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L’homme aux
1000 visages
Il y eut ce film “Man Of A Thousand Faces” en 1958.
James Cagney y interprétait une vie romantisée de Lon Chaney.
Expliquant par l’enfance et des parents sourds l’obligeant à user
du mime pour communiquer, comment il allait devenir l’acteur
muet et grimé, le Fantôme de l’Opéra, Mr Wu, Quasimodo,
Alonzo, le lanceur de couteaux... cet Homme aux 1000 visages.
Par l’enfance, oui. Pour Eric Clapton, celle-ci fut âpre, compliquée
et forcément déterminante. A cause de mensonges d’adultes,
comme souvent. L’incitant à se réfugier dans la musique comme
d’autres dans la poésie, la peinture, le football. Ecoles des prodiges.
Des délinquants, aussi. Ce sont parfois les mêmes.
Un documentaire sort ces jours-ci et raconte cela.
Validé par Clapton.
Tête d’affiche
TOY 20
Basile Farkas
56 The Dandy Warhols
Olivier Cachin THE PRODIGY 22
Basile Farkas JESSICA PRATT 24
Joseph Achoury Klejman ARCHITECTS 26
Eric DelsartBIRTH OF JOY 28
Alexandre Breton REQUIN CHAGRIN 30
En vedette
BUZZCOCKS 32
Stan Cuesta
JEFF TWEEDY 36
Léonard Haddad
JOE JACKSON 40
Olivier Cachin
THE SPECIALS 44
Nicolas Ungemuth
JIMMY PAGE 50
Jonathan Witt
Rock&Folk Espace Clichy - Immeuble Agena 12 rue Mozart 92587 Clichy Cedex – Tél : 01 41 40 32 99 – Fax : 01 41 40 34 71 – e-mail : rock&folk@editions-lariviere.com
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Courrier des lecteurs
On dirait ma mère...
Libre expression La bande-son Deux visions
En ces temps de biopic triomphant, de la révolution Elvis Costello, Steve Jones. Deux
de remise à zéro artistique pour cause En ces temps troubles et revigorants, profils, deux types d’allure, deux styles
de vibrante nostalgie, d’une forme très il peut être bénéfique de redécouvrir rigoureusement opposés. Il n’y a
désagréable de consensus général, The Yellowjackets et son évolution ! qu’à comparer leurs bouquins.
et de la disparition de toute opinion LAURENT BOURELLY D’un côté Costello, homonyme d’Elvis,
tranchée au nom du marketing global, volontiers critique, cérébral, apôtre d’un
peut-on encore dire que ce groupe, divertissement raffiné, ambassadeur
Queen, est totalement insupportable ? La cinquième consensuel (à la Maison Blanche
Peut-on encore dire que leur musique Ramone d’Obama), mélomane polymorphe
était à l’époque et est toujours une Alors Pete Shelley est mort... Et Mireille adoubé par ses pairs prestigieux (Dylan,
souffrance absolue à écouter ? Peut-on Mathieu est toujours vivante... C’est McCartney, George Jones, Allen
encore dire que leurs hymnes rock dégueulasse... Merci pour tous ces Toussaint, The Roots...). Costello et
(si c’est ça le rock, je comprends les bons moments Pete, où que tu sois. son “costume à sept livres”, son petit
jeunes qui n’écoutent que du rap... ) J’écoute en boucle “You Say You Don’t ampli Vox posé sur l’oreiller “crétin
sont juste laids et sans once de Love Me” une des plus belles chansons romantique” autoproclamé, à la
classe ? Et que leur look (ressortez qui aient été écrites et j’ai de la peine... mémoire encyclopédique, exhaustive,
votre R&F de février 2018 et admirez la GM au style soutenu, voire enrobé,
Illustrations : Jampur Fraize photo double page... ) était encore plus bavard : celui qui joua sur l’ancienne
laid et sans classe que leur musique Rickenbacker de George Harrison et
(ben si, c’est possible !) ? Bref, je ne L’Angleterre des vénère les accords de septième majeure,
Lettre authentique sais pas si on peut encore le dire, mais, ronds-points sixième mineure et les accords diminués
Salut, Rock&Folk, c’est vingt-cinq ans hum hum, cela fait du bien de l’écrire ! Repeindre un sous-marin jaune issus des songbooks de chansons
d’une amitié indéfectible. Rock&Folk, BRUNO SWINERS était déjà un acte subversif. des Beatles. Jamais avare de bons
c’est parfois se taper plusieurs PATRICK MOALIC sentiments. Sa formule définitive :
crémeries pour pouvoir l’acheter “C’est de la musique pop, mais pas
en kiosque. Rock&Folk, c’est avoir du Cluedo”. Son principal fait d’arme
quarante-cinq ans et se rendre compte subversif : avoir interrompu en direct
qu’en plus d’être casse-couille, on durant le “Saturday Night Live” la
devient presbyte : ça allonge les bras chanson “Less Than Zero” après
pour le lire dans son lit ! Rock&Folk, en avoir chanté seulement les deux
c’est pouvoir faire chier tes ex qui se premiers vers, avant de s’excuser
foutaient de ta gueule des couv’ classic auprès du public et d’enchaîner,
rock en leur envoyant les photos des contrairement à ce qui était prévu, sur
nouvelles : du sang neuf, c’est toujours “Radio Radio”... De l’autre côté, j’ai
bon ! Rock&Folk, c’est tomber sur des nommé Steve Jones, fan d’Elvis, frontal,
pépites qu’aucun autre magazine ne brut et tranchant, épouvantail à rupin
chronique : Highway 666 Revisited, par excellence, non-consensuel,
Erudit, Beano, Réhab’ et j’en passe... non-politiquement correct, instinctif,
Rock&Folk, c’est aussi du cinéma et primitif aux anecdotes licencieuses,
vive Mr Lemaire ! Rock&Folk, c’est à la mémoire partielle, trouble, limitée.
vous&nous contre le reste du monde. Steve Jones le hors-la-loi, avec son
Let’s rock, Folks ! matos barboté à l’Hammersmith
J ! MULHOUSE Odeon, à Bowie notamment, ses forfaits
criminels, ses loques façon filet de
pêche dépenaillées, mouchoir noué
Encore 16 ans sur ses tifs incoiffables, son esprit
Etre rock en décembre 2018 c’est chevaleresque, sa dévotion rock’n’roll
apprendre le décès de Pete Shelley en légendaire (97ème plus grand guitariste
lisant Rock&Folk... et ne toujours pas de tous les temps ! selon Rolling Stone).
savoir ce qu’on va faire de sa vie... Lui qui joua sur la Gibson Les Paul de
JACQUE M Sylvain Sylvain, celle avec “les décalcos
efféminées” (Chrissie Hynde) de pin-up.
Abhorre ces “saletés d’accords de
Du pétrole, septièmes et de onzièmes à la Beatles”.
des idées Fuit les sentiments. Héros d’un face-à-
Hausse du carburant à la pompe ? face historique avec l’animateur télé
Playlist : Ash — “Petrol” ; Metallica — Bill Grundy. A l’effarement de Costello :
“Fuel” ; Neil Young — “Fuel Line” ; “On aurait cru que la civilisation vivait
Rod Stewart — “Gasoline Alley” ; Eric ses dernières heures !”.
Clapton — “Peaches And Diesel” ; DESIRE DUROY
The Beach Boys — “Cabin Essence”.
BETTINA
Platiste
La drogue ça fait faire de
grands disques mais aussi dire
que la terre est plate.
STEVE LIPIARSKI
Classic rap
D’après Philippe Manœuvre, il y aurait
un rejet général du rock et c’est le
hip hop qui tiendrait le haut du pavé.
A mon avis, c’est encore plus terrible.
Et le hip hop, comme le rock avant lui, a
été englouti, dévoré, avalé, phagocyté,
par les mass-media qui l’ont recraché,
exsangue, vidé de toute substance
et de tout contenu. Bon, déjà, votre
banquier ou n’importe quel contrôleur
de train porte une boucle d’oreille.
C’est rock ? En hip hop, mais où sont
passés les grands disques d’antan ? En apnée Audacieuse théorie A message
Avec les samples astucieux de De La dans le jazz Janvier 2019 au sommaire (entre to you Rudy
Soul ? Avec les scratching furieux Réponse au fidèle lecteur né au autres) : Bertignac qui revisite son Bonjour, une petite missive pour
de Terminator X de Public Enemy ? numéro 332. Depuis quelques adolescence, Kate Bush qui revient réagir à la publication dans le courrier
Et les relances rythmiques fabuleuses années, après plus d’un quart de sur sa carrière, les inoxydables Stones, des lecteurs du numéro de décembre
de Snoop Dogg, on les retrouve où, siècle d’immersion en apnée dans la voix de Roy Orbison, Yoko Ono... d’une lettre rédigée par monsieur
désormais ? Et le flow génial d’aisance le jazz, je (re)-découvre le rock... Dans les chroniques de disques : le Rudy Rioddes. Ca commence par
d’un Eric B., on l’entend où de nos Et face aux aléas de la vie, c’est bien le retour tant espéré de l’Amiral, le une citation de King Tuff, pour illustrer
jours ? Car pour le grand public, qui rock qui, tous les jours, me maintient à disque de noël de Slowhand, les le péril numérique (tout le monde
se contrefout autant du hip hop que flot, par son énergie brute, sa douceur, come-back (voire d’outre-tombe) de devant son smartphone, personne
du rock, qui n’a que faire de savoir que sa folie, ses caresses ou parfois sa Young, Morrison, Bashung, Boy George. ne regarde vraiment, gnagnagna).
le rap est une évolution somme toute violence, dans sa sophistication ou sa Le rock avancerait-il en 2019 sous On dirait ma mère... Ensuite, je cite :
bien naturelle de la musique noire simplicité... Alors oui, certaines pierres l’étendard de la nostalgie ? “les grands cataclysmes rock
américaine, on n’a gardé que les pourraient s’arrêter de rouler... mais SAM n’existent plus, pour ceux qui de nos
aspects les plus évidents et les “faire valser le manuel d’histoire” ? jours pensent être là sans y être et en
plus faciles, jusqu’à la caricature. Le Grave erreur... L’histoire est nécessaire même temps être là-bas alors qu’ils n’y
gamin d’aujourd’hui s’extasie donc à la compréhension du monde. Poncif L’Amiral sont pas physiquement...” Alors là, je
sur une petite mélodie bien maigrelette éculé, peut-être, mais tellement vrai ! cinq étoiles comprends pas. C’est quoi “y être” ?
fomentée sur un ordi de base avec Et ça vaut également pour le rock ! Bonjour, Eric Dahan serait-il pote Je suis né en 1973, donc : pas d’Elvis,
un rythme des plus basiques et une Tourner le dos au passé, oublier avec Polnareff... !? Donner cinq étoiles pas de Beatles à la Cavern ou à
voix auto-tunée qui ahane des propos tous ces musiciens, ces groupes, ces (suis-je né) à son disque... ! Enfin, moi l’Olympia, pas de train RTL pour aller
incertains et simplistes, pour ne pas pépites, connues ou confidentielles, je trouve ça un peu trop généreux... voir les Stones à Bruxelles, pas de
dire ridicules. C’est plus de la musique, dont fourmillent les décennies Ou peut-être qu’Eric l’a écouté (en Sex Pistols au Chalet du Lac, pas de
c’est du tag ! En même temps, c’est passées ? Résolument non ! D’ailleurs, musique de fond) lors d’un cocktail Joy Division aux Bains Douches, etc.
parfait pour le crachouillis que génèrent les musiciens d’aujourd’hui ne s’y à la rédaction ? Les étoiles de la piste Pourtant, quand à l’âge de dix ans, j’ai
les portables. Mais dire que je pensais trompent pas : il suffit de voir à scintillent beaucoup moins depuis... écouté pour la première fois dans la
qu’on avait touché le fond avec l’arrivée quel point le rock des années 1970 “Le Bal Des Lazes”... M’enfin ! voiture du père d’un copain, devenu
du slam... Passez à ce même gamin un imprègne celui d’aujourd’hui... Meilleurs vœux à tous. depuis mon ami, le “20 Greatest Hits
album de rap de ceux que j’ai nommés “Le rock, c’est une histoire de SYLVAIN From The Beatles” (l’ancêtre de
plus haut. Il y a de fortes chances pour jeunesse”. C’est vrai... Mais tous les la compilation “1” sortie en 2000),
qu’il se passe bien trop de choses vieux musiciens, les vieux groupes, ont je peux vous dire que “j’y étais”. Et que
pour le pauvre petit qui se retrouvera commencé jeunes ( ! ). Leur musique Concept j’y suis toujours. Et que c’est pas la
totalement largué, comme s’il écoutait regorge de fraîcheur, il suffit de se Vu le nombre d’albums de reprises peine d’invoquer Ray Davies pour
du jazz, quoi ! Tout cela est à l’image plonger dans leur discographie pour par des groupes/ chanteurs au cours stigmatiser internet et la mort du rock.
bien tristounette de notre époque prendre un bain de jouvence... mais de l’histoire de la musique pop, rock, Des 0 et des 1 ne détruiront pas
chagrine. En attendant, Ungemuth peut-être que ce coup de gueule metal, punk et autres, j’ai décidé de “Waterloo Sunset”. Bien à vous.
nous a signalé une salve de rééditions n’est, de la part du fidèle lecteur né créer un groupe qui ferait uniquement A. COULON
de Hoger Czukay. En voilà une musique au numéro 332, qu’une... erreur de des reprises de reprises. Dans
à la fois audacieuse et ludique, même jeunesse ? Chers Rock&Folk, vous cinq albums, on sort un best of des
après toutes ces années. L’antidote faites œuvre de salubrité publique ! meilleures reprises, et dans dix ans,
parfait à la médiocrité ambiante. Et de Ne changez rien et longue vie à vous ! des gens reprendront nos reprises. Ecrivez à Rock&Folk,
quoi rebondir pour le futur. Car c’est 2XNU (fidèle lecteur né quelques mois Dans quinze ans, nous serons séparés, 12 rue Mozart
quand on est au fond du trou qu’on à peine après Rock&Folk) et on verra circuler des tribute bands à 92587 Clichy cedex
peut vraiment rebondir, non ? Faudra notre groupe de reprises de reprises. ou par courriel à
bien repartir un jour, de toute façon, J’ai déjà le nom The Repreneurs. rock&folk@editions-lariviere.com
restons optimistes. PUNK80S
Chaque publié reçoit un CD
BEN KENNEDY
DAVID BOWIE
ANIMAL COLLECTIVE Pour marquer ce qui aurait été le
La faction rock expérimentale 72ème anniversaire du blanc fin
de Baltimore célèbre les duc, Parlophone publiera un
10 ans de son très populaire coffret vinyles “Spying Through
“Merriweather Post Pavilion”. A Keyhole” au printemps. Il
Pour l’occasion ont été concocté rassemblera, en neuf 45 tours,
des bonus sonores et visuels autant de démos inédites.
disponibles sur internet.
NENEH CHERRY
KEREN ANN Après avoir joué au Café
“Bleue” est le nouvel album de de la Danse, publié un nouvel
la chanteuse pop. Ecrit, composé album “Broken Politics” fin
et réalisé par ses soins de bout 2018, l’interprète de “Buffalo
Photo DR
en bout et chanté en français, Stance” revient à Paris le Niki Demiller
il sera commercialisé le 15 mars. 28 février au Trianon.
TRICATEL
Le label français mené par
Bertrand Burgalat investira le
Palais des Festivals à Cannes les
1, 2 et 3 février. Au programme :
concerts, expositions, projection,
rencontre et ateliers.
TINA TURNER
La chanteuse se révèle dans
son autobiographie aux éditions
Harper Collins. Elle revient sur
60 ans de carrière, temps forts,
destructeurs et édificateurs.
En librairie le 6 février.
EVA IONESCO
L’actrice française se remémore ses nuits au Palace dans
“Une Jeunesse Dorée”, le deuxième film qu’elle réalise.
RECUEILLI PAR THOMAS E FLORIN - PHOTOS WILLIAM BEAUCARDET
Sur le papier, sa vie ressemble à une allégorie des R&F : Vous profitiez de la musique
seventies, tellement ancrée dans la fantaisie et le chez les autres ?
drame de son époque qu’on en viendrait à s’étonner Eva Ionesco : Voilà. Je ne connaissais
qu’elle soit là, devant nous, vivante. Seulement, même pas le nom des groupes ou des
Eva Ionesco n’est pas de ces artistes sans œuvre : chanteurs, je savais vaguement reconnaître
elle a écrit un livre, réalisé deux films, dont le dernier, les chansons, mais je n’avais pas la po-
“Une Jeunesse Dorée”, parle d’un club, le Palace, chette. J’avais 9 ou 10 ans, je faisais les
pour montrer comment les adultes initient puis photos avec ma mère, et on entendait “Dirt”
abîment ce que la jeunesse possède de plus précieux : des Stooges ou le Velvet Underground chez
son idéalisme. Eva, l’amie d’Alain Pacadis et des gens. Tout cela me plaisait beaucoup.
Edwige Belmore, égérie du Palace donc, n’est pas R&F : Dans “My Little Princess”, votre premier film qui parle
une collectionneuse. Cette musique, le rock’n’roll, de cette période de votre vie, la mère appâte sa fille pour un
elle a vécu à son diapason. Alors, pour parler de shooting à Londres en lui disant : “Si tu ne viens pas, tu ne
celle-ci, elle reçoit Rock&Folk à deux pas de rencontreras pas Sid Vicious.”
l’église Saint-Roch, où, ironie du sort, bon nombre Eva Ionesco : Oui ! Il y avait cette boutique de Vivienne Westwood,
de musiciens ont reçu leur éloge funèbre. Sex, à Londres, et on allait là-bas parce qu’avec un peu de chance, on
pouvait y rencontrer Sid Vicious. J’étais amoureuse de lui.
R&F : Toujours dans le film, une fois arrivée en Angleterre,
la petite fille fait des photos avec un jeune musicien. De qui
Le rock, les films noirs, vous êtes-vous inspirée ?
le cinéma italien Eva Ionesco : On voulait faire jouer Jethro Cave, le fils de Nick
ROCK&FOLK : Premier disque acheté ? Cave. J’ai un peu triché car, en vérité, ces photos, je les ai faites avec
Eva Ionesco : Chez moi c’est très simple : le diamant de mon électrophone un authentique lord, un vieil homme qui, donc, siégeait à la Chambre
était cassé et on n’a jamais su le remplacer. Ma mère détestait qu’on des lords. Mais je trouvais ça plus romantique que ce soit avec un jeune
écoute de la musique et ma grand-mère aussi. Alors, les premiers disques musicien, qui tombe amoureux d’elle. Ça donnait ce côté un peu gothique,
que j’ai entendus, c’était chez les gens, en sortant, soit à Londres, soit une ambiance comme dans les albums de son père, très “Confessions
aux Etats-Unis. La première chanson dont je me souviens, c’est “Mercedes D’Un Mangeur D’Opium Anglais” de Thomas de Quincey.
Benz” de Janis Joplin. Parce qu’il n’y a pas d’instrument, seulement la
voix de cette femme et ça m’a marqué.
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R&F : La première scène de “Une R&F : Mais comment vous est venu l’amour du rock pionnier ?
Jeunesse Dorée”, votre nouveau film, Eva Ionesco : On a toujours aimé les années 50. Les photos, les
c’est cette jeune fille qui quitte la stars : ces images, c’était notre cinéma à nous. Les gueules des
DDASS et offre ses cassettes aux filles acteurs, certaines femmes que l’on voyait dans Paris, les puces... Ça
qui restent. nous donnait envie de voir certains films et d’écouter une certaine
Eva Ionesco : Oui, j’ai donné mon musique. C’était aussi en réaction aux choses baba. On tranchait. Ça
magnéto en partant mais la fille d’à cô- nous amenait à aimer le rock, les films noirs, le cinéma italien... On
té m’avait piqué toutes mes cassettes. A passait par la porte de derrière pour voir des tas de trucs à la Cinémathèque
la DDASS, j’écoutais beaucoup Little et au Louxor où l’on passait une partie de nos journées.
Richard, les ballades de Gene Vincent, R&F : Beaucoup de gens de votre génération ont découvert la
du rock et, quand on sortait dans la DS musique des années 50 avec “American Graffiti”
de mon fiancé Charles Serruya, les B-52’s Eva Ionesco : “American Graffiti”, la
et “Sketches Of Spain” de Miles Davis. première fois que j’y suis allée, c’était avec
Ce qu’on aimait, c’était rouler, aller à Orly un rocker qui voulait absolument m’y
ou en forêt et écouter du rock. Des mor- emmener. Il s’appelait Claude et jouait
ceaux comme “Funnel Of Love” de Wanda dans les Go-Go Pigalles. Il était dans ce
Jackson, et toutes ces chanteuses à la voix groupe et on se retrouvait dans un endroit
complètement saturée que j’adorais, du où tout le monde se donnait rendez-vous
type Little Eva... Mais quand on sortait, l’après-midi, le Royal Mondétour, où, dans
on était plutôt funk, des trucs comme la cave, des musiciens répétaient. Et il y
Bohannon qu’aimaient les sapeurs qui avait un juke-box !
venaient danser à la Main Bleue. C’est de là que Fabrice Emaer, le R&F : C’était donc le rock dans les appartements ou les voitures
directeur du Palace, a eu l’idée de faire les soirées Jungle. et la musique noire dans les boîtes ?
Eva Ionesco : Voilà. Après la DDASS, avec Charles, on vivait avec
Philippe Krootchey, qui était disc jockey, comme on disait à l’époque,
“Klaus Nomi, aux Bains Douches et au Privilège, la boîte sous le Palace. On n’avait
pas le droit de toucher ses disques, il était hyper maniaque, lisait Michel
moi je ne peux pas” Foucault, il était même copain avec lui. Mais le matin, enfin l’après-
midi, il nous réveillait avec “Ghost Rider” de Suicide. Puis plus tard,
Flash And The Pan, “Walking In The mais je trouvais ça plus ringard que le Palace. Et puis, je m’y suis fait
Rain”. On aimait beaucoup ça. Avec mon arrêter par la police parce que je vendais de la drogue. J’étais très jeune...
fiancé, ils ont essayé de faire de la musique, Alors, de cette boîte, je me souviens de la queue qu’il fallait faire et
mais on n’avait pas le droit de l’entendre, qu’on y portait déjà des doudounes à plumes qui valaient très cher...
ils faisaient ça dans un endroit mystérieux. Bon, ça allait mal. Il n’y avait pas l’esprit bon enfant du Palace, ce
Je ne sais même pas s’ils ont vraiment côté enfantin, plus poétique, avec les différentes bandes qui se faisaient
répété. Je sais que Charles s’était fait la guerre. Au 54, les gens avaient l’air moins chez eux. Au Palace,
construire une guitare carrée et qu’il se certains clans dominaient les autres, alors il y avait des rébellions, on
l’est fait voler. Par la suite, Philippe a sorti s’amusait comme dans une classe d’école. Puis le lieu était beaucoup
des disques, “Qu’Est-Ce Qu’Il A (D’Plus plus beau : c’était un théâtre. Alors que le 54... ce n’était pas beau. La
Que Moi Ce Négro Là ?”, le premier, où Dancetaria, c’était mieux.
il avait la tête de Banania sur la pochette. R&F : Vous aviez un mot pour définir ce qui ne vous semblait
Mais moi, c’est surtout le groupe d’Edwige, pas bien : plouc. C’est quoi, plouc, pour la musique ?
Mathématiques Modernes, que j’écoutais. Eva Ionesco : Les gens qui écoutaient des chansons populaires, on
Elle voulait chanter et partir à New York. aimait pas, il y avait quelque chose de très tranché entre eux et nous.
R&F : Au Palace, forcément, vous Puis, il faut se rappeler que c’était dangereux de se balader dans les
rencontriez beaucoup de groupes. rues. Christian se faisait dépouiller ses chaussures, il se faisait agresser,
Eva Ionesco : Je me rappelle m’être moi je ne pouvais pas marcher en robe serrée... Maintenant, les gens
fait draguer par Bruce Springsteen, mais sont beaucoup plus cool, tout le monde est good vibe, c’est très mauvais
je ne savais pas du tout qui c’était. Il y genre de ne pas être sympa.
avait mon ami Christian Louboutin qui me R&F : Un chanteur a évoqué cette guerre entre les branchés
disait, genre : “vas-y”. Mais surtout, on a et les ploucs, c’est Renaud.
vu en concert, et ça tout le monde a adoré, Eva Ionesco : Voilà, un mec comme Renaud, c’était pas trop notre
Prince. Personne ne savait qui c’était, il truc. Il a de la gouaille, mais ça me fait penser à de la gouaille de café-
n’y avait pas beaucoup de monde dans la théâtre. A mes oreilles, ça sonne un peu comme le Grand Orchestre
salle, c’était génial. Puis, j’ai fait de la du Splendid...
musique avec mon fiancé, Charles, un petit R&F : Il y a des morceaux qui vous faisaient quitter la piste de
groupe mais ça n’a rien donné, je chante danse illico ?
comme une casserole. On connaissait aussi Eva Ionesco : Klaus Nomi, moi je ne peux pas. Même s’il est intéressant,
les punks. J’aimais bien Johnny Thunders quand je le voyais : il était non.
très désagréable, mais j’aimais énormément “Born To Lose”, plus que R&F : Et pourtant vous avez joué dans un clip du groupe Visage ?
les New York Dolls, dont j’adorais tout de même la pochette. Jerry Eva Ionesco : Bah, c’était payé, hein. Christian Louboutin m’avait dit :
Hall et Mick Jagger sortaient au Palace, on les voyait, mais on s’en foutait “Vas-y, mais c’est craignos.” Après, on m’a demandé de faire une choriste,
un peu. C’est surtout Pacadis qui me racontait ses rencontres avec les et c’était au Palace, donc... Mais Visage, pour nous, c’était comme Klaus
groupes, ses interviews. C’était vraiment mon ami. J’étais très jeune, lui Nomi : ça faisait partie des gens super craignos.
un peu plus vieux, on était désespérés tous les deux, il me raccompagnait
souvent chez moi.
