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AIRE/REVUE
aS
MENSUELLE/JANVIER
1983
REDACTEUR EN CHEF
Serge Toubiana N° 343 JANVIER 1983
COMITE DE REDACTION « MOONLIGHTING » DE JERZY SKOLIMOWSKI.
Alain Bergala
Pascal Bonitzer Quaitre-quarts, par Pascal Bonitzer p.
Serge Daney
Serge Le Péron Entretien : Un art en équilibre, par Pascal Bonitzer, Serge Daney et Serge Toubiana p. 7
Jean Narboni LETTRE DE HOLLYWOOD.
Serge Toubiana
REDACTION La nouvelle génération américaine, par Bill Krohn p. 19
Olivier Assayas
Jean-Claude Biette LE CINEMA AU JAPON -
Michel Chion Notes nippones, par Serge Daney p. 26
Jean-Louis Comolli
Daniéle Dubroux LE FESTIVAL DES 3 CONTINENTS A NANTES
Jean-Jacques Henry
Pascal Kané Découvrons Guru Dutt et Ritwik Ghatak !, par Charles Tesson p. 36
Yann Lardeau
Jean-Pierre Oudart Les Brésiliens a Nantes : Triangles et trafics, par Sylvie Pierre p. 31
Alain Philippon
Guy-Patrick Sainderichin
LES 10 MEILLEURS FILMS DE L’ANNEE 1982
Louis Skorecki Le palmarés de la rédaction des Cahiers
Charles Tesson
Le palmarés des lecteurs des Cahiers p. 49
CORRESPONDANT
A LOS ANGELES CRITIQUES
Bill Krohn Voyage au bout de l’enfer (Le Territoire), par Yann Lardeau p. 52
SECRETARIAT DE REDACTION L’Histoire en datby (Danton), par Serge Toubiana p. 54
Claudine Paquot
NOTES SUR D’AUTRES FILMS
DOCUMENTATION,
PHOTOTHEQUE La Boum 2, Brisby ou le secret de Nimh, Diner, Docteurs in love, Mutant, Officier et
Emmanuéle Bernheim gentleman, Pius beau que moi tu meurs, Premier amour, Que les gros salaires
EDITION févent le doigt !, La Riviére de boue. p. 56
Alain Bergala
Jean Narboni TABLE DES MATIERES DE L’ANNEE 1982 - N°331 A 342 p. 60
CONSEILLER SCIENTIFIQUE
Jean-Pierre Beauviala
LE JOURNAL DES CAHIERS N°30
ADMINISTRATION
Clotilde Arnaud | page | Editorial par Serge Toubiana. page 1% Rencontres de Belfort: Panorama du
pagel Festivals d’automne/Semaine des jeune cinéma frangais, par Alain Philippon.
ABONNEMENTS Cahiers : Paris cinéphile, par Yann Lardeau. page X Télévision. La télévision de demain et
Pierre-Hervé Peuzet page ill Les filles hériditaires, par Serge Daney. d’aprés-demain, par Serge Le Péron. « Aprés tout
L’ Enfant secret, par Alain Philippon. de qu'on a fait pour toi », par Serge Le Péron. La
VENTES page IV Le mois de Ia photo a Paris : Ga a été, Le télévision face a son miroir, par Alain Philippon.
Didier Costaglicla Bazar de Brodovitch, Eugene Atget, Callahan- page XII Vidéo : VHS la nuit, U-Matic te jour, par
Friedlander, Tom Drahos, Deborah Turbeville, Jean-Paul Fargier.
MAQUETTE Colloque sur Pacte photographique, par Eric page XIII Mon bloc-notes : Les recalés d’Epinay,
Paul Raymond Cohen Audinet, Isabetle Duley, Jean-Pierre Limosin, Jac- par Louis Skorecki
daprés Jacques Daniel ques Ristorcelli. page XIV Les livres et ’édition. Le pessimisme
PUBLICITE page VI Lettre d’Italie: Voleurs de cinéma a décapani de Fritz Lang, par Christian Descamps.
A nos bureaux Rome, par Fabio Ferzetti. Boujut synchrone avec Wenders, par Alain Ber-
343.92.20 page VII Samuel Fuller tourne a Paris: Passage gala.
Moliére, par Vincent Ostria. page XV Il était deux fois Sacha Guitry, par Jean-
GERANTS page Vill Festivals. Festival du Rex : Arénes san- Paul Fargier.
Serge Toubiana glantes, par Charles Tesson. page XVI Informations.
Clotilde Arnaud
DIRECTEUR
DE LA PUBLICATION
Serge Daney En couverture, Jeremy lrons dans Moonlighting de Jerzy Skolimowski
QUATRE-QUARTS
PAR PASCAL BONITZER
Moonlighting est un film noir. D’ailleurs il commence avec la voix off du narrateur
(Jeremy Irons) dans le style du thriller : quatre hommes débarquent a |’aéroport de Lon-
dres chargés d’un matériel clandestin et d’une mission secréte. Par hasard, ce ne sont pas
des espions ni des tueurs, mais des ouvriers Polonais, et le noir dont il s’agit n’est que
celui du travail du méme nom (c’ est sans doute ce que veut dire le « moonlighting » du
titre) : retaper pour quatre fois rien le refuge, acheté par un apparatchik varsovien, dans
un quartier de Londres.
Ce quartier de Londres est un quartier de lune (filons la métaphore) ott débarquent ces
travailleurs, tels quatre astronautes pour leur premier vol spatial. Seul le narrateur parle
la langue du pays et les trois autres ne sont — du moins sont-iis traités ainsi — que des
machines humaines, des robots a abattre du travail, pour quatre fois moins cher que des
ouvriers autochtones. Lunaire en effet est la lumiére du film, lunaire son humour et
froid comme un mois de décembre 4 Londres en 1981, date non insignifiante de action.
Lunaire ce travail de démolisseurs et de magons qui consiste 4 briser des pans non de
roche mais de murs, a les rassembler, les entasser, les €vacuer comme on peut dans des
conditions précaires et des nuits glacées.
Moonlighting est un film comique. C’est le comique de Chaplin et de Tati, le comique
du désordre infinitésimal, du lapsus et du décalage qui met en relief un plus grand désor-
dre, une plus vaste crise. Comique visuel et sonore, mais muet, des gestes déplacés, des
machines qui refusent d’obéir (humaines ou non), des résistances diverses qui se confon-
dent ici avec le travail méme, le travail inconscient. Les joints fuient, les prises se débran-
chent, les fils nus électrocutent, les corps se révoltent. Le narrateur a choisi ses trois
compagnons pour leur bétise, dit-il, parce qu’il croyait qu’ils seraient ainsi plus faciles 4
contréler.Mais on ne peut pas contréler des hommes en les maintenant tout juste en état
de survie, tout en exigeant d’eux du surtravail, et de plus en les isolant, en les coupant
volontairement de toute communication avec le milieu extérieur, comme s’il ne suffisait
pas que déjails en soient coupés par lalangue. C’ est précisément parce qu’ils en sont coupés
par la langue que ces hommes-machines se mettent 4 fonctionner « comme un Ian-
gage » pour le sujet, le narrateur du film — ils en sont littéralement l’inconscient. Ils
sont pour kui ce par quoi la vérité, qu'il s’efforce de leur cacher, en Poccurrence le coup
d’Etat du 13 décembre, fait retour et lui revient, c’est le cas de le dire, en pleine gueule
(orsque finalement il Ia lache, la vérité, ils lui cassent la figure : touche du réel).
Moonlighting est donc aussi un film politique. Il faut entendre par 14 tout ce que ne
sont pas les films qui s’avancent en général sous cette étiquette. C’est un film politique
par le biais des moyens de Ia mise en scéne, c’est-a-dire par la métonymie et la méta-
phore. Moonlighting ne traite pas directement de la question polonaise, du coup d’Etat
de Jaruzelsky ni de Solidarnosc. Mais s’il réussit a éclairer la question (et que l’éclairage
en soit, comme on a dit, lunaire, importe peu s’il est le vrai) au lieu comme il serait facile
de stupidement l’illustrer, c’est précisément parce qu’il opére ce déplacement nécessaire
MOONLIGHTING
an g
(métonymie) dont Brecht avait donné la régle : ce transfert, en l’occurrence, d’un frag-
ment de Pologne en Angleterre. Ce qui est politique, ce n’est pas comme dans /’Homme
de fer de nous resservir le brouet réchauffé du conflit éloquent et du héros positif ; c’est
de montrer comment le sujet, le narrateur, du film, se trouve confronté dans un espace
minuscule — celui d’un pavillon londonien 4 « rénover » — aux mémes problémes que
ceux d’un pays socialiste : surexploitation, exigences d’un rendement maximum, planifi-
cation (le délai impératif est un mois), privation du droit de gréve, interdiction de sortir
et de communiquer avec I’extérieur, etc. Le narrateur (qui avoue au début du film, avant
le coup d’Etat, ne pas étre inscrit 4 Solidarité) reconstitue en plein Londres un petit Etat
socialiste, avec un peuple de trois hommes. Pas par méchanceté, ni par habitude, mais
simplement par nécessité.
Le socialisme, c’est sans doute toujours plus ou moins cela : tenter de faire quelque
chose avec pratiquement rien, en y dépensant sans compter les forces humaines, sous le
chef du prolétariat (le stakhanovisme en a été la figure idéalisée et mensongére).
Moonlighting est donc, enfin, une fable assortie d’une morale : si le prolétariat tra- MOONLIGHTING (TRA-
vaille, ce ne sera jamais comme ceux qui prétendent le diriger le voudront. L’absen- VAIL AU NOIR). Grande-
Bretagne 1982. Scénarioet réalisa-
téisme, les gréves sauvages, l’alcoolisme, le pourrissement, ne sont pas des tares rédima-
tion: Jerzy Skolimowiski.
bles du systéme, mais en font structuralement partie. C’est la situation noire, comique, Image: Tony Pierce Roberts.
politique et morale de ce systéme volontariste qui ne veut rien savoir de l’inconscient Décors : Tony Woollard. Musi-
mais en éprouve les effets, dont Moonlighting donne le tableau tout 4 la fois réjouissant que : Stanley Myers. Montage :
et déprimant, mais salubre. Barry Vince. Production : Marc
Shivas et Jerzy Skolimowski pour
Si c’est un cliché que de parler d’un « humour décapant », c’est que l’expression est
Michael White Ltd et Channel 4.
aussi un pléonasme : l’humour est le seul décapant dont le langage dispose. C’est bien en Interprétation : Jeremy Irons,
tout cas l’expression qui vient 4 l’esprit 4 propos d’un film ot les ponceuses, abrasifs et Eugene Lipinski, Jiri Stanislav,
sableuses ne jouent pas un petit réle. Moonlighting est un film décapant. P.B. Eugeniusz. Haezkiewicz.
ENTRETIEN AVEC JERZY SKOLIMOWSKI
UN ART EN EQUILIBRE
Jerzy Skolimowski
Moonlighting : histoires d’un film ma longue admiration pour le Pickpocket de Bresson. J’ai tou-
jours pensé que le fait de voler, le processus qui entraine au
vol, représente beaucoup plus que I’envie ou le besoin de possé-
Cahiers. Quelle est la part autobiographique du film ? der telle ou telle chose, et qu’il met en jeu des sentiments beau-
Jerzy Skolimowski, L’un des éléments de Phistoire est légé- coup plus complexes. J’ai pensé que si je trouvais de bonnes
rement autobiographique : il est vrai que j’ai acheté une mai- raisons de voler au héros de Moonlighting, je pourrais explorer
son a Londres et que je l’ai rénovée avec l’aide d’ouvriers polo- ce territoire. Ce qui m’améne au troisiéme élément, c’est-a-dire
nais. Mais c’était il y a deux ans et demi, avant que Solidarité les événements historiques arrivés pendant ce temps en Polo-
commence. Mon expérience personnelle avec des ouvriers polo- gne. J’ai bien siir été tellement choqué par ces événements que
nais n’était donc pas de la nature de celle que je montre dans le pendant les deux ou trois semaines qui les ont suivis, j’ai été
film, méme si le travail de construction, le travail pratique qui incapable de penser 4 faire un film, 4 écrire un scénario, ou
devait tre fait dans la maison était exactement le méme, avec quoi que ce soit. Il ne faudrait donc pas croire que je me sois
par exemple les catastrophes de plomberie et les plafonds qui saisi des événements historiques quand ils sont arrivés, et que je
s’écroulent. C’est 1a seulement un des éléments de I’histoire de les aie ajoutés 4 mon histoire. C’était plutét, dirais-je sous
Moonlighting, et, comme il est écrit noir sur blanc dans le forme de plaisanterie, une bénédiction de Dieu. Je n’ai pas sou-
press-book, il y a deux autres éléments importants, dont le fan- vent dans ma vie fait quelque chose de vraiment bien pour des
tasme de vol purement imaginaire et en quelque sorte reflet de gens, j’ai tendance a Etre assez égoiste, égocentrique. Mais a ce
ENTRETIEN
moment-la, en décembre 1981, quand nous nous sommes sentis ment, il devait aller 4 Cannes. Il n’y a eu aucune plainte de la
complétement détruits, moi-méme, ma famille, ma femme, part de l’équipe qui a travaillé pendant vingt-trois jours sans
mes enfants — nous avons pensé rentrer en Pologne avant de s’arréter, ce qui est vraiment dur. Je dois dire que presque
réaliser qu’il n’y avait pas d’avion et que bien sir cela était toute I’équipe a été malade, j’ai moi-méme été frappé cing
impossible — ; 4 ce moment-la donc, deux ou trois jours plus jours avant la fin. C’était ’hiver, j’ai attrapé une pleurésie, qui
tard, j’ai rencontré un groupe de touristes polonais — des est une mauvaise maladie. Le médecin me disait d’aller &
ouvriers — qui étaient prisonniers 4 Londres a cause de la loi Phépital, je lui répondais que c’était impossible, je ne pouvais
martiale, sans foyer, sans argent, sans travail. Les organisa- pas me permetire méme une heure d’hGpital ! J’ai terminé le
teurs de I’excursion (qui devait durer cinq jours) avaient eu film, on n’a méme pas arrété un jour, mais ce fut vraiment,
peur de les mettre sur un bateau, de les renvoyer en Pologne sur vraiment dur. Tout le monde a extraordinairement bien tra-
un bateau de transport ; ils avaient eu peur que ce ne soit pas la vaillé, Jeremy...
chose a faire. Ils erraient dans la rue avec leurs bagages. Je les
ai vus, ils étaient une quinzaine, je les ai emmenés chez moi et Cahiers. C’est un génie !
j'ai commencé 4 donner des coups de téléphone a des familles
J. Skolimowski. C’est vraiment un trés grand acteur, je suis
polonaises que je connaissais, 4 leur demander de prendre une
stir qu’il va faire une carriére fantastique, et il le mérite. Il se
ou deux personnes chez elles et de voir quel travail on pouvait
donne de tout son coeur, pas comme une star gatée qui regarde-
leur trouver. J’ai trouvé un lieu pour chacun, et au dernier j’ai
rait sa montre et dirait « on est en dépassement ». Il était mer-
dit « montez, il y a en haut une petite chambre, vous pouvez
veilleux.
rester 14 aussi longtemps que vous le voudrez ». Je lui ai trouvé
un travail de plongeur dans un restaurant. Done, j’ai pendant
Cahiers. N’avez-vous pas eu de problémes avec les syndicats
quelques jours été soudainement occupé par les autres, a les
@ travailier les samedis et dimanches ?
emmener en voiture, dans les familles, 4 leur travail. J’étais
complétement coupé de tout sens créatif, je ne pouvais pas pen- J. Skolimowski. Non, c’était dans le contrat, nous l’avions
ser a travailler. Le type qui logeait chez moi regardait tout le dit : il faut tourner le film entre telle et telle date. Tout le
temps la télévision pour avoir des nouvelles de Pologne, et dés monde avait signé, de plus tous étaient trés bien payés. La plus
que fes nouvelles de Pologne arrivaient, il se mettait 4 pleurer, grande partie de argent est véritablement allée a la production
automatiquement, a trembler. C’est un des types qui joue dans réelle du film. Nous avons pris un salaire relativement limité,
le film, le réle de Kudaj. Il pleurait, il ne comprenait pas un Jeremy Irons a pris un dixiéme de ses salaires habituels.
mot d’anglais et il demandait : « qu’est-ce qu’ils ont dit ? L’argent a vraiment été mis dans la fabrication du film. Une
qu’est-ce qu’ils ont dit ? », je traduisais : « ils sont écrasés, il y production normale de ce film aurait cofité au moins deux fois
a des morts, etc. », et Ie type était véritablement pris de pani- plus cher. Les gens se sont beaucoup impliqués dans le film, ils
que. Aprés une ou deux expériences de ce genre, je lui donnai y croyaient.
une version adoucie des informations : « il semble y avoir de
graves incidents, mais ce n’est pas confirmé ». Ainsi je fran- Cahiers. Et les trois autres personnages, sont-ils Polonais ?
chissais le pas de la manipulation, je devenais une sorte de lea-
J. Skolimowski. Non. Vous connaissez maintenant I’histoire
der personnel pour ce type. Je prenais Ia responsabilité
de l'un des Polonais, qui n’est pas acteur mais un travailleur
d@arranger pour lui une réalité différente. Dés le moment ot
normal. Les autres, ce sont deux acteurs anglais, deux citoyens
j’ai eu conscience de ce phénoméne, ot je l’ai expérimenté dans
anglais d’origine slave. L’un a des parents Tchéques originaires
mes sentiments, je me suis dit : « mon Dieu, voila, je suis dans
de la frontiére tchéco-polonaise, il parle dix mots de polonais,
la situation d’un leader », et ce fut le troisiéme élément de l’his-
4 peine. L’autre avait des grands-parents Polonais mais est
toire, probablement le plus important. J’ai fait du personnage
incapable de parler un mot, la seule chose qu’il était capable de
le leader d’un groupe, qui prend toutes les responsabilités sur
dire c’était « oto, oto, oto... » et il le dit quatre ou cing fois
ses épaules. Dans la construction de AMfoontighting le dernier
dans le film. Le reste, chaque mot de polonais, a été répété.
élément est le plus important. Imaginons le méme film sans que
Certains ont dit que j’ai fait de ces trois types des fous, des
Ja loi martiale ait été déclarée, ce serait une petite histoire
idiots, des primitifs. Je ne le pense pas. Les étres humains
drdéle. L’aspect tragique, le cté vraiment noir est di 4 ce qui
s’expriment par leurs visages, leurs yeux, leur maniére de se
est arrivé en Pologne. Et puis, c’était si naturel, j’ai simple-
comporter. Le fait qu’ils ne parlent pas de Spinoza ne les rend
ment exprimé ce que je ressentais, et lorsque tous ces éléments
pas idiots pour autant !. Je voulais qu’ils restent trés simples,
se sont mis ensemble, c’est devenu une histoire presque vraie.
comme il dit : « je les ai choisis parce qu’ils sont stupides et
faciles 4 contrdler », pourtant, i} n’arrive pas 4 tout contréler.
Cahiers. En combien de temps avez-vous écrit le scénario ?
Evidemment, les Polonais voudraient voir ces trois types
J. Skolimowski, En onze jours. La pré-production a duré comme des héros de Solidarité, la bouche pleine de slogans
deux semaines, le tournage 23 jours sans arréter ni les samedis, politiques. Ce serait un film différent, un sujet différent, qui ne
ni les dimanches, puis nous avons fait le montage, et le vingt m’intéresserait pas. .
avril le film était prét pour Cannes.
Cahiers. Est-ce que vous travaillez toujours aussi vite ? Cahiers. J! y a vraiment peu de dialogue polonais dans le
film, c’est a peine s’ils partent.
J. Skolimowski. C’est probablement le film que j’ai fait le
plus vite, mais j’avais déja travaillé trés vite une ou deux fois, J. Skolimowski. Oui. Je voulais également éviter les sous~
sur des petits films comme Le Départ, qui était presque un film titres. Tout ce qui est en polonais ne devait pas étre traduit, ils
amateur, Tandis que Moonlighting est un film fait de facon disent des absurdités qui ne sont pas vraiment importantes.
trés professionnelle. Le budget était relativement limité, mais
nous n’avons jamais manqué d’argent, je ne me privais de rien Cahiers. Quelle a été la réaction au film de la communauté
pour que fe film ressembie a ce que je voulais qu’il soit. Prati- polonaise en Angleterre ?
quement, si j’avais eu quelques jours de plus, je ne sais pas si J. Skolimowski. Trés mitigée. Les réactions ont été bien
cela aurait ev un effet sur le film. Les conditions de production meilleures chez les Polonais des Etats-Unis. Notre grand poéte
étaient prévues au départ, le film devait se faire immédiate- Joslav Milozc, par exemple, est venu me dire « merci beau-
AVEC JERZY SKOLIMOWSKI
coup, c’est trés bien ». Il a comparé le film a un diamant, 4 du extrémement attention au choix de ses mots. Ils ne pouvaient
cristal, parfaitement ciselé. Mais certaines personnes sont légé- pas dire que c’était un mauvais film, ils disaient « oui, c’est
rement choquées, elles font une erreur de raisonnement typi- intéressant »». IIs refusaient de voir la métaphore politique, ils
quement polonaise. Elles pensent que j’aurais eu un bien meil- disaient « c’est une petite histoire, quatre types construisent
leur résultat si j’avais fait un film purement politique, elles sont une maison 4 Londres... ».
choquées par les éléments de comédie. C’est pourtant simple.
Je voulais que ce film soit vu par Ie plus grand nombre de gens, Cahiers. Pensez-vous que le fait d’avoir montré un ouvrier
et je sais que le sujet « Pologne » doit passer en contrebande en train de voler dans une boutique a pu choquer le public
sur l’écran. C’est pourquoi je n’ai jamais, jamais, dans mes polonais ?
apparitions publiques, souligné l’aspect politique du film. Il est
Ia de toutes facons, on ne peut l’empécher ; mais ce que je sou- J. Skolimowski. Peut-€tre. Encore que ce ne soit pas si irréa-
ligne c’est la comédie, la légéreté du traitement du sujet. Je liste que ca. Il y a eu le cas célébre de deux footballeurs polo-
crois, et la réaction du public le prouve, qu’a partir du moment nais appartenant 4 une équipe de juniors venue jouer 4 Lon-
ot les gens commencent 4 rire des personnages, ils sympathi- dres, arrétés pour vol dans un supermarché. Ils ont immédiate-
sent avec eux, ils commiencent 4 les comprendre, et finalement, ment demandé Lasile politique, ce qui est fou et montre
ils sont désolés d’avoir ri. C’est un traitement beaucoup plus jusqu’ou la stupidité polonaise peut aller et les contresens qui
intelligent, me semble-t-il, d’un sujet délicat et difficile : en peuvent étre faits, Je pense que ces types ressemblent beaucoup
passant, invisible. plus 4 de vrais voleurs qu’a des réfugiés politiques.
are ee =
Le travail est terminé : la traversée de Londres la nuit vers l’'aéroport
pouvais pas montrer des Anglais parfaits, il fallait que je leur J. Skolimowski. Je n’ai jamais calculé ma vie privée en fonc-
donne quelques coups, mais je pense l’avoir fait avec une tion de l’aspect professionnel. Je pense que quel que soit
grande sympathie pour eux, sans méchanceté. Bien stir, quel- Pendroit od on est, si le besoin de faire un film existe, il sera
ques caractéristiques anglaises sont ridicules, et je ris d’elles, fait, D’autre part, je ne suis pas si pessimiste en ce qui concerne
mais méme les gens censés étre méchants, comme le personnel le cinéma anglais. Je pense qu’ils ont de trés bons techniciens,
du supermarché, en un sens sont trés gentils. J’aime beaucoup de grands studios, beaucoup de savoir-faire ; ce sont de grands
Je directeur du supermarché, c’est un grand personnage. artisans. Il manque seulement un peu d’énergie, de talent,
« C’est votre bicyclette, Monsieur ? » charmant ! parmi les réalisateurs, les producteurs.
Cahiers. La femme du supermarché est assez terrifiante, Cahiers, Les gens ne vont pas beaucoup au cinéma.
comme dans un film d’Hitchcock de la derniére période...
J. Skolimowski. Mais c’est partout le cas, non ?
J. Skolimowski. J'ai été trés content des acteurs anglais, tous
les réles sont magnifiquement interprétés. Cahiers. D’apreés les chiffres, c’est... pire qu’en France ou en
Italie. Et depuis les années 60 il semble que beaucoup de réali-
Cahiers. Pourquoi avez-vous choisi de vivre @ Londres, plut6t sateurs trayaillent a ia télé.
qu’d Paris ou @ New York ?
