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Mar 200]

nn ] (@ (itila Balibar est a Ca WN es da WSs « V ‘4 porpyp es Ripett


MARITHE
FRANCOIS
GIRBAUD,

humanature #4
@ En couverture :
Jeanne Balibar
photographiée par
Carole Bellaiche.

PHOTO: CAROLE BELLAICHE POUR LES CAHIERS DU CINEMA,

SPECIAL CANNES
Nanni Moretti, la voie grave
La Chambre du fils, trois ans aprés Aprile, est notre coup de
ceeur cannois. Humour et légéreté caustique y cédent place
a la gravité. Rencontre avec Nanni Moretti
La Chambre du fils ou le divan du pére : critique
Laura Morante. Portrait d’une « effacée volontaire »

Jean-Luc Godard, une longue histoire


Cinq ans se sont écoulés entre le début du projet et la
présentation d’Eloge de l’amour 4 Cannes. Godard a écrit un
scénario qu’il n’a pas filmé mais publié avant de tourner un
film qu’il a « oublié ». Entretien @ Ci-dessus, Nanni
Eloge de l’amour et l’age de l’amour : critique Moretti avec Jasmine
Trinca dans « La
Francis Ford Coppola, toujours prophéte Chambre du fils ».
Pour les Cahiers, il se confie sur la genése de la nouvelle Page 18.
version d’ Apocalypse Now et sur ses nouveaux projets.

@ Ci-contre,
ETAT DU CINEMA MONDIAL Jean-Luc Godard
parle d’ « Eloge
La mondialisation vue par 50 cinéastes de la planéte de l’amour ».
© FREDERC POLETTI

A quel point I’hégémonie américaine a-t-elle transformé le Page 28.


paysage cinématographique mondial ? Pour dresser cet état
des lieux, les Cahiers ont fait appel aux témoignages de
cinéastes du monde entier : 50 d’entre eux ont répondu 4
notre questionnaire. @ « Apocalypse
Now Redux »,
LAfrique fantéme. Un continent sans public, sans salles, ott de Francis Ford
quelques réalisateurs tentent encore de faire des films : et si Coppola.
l'Afrique incarnait ce qui attend le cinéma mondial ? Page 40.

Journal
Gréve a Hollywood ? De notre correspondant aux USA.
Faut-il en finir avec les sorica ? Enquéte sur le
financement du cinéma. BA Onagadougou,
lors du festival
Cahier critique du film :
Profils paysans, les campagnes intérieures de Depardon. lV Afrique fantéme,
Roberto Succo, de Cédric Kahn. page 76
Kairo, le fantastique et l’étrange de Kiyoshi Kurosawa.
Mundo Grua, de Pablo Trapero.
LA SOLE ED
EDITORIAL

assage
de la Boule-Blanche 75012 Paris,
Téléphone : 01 53 44 75 75.
Fax : 01.43.43,96.04.
Raccords
e-mail : .cducinema@lemonde.fr
précédé du nom de famille de votre
et accrocs
one : ci-dessous, entre parenthéses, les deux
miers chiffres de la ligne directe de votre
correspondant : 01 53 44 75 xx
ION :
par CHARLES TESSON
de la rédaction : Franck Nouchi (82)
ur en chef : Charles Tesson (83)
ur en chef édition : Charlie Buffet (84)
ur en chef adjoint : Delphine Pineau (79)
iat général : Ouardia Teraha (81)
Sque-iconographie : Catherine Fréchen (76)
’an passé, les coulisses du Fes- les Cahiers ont publié (n° 10,
|: Marina Hammouténe tival de Cannes avaient connu mars 1952) un texte de Gilles Jacob oa
ion : Claude Morin (89) un léger accroc. Le passage de il disait ceci :« Raccords a cessé d’exis-
Je rédaction : Cédric Anger, Stéphane témoin entre Gilles Jacob, qui ter. Jaime que ce soit André Bazin et Jacques
, Emmanuel Burdeau, Jean-Sébastien
devait remplacer Pierre Viot 4 Doniol-Valcroze, plus nos amis que nos
Clélia Cohen, Stéphane Delorme, Marie-
erin, Erwan Higuinen (91), Thierry Jousse, la présidence, et Olivier Barrot, nommé confréres, qui nous donnent leurs colonnes
yard (90), Jean-Marc Lalanne, Jérome délégué général, était resté en plan. pour cet “ Adieu au lecteur ”. Chacun
Elisabeth Lequeret, Nicolas Saada. Cette année, lors de la conférence de connait plus ou moins Raccords, qui fut
ndants USA : Kent Jones, Bill Krohn, presse du festival, Gilles Jacob s’est féli- pendant plus d’un an le seul trait d’union
» Reynaud.
aboré a ce numéro : cité de la nouvelle redistribution des de la regrettée Revue du cinéma (dont
\zalbert, Anne Ballylinch, Evangéline roles au sein de l’équipe dirigeante, le dernier numéro est paru en automne
1x, Patrice Blouin, Sonia Buchman, Laure entouré de Véronique Cayla, directrice 1949) aux brillants Cahiers du cinéma,
ey, Sylvain Coumoul, Elise Fontenaille, Vincent générale, et de Thierry Frémaux, direc- ici présents. (...) Remercions André Bazin
, Manoel de Oliveira, Baptiste Piégay, Jacques
teur artistique. et les Cahiers du cinéma de leur amical
, Sarah Sékaly.
ion graphique : Nathalie Baylaucq Parmi la multitude de réjouissances appui. Souhaitons-leur un vent favorable. »
able des éditions : Claudine Paquot (77) au menu de Cannes cette année, une Gilles Jacob s’est donc souvenu que
» de presse : Agnés Béraud (78) nous tient particuliérement a coeur : le vent nous a été favorable, qu’il soit
de mission : Lallia Tesson (80) Vhommage que le festival rend offi- venu de l’ouest (Hollywood), du nord
: Laurent Chartier (conception
), Thierry Lounas (coordination)
ciellement aux Cahiers du cinéma. (Dreyer-Bergman), de I’est (Eisenstein),
STRATION = Thierry Frémaux, responsable de la de l’extréme-est (Mizoguchi) et du sud
r délégué : Didier Costagliola (70) programmation, a retenu le film d’Ed- (de Marcel Pagnol 4 Souleymane
able commerciale : Marianne Brédard (71) gardo Cozarinsky, Le Cinéma des Cahiers Cissé). Les Cahiers,4 un moment donné
iilité : Sylvie Hesel (73) (il sera montré le 17 mai, ainsi que sur de leur histoire, ont accueilli Gilles
généraux : Sophie Ewengue (75)
abonnements: 03 44 62 57 95 Canal +, le méme jour, au cours d'une Jacob dans leurs pages (il publiera dans
ue du Général-Leclerc, 60646, Chantilly Cedex « nuit » des Cahiers), qui retrace I’his- le n° 12 une longue étude sur le
ibonnement. France : un an 375 francs (TVA toire de la revue, son engagement dans cinéma de John Huston) et lui, 4 son
stranger : un an 69 euros le cinéma, ses choix, d’un extréme a tour, soucieux des régles de l’hospita-
PUBLICITE : autre, et surtout l’histoire sentimen- lité, regoit les Cahiers dans l’enceinte
= Monde Publicité SA, 21 bis,rue
tale de ceux qui l’ont faite. Car les du Festival de Cannes. Beau raccord, 4
Cahiers, c’est aussi une longue histoire prés de cinquante ans d’intervalle, qui
r général : Stéphane Corre de passation entre générations, parfois témoigne avec élégance de ces liens
r: Stéphane Remy (01 42 17 39 39) en douceur (de bons raccords), par- affectifs toujours vivants que la revue a
' publicité : Guillaume Drouillet (38 96)
fois dans la douleur (quelques accrocs, tissés et continue d’engendrer.
illivier (38 97). Fax : 01 42 17 93 83
|: Patrick Manchez (Paris-banlieue : plus ou moins bien cicatrisés). Il y a une Cette année, la transmission est le
'01 47, province
: 08 05 05 01 46) histoire effective des Cahiers, 4 travers maitre mot du Festival de Cannes 2001,
iélégué : Bruno Patino ce qui y a été dit et écrit sur le cinéma, au sein de l’équipe dirigeante tout
‘de la publication : Franck Nouchi mais aussi une histoire affective (com- d’abord, dans sa programmation ensuite
litée par les Editions de I'Etoile, société anony-
actoire (Franck Nouchi président, Bruno
ment on entre aux Cahiers, on se forme (une journée lui sera consacrée le 16
t Conseil de surveillance (président : au contact des ainés, comment on les mai, avec une Legon de cinéma par
se Alduy, vice-président : Michel quitte sans jamais les quitter, heureux Wong Kar-wai et un colloque inter-
it), au capital de 15 516 250 F (principaux ou meurtri) tout aussi essentielle. national), et sera vraisemblablement au
= Le Monde SA, Société civile les Amis des Gilles Jacob, avant d’étre délégué centre du débat qui accompagnera la
Cahiers du cinéma) RC PARIS B572
193738.
général puis président du Festival de projection du film d’Edgardo Coza-
Commission paritaire n° 57650. Dépét légal. Cannes, a longtemps été critique de rinsky. Réfléchir 4 la maniére dont, 4
Flashage et photogravure : Fotimprim. cinéma. Mieux, il a fondé et animé Rac- Yavenir, une revue entend contribuer
Impriméen France par Mauryet RAS. cords, une revue de cinéma (février a former un regard et un gotit en
ec le concours du CNL. 1950-février 1952).Au moment oii elle matiére de cinéma, voila qui peut appe-
connaissait des difficultés financiéres, ler (on l’espére) 4 discussion. =
COURRI ER

image...). De vous 4 moi, s'il n’y Revenons-en au cinéma.Vous


avait justement eu qu’un témoi- m/’excuserez de ne pas trop m’y
gnage visuel sans enregistrement attarder, puisqu’il ressort de cette
Ce qu'il y avait de beau dans Intimité, c’est que l’écriture de vidéo, croyez-vous vraiment que interview que Jacques Derrida ne
Kureishi reproduisait le climat d’une rame de métro lorsqu’une le verdict efit été différent ? Je suis s’y est jamais intéressé et ne s’y
femme blanche entre avec deux enfants métis. L’écriture faisait davantage enclin 4 penser qu’en intéresse toujours pas. Pour cette
sentir que méme s'il ne veut pas le voir, un Noir qui quitte une ce cas les policiers n’auraient raison, je me garderai bien de lui
Blanche, c’est plus grave. II est plus coupable ! Dans le livre, la belle méme pas été inquiétés (comme reprocher de n’avoir rien dit sur
et dynamique anglaise se déclassait. Comme Anna Karenine. Et le a Cincinnati, pour le sujet. Il est a cet égard
héros l’abandonnait en plus pour une autre blonde. II l’aban- prendre un exemple CATILERS significatif que les seuls
CINEMA
donnait avec deux enfants. Métis ! Voila ce que Kureishi appor- dans l’actualité) ! films abordés un peu
tait ! Voila ce que Chéreau a évacué ! Il n’y a pas d'amour ! Le paralléle de Der- moins superficiellement
Il n’y a que des preuves d’amour ! Chéreau n’aime pas Kureishi ! rida sur l’empreinte soient des documen-
Il aime Bertulocci ! Il n’aime pas Intimité. Il aime Le Dernier Tango cinématographique et taires et que l’aspect
a Paris. 11 n’aime pas le cinéma. Il aime le succés par le cinéma. génétique est égale- esthétique ait été ignoré
Bruno Pomona, Paris ment trés contestable. (ce qui est excusable,
Je ne vous apprendrai voire normal, si ce n’est
pas les limites de l’in- que nous ne sommes
DERRIDA ET RODNEY KING peu surpris. La ot tous les obser- terprétation d’un enregistrement pas sur « arrét sur image »)(...) .
Lecteur occasionnel de votre vateurs voyaient l’expression du vidéo (par exemple) et la défiance Ne pas relever les points élé-
(excellente) revue, je me permets racisme d’un jury blanc et est parfois pleinement justifiée. mentaires mentionnés supra et
de réagir 4 interview de Jacques conservateur refusant de condam- Les documents sur Timisoara ou s'interroger sur les « strates de fan-
Derrida parue dans le dernier ner des policiers malgré un docu- lexécution des Ceausescu ont- témalité » ou sur « ce qu’il se passse
numéro.Je pense étre un « spec- ment accablant, il faudrait au ils quelque chose a voir avec une 4 » l'intérieur de la disjonction
tateur normalement constitué », contraire voire la primauté du défiance naturelle de homme entre le voie et le parler me laisse
pour reprendre l’expression de témoignage direct sur le film...Je envers l’image ? Monsieur Der- perplexe. C’est sur cette per-
vos collaborateurs qui ont mené trouve cette explication grotesque rida croit-il que les documents plexité que je terminerai cette
cette interview. et méme choquante (le jury n’est écrits ne sont jamais contestés ou missive. Je vous souhaite une
La vision de Derrida de l’af- plus raciste : juste inconsciemment méme mieux acceptés ? Vrai- bonne journée.
faire Rodney King m’a quelque victime d’un atavisme anti- ment ? Jean-Robert Schmitt
Quel est le rapport entre ’em- Merlevenez (startijen@aol.com)
preinte cinématographique et
Yempreinte génétique mis a part FAVEUR
Phomonymie ? La fiabilité accor- Je me suis enfin décidée a
dée 4 cette derniére a-t-elle vrai- m’abonner 4 votre revue, que je
ment quoi que ce soit a voir avec connais depuis... longtemps.
(encore une fois !) je ne sais quel Pourrais-je vous demander une
préjugé humain ? J’aurais souhaité faveur ? Pourriez-vous dans votre
que Jacques Derrida argumente « Cahier critique » indiquer la
un peu méme si je ne comprends durée des films. C’est utile pour
que trop bien pourquoi il n’en les rendez-vous. Merci de ce que
a rien fait. vous pourrez faire.
Jai bien aimé également la Jeannette Morel, Sallanches
concordance spatio-temporelle,
significative, forcément significa- [En effet, fixer un rendez-
tive, entre la création du cinéma vous aprés une projection du
et l’émergence de la psychana- Soleil pour les gueux d’ Alain Gui-
lyse. D’aucuns pouvaient se raudie (55 minutes) ou la nou-
demander pourquoi deux sym- velle version d’Apocalypse Now
boles phalliques dans les deux de Francis Ford Coppola
premiers films, ils ont maintenant (3 h 30) n’a pas le méme sens.
la réponse, éclatante. Que soient Pour éviter quelques lapins,
confondus tous les aveugles 4 qui nous veillerons 4 y remédier.]
cette évidence avait échappé !
Pour ma part, j’ai toujours pensé ANNA ET SILVANA

nos objets
que la révolution des fréres Anna Magnani dans Riz Amer ?
Lumiére devait davantage aux (n° 556, page 122). A quand la
philosophes du xvut‘ (comme le photo de Silvana Mangano dans
150 films pour explorer nos étranges relations avec les “choses” prouve leur nom) et, 4 moins Rome Ville ouverte ? Cela dit, ce
programme disponible au 01 44 76 62 00 qu’une interprétation d’un qua- numéro anniversaire vaut quand
4 train de Nostradamus nous méme son pesant d’heures de lec-
2 forumdesimages départage,je camperai sur ma ture. Merci.
Porte Saint-Eustache, Forum des Halles, 75001 Paris / www.forumdesimages.net
position philosophique, na ! Jacques Cibre, Nice.
a serie limitee
estival de Cannes’ 2001
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LNT
E RIN ET

site des « Cahiers » en mai


CAHIER
CINEM/s
Home Agenda Sorties | DVD Chronique du web Cable 1, 2, 3... anything goes Courrier

Cannes 2001
revue quotic tienne
du festival

Raoul Walsh(1 )= ® Internet


parler,
:
Rétrospective
écouter,
ala
Cinématheéque francaise Paul Verhoeven filmer.

Objectif Lubitsch
est grand = iL] Suite ou fin de
Daney (feuilleton) "Cinéma, de notre temps"

Un, deux, trois (analyse de trois dows, Faces, Meurtre d’un


plans consécutifs) A l'occasion des 50 ans des Cahiers, et avec lemonde.fr, cahiers- bookmaker chinois).
— Les Aventures d’Arséne ducinema.com devient une revue quotidienne pendant la durée 9 mai : Joe Dante (The Second Civil
Lupin, par Cédric Anger. du Festival de Cannes (9-20 mai). War, Small Soldiers, Gremlins).
— La Splendeur des Amberson, Comptes-rendus des sélections, par la rédaction. 16 mai : Hana-Bi (Takeshi
par Emmanuel Burdeau. Sur la Toile il n’y a rien... (chronique cannoise du Web), Kitano).
par Sylvain Coumoul. 23 mai : Alfred Hitchcock pré-
anything goes Entretiens, chats. sente.
Gunpowder (jouer € Monkey Cannes Memories : sélection d’anciens articles des Cahiers 30 mai : Another Day in Para-
Island IV), par Samson Sylvain ; sur Cannes. dise (Larry Clark).
Duras, Marguerite, de Domi-
nique Noguez, par Nicolas Woz- « Conversation-cinéma »
niak ; Ordres formels, par (mais je ne |’ai pas rencontré). Lubitsch est grand avec Jean Douchet
Cédric Anger ; Orson Welles, 16 mai : Réalité contre réel, (fin du feuilleton) au Cinéma Diagonal Europa
une caméra visible, de Youssef cyborg contre cyber. Episodes 18 a 21. The Shop Programation liée a la chro-
Ishaghpour, par Stéphane 30 mai : Vers une nouvelle Around the Corner, par Jeanne nique Dvp.
Lagarde. image de I’homme. Duel ; Les Yeux de la momie 8 mai : Man on the Moon, de
Ma, par Sébastien Bénédict ; Milos Forman.
Parlez-vous weblish ? Léternelle reprise Ange par Samson Sylvain, Le 15 mai : Le Petit Soldat, de
lecon 2 par Emmanuel Burdeau ciel peut attendre, par Emma- Jean-Luc Godard.
Du peer au peer, par Yann Le 2 mai : Les Forbans de la nuit nuel Burdeau. 29 mai : Hana-Bi, de Takeshi
Quellec. (Jules Dassin). Kitano.
9 mai : Un espion de trop (Don DVD, par Jean Douchet.
Sur la Toile il n’y a rien... Siegel). 2 mai : John Cassavetes (Sha- Sorties, par la rédaction.
par Sylvain Coumoul 16 mai : Les Aventures de
Anti-virtuelle : la réalité aug- Marco Polo (Archie Mayo).
mentée (suite). 23 mai : L’Affaire Cicéron
2 mai : Steve Mann existe (Joseph L. Mankiewicz). www.cahiersducinema.com
54° Festival International du Film

:
lorange
La rencontre de la musique
et du cinéma

La croisette, Cannes
Du 9 au 20 mai 2001

www.making-of-orange.com
Avec
lirlan Abdykalykov
Sergej Golovki
Dzysige
Alaxand a Mitrokhina
JEAN-PIERRE LEAUD
JEREMIE RENIER

UN FILM DE BERTRAND BONELLO

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BLOC-NOTES

De l’avant-garde
au cinéma

par THIERRY JOUSSE

Que sauve-t-il, lui, du cinéma ? Les films de Debord bien


1. Avant-garde ou Nouvelle Vague. stir, quelques Godard (dont JLG/JLG), Méditerranée de Pollet
@ En lisant le deuxiéme volume de la Correspondance de Guy et le film qu’il a lui-méme réalisé 4 partir de La Porte de l’en-
Debord qui vient de paraitre chez Fayard, on ne trouvera que fer de Rodin. « La et la seulement, le spectacle dans son ensemble
bien peu d’allusions au cinéma. Debord en cette période de se trouve interpellé, renversé, combattu, pensé », (p.555) écrit-il. Ou
développement intense de |’Internationale situationniste — sep- plus loin : « Banaliser, falsifier et égaliser l’espace ; confisquer le temps
tembre 1960-décembre 1964 — avait sans doute bien d’autres au profit d’une représentation permanente d’un temps artificiel, voila
chats 4 fouetter que de s’intéresser aux développements de la ce que le cinéma, et son cancer local, la télévision, veulent. » (p. 556)
Nouvelle Vague et du cinéma moderne. Ceci pourtant : « Resnais Reconnaissons 4 Sollers une certaine constance dans le pro-
lié a Breton, a V’écriture post-joycienne (Robbe-Grillet). Resnais, le pos, lui qui, sans méme I’appui de Debord, affirmait déja, peu
seul qui ait une culture générale de l’art moderne. Alors que les autres ou prou, la méme chose en 1989, dans les colonnes de cette
auteurs Nouvelle Vague n’ont de culture que cinématographique, revue. Qu’y a-t-il de génant la-dedans ? Non pas tant que Sol-
donc encore + parcellaire et atomisée, ce qui est bien typiquement bour- lers nie cent ans d’écriture cinématographique mais qu’il consi-
geois. » (p. 35) A cette époque, octobre 1960, Debord confesse dére le cinéma comme une partie, 4 peine plus respectable
un amour surprenant pour Hiroshima mon amour, un film dont qu’une autre, du tout-a-l’image, lui-méme englobé dans le
la radicalité formelle, la préoccupation politique et les effets de grand tout-du-spectacle. II n’y a pas méme 4 faire la démons-
disjonction entre image et son ne peuvent sans doute le laisser tation qu’une part importante du cinéma qu’on aime lutte, soit
indifférent. La Nouvelle Vague — et Truffaut en particulier auquel par soustraction, soit par intensification, 4 l’intérieur méme du
il fait une allusion sans indulgence quelques pages plus loin — visuel pour s’en extraire et produire des blocs d’espace-temps
le laisse, au contraire, de marbre. On sait que, quelques années irréductibles 4 ce que Sollers, 4 la suite de Debord, nomme
plus tard, I'l. S. traitera Godard de « plus con des cinéastes prochi- le Spectacle. Par ailleurs, on continuera 4 lire Sollers (et Debord
nois ». Qu’en conclure ? Que ces allusions assassines ne sont que bien entendu), et cet Eloge de l’infini en particulier.
les temoignages du mépris dans lequel l’avant-garde a toujours
tenu le cinéma narratif. Que la Nouvelle Vague n’a précisé-
ment rien eu d'un mouvement d’avant-garde, y compris 3. Lettriste sinon rien.
Godard, et que sa grandeur est précisément d’avoir tenté, non @ Si l’on veut replacer les débuts de Debord au cinéma dans
pas de rompre radicalement avec ce qui précédait, mais de don- leur contexte historique, on consultera avec profit les deux
ner quelques années de supplément de vie au cinématographe. livres d’Isidore Isou, Tiaité de bave et d’éternité et Contre I’ Inter-
Que la violence formelle et politique de Debord n’a pas trouvé nationale situationniste, qui viennent de paraitre aux éditions
dans le cinéma — quel que soit par ailleurs son génie — le ter- Hors-Commerce et d’Arts. Tiaité de bave et d’éternité est le texte
rain de prédilection qu’il supposait et, qu’hormis In Girum Imus du film mythique qu’Isou réalisa, 4 lage de 26 ans, en 1951,
Nocte Consumimur Igni, ses films, au contraire de ses textes, ris- un an avant Hurlements en faveur de Sade, le premier film de Guy-
quent de vieillir plus vite que Vivre sa vie ou Tirez sur le pianiste. Ernest Debord. La premiére partie du texte (et du film) est par-
ticuliérement passionnante puisqu’elle expose, en des termes
dréles et péremptoires, les théories du montage discrépant cher
2. Pas de cinéma. a Isou, c’est-a-dire ni plus ni moins la généralisation de la
@ Dans un texte intitulé Debord au cinéma, republié dans le disjonction entre le son et l'image : « Dans mes films, il s’agi-
recueil Eloge de l’infini qui vient de paraitre chez Gallimard, rait premiérement de faire de la parole une dimension vraiment sup-
Philippe Sollers reprend le flambeau de Debord 4 son compte. plémentaire de la photo, comme si le son s’ajoutait de dehors et
izaine des Realisateurs cinecinem
s Réealisateurs cinecinemas Pp
enaire de la Quinzaine des Real

Phot
JE THE SALES MACHINE
cinecinemas vous propose des magazines quotidiens.
cinecinecannes : 26' d'interviews de stars,
de réalisateurs et d'actualité sur le festival.
1 23 Cannes: chaque jour, 15 rendez-vous clin d’ceil
pour vivre toute l’ambiance de la Croisette.
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La vie est belle, Soleil trompeur, Trop belle pour
toi, Les ailes du désir, Mission, Yol, Tambour,
Un homme et une femme.

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ne prenait pas naissance, ainsi que, jusqu’a présent, de la nécessité inté-
rieure, du dedans, du ventre de l’image. Le son ne viendrait plus de 5S. Courts-circuits.
Vécran pour coincider avec ses sequences, mais a jamais d’ailleurs, comme ® S’il avait vécu, on peut parier que Jean Eustache, en dépit
si concrétement et visiblement, il était un surplus sans rapport avec de son amour de la pellicule, aurait sirement fait de la vidéo,
Vorganisme, une cravate de bave pendue 4 une dent d'ivoire. » bonne maniére d’échapper au manque chronique de moyens
(p. 17) On comprend 4 la simple lecture de cet extrait ce que pour faire des films. Valérie Mrejen, elle, est d’une tout autre
Debord et d’autres doivent a Isou, dont l’apport a été fran- génération et s’est emparée, sans complexes, d’une caméra vidéo
chement minorisé avec les années, méme si Tiaité de bave et avec laquelle elle a réalisé, au fil du temps, une série de petits
@éternité reste une référence (il fut projeté I’an dernier a la Ciné- films simples et tordus qu’on a pu voir et revoir dans leur inté-
mathéque dans le cadre de la grande rétrospective du cinéma gralité au récent festival Cété-courts de Pantin. Bien qu’elle
expérimental frangais). Le jeune Debord ne s’y est d’ailleurs soit identifiée a priori comme artiste et qu’elle navigue plu-
pas trompé, rejoignant a l’époque les premiers lettristes avant tot dans les sphéres de I’art contemporain, sa démarche se rap-
de rompre avec fracas, quelque temps plus tard, avec Isou et ses proche pourtant trés directement du cinéma. Chacun des films
amis pour fonder la dissidente Internationale lettriste. On verra de Valérie Mrejen — environ deux minutes — se présente comme
quels effets catastrophiques a eus cette rupture sur Isou en lisant une miniature ou une saynéte avec deux ou trois comédiens
l'autre volume Contre I’ Internationale situationniste, recueil d’im- filmés en plan fixe, la plupart du temps autour d’une table. Son
précations paranoiaques lancées au fil des années contre Debord sujet est le langage, ses codes, ses piéges, sa folie, ses rituels. I] y
et dont la portée, dans un style oti invective ne faiblit jamais, a dans chaque film de Valérie Mrejen une mise en scéne de
est, au bout du compte, plutét mince. la non-réciprocité du langage. Chaque personnage parle avec
des mots et des phrases de la langue commune et, peu a peu,
chaque mot, chaque phrase devient comme une boucle, comme
4. Mauvaises fréquentations. une ritournelle qui, par sa répétition méme, ouvre au ver-
@ S’il est un cinéaste absolument indifférent 4 l’idée d’avant- tige des codes du langage. Les situations sont de celles qu’on
garde, c’est bien Jean Eustache. Un livre encore — Mes années a tous vécues — discussion entre parents et enfants, entre amis,
Eustache par Evane Hanska (Flammarion) — nous donne I’oc- entre amants ou conjoints — mais tournent discrétement 4 l’ob-
casion d’évoquer cette figure qui hante comme un fantéme session par la seule force du dialogue et par la puissance du
le cinéma frangais. Non chronologique, bourré d’anecdotes et vide qui surgit au beau milieu du code qui fonde les relations
de témoignages, le livre d’Evane Hanska, ancienne maitresse entre individus. La légére folie des films de Valérie Mrejen n’a
et amie d’Eustache-le-séducteur tourne autour du cinéaste rien de spectaculaire mais vient au contraire du quotidien le
suicidé avec une sorte de vertige affectif. On pourra quelquefois plus strict qu’elle met en scéne avec une rigueur imparable et
trouver la note un peu forcée, trop d’affects, de pleurs, de un sens de la concision qui excluent absolument toute forme
plaintes, mais il n’en reste pas moins que Eustache revit sous dépinglage, tout simplement aussi parce que cette folie est
nos yeux avec une acuité parfois incroyable. Cette confusion définitivement la nétre.
entre la vie et le cinéma qui est si puissamment exprimée dans
La Maman et la Putain est au cceur du livre et du personnage.
Eustache apparait comme un dandy-prolétaire, un artiste aris- G. Ghost Dance.
tocratique et populaire a la fois, fasciné par Mizoguchi — L’In- ® La folie qui fait irruption dans Kairo, le dernier film de Kiyo-
tendant Sansho en particulier —, Renoir, Lubitsch, Charles Tré- shi Kurosawa, est apparemment d’une tout autre nature. Elle
net, Fréhel, qui méne sa vie en la dilapidant dans les bars — tient a cette capacité que posséde le cinéma de négocier avec
La Closerie des Lilas au premier chef — et donne l’impres- les fantémes, de figurer les démons obscurs qui peuvent nous
sion de ne jamais travailler, ni dormir. Evane Hanska plonge hanter. Les fantomes de Kairo nous sont familiers, ils se maté-
plus particuliérement dans l’époque qui suit La Maman et la rialisent par l’intermédiaire des machines avec lesquelles nous
Putain, au milieu des années 70, jusqu’au suicide d’Eustache, vivons et travaillons quotidiennement, les ordinateurs. La beauté
en novembre 1981. Période non mythologique pendant du dernier film de Kiyoshi Kurosawa est 4 la fois totalement
laquelle Eustache boit de plus en plus mais ot il tourne encore abstraite et parfaitement concréte. Elle joue sur un flotte-
pas mal de films de formats et de durées trés divers — Mes petites ment des corps dans l’air totalement maitrisé. Entre la cho-
amoureuses, Une sale histoire, la seconde Rosiére de Pessac, Le régraphie fantomatique, |’installation vidéo bricolée et l’éner-
Jardin des délices de Jéréme Bosch, Les Photos d’Alix, Offre d’em- gie de la série B (n’oublions pas que Kiyoshi K. est un grand
ploi. Il y a quelque chose de poignant dans cette vie-ceuvre qui admirateur de Richard Fleischer et de Don Siegel), Kuro-
n’entre pas dans les cadres préétablis, qui ne capitalise rien, sawa trouve son chemin avec ce remake de Body Snatchers a
et devient peu 4 peu un soliloque ininterrompu. La figure l’ére du virtuel, sans jamais tomber dans les effets arty qui guet-
d’Eustache, telle qu’elle nous saute aux yeux dans ce livre, loin, tent ce genre de tentative. Kairo fait vraiment peur — et ce n’est
trés loin du Spectacle cher a Debord et 4 Sollers, permet de pas son moindre mérite — et place son spectateur entre hyp-
ne jamais oublier 4 quel point le cinéma, méme aux antipodes nose et la distanciation. Entre l’avant-garde et la narration,
de l’avant-garde, peut étre dangereux, 4 quel point on peut s’y Kurosawa n’a pas choisi et c’est trés bien comme ga... Il nous
perdre, 4 quel point le manque d’argent et de reconnaissance donne la premiére sensation audacieuse de Cannes oti sa beauté
peut étre mortel. spectrale et crépusculaire ne risque pas de passer inapergue. m
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CANNES 2001
Réévaluer les grands crus
n festival de cinéma res- a leur usage, parleront des films de Cannes
Goparpb, Hou Hstao- semble parfois 4 une bou- sitdt vus, tandis que ceux évoqués dans
teille de vin. On peut tou- ce numéro (La Chambre du fils de Nanni
HSIEN, IMAMURA, LYNCH, jours se prononcer sur Moretti, son plus beau film depuis Palom-
Pétiquette, la qualité de l’ap- bella Rossa, Eloge de V'amour de Jean-Luc
MoretTTI, OLIVEIRA, pellation, la réputation du Godard, Roberto Succo de Cédric Kahn, le
propriétaire-récoltant (méthode de vini- dernier Kiyoshi Kurosawa, Kairo, et Car-
RIVETTE (SANS OUBLIER fication, qualité des sols) mais rien ne vaut rément a I’ Ouest de Jacques Doillon) sor-
la dégustation, qui oblige parfois 4 cer- tent en salles au moment de leur présen-
LES Cahiers COMME taines réévaluations en fonction des répu- tation 4 Cannes.
tations acquises au fil des ans. Les ama- Quelles tendances dégager des sélec-
INVITES D’HONNEUR) : LA teurs de vin savent depuis longtemps que tions cannoises, toutes sections confon-
le classement des grands crus de Bor- dues ? Tout d’abord l’absence répétée du
SELECTION DU FESTIVAL DE deaux, établi en 1855, ne refléte plus cinéma africain (voir, page 76, l’enquéte
vraiment en qualité la hiérarchie véritable d’Elisabeth Lequeret). Si l’Asie est tou-
CANNES 2001 LAISSE du secteur. jours présente, on note surtout l’écrasante
Le festival de Cannes tend, a sa domination du cinéma japonais (9 films
PRESAGER UNE GRANDE maniére, 4 fidéliser des auteurs « grands 4 Cannes) avec des noms familiers aux
crus », en nous présentant plus ou moins lecteurs des Cahiers, défendus dans ces
CUVEE. MAIS ATTENDONS : systématiquement leur derniére cuvée. colonnes (Imamura, Aoyama, Kiyoshi
On peut toujours miser sur une étiquette Kurosawa, Nobuhiro Suwa, Ryosuke
LE PREMIER DES FESTIVALS et y aller les yeux fermés, fort de son Hashiguchi).A cété du Japon, on assiste
expérience — et le festival cette année est 4 un retrait des cinémas chinois et coréen,
EST PAR NATURE, UN LIEU riche en étiquettes trés prometteuses, qui trés présents l’an passé, 4 une présence
ont déja fait leurs preuves (Godard, Ima- timide de Hong-Kong, tandis que le
DE « DEGUSTATION ». mura, Lynch, Moretti, Oliveira, Hou cinéma taiwanais aprés Edward Yang
Hsiao-hsien, Tsai Ming-Liang) ou en (membre du jury cette année), se resume
DONC, PEUT-ETRE, DE réputations acquises sujettes 4 apprécia- aux deux cinéastes majeurs que sont Tsai
tions diverses (Haneke, Sokourov, Makh- Ming-liang (Et la-bas, quelle heure est-il ?)
REEVALUATIONS. malbaf pére) — méme si les Cahiers, fidéles et Hou Hsiao-hsien (Millenium Mambo).

g
3
2

w « Eloge de l'amour » de Jean-Luc Godard. @ « Millennium Mambo » de Hou Hsiao-hsien. @ « Roberto Succo » de Cédric Kahn.
emo: INE JAMET/H & K

@ Jeanne Balibar dans « Va savoir » de Jacques Rivette : Paris lui appartient-elle ?

En revanche, |’Autre Asie (Philippines, tion frangaise et la Terreur, du point de ressourcer auprés du cinéma de Méliés
Indonésie, etc.) brille toujours par son vue de la Monarchie) et de ses audaces tout en nous offrant ce qui reste 4 ce jour
absence, 4 l’exception d’un film thailan- formelles. Car, avec le numérique, Roh- le film le plus hitchcocko-renoirien réa-
dais a Un Certain Regard. Telle est la loi mer accomplit une vraie Révolution, lisé¢ par un cinéaste de la Nouvelle Vague.
de Cannes. Le cercle des auteurs consti- comme si, aprés s’étre nourri du cinéma L-Amérique est présente 4 Cannes,
tués revient en boucle et les pays font de de Lumiére, il éprouvait le besoin de se en compétition, avec deux films de stu-
méme. Certains tous les ans, d’autres tous dio (dont un film d’animation, Shrek), et
les deux ou trois ans tandis que certains des auteurs connus (David Lynch, les
disparaissent 4 mesure sans qu’on s’étonne fréres Coen, avec une mention particu-
vraiment de ne plus les voir revenir.
Cété Europe, aprés un détour par le
Les Cahiers a Cannes ligre pour The Pledge de Sean Penn, trés
attendu). De son coté, un Certain
Nord, I’an passé, Liv Ullmann, présidente
du jury, pourra gotter au cinéma latin,
avec France Inter Regard, accueillera des cinéastes qui ont
gouté a la compétition officielle (Abel
en provenance d’Italie (cing films 4 @ Le 16 mai, e Ferrara, Hal Hartley). Si cette sélection
Cannes), d’Espagne (Marc Recha), du est l’égale de la Sélection officielle, la
Portugal ot le facétieux Manoel de Oli- compétition en moins (pas question de
veira, avecJe rentre a la maison, nous fait parler de relégation en D2, nous dit-on),
part de son humour s'il n’obtient pas la reste alors 4 la Quinzaine des réalisateurs,
Palme d’or. Quant 4 la France, elle est qui présente de nombreux premiers films,
richement dotée, en compétition dassurer ce que le monde entier nous
(Rivette, avec Va savoir, bien prudent lui envie (en matiére de football) : la qualité
aussi quand il s’agit de prédire une Palme des centres de formation, pépiniére des
dor, Cédric Kahn, Catherine Corsini, futurs talents.
Fran¢ois Dupeyron) et ailleurs (Yves Cau- Mais l’événement du prochain festi-
mon, Jacques Doillon, Emmanuelle Ber- val, ce sera peut-étre la présentation du
cot, Claire Denis, Sandrine Veysset, Sol- Kiarostami, ABC, Africa, du documentaire
veig Anspach, Alain Guiraudie, Luc autobiographique de Martin Scorsese sur
Moullet, etc.). On regrette toutefois l’ab- le cinéma italien, I] Mio Viaggio in Italia,
sence de Fifi martingale de Jacques Rozier, et du film de Claude Lanzmann, Sobi-
ainsi que celle du dernier Rohmer, L’An- bor, 14 octobre 1943, 16 heures. La suite au
glaise et le duc, écarté de la compétition prochain numéro. m
officielle, qui a sans doute effrayé en rai- yn cette Anne Charles Tesson
son de sa franchise politique (la Révolu- Les listes des films sélectionnés sont en pages 43 et 44
CANNES 2001

NANN| MORETTI
La vote grave
Nanni MoreTTI ABORDE DANS SON ONZIEME FILM LA SOUFFRANCE D’UNE FAMILLE

CONFRONTEE A LA MORT D’UN ENFANT. ENTRETIEN SUR La Chambre du fils, SCENARIO,


TOURNAGE, ACTEURS... Recueilli par OLIVIER JOYARD et JEROME LARCHER

ly a trois ans, pour Cannes, les Cahiers ®@ La naissance de votre fils, théme cen- tendu fréquent 4 propos de mon travail :
montraient en couverture un pére et tral d’ Aprile, a-t-elle changé l’idée que Videntification de mon personnage avec
son fils : Nanni et Pietro Moretti pour vous vous faisiez du film ? moi-méme, de ce qu’il dit avec mes idées.
la sortie d’Aprile. Moretti y jouait son Non. Cela a rendu ce travail encore plus Cela dit, il est effectivement aujourd’ hui
propre personnage sur le ton de la douloureux. Et je I’ai vécu de maniére un peu plus « ensemble » avec les autres.
comédie, entre fiction et documen- encore plus violente. Mais ¢a n’a pas C’est la caractéristique principale d’un
taire. Nous le retrouvons dans La Chambre changé le film. psychanalyste : écouter, entendre, s’ouvrir
du fils en pére de famille endeuillé. a d’autres souffrances.
Humour et légéreté caustique cédent ® Vous dites avoir pensé 4 un film avec
place a la gravité. un psychanalyste depuis longtemps. @ Il y a aussi quelque chose de trés
Est-ce lié a la dramaturgie de La doux dans le film, la séquence avec les
® A la sortie d’ Aprile, vous disiez avoir Chambre du fils ? Hare Krishna par exemple. La Chambre
voulu tourner aprés Journal intime un La premiére chose était vraiment le per- du fils est 4 la fois grave et apaisé.
film de fiction sur un sujet grave et sonnage du psychanalyste. J’ai écrit seul C’est pour cela que je suis heureux de
douloureux, mais qu’il vous parais- un sujet oti ne figuraient pas tous les élé- lavoir fait aujourd’hui et non il y a quinze
sait trop difficile de le réaliser 4 ce ments du scénario final.Je suis content ans.A l’époque, il ne me serait méme pas
moment précis. S’agissait-il déja de La de l'avoir interprété maintenant. Il y a dix venu 4 l’esprit de tourner un film avec
Chambre dufils ? ans, j‘aurais surement pris une autre voie. pour théme la mort. J’aurais écrit le per-
Oui. En fait, c’est depuis une dizaine La, mon personnage est adulte. sonnage du psychanalyste, son rapport aux
d’années queje pense tourner un film Il y a une maniére différente de se rap- patients, aux enfants, de maniére trés dif-
avec comme personnage principal un porter aux autres au regard de mes films férente.
psychanalyste.
Aprés Journal intime,j’ai écrit précédents, surtout ceux qui datent d’une
un sujet sur la famille de ce psychanalyste, quinzaine d’années. II y avait mon per- ® Cest-a-dire...
ses patients et la mort de son fils. Il y a eu sonnage, et le monde... Pour moi, c’était Probablement avec plus d’intolérance et
trois raisons 4 ma décision de ne pas le un peu les deux faces de la méme moins d’affection vis-a-vis des patients.
faire tout de suite, méme si je savais que médaille, mais pas pour le public. Quand
jallais le réaliser quoi qu’il arrive. D’abord, je me mettais 4 hurler, c’était plus un signe ® C’est au moment ou vous faites un
jattendais un enfant 4 ce moment, et cela de faiblesse que de force. En tout cas, aussi film dont vous n’étes plus le centre
me semblait trop bizarre de réfléchir a de faiblesse. Mais ¢a n’était pas compris. que vous imaginez ce qui peut bou-
une telle histoire. Ensuite,je n’avais pas Le rapport d’une partie de mon public 4 leverser ce nouvel équilibre.
trouvé de scénariste pour écrire avec moi. mon personnage devenait un rapport de En Italie, les gens pensent que ce film est
Enfin, il y a eu, en 1996, la naissance de supporter. Ceux qui se sentaient proches différent. Pour moi, il ne l’est pas. Il m’a
mon fils, en méme temps que les élec- de moi le soutenaient, ceux qui ne m’ai- demandé trois ans de travail, et on ne peut
tions, avec la victoire de la gauche a maient pas soutenaient les autres person- pas dire que mes films d’avant étaient
Rome. J’ai commencé 4 tourner de nages contre le mien, peut-étre parce qu’il exclusivement comiques, ot qu’ils ne
maniére documentaire ce qui allait étre était trop moraliste. I n’y avait pas grand montraient rien de la souffrance et de
Aprile. Vécriture de La Chambre du fils a monde pour comprendre que tout cela la mort. Cela dit, dans La Chambre du fils,
donc commencé aprés, il y a trois ans. était au fond trés écrit. C’est un malen- autres personnages existent, pas seule-
Nanni Moretti
pendant le tournage
de @ La Chambre « Il y a quinze ans,
du fils
il he me serait pas venu

a Lesprit de tourner
un film avec pour theme
la mort. »
CANNES 2001

ment en fonction du mien. Qa n’a jamais


été aussi flagrant, méme si je suis trés atta-
ché 4 certaines figures de Palombella Rossa,
par exemple. J’avais envie que Laura
Morante ait son autonomie, qu'elle puisse
me renvoyer quelque chose et remettre
en cause mon point de vue. Dans Bianca,
elle était une projection des fantasmes de
mon personnage, ici, elle donne par elle-
méme une autre vision des événements
du film. J’étais donc intéressé par la rup-
ture de la « choralité », comme vous le
dites, mais dans le sens ou chaque per-
sonnage développe sa propre réaction 4
la mort. On dirait presque que la fille
cherche, et réussit parfois, 4 protéger ses
parents. Elle se cache pour pleurer dans
la cabine d’essayage d’un magasin. La
mére d’Andrea exprime sa douleur par
des cris, puis en s’accrochant 4 la lettre de @ Nanni Moretti avec Giuseppe Sanfelice qui joue Andrea, son fils.
la jeune amie de son fils, tandis que Gio-
vanni revient de maniére obsessionnelle trois phrases définitives dans sa chambre suivent la mort de mon fils. On le com-
a ce dimanche matin. I] est le premier 4 vide, soit c’est une personne trés rigide, prend aprés la scéne du Luna Park, quand
ne pas accepter une chose qu’il avait avec ses variantes comiques ou drama- je fais en sens inverse le parcours du début
pourtant dite 4 un de ses patients au début tiques, ou encore un personnage gro- du film. C’est une des raisons pour
du film... Je vais essayer de vous trou- tesque qui a plus de problémes que ses laquelle je voulais situer histoire de la
ver la phrase exacte [rires]... (Il cherche son patients.Je voulais concilier la crédibilité tragédie de cette famille dans le contexte
scénario dans un placard) « Vous vous sen- et ’humanité de mon personnage. Pen- dune petite ville, ou un événement de
tez toujours coupable, toujours responsable dant que j’€crivais, je cherchais 4 voir des ce type est forcément connu de tout le
de ce qui arrive. Mais, dans la vie, tout n’est films sur des psychanalystes, mais peu monde. Ce n’était pas indiqué explici-
pas déterminé par nous. Nous faisons sim- méritent le détour. Les scénaristes tentent tement dans le scénario, mais je tenais a
plement ce que nous pouvons. » Lui, ensuite, de raconter ce métier au grand public en ce que chacun, ou presque, se connaisse,
doit l’accepter. Entre parenthéses, dans le défoncant les murs du cabinet. On se et soit au courant de la mort de l'enfant.
scénario, durant cette séance, la deuxiéme, retrouve en pleine nature, dans un parc, De méme, Giovanni est l’un des seuls,
il y avait aussi une phrase sur le destin. je ne sais ot.Je tenais absolument a res- si ce n’est le seul psychanalyste de la ville.
Je disais 4 peu prés : « Tout dans la vie ne pecter le cadre de la psychanalyse. Quand il revient au travail, ses patients
peut pas étre déterminé par nous, c’est en grande savent tout. Arrive le moment ot il n’ar-
partie décidé par le destin. » Cela me parais- © La Chambre du fils est moins un film rive plus 4 maitriser sa propre souffrance
sait étonnant qu’un psychanalyste emploie sur la psychanalyse que sur le travail ajoutée 4 la leur. Il est juste qu’un psy-
ce terme, je n’étais pas convaincu. Gio- quotidien du psychanalyste... chanalyste ne dissimule pas ses propres
vanni, en cherchant les responsabilités 4 .-. Ou peut-étre davantage sur la vie d’un sentiments. Néanmoins, certaines de ses
tout prix, s’accuse lui-méme ou s’en psychanalyste. Pour cela, je souhaitais que réactions perturbent tout. C’est avec le
prend a Oscar, le dépressif qui I’a appelé le cabinet et I’habitation soient contigus, personnage d’ Oscar (Silvio Orlando), un
ce dimanche matin. Sa femme l’interpréte que l’espace professionnel et l’espace acteur avec lequel j'ai beaucoup travaillé,
comme un manque de respect par rap- intime apparaissent a peine séparés par qu’a lieu ce basculement. Mon ressenti-
port a la vie et 4 la mort de leur fils. D’ot une porte. On voit bien, dans le film, qu’il ment envers ce patient a davantage d’im-
leur dispute dans la cuisine... Pour en y a deux entrées pour un méme lieu. pact sur le spectateur qui avait déja vu Sil-
revenir 4 la fois au théme de la mort et Quand j’ouvre la porte a un patient, c’est vio dans mes films.
a la question du rapport de Giovanni 4 une entrée ; quand j’ouvre la porte 4 A ce moment, la question n’est plus de
ses patients, je dois dire qu’une part Ariana, c’est une autre entrée. Tout est pouvoir ou non atténuer la douleur, mais
importante du travail a eu lieu a l’écri- relié, tout est s¢paré. Ce n’est pas dans de faire face 4 une obsession. Giovanni
ture. J’ai été frappé par la remarque d’un le scénario, c’est une interprétation a pos- reconstruit une image : ce dimanche ot
ami : « Des scénarios et des films, il faudrait teriori, mais je crois que Giovanni a besoin son fils est mort. I] a un flash trés bref, il
pouvoir parler comme des plongeons : il y a un d’avoir sa famille 4 portée de main pour se voit 4 ses cOtés, comme dans un
coefficient de difficulté. » Ici, ce coefficient affronter la souffrance dissonante de ses magnétoscope ot l’on peut faire retour
est énorme. C’est une des raisons pour patients. Et le contraire aussi... Dans l’ap- en arriére, repasser une scéne indéfini-
lesquelles j’avais envie d’écrire, interpré- partement, je ne suis pas séparé de l’en- ment. Ces flashes reviennent lors d’une
ter et mettre en scéne ce personnage de semble des problémes et des personnes séance, pendant qu’il essaie d’écrire une
psychanalyste : comme spectateur, je suis que je vois dans mon cabinet. Limpor- lettre 4 Ariana, l’amie de son fils... Lors
presque toujours insatisfait de ce que je tant, c’est bien le quotidien. Moi — je dis de ces retours en arriére, qui ne sont pas
vois. Le psychanalyste est souvent morti- moi parce que je parle souvent a la pre- la réalité mais le fruit de mon imagina-
fié ou banalisé par le cinéma. Soit c’est miére personne de mes personnages —, je tion, il y a de la part de Laura Morante et
une espéce d’oracle qui balance deux ou recommence 4 travailler dans les jours qui moi, c’est-a-dire des personnages comme
CANN E°S* (210
0 4

des interprétes, cette conscience du fait naire ; elle a tout de suite compris la été 4 ce moment aussi proche d’An-
que I’on est en train d’essayer de changer maniére dont j’avais écrit le personnage tonioni.
Phistoire tout en sachant trés bien qu’elle de ma fille, ce qu’elle allait ressentir, la Je n’ai pas de réponse toute faite parce
ne changera pas. Il ne reste qu’a « retour- maniére dont elle devait l’exprimer... que jamais personne ne m’a parlé de ¢a
ner » les scénes, 4 « refaire » du jogging Vintelligence de la personne et lintelli- [rires]. Je me demande si le dernier plan
avec mon fils, 4 ne pas cesser d’imaginer. gence d’une actrice qui ne veut pas étre en caméra subjective, dans le bus, était
comédienne se sont confondues trés ins- prévu [il reprend son scénario].Je suis encore
Dans la premiére partie du film, il y tinctivement. Avec Laura Morante, qui trop dans le film pour avoir ce recul.Je
a une déja une forme de disparition, interpréte ma femme, on a travaillé davan- m/investis toujours beaucoup psycholo-
un éloignement entre votre fils et vous tage sur le scénario et le personnage. En giquement dans mes personnages. La,
a propos du fossile volé et de la par- profondeur. Enfin, aux acteurs qui jouaient ¢ était au point ou il y a eu des échanges
tie de tennis. les patients,
j’ai expliqué qu’ils devaient réciproques entre nous. D’abord 4 cause
C'est vrai. On voit déja les deux types de oublier tous les personnages de patients du sujet, ensuite parce j’ai travaillé plus
réaction des personnages. Paola adhére stéréotypés. Un peu comme pour jouer que jamais. Dans tous les sens du terme,
4 ce que dit son fils presque naturelle- un psychanalyste, il faut a la fois qu’on
ment, tandis que Giovanni, c’est dans son sente une implication et un détachement,
caractére d’y croire puis de ne plus y pour jouer un patient, il ne faut pas se
croire. Pendant les scénes d’analyse, il y laisser aller 4 une attitude trop naturaliste,
repense. Quelque chose de ses rapports qui ne me plait pas beaucoup. Aprés, c’est « Avec ce film, je veux
avec son fils lui échappe — on le voit dans du travail, sur le plateau, partout.
le dialogue autour du tennis... C’est sa affirmer mon idée du
fille qui a hérité du caractére du person- Pourquoi cette idée d’emmener les
nage de mes films précédents. personnages vers une frontiére lors de la cinéma. Pas comme une
scéne finale, qui se déroule 4 Menton ?
On évoque rarement avec vous votre Ce qui m’intéressait, en tournant, était de négation, plutdt comme
maniére de diriger les acteurs... faire voir un mouvement, tant a l’inté-
... Alors que depuis toujours, c’est pro- rieur des personnages que physique. une réelle affirmation. »
bablement ce qui m’intéresse le plus. Quelque chose qui commengait a se
D’abord en les choisissant, puis en tour- décoincer. Et qui se passait, littéralement.
nant avec eux. J’aime aussi beaucoup diri- J-aimais aussi cette idée d’aller d'une mer
ger les figurants ; souvent, dans le cinéma, vers une autre. Mais en écrivant le scé- je pense que mes films reflétent une
on voit trés bien qu’ils ne le sont pas. Pen- nario,je n’ai pas voulu lui donner trop de période de ma vie, un sentiment. Une
dant la préparation, j’ai rencontré beau- signification. Cela dit,je suis ouvert a maniére de les raconter se met en place.
coup d’acteurs sans rien leur spécifier. Ils toutes les interprétations. Enfin, presque
s’attendaient a l’entretien rituel d’une toutes /rires, silence]. On entend toujours A un moment, I’un des patients parle
dizaine de minutes. En fait, j'ai donné a la méme rhétorique sur la douleur qui avec vous d’un film qui l’a beaucoup
chacun plusieurs pages de texte corres- nous rendrait solidaires les uns des autres. aidé... Etes-vous réconcilié avec la fic-
pondant a des rdles différents : aux Je ne veux pas dire que le contraire est tion et avec le cinéma ?
hommes, les patients, le proviseur, le toujours vrai, mais j’avais envie de racon- Ce qui m’intéresse, c’est la décision du
prétre, le collégue du psychiatre ; aux ter une histoire ot la mort et la douleur patient d’aller voir un film, son geste.Je
femmes, les patientes. La plupart ont da divisent des gens qui s’aiment. Et 4 la fin, n’avais pas envie de donner de titre pré-
rester une heure et demie au moins. II sur cette plage, prés de la frontiére, il y a cis. Il n’y a d’ailleurs aucune référence a
y a différentes maniéres d’arriver a un une unité de temps, de lieu. Peut-étre que l’actualité quelle qu’elle soit dans La
résultat. C’est 4 partir de la multiplication chacun pense et réfléchit pour soi, mais il Chambre du fils. Ce n’est pas un choix ou
des points de vue que j’ai pu réfléchir au est clair que quelque chose a changé... une revendication particuliére, mais tout
jeu idéal. Ma rencontre avec Jasmine ce que j’ai essayé d’inclure au moment
Trinca a été quelque chose d’extraordi- ™ Il me semble que vous n’avez jamais de l’écriture paraissait hors sujet.

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CANNES 2001

™ Il y a une croyance profonde dans Dans une premiére version du scénario,


le film en ce dont la mise en scéne est je pratiquais plusieurs sports. Mais ¢a res-
capable. « La simplicité, ce nest semblait trop a une « passerelle » de sports,
Je ne sais pas si je réponds a votre ques- était lourd. J’ai préféré me concentrer
tion, mais le cinéma n’est pas une réfé- pas simple... Il faut sur la course 4 pied. Giovanni la pratique
rence négative dans La Chambre du fils. d’abord pour connaitre la solitude et, a la
Au contraire de ma vieille habitude,je beaucoup de travail fin du film, pour s’épuiser. Le sport remet
n’évoque aucun film que je n’aime pas. aussi en cause l’idée initiale que je me fai-
Avant, soit je citais précisément les trucs pour Latteindre. Elle sais des personnages. Au départ, ma fille
que je détestais, soit je les parodiais [silence]. devait étre comédienne de théatre, mais
Ici, je veux affirmer mon idée du cinéma. nest pas synonyme de je me suis rendu compte que je préférais
Pas comme une négation, plutét comme m’intéresser a la psychologie d’une spor-
une réelle affirmation. spontanéité. » tive, et j’ai préféré la faire jouer au basket.
De méme, ma femme était peintre. On
i Le montage a-t-il été long ? lui a donné un travail moins symbolique.
Trés long. Parce que, généralement, au Une famille avec un pére psychanalyste,
tournage, on marque les bonnes prises. . «Nous ne nous souvenons plus pourquoi une mére peintre et une fille actrice,
Cette fois, non. I] ne faut jamais oublier nous nous sommes retrouves ici... » c’était un peu trop...
de le faire, ne serait-ce que par instinct de
survie. Mais je crois que c’était mieux La chanson vous a-t-elle influencé | Le sport définit votre personnage, et
ainsi. Méme si j’avais plusieurs combi- pour écrire et pour tourner ? son rapport aux autres. Son statut de
naisons possibles,je n’arrivais pas sur le La séquence finale, non. Mais pour celle pére, c’est d’étre le premier spectateur
moment 4 me décider pour telle ou telle du disquaire, j’écoutais la chanson sur le de ses enfants... C’est un enjeu dra-
scéne. Ce film est si important pour moi plateau. J’avais quelques gros plans que je matique
que je le voulais le plus juste possible. n’ai pas montés. Sur cette scéne, comme Vous avez raison. De méme qu’on com-
sur d’autres, j’ai finalement décidé de prend par le sport que c’est ma fille qui
Le plus simple aussi... tourner la s¢quence en un mouvement. me ressemble le plus. Ensuite, pour le
... La simplicité, il faut ’obtenir. Ce n’est Ce n’est pas une régle, mais souvent,je moment de la mort du fils, cela ne m’a
pas simple... II faut beaucoup de travail préfére voir grandir une scéne 4 l’inté- jamais traversé l’esprit de montrer l’acci-
pour l’atteindre. Elle n’est pas synonyme rieur d’un seul plan. Quand Paola et moi dent, la mer, les ambulances.Je n’ai pas
de spontanéité, ni d’improvisation, ni de sommes 4 la maison, en train de répondre hésité 4 montrer les cris, la chapelle
banalité. Elle est le résultat d’une aux télégrammes, la caméra est sur nous ardente ; mais il fallait pouvoir sauter ce
recherche. puis le plan s’élargit sur l’arrivée de notre passage de l’accident. Et j’ai trouvé cette
fille. Aprés, il y a la messe en I’honneur solution :l’annoncer a ma fille pendant
La chanson de Brian Eno, que I’on d’Andrea. Le spectateur n’est pas guidé un de ses matches. Cela me rappelle un
entend deux fois dans le film, est un par un montage didactique. événement que j’ai vécu personnelle-
modeéle de simplicité... ment, méme si c’était de maniére moins
Je V'aimais beaucoup. Quand j’ai eu l’idée Je voulais parler du sport... dramatique. C’était pendant |’été 1970.
de la scéne dans le magasin de disques, ot Ah ! Heureusement ! Mon grand-pére, le dernier qui me res-
je cherche un cadeau pour mon fils qui tait, était trés malade, je savais qu’il allait
est mort, j’y ai brusquement pensé. J’ai su Il y a deux moments clefs du film bientét mourir. On était en juillet et je
aussi qu’elle devrait conclure le film.Je ou le sport est le cadre de la fiction. venais de voir avec lui la finale de la coupe
me suis fait ensuite traduire les paroles. D’abord la partie de tennis, ot le pére du monde de football, Brésil-Italie, 4-1.
Par une coincidence étrange, elles s’adap- reproche a son fils de ne pas vouloir C'est d’ailleurs la derniére fois que j’ai été
taient parfaitement. gagner. Puis l’annonce 4 la fille de la supporter de l’équipe d’Italie...
mort de son frére, en plein match de
« Nous voila, devant cette riviére...» basket. ® Désolé pour l’Euro...