De la musique de source
R&F : C’est le premier film où vous ne faites pas appel à Bertrand
Kraftwerk au sommet Burgalat pour composer la BO. Pourquoi ?
de la tour Montparnasse Eva Ionesco : Si, il y a un morceau original, qui est de mon fils
R&F : Certains concerts vous ont particulièrement marquée ? Lukas, mais il joue dans le film. Après... J’y ai pensé, mais ça n’aurait
Eva Ionesco : On a vu Kraftwerk au sommet de la tour Montparnasse, pas été bien de reconstituer une musique d’époque. Je pensais qu’il
pour la sortie de “The Man Machine”. Il fallait travailler avec des choses qui ont vraiment existé et ont traversé
y avait très peu de monde, on a bu de la nos mémoires. Mais j’adore travailler avec Bertrand : on a fait un long
vodka très forte parce que c’était une soirée métrage, un moyen métrage ensemble, puis un autre court métrage aussi.
un peu moscovite. Je ne sais plus comment Pour “My Little Princess”, on a travaillé très en amont et, dès le tournage,
on était redescendus de cette tour. il m’a proposé des sons, des directions. Je savais que la musique serait
R&F : C’est dans ces années que vous importante, qu’elle ne serait pas une musique de soutien des images
êtes allée à New York? mais qu’on allait jouer avec, qu’elle allait raconter l’histoire et Bertrand
Eva Ionesco : New York, j’y suis allée a très bien compris ça... Pour “Une Jeunesse Dorée”, je voulais de la
deux fois pour cette histoire de groupe musique de source, pas de la musique que l’on colle sur l’image. Ici,
d’Edwige avec Yves Adrien. Je me sou- la musique fait partie de la vie : ils allument la radio, vont en boîte,
viens que je me suis fait couper les cheveux et fait une croix gammée mettent des disques, et c’est ça que l’on entend dans le film.
sur le bras. C’était une très mauvaise période de ma vie. Je voulais me R&F : Au point que, dans l’avant-dernière scène du film, on
jeter d’un immeuble à Chinatown, parce que j’avais pris un acide très entend, au loin, à travers un mur, “Nightclubbing” d’Iggy
fort, chez Marie-Paule, qui faisait des bijoux pour Madonna. J’ai sauté Pop ?
mais je suis tombé dans un trou. C’était très dangereux New York, à cette Eva Ionesco : Vous l’avez reconnu ? Merde. Parce qu’il ne fallait pas.
époque-là. Mais on allait voir des trucs avec Edwige comme Grandmaster C’est le seul morceau dont on n’a pas eu les droits, du coup... on l’a
Flash dans une toute petite boîte... Puis on allait au Studio 54. mis en sourdine. ★
R&F : Alors, Palace ou Studio 54 ?
Eva Ionesco : Je ne peux pas dire que le Studio 54 c’était vraiment Film “Une Jeunesse Dorée”
bien. Je sais qu’il y a eu plein de photos avec des gens célèbres et tout,
BRACE! BRACE!
Sans concept, sans artifices, Nous sommes un mercredi soir à l’Olympic Alors, leur petit truc à eux, c’est l’art de
Café, l’un des trois clubs parisiens à pouvoir rupture. Pas comme une formule, non, mais
ces jeunes Lyonnais établis à encore accueillir les groupes de taille pour leur plaisir personnel de musiciens, “pour
Paris se concentrent sur l’essentiel : moyenne dans notre capitale. Devant des ne pas s’ennuyer à répéter des centaines de fois
pintes à 5 euros, les Brace! Brace! font défiler les mêmes parties.” Sauf qu’ils écrivent avec
des chansons réellement leur histoire, en s’excusant presque devant le tant de précaution que leurs chansons ne
déviantes et excentriques. banal de la chose. Ils ont grandi à Lyon, ont ressemblent à rien d’autre. Voici la grande
Photo DR
monté des groupes au début des années 2010, qualité du groupe. Au bout de 45 minutes de
se retrouvent à Paris autour d’un amour conversation, il faut leur poser la question :
Nouvelles du monde : Aretha Franklin, commun pour la musique, sans trouver de pourquoi faites-vous cela ? “On le fait pour
Charles Aznavour, Marty Balin, Tony références qui les rassemblent. Après deux EP, nous.” Rivés sur la composition et le mixage
Joe White et bien d’autres sont morts. Thibault Picot (chant, guitare), Cyril Angleys — approximativement deux ans de travail pour
L’album le plus vendu de l’année 2018 (idem), Simon Lapillonne (batterie) et Antoine accoucher de cette œuvre — ils n’ont pas le
s’appelle “The Greatest Showman”, Barbier (basse) se retrouvent dans une temps de relever la tête. Ont-ils une vision ?
tiré d’une comédie musicale pièce pour répéter une tournée organisée Non, mais une analyse : “Trop de choses
navrante. La majorité des jeunes en posant des vacances dans les agences sont disponibles, trop vite, et en permanence.”
groupes pressent leurs disques à de communication où ils travaillent. Le temps de cerveau disponible est devenu
500 exemplaires et ne les écoulent Immédiatement, dès les premières notes bien mince. Puis, la création artistique est
pas. Et au milieu de tout cela, quatre jouées, ils se mettent à composer. A quatre. devenue méta, autoréférencée, manipulant
Français âgés de 25 à 30 ans, portent Aucun storytelling, ni surenchère émotive ici, avec dérision les esthétiques passées et les
un groupe de pop, à côté de leur boulot mais un parcours semblable à celui de milliers mœurs de l’époque. Dans ce brouhaha qui ne
quotidien. Ils s’appellent Brace! Brace! de groupes. Quoi de neuf sous les réverbères ? mène nulle part, Brace! Brace! ne commente
Musicalement, Brace! Brace! est au centre de pas. Il crée. Sa bulle. Et libre à chacun
son époque. Dix chansons pop composent son d’y pénétrer. Est-ce de la nonchalance ?
L’art de la rupture premier album, entre synthétiseurs vintage, Plutôt une forme d’abnégation. Face à tant
Brace! Brace!, une formation encore jeune, guitares pleines de chorus et thématique de chaos, l’époque exige de la radicalité.
prise entre un amour encyclopédique de la rêveuse. Ils n’ont pas cédé au second degré ou Brace! Brace! lui a préféré la douceur.
musique, un talent d’écriture déroutant et la au cynisme dont leurs contemporains se parent Espérons qu’elle sera entendue. ★
posture de sa génération qui, trop consciente telle une armure. “L’état de la musique est tel
de l’ancien monde pour se sentir à l’aise dans qu’il peut sembler presque naïf de faire les THOMAS E. FLORIN
le nouveau, trouvera difficilement sa place. choses simplement, avec honnêteté”, disent-ils. Album “Brace! Brace!” (Howlin’ Banana)
TALLIES
Joie hivernale, ce jeune groupe canadien sort un superbe premier album,
redevable à la pop mélancolique britannique de jadis.
les grands espaces, la lumière, l’immensité
des ciels d’hivers. “Le groupe s’est formé
initialement à Ottawa, où Sarah et moi
finissions nos études d’ingénieur du son.
C’est d’ailleurs dans le studio de l’école que
nous avons enregistré notre premier EP. Nous
nous sommes ensuite installés à Toronto,
Aux premières notes du titre prédécesseurs, mais possède une incroyable où nous avons tout de suite eu le sentiment
d’ouverture — “Trouble” — de cet conviction et joue avec une sincérité de d’appartenir à une communauté : Dilly Dally,
album inaugural, on a manqué tomber communiants. En clair, ces Canadiens ne The Beaches, Beliefs, Weaves, pour n’en nommer
de notre chaise ! Cette voix féminine versent pas dans la nostalgie. Evidemment, que quelques-uns, sont devenus plus que des
aérienne, cette guitare étincelante aux c’est troublant d’entendre à quel point la potes. Nous partageons les mêmes points de
arpèges clairs comme de l’eau-de-vie, chanteuse, la fraîche et tourmentée Sarah vue, aimons tous des tonnes de trucs, et surtout
ce couple basse-batterie si enthousiaste, Cogan possède un timbre proche de celui voulons tous faire de la bonne musique.”
tout cela ramène imparablement vers d’Harriet Wheeler des regrettés Sundays Et cette prodigalité fait de l’album un
les grandes heures de l’indie-pop — période “Reading, Writing, And croisement étourdissant de shoegaze, de
conquérante qui réinjecta de la libido Arithmetic” (janvier 1990, donc) — et à quel surf et de dream-pop, servi par une écriture
dans l’univers musical du soir des point la guitare gorgée de chorus et de reverb ciselée, délicate, cérébrale : “Nous travaillons
synthétiques et taciturnes eigthies. de Dylan Frankland, cofondateur du groupe, de manière collective le noyau de chaque
Les titres s’enchaînent, sacrément sonne comme celles tantôt de Johnny Marr chanson, nous le polissons ensemble et ça peut
troussés, avec cette fausse candeur, tantôt de Robin Guthrie... Mais qui s’en aller dans toutes les directions possibles. C’est
cette joie douce-amère de l’adolescence plaindrait, tant il y a de grâce, d’envoûtement, toujours imprévisible. Mais les paroles sont
qui s’achève ; c’est brillant et de féérie dans ces compositions lumineuses l’affaire de Sarah, et ont toujours pour origine
on s’affole devant tant d’appâts. qui touchent droit au cœur de l’auditeur ? ses expériences personnelles, ses propres rêveries,
Les aveux sont sans états d’âme. Dylan ce qui affecte son environnement. Et comme
Frankland : “Les Sundays, les Smiths et Cocteau elle ne peut s’empêcher de tout analyser,
Grâce, envoûtement, féérie Twins ont clairement inspiré notre écriture et elle met tout cela dans ses textes,
Attention, tout cela ne gâche en rien le notre orientation musicale lorsqu’on a démarré elle essaye de fixer des émotions.” ★
plaisir de découvrir un jeune groupe qui, l’enregistrement. On a vraiment décidé de faire ALEXANDRE BRETON
certes, honore une sacrée dette envers ses de la musique grâce à ces groupes dont le rôle a Album “Tallies” (Fear Of Missing Out)
“Comme un
flingue invisible”
Le quintette londonien poursuit en toute liberté, voire en autarcie, sa quête de bonne musique.
Une preuve : ce quatrième album rempli de chansons pop sombres et délicieuses.
TOY
DANS UN CAFE du nord-est ce groupe. Toy, depuis sa création en début de pour la musique électronique. Moi, je me suis
parisien, Tom Dougall et Max décennie, semble organisé comme un groupuscule intéressé à des bandes originales bizarres ou au folk
Oscarnold, deux cinquièmes autonome des seventies, une bande à Baader de la fin des années 60. Et ainsi de suite.” Tant
du groupe Toy, reçoivent avec non-violente. Max Oscarnold : “Il est certain que mieux, “Happy In The Hollow” pourrait bien être
une gentillesse désarmante les nous ne fonctionnons pas comme un groupe rock l’album le plus riche du gang, une œuvre où se
journalistes d’ici. Dehors, un normal. Personne n’a de rôle défini, tout le côtoient parmi mille choses un solo de guitare
froid de canard. Dans la salle, une monde peut jouer de l’instrument qu’il souhaite, espagnole, des boîtes à rythmes antiques, des
odeur de quiche aux poireaux, c’est l’avantage d’être avec des gens qui partagent claviers déviants, une reverb twang irrésistible.
des boissons chaudes, du tabac à exactement la même vision. Parfois, j’ai l’impression Toy, un coffre à jouets aux ressources infinies.
rouler et ces deux personnages à la que nous sommes un collectif de peintres, d’artistes.” Sans doute parce que ses membres jouent ou sont
Dickens en version indie rock, félins Dougall, s’interpose : “C’est aussi ce que désigne amis avec les groupes de pop ligne claire les plus
urbains élégants quoique dénués le Hollow du titre de l’album. C’est en quelque sorte intéressants du royaume : Proper Ornaments, dont
de la moindre frime. Toy publie son notre terrier, l’endroit où nous avons enregistré. Max Oscarnold est un des piliers, mais aussi
quatrième album, le remarquable Nous nous sommes enfermés pendant de longs mois, Charles Howl ou les défunts Ultimate Painting.
“Happy In The Hollow”. quasiment sans contact avec le monde extérieur.”
Heureux dans le creux. L’intérêt de la chose ? La musique sortie de cette
hibernation est passionnante. A ses débuts, Toy Grands romantiques
était un sympathique petit orchestre produi- L’avenir ? Peut-être déménager hors de Londres.
sant une tambouille rock hypnotique un peu prévi- Dougall : “Trois d’entre nous ont grandi à Brighton,
Notre terrier sible. Au fil du temps, notamment sur le gran- les références maritimes dans nos chansons vien-
Le creux en question pourrait d’abord matérialiser diose troisième album (“Clear Shot”, 2016), les nent sans doute de là. Mais la tension de Londres
la situation du groupe dans le show business. Londoniens ont ajouté de nouvelles teintes à leur s’entend également dans notre musique, elle est là
Après trois disques chez l’indépendant Heavenly, palette. “Le groupe est devenu cette espèce de comme un flingue invisible. Nous cherchons un
— une écurie qui semblait pourtant un refuge Frankenstein musical, commente Dougall. Tout nouvel endroit, une nouvelle ville où tout le monde,
idéal pour ce groupe post-punk/ krautrock/ ce que nous avons découvert s’est agrégé à notre nous et nos copines, serait heureux. Un endroit
shoegaze — le quintette est passé sur un label son. Dominic (O’Dair, guitariste) s’est pris de passion moins oppressant et, accessoirement, moins cher.”
plus petit, Tough Love. Départ volontaire ? Car, déprimant constat, ces grands romantiques
Limogeage ? “Rupture d’un commun accord, ne roulent pas sur l’or et tous prennent, de temps
répond le chanteur Tom Dougall. Nous sommes
restés en bons termes.” Max Oscarnold, son compère
Dernière à autre, un boulot alimentaire pour payer les
factures. Oscarnold : “Nous sommes en colère de
préposé aux synthés laisse tout de même entendre peinture manière générale, mais... j’ai abandonné un certain
une divergence de point de vue : “Nous voulions Après quatre ans d’activité la nouvelle nombre de combats, pas que dans la musique, dans
est tombée l’an dernier : Ultimate
garder le contrôle sur ce que nous faisons. Quand Painting s’est séparé. Raison invoquée : la vie. Pour nous, la situation a toujours été sombre,
nous avons signé avec eux, c’était vraiment un truc divergence artistique entre ses deux morose. J’ai la prétention de penser que nous ferions
familial, ça l’a moins été par la suite, c’est devenu cerveaux, James Hoare (membre de Proper exactement la même chose s’il y avait davantage
Ornaments, ami de Toy qui fait l’ingénieur
moins indépendant. Les nouveaux groupes signés du son pour le groupe) et Jack Cooper. d’argent. C’est minable de se plaindre, on ne fera
ne nous ressemblaient pas tellement. C’est aussi Resteront trois albums de pop cristalline, jamais ça. Nous n’allons pas pleurer, c’est de la
pour cela que nous n’avons pas voulu d’un notoirement influencés par le côté doux du musique, ne prenons pas ça trop sérieusement.” ★
Photo Steve Gullick-DR
producteur pour le nouvel album. Nous ne voulions Velvet Underground. Un quatrième album,
“Up!”, a même été terminé avant la
pas d’interférences extérieures.” De fait, on n’aimerait rupture, mais sa sortie fut annulée BASILE FARKAS
pas être à la place du responsable de maison de en dernière minute. Album “Happy In The Hollow”
disques qui a un jour tenté d’imposer une idée à (Tough Love/ Differ-Ant)
THE PRODIGY
Ces Anglais technoïdes sont de retour. Effraient-ils toujours le bourgeois,
comme aux heures fluorescentes des années 90 ?
LE BRUIT ET LA FUREUR, c’est quand j’entends des groupes dire qu’ils cher-
eux : depuis le début des années
1990, The Prodigy représente
Succès damné chent une autre direction, c’est un manque de
confiance en soi. Change le nom de ton groupe,
l’électronica en mode énervé, des “Sucettes” alors ! Quand on parle de The Prodigy, on sait
En 2006, le projet “Monsieur Gainsbourg
à base de BPM en fusion, offrant un Revisited” propose 14 chansons de Seurdge quel putain de son on va entendre. La question,
spectacle live où les sacrements sont adaptées en langue anglaise par c’est celle des chansons, elles doivent être
assurés par les prêtres du chaos Boris Bergman. Portishead adapte excitantes.
“Requiem For Anna” et The Rakes
Keith Flint et Maxim, tandis que le métamorphosent “Le Poinçonneur
Keith Flint : Les gens veulent cet assaut sonore.
mastermind Liam Howlett balance Des Lilas” en “Just A Man With A Job”. Quand ils entendront le nouvel album, ils vont
des orgies de décibels grâce à ses Parmi les oubliés de cette compile originale, vouloir retrouver cette énergie sur scène.
machines en surtension. C’est à il y a “The Lollies”, furieuse et foutraque
relecture par Keith Flint des “Sucettes” de
Londres que l’on rencontre les France Gall en mode Sid Vicious techno,
trois prodiges, quasi quinquagénaires, refusée par les héritiers. On retrouvera D’abord les acides
à l’étage d’un pub où ils ont “The Lollies” 10 ans plus tard sur le R&F : La musique électronique n’est plus
triple CD best of de Boris, mais amputée
leurs habitudes promotionnelles. de sa coda, qui contenait la phrase systématiquement liée à la drogue, comme
L’occasion de parler technique, sacrilège “put it in my mouth”. On l’avait c’était le cas à l’époque des raves.
techno, punk, Bosnie, drogue pourtant sur le bout de la langue. Liam Howlett : Les gamins changent. Au début,
et presse musicale. la culture rave s’est construite sur la drogue,
d’abord les acides puis l’ecstasy. Peut-être
n’écoutait pas de rave music mais je vais vous qu’aujourd’hui, les gamins prennent moins de
En Sibérie dire, tout ça est lié à la technologie de l’époque. drogue, je ne sais pas.
ROCK&FOLK : Malgré vos racines techno, On ne pouvait pas utiliser des samples trop longs Maxim : Sur scène, on doit se donner à fond.
vous avez toujours été un groupe de scène. sur les machines, donc on devait pitcher les voix, On n’a jamais été là-dedans.
Liam Howlett : Quand j’ai rencontré Keith, on comme le Wu-Tang. Ça a créé un style. Sans Keith Flint : Sinon on n’aurait pas pu offrir de
allait à des raves et on y a vu quelques groupes vouloir être rétro, on utilise la même méthode telles performances. Mais on a toujours des gusses
qui nous ont inspirés. J’avais cinq ou six ma- aujourd’hui parce que c’est devenu notre signa- qui viennent nous dire : “Oh, vous devez vous
quettes, je les ai fait écouter à Keith, Maxim a ture, mais, sur “No Tourists”, nous avons faits défoncer pour être comme ça sur scène !”
débarqué, on a fait notre premier concert et nous-mêmes les samples de voix. C’est devenu Liam Howlett : Quand on joue live, je ne bois
tout est parti de là. compliqué de sampler d’autres disques, on même pas, l’énergie du concert est tellement
préfère ne pas risquer de zapper un morceau plus forte ! En sortant de scène, je suis défoncé
R&F : Le même genre d’histoire que au dernier moment à cause d’une autorisation à l’adrénaline.
celle des Sex Pistols inspirant les punks refusée.
anglais, donc. R&F : Vous êtes contents des premières
Liam Howlett : Oui, tout le monde peut le faire. R&F : C’est dur de rester créatif après réactions sur le nouvel album ?
Pour y arriver, il suffit de s’impliquer et d’avoir 20 ans d’activité ? Liam Howlett : La réaction du public quand
de l’originalité. Keith Flint : On a tellement d’influences qu’on on joue les nouveaux morceaux en concert, ça
ne reste pas coincés sur une époque, et puis la me suffit. On ne lit jamais la presse, ça n’a aucun
R&F : Dès vos débuts, vous utilisez des scène nous amène à rencontrer des publics intérêt pour nous car on sait ce qu’on fait. ★
voix samplées et accélérées. Au même mo- différents. On s’est retrouvé en Bosnie à la fin
Photo Andy Cotterill-DR
ment à New York, RZA fait pareil sur ses de la guerre, on a aussi joué en Russie, en Sibérie. RECUEILLI PAR OLIVIER CACHIN
productions pour le Wu-Tang Clan. Qui a Ils sont à fond, là-bas. Album “No Tourists”
eu l’idée en premier ? Liam Howlett : On ne cherche pas un nou- (Take Me To The Hospital/ BMG)
Liam Howlett : Moi ! Bon, il est clair que RZA veau son, on a un son. Ça me fatigue toujours
JESSICAPRATT
Avec son troisième album, cette Américaine réussit un impeccable quoique peu bruyant coup d’éclat.
Oui, il est ici question de musique acoustique, intimiste mais non-ennuyeuse.
GLING, GLING, GLING, voici du moi à la maison, avec ma guitare et un multipistes R&F : Vos héros et sources d’inspiration ?
folk. Jessica Pratt, jeune trentenaire à cassette. J’ai toujours eu peur d’ajouter des Jessica Pratt : Je suis très attachée à Nick
californienne sort son troisième instruments à ma musique. Cette fois, j’avais Drake, Elliott Smith, des gens qui me plongent
album, le sensible et étonnant “Quiet quelques idées, j’ai essayé. dans une rivière de chagrin. J’adore Love, Robert
Signs”. Kevin Morby ou Kurt Vile Wyatt, Scott Walker...
ont dit beaucoup de bien d’elle, R&F : Est-il difficile de subsister comme
sans doute parce que les suites singer-songwriter, aujourd’hui ? R&F : Comment les gens réagissent-ils
d’accords étranges et la voix flûtée Jessica Pratt : J’ai eu un vrai boulot quand je quand ils entendent vos chansons ?
de l’Américaine ne ressemblent pas vivais à San Francisco, jusqu’à mes 26 ans. Puis, Jessica Pratt : Quand la musique est émo-
à grand-chose d’actuel. Dans ses en arrivant à Los Angeles, en 2011, j’ai décidé tionnelle, personnelle, les gens qui aiment
chansons, Pratt évite la plupart des de vraiment me lancer. Tout est arrivé vite, je s’identifient de manière très forte et vous disent
pièges auxquels est confronté tout me suis rapidement mise à faire des concerts. des choses profondes. Après les concerts, parfois,
artiste qui s’accompagne d’une J’étais insouciante, je suis beaucoup plus des personnes viennent me parler de leurs deuils,
simple guitare acoustique. Ce n’est nerveuse aujourd’hui. Il n’y a pas tellement de leurs peines amoureuses.
ni austère et ennuyeux, ni grinçant d’argent en jeu, mais j’arrive à me débrouiller.
ou hippie, mais pas non plus mignon. Si je suis à la rue l’année prochaine, je vous
Beau, simplement. Et triste, donnerai peut-être une réponse différente... Un édifice fragile
souvent. De passage à Paris, R&F : L’écriture est quelque chose de
Jessica Pratt donne quelques R&F : Phénomène rare, vous jouez exclu- facile ?
éclaircissements sur son auguste sivement sur une guitare classique, avec Jessica Pratt : En général, je finis toujours
métier : singer-songwriter. des cordes en nylon, comme Leonard les chansons que je commence. Certaines sont
Cohen ou Bobbie Gentry. un peu plus difficiles que d’autres, mais je n’y
Jessica Pratt : Il y avait d’autres guitares passe pas des années. Ensuite, le tri se fait
chez moi, ma mère jouait un petit peu, mon frère naturellement. Il y a les chansons sans intérêt
Un son doux et chaud avait une électrique mais dès que j’ai commencé et celles qui sont valables.
ROCK&FOLK : Comment êtes-vous venue à apprendre, j’ai acheté mon premier instrument
à la musique ? Avez-vous eu des groupes ? dans un magasin d’occasion tenu par la paroisse. R&F : Faire de la musique avec une guitare
Jessica Pratt : Non, la musique a quasiment Il se trouve que c’était une guitare classique. acoustique et le souffle de la bande, est-
toujours été une activité solitaire. J’ai d’abord C’est un son doux et chaud, c’est très particulier. ce une déclaration par rapport à l’époque ?
joué pour moi, j’ai commencé en apprenant des Jessica Pratt : Je suis très heureuse de vivre
chansons sur ma guitare, dans ma chambre, vers R&F : Vous n’employez pas vraiment les dans une époque où l’on peut modifier à l’infini
14 ans. Plus tard, en 2011, Tim Presley de White accords basiques des chansons de Hank les sons sur un ordinateur, mais... j’aime entendre
Fence a entendu une de mes chansons, sur Williams, vous avez développé votre propre l’humain, les erreurs, l’air dans la pièce...
YouTube. J’avais posté ça comme ça. Mon copain langage, assez sophistiqué. Comment est-
de l’époque lui a fait écouter. C’est ainsi que, de ce arrivé ? R&F : Les désavantages quand on joue
fil en aiguille, je me suis retrouvé à faire mon Jessica Pratt : Ce que les musiciens jouent est seule ?
premier album. toujours le filtrat de ce qu’ils écoutent, quoi qu’on Jessica Pratt : C’est un édifice très fragile, on
puisse vous dire. Même si c’est inconscient. utilise des sons peu bruyants pour faire passer
R&F : Sur “Quiet Signs”, on remarque On tente des choses, des suites d’accords, et son message. Ça peut être terrifiant, parfois.
quelques arrangements, du clavier, des on retient ce qui nous plaît. Mes chansons, quel- J’envie quelquefois les groupes de rock qui font
effets. Vous vouliez sortir de l’ascèse folk ? que part, sont redevables aux morceaux de Burt suffisamment de bruit pour ne pas entendre les
Jessica Pratt : J’ai du mal à dire que je suis Bacharach que j’aime depuis toujours et que j’ai gens parler pendant leur concert. Les premières
Photo Saamuel Richard-DR
folk... Mais, en enregistrant dans un vrai studio, souvent essayé de reprendre dans des versions parties, quand les gens ne vous connaissent
je savais que j’aurais davantage d’instruments à simplifiées. J’essaie d’avoir des structures pop pas, peuvent être difficiles. Le défi, c’est de faire
disposition. Les deux premiers albums ont été classiques, des chansons solides. taire les gens avec ses chansons. ★
enregistrés dans des conditions plus spartiates. RECUEILLI PAR BASILE FARKAS
“On Your Own Again” (2015), le précédent, c’est Album “Quiet Signs” (Drag City)
Végétariens
ARCHITECTS
Frappé par un deuil, le quintette britannique offre, quinze ans après ses débuts,
un metalcore toujours aussi rageur et mélodique.
FORME EN 2004 A BRIGHTON que guitariste du groupe. “Holy Hell” sort le 9 se développer pour être jouées par de vrais instru-
par deux frères jumeaux, Dan novembre 2018. Sur l’album, du matériel com- ments, venir à la vie.” Cependant, si ce dernier
et Tom Searle, respectivement posé par le défunt Tom Searle, ainsi que de album d’Architects est très cinématographique,
batteur et guitariste, originellement nouvelles compositions. On y découvre un son il ne faut pas espérer pour l’instant les entendre
sous le nom Counting The Days, plus atmosphérique qu’à l’accoutumée, gran- sur le grand écran. “Je ne vois pas bien quel genre
Architects a su devenir, durant ses diloquent presque. Alex Dean, chanteur du de film pourrait avoir du Architects en bande-son.”
quinze années d’existence, l’un des groupe : “Nous avons écouté beaucoup de bandes-
noms les plus importants du metal originales, surtout du Hans Zimmer, qui nous a
moderne. Après un premier album énormément inspirés. Pour cet album, nous avions Communauté
sorti en 2006, “Nightmares”, qui déjà les chansons de Tom, qui donnaient une sorte hardcore
lui permet de faire ses armes en de direction, et auxquelles nous voulions faire Mais Architects n’est pas qu’un des fers de lance
première partie de groupes tels que honneur, mais nous avions aussi envie, comme du metal actuel. C’est aussi un groupe engagé.