J. Skolimowski. Oui, et beaucoup de bons cinéastes sont
J. Skolimowski. Je ne parle pas francais. J’ai eu beaucoup partis aux Etats-Unis.
de mal 4 apprendre un peu d’anglais, cela m’a pris plusieurs
années. Le premier film que j’ai essayé de faire en anglais, Les
Aventures de Gérard, date d’il y a déja treize ans. A l’époque, Novak : un Polonais du centre
je ne parlais pas un mot d’anglais. Je ne suis pas trés doué pour
les langues. Parler un anglais plus ou moins acceptable m’a pris Cahiers. Je voudrais poser une question sur la religion dans
beaucoup de temps, apprendre le francais me prendrait encore yotre film. C’est un film matérialiste, mais deux fois le groupe
dix ans. va a l’Eglise. Le personnage principal va voir un prétre, et dit
qu’il n’est pas chrétien, I] y a une sorte de quéte dans le film
Cahiers. Mais du pointde vue du cinéma, iln’y a pas beaucoup — autour du personnage central — mais sans la gréce. Quelle
de possibilités en Angleterre... est votre position ?
12 ENTRETIEN
J. Skolimowski. ) dit « je ne crois plus en Dieu ». Le pro- films de fiction, des films de télévision ; il a une femme mais
bléme religieux est traité de la méme facon que l’orientation aussi une petite amie, et il va boire beaucoup de vodka en ville.
politique de Novak (Jeremy Irons). C’est un homme du centre, Il n’est pas vraiment au fait des questions politiques, mais il
il n’est probablement pas membre du Parti Communiste, mais prend volontiers un verre avec des membres du Parti, et il mon-
il dit aussi « je ne suis pas membre de Solidarité ». If est de tre ses sympathies pour Solidarité, etc. Et cet homme trés dové
ceux qui pourraient étre des deux cétés. C’est probablement la est en train de perdre son talent dans des petites choses, au lieu
méme chose pour sa croyance en Dieu, dans des circonstances de couper court et de dire « voila, je vais faire ca », méme s’il
différentes, il pourrait étre croyant. prenait une mauvaise décision. Je crois que ce genre de carac-
tére se fabrique lorsqu’on ne joue pas gagnant, cela commence
Cahiers. De la méme facon, il n’est ni un ouvrier ni un quand on prend des risques. C’ était la description un peu som-
patron. maire du caractére polonais... Pour en revenir 4 Novak, c’est
de sa faute, il est allé faire le travail tout en soupgonnant qu’il
J. Skolimowski. Exactement, il est quelque part entre [es
tisquait de perdre sa femme.
deux.
Cahiers. Mais je pense qu’une des choses les plus sensibles Cahiers. En cela il refléte toutes les contradictions de ta
dans le film, c’est qu’il souffre beaucoup, il est irés tourmenté situation, il me fait penser au personnage de Gali Gay dans
— & propos de sa femme, de sa maison, de la maison qu’il doit « Homme pour Homme » de Brecht. Brecht a dit de lui « c’est
construire. un homme qui dit oui ».
J. Skolimowski. Trop de soucis, trop de responsabilités, oui. J. Skolimowski, En terme moral, c’est un personnage néga-
Un de mes amis les plus proches en Pologne, un cinéaste polo- tif, mais on ne peut s’empécher de sympathiser avec lui, on
nais, pas trés connu — son nom ne vous dirait rien si je vous le comprend ce qui lui arrive, et aprés un certain temps on est
donnais — ressemble un peu a ca, c’est un caractére trés polo- capable de le suivre et de dire « peut-étre qu’on ferait la méme
nais. Mon ami a beaucoup de talent, mais il touche 4 tout, il chose ». Nous devons trouver nos propres mesures, combien
fait un peu de ci, un peu de ga, il est réalisateur, mais aussi de temps nous le suivons, ov est la frontiére, ot est la frontiére
caméraman, scénariste, et si nécessaire, il compose la musi- morale que nous ne franchirons pas. C’était ca Pidée.
que ; il travaille dans la publicité, puis fait un film pour
l’Unesco ; ou encore ii tourne un documentaire sur la Pologne Cahiers. I/ y a un personnage qui n’apparatt pas dans le film
pour une compagnie occidentale. Il fait aussi 4 occasion des mais qui est tres présent d’une certaine facon ; le patron. On
AVEC JERZY SKOLIMOWSKI 13
peut se demander qui est ce patron ? pas de film avant que vous ne sortiez celui-ci », que, lorsque
Solidarité est venu au pouvoir, le film est sorti. J’ai eu soudain
J. Skolimowski. C’est exprés que j’ai laissé le probleme du
la possibilité de montrer un film datant de quatorze ans, et qui
patron complétement ouvert, aussi ouvert que possible. Bien
datait manifestement, dont le message politique pouvait étre
que je fasse des remarques sarcastiques 4 son sujet — je ne
mal compris 4 ce moment-la. Donc j’ai fait ce prologue qui
voulais le mettre sur aucun piédestal, je ne voulais pas suggérer
n’est pas une explication ; en montrant comment cela était
que c’est un bon patron — je voulais lui laisser toutes les possi-
arrivé, je ne voulais pas faire un procés personnel, revendiquer
bilités. Si on y pense en termes réalistes, soit c’est un escroc,
pour mon compte personnel dans le genre « regarder ces choses
dealer de marché noir ou impliqué dans la politique dans ses
terribles qui me sont arrivées, il a fallu que j’aille 4 Londres et
aspects les plus négatifs, en rapport avec des pays étrangers,
que je me construise une maison ! ». J’ai dit « voila comment
soit il est du c6té positif. Ce pourrait étre un artiste, un grand
Vhistoire fonctionne, un film a été fait qui, 4 ma grande sur-
compositeur, un maestro, un cinéaste, qui sait ? Un savant, un
prise, fut considéré comme tellement dangereux pour la Répu-
inventeur du type rubikcube. Il a assez d’argent pour acheter
blique Populaire de Pologne qu’il n’a pas pu éire projeté pen-
une maison 4 l’Ouest et préparer son salut personnel. Cepen-
dant quatorze ans ! En fait, il n’y avait rien de tellement dange-
dant, comme l’histoire le montre, méme avec de tels atouts on
reux pour le systéme, mais ce que j’ai essayé de dire c’est ceci :
ne joue jamais gagnant. En fait, tout le film cartonne l’idée de
regardez, il y a des pays comme le Liban, des pays comme
jouer gagnant, de garder dans sa poche une petite somme en
VAngleterre, les gens vivent en Angleterre plus ou moins
pensant qu’elle vous sauvera quand vous serez en danger.
comme je l’ai montré, des gens vivent au Liban plus ou moins
Méme le patron, d’accord il a réussi, il a envoyé les types, ils
comme je lai montré aussi, et il y a des pays comme la Pologne
ont fait la maison pour Ini, mais il ne pourra peut-étre jamais
qui sont, encore une fois, au milieu, entre l’un et lautre. Je
aller la-bas — ce qui constitue un autre paradoxe, un autre
crois que j’ai fait passer le message d’avertissement selon
commentaire sarcastique de l’histoire.
lIequel, d’une certaine facon, nous sommes beaucoup plus pro-
ches du Liban que de |’Angleterre, et que ce que les gens
Cahiers. Si on regarde votre carriére, avez-vous jamais eu le
essayaient d’accomplir 4 ce moment-la ne Jes menait pas exac-
sentiment de jouer gagnant ?
tement o2 ils le voulaient. J’ai simplement donné un petit aver-
J. Skolimawski. Non, j’ai pris des risques, des risques ridicu- tissement qui a été vraiment mal compris, le film leur a déplu.
les, vraiment. Par exemple, prendre Les Aventures de Gérard Ils ont dit « oh oui, le vieux Hands Up était un grand film,
pour en faire un tel film sans connaitre du tout l’anglais. J’étais mais ce que vous avez fait 14 porte un message trés étrange ».
incapable de lire Conan Doyle. Je ne connaissais d’ailleurs pas Le film, effectivement, ne renforcait pas l’enthousiasme popu-
le livre de Conan Doyle, qui n’avait pas été traduit en polonais. laire, ne montrait pas des « dizaines de millions de gens, imbat-
Je ne savais pas que c’était un classique, pour moi c’était un tables », mais des ivrognes sur un pont, qui faisaient claquer le
livre de série, l’histoire d’un Anglais écrivant sur des Francais, drapeau polonais, buvaient et tombaient sous les voitures,
Ja guerre d’Espagne, je ne savais rien de ce livre. parce que les voitures avancent et que les ivrognes sont ceux qui
ont vraiment quelque chose a perdre. J’ai trouvé Ja nation ivre
Cahiers. Comment expliquez-vous cela ? de liberté, j’ai trouvé les Polonais incapables de se servir de la
liberté dans une mesure réaliste, ils n’ont aucun sens de Ja real-
J. Skolimowski, J’avais tellement confiance en moi a cette
politik, Is ont eu leur liberté et l’ont bue d’un coup. Hs sont en
époque ! Je pensais que je pouvais faire n’importe quel film.
train de perdre la capacité de résister au danger. A ce
On m’aurait demandé de faire un film avec des morts, j’aurais
moment-la ils seront affreusement saotils et ils diront...
fait un grand film ! Je le croyais vraiment. Cela m’a servi de
« allons-y ! allons-y 4 l’Est ! ».
lecon. J’ai fait un ou deux trés mauvais films qui, j’espére,
auront pour effet que plus jamais dans ma carriére je ne com- Cahiers. J’étais @ Gdansk en 1980 juste apres les événements,
mettrai pareille erreur ridicule : faire quelque chose que je suis et j’y airencontré des cinéastes, Agnieszka Holland, Kieslowski,
incapable de faire. Cependant, je prends encore de grands ris- Szulkin, Mazczewski, etc. Ils étaient trés enthousiastes par rap-
ques, j’ai l’intention de faire un grand film, mais que je me port & ce qui se passait en Pologne, mais également trés amers,
crois capable de contréler. C’est un projet spécifique, pas tout
a fait de la science-fiction, en partie une histoire vraie, basée Sur te tournage du premier film de Skolimowski en Angleterre Les Aventures de
sur un personnage vrai, l’un des plus grands génies du ving- Gérard: de gauche a drolte, Adrian S. Conan Dayle {Fils de Sir Arthur Conan
Doyle}, Mark Burns, Claudia Cardinale et Jerzy Skolimowski
tiéme siécle, Niccola Tesla.
Hands up!
16 ENTRETIEN
Pont fait. C’était une occupation allemande de Beyrouth, et Sport et cinéma
j’étais un résistant polonais contre les Allemands (Rires). Les
Libanais ne pouvaient pas résister, ils renoncaient. J’ai fui le
Cahiers. Qu’est-ce qui vous a fait penser a Jeremy Irons
film, ce qui a fait un peu scandale. Ils m’avaient retenu trop pour le réle principal de Moonlighting ?
longtemps, de toute facon, plus que prévu dans mon contrat.
D’autre part, je voulais terminer Hands Up pour Cannes l’an J. Skolimowski. Quand je suis arrivé en Angleterre en
dernier. J’étais vraiment limite. Mon décor du prologue de novembre 81, il y avait ce feuilleton télé, Brideshead Revisited.
Hands up était prét A Varsovie ot je devais tourner cette J’ai vu les trois ou quatre derniers épisodes, ot le réle de
séquence initiale de l’intervention — le film commence avec Jeremy est trés en retrait, il observe plutét ce que les autres
Vintervention militaire | Je recevais des coups de téléphone de font, il parle peu. J’étais fasciné. Je connaissais histoire et je
Varsovie « alors ? reviens, il faut tourner, le studio t’attend ». savais que son jeu correspondait 4 une évolution naturelle du
Volker comprenait, il était désolé de me garder plus longtemps réle, au fait qu’il devient un témoin. Il y avait des gros plans
que prévu, mais le producteur, le fihrer ne pouvait pas accep- énormes et longs sur lui, je l’ai adoré, vraiment. Je me disais
ter que je parte. Pour lui, un petit film polonais n’était rien 4 « quel visage | L’homme est en train de penser, je ne sais pas 2
cété de sa « Production Allemande ». Je lui ai dit « je pars quoi, mais je vois plein de significations dans ses yeux ». Je me
dans quarante-huit heures, tournez ce que vous voulez, je peux suis dit que ce serait bien d’avoir un réle pour lui un jour. Et un
travailler jour et nuit ». Je me suis arrangé avec le caméraman mois plus tard je ’ai joint, et il a été assez intelligent pour dire
pour tourner deux ou trois gros plans universels qui pouvaient oui au bout d’un quart d’heure de discussion, sans scénario. Je
&tre utilisés dans n’importe quelle scéne. Ce producteur-fithrer n’avais que des notes, je lui ai dit « voila mon idée, il y a quatre
me faisait du chantage, je lui ai dit qu’il n’aurait pas le dessus hommes qui viennent 4 Londres, ... un d’eux serait ceci, cela,
avec moi, que je partais, et ce serait vous ». If m’a répondu « oui, cela a Pair bien ».
Cahiers. Beaucoup de gens sont pessimistes quant @ Vavenir Cahiers. En Angleterre, étes-vous seul, ou avez-vous des
du cinéma et vous ? liens avec le monde du cinéma ?
J. Skolimowski. Je suis assez optimiste pour le futur proche J. Skolimowski. Je n’ai jamais rencontré de monde du
au moins, parce qu’on peut trouver des moyens, ceux qui cinéma en Angleterre ! J’ai un ou deux amis seulement. On
m’ont permis de faire Moonlighting par exemple. Faire Moon- m/’a dit, et c’est vrai, que je suis un de ceux qui a fait le travail
lighting est apparu a tout fe monde comme un miracle. Or le Je plus important cette année en Angleterre, et que je devien-
film a été fait si naturellement ! Ca n’a pas été un travail drai naturellement partie prenante du cinéma anglais — ce que
effrayant, c’est une question d’énergie, si on y met suffisam- je ne suis pas encore — je suis encore l’étranger.
ment d’énergie, le résultat doit apparaitre.
Cahiers. Un théme important de vos films c’est l’équilibre.
Une des scenes de Moonlighting montre un personnage posant
une antenne TV sur un piolet : c’est de l’équilibre du piolet que
NOUVELLES COLLECTIONS dépend Vimage (du match de football). Cette importance de
THEMATIQUES _ Péquilibre est-elle liée au fait que vous étes sportif ?
Hands up !
ils me font confiance. Nous sommes deux arriéres, je suis nent alors une véritable importance. Trop de mots comporte
arriére-droit, et avec l’arriére-gauche nous prenons les Anglais également le risque d’un mauvais jeu. Je ne fais pas confiance
en hors-jeu, ce qui est un comble, puisqu’il s’agit d’un de leurs aux mots.
points forts. Il y a une sorte de satisfaction de les battre sur leur
terrain ! Nous sommes des amateurs, sauf un ou deux ailiers Cahiers. Mais il y a un monologue dans le film !
qui jouaient en Pologne, mais I’équipe est trés bonne. ly aun
J. Skolimowski, Oui, le monologue est bien, mais il joue sur
tel plaisir & faire quelque chose, a étre actif, de cette facon-la,
ses propres pensées. Avec le ping-pong des dialogues, l’échange
contre les circonstances ; avoir une équipe de football polo-
de textes, on a vite fait d’en faire trop ou de glisser dans une
naise 4 Londres ! C’est encore une fois l’enthousiasme, |’éner-
sorte de prétention. Je hais les dialogues prétentieux. Méme si
gie, qui font se retrouver ces gens.
un film est trés bon, si les dialogues sont prétentieux, je suis
furieux. C’est probablement le cété le plus faible du cinéma
Cahiers. Est-ce gue vous pensez le tournage d’un film en ter-
contemporain : l’écriture des dialogues.
mes sportifs ?
J. Skolimowski. Non. Je ne pense pas que les ressemblances Cahiers. Vos personnages sont pratiquement aphasiques.
soient trés nettes. C’est une attitude différente. Quand je fais
J. Skolimowski, Ils travaillent dur, quand on travaille dur,
du sport, je suis vraiment détendu, je peux me permettre de
on ne parle pas beaucoup, on concentre son énergie sur le tra-
perdre. Pas quand je fais un film. C’est une attitude psycholo-
vail.
gique différente. Si j’étais footballeur professionnel, je ne
pourrais pas me permettre de perdre, mais comme je sais que
Cahiers. Mais il » a plus, il y a une sorte de haine entre eux.
mes possibilités sont limitées, que je le fais pour mon plaisir,
parce que j’aime ca, c’est mon « hobby », c’est toujours 4 J. Skolimowski. Visiblement, il y a un conflit. Comme ils ne
Vintérieur d’un match que je peux perdre. On ne peut pas per- peuvent se permettre un conflit ouvert, le conflit se transforme
dre dans le cinéma, on ne peut pas étre programmé pour per- en tensions.
dre.
Cahiers, A la fois dans Hands Up et dans Moonlighting les
Cahiers. I7 y a une question que je n’ai pas placée dans personnages sont cauverts de poussiére, comme des momies...
Peniretien, peut-étre pourrait-elle éire la derniére. En fait ce
J. Skolimowski, C’est vrai. Je ne lavais pas réalisé... mais
n'est pas une question : votre film ressemble & un film muet,
c’est 4 quinze ans d’intervalle !
J. Skolimowski. Je ne suis pas un grand admirateur des dia-
logues de film. Mes films n’ont jamais comporté beaucoup de Cahiers. Et d’autant plus frappant...
dialogues. Mon premier travail, le scénario du Couteau dans
Peau, avait un dialogue trés limité, exprés. Je pense que moins (Entretien réalisé par Pascal Bonitzer, Serge Daney et Serge
il y a de dialogue, meilleur est le film, parce que les mots pren- Toubiana ; traduit de l’anglais par Dominique Villain).
jeune fille qu’elle attire dans les flots, et qu’en méme temps elle réveille dans le cceur du
garcon, Zushio, une humanité & laquelle il s’était si longtemps fermé? Est-ce simplement
parce qu'il est appelé en preminy
jl ne faut pas oublier q que i ee LON ne parole, que lui rappellela
Mére dans la derniére réplique du film. La douce et fidéle Anju n’a rien regu de tel. Entre la
voix de la mére, 4 laquelle elle est toute entiere ouverte, et elle-méme, elle n’a rien, aucune
référence directe a la parole patern
Quand cette voix ep oe “t EXiere fois sur le bord du lac, Zushio
n'a pas voulu la reconnaitre. ile e fermant au pouvoir de cette
voix. La fille. Anju, qui est oA Bo
i bo VEA« de suite. Zushio garde en
lui-méme un Jieu ot il se recueille, Se Gil et se protege. Anju n’a rien a elle.
Frére et Sceur cassant ensemble la branche d’un arbre, pour une « Mére » ; proximité
dun rivage, voix acousmatique de la Mére appelant leurs noms conjoints — telle est la figure
qui, reconstituée des années aprés, dénouera la longue période de cis ag ion, d’enfermement
et de latence qu’ont vécu les deux jeunes gens eta : yuvelle naissance et
(autre A son sacrifice, a
Dans toutes le g uand on les mutile.
La voix de la Mére es que les séparations
multiples dont cette h ts, puis les enfants
de la Mére, puis le Fre Bi Is et le Mére, pour
se retrouver sanglotal},&™
On pourrait aus. ed’autonomie, et
que la Mére s’empress : ‘n vocal, pour les
enchainer 4 son inquiéi an? ye $1 sa premiere
inquictude est pour Zus iter sur un tronc
d’arbre en travers d'un
L’eau est féminin de ce quin’a ni
lieu ni limites sion ne Jui que une limite.
Le mouf des lim. des limites du
domaine de l'intendant es 4 : {ere une prison
qui la coupe de ses enfan- , were vasse) l’enferme encore plus
dans les limites de son coi Yat sort d’elle. et quis'envole loin, est d’autant plus
déchirante.
L’eau. dans ce film. est séparation, danger, mort. La voix dela Mére est ce qui subvertit
les limites. ce qui traverse le temps et l’espace, mais pour la jeune fille, quine peut rejoindre sa
Mére que dans la mort. la fusion avec leau, elle est invitation a la perte.
Nous nous sommes parfois posé la question, qui peut sembler absurde : qu’est-ce qui
aurait changé. st L'dntendant Sansho avait été un film muet, laissant imaginer la voix de la
Mere ? A part bien sar de la faire réellement entendre (mais de quel poids est ce : réellement) ?
BULLETIN DE COMMANDE LA VOIX AU CINEMA 78 F
Nom toe erence ne cee nnn ee eee e eee eee t een t ee eee
Prénom oo. ce eee ene et tne etn ene tbe b eben tenes
Adresse 2 ooo ee en ee een en ey eben tenn e tenn eens
LA NOUVELLE GENERATION
AMERICAINE
PAR BILL KROHN
Comment prendre la température d’Hollywood 4 la fin a New York, ot se déroulaient des concerts de rock, et qui est
d’une année marquée par l’échec de One from the Heart et le Je sujet du nouvean film musical de Allan Arkusch, Get Crazy.
triomphe de £.T. ? Le mieux était peut-étre de rencontrer des Rappelez-vous, Arkusch, c’est le réalisateur qui s’est abimé a
réalisateurs de la génération qui vient juste aprés, dont les suc- la tache en faisant pour Roger Corman Rock and Roll High
cés et les échecs ne font pas la matiére de l’actualité mondiale, School, un autre film de rock, qui a été un four 4 sa sortie,
par exemple Allan Arkusch, David Lynch et Joe Dante, dont il mais qui marche bien maintenant aux séances de minuit. Avant
se trouve qu’ils tournent chacun Jeur troisiéme film. Prémisses cela, il avait co-dirigé deux films pour Corman : Deathsport et
vagues, qui me permettaient de jeter un ceil en passant sur trois Hollywood Boulevard, (avec Joe Dante). Si on ne tient pas
films en cours de tournage qui m’intéressaient, et d’avancer compte de ses collaborations, le second film d’Arkusch fut
quelques généralités sur les « petits fréres » de Coppola et de Heartbeeps, dans lequel Universal fit des coupes sombres et
Spielberg, qui ont fait leur apprentissage dans les dangers des qu’il finit par brader dans les cinémas de quartier l’an dernier.
années 70 et qui ont percé dans le brouillard des années 80. Quand j’ai rendu visite 4 Arkusch sur le plateau de Get
Crazy, ila évaqué avec philosophie le chemin qu’il avait par-
Allan Arkusch : Get Crasy couru jusqu’ici. Pas de regrets pour les jours passés avec
« Roger », qui « s’intéressait au profit plus qu’al’art », mais il
Premiére généralité : comme beaucoup de leurs confréres, a yeconnu volontiers que l’expérience avec Universal avait été
ces réalisateurs s’inspirent des années 60, durant lesquelles leur un choc pour lui, et lui avait donné « l’impression de travailler
public — et eux-mémes, ont vécu leur jeunesse ; une série télé- pour le Pentagone » : quand on Iui annonca le budget de
visée du début des années 60; un roman de science-fiction Heartbeeps — environ 9 millions de dollars — il demanda, a ce
publié en 1965 ; le Fillmore East, temple de la fin des années 60 qu’on m’a dit, combien de films il était censé tourner pour ce
Hollywood Boulevard de Atlan Arkush et Joe Dante, produit par Jon Davison
pour New World Pictures (Roger Corma Allan Ark ush avec Lou Reed sur le tournage de dernier film Get Crazy
LETTRE DE HOLLYWOOD
Kaylan — qui a fait partie des Turtles, des Mothers of Inven-
tion et de Flo et Eddie, joue Captain Cloud: c’est le leader
d’un groupe hippy, qui avait ét¢ engagé pour un concert de
1968 et s’y présente avec quinze ans de retard. Lou Reed joue
Auden, auteur-compositeur Iégendaire des années 60 ; aprés
avoir hiberné pendant huit ans, il émerge de sa taniére, qui est
une reconstitution couverte de toiles d’araignées du décor de la
pochette du disque de Dylan, Bringing It All Back Home ; il
entreprend une odyssée a travers le continent vers le lieu du
concert ultime, mais en fin de compte arrive trop tard, alors
que le soleil se léve sur les restes d’une déb4cle.