Attention 8 @ c00 ©
UNE SUCCESSION D

exclusivit Agrostis DE GENIE

» —
DES NOUVELLES:

SELECTION CATHERS
aden
CINEMA
CANNES 2 Oto A

m@ Nanni Moretti et Giuseppe Sanfelice. « Le sport remet en cause V’idée initiale que je me faisais des personnages. »

Ce n’est pas grave,je n’étais plus sup- gagner, et je lui dis : « Mon fils, le sport c’est contre lui. Cela peut paraitre un détail,
porter, pas aprés le choc de 70 ! Bien. Un Sait pour ca. » Ca aussi, c’est quelque chose mais pour moi c’était capital. Donc, il ne
matin, j’étais en train de m’entrainer 4 la qui vient de moi directement. Mon fils, me paraissait pas sérieux de tourner les
piscine, je jouais en premiére division de avec sa timidité, ne le vit pas pareil. intérieurs ici et les extérieurs 1a-bas, tant
water-polo a l’époque, deux séances tous sur le plan du point de vue, de la réalisa-
les jours. J’étais dans l’eau, je me souviens ® Revenons au travail d’acteur. Vous tion que, surtout, de l’interprétation. (...)
avoir vu de loin, en plan éloigné, mon étes-vous approprié le personnage au Quand j’ai commencé la deuxiéme par-
pére et mon frére arriver sur les gradins moment d’écrire le scénario ou pen- tie, aprés la mort de mon fils dans le film
en marbre de la piscine. J’avais compris, dant le le tournage ? Avez-vous eu [long silence]
j étais... je ne restais pas...
c’est un peu éloigné du film, mais j’avais besoin d’un regard extérieur comme je ne réussissais pas a rester indifférent 4
compris 4 ce moment-la qu’ils étaient celui de Laura Morante pour jouer ce la douleur que je racontais. Le soir, en
venus m’annoncer la mort de mon role? | rentrant 4 P’hétel, j’étais imprégné de cette
grand-pére... Il y a aussi la scéne des [Silence]. Ecrire, tourner et monter ce film douleur dont je sortais 4 peine. La scéne
chaussures de sport avec la patiente.Je lui a été une longue traversée. Mais en ce qui de I’hépital, de la chapelle ardente, cer-
ouvre mon placard. Probablement, dans concerne mon personnage et la maniére taines scénes avec les patients... Cela ne
un film que j’aurais fait il y a quelques dont je voulais l’interpréter, j’avais des nv’ était pas du tout arrivé dans la troi-
années, ¢a n’aurait pas été une scéne ima- idées assez claires dés le début.Je savais siéme partie de Journal Intime, quand je
ginaire, ca aurait été la réalité. La, c’est le quel genre de psychanalyste il était, quel racontais mon cancer. Beaucoup de gens
fantasme d’un psychanalyste. genre de pére.Je n’ai pas tourné exac- me disaient : « Oh, ¢a doit beaucoup te coti-
tement dans l’ordre chronologique, j’ai ter de revivre cette expérience, beaucoup t’an-
®@ Le sport correspond aussi a des tout de méme mis en boite la premiére goisser de repasser par ces moments-la ». Moi,
moments de vacance, a une idée partie avant la deuxiéme. De plus, j’ai je ne repensais pas du tout 4 ma maladie,
enfantine. tourné les intérieurs 4 Ancéne. D’autres je considérais mon travail de réalisateur,
Aprés le film, j'ai découvert que des amis réalisateurs, d'autres producteurs, auraient je parlais avec mes collaborateurs, je réglais
psychanalystes couraient le marathon. sans doute fait les extérieurs 1a-bas et les des problémes techniques et j’interpré-
Mais c’est aprés... Ca ne justifie rien. intérieurs ici, 4 Rome, dans une maison tais un réle qui se trouvait étre moi-
Simplement, le sport, surtout le sport pra- quelconque, par souci d’économie. Mais méme.
tiqué, fait partie de ma vie. C’est donc il m’arrive de temps en temps, pour ce Sur le tournage de La Chambre du fils,
tout naturellement que j’en fais de la fic- que je considére étre le bien du film, de c’était trés différent [silence]. Aprés, il m’en
tion. Pour La Chambre du fils,j’ai vrai- faire des choix peu rentables. Pour Palom- restait quelque chose. =
ment eu la sensation qu’un psychanalyste bella Rossa, dont j’étais aussi le produc-
avait besoin de silence, de solitude. C’est teur, j’'aurais dépensé bien moins en (Propos recueillis a Rome, le 5 avril.
un des aspects. Il y a l’autre, qui est 4 l’ori- situant le match 4 Rome, mais je sou- Remerciements chaleureux a Silvia Bonnuci,
gine du conflit avec mon fils :je n’arrive haitais que ce joueur de water-polo com- qui a traduit simultanément lentretien, et a
pas 4 comprendre pourquoi il ne veut pas muniste joue a l’extérieur avec le public Hélene Frappat, pour son aide précieuse)
BANWNES 2:0 04

La Chambre du fils
de Nanni Moretti

Le divan
du peére
par STEPHANE BOUQUET

u début, c’est comme un qui est le plus intelligent, mais qu’est-ce


paradis vivant, une figura- qu’on peut faire ? Il semble que, depuis
tion du bonheur, une Aprile et l'expérience de la paternité,
famille unie et réunie. I] n’y Moretti ait abandonné son personnage
a rien qui ne va pas : les d’autarcique passant son temps a redresser
enfants sont charmants, les les torts de la société, d’isolé insulaire — voir
parents idem et aisés (elle Journal intime — qui a (la) raison (pour lui).
— Laura Morante — éditrice, lui — Nanni L’apparition d’un nouveau sujet (le fils)
Moretti — psychanalyste), l’appartement et d’une nouvelle responsabilité semble
grand, la vue splendide, les jeunes entament avoir déplacé la question de la scéne sociale
des idylles, les parents se désirent encore. La a la scéne intime. Mais la question reste
force de Moretti est de ne pas attendre la inchangée : comment bien se comporter
catastrophe (la mort du fils) pour empoi- avec les autres ? vivre ensemble ? et com-
gner le spectateur par le malheur mais de ment aussi protéger ceux qu’on aime ? bref,
l’émouvoir déja grace au bonheur. En fil- peut-on atteindre a la société idéale ? Fidéle
mant la famille comme une utopie, il détaille 4 une certaine vocation du cinéma italien,
précisément le lieu d’un désir 4 peine Moretti construit un cinéma du socius, de
enfoui, un autrefois qui aurait été l’age d’or ; lamitié comme fondement du politique
la référence au latin des Anciens a valeur de (ou du familial, c’est 4 peu prés identique
référence : le passé était mythique, était beau. méme si la vie quotidienne en est chan-
Ce que montre d’abord La Chambre du gée : moins de réunions dans les cellules, @ Pour accéder a la solitude
fils, ce qui se défait sous nos yeux, c’est donc plus de repas dans la cuisine). La raison y ou pour s’épuiser, la course |
le réve réalisé de la communauté parfaite. fonctionne moins que l’affect. Ce n’est donc comme échappatoire.
Cet instant de plus grande fusion, comme pas tout a fait un hasard, si le malheur arrive
toujours chez Moretti, se réalise 4 plein sous quand les quatre (pére, mére, fille, fils) sont
le signe de la chanson (italienne) : en voi- séparés. Un plan de chacun et la mort aprés.
ture, oti le pére, en gros plan, commence Etre seul, voila 4 quoi cela expose.
a chanter seul, avant que les trois autres, Le fils est désigné pour mourir. Il faut La Chambre du fils
découverts ensuite, le rejoignent un a un. dire qu’il est celui qui a commis la faute,
Force de la parole d’accomplir ce miracle : volé un fossile (par jeu), nié avoir commis N’EST PAS UN FILM SUR LE
aboutir 4 un méme plan, un méme chant, le vol, puis reconnu le méfait. Mais il a aussi
et atteindre la perfection de la comm-union. cassé le fossile — et fut incapable de le recol- DEUIL PSYCHOLOGIQUE,
C’est le paradoxe de Moretti cinéaste de ler. Le fossile désigne sans trop de doute
croire moins 4 l’image qu’au verbe (et au le lieu édénique de lorigine.A la fois son MAIS UN FILM
verbe enchanté). Tous ses films, et celui-ci bris et le mensonge marquent la sortie de
encore, installent des dispositifs de parole (le l’espace utopique. Plus tard, aprés la mort MYTHOLOGIQUE SUR
divan en Poccurrence) pour régler les diver- d’Andrea, le pére constatera devant Paola,
gences (subjectives ou objectives). Si le nou- sa femme, que tout dans la maison est ébré- LE SACRIFICE.
veau film de Moretti ressemble aussi, par ché. II cassera 4 nouveau et volontairement
son sujet, a un téléfilm, c’est qu’il s’agit de sa théiére préférée qui avait été, elle, parfai- LA CHAMBRE, C’EST A LA
faire un film commun (un film comme les tement recollée. Mais les gestes ne s’annu-
autres et avec le plus grand nombre d’autres lent pas, ni ne s’additionnent. Ils se font dans FOIS LA CHAMBRE REELLE ET
possible). Nous ne sommes pas [a, dit le psy deux espaces différents : avant-aprés. Et que
(le cinéaste) 4 un client critique, pour savoir le pére soudain se mette a répéter les gestes LA GROTTE-LABYRINTHE.
CAMIN_E S 20.6 4

u mort, 4 écouter a son tour une chanson mére, parfaitement recoller les morceaux. qu’ensuite le fils se sera noyé, il se produit
nglaise, n’y changera rien : la musique ni Mais il veut de l’innocence, et il n’y a pas une chose bouleversante : pére, mére et fille
imitation ne peuvent refaire de |’étre- de vie innocente, seule la mort est l’inno- sont soumis chacun 4 leur tour 4 un dan-
nsemble, la langue commune est perdue. cence. Ce pour quoi Giovanni sacrifie son ger physique c’est-a-dire au réel, pas le fils,
a chanson anglaise s’entend sur fond de fils, lequel est désormais trop loin de l’idéal. radieux, ensoleillé, physique d’ange pasoli-
oix et de chien et loup, la of il n’y avait Andrea refuse méme de gagner au tennis, nien, et déja délivré des souillures. La mort
u que du soleil. Le vol et le mensonge ont c'est dire. Il faut insister : ceci n’est pas un est la solution que choisissent les dieux pour
té deux transgressions d’Andrea qui le film sur le deuil psychologique, mais un film avoir auprés d’eux leurs élus. C’est ce que
ondamnent aux yeux de son pére, lequel mythologique sur le sacrifice. La chambre dit le curé, et c’est pourquoi Moretti ne peut
e cesse jamais d’étre la loi (n’importe qui du fils, c’est 4 la fois sa chambre réelle et pas, comme il aurait fait dans d’autres films,
it cela). Il y a ailleurs une scéne étrange, la grotte-labyrinthe oi il se perd et se noie. se lever et intervenir — parce qu’au fond,
ers le début du film : agité, Giovanni se Lhomme est dans la nature comme en une méme si c’est sur d’autres bases philoso-
snd dans la chambre du fils, s’arréte et nuit aveugle, dit le texte latin que les enfants phiques, il est d’accord. Sous ses airs de rien,
ontemple les lieux (trop rangés) comme si puis les parents traduisent, et la nature Giovanni est un sacré Minotaure et la grotte
a fond Andrea était déja mort. La culpa- Técrase. C’est une ironie du sort qu’Arianna, est sa bouche.
ilité que ressentira plus tard le pére (si j’étais flirt de vacances d’ Andrea, surgisse du néant, La mythologie — c’est ce que nous a
ssté, si j’avais insisté, etc.) figurée par de mais, trop tard, elle qui a le fil pour sortir appris, entre autres, la psychanalyse — se
elles scénes imaginaires est d’autant plus du labyrinthe et s’en servira ensuite pour retravaille et réinterpréte. La réinterpréta-
iolente qu’il est au fond vraiment respon- guider les parents. Dans les quatre plans déja tion de Moretti est moins affaire de
ble (c'est en cela que le film est terrible). cités, un plan pour chaque membre de la conscience intime que de conscience
prés tout, il aurait pu réagir comme la famille, et qui sont le seuil de la mort, puis- sociale, tendance Malaise dans la civilisation. >
CANNES 2700 4

La Chambre du fils figure indissolublement


un procés (du réel — parce que dégradation,
chute) et un deuil (de l’idéal — le fils valant RENCONTRE / LAURA MORANTE
métaphoriquement pour ce qui n’aura pas

Leffacée volontaire
été transmis et probablement ne peut pas
létre). Le procés est permanent. Certes,
en tant que psychanalyste, Giovanni refuse
de juger comme I’en remercie un patient,
mais il ne fait que se tenir a son rdle. Pour
le reste, il faut surveiller (sa fille qui drague)
et soumettre le monde 4 la critique. Refaire par OLIVIER JOYARD
une version latine selon les lois de la gram-
maire, méme si c’est pour s’apercevoir que
les non-régles de l’intuition aboutissent au @ Italienne, ayant vécu en France, polyglotte ment, parce que Nanni était dans un é
méme résultat. De méme, le dénonciateur et internationalement belle, Laura Morante de fatigue profond — nous avons méme da |
du vol n’a rien vu selon les principes légi- est une actrice aussi familiére que radicale- terrompre pendant deux semaines -, le.
times du droit, mais quand méme il sait. ment nouvelle a nos yeux. Dans La Chambre mat a été chaleureux, je dirais méme aft
Il n’est sans doute pas tout a fait ano- du fils, c'est béte a dire, elle est juste : juste tueux. Pas de panique, pas de théorie a me
din que la mort du fils marque l’éviction assez triste, juste assez physique, juste assez en pratique dans la terreur. » Et pourtant, t
du masculin (instance fondatrice des Prin- distanciée. Elle avait peut-étre tiré quelques idée précise de Paola, la femme de Giovar
cipes). Le pére, qui s’intéressait surtout 4 son certitudes de Sogni d’oro (1981) et surtout Moretti dans le film, dont la réaction a la pe
fils (c’est sa téte 4 lui qu’il caresse sans arrét, Bianca (1983), deux films de Nanni Moretti de son fils est a l’opposé de celle de son mz
pas celle de sa fille), se retrouve face 4 trois qui restent parmi ses plus beaux. Mais elle a « Nanni a voulu un personnage serein et «
femmes : Paola, sa fille et Arianna. Qu’a- tout oublié pour ces retrouvailles : « Depuis cret, jusqu’a la catastrophe. Elle semble a
t-il 4 apprendre du féminin ? Des gestes quinze ans, nous nous &tions a peine revus. de bons rapports avec ses enfants, elle ai
(celui, trés beau, ott la mére pose son front Ila fallu recommencer au début : les essais, son mari. Celui qui est problématique, c’
contre le vétement de son fils), des effon- l'attente, le doute. Nanni a insisté pour dire Giovanni. Aprés la mort de son fils, Pa
drements, des larmes, des coups méme (c’est que son choix ne se ferait pas fait en fonction ne cherche pas de coupable imaginaire, m
aprés que sa fille s’est battue que lui-méme, du jeu, mais de I’image de la famille que nous s'accroche au moindre signe pour revenir
si calme, pique une crise et casse la théiére). devions construire a |’écran. Je n'ai lu le scé- vie, comme la lettre de la jeune fille. Elle
Il s’escrime 4 écrire lettre sur lettre pour nario qu’aprés. Du vague, je suis passée au capable d’éprouver, a Iintérieur de la doul
prévenir Arianna et finalement c’est Paola trés précis : je l’ai trouvé superbement écrit. une sorte d’exaltation. »
qui, sur un coup de téte, prend le téléphone A la difficulté psychologique d'imaginer un On demande a Laura Morante quel a
et parle. personnage en proie a une telle douleur a suc- son travail pour préparer, comme actrice
De méme au « il faut qu’on parle » de cédé I’évidence que Nanni savait ce qu'il vou- comme personnage, la rupture brutale |
Giovanni, sa femme oppose une fin de non- lait. C'est trés important. Ma liberté, comme scinde le film en deux : « Je ne sais pas...
recevoir. Sortir de la parole comme terri- actrice, n'est jamais dans le rattrapage d’un n'ai pas de réponse, c’est si rare que je |
toire désaffecté de la Loi, de la fonction mauvais texte, mais dans le plongeon vers pare quelque chose, je me sers de ce qu
paternelle, telle semble la legon du film la certitude d’un autre. » me donne, mais pas d’une maniere rati
(Moretti est un cinéaste 4 legons, de méme Ce mouvement du vague vers le précis a dai nelle, vraiment, je ne sais pas. »
que Pasolini, Rossellini ou Visconti). Aban- étre répété : « Je n’ai pas le souvenir d'un long On comprend que ce réle dans La Charr
donner la position de retrait du psychana- travail avant le tournage, a part quelques lec- du fils a eu un effet rare. Celui de regrou
lyste qui use de la parole comme d’un évi- tures qui ont provoqué un petit choc, car en une expérience beaucoup d'autres, pe
dement des pulsions, d’une protection face Nanni intervenait souvent, alors que je me étre celles d'une vie entiére de cinéma. t
a elle. Abandonner le personnage beau par- sentais en phase de “mise a l’aise”. Une fois pas que les autres films soient oubliés (E
leur et le cinéaste ratiocineur pour autre sur le plateau, nous refaisions les scénes sans tolucci par exemple : La Tragédie d'un hon
chose.A la fin,le divan est mis de c6té, Gio- arrét. En cela, lui et moi sommes proches : ridicule, en 1981). Mais le récit du tourne
vanni accepte le face-a-face avec ses patients nous procédons par élimination. Ce qui n’est souvenirs, tentatives, sensations forcent |
et méme il en prend un dans ses bras, avant pas absolument nécessaire disparait. Concré- trice a en élargir le spectre. « Prenons
d’abandonner tout 4 fait son métier. C’est tement, cela voulait dire regarder le moniteur exemple : la scéne de pleurs, sur le lit, sc
pourquoi la fin du film est si belle :le silen- vidéo trés souvent, de gré ou de force, tra- de douleur pure, a été tournée presque a
cieux voyage en voiture (« Ne dors pas, dit- vailler par ajustements, oublier un geste, une courte qu'elle est dans le film. Mon jeu
il a Paola, restons éveillés » et ils restent éveillés expression, les remplacer par d’autres. Le animal. Nanni a voulu cela, mais nous
en effet, et muets) pour accompagner regard de Nanni a été fondamental. Parfois l'avons pas théorisé. En général, nous a\
Arianna (c’est elle qui connait l’issue hors violent pour moi, mais fondamental. Au bout peu théorisé. C’est bien tombé, ca
de la chambre du fils), le rire au bout du du compte, nous pouvions toujours nous n'éprouve pas le besoin de réfléchir trop
silence, le soleil revenu et le dernier plan entendre sur un choix. » mes personnages, seule ou avec le met
— antonionien — ot la caméra s’éloigne et Cette suite de retraits était nécessaire. La en scéne, de trop rationaliser, parce qu
laisse ce qui reste de la famille debout mar- plus grande crainte du cinéaste, selon Laura me bloque. Je préfére ne pas savoir ce qu
chant solitaire et ensemble vers la mer qui Morante, était « /e mélo, l’exagération. Un veux dire, j’ai envie de me laisser vivre a
est la of Andrea est mort. Quelque chose sujet aussi difficile nécessitait beaucoup de tir du cadre : le scénario, mes partenaires
comme une réconciliation hébétée, qui aussi calme. Et si le tournage a commencé dure- indications du réalisateur sur le moment
est une facon d’étre avec. @
CANNES 2001

ura Morante dans « La Chambre du fils ».

7e une certaine fragilité. Sur un matériau


« Nanni a insisté :
que |’on prend a la réalité pour qu'il soit vrai
n sujet aussi délicats, la volonté ne doit
se percevoir. J'ai I’habitude en général,
son choix ne se ferait pas dans un sens plus profond doit étre transformé.
J'ai travaillé avec des acteurs américains qui
ne si ¢a ne s'est pas tellement passé
ime cela avec Nanni, de répéter pour moi-
en fonction du jeu, mais multipliaient les tics “véristes“ — se gratter
lVoreille, tousser —, et je ne pouvais plus rien
ne, de préférence quand il y a de la confu-
sur la plateau. La, l’essentiel a pourtant
de limage de la famille faire. Sans le contréle d'un cinéaste qui sait
ce qu'il veut, tout est perdu... »
oréservé. »
\u’appelle-t-elle |’essentiel ? « Peut-étre
que nous devions Pour cette raison, le réle de Laura Morante
dans La Chambre du fils est pour elle capital.
tinct. En tous les cas, un travail qui ne se
se pas de maniére consciente, voire de
construire a lécran. » « Et plus que ce réle, ce film. Je ne crois pas
aux réles dans I’absolu, il y a des réles dans
in totalement inconsciente. » Comment des films. Aprés celui-ci, il m’est difficile de
iver ? « // faut concilier les ajustements passer a d'autres. » Elle sera la partenaire de
'e par scéne avec le désir d’étre intuitive. Javier Bardem dans The Dancer Upstairs, de
$té danseuse, et c'est exactement comme Le corps, la voix, le regard, tout le monde John Malkovich, tourné en Espagne. « J’ai
que ¢a se passe. Une danseuse doit avoir les a. Mais un acteur est la pour éliminer ce aussi joué dans Time Code, de Mike Figgis.
ontréle parfait d’une technique, et étre qu'on n’élimine jamais en marchant, en par- Trés dur, car je n’ai pas le goat des perfor-
i capable de danser, c’est-a-dire de faire lant, en fréquentant les autres. » mances. Sur ce film, nous étions cinquante
ui demande le plus d’abandon et de sen- Rigueur, travail, abandon. La stature effa- acteurs. Le cinéaste est arrivé le premier jour
‘nt. Pour moi, il n'y a pas de contradic- cée et charnelle de Laura Morante dans La et il a dit : “Je vous préviens, il faudra voler
Etre actrice, je ne sais pas si c’est une Chambre du fils le dit 4 chaque scéne. Cette la caméra.” La seule chose possible, c'est
'e d'art, mais, en tous les cas, c'est un combinaison a toujours été la grande force du qu'elle me vole moi, sinon, on ne va pas se
e d'expression qui a a voir avec I’art, et il cinéma italien. L’actrice tient d’ailleurs a tra- rencontrer. Je n’ai jamais eu le plaisir d’étre
ne partie artisanale, un travail quotidien. vailler sur place ; ces derniéres années, elle a sur un plateau, dans un film, avant tout. I! me
‘ent, aux yeux des gens extérieurs, jouer joué dans plusieurs films italiens. « J’ai une faut une autorisation 4 y 6tre. Dans La
8tre une maniére d’imiter la réalité. Il ya certaine méfiance envers la tradition améri- Chambre du fils, tout était fluide. On n’a rien
uoi confondre, en effet, puisque, a la dif- caine de I’Actors Studio, méme si la volonté forcé. > ™
1ce des musiciens, nous utilisons un ins- antidéclamatoire de la méthode Stanislavski Propos recueillis avec Jéréme Larcher,
ent que tout le monde utilise dans Ia vie. est intéressante. Disons que chaque élément a Rome, Je 5 avril.
ON PART DE CELA : JEAN-LUC GODARD A MIS CINQ ANS
A REALISER SON DERNIER FILM, Eloge de l’amour, EN
COMPETITION A CANNES. ET COMME SOUVENT AVEC GODARD,
A FORCE DE PRENDRE SON TEMPS, ON PASSE A L’ HIsTOIRE,

A LA MEMOIRE. ET ON PREND DE LA HAUTEUR.

Recueilli par JACQUES RANCIERE et CHARLES TESSON


C A NIN ES 200 1

JEAN-LUC GODARD
Une longue histoire
ing ans se sont écoulés entre (Miéville), on croit souvent que I’on perd vieux — c’est la fin de la jeunesse — et des
le commencement du pro- la mémoire parce qu’au moment ot I’on jeunes — c’est le début de la jeunesse — et,
jet intitulé Eloge de l'amour et veut dire un nom, il n’est pas 1a, on ne entre les deux, il y a toute l’existence. Ca
la présentation du film 4 le trouve pas immédiatement mais, deux ne pouvait pas se faire, il y avait un trou,
Cannes. Cing années aux ou trois jours aprés, il est la, donc elle javais essayé mais... Il en est resté peut-
cours desquelles Godard a existe mais d’une facon différente. étre une vague idée de quelqu’un qui a
écrit un scénario qu’il n’a pas filmé mais un projet et dont on voit des choses de
publié (voir Jean-Luc Godard par Jean-Luc © Quelles étaient les choses dont vous type plutot documentaire. On m’a dit que
Godard, tome 2, éd. Cahiers du cinéma) étiez stir au début et qui sont restées ? c’était un film documentaire, mais je ne
avant de tourner un film qu’il a « oublié » Le début, c’était il y a cing ou six ans. Le connais pas le sens de ce mot.
un an et demi avant de I’achever. I] a fallu contrat avec Canal + date de 1996. Ce
dix ans 4 Godard pour concevoir ses His- qui m’intéressait surtout, dans le premier ® Pour en revenir a l’ordre du film...
toire(s) du cinéma (1988-1998). Eloge de stade, c’était une histoire de déchronolo- Jai eu beaucoup de mal. On a tourné
Vamour est un film qui le dépasse tout en gie dont il est resté quelque chose : un quelques entretiens ou interviews avec des
s'inspirant de ce que l’autre a engendré. retour en arriére. Ensuite, c’est parti sur jeunes gens et des vieilles dames, début
Godard s’en explique dans l’entretien qu’il Vhistoire de trois couples. J’ai cru que 1999. Il y a eu un arrét et on a tourné la
nous a accordé. c’était celui-la que j’allais faire, puis j’ai suite en septembre. Du reste, les acteurs
eu des difficultés.Je me suis apercu qu’on rétaient pas choisis, je ne les trouvais pas.
® Eloge de l’amour suscite une attente. pouvait filmer un jeune. Si on vous filme, Je sentais que je ne pouvais pas tenir le
On y cherche la réponse 4 la fagon de vous ou moi, personne ne dira comme role, car ¢a aurait été un auteur qui a un
faire du cinéma aprés les Histoire(s) du premier mot : « C’est un adulte. » Il faut projet, un film sur le cinéma, il ne fallait
cinéma. Dans la premiére partie, on a une histoire, il faut dire quel genre surtout pas que ce soit ¢a.On a tourné en
le sentiment qu’il y a une sorte d’af- d’adulte : c’est le rédacteur en chef d’un- septembre, puis on a enchainé sur la Bre-
franchissement, on retrouve Paris, le tel ou c’est l’amoureux d’untel. Tandis tagne dont je savais qu’elle devait avoir
noir et blanc, Bande a part, etc., dans la que si on filme un jeune, quelqu’un qui lieu, mais qui était trés confuse pour moi
deuxiéme partie en couleurs, les His- ne connait pas dira : « Il y a trois jeunes
dans et qui l’est restée un peu pendant le tour-
toire(s) du cinéma sont plus prégnantes. ce bureau », jamais on ne dira : « I y a trois nage. Mon passé me conduisait plutét 4
Vous étes d’accord ? adultes. » Idem si c’est des vieux. Il y a des cet endroit de Bretagne, aux grands-
C’est de la vidéo traitée un peu de la parents, etc. Ca venait de mon histoire per-
méme fa¢on, mais je n’y ai pas vraiment sonnelle et aussi de l’histoire de la R ésis-
pensé. Le sentiment de I’histoire est peut- ey : tance, de ’ Occupation et de la guerre qui
étre plus développé ; c’était la seule chose Ce film a mis s’est mise 4 jouer comme un souvenir
consciente dans ce film qui a mis beau- : jas pour moi. Ce qui fait que je ne savais pas
coup de temps a trouver son point de CauUCOUP Ae be ps qui menait le bal ? Si c’était moi par rap-
départ. : ] port au film ou le film par rapport 4 moi ?
boint de
® Pourquoi ? ® Dans Eloge de l’amour, on pergoit une
C’est une longue histoire personnelle et logique du retour en arriére. Le film
mondiale. Comme pour un athléte qui ya : semble nous dire : « On ne peut pas faire
cherche d’abord la discipline of il doit /isto1re Pe un film sur amour et sur les adultes, si on
courir, puis le stade ot il va s’inscrire, et 7 n’a pas réglé son rapport a l’Histoire. »
ensuite la course. Ca met quatre ou cing et mondta C’est comme si vous disiez que, désor-
ans. C’est lage aussi, on met plus de mais, toute histoire ne sera possible que
temps. La mémoire... Avec Anne-Marie si l’on renoue un rapport a l’Histoire. >
CANNES 2-010) 1

Je suis d’accord.Je n’emploierai pas le mot Celui qui dans le film a un projet dit : tains le disent méme avant et le répétent
« logique ». Dés que je l’emploie,
jai du « Ca va peut-étre étre un film, un opéra ou un ensuite aux journalistes : « J’ai voulu faire
remords parce que, dans l’avant-dernier roman. » On ne sait pas. Lui, je le présente un film contre la dictature en Gréce. » On peut
film d’Anne-Marie, je dis un texte d’Han- comme quelqu’un s’intéressant 4 la étre sir que le film est mauvais ou moyen.
nah Arendt, dont la seule chose qui me musique et dont le vrai projet, au début, Cela doit étre senti par la main ou les
reste c’est que la logique était le début du est de faire une cantate sur ou pour yeux si on est littéraire, par Yoreille si...
totalitarisme. /rires] Donc chaque fois que Simone Weil. On peut penser, et c’est ce Il s’est passé ¢a, je n’y pensais pas maisj’y
je prononce ce mot,je me dis : « Mince, que j'ai fini par penser a la longue, que la pense maintenant, tout a coup, je
Je vais me faire engueuler. » musique que l’on entend dans le film découvre... Le distributeur, Michéle Hal-
pourrait étre quelque chose de cette can- berstadt, m’a dit : « Le souffle de Francoise
Dans votre conversation avec Yous- tate, mais ce n’est pas 4 moi de le dire. Verny (qui est a elle, qui est sa facon d’étre
sef Ishaghpour', vous dites que l’his- aujourd hui), ¢a m’a fait penser a la scene du
toire est l’ceuvre des ceuvres, et que le Pendant la séquence devant l’ile début (moije n’y avais jamais pensé) on
cinéma, la littérature et la peinture, sont Seguin, on croit entendre la chanson une espece de SDF dit : “Je ne sais pas si mon
des subdivisions de cette ceuvre. de L’Atalante. souffle tiendra jusqu’a demain, si mes lacets
. Ou des multiplications. autre jour, Oui, c’est le son de L’Atalante puisqu’on tiendront jusqu ’a la semaine prochaine. *y»
je voyais écrit sur le papier a en-téte de était 14 et que des chalands passaient. Il y a quinze ans, si j’y avais pensé avant,
notre vendeura l’étranger : « Une division, en prenant des notes, j’aurais trouvé ¢a
(comme on dit dans l'industrie) de Lge adulte, ¢a a un lien assez fort bien, j’aurais essayé de le faire, et méme
Canal + ». Or, dans les rapports avec Stu- avec l’histoire du cinéma et avec ce si Pactrice ne le faisait pas naturellement,
dio Canal, j’ai plutot ’impression que ce théme de la relation entre cinéma et J’aurais essayé de lui faire faire. Aujour-
sont des multiplications, que Canal Satel- télévision : le passage de l’art enfant 4 @hui,jej me dis que ccest bien que ¢a soit
lite n’est pas une division de Canal +, mais Vadulte crétin. Quel rapport faites-vous arrivé, mais si je m’apercois que je le
une multiplication. Qu’est-ce qui est venu entre ce destin tout tracé dans His- décide avant,je l’enléve.Je me méfie du
en premier historiquement ? J’aurais ten- toire(s) du cinéma et ce que vous dites commentaire qui améne une certitude.
dance a dire, par hypothése, que la mul- la, a savoir que l’on n’arrive pas a étre Le pire des commentaires, c’est le com-
tiplication est venue avant, simplement adulte, qu’il n’y a pas d’adultes, qu’il mentaire sportif. Lautre jour, je regardais
parce que l'homme produit des rejetons n’y a pas d’histoires d’adultes ? la finale de tennis : Capriati contre Venus
et se multiplie ; et qu’ensuite il faut appli- C’est quelque chose que beaucoup de Williams. Soudain, il y a eu une coupure
quer quelque chose de l’ordre de la divi- gens disent a leur fagon. J’ai été renforcé de la liaison avec le commentaire, assuré
sion, sinon ¢a devient le cancer ou... par la fagon de jouer de Bruno Putzulu, par Hervé Duthu et Arnaud Beetsch, l’an-
Qu’est-ce qui vient en premier ? Qu’est- trés saine et trés droite.Je l’ai engagé en cien joueur. Le commentaire vient par
ce qui vient en deuxiéme ? Je suis trés me disant : il ne se prendra pas pour quel- d'autres canaux, c’est déja un signe : il
préoccupé par ces choses. qu’un, il est honnéte, s'il doit défendre un n’est pas avec l’image, il n’est pas phy-
la, un fa ou un do diése, il le défendra, sique. I] y a eu un bandeau d’Eurosport :
On parle aussi de division blindée. et c’est ce qu'il faut. Finalement, le per- « Nous nous excusons... » C’est incroyable !
Ce n’est pas par hasard. On ne dit pas des sonnage, c’est ce qu’en dit son serviteur Il restait le son du direct. D’habitude,je
« multiplications blindées », alors que les a la fin : « C’est la seule personne queje regarde en muet parce que le commen-
divisions blindées multiplient les crimes. connaisse qui essaye d’étre adulte. » Comme taire m’exaspére mais, avec le tennis, c’est
je n’avais pas traité les vieux... mais 1a, je un peu embétant, parce qu’on n’entend
Ce qui beau dans le film, ce sont ces me justifie aprés-coup. Si je fais avant le plus le bruit des balles et, du coup, c’était
moments ou il est question de l’Age commentaire de mon propre film, en direct. J’ai mis un moment 4 m’en
adulte qui n’existe pas. Les jeunes et comme ce que font tous les cinéastes qui rendre compte et je ne savais pas quoi
les vieux, ¢a va avec la construction sont interviewés, ¢a ne va plus... On vous faire de cette liberté d’apprécier moi-
du film et du temps dans le film. Vous dit : « Monsieur, qu’avez-vous voulu faire ? », méme, a ma fagon,et de dire si j’en avais
annoncez quatre Ages de l’amour... et on répond : « J’ai voulu faire ¢a. » Cer- envie :« Ah quel beau smash ! »,« Ah quelle

Attention
clusivite!
D
fase remaster
octets
8 at

aden CATHERS
Pi ue CINEMA
CANNES 2001

Jolie volée !»,« Ah non ! Elle n’aurait pas di méres qui passent. On est content, parce Monde diplomatique. Benjamin disait qu’on
Jaire un passing long de ligne ! » Je ne pou- qu’on se dit qu’au moment ot |’on allait non seulement filmer, mais étre
vais pas le dire, comme un prisonnier qui invente la chose, la chose passe et vous filmé, qu’il faudrait s’habituer 4 regar-
sort de prison et qui est tout 4 coup rend visite. der tout en étant regardé, et que les deux
ébloui. Il me semble que tout est com- grands vainqueurs de cela seraient le dic-
mentaire aujourd’hui. J’aime encore ® Lépisode Renault est moins nostal- tateur et la vedette. Qu’est-ce que vous
mieux le commentaire moyen, a |’an- gique que beaucoup d’autres choses voulez dire d’autre ? Rien n’a changé.
cienne, celui des films sur les animaux de que vous avez pu faire recemment.
la BBC, oft on dit : « Les tigres font ceci, etc. » Je trouve que le film n’a aucune nostal- ® Entre le moment ot vous avez
Mais dans la création cinématographique, gie. C’est un progrés. tourné le film et le moment du mon-
partout sauf chez des gens originaux —je
n’en connais qu’un ou deux, il y en a cer- ® Ce plan du bois de Boulogne fait
tainement plus —, le commentaire penser aux Straub, a cette maniére de
empéche qu’il y ait une sorte de com- montrer, dans le lieu, les traces de ce
munication avec le film. II n’y a plus l’in- qu’il y a eu avant.
térét d’abord muet de se demander : C'est le coté bétement historique que
« Pourquoi on filme celui-la ? Comment on l’on remet dans la fiction. De méme, il
filme ? », parce que tout est d’abord écrit y a longtemps que je connais cette plaque
et le scénario n’est que le commentaire au pont Neuf du gardien de la paix, René
de la mise en scéne, sous la forme d’une Revel, qui a été tué... ¢a m’a toujours
histoire. Les plans dans la rue donnent au géné qu’on dise : « tué par les Allemands ».
film un air un peu ancien, parce que j’ai
retrouvé le gout que j’avais 4 l’époque de ® Pourquoi ?
la Nouvelle Vague, quand on filmait des Jai simplement fait dire 4 la jeune
endroits qu’on aimait ou simplement que femme : « On ne devrait pas dire ca comme
Yon connaissait, dans lesquels on passait ¢a.» Comment ? Ecrivez un numéro 1|a-
souvent, et qui étaient interdits de filmage, dessus.
si jose dire, par le cinéma professionnel
de l’époque parce que ¢a ne se faisait pas. ®@ Aprés avoir vu votre film, je suis
Jean-Marie (Straub) réussit les plans de passé a la fontaine Saint-Michel et j’ai gg
tue. Dans Sicilia, ils n’était pas réussis, ils regardé la plaque que vous montrez &
2
étaient voulus. Dans son film, Anne-Marie dans Eloge de l’amour, 4 laquelle je 2
filme quelque chose des voitures et n’avais jamais prété attention. 2
quelque chose de la circulation. La, parce On ne les voit plus. C’est comme les
qu’on sent que c’est ce qu’il faut faire, on noms de rue, qui sont tous d’anciens « ly a longtemps que
essaye de filmer quelque chose de la nuit. combattants de droite ou de gauche. On
ne sait plus ot I’on habite. C’est ce sen- Je connais cette plaque
® Dans L’Eloge de l’amour, on respire timent-la. Comme il dit : « Eglantine, est-
plus l’air du temps : les spF dans la rue, ce que vous vous rendez compte que le projet au pont Neufdu
la mondialisation et ses effets, la dis- ne sera pas V’histoire d’Eglantine, mais, dit un
parition de la classe ouvriére : une peu bétement, la grande histoire qui passe a gardien de la paix, René
usine Renault filmée comme dans un travers Eglantine, et qui est aussi l’histoire
Murnau, une sorte de maison fantéme @’Eglantine. » evel, qui a été tue...
abandonnée...
Oui, mais ¢a c’est documentaire, ce n’est ® Eglantine, ga a un rapport avec ours gene
pas pareil.Je voulais un parcours, je vou- Giraudoux ?
lais qu’elle habite en province. On a cher- Oui, bien stir. J’ai hésité entre Clémen- quon dise « tué par les
ché des lieux. J’ai vu Renault, on a dit : tine et Eglantine. Vautre jour, j’ai lu dans
« C’est ld. » Aprés, j’ai écrit les dialogues. le bouquin de Daney peut-étre... Je Allemands ».
Je me suis souvenu du titre d'un bouquin trouve qu’a la fin, il allait de plus en plus
de Bettelheim qui s’appelait La Forteresse vers le commentaire de la chose, que la
vide,je me suis dit :« Tiens, on disait aussi chose elle-méme par rapport a d’autres tage, vous avez laissé le film reposer
la _forteresse ouvriére », et voila. arts, car si on lit la chronologie de ses pendant longtemps.
textes... ce qui fait qu’il n’est pas passé Jai tourné dans le film d’Anne-Marie.
@ Il y a un jardinier qui passe... par la caméra, chose qui est bien oubliée,
Ils sont passés par hasard au moment ot chose qui n’est pas arrivée 4 Bazin. @ Il n’y a pas que ¢a.
on tournait et on leur a demandé si on Jai fait un court-métrage pour Cannes.
pouvait les filmer. En fait, ce sont des & C’est-a-dire ? Et pour des raisons financiéres, qui sont
semi-handicapés que la mairie emploie. Il citait un petit texte de Walter Benja- la base de tous mes travaux, j’ai fait ce que
A ce moment-la, il dit : « Quand je vous min, de 1936, l’époque ot il écrivait son jai appelé : Le Moment choisi des Histoire(s)
parlais de la CGT, je voulais en fait parler Essai sur oeuvre d’art a Vheure de la repro- du cinéma, C’est un film d’une heure et
des luttes ouvriéres, je voulais parler de : “éphé- ductibilité technique. Daney avait fait un demie, qui comporte huit fois dix minutes
mére”’», et on voit quelques vieux éphé- texte la~dessus qui était paru dans Le des huit émissions, et que Gaumont garde >
CANNES 2001

menterré, comme tout ce que fait Gau- chez Dostoievski ne me touche pas du fait ca. Ce sont des réves éveillés. La Bre-
mont. tout. Chez Julien Green, c’est plutot une tagne, les grands-parents, la Résistance. ..
espéce de romanesque qui me touche, Pourquoi ? Si quelqu’un vient occuper
C’est paradoxal que les Histoire(s) du alors que, pendant longtemps, j'aurais sou- un pays, qu’est-ce que je ferais ? Je ne sais
cinéma existent sous forme de cD haité faire un roman de Bernanos qui pas. J’aurais plutot tendance a dire : « S’il
audio, sous forme d’un livre... s’appelle La Joie. 11 y avait un coté pam- veut venir ici, je m’en vais. Je peux essayer
Aépoque, Gaumont a refusé de faire les phlétaire chez Bernanos et Péguy, ou plu- de m’entendre, mais s’il n’y a pas moyen,je
cp, on les a faits chez ECM. C’est drdle tot éditorialiste, parce que pamphlétaire m’en vais. » J’avais un sujet de film sur les
parce que le CD a eu de trés bonnes cri- fait un peu XIX*. J’ai le sentiment que le Russes qui s’appelait Conversation avec
tiques. Il a eu le Grand Prix du disque en cinéma que l’on doit faire aujourd’hui, Dimitri. Sarde et une coproductrice suisse
Allemagne, une vraie critique dans le New le cinéma réussi... La Pomme par étaient d’accord, les contrats étaient signés.
York Times, par le critique musical du jour- exemple, ou les films d’Anne-Marie, qui Javais réservé les décors, j’étais allé voir
nal, sur les extraits de film. J’étais content. réussit a rajouter du texte sur du texte, Max von Sydow, il était d’accord, on avait
Sinon, j’étais un peu chagriné par I’ac- qui n’est plus un simple commentaire. transmis la demande a son agent et tout
cueil qu’avaient recu les Histoire(s) du Les autres commentent la réalité et si c’est d'un coup ¢a s’est arrété. Cela se passait
cinéma. Avec Ishaghpour, on a réussi 4 ren- eux la réalité, ils se commentent eux- du temps de l’Occupation de la France
trer un peu dans le sujet. Tandis qu’avec mémes. Quand Cézanne peignait sa par les Russes, pendant les derniéres
les autres non, c’était :« L’auteur a voulu pomme, il prenait une pomme et il la pei- années. Les Russes se rendaient compte
ci ou ¢a... Magnifique ! Superbe ! », mais gnait, maisje ne pense pas qu’il aurait que les Francais ne jouaient pas le jeu de
il n’y ena pas un qui m’ait dit :« Ce n’est souhaité s’expliquer 4 un journaliste qui la collaboration contrairement a ce qu’ils
pas cette image-la qu’il aurait fallu mettre. » lui demande : « Pourquoi avez-vous pris une avaient dit. Ils laissaient les Russes tout
Ca m/a pris dix ans a faire les Histoire(s) pomme et pas une poire ? » Aujourd’hui, faire : vider les poubelles, construire les
du cinéma,je ne pensais pas au départ ; en restons dans le cinéma, si vous intervie- autobus, faire marcher les avions, le métro,
voyant ensuite la réception,je me suis wez un metteur en scéne de cinéma, il etc. Ils avaient nommé un vieux Bolche-
rendu compte queje n’avais eu que du vous expliquera pourquoi il a pris une vique au centre du cinéma, c’était un des
commentaire sur quelque chose qui est pomme au lieu d’une poire. En fait quand derniers représentants de 17. Ils conver-
déja un commentaire d’historien et un il dit ¢a, il parle de lui. saient. Quatre saisons, quatre conversa
peu de cinéaste aussi.Je me souviens tions et, a la derniére conversation, les
dune phrase de Péguy dans Clio, qui est Au lieu de vous parler de la poire Russes pliaient bagages, ils partaient, et les
dans Histoire(s) du cinéma. I dit : « Que et de la pomme, on vous demandera : Américains débarquaient au festival de
serait-ce si au lieu de rajouter du texte sur « Pourquoi avez-vous mis la Résistance au Deauville. /rires]
du texte on rajoutait du texte sur de la réa- centre ? » Il y a une sorte de renver-
lité ? Et que serait-ce encore, si au lieu de texte sement par rapport aux Histoire(s) du Pour vous, quand est-ce que ¢a finit
sur la réalité, on rajoutait de la réalité sur la cinéma ; ce n’est pas Auschwitz, c’est un film ? Aprés le tournage ou aprés
réalité ? » la Résistance. le montage ? Quand prend-il du sens ?
Ca c’est mon histoire. Il y a eu des évé- Une fois qu’il est monté. Chez d’autres,
On peut répondre que l’on ne sait nements dans un pays qui est ma premiére le sens est 14 dés le départ et on l’ap-
pas trés bien ce que c’est que la réa- et ma derniére patrie, méme si j’ai un sta- plique plus ou moins bien tout en lais-
lite. La référence 4 Péguy reste encore tut juridique d’étranger.Je n’ai rien su,je sant place a... De ce point de vue-la,je
trés importante dans Eloge de l’amour n’ai rien connu,je me sentais proche... différe beaucoup d’Anne-Marie, on est
et, au fond, cette espéce de conjonc- Je n’arrive pas 4 me souvenir de mes réves, aux antipodes. Le sens final vient tou-
tion finale : Résistance, catholicisme, a les raconter, et si je m’en souvenais,je jours au montage, quoi qu’il arrive, que
histoire... ne saurais pas les interpréter, comme ce soit du montage 4 la Welles, quand
C’est mon cété Péguy et Bernanos... Freud ou certains bons analystes. Par il fait 250 plans en quinze minutes 4 la
Alors que j’ai eu une éducation protes- contre, quand je vois certains de mes films, fin de La Soif du mal... ou un plan
tante mais ¢a n’a pas joué. La religion jarrive maintenant 4 voir pourquoi j’ai séquence au début.

Attention
UNE secession DE

exclusivité! COMPOSITEURS DE GE

v DES MUSIQUES DE FILMS

[zens] aden
SELECTION CATILERS
CINEMA
CANNES 2-0 01

®@ J'ai l’impression que Bresson est @ Avant, c’était plutét Malraux et


entré dans le film parce que sa mort L’Espoir et la, c’est Bataille...
est survenue pendant le tournage. Non, mais on ne peut pas tout le temps
Non, c’est une vieille fidélité 4 cet dire du bien de Malraux. [rites]
homme et 4 ce cinéma, qui m’a marqué,
impressionné. J’aime moins ses derniers @ Il y a une schématisation de l’Amé-
films, mais on ne peut pas tout aimer. Je rique, de plus en plus forte chez vous.
ne pense pas qu’un cinéaste, comme un Quand |’Américain arrive, c’est uni-
peintre, puisse faire plus de deux ou trois quement un marchand de soupe. Alors
bons films sur quarante ou cinquante ans. que Jack Palance dans Le Mépris ce
Il peut en faire beaucoup, moi j’en ai fait n’était pas ¢a.
beaucoup. Il y a des beaux plans dans cer- C’était un poéte.
tains de mes films, mais c’est tout, le film
est trés mauvais. On cite Bande a part, mais @ Il y a comme un déclin de l’image
souvent c’est trés mauvais, Masculin fémi-
nin, c'est un peu mieux. Il y a de bonnes
idées. Le noir et blanc est peut-étre plus - narrive pas a me
proche de Masculin féminin. Aprés His-
toire(s) du cinéma, il fallait passer au noir et souvenir de mes réves,
blanc, de nouveau.
a les raconter, et si je
® Pourquoi ?
Parce que était la suite de histoire. Il men souvenals, je ne
fallait bien qu’elle me prenne au mot ou
que je la prenne au mot, puisque je l’avais SAUNAIS pas les
accompagnée.
inte rprétel »
@ Et le retour 4 la couleur dans la
deuxiéme partie ?
Si je raconte chronologiquement, je vais
forcément tomber dans l’histoire au sens ameéricaine.
anecdotique. Donc inversons les choses : Non, ce sont purement des politiques. Si
montrons le présent d’abord, et le passé au lieu de ce représentant, on appelait
ensuite. Faisons un long retour en arriére, l’assistant de Spielberg, vous pourriez
c’est une figure qu’a inventée le cinéma, mettre Frangois Hollande ou Lionel Jos-
mais ce ne sera pas un flash-back.Je suis pin, c’est pareil, ce sont des politiques.
resté un petit garcon contradicteur, sin- Comme dit la grand-mére en citant Cio-
cérement : tout le monde ferait le pré- ran : « Nous sommes tous des farceurs, nous
sent en couleur et le passé en noir et survivons a nos problémes. » Tout le monde
blanc, faisons le contraire. parle des Américains, mais ils n’ont pas
de nom. Un Texan du Texas, on l’appelle
®@ La coupure est trés fortement mar- Texan, un Californien de Californie aussi
quée. Dés les premiers plans, on a l’im- etc. Mais les Etats-Unis n’ont pas de nom.
pression d’une couleur un peu trafi-
quée. On passe d’un_ réalisme d'une facon ou d’une autre. Ce texte était ™ Nous sommes le pays dont viendrait
Nouvelle Vague 4 une couleur un peu assez fort. la mémoire. Vidée de I’ Américain ou
synthétique. de I’Etats-Unien comme I’homme sans
Quand on I’a fait, on a appelé ¢a : « Les & Finalement, c’est du Brasillach qui mémoire qui vient voler la mémoire...
fauves », avec des degrés plus ou moins est comme du Aragon chanté par Ce n’est pas voulu, c’est inconscient.
forcés. C’est vrai qu’en peinture, mon Ferré. Il y a quelque chose d’étonnant Comment expliquer qu’ils le veulent ?
gout c’est les impressionnistes, 4 partir de dans cette inversion des réles. Les Russes ne voulaient pas envahir, ils
Turner jusqu’a Kandinsky, l’école alle- Oui, mais c’est juste le texte qui compte, voulaient dominer, alors pour dominer
mande, c’est-a-dire les Fauves. peu importe. On le situe historiquement ils ont envahi tout ce qu’ils ont pu.
en disant que c’est quelqu’un qui a été Conversation avec Dimitri c’était ¢a : quel
® Brasillach, vous l’avez bien choisi fusillé 4 l’époque de la Libération. était l’intérét de venir occuper Paris ?
pour une raison précise parce qu’il Quand le Tsar est venu, aprés Napoléon,
prend une grande intensité. ®... pour ce qu’il avait écrit. il s’ennuyait, il ne tenait pas a rester.
Effectivement, c’est de Brasillach, ce sont Pour ses actes, pour ses actes d’écriture.Je Qu’est-ce qui fait que les Etats-Unis veu-
les choses terribles qu’il a écrites, mais je tenais 4 ce qu’on entende : Libération de lent étre la conscience... Il n’y a qu’a
ne peux pas oublier que c’est aussi les his- la France, de méme s’il parle du Bleu du regarder leurs films, entre les Etats-Unis
toires du cinéma de Bardéche et Bra- ael de Bataille, je tenais 4 ce qu’on dise que et l’Allemagne. Qui a fait le plus de films
sillach, deux normaliens. Il faut le ratta- Cest un texte qui est sorti 4 la Libération sur la Seconde Guerre mondiale ? Ce
cher a l’histoire de la Nouvelle Vague, de la France et qu’il a eu 200 lecteurs. sont les Etats-Unis. A 80%, il s’agit de >

CAWBTGn¢ Nit CINEGAIA / MAT DON014 ae


COAONUN
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films avec les Allemands. Combien d’ac- aprés « exploitation ». La télé, c’est l’ex- surant de pouvoir me dire : « Quoi qu’il
teurs américains étaient contents de jouer ploitation tout de suite, et la diffusion. arrive, je pourrai, méme si c'est avec un crayon
des Allemands. Quand Fuller fait L’Enfer Aujourd’hui, un bon film est produit, et du papier a dessin. Ce ne sera pas avec une
de Corée, eux qui aiment le champ- ensuite il n’est plus diffusé, c’est pour ¢a cameéra et de la pellicule, mais ce ne sera pas
contrechamp, il ne fait méme pas le qu’il ne marche pas. Il y a des exceptions. un roman, ce sera un film.» Pour faire du
contrechamp coréen. Du Vietnam, on ne Des ceuvres d’art ou des objets, il faudrait cinéma, il faut un minimum d’argent,
voit pas le Vietnam du Nord, on a vu un mieux dire : « C’est de la diffusion. » Une méme si vous vous lancez aujourd’ hui
peu le Vietnam du Sud, mais, pour Cop- série de télévision n’est pas produite, elle —ce que les gens ne font pas — a faire une
pola ou Kubrick, les Vietnamiens sont des est produite pour étre diffusée. Ici, la pro- petite vidéo, il faut un petit minimum, ¢a
« niakoués ». C’est étrange, ils pourraient duction est une annexe de la diffusion. cotite quelque chose, et il faut gagner plus
faire autre chose, mais ils sont en panne Dans le cinéma, il y a encore, au tournage de 10 000 francs par mois, réguliérement.
didées. Le cinéma américain des surtout et si ensuite on peut en faire le Il y a un effort financier que j’apprécie
années 30 n’était pas du tout en panne montage, un aspect de la production qui dans la fonction du cinématographe, c’est
didées, jusqu’aux années 60. C’était un est comme la mére qui produit l’enfant. qu’il est proche de la vie, on doit gagner
élément moteur, puis il s'est transformé Je n’ai pas eu d’enfant donc les gens avec sa vie, on doit gagner son film dans le
en télévision. L Amérique est surtout a la qui j’en discute me disent :« Ti n’es pas méme sens.
télévision aux heures creuses, c’est-a-dire qualifié, tu n’en as pas eu », je dis :« Six jours
80% de la journée... C’est pareil qu’au sur sept, non, mais un jour sur sept, ca devrait Au début, on voit le livre avec les
tennis. On dit qu’il faut gagner les points vous intéresser d’en parler avec moi parce que pages blanches, il n’y a pas de texte
Jjen’en ai pas eu », en essayant d’étre hon- dedans.
néte et intelligent vis-a-vis de moi-méme. Effectivement, dans les mains de Putzulu.
Mon point de vue c’est que le papa ne C était la métaphore du livre blanc. On
squaux années 60, fait rien. Il a confiance en sa dame et la dit méme le livre noir, le livre noir du
maman produit. C’est elle qui produit, communisme...
le cinéma américain qui nourrit. Lui, il a envoyé quelque
chose, il ne sait méme pas si c’est lui Dans la premiére partie, le livre
neétait pas du tout en donc... C’est histoire que racontait blanc, en l’occurrence, c’est plutét la
Dolto 4 propos de Joseph et Marie. On page blanche.
panne dideée. ne sait pas, et donc si on n’est pas un bon Je ne voulais pas qu’on pense 4 la page
Joseph, on a besoin de reprendre... Aprés, blanche, maisje ne pouvais pas l’éviter,
Puis il sest transformé c’est l’attachement de l’enfant qui a chacun fait son interprétation. Quand il
besoin du pére ou du rdle du pére. y a une affaire pas claire, il y a une com-
en télévision. » mission, ensuite on publie ce qu’on
Vous dites dans Histoire(s) du cinéma, appelle un livre blanc. C’est le livre blanc
que l’Amérique c’est « a girl and a du film. On peut continuer, c’est comme
gun ». le loup blanc, il y en a beaucoup. [rires]
importants mais si on ne gagne que les C’est Griffith qui a dit ¢a, ce n’est pas
points importants, on perd la partie. moi. Ce qu’il voulait dire 4 l’époque La, c’est vous qui faites le com-
LAmérique a gagné la partie 4 la télé- c’était simple : il suffit d’un revolver et mentaire, parce que celui qui voit le
vision, grace aux heures creuses. C’est @une fille, et on peut faire un film. De film voit une page blanche.
quand méme étrange que l’Europe et le méme, j'ai pensé quand j’ai vu Voyage A l’époque ot nous vivons, vous voyez
monde entier voient quasiment les en Italie : avec deux personnes dans une un livre et vous pensez « page », parce que
mémes images tout le temps. En frangais, voiture, on peut faire un film. C’est pos- vous étes écrivain. Moi,je me suis dit :
contrairement a d’autres langues, les sible si on veut. Lelouch I’a fait, ca ne veut « Puisqu’on voit un livre, espérons que les gens
termes sont intéressants. En France, on pas dire que ¢a sera un bon film. Mais, ne penseront pas tout de suite a la fameuse
dit « production », « distribution », puis a ’époque, je me souviens que c’était ras- page blanche. » Si j’avais voulu faire penser >

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ENT
ReE T I EUN

ma la page blanche, j’aurais pris une page jai inventé ce nom de réseau.Je me sou- Mais mémie les films comme ceux de Vis-
blanche.Je ne voulais pas, parce que ¢a viens trés bien avant d’aller en Bretagne, conti par exemple, qui sont trés élaborés,
aurait fait : projet de film qui ne se fait Sarde, le producteur, me disait : « Ca obéissent 4 cette... il faudra trouver un
pas, etc. La, c'est un document historique. va ?», je lui disais : « Oui, on tourne » — autre mot que « logique » [rires], obéis-
Le livre blanc appartient a l’histoire, ce « Mais vous tournez quoi ? », je lui disais : sent a cette nécessaire liberté méme s’ils
sont les historiens qui font les livres blancs « Ben rien, on ne voit rien, mais j’ai la sont extrémement bien construits, vou-
sur la Gestapo... croyance, V’espérance... » Il y a une phrase lus, plus proches du théatre en ce sens.
de Denis de Rougemont dans Penser avec C’était mon goat.
@ Justement, ils ne sont jamais blancs, les mains, queje sais encore par coeur,je
ils sont noirs. Dans le film, Tristan ou Vai citée dans Histoire(s) du cinéma : « C’est @ C’est tout de méme trés loin de
Perceval, ce sont a la fois des noms de en espérance que nous sommes sauvés mais votre cinéma.
Phistoire et des noms de réseau. cette espérance est vraie car le temps détruit Oui, néanmoins je suis trés attiré par cela,
Tout a fait, c’est la poésie.Je tenais a citer Vacte mais l’acte est juge du temps.» Si je mais je ne saurais pas le faire car je ne vois
l'amour courtois... Ce n’est pas sensible m’exprimais en tant que critique de pas ce que je ferais faire aux gens. J’ai-
dans la Jeanne d’Arc de Rivette, car ce n'est cinéma, si je faisais la critique du film, merais beaucoup écrire des textes pour
je dirais que ce film a essayé de filmer des le théatre, jaime bien écrire des dialogues,
actes que le temps détruit, mais le temps mais par quoi commencer ? Tandis que,
a son tour sera jugé par ces actes. pour les films, j’ai toujours eu le senti-
ment qu'il y avait un don, qu’on recevait
m Vacte est juge du temps, mais que quelque chose, et qu’aprés on pouvait...
se passe-t-il 4 chaque moment du C’est plus proche de la peinture. On voit
film... le film comme totalité ? une feuille d’arbre, on dit : « Je vais la des-
Je pourrais dire si ce n’est pas trop pré- siner. » On ne peut pas étre tout seul, c’est
tentieux : avoir ce sentiment d’acte et puis trop, il faut étre un petit groupe, mais il
de temps, ce sont deux choses qui vont faut avoir besoin de la vision. J’aimerais
ensemble. Finalement, c’est comme la bien faire un film avec un vrai contre-
mécanique quantique au début du siécle champ. Il n’y en a jamais eu. Il y a juste
quand ils ont découvert que tout ce qu’ils eu ce qu’ont fait les Américains, mais c’est
pouvaient dire c’était : on ne connait pas devenu n’importe quoi, tous les grands
la vitesse de la particule mais on connait films qu’on connait jusqu’a aujourd’hui
lendroit ot elle est, et si on connait I’en- n’ont pas de champ-contrechamp. Pour
droit 08 elle est, par contre, on ne connait une raison, c’est que le vrai contrechamp,
pas sa vitesse. Il y a donc un double rap- on ne sait pas ce que c’est. Levinas a sou-
port d’acte et de temps, ce qu’un scien- vent de belles idées, mais quand il parle
tifique ne peut pas dire comme ¢a. du regard et de autre qu’on ne peut pas
tuer, de l’autre qui est qu’on ne peut pas
®@ Est-ce qu’il n’y a pas deux vitesses tuer, et bien il fait un mauvais contre-
finalement ? II y a le déplacement des champ. Le cinéma peut peut-étre s’ap-
particules, une sorte de liberté assez procher de ces questions-la.Je ne peux
St 7 que, extraordinaire des éléments dans ce pas parce que je n’ai pas la capacité intel-
film et, en méme temps, il y a une lectuelle de Levinas, mais si on était tous
1€ dirais gue ce film a vitesse contrainte. Malgré tout, on les deux, on arriverait 4 faire une phrase
applique un scénario. plus profonde, plus élaborée, juste dans
seca S holt Roe ee
CSSAYVE ade filmer des a Tous les films que je trouve bons finis- ce domaine-la. J’ai justement un projet
sent par un scénario. De méme que Mal- de court-métrage sur des rencontres
gue
1 ke temps aetruit, raux dit :« La mort transforme la vie en des- d'amour dans les arrondissements.Je leur
tin. » Tout mauvais film commence par ai proposé un truc,je ne sais pas du tout
Mats le temps a son tour un scénario et finit par une copie du scé- si ¢a va se faire, qui s’appellerait Champ
nario. On le voit trés bien dans de nom- contre Champ. C’est une fille qui s’appelle
a in ces actes
uUge ar CS ACTEeS breux films francais. Dans beaucoup Adrienne Champ et un garcon qui s’ap-
d’entre eux, il y a des tentatives, par la pelle Ludovic Champ...
jeunesse ou par loriginalité, et puis ils
n’y arrivent pas, aprés quarante minutes @ Valtérité, c’est la rupture. Ca dépend
pas ¢a qui l’intéressait. C’est un film que ou une heure, ils devraient s’arréter, mais aussi de la parole...
jaime énormément.Je m’apercois que ils s'appuient sur le scénario qui dit que Cette facon de faire ce qui s’appelle
les deux films de Rivette que j’aime, ce Paul doit aller assassiner untel et ils le fil- aujourd’hui le champ contrechamp est
sont ses deux films en costumes : La Reli- ment. Ils ont quitté le film qu’ils avaient venue avec le parlant. Maintenant, c’est
gieuse et Jeanne d’Arc. Pourquoi ? LV An- commencé au début. la télé qui en fait son pain — et son abus —
gleterre occupait la moitié de la France quotidien. =
et l'amour courtois a commencé a la cour ®@ On peut aussi renverser la logique : (Propos recueillis 4 Paris le 4 avril 2001,
du roi d’Angleterre, donc il y a quelque ce film montre que ¢a ne prend qu’a décryptés par Sarah Sékaly)
chose sur l’origine que j’essaye de faire la fin,ce sont des scénarii faits pour mon- 1. Dans Archéologie du cinéma et mémoire du sidcle, dia
balbutier. Effectivement, Tristan et Iseult, trer qu’il ne faut pas de scénarii. logue avec Jean-Luc Godard, Ferrago, 2000.
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JORDESAVALE

MICROCOSMOS
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musiques des films mythiques du cinéma frangais, pour retrouver aussi les voix de Jeanne Moreau dans Jules et Jim ou de Brigitte Bardot dans
épris... les B.O. Travelling qui, dans le prolongement de Tous les Matins du Monde, ont marié classique et cinéma... et d'Octopussy a Certains
nent chaud, 26 albums extraits de |'age d'or de la Metro Goldwyn Mayer.
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MO nceume sounRnNee

SOME LIKE IT HOT


CANNES 200 1

@ Une image
Eloge de lamour de JzAN-LUC GoDARD de la seconde partie
(en couleurs)
d’« Eloge de l'amour ».