Beecher ou Bring Me The Horizon, à chaque album, de monter d’un cran, et de donner Tous les membres sont végétariens et soutien-
le combo commence à s’affirmer à Josh la liberté créative dont il a besoin. Cela nent l’association Sea Sheperd. “Nous voulons
avec “Ruins”, deuxième album, qui fait quelque temps que l’on veut incorporer cet montrer aux gens qu’il existe une autre voie. Mais
lui ouvre la voie des Etats-Unis. La aspect symphonique au groupe, avec des cordes, il faut que ce soit authentique. Parfois des groupes
machine est lancée et Architects est par exemple. C’est la première fois que l’on a prétendent être végétariens parce que c’est à la
signé sur Century Media, devenant le une section de cordes qui vient enregistrer avec mode. Mais il ne faut pas oublier qu’il y a toujours
premier groupe anglais sur ce label nous en studio. On a pu travailler avec l’orchestre, eu de la politique en musique, depuis les années
depuis Napalm Death. Les albums plutôt que de programmer les arrangements. 60, avec John Lennon, puis la scène hardcore, qui
suivent et les tournées s’enchaînent C’était un processus plus organique. Et même si parlait de véganisme, de réchauffement climati-
sur tous les continents, en compagnie aujourd’hui on peut avoir un très bon son avec que. C’est toujours drôle quand les gens nous
de ceux qui deviendront eux aussi des programmations, cela n’a rien à voir. Certains disent : ‘Oh, arrêtez avec la politique et la
les espoirs d’un renouveau du metal des instruments étaient vieux de plusieurs centaines musique’. A votre avis, qu’est-ce qui a commencé
(Parkway Drive, August Burns Red, d’années ! C’était impressionnant de voir ces tout ça ? La musique a vraiment commencé
Enter Shikari). chansons, que l’on avait écrites sur l’ordinateur, avec le message. La musique peut provenir de la
douleur, ou du stress, ou alors de voir quelque
chose que l’on aime pas, contre lequel on se rebelle.
Et puis, nous avons beaucoup de liens avec la
Tristesse communauté hardcore, et elle a toujours un
incommensurable A chacun message à faire passer, ça fait partie du genre.
En mai 2016, Architects sort “All Our Gods son métier Si quelque chose nous touche, et que l’on a une
Have Abandoned Us”, disque puissant, mélo- Les Architects ne sont, bien sûr, pas les plateforme pour exprimer nos préoccupations,
dique, mais empreint d’une tristesse incom- premiers à faire du rock une profession : pourquoi ne pas le faire ? Je ne pense pas que nous
The Carpenters, The Breeders,
mensurable. La raison de cette affliction est vite The Weavers, The Monks, The Trashmen, soyons totalement tarés de vouloir faire en sorte
dévoilée : Tom Searle, guitariste fondateur du The Romancers, The Palace Guards, que les gens aient plus de compassion. Pour autant,
groupe et frère du batteur Dan, décède d’un The Police, The Quarrymen, Minutemen, nous ne sommes pas un groupe vegan qui essaie
The Waitresses, The Undertakers,
cancer le 20 août, après trois années à se battre The Fireman, The Gladiators, les Garçons de faire passer de force son message aux gens.
contre la maladie. Mais rien n’arrête Architects, Bouchers, Mecano, The Upholsterers, On veut ouvrir la conversation.”
et quoiqu’en deuil, les membres du groupe The Astronauts, Cosmonauts, The Dentits, Architects sera sur la scène de l’Olympia, à Paris,
We Are Scientists, The Weather Girls,
Photo Ed Mason-DR
décident de continuer en hommage à leur The Presidents Of The USA, Les VRP,
le 27 janvier 2019. ★
camarade disparu. Josh Middleton a la lourde Cascadeur, The Auteurs, Editors,
tâche de le remplacer, à l’origine en tant que Mylène Farmer... JOSEPH ACHOURY KLEJMAN
musicien de tournée, puis officiellement en tant Album “Holy Hell” (Epitaph)
BIRTHOF JOY
Les Néérlandais ont décidé de se séparer après cinq albums de blues rock généreux.
Concert d’adieu et explications dans la ville de la galette-saucisse.
APRES UNE DECENNIE de bons et ainsi publié cinq albums studio en dix ans,
loyaux services dédiés à la cause du toujours dans ce même rayon blues rock aux
rock, le trio néerlandais Birth Of Irréconciliables
Le rock étant un genre sexagénaire,
contours stoner, avec, en 2014, un sommet, le
Joy a décidé de tirer sa révérence. nombreux sont les groupes qui au cours de puissant “Prisoner”. Sans surprise, la formule
S’il y a toujours quelque chose leur existence se sont séparés et reformés. s’est quelque peu érodée au fil du temps, l’exal-
d’émouvant à voir un groupe dans Si certains, comme Led Zeppelin ou tation des débuts aussi. “Nous ne nous arrê-
Pink Floyd, n’ont succombé à la tentation
la force de l’âge décider de mettre qu’une seule fois en trente ans, certains
tons pas parce que nous sommes fâchés ou à cause
fin à son existence, peu décident de n’ont jamais su régler leurs différends de problèmes d’argent, c’est juste qu’il est temps
célébrer leur dissolution avec tant de et laissent toujours les fans dans l’attente. de passer à autre chose. Mais pas question d’être
panache et un tel sens de l’amitié. Parmi les groupes qui font de la résistance, tristes”, précise Gutman. “Après tout, nous sommes
saluons pour leur opiniâtreté The Kinks
(1996), Oasis (2009), The Smiths (1987), Birth Of Joy” s’amuse Stunnenberg.
Talking Heads (1991), The White
Stripes (2011), The Jam (1982), XTC (2006),
ABBA (1982), Supergrass (2010) et, chez
Des classicistes nous, Téléphone, Bijou, Mano Negra... Mort dans la joie
L’histoire de Birth Of Joy, c’est celle d’un groupe Il sera donc écrit que Birth of Joy est mort dans
d’un autre temps, d’un anachronisme total au la joie, même si le groupe qui a donné en cette
cœur des années 2010, d’un groupe obsédé fin décembre son ultime concert français à
par le rock des années 60 et 70 et qui n’a jamais Ray Manzarek, la basse est jouée au clavier et Rennes n’est plus ce feu follet qui y avait enregistré
eu comme désir de faire évoluer son esthétique où le charismatique chanteur, Kevin Stunnenberg, un flamboyant “Live At Ubu” (dantesque triple
vers quelque chose de plus contemporain. Un possède une capacité surnaturelle à s’approprier album vinyle contenant pas moins de 26 mor-
trio guitare/ clavier/ batterie qui se décrivait lui- les maniérismes de Jim Morrison. C’est grâce au ceaux). Histoire de boucler la boucle, la dernière
même comme “Sixties on steroids” sur son site flair de Jean-Louis Brossard, programmateur des française du groupe a eu lieu en cette même salle
internet. Des classicistes qui se sont rencontrés Trans Musicales de Rennes, que le groupe a de l’Ubu, et le concert de deux heures donné
au conservatoire sur les bancs de l’Académie décollé en 2012. Repéré au festival Eurosonic devant un public acquis et une salle complète
Herman Brood à Utrecht. “Le premier jour, on de Groningue, le trio s’est retrouvé propulsé depuis de nombreuses semaines fut un final à
nous a demandé de former un groupe avec d’autres quelques mois plus tard aux Trans devant la hauteur de ce groupe jamais aussi à l’aise que
élèves qu’on ne connaissait pas” se remémore le plusieurs milliers de festivaliers qui ont adoré sur scène. Evidemment, le trio le reconnaît lui-
claviériste Gertjan Gutman. “On devait faire une les envolées blues rock du groupe. “Les gens même, par la voix de Gertjan Gutman : “Nous
reprise, écrire notre propre chanson et jouer devant étaient tellement enthousiastes et passionnés pour ne nous arrêtons pas vraiment” et sort la rengaine
les autres élèves deux jours plus tard. On s’est le rock’n’roll, ils chantaient avec nous alors qu’on de la pause indéfinie. Oui, il y aura probablement
trouvé des affinités en jammant. La connexion a jouait ici pour la première fois. Ça a été une d’autres concerts de Birth Of Joy dans le futur.
été instantanée, ça a été très facile. C’est ainsi révélation” se remémore le chanteur Kevin Dans 5, 10, 15 ou 20 ans ? On ne le sait encore
qu’est né Birth Of Joy !” D’autres sessions ont Stunnenberg. Un moment de grâce qui a donné — tout groupe classic rock qui se respecte se
suivi après les cours qui, de plus en plus, ont des ailes au groupe, pour lequel les sollicitations doit de faire une tournée de reformation par
remplacé l’école. Peu à peu le groupe a développé internationales se sont multipliées. Les tournées décennie, non ? — mais cette date rennaise était
son style, essayant d’intégrer un bassiste (“Ça a se sont enchaînées aux quatre coins du monde, l’ultime chance de voir le groupe au temps de sa
duré 10 minutes”) tout en restant raccord avec le groupe allant même jusqu’à donner 170 splendeur. Merci messieurs, et à bientôt pour
d’autres aventures. ★
Photo Tijmen Hobbel-DR
ce qui avait provoqué cette attraction mutuelle. concerts en 2014, soit près d’un jour sur deux.
La reprise choisie lors de leur rencontre avait “Je vivais dans une valise” s’en amuse le chanteur,
été “Break On Through” des Doors, comme un qui profitait de ses rares temps morts pour RECUEILLI PAR ERIC DELSART
signe avant-coureur de ce que serait, pour la composer et enregistrer. Absorbé par sa musique Album “Hyperfocus” (Glitterhouse)
décennie à venir, la base de ce groupe où, façon au point d’écrire constamment, Birth Of Joy a
REQUIN CHAGRIN
La Française Marion Brunetto poursuit une noble quête pop sur son deuxième album.
Mélancolie, réminiscences new wave et bonnes chansons sont au programme.
PARIS, DECEMBRE. Marion arpèges cristallins, rappellent aussi les excel-
Brunetto, regard incroyablement lents The Mantles de San Francisco. On en vient
rêveur, attend dans une brasserie. Requins évidemment à la claque initiale. “Indochine !
Un expresso est aussitôt commandé ; de studio
Le requin chagrin est un vrai requin, de
Mes parents écoutaient la radio, RFM, des choses
le dictaphone paraît presque un comme ça. Je devais avoir dix ans, et Indochine
taille moyenne et vivant en eaux profondes.
intrus, on fonce illico dans le vif du Nom scientifique : Centrophorus est arrivé comme un truc dingue, quelque chose que
sujet : le commencement. “Je jouais granulosus. Le nom désigne aussi, à la je n’avais jamais entendu jusqu’alors. Pour une
de la batterie dans Les Guillotines Réunion, une prostituée. Michel Sardou et enfant, c’était étrange d’entendre ‘Kao Bang’. Ce
Mireille Darc en ont fait le titre d’un duo
depuis 2012. Ce projet m’a nourrie, jouant évidemment un peu sur le double
groupe a été une obsession jusqu’à mes quinze ans.”
j’ai pu me faire la main. Mais, j’avais sens. Et d’autres ont, avant Marion A quoi s’ajoute l’indispensable passeur. “J’ai un
envie de faire de la musique toute Brunetto, rendu hommage aux grand frère, c’est lui qui m’a ensuite fait découvrir
seule, quelle qu’elle soit. J’avais sélachimorphes : Great White, Shark?, Cure, à travers ce best of, ‘Standing On A Beach’,
Grand Blanc, Moha La Squale, Sharko,
déménagé à Paris, où je vivais seule. Jaws, Sharks In Your Mouth ou avec le vieil homme sur la pochette. Cette compile,
J’ai commencé à enregistrer Carcharodon Megalodon. Ce qui fait je l’ai rincée ! Et il y a eu les Smashing Pumpkins,
des tonnes de trucs, souvent finalement assez peu de monde... Comme avec ce type chauve qui faisait peur. Puis les
l’animal, d’ailleurs, dont un tiers des
inécoutables. C’était de espèces est en voie d’extinction. Kills, les Yeah Yeah Yeahs, les Strokes. Et en
l’expérimentation. Puis, je me suis plus, comme j’étais abonnée à Guitar Part, je
achetée un enregistreur ; je testais, m’éclatais avec ces groupes à guitares, comme les
j’ajoutais des effets, de la reverb, White Stripes. Après, en 2012, je suis tombée sur
et là, ça a été le déclic. Je pouvais et c’est parti ! Plus sérieusement, je bossais en le catalogue de Burger Records puis sur les
mélanger tout ce que j’avais en tête. freelance, donc j’avais pas mal de temps pour compilations ‘Nuggets’ ou Born Bad. Tout ça
J’ai commencé à faire un morceau de travailler sur cet album. Je me réveillais à n’importe s’est mélangé. Je me rappelle avoir été obsédée aussi
A à Z, ça m’a donné envie d’écrire quelle heure, je prenais mon café et rien que de voir par ce titre du groupe Trisomie 21, ‘La Fête Triste’.”
des textes, ce que je ne faisais jamais mon matériel devant moi, ça me boostait ! Je
auparavant. Requin Chagrin, pour branchais et y allais. C’est la musique qui a toujours
moi, c’était passer à la création.” été la source de mon inspiration, pas vraiment la Composition
littérature ou le cinéma. Peut-être quelque chose monastique
de plus pictural. J’ai fait une école de dessin, car On écoute, le débit est calme et l’interlocuteur
j’ai longtemps voulu être dessinatrice de mangas. complètement abasourdi. C’est ce qui est litté-
Une drogue violente Je voulais donner une suite à ‘Dragonball Z’ ! ralement ensorcelant dans ce somptueux
et instantanée Je vois plutôt des couleurs, des images, des “Sémaphore” : mille signaux vers des couches
L’écoute du dernier album, “Sémaphore”, produit paysages.” Quand nous sommes tombés sur étincelantes de l’histoire de la pop. On change
par Adrien Pallot (Moodoïd, Grand Blanc), frappe le single de 2016, “Le Chagrin”, ce fut une dro- de sujet. Comment passe-t-on de la composition
par la concision des compositions, à quoi s’ajoute gue violente et instantanée. La drogue de la monastique à l’exposition scénique? “Au début,
une écriture très visuelle. “La musique donne réminiscence, ici lente et douce. Tout ce qui fait c’était très compliqué. J’avais envie de jouer dans
l’esprit. L’écriture vient toujours après. Elle doit la puissance affective de la pop était là : la les coulisses ! C’était difficile, surtout pour chanter.
coller à la musique. J’ajoute, je supprime, je coupe spontanéité, l’évidence, la Telecaster, la batterie Et puis, j’ai relativisé. Une fois que c’est lancé, c’est
des mots, s’il le faut. Je ne sais pas exactement où après-moi-le-déluge, le break orgastique. L’éternel cool. Il y a un côté vacances dans le fait de tourner.”
je vais. C’est une suite d’accords ou un rythme qui refrain, qui nous avait déjà rendus accro à C’est ça. Cool, malgré tout. Une mélancolie cool,
Photo Ella Herme-DR
dictent la suite. Pour cet album, j’ai fait des milliards Jessica93 ou White Fence dont Marion se sent solaire. Un peu comme l’été en hiver. ★
d’essais. Il y a beaucoup de pertes, de tentatives qui d’ailleurs proche. Avec ce “Sémaphore”, les
ratent. Je suis une bricoleuse. Quant à l’inspiration, paysages se précisent, les atmosphères s’étirent RECUEILLI PAR ALEXANDRE BRETON
il n’y a pas vraiment de références. Un bon café, comme des fins d’été. La texture des guitares, aux Album “Sémaphore” (KMS / Sony Music)
MERCREDI 12 DECEMBRE, LONDRES : groupe avec un gars à qui j’ai dit : “je te retrouve dans le centre de
ENTRETIEN AVEC STEVE DIGGLE, Manchester, en face du Free Trade Hall”. Malcolm McLaren était devant
LE CO-LEADER DES BUZZCOCKS, pour parler la salle, Pete Shelley vendait les billets à l’entrée, et moi je devais
de la réédition des deux premiers albums du groupe. rencontrer ce mec dans le bar au coin de la rue... McLaren m’a dit : “Il
Ironie tragique, l’autre membre fondateur, Pete y a les Sex Pistols à l’intérieur.” Il essayait de faire rentrer du monde et
Shelley, que l’on devait également interviewer, vient comme j’avais un look mod, il a ajouté qu’ils jouaient “Substitute” des
de mourir d’une crise cardiaque, moins d’une semaine Who... Puis, il m’a présenté Pete. Le parfait quiproquo : Howard Devoto
plus tôt. Autant dire que cette rencontre n’est pas et lui attendaient quelqu’un d’autre. On a discuté. Pete : “Au téléphone
banale. Steve a tenu à la maintenir, il veut parler, tu as dit ça”, et moi : “Toi, tu as dit ça”... Certains trucs collaient, du
rendre hommage à son ami. C’est sa première interview genre : “On va faire un groupe”, et d’autres pas du tout ! Une conversation
depuis... On comprend qu’il s’est saoulé à mort absurde... Du pur Jacques Tati ! Mais on s’est bien entendus. Les deux
en apprenant la nouvelle et qu’il émerge à peine. gars qu’on était censés rencontrer sont probablement encore en train
A l’anglaise. D’ailleurs, il s’était trompé de jour, arrive d’attendre au bar du coin...
avec deux heures de retard, mais se rattrape en parlant
tout l’après-midi ! Il enchaîne les gin & tonic, de plus R&F : Les Buzzcocks sont nés ce soir-là ?
en plus volubile, tandis que son accent de Manchester Steve Diggle : Le lendemain, on s’est retrouvés pour jouer, tous branchés
devient de plus en plus épais... Steve ne tient pas sur un seul petit ampli. Ça faisait un bruit horrible mais électrisant.
en place, offre l’intégrale de ses albums solo et prend J’étais guitariste mais je tenais la basse, parce que tout le monde voulait
dans ses bras au moment de partir. Parfois, il a l’air jouer de la guitare ! Six semaines plus tard, les Sex Pistols sont revenus.
complètement perdu, regarde le fond de son verre, Entretemps, on avait répété, on avait un batteur : on a fait leur
puis redémarre à cent à l’heure. Quand, avec son look première partie. Tous les journalistes de Londres étaient là pour les
d’éternel gamin, il mime les manières efféminées de voir. On a dû jouer 25 minutes : une vraie déferlante, ça les a scotchés.
Pete Shelley (“dans certains endroits, c’était un peu Ça nous a fait connaître immédiatement. C’était notre premier concert.
gênant...”), il oscille entre rire et larmes. Ce garçon est Je n’avais jamais fait partie d’un groupe, je n’étais jamais monté sur
un mélange de lad issu de la working class, qui se met scène...
d’équerre au pub du coin, et d’esthète influencé par
l’art et la littérature... Car, comme il le dit, au départ, R&F : Vous aviez envie de passer à la guitare ?
le punk, c’était ça : sortir des clichés rhythm’n’blues, Steve Diggle : Avec Howard, on n’a pas joué beaucoup, on a enregistré
être futuriste... C’est dans cette veine que Steve a le EP “Spiral Scratch” et, juste après, il a dit qu’il partait... Pete et
écrit des classiques comme “Fast Cars”, “Autonomy”, moi, on s’est dit qu’on devait continuer. On venait de commencer ! J’ai
“Promises”, “Harmony In My Head” et d’autres. dit : “Je passe à la guitare, on va trouver un bassiste, le son sera meilleur.”
Ceci dit, quand tu écoutes “Spiral Scratch”, ce jeu de basse minimal,
Photo Chris Gabrin-DR
ça fonctionne. Si j’avais été bon, j’en aurais mis partout. Là, c’est simple
Simple et dynamique et dynamique. Mais quand je suis passé à la guitare, ça a donné naissance
ROCK&FOLK : Votre première rencontre avec Pete Shelley ? à la formation classique, plus mélodique, avec ce son caractéristique à
Steve Diggle : J’avais écrit “Fast Cars” et je voulais monter un deux guitares en phase et hors phase.
Pete est rentré chez lui pour écrire les couplets et il en a fait une R&F : Vous suiviez ce qu’il faisait ?
putain de chanson d’amour ! Steve Diggle : Non. Je n’ai jamais écouté ses disques. J’ai mis une cassette,
une fois, dans ma voiture : “Homosapien”, ça allait, mais le reste...
R&F : Le bassiste et le batteur ? Il avait l’air tellement seul...
Steve Diggle : Ils étaient beaucoup plus jeunes que nous... Pete et
moi, on passait beaucoup de temps dans les bars, à parler de la vie, de R&F : Il voulait tout arrêter, avant la reformation ?
philosophie, parfois on se disputait... Mais c’était intellectuel. Les deux Steve Diggle : Il a toujours dit ça ! Non, il était content de revenir. Sa
autres prenaient un verre et s’en allaient. Nous, on restait. Pete aimait carrière solo ne marchait pas... Moi, j’avais mon groupe, Flag Of
boire autant que moi, on était comme des frères pour ça, et on discutait Convenience, qui rejouait des titres des Buzzcocks. Un jour, un promoteur
de tout... Je réalise, particulièrement maintenant qu’il est parti, que américain, Ian Copeland, le frère de Miles et Stewart, a proposé une tournée
beaucoup de choses nées de ces discussions se retrouvaient ensuite américaine. On ne s’était pas revus depuis huit ans, mais on a dit oui.
dans nos chansons. Après l’Amérique, on nous a proposé l’Australie, le Japon, et puis l’Europe.
Cette tournée d’adieu s’est transformée en tournée du retour...
R&F : Ça allait très vite, “Love Bites” est sorti six mois après
le premier... R&F : Vous tourniez avec une nouvelle génération qui vous
Steve Diggle : Oui, en 1978, on débordait de chansons, il y en a même vénérait : Green Day, Nirvana, Pearl Jam, etc. Vous êtes devenu
qui ne sont jamais sorties... pote avec Kurt Cobain ?
Steve Diggle : On était en tournée, on avait acheté plein de télévisions
R&F : “Harmony In My Head” a été un hit (n°32 en juillet et j’en fracassais six chaque soir... Comme The Move ! A Boston, j’ai
1979). Toujours des singles inédits... explosé mes télés, je suis sorti de scène et le tour manager m’a fait :
Steve Diggle : Ça venait de la philosophie punk du début : ne pas arnaquer “Nirvana veut te voir.” Là, Kurt Cobain m’a dit : “Steve, j’adore ta
les gamins. Et puis, on avait plein de chansons, alors on faisait un album, façon d’exploser des télévisions.” Ensuite, on a fait leurs premières parties,
puis un single qui n’était pas dessus, parce qu’on avait de la réserve... notamment le Zénith à Paris... On est devenus très proches. Un jour,
j’ai sniffé toute sa coke, qu’il avait planquée dans les loges. Je voulais
lui rendre le mois suivant, mais il est mort...
Une époque confuse
R&F : Pete voulait quitter le groupe ? R&F : Il aimait les Buzzcocks ?
Steve Diggle : On tournait trop, on allait très souvent en Amérique. Steve Diggle : Oh oui, et il aimait le son de ma voix sur “Harmony In
En deux ans, on a eu environ huit hits, alors on devait revenir toutes My Head”. Il m’a demandé comment j’obtenais ça. “En fumant plein de
les deux semaines pour faire Top Of The Pops... Ou pour aller en studio. cigarettes !” C’est ce que Lennon avait fait pour chanter “Twist And
Pete a commencé à en avoir assez. J’étais aussi sensible que lui, mais Shout” ! Oui, on a beaucoup inspiré Nirvana. On était comme les parrains
peut-être un peu plus résistant. de toute cette scène des années 1990, tous nous l’ont dit, même s’ils
faisaient des choses assez différentes : Pearl Jam, Michael Stipe, de
R&F : Le troisième album est plus arty... REM... Même Bruce Springsteen ! L’influence des Buzzcocks est infinie...
Steve Diggle : Avec toutes ces tournées, l’atmosphère s’était assombrie.
Et puis, il fallait poursuivre l’aventure, explorer de nouvelles directions. R&F : Avec ces rééditions, vous alliez jouer à nouveau ?
Certains ont été un peu troublés par cet album, mais je pense qu’il Steve Diggle : On devait jouer dans des festivals, on en a déjà fait
obtient de plus en plus de respect avec le temps. plein cette année... Jusqu’à ce vendredi, quand le manager m’a appelé
et m’a dit : “Pete est mort.” On ne s’y attendait pas du tout. On allait
R&F : Pete avait toujours des titres en français, “Raison D’Etre”, commencer à travailler sur un nouvel album. Mais il se sentait un peu
“Qu’Est-Ce Que C’est Que Ça” faible, alors j’avais commencé seul. Ecrire, enregistrer, être en tournée,
Steve Diggle : C’est vrai, il adorait ça... Quand tu as 16 ans et que tu c’est toute ma vie ! J’ai une super chanson, très Buzzcocks classique,
lis Sartre, Proust, Camus, ça influence ta musique. Ce n’était plus dans la veine de “What Do I Get”, avec un riff superbe ! (Il fait écouter
seulement de l’entertainment. le titre sur son téléphone, très bon, comme toujours). J’ai fait les deux
guitares, ça s’appelle “Destination Zero”. Je suis revenu à mes racines.
R&F : Ensuite, vous faites trois singles produits par Martin Hannett... Je dois la finir, pour mon vieil ami Pete.
qui sonnent comme du Joy Division !
Steve Diggle : La musique de Joy Division, c’est ce qu’on faisait pendant
les balances ! Je pense qu’on les a pas mal inspirés. Ecoute notre bootleg, Quelque chose de spécial
“Time’s Up”... Il était temps de devenir un peu plus expérimental. On R&F : Et ensuite ?
a écrit chacun trois chansons, rassemblées en trois singles. Les gens Steve Diggle : On va voir... Buzzcocks, c’était Pete et moi. On était
d’EMI étaient perdus... Ils n’avaient pas de hit ! C’était une époque ensemble depuis 43 ans. Je suis le seul qui ne soit jamais parti !
confuse. Avec la coke, puis l’acide, on est devenus un peu dingues. Quand il me disait : “Je m’en vais”, il ajoutait : “toi, tu restes, tu continues” !
On avait fait venir des violoncellistes, des cuivres. A la fin, Pete, Martin Je vais continuer, c’est ce qu’il voulait. Et si ça avait été dans l’autre
Hannett et moi, on faisait : “Oh, j’avais oublié qu’il y avait une sens, j’aurais voulu qu’il continue. C’était mon frère, mon ami, mon
trompette sur cette piste !” On était morts de rire ! partenaire musical... C’est une telle perte. On faisait une super équipe
avec nos deux guitares. Avec n’importe qui d’autre, aussi excellent
R&F : Pourquoi avoir arrêté ? soit-il, ça ne sera jamais aussi bien. On avait quelque chose de spécial...