Le décor de Get Crazy est Je Wiltern Theater ; c’est un grand
et magnifique cinéma construit en 1931, de style art-déco, qui
se trouve au centre de Los Angeles ; il est maintenant délabré,
et dans un état d’abandon. Par économie, Arkusch a utilisé le
Wiltern non seulement pour représenter « The Saturn », mais
Rock’n’roll High School de Allan Arkush (prodi New World Pictures) .
comme un studio qui se suffit 4 lni-méme et qui sert pour
Yensemble du tournage. Le jour ot j’y suis allé, le foyer était
prix ! On pense généralement que les problémes de Heartbeeps parsemé de décors, d’ autres endroits du batiment servaient de
étaient inhérents au scénario que les producteurs avaient remis dépét, ou d’espace pour les répétitions. Ils avaient loué une
a Arkusch ; il s’agissait de la touchante histoire de deux robots salle de projection, 4 quelques métres de 1a, pour regarder les
d@aspect trés métallique, joués par Andy Kaufman et Berna- rushes. [ls tournaient les scénes en extérieur dans la rue, de
dette Peters, qui découvrent l’amour et fuient ceux qui les ont sorte que les gens ordinaires et un large contingent de la faune
fabriqués. Arkusch continue cependant de penser que le film, punk locale étaient, 4 occasion, attirés par osmose dans le
pris comme une nouvelle version de Seventh Heaven, aurait pu film. Quand j’ai demandé 4 Arkusch s’il tenait 1a, enfin, une
&tre bon si on ne l’avait pas, par la suite, coupé et monté pour chance de faire un film dans le style des comédies musicales de
en faire un film de 90 mn sur des courses-poursuites de voitu- Frank Tashlin qu’il admire, il a répondu que ce film-ci serait
res. « Des voitures qui se rentrent les unes dans les autres, j’en « un peu plus proche de Richard Lester », qu’il admire autant.
ai souvent filmé quand j’ai secondé Corman : f’aurais pu leur Tandis que Heartbeeps — du moins avant le « coup de
faire un film de ce genre, s’ils avaient su ce qu’ils voulaient ciseaux fatal », était un travail sur les mouvements de caméra,
avant d’assister 4 l’avant-premiére ». A-t-il eu plus de pouvoir Get Crazy sera un travail sur le montage, avec des tas de
sur Get Crazy ? Pas vraiment, mais « quand on en a vu de « petits bouts », qu’on peut tourner vite et relier ensuite —
dures, on sait ce qui va arriver et on est prét 4 faire face ». encore pour des raisons d’économie ; durant l’heure que j’ai
Pense-t-il que sa carriére a souffert du fait de l’échec de Heart- passée la-bas, j’ai pu assister au tournage de deux gags entiers :
beeps ? « C’est moins grave quand ce n’est pas un film person- Vatterrissage d’un hélicoptére durant lequel des machines 4
nel », observe-t-il judicieusement, « Pour ce film-ci, je me sens faire du vent emportaient les vétements des femmes ; et d’autre
responsable ». part une scéne oti un acteur (Michael Chapin) passe a reculons
Get Crazy est un film non seulement personnel, mais auto- 4 travers une porte vitrée (en deux prises), Avec méme plus de
biographique. A la fin des années 60, Arkusch était régisseur numéros musicaux que dans Rock and Roll High school, st une
au Fillmore et depuis des années il désirait faire un film comme chorégraphie plus compliquée, un programme de tournage sur
celui-ci : raconter Phistoire d’un concert apocalyptique qui sept semaines, ce film, (qui sera distribué ici par United Artists)
aurait lieu un 31 décembre au soir, et qui condenserait toutes promettait d’étre dans ses moindres « petits bouts », aussi fati-
Jes anecdotes dréles qu’il a vécues quand il travaillait la-bas. Le gant a réaliser qu’un petit film de Corman fait A la va-vite.
directeur apparaitrait en personne pour chanter « Auld Lang Comme tous les autres réalisateurs d’Hollywood que j’ai vus
Syne », avec ses coscénaristes Danny Opatashu, Jon Davison au milieu d’un tournage, Arkusch, la derniére fois que je lai
et Jonathan Kaplan (Over the Edge), qui étaient tous avec lui apercu, entouré de ses techniciens, et d’acteurs interprétant le
au Fillmore en 1968, et plus tard 4 « New World »(1). Mais le réle de techniciens du « Saturn », de motards, de rockers, de
film qu’Arkusch aura a faire, finalement, sera une formation punkettes aux cheveux roses et verts, Arkusch, donc, qu’on
de compromis entre sa propre réverie proustienne et la sensibi- n’atrivait pas a distinguer dans la foule de jeunes qui était
lité New Wave du public de jeunes que les studios ont reconnu venue assister bouche-bée A ce spectacle frénétique, avait
comme arbitre final du bon-goiit pour ce genre de films. L’his- Vapparence have et mélancolique d’un homme a qui on ne per-
toire se passe maintenant dans les années 80 ; de ce fait, « The met pas de jouir de ses propres réves.
Saturn », temple de rock fictif of se passe le film est « un
anachronisme, un réve fantaisiste», selon les mots David Lynch : Dune
d’Arkusch : « Aujourd’hui, les groupes jouent sur des terrains
de hockey, mais j’espére que quand des gosses verront le film, Dune de Frank Herbert a été publié en plusieurs épisodes
ils se diront que ce serait génial d’écouter de la musique dans dans le vénérable magazine de science-fiction, Astounding
un lieu pareil ». Il semble que les déplacements d’une époque a Science Fiction, en 1965 ; depuis, la suite de Dune est parue en
Vautre ont donné au film une teinte automnale. Aprés une plé- trois volumes, un quatriéme est en préparation et 10 millions
thore d’épisodes sur le rock contemporain (oti les groupes, cha- d’exemplaires de cette saga ont été vendus de par le monde. Le
que fois, placent une interprétation de « Boogie Woogie récit se déroule sur Arrakis, planéte déserte habitée par des vers
Man » — un des gags innombrables qui ponctuent le film), le géants et une tribu de nomades, les Fremen ; c’est un des
récit met en vedette des personnages d’une autre épaque : Mal- avant-postes les plus déplaisants de l’Empire Galactique, mais
colm Mc Dowell, dans son premier réle chantant, est [’insup- ce dernier en dépend pour Ja fourniture d’une épice précieuse
portable Reggie Wanker, personnage principal du film qui est qui a des propriétés narcotiques, retarde le vieillissement et
encore, a quarante ans, un adolescent et un rocker. Howard développe les pouvoirs parapsychologiques ; on l’appelle le
« mélange », et elle ne se trouve que la-bas. Quand le vice-roi
1. « New World » est la compagnie dirigée par Roger Corman. d’Arrakis est tué dans une conspiration, son fils Paul, adoles-
LA NOUVELLE GENERATION AMERICAINE 21
cent fragile, s’enfuit dans le désert avec sa mére, Lady Jessica, montrer un vers de trois kilométres de long ?, comment
dont il a hérité certains pouvoirs parapsychologiques. Se joi- donnerez-vous une idée de [’échelle ? ». Je n’ai pu vérifier
ghant aux Fremen, il apprend les voies du désert et devient le aucune de ces informations, parce que quand j’ai contacté
prophéte Mand’ Dib, qui revient pour venger son pére et lancer Lynch, il était entre deux événements importants — la nais-
une Guerre Sainte qui changera la face de la Galaxie et de la sance de son premier enfant et son départ pour Mexico ot il va
Planéte qui l’engendra. On voit aisément pourquoi Dune est passer toute année prochaine — et il m’a proposé, pour
devenu un objet de culte, comme la triologie de Tolkien, Le gagner du temps, un entretien par téléphone. La présence télé-
Seigneur des Anneaux ; le monde de Dune est si dense et si phonique de Lynch est difficile a décrire, et impossible 4 trans-
détaillé qu’on a besoin, pour le comprendre, d’un glossaire de mettre par l’écriture. Ses films sont peut-étre pleins d’« élé-
vingt pages et de plusieurs appendices, sur la religion, la politi- ments troublants », mais la voix qui passe, avec sérieux et
que et l’écologie, et ce n’est pas mon bref résumé qui suffirait a générosité, pour répondre a toute question quelle qu’elle soit,
donner une idée de la complexité intellectuelle de cette saga. pourrait étre la voix du Magic Christian de Terry Southern ou
Herbert a utilisé les conventions usées du « space opera » pour celle du type sympa qui vous aide 4 dépanner voire voiture.
spéculer sur les conditions géopolitiques qui donnent naissance Contrairement 4 Arkusch, Lynch, qui a étudié la peinture
aux messies : c’est aussi le premier écrivain de science-fiction a avant de se tourner vers le cinéma, n’est pas arrivé par la voie
explorer le champ imaginaire ouvert par Vécologie, que tranquille du « film commercial » ; cependant Eraserhead, qui
Maud’Dib et ses disciples utilisent pour transformer Arrakis, avait été partiellement financé par une bourse de |’American
planéte of l’eau n’existe pas, en paradis fleuri. Film Institute, a trouvé en fin de compte son public dans le cir-
D’aprés une interview de Herbert dans Stariog de janvier, on cuit des films qu’on passe aux séances de minuit. Son second
a déja par trois fois essayé de porter Dune 4 Vécran. Arthur P. film, The Elephant Man, était un vrai film d’art qui a atteint
Jacobs, producteur de la série des The Planet of Apes, était un large public 4 cause du pouvoir mystérieusement évocateur
arrivé jusqu’au découpage quand il mourut ; ensuite, comme de ses images. Mais, et cela apparait clairement dans I’inter-
cela a été rapporté dans les Cahiers, Alexandre Jodorowsky fit view qui suivra, Lynch partage avec ceux de la méme tranche
des tentatives en France, en collaboration d’abord avec Salva- @Age que Ini — Spielberg et Lucas — une préoccupation non
dor Dali, puis avec H.R. Giger (A/ien). Aprés Jodorowsky, formulée qui prendra de plus en plus de poids 4 mesure qu’il
Dino di Laurentiis acquit les droits sur le livre et fit appel 4 mettra le pied a l’étrier de sa premiére superproduction — qu’il
Ridley Scott, dont l’interprétation freudienne de I’ceuvre doit apprendre a contréler, comme Maud’Dib maitrise le ver
comme une histoire d’amour entre Paul et Lady Jessica aurait géant qu’il chevauche, en route pour la conquéte : le désir,
certainement choqué les admirateurs de Dune ; il fut en fin de peut-étre impossible, de réconcilier le pouvoir avec l’inno-
compte remplacé par David Lynch qui commencera cette cence.
année, 4 Mexico, ce qui sera son troisiéme film, et de loin le
plus ambitieux. Lynch travaillera en étroite collaboration avec Cahiers. Dune est vraiment une trés grande entreprise, est-ce
que cela vous parait plus important que Elephant Man ?
Tony Masters (Space Odyssey 2001), l’opérateur Freddie Fran-
David Lynch. Ah oui, c’est vraiment un film incroyablement
cis (The Elephant Man, The French Lieutenant’s Woman), et complexe, il réunit tout ce que vous pouvez imaginer : des
Alan Splet qui travailla le son avec Iui pour Eraserhead et Ele- effets spécianx, des réles d’envergure pour les comédiens, énor-
Phant Man. Le budget du film n’a pas encore été annoncé. mément de décors et d’extérieurs, quatre différentes planétes,
On m’a dit que dans le bureau de Lynch, 4 Universal, le c’est vraiment un trés grand film avec des tas de batailles, quei-
canapé était occupé par vingt poupées « Woody Woodpec- que chose d’énorment.
ker », et que la prise de son purificateur d’air, au lieu d’étre Cahiers. Enorme.,. Quel est votre budget ?
branchée, était scotchée au mur: « Une critique de notre D. Lynch. Je ne sais pas trop en fait. Pai entendu évoquer plu-
sieurs chiffres, disons entre trente et quarante millions de dol-
société moderne ? » hasarde mon informateur, qui relate avec
lars, un gros film.
un mélange de consternation et de stupéfaction les méthodes Cahiers, Vous avez précédemment travaillé avec de petits bud-
apparemment anarchiques — en fait trés « écologiques » avec gets, comment voyez-vous ce changement ?
lesquelles le jeune prodige s’est attaqué aux problémes gigan- D. Lynch, C’est une chose trés bizarre, parce que mon premier
tesques de la pré-production de son nouveau projet. Lynch film durait une minute, mon deuxiéme quatre minutes, le sui-
aurait été assailli de questions creuses, du genre : « Comment vant trente quatre minutes, le suivant encore quatre-vingt dix
Elephant Man
LETTRE DE HOLLYWOOD
D. Lynch. Au départ Dino de Laurentiis a acheté fes droits de
Dune il y a plusieurs années et c’est Ridley Scott qui devait le
faire. I] yavait aussi un projet avec Jodorowsky produit par une
compagnie francaise. Dino s’est passionné pour le projet, m’a
donné le livre qui m’a beaucoup excité, pourtant je n’étais pas
un fan de science-fiction.
Cahiers. Pourquoi vous étre passionné pour celui-ci alors ?
D. Lynch. Vous savez, c’est un livre si riche, et l’une des choses
qui m’a fe plus frappé dans le sujet c’est son cbté cinégénique.
De plus il y a de vrais personnages et j’aime ca. Ce n’est pas un
dessin animé, c’est trés riche. C’est plein de visions, de réves, de
quantités de possibilités de jouer avec le son ; ¢a a beaucoup
denvergure. .
Cahiers. Cela me rappelle ce que Jonathan Rosenbaum disait 4
propos de Eraserhead et ce que quelqu’un d’autre disait 4 pro-
pos de Dune : un style dense et qui propose plusieurs niveaux
de lecture...
D. Lynch. I] ne faut pas oublier non plus que c’est un livre trés
long : 400 pages. Jusqu’ici Frank Herbert semble avoir bien
aimé le scénario qui reste fidéle au livre. Je voudrais m’engager
Eraserhead de David Lynch
encore plus profondément dans ce sujet. Dans le scénario ily a
minutes pour arriver A deux heures sept minutes, et les budgets des choses qui ne peuvent pas se traduire en mots. Ce que
ont suivi évidemment la méme courbe, mais c’est une chose & jespére c’est que lorsque les images et le son auront été mixés
laqueile je n’ai pas tellement réfléchi ; ¢a arrive c’est tout. ils pourront témoigner de cet approfondissement.
Quand on se met 4 réfléchir sur ce gui est arrivé on s’apercoit Cahiers. Comment avez-vous résolu le probléme du langage.
de bizarreries, des zigzags et je ne sais pas non plus comment Herbert a réussi 4 créer un monde tellement élaboré, tout un
c’est atrivé, je ne suis pas persuadé que j’y sois pour grand vocabulaire nouveau, Lorsque j’ai lu le livre je n’ai pas réalisé
chose. qu’il y avait un lexique 4 la fin et j’ai passé un dréle de moment
Cahiers. Comment travaillez-vous avec les illustrateurs ? avec le premier chapitre...
D. Lynch. Ca a été une expérience nouvelle pour moi mais ¢a D. Lynch. Il y aura probablement certaines choses perdues ;
c’est avéré trés positif, vous annoncez la couleur et eux font les pourtant il me semble qu’on doit pouvoir y arriver sans lexi-
changements nécessaires, ils font des propositions et peu a peu que... c’est un peu ce que j’ai essayé de faire pour le film...
ce que vous souhaitiez se présente 4 vous ; vous parlez et eux quelques dialogues explicatifs ont été ajoutés mais autant que
vous montrent, vous précisez les choses et eux vous en mon- Possible on s’est arrangé pour que ¢a file...
trent un peu plus, etc.., il faut compter trois étapes au mini- Cahiers. Pourquoi tourner le film au Mexique ?
mum car méme quand vous touchez au but il faut encore D. Lynch. Pour des raisons uniquement financiéres, mais
perfectionner, bizarrement le Mexique s’est avéré l’endroit idéa! pour réaliser
Cahiers. Quel est le réle de Ron Miller dans le film ? Dune ; il y ala des paysages vraiment trés étranges et méme si
D. Lynch. Ron est un peintre et Tony Masters est production- certaines scénes ne sont pas utilisées 4 l’arrivée, elles auront
designer. Tony a fait énormément de dessins, nous avons tra- aidé 4 Vinspiration.
vaillé ensemble pendant prés d’un an et un grand nombre de ces Cahiers. Le Livre « Dune » a eu un trés fort retentissement
dessins a été transformeés en peinture par Ron Miller. auprés des écologistes, vous sentez-vous personnellement con-
Cahiers. J’ai impression que vous filmez beaucoup par intui- cerné par l’écologie ?
tion or ici vous avez a tenir compte d’énormément de collabo- D. Lynch. Chacun a retenu telle ou telle partie du livre. Pour
rateurs, de toute une série d’étapes intermédiaires... moi ce n’est pas Ja chose la plus importante, je me suis intéressé
D. Lynch. Cela m’oblige 4 expliciter les choses en mots, ¢a davantage a |’aspect métaphysique, a Pidée que tant de choses
nest pas toujours facile mais avec pas mal de gens de l’équipe, se passent autour de nous que finalement nous ne pouvons pas
dont Ron et Tony, il n’est pas toujours nécessaire de tout dire, voir. Le désert, les réves, l’eau m’intéressent beaucoup aussi. Il
je suis obligé de parler mais ta télépathie joue aussi et peu 4 peu y a vraiment des tas de choses ta-dedans.
on y arrive avec des professionnels comme ¢a... Cahiers. Vous vous arrétez 4 la fin du livre ?
Cahiers. Je sais que votre formation d’origine est la peinture, D. Lynch. Oui.
est-ce que c’est [a le langage qui vous vient le plus Cahiers. Est-ce que la compagnie envisage une suite ?
naturellement ? D. Lynch. Oui, vous savez que Frank Herbert a écrit 4 volumes
D. Lynch. Je n’ai jamais eu a parler lorsque je peignais donc je et travaille en ce moment sur un cinquiéme. .
n’ai pas eu tellement 4 le faire avant Elephant Man. Avec une Cahiers. Eh bien bonne chance donc, quand pensez-vous dvoir
équipe si nombreuse il est certain que j’ai di m’adapter. C’est terminé ?
un peu la méme chose avec les comédiens, bien sir il faut par- D. Lynch. Je n’en suis pas sir mais je crois que la sortie est pré-
ler, pourtant la plupart du temps c’est au niveau des yeux que vue pour 1984, il se pourrait que ce soit Noél 84.
ga se passe, les yeux et les mouvements, c’est le cas pour 4 peu Cahiers. [I me tarde de voir ca !
prés tout le monde. D, Lynch. Moi aussi...
Cahiers. Quel a été l’ingénieur du son de ce film ?
D. Lynch. Alan Splet. Joe Dante : The Twilight Zone
Cahiers. ... Avec qui vous avez déja travaillé sur les deux précé-
dents... Le son est trés important dans vos films, et encore plus, Si une fois de plus, on ne tient pas compte de Hollywood
semble-t-il, dans le cas de Dune... Boulevard, \e premier film de Joe Dante a été Piranhas, une
D. Lynch. C’est vrai pour celui-ci encore plus que pour tous les imitation par New World de Jaws, marquante surtout par sa
autres réunis, Il y a eu des voix particuliéres 4 trouver, des voix facture sobre et élégante (Dante est encore trés recherché pour
de quatre planétes différentes, des vaisseaux spatiaux, des créa-
ses conseils dans le re-montage des « films 4 probiémes ») ;
tures extra-terrestres. Il a fallu inventer de nouveaux sons de la
méme facon qu'il fallait inventer de nouvelles images. Alan est
malheureusement, Piranhas est sorti le méme été que l’imita-
venu travailler avec nous deux mois avant fe commencement du tion de Universal, Jaws 2. Ensuite il a fait pour Avco-Embassy
tournage. Il a travaillé comme un fou pour mettre au point des The Howling, pour la somme étonnante de 1,4 million de dol-
formes nouvelles. lars ; le film a été bien accueilli par les Cahiers, Maintenant, il
Cahiers. Comment ce projet est-il né, est-ce que c’était une idée est en train de mettre en scéne un épisode de The Twilight
de vous, du producteur... ? Zone, pour la Warner Brothers et Steven Spielberg, qui sera
LA NOUVELLE GENERATION AMERICAINE 23
son film numéro trois — en fait numéro deux et demi, sans de Richard Matheson. La série avait commencé en 1959 et
compter les deux Episodes de Police Story qu’il a tournés. (Il s’évanouit dans les airs en 1964, La NBC a essayé, sans succés,
s’agit d’une série télévisée qui reprend, en la parodiant, une de faire revenir Serling, en 1970, avec une série d’émissions
série des années 60, qui contait les aventures héroiques de ayant pour titre Night Gallery, présentant chaque semaine trois
flics). Ils n’ont pas encore été diffusés et l’un d’entre eux ne le courtes histoires d’horreur ; justement, lors de la premiére
sera d’ailleurs probablement jamais, A cause de la premiére émission, l’une des histoires était mise en scéne par Spielberg,
scéne ott John Belushi est assassiné par noyade. dont c’était la premiére réalisation ; il est maintenant directeur
Au vu de la filmographie de Dante, il parait évident qu’il se de production, avec John Landis, d’un film 4 quatre épisodes,
confine résolument aux genres que personne ne prend au inspiré par The Twilight Zone, dont Jes réalisateurs seront
sérieux. J’ai donc été surpris de découvrir que Dante, comme Spielberg lui-méme, Landis, Dante et George Miller (Mad
Arkusch, est un jeune homme trés sérieux, parfaitement pré- Max).
paré a discuter des préoccupations esthétiques et éthiques qui Comme toutes les productions de Spielberg, The Twilight
ont marqué sa carriére. Ce qui me suggére une autre idée géné- Zone a été couvert du manteau du secret, surtout depuis que
rale sur ces trois réalisateurs ; ils ont en commun quelque chose trois acteurs, durant le tournage de I’épisode de Landis, ont
qui les distingue de leurs confréres, moins intéressants, avec trouvé la mort dans un accident d’hélicoptére, ‘plongeant les
lesquels on les confondrait facilement : tout fascinés qu’ils producteurs eux-mémes dans la quatriéme dimension des pro-
sont par les aspects minables, superficiels et méme puérils dela cédures légales. Quoi qu’il en soit, et d’aprés un article de The
pop culture, ils cherchent quand méme a donner 4 leurs films Twilight Zone Magazine, \épisode confié 4 Landis, qui
des assises plus sérieuses : pour Lynch, c’est certainement la raconte Vhistoire d’un nazi américain découvrant ce qu’on
peinture ; pour Arkusch, c’est un réalisateur comme Borzage peut ressentir comme victime du racisme, est le seul élément
ou méme Richard Lester, qui a réalisé des films nouveaux, original du lot. On a confié 4 Miller la tache de refaire « Night-
mais qui en a fait d’autres dans la veine de Resnais ; tandis que mare at 20 000 Feet », un récit curieux de Matheson of un pas-
pour Dante, la pierre de touche semble étre, entre tous, Val sager d’avion, un peu nerveux, s’imagine voir une créature
Lewton, et le Val Lewton du petit écran, Rod Serling. monstrueuse sur l’aile de l'appareil ; c’est Richard Donner qui
Je dois fournir quelques éclaircissements 4 ceux qui ne avait réalisé cet épisode, a l’origine. Si j’ai bonne mémoire,
connaitraient pas la série sous son titre francais : « La Qua- Spielberg refera « Little Girl Lost » — encore un épisode écrit
triéme Dimension ». Rod Serling était I’un des écrivains les par Matheson ; il s’agit d’une petite fille qui tombe a travers un
plus respectés de l’« Age d’Or » de la télévision américaine, trou de l’espace-temps, comme la fillette de Poltergeist. Dante
période ot fleurissaient les dramatiques en direct. Mais on s’en se chargera de « It’s a Good Life », une histoire fantastique
souviendra sans doute comme de celui qui a créé The Twilight classique de Jerome Bixby, adaptée pour la série télévisée par
Zone : c’était, chaque semaine, un récit différent de science- Serling, et que Dante réalisera a partir d’un nouveau scénario
fiction, ou fantastique, qui durait une demi-heure, avec des écrit par Matheson.
apparitions de Serling en personne au début et a la fin, qui pré- Jai vu « It’s a Good Life » pour la premiére fois lors d’un
sentait les personnages et tirait la morale de l’histoire, dans son Marathon de huit heures consacré A Twilight Zone que diffu-
style inimitable 4 la fois concis et éloquent. Pour cette série sait une antenne locale a l’occasion de Thanksgiving ; c’est une
d’émissions on utilisait des acteurs connus, des écrivains ; Ser-
ling lui-méme a partagé sa corvée d’écriture avec des spécialis- Little Girl Lost, épisode de la série The Twilight Zone
tes. comme Richard Matheson, Charles Beaumont et Ray Brad-
bury. Pour la réalisation, on a souvent fait appel 4 des auteurs
hollywoodiens comme John Brahm, Mitchell Leisen et Don
Siegel, et c’est pour cette série que Jacques Tourneur a fait son
dernier grand film d’horreur, Night Call, 4 partir d’un scénario
MAITRISER
la jeunesse commengait 4 imprimer sa marque tyrannique sur
la société américaine, au début des années 60, quand un pédia-
tre influent du nom de Spock conseillait aux parents de ne pas
LE FUTUR
punir leurs enfants, et que le pouvoir d’achat des adolescents
aux poches pleines commencait 4 se faire sentir sur le marché
des produits culturels. Cet épisode décrit une journée dans la
vie d’une petite ville, apparemment bien tranquille, qui a été
arrachée 4 notre espace-temps et emprisonnée dans le gris du
vide par un enfant omnipotent et absolument diabolique ; il est
SI VOUS PAYEZ TROP CHER né, sans raison apparente, d’un couple ordinaire, et utilise ses
pouvoirs terrifiants pour tyranniser la population adulte de Ja
POUR LE SERVICE RENDU ville. Tout ce qui lui déplait, méme une pensée hostile, peut étre
puni d’annihilation et parfois d’horribles mutations physiques.
