été. C’est même lui qui nous a recommandé le
producteur Brendan O’Brien. A l’évidence, il savait très
Simon Wright (ex-batteur d’AC/DC) : C’est un dur à cuire, précisément ce qu’il voulait pour le bien du groupe. Idem pour
Malcolm. Il a pris seul la décision d’arrêter et de se soigner, la tournée, le Black Ice Tour (Ndlr : qui a eu lieu du 26 octobre
et ça n’en est que plus admirable. Il est incroyable et je n’ai rien 2008 au 28 juin 2010). Il suivait un traitement, était sous
d’autre pour lui que de l’admiration pour avoir fait ça et avoir eu médicaments, mais il voulait absolument aller au bout. A tel
les couilles de le faire. point qu’il n’a pas hésité à réapprendre certains riffs pour être
en mesure de tourner avec nous.
Malcolm Young : Juste une victime du rock’n’roll. Le mode de
vie. Je suis un petit bonhomme d’1m60. J’essayais de me mettre Herm Kovac (batteur qui jouait avec Malcolm au sein du
à la hauteur des balèzes. Mais ça m’a dépassé. Les gens ne Velvet Underground) : Sur les derniers concerts qu’il a faits,
pouvaient plus se reposer sur moi. Il fallait donc que j’arrête une il y avait beaucoup de temps entre les chansons car ils
bonne fois pour toutes. Quand tu as un problème d’alcool, tu ne diffusaient le morceau suivant dans ses retours afin qu’il se
le vois pas comme… Bien sûr, quand tu es devenu sobre, pas souvienne de ce qu’il devait jouer.

notre musique reste du rock’n’roll simple, sans


prétention. ça ne se veut pas intelligent, ce n’est pas
smart, ce n’est pas du business. c’est juste du rock !
(malcolm Young)
mal de choses te passent par la tête comme ce qui est arrivé à Brian Johnson : La famille de Malcolm, surtout sa femme
Bon et tous ces trucs que tu as merdés à cause de ça. J’avais Linda et son fils Ross, étaient présents sur la majorité des dates
juste besoin d’aide. Tu ne peux pas t’en sortir tout seul. Surtout du Black Ice Tour. Ce n’était jamais arrivé auparavant. Malcolm
quand, comme moi, tu as toujours tout fait seul dans le passé… voulait que son fils soit à ses côtés. Sa fille, Cara, est aussi venue
sur quelques concerts.
Malcolm Young : J’ai dû prendre un peu de vacances, sinon
je n’aurais pas figuré sur cet album du tout (Ndlr : The Razors Malcolm aura donné son ultime concert avec AC/DC le 28 juin
Edge sorti en 1990). Ce qui, pour moi, aurait signifié la fin du 2010 au stade San Mames de Bilbao (Espagne). Sa dernière
groupe avec lequel j’avais grandi ! apparition publique a eu lieu le 06 mai 2011, à l’occasion d’une
projection du concert Live At River Plate à l’Hammersmith
En 2008, Malcolm, sujet à des pertes de mémoire, apprend Apollo de Londres. Alors que le film était lancé et la salle
qu’il est atteint de la maladie d’Alzheimer. Il sait donc son plongée dans le noir, Angus, Brian et Cliff en avaient profité
temps compté et en informe son frère Angus. Courageux, il pour se retirer en catimini. Malcolm, lui, était resté à sa place
décide néanmoins d’achever l’enregistrement de l’album Black jusqu’au bout. Comme toujours. Jusqu’à ce que résonne la
Ice (2008), qui sera son chant du cygne en studio, mais aussi de dernière note de « For Those About To Rock », le dernier riff
prendre part à la tournée qui suit et qui s’avérera être la plus apocalyptique d’une vie sacrément fournie. Et dans son regard
longue de l’histoire d’AC/DC. Chaque jour, à l’hôtel, il répète tout entier absorbé par le grand écran, il y avait encore cette
avec Angus les morceaux qui composent le set du soir. Son petite étincelle qui résumait tout. Putain, ce qu’il était fier de
incroyable volonté lui permettra d’aller au bout de ces dates, son AC/DC !
ainsi qu’il l’avait souhaité. Aujourd’hui encore, on peine à
imaginer la volonté qui a dû être la sienne pour parvenir à « Nous savons ce qu’est le rock’n’roll, c’est la seule chose que
réaliser ce qui n’est rien moins qu’un exploit. AC/DC, jusqu’au nous sachions faire, m’avait-il confié à Christchurch quelques
bout. Jusqu’à la mort… minutes après le dernier show du Ballbreaker Tour, le 30
novembre 1996. C’est toute notre vie. Et notre musique est le
Angus Young : J’avais déjà un pressentiment, je l’avais vu reflet fidèle de ce que nous sommes. Ça reste juste du rock’n’roll
venir. C’est sa maladie qui veut ça : son état de santé ne peut simple, sans prétention. Ça ne se veut pas intelligent, ce n’est
aller en s’améliorant, il se dégrade invariablement au fil des pas smart, ce n’est pas du business. C’est juste du rock ».
jours. Mais Malcolm lui-même a toujours aimé aller de l’avant.