Steve Diggle : On avait besoin d’un break. Quand il a été temps de faire On le savait, on ne répétait jamais. Comme les harmonies vocales, ça
Photo Chris Gabrin-DR
un album, Pete n’était pas vraiment partant. Il a fait des démos dans le sortait tout seul, c’était une alchimie incroyable. Il n’avait que six
studio flambant neuf de Martin Rushent, rempli de matos électronique, semaines de plus que moi... Je serai le suivant, je vais le rejoindre un jour.
qui sont devenues les versions définitives... de son album solo. Je n’ai simplement pas encore fixé la date ! ★
Rééditions “Another Music In A Different Kitchen” et “Love Bites” (Domino)
JEFF TWEEDY
Il a été la moitié de Uncle Tupelo, le chef d’orchestre de Wilco,
le pater familias de Tweedy, projet avec son fils batteur... Il est aujourd’hui seul
en scène, avec une autobiographie et un premier album solo sous le bras.
Jeff Tweedy est-il un side project de Wilco, ou bien est-ce désormais l’inverse ?
RECUEILLI PAR LEONARD HADDAD
ÇA SONNE BIEN, WILCO. En pop music, sonner Le batteur Glenn Kotche bloqué en Europe, pour raisons domestiques
bien, c’est plus qu’un début : presque la seule chose qui (et pour deux ans en tout), Wilco est en hiatus provisoire. Provisoire,
compte. A l’origine, il s’agit de la contraction de will mais longue durée. Alors Jeff Tweedy a du temps pour lui. Au fameux
comply, une terminologie militaire qu’on peut traduire Loft de Chicago, qui lui/ leur sert de base arrière, de studio
par nous allons obtempérer. Devenu le nom d’un d’enregistrement, de salle de répétition et de sovkhoze créatif, il empile
groupe de rock (1995) sous la houlette de Jeff Tweedy, les démos. Des dizaines. Peut-être des centaines. Qui constituent la
ça s’est mis à signifier à peu près le contraire. Quelque base de tout ce qu’il a enregistré depuis le dernier vrai disque de
chose comme allez tous vous faire foutre. Tous qui ? Wilco en 2011, “The Whole Love”. Après cette date, que ce soit sous
Tous, tous. Le pote d’adolescence et de visions country- le nom Wilco, sous le nom Tweedy (groupe formé avec son fils
punk (Jay Farrar, son partenaire dans Uncle Tupelo, de Spencer, batteur), sous le nom Mavis Staples (les albums que Jeff a
1987 à 1994) ; le compagnon de tournée, de studio et produits et en grande partie écrits pour la mama gospel-soul) ou sous
de solos de guitare devenu incontrôlable (Jay Bennett, le nom Jeff Tweedy (le tout nouveau tout chaud, “Warm”), ses disques
viré de Wilco en 2001, mort d’une overdose huit ans ont systématiquement eu pour matrice ces fragments insulaires, plus
après) ; le label Reprise, le label Nonesuch ; les fans ou moins aboutis, plus ou moins développés. “Oui, tout vient d’une même
et leurs attentes, les critiques et leurs critiques ; les discipline, explique-t-il en direct depuis le Loft. J’écris et j’enregistre
idées préconçues des uns et des autres ; les étiquettes, en permanence, j’amasse un matériel important et je fais confiance ensuite
quelles qu’elles soient, d’où qu’elles viennent : à un processus de sélection naturel. Je ne choisis pas, jamais. Je fais écouter
alternative country, americana, art rock, dad rock, rock aux membres de Wilco quand ils passent, et ils me disent ce qui les inspire
tout court... A chaque fois qu’il y a eu un risque, même le plus, ce à quoi ils pensent pouvoir contribuer. Ensuite, on réenregistre
minime, que l’une d’elles reste collée dans son dos, (parfois) ou ils rajoutent des choses (plus souvent) sur mes démos.” Sept
Tweedy a préféré retirer sa veste et la brûler, dégueulant ans que ça dure, avec cinq albums (dont deux Wilco) pour résultat. Plus
— parfois littéralement — à la moindre perspective de qu’une façon de faire. Une façon de vivre (de) la musique. Une fois
faire quoi que ce soit d’autre que ce qui lui chantait. que Wilco a fait son tri, le reste pourrait être considéré comme les restes,
“Pas parce que je suis un héros, juste parce que j’en les rebuts, les chansons qui n’ont pas passé le cut, s’il n’était si personnel
suis maladivement incapable.” On se souvient d’une ou réussi. Et “Warm” est les deux. Personnel et réussi. Un disque conçu
rencontre en 2002, au moment de la sortie charnière de comme le compagnon de l’autobiographie “Let’s Go (So We Can Get
“Yankee Hotel Foxtrot”, où il affirmait n’avoir jamais Back)” où Tweedy lâche tout : le narcissisme tordu de Jay Farrar mais
écrit “que des folk songs” avant de balayer tout concept aussi le sien ; les excès de drogues de Jay Bennett mais aussi les
d’americana d’un revers las de la main. “Parfois je me siens ; la mort du frère raté ; les deux packs de six engloutis chaque soir
demande s’ils ne disent pas ça juste parce que je joue par son père (“je ne savais même pas qu’on pouvait acheter de la bière
de la guitare acoustique... Je préfèrerais largement en plus petite quantité”) ; les migraines à crever de douleur ; les
Photo Whitten Sabbtini-DR
qu’on nous classe avec les Flaming Lips.” On est antidouleurs opiacés à crever tout court ; les cancers de son épouse ;
une quinzaine d’années plus tard. On n’aura pas la les doutes, les haines, les dégoûts, les rêves, le sentiment, peut-être,
cruauté d’aller demander à Wayne Coyne combien il d’être enfin, à cinquante ans passés, devenu un type fonctionnel.
aimerait aujourd’hui être classé avec Jeff Tweedy. “Quelqu’un qui pense à acheter le papier toilette.”
Quant à l’americana... Elle est où, l’americana ?
JOE JACKSON
A l’occasion de la sortie d’un convaincant nouvel album,
le grand bougon britannique commente son œuvre,
quarante ans d’incompréhension selon lui.
RECUEILLI PAR OLIVIER CACHIN
“AH NON, PAS UN COCA LIGHT, surtout pas. qui ne retravaillera plus jamais avec le chanteur. “Il voulait faire cette
Tiens, donnez-moi plutôt un chocolat chaud comme photo, OK, pourquoi pas. Je ne la déteste pas, mais bon... C’est marrant
monsieur, ça ira bien pour accompagner la pluie”. d’entendre maintenant qu’elle est iconique, en tout cas c’est ce qu’on
On est dans un hôtel près de la gare Saint-Lazare, m’a dit.” Joe esquisse un rictus quand on lui raconte qu’à l’époque,
en pleine jacquerie des gilets jaunes. Le quartier son album arborait un sticker punk avec une épingle à nourrice dans
résonne d’un concert de klaxons rageurs, il pleut les bacs des Fnac. “Le punk me plaisait bien, c’était fun, mais j’étais
des cordes et Joe Jackson vient faire un tour surqualifié pour le genre. J’avais 22 ans, c’était excitant, et des groupes
dans la capitale du chaos pour promouvoir comme les Damned étaient à la fois ridicules et drôles. Ceci étant,
son nouvel et excellent album “Fool”. j’avais des amis qui passaient beaucoup de temps à devenir de bons
musiciens et eux n’aimaient pas trop le je-m’en-foutisme punk.”
1979 toujours, en octobre, c’est “I’m The Man”, et cette fois le
visage de Joe apparaît sur la pochette, avec un look de receleur cockney
Un sticker punk pour un style qu’il définit avec un humour pince-sans-rire comme du
L’idée est de revenir sur quarante ans de carrière et de commenter sa Spiv rock. “C’est le nom anglais d’un personnage des fifties, un petit escroc
pléthorique discographie, depuis ce fondateur album qu’était “Look qui veut vous fourguer des trucs pas vraiment légaux. C’était une vanne,
Sharp” jusqu’à ce “Fool” qui revient aux bases de ce barde anglais pas un genre musical, hein. J’aimais bien l’album quand il est sorti,
tendance Schtroumpf grognon. Au départ, Joe n’est guère enthousiaste. aujourd’hui j’en suis moins sûr.”
Il aurait sans doute préféré, comme nombre de ses congénères en mission 1980, troisième LP, “Beat Crazy”, où son bassiste, Graham Maby,
promo, aligner les propos convenus sur son dernier disque, forcément partage le chant sur la chanson-titre. Graham est toujours là, en 2019,
le meilleur jamais enregistré. “On va passer en revue tous mes fichus sur “Fool”. “Ouais, le petit salopard, je n’arrive pas à me débarrasser de
albums ? Ça va prendre des jours !” maugrée-t-il. Enfant, Joe a commencé lui. Il refuse de partir ! J’essayais de prendre une autre direction musicale
par jouer du violon, mais a vite bifurqué vers le piano. “C’est plus commode mais ça n’a pas fonctionné. J’aime quelques chansons de cet album
quand on veut composer des chansons, c’était mon cas”, concède-t-il en mais le reste n’est pas terrible.” Ce sera le troisième et dernier album
regardant d’un œil torve le chocolat tiède et industriel que lui a apporté du Joe Jackson Band avant un improbable retour 23 ans plus tard.
le serveur. L’année 1981 est celle du retour vers le passé. “Jumpin’ Jive” est une
Le premier groupe de Joe est alimentaire. Koffee N’ Kreme fait de la collection de chansons des années 1940 en mode swing et jump blues,
musique façon cabaret. Quand le producteur David Kershenbaum (Tracy avec des standards jadis interprétés par Lester Young, Louis Jordan
Chapman, Duran Duran, Laura Brannigan) entend la démo de Joe, il ou Cab Calloway.
le signe chez A&M et lui fait réenregistrer ses compositions, qu’on “J’ai été très malade et pendant ma convalescence j’écoutais plein de
retrouvera sur son premier album. Enregistré en août 1978, l’été de rhythm’n’blues à l’ancienne, ça m’a aidé à aller mieux. Je me suis dit
Photo John Huba-DR
ses 24 ans, et sorti en mars 1979, “Look Sharp” est illustré d’une que ça serait rigolo de jouer des vieux trucs mais je ne pensais pas que ça
photo de Brian Griffin prise à Londres, près de Waterloo Station, montrant finirait sur un disque, je me voyais plus jouer ça dans des pubs. A l’époque,
ses chaussures blanches et pointues baignées d’un rayon de soleil. Un pendant les concerts, j’avais dans ma poche le prix du ticket en cash et je
cliché que Joe n’apprécie pas particulièrement, selon le photographe disais au public : ‘Si cette musique vous gonfle et que vous souhaitez
qui jouaient dessus que de gens qui l’ont écouté”. Le Schtroumpf grognon, en 2015 contient une reprise de “See No Evil”, le morceau d’ouverture
on vous dit. du premier album éponyme de Television (“J’adore cette chanson”).
En 2000, alléluia, c’est le grand retour pop avec “Summer In The Et on en arrive à “Fool”, huit excellents morceaux enregistrés entre
City : Live In New York”. La même année, “Night And Day II” Berlin et New York. “Ça m’intéressait d’écrire sur le vieillissement. ‘Strange
revisite la Big Apple avec une noirceur nouvelle, et Marianne Faithfull Land’ parle de quelqu’un qui s’est perdu dans une ville qu’il croit connaître
y chante “Love Got Lost”. “Un disque sous-coté, dont je suis très fier. mais qui a changé, et il se sent comme un fantôme. C’est ce que je
Tout l’album est sur le même tempo. ‘Happyland’ parle de l’incendie d’un ressens parfois à New York. Est-ce moi qui change ?” On lui dit qu’il
night club dans le Bronx qui a fait 87 morts. Ce disque est maudit, il y n’est pas si vieux. “Ouais mais je suis plus vieux. Plein de gens de mon
a le World Trade Center sur la pochette, qui a disparu l’année suivante. âge sont morts, même ceux qui sont encore en vie”.
New York n’a plus jamais été la même après le 11 septembre.”. En Quand on lui avoue qu’on aime beaucoup le titre “Dave”, Joe est (enfin)
2002, “Volume 4” marque le retour du JJ Band 20 ans après (comme content. “J’ai dû faire un bon album, parce que tout le monde a un morceau
les trois mousquetaires) et l’album “Afterlife” en est le témoignage préféré différent. C’est bon signe”. Avant de quitter Joe, on lui rappelle
live. En 2004, Joe signe une ode à la cigarette (non incluse sur aucun notre précédente rencontre en 1989, quand il affirmait qu’un artiste
album) avec “In 20-0-3”. “Ouais, j’aime fumer et boire un verre en même considère toujours son dernier album comme son meilleur. Pense-t-il
temps, et alors ? Si je veux faire ça maintenant, je dois sortir sous la pluie”, toujours la même chose ? “Oui. Je trouve que mon nouvel album ‘Fool’
grommelle-t-il un peu irrité après une heure sans clope. est le meilleur que j’aie jamais fait”. Le chocolat chaud est froid, et Joe
“Rain”, en 2008, est une réussite minimale (en trio avec l’incontournable sort fumer sa cigarette sous la pluie. ★
Graham Maby, plus David Houghton à la batterie) et “The Duke” en
2012 rend hommage à Duke Ellington, avec Questlove le batteur des Album “Fool” (Edel/ Verycords)
Roots et le guitariste Captain Kirk Douglas en guests. “Fast Forward”
THE
SPECIALS
Une partie des Specials remonte le groupe et s’apprête à sortir
un nouvel album, 40 ans après des débuts fracassants
laissant un héritage musical génial.
LES SPECIALS, on vient de l’apprendre, ont donc emparé du ska, puis du rocksteady, notamment grâce au label Trojan
décidé de se reformer, et de sortir en février un nouvel qui, comme Blue Beat avant lui, sortait en Angleterre singles, albums
album (“Encore”, qui signifie astucieusement dans et compilations achetés en masse par ces nouveaux clients d’un genre
la langue de Voltaire rappel). Sans Jerry Dammers, rustique et viril, apparus en nombre vers 1968 et 1969 : les skinheads.
ni le batteur extraordinaire (nous y reviendrons) John Lesquels, comme les mods, décidèrent d’écouter exclusivement de la
Bradbury, mort en 2015 et remplacé par un dénommé musique noire, en provenance de Jamaïque (même si quelques tubes
Kenrick Rowe, ni le tromboniste Rico Rodriguez, Trojan furent en fait enregistrés en Angleterre). Prince Buster, Desmond
disparu la même année, ni Neville Staple, le toaster Dekker, les Skatalites, les Pioneers et des dizaines d’autres étaient leurs
incandescent, ni le guitariste Roddy Radiation, remplacé nouveaux héros. Dix ans plus tard, juste après le boom punk, les Jam
par Steve Craddock (Paul Weller, Ocean Colour Scene) ressuscitèrent les mods, après quoi, on assista au retour des skinheads
qui les avait déjà rejoints lors d’une précédente réunion. et du ska : tout recommençait, mais différemment.
Est-ce une bonne idée ? Peut-on encore parler des Les Specials avaient commencé comme un groupe dans la mouvance
Specials ? Pas sûr. Mais enfin, il faut bien vivre... punk. Ils venaient de Coventry, considérée comme la poubelle de
Et puis l’héritage du groupe original — deux uniques Birmingham, et avaient débuté sous l’intitulé The Automatics, puis The
albums et une poignée de singles — reste tellement Coventry Automatics, avant de devenir The Special AKA, puis The
énorme quatre décennies plus tard qu’il fera Specials. La pochette intérieure de “All Mod Cons”, qui avait propulsé
vibrer les nostalgiques et suggère qu’on y revienne... les Jam en haut de l’affiche, lançant le revival mod, affichait, entre autres
images iconiques, une compilation de ska. Les Clash reprenaient
“Pressure Drop” de Toots And The Maytals. Tout cela a donné quelques
idées à Jerry Dammers qui a décidé de retravailler en version ska le
Succès instantané répertoire des Automatics ainsi que de reprendre quelques vieux
Il y a quarante ans, chose rare, l’histoire s’est répétée : dans un morceaux du genre, tout en recrutant un groupe ad hoc pour pouvoir
Photo Archives Rock&Folk-DR
premier temps, vers 1964, les mods anglais ont adopté le ska jamaïcain, jouer cette musique si particulière. Horace Panter (alias Sir Horace
qu’il leur arrivait également de nommer blue beat, en référence au label Gentleman), à la basse, était un ami d’enfance. Dammers entendit Terry
anglais du même nom distribuant au Royaume-Uni les dernières Hall jouant dans un groupe local et l’engagea sur le champ. Lynval
nouveautés de l’île qui venait d’acquérir son indépendance. Lorsque Golding jouerait la guitare rythmique et Roddy Variation, fan de rock’n’roll
le mouvement mod s’est éteint, les petits frères des mods originaux, fifties, tiendrait la guitare solo. John Bradbury assurerait à la batterie
réfractaires au mouvement hippie et psychédélique, se sont à leur tour et bientôt, Neville Staple, émigré jamaïcain, cogneur et ex-champion
Avec Madness,
Selecter puis The Beat
dans les charts,
la vague 2 Tone
déferle sur l’Europe
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THE SPECIALS
JIMMYPAGE
DES YARDBIRDS A
LED ZEPPELIN Voici 50 ans, sortait le premier album de Led Zeppelin.
La concrétisation d’un plan redoutable ourdi par le guitariste,
laissant derrière lui un groupe blues superbe mais dysfonctionnel
pour fonder le quartette qui fit sa gloire.
PAR JONATHAN WITT
L’ANNEE 2018 ETAIT – AUSSI – CELLE DU Qui est réellement ce mystérieux monsieur Page ? Pour le savoir, il faut
CINQUANTENAIRE DE LA NAISSANCE DE enquêter du côté de la paisible bourgade d’Epsom, dans le comté du Surrey.
LED ZEPPELIN. Voilà qui aurait pu constituer le Jimmy Page est un gamin solitaire, secret, sibyllin, qui se saisit pour la
prétexte idéal pour une série de célébrations. Jimmy première fois d’une guitare acoustique à quinze ans, un peu par hasard.
Page avait même laissé entendre que, peut-être, Il se lance dans l’apprentissage du très populaire skiffle, avant de se faire
éventuellement... Hélas, rien n’a filtré, ni réunion saisir par le démon du rock’n’roll. Comme bien d’autres à la même époque.
évènement, ni une petite possibilité d’interview, ni Il voue un culte à James Burton, et déjà la rumeur bruisse : il y aurait,
Photo Redferns/ Getty Images
même le moindre inédit, la quasi-totalité de l’œuvre non loin de là, un autre obsédé de guitare électrique... Un certain Jeff Beck.
ayant été copieusement rééditée ces dernières années. Ce nouveau partenaire de jeu lui enseigne le solo de “My Babe”, comme
Il demeure néanmoins passionnant de se pencher sur d’autres font des pactes de sang : les prémices d’une longue amitié.
cette période charnière où les Yardbirds sont devenus L’électricité est dans l’air, en ce début de décennie. En 1961, Jimmy
Led Zeppelin, symbole a posteriori édifiant du passage acquiert une réplique britannique de la Fender Stratocaster, et se met en
des sixties frémissantes aux fuligineuses seventies. maraude. Il lui faut progresser, sans cesse, amasser de la connaissance.
est écœuré, dégoûté. Keith Relf vient de passer un concert entier attaché soit en studio ou sur scène, Jimmy se démène pour maintenir un semblant
au pied du micro, en train de beugler des insanités. Page, invité pour d’unité. Défoncés, éreintés, les quatre Yardbirds s’éloignent peu à peu :
l’occasion, est plutôt amusé. Le très guindé bassiste décide de s’éclipser. d’un côté, Keith Relf et Jim McCarty, qui aspirent à un tournant folk
Cela tombe bien, Jimmy en a sa claque des studios, et souhaiterait un et, de l’autre, Jimmy Page et Peter Grant, qui ont l’intuition de la révolution
peu de reconnaissance... L’affaire est rapidement pliée, il va donc le hard rock. Une nouvelle expédition américaine est l’occasion pour Jimmy
suppléer. Le jeune homme ressort ses cuirs pour une tournée américaine de valider ses idées : il y a là un public, avide de testostérone et de
qui s’élance en juin 1966. Sa jovialité fait du bien. Un soir, l’imprévisible décibels, nourri par les radios underground qui pullulent. C’est lors de
Jeff Beck ne daigne pas se pointer. Dans l’urgence, les Yardbirds décident cette tournée qu’en traînant au Salvation de New York avec John Entwistle
Le 12 janvier 1969
Le groupe enregistre La première répétition dépasse toutes les espérances : l’osmose est totale,
parfaite. Le 14 septembre, les désormais New Yardbirds s’envolent pour
Copenhague. Le répertoire est encore frêle, principalement constitué
ce premier album de reprises, de blues ou de morceaux d’Elvis, mais c’est justement
l’occasion de se roder. Un nouveau nom est nécessaire, Jimmy se
trente heures. de Glyn Johns. Il enregistre ce premier album en seulement trente heures,
réparties sur deux semaines. Son coût est ridicule : 1782 livres sterling,
pochette comprise. Nourri de ses innombrables sessions, Jimmy Page a
Son coût : des idées novatrices pour donner de la profondeur au son, une vision
musicale bien précise. Son but : restituer au mieux la puissance scénique
1782 livres sterling, soufflante du Dirigeable. En novembre 1968, Peter Grant s’envole pour
les Etats-Unis avec le test pressing de Led Zeppelin dans son attaché-
pochette comprise case et une liste de conditions édictées par Jimmy, notamment un contrôle
artistique total. Ahmet Ertegun et Jerry Wexler, les deux pontes d’Atlantic,
connaissent bien le marché. Cream vient alors de déserter, idem pour
et Keith Moon, Richard Cole, tour manager zélé des Yardbirds, Taste, le Jeff Beck Group bat de l’aile, il y a clairement une place à
entend le premier faire part de son envie de former un groupe avec Page prendre dans ce créneau naissant du heavy rock. Ils avancent la
et Winwood arguant, rigolard, qu’ils allaient “décoller comme un putain somme faramineuse de 200 000 dollars et se plient à tous les desideratas
de ballon de plomb...” De retour à l’hôtel, Cole narre l’anecdote à un (en particulier, la présence du logo Atlantic sur les pochettes). Lassé des
Jimmy goguenard. Elle ne va pas tomber dans l’oreille d’un sourd. La audiences déprimantes de la mère patrie britannique, Peter Grant fomente
fin des Yardbirds est proche. Keith Relf est désormais une épave, les un infaillible plan d’attaque : il faut viser les Etats-Unis, et s’y montrer
yeux bouffis sous son casque blond. Il y a tout de même des moments sans relâche. Led Zeppelin ravage donc une première fois la côte ouest,
de grâce. Un concert capturé à l’Anderson Theater de New York, et écœure nombre de concurrents potentiels : il n’est pas rare que le
récemment retravaillé et réédité par Jimmy Page lui-même sous le public demande six rappels, et les concerts assurés par ces quatre monstres
titre “Yardbirds ’68”, en témoigne. Le son est fabuleux et la performance peuvent durer jusqu’à trois heures. C’est dans ce contexte que paraît, le
passionnante. On y sent fort bien la transition qui s’annonce, entre les 12 janvier 1969, le premier album de Led Zeppelin. Le bouche-à-oreille
tubes éternels des sixties (“Heart Full Of Soul”, “Mr You’re A Better fait son œuvre. Le décollage est parfait. L’histoire est en marche : une
Man Than I”) et des choses plus lourdes comme “Dazed And Confused”, déflagration que l’on ressent encore de nos jours, de Greta Van Fleet à
déjà parfaitement au point. La voix de Keith est évidemment un peu Rival Sons. ★
frêle pour opérer ce virage, et c’est sans surprise qu’il va rapidement
Une folle promesse qui, bien sûr, dériva vers autre chose.
Pour son quart de siècle d’existence, le gang déroule sa belle histoire.
RECUEILLI PAR DANNY BOY
PORTLAND, OREGON, 1994. Il n’était pas conseillé
de s’aventurer tard dans les rues sombres et malfamées
de Downtown, sinon pour y découvrir une activité
musicale excitante. Dead Moon, Sleater-Kinney,
Everclear, Quasi, Heatmiser (avec Elliott Smith),
Wipers, Napalm Beach, tous ces groupes essentiels
entretenaient la neurasthénie de la jeunesse grunge
du coin. Une jeunesse abattue par la mort soudaine
de Kurt Cobain, le 5 avril, non loin de là, à Seattle.
Le jeune Courtney Taylor était alors le batteur de
nombreux groupes locaux comme The Beauty Stab
et Nero’s Rome dont il se fit virer avant de monter
un groupe qui, lui, allait faire mouche : The Dandy
Warhols. Un groupe rock, psyché, glam, pop,
totalement différent et bien déterminé à changer
la donne. A Portland, la stupeur fut générale et les
détracteurs nombreux. Aujourd’hui, en 2019, les
Dandy Warhols sont un authentique groupe culte dans
une ville qui a bien changé. Le quartette fête ses 25 ans
de carrière et offre un nouvel album studio, “Why You
So Crazy”. Rendez-vous est donné dans son refuge,
l’Odditorium. La veille, le guitariste Peter Holmström
y a fêté avec panache ses 50 ans. Son autre groupe,
Pete International Airport, y a donné un set énergique
suivi par DJ Rescue (Zia McCabe) qui a fait danser la
foule jusque tard dans la nuit. Vaseux mais toujours
accueillants, les Dandys s’installent confortablement
dans un immense sofa. Objectif : raconter l’histoire
du groupe qui a uni pour la vie Courtney Taylor (chant,
guitare), Peter Holmström, Zia McCabe (claviers, basse)
et Brent DeBoer (batterie).
la collaboration entre Kurt Cobain et William S Burroughs, mais aussi Courtney Taylor : “Thirteen Tales” a permis à la presse internationale
Gus Van Sant, Hole, Everclear. Ce label était tellement essentiel que de mieux nous comprendre. Parce que, pour les Anglais, à l’époque de
toutes les majors et MTV l’avaient sur leur radar. Et j’ai fait la vidéo “Come Down”, les Dandy Warhols n’étaient synonymes que de sexe et
pour “TV Theme Song”. de drogues, c’est tout ce qu’ils écrivaient. Ça a changé quand nous
Peter Holmström : On a atterri dans 120 Minutes sur MTV. C’était sommes arrivés avec “Thirteen Tales”, car c’était un chef-d’œuvre.
inimaginable ! Zia McCabe : La presse anglaise adore les histoires juteuses. Nous
Courtney Taylor : Boum ! Soudain, tu savais que des gens en Afrique étions tellement à l’aise avec notre musique et notre identité que parler
venaient juste de voir ça. Tu savais que des gens à Paris voyaient ça. de drogues et de fêtes ne nous dérangeait pas. Nous étions naïfs.
Cette courte vidéo nous montrait tels que nous étions, c’était notre son. Peter Holmström : Nous étions convaincus que tout le monde attendait
Et, bien sûr, la frénésie classique des majors a suivi peu après. un groupe comme le nôtre. “Godless” a été choisi pour être le premier
simple aux Etats-Unis, tandis que “Get Off” était celui pour l’Angleterre.