Et lage de [amour
par CHARLES TESSON

« Etre lui-méme un mot, sans étre fou. » exposé au début n’organise rien du film jeune, s’est aimé et a résisté. Au centre de
(Pierre Legendre, Les Enfants du texte) et il faut un certain temps au spectateur cette quéte, un héros bressonien (a lettre et
vec Eloge de l’amour, Jean- pour comprendre que cet organigramme létre du blanc, homme de l’écoute, venu
Luc Godard délaisse le est une fausse piste (le deuil d’un scénario du silence), intervalle nécessaire au film pout
confort de verdure de la premier, que Godard n’a plus eu envie de mettre en regard ce temps réuni de la jeu-
Suisse, le lac de Genéve et filmer). En revanche, une conversation entre nesse et de la vieillesse, qui l’attire et le
son miroir 4 initiales des personnages retient l’attention : de quel- dépasse. Dans ce film trés dense, moin:
(JLG/JLG), pour retrouver qu’un qui entre dans une piéce, on dit que lyrique mais beaucoup plus profond que
la ville de Paris filmée dans c’est un jeune ou un vieux, mais on ne dira For Ever Mozart (a l'exception du passage
un noir et blanc qui la saisit dans son état pas que c’est un adulte. Ce simple constat sur les usines Renault a Billancourt), le spec-
actuel (des SDF sur des bancs, les usines a devient le leitmotiv secret du film (l’4ge tateur a le sentiment d’avancer dans |’obs-
Yabandon 4 Billancourt) tout en la rame- adulte n’existe pas), le réorganise 4 l’insu de curité, de revenir sur ses pas, avant qué
nant 4 une double origine,a la fois ciné- son organisation annoncée.A la fin du film, l’éclairage de la fin ne lui montre toute
matographique (le Paris de la Nouvelle Putzulu fait cette réflexion : « C’est lorsque Vétendue de ce qu’il a traversé.
Vague) et historique, au temps de l’Occu- les choses finissent qu’elles prennent un sens. » « La méthode, c’est le chemin apres qu’on I’:
pation allemande.
Au centre du film, un per- A ce stade, tout s’éclaire pour le spec- parcouru », disait Marcel Granet. Rarement
sonnage assez neutre (Bruno Putzulu), qui tateur : il y a ce couple de vieux résistants, au cinéma, et encore plus chez Godard, li
lit un livre aux pages blanches, dont le texte formé par Jean Lacouture et Frangoise Verny spectateur a ressenti ce qu’il éprouve at
n’est pas encore imprimé ou déja effacé, et —trés impressionnante, filmée a bout de contact d’Eloge de l’amour : cette sensation
a un projet précis : évoquer les quatre ages souffle, comme une baleine échouée sur une de saisir une histoire dans toute sa richesse
et les quatre temps de l’amour. Ce projet plage de Bretagne — qui autrefois a été tout en ayant la certitude que le film ni
CANNES 2001

nous !’a jamais racontée. Eloge de l’amour opére est un voyage dans les multiples strates phrase détachée du corps du texte :« D’autre
rend parfaitement intelligible une histoire du temps. II suffit 4 Godard de montrer part, le cinéma est un langage. » Godard est
-omplexe, sans avoir recours aux procédés aujourd’hui une affiche d’un spectacle de le seul cinéaste de la Nouvelle Vague a avoir
Je narration habituels. C’est ce que le film Robert Hossein 4 la porte Maillot (un por- commencé 4 faire du cinéma 4 partir de
1 de plus saisissant. trait de De Gaulle qui dit non) pour qu’on cette phrase, le seul 4 étre allé voir « autre
Les jeunes d’hier sont les vieux d’au- revienne en arriére, au temps de la Résis- part », sans trop se soucier de ce que Bazin
ourd’hui. Godard en fait désormais par- tance, et que ce plan fasse contrechamp avec avait écrit avant de conclure de la sorte.
ie (l’age adulte du cinéma a-t-il seulement la fagade de l’H6tel Intercontinental, dont Le cinéma de Godard est rétif au phéno-
-xisté ?) et, pour la premiére fois, se lenseigne, découpée par la caméra, isole méne et 4 la phénoménologie dans son
-onfronte dans un film au théatre de la jeu- une partie : le mot Continental. Une par- ensemble (il serait plutét, fonciérement,
resse de la Nouvelle Vague. D’oii cette tie de la France a dit non, l’autre, celle du nominaliste), tout comme il est rétif 4 l’en-
juestion : pourquoi Paris nous a-t-elle cinéma, a dit oui, avec la Continental, qui registrement de la réalité vraie et 4 ses ins-
ippartenu aprés avoir été occupée ? Jamais a produit notamment Le Corbeau de Clou- tants vécus. Pour lui, fonder un personnage
Sodard ne avait suggéré avec un tel culot : Zot. consiste 4 lui donner la possibilité d’habi-
-e n’est pas De Gaulle qui a libéré Paris mais Dans Eloge de l’amour, les lieux ont des ter le langage. Celui des mots, toujours 4 sa
xien la Nouvelle Vague, c’est Mai 68 qui noms et les cafés des enseignes qui nous portée (les livres), et du film comme lan-
| donné son véritable second souffle a cette disent ce qu’ils sont, tout en parlant au-dela. gage qui lui donne vie par le montage, point
ville dont Godard enregistre aujourd’hui le Paris, filmée par Godard, est une ville-titre. par ot ’hommage 4 Bresson dans Eloge de
lernier soupir, filmant la carcasse en ruines Ainsi, 4 Montparnasse, le café Liberté ou l'amour prend tout son sens. Eloge de l’amour
Jes usines Renault. Cet éloge soudain trans- L’Odessa, par ot s’engouffre Eisenstein et est le film d’un enfant du siécle et d’un
orme la ville en un miroir qui réfléchit dans Le Cuirassé Potemkine. Dans le monde de « enfant du texte », pour reprendre le titre
in méme mouvement le temps de la Nou- Godard, toute chose a un nom. Il y a du d'un ouvrage de Pierre Legendre : « Le lan-
velle Vague au temps de I’Histoire. Pendant « Rosebud » chez lui, sauf que le nom ne gage nous sépare des choses en les nommant, mais
ongtemps, dans le cinéma de Godard, la aussi notre s¢paration d’avec les choses institue
suerte a été inscription du contemporain : les choses sous un nom pour le sujet qui parle, et
suerte d’Algérie (Le Petit Soldat), puis guerre ON DIT QU’ON EST JEUNE de ce fait institue le sujet lui-méme comme sujet
lu Vietnam, conflit israélo-palestinien (Ici du discours social des catégories, dont relevent le
t ailleurs), guerre en ex-Yougoslavie (For OU VIEUX, PAS ADULTE : nom des choses et la raison de ce qui entre elles
ever Mozart), filmée du bout des doigts, a les divise. » Instituer et diviser, nommer et
vartir de la Suisse. Les Histoire(s) du cinéma CE CONSTAT REORGANISE séparer, il n’est pas d’éloge de l'amour sans
nt tout désynchronisé : intégrer la Seconde ce principe.
suerre mondiale, survenue avant que Eloge de l’amour. OU 1 EST Ala table d’un restaurant, deux person-
3odard commence 4 faire des films, l’a nages discutent sur l’usage des mots et le
‘ontraint a revoir la perspective. (TOUJOURS) QUESTION sens a leur accorder. Qu’est-ce qui distingue
En 1952, au temps de sa jeunesse cri- la vie de l’existence ? On ne retient pas tout
ique, Godard défendait en ces termes L’In- D’ HISTOIRE ET DE CINEMA, de ce qui se dit, parce que beaucoup de
onnu du Nord-Express : « Profondément ger- choses sont dites dans Eloge de l’amour et
nanique, l’art d’ Hitchcock l’est depuis The D’ OCCUPATION ET DE qu’un film n’est pas un livre. En revanche,
odger » (Cahiers, n° 10). année suivante, cette conversation nous ouvre a la question.
Livette décelait chez Howard Hawks, NOUVELLE VAGUE... Celle, ainsi formulée par Legendre : « Rendre
cinéaste de l’intelligence et de la rigueur, un possible 4 homme d’apprivoiser Vénigme d’étre
énie germanique... » (Cahiers, n° 23). Chez né. » Car, ajoute-t-il, « il faut un titre a vivre
Cohmer, a travers Murnau, tout génie en redonne pas l’origine et la vie qui va avec et c’est au titre de la vie que nous mourrons
inéma est germanique. Parmi eux, Godard (le nom d’un traineau, l’enfance de Citizen (« Eloge du titre », Tiafic, n° 1) ». De titre,
st le seul dont le cinéma s’est épuisé a Kane) puisque c’est le statut et la fonction il en est beaucoup question dans Eloge de
ssoudre un dilemme entre une attirance du nom, dans sa capacité et son autorité 4 Vamour, a travers le titre d’un tableau et un
rtistique et philosophique pour I’Alle- fonder les choses, a les nommer, qui seules titre en Bourse, et des Etats-Unis, ce pays
ragne (l'art et la pensée) et une donnée l'intéresse. Ainsi ce panneau indicateur, au sans nom, qui n’existe pas, faute de titre.
istorique et politique, celle du nazisme détour d’un plan et d'une gare : « Drancy Chez Godard, habiter le langage, le monde-
t de la réalité des camps d’extermination, avenir ».A quoi ressemble ce Drancy a venir titre, instituer dans un film la condition du
mbre portée au tableau. Deux entités non quand, pour beaucoup, Drancy est lié au parler, tout ramener aux mots pour qu’il
‘conciliées, irréconciliables, qui sont le socle passé, aux trains des déportés ? Ot est-il y ait enfin des choses, est sa maniére 4 lui,
e son cinéma, le déchirent de l’intérieur enfuit ce passé pour qu’on baptise aujour- unique, d’approcher cette énigme et de
a permanence. Dans Eloge de l’amour, on hui une gare « Drancy avenir » ? Du coup, commencer 4 la résoudre. « Dieu a-t-il un
dit Paris au temps de I’Allemagne (’}Oc- ce quartier, cette ville nouvelle, Godard ne nez, des dents, une barbe ? Ridicule. Dieu est un
Apation) et au temps de I’expressionnisme la filme pas, n’a pas besoin de la filmer. La nom, il est le titre des images, le titre qui les
lemand (’ombre du grand Schiiffan, opé- réalité du lieu ne l’intéresse pas. Seule I’exis- fonde. » Interroger les fondements de l'image,
iteur de Pabst et d’Ophuls, plane sur ce tence de la plaque lui suffit 4 partir de ce et au nom de quoi une image est le garant
m).Aujourd’hui, les gauchistes de Mai ont qu’elle nous enseigne de l’histoire. de la ressemblance entre les choses et le
Sserté les pavés. Tout comme ils ont déserté De tous les cinéastes de la Nouvelle monde, tel serait le moteur de I’entreprise
illancourt, vide de ses ouvriers. Pendant Vague, Godard est le plus a-bazinien. Le godardienne, et la condition de sa singuliére
+ temps, les SDF ont envahi les rues. Amére célébre texte d’André Bazin, « Ontologie solitude, sur des sentiers peu explorés par le
ctoire. La « traversée de Paris » que le film de la photographie », se termine par une cinéma. =
iy
yt)
Ps

ba SS VINGT ANS APRES, FRANCIS


° . ForD COPPOLA REPREND
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DE FOND EN COMBLE
we a SON FILM CULTE.
Repaptisé Apocalypse Now
v Redux, IL EST PLUS LONG
DE PRES D’UNE HEURE.
Pour Les Cahiers,
COPPOLA DETAILLE
4 L’ESPRIT ET LA LETTRE

DE CES AJOUTS.

Lui QuI ANNONCAIT,

+ IL Y A VINGT-CINQ ANS,

UNE REVOLUTION

TECHNOLOGIQUE GARDE

POUR LUI SES NOUVELLES

PROPHETIES : ELLES SERONT

LE SUJET DE SON PROCHAIN

FILM, « UNE NOUVELLE

AVENTURE, DIT-IL,

QUI AURA LA DIMENSION

D Apocalypse Now ».

Recueilli par

NICOLAS SAADA
CANNES 2001

FRANCIS FORD
COPPOLA
Toujours prophete
ingt-deux ans aprés la palme ont retravaillé leurs films dans des ver- croire qu’il existait deux versions diffé-
dor d’ Apocalypse Now, Fran- sions remontées ou méme remastéri- rentes d’ Apocalypse Now. J’ai ensuite retiré
cis Ford Coppola était devenu sées : George Lucas avec Star Wars, ces séquences et fait défiler le générique
un réalisateur discret, a l’écart Friedkin avec L’Exorciste... sur un fond noir. explosion du repaire
Hollywood, absorbé par son Je pense que tout cela est principalement de Kurtz ne fait pas partie de cette nou-
studio, Zoetrope, son site da a lapparition du pvp. C’est un velle version.
internet... et une entreprise vinicole qui médium extraordinaire qui permet non
assure désormais son assise financiére. seulement de voir un film dans de trés ® On verra en revanche les scénes
Pour les Cahiers, il s'est confié sur la genése bonnes conditions mais offre en plus toute chez les Frangais, dans la plantation...
de la nouvelle version d’ Apocalypse Now. une gamme d’éléments interactifs : les Oui. Mais nous ne nous sommes pas
Et sur ses nouveaux projets. « bonus », des scénes coupées... On peut contentés d’ajouter des scénes coupées :
grace au DVD, grace 4 ce que peut conte- nous sommes revenus au négatif, nous
® Qu’est-ce qui vous a décidé a retra- nir le disque, montrer des choses jusqu’a avons tiré une nouvelle copie d’aprés ce
vailler sur Apocalypse Now vingt ans présent peu vues par le grand public. négatif, nous avons effectivement monté
aprés ? Grace 4 la popularité du Dvp, on peut des scénes inédites, comme celles de la
Pendant des années, ceux qui avaient vu trouver maintenant de I’argent pour res- plantation ainsi que d’autres séquences
les premiers montages du film, comme taurer les films ou en présenter des ver- trés importantes. I] y a aussi nombre de
Paul Rassam, me répétaient qu’ils avaient sions différentes, plus longues, quitte par- détails sur lesquels nous avons travaillé :
gardé en mémoire beaucoup d’images, fois 4 accompagner ce travail d’une certaines transitions, certains plans ont été
de scénes que j’avais ensuite décidé de ressortie en sales. modifiés. La premiére version durait déja
couper. Ils me poussaient 4 retravailler 2 h 30 ; et, a l’époque, le film était déja
le film et 4 concevoir une version longue. ® Combien de matériel avez-vous assez bizarre. Cette nouvelle version de
Je pensais que, effectivement, beaucoup ajouté a Apocalypse Now ? 3 h 30 est encore plus étrange que la pré-
de choses pouvaient étre ajoutées mais je 53 minutes... cédente.Je pense qu’aujourd’hui, le public
n’envisageais cela qu’a condition que Wal- connait suffisamment Apocalypse Now
ter Murch, monteur de la premiére ver- ®@ Ces 53 minutes incluent-elles la des- pour pouvoir se laisser entrainer dans
sion, m/assiste sur le film. J’en parlais régu- truction du repaire de Kurtz, que vous quelque chose d’encore plus radical, de
ligrement 4 Walter, mais il était toujours commentez sur les bonus du DvD plus développé.
trés absorbé par les films sur lesquels il tra- d’ Apocalypse Now ?
vaillait. Il y a un an, Walter m’a dit qu’il Non, ces séquences servaient de fond au ® Limage et le son ont-ils été retra-
avait du temps libre, et qu’il était prét a générique des copies 35 mm du film. La vaillés dans ce sens ?
travailler sur la version longue d’ Apoca- version originale, celle qui a été montrée Oui. Nous avons remonté le film, mais, 4
lypse Now. Nous avons réuni le finance- a Cannes en 1979, était présentée sans cause des 53 minutes supplémentaires,
ment nécessaire 4 cette premiére version générique de fin. On distribuait aux spec- nous avons rajouté de nouvelles musiques
et, enfin, nous sommes revenus au néga- tateurs des programmes dans la salle avant et remixé entiérement le film. La nou-
tif original pour aboutir 4 ce nouveau film la projection. J’avais tourné l’explosion velle copie Technicolor est magnifique.
que j'ai intitulé Apocalypse Now Redux. du repaire de Kurtz, et j’ai ensuite utilisé C’est un nouveau film.
ces images pour le générique de fin des
® Depuis l’apparition des nouvelles copies 35 mm. Ca a créé ensuite une ® N’est-ce pas une expérience étrange
technologies, beaucoup de réalisateurs confusion et les gens ont commencé a pour un cinéaste de revenir sur son >
CANNES 2001

est presque sage en regard du cinéma et


de la culture contemporaines, qui sont
« La nouvelle version, désormais complétement sous l’influence
des médias et de la télévision. Le public
pousse le film daujourd’hui ne regarderait pas la pre-
miére version avec les mémes yeux que
encore plus loin, le public d’il y a vingt ans, c’est-a-dire
comme une sorte de film d’avant-garde.
radicalise tout ce qui La nouvelle version pousse le film encore
plus loin, radicalise tout ce qui était expé-
était expérimental rimental dans la premiere version.Je pense
que le public est mir, plus disposé 4 rece-
en 1979. » voir le film dans cette nouvelle forme.

‘© PATHE
™ Vous avez souvent comparé Apoca-
lypse Now a V opéra...
film vingt ans aprés ? se situe dans un nouveau contexte. Cette version est encore plus extréme et
Non. D’abord parce que je travaillais avec effectivement peut faire penser a l’opéra...
un de mes plus proches collaborateurs, Cette nouvelle version ressemblera
qui était déja associé a la premiére ver- davantage au livre de Conrad Au coeur Les premiers plans, avec la chanson
sion : Walter Murch. C’est quelqu’un de des ténébres, qui contient cette espéce des Doors, le bruit des pales d’héli-
trés rationnel : nous avons réfléchi de quéte, de voyage vers l’inconnu. coptéres, fonctionnent presque comme
ensemble a l’approche que nous voulions Plus ou moins. Mais le film dans cette une ouverture...
donner a cette nouvelle version. La pre- nouvelle version trouve, je crois, sa cohé- Jadorais V'idée de ce début. Et en assem-
miére s¢quence sur laquelle nous avons rence propre. C’est vraiment un film blant les images, j'ai pensé a la chanson
travaillé est celle de la plantation frangaise. d’aventures, et d’une drdle de maniére, il de Morrison, The End. Il n’y avait pas de
On est partis quasiment de rien, puis on est plus libre, plus confiant, plus affranchi ma part un choix conscient : mais c’est
a procédé ensuite s¢quence par séquence, des contraintes que recelait la premiére vrai, ce début ressemble a un prélude, a
bloc par bloc, avant de les intégrer dans version. I] est aussi délivré du poids du une ouverture...
la version originale. Et l’on a aussi tra- roman de Conrad.
vaillé sur les ellipses. A la cérémonie des Oscars, a la toute
Le public d’aujourd’hui est-il trés fin des années 70, vous prédisiez ce
Méme si Apocalypse Now est inspiré différent — plus ouvert peut-étre — de que vous appeliez alors une révolution
de Conrad, c’est, au-dela d’une adap- celui d’il y a quinze ou vingt ans ? technologique. Votre discours avait été
tation, d’un film de guerre, une sorte Oui, sans ’ombre d’un doute. J’ai tou- accueilli avec scepticisme. Que pen-
d’« expérience ». Il y a des points com- jours pensé que le premier Apocalypse Now sez-vous de ce qui s’est passé depuis ?
muns avec 2001 de Stanley Kubrick, était pergu par le public de l’époque Méme si ce discours date, d’il y a vingt-
également ressorti cette année. Ce sont comme une expérience assez éprouvante, cing ans, tout ce queje prédisais est vrai :
des voyages... sans parler de la controverse autour du on monte les films sur ordinateur, les nou-
C’est vrai. Cette nouvelle version est film. Les gens trouvaient le film trés velles technologies offrent une liberté
davantage une expérience qu’un film de étrange. Et beaucoup avaient fait la com- nouvelle aux créateurs. George Lucas
guerre. Ce n’est plus un film d’action et, paraison avec 2001. On ne comprenait tourne son Star Wars en numérique.
J’ es-
de ce point de vue, cette version me satis- pas toujours ce parti pris : on trouvait que pére que, maintenant, on me prendra au
fait thématiquement encore plus. Par c’était une fin trés singuliére pour un film sérieux quandje me risquerai 4 de nou-
exemple, la fin du film, méme si elle n’est de guerre. Un spectateur qui découvre velles prédictions !

6.
pas trés differente de la premiére version, maintenant la premiére version d’ Apo-
résonne d’une autre fagon parce qu’elle calypse Now aura l'impression que le film Et quelles sont ces prédictions alors ?

Attention

exclusivité! COMPOSITEUR
UNE S$! ESSION
GENIE
DE

Wy \
USIQUES DE FILMS O

DES NOUVELLES NOTES


DE POCHE

CATILERS
ate ral CINEMA
CANNES 206001

Je ne vous le dirai pas (rires).Je tourne un un outil. On a beaucoup parlé de la


film sur ce sujet. maniére dont vous avez perdu le
contréle du studio dans les années 80.
Les sélections
® Vous affirmiez que les nouvelles
technologies révéleraient de nouveaux
On a moins parlé de la fagon dont
vous avez pu ensuite le récupérer...
cannoises
talents. Croyez-vous que |’Internet Je n’ai jamais vraiment pu totalement 1 FILMS EN COMPETITION
puisse jouer ce réle ? récupérer le contréle de Zoetrope.J’ai da Moulin rouge (Baz Luhrmann)
A lépoque, je pensais que ces nouvelles abandonner les studios dont j’étais pro- Desert Moon (Aoyama Shinji )
technologies permettraient 4 chacun, un priétaire. Et j'ai eu aussi d’énormes pro- The Man Who Wasn't There (Joel
enfant méme, de tourner un film sans blémes financiers aprés l’échec de Coup Coen) Eloge de I’amour
apport financier traditionnel. Méme si ce de coeur (One from the Heart). (Jean-Luc Godard)
n’est pas un film exceptionnel, The Blair Heureusement, j’ai pu mettre en place La Pianiste (Michael Haneke)
Witch Project est un bon exemple de ce une véritable entreprise alimentaire et Millenium Mambo (Hou Hsiao-
que peuvent permettre ces nouvelles vinicole qui est complétement 4 l’abri des hsien) De I’eau tiéde sous un
technologies : tourner un film populaire influences économiques de l’industrie du pont rouge (Shohei Imamura)
avec trés peu de moyens. cinéma, des studios, de la presse. Le vin et Shrek (Victoria Jenson et Andrew
Ce n’est que le début de quelque chose la gastronomie échappent complétement Adamson) Distance (Hirokazu
qui va s’étendre progressivement. Il y aura, a leur influence. Et c’est maintenant notre Kore-Eda) Mullholand Drive
je l’espére, une sorte dalliance entre les base financiére. (David Lynch) Kandahar (Mohsen
artistes et les savants : une complicité entre Makhmalbaf) La Stanza del figlio
Vart et la technologie qui aura une ® Envisagez-vous de signer de nou- (Nanni Moretti) Je rentre a la
influence bénéfique dans le monde et veau avec un studio pour un ou deux maison (Manoel de Oliveira)
pourra constituer une sorte de contre- films ? II Mestiere delle armi (Ermanno
pouvoir face 4 l’influence des politiciens Je ne connais pas de studio 4 Hollywood Olmi) The Pledge (Sean Penn)
et des hommes d’affaires qui veulent assu- qui soit intéressé par lidée de faire de vrais Pau et son frére (Marc Recha)
jettir tout ce qui les entoure 4 leur inté- films. L’argent est la seule chose qui les Taurus (Alexander Sokurov)
rét immédiat. Le monde va changer grace intéresse. Ils n’appartiennent plus a l’in- No Man’s Land (Danis Tanovic)
4 cette alliance entre savants et artistes.J’y dustrie du cinéma, mais 4 l'industrie de Et la-bas, quelle heure est-il ?
crois vraiment. la finance.Je ne pense pas qu’il existe des (Ming-liang Tsai) La Répétition
studios qui auraient le désir de produire (Catherine Corsini) La Chambre
® Vous avez lancé un site Internet il y The Conversation ou Apocalypse Now. Il des officiers (Francois Dupeyron)
a un an... faut que nous trouvions nos propres Roberto Succo (Cédric Khan)
D’habitude, on lance les sites Internet avec moyens de financement pour faire exis- Va savoir (Jacques Rivette)
énormément d'argent, ce qui est une ter ces films. Je veux réaliser cet automne
erreur, parce qu’on se met immédiate- un film personnel 4 trés gros budget, dans @ UN CERTAIN REGARD
ment dans une position de dépendance Vesprit d’ Apocalypse Now. Il faut tout R-Xmas (Abel Ferrara) Maimal -
vis-a-vis de capitaux extérieurs. On a inventer pour financer ce film : les stu- Le Singe (Aktan Abdykalykov)
voulu éviter cela 4 Zoetrope. On a voulu dios veulent faire des suites, ou des films La Libertad (Lisandro Alonso)
faire de ce site quelque chose d’organique, qui ressemblent a des suites. .. Domani (Francesca Archibugi)
qui se suffit 4 lui méme. Ganhara vida (Joao Canijo)
Zoetrope produit cing films indépendants ® Est-ce une des raisons pour les- No Such Thing (Hal Hartley)
par an, et l’on a jamais autant produit. quelles vous avez tourné moins de Lovely Rita (Jessica Hausner)
Ensuite, nous publions une revue qui se films dans les années 90 ? Parce que L'Homme qui marche sur la
présente comme un recueil de nouvelles. vous vouliez échapper a cette straté- neige (Masahiro Kobayashi)
En mettant tout cela en place,j’espére que gie des majors ? Hatouna Mehuheret-Mariage
le contenu, la culture, le talent puissent se Le mot major est dépassé. Les majors ont tardif (Dover Kosashvili)
développer.Je ne crois pas 4 l’exploita- disparu. Il s’agit maintenant de Atanarjuat the Fast Runner
tion ; mais plutot a la « cultivation ». Les « groupes » dirigés par des types 4 Wall (Zacharias Kunuk) Kairo (Kiyoshi
grandes industries embauchent les artistes Street, et qui veulent contrdler tous les Kurosawa) The Anniversary Party
pour pouvoir par la suite devenir pro- moyens de distribution disponibles : cable, (Jennifer Jason Leigh et Alan
priétaires de leur travail. Notre philoso- satellite. Ils ne s’intéressent pas vraiment Cumming) A Dog’s Day (Murali
phie consiste plutét 4 les stimuler, les au cinéma. Nair) La Route (Darejan
pousser dans la création, pour qu’ils Si je n’ai pas tourné depuis cing ans, c’est Omirbaev) Fa Talai Jone - Les
deviennent des partenaires... pas des parce que j’écrivais ce projet que je veux Larmes du tigre noir (Wisit
employés. Il y a vingt-cing ans,je disais tourner prochainement. Mais aussi parce Sartsanatieng) Hijack Stories
que le cinéma changerait avec l’appari- que j’ai été pris par d’autres activités.Je (Oliver Schmitz) Storytelling
tion de nouvelles technologies.Je pense me sens enfin prét 4 tenter cette nouvelle (Todd Solondz) H-Story (Nobuhiro
que, dans trente ans, l’alliance entre les aventure qui aura la dimension d’ Apo- Suwa) Ty Da la Da My S Tobé-
créateurs et les scientifiques leur permettra calypse Now. Rien que nous deux (Alexandre
de trouver un réle déterminant 4 l’inté- Veledinski) Amour d’enfance
rieur du monde. (Propos recueillis par téléphone le 28 mars (Yves Caumon) Carrément
2001. Tiaduits de anglais par N. Saada 4 l’ouest (Jacques Doillon) >
®@ Zoetrope est devenu avec les années Remerciements a Michele Abitbol.)

Foe ee a ee ee a
CANNES 2 070 1

LE 17 MAI DE 20 H 30 A 5 HEURES DU MATIN


- ... les sélections

Nuit des Cahiers


1 QUINZAINE DES REALISATEURS
Longs-métrages
A Place On Earth (Arthur
Aristakisjan) Big Bad Love (Arliss

sur Canal +
Howard) Chelsea Walls (Ethan
Hawke) The Deep End (Scott
McGehee et David Siegel) Glass
Tears (Carol Lai) Hush!
(Hashigushi Ryosuke) Made in
The USA (Sélveig Anspach et Canal + féte les 50 ans des
Cindy Babski) Martha... Martha Cahiers en consacrant une nuit
(Sandrine Veysset) Mirror Image spéciale a l’événement,
(Hsiao Ya-chuan) | nostri anni du 17 mai 4 20 h 30
(Daniele Gaglianone) L’Orphelin au 18 mai a5 heures du matin.
d'Anyang (Wang Chao) Ouvriers, Au programme :
Paysans (Daniéle Huillet et Jean- 20 h 30: Une histoire vraie, de
Marie Straub) Rain (Christine David Lynch
Jeffs) Slogans (Gjerg| Xhuvani) 22 h 20: Le Cinéma des Cahiers,
La Traversée (Sébastien Lifshitz) un documentaire inédit
Jeunesse dorée (Zaida Ghorab) d’Edgardo Cozarinsky, avec de
Queenie in love (Amos Kolleck) nombreuses interviews et
Fatma (Khaled Ghorbal) Ceci est images d’archives
mon corps (Rodolphe Marconi) 23 h 35 : cing courts-métrages,
Pauline et Paulette (Lieven précédés d’interviews
Debrauwer) (lire Varticle ci-contre). m « En Rachdchant », de Jean-Marie Straub et Daniele Huillet.
Moyens
et courts-métrages Vers 2 heures : M/Other de
Ce Vieux Réve qui bouge (Alain Nobuhiro Suwa. @ Dans la sublime et trés rare Ren- nie paradoxale, met en scéne deux
Guiraudie) Le Systéme Zsygmondy trée des classes (1955) de Jacques adolescents, un frére et une sceur,
(Luc Moullet) Cyber Palestine Rozier, 4 la suite d’un pari, un qui singent les adultes. Ils forment
(Elia Suleiman) La Nouvelle Vague pourrait enfant jette son cartable qui un couple précoce et discrétement
dabord se résumer a cela : des contient ses devoirs de vacances incestueux, un modéle de couple
l@ SEMAINE INTERNATIONALE mauvaises maniéres de cancre par-dessus un pont d’un petit vil- de Francais moyens des années 60.
DE LA CRITIQUE qui préféraient l’école buisson- lage du Sud. Au moment ot la Durant cette longue séquence
Longs-métrages niére aux devoirs académiques. cloche de l’école retentit, le gamin mettant en scéne ces adolescents
Le Pornographe (Bertrand Pour la nuit des Cahiers sur préfére partir a la poursuite de son pendant le diner, Moullet, avec
Bonello) La Femme qui boit Canal +, ?équipe du court- cartable. Vécole buissonniére se la malice qu’on lui connait, semble
(Bernard Emond) Unloved métrage (Pascale Faure et Joelle conjugue ici avec le gout déja parodier la Nouvelle Vague (le titre
(Kunitoshi Manda) Almost Blue Matos) a eu la belle idée de pro- unique de Rozier pour les digres- du film renvoyant a celui de Char
(Alex Infascelli) Efemeri grammer cing films (a partir de sions enfantines, et la balade de lotte et son steack), et son gout pow
(Giorgos Zafiris) Bolivia 23 h 35) qui ont en commun de Yenfant donne l'occasion d’insuf- les personnages d’enfants troy
(Adrian Caetano) Under the mettre en scéne des enfants ou fler au cinéma un bol d’air et une adultes.
Moonlight (Reza Mirkarimi) des adolescents qui, 4 leur liberté narrative salutaire. ® Vingt ans plus tard, les Straul
Spéciale_ maniére, sément le désordre. @ Dans La Muette, le court-métrage radicalisent ce refus d’apprendri
La Plage noire (Michel Piccoli) ®@ Dans Véronique et son cancre que Claude Chabrol a réalisé pour de l'enfant. Adapté d’une nouvell:
(1958) d’Eric Rohmer, ladite « Paris vu par », enfant reste cette de Marguerite Duras (dont ell:
i SEANCES SPECIALES Véronique, venue aider 4 domi- fois impassible, observant ses bour- donnera elle-méme sa propre ver
ABC Africa (Abbas Kiarostami) cile un jeune garcon qui ne tra- geois de parents (interprétés par sion en 1985 dans Les Enfants), E
II Mio Viaggio in Italia (Martin vaille pas 4 l’école, se confronte Stéphane Audran et Claude Cha- Rachachant (1978) met en scén
Scorsese) Sobibor, 14 octobre a son refus d’apprendre. On brol lui-méme) s’engueuler toute Ernesto qui, tétu, décide de dir
1943, 16 heures (Claude Lanzmann) retrouve dans I’un de ces premiers la journée. Sa seule maniére de se non a tout ce qu’on lui demand
essais du cinéaste une mise en révolter sera cette fois de se murer Les sept minutes trente seconde
@ Hors compétition scéne de la parole 4 travers l’op- dans le silence, s’enfongant des de ce beau film, séches et tendue
Apocalypse Now (Francis Ford position de deux rhétoriques : boules de coton dans les oreilles. 4 l'image du visage de l’enfan
Coppola) CQ (Roman Coppola) Véronique se met lentement a Ce petit film, incisif et glacial (la révélent l’opacité de la pensée d
Human Nature (Michel Gondry) douter du discours des mathéma- fin diaboliquement cruelle), est un cet enfant qui, lorsque son entou
Avalon (Mamoru Oshi) The Center tiques dés que le freluquet, avec prologue parfait aux chefs- rage s’inquiéte de savoir commer
of The World (Wayne Wang) Vintelligence retorse que seuls les d’ceuyre chabroliens des années il compte grandir sans apprendn
Trouble Every Day (Claire Denis) cancres maitrisent, retourne contre 70. ne cessera de marmonner : « E

Les Ames fortes (Raoul Ruiz) elle la logique pourtant implacable @ Dans Un steack trop cuit (1960), rachachant ! » En quoi ?
des équations 4 deux inconnues. Luc Moullet, déja doué pour liro- Jéréme Larch«
France Inter
En direct du 54° Festival International du Film de Cannes
avec

les Cahiers du Cinéma

le 16 mai, de 20h @ minuit

LES PLUS GRANDS NOMS DU CINEMA MONDIAL

LE CINEMA QU’ ILS AIMENT,


LE CINEMA QU’ ILS FONT,
LE CINEMA QU’ ILS VOUDRAIENT FAIRE...

DU 9 au 20 MAI,
TOUTE I’ACTUALITE DU FESTIVAL DE CANNES SUR FRANCE INTER

; France

mter..
DOSSIER

A QUEL POINT
L’ HEGEMONIE

AMERICAINE A-T-ELLE

TRANSFORME

LE PAYSAGE
CINEMATOGRAPHIQUE

MONDIAL ? POUR

DRESSER CET ETAT

DES LIEUX, LES Cahiers

ONT FAIT APPEL


AUX TEMOIGNAGES DE
CINEASTES DU MONDE
ENTIER. VOICI

LES REPONSES DE 50
D’ENTRE EUX A NOTRE

QUESTIONNAIRE.

©) 50 cinéastes
E>de la
planete
dossier coordonné par EVANGELINE BARBAROUX
Bess TER

ne histoire du soit- elle, ne parvient pas a faire ava-


cinéma mondial des ler n’importe quoi, méme s'il s’agit LE QUESTIONNAIRE
années 60 4 aujour- moins en l’occurrence d’une idée du
hui, selon les caté- cinéma que de la promotion d’un style 1. Quels sont les cing derniers
gories instaurées en de vie. Ce qui s’est perdu avec le temps,
1964 par Georges renforcant la domination hollywoo-
Sadoul', serait-elle dienne, ce sont tous ces lieux de films que vous avez vus en salle
encore possible ? Les cinéma capables de faire rayonner un
juatre « continents », traités 4 hauteur authentique cinéma populaire au-dela dans votre pays ?
iu premier (Hollywood), auraient-ils de leurs frontiéres. Dans les années 50,
encore voix au chapitre ? Longtemps, l’Amérique latine vibrait 4 ’heure des 2. Dans votre pays, savez-vous
Jans chaque pays, l'amour du cinéma mélos mexicains, les pays arabes au
1 été synonyme de ménage A trois :on rythme des studios du Caire. Le cinéma
voyait des films de son pays, des films
la part du cinéma national du
indien de Bombay a irrigué les pays du
uméricains, et du reste du monde. Sud-Est asiatique et continue de nour-
Aujourd’hui, seules demeurent deux rir le continent afticain, au méme titre point de vue du nombre d’en-
entités, cinéma national versus Holly- que le cinéma de Hong Kong 4 son
vood, qui partout frélent la scéne de age d’or, au temps de Bruce Lee. trées en salles ? Quelle est la
nénage. En France, en 1998, les films Aujourd’hui, face 4 Hollywood, la
tancais ont totalisé 27,6% des entrées, notion de cinéma populaire reléve
part du cinéma américain ? En
es films américains 63,2%, tandis que davantage d’un folklore local, qui passe
e reste (9,2%) se répartissait entre 7,6% mal les frontiéres. Pour un Placard en
our les films européens et un tout France, combien de vestes a |’étranger ? dix ans, comment la situation
etit 1,6% pour le reste du monde. Le Face au cinéma américain mondia-
inéma américain est omniprésent. lisé, on assiste a la montée du film d’au- a-t-elle évolué ?
Chez lui, il ne tolére guére les autres. teur de statut international, relayé par
Dans le monde entier, il colonise les les grands festivals, signe d’un nouveau 3. Pour réaliser vos films, béné-
léserts cinématographiques et étend positionnement : amour chauvin d'un
on hégémonie avec la complicité cinéma populaire local, désintérét pour
vienveillante des industries locales. ficiez-vous d’un systéme d’aide
celui du voisin, et plébiscite pour un
Xares sont les pays qui maintiennent cinéma noble transfrontiéres pour
our leur cinéma une part de marché public cultivé.A terme, la dualité sera a la création ? Si oui, lequel ?
u-dela des 30%. Dans ce nouveau planétaire : 4 l’Amérique, le monopole
vestern, il n’est de bon cinéma dun cinéma populaire a l’échelle mon- 4. Quelle est dans votre pays la
{u’américain. Le reste, comme les diale avec, en face, quelques films d’au-
ndiens naguére, doit étre mort, ou mis teur 4 vocation internationale.
Trés vite,
maniére la plus simple de voir
n réserve de l'industrie. si rien ne bouge, la notion de ciné-
La 08 I’Amérique a débarqué lors matographie nationale sera obsoléte.
le la Seconde Guerre mondiale, en En ouvrant le dossier de la mon- des films ?
‘urope et au Japon, le cinéma a suivi. dialisation, avec la SRF (Société des réa-
Aais sa politique d’exportation est la lisateurs de films) qui a demandé 4 plu- 5. Que vous inspire, s’agissant
onséquence directe de la loi antitrust sieurs cinéastes de réaliser un film pour
e 1948 qui a obligé les grands studios sensibiliser les gens 4 cette question, les du cinéma, l’avénement de la
se défaire de leurs salles. Ce qu’ils ont Cahiers souhaitent prendre la tempé-
erdu chez eux, les Paramount, MGM, rature du cinéma mondial. Non a
x" Century Fox et autres Warner échelle des films mais du statut du mondialisation ? Votre travail
ont récupéré 4 l’extérieur, ainsi que cinéma dans chaque pays. Quel genre
: notait Henri Mercillon dés 1955 de films y voit-on ? La salle de cinéma en a-t-il été affecté ?
Cahiers, n° 54) :« Les marchés extérieurs est-elle la meilleure fagon de les voir ?
‘aient avant la guerre un appoint appré- Des cinéastes nous disent comment le 6. Revendiquez-vous votre
able ; il deviennent de plus en plus une cinéma est recu chez eux, ouvrant des
Scessité. » portes sur une réalité 4 laquelle on n’a
ceuvre comme appartenant a
Quand on parle de mondialisation, pas souvent accés. A nous maintenant
a parle de la puissance de tir du d’en tirer les conséquences. m
néma américain et de son pouvoir Charles Tesson une cinématographie nationale
attraction, auxquels peu de pays résis-
nt. I] serait bon aussi de se demander 1- Hollywood, 1945-1962, URSs et démocraties
populaires, cinémas indien et asiatique, Monde ou internationale ?
durquoi la logistique, aussi puissante arabe et Afrique noire, Amérique latine.
BoOss SI ER

1. Les cing derniers films vus en salle dans votre pays ? 2. Part du cinéma national/américain ? 3. Systéme d’aide a la création ? 4. La maniére la plus simple de voir des films ?

lywood. J’ai essayé de lutter contre vaillant ensemble, nos deux pays
cette situation absurde qui menace pourraient relancer une culture du
de mort le cinéma européen. Une film européen, tout en contribuant
chose est sure : le cinéma américain au soutien de la créativité d’autres
perd du public depuis ces derniers cinémas étrangers, y compris du
mois. Ses budgets flambent mais son cinéma américain indépendant.
originalité est en panne. C’est peut- 6. Quelle doit étre la priorité : réa-
étre le signe d’un tournant. liser un nouveau film dans son pays,
3.1 existe, en Allemagne, un systeme sa région, en puisant dans son passé,
de soutien du cinéma national trés au sa propre vision de l'avenir — ou bien
point. I] combine une aide fédérale se battre sur tous les fronts pour évi-
et une aide centralisée gérée par deux ter la mort d’une conception du
organisations. Mais ce systéme n’a pas cinéma ? Le marché mondial, inhu-
encore engendré un renouveau du main, tend 4 détruire tout ce qui, dans
cinéma allemand. Et nos producteurs le cinéma, ressemble a des idées, des
sont tellement fascinés par le modéle sentiments. L’Europe a vendu ses
américain qu’ils préférent investir images au marché ! Est-il encore
m « Mon ceeur a personne » de Helma Sanders-Brahms (1997). dans des projets américains. temps de les sauver du grand trou
Méme titulaires d’un Ours d’or ou noir ot elle les a laiss¢es tomber ?

REPERES
ALLEMAGNE d'un oscar, la plupart des grands
cinéastes de ma génération n’ont pas
pu tourner un film digne de ce nom
Les politiques européens devraient
comprendre qu’il n’y a pas d’avenir
pour une Europe qui néglige ses
Helma depuis dix ans : c’est le cas de Michael propres images. On ne gagnera aucun
Allemagne Sanders-Brahms :
Verhceven, Peter Lilienthal, Peter
Schroeter, Reinhard Hauff, Rainer
marché 4 imiter l'autre : on perdra sur
notre propre terrain.
(chiffres de 2000) Simon, Lother Warnecke, Frank
™ 4 783 écrans, « Relangons une culture Beyer, Ula Stéckl, Ulrike Ottinger.
128 multiplexes.
® 152,5 millions
d’entrées
du film européen »
Moi-méme, j’ai eu cing films sélec-
tionnés 4 Cannes, plusieurs réecom-
penses internationales, mais j’ai les
ARGENTINE
® 1613 millions de I ee Sanders-Brahms, née en plus grandes difficultés a travailler Marcelo Pineyro :
deutschemark (5,4 1940, commence par réaliser dans mon pays.
milliards de francs) de des reportages et des documentaires La presse allemande nous a dénon- « Les multiplexes ont
recettes de critique sociale pour les chaines cés comme la « génération du cinéma
®@ 94 films allemands allemandes. Elle tourne son premier dauteur ». On nous a rendus res- fait reculer la vidéo »
produits long-métrage en 1975, Sous les paves, ponsables de la baisse de fréquenta-
®@ 12,5 %: part de la plage sur la « génération 68 ». En tion en salles. Mais, dans la derniére A, prés des études a I’Ecole des
marché des films 1991, elle réalise un film sans conces- décennie, le nombre d’entrées du / \beaux-arts de la Plata, Marcelo
allemands. sion sur la vie en ex-RDA : Les Fruits cinéma allemand ne s’est pas redressé, Pineyro a fondé en 1980 Cinémania,
®@ 85,5 %: part de du paradis. tandis que notre génération se trou- société de production de films publi-
marché des films 1. The Crossing de Nora Hoppe vait exclue de la réalisation des films. citaires, qui s’est vite imposée sur le
américains. (coproduction entre |’Allemagne et La culture cinématographique alle- marché sud-américain. En 1992, son
® Les gros succés la Hollande), England ! de Achim von mande du film d’auteur n’existe plus. premier film, Tango Féroce, est un
de 2000 : Borries (Allemagne), Merc pour le cho- 4. La salle reste la meilleure facon de énorme succés commercial, tout
American Pie de Paul colat de Claude Chabrol, Tigre et dra- voir un film en Allemagne. La qua- comme Caballos Salvajes (1995) avec
et Chris Weitz gon d’Ang Lee, Boys Choir d'un lité de projection est excellente. L’ar- 1 million d’entrées. Son dernier film,
(E-U) cinéaste japonais. rivée des multiplexes ces derniéres Vies brillées, est sorti en 2000.
Mission Impossible 2 de 2. En Allemagne, 80% des films pro- années a entrainé la fermeture de 1.Une liaison pornographique, de Fré-
John Woo (E-U) jetés en salles sont américains, 10% nombreuses salles, petites ou grandes. déric Fonteyne, Tigre et dragon d Ang
Anatomyde Stefan Ruzo- sont allemands, les films venus d’Eu- 5. Ma réaction personnelle 4 la mon- Lee, Traffic de Steven Soderbergh, Lx
witzky (Allemagne) rope, d’Asie, d’Afrique et du Magh- dialisation a été de travailler comme Marais de Lucrecia Martel, Infidéle de
reb se partagent les derniers 10%.Je conseiller du ministre de la Culture, Liv Ullmann.
suis bien consciente que les produc- Michael Naumann, pendant les deux 2. En 2000, lArgentine comptai'
teurs allemands cherchent a investir ans de son mandat. Je l’ai aidé 4 33,5 millions d’entrées en salles. Le
dans des projets américains. Méme appréhender la politique du cinéma cinéma américain représentait 68,8%
notre fonds de soutien investit 4 Hol- en France et en Allemagne. En tra- les films argentins, 19,1% et les film
0 89s SJ ER

. Votre travail a-t-il été affecté par la mondialisation ? 6. Revendiquez-vous votre ceuvre comme appartenant a une cinématographie nationale ou internationale ?

AUTRICHE Et aussi,
Ruth Beckermann : a Cannes...
A Cannes, on peut
« Contre cette idée voir des films en
provenance du monde
chauvine... » entier, ce qui change
du reste de l’année ou
N ée en 1952, Ruth Beckermann les films viennent le
L Nest a la fois documentariste et plus souvent du
écrivain. Parmi ses ceuvres les plus méme endroit :
importantes Wien Retour en 1983, Hollywood.
Nach Jerusalem en 1990, Jenseits des En association avec
Krieges en1996. En 2001, elle a ter- les Cahiers du
miné homemad(e), tourné de |’été cinéma, \a Société
@ « Vies brillées » de Marcelo Pineyro (2001). 1999 au printemps 2000, au fil de ses des Réalisateurs de
rencontres avec les passants, les habi- Films a proposé a des
européens, asiatiques et latino-amé- est encore qu’a ses débuts. tants, les habitués d’une rue de Vienne. cinéastes du monde
ricains, 11,1%. En dix ans, la fré- 5. Je ne pense pas que la mondiali- 1. Chocolat de Lasse Hallstrém, Tigre entier de prendre
quentation globale a doublé, passant sation ait provoqué de gros change- et dragon d’ Ang Lee, Kuzco, l’empereur position en réalisant
de 17,1 millions d’entrées en 1991 4 ments dans le cinéma argentin, qui mégalo, produit par Walt Disney, Code un film de cing
33,5 millions en 2000. La part du reste un cinéma isolé, sans perspec- inconnu de Michael Haneke et La minutes afin de
cinéma argentin a pratiquement tri- tives d’ouverture. Cependant, la Voleuse de Saint-Lubin de Claire sensibiliser le public
plé, passant trés rapidement d’un petit société argentine a souffert de la Devers. a cette question
7% en 1991 4 19,1% en l’an 2000, mondialisation, et cet appauyrisse- 2. L’Autriche produit 15 films par essentielle pour la
avec un pic a 22% en 1997. ment est aussi culturel. De plus, la an. Les films francais et surtout les survie du cinéma.
3. Lindustrie du cinéma argentin standardisation du cinéma liée a l’in- films américains sont nombreux. La Cette année, a
recoit trois sortes de soutien finan- vasion du courant américain exerce situation ne va guére évoluer. Mais Cannes, la srF et les
cier : des préts a taux faible destinés une sorte de dictature sur le mode de dans dix ans, s’agira-t-il de films ou Cahiers du cinéma
a la production cinématographique ; narration. La survie des cinémas de projections numériques ? vous convient a voir
des subventions pour développer I’in- nationaux dépend de leur capacité a 3. LEtat accorde des subventions. les premiers films
dustrie : le gouvernement accorde au générer leur propre public. C’est un 4. Les salles de cinéma. déja réalisés
producteur 60% du prix de chaque grand défi pour moi : trouver ma 5. Les chaines de télévision achétent (Jean-Marie Straub et
billet vendu, dans la limite du cotit propre voie, en évitant de tomber nos films documentaires 4 trés bas Daniéle Huillet,
reconnu de la production de ce film ; dans un stylisme superficiel.
J’ai choisi prix. Pour les réalisateurs, cette poli- Arturo Ripstein,
des subventions 4 la diffusion élec- Lutilisation de genres classiques, et tique des prix a un effet dévastateur. Helma Sanders-
tronique de l'information : il s’agit cette démarche a coincidé avec les Il y a aussi les restrictions liées aux Brahms, Marc Recha,
d'un montant fixe qui ne peut en exigences nouvelles du public argen- échéances. Les coproductions devien- Amos Gitai, Jia
aucun cas dépasser 50% du coit tin : trouver le trait individuel qui nent monnaie courante. Cela rend le Zhang-Ke), a la
teconnu de la production de ce film. offre une identité et une raison d’étre, processus de financement du film plus Quinzaine des
En Argentine, il n’y a aucun traite- par opposition au cinéma standardisé long, plus compliqué et plus cher. Réalisateurs le vendredi
ment de faveur pour les films argen- que la mondialisation semble exiger. Mais le bon cété, c’est que les 18 mai a 14h30.
tins en ce qui concerne la program- 6. Le cinéma latino-américain a cinéastes qui luttent contre la com-
mation des cinémas. connu le mélodrame des années mercialisation de leur travail com-
4. Le moyen le plus courant pour 40-50, le cinéma révolutionnaire muniquent plus entre eux.
voir des films est le cable ou la télé- des années 60-70, le « réalisme 6. On considére que les films, plus
vision satellite, car les chaines magique »... Dans les années 90, des que tout autre produit culturel, sont
oubliques passent trés peu de longs- cinéastes d’Amérique latine se sont représentatifs de leur pays.Je trouve
nétrages. La vidéo a connu son heure spontanément mis 4 la recherche de cette idée chauvine et anachronique.
Je gloire, en dépassant la fréquenta- la forme qui leur permette de repré- Mes films ne représentent pas l’Au-
ion en salles, dans les années 80. Avec senter la nouvelle réalité. Ils n’appar- triche, ils ne représentent qu’eux-
’arrivée des multiplexes dans les tiennent a aucune école, bien qu’ils mémes.
innées 90,le cinéma a retrouvé sa créent des relations fortes avec les
uprématie sur la vidéo. Le DvD n’en jeunes publics de leurs pays.

Pn - ee
DOSSIER

1. Les cing derniers films vus en salle dans votre pays ? 2. Part du cinéma national/américain ? 3. Systeme d’aide a la création ? 4. La maniére la plus simple de voir des films ?

semaines maximum. Parfois, on se dit


qu’on devrait projeter les ceuvres
nationales en exclusivité sous un cha-
BRESIL
piteau de cirque.
3. Il existe un petit fonds de soutien
Walter Salles :
(Fondo de Fomento) qui dépend du « Notre cinéma n’a pas
Conacine. Il peut préter jusqu’a
100 000 dollars, 4 8,5% d’intéréts, cessé de renaitre »
avec un délai de remboursement de
trois ans. De telles conditions écar- alter Salles, 45 ans, commence
tent les jeunes cinéastes de ce type de par tourner des documentaires
financement. (Socorro nobre ; Krajcberg) qui se font
4. Sans doute les vidéo-clubs. Dans remarquer dans les festivals interna-
90% des cas, les films disponibles en tionaux. En 1995, il réalise avec
cassette VHS sont américains. Daniela Thomas Terre lointaine et, en
@ « La Noche de San Juan » de Jorge Sanjines (1971). 5. Le processus de mondialisation est 1997, il tourne pour la série d’Arte
trés pernicieux pour l’intégrité et « Van 2000 vu par ». Central Do Bra-

BOLIVIE Videntité culturelle de notre pays.