Il a parfaitement compris, seul, qu’il ne serait pas en mesure de Cet article est dédié à Malcolm Young pour sa disponibilité,
continuer avec nous. (…) Il m’est arrivé de penser à jeter son amitié et sa musique, mais aussi à sa femme Linda, sa fille
l’éponge mais, pendant un certain temps, j’ai cru au miracle : Cara, son fils Ross et sa petite-fille Myla. Une pensée toute
ils vont trouver un truc pour sortir Malcolm de là, un vaccin, particulière pour Angus Young qui vient de perdre George et
des cachets. Et puis, le temps passant et son état mental se Malcolm en l’espace de trois semaines. Il va falloir être fort…
détériorant, il a bien fallu que je me fasse une raison. D’autant
qu’il s’est également fait opérer du cœur et des poumons. Il faut Remerciements spéciaux pour son aide précieuse à Baptiste
savoir que la maladie de Malcolm n’est pas survenue du jour au Brelet.
lendemain. Avant même que nous n’enregistrions Black Ice, on
pouvait déjà observer ponctuellement qu’il n’agissait pas comme (Première parution : Rock Hard #182)
il l’avait toujours fait jusqu’ici. Connaissant mon frère sur le

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INTERVIEW
TOUTE PREMIERE FOIS

INTERVIEW CHRIS SLADE


Propos recueillis par Philippe Lageat • Entretien téléphonique réalisé le 27 janvier 2017 • Photo : Marc Villalonga
Le CV de Chris Slade est aussi impressionnant que Enfant, quels ont été tes premiers héros « musicaux » ?
remarquable : Tom Jones, Manfred Mann Earth Band, Je dirais Buddy Holly qui, contrairement à ce qu’on pourrait
Uriah Heep, David Gilmour, The Firm, Gary Moore, penser, récoltait plus de suffrages qu’Elvis Presley auprès de
Asia, MSG, etc., l’homme a accompagné de sacrées mes amis et de la plupart des jeunes de l’époque. Même si,
pointures. Au moment où Phil Rudd semble de retour évidemment, nous étions fans des deux. Ensuite, ce sont les
dans le giron d’AC/DC, rendons donc hommage à Beatles qui m’ont tapé dans l’œil, et, de manière générale,
Chris en le laissant nous raconter ses « premières fois ». toute cette explosion « pop » des années 60 : Gerry And
Bienvenue dans la machine à remonter le temps de ce The Pacemakers, The Who, etc., étaient des groupes brillants.
grand Monsieur ! Encore une fois, c’était « notre » musique, nous pouvions
nous identifier à eux. Et puis, ça nous changeait de Glenn
Rock Hard : La première chanson rock qui t’a accroché Miller et son orchestre ! (rires)
l’oreille ?
Chris Slade : Mon frère aîné, qui avait sept ans de plus que Ton premier instrument ?
moi, avait une chouette collection de disques. J’ai été bercé Le violon, à l’école. Mais je n’ai jamais été bon. C’est mon
par « All Shook Up » d’Elvis Presley (Ndlr : sorti le 22 mars grand frangin qui m’a initié à la batterie car il faisait partie
1957), le premier morceau qu’il ait vraiment aimé. Je devais d’une fanfare. Il m’a appris deux ou trois trucs. Je devais avoir
avoir dix ans environ à l’époque (Ndlr : Chris est né le 30 onze ans. Dans le bahut dans lequel j’allais, il y avait toutes
octobre 1946). J’ai eu beaucoup de chance d’avoir un grand sortes de groupes, notamment un orchestre classique et une
frère fan de rock. Ce dernier avait le même âge que Tom Jones fanfare. Or, le hasard a voulu que je sois, à l’époque, le seul
(Ndlr : chanteur gallois né en 1940 dont Chris va rapidement batteur de l’école. J’ai donc joué pour toutes les différentes
devenir le batteur) et fréquentait d’ailleurs la même école. formations du collège. J’étais pourtant incapable de lire la
Pour moi, ils étaient presque d’une autre génération ! (rires) musique : quand, sur une partition, je voyais une cascade de
Gamin, j’ai également grandi au son des crooners comme Bing notes, je pensais qu’il fallait que je me mette à jouer plus vite !