Le single suivant a été “Bohemian Like You”, il n’est même pas entré
Grand disque psychédélique dans le top 40.
Peter Holmström : Nous avons fait une tournée sur la côte ouest quand
“Dandys Rule OK” est sorti et, tout d’un coup, on nous téléphone de New
York et de Los Angeles. Tous ces mecs des majors commencent à nous Un singe à contre-courant
faire de la lèche comme si nous étions la chose la plus cool au monde. Courtney Taylor : “Bohemian Like You” a explosé une année plus
Courtney Taylor : Ils étaient très embarrassants avec leurs bouteilles tard, quand on a signé pour la pub Vodafone en Angleterre. Nous étions
de vin à 900 $ ! Sauf un : Perry Watts-Russell. Il est venu nous voir à déjà en train de bosser sur le disque suivant, “Welcome To The Monkey
San Francisco et il a eu droit à la totale, y compris les drogues dures House”. “Thirteen Tales” a adressé un message à l’industrie, celui
lors d’une fête assez destroy. A ce moment-là, il ne pouvait pas y avoir que nous n’étions pas un groupe de niche, que nous annoncions la
d’autre option, on devait signer avec ce gars. prochaine vague de jeunes artistes, avec leurs looks et leurs pensées.
Peter Holmström : Capitol a fait des choses sympas pour nous. A ce moment, de nombreux groupes quittaient les labels indépendants
Ce n’était pas toujours ce qu’on voulait, il n’empêche que, grâce à eux, pour signer avec des majors. “Thirteen Tales” ne sonnait comme rien
nous avons eu une audience mondiale. d’autre parce qu’il n’y avait rien avant ce disque. La finalité des Dandys
Zia McCabe : C’est super excitant de signer avec une major. Tout le est de faire ce qui est nécessaire, c’est-à-dire ce que personne ne fait.
monde pense que tu deviens riche du jour au lendemain, que le Nous sommes l’équipe de nettoyage du rock.
succès est garanti, que la maison de disques prend soin de ses artistes. Peter Holmström : Nous n’aimons pas copier.
Tu réalises très vite que tout ça n’est pas vrai. Courtney Taylor : Nous étions dans un bar à Chicago après un concert
Zia McCabe : Nous pensions que ce film allait parler de notre musique
et de notre relation avec The Brian Jonestown Massacre. Ce qui n’a Nous étions un groupe crucial
pas du tout été le cas. Le film exclut cette fraternité qui existait entre Courtney Taylor : Après nous avoir assuré que nous n’avions rien à
nos deux groupes. Quand on a vu le résultat, c’était un coup de poing craindre, le président du label s’est fait virer et le label nous a lâchés. Alors,
dans l’estomac. Décevant et embarrassant. on a fait “Odditorium Or Warlords Of Mars” avec une première chanson
Brent DeBoer : Quand Ondi (Timoner, la réalistatrice) est arrivée, qui jamme pendant dix minutes et une dernière qui dure onze minutes.
j’ai commencé à noter qu’il y avait un élément de moquerie. Elle filmait C’est l’approche Neil Young, quand tu sais que tu vas être largué. On a
des choses sans intérêt. Je pensais qu’elle faisait une version indie rock décidé de créer notre propre label, Beat The World et on a fait “Earth To
de “Spinal Tap”. Je lui ai dit que pour mon interview, je voulais être The Dandy Warhols”.
dans une baignoire (rires). Sa réponse : “C’est vraiment bizarre !” C’est Brent DeBoer : C’est mon album préféré des Dandy Warhols.
ce que le batteur fait dans Spinal Tap ! Je ne pouvais pas croire qu’elle Peter Holmström : C’est peut-être le plus sous-estimé de tous nos disques.
ne connaissait pas ce film. Il n’a pas reçu l’attention qu’il méritait. Il vieillit super bien. Comme “This
Courtney Taylor : Notre relation avec le label s’effondrait. “Thirteen Machine”, un très bon album qui n’a pas reçu de bonnes critiques.
Tales” était devenu suffisamment important pour que tous ces géants Courtney Taylor : Les gens ne comprennent pas toujours. Ils ne
égocentriques envahissent notre monde et exploitent notre naïveté. Le parlent pas le langage de la musique. Je suis dans un groupe avec trois des
président de Capitol l’a fait, cette femme l’a fait. Nous avons tout fait plus merveilleuses personnes que j’aie jamais rencontrées. C’est pour cela
pour que Anton (Newcombe) et le Brian Jonestown Massacre aient une que j’ai monté ce groupe de cette manière, parce que même si ils n’étaient
carrière. Nous ne savions pas que nous allions devoir sacrifier la nôtre pas les meilleurs musiciens au monde, cela importait peu. Ce sont de super
pour ça. Nous voulions les prendre en tournée avec nous, les aider à personnes qui, non seulement, apprécient d’être ensemble mais, aussi,
signer un contrat avec une maison de disques. Au lieu de ça, nous avons prennent du plaisir à rencontrer des gens, s’entraident, restent positifs
été divisés par cette femme méprisable, cette horrible personne. Nous quand tu es constamment critiqué.
avons réalisé qu’elle faisait tout pour les rendre jaloux et furieux. Peter Holmström : Nous avons influencé de nombreux groupes qui ont
Nous sommes devenus ce groupe affreux en contrat avec une major. à leur tour influencé de nombreux groupes : Jack White, The Strokes, Black
Nous avons été manipulés. On n’a pas eu le droit de regard sur le montage Rebel Motorcycle Club, ils sont tous venus à nos concerts. Kings Of
(bien que Courtney Taylor assure la narration du film). Nos avocats ne Leon, Jet, The Vines...
nous ont pas protégés. On n’a pas gagné un centime avec ce film. Quand Courtney Taylor :Nous avons très certainement changé des choses. Surtout
il est sorti et que nous sommes devenus instantanément des parias au tournant du siècle, nous étions alors un groupe crucial. Nous n’avons
internationaux, nous n’avions plus d’amis avec qui jouer. Notre carrière pas eu de gros hits et nous ne vendons pas beaucoup de disques mais nous
s’est arrêtée. Ce film a détruit tout ce que nous avions construit, nous sommes un groupe influent. Nous sommes un groupe légendaire. ★
a réduit au niveau de succès que nous avions quatre ans plus tôt. Nous
avons dû assumer et continuer parce que nous ne voulions pas arrêter Album “Why You So Crazy” (Dine Alone/ Caroline)
plus tard, une bouillie ratée... laboratoire à Portland, d’enregistrer, concerts réguliers, indépendance
l’Odditorium. L’occasion totale. Cela donne des albums dispensables
“Thirteen Tales From Urban Bohemia” (2000) d’enregistrer en autarcie le (les deux précédents) ou plutôt réussi (celui-ci).
Porté par des singles irrésistibles (“Get Off”, dernier très bon disque du
“Bohemian Like You” et son riff Keith Richards), quartette. Question posée dans
“Thirteen Tales”, globalement très bon, possède “All The Money Or The Simple BASILE FARKAS
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avec Andrew Loog Oldham. Nous sommes en 1963, Eric touche au but. splendide avec l’instrumental “Got To Hurry”. Une ultime tournée en
Il a le privilège d’accompagner Sonny Boy Williamson, qui se montre première partie des Beatles lui permet de lier une amitié avec George
peu affable avec ces jeunes blancs-becs britons. Les Yardbirds capturent Harrison. Leurs chemins ne cesseront de se croiser.
un premier disque en public, “Five Live Yardbirds”. Clapton y gagne
un surnom, Slowhand, en référence à la célérité de son jeu, déjà très
élégant. Peu à peu, il se construit aussi un personnage de discret marginal : Sourde rivalité
toujours tiré à quatre épingles, vêtu différemment de ses camarades, Nous voici en 1965. Eric vient de gagner une certaine respectabilité.
taciturne, il développe un charisme ténébreux qui le place à l’égal du Il n’est pas habituel, dans ce milieu, de refuser la compromission.
chanteur Keith Relf. En sous-main, le bassiste Paul Samwell-Smith dirige Toujours est-il qu’il ne reste pas bien longtemps au chômage. A peine
les opérations et décide de viser le proverbial tube. Il en a ras le bol des rentré à Ripley, il reçoit un coup de fil de John Mayall, qui lui propose
rades londoniens. Aux yeux de Clapton, un morceau comme “Good d’intégrer ses Bluesbreakers. Cette figure du British blues boom l’héberge
Morning Little Schoolgirl”, avec ses chœurs un peu niais, est déjà limite. pendant plusieurs mois, lui prêtant même sa gargantuesque collection
C’en est trop avec “For Your Love” : il rejette ce tournant pop et claque de vinyles. Clapton se terre dans la pratique intensive de son instrument.
la porte, bravache. Un tube ? A quoi bon. Il laisse un cadeau d’adieu
Le puriste blues a vécu, patibulaire troupe de bûcherons. Il renie très vite le chemin parcouru
avec Cream. Il éprouve un besoin urgent de simplicité, de calme, de
place au virtuose racines. Il se laisse pousser une très gauloise moustache, ressort ses jeans
râpeux du placard. Son groupe ne l’intéresse plus, même si le double
psychédélique chamarré album “Wheels Of Fire” est à nouveau un colossal succès, notamment
grâce à des joyaux comme “White Room”, “Politician”, ou la reprise
transfigurée de “Crossroads”. Cream se sépare le soir du 26 novembre
Il s’est également procuré une Gibson Les Paul d’occasion (la fabrication 1968, au Royal Albert Hall, laissant un album testamentaire, “Goodbye”.
est à l’arrêt depuis 1961), dont l’association avec les amplificateurs Eric y signe “Badge” avec George Harrison, qui l’avait invité quelques
Marshall fait merveille. Le son Clapton prend sa forme iconique. Il mois auparavant à Abbey Road pour ciseler ce qui reste l’un des plus
commet encore de retentissantes frasques, comme par exemple cette magnifiques solos jamais conçus, sur “While My Guitar Gently Weeps”.
tournée rocambolesque à travers l’Europe, menée à l’arrache avec ses En deux folles années, Eric est passé de musicien reconnu de la scène
potes pendant trois mois et qui se termine par une quasi-séquestration anglaise à célébrité planétaire, mais semble désormais fuir la notoriété.
en Grèce. Mais Mayall, qui sait l’importance du garçon, lui pardonne Il est, décidément, insatiable.
tout et le réintègre dès son retour à Londres. Il n’hésite pas non plus à
lui accorder une place particulière sur l’album “Bluesbrakers With Eric
Clapton”. Encore une fois, le jeune homme affirme une personnalité Un goût de gâchis
indépendante et rebelle sur la pochette, semblant plongé dans sa Le chapitre qui suit est celui d’un malentendu. Clapton est d’abord
revue Beano quand les autres fixent l’objectif. Du côté de Highbury dragouillé par Mike Jagger pour suppléer un Brian Jones zombifié. Il
fleurissent des tags Clapton Is God. Un nouveau surnom sur mesure refuse bien évidemment, ses relations avec Keith Richards étant
pour l’ego grandissant d’Eric. Au sein de cette vénérable institution, il plutôt fraîches. Ils sont pourtant côte à côte pour un soir, avec John
s’esbaudit devant le jeu de basse vrombissant de Jack Bruce qui remplace Lennon et Mitch Mitchell. Cet aréopage prestigieux, nommé The Dirty
brièvement John McVie. Tout change en mai 1966, à la suite d’une Mac, est rassemblé pour un show destiné à la télévision : The Rock And
performance dans la cité estudiantine d’Oxford, lorsqu’un batteur Roll Circus. Leur version de “Yer Blues” est très convaincante. Lennon
longiligne et roux nanti d’une courte barbe s’invite sur scène pour une est séduit par une personnalité qui lui ressemble, timide, écorchée. Mais
jam. Il s’agit de Ginger Baker, une petite légende du circuit jazz anglais, Eric Clapton a désormais une idée en tête : collaborer avec Stevie
puisque passé chez Alexis Korner et Graham Bond, tout comme Winwood, dont il apprécie la voix ample et les talents à l’orgue.
Bruce, avec lequel il en était venu à échanger des uppercuts.
Las, par l’odeur du gain alléché, Ginger Baker se radine, et le projet Le documentaire “Life In 12 Bars” s’avère assez peu disert sur la suite.
prend alors une maussade tournure, qui rappelle le cadavre encore Il est vrai que l’épisode le plus créatif, le plus passionnant, s’achève ici.
chaud de Cream. Baptisée Blind Faith et renforcée par Ric Grech à la Eric plonge, durant trois ans donc, dans l’héroïne, et n’émerge du vaporeux
basse, la formation n’a même pas le temps de se constituer un répertoire nuage que grâce à l’aide de Pete Townshend, puis entame une cure de
digne de ce nom qu’elle est catapultée devant plus de cent mille personnes désintoxication. Remplaçant la poudre par la bibine, il passe près d’une
à Hyde Park. Clapton boude logiquement, ce n’est pas ce qu’il espérait, décennie à écluser ses deux bouteilles de Courvoisier par jour, montant
et il va pratiquement saborder cette belle machine à générer des dollars. sur scène fin saoul pour de piteuses pantalonnades. Dans un court moment
Une gigantesque tournée aux Etats-Unis est prévue. Déjà blasé par le de lucidité, il usine le débonnaire “461 Ocean Boulevard” (1974) à Miami,
projet, Eric préfère picoler dans le bus bringuebalant d’une bande de qui le remet en selle grâce au succès de “I Shot The Sheriff”, reprise du
sudistes rigolards, Delaney & Bonnie, qui assurent la première partie. récent morceau de Bob Marley And The Wailers. L’album développe un
Leur musique très roots est proche de ses aspirations. L’expérience Blind sillon laid back déjà entrevu en 1970 et que Clapton va paresseusement
Faith ne dure que quatre mois, et laisse un goût de gâchis, malgré un creuser pendant les années qui suivront. Il tente d’effacer le souvenir du
album correct réalisé avec Jimmy Miller. Des choses exquises comme technicien flamboyant et prolixe des années Cream pour privilégier l’épure,
“Can’t Find My Way Home” et “Presence Of The Lord” n’étaient, tout la slide, et un solide ancrage stylistique américain, sous haute influence
de même, pas à la portée des premiers venus. De retour dans son château JJ Cale, dont il avait déjà repris “After Midnight” dès 1970. Un bonheur
du Surrey, Eric papillonne toujours. Il flirte de nouveau avec Lennon, n’arrivant jamais seul, il conquiert enfin Pattie Boyd qui emménage
qui aimerait bien l’intégrer durablement à son Plastic Ono Band et avec lui en 1975. Ses opus seventies sont dans l’ensemble assez mous,
réussit à arracher son consentement pour un festival à Toronto. Les amalgames de reprises blues, ballades romantiques, et tentatives reggae
choses en restent là avec le désormais ex-Beatle. Il intègre la cara- ou country, mais bénéficient des bons soins du fidèle Tom Dowd puis de
vane de Delaney & Bonnie, participant même à un album live (sur lequel Glyn Johns, ce qui leur assure une production classieuse, intem-
il est quasiment inaudible). porelle. On trouve ici et là de
Delaney Bramlett incarne, tel
Mayall auparavant, un père
de substitution. Il l’aide à se
Ivre, il provoque un scandale bons morceaux, comme par
exemple la sautillante “Watch
Out For Lucy”, et certains
décomplexer, à prendre confiance en sa voix et son écriture. Delaney disques sont indéniablement plus denses (“Slowhand” en 1977, avec la
se retrouve à la barre pour le sous-estimé “Eric Clapton” en 1970, qui célèbre reprise de “Cocaine”). Lui aussi aura son album perdu, “Turn
dévoile une réjouissante approche country soul, avec cuivres et choristes. Up Down” en 1980, rejeté par RSO car les lieutenants Gary Brooker et
Des pointures comme Leon Russell, Stephen Stills, Bobby Keys, Jim Albert Lee y tiennent trop souvent le micro. Dans un sens, il symbolise
Price ou Rita Coolidge sont de la fête (on les retrouvera sur “All l’abandon total de l’ex-démiurge, en autopilotage complet. Slowhand passe
Things Must Pass” de George Harrison). Mais Clapton se brouille le plus clair de son temps au pub ou au stade (il supporte West
avec Bramlett, dont le caractère ombrageux et autoritaire lasse aussi Bromwich Albion). Ivre, il provoque un scandale en tenant quelques
le bassiste Carl Radle, le claviériste Bobby Whitlock ainsi que le batteur propos racistes sur scène lors d’un concert à Birmingham en 1976. Après
Jim Gordon. Clapton les récupère aussitôt, pour un nouvel attelage qu’il qu’il eut une nouvelle fois frôlé la mort pour cause d’ulcères carabinés,
veut cette fois anonyme. La suite sera douloureuse, tumultueuse mais les années 80 le voient devenir enfin sobre (à partir de “Money And
aussi brillante. Les drogues dures, en particulier l’héroïne, font leur Cigarettes” en 1983), mais l’inspiration ne jaillit pas pour autant. C’est
macabre apparition dans l’histoire. Eric décide d’appeler l’affaire Derek l’époque du Clapton jet-setteur, costume Armani noir et top model au
And The Dominos et de partir écumer les petites salles, au grand dam bras. Désormais lié avec Phil Collins, il tente vainement de coller au son
de Robert Stigwood, son avide manager. Un contre-pied parfait à du moment, avec synthétiseurs et percussions électroniques. Laid. Un
Blind Faith. En parallèle, il poursuit sa cour à Pattie Boyd, la compagne drame d’envergure va malheureusement survenir : le décès accidentel de
de George Harrison, dont il est tombé éperdument amoureux. Il traîne son fils Conor, âgé de seulement quatre ans, en 1991. Son profond chagrin
un spleen carabiné, qu’il exorcise dans la poudre et la lecture de “Layla lui inspire “Tears In Heaven”, ainsi qu’une prestation habitée lors de
Et Majnûn”, recueil de textes du poète perse Gangavi Nezâmi-e narrant l’émission MTV Unplugged, qui lui assure une pluie de Grammy Awards.
une histoire d’amour impossible... Les studios Criteria de Miami et Tom Après une performance proprement stellaire sur “Don’t Think Twice,
Dowd sont réservés pour accoucher d’un nouvel effort, mais les premières It’s All Right” lors du trentième anniversaire de la carrière de Bob Dylan,
séances sont infructueuses. En fait, l’ensemble décolle lorsque Duane Eric peut enfin s’atteler à un projet qui lui tient à cœur depuis toujours :
Allman, de passage en ville avec ses frangins, est invité à se joindre aux un long-format totalement blues, le très brut et austère “From The Cradle”,
sessions. La rencontre avec God fait des étincelles : l’admiration est qui demeure l’un de ses albums les plus réussis.
mutuelle, l’entente immédiate, et les jams s’enchaînent, parfois pendant
dix-huit heures d’affilée. Le disque devient double, et le résultat est
d’une intensité redoutable. Des merveilles comme “Why Does Love Got Intarissable source
To Be So Sad?” méritent d’être redécouvertes. Clapton est alors frappé Eric s’approvisionnera à nouveau à cette intarissable source avec “Me
par plusieurs événements funestes qui vont le faire plonger définitivement And Mr Johnson” ou encore “Riding With The King”, réalisé en duo
dans les abîmes narcotiques : la mort de Jimi Hendrix, puis celle de son avec BB King. Les années 2000 sont celles de l’apaisement et des virées
père adoptif. Et, toujours, Pattie qui se refuse à lui, malgré cette entre copains, avec JJ Cale (“The Road To Escondido”) et même une
gigantesque missive nommée “Layla And Other Assorted Love Songs”... brève réunion de Cream le temps de quelques dignes concerts, toujours
qui sera un échec commercial retentissant, nullement aidé par une au Royal Albert Hall. Devenu à nouveau père, il compose de moins en
énigmatique pochette sur laquelle ne figure même pas le nom des moins, mais livre toujours d’honnêtes copies, comme “Clapton” en 2010
Photo Ed Caraeff/ Getty Images
musiciens. Une volonté très jusqu’au-boutiste d’Eric, et pas si surprenante ou “I Still Do” en 2016. Eric Clapton est, incontestablement, un survivant.
au fond. Un quasi-suicide commercial. Les Dominos disparaissent sous Un homme qui a puisé dans ses tourments intérieurs pour devenir l’un
des montagnes d’opiacés. Au bout du rouleau, Clapton se retire dans des artistes les plus fondamentaux des swingantes sixties. Un vrai
sa demeure de Hurtwood Edge pour se reposer. Il ne se doute pas que bluesman, reconnu par ses maîtres, Muddy Waters, Freddie King ou
la parenthèse va durer trois longues années. BB King. Nombre de ses proches, amis et collègues ont péri, solide
malédiction, lui est toujours là, bien présent. Il s’agit d’en profiter. ★
ROCK’N’
ROLL &
PUBLICITE
Velvet Underground, Clash et Troggs passent enfin à la télévision ?
Oui, dans les spots publicitaires. L’art rebelle par excellence
a-t-il été définitivement dissous par le monde de la réclame ?
PAR PATRICK EUDELINE
DIM... ET PUIS L’AMI RICORE. D’aussi loin que je me La troisième vente de disques en ce moment
souvienne, ce sont ça les premières musiques de pub qui (pardon, de streaming), c’est ce bon vieux Redbone. Et même pas
me restent en mémoire. Les pubs, il y en a toujours eu, avec “The Witch Queen Of New Orleans”, son hit taillé dans le
oui. Mais la musique, des chansons pour l’illustrer... marbre, mais un machin plus tardif, “Come On And Get Your Love”.
Non. Autant les thèmes d’Interlude, de la Séquence C’est drôle. J’ai toujours eu une dent contre Redbone. Philippe
Du Spectateur, des “Cinq Dernières Minutes” obsèdent Paringaux qui aimait beaucoup tout ce que sortait CBS en avait fait des
ma mémoire, autant la pub — une publicité heureuse, tonnes dans Rock&Folk au sujet de son premier double-album, en
créative — semblait se passer de musique. Quelques 1970. C’était, si je résume, la rencontre entre The Band, Creedence
slogans, oui, des jingles. C’était cela l’essentiel. Et puis Clearwater Revival, les Beatles. Rien que ça. J’ai craqué. Pour moi,
un jour, j’ai entendu le Velvet Underground. Un alors, la parole de Paringaux était d’or. Le double album en import
des morceaux sacrés du premier album. “Sunday Givaudan. Rien que ça. 40 balles. C’était, c’était... chiant comme la
Morning”, oui. Et c’était pour vendre des assurances. pluie. Je n’aimais ni les voix, ni le style, ni les mélodies pompées, mal
Des putains d’assurances. Cela n’a pas arrêté depuis. foutues et sans inspiration, (du boogie mou, le plus souvent) ni même le
Il fallait s’appeler parfums Lacoste. “Happy Together” pour Amora. “Good Vibrations”
pour Chrysler. “We Will Rock You” sous-exploité par Evian. Tout et
rien. Tout le monde y est passé, oui. Jusqu’à Sid (“My Way” pour Fiat)
Gainsbourg pour pouvoir et The Clash (“Should I Stay Or Should I Go”, à satiété). D’autres ont
été employés n’importe comment. “I’ll Be Your Mirror” pour France
se permettre de telles Telecom. Vraiment ? “After Hours”, aussi a été utilisé, pour Nina Ricci.
Le Velvet Underground, décidément... Ah ! Et puis “I’m Not
Toy
“HAPPY IN THE HOLLOW”
TOUGH LOVE/ DIFFER-ANT
Au voleur ! Toy se fait prendre la main synthés rêveurs. Faut-il châtier ce d’établi et respecté vous recommande. Leurs trois premiers albums en
dans le sac à plusieurs reprises, pillant pickpocket ? Surtout pas. Pourquoi lui On débutait à peine et déjà plein de contiennent un nombre honorable :
dans un premier temps les lignes en tenir rigueur, si ces détournements gens étaient amenés à nous écouter. “My Heart Skips A Beat”, “Endlessly”,
mélodiques du refrain de “Girl, You’ll servent d’impeccables chansons ? En faisant les premières parties de “Dream Orchestrator”... Le nouveau,
Be A Woman Soon” (Neil Diamond) Pourquoi accuser Toy de piocher dans The Horrors, nous avons rapidement “Happy In The Hollow”, en est
pour “Last Warmth Of The Day” et plusieurs genres (krautrock, indie-pop, joué dans des salles immenses, le gavé. Les disciples dépassent et
du couplet de “Some Candy Talking” shoegaze, folk, psyché, post-punk) si processus s’est accéléré. Je ne me surplombent leurs pygmalions :
(Jesus & Mary Chain) pour “Sequence ce grand brassage produit un cocktail plaindrai jamais d’avoir évité, grâce à alors que les Horrors peinent à tenir
One”. Allez-y, servez-vous ! D’autres grisant ? Les Anglais ont débuté en leur aide, plusieurs années de galère”. la distance, alors que Khan pédale
emprunts sautent aux oreilles : 2011 en bénéficiant du chaperonnage Toy a ensuite eu droit à un second dans la semoule (bio), Toy continue
La Düsseldorf pour “Energy”, Suicide de The Horrors, qui sort alors coup de projecteur : la chanteuse de de gravir des sommets. Avec un
pour “Move Through The Dark”, l’excellent “Primary Colours” : les Bat For Lashes, Natasha Khan, qui rock planant, une pop qui lévite,
le Pink Floyd de 1972 pour “You ainés déclarent n’avoir jamais écouté a tourné avec Coldplay et composé des mélodies en altitude, une
Make Me Forget Myself”. Quand un groupe aussi excitant, embarquant ces avec Beck une chanson pour la saga instrumentation perchée, par-delà
morceau n’évoque pas une référence petits nouveaux en tournée — Toy “Twilight”, gagnante du Mercury Prize, influences et inspirations — ses
particulière, c’est parce qu’il en mixe bénéficie immédiatement d’un surplus propose au groupe une collaboration emprunts, Toy ne les traite pas façon
plusieurs — Kevin Ayers et Brian d’attention, niveau médias et public. — un album de reprises de morceaux rase-motte, mais avec élévation et
Jonestown Massacre, Neu! et Field Tom Dougall, pas ingrat, a toujours iraniens, marocains et thaïlandais sous transcendance. Proverbe hébreu :
Mice, Ride et Legendary Pink Dots, ce remercié The Horrors pour ce coup le nom Sexwitch, où Natasha se prend “Quand un voleur vous embrasse,
genre d’amalgames. Sachant que Tom de pouce providentiel : “C’est grâce à pour Nina Hagen et Toy pour les comptez vos dents”. Ici, on compte
Dougall, le leader du groupe, semble eux qu’on a pu mettre le pied dans la Banshees. Des expériences qui n’ont surtout les grandes chansons.
faire une fixette particulière sur Jason porte. De nos jours, il y a tellement de pas détourné Tom Dougall de ce pour ✪✪✪✪
Pierce, troquant juste le côté gospel groupes qui tentent de percer, c’est quoi il est le plus doué : composer BENOIT SABATIER
et blues de Spiritualized contre des une énorme faveur quand quelqu’un avec Toy des morceaux splendides.