Cette uniformisation de la culture au
niveau mondial est dictée par des
sil lui apporte succés public et cri-
tique. Le film remporte I’Ours d’or
du meilleur film et Ours d’argent de
Jorge Sanjines : intéréts commerciaux. On ne la meilleure actrice au Festival de
recherche que le profit, 'accumula- Berlin 1998.
« Laide aux films exclut tion et la concentration de richesses. 1. Babilénia 2000 d’Eduardo Cou-
Une nation dotée d’une forte tinho, Bicho de Sete Cabegas, de Lais
le jeune cinéma » identité culturelle est un obstacle 4 Bodanzky ; Traffic de Steven Soder-
l’expansion des affaires. Car celles-ci bergh, YiYi d’Edward Yang et In the
<2 premier film, Ukaman, est pré- reposent sur la standardisation des Mood for Love de Wong Kar-wai.
senté 4 Cannes 4 la Semaine de la habitudes de consommation. Les 2. Dans les années 70 et 80, le cinéma
critique en 1967, mais Jorge Sanjines Américains, qui monopolisent le brésilien détenait plus de 30% du
se fait surtout connaitre sur le plan marché, entretiennent les spectateurs marché. Pour des raisons écono-
international en 1969 avec Le Sang dans l’idée que le cinéma fait aux miques et politiques, il a cessé d’exis-
du Condor, qui oppose la civilisation Etats-Unis est le cinéma. De fait, ils ter au début des années 90. Aujour-
des Indiens 4 celle des exploiteurs exercent une pression sur le cinéma @hui, nous avons récupéré 4 peu prés
blancs. Aprés Le Courage du peuple national, 4 la recherche de sa propre 10% des parts. Depuis les années 20,
(1971) et Hors d’ici (1977), analyses identité. La mauvaise qualité du notre cinéma est mort plusieurs fois,
historico-politiques, il sort Le Chant cinéma d’Hollywood a une influence et il n’a cessé de renaitre.
des oiseaux en 1996. sur les gouits des spectateurs : préfé- 3. Le financement des films se fait
1. Amours chiennes d’ Alejandro Gon- rence pour un cinéma violent, évi- en partie grace 4 un systéme de tax
zalez Inarritu, Gladiator de Ridley tant toute réflexion et dans lequel il shelter : des majors américaines, entre
Scott, La Fureur et l’Amour (Nouvelle- n’y a pas de place pour la poésie ou autres, peuvent investir une part de
Zélande), Docteur Patch de Tom Sha- Lart supérieur. Les films américains ce qu’elles doivent au fisc dans des
dyac, Le Messager (Etats-Unis). indépendants sont les seuls 4 ne pas productions brésiliennes.Un systéme
2. La Bolivie n’a pas sa propre indus- rentrer dans une logique mercanti- Waides régionales et de soutien aux
trie cinématographique. La produc- liste ; ils nous permettent de nous films 4 petit budget existent égale-
tion est irréguliére et confinée dans rapprocher de la vie et de la culture ment. Ce systéme, loin d’étre parfait,
détroites limites. Le cinéma améri- du peuple américain. ne privilégie pas les projets radicaux.
cain représente 98% des films étran- 6. Je revendique le fait que mon 4. Au Brésil, les films sont vus essen-
gers distribués. Depuis dix ans, il est cinéma s’inscrive dans la mouvance tiellement en salles. La plupart de ces
si présent que les petites productions de la production nationale, avec sa salles sont aujourd’hui contrélées par
nationales ne sont plus stires de pou- propre singularité. I] fait partie du les majors américaines.
voir projeter leurs films. Lorsqu’elles patrimoine artistique bolivien. Il 5. Il fut un temps oi la globalisation,
trouvent une salle, elles doivent se contribue 4 facgonner l’identité du était Billy Wilder tournant Sunset
soumettre aux conditions imposées pays et lui donne forme pour conso- Boulevard 4 Hollywood... La globa-
par les multinationales américaines lider celle-ci dans la mémoire col- lisation d’aujourd’hui est un euphé-
aux exploitants. Un film bolivien ne lective. misme, qui masque l’emprise crois-
sera projeté que quatre ou cing sante des entreprises américaines dans
BOss 1 ER

Votre travail a-t-il été affecté par la mondialisation ? 6. Revendiquez-vous votre ceuvre comme appartenant a une cinématographie nationale ou internationale ?

oresque tous les secteurs écono- nardet d’un court-métrage docu-


niques. Mais tout mouvement mentaire sur l’avant-garde artistique
engendre une réaction. Yi Yi, le plus brésilienne dans les années 60, elle
eau film que j’ai vu l’année derniére, a tourné des vidéos (Orgulho,1992)
| été réalisé grace 4 des apports tech- et deux longs-métrages, Starry Sky en
liques et financiers non seulement 1997, A travers la Fenétre en 2000.
Je Taiwan, mais aussi de Hong Kong, 1. Le Fils adoptif d’ Aktan Abdykaly-
ju Japon et de la Thailande. Edward kov, Ennemis intimes de Werner Her-
Yang dit : « Les cinéastes ne raisonnent zog, Tigre et dragon d’ Ang Lee, Pane e
sus de facon nationale, mais régionale. » Tilipani de Silvio Soldini, Henri Fool
>. Pour vaincre les difficultés dHal Hartley.
-ycliques du cinéma brésilien, deux 2. La situation est déplorable pour le
acteurs ont joué : la capacité de résis- cinéma brésilien.
ance de cinéastes de générations dif 3. Mon premier film, Un ciel d’étoiles,
érentes et la fidélité du public. Pour- a été réalisé sans aucune aide de Etat. @ « Tieta do Agresta » de Carlos Diegues (1996).
JUoi ne nous a-t-il pas abandonnés Le film a été financé grace 4 un
lors que la distribution des films hol- concours, soutenu par une banque des records du box-office brésilien.
ywoodiens ne connait aucune bar- de Sao Paulo. La diffusion a été ren- 1. Seul au monde de Robert Zemeckis,
igre ? Parce qu’il ne se reconnait pas due possible grace 4 Riofilme, dis- In the Mood for Love de Wong Kar-wai,
lans le petit écran, qui refléte une tributeur des films brésiliens sur le Amores Possiveis de Sandra Werneck, REPERES
ociété qui n’est pas la sienne. Et parce territoire national. Mon deuxiéme Tigre et dragon d’ Ang Lee, Capitaines
ju'il se rend au cinéma pour prendre
art 4 quelque chose de plus com-
film,A travers la fenétre,a regu une sub-
vention du secrétariat municipal de
d’avril de Maria de Medeiros,
2. La part du cinéma brésilien en
Brésil
exe. Le cinéma est un mécanisme la Culture de Sao Paulo. Ila regu une 2000, était d’environ 8%. Les films (chiffres de 2000)
Jui montre une société en mouve- aide a la promotion du cinéma bré- américains occupaient 90,5% du @ 25 films brésiliens
nent, qui peut nous aider 4 avancer silien et un soutien de la fondation marché et le reste, Europe, Asie et distribués.
n tant que collectivité, qui permet Hubert Bals. autres, 1,5%. Grace 4 la loi sur l’au- ® 10%: part de
le nous remettre en question en tant 4. Je vois des films en salle et vis. diovisuel votée en 1994, la produc- marché des films
jue nation. 5. Ce qui m’inspire le plus, ce sont tion brésilienne a augmenté et le brésilens
Je la, la force du cinéma de Glauber les films qui racontent une histoire marché s’en est trouvé diversifié. @ Les plus gros succés
Locha, de Tomas Gutierrez Alea ou de maniére originale et séduisante. Avant 1994, la part du cinéma brési- de 1999 :
’Abbas Kiarostami : leurs films tou- La globalisation est synonyme de lien était inférieure 4 1%. 1. Le Sixiéme Sens de
hent directement aux questions standardisation : des films différents 3. Depuis l’application de cette loi, Night M. Shyamalan
Jentitaires du Brésil, de Cuba ou de (pour la plupart américains) racon- le systéme de financement du cinéma (E-U)
Iran. Rocha disait que « le cinéma est tent la méme histoire, de la méme est fondé sur le principe du tax shel- 2. Star Wars, la
ne forme d’expression internationale et maniére. Cela ne m’inspire pas. ter. Les entreprises et les citoyens, qui menace fant6me de
n cinéaste moderne doit pouvoir faire des 6. Sans doute nationale, avec des payent leurs impéts au Brésil, peu- George Lucas (E-U)
Ims n’importe on ». Je désire apparte- traits locaux trés marqués. vent en investir une partie dans le 3. Tarzan de Walt
ir 4 un mouvement collectif, qui cinéma. Les films bénéficiaires sont Disney (E-U)
arle d’une identité nationale en choisis par les investisseurs et non par 4. La Momie de
lutation et je me sens proche de Carlos Diegues : l’Etat.Au début des années 90, on Stephen Sommers (E-U)
1émes qui ne sont pas nécessaire- produisait deux a quatre films par an. 5. Matrix d’Andy et
1ent « brésiliens ». « Préservons notre A partir de 1995, prés d’une trentaine. Larry Wachowski (E-U)
Depuis, on a produit 56 premiers
singularité » films, 56 réalisateurs ont pu débuter.
ata Amaral : 4. Comme partout dans le monde,
¢ Narlos Diegues, né en 1940, est cest a la télé qu’on voit le plus de
Une situation 4critique cinéma du journal O films au Brésil. Nous avons sept
Metropolitano, avant de se lancer dans chaines nationales, quelques chaines
éplorable » la réalisation en 1962 (Escola de locales, le cable et le satellite.
Samba, Alegria de Viver). Comme 5. Le cinéma est un art qui, dés sa
‘ata Amaral, travaille dans le beaucoup de réalisateurs du Cinéma naissance, a inauguré I’internationa-
domaine du cinéma et de la Novo des années 60, il trouve ses lisation culturelle et spirituelle du
déo depuis 1983 et enseigne la réa- sources d’inspiration dans le passé xx® siécle. Mais il n’y aura pas de
ation 4 l’université de Sao Paulo. (Ganga Zumba, 1964, Quilombo, place pour le cinéma brésilien dans
oscénariste avec Jean-Claude Ber- 1984). En 1976, Xica da Silva est un cette internationalisation, si on ne
DOS'S
| ER

1. Les cing derniers films vus en salle dans votre pays ? 2. Part du cinéma national/américain ? 3. Systéme d'aide a la création ? 4. La maniére la plus simple de voir des films ?

préserve pas notre singularité. programme Léon de Luc Besson. circuits de diffusion nord-américains
6. Je ne fais pas de films comme si 3. Pour mes films, j’ai recu une aide sont si déficients que, méme dans ces
J étais une nation ou une région. J’ai du cNc, de l’Accr (Agence inter- formats, de nombreux films ne sont
un regard trés personnel. Cela étant, gouvernementale de la francopho- pas disponibles.
le public ou la critique peuvent nie, du FAS et du Fonds Sud). 3. Je cherche 4 voir La Commune de
minscrire dans un espace géogra- 4. Tous les films (kung fu ou hol- Peter Watkins, Liam de Stephen Frears
phique que mes films projettent lywoodiens) existent en VHS et en et les derniers courts-métrages
d'une fagon ou d’une autre. DVD, ce sont des copies pirates. d’Alain Cavalier, et je n’y arrive pas.
5. Depuis ouverture du Cambodge Beaucoup de ces films ne sont pro-
dans les années 90, les Américains jetés qu’une seule fois dans les fes-
sont les maitres. Mon travail a tou- tivals de films qui sont devenus le der-
jours été difficile parce que nous nier refuge des ceuvres de qualité.
n’avons pas de ressources financiéres. Encore faut-il étre disponible pour
Et les producteurs locaux ne s’inté- courir les festivals, cela demande une
ressent qu’aux Karaoké (destinés aux énergie et une ferveur de cathécu-
immigrés en Europe, aux Etats-Unis méne. Les cinéastes dont je ne ratais
et en Australie). jamais un film sont morts, silencieux
6. Dans le contexte actuel et par rap- (Bergman) ou invalides (Antonioni).
8 port a Vhistoire du pays, faire du Le cinéma était l’art du xx‘ siécle, il
: cinéma au Cambodge, c’est faire de est mort avec lui. Les conditions de
; la résistance. En ce sens, nous tentons
de créer une cinématographie natio-
production se sont a ce point dégra-
dées qu’il est devenu impossible de
nale — non nationaliste. Nous voulons poursuivre une ceuvre cohérente.
@ Rithy Panh sur le tournage d’« Un soir apres la guerre » (1998). d'abord réaliser un travail de mémoire. Les entrées en salles au Québec se
C’est une urgente nécessité. divisent en 80% pour le cinéma amé-
ricain, 12% pour le cinéma interna-

CAMBODGE CANADA
tional et 8% pour la production
locale. Le phénoméne le plus impor-
tant des vingt derniéres années est la
Rithy Panh : disparition progressive du cinéma
Denys Arcand : européen de nos écrans. Les films
« Faire du cinéma au francais et italiens en particulier,
« De ce cété-ci autrefois populaires, sont en chute
Cambodge, c’est faire libre. La production locale, comme
de la barricade... » partout ailleurs, est surtout faite de
de la résistance » comédies inexportables.
| yo Arcand, né en 1941, réalise Tous les films canadiens sont 4 peu
| ) ithy Panh, né en 1964, est en 1969-70, un documentaire prés entiérement financés par l’Etat
“\diplémé de P'iDHEC. II réalise de sur les usines du sud du Québec et (Etat fédéral et Etats provinciaux) a
nombreux documentaires engagés les conflits entre francophones et travers des systémes compliqués. II
(Cambodge, entre guerre et paix, 1992 ; anglophones. Cas trés rare, le film est n’y a pas d’argent privé investi dans
Bophana, une tragédie cambodgienne, censuré. En 1986, son Déclin de l’em- la production ni méme dans la dis-
1996) et un film de fiction, Les Gens pire américain remporte un large suc- tribution des films canadiens.
de la riziére, en 1994. cés international. Son dernier film, 4. Si vous avez 20 ans et que vous
1. Le dernier film que j’ai vu au Stardom, était en cléture du Festival voulez voir Brad Pitt et Julia Roberts.
Cambodge, Les Fils du serpent Keng de Cannes 2000. il y a de trés nombreux nouveaux
Kang, est une production thai-cam- 1. Cette année, j’ai vu Le Messie de mégaplexes ou, en plus de 20 salle:
bodgienne. II est projeté au Centre William Klein et Requiem for a dream de cinéma, vous pouvez aussi trou-
culturel francais et au Centre cultu- de Darren Aronofsky. L’an dernier, ver des fast food, de gigantesques salle
rel russe. javais vu American Beauty et Magno- de jeux vidéo et méme (4 Québec
2. Il y a deux salles de cinéma au lia. Il y a deux ans, Il faut sauver le sol- une piste d’autos tamponneuses. Le
Cambodge. Lune appartient au dat Ryan de Spielberg. films a l’affiche sont ceux qui si
Centre culturel frangais (on y voit des 2. Je ne vois presque plus jamais de retrouveront quatre mois plus tar
films frangais). Vautre, ouverte depuis films en salles,je regarde tout chez dans les vidéo-clubs et un ou dew:
février 2001, est tenue par une entre- moi en DVD ou en VHS.J’ai un écran ans aprés sur les chaines de télévision
prise coréenne. Actuellement, elle géant et une bonne sonorisation. Les Une salle d’Art et Essai et dew:
DOS
S71 EE

. Votre travail a-t-il 6té affecté par la mondialisation ? 6. Revendiquez-vous votre ceuvre comme appartenant a une cinématographie nationale ou internationale ?

beaucoup les citoyens de l’empire. II cette entente comme Cheval de


y a aussi la stratégie industrielle qui Troie. [ls ont décidé de sortir simul-
consiste, pour des banques ou des tanément les films en versions anglaise
compagnies étrangéres, 4 acheter un et frangaise, multipliant le nombre
studio hollywoodien. Les Japonais y d’écrans par 5, puis 6 et 7. Robin Hood
ont perdu des milliards de yens, le en 1990 est le premier exemple de
Crédit lyonnais a di étre renfloué par ce raz-de-marée. Le film est sorti sur
VEtat. Aujourd’hui, Vivendi tente une centaine d’écrans le méme
Yaventure, le gouvernement du Qué- week-end au Québec (du jamais-vu).
bec investit les épargnes de ses Succés total. Depuis, lorsque les Amé-
pauvres contribuables dans des com- ricains sortent un gros canon, ils
pagnies californiennes de production. essaient le premier week-end d’oc-
Non seulement les Américains impo- cuper avec un seul film le septiéme
sent leurs produits culturels au monde des écrans disponibles au Québec. Le
@ « Un 32 aott sur Terre » de Denis Villeneuve (1998). entier, mais ils excellent en plus a cinéma frangais, populaire au Qué-
siphonner la richesse des nations. bec, en a beaucoup souffert : depuis
vidéo-clubs de Montréal, animés par 1990, il perd chaque année du
de vrais cinéphiles, constituent les « temps écran ». Le cinéma d’auteur
seules planches de salut. Denis Villeneuve : québécois en arrache lui aussi. La
5. Le régne des Etats-Unis sur le seule forme de cinéma capable de
REPERES monde est absolu et parait assuré « Jai le sentiment de rivaliser avec nos voisins est la grosse
pour le prochain siécle. Le cinéma comédie populaire québécoise (de
Canada n’est qu’un élément de cette domi- faire la guérilla » trés piétre qualité et inexportable).
nation. Pour eux, la mondialisation 3. Il existe deux sources principales
(chiffres de 2000) signifie que plus de la moitié des é en 1967, Denis Villeneuve daide 4 la création au Québec. Une
@ 2%: part de marché recettes proviennent de I’extérieur ENigeatie en 1997 son premier institution du gouvernement pro-
des films canadiens. des frontiéres. Pour mon dernier film, long-métrage, Un 32 aottt sur terre, vincial, la SODEC (Société de déve-
@ 92 %: part de je discutais avec un distributeur amé- sélectionné 4 Cannes 4 la Quinzaine loppement des entreprises culturelles)
marché des films ricain de la possibilité de confier le des réalisateurs. II vient d’achever son et une institution fédérale, Téléfilm
américains. premier réle 4 une Noire. « Jamais, deuxiéme film, Maelstrom. Canada. Sans ces institutions, il n’y
Québec uniquement malheureux!, s’écria-t-il, nous perdrions 1. In the Mood for Love de Wong Kar- aurait pas de cinéma québécois en
™@ 6 %: part de marché instanément tout le sous-continent indien wai, Gladiator de Ridley Scott, Les Tan 2000.
des films canadiens. et le Sud-Est asiatique» ! Fantémes des trois madeleines de Guy- 4. Le cinéma américain est vu en
@ 85 %: part de De l'autre cété de la barricade, pour laine Dionne (Québec), Waydowntown salles et en vidéo. Pour voir un film
marché des films essayer de résister tant bien que mal de Gary Burns (Canada), Une journée étranger ou québécois en salles, il faut
américains. a cette hégémonie, les autres pays ten- @’ Andrei Arsenevitch de Chris Marker. se déplacer vers Montréal ou 4 Qué-
™ Les plus gros succés tent des alliances stratégiques. Le 2. Le Canada étant considéré bec. Dans les vidéo-clubs du Qué-
de 2000 : nombre de coproductions entre le comme marché domestique pour les bec, un grand espace est réservé au
1. Boys 1 (comédie Canada et l’Angleterre ou la France, Amé€ricains, nous utilisons le méme cinéma américain et un petit recoin,
québécoise) bien que modeste, augmente. systéme qu’eux : les résultats des au cinéma international (dans lequel
2. Boys 2 (idem) 6. Il n’y a que deux types de entrées sont donc comptés en argent. on retrouve le Québec).
3. The Art of War de cinéastes, les Américains et les autres, Depuis dix ans, les Américains détien- 5. Le Québec est considéré comme
Christian Duguay (E-U) qui peuvent étre suédois, persans ou nent 85% des recettes. Le cinéma un territoire américain. Nos écrans
4. Elvis Gratton méme québécois a l’occasion. Les québécois représente 5% (en moyen- présentent un seul univers qui n’est
(comédie québécoise) seuls qui échapperont a une diffusion ne) du box-office et le cinéma cana- pas le nétre, des valeurs qui ne sont
5. Le Violon rouge de confidentielle seront ceux que les dien, 1%. En 1990, la ministre de la pas les notres. C’est une fermeture
Francois Girard (E-U) Américains eux-mémes choisiront Culture du Québec, Lise Bacon, a progressive du regard que nous avions
pour satisfaire occasionnellement un signé une entente avec le président sur le reste de la planéte et sur nous-
léger besoin d’exotisme. Cette année, de la Motion Picture Association of mémes au profit d’un regard mono-
est au tour d’Ang Lee par exemple. America,
Jack Valenti. Laccord sti- lithique américain. Les vieilles salles
Désolés de cet état de chose, certains pulait que tout film américain devait de quartier sont toutes remplacées
cinéastes météques tentent de dégui- sortir en version francaise, quarante- par des mégacomplexes (films,
ser leurs films en films américains ; cing jours aprés sa sortie initiale musique, nourriture, jeux vidéo, tout
en utilisant des vedettes américaines. anglaise. Cette mesure était destinée est américain). Le nouveau complexe
C’était la méthode en son temps de a protéger la langue frangaise sur nos Paramount de Montréal (20 salles)
Sergio Leone. Ces tentatives amusent écrans. Les Américains ont utilisé offre un service d’ « entertainement ».

CAHIERS NII CINEMA / MAI 2001 £2


DeOrs Ss! E

1. Les cing derniers films vus en salle dans votre pays ? 2, Part du cinéma national / américain ? 3. Systeme d'aide a la création ? 4. La maniére la plus simple de voir des films ?

Pour Eyes Wide Shut, une animatrice canadiens ne sortent pas sur les
nous a invités 4 danser une valse pen- écrans, ni méme 4 la télévision.
dant le générique. On nous avait pro- 2. Au Canada, pratiquement aucun
mis que, avec cette accumulation film canadien ne figure au box-office.
démente du nombre de salles, il y Je ne connais pas le pourcentage, mais
aurait plus d’espace pour le cinéma je sais que c’est un chiffre misérable.
d auteur. En fait, il y a davantage de Les films américains dominent tota-
salles pour Les 102 Dalmatiens et lement. D’ici 4 dix ans, la situation
moins pour le reste. La bonne nou- sera identique ou pire.
velle de ces derniéres années est l’ar- 3. Les films canadiens et les copro-
rivée de Daniel Langlois, un milliar- ductions regoivent un soutien finan-
daire québécois du software, qui a cier de la part du gouvernement pro-
construit trois salles de projection de vincial et du gouvernement fédéral

CARA M.
pointe (Ex Centris) destinées uni- sous forme de crédits d’impéts ou >
quement au cinéma d’auteur. En tant d'investissements réels. Cependant les m « Le Protégé de Mme Qing » de Liu Bingjian (2000).
que cinéaste, j’ai le sentiment de faire films américains recoivent également
la guérilla. Nous utilisons, pour la dis- un soutien gouvernemental dans le adhésion et une distribution globales.
tribution, les armes de l’adversaire 4 but d’attirer la production au Canada, Quand Bertolucci a-t-il tourné un
trés petite échelle (les médias), pour et parfois ce soutien est supérieur a film en italien pour la derniére fois ?
promouvoir des films tournés dans celui offert aux films canadiens. Liro- Luc Besson refera-t-il un jour un film
une langue qui s’exporte mal (le fran- nie, c’est que notre infrastructure de en frangais ? Le son des films tournés
cais). Il est trés difficile d’entrer en production cinématographique (les dans une autre langue que l’anglais
contact avec mon propre peuple tant studios, les maisons de location de me manque (c’est trés difficile d’en
il est submergé par la formidable matériel, les techniciens, les directeurs trouver ici ). Je me bats avec le « pro-
machine 4 promotion d’Hollywood. de production, etc.) a besoin de la bléme Hollywood » 4 chaque fois
La pression est de plus en plus forte télévision et des films américains pour que je fais un film, et le fait que je
pour que je tourne en anglais, parce rester solide, mais, en méme temps, parle l’anglais nord-américain rend
qu’il semblerait, selon plusieurs ceux-ci menacent d’éjecter les pro- cela encore plus étrange, et par cer-
sources, que les autres peuples ne s’in- ductions canadiennes. tains cétés, plus difficile.
téressent plus qu’a cette seule langue. 4. La plupart du temps,je regarde 6. J’ai bien sir intégré de nom-
6. Je suis un cinéaste québécois.Je des films en salle ou en cassette vidéo, breuses influences cinématogra-
fais partie d’une cinématographie et également sur de nombreuses phiques du monde entier, mais je
nationale québécoise. chaines de télévision payantes consa- considére que mes films sont avant
crées au cinéma. Il y a un énorme tout fondamentalement canadiens,
public pour ces moyens de diffusion guidés en dernier lieu par ma vision
David Cronenberg : au Canada. Les adolescents font sou- personnelle de I’4me canadienne.
vent des soirées au cours desquelles
« La mondialisation ? ils louent des films en DvD ou en
vidéo. La fréquentation des cinémas
Une américanisation » est toujours forte, mais elle traverse
des cycles. Récemment la construc-
| bide Cronenberg, né en 1945, tion de cinémas a connu un boom. Liu Bingjian :
se fait connaitre du public et de Maintenant on dirait qu’il y a un
la critique avec Frissons en 1970. Son effondrement lié 4 la faillite de « Le cinéma indépendant
cinéma est marqué par l’idée qu’une chaines de cinémas et a des fusions.
entité vient habiter et métamorpho- 5. Il semble que « mondialisation » ne regoit aucune aide »
ser les corps humains : Rage (1976), soit un euphémisme pour « améri-
La Mouche (1986) ou plus recemment canisation » lorsque l’on parle de | iu Bingjian est né en 1963. Son
Crash qui fit scandale 4 Cannes en cinéma. Dans les faits, cela signifie que _deuxiéme film Le Protégé de
1998 ou Existenz (1999). les films doivent étre tournés en Madame Qing (1999), qui traite de
1. Le dernier film que j’ai vu était anglais et avec Bruce Willis. J’appré- Vhomosexualité, est tourné sous le
Stardom, le culte de la célébrité de Denys cie les films hollywoodiens autant que manteau et produit de maniére indé-
Arcand. Cela fait longtemps queje nimporte qui, mais je déteste le fait pendante.
n’ai pas vu un film canadien :c’est en qu'il soit de plus en plus impossible 1. Deux films américains, deux films
partie ma faute (voir réponse 4), et en de créer d’autres styles de films, tout chinois et un film hongkongais.
partie parce que la plupart des films du moins des films qui trouvent une 2. Depuis dix ans, 70% des films du
BOSSI R

Votre travail a-t-il été affecté par la mondialisation ? 6. Revendiquez-vous votre ceuvre comme appartenant a une cinématographie nationale ou internationale ?

0x-Office sont américains.


3. Le gouvernement n’aide que les
ilms qui sont dans la ligne du cou-
ant dominant.A savoir, les films qui
liffusent la politique du gouverne-
nent et son idéologie. Les films indé-
yendants ne regoivent aucun soutien
inancier.
+. VCD,VHS ou DvD.
. La liberté de créer, les facons de
ilmer et le jugement du public sont
imités.
). Mon travail devrait faire partie du
atrimoine cinématographique natio-
al, mais les autorités de mon pays @ « Platform » de Jia Zhang Ke (2001).
efusent de l’accepter.
Grace a des images, je peux raconter 3. Les films coréens sont aidés par la
mes propres expériences. C’est une KOFIC. Cette organisation sélectionne
Jia Zhang Ke : émotion intense. Ma méthode est de et finance a peu prés quinze projets
filmer 4 l’émotion et non de maniére par an. Chaque film recoit une sub-
Je souhaite étre un industrielle.Je décris la vie de ma ville vention d’environ 400 000 dollars.
natale, je ne supporte pas qu’on puisse 4. En premier lieu la vis. Puis les
‘inéaste de proximité » Pignorer.Je souhaite étre un cinéaste salles et la télé.
de proximité, j’aimerais faire parta- 5. Grace 4 la mondialisation,
j’ai lop-
ia Zhang Ke, né en 1970, est ger mes expériences 4 des gens trés portunité de me trouver devant un
diplémé de l’Académie du film de différents de moi. miroir plus large. D’un autre cété,
ékin en 1997 et réalise dés 1998 son je dois rester vigilant pour préser-
remier long-métrage, Xiao Wu, qui ver mon intégrité face au courant
emporte le prix Wolfgang Staudte
u Festival de Berlin. Il vient de ter-
1iner son deuxiéme film, Platform,
COREE DU SUD dominant et 4 la standardisation. La
mondialisation affecte mon travail de
fagon inconsciente : elle me place
résenté au Festival de Rotterdam. Lee Kwangmo : dans un rapport de tension entre un
« Trois premiers films : Sea Food de mouvement global et ma propre sen-
thu Wen, Infant in An Yang de Wang « La mondialisation sibilité. Le mouvement global me
thao et le documentaire The Paper permet d’apprécier diverses saveurs
"ane de Zhao Liang. Sinon, Happy affecte mon travail et de faire des expériences dans mon
‘ime de Zhang Yimou et In the Mood travail. Ma sensibilité préserve mon
i Love de Wong Kar-wai. de facon inconsciente » originalité. Cette tension donnera 4
« Le fossé s’amenuise entre films mon travail une nouvelle dimension
hinois et films américains parce que | ee Kwangmo, né en 1961, étudie et une nouvelle profondeur.
's gens vont de moins en moins au a littérature anglaise aux Etats- 6. Je n’ai jamais imaginé qu’un de
néma. Des DvD pirates de bonne Unis 4 UCLA avant de s’orienter vers mes films puisse faire partie d’un
ualité et peu chers sont vendus avant le cinéma. I] tourne son premier film, cinéma national ou régional. II n’y a
ue le film ne soit sur les écrans. Spring in my Hometown, en 1998 et aucun calcul, je laisse parler ma sen-
+ Oui, mais les institutions ne sou- parallélement a son travail de réalisa- sibilité.
ennent que les films officiels. Un teur, il enseigne le cinéma a l’uni-
(m dont les héros seraient Mao et versité de Chung-Ang.
hou Enlai recevra immédiatement 1. I Wish I Had a Wife de Park Lee Chang-Dong :
1 soutien financier. Heung-shik, Bunji Jumping of their
+ Ce sont les Dvp, généralement Own, Friend, Those Were the Days, « La mondialisation
rates. Hier, j’ai déniché Nostalghia Buena Vista Social Club de Wim Wen-
Andrei Tarkovski, Almost Famous de ders, Les Enfants du paradis de Marcel doit étre bilatérale »
ameron Crowe et Beau travail de Carné.
laire Denis. 2. Lannée derniére, le cinéma coréen Yee Chang-Dong, né en 1954, est
et 6. Je savoure toujours le bon- représentait 32% du box-office et les d’abord écrivain puis scénariste
‘ur que j’éprouve 4 tourner un film. films américains 51%. avant de passer a la réalisation de son

> Saat oalaave afin


DOSES
aie oR

1. Les cing derniers films vus en salle dans votre pays ? 2. Part du cinéma national/américain ? 3. Systeme d'aide a la création ? 4. La maniére la plus simple de voir des films ?

la vidéo. Le DVD se répand en Corée. miques de Cuba.


5. Je ne vise pas seulement un public 3. Nous bénéficions de la libéralisa-
coréen, mais je doute que mes films tion de notre marché et d’une loi sur
puissent étre diffusés en dehors de la le cinéma, considéré comme patri-
Corée ! Pour notre pays, la mondia- moine culturel national.
lisation est unilatérale.Je souhaite que 4. La maniére la plus simple est la
mes films soient diffusés 4 l’étranger, télévision.
et trouvent une petite place dans le 5. Notre travail ne se voit pas affecté
coeur des non-Coréens. Ainsi, la par la mondialisation, mais par le blo-
mondialisation deviendrait bilatérale. cus et la guerre économique entre
6. Mes films plongent leurs racines les Etats-Unis et Cuba.
dans la société coréenne. Ils sont 6. Je considére que nos films font
imprégnés par l'histoire de mon pays partie de la cinématographie latino-
et les sentiments du peuple coréen. américaine et caraibe.
@ « Peppermint Candy » de Lee Chang-Dong (2000).

premier long-métrage, Green Fish,


primé au Festival de Vancouver en
1997. Son deuxiéme film, Peppermint
ESPAGNE
REPERES Candy, a été sélectionné par la Quin- Julio Garcia Espinosa : Andres Linares :
zaine des réalisateurs en 2000.
Espagne 1. Buena Vista Social Club deWim « Le blocus américain « Nos films font moins
Wenders, Dancer in the Dark de Lars
(chiffres de 2000) von Trier, Yi Yi d’Edward Yang, I affecte aussi le cinéma » de 10% des entrées »
® 3 477 écrans, Wish I Had a Wife de Park Heung-
® 131,5 millions Shik, Libera Me de Yang Yoon-Ho. hae Garcia Espinosa tourne son FE 1987, Andres Linares fait tour-
d’entrées 2. La part des films coréens est de premier long-métrage, Le Rebelle ner l’égérie de Pedro Almodo-
® 86,8 milliards de 35%, LEurope et I’Asie représentent en 1961. Les Aventures de Juan Quin- var et future star américaine Antonio
pesetas (3,4 milliards 5% du marché, les derniers 60% sont quin (1967) fait partie des « films Banderas, dans son film Asi Como
de francs) de recettes détenus par les Etat-Unis. Ce ratio cultes » du patrimoine cubain. habian Sido.
® 104 films espagnols entre films nationaux et américains 1. Dancer in the Dark de Lars von 1. Amours chiennes d’ Alejandro Gon-
produits est plus élevé que dans d’autres pays. Trier, Lumumba de Raoul Peck. zalez Inarritu, Billy Elliot de Stephen
® 10,1%: part de Jy vois le signe que l’industrie 2. Pour la premiére fois, 4 partir de Daldry, Merc pour le chocolat de Claude
marché des films coréenne du film est trés active. Son 1959, le pays a assuré le développe- Chabrol, Bread and Roses de Ken
espagnols. développement récent, grace au sys- ment du cinéma national. On a Loach, Tiaffic de Steven Soderbergh.
® 81,7%: part de téme des quotas, a développé I’in- ouvert nos salles aux films du monde 2. 9,6% de cinéma espagnol et 82%
marché des films térét des Coréens pour leur cinéma. entier. La « vente en gros » de films de cinéma américain. Cela va en
américains. 3. Comme le marché du cinéma est d’ Hollywood a été supprimée. Les s’empirant.
© Les plus gros succés florissant en Corée, l'investissement films étrangers ont di payer des droits 3. Oui. Laide est constituée par le
de 1999: est trés largement régi par la logique dexploitation pour un nombre d’an- prélévement d’un pourcentage sur le
1. Star Wars, la du marché. Ainsi, les films qui sem- nées déterminé. On a voulu négo- nombre total d’entrées en salles.
menace fantéme de blent les plus potentiellement ren- cier avec les exploitants pour qu’ils 4. Les salles de cinéma.
George Lucas (E-U) tables ont le plus de chance d’obte- accordent aux films nationaux des 5. La mondialisation porte de graves
2.La vie est belle de nir des financements, tandis que le conditions de projection décentes. préjudices au cinéma espagnol.
Roberto Benigni (Ita) cinéma d’art et essai court aprés les Cela n’a pas été possible. Il a fallu 6. Oui.
3. Tarzan de Walt Disney budgets. Le Korea Film Commitee trancher entre la liberté de ceux qui
(KOFIC) est censé soutenir l’art et commercialisent les films et celle des
Fernando Trueba :
(E-U)
4. La Momie de Stephen essai, mais l’efficacité de ses pro- cinéastes. On a choisi celle des
Sommers (E-U) grammes reste a prouver. cinéastes. Il est incroyable que, pour
5. 1 001 pattes de John 4. Le public des cassettes vidéo (VHS) des mesures si élémentaires, il faille « Je suis citoyen
Lasseter (E-U) est plus nombreux que celui des faire une révolution ! Aujourd’hui,
(Tout sur ma mére de salles. Mais les recettes de l’exploita- on maintient un équilibre entre ciné- du cinéma »
Pedro Almadovar arrive a tion en salles sont supérieures 4 celles mas national, américain, latino-amé-
la 13¢ place.) de la vidéo. Mon film Peppermint ricain, européen et d’autres pays. Ces eed Trueba, né en 1955, es
Candy a recueilli 1 million de dollars derniéres années, la programmation critique de cinéma, scénariste
de recettes en salles, 0,4 million pour a souffert des problémes écono- producteur, metteur en scéne et réa-
DIG
SS 1° ER

. Votre travail a-t-il été affecté par la mondialisation ? 6. Revendiquez-vous votre ceuvre comme appartenant a une cinématographie nationale ou internationale ?

6. J’ai tourné en Espagne, au Portu- strictement financiers ; de l’autre, elle


gal, en France, aux Etats-Unis, en est freinée car la distribution de pro-
République tchéque.Je suis citoyen jets indépendants est encore incer-
du cinéma, c’est-a-dire du monde. taine. Mon travail est touché par la
Mes films et moi, nous appartenons mondialisation 4 cause de la tendance
au patrimoine cinématographique générale au nivellement des systémes
global, qui est riche, varié, plein de de production, de distribution, de dif
différences culturelles, idiomatiques fusion. C’est le régne de la pensée
et méme personnelles, intimes. unique, de la standardisation des habi-
tudes culturelles, sexuelles, gastrono-
miques... Ce déclin général des cul-
Mare Recha : tures, des idées, de l’environnement,
a évidemment des répercussions sur
« Crest le régne le cinéma mondial : il s’appauvrit et
« L’Arbre aux cerises » de Mare Recha (1998). ses possibilités aussi.
de la standardisation » 6. En termes juridiques, c’est natio-
lisateur. En 1993, il gagne l’oscar du nal (dans mon cas catalan).
meilleur film étranger pour Belle eune cinéaste autodidacte originaire
époque. Aprés La Nifia de Tiss Ojos en _) dun quartier populaire de Barce-
1998, il a tourné Calle 54 en 2000.
1. Nationale 7 de Jean-Pierre Sinapi,
Tigre et dragon d’ Ang Lee, Chocolat de
lone, Marc Recha filme en super-8
depuis son enfance et réalise son pre-
mier long-métrage, Le ciel monte 4
ETATS-UNIS
Lasse Hallstrém, Amours chiennes 21 ans. En 1998, L’Arbre aux cerises Abel Ferrara :
d Alejandro Gonzalez Inarritu, The obtient le Prix Fipresci au Festival de
Road Home de Zhang Yimou. Locarno et le fait remarquer par la « Il ny a pas daide,
2. Sur les dix derniéres années, le presse internationale. Son 3° film, Pau
cinéma espagnol représentait 10%, le et son frére est présenté 4 Cannes. juste des investissements»
cinéma américain 80% et les autres 1. Lovers de Jean-Marc Bart, Natio-
cinémas 10%. nale 7 de Jean-Pierre Sinapi, Le Goiit A. bel Ferrara, né en 1952, oscille
3. Tout film espagnol bénéficie de la des autres d’ Agnés Jaoui, Cradle will £ \entre la production indépen-
« protection automatique », propor- rock de Tim Robbins, Incassable de dante et les grands studios. Il se fait
tionnelle aux entrées. Il y a aussi des M. Night Shyamalan. remarquer dés les années 80 avec
aides pour les premiers films. 2. Le cinéma espagnol représente Angel of Vengeance et China Girl. Sa
4. En Espagne, on voit les films en 10% des entrées et le cinéma améri- vision apocalyptique de l’ Amérique
salles, en VHS et en DvD. cain 90%. se traduit par des films nerveux, mys-
5. Pour moi, « mondialisation » signi- 3. Pour L’Arbre aux cerises,j’ai obtenu tiques qui jouent sur différents
fie que le monde n’est plus si vaste, une aide 4 l’écriture de I’ Institution registres : policier avec King of New
nous sommes tous beaucoup plus des lettres catalanes (qui dépend du York, science-fiction avec Body Snat-
proches.Je connais presque tout aussi gouvernement autonome de Cata- chers, etc. Son nouveau film, R-Xmas,
bien le travail d’un réalisateur fran- logne). Pour Pau et son frére, méme sort cette année.
¢ais que celui d’un réalisateur espa- chose, sauf que la subvention venait 1. Il faut sauver le soldat Ryan de Ste-
gnol. LAfrique ne peut continuer 4 du ministére de la Culture espagnol. ven Spielberg, Eyes Wide Shut de
étre une autre planéte. Ses catas- 4. Les salles de cinéma, les vidéo- Stanley Kubrick, Nixon d’Oliver
trophes sont nos catastrophes. Pour clubs, l’enregistrement sur VHS. Stone, Wild Side de Donald Cammell
le cinéma, ¢a devrait étre comme la 5. Je suis a la fois plein d’espoir et un et un film avec Marlon Brando et
gastronomie : qu’est-ce qu’on mange peu inquiet. Les nouvelles technolo- Charlie Sheen dont le titre
ce soir ? Japonais, chinois, frangais, gies devraient permettre la démo- m’échappe.
basque ou espagnol ?Je suis favorable cratisation du cinéma. Reste a savoir 2. J’habite New York et ce n’est pas
ala liberté du marché, qui pour moi si cela servira les productions origi- trés représentatif des Etats-Unis : on
est synonyme de liberté de choix. nales : ne vont-elles pas disparaitre peut voir autant de films américains
Mais les majors ont une tout autre entre les mains de grands groupes que de films étrangers. Sur le reste du
conception de la liberté du marché. commerciaux qui ne les montreront territoire, c’est plutot 100 % américain.
La leur est totalitaire, la seule liberté pas pour des raisons de rentabilité ? 3. Le capitalisme. Un réalisateur qui
qu’ils nous accordent, c’est celle de La situation est paradoxale : d'un cété a tourné un succés commercial trou-
choisir dans quelle salle on va voir le la création est stimulée, car les films vera vite des financements. C’est une
dernier film américain de merde. ne sont plus dépendants d’intéréts question de survie. Il n’y pas d'aide,

CAHIERS DU Cl EMA / MAI 2001 5&7


DVOrSs Sue R

1. Les cing derniers films vus en salle dans votre pays ? 2. Part du cinéma national/américain ? 3. Systeme d’aide a la création ? 4. La maniére la plus simple de voir des films ?

fondément influencé par beaucoup


Jim Jarmusch : d’autres cultures. J’essaie de m’ap-
proprier tout ce qui me parle et j’es-
« Je suis américain pére que mon travail refléte cette
curiosité.
par hasard »
A\ vec Stranger than Paradise en 1984 Frederick Wiseman :
“Let Down by Law en 1985, Jim
Jarmusch, né en 1953, devient le réa- « Laide ? Le capitalisme »
lisateur fétiche d’une génération de
cinéphiles. Aprés Dead Man, sélec- y ~rederick Wiseman, né en 1930,
tionné 4 Cannes en 1995, il réalise figure parmi les plus grands docu-
Ghost Dog, la voie du Samourai, salué mentaristes américains. Producteur,
mw « R-Xmas » d’Abel Ferrara (2001). par la critique internationale en 1999. réalisateur et preneur de sons de ses
1. Before Night Falls de Julian Schna- films, il s’intéresse aux institutions
simplement des investissements bien bel ; Youth of the Beast et The Gate (High School, 1968 ; The Store, 1983 ;
placés. Personne ne donne de I’'argent of Flesh de Seijun Suzuki, Amours La Comédie-Frangaise, 1996).
sans rien attendre. Le systéme d’aide chiennes d’ Alejandro Gonzalez Inar- 1. La Soupe au canard de Leo McCa-
REPERES a la création avec de l’argent de l’Etat ritu et Dust in the Wind de Hou rey, Un jour aux courses de Sam Wood,
me fait peur : quels sont les critéres Hsiao-hsien. Les Temps modernes de Charlie Cha-
Etats-Unis pour recevoir un soutien financier ? 2. Jhabite New York (on considére plin, Le Dentiste de Leslie Pierce, Sher-
Qui sont les gens qui décident ? Je parfois que c’est une ville améri- lock Junior de Buster Keaton.
(chiffres de 2000) ne supporterais pas d’expliquer mes caine). J’imagine que les produits 2. Je Vignore.
®@ 7 421 cinémas, dont idées sur une feuille de papier. américains représentent 95% du box- 3. Le capitalisme.
1 480 multiplexes et 4. En salles. A New York, on peut office des Etats-Unis. Dans dix ans, 4. Vus (la pire facon de voir un
405 mégaplexes aller au cinéma pour 2 ou 3 dollars. on verra de plus en plus de films en film).
@ 1,42 milliard Lintérét des vidéos, c’est que le choix DVD et j’espére que le public sera 5. Davantage de gens semblent inté-
d’entrées est beaucoup plus large, on peut voir capable de sélectionner les films 4 par- ressés par les documentaires améri-
®@ 7,6 milliards de des films plus rares. Tout le monde tir d’une offre plus large. cains.
dollars (prés de 60 n’a pas la chance d’habiter Paris ; c’est 3. Aux Etats-Unis, la loi du mar- 6.Qui.Je ne vois pas comment il
milliards de francs) de la ville la plus cinéphile du monde, ché domine et ce sont les critéres de pourrait en étre autrement.
recettes qui offre une grande variété de films. rentabilité qui déterminent le
®@ 461 films américains 5. Les studios font les films que le contenu des « produits ».
produits public a envie de voir. On ne peut 4. Je ne suis pas sociologue, mais John Waters :
@ 5,4% : part de pas parler de monopole. La Cage aux jimagine que la maniére la plus
marché des films folles, qui est un film frangais, est simple de voir des films aux Etats- « Laction de l Etat
étrangers. dabord sorti de facon confidentielle, Unis est la vidéo. Les VHS et les DvD
@ Les plus gros succés puis les gens sont allés le voir, son sont les supports que j’utilise le plus se limite 4 la censure »
de 2000 : nombre d’écrans a augmenté et il a fréquemment parce que de nom-
1. Le Grinch eu beaucoup de succés aux Etats- breux films m’intéressent et les salles ohn Waters, né en 1946, connait
de Ron Howard (E-U) Unis. Parce que les gens avaient envie n’offrent qu’un choix trés limité. son premier succés en 1972 avec
2.Mission, Impossible 2 de le voir et sont allés le voir. Le 5. La mondialisation a toujours eu Pink Flamingos, véritable manifeste du
de John Woo (E-U) public décide, pas les studios. Les stu- comme effet de diminuer la force des mauvais gotit. Inclassable, il tourne
3 Gladiator dios aimeraient bien produire des films (et de tout le reste) en tentant des films plutét atypiques dans l’uni-
de Ridley Scott (E-U) films indépendants, moins chers. de faire disparaitre toute originalité, vers hollywoodien, de Cry Baby
4. The Perfect Storm 6. Je suis un réalisateur américain et et, par conséquent, de faire augmen- (1990) a Cecil B. Demented (2000) en
de Wolgang Petersen je sais qu’aujourd’hui c’est connoté ter les bénéfices. Cela n’a pas vrai- passant par Serial Mother (1994).
(E-U) trés négativement. Mais je n’ai pas le ment affecté mon travail, parce que 1. Legend of Rita de Volker Schl6n-
5. Mon beau-pére et moi sentiment de faire partie du monde je suis trés obstiné, j’ai le « final cut ». dorff, Southern Comfort de Kate Davis,
de Jay Roach (E-U) des studios, du monde des « grosses 6. Je n’ai pas beaucoup d’intérét pour Series 7 : The Contenders de Daniel
machines ». Je me sens proche de les lieux d’attache, les drapeaux, les Minahan, In the Mood for Love de
cinéastes comme Nicholas Ray, Stan- nationalités... Je suis américain par Wong Kar-wai, Ass Cracks.
ley Kubrick, Martin Scorsese... C’est hasard et, du coup, j’ai été inspiré par 2. C'est de pire en pire. Aux Etats-
4 ce groupe de cinéastes américains de nombreux éléments de la culture Unis, nous ne voyons plus que rare-
que je pense appartenir. américaine. Maisje suis aussi pro- ment des films étrangers parce que
DOSS
1 ER

Votre travail a-t-il été affecté par la mondialisation ? 6. Revendiquez-vous votre ceuvre comme appartenant a une cinématographie nationale ou internationale ?

les salles qui les projetaient autrefois


servent aujourd’hui 4 la projection de
films américains indépendants.
devraient étre considérés comme des
films étrangers car ils ne bénéficient
ni du support financier, ni de la publi-
GEORGIE
3. La seule chose que fait le gou- cité ni de la distribution dont est gra- Dito Tsintsadze :
vernement américain, c’est de cen- tifié tout film de studio (aussi débile
surer les films sur le fil du rasoir avec qu'il soit). Ils ne regoivent aucune « Lindustrie du film
Vinterdiction aux moins de 17 ans. aide, trés peu de distributeurs s’y inté-
4. Malheureusement, vHs. ressent : seuls un ou deux chanceux a disparu aprés
5. Cela m’aide : le mauvais goat touchent le grand public.
devient international. 4. La plupart des gens finissent par Pindépendance »
6. Je suis une vieille ordure : grice a voir les films en vidéo.
moi,le mauvais gotit a gagné 1% de 5. Les films américains ont toujours | ito Tsintsadze, né en 1957, a
respectabilité. dominé le marché, car il y a beau- / suivi des études de cinéma sous
coup d’argent derriére. Mes films pré- la tutelle d’Otar Iosseliani. I tourne
férés sont des films étrangers : Andrei un court-métrage, White Night, en
Rublev de Tarkovsky, Les 400 coups de 1986 et On the Borderline (1993)
Truffaut, Accattone de Pasolini, Le gagne le Léopard d'argent au Festi-
Mystere de Kaspar Hauser d’ Herzog, val de Locarno. Son dernier film, Lost
La Bataille d’Alger de Pontecorvo, Killers, est présenté 4 Cannes en 2000.
Pixote de Babenco... J’aime aussi Le 1. Gladiator de Ridley Scott, Matrix
Parrain et Raging Bull de Scorsese. On d’Andy et Larry Wachowski, Fight
peut faire des films de qualité avec un Club de David Fincher, Star Wars :
petit budget. Ce qui est triste, c’est la menace fantéme de George Lucas, Le
que la plupart des films non améri- Sixiéme Sens de M. Night Shyama-
cains ne sortent pas aux Etats-Unis. lan. Domination hollywoodienne fla-
A Vétranger, les distributeurs sont grante !
poussés, pour des raisons financiéres, 2. Lorsque le pays a acquis son indé-
is5 4 sortir les grosses productions hol- pendance, cela a entrainé guerre civile
taiS lywoodiennes : les spectateurs sont et conflits ethniques, qui ont com-
3
ig habitués a ce genre de films. Les dis- plétement ruiné l’industrie de distri-
mw « Cecil B. Demented » de John Waters (2000). tributeurs sont donc dans une posi- bution des films. La situation ne
tion délicate : leur programmation est s’améliore pas. On peut voir occa-
dictée par le public et par leur porte- sionnellement des films nationaux,
Julian Schnabel : monnaie. Vargent devient une forme mais seulement lors de projections
de censure et les producteurs sont spéciales. Parfois, ils passent en salles,
« Les producteurs plus intéressés 4 gagner de l’argent mais ils ne restent pas plus de deux
qu’a faire des films. Ils pourraient aussi ou trois jours 4 l’affiche. Hollywood
pourraient vendre bien vendre des sacs poubelle. a le monopole des écrans. De plus,
6. Je suis en marge du systéme, mais nous n’avons que deux cinémas 4
des sacs poubelle » mes deux films, bien qu’indépendants, Tbilissi. Aujourd’hui, il est assez dif-
ont eu la chance d’étre distribués. ficile de savoir comment les choses
julian Schnabel, artiste contempo- Pourtant, si les distributeurs avaient vont évoluer.
rain né en 1951, expose au MOMA, une plus haute opinion de ce qu’est 3. Avant l'indépendance, le gouver-
a la Tate Gallery et 4 Beaubourg. En le cinéma, de meilleurs films améri- nement se chargeait du financement
1996, il se lance dans la réalisation cains seraient réalisés et plus de films des films. Ce systéme, comme tout le
avec Basquiat.Au Festival de Venise étrangers seraient vus par un large reste, a été détruit, conséquence
2000, son film Before Night Falls a public dans ce pays et ailleurs. La plu- logique des dissensions entre les diri-
remporté le Grand Prix du Jury. part des Américains n’aiment pas lire geants des studios et ceux qu’on
ft. Blow, de Ted Demme ; Tigre et dra- les sous-titres (le succés de Tigre et dra- appelle les « rénovateurs ». Aujour-
gon d’Ang Lee ; Chocolat de Lasse gon est a cet égard miraculeux, ce qui hui, une partie des cinéastes défend
Hallstrom ; Wonder Boys de Curtis prouve que les limites peuvent étre Vidée d’un Centre national du film,
Hanson. dépassées).Je suis un réalisateur amé- chargé de subventionner différents
2 et 3. Les films américains, parti- ricain tout simplement parce que je projets.
culiérement les films de studio, conti- suis né aux Etats-Unis, mais je me sens 4. Les films sont surtout vus en VHS.
nueront a dominer le marché, Les des affinités avec le cinéma quelle que Deux cinémas ont ouvert recemment
films américains indépendants soit sa nationalité. dans la capitale, ce qui a incité le
p05 Sul ER

1. Les cing derniers films vus en salle dans votre pays ? 2. Part du cinéma national / américain ? 3. Systéme d'aide a la création ? 4. La maniére la plus simple de voir des films

4. Probablement la télévision. ne signifie pas qu’un film ne doit pas


5. J’y suis fermement opposé. refléter la culture de son auteur. Il
6. Je n’envisage pas du tout mon tra- peut s’inscrire 4 la fois dans un
vail comme ¢a. Si je le devais, je sup- contexte local, régional, national et
pose que je le définirais comme européen.
européen.

Michael Winterbottom : HONGRIE


g
2
« Au cinéma comme Béla Tarr :
FE
¥

au McDonald’s » « Les cinémas ont fermé »
w « Lost Killers » de Dito Tsintsadze (2000). ichael Winterbottom, né en Be Tarr, né en 1955, réalise son
1961, étudie la littérature 4 premier long-métrage, Family
public a retourner voir des films sur Oxford, le cinéma 4 Bristol et fré- Nest en 1977 et ne cesse ensuite de
grand écran. C’est encourageant ! quente l’Ecole polytechnique de tourner (The Outsider, 1980, Satan
5. La mondialisation a considéra- Londres. En 1988,il tourne des docu- Tango, 1991-1994, Les Harmonies de
blement diminué l’intérét pour le mentaires sur Ingmar Bergman, avant Werckmeister, 2000), tout en donnant
cinéma national. Quant a moi, j’es- de réaliser Butterfly Kiss en 1994. Il se des cours 4 la Filmakademie de Ber-
saie de toutes mes forces d’échap- fait remarquer deux ans plus tard avec lin. Depuis 1996, il est membre de
REPERES per a ces influences quand je travaille. Jude et depuis il ne cesse de tourner l’Académie européenne du film.
6. Oui. (Welcome to Sarajevo, Wonderland et 1. J’étais au Festival de Berlin et j’ai
Grande- The Claim en 2000).
1. Bread and Roses de Ken Loach, Yi
donc vu beaucoup de films. Le der-
nier qui m’ait marqué est un film
Bretagne
(chiffres de 2000)
GRANDE- Yi de d’Edward Yang, Tigre et dragon
d Ang Lee, Traffic de Steven Soder-
bergh, Last Resort de Paul Pawli-
d’ Otto Preminger, mais je n’ai pas la
mémoire des titres.
2. La part du cinéma hongrois est
®@ 2758 écrans (1999)
®@ 142,5 millions
d’entrées
BRETAGNE kowski.
2. Les films britanniques représen-
tent 10% du box-office, les films amé-
trés faible, le cinéma américain omni-
présent. Il n’y a qu’a Budapest qu’on
peut voir des films de toutes les natio-
®@ 621,2 millions de Ken Loach : ricains 85%. Le pourcentage sera le nalités. Ailleurs le choix est trés res-
livres (5,5 milliards de méme dans dix ans. treint 4 cause du manque de salles.
francs) de recettes « Vivement une 3. Le financement des films natio- 3. Le gouvernement se charge d’ai-
§ 77 films produits naux est assuré par le Film Council der la production, mais ses moyens
(dont 26 coproductions) intervention publique » et la Lottery Fund, qui sont subven- sont limités. Une commission sélec-
@ 19,6% : part de tionnés par le gouvernement. tionne les films qui recevront une
marché des films GB K en Loach, né en 1936, étudie le 4. La télé est le moyen le plus banal subvention, mais cela représente peu
@ 75% : part de droit 4 Oxford, puis est comé- de voir des films. d’argent. Deux ou trois chaines de
marché des films dien et assistant metteur en scéne au 5. Le probléme majeur de la mon- télévision privées investissent dans les
américains Nothampton Repertory Theater. II dialisation est lié a la distribution et films, mais cela reste marginal
& Les plus gros succes commence sa carriére en tournant aux conditions de projection des (quelques films commerciaux). Les
de 2000 : pour la télévision et réalise son pre- films. Comment peut-on avoir envie chaines publiques, criblées de dettes,
1. Billy Elliot de mier film Poor Cow en 1967. Pion- Waller dans des cinémas qui ressem- ne sont d’aucune aide. Les cinéastes
Stephen Daldry (G-B) nier de l’école néo-réaliste britan- blent a des rues commergantes de hongrois se tournent vers les copro-
2. Hannibal de Ridley nique, ses films sont ancrés dans la banlieues américaines, avec McDo- ductions. Mon dernier film a été pro-
Scott (E-U) réalité sociale : Kes (1970) ; Raining nald’s, bowlings et immenses par- duit grace 4 des capitaux allemands,
3. Mon beau-pére et Stones (1993) ; Bread and Roses (2000). kings ? Les films réalisés sont bien francais et hongrois.
moi de Jay Roach (E-U) 1. Infidéle de Liv Ullmann, Traffic de plus intéressants et variés que les lieux 4. Les cassettes vidéo sont le moyer
4. Ce que veulent les Steven Soderbergh. ot l’on peut les voir. le plus simple. En Hongrie, les salle:
femmes de Nancy 2. La part du cinéma britannique est 6. Le cinéma devrait étre interna- de cinéma ont fermé. Pour étre plu:
Meyers (E-U) minime et il en sera ainsi tant qu’il tional : quel que soit le domaine, le exact, on a construit quelques mul-
5. Seul au monde n’y aura pas d’intervention politique. concept @identité nationale devient tiplexes et on a abandonné de tré:
de Robert Zemeckis 3.1 y aun fonds d’aide, mais c’est moins pertinent. Vidée d’un cinéma beaux cinémas anciens. Le DvD n’es
(E-U) compliqué et bureaucratique. national me parait peu justifiée. Cela pas encore vraiment développé, mai
DOSS LER

otre travail a-t-il été affecté par la mondialisation ? 6. Revendiquez-vous votre ceuvre comme appartenant a une cinématographie nationale ou internationale ?

INDE Grande-Bretagne, dans le sud et l’est


de l'Afrique, en Asie du Sud-Est. Les
lois de régulation des échanges ont
Shyam Benegal : évolué et ont favorisé l’exportation
de nos films.
« Ici, neuf films sur dix 6. Je suis convaincu que mes films
font partie du patrimoine cinémato-
sont indiens » graphique national.