Dans une scéne mémorable, un groupe d’adultes, privés depuis
FJTHOUMIEUX
longtemps de tout contact avec l’extérieur, est contraint a
regarder un programme que l’enfant a fait apparaitre a la télé-
vision pour son propre amusement : un dessin animé représen-
CASSURAINCES
tant un combat entre deux dynosaures. Ils reconnaissent tous
que c’est « une télévision bien meieure que celle d’avant ».
Finalement, un homme d’un certain Age craque, quand il se
voit interdire l’écoute d’un disque de Perry Como, le plus
connu des derniers chanteurs de charme — qui étaient, a cette
281.12.34 époque-la, chassés par V’arrivée du Rock-and-Roll ; sous le
coup de l’alcool et de la colére, il insulte ’enfant qui le punit en
Sur simple appel téléphonique, vous propose* lui donnant la forme d’un diable a ressort. (J’apprends, en
d’effectuer gratuitement et & votre domicile, lisant Cinefantastique qu’on a engagé Rob Bottin pour créer
bureau ou siége social, le diagnostic et |’étude dans la nouvelle version des effets de maquillage qui permet-
tront d’exploiter plus largement que dans la premiére version
compléte de vos risques. I] vous suffira d’indi-
ces pouvoirs de transformer ce qui l’entoure qu’a |’enfant).
quer Je jour et |/heure qui vous conviennent. J'ai interviewé Joe Dante dans son bureau 4 la Warner Bro-
281.12.34
thers, un soir, en plein milieu d’un programme de tournage
épuisant de deux semaines. Il y avait dans la piéce des jeux
Un service véritable, un langage clair, des solu- vidéo — du genre de ceux qu’on trouve dans les salles de jeux
tions simples. Une équipe efficace A votre — ; sur le bureau, un exemplaire de la BD underground Eating
Raoul ; et dans un sac fourre-tout, caché derriére un classeur,
disposition. j’ai repéré un ours en peluche. Fétiche ou soutien moral ?
Toute l’ambiguité de cette génération fascinante et décidément
équivoque est résumée dans cette question.
COMMENT VOUS PROTEGER
Cahiers. Vous travaillez actuellement sur un remake de [’un des
MULTIRISQUE HABITATION épisodes de la série télévisée Twilight Zone, de quoi s’agit-il ?
Joe Dante. Cela s’appelle « It’s a good life » d’aprés un scéna-
MULTIRISQUE DES COMMERCANTS rio de Jerome Bixby. C’est histoire d’un enfant qui a des pou-
MULTIRISQUE INDUSTRIELLE voirs extraordinaires, Dés le début on sait que cet enfant main-
RESPONSABILITES CIVILES tient tous les adultes de son entourage sous son pouvoir. Au
ACCIDENTS CORPORELS commencement de l’histoire tout le monde est déprimé et a la
fin tout le monde est déprimé... et voila toute l’histoire. C’est
ASSURANCES VOYAGES une nouvelle remarquable et cela a d’ailleurs été un des épiso-
TOUS RISQUES : des les plus réussis de Twilight Zone. Lorsqu’on m’a demandé
AUTO/BATEAU/CARAVANE de le faire, mon probléme a été de ne pas reproduire tel quel le
OBJETS PRECIEUX
Piranhas de Joe Dante
MALADIE/CHIRURGIE
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yma (oo
Hurlements de Joe Dante Joe Dante sur le tournage de The Twilight Zone
court-métrage télévision dont tout le monde se souvient encore. Pépoque étaient les spectateurs d’aujourd’hui. Les producteurs
J’ai essayé de faire quelque chose de plus personnel et nous se sont dit : metions un maximum d’argent la-dedans et on va
avons décidé de modifier P intrigue sans pour autant perdre les faire venir, Notre projet est complétement différent : nous
Lessentiel. Pespére que lorsque Jerome Bixby verra ce que essayons de resaisir une atmosphére. Les gens qui ont refait
nous avons fait, qui est d’une tonalité beaucoup plus légére que The Lone Ranger n’avaient pas compris grand chose 4 ce qui
le seénario original, il ne sera pas trop décu. Nous avons en réa- avait été réussi dans l’original. Dans notre cas nous savons ce
lité utilisé le premier scénario comme tremplin. qui a fait le succés de Twilight Zone et nous voudrions présen-
Cahiers. Qu’a signifié pour vous la série Twilight Zone ? Est-ce ter cela a un public neuf.
que $a a une certaine importance 4 vos yeux 7 Cahiers. Twilight Zone est votre premier film pour une grande
Dante. Ah oui, absolument. Les enfants aiment bien poser des compagnie. Vous avez travaillé pour Roger Corman, pour
questions sur tout et Twilight Zone est arrivé 4 un moment ol Aveo Embassy et maintenant pour Warner Bros, quelles diffé-
| les enfants de mon Age réalisaient qu’ils appartenaient A un
monde beaucoup plus vaste. La majeure partie de ce qui était
rences voyez-vous entre ces trois expériences ?
|
Dante. Ij y a davantage de liberté chez Roger... il y en a moins
montré au début de la télévision était encore en rapport avec la chez Avco et encore un peu moins chez Warner, ce n’est pas
radio ou consistait en films de série B. Pas mal de gens qui y que je veuille en dénigrer aucun... Mais on a une incroyable
travaillaient ont été appelés a travailler pour la TV, tout simple-~ liberté chez Corman : si Roger souhaite que des Piranhas bouf-
ment parce qu’ils avaient l’habitude de travailler vite. Et bien fent un ironc humain et si vous arrivez a Jui donner ce qu’il
stir il y avait les grands films dramatiques pour adultes, tout veut, il sera prét 4 vous faciliter considérablement le reste. Chez
cela se passait au-dessus de la téte des enfants, pour eux il y Aveo tout ce qu’ils voulaient c’était un film d’horreur et ils
avait trés peu d’ceuvres d’imagination et lorsque nous avons avaient peur de tout ce qui pouvait étre un tant soit peu comi-
commencé 4 regarder Twilight Zone nous lisions également, que, ils ont fini par marcher dans la mesure ou ce qui relevait de
notamment des histoires de Robert Sheckley, d’Isaac Asimov, la comédie n’entravait en rien le cété « horreur », Ce qui m’a
de Ray Bradbury des gens comme ¢a... et c’était la premiére géné ici ga a été la hiérarchie, c’est un systéme que je connais
fois que la télévision acceptait de s’intéresser 4 des sujets de trés mal et j’avais 4 négocier avec toute une série de responsa-
fantastique et de science fiction. Ce qui a fait le succés de Twi- bles... c’est légérement pins jlourd... chez Corman, si on
light Zone ce n’est pas seulement la qualité de ce qui y était fait n’aimait pas telle ou telle chose dans le décor on se levait et on
mais la recherche de nouvelles formes de narration. Et ca allait la changer ; on allait chercher des copains pour la figura-
tenait.. on peut les voir encore six ou sept fois ca tient tou- tion, ce genre de choses est impossible ici : il y a une personne
jours... Pour mon épisode je compte utiliser un exposé de pour chaque opération, c’est comme ¢a que ca fonctionne, que
départ et une conclusion de Rod Serling, Une partie du charme ca a fonctionné et que ca fonctionnera. Il faut s’y habituer.
de la série TV tenait au cdté sentimental, nostalgique, et il me Ceci dit, ¢a peut étre trés frustrant lorsqu’on a plutét l’habi-
semble qu’on ne doit pas enlever cela dans le film. tude de tout faire soi-méme. I] y a tous les moyens possibles
Cahiers. Comment allez-vous faire pour avoir une introduction d’étre meilleur mais également tous les moyens d’étre bien pire.
de Rod Serling, il est mort... J’ai réussi 4 avoir tous les gens que je souhaitais dans l’équipe
Dante. Vous savez Serling a tourné tellement d’introductions et si ca ne marche pas, ce sera ma faute et uniquement ma
différentes parmi lesquelles certaines tellement générales et qui faute. Cela a toujours été le cas, donc finalement je n’ai pas &
peuvent s’appliquer dans n’importe quel cas... on en trouvera me plaindre.
une... Cahiers. ¥ a-t-il des choses que vous avez pu faire lorque vous
Cahiers. Il y avait quelque chose de particulier dans Twilight travailliez sur des films @ petits budgets et qui ne seraient plus
Zone gu’on ne voit plus tellement a la télévision ni dans ce possibles actuellement ?
genre de films c’est le point de vue moral... Dante. Si j’avais su ce que je faisais maintenant au moment ot
Dante. Il y a beaucoup de prudence de nos jours, on se dit « et j’ai fait Piranhas je ne l’aurais jamais fait... Dix jours de tour-
si jamais le public n’était pas d’accord, était choqué... ? » nage... si Pavais su 4 quel point ce serait difficile, je n’aurais
Dans le passé il existait un plus grand consensus sur ce qui était jamais accepté... faire un film comme Piranhas avec tant
moral et sur ce qui ne I’était pas. effets spéciaux et l’eau et... comment est-ce que nous avons
Cahiers. A votre avis pourquoi réalise-t-on aujourd’ hui tant de pu Gtre aussi stupides ? Mais c’est le genre de choses qu’on ne
films en référence aux séries TV des années cinquante ou comprend qu’aprés, les erreurs a ne pas refaire... En tout cas
soixante ? Il y a eu Star Trek, maintenant Twilight Zone ? j'ai appris 4 plonger et je sais que je ne referai jamais plus de
Dante. On essaie de refaire des films sur des choses qui ont film en rapport avec Peau. Quand il y a des problémes, ou que
marqué les gens, pour lesquelles ils ont gardé une certaine nos- ce soit, je me dis : eh bien, au moins tu n’es pas sous la flotte.
talgie. Quand on a commencé a faire un film a trés gros budget
en remake de The Lone Ranger ou lorsqu’on a voulu refaire
Flash Gordon ¢’était trés décadent ; la démarche correspondait (La lettre de Bill Krohn a été traduite de ’'américain par Fran-
4 Vidée que les enfants qui avaient lu les bandes dessinges a cine Arakelian et les entretiens par Eric Sarner).
CINEMA AU JAPON
NOTES NIPPONES
PAR SERGE DANEY
Japon, aoit 1982. L’état du cinéma japo- a Niigata en 1930 et l’événement majeur de
nais n’est pas trés bon. A Paris déja, Max Tes- son enfance est un échec 4 un examen « parce “CURRENTS IN
sier ne m’avait rien célé d’une situation molle
et désenchantée. Une page récente du Monde
gu’il a oublié de s’incliner au moment on
Pexaminateur lisait un poeme de t’empe-
JAPANESE
diplomatique (octabre 82) parle de Peffondre- reur». Sato, recalé, en concut une haine
ment de la fréquentation (1 milliard de specta- tenace du systéme d’éducation japonais. Son
teurs en 1960, 150 millions vingt ans plus évolution est typique de celle des intellectuels
tard), du déclin des Majors (Daiei, Nikkatsu, de sa génération (militarisme compensatoire
Shochiku, Toho, Shintoho, Toei), de l’essor vite décu, flirt sans Iendemain avec le PC,
dés magnats de la presse a Ia recherche de amour du cinéma, premiéres critiques, etc.)
coups faciles, de Ia hausse vertigineuse du prix Avec, en plus, un cété auto-dictacte qui, 4 Ja
du billet, de Pétonnante vétusté des salles, fois, le protége et le rend plus sensible a ce qui
dune production oi il se tourne plus de por- se passe autour de lui. Adepte de l’auto-
nos (soft-core) que de films. Bref, l’image éducation (dokengaku), décu par la réalité
occidentale du cinéma japonais est belle (et communiste, tenté par le radicalisme maoiste
noble), mais la v.o., elle, n’a plus rien d’exal- en matiére d’éducation, égalitariste et popu-
tant. liste « 4 la japonaise », il est (bien) situé entre
La surprise est donc venue d’ailleurs. Au fil de deux générations de cinéastes; ceux de
mes rencontres avec les témoins et les com- Paprés-guerre, socialisants et réalistes (Kuro-
mentateurs, japonais et nippophiles, du sawa, Imai, Yamamoto) et les jeunes turcs des
cinéma japonais, je me rendais compte que ce années 60 (Masumura et Oshima, qu’il soutint
déclin du cinéma japonais n’était jamais posé @emblée).
(ressenti 7) comme un drame ou méme un pro- En fait, il semble qu’« étre de gauche » au
bléme. Un pragmatisme serein (ou irresponsa- Japon, (au moins, dire non au consensus) non
ble ?) semble régner. Pas de nostalgie cinéphi- pas en paroles mais en actes, c’est peut-étre
lique, pas de considérations, la gorge nouée, cela: étre exclu (et révolté) par un systéme
sur la fin du cinéma. Si bien que deux ques- @éducation parfaitement décervelant qui se
tions, d’ailleurs liées, ont été le fil rouge de ces perpétue trés bien au service du Japon ultra-
rencontres : celle de l’évaporation du cinéma moderne. Jean-Paul Lepape, correspondant
dans le Japon post-moderne et celle de la des Cahiers au Japon, tient Sato en trés haute
« révision des manuels scolaires » qui, alors, estime (il vient de traduire en francais le livre
faisait la une des journaux (1). de ce dernier sur Mizoguchi et cherche un édi-
teur) parce que cette tradition de l’auto- 1. Cet été, dans certains manuels
Tadao Sato, Auto-éducateur Whistoire, on a tenté de remplacer
éducation (Mizoguchi, Ozu ne sont pas des certains mots par d’autres. Par exem-
Le lecteur francais (et celui des Cahiers, tout universitaires) est peut-@tre 4 lorigine de ce ple, l’invasion de !’ Asie par les trou-
particuligrement) n’ignore pas le nom de que le Japon a produit de plus authentique au pes japonaises pendant [a seconde
Tadao Sato, seul « critique-historien » du XX? siécle : son cinéma. guerre mondiale est devenue une sim-
ple « avance ». Ce fut un beau tollé 4
cinéma japonais connu 4l’étranger. En fait, le Sato a écrit une soixantaine de livres, dont un Séoul, Pékin et dans d’autres capita-
seul. Quand je le rencontre, il vient de publier grand nombre sur Véducation. Il est devenu les concernées. Par maladresse, le
« Currents in Japanese cinema » aux éditions une autorité pour tout ce qui concerne Ia cul- ministre de l’éducation Ogawa ne fit
Kodansha. Le traducteur anglais, Gregory ture populaire japonaise, cinéma compris. $’il qu’ageraver les choses. On fréla
Tincident diplomatique. Tout [’été,
Barrett, finit le livre sur un survol trés intéres- parle du cinéma avec détachement, c’est qu’il Tes journaux furent pleins de ce scan-
sant de la personnalité de Sato. Celui-ci est né s’intéresse aussi bien 4 I’évolution du dale.
Naniwa aujourd’hui: a deux pas dela
of tourna Mizoguchi {photo Frangoise
Huguier). feuilleton-télé ou a la manga (bande dessinée). films pornos, un réalisatear comme Tatsumi
Le sociologisme de son approche se double Kumashiro présente un intérét artistique certain,
heureusement d’un bon sens et d’un flair réels. c’est un réalisateur trés intéressant, dont Truffaut a
C’est Paulo Rocha qui a organisé ma rencon- beaucoup admiré deux ou trois films (3). Au
moment de la sortie de L’Empire des sens on a dit
tre avec Sato. Paulo R., cinéaste portugais et
que ¢’était 41a fois un film porno et un film d’art.
attaché culturel 4 l’ambassade de Tokyo Et moi je pense que dans les films pornos, il y a des
depuis des années, est l’un des meilleurs ceuvres d’art assez remarquables. It y a également
connaisseurs-amoureux du Japon. L’entretien des réalisateurs qui ont appris leur métier dans le
eut lieu dans une piéce nue de l’Iwanami porno pour passer ensuite dans le circuit normal of
hall (2) et se prolongea dans un petit grand ils ont parfois remporté des succés avec des films
2, L’Iwanami Hall et une salle de restaurant de Kanda. Rocha, traducteur intéressants, Dans toute cette production porno il y
232 places située au 10° étage d’un a chaque année quatre ou cing films que l’on peut
immeuble de quartier de Jimbocho. improvisé, fut un excellent go-betwen.
recommander 4 ses amis d’aller voir, et moi, je
Depuis dix ans déja, il s’agit d’une
institution grace a laquelle le public trouve que c’est miraculeux qu’ils existent dans un
tokyoite peut voir des films in- Cahiers, J’ai trouvé votre livre « Currents in japa- tel systéme.
programmables dans l’étroit systéme nese cinema » trés intéressant, mais j’ai été surpris Cahiers. D’ou vient la faillite de l'industrie cinéma-
de distribution japonais. C’est-a- que vous passiez si vite sur les années 70 et 80, et tographique japonaise ?
dire: des classiques, des films de que vous vous posiez si peu la question de l'avenir Sato. Avant tout il y a un martelage des program-
prestige, des palmes d’or cannoises, du cinéma japonais ? mes de télévision de 6 heures du matin a minuit. Et
mais toujours des films ni-japonais
Tadao Sato. Bien qu’on n’ait plus un centime, il puis, il y a un autre élément d’explication qui est
ni-américains. Cela va du Monde
d@’Apu a Pirosmani, de La Grande reste quelques types un peu fous qui n’abandonnent particulier au Japon et qu’il est amusant de vous
Itlusion & Solaris. L’absence d’un pas. Ni Oshima, ni Kurosawa n’ont stoppé leur car- exposer. Dans un couple marié, l"homme a son cer-
réseau art-et-essal (et méme de ciné- titre ; c'est un miracle qu’ils continuent. Dans de cle d’amis, et aprés son travail, il va dans les bars
clubs), la trop grande modestie de la telles circonstances, il est remarquable d’arriver a avec ses amis alors que sa femme reste chez elle et
Cinémathéque, la sous-information faire de bons films. Le probléme est d’abord quan- regarde les programmes de télévision. Les couples
japonaise pour ce qui est de |’état du titatif ; avant, on faisait beaucoup de films et de traiditionnellement, ne vont pas au cinéma. On
cinéma mondial ont permis a l’Iwa- qualité moyenne, alors que maintenant on en fait peut dire aussi que les hommes qui soni au début de
nami Hall de gagner son pari, @ mi
chemin entre l’art et le commerce, le trés peu: 150 chaque année, si on enléve les leur carriére professionnelle sont surchargés. On
mécénat et la production. Le succés 200 films pornographiques. iravaille sfrement plus au Japon que dans d’autres
d’Iwanami Hail est celui de son ani- Bien sfir il est difficile de déterminer ce qui est sociétés. Alors qu’est-ce qui reste comme public de
matrice Etsuko Takano, « Pune des porno et ce qui ne l’est pas. Par exemple, dans les cinéma ? Des jeunes gens ou des universitaires ; et
28 CINEMA AU JAPON
comme ces catégories de la population ont une unis au sein de ATG (4). Est-ce que ¢a s’est repro- rares japonaises de sa génération a
vision du monde assez noire, les films reflétent leurs duit aprés ? . avoir réussi sa carriére » dit le Japan
conceptions et contiennent beaucoup de scénes de Sato. Hl y a maintenant une dizaine de jeunes met- Times, Elle aime le cinéma (ne fut-
violence et de pornographie. Et 4 leur tour, ces élé- elle pas 4 |’ TDHEC 2), a su faire les
teurs en scéne d’une trentaine d’années qui sont en
bonnes alliances (avec Yujiro Iwa-
ments chassent les adultes des sailes. Les films que train d’essayer de former un groupe. Il y a trois ans, nami, son beau-frére et magnat de
lon peut voir en famille, comme auparavant ceux a fa Semaine de Ia Critique 4 Cannes, on avait pu fa presse, avec Mme Kawakita,
de Ozu, sont maintenant produits pour la télé. voir L’Assassin de la jeunesse de Kazuhiko Hase- personnage-clé du cinéma japonais)
Pour les mémes raisons les filles ont des problémes gawa, leader de ce groupe, et il a beaucoup de et donner 4 son Hall un style (British
pour aller au cinéma, alors elles vont voir des films talent. Ils sont de formation moins théorique que la Film Institute+Connaissance du
étrangers qui en général passent dans des salles génération de Oshima, mais ils ont une sensibilité Monde +salle de quartier} trés parti-
situées dans des quartiers plus luxueux. C’est donc trés aigué de l’atmosphére actuelle. Oshima et ses culier. Certains films, du fait de leur
un facteur de ségrégation. On peut dire que le confréres étaient sortis de Puniversité, c’étaient des succés 4 |’Iwanami, tentent des car-
titres commerciales, C’est ainsi qu'il
public de « citoyens normaux » par opposition aux privilégiés, alors que ceux-la sont de pauvres diables vient d’y avoir un « Visconti boom »
« marginaux » a presque entiérement disparu. Et ca qui ont appris 4 faire du cinéma en faisant du porno a Tokyo. Par ailleurs, ’Iwanami
provoque tne espéce de crise schizophrénique : si sur le tas. Hs peuvent donc décrire de maniére plus Hall joue un rdle de producteur.
on va au cinéma, on a une image du Japon violent, chaleureuse et directe la vie des certaines catégories
érotique, c’est l’enfer ; et sion regarde Ia télévision, de Japonais que les autres ne connaissaient méme 3. Tatsumi Kumashiro, né en
c’est le ciel, le paradis, toutes les relations humaines pas. 1927. Désir humide (1972), La Rue
sont harmonieuses tout marche bien, Le contraste Cahiers. Toutes les fois qu’on s’intéresse au de fa joie (1974).
entre l’atmosphére de violence au cinéma et de paix cinéma japonais et qu’on se demande qui l’étudie
4. ATG (Art Theatre Guild).
4a télévision est encore plus accentuéau Japon que au Japon, c’est toujours votre nom qui revient. « Compagnie indépendante créée en
partout ailleurs. . Comment expliquez-vous cela ? 1967, avec l’aide de la Toho-Towa et
Cahiers. Dans certains pays occidentaux, comme Sato. Au Japon, il y a beaucoup de critiques qui qui produisit ou distribua la plupart
par exemple l’Angleterre, une bonne partie des ont une vie trés agréable. Sans avoir jamais étudié des films d’auteurs des cinéastes
cinéastes se sont recyclés a la télé et y ont fait un quoi que ce soit du cinéma, ils présentent les films 4 indépendants des années 60. Malgré
bon travail. Le talent du cinéma est passé 4 la télé. la télévision, se contentant de déclarer : « Ah ! que une faillite en 1975, elle poursuivit
Qu’en est-i] du Japon ? ce film est beau ! » Moi, évidemment, j’ai une vie ses activités, mais avec de moindres
plus difficile, je suis plutét un chercheur. J’ai écrit ambitions » (M. Tessier).
Sato. D’emblée il y a une grande différence avec
60 volumes, dont la moitié sont pédagogiques, J’ai
l'Europe en ce qui concerne le cinéma : le gouverne-
une situation unique par rapport aux autres criti-
ment japonais n’*a jamais accordé aucune aide au ques, car il n’y a pas d’université of on étudie le
cinéma, ne se préoccupe pas d’aider la culture. Ici, cinéma, il y a donc moins de professeurs, de spécia-
on a un trés mauvais souvenir de !a période de la listes. Il y a quand méme Monsieur Tanaka, qui est
deuxiéme guerre mondiale oii les films étaient pro- un historien du cinéma japonais, et qui connait
duits en accord avec le gouvernement. Les metteurs
beaucoup mieux que moi le cinéma japonais ancien.
en scéne se sont sentis trés mal dans les bras du gou- C’est le seul qui puisse vivre de son métier d’histo-
vernement. Done ils n’osent méme pas penser a une
tien du cinéma.
amélioration de leur situation grace A une aide du
Cahiers. Quand vous écrivez un livre comme celui
gouvernement, car on pourrait alors retomber dans
sur Mizoguchi, qui sont vos lecteurs ?
une situation similaire. Effectivement, pour revenir
Sato. Jai a peu prés 5 000 Jecteurs fidéles qui
4 votre question, il y a pas mal de cinéastes qui tra-
achétent tous mes livres. Ce sont des fous de cinéma
vaillent pour la télévision, mais ca ne représente
qui sont éparpillés dans le Japon, et qui ne sont pas
aucun prestige pout eux, c’est une activité purement
forcément jeunes, d’ailleurs. Si j’ai écrit tant de
alimentaire. Il y a par contre un phénoméne paral-
livres, c’est probablement pour me venger de ne pas
léle trés étrange, c’est qu’avec ce développement de avoir regu d’éducation. A gauche. Non seulement te gros plan
la télévision, les scénaristes sont devenus les gens les d'une méche, mais la photocalii-
Cahiers. Dans un programme d’éducation idéal, gramme du mouvement.
plus importants de l’industrie, Dans Je cinéma, sur-
vous serviriez-vous du cinéma japonais pour faire
tout avec un metteur en scéne connuy, la situation du A droite. Le cadre est moins une con-
comprendre la civilisation japonaise par exemple ?
scénariste est terrible. A la télévision c’est le con- trainte qu’une technique du sur-cadre.