Crosby et Pat Boone. Les années 50 ont donc été une période de (rires) Aujourd’hui encore, je ne sais pas lire la musique. Je n’ai
transition au niveau musical. Elvis Presley faisait du « rock », jamais pris de cours. J’ai appris à jouer en autodidacte. Mon
tout comme Bill Haley & His Comets, mais ils ont bientôt été frère lui-même n’est pas allé plus loin que les premiers conseils
supplantés par les groupes de « pop » comme The Beatles et qu’il m’avait prodigués. De toute façon, je n’avais que 17 ou 18
The Rolling Stones. Le terme « pop » est devenu plus « branché ans lorsqu’il m’a fallu quitter le pays de Galles pour m’installer
que « rock », qui sonnait déjà dépassé. Ce n’est qu’à la fin des à Londres avec Tom Jones & The Squires, alors évidemment,
années 60/début 70 qu’on a vraiment commencé à parler de j’ai perdu le contact avec ma famille et mes amis gallois
« groupes de rock » et non plus de « pop ». A l’époque, nous pour devenir un « Londonien » (rires). J’ai même été obligé
évoluions en même temps que la musique et nous avions le d’adopter l’accent londonien car personne n’entravait un mot
sentiment, enfin, d’avoir « notre » musique. Je me souviens de ce que je disais avec mon accent gallois ! (rires)
aussi avoir beaucoup aimé le titre « Let There Be Drums »
de Sandy Nelson (1961). Ton premier kit de batterie ?
Il s’agissait d’un kit d’occasion que m’a vendu le batteur du
Tes parents étaient-ils des amateurs de musique ? groupe de mon père. Je lui ai refait une beauté en le repeignant.
Mon père était chanteur et danseur de claquettes. C’était un Il était composé d’un tom unique fixé sur la grosse caisse,
artiste complet, mais semi-professionnel : il travaillait durant d’une caisse claire, une charleston et une cymbale. Je crois que
la journée et, quasiment chaque soir de la semaine, participait je n’avais même pas de tabouret ! Je répétais dans notre salon
à ce qu’on appelait alors des « concert parties ». Il rentrait en essayant de jouer les morceaux qui passaient à la radio. Plus
du boulot, dînait, et repartait aussi sec car, étant également le tard, j’ai bossé en tant que livreur de journaux et j’ai économisé
chauffeur de sa troupe, il devait passer chercher tout le monde. suffisamment pour me payer un kit Premier « Blue Pearl »
J’ai eu la chance de le voir à une ou deux reprises, notamment flambant neuf. En fait, mon père m’a aidé en mettant un peu
lors d’un tremplin dans un parc de ma ville natale de Pontypridd d’argent au bout car je n’avais pas assez pour m’offrir seul ce
(Ndlr : au Pays de Galles). kit qui coûtait une somme substantielle – une vraie fortune
pour l’époque ! – et que je voulais plus que tout. Je ne m’en
Phil Campbell (ex-guitariste de Motörhead) est originaire suis séparé qu’en 1965 pour le mettre en vente afin de
de la même ville, non ? m’acheter mon troisième kit, de marque Ludwig cette fois-ci.
Oui. Figure-toi que nous sommes nés à trois rues d’intervalle ! Celui-là, je l’ai encore, et il sonne toujours superbement,
(rires) Loin de moi l’idée de l’embarrasser, mais étant son aîné comme tous ces vieux kits d’époque.
de quinze bonnes années (Ndlr : Phil est né en 1961), je l’ai vu
bébé dans les bras de sa mère ! (rires) Nous restons au contact Ton premier groupe ?
en nous envoyant des textos de temps à autre. La dernière fois, Tommy Scott & The Senators, le groupe du chanteur gallois
c’était aux alentours de Noël dernier ou du jour de l’an. Il vit Tom Jones, qui a rapidement changé son nom en Tom Jones
encore au Pays de Galles où il a sa résidence principale car sa And The Squires. Avant cela, j’avais juste joué dans une
famille habite dans le coin, à dix kilomètres à peine de là où maison des jeunes.
nous sommes nés. Moi, j’ai quitté le Pays de Galles à l’âge de
seize ans afin d’accompagner le chanteur Tom Jones à Londres. Le premier album que tu as acheté avec tes propres
Dès lors, j’ai beaucoup voyagé et surtout vécu dans le sud de deniers ?