A, la fin des années 60, Shyam


{\Benegal s’engouffre dans la Mrinal Sen :
bréche ouverte par Satyajit Ray et
rompt avec le cinéma indien tradi- « Le cinéma mondialisé
tionnel. I] fait tourner par deux fois ‘ ,
la star indienne Shabana Azmi (Ankur, na pas pris en Inde »
1974 ; Junoon, 1978). En 1976, La Fin
de la nuit est présenté 4 Cannes. Il a N] é en 1923, Mrinal Sen a sou-
terminé Zubeidaa en 2000. N haité se libérer du fastidieux et
1. Tigre et dragon d’ Ang Lee, Ambed- de la théatralité de la plupart des pro-
kar (Inde), Divya Drishti (Inde), Urf ductions indiennes. II tourne Akash
Professor (Inde), Once Upon a Time, Kusum en 1965. En 1980, Un jour
Cinema (Iran). comme un autre est présenté a Cannes.
2. Les films indiens représentent 90% Ila réalisé entre autres Les Ruines en
du box-office, les américains 10%. 1984 et Genesis en 1986.
Pendant soixante-dix ans, cette pro- 1. Shantam (In Search of Peace), Shaya-
portion est restée la méme. Dans dix nam (The Evening), Dekha (Perceptions),
| « Mandi » de Shyam dici a deux ans cela devrait évoluer. ans, ce sera la méme chose, 4 moins Zubeidaa de Shyam Benegal, Il faut
Senegal (1983). 5. Je n’aime pas appliquer le terme qu’Hollywood ne décide de produire sauver le soldat Ryan de Steven Spiel-
mondialisation au cinéma.Je connais des films indiens avec de I’argent berg. J’ai vu JLG par JLG lors d'une
beaucoup de réalisateurs américains américain pour conquérir les mar- projection privée a l’ambassade de
dont le travail est trés éloigné des cri- chés de I’'Inde et du sud de I’Asie. France : un miracle cinématogra-
téres hollywoodiens. Si mondialisa- Certains films hollywoodiens ont été phique.
tion signifie américanisation,je ne doublés dans notre langue. Ceux qui 2. Ce que vous appelez cinéma
peux pas étre totalement d’accord. étaient culturellement « neutres », « mondialisé » (américain) n’a pas
C’est facile de dire : « Les Améri- Jurassic Park par exemple, ont eu du réussi a s’installer sur le marché plu-
cains ! » Certains font de trés bons succés. Mais les films trop typique- rilingue indien, ot la fréquentation
films, des films indépendants, qui res- ment américains n’ont pas marché. quotidienne des cinémas (30 000
tent malgré tout américains. Mais s'il LInde a une solide tradition de diver- salles) est incroyablement élevée,
EPERES s’agit du capitalisme, de I’argent et du tissement, qui résiste 4 la concurrence méme aujourd’hui : plus de 10 mil-
profit 4 tout prix, alors je peux par- hollywoodienne.Certains cinéastes lions de spectateurs par jour. Les films
ide ler de mondialisation et de domina- nationaux font des remake de films américains passent réguliérement dans
tion américaine : peu importe ce qu’ils américains, qui alors ont du succés. les grandes villes, mais leur part ne
hiffres de 2000) font, ils ont de l’argent, ils font de l’ar- 3. Les films indiens ne regoivent pra- dépasse pas les 10%. Les autres films
12 000 cinémas gent et nous ne faisons pas le poids. tiquement aucune subvention de étrangers ne sortent jamais. Les films
5 milliards d'entrées 6. Quandje tourne,je ne pense pas lEtat. La National Film Development sous-titrés sont réservés a un public
764 films produits du tout a la mondialisation.Je suis un Corporation soutient environ dix a averti et ne sont donc pas projetés
60000 vidéo-clubs cinéaste européen, mon travail fait douze longs-métrages par an, alors dans les cinémas commerciaux.
5 %: la part des partie de la culture européenne et que la production totale est de 850 a Cependant, on peut voir de nom-
ns étrangers hongroise et je fais des films hongrois 900 films. Lapport de l’Etat est done breux films étrangers, en Vo, dans les
(ne serait-ce qu’a cause de la langue, négligeable. festivals qui ont lieu chaque année
je ne tourne pas en anglais !), Cer- 4. En salles. a Calcutta, Delhi, Bombay, Madras,
tains films sont tournés sur le méme 5. La mondialisation permet au Trivandrum, Bangalore, Hyderabad...
modéle, ils appliquent une recette qui cinéma indien de développer son Il y a beaucoup de monde. De plus,
marche et on peut alors parler de marché, particuliérement dans les pays des sociétés de cinéma organisent
standardisation du cinéma. Mais mon ot la présence sud-asiatique est également ce genre de projections,
travail n’a rien 4 voir avec ¢a. importante : aux Etats-Unis, en qui sont toujours sponsorisées par
DOs SUE R

1. Les cing derniers films vus en salle dans votre pays ? 2. Part du cinéma national / américain ? 3. Systeme d’aide a la création ? 4. La maniére la plus simple de voir des film:

vail mais de la perception du cinéma ans, on aura des salles de meilleure


par le public. On parle beaucoup du qualité, et en plus grand nombre.
manque d’exigence du public et de 3. Bayaade Farashi est la seule orga-
son peu de gotit en matiére de film nisation qui aide financiérement le
et ce phénoméne serait mondial. cinéma.
Pour preuve, dans un sondage réalisé 4. Le plus répandu : la vus. Depuis
en Angleterre demandant quels trois ans, le DvD est disponible.
étaient les cent meilleurs films de 5. Tout réalisateur espére toucher le
Phistoire du cinéma, Star Wars occu- public le plus large possible, y com-
pait la premiére place, Titanic la pris 4 l’étranger. Je pense que mes
deuxiéme, puis venaient Autant en films tendent a avoir ce caractére
emporte le vent, Casablanca, Le Parrain, « global ».
% La Liste de Schindler, etc. On ne trou- 6. Je suis d’abord Iranien, puis Kurde.
mw « Les Ruines » de Mrinal Sen (1984). vait ni Chaplin, ni Woody Allen et Au final, mon film doit beaucoup a
Orson Welles se trouvait en fin de ma culture kurde. Mon dernier film,
leurs membres. Mais les cinémas liste. Un temps pour Vivresse des chevaux, est
commerciaux restent en dehors.Tant Mais pourquoi cela devrait-il étre résolument kurde, avec un langage
et si bien que les multiplexes ont autrement ? Lart est élitiste, il l’a tou- cinématographique international. J’ai
encore du chemin 4 faire. jours été et le sera toujours. Si on été surpris de voir combien ce film
Parrallélement, il est intéressant de avait posé la question a de vrais ciné- a été accepté et compris dans le
voir que les superproductions réali- philes, alors on aurait pu étre inquiété monde entier, bien que ce soit pure-
sées majoritairement 4 Bombay par de telles réponses. Mais 1a... ment un film kurde.
(notre Hollywood local), et dans le Bien str le public est peut-étre
Sud, ont commencé 4 emprunter la moins exigeant et son gout moins
technologie d’Hollywood, ses effets
spéciaux perfectionnés, son « esthé-
sir. Mais le sondage ne prouve rien,
si ce n’est que Star Wars est un film ISRAEL
Amos Gitai :
tique », qu’elles associent aux chants, trés populaire, tout comme Harold
danses, au style indien avec beaucoup Robins est plus populaire que Camus
de goit. De telles productions, a la ou Shaw.
pointe de la technologie, ont été « La métaphore
capables, consciemment ou non, de
;
IRAN de lananas »
barrer la route au cinéma « mondia-
lisé ». Les plagiats habiles ne sont pas
rares dans de telles productions. Ils A mos Gitai, né en 1950, réalise de
sont sur le fil du rasoir, mais ne vio- Bahman Ghobadi : [ ‘A nombreux documentaires (Jour
lent pas la loi sur les droits d’auteur. nal de campagne, 1982 ; Dans la vallé
C’est pourquoi leur futur parait sir. « Dans dix ans, on aura de Wupper, 1994) et donne 4 traver,
No Pasaran (Ils ne passeront pas). ses films une image sans concessior
3. Lindustrie du cinéma recoit en de meilleures salles » de la société israélienne : Kadosh
premier lieu des subventions privées. 1999. Kippour, fiction d’aprés uni
D/autres financements sont versés par 2 ahman Ghobadi, né en 1969, est expérience vécue pendant la guern
l’Agence centrale gouvernementale ._J assistant-réalisateur d’ Abbas Kia- de 1973, est présenté 4 Cannes e1
et la Société du développement du rostami pour Le vent nous emportera et 2000.
cinéma national. Les pays étrangers joue dans Le Tableau noir de Samira 1. In the Mood for Love de Wong Ka
coproduisent rarement des films Makhmalbaf. En 2000, il réalise son Wai ; Le Temps de I’ Innocence de Mar
indiens mais il arrive qu’ils apportent premier film, Un temps pour V’ivresse tin Scorsese ; Yi-Yi d’Edward Yang
des financements sur de trés grosses des chevaux. L’Argent de Robert Bresson et Jule
productions locales. 1. Sagkoshi de Bahram Beyzai, Booye et Jim de Francois Truffaut.
4. Salles de cinéma, projections vidéo Kafoor, Atreyas de Baham Farmanara, 2. Le cinéma israélien représent
en famille, « vidéo salons » parfois dans ABC Africa [ présenté a Cannes cette environ 3 %, le cinéma américai
les campagnes. L’introduction de la année ] d’Abbas Kiarostami, O Bro- 90 % et les autres nationalités 7 %.L
technologie numérique est trés ther, Where are Thou ? de Joel Coen. situation se dégrade pour tous l«
récente. La semaine dernieére, le pre- 2. Je ne connais pas l’exact pour- films qui ne sont pas américains.
mier festival de films numériques s’est centage. Seuls deux ou trois films sont 3. Le seul systéme d’aide qui exist
tenu 4 Delhi pendant quatre jours. projetés dans des quartiers impossibles est celui géré par la Fundation fc
5.(et 6) Je ne parlerai pas de mon tra- de Téhéran.Je pense que, dans dix Quality Israelian Cinema, qui donr
D0 S25 IER

/otre travail a-t-il été affecté par la mondialisation ? 6. Revendiquez-vous votre ceuvre comme appartenant a une cinématographie nationale ou internationale ?

rents, dans des langues un peu dif- riens, ils s’exilent en Allemagne o1 ils
férentes, vont petit 4 petit étre mar- commencent 4 tourner (Non réconci-
ginalis¢es pour laisser pénétrer des liés, 1964-65, Chronique d’Anna Mag-
produits uniformes. dalena Bach, 1967). En 1969, ils s’ins-
6. Je ne crois pas. C’est assez amu- tallent 4 Rome et réalisent des films
sant d’ailleurs, car mon pays natal n’a qui contestent le mode de représen-
pas forcément envie de m’assumer.Je tation cinématographique habituel.
ne pense pas que les cinéastes appar- Leur dernier film, Ouvriers, Paysans,
tiennent 4 une nation précise, reven- est présenté cette année a la Quin-
diquent un drapeau. Les réalisateurs zaine des réalisateurs.
taiwanais, iraniens, israéliens ne sont 5. La mondialisation n’est qu’une des
pas obligés de ne parler que des pro- nombreuses péripéties du caca-pipi-
blémes de leur pays, c’est beaucoup talisme. Les cinéastes qui tournent des
trop réducteur. D’un cété, on aurait films en anglais alors que ce n’est pas
les cinémas européens et américains, leur langue sont des laquais de l'im-
qui feraient des films sur des expé- périalisme américain : ils font des
riences humaines universelles, et de films pour le marché. II faut tour-
| « Kippour » d’Amos environ 500 000 dollars pour la pro- Yautre les cinémas des « périphéries », ner des films particuliers, pour des
zitai (2000). duction et 50 000 pour la post-pro- qui ne feraient que du local ou de langues particuliéres, dans des endroits
duction. Les films sont soumis 4 l’ap- Y'exotique ! Nous ne devons pas particuliers, sur des lieux particuliers,
préciation d’une Commission. Par accepter cette division et 4 cause de sur des questions particuliéres. I] faut
exemple, ni Kadosh, ni Kippour n’ont cela il faut s’interroger sur la défini- réinventer les frontiéres, détruire l’Eu-
recu de subvention. Sinon, il existe tion du « national ». En Iran, Kia- rope du Dr Goebbels.
une série d’accords entre les chaines rostami ne se limite pas 4 l’expérience 6. Nous sommes les seuls cinéastes
de télévision israéliennes (privées iranienne, sa réflexion est beaucoup européens, des cinéastes des nations
comme publiques) et les produc- plus large. C’est la méme chose pour européennes. Nous faisons des films
tions : elles peuvent investir jusqu’a le Taiwanais Hou Hsia Hsien. Dans aussi bien en italien, qu’en frangais,
150 000 dollars par film. Good Bye South, Good Bye, il pose des qu’en allemand. Qui d’autre peut dire
4. Israél est un des pays les plus cablés questions qui sont celles des temps cela ? Nous ne voulons pas parler de
du monde : 1,5 millions de foyers modernes. « mondialisation » ou de « globali-
sont cablés et regoivent un nombre Le cinéma arrive 4 dépasser les fron- sation » - d’ailleurs, je ne connais pas
trés important de chaines avec une tiéres et son immense avantage c’est ce mot, je connais le globe, la pomme
grande variété de langues. Grace 4 qu'il n’a pas de présence physique de terre ou la terre, c’est tout ce que
cela on peut voir des films du monde comme les tableaux ou les batiments. je connais. « Gardons-nous de faire les
entier. A la fin de la projection, le film dis- malins », comme disait Péguy.
5. Il y a quinze ans, j’ai réalisé un parait, il reste simplement inscrit dans
court métrage, Ananas que je reprends notre mémoire, il mobilise Pimagi-
pour illustrer le théme de la mon-
dialisation. Le scénario s’appuie sur
une boite d’ananas. Sur l’emballage,
naire des spectateurs. Et l’imaginaire
n’appartient ni 4 une nation,ni 4 une
région, il est collectif.
JAPON
on peut lire : « Produit aux Philippines, Isao Takahata :
mis en botte a Haiwai, distribué a San
Francisco, étiqueté au Japon ». C’est un
fil conducteur pour appréhender le
processus de mondialisation. L’ana-
ITALIE « La part du cinéma
japonais va plonger »
nas devient une sorte de monocul- Daniéle Huillet,
ture, ce n’est plus le fruit d’un seul
Jean-Marie Straub :
| sao Takahata, né en 1935, est l’un
pays mais le produit d’une culture des plus grands réalisateurs japo-
homogéne. II perd tout son exotisme, nais de films d’animation, avec Hayao
il se trouve décomposé, dilué dans un « Détruire PEurope du Miyazaki. Son manga, Le Tombeau des
ensemble. C’est une métaphore : la Iucioles, a été salué par la critique
planéte devient plus homogéne, les docteur Goebbels » internationale. Son dernier film, Mes
marges sont marginalisées et cela s’ap- voisins les Yamada, est sorti en France
plique parfaitement au domaine du )anidle Huillet (1936) et Jean- en avril.
cinéma : toutes les enclaves qui peu- Marie Straub (1933). En 1958, 1. Live in Peace de Hu Bing Liu, Dole
vent produire des films un peu diffé- refusant de combattre contre les Algé- d’Aleksandr Sokuroy, Fifteen de Yoji
DOSSIER

1, Les cing derniers films vus en salle dans votre pays ? 2. Part du cinéma national/américain ? 3. Systéme d'aide a la création ? 4. La maniére la plus simple de v

leurs films. En ce qui concerne l’in- prise de vue réelle est un sujet qui
fluence de la mondialisation sur ma nvintéresse plus que la comparaison
propre ceuvre, elle est 4 peu prés entre cinéma national et cinéma
nulle. Vinspiration et les décors de américain.
mes films, qui sont surtout des films 3. Il existe des aides pour des films
danimation, proviennent du Japon, qui sont déja produits, mais rien pour
et je pense toujours aux Japonais. J’es- des films qui sont en préparation.
saie également de m’arranger pour 4. La télévision est la fagon la plus
que mes films soient rentables rien pratique pour voir un film. Ensuite
qu’avec leurs résultats au Japon. Il y arrivent les locations de cassettes
a plusieurs années, je créais beaucoup vidéo. Et, enfin, les salles.
de séries télé, ce qui supposait pour 5. Je refuse P'idée qu’il faudrait éta-
nous de faire de nombreuses blir un mur pour protéger le cinéma
recherches minutieuses dans les pays national contre le cinéma américain.
occidentaux. Toutefois le public japo- Tant que le cinéma fait partie de
nais était notre premiére cible. Téconomie, tant que le marché mon-
@ « Mes voisins les Yamada » d’Isao Takahata (2001). Cependant, cela ne signifie pas que dial fonctionne sur la logique de
créer des films d’animation dans des l'économie libérale, il me semble
Yamada, Gujyo Ikki de Seiji décors étrangers ou dans une autre impossible de mettre le cinéma a
Kamiyama, Tout sur ma mére de Pedro langue ne m’intéresse pas. Vabri de la globalisation. La singu-
Almodovar. 6. Mon ceuvre fait complétement larité d’une culture ne doit pas sur-
2. Les films japonais représentent partie du cinéma japonais. Cepen- vivre grace 4 un systéme d’aide pro-
30% a 40% du total, et les films amé- dant, je pense que mes films sont tout tectionniste, mais former un
REPERES ricains 60% a 70%. Ce rapport aussi intéressants pour des gens pluralisme qui accueille toutes sortes
semble stable depuis une dizaine d’autres pays ou d'autres régions, et de stimulations extérieures. I] est
Italie d’années.A moins que les cinéastes ce serait sans aucun doute pour moi impossible d’homogénéiser totale-
japonais ne fassent de gros efforts, il un grand plaisir de savoir qu’a travers ment la culture des hommes, je suis
(chiffres de 2000) est fort probable que la part des films le monde les gens aiment voir mes convaincu que les spectateurs ne dési-
@ 4 969 écrans japonais ne se réduise considérable- films. rent pas la mondialisation via le
@ 74,5 millions ment d'ici 4 dix ans. cinéma américain.
d'entrées 3. Le Fonds des arts japonais, une Les récompenses décernées aux films
© 416 millions d'euros organisation gouvernementale, fait Kiyoshi Kurosawa : dans des festivals étrangers sont un
(2,7 milliards de une sélection de scénarios deux ou aspect positif de la mondialisation,
francs) de recettes trois fois par an, et les subventionne. « Pas question d'un mais les flatteries et les recompenses
® 103 films produits Cependant, 4 cause de la récession au sont un piége pour l’esprit créatif de
dont 17 coproductions Japon, le budget s’amenuise chaque mur protectionniste » l'auteur.
@ 15,7 %: part de année. Les dons privés jouent aussi 6. Je ne porte pas une attention par-
marché des films un r6le financier significatif. iyoshi Kurosawa est né en 1955. ticuliére a la religion et au nationa-
italiens 4. En premier lieu, la vidéo, puis le On le découvre en 1997 avec lisme.Je ne me demande pas dans me
®@ 70% : part de cinéma, et enfin le Dvp. Cure (ila déja une vingtaine de films vie de tous les jours de quelle
marché des films 5. Sur tous les films étrangers qui a son actif) puis s’impose sur la scéne maniére le Japon et les tradition:
américains sortent au Japon, seuls les films amé- internationale avec Licence to Live japonaises ont influencé la consti-
@ Les plus gros succés ricains sortent 4 grande échelle (1998), mention spéciale du Jury 4 tution de ma personnalité.
de 2000 : aujourd’hui. C’est dommage que cela Berlin. En 1999, il réalise a la fois
1. Chiedemi se sono ne soit pas le cas pour la plupart des Charisma (sélectionné a la Mostra de
felice de A. et G. Venier autres films étrangers. Jusqu’aux Venise et 4 la Quinzaine des réali- Shinji Aoyama :
(Ita) années 70, de nombreux films euro- sateurs) et Vaine illusion.
2. American Beauty de péens (en particulier anglais, frangais, 1. L’Homme sans ombre de Paul « Le cinéma américain
Sam Mendes (E-U) italiens et russes) étaient bien plus lar- Verhoeven ; Khroustaliov, ma voiture !
3. Gladiator de Ridley gement distribués.Je ne pense pas d’Alexei Guerman ; Battle Royale de a pris le contréle »
Scott (E-U) que la mondialisation ait beaucoup Kinji Fukasaku ; Ennemis intimes de
4. Mission, Impossible 2 touché le cinéma japonais et son sys- Werner Herzog ; Hannibal de Rid- hinji Aoyama, né en 1964, début
de John Woo (E-U) téme de production. Ce n’est qu’en ley Scott. J comme assistant perchman, pu’
5 The Blair Witch Pro- de rares occasions que des réalisateurs 2. Non,je ne m’en soucie pas trop. comme assistant-réalisateur de Kiyo
ject de D. Myrick japonais talentueux vont en Amé- Au Japon, la comparaison entre shi Kurosawa. Parallélement, il colla
et E. Sanchez (E-U) rique ou dans d’autres pays pour faire cinéma d’animation et cinéma de bore en tant que critique aux Cahie
DOoSsI ER

5. Votre travail a-t-il été affecté par la mondialisation ? 6, Revendiquez-vous votre ceuvre comme appartenant a une cinématographie nationale ou internationale ?

lu cinéma Japon et a Esquire Japan. En


000, son quatriéme film, Euréka, fait
artie de la compétition officielle 4
Jannes.
|. Le Vent de la nuit de Philippe Gar-
el, Shaft de John Singleton, Dancer in
he Dark de Lars von Trier, The Cir-
uit (Kairo) de Kiyoshi Kurosawa, Vent
’est de Jean-Luc Godard.
?. Je ne connais pas précisément les
tatistiques.
3. Autrefois, le ministére de I'Indus-
rie et du Commerce offrait des sub-
entions 4 un cinéaste pour son
econd film. Le ministére visionnait
on premier film et décidait de lui
ttribuer ou pas une subvention. Ce proche, le format DvD s’imposera sans @ « Eurtka » de Shinji
ystéme a disparu depuis plusieurs Nobuhiro Suwa : doute. Aoyama (2000).
nnées. Aujourd’hui, le département 5. Les jeunes cinéastes japonais
our la Culture offre une subvention « Le jeune cinéma essaient de lutter contre cette globa-
gale a 20% du budget, en se basant lisation. Ils cherchent une liberté
ur estimation du projet d’aprés le trouve son public » d’expression, en tournant des films
ynopsis. Ces estimations ont lieu trois de courte durée avec de tout petits
u quatre fois par an. obuhiro Suwa, en 1961, com- budgets (par exemple, mon nouveau
}. La location de vidéos et de DvD mence en tant qu’assistant réa- film H Story s’est tourné en deux REPERES
st le moyen le plus courant. lisateur de Shunichi Nagazaki, puis semaines ). Nous essayons de « pro-
). Les films américains ont pris le
ontrole du monde. C’est probable-
tourne des documentaires. Son pre-
mier film, 2/Duo, recoit le prix Net-
fiter » de cette restriction financiére
en faisant preuve d’audace et en
Japon
1ent parce que l'industrie du film pac au Festival de Rotterdam en variant l’expression. (chiffres de 2000)
méricain a passé de nombreuses 1997 et M/Other est présenté 4 la 4, Je suis convaincu qu’un film ne se ®@ 2 524 écrans, dont
nnées a essayer de contréler cet Quinzaine des réalisateurs en 1999. définit pas, a priori, par sa nationalité. 44% dans
pect-Ia du cinéma.Je ne nie pas que 1. The Million Dollar Hotel de Wim Ou plutét, le film n’a pas de natio- les multiplexes.
la conception du cinéma ait été Wenders, Kao de Junji Sakamoto, A nalité au sens propre. Bien au ® 144,7 millions
ifluencée par les films américains Romance of Happy Valley de D.W. Grif contraire, je cherche 4 sortir de cette d’entrées
une certaine époque.Je ne peux pas fith, L’Humanité de Bruno Dumont, notion anthropologique : je crois que ® 170,9 milliards de
itter contre cette tentative domina- Space Cowboys de Clint Eastwood. c’est la problématique importante yens (1,1 milliards de
ice, mais je peux continuer a faire 2. Je ne connais pas du tout les pour tous les cinéastes. francs) de recettes
les propres films, que je suis seul 4 chiffres du box-office, mais de toute ® 282 films japonais
ouvoir réaliser. Quel que soit l’en- facon, le cinéma japonais, hormis cing produits
‘oit ol mon film est tourné ou dif- ou six films, n’a pas la force de Kiju Yoshida : ® 31,8% : part de
\sé, il n’y a aucun doute que ce film concurrencer le cinéma hollywoo- marché des films
tle mien. La valeur d’un film n’est dien.(Le Japon produit 200 films par « Il faudrait se japonais.
Se qu’a son essence, et je pense que an.) Je ne crois pas qu’il y ait de grand ® 68,2% : part de
budget et les résultats au box-office changement contre ce phénoméne, soumettre a la censure marché des films
mt secondaires. néanmoins j’ai l’impression que le américains.
+ Jespére que mon travail a sa place jeune cinéma japonais commence 4 pour obtenir une aide » @ Les plus gros succés
irmi les films dont j’admire les acquérir son propre public. de 2000 :
néastes, ce qui inclut des films de 3. Les ministéres de I’Education, du Be 4 rien, en 1960, a fait de Kiju 1. Mission
»mbreuses nationalités. Ne m’est-il Commerce extérieur et de I’Indus- Yoshida l'un des cinéastes phares Impossible 2
s possible d’éviter de faire un choix trie attribuent des subventions, mais de la nouvelle vague japonaise avec de John Woo (E.-U.)
nbarrassant, de la méme maniére je ne pense pas que cela serve 4 Nagisa Oshima et Masahiro Shinoda. 2. La Ligne verte
vun homme qui a une double grand-chose : d’ailleurs la somme En 1965, il travaille les codes de de Franck Darabent
tionalité évite la conscription ? Je n’est pas suffisante. Comparé au sys- l’« ero-sen » (film érotique bon mar- (E.-U.)
is heureux si mes films trouvent téme francais, c’est presque nul, zéro. ché) avec Histoire écrite par l’eau. Aprés 3. Pokémon 3
te raison d’étre dans le réve d’un 4. Pour le moment, les films sont sur- Purgatoire Eroica en 1970 et Coup de Michael Haigney
monde idéal. tout vus en VHS. Mais dans un futur d’Etat en 1973, Onimaru est présenté (Japon)

CAHIERS DU CINEMA / MAT 2001 65


DOSS
1 EGR

1. Les cing derniers films vus en salle dans votre pays ? 2. Part du cinéma national / américain ? 3. Systéme d’aide a la création ? 4. La maniére la plus simple de voir des film:

a Cannes en 1988. Réve de cinéma, ser d’emblée son tempérament (Une


Réve de Tokyo (1995) lui permet de femme entre deux freres, 1991 ; Le Son-
rendre hommage 4 Gabriel Veyre, neur de cloches, 1993 ; Demiéres vacances,
opérateur des fréres Lumiére qui a 1995).
filmé le Japon de l’ére Meiji. 1. Ces trois derniéres années, j’ai vu
2. Au Japon, 50% des spectateurs Gladiator de Ridley Scott, un autre
voient des films japonais et 50% des film américain dont j’ai oublié le titre
films américains. Mais, dans les et Dancer in the Dark de Lars von
grandes villes, le nombre de specta- Trier.
teurs des films américains est plus 2. Les films américains arrivent en
z
important et ce phénoméne a ten- téte, si l’on en croit les publicités. Ces
dance 4 s’accentuer. dix derniéres années, on ne voyait 2
3. Je n’ai regu aucun soutien finan- pratiquement plus de films : tous les
cier. J’aurais peur de devoir me plier cinémas étaient fermés. Depuis trois 3
a la censure. I] existe un systéme ans, des salles ont rouvert et propo- @ « Tueur a gages » de Darejan Omirbaev (1998).
daide 4 la création géré par le minis- sent des films qui sortent en méme
tére de Education nationale : il peut temps a Paris et 4 Moscou. A rement dans cette langue. Avant je ne
donner 20 millions de yens 4 un film, l’époque de I’Union soviétique, les tournais qu’en russe. Intérieurement,
mais uniquement aprés examen et gens allaient au cinéma, environ une un sentiment national commence a
approbation du scénario. fois par semaine, pour voir des films s’épanouir. Mes films sont aussi asia~
4. Les salles de cinéma sont le moyen soviétiques mais aussi américains ou tiques puisque les Kazakhs vivent en
le plus simple. Mais quand le prix des européens. Il y avait peut-étre méme Asie. En réalité, ce n’est pas une ques-
VHS et des DvD aura diminué, les plus de films frangais - surtout des tion de géographie mais de mentali-
spectateurs pourront pratiquer le comédies et des films historiques — tés et de modes de vie. Aujourd’hui,
home cinema. que de films américains. les Kazakhs sont sédentaires, mais ils
5. Le cinéma en tant que tel n’est pas 3. Pour mon film actuel, j'ai obtenu restent trés nostalgiques de leur passé
affecté par la mondialisation. Par des financements du fonds Hubert nomade et ne voient pas les avantages
contre, cela profite au cinéma pure- Bals ; de la fondation Soros Ka- de la sédentarisation. Ils sont certai-
ment commercial. zakhstan et d’un producteur japonais, nement plus proches des gens du
6. Je parlerais davantage de cinéma Sano Sindziu. Les studios Kazakhfilm Sahara. Ils sont toujours en mouve-
quelle que soit sa nationalité plutét donnent aussi parfois des subventions. ment, ne construisent jamais de villes,
que d’un cinéma national ou régio- 4. C’est lavus, bien sir. de mosquées ou d’églises, de murs ou
nal. Le plus important est de résis- 5. Nous avions un grand pays, qui de barriéres, leurs tombes sont en
ter 4 la standardisation de la culture, s'est divisé en de nombreux petits ter- argile et disparaissent avec la pluie.
de préserver les différentes cinéma- ritoires. C’est évident, les films kaza-
tographies. Si la globalisation de la khs ne pourront pas rivaliser avec
culture se réalisait, cela signifierait que Gladiator. Néanmoins, nous avons Darejan Omirbaev :
triomphent le souci de rentabilité, la notre petite niche, que nous devons
soumission du cinéma aux intéréts protéger. Pour cela, il faudrait peut- « On ne produit que
commerciaux. Nous devrions reve- étre tourner deux ou trois films par
nir 4 l’individualité, la singularité du an, afin de se comprendre les uns les 2 ou 3 films par an »
cinéma. autres. Le monde pourrait connaitre
notre existence. Peut-étre aurons- | ) hea Omirbaey, né en 1958,
nous bient6t des quotas de diffusion cinéaste de la nouvelle vague

KAZAKHSTAN pour nos films. Cette mondialisation


pése sur nous, mais elle nous aide
aussi. Les Américains nous ont aidés
kazakhe, son premier long-métrage
Kairat obtient le Prix de la critique
au Festival de Strasbourg en 1993. En
Amir Karakoulov : a réhabiliter les salles de cinéma. Sans 1995, Kardiogramma recoit le Prix spé-
leur soutien, cela n’aurait pas été pos- cial du jury au Festival des trois conti-
« Depuis trois ans, sible. Mais dans mon travail, la glo- nents 4 Nantes. Tiseur d gages, en 1998,
balisation ne m’influence pas vrai- décrit de fagon trés pessimiste la
des salles rouvrent » ment. société de l’ex-URss.
6. Cette fois-ci,j’ai essayé de faire un 1. L’Ennui de Cédric Kahn ; Gla-
mir Karakoulov, né en 1965, film national. La situation est un peu diator de Ridley Scott.
incarne la nouvelle vague kaza- paradoxale : je ne connais pas le 2. Les films hollywoodiens repré-
khe. Avec trois films, il a su impo- kazakh et pourtant j’ai tourné entié- sentent 80% du box-office, les autres

are kee ©. hive Aree ae


De S35 1 R

Votre travail a-t-il été affecté par la mondialisation ? 6. Revendiquez-vous votre ceuvre comme appartenant a une cinématographie nationale ou internationale ?

ilms, 20%. Cela n’est pas prés de gement sur les films des autres pays.
changer. Le cinéma libanais est presque inexis-
3. Les productions nationales regoi- tant. Dans dix ans, ce dernier devrait
vent une subvention de la part du étre plus présent,je n’envisage pas
zouvernement. Mais depuis ces der- une forte croissance, car l'économie
1iéres années, cet apport financier a libanaise est actuellement faible et les
-onsidérablement diminué. Parfois productions privées investissent
es films sont soutenus par des pro- davantage dans les programmes télé-
lucteurs étrangers (principalement visés.
rangais et japonais). Actuellement, le a. Jusqu’a présent, tous les investis-
<azakhstan ne sort que deux ou trois sements financiers proviennent d’Eu-
ilms par an. rope, essentiellement de France.
¢. La facon la plus facile de voir des 4. On voit les films en salles et en
ilms est la vidéo. vidéo. Le format DvD gagne du ter-
3. J'ai une réaction d’autodéfense qui rain.
"exprime 4 travers ma non-partici- 5. D’une part, Europe investit
ation. Je vais trés rarement au financiérement dans la production de
‘inéma. Je résiste en faisant mes films américains. D’autre part, les pro-
ropres films selon mes propres cri- ductions américaines devraient inves-
éres, De toute fagon, mondialisation tir 4 leur tour dans des films étran- pays du monde ont un ennemi m « La Plage des enfants
yu pas, mes films resteraient les gers. D’autant qu’en Amérique, commun, a savoir le cinéma améri- perdus » de Jillali Ferhati
némes. Vimpact des minorités est croissant et cain. Au Maroc, nous assistons 4 un (1991).
). Je fais des films pour les specta- que les Etats-Unis ont renforcé leur autre phénoméne. Si le nombre de
eurs qui apprécient mon style. Ces présence dans des pays étrangers, films égyptiens et indiens a considé-
pectateurs peuvent habiter n’importe comme la Yougoslavie et le Moyen- rablement diminué, celui des films
yu (mais aussi au Kazakhstan ). Ainsi, Orient. Cela va probablement encou- nationaux a augmenté, malheureu-
‘espére que mon travail appartient rager les producteurs américains 4 sement pas dans la méme proportion.
éritablement a la culture kazakhe. souvrir 4 des sujets plus variés. Ainsi assistons-nous 4 une réelle
6. Mon travail récent mélait thémes concurrence faite par le film maro-
et talents originaires des Etats-Unis cain sur le film américain, et les

-IBAN et du Moyen-Orient. chiffres d’entrées nous l’ont


ment prouvé ces sept derniéres
large-

années.
‘iad Doueiri :
MAROC 3. Il existe un fonds d’aide A la pro-
duction nationale un peu calqué sur
Le cinéma libanais
est presque inexistant »
Jillali Ferhati : le modéle de l’avance sur recettes du
CNC. Cette aide se situe en général
entre 1 million et 2 millions de francs.
« Universaliser plutét Il y a deux sous-commissions : |’une
é en 1963, Ziad Doueiri est se charge de la lecture du scénario,
N cadreur puis chef opérateur sur que mondialiser » Vautre étudie la faisabilité du pro-
yus les films de Quentin Tarantino. jet, a savoir les moyens financiers qu’il
réalise son premier long-métrage n 1978, le premier long-métrage requiert.
a 1998 d’aprés ses souvenirs d’en- de Jillali Ferhati, Une bréche dans 4. Le nombre de salles au Maroc a
ince. West Beyrouth, qui raconte la le mur est sélectionné 4 Cannes a la terriblement diminué. Le manque de
uerre civile libanaise en 1975, Semaine de la critique. Il tourne maintenance de certaines salles font
btient de nombreuses distinctions : ensuite La Plage des enfants perdus qu’elles sont de plus en plus déser-
tix Frangois-Chalais, Prix de la cri- 1991) et Chevaux de fortune (1995). tées. Cela m’a poussé a m’équiper
que arabe et Prix de la premiére Son dernier film, Tiesses, est présenté dune parabole qui me permet de
‘uvre au Festival de Carthage. au Festival International du Film revoir certains films et d’en décou-
« Tigre et dragon d’ Ang Lee, La Fille d’Amiens et a la Biennale des Ciné- vrir d’autres.Je n’aurais jamais eu le
ir le pont de Patrice Leconte, The mas Arabes a Paris en 2000. plaisir de revoir derniérement La
‘ay of the Gun de Christopher Mac- 1. Suspicion, La Courtisane. Guerre des boutons au Maroc, si je
‘uarrie, Ce queje sais d’elle... d’un 2. Il est évident que le cinéma amé- n’avais pas disposé d’un démodula-
nple regard de Rodrigo Garcia. ricain a toujours su garder I’affiche. teur a la maison.
. Le cinéma américain prime lar- LOccident ainsi que tous les autres 5. La mondialisation ne pourra que
DGS Suse GR

1. Les cing derniers films vus en salle dans votre pays ? 2. Part du cinéma national/américain ? 3, Systeme d'aide a la création ? 4. La maniére la plus simple de voir des films ?

l'occasion du centenaire du cinéma principal pour voir les films. Depuis


en 1995, il réalise un court-métrage une dizaine d’années, une restaura-
dans le cadre de la fiction 5 films pour tion des salles est en cours dans les
100 ans. En 1998, il termine La Porte grandes villes du pays (Casablanca,
close et Les Casablancais. Rabat, Marrakech et Fés). Mais le
1. Je ne vois au Maroc que des films nombre de salles de cinéma ne
marocains. Quant aux autres films dépasse guére 180 pour une popula-
(francais, américains, sud-est asia- tion de 30 millions d’habitants. Et
tiques),je les vois en France et dans la fréquentation s’est effondrée en
les festivals. quinze ans, pasant de 45 4 moins de
2. Le cinéma marocain représente 15 millions de spectateurs par an.
environ 10% des entrées en salles. Il 5. La mondialisation dans le domaine
vient en troisiéme position, aprés le du cinéma est la soumission de tous
cinéma américain (60%) et le cinéma les publics au modéle narratif que
indien (18% 4 20%). Il se place Vindustrie américaine a imposé
devant les cinémas frangais (4% ), comme référence universelle. Toute
égyptien (3% ) et italien (2% ). C’est tentative d’expression personnelle est
3
2 donc, évidemment, le cinéma amé- menacée de marginalisation, surtout
2 ricain qui se taille la part du lion. La dans des pays dépendants et fragiles
décennie 90 a vu l’émergence du comme le Maroc, ot la sortie d’un
3 cinéma marocain et une chute ver- film national est vécue comme un
tigineuse du cinéma francais, passé de véritable psychodrame.
w « West Beyrouth » de Ziad Doueiri (1998). 90 a 10 films par an (idem pour le Mon dernier film, La Porte close, en
cinéma italien, de 40 a 5 films ), alors est un exemple significatif.Tourné fin
bénéficier 4 ceux qui ont su jusqu’a que le cinéma indien a réussi 4 1993, il est monté et mixé début
présent détenir la destinée des autres, conserver ses parts de marché. 1995. Mon coproducteur frangais fait
et les Etats-Unis me paraissent les 3. Depuis le début des années 80, faillite quelques mois plus tard et
mieux lotis pour une mainmise radi- le Maroc dispose d’un fonds destiné retient les matériaux du film. Aprés
cale et définitive sur l’audiovisuel. Et a promouvoir la production ciné- des aventures rocambolesques, je
cette volonté de mondialiser abou- matographique. Au départ, les res- réussis a le rapatrier et 4 le terminer
tira a une confusion, of toute entité sources de ce fonds provenaient d’une au Maroc fin 1998. Mais a cause de
et toute spécificité se perdront taxe de 5% sur les tickets des salles de la censure, qui a exigé la coupure de
comme les fleuves dans la mer. cinéma, ce qui permettait d’octroyer quatre scénes, sa sortie est remise en
6. Le cinéma devrait aspirer 4 l'uni- une aide équivalente 4 un million de cause. Aprés une année de lutte
versalité tout en sauvegardant son francs francais par film, a 4 longs infructueuse, je me résigne, la mort
appartenance nationale. Universali- métrages de fiction par an. Depuis dans |’4me, a le sortir mutilé en avril
ser me semble le terme le plus appro- quatre ans, un prélévement de 5% sur 2000 et 1a, plusieurs salles refusent de
prié, concernant le cinéma, plutot les recettes publicitaires des 2 chaines le programmer pour ne pas choquer
que mondialiser, terme qui ne pourra de télévision s’ajoute a cette taxe. leur public familial !
jamais se défaire de sa connotation Grace a cette cagnotte, de l’ordre de Face 4 cette situation, le débat sur la
matérialiste. 12 millions de francs, il est devenu mondialisation me fait parfois l’ef-
possible d’aider environ 8 longs- fet d’un débat d’extra-terrestres. Mais
métrages par an. Cela place le cinéma je ne peux pas rester indifférent a la
Abdelkader Lagtaa : marocain en 2° position dans le revendication de l'exception cultu-
monde arabe, juste derriére l’Egypte. relle, défendue par les cinéastes fran-
« Un film non soutenu Un hic, tout de méme, la production ¢ais, qui répond 4 mon besoin d’ex-
est tributaire de ce fonds unique. Un pression et de liberté et 4 mon
est enterré » projet de film qui ne réussit pas 4 combat contre la marchandisation
bénéficier de l'aide est pratiquement rampante de la création filmique.
N é en 1948, Abdelkader Lagtaa enterré, étant donné qu’il n’y a pas 6. Avant tout, mon ceuvre est inti-
est diplémé de l’Ecole de dautres structures d’accueil pour lui mement liée 4 mon vécu et je
cinéma de Lodz en Pologne. Son permettre de voir le jour. con¢ois mal qu’elle reste confinée
premier long-métrage, Un amour a 4. Malgré les deux chaines de télé- dans des frontiéres. En ce moment,
Casablanca, dont il est scénariste, mon- vision nationales, les chaines satelli- je nomadise entre le Maroc et le
teur et producteur, connait un trés taires et les cassettes VHS, souvent pira- France et mon travail futur risque
grand succés au Maroc en 1991.A tées, les salles de cinéma restent le lieu d’en porter les stigmates.
Dosis 4 R

otre travail a-t-il été affecté par la mondialisation ? 6. Revendiquez-vous votre ceuvre comme appartenant a une cinématographie nationale ou internationale ?

tion du cinéma, mais je ressens tou-

NOUVELLE- jours émotion et excitation quand je


découvre un film original.
6. Oui,je suis une femme qui habite

/ELANDE la colonie la plus éloignée du monde.


En Nouvelle-Zélande, nous révons
de l'Europe, mais nous sommes aussi
Jane Campion : libres.

Jhabite la colonie la
lus lointaine » PORTUGAL
Tée en 1954, Jane Campion Pedro Costa :
N commence a travailler avec une
quipe australienne au début des « Les Portugais ne vont
mnées 80. En 1986, Peel remporte la
alme d’or du meilleur court- pas du tout au cinéma »
étrage 4 Cannes. En 1989, son pre-
tier film Sweetie suscite des réactions | pedro Costa,né en 1959, a imposé documentaires. Actuellement on pro- @ « Dans la chambre
ontroversées. Un ange a ma table (Prix en quelques films son esthétique duit 10 longs-métrages par an, dont de Vanda »
écial du jury 4Venise en 1990) la radicale. Trés exigeant envers son tra- quatre ou cing premiers films, cing de Pedro Costa (2000).
it connaitre. Elle est la premiére vail, il critique son premier long films d’animation et une vingtaine
‘mme a avoir remporté la Palme métrage O Sangue (1989) alors de courts-métrages et de documen-
‘or 4a Cannes en 1993 avec La Legon encensé par la critique. En 1997, taires.
> piano. Depuis, elle a adapté Henry O: remporte le Prix de la 4. Le Portugal est le pays européen
mes (Portrait de femme, 1996) et tra- meilleure photographie a Venise. Dans ot les gens passent le plus de temps
uillé avec Kate Winslet et Harvey la chambre de Vanda est son dernier devant la télé. Du coup, les gens ne
eitel sur Holy Smoke en 1999. film. vont pas du tout au cinéma. Le
« Walk the Talk de Shirley Barrett ; 1. La Captive de Chantal Akerman, moyen le plus simple de voir des films
a Spagnola d’ Ann Maria Monticelli ; Ouvriers et paysans de Daniéle Huillet est la télé — le cable joue un réle trés
igre et dragon d’ Ang Lee ; You Can et Jean-Marie Straub, Stars in my important.
‘ount on Me, de Kenneth Lonergan ; Crown de Jacques Tourneur (1950), 5. Au Portugal, il y a une trés grande REPERES
faffic de Steven Soderbergh. Platform de Zhang Ke Jia.Je ne vais liberté de création : on peut présen-
» Je ne connais pas les chiffres du
ox-office, mais il est certainement
pratiquement pas au cinéma,je vais
a la Cinémathéque de Lisbonne.
ter n’importe quel projet, il n’y a pas.
de censure au niveau de la produc-
Portugal
ominé par les films étrangers. Dans 2. La part du cinéma américain est tion. Un jeune réalisateur qui veut (chiffres 2000)
X ans, ce sera la méme chose, avec écrasante. Dans tout le Portugal, La monter un film a beaucoup plus @ 584 écrans
1 jaillissement des films d’ Australie Chambre de Vanda a eu 3 copies, d@opportunités qu’en France. Le vrai ® 423 salles
de Nouvelle-Zélande. contre 60 pour Hannibal. Depuis dix probléme, c’est de montrer les films, ® 237 361 entrées pour
+ Oui, la production cinématogra- ans, il y a un petit réseau art et essai, de les sortir dans des conditions les films portugais
uique recoit un soutien financier de ce sont les vingt ou trente salles de convenables. ® 13 films portugais
part d’institutions gouvernemen- Paulo Branco. Mais les films améri- 6. Je filme en langue portugaise,je @ 5,4 % : part de
les, la plupart des aides viennent de cains ont le monopole des écrans. Les ne veux abandonner ni mon pays ni marché des films
Australian film corporation. films européens ne restent pas plus ma langue, maisje me sens de moins portugais
: Les salles, les festivals, les vidéos (et de cing semaines 4 l’affiche. La situa- en moins accompagné. Les cinéastes ® 56,6 % : part de
entdt les Dvp) sont les maniéres de tion n’ira pas en s’améliorant. reconnus abandonnent ou se plient marché des films
vir des films ici. 3. Laide de Etat pour le cinéma est a des critéres de rentabilité et la jeune américains
+ Quel que soit le domaine, je trés importante. C’est un systéme génération nait dans une bouillie qui @ 28,7 % : part de
‘teste la mondialisation. En d’avances, comme en France. L’Ins- n’est plus du cinéma. De plus, il n’y marché des films
vanche, j'adore voir des films du titut du cinéma et de l’audiovisuel a pas de véritable dynamisme ciné- européens
onde entier. Malheureusement, les subventionne les films a fonds per- philique au Portugal : nous n’avons @ Le plus gros succés
ms que l’on voit le plus facilement dus. I] a aussi des concours de scéna- pas de revues spécialisées, pas de ciné- portugais :
nt les films américains types et je rios, des concours pour les premiers clubs ou de lieux propices aux débats. Capitaines d’Avril de
les apprécie guére.Je suis touchée films, des aides pour les films d’ani- LEcole nationale de cinéma produit Maria de Medeiros
r cette tendance générale d’aliéna- mation, les courts-métrages et les des zombies pour la télé. (110 337 entrées)
DOSSIER

1. Les cing derniers films vus en salle dans votre pays ? 2. Part du cinéma national/américain ? 3. Systéme d’aide a la création ? 4. La maniére la plus simple de voir des films

RD CONGO RUSSIE
Balafu Bakupa- Garri Bardine :
Kanyinda : « Le cinéma d’animation
« Les salles sont nest plus projeté »
devenues des temples » R éalisateur de films d’animation,
Garri Bardine, réalise des courts

ARKEION FRMS
alufu: Bakupa-Kanyinda, cinéaste métrages d’une grande poésie avec
documentariste engagé, vit en des matériaux divers (pate 4 mode-
France, mais son travail se concentre ler, allumettes, bouts de ficelle). Aprés actuelle du cinéma russe moyen ne @ « Adagio » de Garri
sur étude de l’Afrique. En 1999, il Choo-choo, la nounou, il a tourné la touche qu’un aspect qui n’est pas trés Bardine.
a réalisé Watt et Article 15 bis. suite, Choo Choo 2, sortie en France valorisant : la criminalité en Russie.
1. Originaire de Kinshasa, je réside sous le nom de Bardine tous courts en Souvent des prostituées, des drogués,
en France depuis 1986, aprés un trés avril dernier. des maffieux et des bandits devien-
long séjour en Belgique et un passé 1. Le Journal intime de sa femme nent les héros de ces films. Cela
en Angleterre et aux Etats-Unis.Je @A. Outchitel, La Jalousie des dieux donne l’impression que ces films sont
considére la France comme mon pays de Vladimir Menchov, Moscou de A. commandés et financés par les pros-
« cinématographique », mais en tant Zeldovitch, American Beauty de Sam tituées, les drogués et les maffieux...
que cinéaste, j’ai envie de raconter Mendes, Choo Choo 2, mon film que 3. LEtat soutient le cinéma, y com-
l'Afrique. La France est aussi un « pays je regarde tous les jours sur ma table pris le mien. Bien stir, ce soutien n’est
d’Africains ». Les cing derniers films de montage. J’ai donc peu de temps pas aussi important que dans votre
que j’ai vus en France sont : Space pour voir d’autres films. pays suffisamment prospére. Les scé-
cowboys de Clint Eastwood, Hamlet 2. Malheureusement, en Russie, le narios et les synopsis sont soumis 4
de Michael Almereyda, In the Mood dollar a plus de valeur que le rouble des commissions d’experts, aprés quoi
for Love de Wong Kar-wai, Antilles sur russe. C’est pourquoi le cinéma ne ils regoivent une aide financiére, le
Seine de Pascal Légitimus, The Very fait pas exception. Plusieurs salles de plus souvent équivalente 4 50% ou
Black Show de Spike Lee. cinéma équipées en dolby sont appa- 70% du budget. Les producteurs
2. Au Congo, il n’y a plus de salles rues 4 Moscou. On y montre prin- cherchent l’argent qui manque eux-
de cinéma : elles sont devenues des cipalement des films américains. Les mémes. Pour les films Le Chat botté,
« temples » religieux ; quand le peuple jeunes vont souvent dans ces salles. Choo Choo et Choo Choo II, mon stu-
n’a plus son pain quotidien, il se C’est considéré comme un signe de dio, Stayer, et moi-méme avons été
trouve toujours de bons marchands « grande classe ». Les films russes soutenus par le ministére de la Cul-
pour lui promettre le paradis. essaient de briser le blocus des spec- ture russe. Nous avons réalisé Ada-
3. Le cnc, le ministére frangais des tateurs. Parmi eux, Le Barbier de Sibé- gio avec notre propre argent et nous
Affaires étrangéres, l’Agence inter- rie de Nikita Mikhalkov, La Jalousie en sommes trés fiers.
gouvermentale de la francophonie des dieux de Vladimir Menchov, L’Age 4. En Russie, on regarde essentielle-
aident les cinéastes. tendre de Serguei Soloviev. Il me ment les films 4 la télévision. Le home
4. Les salles. semble que dans la Russie actuelle, il video a beaucoup de succés et les salles
5. Pour moi, cinéaste africain vivant n’est pas raisonnable d’essayer de de cinéma redeviennent a la mode.
en France, parler de la mondialisation concurrencer les block busters amé- 5. Aujourd’hui, pour conquérir un
est un pléonasme : elle a depuis long- ricains. Cela demande de grands marché, il faut produire des longs-
temps influencé mon travail. efforts et surtout beaucoup d'argent, métrages. Ici, 4 Paris, il n’y a pas un
6. Je ne suis un cinéaste ni national qu'il est difficile de trouver chez nous. journaliste qui ne m’ait demandé :
ni régional mais un narrateur uni- La situation changera radicalement « Pourquoi ne faites-vous pas de longs-
versel. En tant qu’Africain, j’aimerais quand les cinéastes cesseront de s’agi- métrages ? » Pourquoi cette question
faire profiter le cinéma frangais de ter et préteront attention 4 l'homme se pose-t-elle ? A cause du monopole
mes racines, apporter une compo- concret avec son destin concret dans des grosses sociétés qui misent sur les
sante africaine, bref rendre bien réel la Russie d’aujourd’hui. Ce qui est longs métrages. Dans le cinéma, des
le » multiculturalisme » de la France. dans la meilleure tradition de la formes différentes existent. II est
Malheureusement, je n’en ai guére la grande littérature russe et du cinéma impossible d’exiger d’un joaillier de
possibilité. néoréaliste italien. La thématique batir un monument. Le cinéma d’au-
Res sy ER

lotre travail a-t-il été affecté par la mondialisation ? 6. Revendiquez-vous votre ceuvre comme appartenant a une cinématographie nationale ou internationale ?

eur dans l’animation tend vers le neuve restaurée, Tous les matins du
etit format. Mais dans la situation monde d’ Alain Corneau, un film
ctuelle, les monopoles coupent remarquable, Pas un de moins (trés
oxygéne précisément a ce genre-Ia. émouvant) de Zhang Yimou, un film
. Peu de gens en Russie ont vu mes allemand que j’ai beaucoup aimé, Die
‘ois derniers films. Autrefois, avant la Unberiihrbare d’ Oskar Roehler et bien
erestroika, il y avait des salles de sr, pour la centiéme fois, la version
inéma qui programmaient des films restaurée de La Charrette fantéme de
‘animation. Aujourd’hui elles n’exis- Victor Sjéstrém. C’est le film le plus
nt plus. Uunique chance d’étre dif- important de l’histoire du cinéma.
isé, c’est de vendre son film a des 2. Actuellement les films suédois ren-
haines de télévision, mais les pro- contrent un immense succés en salles.
riétaires de ces chaines préférent C’est un phénoméne soudain et
cheter et diffuser des séries améri- exceptionnel. La Suéde réalise de plus
aines et japonaises de moindre qua- en plus de longs-métrages et beau-
té.Je suis reconnaissant 4 Arkeion coup d’entre eux font d’excellents 3
4
ilms qui est mon distributeur en scores au box-office. Bien sur, le
urope. Grace 4 leurs efforts, c’est cinéma américain occupe une place
éja le quatriéme recueil de mes films prédominante et il évince des écrans
ui sort aujourd’hui sur les écrans tous les autres films. Le cinéma amé- moi, c’est de l’artisanat. Mon cinéma, m « En présence d’un
angais. En Russie, mes films rem- ricain souligne sa domination en ne mes mises en scéne, sont des piéces clown » d’Ingmar
ortent du succés lors des festivals, prenant méme pas la peine de tra- artisanales. Ce n’est pas du snobisme. Bergman (1997).
1ais ils ne pourront jamais rempla- duire les titres en suédois. C’est une Mes spectacles sont éphémeres : la
er la distribution traditionnelle. En vraie plaie ! Beaucoup de gens ne piéce est a l’affiche pendant un cer-
ussie, mes spectateurs sont devenus comprennent pas l’anglais et du coup tain temps, puis elle disparait et elle REPERES
es lecteurs : ils lisent dans les jour- ils n’ont aucune idée de ce qu’ils vont est oubliée. Dieu merci ! Les films ...
aux que tel ou tel de mes films a été
rimé dans un festival. Ce n’est
voir. C’est simplement une autre
marque de la désinvolture du cinéma
ils survivent, hélas !
Suéde
wauprés des Frangais qui ont vu ces américain 4 notre égard, de son (chiffres de 1999)
lms, qu’ils peuvent en découvrir le contréle et de son entiére domina- Lukas Moodysson : @ 1132 cinémas.
ontenu. tion sur le marché du film. @ 796 millions de
3. Je ne fais plus de films... « La part du cinéma couronnes (579
4, Je préfére voir les films sur grand millions de francs) de

SUEDE écran. Pour les autres,je ne sais pas.