Sato. Je suis de toute facon contre les écoles, on
traire, les empereurs de la télévision sont les scéna- ra
tistes. Alors souvent on trouve 4 la télé des scénaris-
tes qui ont beaucoup de talent, qui font un effort
énorme pour écrire de bons scénarios ; et de fait on
trouve des scénarios de télévision pous soignés que
certains du cinéma. I] n’y a donc pas de Naruse ou
de Ozu du drame familial (la grande spécialité de la
télévision) mais il y a une infinité de types trés doués
qui font des choses trés soignées A leur facon.
Cahiers. Peut-on parler de la disparition du cinéma
ane
nes |
oda
SC distri bution
5 avenue Velasquez - 75008 Paris
Tél. 563.11.11 - Télex UGC SHOW 290925
32 CINEMA AU JAPON
sation de V’histoire japonaise — de 1930 a essai intitulé : « Walkman, manga and white
1960 — représentent une sorte de dissidence gloves ». Le maniérisme de la vie quotidienne,
dans cette histoire, il n’y a qu’un pas, sams constate-t-il, c’est d’accuper les terminaisons
doute excessif, mais que je franchis. Mizogu- sensorielles du corps humain : se couvrir les
chi trop torturé, Kurosawa trop porté sur le oreilles de musique, dresser son ceil a la
roman russe, Naruse, « pas une merveilie gymmnastique de la « lecture » de la bédé f« la
d’équilibre » Richie dixit, Ozu méme qui, télévision pour les mains ») et, mode récente,
coupé de tout, observa tout, pas marié, ayant recouvrir de gants I’épiderme de ses mains.
toujours vécu avec sa mére, ne sont pas trés
Yoda Yoshikata
typiques du consensus nippon. Et
aujourd’hui, les rares cinéastes connus a Kyoto. Pourquoi, me dit Jean-Paul Le
Pétranger font plutét figure d’obstinés Pape, n’essaierions-nous pas de voir Yoda ?
génants ou d’artistes « internationaux » et, de Toujours vivant, le scénariste-auteur des
ce fait, tenus en méfiance. Oshima est popu- « Souvenirs sur Mizoguchi» (traduits par
laire parce qu’il est apparu dans un pro- Yamada Koichi, publiés puis sans cesse repu-
gramme de télé féminin, tel Menie Grégoire et pliés par les Cahiers) donne des cours de
qu’avec son sérieux habituel, il a donné des cinéma dans une université d’Osaka, mais
conseils (ou que, toujours sérieux, il a mis en demeure A Kyoto. Au téléphone, il se déclare
scéne le défilé de mode-monstre de Kansai). prét A nous rencontrer ot et quand nous vou- Erotisme S.M. et cartes de or
(photo Frangoise Huguier).
Car Oshima est resté logique avec lui-méme : lons. Ce sera dans le lobby d’un grand hétel,
toujours aussi anti-autoritaire et critique par vite quitté pour ce qui m’apparait de plus en
rapport au gouvernement. Quant 4 Kurosawa, plus avec le souvenir comme une « guin-
il est vaguement percu comme le dernier des guette » japonaise au bord de la rivigre Kamo,
individualistes libéraux « 4 Poccidentale » et mais immergée dans les bruits de la ville, face
son rare souci des valeurs morales est ressenti au quartier de Gion. En mangeant le poisson
comme une barbe. cru, nous posons 4 Yoda les questions rituelles
Le Japon, trés a |’aise dans son « matérialisme sur Mizoguchi, plus pour le plaisir de le voir
du mignon » ne se reconnait plus dans le s’animer que par avidité journalistique. Yoda
cinéma, dans son cinéma (les block-busters parle avec les mains, c’est un homme expansif,
sont américains). Il suffit de se promener dans un vrai natif de cette région du Kansai, ot
les villes pour comprendre qu’elles ressem- nous sommes, depuis toujours opposée a celle
blent plus a un jeu vidéo qu’a une jungle de du Kanto (Tokyo, l’intravertie), C’est un
polar social. Richie vient d’ailleurs d’écrire un moment privilégié du voyage, le seul moment
Adresse . .
SBE LA De
C’est quand méme autre chose que I’abstraite intitulé Prophétie, et que j’ai vu. Il s’agit d’un
S SEE GR oH
bande-vidéo, film contre les armements atomiques qui, par-
Hl
I) faisait trés chaud. I] fut question d’un bain tant d’Hiroshima et de Nagasaki, va aussi loin
(furo). Nous étions un peu ivres. Yoda nous qu’il est possible dans Phorreur. Des docu-
pilota jusqu’é un bain. Trop tard, il était ments, enfin rendus publics aprés une longue
fermé, Nous nous quittémes, ravis de notre lutte, sont monirés pour Ja premiére fois : car
CON SO
journée. aussitét aprés avoir laché leurs bombes
(« Little Boy » et « Fat Man »), ’armée amé-
Chacun pour soi ricaine a lancé ses cameramen dans les ruines.
Quid des cinéastes japonais ? Surtout des L’horreur est donc double. Hani filme sous
jeunes turcs anticonformistes des années 60 ? tous les angles les plaies des gens contaminés,
Qu’est devenu X ? Est-il vrai que Y ne tourne les « ibakucha », plus de trente ans aprés.
plus ? Pourquoi Z est-il devenu si nul ? Ces Comme tout film qui améne au bord de la
questions lancinantes ne trouvent pas aisément nausée, Prophétie a des effets incontrdlables.
Dans Garo, Humphrey Bogart.
réponse au Japon méme. Obstacle majeur : la Il sera sans doute diffusé mondialement au
langue (presque personne ne parle anglais). cours d’une campagne pacifiste.
Obstacle aussi : la vie des films est courte, peu Continuons la liste. Teshigahara, (La Femme
de rediffusions, pas de festivals. Obstacle de Sable, 1963) suite 4 un riche mariage, a di
majeur (et inattendu) : absence d’un milieu promettre d’abandonner le cinéma (il s’en
du cinéma, di sans doute au fait que, vu mordrait les doigts). D’autres sont devenus
Vindifférence des gouvernants envers le sep- trés populaires grace a leurs prestations publi-
tiéme art, il ne se crée pas de micro-société citaires. Shinoda a été vu dans des spots pour
plus ou moins assistée et que chaque cinéaste un grand journal (le Mainichi Shinbun), Ichi-
fourbit seul sa machine et ses armes pour se kawa, grand fumeur, a eu plus de succés pour
frayer un chemin vers la production. ses apparitions publicitaires pour des cigaret-
Ces questions je les ai posées 4 deux amis fran- tes que pour tous ses films réunis, Kurosawa
cophones : Hayao Shibata et Koichi Yamada. lui-méme a été vu en train de dire du bien,
Shibata est !’un des rares distributeurs de films impérialement, d’un whisky pourtant médio-
non-japonais au Japon. S’il sort un film dans cre, le Suntory. Toujours 4 la télévision, Yos-
une seule salle et qu’il y vient 20 000 specta- hishige Yoshida (Amour+massacre, 1969)
teurs, c’est un succés réel (dont le snobisme, s’est improvisé commentateur spécialisé en art
bien sfir, n’est pas exclu), Ce fut le cas récem- grec et est devenu trés populaire.
ment de Violence et passion et du Voyage des S’obstinent a faire des films : Masumura,
comédiens, Sera-ce celui de La Régle du jeu ? Suzuki, Imamura (le plus combatif: il a
Le catalogue shibatien des BOW (« best films ouvert une école de cinéma) et Shindo, inamo-
of the world ») est loin d’étre négligeable, vible bonze syndical de gauche, Quant a Shin-
mais son créneau est étroit. Son optimisme et suke Ogawa, plus radicalisé que jamais, aprés
sa gentillesse sont néanmoins inentamables : il sa série-fleuve sur Narita il est devenu paysan
projette un « tout-Godard » V’année pro- « pour de vrai » et 4 méme gagné, a un con-
chaine & Tokyo ! cours agricole, un prix pour fa qualité de son
Quant 4 Yamada, c’est Vancien « notre riz, I vient de terminer un film ot une caméra
homme 4 Tokyo» des Cahiers années spéciale filme la croissance du riz en direct et
soixante : on lui doit la célébre traduction sans de l’intérieur !
cesse re-facsimilée des « Souvenirs » de Yoda Un soir, Shibata me fait rencontrer deux ou
sur Mizoguchi. Cet été, il était en train de tra- trois personnes dans un bar microscopique de
duire d’autres « souvenirs », ceux de Lauren Shinjuku, «La Jetée». Ce lieu, nommé La tombe de Mizoguchi (photo Fran-
Bacall, et son éditeur, selon une coutume nip- daprés Chris Marker et qu’on voit, une mau- goise Huguier}.
pone, lavait enfermé a double tour. Je ne le vaise fraction de seconde, dans le dernier film
vis que le dernier jour. Mais par deux fois, de Losey, est le lieu de passage obligé des gens
autour d’une tonne de sashimi et de biéres, de cinéma du monde entier. Une fois, j’y avais
avec l’un puis avec autre, je fis le point. trouvé trés « ugly » un Américain saoul qui
Oshima venait de commencer le tournage de s’avéra étre Rauschenberg. Ce soir-la, je fis la
son nouveau film, Merry Christmas sur un il6t connaissance de Koji Wakamatsu, connu (un
au large de Ia Nouvelle-Zélande. Il a mis des peu) en France pour ses pornos cruels (pour les
années 4 monter cette histoire de prisonniers femmes), tels (Les six épouses de Ch’ing,
de guerre, adaptée d’un roman de Laurens van 1968) et dont la filmographie est d’ores et déja
der Post et qui a tout lair d’un anti-Pont de la immense. C’est un personnage picaresque et
riviére Kwai. Le financement est en partie replet, aux yeux malins et a allure de yakuza.
anglais et la star David Bowie. Son dernier film (La Piscine sans eau) vient
Susumu Hani (auteur, entre autres, de l’admi- d’étre produit par une Major. En fait, la situa-
rable Elle et lui, 1963), qui poussa toujours tion n’est pas si mauvaise que ¢a pour les vrais
son humanisme rossellinien du cdté de indépendants : les Majors, dans l’impérieux
Vamour des bétes sauvages est devenu, grace 4 besoin de nourrir leurs salles n’ont d’autre
la télévision, une sorte de « Monsieur Afri- choix que de « tenter » des expériences avec
que » japonais, bénéficiant d’un engouement des cinéastes indépendants. Les plus coriaces,
pour les bétes, les grands espaces et les safaris comme Wakamatsu, croient 4 leur toile. S.D.
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Le festival des 3 continents, le lecteur des Cahiers le connait ce festival, la tenue de sa programmation et ses objectifs (un
bien. Travail de fond, dont la qualité n’est pas en cause, parti- hommage 4 un auteur et un panorama historique d’un pays), le
culigrement ingrat et difficile. Nantes est le premier festival en portent plutét a s’accorder au régime de travail d’une revue
France a faire découvrir le cinéma de 1’Inde du Sud, les films de mensuelle spécialisée. Cette année, les deux piliers du festival
Gerardo de Léon, le cinéma noir américain, etc. La vitesse de étaient formés par le panorama brésilien (voir le texte de Sylvie
Pierre ci-dessous) et ’hommage a deux cinéastes indiens :
Guru Dutt et Ritwik Ghatak. Au milieu de cela, la sélection fait
Guru Dutt avec « sa star » Waheeda Rehman dans Fleurs de papler
un peu figure de parent pauvre et délaissé. Elle est le maillon
faible du festival ou disons, a priori, la partie la moins valori-
sée et la moins attractive.
Cette année, le jury a eu la bonne idée de couronner un film
indien du Manipur réalisé par Aribam Syam Sharma. Imagi
ningthem (Mon fils, mon amour), découvert au festival de Cal-
cutta (voir Cahiers n° 333), a ensuite préféré Nantes 4 Cannes.
Sharma ne regrette pas son choix. A signaler également dans
cette méme sélection Chi dau réalisé par un vétéran du cinéma
vietnamien. Sur le papier, le film de Pham Van Khoa offre tou-
tes les caractéristiques d’un somptueux mélodrame (une femme
est Obligée de vendre sa fille et son chien pour pouvoir soigner
son mari malade). Maltheureusement, la réalisation de Chi dau
(Lumiére éteinte) est maladroite et hésitante.
1. Guru Dutt
A Vintérieur du cinéma indien, il existe un nom capable a lui
seul de faire céder la vieille opposition entre films commerciaux
et films indépendants. Au début des années 50 (et a fortiori,
dés les années 30 et aujourd’hui encore), il y a eu des cinéastes
qui, 4 Vintérieur d’un systéme économique et esthétique,
accomplissaient un réel travail de mise en scéne. Ils restent
encore a découvrir et Guru Dutt est de ceux-la. Il a apporté au
film musica] indien, chanté et dansé, une qualité d’exécution et
un soin extrémes. Bien plus qu’un esthéte raffiné, c’est un
cinéaste somptuaire et décadent. Il n’a pas d’histoires a racon-
ter ni de thémes 4 proposer, il n’a que des obsessions qui le tor-
turent et des délires mégalomaniaques A offrir (la hantise de
V’échec et son fantasme de célébrité post-mortem). Ses films ne
sont pas autobiographiques ni prémonitoires. C’est plutét sa
vie qui s’est mise progressivement A ressembler A ses films.
S’inventer des histoires pour les vivre ensuite, tel est le destin de
Guru Dutt. Acteur et réalisateur, il est devenu ainsi (tragique-
ment) le personnage de ses films.
La vie de Guru Dutt fut un sombre mélodrame. Il est né en
1925 et trés jeune (1941) entre a l’Académie d’Art d’Uday
Guru Dutt dans son film Pyaasa
- ges
L’Etolte cachée de Ritwik Ghatak Raison, discussion et un conte de Ritwik Ghatak
Pointe sud du corps culturel breton, Nantes a édifié toute sa démonitrera 4 nous aussi bientét probablement.
richesse sur un triangle : pacotilles, esclaves, profits. L’océan Autre temps de grande découverte: Limite, de Mario
comme trafic, les continents comme espace de recettes. Ces tra- Peixoto (1930), film mythique que les Brésiliens eux-mémes ont
ditions pésent leur poids de culpabilité sur la ville, qui s’en lave mis prés d’un demi siécle 4 redécouvrir. Car il fallut d’abord le
par le cinéma en rendant au Tiers ce qui est au Tiers : son reconstituer physiquement, photogramme par photogramme, 4
Monde. partir de l’unique copie existante, en lambeaux. Quelque chose
Celui-ci se passerait peut-étre bien d’étre, depuis un peu trop comme la Tapisserie de Bayeux du cinéma, et travail dont s’est
longtemps, cardinalisé comme troisigme. Autre Histoire, sur chargé une sorte de sacerdote de ce film tabou, jusqu’alors
laquelle il faudra bien revenir un jour. aussi largement commenté qu’il avait été peu vu, bien qu’il ait
Saisissante en tout cas fut cette année 4 Nantes, en dehors de été loué a sa sortie 4 Londres, dit la légende, par Eisenstein et
la compétition réunissant tous ceux « qui se développent », la Chaplin. Glauber Rocha, sans l’avoir vu, en faisait la marque
rencontre de deux pays-continents (l’Inde et le Brésil), dont le originelle du cinéma moderne brésilien. Et tout 4 coup, on le
second fut un temps, d’un tiers point de vue, considéré comme voit. Sont-ce des maléfices 4 la Langlois qui ont fait disparaitre
Ja rencontre du premier. Il y a indiens et indiens. Pour les tous les cartons sauf deux ? La fiction est 4 peu prés totalement
autres, voir l’article de Charles Tesson. incompréhensible : deux hommes, deux femmes, une prison,
Les Brésiliens 4 Nantes étaient done d’abord venus nom- une évasion, un bateau oi l’on meurt de soif... Dans ce trouble
breux constater ’hommage qu’on rendait a leur cinéma. La profond de la narrativité, on est obligé de lire en troisieme sens
preuve : certains dialogues, ou quelques films entiers, passés (voir Roland Barthes et le photogramme), parce que 1° l’image
au travers de la grille des sous-titres, faisaient tout de méme est d’une beauté stupéfiante, due au génial Edgar Brazil qui
fuser des rires dans la salle. Ainsi dans le film parlant du grand opéra aussi chez Mauro, et l’on s’intéresse done davantage au
Humberto Mauro, O Canto da Saudade (Le Chant de la Nos- grain, 4 la peau des plans, qu’d leur succession, 2° la force éro-
talgie, 1952), la tirade irrésistible d’un propriétaire terrien qui tique des dits plans a quelque chose de hurlant et ce, non seule-
vient de se faire battre aux élections municipales, s’adressant a ment aux moments les plus évidemment fétichisés — gros plans
son staff consterné, sur le théme : « le meilleur, en politique, de jambes gainées de soie, visage extatique de femme avec poi-
cest d’étre dans opposition ». A sous-titrer absolument si gnets et menottes sous le menton, etc. — mais parfois, et c’est
possible.
Humberto Mauro, donc, premier temps fort de cette rétros-
Ana Maria Nascimento dans Au sud de mon corps de Paulo Cezar Saraceni
pective. En raison de la disponibilité rarissime des copies, on ne
fit malheureusement pas la connaissance du Griffith brésilien
avec son plus grand film (Ganga Bruta, 1933), mais avec celui
déja cité, mineur quoique de fond, et un film muet Braza Dor-
mida (Braise endormie, 1927), de la période dite « de Catagua-
zes », du nom de la petite ville de Minas Gerais ot: Mauro réa-
lisa sa premiére demi-douzaine de longs métrages (muets), dans
un contexte si provincial qu’il lui fallut carrément, loin de Rio,
inventer le cinéma, a force de bricolages de génie. La capitale
cependant débattait a l’époque (déja) de cinéma national ver-
sus cinéma ameéricain, et c’est essentiellement avec l’argument ‘
Mauro que la revue de cinéma Cinearte s’échinait 4 prouver =
que le premier n’était pas une prétention « prématurée » (1).
Une rétrospective plus large de Pceuvre de Mauro nous le
ailleurs 14 qu’on sent le mieux le caractére incunable du film, Ce qui intéresse Saraceni (et ne lui facilite pas laccés, évi-
lorsque l’on percoit, brutalement, une sorte de lave pom- demment, au box-office international) c’est la filiation méme
peienne sur des corps qui auraient été pris vivants dans le feu de du cinéma qu’il pratique. D’ot vient que les personnages de ce
l'image et c’est alors le simple geste d’une main sur une film parlant ont l’espéce d’intensité forcenée et gauche — bou-
machine 4 coudre qui bouleverse, un vestige de geste, une sorte leversante — de figures du muet ; que les péchés d’orgueil des
de taxidermie millénaire, mais précaire, du vécu. péres y sont payés au travers des souffrances des fils ; que le
Origine évidemment d’une modernité que je retrouve a passé (le nord) semble plus fort que le présent (le sud). Victoire
l’ceuvre, cinquante ans plus tard, dans I’étrange et beau film de heureusement ambigué et provisoire : le cinéma sudiste de
Paulo Cezar Saraceni (l’auteur de O Desafio, A Casa assassi- Saraceni aura sa revanche. En attendant il se bat encore pour
nada, etc.) : Ao Sul do meu Corpo (Au Sud de mon Corps). Yinstant avec des problémes de censure : une scéne de torture,
Le titre est déja une énigme. II] faut y mettre un peu du sien plutét discréte vue d’ici, mais qui la-bas semblait faire pro-
pour comprendre. Imaginons donc que la coupure inférieure bléme (2).
du fameux plan américain soit ’équateur : qu’y aurait-il au Grace au Festival de Nantes, quelques autres grandes injusti-
Sud ? Le film de Saraceni parle de ce cette coupure, de ce qu’il ces de distribution semblent devoir peut-étre également étre
y a dessous, qu’on ne montre pas (ou si on le montre c’est en réparées bient6t en France, concernant aussi bien des films
maintenant des tas d’interdits du genre : ce n’est pas la femme anciens que récents. J’ai noté, assez stupéfaite, que le public
mariée brésilienne qui baise, méme au fit, mais [a putain fran- nantais, doué décidément d’un trés étrange troisiéme-
caise), mais qui briile le plan, par en dessous, comme ces jam- continental sens, se pressait aux films les plus « chauds » de la
bes de soie dans Limite. rétrospective.
A Vimage de cette sophistication dans le marquage des géo- A Terre en Transe de Glauber Rocha, bien connu en France,
graphies du corps et des civilisations sexuelles, le scénario du Vaffluence n’avait rien d’étonnant: vision ou re-vision,
film est d’une complication, d’ailleurs beaucoup plus grande Vimpact du film ne faiblit pas et on ne finit pas de découvrir ce
que certaines « réalités » du Brésil qui apparaissent, elles, bien plus que parfait équilibre de maitrise cinématographique.
clairement quoique fort subtilement : la violence du machisme, Eisensteinien. Wellesien. Intégration géniale du théatre dans la
celle du fascisme. L’histoire n’est pas seulement racontée en direction d’acteurs, de l’opéra dans le montage et la scénogra-
poupées russes de flashes-back, c’est essence méme du cinéma phie et du marxismo-romantisme dans le scénario.
brésilien qui s’y met en tiroirs et généalogie : et l’on remonte Pour Nelson Pereira dos Santos, on se souvenait peut-étre de
évidemment, via interview intégrée a la fiction du critique
(2) La situation politique actuelle du Brésil est, on je sait des plus explosives,
Paulo Emilio (voir note 1), A Humberto Mauro, sans oublier le aprés l’élection (fécemment remise en question) 4 Rio d’un Gouverneur, Leo-
détour par Paris et Henri Langlois. nel Brizola, de gauche.
TRIANGLES ET TRAFICS 43
Comme il était bon mon petit Francais ! (1971), savoureuse exposé dans Uira. Il y est pris sous tous ses angles d@attaque et
tranche de Vhistoire coloniale brésilienne dont un Frangais, de prise de vue, Il’ethnographique sans doute (le scénario vient
rituellement anthropophagé par des indiens, constituait le plat d’un livre du grand ethnologue Darcy Ribeiro), mais aussi
de résistance. Film pour nous, effectivement, difficile a Vhumaniste rossellino-fordien (l’automne des Kapoors), le
oublier. politique, le national, le poétique. Car il ne suffit pas de rebat-
Mais je soupconne plutét que c’est spontanément, intuitive- tre nos blanches oreilles avec étude des us, coutumes et
ment, que le public de Nantes s’est « envoyé » avec plaisir mythes indiens : imager ceux-ci en fiction et construire un dia-
Bouche d’Or, Rio Zone Nord et L’Amulette d’Ogum, attiré logue en y intégrant la langue indienne elle-méme au portugais,
par la magie des titres et retenu dans Ja salle par la qualité des c’est autre chose. L’intérét du film de Dahl n’est pas qu'il se
films. Un succés-pilote qui n’a pas échappé aux distributeurs soit « penché sur la vie des indiens », mais se soit franchement
présents A Nantes. De méme les salles étaient bondées pour coltiné la question méme du processus de civilisation qui tend a
Uira, un indien &@ la recherche de Dieu, de Gustavo Dahl, La jes détruire. Il montre parfaitement, entre autres, comment
Lyre du Délire de Walter Lima Junior, et La Plage du Désir c’est au moment ov le blanc s’avise de « préserver » lindien
{Os Cafajestes) de Ruy Guerra. (en reconnaissant, institutions spécialisées 4 Pappui, sa diffé-
Quelque chose qui serait bébéte, si ce n’était tout simplement rence, sa dignité et la valeur de sa survie) que I’élimination de
admirable, est commun 4 ces films : l’intelligence, la généro- celui-ci par celui-la devient la plus parfaite.
sité, le lyrisme de leur point de vue du dedans sur, chacun, un Et pourtant (remercions-en le Dieu qu’on cherche dans ce
monde, qui du dehors pourrait bien étre tenu pour tout simple- film), le résultat est tout le contraire d’un préchi-précha sauva-
ment exotique. Il y est question de négritude et de samba, de geolatre et blanco-maso : c’est un splendide film d’aventures
marginalité carioca, d’indiens, de macumba (en fait mélancolique.
d’umbanda) et de carnaval. Manquait plus que le football et L’Amulette de Ogum est le contraire, lui, d’un film de Jean
Carmen Miranda, présents d’ailleurs eux aussi dans le Festival, Rouch, mais en aussi génial pour les mémes raisons. De la fic-
Pun par une soirée de cinéma consacrée an foot, autre dans tion pure, mais quelle vérité documentaire ! On reconstitue un
un trés beau documentaire de l’actrice Ana Maria Magalhaes rituel, on filme la transe, on s’en fout (4 quelques nuances
(Vira) sur les femmes dans le cinéma brésilien. idéologiques prés, Nelson, comme Rouch, est un laic, enfin
Mais une fois constaté, une fois de plus, l’efficacité de l’élé- tout le contraire d’un bigot animiste) : et pourtant, elle fonc-
ment folklorique dans Ia vente des films 4 l’étranger (qui n’a tionne. L’efficacité de la fameuse amulette, on en rit, d’ailleurs
pas fait cependant que !’on s’aperciit plus t6t de la qualité des de plus en plus au fur et 4 mesure que Je film avance, de coups
films en question), il faut voir, par exemple, comment s’y de pétard en coups de magie : mais elle marche. Et le film aussi
prend Gustavo Dahl pour que « le probléme indigéne » soit marche, parce que la religion de l’Umbanda est une des vérités
\ S .