l’Angleterre. Aux Etats-Unis également. Par la force des choses, Si j’ai bonne mémoire, c’était un disque de jazz : la Bande
les tournées se succédant, je suis devenu une sorte d’artiste Originale du film All Night Long (Ndlr : en France, ce film sorti
ambulant, sans domicile fixe, toujours en mouvement. Un en 1961 s’intitulait Tout Au Long De La Nuit) au casting duquel
citoyen du monde… J’ai toujours adoré voyager, découvrir figurait l’acteur Patrick McGoohan (Ndlr : célèbre pour son
d’autres cultures, rencontrer des gens. Essayer d’embrasser rôle dans la série Le Prisonnier). Ensuite, je pense que j’ai
le monde le plus possible. acheté l’un des premiers 45 Tours des Beatles, « Love Me Do »

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(1962), de même que le premier single des Rolling Stones, disque. Inutile de préciser que, bien sûr, nous n’avons pas
« Come On » (1963), une reprise de Chuck Berry. Quelques claqué le jackpot pour autant ! (rires)
mois plus tard (Ndlr : le 18 juillet 1964), je partageais la même
scène qu’eux ! (rires) Ta première tournée digne de ce nom ?
Là encore, c’était avec Tom Jones. En 1966, nous avons tourné
Justement, parle-nous de ce show qui fut ton premier en compagnie du Count Basie Orchestra (Ndlr : un ensemble
concert professionnel… d’une trentaine de musiciens mené par le pianiste de jazz
J’étais alors le batteur de Tom Jones et nous avons ouvert pour Count Basie). Chaque soir, cet orchestre assurait la première
les Stones au Beat City, un minuscule club londonien d’Oxford partie, puis accompagnait ensuite Tom Jones. Moi, j’assurais
Street. C’était effectivement mon premier concert « pro », mais les deux sets. La popularité de Tom était alors devenue énorme.
aussi mon premier contact avec la scène nationale. Avec Tom, Franchement – et je n’exagère pas – il était plus populaire
nous jouissions déjà d’un vrai succès dans le sud du Pays de qu’Elvis Presley et Frank Sinatra réunis ! C’en était arrivé à
Galles et nous gagnions alors plutôt correctement nos vies tel point que, sur le fronton d’une salle dans laquelle nous nous
car les clubs payaient bien. Mais c’est à Londres qu’il fallait produisions durant une semaine, son nom n’apparaissait pas.
s’imposer si nous voulions dépasser le stade du simple succès Il était juste indiqué : « IL EST LÀ ! ». C’était dingue ! (rires)
régional. Après cette première partie des Stones, nous avons Pour moi, ce fut une expérience géniale de pouvoir jouer avec
donc décidé de nous y installer, mais ça a été très dur au début. le Count Basie Orchestra ! A l’époque, il s’agissait de la tournée
Nous crevions littéralement de faim car nous ne trouvions pas la plus longue à laquelle j’ai jamais pris part : cinq ou six mois
de boulot. A Londres, nous étions perdus loin de chez nous et consécutifs sur les routes américaines, avec de rares pauses…
personne ne nous connaissait. Pour nous, Londres était à un A New York, nous nous sommes mêmes produits au mythique
million de kilomètres de Pontypridd ! A l’époque, il n’y avait Madison Square Garden où nous avons joué deux ou trois soirs.
pas encore d’autoroutes, alors, pour se rendre dans la capitale, Un micro était placé à droite de la scène, un autre à gauche, et
il fallait emprunter des routes de campagne ! (rires) Il te fallait Tom chantait dans un micro relié à sono de la salle ! Je ne sais
une journée entière, nuit comprise, pour rallier Londres au pas comment tout cela pouvait sonner correctement, mais c’était
départ de Cardiff (Ndlr : une distance de 260 kilomètres pourtant le cas ! (rires)
environ !). 15 à 18 heures de bagnole, et je ne plaisante pas !
Pour le gamin de vingt ans que tu étais, ce devait être une
Comment tes parents ont-ils réagi en voyant leur fils à peine expérience incroyable que de parcourir ainsi les USA.
majeur quitter le domicile pour emménager à Londres et Parvenais-tu à garder la tête froide malgré tout ?