Mais j’espére que les gens continuent
a aller au cinéma. Parce qu’il n’y a pas
suédois est de 25% » recettes
@ 35 films

igmar Bergman :
A, Té en 1969, il publie un recueil suédois produits
de meilleure maniére pour voir les N de poémes a 17 ans et se fait @ 25 %: part de
films ! Etre assis dans le noir et remarquer avec son premier long marché des films
Je ne vais plus attendre que le charme opére... métrage, Fucking Amal qui surpasse suédois
Quand il opére. Titanic au box-office suédois. Son ®@ 65,5% : part de
u cinéma » 5. Les films que j’ai réalisés a l’étran- deuxiéme film, Together, est également marché des films
ger ou qui ont été des coproductions un immense succés commercial (voir américains.
ngmar Bergman, né en 1918, s’af- internationales sont les moins réus- encadré). @ Les plus gros succés
firme dans les années 50 : Sourire sis. Travailler dans le cadre de copro- 1. Tiaffic de Steven Soderbergh, Jalla ! de 2000 :
une nuit d’été obtient le Prix spécial ductions, avec un gros budget, Jala ! de Josef Fares, Nostalghia d’ An- 1. Together de Lukas
i jury 4 Cannes en 1955 et Le Sep- demande un certain sens de la diplo- drei Tarkovsky, Chansons du deuxiéme Moodysson (Suéde)
me Sceau remporte un éclatant suc- matie : il ne s’agit pas seulement d’as- étage de Roy Anderson. 2. American Beauty de
sen 1957.En 1965, il tourne Per- pects techniques et financiers ; des 2. La part du cinéma suédois est Sam Mendes (E.-U.)
na avec Liv Ullmann et en 1982, considérations artistiques sont 4 environ 25%. 3. Le Sixiéme Sens de
orésente Fanny et Alexandre comme prendre en compte, la liberté de créa- 3. La plupart du temps, des fonda- M. Night Shyamalan
derniére ceuvre. tion n’est pas totale. Bref, travailler de tions gérées par I’Etat nous aident, (E.-U.)
Je ne vais plus au cinéma, je cette fagon ne m’a pas été trés profi- comme I'Institut du film suédois. 4. Halsorean
garde des films dans ma salle de table. 4, Je n’en ai aucune idée. de Lasse Aaberg
ojection privée a Faré. Récem- 6. Je ne considére pas mes films 5. Idem. (Suéde)
ent, j’ai vu Le Tiésor d’Arne de comme des ceuvres d’art, comme une 6. Oui.Je suis un scénariste et un 5. Gladiator de Ridley
auritz Stiller (1919) dans une copie forme d’expression artistique. Pour réalisateur suédois. Scott (E.-U.)
DO)
S S15E R

1. Les cing derniers films vus en salle dans votre pays ? 2. Part du cinéma national / américain ? 3. Systéme d’aide a la création ? 4. La maniére la plus simple de voir des films

SYRIE de trouver une autre alternative au


systéme traditionnel de production.
6. Je considére mon travail comme
Mohamed Malass : une part du cinéma national, quel
que soit le pays arabe qui m’ac-
« Je suis parti travailler cueille ; ce n’est pas nécessairement
la Syrie. Les cinéastes n’ont pas vrai-
en Egypte » ment la possibilité de faire des films
dans mon pays natal. Pour réaliser
‘n 1983, son film Les Réves de la mes projets et faire le cinéma dont
Evite remporte un Tanit d’or. En Javais envie, je suis parti en Egypte.
1985, Mohamed Malass tourne La En Syrie, le cinéma national est quasi
Nuit. Il est également acteur et a joué inexistant, c’est pourquoi, ce qui nous
dans Le Destin de Youssef Chahine. effraie le plus, n’est pas tant la domi-
1. Seul au monde de Robert Zemec- nation d’un cinéma, que l’absence de
kis ; Gladiator de Ridley Scott ; Secrets cinéma.
w « La Guerre dans le
Haut-Pays » de Francis SUISSE of Girls (Egypte) ; High School
(Egypte) ; The Storm (Egypte).
Reusser (1998).
Francis Reusser :
2. La part des films nationaux et des
films américains en Syrie est trés
faible. Cela s’explique par la pauvreté
TUNISIE
« 2% de films suisses » de la production nationale (et les Férid Boughedir :
limitations dont elle fait l'objet) ainsi
Pans Reusser, né en 1942, est que par la quasi-impossibilité d’im- « Le protectionnisme
photographe puis caméraman et porter des films étrangers, américains
réalise ensuite des documentaires : ou européens. Nous voyons surtout francais nous nuit »
Biladi, une révolution en 1970 (sur les des films égyptiens et des films
REPERES Palestiniens), Vive la mort en 1972 (sur indiens. Le cinéma américain ne érid Boughedir, né en 1944, s’est
la société suisse), auquel répond son représente que 15% du box-office, formé comme assistant-réalisa-
Suisse premier film de fiction Le Grand Soir
en 1977. En 1991, il tourne Jacques et
non parce que nous échappons a la
domination américaine, mais parce
teur d’Alain Robbe-Grillet et Fer-
nando Arrabal. Il est d’abord critique
(chiffres de 2000) Frangoise, fable inspirée du contexte qu’il est absent. Environ 69% des films de cinéma dans divers journaux et
®@ 15,5 millions de 1789. sont égyptiens. La Syrie se dirige vers professeur a l’université de Tunis. Son
d’entrées 1. Apres la réconciliation d’ Anne-Marie Youverture et la part des films amé- premier film, Halfaouine, l’enfant des
® 15 films produits Miéville, Hannibal de Ridley Scott, ricains excédera certainement les 60%. terrasses, tourné en 1990, est un suc-
dont 8 en coproduction Intimité de Patrice Chéreau. dans dix ans. cés critique et commercial. Il reprend
@ 4,6% : part de 2. 98% de films américains et 2% de 3. Depuis plus de vingt-cing ans, les mémes acteurs en 1995 pour Un
marché des films films suisses. L’évolution est la sui- nous demandons la mise en place été a la Goulette.
suisses vante : 99% de films américains et dun fonds de soutien en Syrie. Sans 1. Dancer in the Dark de Lars von
@ 70,4% : part de ainsi de suite. résultat. Le systéme de production est Trier, Tigre et dragon d’ Ang Lee, Les
marché des films 3. Nous avons imité le systéme fran- géré par le DNC qui appartient au Siestes grenadine de Mahmoud Ben
américains. ¢ais parce que c’est sans doute le meil- gouvernement. Etant donné I’état Mahmoud, Sois mon amie de Naceur
® Les plus gros succés leur. La différence : dans notre pays de actuel de leurs finances, ils ne pro- Ktari, La Saison des hommes de Mou-
de 2000 : milliardaires, l’argent est virtuel. duisent qu’un film par an, dans le fida Tlatli.
1. American Beauty 4. La télé, en montagne, dans tous les meilleur des cas, trois films tous les 2. Le cinéma américain occupe
de Sam Mendes (E.-U.) cas. Avec le cable, on recoit absolu- deux ans. environ 75% 4 80% des écrans tuni-
2. Le Sixiéme Sens ment tout, méme la télé serbe. 4. La facon la plus répandue de voir siens en terme d’entrées. Le cinéma
de M. Night Shyamalan 5. Le monde n’est pas le pire des des films est la télé avec le cable et les tunisien, malgré son petit nombre de
(E.-U.) concepts (cf. Rilke, « devenir un monde vidéos. films occupe 12% 4 15% car ses films
3. Erin Brockovitch pour Vamour de l’autre » dans les Lettres 5. Les techniques récentes et les styles sont plus vus que les films américain:
de Steven Soderbergh a un jeune pocte). Le probléme, c’est le qu utilise le cinéma contemporain moyens (sauf exception pour les block
(E.-U.) capitalisme. Malheureusement, per- pour créer de nouveaux effets visuels busters comme La Momie et Titanic)
4. Mission impossible 2 sonne ne s’y oppose. sont de véritables stimuli pour moi : Les 8% a 10% restants sont euro-
de John Woo (E.-U.) 6. Locale parmi l’universel, plutét je dois essayer de renouveler mon péens, surtout frangais, et minoritai-
5. Gladiator de Ridley que nationale parmi les multi du langage et mes techniques.Je pense rement égyptiens (ce qui n’était pa:
Scott (E.-U.) méme nom. que l'utilisation de mini-Dv permet le cas dans les années 50 sous la colo-
DJG:
Se6) 1 E R

Votre travail a-t-il été affecté par la mondialisation ? 6. Revendiquez-vous votre ceuvre comme appartenant a une cinématographie nationale ou internationale ?

publicitaire en faveur des films natio- (Fonds Hubert Bals, Rotterdam) et


naux, ne passant, comme en France, vers des préachats de certaines télé-
des extraits que dans le cadre d’émis- visions européennes a vocation cul-
sions « culturelles ». La part de mar- turelle.
ché des films tunisiens est tombée de 4. La maniére la plus simple de voir
40% 4 15 %. Les films nationaux sont des films en Tunisie est la télévision
le plus souvent des films d’auteur, suite 4 la généralisation des antennes
mais ils attirent pourtant la grande paraboliques, des bouquets numé-
masse, contrairement 4 ce qui se passe riques et I’existence de deux chaines
dans d’autres pays du Sud comme cryptées payantes : Canal+ Horizons
l'Inde.A cause de sa trés vieille tra- (films en frangais ou sous-titrés en
dition cinéphilique (la Tunisie avait frangais, feuilletons en arabe) et ART
le plus grand nombre de ciné-clubs (Arabic Radio and Television) qui
de tout le continent africain en émet en arabe 4 partir de Rome.
1949), 4 cause de l’ancienneté des Viennent ensuite les cassettes VHS
Journées cinématographiques de Car- (location en vidéo-clubs de films
thage, créées en 1966, la Tunisie est méme trés récents, avec un piratage
un des rares pays 4 conjuguer cinéma presque impossible 4 contréler), les
d’auteur et succés public. projections en salles et le DvD (encore
3. Le cinéma tunisien bénéficie peu répandu.
dune aide a la production sous forme 5. La mondialisation m’inspire les
1 « Un été a la nisation, quand le cinéma égyptien de subyentions non remboursables, plus grandes craintes puisque le pro-
Soulette » de Férid produisait beaucoup plus et répon- attribuées, sur son budget, par le fit et le marché y sont considérés
Soughedir (1995). dait 4 une demande de films « en ministére de la Culture, aprés avis comme valeurs suprémes au détri-
arabe », aujourd’hui assurée par les d'une commission de sélection des ment de la création et de l’expres-
films tunisiens — mais les feuilletons projets. Le Fonds d’aide qui était ali- sion. Sous la pression d’Hollywood,
égyptiens restent majoritaires 4 la télé- menté par une partie des recettes des deuxiéme exportateur des Etats-Unis,
vision). En dix ans, la situation a évo- salles, par une contribution des dis- la mondialisation tend 4 rejeter l’ex-
lué en moins bien pour le cinéma tributeurs a été supprimé en 1986 ception culturelle qui permet encore
tunisien, et paradoxalement, en par- pour étre remplacé par une ligne a nos pays de protéger des expressions
tie 4 cause du systéme protectionniste budgétaire fixe qui permet de sou- spécifiques nationales ou régionales
francais face 4 Hollywood. Pour évi- tenir, dans le meilleur des cas, 3 longs- par des accords avec des pays défen-
ter ’envahissement du marché par métrages et 5 courts-métrages par an. seurs de la diversité culturelle mon-
Hollywood, la France interdit a la Les cinéastes tunisiens réclament la diale comme la France.
télévision tout spot publicitaire en remise sur pieds d’un véritable fonds Si le droit 4 la souveraineté culturelle
faveur de films de cinéma. Or, l’en- daide alimenté par différentes est éliminé, expression culturelle des
gouement extraordinaire qu’a connu sources, comme cela a été fait avec pays du Sud, plus fragiles encore que
le cinéma tunisien de la part de son dexcellents résultats au Maroc depuis VEurope, tendra a disparaitre
public, de 1986 a 1996, depuis 1997 (avec 5% des recettes publici- —notamment les cinémas africains et
L’Homme de cendres de Nouri Bou- taires de la télévision nationale et des les nouveaux cinémas arabes qui exis-
zid en 1986, jusqu’a Un été a la Gou- contributions de certaines télévisions tent encore sans économie de mar-
lette de auteur de ces lignes, était da étrangéres diffusées dans le pays). ché, uniquement grace aux systémes
partiellement a des spots publicitaires Un cinéaste tunisien bénéficiaire de de soutiens nationaux et européens
gratuits en faveur des films nationaux Vaide du ministére de la Culture que la mondialisation veut éliminer.
accordés plusieurs fois par jour par la complete en général le budget de son Ces systémes existant encore, mon
télévision tunisienne : les gens étaient film par des accords de coproduction travail personnel n’a pas été affecté
poussés 4 quitter leur antenne para- avec la télévision nationale (depuis par la mondialisation, mais l’on voit
bolique et autres cassettes vidéo de 2000) et avec la chaine francaise déja certains films de nos régions
location qui les vissent d’ordinaire Canal+ Horizons (depuis 1993). essayer de se couler dans le « moule »
a domicile. Ensuite, il se tourne vers les aides supposé du cinéma « international ».
En 1997, la chaine nationale tuni- européennes aux « cinémas du Sud » 6. Je revendique mon ceuvre comme
sienne Canal 7, retransmise par le dispensées par I’Etat frangais (Fonds appartenant 4 la fois 4 une cinéma-
cable et le satellite vers la France Sud), par l’Agence intergouverne- tographie nationale (tunisienne),
(pour toucher les immigrés tunisiens), mentale de la francophonie (AccT), régionale (Maghreb et monde arabe),
est tombée sous le coup de la loi fran- par diverses fondations suisses (Mon- continentale (africaine) et bien
¢aise, et a donc supprimé tout spot tecinéma Verita, Locarno), hollandaise entendu universelle (I’humanité).
DOSSIER

1. Les cing derniers films vus en salle dans votre pays ? 2. Part du cinéma national/américain ? 3. Systeme d'aide a la création ? 4. La maniére la plus simple de voir des films ‘

ministére de la Culture, qui siége trois


fois par an. Cette aide correspond 4 Nouri Bouzid :
peu prés 4 15% du budget du film et
on bénéficie par ailleurs d’aides ou « Les cafés abonnés
plutét de prestations du ministére du
Tourisme, de la télévision tunisienne, a Canal + Horizons
une aide « avance distributeur » et
une aide de Canal+ Horizons. Toutes concurrencent les salles »
ces aides peuvent parvenir 4 boucler
la moitié du budget d’un film d’au- N ouri Bouzid, né en 1945, a suivi
teur normal. une formation cinématogra-
4. La vidéo et le satellite ont rendu phique 4 I’INsAS, en Belgique et fut
la situation financiére des salles trés Lassistant de Rida Behi et Abdeltif
difficile, d’ou d’ailleurs la fermeture Ben Ammar. En 1986, il réalise son
@ « La Saison des hommes » de Moufida Tlatli (2000). de plusieurs salles... Le public jeune premier film L’Homme de cendres. Les
reste assez fidéle a la salle de cinéma, Sabots en or en 1988 lui permet de
mais aussi faut-il que les titres et les parler du probléme de la répression
Moufida Tlatli : affiches l’interpellent. Il a une préfé- des intellectuels, phénomeéne qu’il
rence pour les films d'action, de vio- connait bien, pour avoir passé cing
« Si le film est bon, le lence et je crois que cela est surtout ans en prison a cause de ses enga-
dai a l’affaiblissement des ciné-clubs. gements politiques.
public tunisien suit » 5. La mondialisation nous fait trés 1. No Man’s Love de Nidhal Chatta
peur pour notre cinéma d’auteur. J’ai (Tunisie), Ali Zaoua, prince de la rue de
oufida Tlatli réussit ’'IDHEC en réalisé importance et impact de ce Nabil Ayouch (Maroc), Dancer in the
M 1968 au département mon- probléme en accompagnant mes Dark de Lars von Trier, Erin Brocko-
tage, puis retourne en Tunisie en 1972 deux films 4 travers les provinces fran- vich de Steven Soderbergh, La Saison
ot elle travaille, entre autres, avec caises. Malgré l’immense travail fait des hommes de Moufida Tlatli (Tuni-
Férid Boughedir sur Halfaouine. Elle par les petits circuits d’exploitants de sie). Les trois premiers étaient pro-
réalise son premier film, Les Silences salles d’art et essai, la durée de vie grammés aux Journées cinémato-
du palais en 1993. Son second, La Sai- d'un film en salles est devenue de plus graphiques de Carthage en
son des hommes, est présenté 4 Cannes en plus courte. La pression des grands novembre. Ils ne reflétent pas les
en 2000. multiplexes, qui bombardent leurs « produits » diffusés chez nous. Ce
1. Dancer in the Dark de Lars von écrans de films commerciaux améri- serait trop beau.
Trier, Tigre et dragon d’ Ang Lee, Les cains, associés a des films d’auteur, est 2. En 1956, date de l’indépendance,
Riviéres pourpres de Mathieu Kasso- trés grande. Cette mainmise sur I’en- les Frangais avaient laissé 106 salles
vitz, Gare centrale de Youssef Chahine. semble de la production avec sa diver- pour 4 millions d’habitants, dans une
2. En Tunisie, les écrans sont occu- sité tend 4 faire disparaitre les petites société semi-urbanisée. En 1972, or
pés par les films américains (majo- salles ainsi que les films d’auteur. Pour n’en comptait plus que 75 et, er
ritaires), les films égyptiens et hin- nous, pour eux, la situation est trés 2001, 46 pour 10 millions @habitant
dous. Le cinéma frangais a eu son dure. Mon travail n’en a pas encore alors que la société est 4 80% urbaine
heure de gloire jusqu’aux années 80 souffert, mais la chute du nombre Dans les années 60, |’Etat a nationa-
et pour cela il y a eu un énorme tra- dentrées entre le premier et le lisé la distribution et I’a confiée a |
vail fait par le Centre culturel de second film est trés significative de la SATPEC, avec une bonne partie de:
T’ambassade de France. On a pu pro- progression du phénoméne de mon- salles et le noyau d’industrie ciné.
fiter de la projection de films frangais dialisation. matographique (laboratoires, audito.
récents. Depuis les années 80, le 6. Je pourrais revendiquer le fait que riums, salles de montage). Dans le
public tunisien a commencé a aimer mon travail appartient 4 une ciné- années 70, le monopole a été cassé e
et voir les films nationaux. Le pre- matographie nationale ou régionale la SATPEC s’étiole, jusqu’a disparaitn
mier vrai succés du cinéma tunisien si le montage financier pouvait étre au début des années 90. Le noyai
s'est produit avec L’Homme des cendres réalisé localement et si la rentabilité dindustrie a été repris par Carthag
de Nouri Bouzid. Depuis il continue s avérait suffisante, ce n’est pas le cas. Image (li¢e 4 Canal+ Horizons).
a inspirer confiance et si le film est Excepté le cinéma égyptien, qui Dans les années 70, la fréquentatio:
bon, le public lui fait une vraie fete. continue 4 régner dans nos pays, a beaucoup baissé. Les familles on
3. Pour réaliser mes films, j’ai obtenu aucune production ni circulation de trouvé dans la télévision un meilleu
une subvention attribuée par la Com- films ne se fait entre les cinémas aliment, le feuilleton égyptien. Le
mission d’aide a la production du arabes et africains. distributeurs privés ont tenté d
a | R

/otre travail a-t-il été affecté par la mondialisation ? 6. Revendiquez-vous votre ceuvre comme appartenant a une cinématographie nationale ou internationale ?

amener le public vers les salles avec Le prix des places en Tunisie varie
les films américains et francais. entre 5 et 15 francs. Les chiffres du
© suis un enfant du ciné-club Louis- box-office sont approximatifs. Les
uumiére de Sfax. Dans les années 60, Silences du palais et Halfaouine auraient
es films « d’auteur » achetés par la atteint 500 000 entrées, mais ce n’est
ATPEC (un gouftre financier, dont ni officiel ni sir. Puis viennent Tita-
Etat ne se souciait guére) alimen- nic et Le Destin de Chahine, sans
aient les ciné-clubs, trés dynamiques oublier les grandes comédies faciles
t souvent animés par des coopérants égyptiennes avec Adel Imam. Bent
rancais. Mais les « films d’entrepre- Familia a fait 150 000 entrées.
leurs » venus d’Egypte ont com- 3. Notre cinéma, n’ayant pas de mar-
nencé a déferler : farcis de plages ché, n’intéresse aucun financier ni
ublicitaires dans leur version vidéo, aucune banque. Tous mes films (sauf
s étaient destinés aux pays du Golfe Bezness et c’est le seul cas tunisien)
ui il n’y a jamais eu de salles. ont été subventionnés par le minis-
Jans les années 70, le public tunisien tére de la Culture, mais jamais au-dela
découvert les péplums, les western de 30% du devis. C’est une loi. J’ai
paghetti, les mélos égyptiens et hin- eu le Fonds Sud pour Sabots en or,
ous et surtout quelques films éro- Bezness, Bent Familia et Poupées d’ar-
ques qui échappaient 4 la censure. gile (que je tourne en septembre).
e public a changé, les familles ont 4. Les chaines frangaises et arabes et tourne des films documentaires et @ « La Tour de Vhorloge »
essé¢ d’aller au cinéma. A la télévi- et surtout les deux chaines 4 péage publicitaires. I] réalise son premier de Omer Kavur (1997).
on, un raz-de-marée de feuilletons (Canal+ Horizons et Arte — arabe). film, Emine, en 1974 et devient
pyptiens produits par les pays du Les vidéo-clubs continuent 4 diffu- ensuite son propre producteur. De
solfe a fait le lit de l'intégrisme dans ser des copies pirates de films améri- Gamins d’Istanbul en 1979 a Visage
as mal de pays, cassant les efforts cains, dans l’illégalité tolérée. secret en 1991, il impose son cinéma
"émancipation de cinéastes comme 5. Je vis la mondialisation A travers intimiste et personnel.
*hahine. Les vidéo-clubs ont fleuri, mes rapports avec les télévisions. A 1. Quills, la plume et le sang de Philip Remerciements
1éme hors la loi (il suffit de possé- chaque film, je me heurte 4 des com- Kaufman, Signs and Wonders de Jona- a Edward Noéltner ;
er une copie pour la louer...). missions (un véritable poison pour than Nossiter, Incassable de M. Night Stieg Bjorkman ;
es années 80 ont vu l’explosion des les auteurs, les commissions !) qui Shyamalan, Apparences de Robert Francois Frey ;
araboles (des usines en fabriquent imposent le modéle américain de Zemeckis, Seven Gates de Richard Ivana Bentes ;
n Tunisie-méme). On en compte scénario. Laudimat est l’autre Che- Alessio. Régine Hatchondo ;
yourd’hui entre 600 000 et 700 000 val de Troie de la mondialisation. 2. Box-office : 28% de films turcs : Mikiko Takeda ;
our un pays de 10 millions d’ha- 6. Je n’existe qu’en tant que partie 69% de films américains ; 3% de films Monique Gaillard ;
itants. Mais abondance d’images ne infime du cinéma tunisien (méme si autres.Je pense qu’il va y avoir un Esther St Dizier ;
me pas avec ouverture : les chaines cela n’a pas de sens). Mes films par- retour du cinéma turc. Liu Jie ;
‘abes et islamiques s’imposent, sou- lent tunisien, interpellent les Tuni- 3. I n’y a aucune aide pour le finan- Cristina Matos Silva
ont pro-intégristes et peu enclines siens, remuent la réalité tunisienne. cement des films. et au CNC
1 « dérapage » moral. Les salles per- Aucune autre démarche ne m’inté- 4. Les salles et les pvp.
ent encore un peu de leur public. resse et d’ailleurs d’autres le font 5. La mondialisation a eu un effet Sources :
cule une petite frange du public mieux que moi. négatif sur notre culture. La domi- Bilan cnc info 2000 ;
garde les chaines francaises. nation des films américains est telle British Council ;
la fin des années 80, un retour des que nous sommes passés de 150 films Dems ;
milles vers le cinéma s’est amorcé.
lais la création de Canal+ Horizons TURQUIE produits par an a seulement 15 films.
Quoi qu’il en soit, il y a un retour en
Screen Finance ;
Marcio Guimaraes ;

Omer Kavur :
sassé le mouvement. Les cafés abon- force du cinéma turc et les plus gros Infos Média 2001 du
ss a la chaine concurrencent les scores au box-office sont atteints par service culturel francais
lles, d’autant plus que les films y pas- des films turcs. Cependant, a cause de en Allemagne ;
nt souvent avant méme leur sor- « Notre cinéma est bien Thégémonie commerciale et cultu- Italia Cinema ;
> en salles. Depuis deux ans, le relle des Etats-Unis, les films d’une Italia Medias bilan 2000 ;
néma américain échappe 4 une placé au box-office » plus grande qualité artistique ont du Téléfilm Canada ;
saffection qui frappe d’abord le film mal a trouver des distributeurs. C’est US Economic Review ;
auteur, puis le film frangais. Méme \ prés I’Ecole des hautes études selon moi un aspect trés négatif de la Emmanuel Perreau ;
| Verité si je mens 2 fait peur aux dis- sociales en France, Omer mondialisation. Institut du Film
buteurs. Kavur, né en 1944, choisit le cinéma 6. Les deux. Suédois.

CAHIERS DU CINEMA / MAI 2001 75


| Afrique
fantome
par ELISABETH LEQUERET

MANQUE D’ INFRASTRUCTURES,
DIFFICULTES DE FINANCEMENT, DESINTERET

DU PUBLIC AFRICAIN ET OCCIDENTAL :

ET SI LA DELIQUESCENCE DU CINEMA

AFRICAIN INCARNAIT CE QUI ATTEND

LES CINEMATOGRAPHIES NATIONALES APRES

LES RAVAGES DE LA MONDIALISATION ?


A Onagadougou pendant le Festival du cinéma panafricain (Fespaco) : une « vitrine

’abord, s’entendre sur les Comment parler sur le méme mode pécheur, plombier, magon, docker sur
mots : le cinéma africain dune comédie a l’arriére-fond poli- le port de Marseille, avant son pas-
(entendez d’Afrique tique trés suspect (a droite toute) sage au studio Gorki de Moscou ?
noire) n’existe pas. La comme Les Couilles de l’éléphant
liste des films en sélec- (compétition officielle cette année au
tion officielle au dernier Fespaco), premier long-métrage du
Fespaco (le Festival du cinéma pan- Gabonais Henri-Joseph Bididi,et une Le Fespaco a au moins le mérite
africain, qui se tient tous les deux ans fiction comme Addangaman, de VTvoi- de pointer ces contradictions et de
4 Ouagadougou, Burkina) le prouve, rien Roger Gnoam Mbala, qui montrer a tous qu'il n’existe pas ur
qui méle une fiction didactique touche a un sujet quasiment tabou mais des cinémas africains. Depui:
comme Faat Kiné du Sénégalais Sem- en Afrique (la traite des Noirs au quelques années, hélas !, le Festival di
béne Ousmane, Voyage 4 Ouaga du xvut’ siécle) ? Sans méme aborder la cinéma panafricain a eu une autri
Congolais Camille Mouyéké (pro- question de l’extréme diversité des fonction : celle de révéler au granc
totype du petit-film-bien-ficelé-sans- cultures africaines, comment mettre jour la crise que traversent depui
prétentions) et une production aussi sur un méme plan un jeune réalisa- quelques années ces cinématogra:
ambitieuse que Battu, adaptation teur africain de la seconde généra- phies. La difficulté ¢prouvée par le
du roman éponyme de la Sénégalaise tion, ayant fait ses études a la Femis organisateurs pour nourrir leur sélec
Aminata Sow Fall par le cinéaste ou a I’Insas de Bruxelles, et un pion- tion (ce qui les oblige quasiment
malien Cheick Oumar Sissoko. nier comme Sembéne Ousmane, accepter tous les films tournés pen

wa CAWIED SC
D0)5:s 1

tunisien Férid Boughedir.


De fait, depuis 1997, année-faste
qui vit la présence de cing longs-
métrages d’Afrique noire 4 Cannes,
lAfrique fait figure de continent fan-
tome sur la Croisette. Depuis cette
date, plus aucun film africain n’a
concouru pour la Palme d’or, et trés
peu ont été vus dans les sections
paralléles. Jusqu’a l’'absence pure et
simple, l’an dernier (Lumumba de
Raoul Peck retenu par la Quinzaine
des réalisateurs est une coproduction
franco-haitienne).

La vie le garde et
la jeune génération
Beaucoup de réalisateurs voient
dans ce passage a vide le résultat
d'une transition générationnelle par-
ticuliérement difficile, entre la « vieille
garde », nourrie au lait du cinéma
engagé, formée au VGIK de Moscou
(Sembéne Ousmane, Souleymane
Cissé, Abdoulaye Ascofaré...), sur le
terrain (comme Oumarou Ganda ou
Safi Faye, acteurs dans les films de Jean
Rouch), voire dans les ciné-clubs de
Dakar et Saint-Louis du Sénégal (Dji-
bril Diop Mambéty, Samba Félix
Ndiaye, Johnson Traoré), et la jeune
génération, soucieuse de proposer des
films plus légers, plus accessibles. Il
illustre surtout la cohabitation de
deux cinémas africains, ou plutét de
deux économies de production fon-
la cinéphilie africaine, dont V’état dit bien le dénuement. damentalement différentes. Comme
lexplique Jean-Pierre Garcia, direc-
teur du Festival international du film
ant les deux ans qui séparent chaque en l’occurrence Yeelen, du Malien d’Amiens, « Les uns travaillent avec de
lition), couplée au manque de tonus Souleymane Cissé, soit admis en vrais chefs opérateurs, des techniciens pro-
idéniable des films en compétition compétition officielle (et emporte le fessionnels et sortent des films selon les
prouve. prix du jury) 4 Cannes. Mais, si tenue standards internationaux : c’est le cas de
Depuis quelques années, les films soit-elle, cette place existait et, de loin La Genése, de Buud Yam, de La Vie
ricains ont quasiment disparu des en loin, assurait une certaine visibilité sur Terre. Les autres films sont faits par
crans occidentaux et des grands fes- au cinéma africain :4 la Mostra de des techniciens qui travaillent tres peu
vals internationaux. Cette année, a Venise, ott Camp de Thiaroye du Séné- ou pour les télévisions locales. En général,
'uagadougou, un documentaire sur galais Sembéne Ousmane obtient le la dramaturgie n’est pas la méme, et les
lrissa Ouedraogo (réalisé par le prix spécial du jury en 1987, ou a @ « Buud Yam », de personnages sont tres archétypiques. Le
snégalais Malick Sy) montrant le Cannes, en compétition officielle Gaston Kaboré. héros n’est souvent que le représentant
alisateur burkinabé recevant, en (Tilai d’Idrissa Quedraogo, en 1990 ; d’un clan comme dans Pieces d'identi-
190, 4 Cannes, le prix spécial du jury Hyenes, de Djibril Diop Mambéty, en tés, la comédie qui a obtenu l’Etalon de
our Tilai semblait témoigner d’un 1992 ; Waati, de Souleymane Cissé, Yenenga en 1999 au Fespaco, le person-
issé bien révolu. Il est vrai que les en 1995 ; Po Di Sangui, du Bissau- nage du chef représente la vieille Afrique. »
ms africains ont toujours peiné a se Guinéen Flora Gomes en 1996) ou De ces deux cinémas, seul le pre-
ire une place dans les grands festi- dans les sections paralléles. « Le chant mier retient l’attention de la critique,
|s, et il aura fallu attendre 1987 pour du cygne, ce fut le cinquantieme festival de des festivals et, de temps a autre, de
Yun long-métrage d’ Afrique noire, Cannes », note le cinéaste et critique quelques salles d’art et essai euro- »

CAHIERS DU CINEMA / MAI 2001 77


DUO"
Ss Sul Erk

@ Projection en plein air a Ouagadougou lors du Fespaco.

» péennes. Rarement distribué en Four, vendu 4 Canal + et a Arte. L’Homme sur les quai.
Afrique, souvent réalisé par des Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Tout est dit. Privé de ses vitrines
cinéastes qui vivent a Paris ou a Les producteurs situent la décrue au festivaliéres, victime du désintérét du
Bruxelles, il dépend en grande par- début des années 90. Pour Jacques Le public occidental et de son manque
tie des aides et financements du Glou qui, en 1996, a coproduit d’ancrage africain, ce cinéma, tou-
Nord : fonds Sud (un fonds bipartite Quand les étoiles rencontrent la mer du jours sur la corde raide, s’est effondré
— ministére francais des Affaires étran- Malgache Raymond Rajaonarivelo au début des années 90. « L’euphorie
géres et CNC — d’aide 4 la postpro- avec la Sept-Arte, « Hyénes a été le @il y a quelques années, cette illusion d’un
duction), aide directe du ministére dernier film a réussir en Europe. Parce que vrai démarrage du cinéma africain, qui a
délégué 4 la Coopération (aujour- Cannes est un tremplin magique, parce culminé lors du cinquantiéme anniversaire
hui intégré au ministére des Affaires que c’était un film de qualité, construit sur du festival de Cannes, est liée a Pexistence
étrangéres), Fonds européen de un scénario superbe, et qui avait plutét d’une internationale des cinéphiles. Ce
développement (FED), agence de la bien marché en salles. Depuis le début des qui était quelque peu trompeur, car la ciné-
francophonie, Fonds Hubert Bals années 90, on assiste a un repli. Le cinéma philie ne peut pas servir de base a une éco-
(Rotterdam), Fondation Monteci- africain fait souvent de tres mauvais scores nomie viable du cinéma », explique Féric
nemayerita (Locarno)... @ audience. Ca s’est détérioré un peu plus Boughedir. « Les cinéastes iraniens on
A ces aides s’ajoutent parfois t6t dans d’autres pays d’ Europe, ot des souvent maille a partir avec la censure
l’Avance sur recettes (pour les films chatnes comme l’allemande ZpF la bri- mais au moins ils peuvent travailler chez
en francais) et les coproductions et tannique Channel Four ou les télévisions eux. Ils ont des infrastructures. Nous, nou
préachats des télévisions. Outre les scandinaves n’achétent presque plus. » dépendons des caprices de la mode. On es
chaines « spécialisées » comme portés aux nues, on retombe, on repart. .
Canal + Horizons (la filiale africaine Ne pas avoir de base, c'est suicidaire a lon;
de Canal +), Canal France Interna- terme », confirme la réalisatrice congo-
tional (CFI) et TV5 il n’était pas rare, « Les films du Sud n’intéressent plus les laise Monique Phoba, qui a décidé
dans les années 80, que certaines chatnes francaises, poursuit Le Glou. voici cing ans, de quitter Bruxelle
chaines européennes (Channel Four, Sur le cinéma africain, il n’a jamais été pour Cotonou (Bénin).
la zpF, Arte, Canal +) aident aussi le facile de trouver des préfinancements autres D’autant qu’ aucun pays d’Afriqu:
cinéma africain : Hyénes, du réalisa- qu’institutionnels. Mais il semble que les noire francophone n’a mis en plac
teur sénégalais Djibril Diop Mam- choses soient de plus en plus difficiles », une politique d’aide au cinéma
béty a ainsi été coproduit par la télé- confirme le producteur Alain « L’Etat est soit trop absent soit, quand
vision suisse romande et Channel Rozanes (Hyénes, Tableau ferraille, est ld, tres interventionniste », soulignai

78 CAUIERDSE NIT CINENA anNN1


DOSS | eR

RENCONTRE / BASSEK BA KOBHIO

« Ne pas étre nécessiteux, ca géne »


@ Bassek Ba Kobhio est réalisateur réné, par exemple, j’ai eu l’avance
camerounais. Sango Malo, Le Grand sur recettes : dans ce cas, on est
Blanc de Lambaréné figurent parmi obligé de prendre un coproducteur
ses derniéres réalisations. francais. Et l’argent est réparti
entre les deux. »
@ Festival(s) « J'ai démarré Ecrans @ Final cut « Mais nous ne sommes
noirs voici six ans. II s'agit de deux pas les seuls a avoir ce probleme
types de manifestations. D’abord : beaucoup de jeunes réalisateurs
un festival, la Semaine des ciné- francais sont dans le méme cas
mas africains et francophones, qui que nous. Ce n'est pas un pro-
se déroule en juin dans quatre bléme d'argent, mais un probleme
villes : Yaoundé et Douala (Came- de final cut. Moi, je ne veux pas
roun), Bangui (Centrafrique) et qu’on modifie mon scénario, ou
Libreville (Gabon). La Semaine qu’on m’impose un personnage
nous a en fait été “ imposée ” par blanc, comme c'est le cas dans cer-
les bailleurs de fonds (Agence de tains films africains !
la francophonie et ministére fran- Sur Kini et Adams, on a donné
gais des Affaires étrangéres), dont tellement d’indications a Idrissa
les financements sont prévus pour Quedraogo qu’il s'est retrouvé en
aider des festivals. L'autre volet Fs face d’un scénario trés éloigné du
Fa
d’Ecrans noirs, le plus important FA projet de départ. Avant, Le Cri du
selon moi, est la distribution des 5ol coeur avait été un échec terrible,
films en salles tout au long de |’an- une succession de mauvais cal-
née. Cela concerne cing pays : A N’djamena, il n'y a pas de salle, bailleurs de fonds. J'ai fait partie culs. Idrissa s'est dit : “ Je vais
Cameroun, Gabon, République pas plus qu’au Congo. Nous orga- de nombre de commissions, et je faire un film urbain, un film inter-
centrafricaine, Tchad et Congo. nisons les projections dans les peux vous dire qu’on n'y voit pas national, prendre Bohringer. ” Et
LUnion européenne, qui nous sou- centres culturels et les Alliances passer tant de bons scénarios que Ga a été un flop total. Une partie
tient depuis un an, nous permet frangaises. Quand j’ai programmé ¢a. Le probléme vient surtout de du mauvais accueil critique que le
d’acquérir ou de louer des films, des Lumumba de Raoul Peck, au bout la critique, qui a beaucoup film a recu était lié au fait qu’il
affiches, du matériel de promotion. de trois semaines, alors que le encensé le « cinéma-calebasse », était devenu trop autonome : un
Par ailleurs, nous organisons des chiffre des entrées est bon, ila des festivals, des producteurs. Le réalisateur africain qui n'est pas
cours pour quinze jeunes came- fallu libérer la salle 4 cause des résultat est cette floraison actuelle nécessiteux, ¢a géne. »
rounais. Nous profitons parfois de contrats que les exploitants de de films comiques. || faut avoir @ Budgets, petits et gros « De la
la présence, sur la Semaine, de réa- salles ont passés avec les Améri- une personnalité trés forte comme méme fagon, mon deuxiéme long-
lisateurs, de cameramen, de pre- cains de |’Afram [NoLR: African celle d’Abderrahmane Sissako métrage, Le Grand Blanc, a souf-
neurs de son, pour les faire inter- Americain Films, qui a l'exclusi- pour ramer contre ce courant. fert de s’étre monté avec un gros
venir. Quand des réalisateurs sont vité de la distribution des studios 1 Logique de production «|| y a des budget. Le confort dans lequel
de passage au Cameroun, nous américains en Afrique franco- moments oti nous avons besoin de j’étais censé avoir tourné ( le film
essayons aussi de les “ coincer ” phone]. Avant 1985, le Consortium l'Europe, et des moments oti il faut acoiité 11 millions de francs fran-
pendant une semaine. D’ordinaire, interafricain de distribution pro- nous laisser faire. En Afrique, cais ) génait beaucoup de monde.
les réalisateurs africains veulent se grammait de temps en temps un compte-tenu des contraintes de Je ne vais pas commencer a
former en France. Lennui est qu’en- film africain, depuis qu'il a dis- tournage, un réalisateur ne peut geindre : il est plus facile de faire
suite on n'est jamais sir qu’ils paru, plus rien ne se passe. La pro- pas étre esclave d’un plan de tra- un film quand on est un jeune réa-
reviendront travailler en Afrique ! » chaine étape d’Ecrans noirs est vail. Or, ce sont des choses qu’on lisateur africain que quand on est
B Les salles. « Le cinéma africain l'acquisition de salles. Pour pou- ne peut pas se permettre quand on frangais. La différence tient a ce
souffre du manque de salles. A voir programmer un film comme a face a nous un producteur du que, si le Francais réussit son
Douala, il n’existe que deux com- Faat Kiné, de Sembéne Ousmane, Nord qui risque sa peau. Parfois, coup, il trouvera ensuite tous les
plexes ou |’on peut projeter les sur trois mois, voire plus. » les financements ou les aides nous financements qu’il veut et un pro-
films sans récupérer une copie en @ Films « comiques » ? « Le pro- imposent un partenaire frangais. ducteur. »
lambeaux. Pareil a Libreville. bléme ne vient pas que des Pour Le Grand Blanc de Lamba- Recueilli par E. L.

MAT 9001 70
D O'S (Sil
ER

voici trois ans Dominique Wallon,


RENCONTRE / CHEICK OUMAR SISSOKO ancien directeur du CNC, lors d’un
colloque organisé par les Journées
cinématographiques de Carthage.

« Un film ne se resume Trés, c’est-a-dire trop. Sachant que


la taxe sur les entrées en salles est pro-
hibitive (de l’ordre de 35%), la fraude

pas a un probleme sur les recettes est monnaie courante.


Résultat : les fonds d’aide a la pro-
duction, normalement alimentés en

de bailleurs de fonds» partie par cet imp6t, ne fonctionnent


plus qu’au Burkina. Partout ailleurs,
Tanarchie régne. « Au Mali, on a voté
une loi pour imposer une billetterie natio-
@ Cheick Oumar Sissoko est malien. nale, mais ¢a demande une organisation colos-
Parmi ses réalisations : Finzan, sale », releve Cheick Oumar Sissoko.
Guimba, La Genése, Nyamanton,
Battu...
« Quand on voit les derniéres pro-
ductions africaines, on s’apercoit que Ce double abandon (des bailleurs
la technique est mieux maitrisée de fonds du Nord, des Etats du Sud)
qu’avant, mais que les thémes sont se ressent a plusieurs titres sur la pro-
moins forts. L'explication tient a ce duction : la moindre restriction bud-
que les premiers cinéastes africains gétaire, le plus léger dysfonctionne-
étaient des hommes engagés politi- ment prennent immédiatement
quement, dont la volonté était de trai- allure de catastrophe panafricaine.
ter des problémes du Continent. Que la coopération frangaise décide
Aujourd’hui, les réalisateurs choisis- de faire des coupes sombres dans ses
sent des sujets plus légers. budgets (30% d’amputation en
» La jeune génération est mieux 1996), que le Fonds européen de
formée que |’ancienne, elle maitrise développement bloque pour cause
beaucoup mieux la technique. Ce qui de dysfonctionnement interne des
manque a notre cinéma, c’est qu’il dizaines de projets, et c’est toute |,
n'est pas pris en charge par une cri- production africaine qui chancelle
tique qui dise clairement les choses. pour plusieurs années. « erreur, c'est
Il n'y a personne, en Afrique, qui puisse de se dire J’attends d’ avoir bouclé
nous aider, nous montrer les écueils. disant que le scénario était trop vio- @ Cheick Oumar mon plan de financement pour tourner.”
Il faut dire que les cinéastes ne les ont lent. [// les imite] “ C’est terrible, et Sissoko. Jai vu des réalisateurs devenir fous 4 force
pas beaucoup aidés : j'ai le souvenir cet enfant qu’on tue... Ga va heurter d@’attendre !», note la réalisatrice
d’échanges violents entre cinéastes et la conscience du public de notre Monique Phoba.
critiques, les premiers refusant des pays.” [rires] Longtemps, le plus grand
observations tout a fait justes... » Quand le Fonds Sud donne de reproche adressé aux cinéastes afri-
» Il y a aussi trés peu de vrais pro- l'argent (jusqu’a 700 000 francs fran- cains fut celui de faire un cinéma
ducteurs africains, de gens qui sui- ¢ais), il faut le dépenser en France. Et « bouts-de-ficelle ». Mal éclairés, mal
vent réellement les dossiers. Faire un on céde tous les droits commerciaux cadrés, mal joués : longtemps, on cri-
film est un point de vue personnel, non exclusifs. Quand on nous donne tiqua les films du Sud pour leurs
pas un probléme de bailleurs de fonds. 1 million, il est donc tout de suite réin- imperfections techniques. ..« Aujour-
J'ai écrit Guimba dans le style de la vesti dans des circuits francais. C’est hui, les cinéastes africains ont bien appri:
tradition orale africaine. Et quand on ce qu’on appelle les “ points de la legon. Ils répondent aux criteres. Le pro-
m’a dit : “ Ce n'est pas un scénario convergence ” entre la France et les bleéme, c’est qu’il n’y a plus d’envie. 4
classique, il faut le reprendre”, ce pays du Sud. Alors que cet argent ne Vinverse, quand, en 1998, Pierre Yameog
n’était pas une critique de fond, et j’ai devrait pas étre réinjecté dans des a tenté, dans Tourbillons, de décrire le.
refusé. Ce genre de remarque, adres- entreprises du Nord, mais nous aider qu institutionnet Libanais d’ Afrique,je crois qu’on V’a cass:
sée a un réalisateur qui maitrise vrai- a développer nos structures, Gam- un peu trop vite. Un peu comme si on lu
ment son sujet et ses personnages, marth, en Tunisie ou le Centre ciné- reprochait de n’avoir pas choisi son suje
reléve du manque de respect. Une fon- matographique marocain... » dans la liste des themes acceptables... »
dation a refusé d’aider La Genése en Recueilli par E. L. Car la raréfaction des guichets, |
réduction des financements on
DOSSIER

rendu les cinéastes africains plus tri-


butaires que jamais du verdict d’une RENCONTRE / IDRISSA OUEDRAOCGO
poignée de lecteurs de scénarios
(Fonds Sud, ex-Coopération fran-
¢aise, FED, quelques chaines de télé-
vision, encore). Ces derniéres années,
combien de scénarios démontés,
« Si je nal pas de rails
remaniés, triturés ? Combien
sorages ethniques, de personnages
enlevés car « pas assez africains » ? Les
d’es-
de travelling, j utilise
cinéastes n’aiment pas parler de cen-
sure, mais quel autre mot employer
lorsque des producteurs demandent
olan de financement une brouette ! »
4 un cinéaste d’ « étoffer les réles des nour tourner
colons » afin d’obtenir les finance- @ Idrissa Ouedraogo est burbinabé ; Sarrett [NDLR : de Sembéne Ousmane].
ments espérés ? Autre exemple, plus Jai vu des il a réalisé entre autres Yaaba, Tilai, Le résultat est qu’ils maitrisent la forme,
récent, relevé par le réalisateur came- Kini et Adams... mais pas le fond. Aujourd’hui, des
rounais Bassek Ba Kobhio : « Dans usateurs gevenir « Depuis quatre, cing ans, je ne vois cinéastes ou des critiques avec qui je
son prochain long-métrage, Idrissa Oue- plus de choses fortes dans le cinéma peux discuter d'un film pendant toute
draogo veut donner une lecture de l’op- ous a force noir africain. A part peut-étre cette une nuit, il n'y en a pas tant que ¢a.
position africaine, au temps de la colo- année, au Fespaco, Sia le réve du » La crise est due a la logique de
nisation, mais quand tufais lire un projet dre python, ot l'on sent que quelque chose production, que les bailleurs de fonds
comme ¢a a un producteur, il te dit : se passe, entre Dany Kouyaté, le réa- occidentaux veulent transporter en
“ Mais l’Afrique est gaie, il faut un film Monique Phoba lisateur, et son pére [Nor : Sotigui Afrique : ga ne peut pas marcher !
plus léger ”. Et on lui demande de faire Kouyaté, qui tient le réle principal de D’abord parce qu’il y a des sensations,
une sorte d’épopée... » SiaJ. En revanche, on assiste a un des émotions qu’on peut difficilement
Les résultats de cette « politique » renouveau du cinéma marocain. Ce faire passer dans un scénario. C’est le
se sont fait sentir en 1999, lorsque le probléme de Souleymane Cissé, dont
Fespaco a fait sa révolution culturelle les films ont un vrai contenu, mais qui
en couronnant Pieces d’identités, du a du mal a matérialiser ses impressions
Congolais Mwezé Ngangura. On sur du papier. J’ai travaillé avec des
peut y voir moins l’heureuse répa- scénaristes frangais. Mais ce dont j'ai
ration d’un oubli de trente ans besoin, c’est de quelqu’un avec qui je
(jamais une comédie n’avait obtenu puisse discuter, pas d’un scénariste qui
la plus haute récompense du festival), travaille a ma place.
qu’une forme de révolution cultu- » Par ailleurs, en France, aujour-
telle : onze ans plus t6t, en 1988, une d’hui, le financement se résume a
autre comédie, Bal poussiére, n’avait Pierre Chevalier, a Arte, un trés bon
pas obtenu le moindre prix, « sous “ producteur ” mais qui est dans une
orétexte qu’elle était trop légére, se sou- sensibilité unique. Donc si tu veux bou-
vient Bassek Ba Kobhio.A I’époque, if cler ton budget avant de démarrer ton

ii
'e réglement du festival précisait que I’ Eta- film, tu mettras sept, huit, neuf ans
‘on de Yenenga devait récompenser un film pour faire ton film. Aujourd’hui, il faut
qui célebre les valeurs profondes de
ji
s'équiper de petit matériel et travailler
” Afrique. » Et puis brusquement, on sur place. Faire la postproduction d'une
i dit : « Il faut faire des comédies. » Et
out le monde a foncé dans la bréche, i série télé a Paris, ce n’est pas rentable
pour moi. Et je n’ai aucun soutien des
telle du « cinéma rigolo ». chaines. Pour mon prochain film, j’ai
Od va le cinéma africain ? Quels sonné a tous les guichets, on m'a
senres, quels thémes va-t-il explo- @ Idrissa n'est pas seulement une question d'ar- envoyé paitre. Ce n’est pas grave. Si je
er ? « Si la question se pose, dit Sou- Ouedraogo devant gent. Tout un travail de formation a été n’ai pas de grue, ce n’est pas un pro-
eymane Cissé, c'est qu’il n’y a pas plus Vaffiche de réalisé, notamment par les ciné-clubs. bléme. Et si je n’ai pas de rails de tra-
le trois films, cing au maximum par an. «Yaaba ». » Ici, beaucoup de gens viennent a velling, j'utiliserai une brouette ! A force
-e jour on vous commencerez a en voir la réalisation parce que c'est un métier de les attendre, de tenir compte de
ent, vous ne nous parlerez plus de nos prestigieux, mais ces jeunes ont vu trés leurs suggestions, tu finis par perdre
hemes. » La répartie, cinglante, résume peu de films, méme pas les classiques le désir du film, tu finis par écrire n’im-
elle seule, cinquante ans de cinéma du cinéma africain, méme pas Borom porte quoi ! » Recueilli par E. L.
fricain. = EL.

CINEMA / MAT 29001 V1


BOSS IE R

Des films condamnés a étre exportés pour étre vus

m « Yeelen » Cissé en tournage.

Partout saut en Afrique


evant la fagade un peu rounais Jean-Pierre Bekolo, Le Com- Paris...) les salles africaines consa-
miteuse, un peu mitée, plot d’Aristote, variation ironique crent l’essentiel de leur programma-
dun cinéma baptisé autour de l’éternel dilemme des réa- tion aux productions hollywoo-
Africa, sous un néon a lisateurs africains : 4 quoi servent diennes, aux mélos indiens et aux
Pagonie, trois adolescents leurs films s’ils ne sont pas connus — films de kung- fu. Cette situation
échangent leurs points de vue sur les ou si mal — du public local ? tient pour partie au monopole de
films africains. « Du moment qu’ils sont « Qui tient la distribution tient le cinéma l’Afram (African American Films, une
en haillons et qu’ils ne font rien, c’est du africain », écrivait, en 1970, dans la filiale de la Motion Pictures Export
cinéma africain », dit le premier. « Avec foulée de la création de la Fédéra- Association of America), qui a l’ex-
ces films, tu vas pisser, bouffer, et quand tion panafricaine des cinéastes clusivité de la distribution des studios
tu reviens, ils en sont toujours au méme (Fepaci), le critique tunisien Tahar américains dans quatorze pays
point », renchérit le second. Le troi- Cheriaa. Trente ans plus tard, la d'Afrique francophone. D’autant plus
siéme reste coi, mais sa mine renfro- Fepaci est morte — ou peu s’en faut — incontournable qu’elle offre la copie
gnée laisse deviner qu’il n’en pense mais le constat reste valable. Et tan- aux exploitants, pourvu qu’ils lui ver-
pas moins. Les trois personnages s’ap- dis que, partout dans le monde, se sent entre 30% et 40% des recettes,
pellent Bruce Lee, Schwarzenegger multiplient les festivals consacrés aux l’Afram détient 87 % des principaux
et Nikita (!). Ils sont les héros du cinématographies du Sud (New « marchés » de cette zone (Céte
troisiéme long-métrage du Came- York, Milan, Amiens, Montréal, d'Ivoire, Gabon, Sénégal, Burkina).
bNG
Ss Ss) 1

Résultat : sur dix films sélectionnés si le film “ marche ” bien. C’est pour cela
par le Fespaco, neuf ne seront jamais que ma société de production, Kora Films, GROS PLAN
distribués dans des salles d’Afrique. va créer dans cing mois sa propre salle de pro-
Les exceptions existent, mais elles
sont rares.A Dakar, Les Guérisseurs,
Jection. »
Lexception nigériane
de I’Ivoirien Sidiki Bakaba, a battu 35 000 ent ur le Continent @ 650 films sortis légalement en 2000 : le Nigé-
Rambo 4 pendant trois semaines. En pour « Lumumba » ria, colosse démographique du Continent
trois jours, Guimba, de Cheick Parfois, ce sont les distributeurs qui (120 millions d’habitants), est-il en passe de
Oumar Sissoko, a fait 3 400 entrées bloquent les films, et Bassek Ba Kob- devenir le géant africain des images ? Ces films,
4 Bobodioulasso (Burkina). Plus hio se souvient d’avoir dti batailler tournés en vidéo dans les principales langues du
récemment, Buud Yam, du Burkinabé pour obtenir une copie de La Genése pays — ibo, yorouba, haoussa et, le cas échéant,
Gaston Kaboré a enregistré 150 000 pour son festival Ecrans noirs. « Il a en pidgin — connaissent un succés populaire fou-
entrées payantes. Au Cameroun, fallu que Cheick Oumar Sissoko inter- droyant dans le pays, et, au-dela, dans les Etats
40 000 spectateurs, essentiellement vienne pour que nous puissions diffuser voisins (Cameroun, Togo, Bénin, of une salle
des étudiants, ont vu Mobutu, roi du le film. Pour un distributeur francais, Vim- spéciale, a Cotonou, leur est réservée) et parmi
Zaire (soit plus qu’en France).Au portant, c’est la France, pas l'Afrique ! » la diaspora nigériane vivant aux Etats-Unis (3
Sénégal, Sembéne Ousmane a orga- D’une facon générale, il est trés millions de personnes). Tournés en des temps
nisé une tournée de Faat Kiné a tra- difficile d’assurer une distribution records (une semaine, deux au plus), dans des
vers le pays : 400 000 entrées. panafricaine. « Quand vous étes un conditions techniques on ne peut plus précaires
Gabonais au Gabon, un Burkinabé au par des « cinéastes » qui pour la plupart n’avait
Trois « bonnes » salles Burkina, vous n’avez pas de probleme jamais vu une caméra avant leur premier film,
a Bamako pour distribuer votre film », explique la plupart de ces films s’inscrivent dans un ter-
Mais combien d’efforts déployés Bassek Ba Kobhio. Au-dela, la circu- reau culturel spécifiquement nigérian (celui du
pour un résultat plus qu’incertain ? lation des copies est difficile : faute théatre de rue yorouba) métissé d’influences
Chaque sortie est un parcours du de structures de distribution (depuis diverses (telenovelas brésiliennes, films d’hor-
combattant dont la premiére épreuve la disparition, en 1985, du Consor- reur indonésiens...).
est l’état pitoyable de l’immense tium interafricain de distribution C'est au début des années 90, en pleine dicta-
majorité des salles. « Aujourd’hui, il cinématographique), faute, aussi, ture militaire, que la home video nigériane prend
n’y a que trois “ bonnes ” salles a dharmonisation des différents son essor : l'insécurité qui regne dans le pays vide
Bamako, dont le Centre culturel frangais. régimes juridiques et fiscaux des Etats les salles de cinéma et galvanise les ventes de
Pour les autres, il faudrait, chaque fois africains en matiére d’audiovisuel. magnétoscopes (45 millions). En 1992, une pro-
qu’on loue une copie, nettoyer et réviser C4 et la, cependant, des initiatives duction ibo, Living in Bondage (une histoire de
tout le matériel... », explique Cheick se mettent en place. Depuis quatre pacte avec le diable) est le premier d’une longue
Oumar Sissoko. Il faut ensuite ans, l’association Ecrans Nord Sud, lignée de films d’horreur qui trouvent le plus sou-
convaincre les exploitants, souvent sous l’égide de l’ancien directeur du vent leur inspiration dans les « faits divers » rela-
plus que réticents. « Ca n’a pas été CNC Dominique Wallon, tente tés par la presse populaire (enfants transformés
facile, note Monique Phoba, qui a d’améliorer la diffusion des films du en chiens ou en légumes, envoiitements, sacri-
orchestré la sortie de Lumumba au Sud sur le Continent. Lan dernier, fices humains, pratiques vaudous et animistes...).
Bénin. A priori, les exploitants sont contre Lumumba, du Haitien Raoul Peck, Léconomie de la home video est aussi éloignée
les films africains. Ils sont persuadés qu’ils a ainsi été distribué dans sept pays que possible du systéme qui prévaut en Afrique
vont vider leurs salles. » Une fois le film d Afrique (04, fin février, il totalisait francophone (trés dépendant des financements
a l’affiche reste a surveiller... le 35 000 entrées). En Afrique centrale, institutionnels). Elle repose presque uniquement
chiffre des entrées : « Quand le film le Camerounais Bassek Ba Kobhio, sur les épaules de producteurs privés (les « mar-
sort, il faut que le réalisateur soit la pour organise depuis 1995 Ecrans noirs (lire keters ») qui font aussi office de distributeurs et
laccompagner, avec deux personnes pour interview). Initiative que Cheick se chargent de diffuser les cassettes via le trés
vérifier les souches, une troisiéme postée Oumar Sissoko tente d’étendre 4 dynamique réseau des commercants ibo. Dans le
pres de la sortie et une quatrieéme pour l'Afrique de l'Ouest. Reste que, sans méme temps, la production de films celluloid a
contréler les bordereaux », souligne Jean- véritable relais politique, le désir quasiment disparu. Faute d'argent, faute de salles
Pierre Garcia, du festival d’Amiens. —réel- des cinéastes africains de faire (une seule salle de projection en 35 mm a Lagos,
Débordé par la préparation de Battu, circuler leurs images en Afrique capitaledu pays : les autres ont fermé ou été trans-
Cheick Oumar Sissoko n’a pu assu- risque fort de rester lettre morte. A formées en églises). Les rares cinéastes ont baissé
ter une sortie normale a son précé- Ouagadougou, vitrine cinéphilique les bras ou travaillent dans des conditions trés pré-
dent long-métrage, La Genése, alors du Continent, un mois aprés le Fes- caires. Aux yeux des producteurs nigérians, ils pas-
que Finzan avait « tres bien marché : paco, les principaux cinémas de la sent pour des marginaux.
2 raison d’une projection par jour dans ville programmaient Hollow Point, Le E. L.
une seule salle, 2 Bamako, nous avons fait Talentueux M. Ripley, Jugé coupable et... Remerciements a David Hivet (ambassade de
9 600 entrées. Mais il est tres difficile de Taxi 2. France, Lagos) et au réalisateur Ladi Ladebo.
tester plus de trois jours en salles, méme B.L.

CAHIERS DU CINEMA / MAI 2001 83


Autopsie d’un film
UII A tl

LES RIVIERES
POURPRES
URP|
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$ 4. Gaumont
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un DVD de Mathieu Kassovitz ai
Pai tt my ate sal
TELEVISION
@ FINANCE. Les sorica sont dévoyées
@ FESTIVAL. Aux Rencontres
mais restent un pilier du cinéma frangais :
de télévision de Reims, on voit des télé-
enqueéte sur les sociétés de financement
films sur grand écran. Quelques-uns ont
du cinéma et de l’audiovisuel. Page 88
résisté 4 l’épreuve. Page 9%
W REPERAGES (1). Sa mere la pute au
m REPERAGES. Dans Baptiste, Marc
Festival international de films de femmes
Chevrie suit un chasseur savoyard,
a Créteil. Page 90
ancien résistant, sur les traces des
W REPERAGES (2). Ce Vieux Réve qui bouge de auteur, Alain Guiraudie, et enquéte sur la chamois et de son passé. A ne pas rater
au Festival Cété court de Pantin. Portrait production des courts-métrages. Page 92 sur France 3, le 25 juin. Page 98

CINEMA

SOCIAL. RéveiL DU SYNDICALISME AUX EraTs-UNIS, REMINISCENCES MACCARTHYSTES : VOICI


CE QUE REVELE LA MENACE DE GREVE DES ACTEURS ET DES SCENARISTES AMERICAINS.