PISTE AUX ETOILES ✪✪✪✪✪ INCONTOURNABLE ✪✪✪✪ EXCELLENT ✪✪✪ CONVAINCANT ✪✪ POSSIBLE ✪ DANS TES REVES
Dans une autre vie, Wukong fut le On l’avait quitté sur “Turkey”,
compagnon d’arme de Jay Alansky. album malin empli de pépites pop
Puis, il enregistra deux albums et punk sorti en 2015 qui annonçait
cultes avant de s’installer en Chine. l’avènement d’une nouvelle
Accompagné de Peter Gunn (guitariste personnalité attachante dans
des Inmates), Johan Asherton (trop la scène garage californienne.
méconnu petit maître de l’acid folk) Déguisé en policier de pacotille, Krol
et Frank Eulry (producteur-arrangeur s’amusait avec désinvolture et ironie
de Laurent Voulzy). Le deus ex des obsessions des musiciens de son
machina de ce projet entre Asie, entourage et pleurait le vol de sa
France et Royaume-Uni, tient son bicyclette chérie avec humour. Celui
nom de Sun Wukong (le roi singe qui avait magnifiquement nommé son
de “La Pérégrination Vers L’Ouest”, premier album “I Hate Jazz”, avait
roman de la fin du seizième siècle, tout de la nouvelle icône hipster
fondateur de la littérature chinoise), en devenir. Quelle surprise alors
plus connu ici sous le nom de Son d’apprendre que ce joyeux luron
Goku par l’entremise du célèbre qui érigeait le je-m’en-foutisme
manga “Dragonball”. Wukong, en style de vie a failli abandonner
comme le héros du roman, a sa vie d’artiste. En proie à une crise
métaphoriquement traversé le Mont existentielle, Krol a perdu foi en la
musique alors même qu’une carrière
s’ouvrait. “Power Chords”, qui
montre un Krol abîmé sur sa
pochette, chronique ces trois
années de désamour, de
reconstruction et de redécouverte du
rock’n’roll. Musicalement (et presque
étonnamment) aucune révolution
n’est à noter tant l’album se place
dans les pas lo-fi de son prédécesseur
“Turkey”. C’est plutôt du côté des
textes que les perspectives ont
changé. L’écriture de Krol, jadis légère
et narquoise, se fait plus personnelle,
On l’a connu surtout comme Trois ans après ses remarquables Depuis Au Bonheur Des Dames, Bertrand Belin est insidieux.
guitariste, d’abord au sein de FFF, débuts, Requin Chagrin poursuit Ramon Pipin (né Alain Ranval à Paris Il s’est infiltré, l’air de rien, dans le
de Mud, des Hellboys, puis au côté son irrésistible ascension. Ce groupe en 1952) s’affirme comme un créateur paysage musical. Entre ses albums
de Johnny Hallyday. Pour beaucoup, qui n’en est pas un — c’est avant d’une authentique originalité. Le solo, ses participations à des BO de
c’est donc une surprise de le tout le projet de Marion Brunetto, triomphe de “Oh ! Les Filles” (1973) films ou ses collaborations choisies
retrouver dans la position de qui compose, écrit et interprète lui a donné la liberté de poursuivre un (“Dimanche”, la superbe chanson
chanteur-guitariste, sauf pour ceux l’essentiel de ce qu’on entend sur chemin personnel à la tête d’Odeurs, hypnotique sur l’album “Shadow
qui ont eu la chance d’assister à l’une disque — a réussi à s’extraire de la puis sous son nom, parallèlement à People” des Limiñanas, c’était lui), ses
des prestations enflammées de Black scène garage parisienne pour toucher diverses missions, comme réalisateur romans, il est un peu partout. Le pire,
Minou, le groupe qu’il avait constitué un public large. Repéré par Nicola (Renaud, haute époque), compositeur c’est que Bertrand Belin est insidieux,
avec son frère Melvil. Mais plus Sirkis, qui a trouvé dans les chansons de musiques de films (“Bernie”, mais séduisant. Et unique en son
question pour lui de s’abonner aux de Brunetto une filiation certaine, “Elle Voit Des Nains Partout”), etc. genre, n’en déplaise à ceux qui l’ont
reprises : homme à tout faire, Yarol le groupe a fait la première partie Enregistré avec de vrais musiciens vite classé dans la catégorie héritiers
a non seulement produit son album d’Indochine lors de sa dernière dans le mythique studio Vogue de de Bashung parce qu’il ne chante pas
sur son propre label mais également tournée et publie son deuxième Villetaneuse, “Qu’Est-Ce Que C’Est en haute-contre... Le Breton a un
composé et coécrit pratiquement tous album sur KMS, label lancé tout Beau”, cinquième effort solo, présente phrasé à lui, plus parlé que chanté,
les morceaux. Et c’est peut-être là que récemment par Sirkis. On aurait pu treize vignettes à l’humour parfois un détachement élégant, un timbre
le bât blesse : trop démonstratif, son craindre une dénaturation du son teinté de cynisme car, à l’évidence, de velours qui donnerait du relief aux
essai pêche par excès de longueur lancinant de Requin Chagrin, ce Ramon Pipin est adepte de la formule paroles les plus banales (même si
(une heure) et par sa volonté de courir mélange de mélodies mélancoliques bien connue selon laquelle mieux vaut ce n’est pas son style, la banalité).
et d’ambiances vaporeuses. Il est impeccable en conteur moderne
“Sémaphore” est une affirmation qui contemple le monde avec une
de cette esthétique qui se traduit par distance qui ne fait pas illusion. Car,
dix morceaux maîtrisés à la saveur sous la façade de dandy désinvolte
océanique où les métaphores marines promenant sa nonchalance sur des
sont nombreuses mais habilement mélodies languides tout en nappes
disséminées. La voix grave de de claviers, on le sent à fleur de peau,
Brunetto est aussi saisissante, tout plus doué pour manier la tension
comme sa capacité de faire sonner la subtile que l’explosion. Ce sixième
langue française sur ses progressions album est parcouru d’une mélancolie
d’accords carillonnants. On pense aux et d’une atmosphère synthétique
artistes du label Captured Tracks du héritées de la new wave, sans virer au
début des années 2000 (Beach pastiche. Les paroles ne priment pas
Fossils, Wild Nothings) ou aux sur la musique (tic assez répandu du
les Buzzcocks, comme beaucoup de timbale avec “Dare” de Human League. monuments, deux triomphes d’un groupe
groupes londoniens, avaient écouté le Velvet Autant dire qu’il savait faire sonner les guitares punk pas comme les autres, en attendant
Underground, David Bowie, les Stooges et aussi bien que les instruments électroniques “A Different Kind Of Tension”,
beaucoup de krautrock. Ils avaient toutes les (le merveilleux “Euroman Cometh” de qui sortira logiquement cette année.
chances de sonner comme les autres, mais ce Jean-Jacques Burnel, c’est lui aussi). NICOLAS UNGEMUTH
The Rising Storm The Durutti Column et Jason Pierce avaient conçus
“The Perfect Prescription”, en 1987.
Sonic Youth
“CALM BEFORE...” “M24J (ANTHOLOGY)” “I WANNA BE YOUR DOG
Pour les fans de ce groupe hors-norme,
Sundazed (Import Gibert Joseph) Factory Benelux (Import Gibert Joseph)
c’est un cadeau précieux permettant
— RARE TRACKS 1989-1995”
TV Party (Import Gibert Joseph)
Un autocollant le précise pour ceux Pour découvrir l’univers complexe de d’explorer les obsessions du duo, de The
qui ne le sauraient pas (tout le monde) : Vini Reilly (est-il un authentique génie ou Red Krayola (“Transparent Radiation”), Aux maniaques de Sonic Youffe,
il s’agirait du “disque le plus rare du a-t-il passé plus de trente ans à explorer à Lou Reed (“Ode To Street Hassle”, signalons cette compilation de
monde”. On a tellement de contre le mode d’emploi de sa pédale de delay splendide) en passant par Roky Erickson titres live enregistrés pour différentes
exemples que l’outil marketing, galvaudé Boss DD3 ?), cette double compilation (“We Sell Souls”, datant des Spades, soit émissions de télé (et vu que c’était pour
depuis des décennies, prête à sourire, semble être la porte d’entrée idéale. avant les 13th Floor Elevators), ou Sun la télé, le son est très bon). Il y a des
mais l’histoire de The Rising Storm est Regroupant des enregistrements étalés Ra selon les MC5 (“Starship”). Bourdon, versions très énervées de “Kool Thing”,
intéressante... C’est celle de jeunes entre 1979 et 2011, “M24J (Anthology)” Farfisa, Vox et claviers divers garantis “Silver Rocket” ou “Self Obsessed
gamins venant de la région de Boston déroule lentement, mais sûrement, pour ce qui fut le groupe le plus And Sexee”, mais les fanatiques
(Remains) qui ont économisé 1000 $ les instrumentaux aquatiques du psychédélique de son temps. voudront avant tout écouter la
pour passer cinq jours en studio guitariste accompagné de ses bandes,
et y enregistrer un album pressé à comme une sorte de prolongation
500 exemplaires, vendus rapidement post-punk de l’ambient créé par Eno,
à sa sortie en 1967. Le groupe est en volontairement moins simpliste.
vénéré par les fans de garage et du Ethéré, irréel, tout cela peut paraître
son de Boston, même si leurs morceaux soit parfaitement indigent, soit
dans le genre garagiste ne sont pas étrangement beau à sa manière. Parmi
particulièrement fabuleux et que ce les choses les plus poignantes contenues
sont leurs étranges ballades (“A Message dans cette généreuse compilation
To Pretty”, “Frozen Laughter”, “To (comptant plusieurs enregistrements
LN/ Who Doesn’t Know” ou “Mr Wind”, en public et de nombreux hommages
féerique), mélodiques et mélancoliques, à feu Tony Wilson de Factory Records),
qui les distinguent de la horde de “The Missing Boy”, dédiée à Ian Curtis,
groupe garage pullulant aux Etats-Unis que Reilly avait eu au téléphone
à l’époque. Là, les Rising Storm une semaine avant son suicide...
se rapprochent d’une délicatesse
façon Love, avec moins de moyens,
évidemment. D’autres titres, avec
un peu de fuzz, comme “She Loved
Spacemen 3
Me” donnent dans une pop garage
“FORGED PRESCRIPTIONS”
Space Age (Import Gibert Joseph)
typiquement bostonienne. Bref : on
s’attendait à l’énième arnaque du génie Difficile à trouver depuis sa sortie initiale
méconnu, mais l’écoute d’un morceau en 2003, “Forged Prescriptions” est
sublime comme “The Rain Falls” de retour dans les bacs, et c’est une
montre que The Rising Storm mérite aubaine pour ceux qui avaient raté le
pleinement le culte dont il fait l’objet. coche à l’époque. Collection de démos,
Ce n’est pas toujours le cas. mixes alternatifs, versions singles
et inédits de la période où Sonic Boom
Bob Dylan
“SELF PORTRAIT”
Columbia
LE SYNDROME POUR SERVICES RENDUS A LA NATION : quand une nous aurions pu lui conseiller de ne pas sortir un double album (24 titres),
légende franchit les 60 piges, on lui passe tout. Bob Dylan n’a plus enregistré de ne pas refourguer par-ci, par-là des versions live (jouées, ou plutôt
de disque essentiel depuis belle lurette, mais chacune de ses nouvelles dézinguées, au festival de l’île de Wight) de “Like A Rolling Stone”, “The
sorties se voit pourtant célébrée. Et c’est la moindre des choses : il a changé Mighty Quinn”, “She Belongs To Me”... Ce remplissage hétéroclite participe
le monde à 20 ans, pas si grave si son génie s’est fait la malle à la fin des finalement du concept — et si vous n’aimez pas, tant mieux. Il y a donc
années 70 — après, les quelques retours de flamme, c’est bonus. Il en était quelques blues arides, des morceaux qu’aurait pu composer Captain Beefheart,
autrement au tournant des années et 60 et 70, quand le futur Nobel s’apprêtait mais la majorité du disque se révèle chaleureuse, entre vignettes somp-
à fêter ses trente ans : il lui était interdit de décevoir. Dylan s’est fait massacrer tueusement orchestrées, gospels païens, cantiques désabusés, ballades
pour deux albums qui, rétrospectivement, font honneur à sa discographie. chantées d’une voix de révérend rêveur, d’Elvis mal réveillé — chant parfois
Pourquoi “Self Portrait” (1970) et méconnaissable, une palette vocale
“Dylan” (1973) restent si détestés, da- passionnante. Merveilles cachées :
vantage que certains de ses disques les “Belle Isle”, “All The Tired Horses”,
plus accessoires des années 80 et décen- “Alberta #2”, “Wigwam”, auxquelles
nies suivantes ? OK, ces deux albums s’ajoutent une flopée de reprises éton-
ne rivalisent pas avec ses sommets post- nantes : “Let It Be Me” (“Je T’Appar-
1966 (“Desire”, “New Morning”, “Blood tiens” de Gilbert Bécaud), “Early
On The Tracks”, “Nashville Skyline”, Mornin’ Rain” (Gordon Lightfoot),
“Street Legal”), mais sont-ils vraiment “Blue Moon” (moins belle que celle de
des catas par rapport à tous les “John Big Star, émouvante quand même),
Wesley Harding”, “Planet Waves” ou “Take A Message To Mary”, “I Forgot
“The Basement Tapes” ? Sûrement pas. More Than You’ll Ever Know”, “Days
C’est un homme de 28 ans agacé qui Of ’49”, “Copper Kettle (The Pale
entre dans les seventies. Woodstock Moonlight)”... Trois ans plus tard, fuck
vient d’avoir lieu, les hippies le vénèrent, it bis : c’est carrément un album cons-
Dylan leur refuse cette adoration. Il titué de rebuts de “Self Portrait” qui
l’écrit dans ses “Chroniques” : “Des sort — alors que “Self Portrait” s’est
foules se rassemblaient juste devant ma fait fusiller, alors qu’on reprochait juste-
maison. Je me suis dit : ‘Well, fuck it.’ ment un manque de tri. Pour rajouter
Je veux juste que ces gens m’oublient. Je au bordel, il y a aussi des outtakes de
veux faire quelque chose qu’ils ne peuvent “New Morning”. Lui-même n’en voulait
pas aimer, qu’ils ne peuvent pas com- pas, de ce “Dylan” (1973) : Columbia le
prendre. Ils l’écouteront et se diront : commercialise parce que Bob s’est tiré
‘Passons à la personne suivante.’ ” Oui, chez Asylum. Bizarrement, les chansons
“Self Portrait” est l’album fuck it de (99% de reprises) sonnent plus polies,
Dylan, le disque conçu pour ne pas être et le chant plus appliqué, performant
aimé. “Autoportrait” (alors que son — sa version de “Lily Of The West”
dessin de pochette n’a pas grand-chose dépote. L’interprète a sûrement recalé
de ressemblant) est retitré par les critiques “Self Parody”. Dave Marsh fulmine ces morceaux parce que ses performances étaient trop bonnes.
dans Rolling Stone : “Une catastrophe qui franchit toutes les frontières.” Greil La fin des sixties a célébré le format album, il s’agissait alors d’enregistrer
Photo Michael Ochs Archives/ Getty Images
Marcus s’étrangle : “What is this shit ?” C’est toujours bon signe quand le disque parfait, constitué uniquement de compositions personnelles, et
Marcus n’aime pas, mais “Allez vous faire foutre” ne garantit pas pour autant voilà le chef de file Dylan, lui qui a provoqué cette exigence, balancer en 1970
un bon disque. Heureusement, “Self Portrait” n’est pas le “Metal Machine un pavé dans la mare : le foutraque et la difformité ont leurs vertus
Music” de Bob Dylan. C’est un album où l’ex-folkeux, s’il ne cherche pas à — spontanéité, fragilité, vitalité, humanité. Dylan, humain ? Impardonnable.
plaire à son public, tente de créer autre chose, un bloc disparate et imaginatif, Six ans plus tard, les punks érigeront l’imperfection comme étendard —
inventant ainsi l’esthétique indie rock, préfigurant tous les Jonathan Richman, contre la qualité, la technicité, la propreté, le formatage. “Self Portrait”
Calvin et Daniel Johnston, toute la vague slacker du début des années 90, célèbre déjà cette idéologie. De façon branlante, comme il se doit. ★
les Pavement, Beck, Sebadoh. Il faut écouter sa reprise du “Boxer” de Simon
And Garfunkel : un carnage fascinant, réjouissant. S’il nous avait contacté, Première parution : 8 juin 1970
Rééditions
The Beatles Paul McCartney perles telles que “Single Pigeon”, raciste de 1971, se cache un disque
“Big Barn Bed” et le trippant “Loup (1st de funk doux (“Jagger The Dagger”),
“The Beatles & Wings Indian On The Moon”). Cette réédition — sophistiqué (“Lovin’ Man”) et jazzy
And Esher Demos” “Wild Life” avec réplique du livret 12 pages originel (“Headless Heroes”). C’est avant tout un
Apple/ Universal “Red Rose Speedway” et du texte en braille adressé à Stevie disque au groove unique, samplé mille
Capitol
C’était la grande réédition de la fin Wonder — propose une remasterisation fois, et simplement magnifique.
d’année 2018. On ne s’attardera pas Des quatre Beatles, Paul McCartney a de rigueur et un deuxième disque empli
sur les raisons pécuniaires qui poussent toujours été celui le plus à l’aise sur de singles de l’époque, notamment la A-Moms
tous les artistes des années 60 — de scène (le peu d’intérêt de George plaisante “C Moon” et l’insurpassable
Bob Dylan à Pink Floyd — à publier Harrison et John Lennon pour l’exercice “Live And Let Die”.
“Algebra Mothers”
Third Man
subitement leurs trésors cachés. Notons lors de leur carrière solo en atteste). Dès
simplement que dans sa version vinyle, 1971, il monta ainsi Wings, un véhicule Eugene Une des choses les plus appréciables
la version de l’album blanc des Beatles pour interpréter ses morceaux en public, McDaniels avec Third Man, c’est que l’équipe qui
accompagnée des démos enregistrées dans lequel sa femme Linda et son entoure Jack White est une bande de
dans la maison de George Harrison à compère Denny Laine (ex-Moody Blues)
“Headless Heroes fanatiques de musique made in Detroit
Esher est proposée dans un magnifique furent les seuls membres permanents.
Of The Apocalypse” qui connaissent l’histoire musicale de
Music On Vinyl
coffret. Le premier double album est une “Wild Life”, le premier album du groupe, la ville sur le bout des doigts. Exemple :
réplique exacte de l’album original, avec est un disque léger et inconsistant qui Le montage de la pochette qui montre A-Moms, groupe culte local qui sortit
photos, poster dépliable, nom du groupe ne brille que par la présence de “Dear Eugene McDaniels, le visage empli de en 1979 un unique single post-punk
en relief et chansons qui changent la vie. Friend”, touchante réponse de Paul au colère, devant deux samouraïs prêts à remarquablement excentrique
Les magnifiques démos acoustiques bileux “How Do You Sleep?” de John s’affronter, ne trompe pas : “Headless (“Strawberry Cheesecake”). Third Man
qui font le sel de cette réédition se Lennon. “Red Rose Speedway”, sorti en Heroes Of The Apocalypse” est un a retrouvé les musiciens, et voici que
trouvent dans un autre double-album 1973, est bien plus intéressant. Outre la disque énervé et politique. Pourtant, quinze titres inédits voient le jour sur
indépendant, au packaging tout mièvre — mais immensément populaire derrière les textes acerbes et révoltés une compilation démente qui a même
aussi beau. On se retrouve — ballade “My Love”, on y trouve des de son auteur qui pourfend l’Amérique incité le groupe à se reformer.
l’an prochain pour “Abbey Road” ?
Avec le second album de Raoul Noir c’est noir, pour le duo havrais
Vignal, on est de plain-pied dans Grand Final, fondé en 2007
l’éloge de la douceur. En activité depuis par deux membres d’un groupe
2010, ce Lyonnais a été repéré l’an local énervé longtemps en activité
dernier à l’occasion de son premier (Dickybird). Le second album, en
album. Ce nouvel essai en anglais anglais, de ce batteur et de cette
confirme la qualité de son univers chanteuse-guitariste annonce la couleur
évanescent : seul avec les arpèges avec un titre mortifère, des morceaux
de sa guitare, ou accompagné de aussi gais que “Cancer” ou “I Hate
quelques musiciens qui interviennent Family” et cultive les atmosphères
avec une discrétion respectueuse lourdes, sombres et oppressantes
de sa démarche intimiste, il susurre en s’immergeant dans un rock noisy
de sa voix douce un folk aérien acéré et convulsif qui impressionne
et mélancolique qui s’impose par sa force sauvage et sa puissance
subrepticement (“Oak Leaf”, Talitres, évocatrice (“La Mort”, Libérées,
talitres.com/fr/artistes/raoul-vignal). facebook.com/GrandFinalLeHavre).
C’est sur scène qu’a débuté le duo Fondé à Nîmes en 2013, Ultra
Yoann Minkoff & Kris Volta est un quatuor adepte de
Nolly, de la rencontre féconde de sensations fortes. Son premier album
deux musiciens établis à Rennes, un est placé sous le signe d’un rock en
beatboxer qui fait toutes les rythmiques tension : à deux exceptions près, les
à la bouche, et un chanteur-guitariste morceaux anglophones ne dépassent
déjà repéré avec un premier album pas les trois minutes et plébiscitent les
solo réussi. Ce premier EP cinq-titres tempos énervés, le chant s’apparente
permet de mesurer l’ampleur et souvent à de la harangue et la guitare
l’originalité du phénomène : gouleyant reste toujours au premier plan, le tout
et dansant, il invite à partir à la dérive étant baigné dans un son touffu et
entre blues, folk américain et musique puissant qui laisse peu de place aux
mandingue (“Leaving Home”, Remove nuances... mais tel n’est pas le propos
Ya Sound, engrenages.eu/projet/ de cette démonstration de force (“Hold
yoann-minkoff-kris-nolly). And Drop”, ultravolta-wannahub.com).
BLACK CAT
sobre et classieux, entre Eric Clapton et Jimmy
Page. Il n’y a qu’à se pencher sur la mirifique
“Death Valley Blues” (reprise transfigurée
d’Arthur Big Boy Crudup), pas si éloignée
BLINDWILLIE
JOHNSON 1897 (Texas) - 1945 (Texas)
Samson a les yeux crevés. Il va faire tomber le temple de où sont également retenus Barbecue Bob et Blind Willie McTell. Et ses
Dagon sur les Philistins. 1929. Willie Johnson, aveugle lui aussi, enregistre enregistrements sont toujours impeccables. Toujours bien préparé,
à la Nouvelle-Orléans. Comme c’est dans la rue qu’il chasse les meilleurs Willie colle aux timings, contrairement à la plupart des musiciens d’église
dollars, il empoche son canif, prend sa Stella et descend sur Canal Street. et de rue.
“If I Had My Way I’d Tear The Building Down”. Posté devant la maison Le chant roule dans une sombre pétarade. A-t-on une voix pareille à
fédérale des douanes, il chante l’histoire de Samson de sa voix phréatique, trente ans ? “Fausse basse”, car c’est une préciosité dynamique. On s’en
avec cette ferveur agressive qui fascine les passants. Croyant qu’il exhorte rend compte quand il recouvre sa voix naturelle (“Bye And Bye I’m
la foule à démolir l’immeuble des douanes, des flics l’enchristent Going To See The King”). Le timbre de Willie Beatrice Harris,
dans un grondement d’émeute. Le journal The Bookman maîtresse et choriste, volète dans cette mitraille, frais, presque
l’avait un jour décrit comme un dangereux illuminé. enfantin. Les slides au canif ouvrent un autre chœur,
On sait qu’il a longtemps habité à Marlin, Texas, et tout aussi léger, précis, chantant. Mais la virtuosité,
qu’il n’est pas né aveugle. A-t-il été vitriolé par le coffre, la brutalité du chant, son débit au swing
sa belle-mère ? A-t-il scruté trop longtemps élastique qui renvoie parfois à Bob Dylan et
l’éclipse du 30 août 1905 ? Dans quelles même au rap (“When The War Was On”) ne
circonstances Willie est-il allé à la rencon- sont qu’affèteries pour magnifier la noirceur
tre de Frank Walker, le plénipotentiaire du châtiment divin, auquel préludent les
de Columbia, en 1927 ? Walker a monté catastrophes du temps, le Titanic, la
une expédition à Atlanta, il descend main- guerre, l’épidémie dévastatrice de grip-
tenant vers Dallas avec ses ingénieurs pe espagnole, augures familiers à ces
du son. Les musiciens du cru trouvent, prophètes de malheur de la glèbe. Il faut
dans les petites annonces, l’adresse de être docteur en théologie quantique
l’hôtel où Walker a posé son studio pour percer le credo de toutes ces églises
volant, et convergent vers les bas-fonds noires. Après sa mort, ses deux veuves
de Deep Ellum. Walker fait le tri et tenteront de l’apparenter à la leur, l’église
réserve les élus, selon la couleur de leur baptiste pour Angeline, celle de Dieu dans
peau, dans les petits hôtels du quartier. le Christ pour Willie Beatrice.
“Ils enregistrent, rentrent chez eux avec un Qu’il compose ou qu’il emprunte, Willie met
disque sous le bras et se prennent pour le un chiffre indélébile sur tout ce qu’il touche.
président des Etats-Unis !” “Jesus Make Up My Dying Bed”, “Keep Your
Le 3 décembre 1927, un assistant vient chercher Lamp Trimmed And Burning”, “Praise God
Willie dans sa piaule, c’est son tour de passer devant I’m Satisfied”, “The Soul Of A Man”, “John
le micro. Un bluesman à disque multiplie les gigs dans The Revelator” conservent, intacte, la violence de sa
les clubs, un chanteur évangéliste à disque excite la demande foi. Presque une révolte contre l’Amérique. “Dark Was The
des églises et des conventions religieuses. Mais, gaffe, Willie n’est Night Cold Was The Ground” dérive d’un vieil hymne anglais de
pas un de ces vendeurs de bibles faméliques. En 1927, il est déjà une 1792. La crucifixion. Willie en tire juste une ride de néant. Il fredonne,
vedette au Texas, coiffure au quart de poil, costume au compte-fil, avec lèvres cousues, dans une torpeur glacée. Les slides de la gorge ombrent
cette voix unique au monde que le musicologue Mark Humphrey appelle à peine les slides de la lame, peut-être du bottleneck. Etonnant que
“fausse basse africaine”. Willie en impose et la graisse tient bien à sa Walker ait validé cette rêverie morbide. Livrée aux païens, cette croix
paume : six titres à 50 dollars pièce, trois 78 tours rondement vendus. devient un classique du folk, de la musique sacrée, un exercice standard
Willie sera rappelé trois fois encore par Columbia : le 5 décembre 1928 du bottleneck et l’un des 28 morceaux gravés sur le disque d’or de Voyager 1,
à Dallas, les 10 et 11 décembre 1929 à la Nouvelle-Orléans, le 20 avril parmi quelques autres valeurs de l’humanité à destination des civilisations
1930 à Atlanta. 32 titres au total mais deux, sous le pseudo de Blind extraterrestres.