Anecy Rocha dans La Lyre du délire de Walter Lima Jr
son public de tous les affects les plus profands et les plus irra-
tionnels immanents 4 la nature de son peuple, mais qui en
méme temps les disséque mine de rien, et les manipule, tels des
morceaux de cire, pour en mesurer et mettre en ceuvre la réalité
et Pétendue : Vefficacité spectaculaire.
Dans Rio Zone Nord, toujours de Nelson, mais plus ancien
(1957), un des films les plus émouvants du cinéma brésilien,
aussi lacrimal que Rome ville ouverte, parce qu’il s’agit aussi
de l’4me du peuple qu’on torture et qui crie (Grande Otelo a lui
tout seul Magnani et son amant), le théme du film, si l’on y
prend garde, est une question purement juridique, traitée avec
une sérénité totale : celle des droits d’auteur de l’artiste brési-
lien et de tous les mécanismes socio-culturels susceptibles
@empécher qu’on les reconnaisse.
eo
Question d’importance théorique capitale a l’aube du
Cinéma Novo, puisqu’il s’agissait précisément qu’un groupe
d’auteurs se fit reconnaitre comme tel, d’abord. Mais aussi, et
Walter Lima Jr sur le tournage de La ty fu délire
c’est la, comme 1’a si génialement vu Glauber Rocha dans son
livre « Revolucao do Cinema Novo », qu’on ne se retrouve
plus dans la simple problématique « movimentaliste » d’une
du peuple brésilien, un des fonctionnements de son esprit. Le Nouvelle Vague quelconque destinée 4 faire ses trois petits
film marche parce que l’opium y est fumé avant d’@tre tours sur le champ de la mode et de l’histoire culturelle — il
dénoncé, parce que Nelson Pereira dos Santos est un grand dia- s’agissait que le véritable auteur du cinéma brésilien fat situé en
lecticien. Et je pense une fois de plus, 4 propos de ces films, amont de la personnalité créatrice elle-méme du cinéaste, c’est-
que fa force du grand cinéma brésilien réside infiniment plus a-dire : dans Vexpression obligée, urgente, vitale, du peuple
qu’on croit dans la logique que dans le « pré- », de sa menta- brésilien par lui-méme. Expression dont le compositeur de
lité. samba de Rio Zona Norte (menacé du méme anonymat que des
En tous cas pour Pereira dos Santos , la référence au classi- centaines de ses pareils bien qu’il représente l’unique Zé Kati),
cisme saute 4 l’esprit. Un cinéaste qui sent, s’émeut et remue est véritablement le héros.
TRIANGLES ET TRAFICS 45
Il y aurait done une possible trans-historicité de la nature
méme du Cinéma Novo, qui déborderait largement, avant et
aprés, la décade 60/70 o& l’on veut trop souvent cerner le
noyau vivant du mouvement. En méme temps qu’il y aurait
une trans-individualité du méme mouvement qui pourtant est
aussi un groupe d’amis cinéastes un peu éclaté, mais dénom-
brable, qui ont la quarante/cinquantaine aujourd’hui.
Serait « cimemanoviste » en somme un esprit, qui pourrait
étre a Poeuvre dans le cinéma brésilien depuis Mauro : une
volonté de prise de parole, de prise d’expression du cinéaste
brésilien — en tant que tel — dans le champ de sa propre réalité
culturelle complexe et vaste comme ce grand pays multi-
ombiliqué culturellement au dehors de lui-méme.
Volonté qui va bien au dela de l’auto-affirmation stylistique
ou mondaine de l’auteur soucieux qu’on reconnfit son nom. Et
pourtant, capital également est le nom de V’anteur dans ce
systéme, garantie que l’expression est personnelle, adulte,
nommable, et non anonyme comme le folklore.
Emportée par mon élan j’ai donc oublié des noms de cinéas- oar rN
tes présents 4 Nantes ; et je suis pourtant de plus en plus con- Rio Zone Nord de Nelson Pereira dos Santos
vaincue qu’il n’y a pas de généralités intéressantes 4 dire sur le
cinéma brésilien. L’important est de montrer des films, le plus casser la barque. La photo de Dib Lufti, est sublime, méme
de films possible. C’est méme en cela que l’intérét de Nantes dans les séquences en 16 gonflé, trés limite comme grain, belle
fut capital. limite. On en repatiera sfrement bientdt.
Ne pas oublier, donc, La Lyre du Délire, de Walter Lima Arthur Omar et son singulier Triste Tropique, tout un pro-
Junior, le beau-frére de Glauber Rocha, mari de I’extraordi- gramme. Un film carrément expérimental, de montage
naire comédienne Anecy (présente dans le film de son mari, le (Ricardo Miranda, sacré monteur, qui a aussi mis ses ciseaux
dernier avant son tragique accident mortel, et aussi dans La dans L’Age de la Terre et Au Sud de mon Corps), qui vaut la
Grande Ville de Carlos Diegues, et dans /’Amulette de Nelson). peine d’étre salué car ce n’est pas tous les jours que le cinéma
La Lyre est un film splendide, d’une terrible violence. Histoire brésilien peut se payer ce luxe d’étre délibérément plastico-
de cul, drogue, meurtre, homosexualité, rapt et commerce sonore avant toute chose.
d’enfant, et j’allais oublier, de carnaval surtout. Avec tout ¢a, L’Ange est né, de Julio Bressane, dont le culot de marginal
et peu importe les malentendus, le film devrait bientdt sortir et rappelle Adolfo Arrieta, pas seulement 4 cause des ailes. Forte
magazine littéeraire
Tous les mois, un dossier consacré a un auteur ou un mouvement d’idées
Vactualité littéraire en France et a l’étranger
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MAGAZINE LITTERAIRE : 40, rue des Saints-Péres, 75007 PARIS
46 FESTIVAL DES 3 CONTINENTS A NANTES
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QUERELLE. Script original confronté au dialogue de la
version intégrale et définitive. Filo de Fassbinder. Préfacé
pat Schidor. 120 photos couleur. Broché,
7 263
ANNI DI PIOMBO. Scénario. Entretion avec M. Yon
Trotta. Préfacé par Rossana Rossanda. Broché, 192 p.
PRIX FRANCO
Glauber : un film sur fe modernisme qui se moque bien de
« faire moderne », mais interroge un espace d’histoire (les
années 20 et 80) et de géographie culturelle (les échanges
franco-brésiliens) ot l’artiste brésilien peut se poser la question
Kk kK Kaa KKK de son propre statut. Lorsqu’il s’agite, lorsqu’il crée, de qui
est-il le bouffon : de celui qui s’amuse de lui voir manger des
Librairie du Cinéma bananes et débiter des sornettes « en francais dans le texte » ?
de la lutte des classes ? ou des femmes ? Ou bient aurait-il le
24, RUE DU COLISEE 75008 PARIS droit de se divertir pour son propre compte de et au travers de
PEL
(1) 359.17.21 tout cela ? Un film ot I’on rit de bile jaune et d’espérance
verte. S.P.
LES DIX MEILLEURS FILMS
DE L’ANNEE 1982
En début d’année, la tradition l’exige, c’est le moment de la remise des prix. Voici les listes des rédacteurs des Cahiers, avec les
dix meilleurs films de l'année 1982 (plus deux inédits). Les lecteurs, plus nombreux encore que Van dernier, ont aussi fait leur
choix. A chacun de méditer sur les petites différences et sur le caractére aléatoire de ce qui est un jeu trés sérieux puisqu’il dessine,
grosso modo, fe goiit de chacun et le panorama esthétique d’une revue et de ses fidéles lecteurs.
ABRWNH
. La Vengeance est @ moi (Shohei Imamura)
. Passion (Jean-Luc Godard)
. Querelle de jardins (Raul Ruiz)
. Loin de Manhattan (Jean-Claude Biette)
WOAH
. Rich and Famous (George Cukor)
. Offre d’emploi (Jean Eustache)
. Ma premiére brasse (Luc Moullet)
10. Identification d’une femme (Michelangelo
Antonioni)
2 inédits :
Komal gandhar (Mi bémol) (Ritwik Ghatak)
Le récit extraordinaire du mont Tianyun (Xie Jin)
Serge TOUBIANA
1. Moonlighting (Jerzy Skolimowski)
2, Passion (Jean-Luc Godard)
3. White Dog (Samuel Fuller)
4, La Vengeance est @ moi (Shohei Imamura)
5, Identification d’une femme (Michelangelo
Antonioni)
6. Une chambre en ville (Jacques Demy)
9. Passion (Jean-Luc Godard) 7. E.T. (Steven Spielberg)
10. Taps (Harold Becker). 8. San Clemente (Raymond Depardon)
Films inédits : Sogni d’Oro (Nanni Moretti), 9. Trop {61, trop tard (Jean-Marie Straub et
L’Ange (Patrick Bokanowski), Daniéle Huillet)
Story of Woo Wiet (Ann Hui). 10. Le temps suspendu (Peter Gothar)
Louis SKORECKI 2 inédits :
Un film : Les trois couronnes du matelot (Raul Ruiz)
Sayat Nova (Serguei Paradjanov) L’Enfant secret (Philippe Garrel)
Cing auteurs :
Identification d’une femme (Michelangelo
Antonioni)
Loin de Manhattan (Jean-Claude Biette) LE PALMARES
Passion (Jean-Luc Godard)
Le Secret de Veronika Voss (Rainer Werner DES CAHIERS
Fassbinder)
1, Une chambre en ville (Jacques Demy)
White Dog (Samuel Fuller)
2. Moonlighting (Jerzy Skolimowski)
Télévisions :
Passion (Jean-Luc Godard)
Lettres de cinéastes (Otar Iosseliani, Jack Hazan,
4. White Dog (Samuel Fuller)
ete.).
5. Identification d’une femme (Michelangelo Anto-
Spots publicitaires (Choco BN, Céréales Banania,
nioni}
etc.).
Le Pont du nord (Jacques Rivette)
Vidéos rocks (Dire Straits, Slickaphonics, etc.).
Sayat Nova (Serguei Paradjanov)
8. Parsifal (Hans Jirgen Syberberg)
Les trois couronnes du matelot (Raul Ruiz)
10. Le Beau mariage (Eric Rohmer)
LE PALMARES
DES LECTEURS
DES CAHIERS
1. L’Etat des choses (Wim Wenders), cité 60 fois
2. Identification d’une femme (Michelangelo Anto-
nioni), cité 54 fois
3. Passion (Jean-Luc Godard), cité 52 fois
4, Une chambre en ville (Jacques Demy) cité 49 fois
5. Le beau mariage (Eric Rohmer), cité 41 fois
6. Victor Victoria (Blake Edwards) cité 32 fois
7. Hammett (Wim Wenders) cité 28 fois
8. La Maitresse du lieutenant francais (Karel Reisz)
cité 26 fois
Querelle (Rainer Werner Fassbinder) cité 26 fois
10. La Nuit de San Lorenzo (Paolo et Vittorio
Taviani) cité 23 fois
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Le catalogue Photokina 1982 est fait pour éclairer non pour éblouir: demandez-le 4 Adton
B.P. 104 Cedex - 38001 Grenoble. *Brevet Adton.
CRITIQUES
LE TERRITOIRE. 1982. Scénario et réalisation : Raul Ruiz. la civilisation discute avec son avocat les droits d’auteur de ses
Dialogues : Gilbert Adair et Raul Ruiz. Jmage ; Henri Alekan. mémoires.
Son; Joaquim Pinto et Vasco Pimentel. Montage : Valeria Mini-territoire dans le territoire : Jeffrey Kime, parti a la
Sarmiento. Musique : Jorge Arriagada. Production : Paulo recherche de secours, est entré dans une zone verte, un monde
Branco pour Pierre Cottrell et V.O. Films, au Portugal. Jnter- d’une autre qualité, insensiblement. [I] commence a se multi-
prétation: Isabelle Weingarten, Rebecca Pauly, Joeffrey plier, sa figure a se plier, s’élargir, s’allonger, se plisser, se tor-
Carey, Jeffrey Kime, Paul Getty Jr, Ethan Stone, Camila dre et repousser les herbes autour de soi comme si elles étaient
Mora, Durée | h 40. les bordures du cadre, comme si celui-ci n’était plus une fenétre
sur le monde mais se composait 4 partir d’une poussée inté-
Les Survivants, le film dans le film, le film interrompu de rieure. Voyant trois hommes manger un énorme gigot et qui
L’Etat des choses, ce nest pas seulement le Hammett, c'est semblent ne pas le voir, comme $’ils évoluaient dans un monde
aussi Le Territoire de Raul Ruiz qui finit 14 ob commence le paralléle, il passe sa main de l’autre cété de cet écran-vidéo,
film de Wim Wenders. C’est en voyant les rushes du Territoire, vole le gigot et le dévore a belles dents sous le regard scandalisé
le travail remarquable de Henri Alekan, que Wenders, de pas- des trois larrons. Nous le retrouverons par la suite assommé, la
sage au Portugal, décida d’y tourner un film, Le lieu de tour- figure ensanglantée, sans savoir s’il a été effectivement la vic-
nage, les acteurs étant les mémes, on peut légitimement consi- time d’une rixe ou si c’est [a le résultat malheureux d’une mau-
dérer L’Etat des choses comme un document sur Le Territoire vaise chute due a la privation de toute nourriture qui lui aurait
et un hommage 4 Raul Ruiz. En dépit du noir et blanc d’un fait halluciner {es trois mangeurs patibulaires. Revenu au
cété, de la couleur de l’autre, de l’originalité du style et de la camp, il mordra a belles dents de nouveau dans la chair
personnalité des deux auteurs, Ruiz et Wenders, L’Ftat des humaine préparée par Jeoffrey Carey, grand prétre improvisé
choses et Le Territoire sont plus proches l’un de !’autre qu’on dune communion noire. I] est le seul témoin de sa propre aven-
aurait pu le croire. ture. On entre par un raccourci dans Le Territoire, il a encore
Le Territoire est gros de cette fiction de L’Etat des choses, les apparences de notre monde, encore que certaines aberra-
réflexion, s’il en est besoin, entre la fiction et la réalité sociale tions ¢a et 14 en pointent l’anormalité : une poubelle en pleine
de la production d’un film. Le Territoire raconte sans doute nature, un robinet sans eau, la possibilité qu’aurait ignorée les
comment des hommes disparurent au cours d’une excursion disparus de téléphoner, cette délimitation interne qui raméne
dans la forét au Portugal et comment certains y échappérent en les captifs au pied de la méme inscription, un carré de neige,
dévorant leur prochain ; il dit aussi que si, 4 l’exception d’un, des oiseaux, des poissons morts, tout est mort dans ce monde
ils disparurent, c’est que l’existence du territoire n’est pas tant qui semble n’étre qu’un décor-vidéo, on il ne serait possible de
du ressort de la géographie, qu’il n’appartient au temps ou participer que visuellement, simulacre incomplet, comme le
qu'il n’est un effet du langage. Il est gros d’un récit, il est chat mangeur de chats du Toit de fa baleine, de méme qu’a la
Pespace d’une fiction, sa rigoureuse délimitation, comme une solidité du mur de la chambre ou se projetait ’ombre géante
scéne de théatre, et c’est bien pourquoi il est si difficile A ceux des parents a succédé la toile transparente et molle des tentes.
qui le traversent d’en sortir — et peut-étre méme impossible. Ce monde n’est peut-étre qu’une mauvaise blague vidéo dont
Il n’y aura qu’un survivant A cette excursion de touristes les habitants seraient prisonniers, comme le réfugié de L ’Inven-
américains inspirée librement de la catastrophe aérienne surve- tion de Morel.
nue dans la Cordillére des Andes, il y a quelques années. Les personnages des films de Ruiz sont un peu comme les
Voyage au bout de l’enfer : retourner dans ce territoire comme héros dickiens (Au bout du fabyrinthej, avec un méme
le font l’enfant et le débile a la fin du film est aller 4 la mort, humour, une méme poésie surréaliste : le cadre de l’action sem-
rentrer dans son royaume comme l’indique la derniére image, ble évident, puis quelque chose se féle, les protagonistes s’atta~
une téte de mort brillant du feu de mille étoiles dans la nuit, Ce chent alors a poursuivre obsessionnellement une manie qui leur
territoire a un nom : une utopie, une fiction territoriale de la est propre, qui les marginalise et les coupe toujours plus du
société échappée au mouvement de I’histoire, avec sa condition monde extérieur. Il s’ensuit autant de mondes qu'il y a de
nécessaire et suffisante : pour que ce paradis soit fondé, il suf- folies, autant d’inventions du mondes que de délires indivi-
fit qu’un homme en soit revenu dans le monde des hommes duels et Pimage globale d’un univers qui n’est plus que la
pour les y mener, Paul Getty III, le stalker dévoré du début, ou synthése bancale d’une somme de projections hétérogénes. La
Rebecca Pauly, l’heureuse rescapée, qui a peine de retour dans dégradation des rapports sociaux dans Le Territoire ne s’opére
i. Lie: bpm
% 2s
Le Territoire de Raoul Ruiz
pas, comme, par exemple, dans L’Ange exterminateur par le fait de son fils un hérétique 4 moins que celui-ci ne soit Dieu
déréglement d’un rituel collectif, commun 4 tous et englobant, revenu dans les sentiers de sa création. Les secours découvrent
mais par un dysfonctionnement du langage qui ne communi- un étrange rituel : Ie couteau 4 la main, avec la couverture
que plus, ne lie plus : quand il tente de tuer Jeffrey Kime, Jeof- blanche dont ils ont recouverte comme d’une toge antique,
frey Carey et Rebecca Pauly n’entendent plus ce qu’ils se Rebecca Pauly a tout d’une druidesse celte s’apprétant a sacri-
disent, ils semblent étre 4 des années-lumiére 1|’un de |’ autre. fier le pauvre hére devant elle 4 quelque obscure divinité. Si les
Les secours atrivent quand parler est quasiment devenu une secours sont encore plus inquiétants que I’étrange cérémonie, le
impossibilité pratique, qu’il n’y a plus qu’un débile pour drame qu’ils interrompent, c’est que cette libération du terri-
répondre, c’est-a-dire n’étre que l’écho des paroles de Rebecca toire — son occupation — est le succés d’une opération mili-
Pauly, étape finale du cursus entamé par chacun. taire, de l’assomption du neutre et son triomphe sur une société
Rebecca Pauly peut dire que le paradis existe, méme s’il n’est civile déchirée.
pas ce qu’on croit, qu’elle l’a rencontré et qu’il est le lieu d’une Le Territoire reléve de cette tradition littéraire des contes
terrible extermination de l’homme par Phomme. Seul I’enfant fantastiques que sont les récits de yoyageurs, de ces mondes
qui nie l’autorité des hommes ou le débile, qui se situe délibéré- fabuleux, étranges, surnaturels, pures fictions puisqwils ne
ment hors du langage, peuvent accepter la régle du territoire en nous sont accessibles que par le texte, par le récit dans un ail-
se proclamant Dieu ou élu par lui. Que Putopie du territoire leurs qui est 4 la fois de temps (passé) et d’espace, invérifia-
soit noire ici importe peu : son contenu réel se dévoile sous ble... Comme il est dit dans Les trois couronnes du matelot :
Vidéal. Aucune utopie n’a été créée durablement, aucune n’a un bateau dont tous les hommes de l’équipage seraient morts
jamais su résister aux pressions de l’organisation sociale et aux sauf un, tel est le point de départ de toute fiction.
impulsions des hommes. D’ailleurs qu’une utopie dure et ce Depuis Schoedsack et Cooper jusqu’a Week-end de Godard
serait, avec la fin de l’histoire, la fin de l’espéce, le scénario ou La Voie Lactée de Bunuel, du Japon d’Anatahan au Viet-
cannibale de Pange exterminateur, Le Territoire précisément. nam d’Apocalypse now ou a la Sibérie du Stalker, le voyage,
Si les hommes n’y survivent pas, pas plus que les oiseaux, les l’exploration est un théme classique du cinéma, une forme dra-
poissons, etc., c’est bien parce que ce territoire, fait pour les matique en accord avec le mouvement cinématographique, qui,
dieux, n’est pas fait pour eux. Jeoffrey Carey se découvre une 4 Pére de la guerre des étoiles, revient en force. Raconter une
vocation de Messie, et dans sa folie croit bient6t plus a une histoire, c’est faire un voyage, dire comment on est allé d’un
fonction magique, rédemptrice d’une communion sanglante point A un autre, ce qui s’est passé entre, décrire l’itinéraire.
qu’a un cannibalisme passager mi par le désespoir et l’instinct Ces collines, ces bois, cette inscription sur laquelle l’équipe
de conservation. Il excommunie Isabelle Weingarten parce retombe toujours, l’autoroute qui finit dans une mare, la sen-
qu’elle préfére mourir plutdt que mangers de la chair fraiche, sation d’éire toujours au méme endroit, suggérent assurément
54
Pidée d’un labyrinthe ; pourtant, cette impression est moins sation par leur excés, leur décalage, et Ruiz a toujours su
forte que dans Le Jeu de l’Oie ou Le Pont du Nord de Rivette. appuyer sa mise en scéne sur cette réversibilité des apparences
Le spectateur est plus sensible a ce qui arrive sur ce territoire et des contenus. Surtout en concentrant tout son effort sur le
qu’ ce qui s’y répéte. Le Territoire est sans doute un film iné- forme du récit, Le Territoire inaugure un nouveau cycle de
gal, avec des acteurs parfois trop complaisants, mais filmer Ie longs-métrages, premier essai qui sera transformé avec Le Toit
terrain méme de la fiction préserve des traits trop caricaturaux de la baleine et Les trois couronnes du matelot.
du récit ou du jeu, ceux-ci peuvent méme renforcer la dramati- Yann Lardeau
L’HISTOIRE EN DOLBY
- ve * ws
Gérard Depardieu (Georges Danton) et Patrice Chéreau (Camille Desmoulins)
et sauve le film de ce cété « Mallet et Isaac en situation » dont directives de auteur), romantique et inspiré, jouant a la fois
on a montré quelque apercu auparavant. comme Antonin Artaud et Robert Le Vigan, puisant ses effets
Mais ce méme Robespierre (Wojciech Pszoniak), autant on dans une scénographie muette, prononcant toujours des phra-
le sent intelligent quand il est théAtral, filmé en gros plan, en ses courtes qu’on imagine trés bien transcrites illico sur des car-
train de réfléchir en Iui-méme, grand malade, politicien génial tons au banc-titre, autant ces deux-lA sont géniaux, donc,
et jusqu’au boutiste, autant if est grotesque parce qu’atroce- autant Robespierre dont l’intelligence du réle est capitale ici,
ment doublé, dans la grande scéne od il est censé retourner la est lourdement théatral, télévisuel, digne de La caméra explore
Chambre contre Danton et ses amis accusés d’une pseudo cons- Je temps.