Pas de printemps pour Hollywood

B Acteurs et actrices membres de la Screen Actors Guild (SAG) manifestent a New York. La gréve pourrait commencer le 30 juin, celle des scénaristes le 1° mai.

u jour ot nous écrivons cinéma, ou SAG) doit quant 4 lui le prochain licenciement de 4 000 chevronnés ont di accepter de
ces lignes, trois semaines expirer le 30 juin, et ce syndicat employés pour couvrir les pertes travailler pour le prix plancher
nous séparent encore du n’entend entamer les négocia- occasionnées par les déboires du prévu par la derniére conven-
1* mai, ot expirera le tions que lorsque la WGA sera groupe sur Internet. La SAG, quant tion). Les producteurs refusent de
contrat unissant la Wri- elle-méme parvenue 4 un accord. a elle, refuse d’ouvrir les négo- publier les chiffres... pour ne pas
ers Guild of America (WGA ou La gréve, dont tous les jour- ciations tant que les producteurs donner corps a l’argumentation
suilde des auteurs, ) 4 la Produ- naux supputent les chances, n’auront pas communiqué les des acteurs.
ers Association (Association des semble d’autant plus probable que informations sur le versement des La SAG et la WGA ne ressem-
sroducteurs), alors que les négo- les producteurs restent absolu- royalties. Selon le syndicat, une blent guére 4 l'idée que nous
‘lations entre les deux parties sont ment sourds aux exigences des période de bénéfices faramineux nous faisons de vrais syndicats.
u point mort depuis le 1* mars. acteurs et des scénaristes. Disney mais mal partagés s’est traduite L’an passé, les acteurs de films
-e contrat de la Screen Actors a annoncé, comme un coup de par un déclin sensible des reve- publicitaires se sont mobilisés sur
3uild (syndicat des acteurs de semonce a I’adresse des syndicats, nus de ses membres (des acteurs les mémes questions écono- »

CAHIERS DU CINEMA / MAI 2001 85


CINEMA

> miques, avec le soutien de leurs Il faut aussi replacer cette gréve ressante audition qu’elle a passée
collégues mieux rétribués (a éventuelle dans son contexte la semaine derniére. Le projet,
quelques exceptions prés dont politique et syndical : l’adminis- décrit comme une fiction dans la
celle, notable, d’Elizabeth Hurley tration Bush vient d’annuler les lignée de Tivin Peaks, supposerait
qui vit sa poitrine grafittée par dispositions destinées 4 protéger que les acteurs improvisent sur
des grévistes sur les affiches de les travailleurs, prises par Clinton un simple canevas fourni par les
Bedazzled).Au plus fort du mou- dans les derniers jours de son producteurs eux-mémes. Ainsi,
vement, l’un de ces cacheton- mandat. D’autre part, alors que tout comme les reality-shows, ou
neurs, qui faisait le piquet de seuls 12% des travailleurs amé- The Blair Witch Project, ont ouvert
gréve devant un McDo (la firme ricains sont affiliés 4 un syndicat, la voie 4 de nouvelles tentatives,
continuait 4 tourner des pubs), on assiste 4 une résurgence du la fiction télé improvisée produira
a comparé sa situation 4 celle des syndicalisme, marquée par l’ac- peut-étre un jour un nouveau
concierges immigrés, qui ont fait, cession de John Sweeney 4 la pré- Mike Leigh.
outre le sujet d’un Ken Loach, la sidence de la grande centrale AFL- Certains sont d’indécrottables
une de la presse locale avec une ClO, jusqu’alors moribonde. Sous cyniques. Lorsque je lui ai
gréve contre les propriétaires de la direction de son nouveau pré- demandé ce que la gréve pour-
gratte-ciel. sident, AFL-CIO a largement sou- rait produire de positif, Joe Dante
tenu Al Gore aux élections de ma répondu : « Un écran vide. Pas
Roosevelt et McCarthy novembre dernier, et il soutien- de suite a Joe Dirt. » Joe Dirt est
La comparaison a fait sourire. dra aussi la SAG et WGA, si celles- une nouvelle comédie qui devrait
Reste que l’histoire des syndicats ci votent la gréve. sortir la semaine prochaine, et qui
d@ Hollywood a toujours reflété raconterait les aventures... d’un
celle des syndicats américains '. Impact sur la production concierge ! Il semblerait qu’Hol-
En 1933, une longue bataille pré- Par bien des aspects, cette résur- lywood soit encore capable de
céda la naissance de ce qui est gence du syndicalisme est cen- trouver de humour et méme de
aujourd’hui la wea. Les syndi- trée en Californie, ot l’on a vu l'héroisme chez les gens qui bos-
cats hollywoodiens parvinrent 4 @ Sally Field dans « Norma Rae » de un afflux massif de travailleurs sent. Enfin, tant qu’ils ne bossent
éviter le lock-out des studios lors Martin Ritt. immigrés, dont certains ame- pas pour Hollywood.
de la crise bancaire.
Aux acteurs, naient dans leurs bagages l’expé- Bill Krohn
réalisateurs et auteurs qui com- rience — acquise au cours de (Tiaduit de V'américain par
mencérent a exiger la création de communiste pour se lancer dans luttes menées dans leurs pays Sylvie Durastanti et Jean Pécheux.)
leurs propres syndicats, les pro- la politique. Par la suite, certains dorigine — qui a permis d’ac-
ducteurs répondirent alors en membres de ce qu’on a appelé les complir de petits miracles poli- 1 - Lire notamment Nancy Lynn Schwartz :
The Hollywood Writers’ War ; Gerald Horne :
créant l’Academy of Motion Pic- « Hollywood Ten » (les Dix tiques, comme le montre lissue Class Struggle in Hollywood, 1930-1950 ; et
ture Arts and Sciences, véritable d’Hollywood) — tels que John de la gréve des concierges d’im- Stephen Greenhouse: « La Warms to
organisation corporatiste, sur Howard Lawson — n’ont donc meuble. Ainsi, le conflit auquel Unions » The New York Times, 9 avril 2001.
laquelle ils tenaient 4 conserver la pas payé que pour leurs convic- font face les nouveaux nababs des
mainmise. tions de gauche, mais aussi pour médias sera le révélateur des rap-
En 1945, les auteurs de gauche avoir joué un grand réle dans la ports de force structurant la nou-
contribuérent 4 soutenir finan-
ciérement la gréve de la Confe-
création de la Screenwriters
Guild, ancétre de la wGa. Ainsi,
velle économie américaine.
Les gréves peuvent changer le
Quel écho ?
rence of Studio Unions (csv), le mouvement qui s’est opposé mode de production du cinéma 1 Comment la presse relatera-
regroupant les syndicalistes radi- Yan dernier a ce qu’un oscar soit et de la télévision. Celle de la csu t-elle la gréve (si elle a lieu) ?
caux qui tentaient alors de com- attribué 4 Elia Kazan (informa- qui, en 1945, avait mobilisé Voila, en soi, une question inté-
battre I’International Alliance of teur de la Commission des acti- ouvriers et décorateurs, langa la ressante. La presse a connu ses
Theatrical Stage Employees vités antiaméricaines) était-il mode du tournage en décor luttes propres, paralléles a
(IATSE) — liée a la pégre et trop orchestré par ces mémes syndi- naturel ; celle des auteurs, en celles qui ont déchiré I’indus-
dévouée aux producteurs — qui cats que l’Academy était censée 1988, poussa le Fox Network trie du cinéma. Mais elle est
prétendait représenter seule les étouffer dans leur berceau — (alors 4 ses débuts) 4 miser sur les souvent détenue par les mémes
employés des studios. L'échec de preuve que toutes ces vieilles his- reality-shows. Cette année, les entreprises qui possédent les
la gréve du CSU sonna le glas du toires nous hantent encore premiers échos du marché inter- studios. Ainsi, pour ne prendre
New Deal 4 Hollywood et langa aujourd’hui. national du film de Milan indi- qu’un exemple, on peut parier
la terreur de la liste noire, une Les enjeux de gréve dans l’usine quent déja que nous serons que le Los Angeles Times
arme antisyndicale dont les stu- a réves sont universels : le cinéma abreuvés d’émissions du genre de accordera aux exigences des
dios se sont déja servi pendant les et la télévision ont tous deux Survivor, qui a fait de grosses auteurs et des acteurs qui sou-
luttes des années 30. vécu une longue période d’ex- audiences en mélangeant pseudo haitent étre intéressés aux
pansion économique, mais, au cinéma-vérité et jeu. Pourtant, en bénéfices générés sur Internet
Reagan et Kazan lieu d’en partager les bénéfices, Europe, les derniéres mesures la méme attention superficielle
Si la SAG a joué un réle déter- le groupe de plus en plus réduit d’audience sur ce genre d’émis- que lors du procés intenté aux
minant dans la défaite du Csu, ce d@hommes qui se trouvent 4 la sions montrent que le marché de groupes de presse par les
fut sous l’impulsion de son futur téte des nouveaux trusts média- la « réalité » serait déja saturé. pigistes soucieux d’obtenir
président, Ronald Reagan, qui tiques tente de réduire les cotits Que proposera-t-on ensuite ? l’équivalent.
a mis a profit la croisade anti- de toutes les facons possibles. Une actrice m’a raconté l’inté-

RL PALUIECDE MI CINEMA
Bo gp
Interview exclusive
Z de Nicole K. S222
Melle A. avec
Emmanuelle B.
ace du
I8Juin S.
a : NX \o
WA
Jack N. en terrasse
Soirée d ‘ouverture
avec Moulin R. Boulevardde la Croisette

Isabelle G.
Séance photo ala terrasse du Martinez
de Ewan Mc G.

Montée des marches


de Catherine D.
‘ojection du dernier :
David L. :

Qui a dit qu'on ne pouvait étre partout a Ia fois ?


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0 > Ze Z
FINANCE. AVEC 5,7> % DE L’ ARGENT INVESTI, > LES SOFICA ONT ETE LA CLE DE 59 FILMS FRANGAIS
EN 2000. CREEES POUR DRAINER DES CAPITAUX PRIVES VERS LE CINEMA, ELLES SONT DEVENUES LE

CHEVAL DE TROIE DES MAJORS. DES CONTRADICTIONS, UNE REFORME QUI TRAINE : ENQUETE.

Faut-il en finir avec les Sofica ?


otre bilan est magni- qu’a récupération de leurs fonds,
« fique », soutenait
Daniel Toscan du
60% de l'ensemble des recettes (et
70% de la premiére diffusion télé),
Plantier dans Libéra- pour un apport inférieur 4 20%
tion au lendemain du budget total. « Deux films
des Césars. Le cinéma francais ne comme ¢a et on met la clé sous la
se serait jamais aussi bien porté : porte ! conclut Martine Marignac.
sa part de marché a atteint 49,5% Et pourtant, par les temps qui cou-
au premier trimestre 2001 (contre rent, c’est un bon montage financier :
25,1% un an plus tot) ; la fré- on a obtenu l’avance sur recettes du
quentation des salles en progres- CNC, une aide du fonds européen
sion de 24% (source CNC). Eurimages, un coproducteur francais,
Attention cependant : selon une coproduction italienne et deux
certains producteurs indépen- SoFICA. Mais c’était un Tosseliani. Pour
dants, il y aurait bien derriére ces les jeunes qui produisent des premiers
beaux chiffres quelque chose de films, est beaucoup plus dur. »
pourri. « Alors que le discours poli-
tique défend la diversité, la concen- Au cceur du systéme
tration actuelle aboutit au contraire Incontournables autant que gour-
a une réduction drastique des guichets mandes dans ce dernier exemple,
de financement qui place les produc- les SOFICA sont au coeur du sys- @ Jacques Rivette avec Sergio Castellito et Jeanne Balibar et sur le tournage de
teurs indépendants dans une position téme de financement du cinéma son dernier film, « Va savoir ».
de faiblesse inquiétante » affirme francais. Elles ne comptent que
Martine Marignac, de Pierre pour 5,7% des investissements, sées 4 des groupes — Studio groupe TF1). Chez Natexis,
Grise Production. mais ont financé 59 films l’an der- Images et Gimages 4 Vivendi- 15 millions, la moitié de l’enve-
Le financement de Lundi nier, a hauteur moyenne de 13% Universal, Sofinergie 4 UGC, et loppe, vont au Pacte des loups, 5,6
matin, le prochain [osseliani, du budget '. Elles furent créées en France Télévision Images comme a Belphégor (deux superproduc-
illustre cet état de dépendance. 1985, quand les distributeurs se son nom l’indique —, qui bénéfi- tions Canal +),et 1 seul dans Cedi
Une semaine avant le début du désengageaient de la production, cient ainsi de préts 4 taux 0 pour est mon corps de Rodolphe Mar-
tournage, le budget était loin pour palier cette fuite de capitaux des productions « maison ». Les coni (Gemini Films).
d’étre bouclé. Sur 25 millions permanents. Fiscalement déduc- deux autres, Cofimages (Caisse Pour éviter que la collecte
nécessaires, seulement 14 avaient tibles, les sommes placées par leurs de dépdts) et Natexis Banques serve exclusivement les films des
été réunis. On comprima le bud- souscripteurs (des personnes pri- Populaires Images sont dites groupes, la loi a imposé aux
get a 21, soit un cotit de fabri- vées 4 hauts revenus) sont inves- « bancaires ». Officiellement SOFICA que 35% (minimum) de
cation total, net des frais généraux, ties dans le cinéma et rembour- « indépendantes », elles sont aussi leurs investissements soient
de 17. Qui risquera les 3 restants ? sées dans des proportions soutenues par des groupes, mais « indépendants ». Cette contrainte
Pierre Grise, sans doute. Sauf que, variables, en fonction du succés au coup par coup. Certains de n’en est pas vraiment une. « Un
mis bout a bout, les couloirs de commercial des films, aprés un leurs investissements (générale- groupe leader doit se préoccuper de la
remboursement exigés par les dif- délai de cing ou huit ans. ment les plus élevés) font l’ob- pérennité de son secteur », affirme
férents partenaires s’élevaient a Initialement 4 la charge de jet d'une option de rachat 4 Sébastien Beffa, dont la soFICA
cette date a plus de 110% des l'actionnaire, le risque est aujour- terme par l’un ou l'autre des gros Gimages (Vivendi) finance essen-
droits du film, laissant moins que hui essentiellement supporté acteurs du marché. tiellement des films indépendants.
rien 4 la société de production par des groupes audiovisuels qui Chez Cofimages, Pierre Che-
pour rentrer dans ses frais. Les se sont associés a des SOFICA au valier admet que 50% des inves- Indépendance
chaines hertziennes ayant refusé début des années 90, éliminant de tissements sont assortis de ce type en souffrance
le projet, deux SOFICA (Sociétés fait celles qui n’avaient pas l’as- de garanties, qui conditionnent Le CNC estime 4 96 millions de
pour le financement de l’indus- sise financiére suffisante pour l’équilibre de la sorica. Pour francs le montant global des
trie cinématographique et audio- garantir au souscripteur une ren- 800 000 F investis dans Va savoir !, investissements « indépendants »
visuelle) sont les principales res- tabilité minimale (de l’ordre de le prochain Rivette, Cofimages (sur un total de 256 millions, lire
ponsables de ce déséquilibre 85%). Quatre des six principales place 10,5 millions dans Le Prince le tableau ci-contre), mais ce chiffre
budgétaire. Elles demandent, jus- SOFICA actives en 2001 sont ados- du Pacifique (produit par ICE 3, est sujet a controverse. Kim

88 CAHIERS DU CINEMA / MAI 2001


Pham, le directeur financier et || ventes a ]’étranger, premier pas-
juridique, soutient d’ailleurs que
« Vindépendance est une notion dyna-
sage télévision, vidéos, passages
télévision ultérieurs). Onze ans
16 soricas, 256 millions de francs investis en 2000
mique » et le CNC refuse de com- apres sa sortie, les comptes de La
muniquer la liste détaillée des Belle Noiseuse chez Pierre Grise
investissements en question. Dans sont encore grevés d’une dette Bella Ciao (1,5) C’est la vie (2) Tosca (1,5)
le cadre des sorica, l’indépen- SOFICA (100 000 F). Largement
dance se définit par une double dénoncé, ce double rdle de ban-
condition : d’une part, l’absence quier (indexation) et de produc-
de lien capitalistique entre le pro- teur (bonus et mandats) s’est ren-
ducteur délégué et le groupe Dimanches d’aoiit (1,5) Le Messie du Bronx (2,5) Le Prince du Pacifique
forcé depuis l'intervention des
(10,5) Little Senegal (1,4) Le Roman de Lulu (3,5) Origine océan (2) Les
d’adossement, d’autre part, un | groupes. Sur tous ces sujets, les Morsures de |’aube (1,5)
maximum de deux mandats SOFICA sont intraitables. « Si on
détenus par le groupe et sa devait nous supprimer le bonus, on
SOFICA. Jean-Luc Douat, chef du arréterait tout de suite », dit Maud

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service du soutien a la produc- Leclerc (Sofinergie). Les succés temps (2,5) Mercredi... ,

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3
tion et a la distribution au CNC, compensent tout juste les échecs, (1,35) Le Rédempteur (1) Va savoir ! (0,8) Reines d'un jour (1,25) C’est la
uffirme qu’au moment ot fut explique-t-elle, et la survie de sa vie (1,75) DJ - Le Défi (7,9) Danny et la grande bleue (2)
accordé I’agrément d’investisse- SOFICA ne tiendrait qu’a un fil.
ment de Studio Images dans Mer- « Selon les années, nous rendons a nos
redi..., coproduction du Studio actionnaires entre 95% et 102% de Dimanches d’aoat (1,5) Quand on sera grands... (1,3) Malus (1,5) Little Senegal
Canal, les mandats vidéo et vente ce qu’ils ont investi, ce qui est peu ren- (0,6) Kurt (1,2) Jamais trop tard (0,7) La Maitresse en maillot de bain (1) Les
i l’étranger n’avaient pas encore table », affirme-t-elle, omettant Morsures de l’aube (2,5) Bella Ciao (0,75) Les Triplettes de Belleville (1,35)
Sté attribués. Le film passait alors l'avantage essentiel de ces place-
pour indépendant, mais rien n’in- ments, la défiscalisation.
Gamer (1,3) Tu ne marcheras jamais seul (0,6) Mercredi... (1)
diquait que les deux mandats
Réforme ? Mademoiselle (1,25) Bella Ciao (0,75) Grégoire Moulin contre I’humanité
nallaient pas atterrir chez (1,3) Va savoir ! (0,8) Le Lait de la tendresse humaine (0,7) La Répétition
Vivendi, déja détenteur du man- Faut-il supprimer cette usine 4 (1,5) Petite misére (0,75) Reines d'un jour (1,25) Conte de I'enfance (1,7)
dat télé via le Studio Canal. Pour | gaz qui procure gratuitement de C’est la vie (1,75) Avec tout mon amour (0,6) Danny et la grande bleue (1)
clarifier la situation, on parle l’argent aux banques et aux
1ujourd’hui de faire remplir aux groupes, élargissant leur mainmise
SOFICA des déclarations sur l"hon- sur le cinéma frangais ? Trois argu- La Confusion des genres (1,5) Les Portes de la gloire (2,5) Karmen Gel (2)
aeur. Au manque de contrdle ments plaident plutét en faveur Felix et Lola (4) Terminus des anges (4,5) Un ours avec un nez rouge (2,25)
Jont a, semble-t-il, fait preuve d'une réforme : alternative aux Le Rédempteur (2) Fais-moi des vacances (2) Tout le monde y pense (3,5)
e CNC s’ajoute un probléme de aides traditionnelles du cinéma Amélie (4) Vajont (1,75) L'Histoire de Betty Fisher (4) L'Autre Monde (1)
1éfinition : les coproductions ne francais, les SOFICA apportent aux L’Emploi du temps (2)
jont pas prises en compte et la producteurs une marge de
iituation des SOFICA « bancaires » manceuvre supplémentaire pour
Le Pacte des loups (15) Belphégor (5,6) Miscka (1) Monsieur beau sexe (3)
st floue. Les conditions d’exer- financer leurs films. Contrai- Ceci est mon corps (1) DJ - Le Défi (4)
rice de leur activité et leurs obli- rement aux aides directes, elles ne
zations envers les indépendants sont pas menacées par Bruxelles.
ont spécifiées dans leur dossier Enfin, en cas de suppression,
Yagrément... mais les termes dif- Bercy n’accorderait pas de crédits
érent d'une SOFICA 4 l’autre et pour les remplacer.
ont tenus secrets ! La réforme des SOFICA s’es-
quisse a peine. Au CNC, on
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« Boulimie »
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évoque des « pistes de travail » :


-e Syndicat des producteurs indé- rehausser le quota « indépen-
»endants dénonce pour sa part la dants », imposer un systéme de
boulimie » des sorica. En plus déclaration sur I’honneur, réflé-
les larges couloirs de rembour- chir a des possibilités de coman-
ements, elles percoivent un
bonus » (de 10% 4 12% des
lroits de diffusion). En outre, les
OFICA « adossées » exigent les
|
dats, réduire les taux d’indexation,
ou encore accorder aux produc-
teurs un droit de préemption sur
les droits de leurs films. Mais il ne Trois-
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nandats ? des films. Enfin, tant s'agira sans doute pas d’une révo- introuvables (3) Gamer (2) Les Morsures de l’aube (3) Mercredi (2,5)
u’elles n’ont pas intégralement Belphégor (12) Un aller simple (4) Cet amour-la (4)
lution : les SOFICA sont en posi-
écupéré leurs fonds, le montant tion de force.
estant da est soumis chaque | Anne Ballylinch
nnée une « indexation » (de | 1 ~ Production cinématographique en 2000, CNC. * SOFICAS créées au cours d’années antérieures. Les montants correspondent
ordre de 8%). La dette des pro- 2 - Droits de commercialiser les films sur
différents supports (salles, vidéos, télévision, soit 4 un retard dans les investissements (la collecte doit 6tre investie dans
ucteurs gonfle au rythme des ventes a ’étranger), les mandats peuvent ser- l'année), soit au réinvestissement des profits réalisés. Source : cnc.
emboursements (sorties sales, vir de garantie pour obtenir des préts.

CAHIERS DU CINEMA / MAI 2001 89


CINEMA

LA FILLE DE SALLE

Lamie américaine
par ELISE FONTENAILLE

es films que je préfére : les éphéméres. Ceux qui pas-


sent un jour, un seul parmi nous, et s’en retournent
dans les limbes, au paradis des images mortes. Un mw «Sa mere la pute », de Brigitte Roiian.
ami de passage qui appelle un matin et s’en va le len-
demain, peut-étre pour toujours:.. Puzzle of a Fallen Down
Child est de ceux-la. II passe a l’Action Christine aujourd’ hui, REPERACGES. LE FEsTIVAL DE FILMS
et ensuite c’est fini. Il reviendra dans dix ans, peut-étre ? Peut-
étre jamais. J’annule un déjeuner prévu de longue date avec DE FEMMES DE CRETEIL RESTE UN GHETTO
une amie ; j’ai rendez-vous avec Faye Dunaway. L’‘Amie améri-
caine. Si rare, si précieuse. FEMINISTE, OU SURNAGE Sa mere, la pute.
Une vingtaine de fidéles attendent déja dans la rue.
C’est étrange, je ne retrouve pas l’ambiance habituelle des
files d’attente cinéphiles — vains bavardages et piétinements

No man’s land
agacés -, il régne ici un silence, un calme particulier. Devant
moi, un vieil érudit lit un recueil de poésie arabe, une édition
bilingue jaunie, d’un peu loin, on dirait une partition, un livre
de priéres. Le cortége s’avance a pas feutrés, sans heurts, flui-
de ; un seul corps articulé, dragon chinois muet.
Dans la salle, l'impression s’accentue. Nous attendons long- as grand-chose 4 retenir allemand aujourd’hui. Hors-com-
temps, nul ne parle, nul ne bouge, sensation d’intense de cette 23° édition du pétition, il fallait s’aventurer sur
recueillement. A ma droite, un couple charmant, d’environ Festival international de le terrain de la télévision pour y
80 ans, blottis l'un contre I’autre. Je scrute la salle : autour de films de femmes de Cré- trouver l’avant-premiére bien sen-
moi des hommes, surtout des hommes, de tous ages, suspen- teil qui continue de s’en- tie du film Sa mere, la pute de Bri-
dus, un peu flous, 6mus — un rendez-vous amoureux. A ma fermer dans sa réputation méri- gitte Roiian. R éalisé dans le cadre
gauche, deux garcons aux cheveux trés courts, arnachés de tée de ghetto féministe et lesbien. des Petites caméras d’ Arte, le film
sacs noirs, vétus de cuir noir (photographes de mode ?), ils ne Au milieu d’une sélection qui se retrace l’enquéte d’une mére
bougent ni ne parlent, leurs visages sont tournés vers l’écran devait d’offrir un panorama du dont la fille est mystérieusement
vide; une attente paisible. cinéma mondial, on retrouvait décédée d’une overdose. Adapté
Dans la salle bleue, ouatée, incurvée : ni musique ni publi- bien entendu les maintenant dun fait divers grec mais judi-
cité ; calme absolu. presque traditionnels films tai- cieusement resitué a Paris, entre
Le film s’ouvre sur le visage défait de Faye Dunaway. wanais et iraniens, sans doute Pigalle et Barbés, Sa mere, la pute
Bouleversante solitude de la femme glacée, frigide, folle- choisis, peu importe leur qualité, s’apparente aux romans de Série
ment belle, terriblement seule, infiniment émouvante, qui se sous seul prétexte qu’ils appar- noire. De son incrustation dans
livre a la caméra sans jamais se donner. Figée pour toujours en tiennent a des pays cinématogra- ces quartiers de la capitale, la pv
hiver, errant le long de ce triste bord de mer. Le photographe phiquement dynamiques. Ce retient un réalisme glauque trés
qui l’écoute, affectueux, en retrait, bien sir, c’est Jerry n’était donc pas vers I’Asie que la réussi sans jamais entrainer le film
Chatzberg. Ses couleurs ont la froideur du noir et blanc, il filme perle rare était 4 espérer, mais plu- vers la pente du reportage. Au
la mode sur le corp lisse de Faye comme si c’était son linceul, tot de l'autre coté du Rhin contraire, Sa mere, la pute insére
la livre 4 un oiseau de proie — son premier shut. On a envie de puisque le film allemand In den a merveille dans un fond natura-
la prendre dans ses bras, de la serrer contre soi, on sait qu’on Tag hinein, déja repéré 4 Rotter- liste des personnages toujours
ne peut pas, elle ne sentirait rien, elle est déja trop loin. dam (cf. Cahiers n° 555), concou- ramenés vers la fiction, le tres
Derniére image : La fallen down child vue de dos, drapée rait bien au-dessus des neuf autres cinéma, raison sans doute suffisante
dans un court manteau noir ; seule a jamais, elle s’éloigne, a longs-métrages de fiction en pour que ce film, un des meilleurs
pas lents vers les dunes, vers son anéantissement. compétition. Maria Speth, de cette série produite par Arte,
A nouveau les lumiéres, toujours ce silence. récompensée a juste titre du ne soit pas cantonné uniquement
Tout le monde se léve en douceur, comme on s’éveille, au grand prix du jury, prouve avec a une diffusion télévisuelle (cet
premier rang, une jeune femme pleure. Sur Faye ? Sur elle ? ce magnifique film d’errance automne) mais bénéficie égale-
Un a un, les spectateurs défilent devant elle, les yeux vagues.m urbaine qu’il y a encore (un peu ? ment d’une sortie en salles.
beaucoup ?) a attendre du cinéma Laure Charcossey

eae Ce ee era re oe eR ra” Pa, B's


arte
Cy Making of du film (45 mn) Vi D E O
Making of du film ...-***"" "++. Commentaire du film par
Commentaire du film par le réalisatoue | *., les réalisateurs
Court-métrag a ka Boning 0 © . DVD Entretien avec le réalisateur
E> Un documentaire sur le réalisateur

Pavel Lounguine
ans ae

= & Bonus

Making 9 of du film
Court métrage inédit :
a“2a
Hanifa, ainsi va l'amour...
Zey---: ie : a :
Commentaire audio par le réalisateur
Un documentaire sur le réalisateur
Clip de Nacien Alamo Des courts-métrages
Des scénes inédites Des scénes inédites
Commentaire du film
par Tony Gatlif
Court-métrage musical: . .
Canta Gitano
STUDIO
CINEMA

REPERAGES. Le coup DE Ce@uR DE Coté


CourT, 10° FESTIVAL DU COURT-METRAGE.

Dans le grand liquide Alain Guiraudie


par SYLVAIN COUMOUL irradie Pantin
"humanisme se faisant rare a notre cyber-époque, le travail e Vieux Réve qui bouge, le ravant retrouver la partie man-
sur la Toile d’un jeune illustrateur de Toulouse, Francois Bous- nouveau film d’Alain quante d’un tableau de famille),
suge alias Occhio, n’en parait que plus précieux. Occhio batit Guiraudie (voir portrait ci- ainsi que le nouveau court de
de courtes animations en Flash et ponctue chacune d’une contre), n’a pas simple- Thierry Jousse, éminent collabo-
« question » comptant moins que la réponse, mais aussi : comp- ment dominé le dernier rateur des Cahiers. Dans Nom de
tant moins que la fagon de |’amener. La Question n° 34 — « Est- festival de Pantin par sa durée code : Sacha, le chanteur-compo-
ce bien le moment d'investir en bord de mer ? » — marque un brusque (50 minutes) mais par la certitude siteur Philippe Katerine a la tache
décrochage en intensité vis-a-vis de la lente montée angoissée qui qu’il procurait au spectateur qu’il ardue de jouer son propre role. Il
la précéde, libére le rire aprés avoir préparé le spectateur a hurler. en retournait avant tout ici du s’en sort avec un détachement et
Question 34, le film, donc, pas la question, explore un uni- cinéma. La majorité des autres une élégance qui frdlent la per-
vers sous-marin stratifié du bleu au noir, seulement traversé, un courts en compétition (du fection. Aprés avoir vu un
assez long temps, de bancs de poissons en ombres chinoises. Sou- 30 mars au 2 avril) semblait, en numéro de strip-tease dans un
dain une méduse translucide, vue quelques instants plus tét et dont revanche, n’avoir comme objec- cabaret de Pigalle, P. K. ne peut
on se dit, avec le recul, qu’elle a été notre guide, réapparait minus- tif ultime que la seule « justesse oublier la troublante Sacha. Il se
cule dans un rectangle qui est l'une des fenétres percées d’un de ton ». met 4 la suivre et tente de la
immeuble en ruines. Comme si d’un monde étagé, nous n’avions séduire. Si le film peine un peu
jusqu’alors exploré qu’un fragment, pour ensuite « dézoomer » et « Nom de code : Sacha » dans ses débuts, trop enserré dans
nous apercevoir que ce que nous prenions pour le cadre n’était que Il faut, cependant, également un réseau complexe de réfé-
l’'alvéole d’une structure infinie ; les vestiges de la vie humaine sur excepter le trés finkielien On est rences, il atteint une réelle grace
terre, engloutie. venu me chercher d’Tlano Navaro, dans sa longue séquence finale
En plus d’apporter sa pierre a la question des déréglements éco- justement récompensé par le Prix quand il laisse ses personnages
logiques futurs, dont I’érosion du littoral n’est que le signe avant- de la presse (une grand-mére exister par eux-mémes, lors d’un
coureur, Occhio file son theme avec une rigueur effrayante. Une juive s'appréte a quitter la Turquie timide et cocasse ballet amoureux
herbe sous-marine aux « bras » écartés évoque les hommes de Pom- avec sa petite-fille mais doit aupa- en chambre. Nul doute qu’en
péi statufiés par la lave. D’un appartement, nous visitons l'ancienne
salle d'eau, avec le pommeau de la douche mangé de végétation,
dans la baignoire une pieuvre. La carcasse d’une voiture garée dans
une « rue » se retrouvera plus tard, miniaturisée, parmi les jouets
d’une chambre d’enfant, comme si l’exploration spatiale indui-
Le nouveau systéme d'aide
sait aussi une remontée vers |’origine de tout. Un ours en peluche,
imitation humaine de la nature, disparait dans le nuage d’encre
a la production de courts-métrages
d’une seiche bien vivace.
La vie n'est qu’un réve. Dans la chaine qui relie sa naissance et @ Cela peut n’arriver qu’au dixitme Mais il a été recalé, ne peut to
sa fin, Occhio exploite la technologie du Flash, faite de séquences film. Jusque-la, le producteur de jours payer personne, et travail
répétitives comparables aux « boucles » de la musique électronique, courts-métrages a galéré, rassem- depuis a désamorcer la suspicic
pour capter un moment de la conscience. Dernier signe de présence blé les bonnes volontés, des jeunes dont il est devenu I'objet.
humaine dans un monde noyé, la pensée se saisit elle-méme, ont accepté de donner temps et tra- La réforme de l’aide a la pr
d’autres boucles viennent jouer leur partition, s’ajoutent ou se sous- vail pour faire un peu de cinéma. duction des courts-métrages a pe
traient, reproduisent a différents formats le cercle premier. Chaque Mais soudain, Patrick Morin, d’Anti- mis en 2000 d’accroitre le mo
image de Question 34 procéde d'une seule image-matrice, présente prod, a pris conscience de |'ingra- tant des aides (8 millions de fran
dans la plus fugace de ses déclinaisons particuliéres en méme temps titude du métier. || avait pourtant supplémentaires). L’aide au pr
que débordant d’infiniment loin le rectangle de |’écran. L'univers cru qu'il pourrait enfin rémunérer gramme visait en outre a rend
se rapporte a cing minutes d’animation et Occhio (ou, au choix : acteurs et techniciens, au moins le systéme plus favorable a la cré
chaque spectateur) y est Dieu (ou, au choix : le Dernier Homme). m symboliquement, que sa société tivité. « L’attribution dépendait
ferait partie des « bons éléves » golit majoritaire d’une commissi
http://occhio.free.fr/ sélectionnés pour la nouvelle aide qui jugeait des scénarios, expliq
au programme d’entreprise du cNc. Morad Kertobi, du cnc. Avec ce
*hilippe Katerine, le réalisateur défait, toujours prét 4 surgir et PORTRAIT. ALAIN GUIRAUDIE RECONCILIE
it trouvé un double pop idéal. s’agiter dans l’arriére-fond d’un
plan. Dans une des plus belles « LE FANTASMAGORIQUE ET LE QUOTIDIEN ».
« Ce Vieux Réve qui bouge » scénes de Ce Vieux Réve qui bouge,
-e véritable coup de coeur de la cour intérieure se couvre ainsi,
antin n’en demeure pas moins 4 impromptu, de parasols mul-

Un tutoyeur
Ce Vieux Réve qui bouge (le film a ticolores. On se dit alors que l’on
ecu le Grand Prix et le Prix du a compris la métaphore essentielle
sublic. I] aurait eu le Prix de la du film (ouvriers-acteurs, usine-
presse 4 'unanimité sans un régle- cinéma). C’est pourtant le

d'utopie
nent interne interdisant les moment que choisit le réalisateur
umuls). Le sujet abordé (une pour en faire basculer le cours.
emaine avant la fermeture d’une Le technicien, affairé sur sa
sine, un jeune technicien arrive machine, avoue son homosexua-
our démonter une machine) lité au contremaitre et cherche
urait pu rebuter. Mais, dés les a le séduire. Ce dernier repousse réte iroquoise et parler
remiéres images, de longs plans- ses avances mais ne peut dissi- trainant du Sud-Ouest,
équences superbement éclairés muler le trouble qu’elles provo- Alain Guiraudie pourrait
ar un soleil rasant, quelque chose quent en lui. Peu aprés, un vieil ressembler 4 un de ces
‘installe qui captive le spectateur ouvrier, qui était d’abord apparu gentils loubards dessinés
u-dela de son attente. Ces grands comme une figure paternelle, par Margerin. Lui préfére citer
angars désaffectés, Guiraudie les tente 4 son tour d’embrasser le Hergé et « ses images mobiles ».
ilme comme les studios déserts jeune homme. Cette irruption A la premiére rencontre revien-
le Cinecitta et les rares ouvriers imprévue du désir et son incon- nent obscurément a l’esprit les
ui hantent encore les lieux res- trdlable propagation achévent de souvenirs de Guiraudie acteur, se
emblent plus 4 d’insouciants perturber toute interprétation mettant en scéne, dés son premier
léves attendant la sortie des univoque. De quel « vieux réve » court-métrage, en adolescent
lasses qu’a de futurs chOmeurs Sagissait-il ? De l’ouvriérisme, du désceuvré guettant un mystérieux
ans perspective d’emploi. Tou- cinéma, de l’homosexualité, des poéte taggeur ou plus tard, dans
ours préts 4 faire une pause, 4 trois ensemble ? Depuis Du soleil Du Soleil pour les gueux,en « ban-
aper le carton ou 4 prendre un pour les gueux, on savait Guirau- dit de cavale » cherchant 4 échap-
erre, ils réorganisent sans cesse die capable de mettre en scéne per au « guerrier de poursuite »
espace de travail pour en faire dinextricables jeux de pistes pour lancé a ses trousses. La créte est
ine plaine de jeu et de discus- personnages légendaires. Avec Ce venue aprés, comme pour contre-
ions — et ceci malgré les inces- Vieux Réve qui bouge, c’est le « réa- balancer la reconnaissance tardive
antes injonctions d’un petit lisme social » lui-méme dont il qui le propulse actuellement sur @ Alain Guiraudie, auteur de « Du
ontremaitre, corps burlesque et orchestre la déroute. Et cette le devant de la scéne. Parrainé par soleil pour les gueux ». A gauche, une
déroute est une victoire. Luc Moullet (cf. « Les licornes du scéne de son court métrage, « Ce Vieux
Patrice Blouin Larzac », les Cahiers, n° 553), Réve qui bouge ».

de la production d’un film, ce qui formances passées (les entreprises d'une élite de producteurs ». Une
est la moindre des choses ». cumulent des points en fonction premiére réforme a permis de les
Laide a la production se décline des sélections et prix en festivals réduire (13 nouveaux entrants sur
aujourd'hui en quatre volets, non et des diffusions), et une part floue 27 lors de la deuxiéme session)
cumulables, aux critéres complé- d'appréciation subjective de la com- et il pourra y en a voir d’autres.
orme, le cnc choisit de faire mentaires : l'aide financiére (attri- mission. Selon Morad Kertobi « le Chez Lazennec Tout Court par
'fiance aux producteurs en leur buée par une commission qui juge cnc a voulu établir une méthode exemple, l'aide au programme per-
‘nant carte blanche sur les choix les scénarios, et a laquelle peut d’analyse précise, sans pour autant met de rémunérer |’ensemble de
itiques. » Les bénéficiaires appré- s'ajouter une aide a la musique ori- en faire un carcan ». Source d'opa- l'équipe sur la base du smic. Un des
it cette reconnaissance. Emma- ginale) ; le « prix de qualité », une cité, cette marge de manceuvre est objectifs était en effet d’amélio-
| Agneret estime que l'aide attri- aide aprés réalisation (« un scéna- ce qui semble le plus géner les pro- rer la rémunération des profes-
@ a sa société Bizibi (280 000 F rio qui aurait été mal jugé peut don- ducteurs. « // faut croire qu’au cnc sionnels du court-métrage défavo-
t Résurrection d’Edouard Deluc) ner un bon film » explique Morad la discrétion n'est pas payante » risés par la réforme des Assedic.
dermettre de produire un film Kertobi) ; l’aide sélective du cosip ' poursuit Patrick Morin, dégu que Les sociétés non retenues ne ris-
n’aurait pas vu le jour sans. Elle pour les films pré-achetés par les son programme ait été refusé sans quent-elles pas d’avoir de plus en
‘ra sans doute a obtenir d’autres chaines de télévision ; et l'aide au la moindre explication. plus de difficultés a recruter des
ncements (télés, régions). Selon programme d'entreprise. Celle-ci Il est sans doute trop tét pour équipes bénévoles ?
rence Farenc (Lazennec Tout est attribuée a l'issue d’un proces- dresser un bilan de la réforme. Au Anne Ballylinch
rt) : « Cette aide permet surtout sus de sélection dual : un classe- CNC, On reconnait que ce baréme 1. Compte de soutien a |’industrie de
lonner au producteur I’initiative ment « objectif » fondé sur les per- comporte « des risques de sclérose programmes audiovisuels.
CINEMA

»célébré cette année 4 Pantin et en apres ») oti se croisent et se mélan-


route pour la Quinzaine des réa- gent animaux légendaires, héros
lisateurs 4 Cannes, Alain Guirau- d'épopée et jeune coiffeuse vivant
TRAVERSES die s’est imposé, en deux moyens au rythme des 35 heures. En
métrages, comme un espoir créant de toutes piéces: une
majeur du cinéma francais sans mythologie régionale, en inven-
rien renier de sa marginalité. tant un folklore, Guiraudie

Chere cuisine Retour sur un parcours atypique.


Retour en Aveyron
empéche le spectateur d’établir
une relation simple entre le réa-
lisateur et son pays natal. « Je ne
Né en Aveyron, d’un pére paysan pense pas faire des films géographi-
parti travailler a l’usine voisine, quement précis. Je me méfie pas mal
par DELPHINE PINEAU Alain Guiraudie associe, dés I’ado- du “ régionalisme régional ”. S’il est
lescence, militantisme politique question de Montpellier dans Du
(au Pc jusqu’en 1995) et engoue- Soleil pour les gueux, c’est plus pour
ous le nourrissez ? Par une étrange figure de rhétorique, par ment artistique. Le premier choc créer un effet de décalage avec le monde
une simplification dont la langue francaise a parfois le cinématographique vient d’une de la fable. »
secret, nourrir, dans le champ lexical de la maternité, ne vision a la télé d’un film de Glau-
signifie pas simplement donner a manger, mais allaiter, ber Rocha, Le Dieu noir et le diable De U'homosexualité
donner le sein. essence méme du premier rapport filial, animal. blond. « Ce que j’aimais, c’est qu’en en milieu ouvrier
Vecteur de |’intimité familiale, la nourriture est au centre de restant tres local, il s’adressait quand Il en va de méme des rapports du
La Chambre du fils de Nanni Moretti. Pour qu'elle naisse, cette inti- méme au monde entier. La, je me suis metteur en scéne avec l’ouvrié-
mité doit faire sa place dans un lieu de passage, un carrefour entre dit si cet homme qui est brésilien peut risme. Dans son dernier film, Ce
plusieurs piéces, un lieu de rencontre au plus prés des choses en faire ¢a, alors peut-étre que moi aussi | Vieux Réve qui bouge, un discret
train de se faire, des plats qui mijotent, dans le laboratoire qui je peux faire quelque chose ». burlesque vient peu a peu per-
fabrique toutes ces essences : la cuisine. Dans cet appartement ou Aprés deux ans en fac d’his- turber l’austérité réaliste du pro-
la cuisine est centrale, la circulation est fluide pour les quatre toire 4 Montpellier, capitale régio- pos. « L’humour est essentiel ne
membres de la famille. Le pére (Nanni Moretti) y accéde depuis nale détestée, et un essai mal- serait-ce que pour marquer un déca-
son cabinet d’analyste en ouvrant des doubles portes qu’il ne referme heureux de vie parisienne (« j’ai lage, une distance. Méme le monde
pas, mais en éteignant la lumiére sur son passage. La mére (Laura tenu six mois »), il revient s’établir ouvrier, j’en viens mais, a part un mois
Morante) et les deux enfants (Jasmine Trinca et Giuseppe Sanfe- a Gaillac ot il tourne ses deux 4 ’usine, qu’est-ce j’en connais vrai-
lice) passent par l'entrée, premiére piéce par laquelle on pénétre premiers courts-métrages. D’une ment ? Je n’y ai pas passé trente ans.
dans l’appartement, et qui dessert d’un cété notamment la chambre « veine assez naturaliste, rohmé- L’humour est aussi un moyen pour
du fils, de l'autre la cuisine. rienne », Les héros sont immortels créer du possible. Dans Ce Vieux
Au centre de la piéce, la table de la cuisine a tout vu. C’est elle (1990) et Tout droit jusqu’au matin Réve qui bouge, il y a des ouvriers en
qui tient le journal intime de la famille puisque c'est la qu’est nour- (1994) forment un premier T-shirts oranges, roses... » Le film
rie l'intimité familiale. La premiére fois qu'est montrée la famille ensemble sur la jeunesse citadine provient d’ailleurs de la combi-
au complet, c’est la, autour d’un plat de lasagnes servi par le pére. provinciale que Guiraudie s’em- naison de deux projets originel-
Quand le fils, Andrea, choisit finalement de dire qu’il est respon- pressera par la suite de contredire. lement distincts. « Depuis long-
sable d’un vol qu'il avait jusqu’alors toujours nié, c’est encore la, «J’en ai eu un peu assez du cinéma temps, je voulais faire quelque chose
s’adressant a sa mére qui prépare un hachis. Srangais qui ne voulait jamais dépas- sur les fermetures d’usines. J’ai failli
Jusqu’a ce dimanche matin ot ils prennent tous ensemble un ser le cadre du “ point de vue per- tourner un documentaire sur les dif-
petit-déjeuner, nourrissant des projets pour la journée, a jamais sonnel ”. J’avais envie de retrouver Sérents plans de réhabilitation d’une
interrompus par un coup de téléphone au moment oi la mére rem- un cinéma porteur de réves ou méme ancienne mine a ciel ouvert. Et, en
plit un bol de lait. La table ne sera pas desservie juste aprés, gar- du genre. Si on fait des films, c’est méme temps, j’avais cette vieille idée
dera quelque temps les reliefs d’un repas comme elle n'en verra aussi pour tutoyer ’utopie. Et puis, de l’homosexualité en milieu
plus. Et c’est ailleurs, au restaurant, que les parents choisiront d’al- bon, j'ai quand méme toujours eu une ouvrier. » (Sur l’homosexualité,
ler pour tenter vainement de se changer les idées, le pére jouant fibre sociale. J’avais envie de montrer Guiraudie insiste : « Il y a aussi en
avec un verre vide, s’occupant maladroitement les mains qu’il ne la France qui perd, la France out ». France des homosexuels pas forcement
posera plus sur les cheveux de son fils. Autour de la table de la cui- | beaux, qui parlent avec l’accent et
sine, on ne s’assied plus désormais que pour décortiquer des noix, Le théatre des Causses qu’on ne voit jamais au cinéma. »)
ou un monticule d’écorces d’oranges que le pére coupe le plus petit Avec La Force des choses en 1997 Au final, Ce Vieux Réve qui
possible. Pour une recette ? Pour rien. et, plus encore, avec Du Soleil pour bouge opére l’insensible glissement
Autant casser la théiére préférée, autrefois pourtant soigneu- les gueux en 2000, il s’attache a d'un sujet a l'autre, en réussissant
sement recollée. Et c’est au tour du plat a gratin d’exploser au « faire se rencontrer les pauvres d’ici a faire de ce double bind le lieu
contact direct de la flamme. De toute fagon personne n’ira mettre et d’ailleurs, le fantasmagorique et méme d’une libération du récit.
les pieds sous la table de la salle 4 manger — aussi garnie et élé- le quotidien ». Sur le grand plateau C’est sans doute ce que Guirau-
gante soit-elle. Mieux vaut encore avaler un morceau de mauvais des Causses, il invente une sorte die appelle avoir une « vision
fromage sur un coin de table de la cuisine. Ou alors partager un de théatre en plein air (« pour moi, | kaléidoscopique des choses », Mul-
paquet de chips en roulant en voiture avec des inconnus trés proches, les fondamentaux du cinéma vien- tiplier les contraintes pour s’en
toute une nuit, pour les accompagner et les déposer, au petit matin nent du thédtre, de la dramaturgie. dégager en beauté.
trés ensoleillé, de l'autre cdté de la frontiére. m= Il y a eu les tragédies grecques, Sha- Entretien réalisé a Paris
kespeare, Brecht et nous, on vient le 9 avril 2001 par Patrice Blouin.
esec.edu/

Ecole supérieure libre d'études cinématographiques


dipléme homologué par Il’Etat

Images/ cinéma/
numerique/ sons/

wwweeseceedu/
21 rue de Citeaux - 75012 Paris
tél.:01 43 42 43 22
fax :01 43 41 95 21
SROcen es on k, ,
TELEVISION

REPERACES. Aux RENCONTRES INTER-

NATIONALES DE TELEVISION DE REIMS, VOIR DES


SERIAL LOVER
TELEFILMS SUR GRAND ECRAN NE RESERVAIT PAS QUE
DES MAUVAISES SURPRISES. . .

La revanche
du papier peint Quarté cathodique
par ERWAN HIGUINEN na beaucoup écrit sur le nouvelle adaptation du roman de
passage des films a la télé- Henry James qui a le bon gout
na longtemps cru que les personnages de sitcom vivaient vision, sur ce qui s’y de ne pas faire de vagues. Filmé
tous dans le méme appartement. Pourvu du confort moyen perd, sur ce qui résiste. et monté sans peur des zappeurs,
propre a la classe moyenne, a peine décoré, prioritairement Crest a lexpérience ce film d’un classicisme télévisuel
fonctionnel, cet intérieur générique semblait se dupliquer a inverse qu’invitent les Rencontres de bon aloi est de ceux qui lais-
volonté, reflet discrétement amélioré du nétre, pour accueillir les internationales de télévision de sent le temps de scruter le visage
jeunes et les vieux, les gros et les maigres, les Noirs et les Blancs, Reims, ot c’est sur grand écran de son interpréte principale (la
tous les semi héros ordinaires de la comédie américaine miniatu- que l’on regarde les téléfilms et jeune Jodhi May). C’est toujours
risée. Ne serait-ce alors qu’un décor anodin, tout juste bon a abri- séries. Par un terrible effet loupe, bon 4 prendre. Mais la vraie
ter les trébuchements, passes d’armes verbales et amourettes les petites fautes de gotit pren- bonne surprise de la compétition
quasi incestueuses desdites créatures de synthése affectueuse ? nent, avec la projection, des pro- est venue de Care, ot: une histoire
A l'origine peut-étre ; aprés, moins ; et aujourd’hui, vraiment pas. portions impardonnables. Ainsi, de pédophilie institutionnalisée
La régle de la (bonne) sitcom est de ne rien laisser a |'abandon de si L’Algérie des chiméres, nouvelle trouve une forme heureusement
ce qui, a l'image, peut donner naissance a une situation comique. saga annoncée sur Arte puis sur aride, délibérément peu aimable.
A la longue, on s’est donc intéressé de plus prés aux fauteuils, aux France 2, est globalement sans Le sujet faisait peur (des effets
placards, aux tableaux qui ornent les murs, aux étagéres. conséquence (un sujet passion- racoleurs, une morale édifiante ?),
La désormais longue histoire de Friends (qui revient ce mois- nant que neutralise une réalisa- le film aussi, mais c’est parce qu’il
ci sur Canal Jimmy) s’organise, dit-on, autour des liaisons tumul- tion d’une prudence mollas- est réussi. Care est signé Antonia
tueuses de ses personnages. N’en croyez rien : celles-ci ne sont sonne), c’est le plan qui lorgne le Bird, réalisatrice de mauvais films
que prétextes. Ce sont les déménagements, rangements et redé- plus vers le cinéma qui passe le (Face, Vorace) qui signe un trés
corations des appartements qui rythment réellement la saga. Arrivée plus mal : celui, parfaitement honnéte téléfilm, ajoutant son
de Rachel chez Monica ; départ puis retour de Joey aux cétés de cadré, de la main d’un enfant nom a l’étrange liste des cinéastes
Chandler ; échange d’appartements entre filles et garcons ; ins- assassiné d’ou coule une goutte médiocres qui font de la bonne
tallation de Chandler avec Monica ; passages de Rachel chez Phoebe, de sang, trop laborieusement télévision, peut-étre parce qu’ils
chez Ross, chez Joey ; venue chez Joey d'une colocataire qui fémi- esthéte et moralement douteux. savent deux ou trois choses (sur
nise la piéce principale... Constamment, on fait et défait les car- Les meilleures fictions télé le cadre, la durée, la direction
tons, on traverse et retraverse le palier, voire la rue dans les moments seraient donc les ceuvres les plus d’acteur) qui joueront toujours
d’intense audace. Mieux : ne s’entendent au final que ceux qui par- honnétement télévisuelles ? C’est en leur faveur.
viennent a élaborer une maniére commune d’occuper l’espace qu’ ils en tout cas l’impression que pro-
partagent. Idem pour Dharma and Greg (sur Téva), o un couple duit la sélection des Rencontres « Deadly Voyage »
aux origines socio-politiques antagonistes (elle est fille de hippies, de Reims, ot se sont croisées et « Poodle Springs »
lui de bourgeois guindés) invente en direct un mode de vie hybride dramatiques scandinaves post- Et les Américains ? A Reims, il
qui, par ricochet, fait de leur logement une maniére de collage pop Dogme (Begravelsen, Norvége, ou étaient d’abord représentés pai
inspiré, en constante redéfinition en-dega méme des discussions Det nya landet, Suéde), fictions bri- Vhommage rendu 4 la chaine
éventuellement animées sur les questions d’aménagement ou d’uti- tanniques fiérement jeunes et
lisation des divers objets du ménage joyeusement expérimental. bourrées de tics tendance (The
Au départ, tous les appartements se ressemblent donc. Ce qui Secret World of Michael Fry, Lock,
importe, c’est comment ils se transforment ensuite, comment un Stock...), téléfilms voulus tire-
objet purement décoratif focalise pour un temps toute |’attention larmes mais qui laissent sec, polars
pour aprés disparaitre et ressurgir beaucoup plus tard. On peut aussi et comédies aux ressorts cassés.
regarder les sitcoms ainsi : en oubliant un peu les personnages pour
observer les meubles, le papier peint, les tapis, et suivre leurs aven- « Le Tour d’écrou »
tures d’une semaine a l'autre. En supporter, priant pour que la et « Care »
chaise, la porte ou le bol choisi se voit enfin accorder la vedette. A ces ceuvres dont seule la natio-
De |’autre cété de |’écran, chez nous, le canapé sourit. II s’est nalité est parfois dépaysante, on
reconnu, lui aussi.— préférera la félicité limace du Tour : nouveli
d@’écou du Britannique Ben Holt,
Vous navez encore
rien vu

par OLIVIER JOYARD

egarder la télé, en parler. Trois mois avant, on avait com-


mencé comme ¢a. Depuis, rien n’avait changé. Notre
déception avalée, on a voulu expérimenter. Deux ou trois
soirs, pour se protéger de la pluie, on a décidé qu’on ne
s'intéresserait plus a l'image. On a méme décrété que la télé
n’était ni de l'image, ni du son, ni méme un objet : un truc sans
rien de remarquable a la surface, de différentiable a |’intérieur. On
a voulu en faire un réceptacle involontaire a idées.
On a observé les couleurs de |’écran s'écraser sur les murs de
notre chambre, et, au prix d’une concentration extréme, remar-
m « Deadly Voyage », de l’Américain John MacKenzie. qué qu’il ne restait, toutes choses bues, qu’une sensation élastique
du temps. On a voulu aller plus loin. Logiquement, on a pensé
cablée HBO, née en 1972 et sur- cler, de ne laisser pendre aucun fil au cinéma. Depuis toujours, on nous a dit que le cinéma, c'est
tout connue pour avoir produit de son récit, tire profit de ’'im- du temps. Lidée allait-elle survivre ? Pouvait-on utiliser deux ou
et/ou diffusé certaines des pression d’enfermement terrifié trois mots inventés en cachette dans les Cahiers, il y a quarante
meilleures séries de la décennie qu’il restitue. Encore meilleur, ans, pour parler contre et avec la télé ? II fallait vérifier.
passée (Dream on, Sex and the City, Poodle Springs, réalisé par Bob Le plus simple était de se soumettre a la durée. D’abord la plus
Les Soprano, OZ) mais invitée avec Rafelson d’aprés Raymond extréme : la rencontre Suisse-France de tennis. Vingt heures dra-
une petite dizaine de téléfilms Chandler et interprété par James matiques, incongrues, émouvantes. Mais |'émotion n'était pas ce
inégaux et souvent abrutis par Caan, présente la vie du détective qu'on cherchait. Les parties a rallonge de Zurich n’avaient fait que
leurs grands sujets. La encore, les Philip Marlowe vieilli, marié et provoquer un décalage dans la grille. Le temps de la télé avait glissé,
meilleurs sont ceux qui ne tien- installé dans une ville pour vieux il était retombé sur ses pieds. Alors, on a essayé la briéveté. Ce fut
nent ni du cinéma du pauvre ni ou il ne peut que repasser sans celle, beuglante, d’un acteur porno jouissant sur les joues d’une
du téléfilm de nouveau riche, cesse par les mémes lieux. jeune immigrée tchéque. On n’a rien senti. Ce temps-la malgré
mais qui jouent de leur nature Modeste, un peu faux mais 4 nous, écoulé a nos dépens, on savait que c’était la grande tristesse
télévisuelle. A commencer par peine, Poodle Springs est, en phase de la vie. On a découvert que c’était aussi celle de la télévision, que
Deadly Voyage de John MacKen- avec son scénario, un modéle de sa certitude de nous contréler venait de la.
zie, histoire (vraie, comme sou- télévision studieuse et amusée. || fallait une autre vue. Venant du cinéma ? Finalement, pas vrai-
vent) de passagers clandestins gha- Reste l’avant-premiére de The ment. Plut6t celle d'un homme de cinéma qui aurait fait un film
néens exécutés par des marins West Wing, série créée par deux a la fois contre le cinéma et contre la télévision, hors de tout. Mais
akrainiens, qui malgré une maitres du genre, John Wells un film quand méme, une tentative de penser en actes. Ca don-
volonté éreintante de tout bou- (Urgences) et Aaron Sorkin (Sports nerait quelque chose.
Night), et qui relate l’activité tré Un vivant qui passe, de Claude Lanzmann, sur Arte, a fait plus
pidante des conseillers du prés que cela. C’est un entretien, non inclus 4 Shoah mais tourné en
dent américain (que joue Martin méme temps, avec un ancien commis suisse de la Croix-Rouge pen-
Sheen) dans un style 4 mi- dant la guerre. De ses visites 4 Auschwitz en 1943, puis a There-
chemin des séries produites aupa- sienstadt, en 1944, |’homme a ramené un récit presque enchan-
ravant par ses deux auteurs.Vu 4 teur, trompé ou voulant |’étre par « /a mise en scéne des Allemands
Reims, le pilote de la série est, avec des acteurs juifs », définie par Lanzmann qui le questionne,
comme souvent, trop program- trente ans aprés, sur ce « trou ». Un plan fixe sur celui qui n’a
matique pour étre éblouissant, pas su étre dans son temps. Un contrechamp ultime sur Lanzmann,
mais plutdt prometteur. La série celui qui sait étre dans le temps. Soixante minutes libérées de la
a été achetée par France 2. On en télévision, du cinéma, de I’Histoire, de l'image. Soixante minutes
§« The West Wing », série de John reparlera donc bientot. transposables hier, aujourd’hui, ailleurs. Vous aviez déja vu ca ? m
Wells (« Urgences ») et Aaron Sorkin. Erwan Higuinen

MAT 2001 of
TELEVISION.

REPERACES. Dans Baptiste, MARC CHEVRIE SUIT UN CHASSEUR SAVOYARD, ANCIEN RESISTANT,
SUR LES TRACES DES CHAMOIS ET DE SON PASSE. UN FILM CHUCHOTE QUI NOUS TROUBLE.