Texas Marlin, ne seront jamais gravés. Peut-être deux blues, hasarde La sonde Voyager s’est échappée du système solaire en août 2012. Willie
son biographe DN Blakey. glisse maintenant dans l’espace interstellaire avec ses voisins Chuck et
C’est toujours avec lui que les ingénieurs du son passent le plus de temps, Ludwig van, à 4,4 millions d’années-lumière de la prochaine étoile.
Willie enregistre toujours plus de titres que les autres, même à Atlanta
Erudit rock PAR PHILIPPE THIEYRE
Huit à dix albums par an
Cher Erudit, j’aimerais avoir quarantaine de livres de poésies, Design puis, en 1978, à la Saint Martin’s guitariste de Mambo Taxi et des Voodoo
plus d’infos sur le parcours des romans, de nombreux articles, School of Art de Londres qu’il quitte au Queens, son mari Sexton Ming, peintre et
de BILLY CHILDISH des créé une maison d’édition et un label bout d’un mois. Il y revient en 1980, mais chanteur à la discographie conséquente,
Milkshakes, qui semble riche (Hangman Books et Hangman Records), en est exclu en 1982 pour non-respect des Wolf Howard, réalisateur, photographe
en expériences diverses. peint plus de deux mille tableaux règles, ce qui ne l’a pas empêché d’être et batteur du James Taylor Quartet,
JEAN-PIERRE, Marseille (13) et fondé le mouvement Stuckism. Childish régulièrement exposé dans des galeries. des Prime Movers britanniques et
se définit lui-même comme un artiste En 1999, avec Charles Thomson, Childish, des Musicians Of The British Empire.
Né Steven John Hamper le indépendant, en rébellion contre toute qui en peinture utilise plutôt le nom de Auparavant, en 1979, Childish, Thomson,
1er décembre 1959 à Chatham, forme d’institution et de chapelle, Hamper, rassemble un groupe d’artistes Absolon, Lewis et Ming avaient formé un
au sud-est de l’Angleterre, Billy Childish refusant d’être enfermé dans une case. sous l’appellation Stuckism. Ils affirment collectif de performeurs et poètes punk,
est un stakhanoviste de l’art sous toutes Dyslexique, il abandonne le lycée à leur attachement à la peinture figurative en The Medway Poets, auquel a été associée
ses formes. Que ce soit sous son nom, seize ans pour devenir apprenti tailleur de opposition à l’art conceptuel. Parmi les l’artiste Tracy Emin. En 1988, est sorti sur
sous un pseudonyme ou une quinzaine pierre aux chantiers navals de Chatham. onze autres peintres qui rejoignirent Hangman Records “The Medway Poets”,
de dénominations différentes, il a Parallèlement, il se consacre au dessin. d’emblée le duo, figurent Philip Absolon, une compilation de leurs prestations.
enregistré plus d’une centaine d’albums C’est en montrant ses œuvres qu’il est Bill Lewis, Ella Drauglis alias Ella Guru en Childish est d’abord influencé par les
et d’innombrables singles, publié une admis en 1977 au Medway College Of hommage à Captain Beefheart, également premiers disques des Beatles, des Rolling
Undercover :
Une Histoire Vraie
Black Mirror :
Bandersnatch
En attendant mordicus la saison 5 de “Black Et ce sous l’impulsion contrôlée du spectateur qui, Netflix intervient dans les choix pour un aparté
Mirror” — la meilleure série fantastique depuis du coup, n’est pas loin de devenir Dieu ! Parmi les temporel méta !) qui, toute fascinantes qu’elles
“La Quatrième Dimension” — Netflix, histoire de premiers exemples d’interactivité, on doit choisir soient, finissent par devenir épuisantes pour les
faire patienter les milliers de fans transis à travers le quel vinyle le héros doit mettre sur sa platine. Soit méninges. Suite au succès de “Bandersnatch”,
monde, a balancé en janvier un épisode hors norme... “Phaedra”, cinquième album de Tangerine Dream, abondamment discuté et analysé sur les réseaux
interactif ! Dans lequel le spectateur a la possibilité soit “The Bermuda Triangle” d’Isao Tomita. Choix sociaux et les blogs, Netflix envisage de se lancer
de choisir le déroulement de l’histoire. Cet épisode cornélien qui amène notre programmeur à comprendre dans d’autres programmes interactifs. Quitte à ce
spécial reprend la charte de la série. A savoir les (ou pas ?) qu’il semble vivre et subir (ou pas ?) les que les séries — puis les films — arrivent dans
conséquences dramatiques, philosophiques, aléas du hasard. Et il en va ainsi tout au long de une nouvelle ère agrémentée, qui plus est, de réalité
métaphysiques et surtout nihilistes des méfaits l’épisode... Ce “Black Mirror” joue tellement avec le virtuelle. Mais une question se pose ici : est-ce que
provoqués par les nouvelles technologies. Avec spectateur que l’entreprise devient — pour notre plus tout cela tient encore de la fiction traditionnelle ?
désincarnation des sens, boucle temporelle infernale, grand plaisir masochiste — un véritable casse-tête. Car, à force d’interactivité, on pourrait, suivant son
perte d’âme et conscience bafouée. Avec, aussi, une A tel point que, pour éviter de s’enfoncer dans les bon vouloir, éviter que le Titanic coule, faire en sorte
ironie bien placée, “Black Mirror” tente de prouver différents embranchements, on peut aussi décider de que Rocky Balboa perde tous ses combats, qu’Indiana
par A + B que la réalité virtuelle, les confins d’internet, laisser l’histoire se dérouler sans intervenir. Car pour Jones ne retrouve pas l’Arche d’alliance et que les sept
les ordinateurs trop perfectionnés et les robots dotés qui passerait son temps à tester les différents choix, nains connaissent enfin bibliquement Blanche Neige.
d’intelligence artificielle viendront peut-être à bout l’épisode durerait a priori pas loin de cinq heures ! Rêvons, rêvons... (en diffusion sur Netflix) ❏
de la race humaine. Et plus vite qu’on ne le pense. De multiples mises en abyme (où même la plateforme
Chaque scénario étant digne des plus grands auteurs
de science-fiction comme Harlan Ellison, HG Wells ou
Philip K Dick qui, lui d’ailleurs, posait déjà en 1966 une
question existentielle avec son roman “Les Androïdes
Rêvent-Ils De Moutons Electriques ?” devenu “Blade
Runner” au cinéma 16 ans plus tard. Cet épisode à
La Sentinelle
part de “Black Mirror”, intitulé “Bandersnatch”, reste Des Maudits (Elephant Films)
donc dans le ton alarmiste et uchronique de la série. Rarement cité parmi les grands classiques du cinéma d’épouvante des
Tout en jouant sur sa durée... qui n’existe pas seventies (“L’Exorciste”, “La Malédiction”, “Halloween”, “Suspiria”...),
réellement ! Celle-ci pouvant varier suivant les “La Sentinelle Des Maudits” est pourtant tout aussi terrifiant. Peut-être
directions proposées au spectateur (à peu près) parce que cette adaptation sentie d’un best-seller (“The Sentinel” de
toutes les cinq minutes. Au milieu des années 80, on Jeffrey Konvitz) réalisée par Michael Winner (responsable de la saga
s’immisce dans le quotidien d’un jeune programmeur des “Justicier Dans La Ville” avec Charles Bronson) a eu le culot de dépasser les codes de la
bienséance lors d’une séquence traumatique. Celle où la porte des enfers, planquée en haut
censé adapter en jeu vidéo interactif un roman populaire
d’un immeuble new-yorkais, s’ouvre pour laisser apparaître une galerie d’authentiques
d’aventures. Mais, à force de travailler jour et nuit, le
monstres de foire. Aujourd’hui, aucun studio ne se risquerait probablement à produire ça !
geek finit par se perdre dans les dédales de sa propre
réalité qui finit, elle-même, par devenir interactive.
C’est Noël après l’heure. Les étrennes en somme. Mettre à l’honneur la collection Ce n’est pas la première fois qu’un DVD de
Rock’n’soul publiée à la Fnac par GM Editions titillait depuis longtemps, mais on “When You’re Strange”, le film sur les Doors
attendait le bon moment. A l’heure où d’autres prônent la décomposition du futur et, de Tom DiCillo, paraît avec des pages à lire
ça va de pair, la dématérialisation, GM Editions persiste dans le physique et ajoute au en sus. En 2011, les éditions Marque-Pages
support DVD (ou Blu-ray dans le cas de “Woodstock”), non pas un livret de plouc, l’avaient proposé, accolé au making-of du
mais un vrai bouquin : soixante-douze pages, cent quarante photos inédites. Ça cause. premier 33 tours du groupe publié dans
Le tout servi dans un fourreau de beau carton épais préféré à ces immondes boîtiers la série Classic Albums, dans un coffret
plastique qui mettent des siècles à se biodégrader et que les baleines épargnées par contenant un petit bouquin. Ici, la rédaction
les Japonais (et les Norvégiens et les Islandais, ces gens du nord qui donnent envie de la story Doors a été confiée à Sylvain Fanet.
d’habiter dans le Sud) se coincent en travers des fanons. Tous ces films musicaux Tous les fans de Jim Morrison crient sur les
ont bien sûr été chroniqués, en leur temps, mais puisqu’il s’agit de bien toits de tôle ondulée depuis 2009 que “When
belles rééditions, c’est avec une joie non feinte qu’on en remet une couche. You’re Strange” est tout ce que “The Doors”,
le biopic d’Oliver Stone de 1991, n’est pas.
Par ordre d’entrée dans l’alphabet, C’est assez crétin : de nature différente, ils
“Gimme Danger” de 2016, est le ne sont absolument pas comparables.
documentaire de Jim Jarmusch sur Iggy A défaut d’être totalement conforme à la vérité,
et ses Stooges qui sont à la rédaction de ce “When You’re Strange”, raconté par Johnny
journal ce que les chalets sont à la Suisse. Ils Depp, a au moins eu le mérite d’être plus
font partie du décor. Fan de base, Jarmusch proche du portrait de Morrison que Ray Manzarek et Robby Krieger voulaient voir brossé.
a fait le maximum avec les images live Mais le clou du spectacle est “Woodstock” ! Le film de Michael Wadleigh sur
qu’il a dégotées (on sait qu’il n’en existe le festival des festivals, “trois jours de paix et de musique” pouvait-on lire sur
pas énormément de fameuses) et les l’affiche de Arnold Skolnick... En vérité, un fiasco financier monumental et pas
propos des intéressés sont pratiquement forcément la manifestation la plus réussie sur le plan purement musical (“Wight,
aussi fondamentaux que la musique du clament certains survivants, c’était autre chose !”). Enormément d’encre a été
groupe. Meilleur parolier de sa génération versée à ce dossier depuis que Michael Lang et ses potes, pas si cool et qui
pour David Bowie, Iggy Pop est un conteur-né l’auraient eu dans le baba si l’exploitation du film et de sa BO ne leur avait pas
et un raconteur roublard, qui sait mener les sauvé la mise, ont fait venir la crème des musiciens pop de l’époque sur un terrain
conversations pour faire dire ce qu’il souhaite de Bethel (à cent bornes de Woodstock !) appartenant aux Asgur. Michka Assayas,
à ses mots. Ceux qui, après avoir visionné ex-collaborateur de ce journal qui est parvenu à faire du rock un dictionnaire,
“Gimme Danger”, lui ont reproché de tirer revient par le détail et l’analyse sur ce qu’on sait de la saga et propose en prime
la couverture à lui sont des lâches qui une discographie psyché signalétique. Entre le refus préalable de Dylan d’en être,
n’auraient jamais osé lui dire en face. la non-présence de Creedence Clearwater Revival — pourtant utilisé comme
L’histoire de Kurt Cobain, répétons-le, carotte pour appâter les autres — dans le film, la mise en orbite de Ten Years After,
est celle de l’ultime grand ratage du rock. la contribution de Crosby, Stills, Nash & Young qui, dans la BO, ne vient pas de
Après lui et Nirvana, le déluge et la moindre Woodstock, Richie Havens poussant l’inspiration à son paroxysme et Joe Cocker,
importance. Si Cobain avait vécu, sûr qu’il Janis Joplin et Jimi Hendrix, impériaux malgré le décalquage très apparent, il y a
en remonterait aux imitateurs qui se sont effectivement de quoi écrire. Pour étoffer la célébration (un demi-siècle, déjà)
vautrés dans ses cendres. Repéré par la de ce pinacle des sixties qui en a aussi
veuve Courtney Love grâce à un très bon marqué la fin, le livre grand format 168 pages
“Crossfire Hurricane” sur les Rolling Stones, abrite deux Blu-ray : le premier est celui
le réalisateur Brett Morgan a eu accès, du film dans sa version longue remasterisée
pour ce “Montage Of Heck”, à un paquet de et l’autre est consacré à des performances
documents de famille et à des séquences live et documentaires exclusifs. C’est à ce
en partie inédites. Olivier Cachin, l’éclectique, jour et de loin, l’édition la plus complète
met sa plume au service d’un complément de “Woodstock” (en association avec
d’information non négligeable et livre, en Carlotta qui se démène aussi pour faire
prime, une analyse de la discographie de de belles choses au rayon cinéma),
Cobain. A ce sujet, l’autre trésor de ce et c’est français nom d’une pipe. ★
documentaire de 2015 est sa BO constituée de démos enregistrées par l’artiste.
“Sugar Man” (“Searching For Sugar Man” pour les intimes) est une œuvre de
Malik Bendjelloul, un cinéaste suédois passé dans le ciel du film rock à la vitesse des
Quadrantides (né en 1977, mort en 2014), sur Sixto Diaz Rodriguez, dit Rodriguez.
Elle est traitée ici par l’ex-Inrocks Christophe Conte qui, tout le monde ne peut en
dire autant, a interviewé l’artiste. Eprouvant toutes les difficultés du monde à vivre
de son art (il a publié deux albums mythiques au début des années 70), ce singer-
songwriter américain de l’âge de Paul McCartney avait plus ou moins tiré un trait sur
sa carrière et vivait chichement à Detroit lorsqu’il a appris que, sur Internet, des fans
les traquaient, son folk rock de banlieue et lui. Plus dingue, alors que sa musique ne lui
rapportait plus un kopeck depuis des lustres, elle cartonnait en Afrique du Sud. Surfant
sur le buzz, Rodriguez est donc allé y jouer et a réamorcé, depuis, une pompe à succès
dont la chaleur devrait lui permettre de tenir, dignement, jusqu’à la fin de son temps.
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Bande dessinée PAR GEANT VERT
Dessinateur vegan
Emilie Plateau est une jeune dessinatrice qui sait appeler un chat par son prénom. Ainsi,
son style épuré et entièrement centré sur l’action était parfait pour mettre en petites cases
“Noire — La Vie Méconnue De Claudette Colvin” (Dargaud), une BD
documentaire réalisée à partir du livre de Tania de Montaigne publié par Grasset dans le
cadre d’une série consacrée aux femmes ayant fait l’histoire mais que cette dernière n’a pas
retenue. L’affaire commence en 1955, Claudette a 15 ans et vit à Montgomery, en Alabama.
Un jour, dans un bus, elle refuse de céder sa place à une personne blanche. Face à un tel
acte d’insubordination, elle est jetée en prison. En clamant son innocence, Claudette vient
de bouleverser l’ordre des choses dans la lutte pour les droits civiques. Après le récent
mouvement Black Lives Matter, cette histoire forte sur une héroïne injustement oubliée
sera la piqûre de rappel obligatoire face aux sempiternels retours des racistes de tout poil.
artifices, manœuvres et affaires se suivent et se et ce livre-ci, cette histoire orale-là, sont donc
ressemblent avec une consternante constance mais sont ses évangiles. Que saint Bob vous aide à trouver,
ici l’aubaine du mémorialiste et forment sous sa plume sur YouTube ou Spotify, les nombreux titres
une ridicule, terrifiante et bidonnante leçon d’affaires évoqués dans le livre et que Jah guide votre lecture.
publiques. Comme pour les volumes précédents, la
pensée des livres à venir est devenue, toute l’année
la lecture des pathétiques gesticulations de notre élite Positively 4th Street
politique — entre nous, on fonde beaucoup d’espoir sur DAVID HAJDU
le traitement prochain de l’affaire Benalla — une des Sonatine Editions
rares satisfactions que le désastre général nous inspire Indiscutablement, en nous racontant ainsi entremêlées,
encore, ne boudez donc pas ce plaisir de gourmet. les vies de Bob Dylan, de Joan Baez, de Mimi Fariña-
Baez, sa sœur et de Richard Fariña, mari de Mimi,
quatre musiciens plus ou moins cruciaux à une époque
So Much Things To Say cruciale de la culture américaine, David Hajdu dans son
ROGER STEFFENS “Positively 4th Street, Les Vies De Joan Baez, Bob
Robert Laffont Dylan, Mimi Baez Fariña Et Richard Fariña” prend
Plus le temps passera et plus il sera difficile de le risque calculé de désorienter d’abord d’éventuels
comprendre le phénomène exceptionnel que fut lecteurs qui ne connaissent ni Mimi Fariña ni son mari
Bob Marley. Jamais sans doute, un artiste n’a incarné mais qui découvriront vite que les sœurs Baez et Richard
autant, à lui seul, un genre musical, genre dont il Fariña méritent amplement leurs places égales dans la
fut non seulement le plus célèbre interprète mais, narration. Hajdu raconte non seulement l’éclosion et les
aussi, l’incarnation quasi sacrée de l’idéologie religieuse succès des quatre artistes mais reconstitue ainsi joliment
que le reggae promouvait. “So Much Things To Say, tout ce petit monde du folk des années 60, dans les
L’Histoire Orale De Bob Marley” par Roger Steffens ne salles de Greenwich Village ou à Monterey, et reconstitue
fait pas mentir son titre et cette complexe compilation parfaitement les contextes culturels et sociaux qui
d’interviews et déclarations faites par l’entourage de expliquent la fabuleuse trajectoire qui fit d’un gamin
Marley, épaisse de plus de 500 pages, restitue en effet du Minnesota, la plus grande star de folk avant de faire
Emmanuel Le Magnifique
PATRICK RAMBAUD
Grasset
Plus de dix ans maintenant que Patrick Rambaud
se lança dans la saint-simonienne tâche de rendre
compte de la vie politique française et de ses acteurs
avec clairvoyance et minutie. Ingrate tâche pourraient
croire les (é)lecteurs que nous sommes tant cette vie
politique nous semble, à la subir, une machine tordue
et dysfonctionnelle dont la bassesse et l’étroitesse de
vue n’est surpassée que par sa propre inefficacité et
son manque d’ambition et d’humanité. Commencées
en l’an I du règne de Nicolas 1er, en 2007, ces annales,
maintenant au nombre de neuf, couvrent ces lustres
en obéissant heureusement aux mêmes principes
d’exhaustivité factuelle et d’hilarant persiflage.
“Emmanuel Le Magnifique” relate donc, vous l’aurez
compris, la première année du quinquennat de
Macron qui, on le devine vite, ne saura pas plus que
son prédécesseur, François Le Petit, guérir l’auteur
de cette déprime citoyenne tenace qui le saisit à
l’élection de Sarkozy et déclencha l’écriture de
cette série. Casseroles, calculs, coups en douce,
machiavélisme à deux balles, orgueils démesurés,
TOP15
VINYLES
DECEMBRE 2018
Paris 26 JANVIER
Bad Suns (Les Etoiles) ● Chloé (Elysée
Montmartre) ● Cake (Salle Pleyel) ● The
3 FEVRIER
Joan Baez (Olympia) ● Muddy Gurdy,
Ann O’Aro et JB Bimeni (Maroquinerie)
JANVIER Disruptives (Café de la Danse) ● Don Broco ● Hoobastank (Trabendo)
(Maroquinerie) ● Seth Gueko (Olympia)
20 JANVIER ● Pional et Fort Romeau (Badaboum) 4 FEVRIER
Brainstorm (Petit Bain) ● Elyose (Boule Noire) Angelic Upstarts et Wunderbach (Gibus)
● Adrienne Lenker et Squirrel 27 JANVIER ● Joe Bell (Les Etoiles) ● Bumcello
Flower (Maroquinerie) Architects, Beartooth et Polaris (Olympia) (Maroquinerie) ● Chelsea Cutler (Pop Up du
● Hollie Cook (La Machine du Moulin Rouge) Label) ● Parkway Drive (Olympia) ● Alan
21 JANVIER ● Judas Priest (Zénith) ● Neil & Liam Stivell (Cigale) ● Ian Sweet (Supersonic)
Chupa Cabra, Hoorses et Entropie Finn (Café de la Danse)
(Supersonic) ● Lulu (Café de la Danse) 5 FEVRIER
● Overdoz (Maroquinerie) ● This Wild 28 JANVIER Joan Baez (Olympia) ● Pi Ja Ma
01 JOHNNY HALLYDAY Life et William Ryan Key (Backstage) Basement (Maroquinerie) ● Ivar Bjornson et (Maroquinerie) ● The Wombats (Trabendo)
Einar Selvik (La Machine du Moulin Rouge)
“Mon Pays C’Est L’Amour”
Warner
22 JANVIER ● Grave Digger et Burning Witches (Petit 6 FEVRIER
Behemoth (Bataclan) ● The Darwin Bain) ● Slothrust (Pop Up du Label) ● We Are Amorphis et Soilwork (Cabaret Sauvage)
Experience, Silly Boy Blue, Nelson The City, Timing et Turquoise (Supersonic) ● Joan Baez (Olympia) ● Citrus Sun (with
02 QUEEN Beer et Sun (Centre Fleury Goutte d’Or) Bluey Of Incognito) (New Morning) ● Hot 8
“Greatest Hits II” Universal ● Glintshaje et Pale Blue Dot (Supersonic) 29 JANVIER Brass Band (Gaîté Lyrique) ● Hubert Lenoir
● Ben Howard (Grand Rex) ● Adam Dominique A (Salle Pleyel) ● Draconian, (Boule Noire) ● Gilbert O’Sullivan (Cigale)
03 QUEEN Naas (Café de la Danse) ● Terrorizer et Harakiri For The Sky et Sojourner (Petit ● Brendan Perry (Petit Bain) ● Swearin’
“Greatest Hits” Universal Skeletal Remains (Backstage) ● Uriah Bain) ● L’Impératrice (Olympia) et Bitpart (Point Ephémère) ● Toundra
Heep (Cigale) ● Mike Yung (Les Etoiles) ● Poolside (Point Ephémère) (Backstage) ● You Me At Six (Maroquinerie)
04 AMY WINEHOUSE
“Back To Black” Universal 23 JANVIER 30 JANVIER 7 FEVRIER
● Durand Jones And The Indications A-vox (1999) ● Anna Calvi (Salle Pleyel) Bel-Air et Draumr (La Dame de Canton)
05 THE BEATLES (Maroquinerie) ● John Garcia & The Band Of ● BC Camplight et Sheitan & The Pussy ● Gus Dapperton (Maroquinerie)
“White Album” Universal Gold (Trabendo) ● Haelos (Badaboum) ● Pi Magnets (Supersonic) ● Boney Fields (Jazz ● Ghost (Zénith) ● Kimberose (Olympia)
Ja Ma (Maroquinerie) ● Refuge, Joko, Johan Café Montparnasse) ● L’Impératrice (Olympia) ● Montevideo (Point Ephémère) ● Necros
06 LADY GAGA & Papaconstantinos et Mauvais Oeil (Centre Christos, Ascension et Venenum
BRADLEY COOPER Fleury Goutte d’Or) ● Snow Patrol (Zénith) 31 JANVIER (Backstage) ● Noyade, Tomaga, Jozef
● Joe Wedin & Jean Felzine (Supersonic) Go! Zilla, Siz et Deaf Parade (Supersonic) Van Wisse et La Jungle (Petit Bain)
“Soundtrack : A Star Is Born”
● Kadebostany (Maroquinerie) ● Pogo Car ● Jerry Paper (Pop Up du Label) ● Ross
Interscope
24 JANVIER Crash Control (Petit Bain) ● Rotterdames From Friends (Bellevilloise) ● Stensy (Boule
Hugo Barriol (Maroquinerie) ● The (Boule Noire) Noire) ● VNV Nation (Trabendo)
07 DAFT PUNK Casualties, Disturbance, Listix et Stateless
“Random Access Memories” (Gibus) ● Feu! Chatterton (Zénith) ● JS 8 FEVRIER
Sony Music Ondara (Point Ephémère) ● Fred Pallem & Le FEVRIER Blood Red Shoes (Point Ephémère)
Sacre du Tympan (Gaîté Lyrique) ● Pumpkin ● Jacob Collier (Cigale) ● FKJ (Olympia)
08 MUSE & Vin’s Da Cuero (Boule Noire) ● Amy Shark 1er FEVRIER ● Good Charlotte (Zénith) ● M (Cirque
“Simulation Theory” Warner (Badaboum) ● Years & Years (Salle Pleyel) Cloud Nothings (Point Ephémère) ● Dilly d’Hiver Bouglione, complet) ● Le Vibrazioni
Dally et Chastity (Olympic Café) ● Frent et (Boule Noire)
09 ALAIN BASHUNG 25 JANVIER Oscil (Dame de Canton) ● Manu Katché (Café