piration. II y a dans cette séquence un grand mystére : com- Cette opposition renvoie 4 une ligne de partage cinéma
Ment un acteur aussi pew convaincant peut-il faire basculer muet/thédtre qui est de fait une formation de compromis dont
quelques centaines de représentants du Peuple, au départ hosti- n’a pas su se sortir auteur du film. D’un cété une vélléité
les et acquis corps et Ames 4 l’honnéte Danton ? Il y a une d’étre un minimum visionnaire et de puiser quelques effets
réponse possible si l’on se dit que le film a déja pris parti pour dans la rhétorique du muet (quelques scénes de foule, Desmou-
Danton contre Robespierre. Mais cette scéne, logiquement, je lins, la séquence presque silencieuse du faux repas entre Robes-
veux dire du point de vue de la Iogique du cinéma, qui n’est pas pierre et Danton), de I’autre ’omniprésence d’un projet ciné-
toujours celle du parti idéologique ou de Paffection pour telle matographique qui veut tirer sa force du discours, en forgant
ou telle figure, aurait di nous montrer un Robespierre au les personnages 4 formuler et le texte et le sens qu’aujourd’ hui
mieux de sa forme, charismatique 4 souhait, et génial manipu- il peut avoir, par dela l’Histoire et la légende, en présupposant
lateur de foule. Or, nous le voyons théatral et ennuyeux. que, dans notre contexte, il y ait 4 y saisir un quelconque mes-
Sans doute Wajda n’a pas su trancher, dans sa double réfé- sage. Une ligne de partage done entre la générosité, voire la
rence hésitante au cinéma muet (Abel Gance est ici souvent en « gratuité » des images muettes d’un cinéma visionnaire et
premiére ligne} et au theatre. Autant Depardieu réussit-il a Yefficacité un peu tapageuse, théatrale qui a toujours été quel-
emphatiser 4 merveille, 4 accompagner son texte de gestes, a que peu la marque du cinéma d’Andrzej Wajda. Danton nous
donner de I’écho a sa parole, comme a I’époque du muet ou les fait regretter le cinéma rapide, quasi documentaire, filme a la
grands acteurs jouaient des effets de robe, autant Patrice Ché- truelle, pas toujours élégant mais plus vrai 4 l’ceuvre dans ses
reau est formidable en Camille Desmoulins roulant des yeux ceuvres précédentes.
sans cesse vers le hors-champ (comme s’il espérait quelques Serge Toubiana
NOTES SUR D’AUTRES FILMS
LA BOUM N° 2 de Claude Pinoteau (France 1982) discours sucrés, Brigitte Fossey réussit le tour de
avec Claude Brasseur, Brigitte Fossey, Denise Grey, force de faire moins « femme » que dans Jeux
Sophie Marceau, Pierre Cosso, Alexandra Gonin. Interdits, puisqu’elle se contente d’étre une photo-
graphie réciteuse de conseils de vie dans le premier
Ce film est proche de labjection, ce qui est tout magazine venu, conseils anonymes et méme pas
de méme trop. Une abjection simple, ordinaire, sentimentaux ! Brasseur, lui, est chargé de toutes
bien francaise. Une abjection sans prétention, au les gracieusetés de Ia société francaise : brutalité et
quotidien, faite de passivité, d’acceptation imbécile connerie, racisme allégre (la séquence marocaine,
de tout, de racisme élémentaire, et de la crétinerie la moins dépaysante qu’un bref passage derriére la
plus satisfaite qu’on puisse imaginer. Gare de Lyon, le voit, hilare, comparer la dentition
C’est une histoire de vieux. Une jeune fille grasse d’un chameau et d’un arabe, ce qu’il faut tout de
(Sophie Marceau, ]’idéal de toute famille bour- méme faire), et autres légéretés de script. On sent
geoise, puisque, béte a pleurer, elle est, par 1a- que toute l’attention des auteurs a constitud a faire
méme, au-dessus de fout soupcon, avoue tout ce ressortir, avec une rare évidence, que le pére en
qu’on veut lui faire dire, et fait tout ce qu’on peut pince pour sa fille, qu’il est jaloux de ses petits
réver lui voir faire, en premier lieu : rien), aimée de amoureux, ce qui monire une ouverture somme
toute sa famille, mais comprise surtout de son toute progressiste aux idées encore subversives du
arriére-grand-mére (je ne mens pas), hésite entre Docteur Freud. J’en connais, tout prés de Paris
plusieurs gargons, se trompe, re-hésite, manque de (pas besoin d’aller en Province), qui vont frémir de
perdre sa virginité mais, par un beau coup de scéna- tant d’audace.
rio, la garde in extremis, ce qui permet d’attendre, A part ca, que dire du filmage ? Quand tout le tra-
pantelant, qu’elle veuille bien tenter de la perdre vail (bien sOr qu’il y en a) consiste 4 faire tenir
dans /a Boum 3. Sinon, elle risque de devenir ensemble une famille assez creuse et assez toc pour
encore plus grosse, et on sait que Jes vieilles filles que d’autres familles frangaises veuillent bien s’y
grosses ne trouvent, hélas, que rarement 4 se reconnaitre, quand des acteurs de relatif talent se
marier. prétent A une mascarade qui le leur enléve tout 4
A part ca, dans la salle, on entend surtout souffler, fait, puisqu’ils réussissent 4 n’exister ni en tant
jouir, rire, les parents et grand-parents venus qu’acteurs, ni en tant que personnages, quand le
accompagner la marmaille boutonneuse: ¢a les cynisme remplace totalement le talent ou la sincé-
excite, ces histoires de jeunes culs occupés 4 se faire rité, que reste-t-il de ce que d’aucuns appellent
pan-pan, comme au bon temps du talc, a se lorgner encore la mise en scéne ? Une photo correcte de
dans les surboums d’avant-guerre, et 4 se préparer 4 Séchan et un montage, heureusement nerveux, de
faire comme papa-maman. Surtout Papa. Maman, Yoyotie. Au nom de Pinoteau/Thompson, je dis
épargnée par un féminisme de bon ton (un fémi- metci aux techniciens de La Boum 2: pour faire
nisme « chiraquien »), est exempte de toute faute tenir ca, pour que cet amalgame de sucrasseries
et, mise 4 part sa participation totalement incrédi- post-synchronisées et creuses jusqu’a l’écoeurement
ble 4 un dessin animé de création tout public, elle ressemble, finalement, tant bien que mal, a un film,
est carrément exempte de tout : ombre béate et il a dt en falloir du talent. Misons francais.
fugitive, petite femme comme il faut, réciteuse de L.S.
BRISBY et le secret de Nimh de Don Bluth (USA décor lui-méme inextricable. Enfin, on y touve une
1982) film d’animation dirigé par Don BLuth, John trés bizarre, et imprévisible oscillation, dans la con-
Pomeroy et Gary Goldman. ception des personnages, entre lanthropomor-
phisme habituel, et l’animalité la plus documen-
Commie on sait, ce long métrage d’animation est faire, la plus anonyme. C’est d’ailleurs le sujet
Tceuvre de dissidents de chez Walt Disney, qui ont méme du film, une histoire assez glauque de rats
voulu revenir aux vieilles techniques de la maison : mutants. On voit ainsi certains personnages agir et
et il y a en effet de quoi étre stupéfié par le foison- se battre en humains, et mourir — mourir vrai-
nement des décors, la prodigalité inhabituelle de ment — comme des animaux qu’ils sont, avec des
animation. Seulement, fes personnages, gros plans de cadavres assez réalistes (cf aussi la
Vambiance, la trame (inspirée par un roman pour scéne des expériences médicales). Il y a 14 un imagi-
enfants) portent bien la trace du présent: il y a naire assez trouble qui se plait 4 une certaine confu-
d’abord une touche « heroic fantasy », avec des sion entre ’humain et animal, et qui joue de
enchanteurs, de la sorcellerie, et surtout une maniére constante sur l’indécidable et Pinnomma-
ambiance trés nocturne, on peut méme dire « noc- ble, avec une complaisance par rapport a laquelle
turnatre », ot les personnages, d’un dessin déja les cruautés et les terreurs des vieux Walt Disney
passablement emberlificoté se fondent dans un semblent limpides comme de l’eau deroche. M.C.
5T
DINER de Barry Levinson (USA 1982) avec Steve au ciné? C’est bien, le mariage ? Quand est-ce
Guttenberg, Daniel Stern, Mickey Rourke, Kevin qu’on mange ? Quand est-ce qu’on baise ?
Bacon, Timothy Daly, Ellen Barkin. Ca se passe a Baltimore, fin 59. Ca met en scéne des
adolescents attardés qui ont un mal fou 4 passer 4
Qui a gagné le match ? On va au restau ? Tu l’as VPage adulte. La nostalgie favorise les pires facilités,
pelotée ? Jusqu’ot ? Tu aimes Sinatra? On se mais n’excuse rien: ¢a n’est hélas ni Georgia, ni
marie en jaune ou en bleu ? Ii est comment ce sand- The last picture show, mais Diner, alias Américan-
wich ? Tu paries qu’elle me touche la queue ce soir touche-pipi. ALP.
DOCTEURS IN LOVE de Garry Marshall (USA fove ne décolle pas de la méme facon, on reste tou-
1982) avec Michael McKean, Sean Young, Hector jours plus ou moins au ras des situations, au ras des
Elizondo, Harry Dean Stanton. corps, si l’on peut dire. On y remarque cependant
Vhumour discret de Sean Young, la belle répli-
De toute évidence, Docteurs in love veut étre au quante de Blade Runner, dans un réle assez passif
mélodrame médical ce que Airplane (¥-a-til un pilote qui ne Iui laisse pas beaucoup de champ, et la pré-
dans Vavion ?) était au film-catastrophe, dont il sence attachante de Harry Dean Stanton, devenu
avait d’ailleurs marqué la fin (peut-étre provi- évidemment, aprés Alien, Escape from New-York,
soire) : une parodie, et en méme temps, une sorte de One from the Neart et d’autres films, /e second réle
somme thématique. A partir de !a, on peut jouer a américain en personne & Iui tout seul. Dans un
qui préfére lequel. Airplane avait ce charme supplé- cinéma qui comme on le sait pullule d’excellents
mentaire que le rire y débouchait souvent, naturel- seconds réles, i] conserve a cette fonction son cdté
lement, sur une certaine poésie des situations absur- amical et pittoresque, 4 la maniére de feu Walter
des et des maquettes. Hépital oblige, Docteurs in Brennan. M.C.
MUTANT de Allan Holzman (USA, New World mais elles fon? moins bien. Le film Ie sait. Mais on
Pictures 1982) avec Jesse Vint, June Chadwick, préfére une mauvaise copie, quitte 4 ce que la diffé-
Linden Chiles, Dawn Dunlap. rence saute aux yeux (elle est du type Spiderman/
Superman), pourvu que la série B emboite le pas 4
Tl ne se passe plus grand chose du cété de chez tout ce qui marche par le haut. Tout Mutant fonc-
« New World », la maison Corman, Pas de réel tionne au rabais et a cette idée de rabaissement. II
projet de production derrigre Mutant mais la traine sans vergogne dans le sillage d’Alien,
paresse satisfaisante d’un calculateur modeste. Fini ramasse les restes (voila pour l’esthétique) et récolte
le temps ot un petit film (... de Corman), vite fait et la part du gateau (cété production). La Galaxie de
bien fait, savait imposer son style, s’inventait un fa terreur de Bruce Clark, autre produit « New
ton, une maniére unique de composer un récit. Les World » (quoique plus inventif et beaucoup mieux
grasses machines, ces nouvelles séries B. gonflées, fichu que celui-la), nous a déja familiarisé avec ce
ont depuis modifié les données. Les expérimenta- créneau de la S. F. horrifique, une sorte d’Alien
tions, les innovations techniques, tout passe par 1a. revisité par Fulci. L’humour en plus. Car Mutant
On a alors beau jeu de dire que ce sont les moyens confirme ce qu’on soupgonnait déja. Un cinéaste
(les cofits en données brutes des Effets Spéciaux) « New World » n’apprend pas 4 faire de bons films
qui font la différence. Parfois vrai. Parfois — trop avec des moyens limités, il apprend avant tout 4 ne
souvent — un alibi. Ce quia bien changé, de Cor- pas trop se prendre au sérieux. Ce qui permet 4
man réalisateur 4 Corman producteur, ce soni des Allan Holzman de s’en tirer avec une élégance
films qui autrefois trouvaient immédiatement leur maligne (il est le premier spectateur a ne pas du tout
régime et géraient de maniére autonome (et riche) croire au film) mais ne saurait sauver le film et le
leur pauvreté et des films qui aujourd’hui affichent projet de leur franche médiocrité. Car le pro-
d’abord leur manque de moyens et inscrivent ainsi gramme Corman, aussi démissionnaire soit-il, est
de maniére négative leur dépendance vis-a-vis de celui d’un mitant : trouver, a partir de son manque
machines plus importantes. Dans Mutant, les de moyens, les moyens d’en rire. La formule n’est
machoires du monstre font penser a Alien et 4 Jaws pas encore au point. CT.
PLUS BEAU QUE MOI TU MEURS.de Philippe Pautre séducteur de troisigme zone, tous deux inter-
Clair (France 1982) avec Aldo Maccione, Raymond prétés par le rigolo numéro un du film « Z », Aldo
Pellegrin, Philippe Clair, Maureen Kerwin. Maccione, la réalisation est anonyme, et pourtant,
le charme opére, on rit beaucoup. A quoi cela
Philippe Clair avait réalisé, il y a une quinzaine tient-il ? La réponse est simple, il y a un sujet. Aussi
d’années, un film hilarant, et trés inventif, sur une lourdingue soit la batterie d’effets, les gags portent,
bande de copains qui débarquaient d’Oran 4 Paris, et s’ils portent, c’est qu’ils sont chargés de sens.
bien décidés 4 draguer tout ce qui ressemble de prés Ainsi, il ne suffit pas de faire se déchainer de joyeux
ou de loin 4 une femme. Sir, ce n’était pas du meil- drilles 4 accent pied-noir au milieu de jolies filles
leur gofit, mais quand on sait que le cinéma francais pour que ca provoque automatiquement le rire. II
« de qualité » étouffe littéralement sous le bon gofit faut plus. Et ce plus c’est le sujet.
(culturel, convenu) on en vient, pourquoi pas, 4 Le véritable sujet du film, c’est I’histoire de deux
attendre quelque chose de plus réjouissant du cété gus qui prennent leurs désirs pour des réalités. Et
de la vulgarité bien francaise du film fauché de qui s’en mordent les doigts. Ce n’est donc nulle-
série, du mauvais got en un mot. Plus beau que ment un hasard si la satire la plus violente, la charge
moi tu meurs n’a rien d’un chef-d’ceuvre, mais c’est ja plus féroce, s’exercent sur les représentants de
une bonne farce, un film ou la sauce prend plus Pautorité ou de la bourgeoisie friquée. II y a une
d’une fois, méme si, le film de Philippe Clair n’a véritable agressivité, une haine réelle, 4 l’encontre
pas que des qualités ! Il est souvent répétif, mala- des riches parvenus qui se dorent au soleil 4 ne rien
droit, pas abouti. faire. Une haine qui fait la force de la fable : on ne
Le prétexte est hyper mince : deux jumeaux sont rit vraiment que de ce qu’on hait.
lachés en plein quiproquo tunisien, l'un prétre, LS.
LE PREMIER JOUR de Uziel Pérés (1982) avec latent, le représentant fortuit d’une haine pour la
Gila Almagor, Yeftah Katzour, Hanan Goldblatt, meére qui, dans la famille, circule de proche en pro-
Ori Levy, Debby Hess. che en attendant son heure. Dés le départ, une
alliance est donnée du pére et des enfants, contre la
Premier amour de Uziel Pérés appartient 4 une mére, pendant son absence et sur le mode des pré-
série de sept comédies dramatiques ou mélodrames paratifs d’un cadeau, sans doute, mais ce type de
qu’entend réaliser Uziel Pérés, a la fagon des comé- relation est inversible en poison: la derniére
dies et proverbes de Rohmer. Dans ce numéro trois séquence nous raméne 4 la premiére, la réunion du
de la série, il n’a voulu que raconter une histoire, pére et des enfants, cette fois, autour du cadavre de
seulement, sans décors, sans théatralité, sans fiori- la mére.
ture, sans divertissement ni détour par humour, se Dans ce récit d’un reproche étouffé, inassouvi, qui
réservant ces ingrédiens pour des réalisations ulté- se transmet du pére au fils et du fils 4 la sceur, cha-
tieures, afin de maitriser au plus prés la technique cun est filmé également, avec ses qualités et ses
du récit. défauts, ses erreurs et ses défaillances, il n’y a pas
Zila a quarante ans. Ses enfants et son mari lui ont de péle véritablement négatif, 41a jalousie maladive
préparé en secret une petite féte, cadeaux et diner. et catastrophique méme si le fils occupe une place
On sonne : c’est Isaac son premier amant, qui s’est privilégiée de tiers exclu a la jalousie maladive et
souvenu de sa date d’anniversaire et, vingt ans catastrophique. Mais la justesse des notations
aprés, aime toujours. Cette intrusion va détruire psychologiques aboutit 4 une répartition des réles,
Vunion apparemment solide d*une famille. Chacun une étude de cas exemplaire dans sa réalisation et,
de ses membres va entrer en conflit ouvert avec les cependant, tout a fait classique des fictions cinéma-
autres et accélérer le mouvement vers le drame tographiques d’Etat ou des dramatiques de télévi-
final, En quelques jours, vingt ans de mariage tom- sion, rappelant Saura. II y a tout lieu de suivre de
bent a néant, comme s’ils n’avaient jamais existé, prés cette série, Human error, ot: Pérés projette une
comme si ce n’était déja que de lointains souvenirs, maitrise et une mise en scéne progressives des com-
nostalgiques comme l’attitude du pére, sa conduite posantes de la fabrication d’un film. Premier
avec sa femme, comme ses gestes. Comme si la amour, parce qu’il n’y a que le scénario a visualiser,
venue d’Isaac n’était que le symptéme d’un conflit garde un peu la raideur de V’exercice de style. Y.L.
QUE LES GROS SALAIRES LEVENT LE « Affaires étrangéres » (Une étrange affaire). On
DOIGT !!! de Denys Granier-Deferre (France reste donc en famille, et il semble bien qu’il ne soit
1982) avec Jean Poiret, Michel Piccoli, Daniel pas facile d’étre fils de cinéaste. Car Que les gros
Auteuil, Marie Laforét, Francois Perrot. salaires lévent le doigt (ou comment un patron vire
Etrange situation que celle de Denys Granier- avec préméditation quatre de ses cadres au cours
Deferre, qui pour son premier film adapte un @un week-end truqué, faussement convivial) est
roman de Jean-Marc Roberts, dont Granier- aussi une histoire de pouvoir, de fils 4 garder ou 4
Deferre pére avait déja porté a Vécran éjecter. Le passage de Michel Piccoli, d’un film 2
SUR D'AUTRES FILMS 59
Pautre, du diable au diablotin, est 14 pour témoi- méme pas Ja chance de transformer la nullité de leur
gner que la passation du droit a faire du cinéma va personnage sinon en performance, du moins en bon
de pair avec une déperdition de pouvoir, dont travail de comédien (une exception pour Francois
Vindex phallique dressé sur l’affiche essaye vaine- Perrot, trés bien une fois de plus). Confronté 4 son
ment d’étre la revanche symbolique. incapacité 4 faire de abjection un vrai moteur scé-
Voila pour l’affaire Deferre pére-fils, bien plus inté- narique (les rebondissements escomptés des rencon-
ressante que le film lui-méme, dont le sujet aurait tres Piccoli-Poiret-Auteuil ne prennent pas), c’est le
pour le moins exigé une charge 4 la Mocky : |’exhi- film Iui-méme qui devient fonciérement antipathi-
bition, pendant la quasi totalité du film, que. Pris dans cette gangue, méme |’humour tombe
d’employés petits et gros rampant devant leur a plat. Comme le film semble n’avoir ciblé personne
patron, ne parvient jamais a la cruauté fertile, ni (on voit mal comment petits ou gros salaires pour-
méme a la simple satire, que le sujet appelait. II faut raient adhérer a l’image répulsive qui y est donnée
&re, on le sait, un cinéaste trés fort pour affronter des uns et des autres) la seule issue possible est
un film dont fous les personnages soient antipathi- Pidentification au patron, vainqueur sur toute la
ques, pour que l’accumulation de bassesses et de ligne, et dont le dernier plan du film (il compte aussi
vulgarité débouche sur une perception tonifiante du virer les petits) annonce une prochaine victoire : les
film. Ce n’est pas le cas ici, ot on souffre pour histoires de padre-padrane tournent décidément
tous ces seconds réles auxquels le film n’accorde mal. A.P.
LA RIVIERE DE BOUE de Kohei Oguri (Japon chi survit en se prostituant, laissant ses enfants seuls
1981) avec Nobukata Asahara, Takahiro Tamura, dans le monde, habitant 4 Varriére du bateau une
Yumiko Fujita, Minoru Sakurai, Mariko Shibata. chambre qu’elle ne quitte jamais. Le jour of il
découvre son activité, Nobuo cese de voir Kiichi. Ce
Le noir et blanc de la photographie de Shohei contrechamp furtif de l’amitié des deux garcons, ce
Ando est incontestablement magnifique, mais il dis- point aveugle de la mise en scéne est évidemment un
simule mal la miévrerie de cette amitié entre deux des pdles forts de la dramaturgie, pour ne pas dire
enfants, hors des classes sociales et des préjugés de son enjeu principal, mais il est peu développé, la
la morale. L’innocence de Nobuo et de Kiichi ne représentation de la camaraderie des deux enfants
rencontre pas d’adversité, elle n’a pas de but hors protége du déploiement de ce théme, et aseptise le
d’elle-méme. film. Une procession de bateaux, une féte foraine,
La riviére de boue, c’est d’abord un décor a la une fugue du pére de Nobuo, une carpe géante, etc.
Simenon. Les parents de Nobuo sont propriétaires — toute la vie du quartier est au rythme de l’eau. Ce
Ces notes ont été rédigées par d’une gargotte ot les mariniers du canal voisin vien- sont les berges, le restaurant, le pont, les bateaux
Olivier Assayas, Michel Chion, nent déjeuner 4 toute heure. Kiichi et sa sceur vivent accostés, qui ont retenu l’atiention du cinéaste plus
Yann Lardeau, Alain Philippon, avec leur mére sur un bateau venu s’accoster prés de que la relation des deux enfants trop schématique,
Louis Skorecki, Charles Tesson. la. Depuis la disparition de leur pére, la mére de Kii- trop oécuménique. Y.L.
AUTEURS
David ALPER Photo ; Entretien avec Bernard Plossu 341/XI1 La falle histoire du monde 333/63
Entretien avec Jean-Louis Rubin Entretien avec René Belletta 341/XIV Le Prince de New York 333/65
Fox International) 3334-35740 TWdentification d'une femme : L'exercice Chronique du son : Les maillons
Olivier ASSAYAS et la répétition 342/8 les plus faibles 333/X11
Entretien avec Vincent Price 331/13 Le Havre acclame Napotéon 3423/1 Absence de matice 334-35/118
Variétés 33U/Vid Jean-Claude BIETTE Bandits, bandits 336/50
Entretien avec Peter Bogdanovich. 334-35/20 Trop tét, trop tard : Le cinéma Les Maitres du temps 336/55
Entretien avec Jon Davison 334-35/36 se rapproche de la terre 332/6 Boulevard des assassins 336/55
Entretien avec Francis Ford Cappota 334-35/42 Allan Dwan ; Je cinéma nature 332/21 Meurire au soleil 336/55
Entretien avec Manny Farber 334-35/54 Entretien avec Claude Chabrol 339/5 Wolfen 336/56
Entretien avec Budd Boetticher 334-35/66 Marie BINET-BOUTELOUP Rencontre cinéma et histoire 4 Valence 336/V1
L’esprit de Belize 334-35/97 Eric Rohmer tourne Le Beau mariage 332/35 Chronique du son : Paris vu par losseliani 336/1X
Entretien avec Douglas Trumbull 334-35/102 Lise BLOCH-MORHANGE Entretien avec Milos Forman 337/22
Taps 334-35/114 Entretien avec Karel Reisz 332/111 Question de dramaturgie : L"hystéric du facteur 337/32
Conan 334-35/121 Entretien avec Wim Wenders 332/VIL Portraits pour treize acteurs 337/68
Le showscan 334-35/107 La transformation d’Hollywood 334-35/32, Festival de Cannes : Semaine de la critique 338/26
Les catacombes d’Hollywood 334-35/109 Portrait de Bill Immerman, Parsifat :L’Aveu 338/53
L’histoire de l’hommage producteur 334-35/36 Shoot the Moon 338/66
au cinéaste important (Tohn Cassavetes) 334-35/113 Entretien avec Jean-Louis Rubin Skinoussa 338/66
La remise des Oscars 1982 334-35/1 {Fox international} 334-3540 Entretien avec Patrick Bokanowski 338/111
Jean-Pierre Mocky, un auteur artisan 336/30 Entretien avec Francis Ford Coppola 334-3542 Chronique du son : Le son lumiére 338/XI
Entretien avec Jean-Pierre Mocky 336/31 Entretien avec Frederic Forrest 337/65 Livre ; « Les conquérants d’un nouveau monde » 338/XV
Conversa Acabada 336/46 Entretien avec Nathaniel Kwit Livre : « Fritz Lang » 338/XV
Entretien avec Harold Becker 336/111 (U.A. Classics) 338/11 Cabaret 339/58
Entretien avec Emilio Fernandez 336/V1 Pascal BONITZER The Walt 339/62
Notes sur l’espace américain : Ragtime 331/44 Chronique du son : Entretien
La ligne de fuite perdue 337/28 La Guerre Pun seul homme : avec Georges Prat 339/1X.