tenter de faire carrière dans le rock’n’roll ? J’espère que oui. C’est en tout cas ce que m’ont dit mes
Oh, ils m’ont toujours incroyablement soutenu ! Mon père proches. Je pense que c’était là le résultat de l’éducation que
étant lui aussi un artiste, ce n’était guère étonnant. D’autant j’avais reçue. Mes parents m’avaient inculqué la notion de
qu’il était également grand fan de Tom Jones avec qui il avait « respect ». Enfin, parfois ! (rires) Nous étions une famille
bossé à l’occasion, alors que Tom avait 16 ou 17 ans. Ce dernier ouvrière de classe moyenne. Mon père et mon frère bossaient
n’avait pas encore l’âge légal pour boire de l’alcool, mais se à l’usine. Ma mère également. Elle travaillait d’ailleurs dans
produisait déjà dans les clubs. A plusieurs reprises, mon père la même usine que Tom Jones. Alors, je pense qu’avec une
n’a pas tari d’éloges à son sujet, disant que c’était un très telle éducation, on apprend à garder les pieds sur terre. Et puis,
bon chanteur, « meilleur que Tommy Steele » (Ndlr : un ado surtout, je ne suis jamais tombé dans la dope ! J’ai bu autant
considéré comme « la première rockstar » anglaise). Je me d’alcool que je pouvais m’en payer à l’époque, mais je n’ai
suis d’ailleurs pris la tête avec lui, lui répondant que c’était jamais pris de drogues. Ce n’était tout simplement pas dans
impossible, que personne n’était meilleur que Tommy Steele, ma culture. Et ça ne m’est jamais arrivé depuis.
sans quoi on le verrait à la télé ! (rires) Mais, rapidement,
il m’a bien fallu me rendre à l’évidence : mon père avait raison, Ton premier Disque d’Or ?
ce Tom Jones avait un sacré talent ! De nombreux albums de Tom Jones sur lesquels je jouais ont
évidemment été certifiés Or, mais on ne m’en a jamais remis à
L’un de tes premiers concerts t’a-t-il marqué plus que titre personnel. Il faudrait d’ailleurs que je m’en fasse faire un…
d’autres ? Si j’en crois le mur qui est en face de moi, mon premier Disque
Il y en a un qui me revient particulièrement à l’esprit. C’est D’or fut pour le single « Blinded By The Light » de Manfred
celui que j’ai donné, toujours avec Tom Jones & The Squires, Mann Earth Band en 1976 : un million d’exemplaires vendus
à l’Université De Montfort, à Leicester (UK), le 9 mai 1965. rien qu’aux USA ! The Roaring Silence, l’album duquel cette
Il y avait plusieurs autres artistes à l’affiche, dont Marianne reprise de Bruce Springsteen était extraite, fut quant à lui
Faithfull, Them et The Who. J’ignorais tout de ces derniers car, Disque d’Argent dans ce même pays. Voilà qui tombait bien :
venant à peine de publier leur deuxième single (Ndlr : I Can’t j’aime tout ce qui brille ! (rires)
Explain »), ils étaient encore peu connus. C’était également
notre cas, même si nous commencions à avoir le vent en poupe Ta première groupie ?
suite au succès de « It’s Not Unusual » qui caracolait en tête C’est très indiscret, ça ! (rires) Mais je vais te raconter une
des charts anglais (Ndlr : et qui demeure, un demi siècle plus anecdote. Il y a quelques années, je réponds aux questions d’un
tard, l’un des plus grands classiques de Tom Jones). C’est journaliste. Ce dernier est accompagné de sa nana, et celle-ci
certainement à cela que nous devions notre place sur cette me demande : « Vous est-il arrivé de répondre aux avances de
affiche incroyable. groupies ? ». Je lui réponds : « Oui, bien sûr ! Dans les années
60/70, les groupies faisaient partie intégrante du paysage rock.
Quelle a été ta réaction lorsque, pour la première fois, Elles étaient littéralement partout ! ». Et la nana enchaîne du
tu as aperçu l’un de tes disques dans un magasin ? tac au tac : « Et vous pensez avoir des enfants illégitimes ? ».
C’est le genre de moment dont tu restes immensément fier La question est si inattendue que je reste figé durant cinq
toute ta vie ! Tout musicien qui prétend le contraire est un bonnes secondes tant je suis choqué par sa question. Mais je
menteur ! (rires) Car c’est pour cet aboutissement, cette finis par me ressaisir : « Je l’ignore, mais il y a des tas de bons
reconnaissance, que tu travailles. C’est ce que tu souhaites batteurs aux quatre coins du monde ! » (rires). J’avoue que je
le plus ardemment : emprunter enfin l’autoroute du succès. reste assez fier de ma réponse !
Dans mon cas, je crois qu’il s’agissait du 45 Tours de Tom
Jones « Chills And Fever » (Ndlr : sorti en août 1964). C’est, (Première parution : Rock Hard #174)
de mémoire, la première fois que j’ai pu m’entendre jouer sur

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