“En Amont” Barclay Belako (Badaboum) ● Martial Canterel et de la Danse) ● Les Négresses Vertes 9 FEVRIER
Poison Point (Petit Bain) ● The Dandy (Olympia) ● While She Sleeps, Stray From Dead Bones Bunny, Funny Ugly Cute
10 MICHAEL JACKSON Warhols et Juniore (Olympia) ● The The Path et Landmvrks (Trabendo) Karma et Not Bad (Boule Noire) ● The
“Thriller” Sony Music Disruptives (Café de la Danse) ● Les Inspector Cluzo (Cigale) ● Matoma
Hurlements D’Léo et Dubioza Kolektiv 2 FEVRIER (Maroquinerie) ● Obscura, Fallujah,
11 PINK FLOYD (Cigale) ● The Japanese House (Olympic Stephan Eicher & Traktorestar (Grand Rex) Allegaeon et First Fragment (Trabendo)
Café) ● Kakkmaddafakka (Bellevilloise) ● Her (Zénith) ● Kanka et RDH Hifi ● Rival Son (Bataclan) ● Kevin Krauter
“Dark Side Of The Moon”
● Left Boy (Maroquinerie) ● Legends Of (Trabendo) ● Razorlight (Bataclan) ● The (Supersonic)
Warner
Rock (Palais des Sports) ● Mall Grab (Yoyo) Residents (Gaîté Lyrique) ● Rudimental
● Natural Mighty, Anoraak, Minitel Rose et (Elysée Montmartre) ● Sniper (Olympia) 10 FEVRIER
12 NIRVANA Maethelvin (Boule Noire) ● Odesza (Zénith) ● The Teskey Brothers (Pop Up du Label) Halo Maud, Rover et Djoudi (Café de
“Nevermind” Universal ● Léonie Pernet (Gaîté Lyrique) ● La Secte ● Zanias (Petit Bain) la Danse) ● Therapy? (Maroquinerie)
Du Futur, Shiny, Darkly et Offermose
13 ALAIN BASHUNG (Supersonic) ● Youngr (Nouveau Casino)
“Bleu Petrol” Universal
14 RAGE AGAINST
THE MACHINE
“Rage Against The Machine”
Sony Music
15 EDDY DE PRETTO
Prévisions Paris ///////////////////////////
M : 21 et 22/2 (Cirque d’Hiver Bouglione, complets), Nils Frahm : 22 au 24/2 (Trianon, complets), Slash ft Myles Kennedy & The Conspirators :
“Cure” Universal 22/2 (Zénith), Neneh Cherry : 28/2 (Trianon), The Lemon Twigs : 4/3 (Cigale), Twenty-One Pilots : 11/3 (Bercy, complet), White Lies : 19/3
(Trabendo), The Young Gods : 22/3 (Maroquinerie, Le Butcherettes : 3/4 (Point Ephémère), Dead Can Dance : 10 et 11/5 (Grand Rex),
Metallica, Ghost et Bokassa : 12/5 (Stade de France, complet), Archive : 16/5 (La Seine musicale), Alice In Chains et Black Rebel
Motorcycle Club : 28/5 (Olympia), Rammstein : 13/9 (Paris La Défense)
12 FEVRIER
Joan Baez (Olympia) ● Ghostemane (La
Province l’Idéal) ● Delgres : 2, Evreux (Tangram) ● 3,
Oignies (Métaphone 9/9 Bis, avec Vaudou Game)
● 7, Besançon (salle Proudhon) ● 8, Audincourt
Lane, The Bloyet Brothers & Lourychords,
Clara Luciani, Tankus The Henge, Les
Kitschenette’s et Snow) – le 26 : Gil Joggings
Machine du Moulin Rouge) ● M (Cirque d’Hiver JANVIER (Moloco) ● 9, Dijon (Vapeur, avec Vaudou Game, & Ton’s, Ministère Magouille, Vaudou
Bouglione, complet) ● Massive Attack Ammar 808 et Ann O’Aro) ● 13, La Rochelle Game, Forever Pavot, Deafbrood et Go ! Zilla)
(Zénith, complet) ● Palaye Royale (Point Agar Agar : 25, Ramonville (Bikini) ● 26, (Sirène) ● 14, St-Martin-des-Champs (Le schmoulbrouk.com
Ephémère) ● Quinn XCII (Nouveau Casino) Biarritz (Atabal, avec Lee Ann) ● 31, Clermont- Roudour) ● 15, Brest (Cabaret Vauban) ● 16,
● Kodie Shane (Bellevilloise) Ferrand (Coopé) ● BC Camplight : 31, Caen Plescop (complexe sportif) ● Fontaines DC : 7, ■ Roue Waroch : 15 au 17/2, Plescop
(Cargo) ● Anna Calvi : 25, Nancy (Autre Besançon (Passagers du Zinc, avec Death Valley (complexe sportif, avec – le 15 : Leo Correa of
13 FEVRIER Canal) ● 26, Nîmes (Paloma) ● 27, Toulouse Girls) ● 10, Dijon (Consortium, avec Bodega et Forro Bacana – le 16 : Delgres, Mayra Andrade,
The Angelcy (Studio de l’Ermitage) ● Joan (Métronum) ● 29, Cenon (Le Rocher de Palmer) Black Midi) ● Michale Graves : 6, St-Jean-de- Cyril Atef, Fleuves, Sylvain Girault, War-Sav,
Baez (Olympia) ● Matt Corby (Maroquinerie) ● 31, Reims (Cartonnerie) ● The Casualties Védas (Secret Place) ● Interzone : 1er, Rilleux- Starijenn, Little Big Noz et Mathieu Hamon
● Laake, P Bastien & P Dupuy IRM (Petit et Rats Don’t Sink : 22, St-Jean-de-Védas la-Pape (O Totem) ● 2, Pont-du-Château – le 17 : Rozenn Talec, Hyacinthe Le Henaff,
Bain) ● M (Cirque d’Hiver Bouglione, complet) (Secret Place) ● Delgres : 24, Angers (Caméléon) ● 8, Mordelles (Antichambre) ● 19, Yannick Noguet, Tristan Gloaguen et duo
● Mastodon, Kvelertak et Mutoid Man (Chabada, avec Jumai) ● 25, St-Germain-en- Vitry-sur-Seine (festival) ● Kanka, Glao et Landat Moisson) www.roue-waroch.fr
(Casino de Paris) ● Octavian (Badaboum) Laye (La Clef, avec Moonlight Benjamin) Raavini : 9, St-Nazaire (VIP) ● Manu Katché :
● 26, Mérignac (Krakatoa, avec Blackbird Hill) 2, Mandelieu-la-Napoule (espace Leonard-de- ■ Congrès Tricatel : 2 et 3/2, Cannes
14 FEVRIER ● 27, Pau (Théâtre St-Louis) ● 31, Hérouville- Vinci) ● 15, Sarlat (centre culturel) ● Hubert (espace Miramar, avec – le 2 : Catastrophe,
Amine (Trabendo) ● Ceux Qui Marchent St-Clair (BBC) ● Grave Digger : 31, Lenoir, Bodega et Mnnqns : 9, Belfort Bertrand Burgalat, Alice Lewis et AS Dragon –
Debout (Café de la Danse) ● De Staat Villeurbanne (CCO) ● Halo Maud et Inuit : 24, (Poudrière) ● Namdose : 1er, Tyrosse (Pôle Sud) le 3 : Chassol et Mathieu Edward)
(Maroquinerie) ● M (Cirque d’Hiver Bouglione, Brest (Carène) ● Peter Hook & The Light : ● 2, Agen (Florida) ● 9, Creil (Grange à Musique) www.tricatel.com
complet) ● Night Beats et Calvin 21, Clermont-Ferrand (Coopé) ● 22, Ramonville ● Ann O’Aro, JP Bomeni et Muddy Gurdy :
Love (Petit Bain) (Bikini) ● 23, Bordeaux (salle des fêtes du Grand 1er, Cenon (Le Rocher de Palmer) ● 2, Rouen ■ Astropolis l’Hiver : 6 au 10/2, Brest (divers
Parc) ● L’Impératrice : 25, La Rochelle (106) ● 5, Nantes (Stéréolux) ● 6, Orléans lieux, avec – le 6 : Pavane – le 7 : Manu Le
15 FEVRIER (Sirène) ● 26, Cenon (Le Rocher de Palmer) (Astrolabe) ● Odezenne : 7, Le Mans (Oasis) Malin (aka The Driver, Regina Demina et SPS
Crocodiles et Eut (Point Ephémère) ● In Volt et Laura Cox : 19, Rambouillet ● 8, Genève (CH, Antigel) ● 8, Besançon Project – le 8 : Vincent Malassis, Couverture de
● Thomas Dybdahl (Café de la Danse) (Usine à Chapeaux) ● Lysistrata : 23, Limoges (Génériq) ● 14, Pau (espace James-Chambaut) Survie, Anna, Miley Serious, Varg, Overmono
● Island (1999) ● Paddy Keenan et Ulaid (El Doggo) ● 24, St-Ouen (Mofo) ● 25, Vendôme ● 15, Biarritz (Atabal) ● 16, La Rochelle (Sirène) (Truss & Tessela), Luke Vibert, DJ Drum et
(Pan Piper) ● Peter Kernel et Totorro & (Fabrique du Docteur Faton) ● 26, Fumel ● 21, Clermont-Ferrand (Coopé) ● 22, Perpignan Schxcxchcxsh – le 9 : District Sampling,
Friends (Petit Bain) ● Louis The Child (Pavillon) ● 27, St-Macaire (Belle Lurette) (El Mediator) ● 23, Montauban (Rio Grande) ● 28, Sonic Crew, Deena Abdelwahed, DJ Seinfeld,
(Maroquinerie) ● M (Cirque d’Hiver Bouglione, ● Namdose : 31, Toulouse (Métronum) Hérouville-St-Clair (BBC) ● Brendan Perry : 1er, Session Victim et Kenny Dope, 16 Pineapples,
complet) ● Bob Moses (Trabendo) ● The ● Ann O’Aro, JP Bomeni et Muddy Gurdy : La Souterraine (centre culturel Yves-Furet) ● 2, Omma, Waving Hands, Madben, Low Jack,
Paper Kites (Boule Noire) ● Jay Rock (Elysée 31, La Rochelle (Sirène) ● Pitbulls In The Toulouse (Métronum) ● 5, Strasbourg (Laiterie) The Mensure, DJ Psychiatre et Sharplines
Montmartre) ● Steel Panther (Bataclan) Nursery, Exocrine, Ceild et Geostygma : ● 8, Duclair (Théâtre En Seine) ● 9, Guyancourt – le 10 : MC Arabica, Bicolore, eye,
● Surfbort (Supersonic) ● Tender (Olympic 20, St-Jean-de-Védas (Secret Place) (Batterie) ● 10, Besançon (Antonnoir) ● 12, Traumsyadt, Tom Von Bed & Benny E
Café) ● Worakls (Olympia) ● Rendez-Vous et Maestro : 25, Sannois Marseille (Espace Julien) ● 13, Lyon (Ninkasi et Subtile DJ) www.astropolis.org.com
(EMB) ● Shakin’ Street : 21, Toulouse Kao) ● 15, Nantes (Stéréolux) ● 16, St-Laurent-
16 FEVRIER (Métronum) ● 22, Bordeaux (Le Salem) de-Neste (Maison du Savoir) ● 19, Clermond- ■ Bordeaux Rock : 23 au 27/1, Bordeaux
Arat Kilo et Nubiyan Twist (Trianon) ● Jade ● 23, Orléans (Blue Devils) ● 24, Rennes Ferrand (Coopé) ● 20, Mérignac (Krakatoa, avec (divers lieux, avec – le 23 : Peter Hook & The
Bird (Pop Up du Label) ● Easy Life et Myss (Mondo Bizzaro) ● 25, Concarneau (La Chap’L) Queen Of The Meadow) ● 22, Brest (Carène) Light – le 24 : Wizard, Courtney & the Wolves,
Keta (Petit Bain) ● Fabulous Sheep (Boule ● 23, Cergy (Visages du Monde) ● 24, Hérouville- Cosmopaark, Big Meufs, Atomic Mecanic,
Noire) ● Steve Mason (Badaboum) ● No St-Clair (BBC) ● 27, Liège (B, Réflextor) ● The Pointpointvirgulepointcrochetparenthèse,
Flipe (New Morning) ● Ramon Pipin (Café de FEVRIER Psychotic Monks, Cyril Cyril et The Slow Yyellow, Presqu’ile, Ad Patres, Thrillogy, Iron
la Danse) ● Joanne Shaw Taylor (Cigale) Sliders : 7, Angers (Chabada) ● Rendez- Flesh, Little Jimi, Colision, Daisy Mortem,
Agar Agar : 1er, Nîmes (Paloma) ● 2, Toulon Vous : 13, Lyon (Transbordeur) ● 14, Montpellier Queen Of The Meadow, Doktor Avalanche, Aya,
17 FEVRIER (Omega Live) ● 7, Lausanne (CH, Dock) ● 8, (Rockstore) ● 21, Audincourt (Moloco) ● 23, Bizmiz, The Wylde Tryfles, Clara et les Chic
The Black Madonna (Cabaret Sauvage) Annecy (Brise-Glace, avec Théodora) ● 9, Lyon Annecy (Brise-Glace) ● 28, Lille (Aéronef, avec Freaks – le 25 : Chien Noir, Tender Forever,
● Missie Kako (Les Etoiles) ● Ramon (Transbordeur) ● 15, St-Germain-en-Laye (La Boy Harsher et Kontravoid (Cameron Findlay) Milos Asian, DJ Martial Jesus et Terence Fixmer
Pipin (Café de la Danse) Clef avec Otzeki et Toood) ● 16, Magny-le- ● Joanne Shaw Taylor : 17, Ris-Orangis (Plan) – le 26 : Cristof Salzac, Bruno Falibois, Mars
Hongre (File 7, avec Léonie Pernet) ● Angelic ● 19, Lyon (Transbordeur) ● Slapshot : 14, St- Red Sky, King Khan’s LTD, Astaffort Mods
18 FEVRIER Upstarts : 13, Marseille (Molotov) ● 17, Jean-de-Védas (Secret Place) ● Sniper : 9, et Gordon – le 27 : Thurston Moore Group
Hayley Kiyoko (Olympia) ● Lost Under St-Jean-de-Védas (Secret Place) ● Joan Abbeville (théâtre municipal) ● Venus Lips : 1er, et Th Da Freak) www.bordeauxrock.com
Heaven (Backstage) ● Lulu (Café de la Danse) Baez : 15, Strasbourg (Palais de la Musique St-Jean-de-Védas (Secret Place) ● We Insist! :
● Yak, The Schizophonics et Howlin’ et des Congrès) ● Beatman Batkovic & 15, Lorient (Galion) ● 16, Quimper (Novomax) ■ Wintower : 1er et 2/2, Lyon (Ninkasi et
Jaws (Maroquinerie) Double Bass Experiment et Ann O’Aro : 7, ● Worakls : 22, Caen (Cargo) ● 23, Brest Transbordeur, avec – le 1er : Inuit et Miel de
Mulhouse (temple St-Etienne) ● Bodega : 8, (Carène) ● 28, Marseille (Silo) ● Yak, The Montagne – le 2 : Léonie Perret, Molécule,
19 FEVRIER Besançon (Antonnoir) ● 9, Belfort (Poudrière) ● Schizophonics et Howlin’ Jaws : 19, Rouen Pantha du Prince, Midnight Ravers
Bruit Noir et Red (Point Ephémère) 10, Dijon (Consortium, avec Fontaines DC et (106) ● 20, Clermont-Ferrand (Coopé) ● 21, (Dominique Peter), Two Faces et Lcysta)
● Cedric Burnside et Handsome Jack Black Midi) ● Cedric Burnside et Handsome Dijon (Vapeur) ● 22, Nancy (Autre Canal) www.woodstower.com/fr/
(Maroquinerie) ● Earthgang (La Place) ● The Jack : 20, Rouen (106) ● 21, St-Avé (Echonova)
Faim (Les Etoiles) ● M (Cirque d’Hiver ● 22, Joué-lès-Tours (Le Temps Machine) ● 23,
Absolutely live
post-punk, funk, jazz et musique de fest-noz, chemin entre Beck et Tame Impala avant que sombre a dû percer quelques tympans.
les rockeurs retiendront quelques bonnes l’homme-orchestre Vurro, orné d’un crane de TONY BOLLAERT
adresses. Le jeudi après-midi pour le focus taureau en guise de masque (et d’instruments
’N’ROLL
piétonnes. Après “2 mois, plusieurs lettres, figure le nom du groupe. Le personnel ?
36 coups de téléphone, 2 rendez-vous C’est mes oignons. Crac, ils signent.
manqués”, François-René Cristiani réunit Funkadelic est en train de se casser la
enfin dans un salon bourgeois Georges gueule, [mais] le nouveau Parliament vient
Brassens, Jacques Brel et Léo Ferré. d’être certifié disque de platine.” Les Doors
FLASH
Brel : “Le disque est un sous-produit de la promeuvent “American Prayer”, le nouvel
chanson. J’ai l’impression de pondre des album d’un chanteur mort depuis 7 ans.
œufs.” Ferré : “Chaque fois que je croise L’article sur Jim Morrison est composé en
une putain dans la rue, elle ne me fait blanc et imprimé sur des pages anthracite
jamais l’article. C’est parce que je fais le couvertes de graffitis blancs, une course
BACK
même métier qu’elle, je vends quelque chose à la migraine où même les fans ne se
de mon corps.” Brassens : “Puf puf puf” risquent pas. “Je hais l’Amérique, mais
(bruit de pipe). A un moment, Ferré leur tu ne comprends pas que je hais aussi
fait le coup des vieilles canailles : une l’Angleterre et la France ? Je hais le
tournée à trois dans les dix plus grandes monde entier, je me hais moi-même, je ne
PAR CHRISTIAN CASONI salles de France. Brel fait semblant voudrais être que de la merde.” John Lydon
d’être emballé. Brassens : “Puf puf puf”. a changé de musiciens mais pas de dealer.
FEVRIER 1989 R&F 260 FEVRIER 1999 R&F 378 FEVRIER 2009 R&F 498
Leurs faire-valoir (Mötley Crüe ou Poison) L’emboutissage des rédac’chefs fait fureur “Titanesque, monstrueux, mégalithique” :
sont cons, Guns N’Roses est fou. Ils imitent aux States. Foxy Brown cabosse celui de Guns N’Roses, réduit à Axl Rose et Dizzy
Aerosmith pour imiter Aerosmith, GN’R Vibe, les nervis de Marilyn Manson celui de Reed, sort “Chinese Democracy” après
cherche les Stones derrière Aerosmith, voire Spin, ceux de Puff Daddy celui de Blaze, une 14 ans de caisson. Jesse Hugues d’Eagles
Muddy Waters et réactive deux principes rédaction où Wyclef (Fugees) vient Of Death Metal : “Il tente de faire passer son
fondateurs du rock : la mégalomanie des défourailler, Masta Killa (Wu-Tang Clan) se album solo pour un disque de Guns N’Roses”.
intros et la ballade. Le triple concert de paye une plume de Rap Pages. Rock&Folk Axl Rose renvoie Jesse Hugues à ses
Leicester (Derek B, Public Enemy, fait de l’huile et se met au vert chez les “Pigeons Of Shit Metal”. Dave Grohl rappelle
Run-DMC) donne à Rock&Folk l’occasion troubadours, dans un numéro qui ressemble que se faire étriller par Axl Rose, c’est se
d’appareiller pour “la planète Rap”. Le NME fort à un hors-série spécial folk. “D’où vient- faire “anoblir par la reine d’Angleterre”.
voit Public Enemy comme le grand groupe il ? Où va-t-il ?” Les rois (Bob Dylan, Neil Jesse Hugues : “La prochaine fois que je le
de rock’n’roll du moment, certains le Young, Elliott Murphy), les reines (Joan croiserai, il me tombera dans les bras avant
comparent au Clash. Chuck D : “Les Noirs Baez, Emmylou Harris), les princes (Rufus de me demander un autographe”. Cette
nous comparent à Coltrane. Tout le concept Wainwright, Vic Chesnutt), les cousins (Nick comédie du rock colle bien à l’équilibre que
du rock’n’roll semble bien maigrelet” à côté Drake, Donovan, Pentangle), un moine Didier Wampas essaie de tenir entre “se croire
du rap. Rita Mitsouko a senti le glam revenir scolastique (Greil Marcus), et cette question le meilleur du monde et savoir que c’est faux”.
dès 1986, recruté Tony Visconti, “tiré les lancinante : les punks sont-ils les héritiers Symboles sexuels de 2008 : les lecteurs
dernières gouttes des Sparks et habillé le bébé des folkeux ? Quelle que soit la génération, et lectrices se sont exorbité les globes sur
glitter dans une défroque adaptée à la fausse tout le monde baise la pantoufle de Dylan, le Amy Winehouse et Pete Doherty. Hommage
ouverture d’esprit du grand public français.” plus rapide et le plus courageux d’entre eux. à Bettie Page, nécro pour Ron Asheton.
“People take pictures of each other, just to prove cet établissement pourtant pas plus fascinant
that they really existed.” “The Kinks Are The que le Pacha-Club de Louveciennes. La boîte
Village Green Preservation Society” vient n’a rien déclenché d’intéressant. Ni musique,
d’avoir 50 ans et l’an dernier Ray Davies a ni esthétique. Et elle portait malheur.
sorti un bel album, “Americana” (merci Cyril Finalement ce qu’elle a engendré de plus
Clerget) loin des piers, du vaudeville et des marrant ce sont les récits glorieux d’anciens
studios Ealing. Si l’Angleterre quitte vraiment combattants de la rue du Faubourg-Montmartre
l’Europe, il restera Rouen et Olivier Popincourt. façon “Jean De Lattre Mon Mari”, qui ont
Son nouveau EP, “4 Colours, 4 Seasons”, remplacé la littérature de guerre et “Le Soldat
perpétue la grande mesure et le chic british Oublié” de la collection Vécu. Sur le Palace,
à la Blue Nile, Style Council, Joe Jackson, Eudeline a déjà tout dit ici. Ce qu’il y avait de
Louis Philippe et Paddy McAloon. mieux, c’était les concerts, programmés par
une équipe extérieure, dans l’après-midi ou en
Ce mois-ci, la claque dans la gueule scénique début de soirée. La faune du Palace n’y assistait
vient d’Yves Duteil. Je l’ai vu chanter gratis pas, c’était trop tôt, ils étaient en train de se
à Cheverny, à l’initiative de Constance de préparer. Provincial fraîchement débarqué, j’y
Vibraye, lors d’une soirée de sensibilisation ai vu Gary Numan (Jérôme Berdah si tu lis ce
au diabète de type 1 (diabeteetmechant.org), texte...), Kid Creole avec Andy Coati Mundi
seul à la guitare, rejoint par Philippe Nadal au Hernandez au vibraphone et Carol Colman à la
violoncelle et Alain Souchon, et j’ai découvert basse, le Yellow Magic Orchestra. J’arrête, car
un as du picking capable de s’affranchir des bientôt il y aura la même chose pour le Baron.
arrangements fabuleux d’Alain Goraguer sur
“Virages”, la face B de son premier 45 tours. “Happycratie, Comment L’Industrie Du
Bonheur A Pris Le Contrôle De Nos Vies”.
La salsa du démon : “L’amour de Læticia C’est le titre d’un essai très intéressant d’Eva
pour feu son mari pourrait être finalement Illouz et Edgar Cabanas (Premier Parallèle,
symbolisé par le grand plateau de sauces qu’elle 21€). Ils ont raison, même Houellebecq a l’air
lui préparait pour égayer ses repas. Ses amies radieux maintenant. Le plus pénible ce n’est pas
sont intarissables sur le sujet. ‘Ce plateau était lui (ses rares interviews sont assez réjouissantes)
toujours au même endroit sur la table. Il ne mais sa cour, écrivains mondains qui se pressent
bougeait jamais. On devait se passer les sauces sur la photo pour ne pas être engloutis, et
puis les reposer. C’était le trésor de Johnny.’ ” lapident Yann Moix quand il dit les mêmes
(M Le magazine du Monde, 8 décembre). Yeah. conneries sur les femmes que le caïd des lettres
Touchez pas au gribiche. Extase de pouvoir lire depuis “Extension...”. Dans le rock et la mode
des trucs pareils. Quand je n’ai pas la pêche il c’est un peu l’inverse : plus elles mènent une
me suffit de penser à ça, ou à la photo des gosses vie confortable, plus les créatures slimanisées
en blazer dans Le Parisien pour l’inauguration ont tendance à faire la gueule sans trop savoir
du quai Charles-Pasqua à Levallois-Perret. pourquoi, ou à exalter la mort (luxe de jeunes).
J’aimais bien aussi, chez Jojo, qu’il se soit Le prototype, c’était les Kills. Apologie de la
fait tatouer le prénom de sa fille Jade en violence, d’Action Directe, d’Audry Maupin
idéogrammes chinois, avant de découvrir, et de Florence Rey, qui n’en demandaient
une fois l’encre séchée, que les quatre lettres, pas tant : la beugleuse et le yorkshire de Kate
prises isolément, signifient La petite maison Moss n’ont pas lésiné sur les clichetons et la
dans la prairie. En 1987, Novi kolectivizem, souffrance par procuration. Mort aux Kills.
les graphistes du Nouvel Art Slovène, étaient
parvenus à ridiculiser délibérément le régime en Avis de recherche. Dimanche 16 décembre,
remportant le prix de la journée de la jeunesse 11 h 30, Franprix Cardinet, un morceau génial,
avec une affiche du Troisième Reich où seuls probablement récent, avec des cordes et des voix
les sigles avaient été modifiés. Le Magazine cité féminines qui font “in the sky” sur le refrain,
plus haut vient de se prendre les pieds dans le comme du Kadhja Bonet mais ce n’était pas
tapis en s’inspirant, pour sa couve avec Macron, elle, et pas de téléphone pour l’identifier.
d’un photomontage d’Hitler par Lincoln
Agnew. Ce n’est pas le journal mais l’esprit de RTL, 6 h 19, 25 décembre. En sommeil
l’époque qui est responsable, dévalorisant les paradoxal, j’entends une belle chanson FM,
créateurs au profit de choisisseurs, directeurs émouvante, entre Johnny (cette façon
artistiques, DJ-stylistes et autres intermédiaires faubourienne de prononcer mourir et soupir,
généralement incultes. Puisque tout a été fait, comme les loubs d’antan) et Calogero pour
pourquoi s’enquiquiner avec les originaux ? Il y le refrain, paroles un peu soulignées mais
a quelques années une chanteuse australienne efficaces, et un arpège d’ARP Odyssey qui
m’avait appelé pour des arrangements de s’enroule en spirale sur les couplets. Shazam !
cordes. Elle me dit qu’elle aimerait que ça sonne c’est David Hallyday, “Ma Dernière Lettre”,
comme Jean-Claude Vannier. “Je le connais, il pile le genre d’hymne de stade sur lequel son
est super, vous devriez le contacter de ma part...” père aurait dû partir. Cette année le mien aurait
lui répondis-je. Gros blanc au téléphone, elle 100 ans. C’est fou ce que sa génération a pu
voulait le pastiche et pas l’original. Une grande avoir la trouille pour ses enfants, ce que le rock,
marque d’ordinateurs vient d’envoyer un brief la drogue, la vitesse et tout ce qu’incarnait
pour une campagne mondiale avec comme ce journal ont pu représenter comme source
référence Chassol, mais ça ne leur viendrait d’inquiétude pour des adultes qui avaient
pas à l’esprit de lui demander. pourtant connu d’autres dangers. “Plus le
temps nous sépare et plus il nous rapproche”,
“De toute façon, dans les romans, on peut Pascal Jardin, “Le Nain Jaune”.
dire n’importe quoi puisque ça ne se vend plus.
C’est merveilleux !” Simon Liberati dans L’Obs. “Une femme se suicide à la station de métro
Il a raison, en musique aussi, ce n’est pas le pire Plaisance” (Le Parisien, 25 décembre). “Il fait
moment pour y aller à fond. La remarquable nuit à Paris mon amour, j’ai envie de lui dire,
Photo Bruno Berbessou
Eva Ionesco sort un film sur la jeunesse inspiré il fait nuit à Paris, de décembre en juillet mon
de son itinéraire exemplaire et on ne parlera à amour, au pays des zombies à Paris, il fait nuit...
son sujet que du Palace, alors que ce décor est il fait nuit, méfie-toi à Paris, il fait nuit pour
anecdotique. On pourrait remplir le jacuzzi de toujours... Fille perdue fille paumée, je reviendrai
Régine avec tous les biens culturels consacrés à vous voir demain...” Pierre Vassiliu, “Film”.