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Entretien avec Frederic Forrest 337/65 Entretien avec Edgardo Cozarinsky 333/15 Les cadavres ne portent pas de costards 340/64
Entretien avec John Carpenter 339/15 Lettres d'amour en Somalie 336/41 Chronique du son : Entretien
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Entretien avec Ridley Scott 339/VI1 Un certain regard 338/22 Télévision : Chéreau/Wagner 340/XH
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Photo : Festival d’ Arles 346/V1 Blow out 333/54 Entretien avec Michelangelo Antonioni 342/5
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Polenta 341/54 Deux filles au tupis 333/62 etla précipitadion BV
61
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« Le regard de Buster Keaton » 338/XIV One + One 333/60 Ubn a Vuniversité : Saint-Denis,
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Entretien avec Agnés Varda 334-35/XI11 Les journées cinématagraphiques d’Amiens 336/VIL Vincent OSTRIA,
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Parsifal : La préhistoire du cinéma 338/51
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Festival de Luchon 339/X L'Homme atlantique 331/47
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Wolf Vostell, le grand trauma 332/24 Livre : « La télévision otdinaire L’Amour des femmes 332/62
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Vidéo : Ashley, le magnifique ;
Cinéma noir indépendant américain. 340/48 Maman tres chére 332/64
Sanborn, l’éblonissant 332/XIL Rétrospective Boris Barnet Télévision : « Droit de réponse » 332/V
Entretien avec John Cage 334-35/V 4 La Rochelle 341/35 Sur deux téléfilms : Question de tempo 332/VI
HD-TV ou HD-VS 334-35/112 Douce enquéte sur la violence 341/53 Entretien avec Jean-Louis Comolli 333/23
Bob Wilson : Loin de Koulechoy 336/11 La Femme tatouée 341/54 La Maitresse du lieutenant francais 333/51
Entretien avec Bob Wilson 336/11 New York 42¢ rue 341/54 Dernier caprice 333/59
New York : Turbulences bien tempérées 337/88 341/V
Festival de La Chapelle en Vercors Le grand pardon 333/64
Vidéo : Vidéo Saone, vidéo/Rhéne 338/XI1 La Vengeance est & moi 342/47 Entretien avec Yves Laumet 336/25
Vidéo ; Lyon ; Fluctuat sed mergitur 339/XI1 Wanda 342/49 La Maman et la putain 336/39
Vidéo ; Les riches heures 342/56
Maman Ixe, Maman Que man Guy de Maupassant 336/51
de Télé-Saugeais 340/TX Alexandre ie grand 342/57 Carny 336/54
Nam June Paik et Shigeko Kubota : Une semaine de cinéma frangais La Guerillera 336/55
Derniére analogie avant le digital 341/28 4 Naples 342/X Pixote 336/56
Vidéo + Festival de San Sebastian 341/X1 Rétrospective de cinéma Festival de Cannes :
Vidéo : En attendant le pére-Noél 342/XI1 et célévision publicitaire 342/X Semaine de Ja critique 338/26
Fabio FERZETTI Livre : « Dans la main de l’ange » 342/XV Mourir & trente ans 338/63
Festival de Salsommaggiore 338/V4 Alain LASFARGUES Le Retour de Martin Guerre 338/66
Festival de Venise 341/39 Rétrospective 4 Beaubourg : Hitchcock en 3D a]’Action Christine 338/IV
Samuel FULLER 10 ans de t ion américaine 331/39 Blade Runner 339/57
White Dog : Fuller mis au défi Serge LE PERON The French 339/62
par l’avocat du diable 334-35/76 La Guerre du feu 331/46 Enquéte sur la formation des comédiens 339/01
Barbara FRANK Pologne, la peau de l'histoire BVI Entretien avec Serge Rousseau, Sabine Haudepin,
Entretien avec Jessica Lange 337/60 Colloque cinéma et télévision Niels Arestrup 339/1H
4 Orléans 331/V1 Télévision : Cinéma sans visa 339/XI1
Laurence GAVRON 331/V11
Media, fictions spéciales Livre ; « Le cinéma italien parle » 339/XIV
Entretien avec Russ Meyer 341/V1 Popeye 332/54 Coup de coeur 340/59
Jean-Pierre GORIN 332/V1
Media, fictions spéciales Festival d'Avignon 340/1V
Entretien avec Manny Farber 334-35/54 332/V10
Impressions ramaines Entretien avec Chamtal Akerman 341/19
Festival de Beifort 332/1X Toute une nuit : Nuit torride 341/24
Jean-Jacques HENRY
Entretien avec Manny Farber 334-35/54 Festival de Hyéres 341/1
Jean-Luc Godard : Recette pour la passion 336/15 Détour par San Francisco : Le retour de Patrick Bauchau 341/EX
Rencontre de Fontblanche 338/VIL Le cinéma américain vu de cété : Livre : « Gérard Depardieu » 341/XV
Entretien avec John Korty, Tom Smith, Chien enragé 342/50
Louella INTERIM Le Quart @heure ameéricain
Caroll Ballard, Philip Kaufman, 342/54
Le journal d'une fille perdue 331/52 334-35/84 Avec les compliments de auteur
George Kuchar 342/55
Cinéma 4 la télévision : Reagan : Films must clean up their act | 334-35/39 Dominique Sanda,
La petite lucarne est chanibardée 332/1 Armuza 334-35/71 ou Vinteltigence du coeur 342/V
Jacques Becker, cinéaste moderne 332/1V Jerry Lewis : Slapstick ! 334-35/79 30 ans de cinéma expérimental 342/1X
Rencontre avec George Cukor 334-35/XV Détour a U.S.C. 334-35/89 Paul POUVREAU
Entretien avec Emilio Fernandez 336/V1 Variety 334-35/93 Photo : Les autoportraits
Entretien avec Monte Hellman. 334-35/X1 de Cindy Sherman 332/XIEL
Cc. JAGES Prewiew House : Ja maison des prévues 334-35/XI11 Photo : Une autre photographie 333/XIV
Entretien avec Youssef Chahine 333/VH Le projet de réforme du cinéma : Photo : Entretien avec Cindy Sherman 342/XI1
Dominique JOYEUX L’affiche douze ou le retour
La 4¢ chaine britannique et le cinéma 342/V1 du grand public 336/19 Berenice REYNAUD
1. JOSEPH Entretien avec Jack Gajos 336/21 Petit dictionnaire du cinéma indépendant
Entretien avec Youssef Chahine 333/VI1 Entretien avec Yves Laumet 336/25 new-yorkais 1** partie 339/35
Entretien avec Milos Forman 337/22 2* partie 340/35
Simon KAGAN Table ronde avec les décorateurs Jacques RISTORCELLI
Entretien avec Boris Kaufman 331/11 @ Hitchcock 337/36 Photo : Les autoportraits
Bill KROHN Portraits pour treize acteurs 337/68 de Cindy Sherman 332/XU1
Lettre de Hollywood : Orson Welles revient. 331/1 Entretien avec Stanton Kaye 337/96 Vidéo : Forum sur les « nouvelles
« On bat un enfant » 331/1X Festival de Cannes : Un certain regard 338/22 images » a Monte Carlo 333/XUI1
Les indépendants américains : Quinzaine des réalisateurs 338/35 Photo : Entretien avec Cindy Sherman 342/X111
Iravaux en cours 331/X Hammett 338/61 Jonathan ROSENBAUM
Entretien avec Peter Bogdanovich 334-35/20 Réforme de Paudiovisuel : Entretien avec Brian de Palma 334-35/14
Entretien avec Jon Davison 334-35/40 les derniers épisodes. 338/1 Visite ala NY Film Commission :
Entretien avec Budd Boetticher 334-35/66 Entretien avec John Carpenter 339/15 334-35/1
Entretien avec N. Littlefield
Entretien avec Tom Brown 334-35/108 Mad Max IT 339/61 La renaissance du studio Astoria :
They all Laughed 334-35/116
Entretien avec Michael Cimino 337/4
La vidéocassette est arrivée 339/1 Entretien avec R. Koszarski 334-35/11
Entretien avec Ridley Scott 339/VII Robert Altman 4 Broadway 334-35/1V
Table ronde avec les décorateurs d’Hitchcock 337/36 Qu’est-ce qu'on attend pour étre heureux ! 340/66 Alan J. Pakula tourne Le Choixde Sophie 334-35/1X.
Robert Flaherty - Jack Arnold - Festival de Deauville 34/1 Carpenter tourne The Thing 339/24
John Landis, une chronologie 337/58 Petit Joseph 340/54
Entretien avec Jessica Lange 337/60 Festival de Locarno 341/111 Guy-Patrick SAINDERICHIN
Stanton Kaye 337/95 Les Misérables 342/58 Syberberg tourne Parsifal :
Le cinéma et ses masques 339/30 Jean-Louis LEUTRAT Yoyage 4 Munich 331/22
What’s up Doc ? 340/31 La conservation des films, Une étrange affaire 331/57
ET, :Weéde ET, 342/16 Je cas Nosferatu 333/X1 La galaxie Arménie 331/V1
Jean-Pierre LIMOSIN Sayat Nova 332/52
Yann LARDEAU Photo : Les Cahiers de la photographie 332/X1V Georgia 332/59
La Chévre 331/56 Le cinéma sous réanimation 332/1
Notre fille 331/57 Todd Mc CARTHY Entretien avec André Téchiné 333/32
Karl Valentin 332/61 Le réve hollywoodien 334-35/28 Espion leve-toi 333/62
62 LA TABLE DES MATIERES
Mille milliards de dollars 333/65 Entretien avec André Téchiné 333/32 Madein U.S.A. : Rendez-vous en avril 333/1
Télévision : « Cinéma, cinémas » 333/1X Festival de Rotterdam. 333/39 Cinéma américain : Vingt ans aprés 334-35/4
La nuit du court métrage a l’Escurial 333/X_ Festival des 3 continents (suite) 333/47 — Entretien avec Francis Ford Coppola 334-35/42
Le projet de réforme du cinéma 336/18 Riches et edlébres 333/53 Entreticn avec Manny Farber 334-33/54
Entretien avec Jack Gajos 336/21 La Ferme de la terreur 333/63 Reds 334-35/119
Festival de Cannes : Ma femme s’appelle reviens 333/64 — Personal Best 334-35/122
Quinzaine des réalisateurs 338/35 Stress, es, tres, tres 333/65 The Border 334-35/124
Légitime violence 340/64 Une glace avec deux boules 333/66 = Sharky’s Machine 334-35/125
De la vie des estivants 340/65 Rétrospective Imamura 333/1V_ Alarecherche de Mr Welles 334-35/35
Comédie érotique d'une nuit @été 341/48 Télévision ; Le magazine Jean-Luc Godard : Paris-Rolle-Paris
Hécate 341/51 « sept sur sept » 333/VIIL_— en cing temps 336/6
Festival de Locarno : Retrospective « La derniére séance » 333/IX — Entretien avec Jean-Luc Godard 336/8
Michael Powell 341/V Rollover 334-35/120 Manille 336/47
Identification d’une femme : Rencontre avec George Cukor 334-35/XV_—- Cannes au quotidien 336/1
signe particulier, néant 342/12 San Clemente 336/43 Dix angles de vue pour changer la télé 336/1
Entretien avec Bernard Evein, décorateur 342/11 Les Bleus 336/53 Entretien avec Stanton Kaye 337/96
Jean Louis SCHEFER Deux moments du passé 336/54 Livre : « Jean Seberg, une vie » 336/KUT
Monsieur Tati 342/31 Portrait d’Emilio Fernandez Festival de Cannes : Quinzaine
Paul SCHRADER en metteur en scéne 336/V des réalisateurs 338/35
Rencontre avec Martin Scorsese 334-35/6 Festival du tiers monde 336/V1 Les Fantimes du chapelier 338/59
Barbet SCHROEDER Réponse 4 Max Tessier 336/XUI Overdose 338/]
Entretien avec Stanton Kaye 337/96 Festival de Cannes : Sélection officielle 338/17 Le secret derrigre Chabrol 339/4
Louis SKORECKI Un certain regard 338/22 Entretien avee Claude Chabrol 339/5
Mon bloc notes 336/VIII Perspectives du cinéma francais 338/29 Entretien avec John Carpenter 339/15
Dwoskin, le dernier cinéaste ? 338/¥ Quinzaine des réalisateurs 338/35 = Les 40° rugissants 339/60
Le Secret de Veronika Voss 339/52 Télévision : Meurtre au 43* étage 338/IX Lesens de Mexico 339/1
King Blank/Film rock 340/1E P. comme proxénete 338/IX Livre : « Joris Ivens
Télévision ; Cinéma direct Jeux d’espions 339/61 sulamémoire d’un regard » 339/XIL
ou cinéma filmé 341/VIN Livre : « D'une image 4 l'autre » 339/XII__ Festival de Venise 340/5
Mon bloc notes 342/XI1 Potergeist 340/55 Forum de Kamarina 342/1X
La Fétine 340/64 Le Pere-Noél est une ordure 340/63
Charles TESSON Paradis pour tous 340/65 Le grand frére 340/63
Essai sur le cinéma fantastique I : Descente aux enfers 340/66 = L’argent coule 4 flot 340/1
La momie sans complexe 331/4 = Télévision : Botaniques 340/XH Jacques Demy au le retour au pays des réves 341/5
Entretien avec Vincent Price 330/13 Livre : « Ecrits sur le cinéma » de Satyajit Ray 340/KIV — Entretien avec Jacques Demy 34/6,
Festival du cinéma fantastique 331/18 Jaguar 341/46 La Nuit de San Lorenzo 341/43
Croque ta vie 331/55 Star Trek IT 341/55 Referendum 40/1
Festival des 3 continents 31AIV La Cote d'amour 342/57 Entretien avec Michelangelo Antonioni 342/5
Livre : « The films of Carl Th. Dreyer » 331/XIV_ De Mao a Mozart 342/57 Entretien avec Paolo et Vittorio Taviani 342/36
Essai sur le cinéma fantastique II Supervixens 342/58 L’Asdesas 342/54
Profils de monstres 332/13. Septembre 4 La Havane 342/VIl_—‘L'affaire 342/1
Festival des 3 continents (suite) 332/39 Serge TOUBIANA
The Saga of Anatahan 332/54 Mr Skeffington 331/51 Wim WENDERS
Le Tueur du vendredi 332/65 Festival du cinéma frangais Lettre de New York : Quand je m’éveille 337/20
Venin 332/65 Grenoble 331/V
Télévision : On ne badine pas Variétés 331/V0._— Pierre ZINS
avec le monopole 332/V Conte de fa folie ordinaire 332/50 Hollywood face aux nouvelles technologies 334-35/X
_ NOUVELLE VAGUE |
Un numéro fac similé
des Cahiers du cinéma n°138
“de décembre 1962
“Au sommaire: bh
- Trois entretiens.~
~ Claude Chabrol
Jean-Luc Godard:
Francois Truffaut -
Nom ..........
Prénom .........
Adresse ........
Ville oo... ccc eee eee eee
A retourner avec votre réglement aux Cahiers du Cinéma,
9, passage de la Boule-Blanche, 75012 Paris
DE L'ANNEE 1982 63
REALISATEURS
des critiques new-yorkais, Splendeur et misére Editorial ; Pologne la peau de l’histoire (S. Le Péron) 331/1 du pluralisme (A. Philippon) 332/V
de la critique américaine (D. Ehrenstein} 337/78 Colloque cinéma et télévision & Orléans Télévision pirate : On ne badine pas avec le
New-York (J.P. Fargier) 337/88 (S. Le Peron} 331/Vi monopole (C, Tesson) 332/¥
Petit dictionnaire du cinéma indépendant Enquéte sur la création audiovisuelle régionale : Sur deux téléfilms : Question de tempo
new-yorkais (B. Reynaud) : Filmer au pays (A. Bergala) 333/1 (A. Philippon) 332/V1
1 partie 339/35 La conservation des films : le cas Nosferatu Médias : Fictions spéciales (S. Le Péron) 332/V1
2¢ partie 339/35 (M. Bouvier et J.L. Leutrat} 333/X1 Le Magasine Sept sur sept : Le Regard en direct
Télévision américaine ; {0 ans de télévision Editorial : vingt ans aprés, (C. Tesson) 333/VI1
aux U.S.A. (A. Lasfargues) 331/39 le cinéma américain (S, Toubiana} 334-35/4 « La Derniére séance » : Tant qu’il y aura des
Les Marchés des films étrangers aux U.S.A. Hollywood années 80 : le réve hollywoodien films (C. Tesson} 333/IK
(L. Bloch-Morhange) 338/11 (T. McCarthy) 334-35/28 « Cinéma, cinémas » : Dans le cadre du
Le Cinéma noir indépendant (Y. Lardeau) 340/48 La transformation d’Hollywood changement {S. Le Péron) 333/1X%
Deauville : Le Salon du cinéma américain (L. Bloch-Morhange) 334-35/32 HD-TV ou HD-VS (J, P. Fargier) 334-35/112
(S. Le Péron) 340/1 Rencontre avec deux producteurs A propos du Miflage sur fa cotline : Entretien
Cuba : Septembre 4 la Havane (C. Tesson) 342/VIT indépendants : Bili Immerman et Jon Davison avec Yves Laumet (S. Le Péron et A. Philippon) 336/25
CINEMA FRANCAIS (0. Assayas, L. Bloch Morhange, B, Krohn} 334-35/36 Le Changement a plus d’un titre : Dix angles de
Avignon : Ie cinéma francais en quéte Rencontre avec Jean-Louis Rubin de Fox vue pour changer la télé (S. Toubiana) 336/1
de son passé {A. Philippon) 340/1¥ international (D. Alper et L. Bloch Morhange) 334-35/40 Naissance de Robert Kramer : Histoire de famille
CINEMA HONGROIS Hollywood Technopolis : L’esprit de Belize (Y. Lardean} 336/1X
Situation du cinéma hongrois (Y. Lardeau) 336/35 (O. Assayas) 334-35 Chronique du son : Paris vu par Iosseliani
CINEMA INDIEN Filmer 4 New-York : Visite (M. Chion) 3367X
Sur fa route des Philippines (C. Tesson) 332/41 ala NY Film Commission, la Renaissance Réforme de l'audiovisuel :
Festival de Calcutta : Note sur trois films (S. Daney) 333/43 du studio Astoria (S. Daney et J. Rosenbaum) 334-35/1 Les derniers épisodes (S. Le Péron) 338/1
Entretien avec P.K. Nair : Histoire Portrait de Jackie Raynai ; te film éeranger & Meurtre au 43¢ éage de John Carpenter :
et archives du cinéma indien (S. Daney) 333/45 NY (S. Daney) 334-35/1I1 Rendez-vous avec 1a peur (C. Tesson) 338/1X
Rencontre avec Jean Vallier : Téléfrance USA A2 aime le cinéma (8. Le Péron) 338/1X
CINEMA PHILIPPIN
G. Daney) 334-35/11 Quand Dupont la joie fait ducinéma (C. Tesson) — 338/1X.
Sur Ja route des Philippines (C. Tesson} 332/39
Hollywood face aux nouvelles technologies Cinéma sans visa : Un pas en avant,
Deux cinéastes philippins (C. Tesson) 333/45
@. Zins} 334-35/X devx pag en arriére (A. Philippon) 339/XI
CINEMA POLONAIS
Le projet de réforme du cinéma : La rupture Livre : « La Télévision ordinaire du pouvoir » :
La peau de l’histoire (S. Le Péron) 331/1
(G.P, Sainderichin) 336/18 Attention, télévision (Y. Lardeau) 339/XV
L’affiche douze ou le retour du grand public Chéreau, Wagner et la télévision (M. Chion} 340/XII
(S. Le Péron) 336/19 Botaniques : La culture se met « au vert »
Entretien avec J. Cajos (S. Le Péron et G.P. (C. Tesson)} 340/XI1
Jean Renoir, V’insurgé par Daniel Sereeau Sainderichin) 336/21 Réforme audiovisuelle : Etre ou ne pas étre
(Descamps) 334/XIV Réforme de Paudiovisuel : Les derniers épisodes corporatiste (Leitre de J. Vigoureux
The films of Carl Th. Dreyer (S. Le Péron) 338/1 et réponse de $. Le Péron) 340/XV
par David Bordwell (C. Tesson) 331/X1V Le marché des films étrangers aux USA : Entretien Les Emissions de cinéma & la télévision :
La comédie musicale par Alain Masson (M. Chion) 331/XV avec N. Kwit (L. Bloch Morhange) 338/11 Cinéma direct ou cinéma filmé (L. Skorecki) 341/VITT
Souvenirs écran par Claude Ollier (A. Bergala) 332/46 Le sens de Mexico (S, Toubiana) 339/1 Channel four : Une bouffée d’oxygéne pour le
Les cinémas de Amérique latine (C. Descamps} 332/XV La vidéocassette est arrivée (S. Le Péron) 339/1 cinéma britannique (D. Joyeux) 342/V1
Techniques du cinéma par Vincent Pinel L’argent coule flot (S. Toubiana) 340/1 Cinéma et télévision publicitaires : 10 ans déja !
(M. Chion) 332/XV Réforme de ]’audiovisuel : Une réaction syndicale 340/XV (Y. Lardeau) 342/X%
20 F
N° 343 JANVIER 1983 |
« MOONLIGHTING » DE JERZY SKOLIMOWSKI.
Quatre-quarts, par Pascal Bonitzer p. 5
Entratien : Un art en équilibre, par Pascal Bonitzer, Serge Daney et Serge Toubiana p. 7
LETTRE DE HOLLYWOOD.La nouvelle génération américaine, par Bill Krohn p. 19
LE CINEMA AU JAPON. Notes nippones, par Serge Daney p. 26
LE FESTIVAL DES 3 CONTINENTS A NANTES. Decouvrons Guru Dutt et Ritwik Ghatak !, par Charles Tesson. Les
Brésiliens a Nantes : Triangles et trafics, par Sylvie Pierre p. 3f
LES 10 MEILLEURS FILMS DE L’ANNEE 1982. Le palmarés de la rédaction des Cahiers. Le palmarés des lecteurs
des Cahiers p. 49
CRITIQUES Voyage au bout de {’enfer (Le Territoire), par Yann Lardeau. L’Histoire en dolby (Danton), par Serge
Toubiana p. 54
NOTES SUR D'AUTRES FILMS La Boum 2, Brisby ou le secret de Nimh, Diner, Docteurs in love, Mutant, Officier et
gentfeman, Plus beau que moi tu meurs, Premier amour, Que les gros salaires lévent le doigt !, La Riviére de boue. p. 56
TABLE DES MATIERES DE L’ANNEE 1982 - N°331 A 342
page! Editorial par Serge Toubiana, page VIII Festival du Rex : Arénes sanglantes, par Charles Tesson.
page | Festivals d’automne/Semaine des Cahiers : Paris cinéphile, par page IX Rencontres de Belfort : Panorama du jeune cinéma frangais,
Yann Lardeau. par Alain Philippon.
page Ill Les filles hériditaires, par Serge Daney. L’Enfant secret, par page X Télévision. La télévision de demain et d’aprés-demain, par
Alain Philippon. “Serge Le Péron. « Aprés tout de qu’ ‘on a fait pour toi», par Serge Le
page IV Le mois de la phote a Paris : Ca a &té, Le Bazar de Brodovitch, Péron. La télévision face & son miroir, par Alain Philippon.
Eugene Atget, Callahan-Friedlander, Tam Drahos, Deborah Turbeville, page Xil Vidéo : VHS fa nuit, U-Matic le jour, par Jean-Paul Fargier.
Colloque sur l’acte photographique, par Eric Audinet, Isabelle Duley, page XIill Mon bloc-notes : Les recalés d'Epinay, par Louis Skorecki
Jean-Pierre Limosin, Jacques Ristorcelli. page XIV Les livres et ’édition. Le pessimisme décapant de Fritz Lang,
page VI Lettre d’ Italie: Voleurs de cinéma 4 Rome, par Fabio Ferzetti. par Christian Descamps. Boujut synchrone avec Wenders, par Alain
page VII Samuel Fuller tourne a Paris ; Passage Moliére, par Vincent Bergala.
Ostria. page XV 11 était deux fois Sacha Guitry, par Jean-Paul Fargier.