La nuit du chasseur
ans une forét, la caméra autre échelle. Comment peut-
emboite le pas 4 un chas- on étre devant un paysage de
seur qui marche sans faire montagne aprés l’avoir traversé ?
de bruit. Lhomme, Bap- Comment étre transporté de l'un
tiste, demande a celui qui a l’autre point, de |’aventure
l’accompagne et le filme (Marc racontée au premier plan 4 cette
Chevrie) de faire comme lui, méme aventure vécue au fond du
pour ne pas perturber le cours des tableau ? Le film en livre la clé
choses. Au loin, des coups de feu quand il raconte la technique
retentissent. Dans quelle monde pour savoir reconnaitre des cha-
sommes-nous, a quelle époque ? mois dans un paysage de mon-
D’entrée, le trouble est 14. Trouble tagne. On fixe longuement une
du temps (la Résistance, le zone puis on regarde soudain
maquis, pendant la Seconde ailleurs avant de revenir « dans le
Guerre mondiale, racontés cadre », pour voir si quelque
aujourd’hui par celui qui I’a chose a bougé.
vécue) et trouble du lieu car les
paysages de montagne, ceux ot Guetteur de chamois
Baptiste a résisté (la Savoie) et ceux De Baptiste, la caméra de Mare
ou il a été emprisonné (la Slové- Chevrie retient deux enseigne-
nie), finissent par se confondre. ments. Celui du chasseur, formi-
D’entrée, avec cette scéne de dable guetteur de sons (les
chasse en forét, le spectateur est oiseaux qui passent sont recon-
transporté comme Baptiste doit nus au bruit), que Marc Chevrie
l’étre, car, a le voir vivre cette filme comme il chasse. C’est un
chasse au présent, on devine que art de l’écoute, une école du
se déroule en lui le film invisible regard et un éloge de la discré-
dune action déja accomplie (le @ « Baptiste » de Marc Chevrie, ou le contrechamp de « La Grande Illusion ». tion (passer inapercu pour mieux
maquis) dont lui seul a gardé les recevoir ce que l’autre vous
images. Baptiste est ancien parti- l'image qui n’a pas eu le temps aussi gardé la mémoire. Baptiste donne). Et celui du guetteur de
san, un maquisard, dénoncé et d’exister pour lui, au temps du est un beau film sur le monde chamois, histoire de voir si, entre
déporté peu avant la fin de la maquis, et qui revient 1a, grace 4 paysan (voir également Profils pay- les années du maquis et aujour-
guerre. Interné en camp de cette force de suggestion du sans de Raymond Depardon, qui @hui, quelque chose a bougé. Le
concentration, il réussit 4 s’éva- temps que le cinéma permet, dés filme ce monde au-dela du pit- principe du chamois, c’est la vie
der. Pour raconter histoire de qu’il s’attache 4 la durée présente toresque) et sur la fagon dont des de Baptiste et le principe du film.
Baptiste, Marc Chevrie reprend et tangible d’un corps évoluant corps habitent dans un paysage C’est 4 issue de l’intervalle ot
le principe de Shoah de Claude dans un lieu, sans chercher 4 de montagne qui leur est fami- lon s’absente aux choses qu’elles
Lanzmann, sur lequel il avait écrit pénétrer visuellement la citadelle lier. La constante variation viennent a nous parce qu’on y
lorsqu’il était aux Cahiers. Vopé- intérieure de sa mémoire. d’échelle de grandeur entre le revient. Limage premiére
ration est d’une simplicité corps en plan moyen et le pay- manque (Baptiste au temps du
extréme (faire revenir la personne Passeur d'un récit sage en plan d’ensemble devient maquis) mais son corps et sa voix
sur les lieux, la regarder évoluer, Baptiste est un peu le contre- la matiére du film, sa texture nar- tissent la surimpression, fil
Lécouter parler) et d’une grande champ de La Grande Illusion. Ce rative. Comme dans ce moment conducteur qui nous plonge au-
complexité car l’espace de la prise par quoi il est passé (l’évasion, la ot l’on voit Baptiste au premier dela de la traversée des appa-
de vues devient ce temps ouvert ferme ou il a été recueilli) et qu'il plan montrer du doigt dans un rences. Quelque chose reste de ce
ou plusieurs mondes coexistent raconte dans le film, renvoie aussi paysage de montagne le chemin qui s’est passé parce qu’en reve-
soudain, dans la plus grande a un autre temps, déja fixé par le qu il a pris autrefois pour s’éva- nant sur place, sur les lieux du
clarté. A voir ce chasseur mar- cinéma de fiction, pergu dés lors der. Lécart entre le proche et le lieu, l’épaisseur des couches de
chant dans la forét aujourd’hui, comme une anticipation de réa- lointain devient une mise en temps 4 redonné 4 l’existence
parlant a voix basse 4 celui qui le lité. Avec une belle aisance, le film scéne du temps, et la proximité d’un homme son vrai mouve-
filme (il chuchote, parce qu’il ne dialogue avec un temps (le sou- visible de Baptiste le transforme ment.
fait pas semblant de chasser), le venir d’actions passées, vécues par en passeur d’un récit qui a eu lieu Charles Tesson
plan inscrit la trace invisible de Baptiste) dont le cinéma a lui dans une autre époque, et 4 une Baptiste, sur France 3, le 25 juin.
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se substitue au mécanisme actuel d'aide a la réécri-
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| ime
le cinéma frangais. . . ture ; un relais financier au développement de projets,
destiné aux producteurs et doté de moyens supérieurs
@ Le nouveau plan de mesures élaboré par le minis- a ceux de |’ancien soutien sélectif. 21 millions de
tére de la Culture et le cnc, rendu public début avril, francs seront consacrés cette année a cette aide a
a pour objectif de soutenir les deux maillons suppo- l’écriture. Une somme que le CNC promet d’augmen-
sés les plus faibles de |’industrie cinématographique : ter ensuite, pour atteindre 32 millions en 2003.
la distribution et le scénario. Ces décisions s'inspirent
des propositions des rapports remis, ces derniers mois,
par Daniel Godineau et Charles Gassot.
... Qui triomphe en salles
§ Distribution. Sur le plan de la distribution, les mesures @ Fréquentation. Les films francais ont enregistré 49,2%
sont de trois types. Financiéres, grace notamment a des entrées au premier trimestre, selon les estimations
la nouvelle contribution financiére des chaines géné- du cnc, contre 40,2% pour les films américains. L'an @ Jang Sun-woo, réalisateur du
ralistes (issue de la loi du 1* aoGit 2000, qui devrait passé, sur la méme période, les résultats étaient res- film phénoméne Fantasmes sorti
représenter 40 millions de francs par an). Réglemen- pectivement de 25,1% et 60,8%. Cette tendance, due l'an dernier, a achevé le tournage
taires, avec |’élargissement du soutien automatique a aux quelques gros succés que sont Le Placard (Fran- de The Resurrection of the Little
la distribution via la création d’un agrément de dis- cis Veber), Le Pacte des loups (Christophe Gans) et La Match Seller (soit « la
tribution ouvert en particulier aux programmes de Vérité si je mens 2 (Thomas Gillou), profite aussi a des résurrection du petit vendeur
courts-métrages, aux films aidés par le Fonds Sud et ceuvres plus modestes comme Sous /e sable de Fran- d’allumettes ») dans lequel un
aux ceuvres télévisuelles qui sortent et en salles. Le gois Ozon ou Mademoiselle de Philippe Lioret. Avec homme subit la loi d’un jeu
troisiéme aspect est une incitation a la concertation, les bons débuts en salle de La Tour Montparnasse infer- vidéo et qui sera interprété par
avec la création d’une instance réunissant les distri- nale (Charles Nemes), Belphégor (Jean-Paul Salomé) plusieurs vedettes de la
buteurs et les exploitants sous |’égide du cnc, qui pourra et Yamakasi (Ariel Zeitoun), le second trimestre a éga- télévision coréenne. Sortie en
travailler sur le calendrier des sorties de films ou les lement bien commencé pour le cinéma francais. Cette Corée I’été prochain.
conditions de leur programmation. progression est largement a |’origine de la spectacu- @ Claire Denis tourne, depuis
@ Scénario. Sont annoncés : la création d'un bureau laire hausse globale de la fréquentation sur les trois mars, Vendredi soir, d’aprés le
d'accueil au sein du cnc pour informer les scénaristes ; premiers mois de l'année : 58 millions d’entrées, soit livre d’Emmanuéle Bernheim.
25 bourses annuelles du premier scénario (d’un mon- 23,9% de plus que l’an dernier, ce qui constitue tout Cette histoire d'amour entre
tant de 40 000 francs chacune) ; un soutien a |’écri- simplement le meilleur résultat depuis vingt ans. Valérie Lemercier et Vincent
Lindon se déroule dans le Paris
en gréve de I’hiver 1995.
Pathé-Gaumont : | M@C’est a la mi-avril qu’a débuté
a Paris le tournage de Fleurs de
fusion des salles | sang d'Alain Tanner et Myriam
Méziéres, actrice et scénariste de
sous condition plusieurs autres films de Tanner
et, cette fois, coréalisatrice.
@ Concurrence. En guise de réponse Parmi les interprétes : Luis Rego,
a la domination croissante d’ucc, Bruno Todeschini et Fellag.
Pathé et Gaumont annoncaient il @ Outre les habitués Arsinee
y a quelques mois leur décision de Khanjian et Bruce Greenwood,
regrouper leurs circuits de salles Ararat d'’Atom Egoyan aura pour
dans une société commune baptisé acteurs Christopher Plummer,
du 19 au EuroPalaces. La Direction de la Brent Carver et Charles Aznavour.
FZ] seigii concurrence du ministére de l’Eco- Ararat racontera I'histoire d’une
200) nomie s'est penchée sur le projet, équipe de cinéma qui tourne un
auquel elle n’a donné son accord film sur le génocide arménien.
que sous certaines conditions. La § Shallow Hal, |e prochain film
nouvelle entité devra d’abord s’en- de Bobby et Peter Farrelly
gager a offrir une programmation traitera du drame d’un homme
diversifiée. Mais les deux groupes (le comique Jack Black) qui,
devront surtout se séparer de plu- suite a un sort, ne distingue que
sieurs complexes dans les agglo- la beauté intérieure des femmes.
mérations oui ils sont tous deux trés Puis le sort est levé, et il réalise
présents, notamment Nantes et que son amoureuse (Gwyneth
Saint-Etienne. Cette décision inter- Paltrow) est obése... Autres
vient alors que Pathé s'intéresse de projets des deux fréres : un film
prés aux salles frangaises du groupe sur les trois Stooges et Nothing
australien Village Roadshow, qui sou- up My Sleeve, centré sur un
haite les céder. Des salles qui rejoin- magicien raté que devrait
draient EuroPalaces, le nouveau interpréter le grand Jerry Lewis et
mastodonte de la distribution. qu’ils se contenteront de produire.

aa.
BUEYRE BENZYL NAKY NAAR EE BUEULD EVA NEIL QUEUE

La Petite anthologie des Cahiers du cinéma (a suivre)

Nouveauté auteurs

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¥ Git dee VAmérique > Vive le cinéma francais!


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‘oberto Rossellini :
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PHOTOS MICHEL CHASSAT

Le 31 mars, ouverture du festival des « Cahiers » a L’Arlequin. @ Arnaud Desplechin.

i.nS LE 31 MARS, LE REALISATEUR PORTUGAIS COMMENTAIT LE FILM DE DREYER

Eloge de « Gertrud »
par MANOEL DE OLIVEIRA

e premier film de Dreyer | a dépassé cette attitude, et vous entend, et cette économie a un
que jai vu a été La Passion voyez ce que cela a apporté. On effet sur le spectateur. On voit les
Comment dire la joie d’avoir de Jeanne d’Arc, qui a fait a compris que la parole ne coupe cloches 4 la fin, c’est un dernier
organisé un festival, quinze scandale parce qu’il n’était pas l'image, que l’image n’a pas Adieu parce que Gertrud meurt
jours durant, en présence de constitué que de gros besoin d’étre seule. Avec la au monde, il n’y a pas d’horloge
plus de 7 000 personnes et de plans. Sur le tournage, Dreyer musique, avec le son, ce sont des mais il y a le Temps, c’est la fin
plusieurs dizaines de cinéastes avait demandé que soient creusés éléments qui favorisent l'économie d'un temps.
et acteurs amis des Cahiers ? des trous, pour mettre la caméra_ | d’expression cinématographique. Le cinéma muet est vraiment
Comment dire le plaisir d’avoir trés bas et filmer en contre-plon- Aux débuts du parlant, Pou- onirique. Quand on réve, on peut
recu un soir d’avril plus de gée. Il a fait construire un grand dovkine |’a bien montré. Il a voir avec les yeux fermés. Le
1 000 invités sur la terrasse de décor qui n’apparait pas dans le donné un exemple : un homme cinéma muet fait la méme chose.
La Samaritaine ? Mieux qu’un film. Ses producteurs étaient irri- dit au revoir a son amie qui prend Il n’y a pas de son,il n’y a pas de
compte-rendu exhaustif des tés qu’il leur ait fait dépenser tant le train. Dans le muet, dit-il, il fau- paroles, comme dans un réve. Il
débats qui chaque soir ont eu d'argent pour tourner des gros drait montrer le sifflet, la vapeur n’y a pas non plus de couleur...
lieu 4 LArlequin, nous avons plans de visages ! Léquipe du film qui sort des roues, les roues qui Et la couleur, la parole, le son,
choisi cet extrait de la se moquait de lui a cause des patinent avant de tourner, et enfin donnent une réalité et rappro-
magistrale legon de cinéma trous, au lieu de parler de Dreyer le train qui s’anime. Avec le chent le cinéma de la vie.
donnée par Manoel de Oliveira ils parlaient de gruyére... Il y a cinéma sonore, on peut rester Je ne peux pas parler 4 la place
avant la projection de Gertrud des choses drdles dans le cinéma ! entre la fenétre oi est la femme de Dreyer, les vraies réponses sur
de Carl Th. Dreyer.A tous ceux Jai vu d’autres de ses films qui s’en va, et le quai ot Gertrud, lui seul peut les donner,
qui souhaitent retrouver les ensuite, comme Dies Irae, mais VPhomme, debout, dit adieu. Le mais il n’est pas 1a pour le
discussions parfois animées qui celui que je préfére, que je trouve sifflet, la vapeur, les roues qui pati- moment...Je peux essayer d’in-
ont eu lieu 4 l’Arlequin, nous excellent, c’est Gertrud. nent puis se mettent en marche, terpréter. A mon avis, s'il a
donnons rendez-vous Dreyer a pressenti le cinéma on les entend. Il y a une intensité demandé a ses acteurs de regar-
prochainement, en ligne, sur futur car il a eu la force de filmer dramatique énorme 4 la scéne. der face 4 eux alors que, pourtant,
cahiersducinema.com. Quant la parole. Avant lui, on n’osait pas, Cest une richesse que le cinéma ils se parlaient, c’était pour dire
aux films, grace au on disait que la parole, c’était du sonore parlé apporte, et c’est le quils ne se comprenaient pas. Il
Groupement des salles de théatre. Le cinéma devait mon- cinéma d’aujourd’hui. Dreyer I’a y a incommunicabilité ; chacun,
recherche, ils tourneront en trer le mouvement et ce qu’on bien compris. Dans Gertrud, on dans le film, parle par soi-méme
province a partir de septembre. voyait, mais pas la parole. Dreyer ne voit jamais les horloges, on les et de soi-méme. Le mari a le désir
AIT REVIVRE CINQUANTE ANS D’ HISTOIRE DU CINEMA

Jane Birkin, Franck Nouchi, Jacques Rozier, Elsa Zylberstein. @ Isabelle Huppert.

Je sa femme et il la regarde, sou- car ce qui y était caché, parfois goisse. Elle témoigne de ce que pas. A son premier amour, le
vent s’adresse a elle directement. méme 4 l’écrivain, se dévoile. Un si Dieu nous parle, on reste tou- poéte, elle s’est donnée complé-
Elle a compris qu’ils ne peuvent écrivain (ou un cinéaste) travaille jours dans le doute. Les grands tement. I] a griffonné ce mot sur
s communiquer. C’est une de maniére intuitive, incons- saints sont parvenus 4 la croyance son portrait, qui dit que le travail
acon étrange, quand méme jolie ciente, il ne connait pas tout de en traversant I’énorme souffrance de !homme est l’ennemi de
Je interpreter, et c’est la mienne. ce qu'il fait. du doute. Le doute est quelque l'amour de la femme. Uhomme
Je ne sais pas bien si Dreyer Je pense que le personnage de chose de terrible. C’est bien a préféré son travail 4 cette
voulait cela ou autre chose. Un Gertrud se confond avec le réa- montré quand le mari de Ger- femme. Alors, il ne faut pas
ilm n’est pas terminé avant que lisateur Dreyer. Elle a tout raté trud lui demande si elle a déja eu confondre la dignité avec I’or-
es spectateurs le complétent par dans la vie. Elle a commencé en des relations avec son amant. C’est gueil. C’est ce que fait son amant,
eur interprétation. C’est pour croyante, elle est devenue scep- pire pour lui de se maintenir dans qui dit 4 Gertrud : « Tu es trés
‘ela qu’un vieux livre est plus tique. Quand son amant lui le doute que de savoir qu’elle I’a orgueilleuse », mais ce qu’elle veut,
iche aujourd’hui qu'il ne I’était demande si elle croit en Dieu, trompé. II n’y a pas d’ironie dans c’est se maintenir dans la dignité.
iu moment de sa sortie, quand sa réponse, pour moi, est celle de ce propos. Elle ne se donne plus a lui parce
yersonne, ou peu de monde, le Dreyer. Elle dit : « Et toi, tu y Peut-on dire que Gertrud est qu’il ne l’aime pas. Elle l’aime,
‘omprenait. Aprés des années, le qois ? » Ce n’est pas une réponse égoiste ? Demande-t-elle trop il ne l’aime pas, alors elle a raison
ivre gagne une force énorme, ironique mais une réponse d’an- sans rien renvoyer ? Je ne crois de chercher une autre voie. (...)
Jadmire beaucoup Dreyer.Je
ne sais pas s'il a exercé sur moi
une influence.Je crois étre plus
proche de Bunuel, qui est [bé-
rique comme moi. Le Nord, c’est
autre chose, c’est un autre esprit,
mais j'admire Dreyer par sa
recherche de la profondeur, de ce
qui est inaccessible 4 ’homme, de
ce a quoi il nous manque la
réponse. Pourquoi nous vivons,
pourquoi la mort. Les chrétiens
et d’autres ont peut-étre des
réponses. On laisse des livres pour
¢a, non ? Mais vivre est un acte
trés fort d’humilité. On s’arrange
avec le plaisir, avec la douleur, et
on supporte tout jusqu’au der-
nier jour sans savoir pourquoi.Je
vous remercie d’étre venu ce soir
pour Dreyer. S’il nous voit 1a-
haut, il doit étre content qu’au-
tant de monde ait vu son magni-
Manoel de Oliveira. fique film... =
CAHIER
SORTIES EN SALLES

m Mars

CRITIQUE]
La Tour Montparnasse infernale (C. Nemes) ....123

Avril
Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain
(Jean-Pierre Jeunet)
Boesman et Lena (John Berry)
Belphégor (Jean-Paul Salomé) ...
Les Visiteurs en Amérique (Jean-Marie Poiré)
Little Senegal (Rachid Bouchareb) ‘i
Le Roman de Lulu (Pierre-Olivier Scotto) .......
15 aotit (Patrick Alessandrin)
Quand on sera grand (Renaud Cohen) .
La Défense Lougine (Marleen Gorris)
Un amour infini (Don Roos)
Le Couvent (Mike Mendez)
Profils paysans : approche
Le Royaume des rapiats (Michel Vignaud) de RayMonD DEPARDON
Nouvel ordre mondial (Philippe Diaz) ...
Liam (Stephen Frears)
Mon pére (José Giovanni)

Campagnes
Beijing Bicycle (Wang Xiaoshuai)
L’Tlle (Kim Ki-duk)
Du cété des filles (Frangoise Decaux) .
Le Mexicain (Gore Verbinski) .....

interieures
m2 mai
Mundo Grua (Pablo Trapero) ...
Sur la trace du serpent (Lee Myung-Se) 110
L’Origine du monde (jéréme Enrico)
La sociologie est un sport de combat (Pierre
Rolling (Peter Entel)
Bétes de scéne (Christopher Guest) .
Entre deux mondes (Fabio Conversi) ...........+++ 118
Virilité (Ronan Girre) par JEAN-SEBASTIEN CHAUVIN
Les Chemins de la dignité (George Tillman)
SMITE SEAR PWM) cece eevee stress tose taceuesmetciese 122
Le Soleil au-dessus des nuages (Eric Le Roch) 123
Manipulations (Rod Lurie) ....
remier chapitre de trois partage de l’intimité (méme si, par ailleurs,
American Girls (Peyton Reed)
films consacrés au monde Yutilisation du patois occitan permet a ces
‘ - | rural, Profils paysans : ’ap- paysans, quand ils le veulent, de se préser-
m9 mai ; proche nous améne dans les ver devant le film). Depardon y est vérita-
Profils paysans (Raymond Depardon) ci-contre
régions de la Lozére, blement un visiteur, invité 4 la table d’héte,
Coup de peigne (Paddy Breathnach) ...........+.++: 116 vet Haute-Saéne, Ardéche et avec ce rien de froideur si caractéristique
Le Masque de l’araignée (Lee Tamahori) .......... 120 Haute-Loire, dans ce monde paysan que de son cinéma, toujours peu « actif » mais
Inter-View et Flora (Jessica Hausner) . Depardon connait bien pour avoir lui- infiniment plus proche. Surtout, la disposi-
Sept jours a vivre (Sebastian Nieman) méme passé son enfance dans une ferme de tion des corps n’est pas exactement la
Chevauchée avec le diable (Ang Lee) la vallée de la Saone. Frappe ce parti pris de méme.
ne filmer qu’en intérieurs, 4 l'exception de Dans Délits flagrants, le bureau séparant
all mai deux séquences importantes. D’emblée, le juge du prévenu constituait une barriére,
Apocalypse Now (Francis Ford Coppola) .....40 Depardon refuse tout pittoresque, toute une frontiére infranchissable dont la
contemplation touristique de ces paysages fameuse main tendue sans réponse n’était
16 mai de montagne, réduisant hameaux et villages que le symptéme le plus saillant. Ici la table
Eloge de l’amour (Jean-Luc Godard) ...........38 a des plans de panneaux, pour se concen- n’est plus une séparation mais une ligne
La Chambre du fils (Nanni Moretti) .......... 24 trer sur la parole quotidienne de ces pay- horizontale qui relie et réunit. Chacun se
Roberto Succo (Cédric Kahn) sans et l’observation de la vie sociale qui se fait face, dans un rapport de parfaite symé-
joue dans ces cuisines sans confort. trie (certaines femmes mariées ont cepen-
Insomnies (Michael Walker) ....
On retrouve, dans Profils Paysans, ces plans dant un statut particulier, hors du cadre ou
fixes latéraux sur des personnes discutant en fond de l’image, muettes), mais légé-
w 23 mai derriére une table, qui faisait la particularité rement de trois quarts, hésitant souvent
Kaiiro (Kiyoshi Kurosawa) ......ccscessecssseseneeeees 108
de Délits flagrants, cette maniére d’ effectuer entre le face-a-face et le regard 4 la caméra
Carrément a l’ouest (Jacques Doillon) ............. 116 une coupe, comme en géologie. Mais si dans jamais complétement oubliée par ces pay-
The Anniversary Party (J.J. Leigh et A. Cumming)! 13 Délits flagrants, Depardon gardait une dis- sans qui de temps a autre y jettent un ceil,
Eclipse de lune (Wang Quan An) ...2..0ee-se0000 117 tance clinique, quelque chose ici tient du comme pour montrer qu’ils ne sont jamais
On retrouve, dans « Profils paysans », ces plans
fixes latéraux sur des personnes discutant 2 une
table : comme dans « Délits flagrants »,
Depardon montre une réalité vue « en coupe ».

véritablement dupes, mais, bien plus encore, dehors pour y inscrire une « scéne ») la du partage, elle est aussi le repaire de |’in-
comme s’ils regardaient le troisiéme terme négociation continue, alors que l’acheteur time, comme en atteste une scéne a priori
d'une discussion, la table de cuisine étant est dans sa voiture, prét 4 partir, aucun des dénuée d’enjeux dramatiques mais qui, par
le lieu d’un échange, non plus un lieu de deux ne voulant céder. Lorsque plus tard sa force documentaire, fera date. Depardon
hiérarchie. lun d’eux accepte le prix de l’autre, ils y filme Paul Argaud, célibataire, le matin
Mais Depardon ne systématise pas ce retournent autour de la table pour enté- devant son petit déjeuner. La caméra est face
dispositif frontal : il est parfois physique- riner la fin de l’accord, afin aussi de se a lui tandis qu’il trempe sa tartine dans un
ment hors de la discussion, un peu 4 l’écart, retrouver autour d’un pastis, comme deux bol. La scéne dure, et cela en devient presque
comme dans cette scéne de négociation amis qui se connaissent et s’apprécient (a génant tant on a le sentiment d’accéder 4
acharnée oi il filme légérement de biais, la ce moment, Depardon aura resserré son Yintimité de ces gestes dont on sent bien
scéne se jouant véritablement entre l’ache- cadre, soulignant un rapprochement entre qu’ils ont di, année aprés année, étre répé-
teur et le marchand. On voit bien com- les deux hommes, mais également une tés, tellement peaufinés qu’aujourd’hui ils
ment la table de cuisine joue ici un réle facon, pour lui, de s’inviter de nouveau 4 semblent dire beaucoup sur "homme qui
central. Lacheteur, n’arrivant pas A la table dans cette atmosphére déliée). Dans les effectue. Dans le silence du matin, I’as-
convaincre le vendeur de baisser le prix, ne ces intérieurs sans appréts, la cuisine, et plus piration du café, du pain imbibé qui mol-
cesse d’y revenir : il se léve de table ; particuliérement sa table, est ce lieu de lit, la téte qui penche légérement 4 chaque
*éloigne un peu, puis revient ; on veut lui convivialité ot l'on mange, négocie, traite bouchée, le regard de l"homme évitant la
tesservir un verre, il refuse ; sort un chéque, les affaires administratives et sanitaires, caméra pour se diriger sur le cété, tout
se rassoit, signe le chéque, le tend ; l’autre bavarde, tout cela indifféremment. En contribue 4 cette impression. La caméra
*en veut pas; puis tous deux se lévent sans concentrant le film sur ce point de la toile filme ces actes qui n’appartiennent qu’a lui,
avoir conclu le marché, signifiant la fin de paysanne, Depardon ne fait qu’en souligner manifestement non partagés puisqu’il est
a négociation, avant de sortir du cadre puis limportance, de méme qu’en réduisant la célibataire, semblant s’effectuer jour aprés
Je la piéce. Mais de maniére presque piéce a son centre (la table), il en préléve jour dans la solitude de cette cuisine. Depar-
comique (justement parce qu’elle ne s’ef- Vessence, indiquant ce vers quoi toutes les don, au début de la séquence, avait d’ailleurs
fectue plus autour de la table, mais aussi énergies convergent. souligné le caractére intime du lieu, nous
darce que, pour la premiére fois, le film sort Mais la cuisine n’est pas seulement le lieu apprenant, en voix-off, qu’il connait>
CA HIER CRITIQUE

> homme depuis dix ans, mais que c’est la Succo, du haut de sa prison dans
premiére fois que celui-ci l’invite 4 péné- une séquence semi-burlesque.
trer dans sa cuisine, tous deux conversant
d’ordinaire sur le pas de la porte. Ce que
Raymond Depardon partage 4 cet instant,
c’est précisément une intimité 4 laquelle
seul le paysan avait jusque-Ia accés. Mais
partager est peut-étre trop fort : le cinéaste
n’aura jamais été aussi proche du paysan, sa
caméra étant invitée 4 la table, face a lui, enre-
gistrant des choses que peu ont vues, mais,
par sa fixité, son silence (et par conséquent,
lamplification des sons du petit déjeuner
produits par homme), il ajoute une dis-
tance faisant que l’homme se trouvant en
face de lui reste seul. Mais c’est la condi-
tion méme de sa vérité, et plus générale-
ment de la vérité documentaire.
La solitude est une dimension impor-
tante de la vie dans ces campagnes (mais le
‘© JEAN-CLAUDE LOTHER

film reste discret 1a-dessus), nombre de


veufs, veuves, célibataires endurci(e)s sem-
blant y vivre, Profils paysans révélant de pro-
fonds traumatismes au détour d’un enter-
rement, celui de Louis Brés, qui clot ce
premier chapitre. Avec cette scéne d’une Roberto Succo de Ckpric KAHN
émotion intense, le film semble s’échapper

Hors sang
de cette accumulation de tables, de préoc-
cupations terrestres, d’intérieurs sombres,
pauvres et fonctionnels pour aller vers la
lumiére du printemps, herbe verte, le ciel
bleu étincelant. Il y a 1a comme une évi-
dence paisible de la nature qui contraste
avec la pénibilité de la vie humaine, par ERWAN HIGUINEN
contraste renforcé par le discours du prétre
sur la relation de Dieu avec les hommes,
sur ce qu’ils nous apprend de la vie de oberto Succo : né en Ita- croisé 4 un moment ou un autre de sa cavale
Louis Brés (la mort de sa mére et de sa lie a l’aube des années 60, meurtriére, donc aux antipodes d’une
sceur durant son enfance), alors que le il assassina ses parents en approche psychologique traditionnelle.
vocabulaire employé (« nous nous souvien- 1981, fut interné en hépi- Autour de la figure de Roberto Succo s’or-
drons de ses brilures, de tous ces noeuds qu’il tal psychiatrique, s’évada, ganise alors un ballet déstabilisant de
n’a jamais pu délier ») est cru et sans fard. se livra 4 de nombreux séquences rigoureusement disjointes. C’est
Que Depardon termine son film sur cette meurtres et agressions en France, puis en entre elles, dans le gouffre qui les sépare, que
phrase du prétre, « nous nous souviendrons de Suisse, jusqu’a son arrestation en 1988. Voila Pair circule. Peu a peu, l'image prendra peut-
son travail », n’est qu’une facon de poin- pour les faits qui ont inspiré Cédric Kahn, étre forme.
ter ce qui, le film durant, aura plané comme aprés Bernard-Marie Koltés (qui revisita La premiére fois que l’on voit Roberto
une ombre au-dessus de ces paroles de pay- cette histoire devenue mythe dans sa piéce Succo, c’est un Anglais prénommeé Kurt qui
sans autour d’une table de cuisine : le dur Roberto Zucco). Des faits que le film ne pré- séduit une lycéenne (Isild Le Besco). Peu
travail de la terre. m sente pas de maniére directe et exhaustive importe que son accent italien ne trompe
mais dont ne sont restitués que des frag- personne, qu’il paraisse bien plus que les
PROFILS PAYSANS : LAPPROCHE ments. Si le titre est le nom du personnage, 19 ans qu’il se donne. La fiction qu’il pré-
France, 2001 ce n’est pourtant pas son film, sa trajectoire sente aux autres personnages n’a 4 la limite
Réalisation : Raymond Depardon ne guide pas la mise en scéne. Mais,si l’on pas besoin d’étre crédible, il lui suffit d’exis-
Distribution : Les familles Brés, Privat, Rouviere, y croise des gendarmes, si celui qu’inter- ter comme une promesse a laquelle ils peu-
Jean-Francois Pantel, Nathalie Deleuze préte Patrick Dell’Isola revient souvent au vent choisir de croire simplement parce
Image : Raymond Depardon premier plan, Roberto Succo n’est pas non qu’elle se présente au bon moment, celui
Montage : Roger Ikhlef plus une enquéte policiére. Du moins pas ou l’ennui menace. C’est une promesse que
Son: Claudine Nougaret comme on I’entend généralement. Multi- quelque chose va se passer. Et qu’advient-
Production : Canal+/Palmeraie et Désert pliant les points de vue avec force ellipses il alors ? Une amourette qui se prolonge en
Distribution : Gemaci/Télé Images International et actes occultés, Cédric Kahn travaille en pointillés les vacances terminées. Kurt
Durée : 1h30 fait 4 cerner son personnage. Mais au sens revient souvent voir Léa, toujours dans une
Ala télévision: _ sur Canal+ les 2 et 3 mai ot il s’agit de l’encercler méthodiquement voiture différente, elle découvrira qu’il est
En salles : le 9 mai en accumulant les visions de ceux qui l’ont italien. Parallélement, des cambriolages, enlé-
CAHIER CRITIGQUWE

Roberto Succo OB£1T A UNE REGLE TRES STRICTE : SEULES SONT =


<

EXPERIMENTAL
MONTREES LES SEQUENCES AUXQUELLES QUELQU’UN A SURVECU.
mas
ren
ET LE FILM ADOPTE ALORS LE POINT DE VUE DE CE TEMOIN.
=ie
oT
vements, meurtres tracassent les gendarmes. spectaculaire. Plus tét, c’est par hasard que, ie
x<
Est-ce l’ceuvre de Succo ? Evidemment, on sur un parking, l’un des enquéteurs a fr
n’en doute jamais. Et pourtant, rien ne le retrouvé la voiture de Succo. Lorsque ce
dit tant ces crimes hors champ paraissent dernier prend une institutrice suisse en otage al

PARIS
relever d’un autre espace-temps, qui laisse
des traces dans celui des gendarmes, mais
dans sa voiture, la séquence — dans laquelle
ce sont les gestes qui impressionnent (armé, _" <(om
pas dans celui de Léa. La nervosité mytho- Succo est collé contre elle) — s’achéve sans ELOGE DU CINEMA Va)

EDITIONS
mane de Roberto Succo, acteur d’un pur explosion, en deca des attentes du specta- a
présent perpétuel, est comme la bande- teur habitué aux films policiers américains
EXPERIMENTAL
°
annonce d’atrocités dont Cédric Kahn a et a leurs émules francais. =
décidé de nous priver. On les pressent, et Ainsi va le film, admirablement mesuré =)
elles appartiennent déja au passé. On le et pourtant d’une construction magistrale- Lu

2
constate avec une déception horrifiée. ment éclatée-rassemblée qui lui donne de
Si Roberto Succo est un film radical, c’est Pampleur, aux pistes narratives volontiers Dominique Noguez
ainsi d’abord en raison de ce que Cédric
Kahn lui refuse. A commencer par le sus-
abandonnées sans que tout ne soit bouclé
(qu’en est-il des trois filles draguées en boite
ELOGE DU CINEMA
pense et le lyrisme, ce qui, dans un tel film,
est tout sauf anodin. Roberto Succo évolue au
de nuit ou de linstitutrice, aprés leur ren- EXPERIMENTAL
contre avec le tueur ?). On se rapproche,
centre d’un triangle dont les sommets s’ap- Roberto Succo est 4 présent incarcéré. C’est Prix du Livre Art et Essai 2000
pellent Harry, un ami qui vous veut du bien, Stefano Cassetti qui Yinterpréte, un acteur 384 p., 124 illustrations,
230 FF
L’Humanité et Sombre, soit trois hypothéses débutant, voulu séduisant et inquiétant, aux
de films de genre 4 la francaise, du sur- faux airs de Vincent Gallo. Un casting trop «Une bible» Bref
scénarisé¢ au quasi expérimental, qui crou- évident ? Qu’importe. Devrait-il changer «Un ouvrage incontournable»
lent sous leurs intentions jusqu’a s’abimer constamment d’identité, alterner demandes Turbulences Vidéo
dans une trivialité hautaine. Roberto Succo, d’aftection, fanfaronnades et élans de rage
lui, sera irrécupérable, ne délivrera aucun destructrice, il se doit d’étre dénué de mys- «Une mémoire du cinéma expérimental»
« message », ne posera pas a l’ceuvre magis- tére. Pas du tout dandy et pas vraiment Ciné-Regards
rale. C’est la que réside sa fonction véri- clown bien qu’atteint de poussées de bouf-
able vis-a-vis des acteurs du fait divers réel. fonnerie menagante, il n’est jamais un phé- «Un livre théorique précieux,
voué au culte du “plaisir partagé” »
Le véritable Roberto Succo, suite a diverses noméne a observer cotite que codte dans Critique d’Art
Jéclarations du haut de sa prison (ce dont le but de le comprendre mais un passant
Cédric Kahn tire une séquence semi-bur- quasi secondaire. Ce que filme plutét Cédric «Une érudition fabuleuse» Jeune Cinéma
esque), fut un temps transformé en icéne Kahn, c’est ce qui arrive aux autres per-
inti-capitaliste par certains mouvements de sonnages, ceux qui regardent Succo, le sui- «Une réflexion sur le cinéma
zauche italiens. Par sa fagon de le filmer, vent ou le pourchassent, ou encore cher- toujours aiguisée et pertinente»
Sédric Kahn lui restitue son irréductibilité. chent a s’en défaire. « Roberto Succo » est Revue d’Esthétique
Le film obéit 4 une régle trés stricte : ne le mot de passe qui offre l’accés 4 ces parmi nos autres publications:
ont montrées que les séquences auxquelles moments de leur vie. Roberto Succo n’est > Jean-Claude Rousseau
yuelqu’un a survécu. Cela n’exclut pas de qu’un révélateur. Il n’existe pas. m Le Concert Champétre
ilmer des meurtres, mais implique qu’il y > Jonas Mekas
iit toujours un témoin qui en réchappe et ROBERTO SUCCO Ciné-Journal (1959-1971)
yuisse raconter ce qu’il a vu. De fagon plus France, 2001 > Germaine Dulac
yu moins flagrante, c’est le point de vue de Réalisation : Cédric Kahn Ecrits sur le cinéma (1919-1937)
‘e dernier (qui n’est pas toujours identifié) Scénario : Cédric Kahn, d’apres Je te tue, histoire vraie > Pierre Hecker
juw’adopte le film. Soit ni celui du tueur, de Roberto Succo, assassin sans raison Les Films «magicks» de Kenneth Anger
ui celui de sa victime, et pas non plus celui de Pascale Froment > Frédérique Devaux
le la société ou des institutions. C’est bien Interprétation: Stefano Cassetti, Isild Le Besco, Patrick Le Cinéma Lettriste (1951-1991)
‘lutot une somme de regards, une addition Dell'lsola, Vincent Deneriaz, Aymeric > Yann Beauvais
le subjectivités, d’expériences individuelles Chauffert, Viviana Aliberti, Estelle Perron Poussiére d’image
ue le spectateur est chargé de recueillir. Ce Image : Pascal Marti > Alain et Odette Virmaux
{ui le place dans une position proche de Son: Eric Devulder Artaud/Dulac
elle des gendarmes qui, dans une scéne Montage : Yann Dedet > Standish D. Lawder
aarquante, interrogent l’adolescente qui Production : Agat Films & Cie Le Cinéma Cubiste
ima Succo. Ses réponses ne les satisfont pas, Distribution: Diaphana > Christian Lebrat
cop légéres, trop ordinaires. Pas de faits Durée : Phos Peter Kubelka
éterminants 4 relater, pas de révélation Sortie : le 16 mai Editions Paris Expérimental
www.paris-experimental.asso.fr
paris-exp@claranet.fr
CAHIERS DU CINEMA / MAI 2001 107 BP N°4. 7<421 Paris Cedex oo
CVACH ITER CRITIQUE

Kairo de Krvosui Kurosawa spectres sont déja 1a, ils ne sont plus dans le
hors-champ (l’outre-tombe), cet espace

Peur poreuse
invisible d’oti vient le danger, préts a faire
le siege du champ (le réel).
C’est d’ailleurs le sujet magnifique de
Kairo. Non plus une question de frontiére
et de son franchissement (du hors-champ
vers le champ) mais d’espace trop plein qui,
littéralement, déborde : arrivé a saturation,
par JEAN-SEBASTIEN CHAUVIN le monde des morts transpire, se vide de ses
occupants et vampirise les vivants. Quelque
chose d’ailleurs fait douter de la corporéité
airo est un trés curieux phique n’est plus seulement une maniére des spectres ou des humains moribonds,
film de terreur, qui réin- dhypervisibilité (la frontalité des effets spé- plus fumée ou gaz que matiére tactile, les
vente 4 sa facgon le fantas- ciaux) ou une puissance de suggestion (le effets visuels jouant sur une sorte de matité
tique strictement visuel hors-champ, les ombres), qui jouerait sur le sans relief, qui contraste avec le luisant des
du cinématographe. Situé clivage montré-caché, mais davantage une habituels effets numériques. Vampirisé par
quelque part entre Ubik force de recouvrement et de contamina- les morts, le corps des vivants disparait dou-
de Philip K. Dick, Body Snatchers de Don tion, s'insinuant par tous les pores de l'image. cement de l’image, laissant a sa suite comme
Siegel, univers d’Antonioni et... les pré- Spectres et corps en partance surgissent de une trace de brilé sur le sol et les murs.
cédents films de Kiyoshi Kurosawa, Kairo rien, se détachant du fond de l'image avec La disparition de ’humanité, obsession du
(circuit) raconte l’histoire d’un mystérieux tant de lenteur qu'il est impossible de nom- cinéma de Kurosawa, y est montrée comme
virus propagé sur Internet, qui connecte les mer le moment précis de leur apparition. une apocalypse inodore et feutrée.
internautes 4 un site proposant de rencon- Leeil est toujours un peu en retard, ceux- Dans Kairo, le fantastique absorbe lente-
trer des fantémes. A mesure que les per- ci se donnant a notre regard par glissement ment le réel. Les personnages n’ont d’autre
sonnages s’y trouvent confrontés, ils dis- plutét que par surprise. Lorsque notre ceil choix qu’une fuite désespérée, la lutte néces-
paraissent et meurent un a un. pergoit quelque chose ou quelqu’un au sitant un surplus de désir ’humanité qui
Le film perd un peu de son étrangeté milieu du plan sans avoir trés bien saisi com- leur fait défaut. Quelque chose, d’ailleurs,
lorsque des dialogues assénent une parabole ment il était apparu, c’est avec l’intime nous avait alerté sur la disparition du vivant :
sans nuances sur la solitude du monde conviction que la « chose » était 14, sous nos une serre oti quelques individus préservent
moderne, contribuant 4 cette ambiance de yeux, bien avant sa perception effective. Ce des ilots de verdure dans un environnement
série B, ott les éléments concrets (l’action, doute méme de la vision crée un diffus sen- de béton ; un ciel plombé ot pése une
les effets spéciaux) sont porteurs de véri- timent de terreur, l'image devenant un tissu brume grisatre ; cette sorte d’image uni-
tés philosophiques. Kurosawa abandonne poreux d’ou apparaissent des spectres ter- forme et sans contraste dominée par les
vite la piste informatique, symptome du rifiants ou des ectoplasmes désincarnés. teintes beiges qui aplatissent tout ; et puis
monde moderne, pour se concentrer sur Kurosawa se sert des effets spéciaux et de la cette absence de rapport charnel, de sexe ou
Pétiolement du vivant, clé de votite de toute lumiére plus que du montage pour faire de trivialité entre les personnages, ces liens
son ceuvre. Le fantastique cinématogra- exister ce fantastique. Car dans Kairo, les distendus qui font que, devant leur ordina-
teur, ils tendent déja vers la solitude et la
Chez Kurosawa, spectres et | désincarnation. Le choix des comédiens (qui
corps surgissent de rien. | aurait été imposé 4 Kurosawa par la pro-
duction) s’avére cohérent : un ensemble de
jeunes starlettes androgynes, filles et garcons
confondus, déa portés a une sorte de pause
désincarnée plus qu’au jeu. Kairo travaille
cette matiére indécidable (que voit-on : une
trace, une ombre, un corps ? quelque chose
se dilue dans la texture incertaine de Pimage)
comme le symptéme d’un lent effilochage
de Phumain, désormais dénué de passion. =

KAIRO
Japon, 2001
Réalisation et scénario: __ Kiyoshi Kurosawa
Interprétation: Haruhiko Kato, Kumiko Aso, Koyuki,
Kurume Arisaka, Shun Sugata
Image : Junichiro Hayashi
Montage : Junichi Kikuchi
Musique : Takefumi Haketa
Production : Daiei/NTV/Hakuhodo/Imagica
Distribution : Euripide Distribution
Durée : 1h 57
En salles : le 23 mai

CAUIEDC Nr CIRTeRAA / MARY Ann


CAHIER CRITIGUWeE

Rulo, 49 ans, apprend a maneeuvrer Mundo Gra nous fait partager la vie de
une grue. Ou Vambiguité cet homme dont on ne connait pas I’his-
féconde entre documentaire et fiction. toire, si ce n’est qu'il a été bassiste dans un
célébre groupe de rock des années 70. II vit
maintenant avec son fils, Claudio, prend soin
de sa mére, passe du temps avec ses amis,
Walter et Torres, et courtise Adriana qui tient
le kiosque prés du chantier.Aprés deux mois
d’apprentissage, le poste convoité lui est
refusé pour des raisons médicales. Torres lui
propose alors une autre place, 4 2 000 kilo-
metres de la capitale.
A Buenos Aires, comme 4 Comodoro
Rivadavia, le chantier n’est pas filmé comme
un spectacle, orchestré par des héros casqués
confrontés 4 de puissantes machines ou en
équilibre au-dessus du vide. L’échelle n’est
pas monumentale mais humaine, et Rulo
peut s’émerveiller devant la perspective
détre seul et libre 4 100 métres au-dessus
du sol. Aucun plan n’exprime grossiérement
le danger ou la sensation du vertige. La
lumiére ne dramatise pas l’action. Ici, le
chantier est gris.Au cours de ces deux expé-
riences, Rulo fait ’apprentissage de la dou-
ceur nécessaire au maniement des machines.
« Caresse le levier », « Vas-y doucement », lui dit
Torres. A plusieurs reprises, le film prépare
le spectateur 4 un drame qui ne se produit
pas. On s’attend, par exemple, 4 ce que la
maladresse initiale de Rulo dans le manie-
ment des machines crée un accident. Mais
ses mouvements brusques cédent rapide-
Mundo Grua de Paso TRAPERO ment la place 4 une grande virtuosité. La
progression narrative n’a pas besoin de ce

Le ciel de Buenos Aires


type d’événement, elle s’articule plutét
autour de faits pour la plupart insignifiants
en regard de la mécanique fictionnelle tra-
ditionnelle. Les personnages restent étran-
gers au mélodrame comme 4 la tragédie.
Témoin discret méme dans les lieux les plus
par SARAH SEKALY exigus, la caméra ne se régale pas de gros
plans, mais elle capte néanmoins la singu-
larité d’un geste a peine esquissé ou le détail
es grues se déplacent len- métrage du jeune réalisateur argentin, Pablo dune expression : le mouvement de la main
tement sur fond de ciel Trapero, qui participe aujourd’hui au renou- de Rulo qui détache les cheveux d’Adriana
nuageux. Limage, en noir veau du cinéma de son pays. Cette s¢quence avant de l’embrasser ou le visage joyeux de
et blanc, est granuleuse. d’ouverture donne le ton, elle place déli- la grand-mére qui discute avec une voisine
Dans une rue de Buenos bérément le film dans une ambiguité de l’arrivée de son petit-fils en jouant du
Aires, sur le trottoir d’en féconde : entre documentaire et fiction.A sécateur.
face, un homme attend, c’est visiblement la maniére des néoréalistes italiens, l’auteur Pablo Trapero s’attache précisément a
un ouvrier ; il est bient6t rejoint par celui suit de trés prés des personnages incarnés faire sentir ce qu'il y a entre les gens. Le tra-
avec qui il a rendez-vous, qui le conduit sur essentiellement par des acteurs amateurs, et vail, c’est le maniement précis et efficace
un chantier. La caméra portée les suit entre nous fait découvrir la réalité du monde du des engins, mais c’est aussi la relation aux
les échafaudages jusqu’a ce que l’un d’eux travail dans les chantiers de construction en autres ouvriers. Rulo est le collégue discret,
entre dans une discussion conflictuelle Argentine. mais aussi le pére ferme et complice, le fils >
avec son chef 4 propos d’une machine
en panne...
Les deux hommes sont de trés bons UNE VIBRATION SINGULIERE AFFECTE LE SENS DES OBJETS
amis :Torres est grutier et Rulo, ouvrier de
49 ans, apprend 4 manceuvrer la grue en DE Mundo Grua : LA VOITURE N’EST PLUS UNE VOITURE, LE SOL
vue d’étre embauché. C’est le personnage
principal de Mundo Grua, premier long- SE DEROBE, ET LES PIERRES SE CHANGENT EN COQUILLAGES...

CAHIERS DU CINEMA / MAI 2001 109


CAHIER CRITIQUE

»soucieux du bien-étre de sa mére, le com- Sur la trace du serpent de LEE MyuNG-SE


pagnon, l’ami. Mundo Grua décrit les rela-
tions familiale, amicale ou amoureuse qui

A la poursuite
unissent les différents protagonistes, sur trois
générations. Mais 4 Comodoro Rivadavia,
Rulo n’est plus entouré comme 4 Buenos
Aires, il est seul. C’est sa fatigue qui domine

des étoiles
la seconde partie du film. Pendant sa jour-
née de repos, ses amis lui font la surprise de
lui rendre visite 4 bord d’un étrange bolide
de leur fabrication ; ils partent tous les trois
visiter une laguna seca. Ce moment de
vacances donne lieu 4 une séquence ou se
manifeste trés explicitement l’incertitude par ERWAN HIGUINEN
de la situation de Rulo. Une vibration sin-
guliére affecte le sens des objets : la voi-
ture n’est plus une voiture, le paysage n’est
plus terrestre, le sol se dérobe, et les pierres
se métamorphosent en coquillages... Pen-
dant cette virée dans un site lunaire, le temps
s’étire, la parole se raréfie. Peu a peu, l’in-
quiétude de Rulo envahit le paysage, lui-
méme de plus en plus abstrait — une ligne
entre ciel et terre. Mais lorsque Torres s’en-
fonce maladroitement dans le sable, Wal-
ter lui tend une pierre et l’invite noncha-
lamment 4 faire un gué dans le lit sec de
la riviére.
La fatigue n’est pas la résignation, la
fatigue n’est pas le renoncement. Et si l’his-
toire de Rulo est celle d'un homme volon-
taire qui se heurte 4 la violence du systéme,
toute la force et l’élégance de Pablo Trapero
est de montrer des personnages qui, loin
daccuser la fatalité, luttent avec intelligence,
habités par la conscience de leur respon-
sabilité. Si le film laisse finalement trans-
paraitre une réelle inquiétude, il ne se clét
pas sur le sentiment d’un échec définitif. La
fin n’a rien d’un dénouement ou d’une
conclusion, elle se dessine en points de sus-
pension, 4 image du visage de Rulo, éclairé
par la lumiére intermittente d’une route
la nuit, ne laissant plus apparaitre par
moment que le bout incandescent d’une
cigarette qui se consume, au rythme de sa
respiration. ™

MUNDO GRUA
Argentine, 1999
Réalisation : Pablo Trapero
Scénario: Pablo Trapero
Interprétation: __Luis Margani, Adriana Aizemberg,
Daniel Valenzuel, Roly Serrano,
Graciana Chironi, Alfonso Rementeria
Image : Coby Migliora
Montage : Nicolas Goldbart
FILMS

Son: Castriel Vidosola


© ONS GATE

Production : Lita Stantic, Pablo Trapero,


Cinematografica Sargentina
Distribution : Les films du Paradoxe Jeu vidéo, manga...
Durée : 1h30 Lee Myung-se multiplie les collages
En salles : le 2 mai avec une virtuosité graphique.
€ (ATHOLIE RS Se Rel TI e@WUE

ur la trace du serpent s’ouvre souvenir des comportements modéles, et


sur une fusillade venue ainsi isolés, grossis, comme détachés des
d’ailleurs. Noir et blanc, corps. Le réve, pour eux comme pour le
bande-son assourdissante, cinéaste, c’est le moment autonome, |’éga-
c’est une bataille surréelle, lité conquise avec les représentations du
entre jeu vidéo et manga passé, la superposition, et finalement l’au-
(bien qu’avec acteurs de chair et de sang). tonomie, la libération par le dépassement
Puis débute vraiment le film, en couleurs, de l'imitation. Cette course-poursuite inin-
plus posé, le 6° du Coréen Lee Myung-se terrompue ot !’on se perd comme dans un
(mais le premier a étre distribué en France). labyrinthe d’écrans allumés sur des images
On y découvre l’inspecteur Woo (John ? de toutes origines séduit par le regard que
homonymie ne doit rien au hasard) et son le cinéaste pose sur ses personnages, amusé
équipe de flics qui se lancent a la poursuite mais jamais vraiment distant. Lorsqu’il les
d’un baron de la drogue, coupable de filme qui se cognent au ralenti dans les cou-
meurtre. Le film relate cette traque 4 épi- loirs étroits d’un modeste appartement, nulle
sodes répétitifs, rythmée par le décompte trace d’une ironie moqueuse 4 leur égard :
des jours 4 méme l'image. La « trace du ser- C'est, comme quelques autres, une séquence
pent », qu’ils suivent avec acharnement, c’est purement burlesque. Surtout, il est dans la
celle de ce tueur, mais aussi celle de cette méme situation qu’eux. Dans Sur la trace du
premiére séquence trop « parfaite », de pure serpent, le second degré ne l’emporte jamais,
action, vite évanouie, que le film devra contrairement a ce que l’on pouvait redou-
retrouver. C’est la problématique de tous ter, pas plus que la virtuosité graphique. Tou-
les films de Lee : comment peut-on tour- jours, récit, mise en scéne et personnages
ner un film de genre — avant le film noir, avancent de conserve. Vers le méme hori-
i s’est plus d’une fois essayé a la comédie —, zon, qu’ils scrutent avec une exaltation tein-
aujourd’hui, en Corée ? Si Sur la trace du ser- tée d’amertume. Peu a peu, on s’approche
pent est, comme ses prédécesseurs Gagman (du tueur pourchassé, de la scéne d’action
ou First Love, envahi de références aussi bien idéale, d’une fiction détournée-squattée,
« hautes » que « basses », de la peinture au d'une existence ludique et passionnante).
jeu vidéo en passant par le cinéma holly- Ala fin, ’écart sera comblé. Vinspecteur
woodien de tout temps, celles-ci sont tou- Woo a enfin rattrapé son ennemi juré, et le
jours les éléments d’une maniére de collage film sa s¢quence inaugurale. Débute alors
inachevé, des piéces rapportées, fétichisées un combat 4 mains nues, qui semble ne
et mises en mouvement. Lhistoire de ce jamais devoir s’arréter. Commencé de nuit,
film pop, trés conscient de sa situation dans il s’achévera au matin, la lumiére ayant
"espace comme dans le temps, est celle de insensiblement changé. Les adversaires
eur assemblage, qui ne va jamais de soi. échangent des coups, se jettent l’un sur
Les films précédents de Lee Myung-se l'autre, se poussent dans la boue. L’affron-
regorgeaient d’imitateurs de Charlot, de tement terminé, la caméra s’éloigne, le
lames Bond ou de l’inspecteur Clouseau, champ s’élargit. Révélant ceci : les deux
Je midinettes folles de Redford, Belmondo hommes étaient encerclés par d’innom-
ou Gregory Peck. C’est li que réside sa véri- brables policiers, spectateurs surarmés qui
able singularité : si le cinéaste jongle avec les scrutaient sans intervenir.A l’échelle du nce & la premiére page.
es signes, ses personnages poursuivent la récit, la lutte était donc sans enjeu. Mais
‘ y John Woo
néme quéte que lui. Eux aussi se font des alors, pourquoi l’inspecteur Woo se battait- énariste / Réalisateur/Producteur/Acteur
ilms, sans arrét, avec une détermination il, pourquoi Lee Myung-se I’a-t-il filmé si © © omission Impossible Il, Face/Off, Blackjack,
‘éveuse. Leur unique but : pouvoir (s’)y longuement ? Pour rejoindre leurs héros, td Windtalkers, Broken Arrow.
croire. Mais ils croisent toujours quelqu’un pour la beauté du geste. m
yui n’est pas dupe. Deux séquences de Sur
a trace du serpent sont exemplaires de cela. SUR LA TRACE DU SERPENT (NOWHERE TO HIDE) iliny vrai plaisir alee Final
n'y a meilleur m
Alors que l’inspecteur Woo joue les Dirty Corée du Sud, 1999 r écrire un script aussi rapkiementee
darry dans le bar du coin, des buveurs qu’il Réalisation et scénario : Lee Myung-se aussi facilement !
atigue lui rétorquent qu’il n’est pas dans Interprétation: — Park Joon-hoon, Ahn Sung-ki, Steven Bochco - Emmy Award ® Winner
in film policier. Plus tard, alors que Woo, Jan Dong-kun, Choi Ji-woo Scénariste / Producteur - NYPD Blue, LA Law,
on équipier Kim et leur équipe sont sur la Image : Jeong Kwaeng-seok, Song Haeng-ki Hill Street Blues...
viste de Chang, le malfrat qu’ils traquent Montage : Go Im-pyo
out le film durant mais qui leur échappe Son: U Dae-hyun
‘onstamment, une vieille femme, assistant Décors : Lee Myung-se
\ux préparatifs de l’opération, pense qu’il Musique : Cho Sung-woo Final Draft®
’agit du tournage d’un film. Ils la détrom- Production : Tae-won Entertainment Just
add words
sent. Elle avait pourtant tout compris. Distribution : SND
Les personnages s’approprient les gestes Durée : 1h 50 3F Consultants / Final Draft
le leurs idoles, mais réinterprétés, lestés du En salles : le 2 mai 56, rue Dombasle 75015 Paris
Tél: O1 45 33 25 25 - Fax O1 45 33 25 45
E-mail : finaldraft@excite.fr
Web : www.finaldraft.com/fr
CAHIERS DU CINEMA / MAI 2001 411
CAHVPER CRITI QuUueE

Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain cité parodiait déja. Le Fabuleux Destin...


recycle tout 4 égalité, tout devient un clin
de JEAN-PIERRE JEUNET dceil ; le film n’est ni passéiste ni moderne,
une vieille rape 4 gruyére coexiste paci-

Le cabinet
fiquement avec la derniére lampe design,
ce qui importe ici étant que tout se
retrouve immédiatement déja fétichisé.
Méme en ce qui concerne le cinéma, Jeu-

de curiosités
net ne fait plus de distinction entre le
cinéma de qualité et la Nouvelle Vague,
citée ici — certes pas n’importe quel
cinéaste, Francois Truffaut, et pas n’importe
lequel de ses films, Jules et Jim.
Avec Le Fabuleux Destin..., Jeunet réa-
par JEROME LARCHER lise un film cohérent. Parce que son prin-
cipe moteur est celui de la liste : chacun des
personnages se présente en énumérant ce
u contraire de nombre su faire un cinéma frangais a l’américaine, qu’il aime ou n’aime pas, seule fagon de les
de grosses productions un cinéma d’imagerie pittoresque revue et caractériser. Jeunet met en scéne un monde
francaises récentes, le corrigée par le numérique. débarrassé de toute forme de réel, la liste
nouveau film de Jean- On ne manquera donc pas de saluer le étant de nature intemporelle, et cela, méme
Pierre Jeunet n’est animé retour de l’enfant prodige réalisant un film s'il a tourné son film en décors extérieurs.
par aucun fantasme de rassembleur. Jeunet fait un cinéma popu- Le cinéaste a réussi cette gageure de faire
cinéma américain. I] est méme difficile laire et d’aujourd’hui tout en s’inspirant un film de studio tourné dehors, tenant 4
d’imaginer un film plus frangais que celui- du cinéma de papa. Son univers est peu- effacer numériquement par exemple tous
1a. Cela peut sembler un comble de la part plé de piliers de comptoir, d’épiciers aca- les graffitis des murs. Le Fabuleux Destin...
dun cinéaste qui, a la difference de ses col- riatres, parsemé de réminiscences du réa- rejette la « saleté » 4 moins qu’elle puisse
légues (Kassovitz, Kounen...),a réalisé un lisme poétique tout autant que de bande évidemment étre un objet de fétiche. Une
film 4 Hollywood — il s’agissait du qua- dessinée fantastique. C’est un monde qui scéne du film se situe dans un sex-shop ;
triéme épisode d’ Alien. Que cette expé- brasse les références 4 égalité, ot les objets toutes les jaquettes des films pornogra-
rience au sein des studios ait été trauma- trouvent la méme place que les vieux films. phiques sont retournées, du moins on n’en
tisante ou enrichissante, Jeunet revient, Un film de collectionneur, dans lequel tous voit aucune image. Seul un godemiché
quatre ans plus tard, avec un film débarrassé les spectateurs se retrouvent 4 un moment apparait 4 l’écran, en tant qu’objet bizarre
de tout appel du pied vers l’Amérique. Il ou a un autre (y compris le cinéphile avec et marrant. Méme les personnages méchants
est méme, peut-étre, le seul cinéaste de sa son gout des listes). Le cinéaste se référe du film ne le sont jamais autant que si leurs
bande 4 n’avoir jamais été attiré par les a la fois 4 telle publicité pour la vaisselle et comportement étranges peuvent étre comp-
sirénes américaines — bien que lui seul ait aux Disparus de Saint-Agil que cette publi- tabilisés dans la grande liste des bizarreries
de ce monde.
histoire que le film raconte rejoint cette
idée de collection. Amélie Poulain (admi-
rable Audrey Tautou) est une jeune fille qui
sort de sa solitude en trouvant sa vocation,
aider ses voisins. Comment ? : par exemple
en envoyant 4 son voisin une compilation
de moments loufoques de télévision. C’est
14 ot le film est trés personnel et séduisant.
A l'image de son personnage, Jeunet est un
comptable obsessionnel et naif, pas méchant,
qui n’a d’autre ambition que cerner en cha-
cun de ses spectateurs comme en chacun
de ses personnages, ses inclinaisons mono-
maniaques qui lui font supporter l’existence.
Fabuleux destin, en effet. m

LE FABULEUX DESTIN D'AMELIE POULAIN


France, 2001
3 Réalisation : Jean-Pierre Jeunet
i Scénario : Jean-Pierre Jeunet, Guillaume Laurent
3S Interprétation: Audrey Tautou, Mathieu Kassovitz
Image : Bruno Delbonnel
° Production : Claudie Ossard et UGC
Amélie Poulain @ huit ans Durée : 2 heures
(Flora Guiet). En salles : le 25 avril
CAHIER RoE Ti i@ UE

(Vamant comme fantéme d’un


American Girls autre idéalisé dans la mort), la psy-
chologie doucereuse (le sentiment
de Perron REED de culpabilité qui ronge les deux
(Bring it On) personnages principaux). Le
Etats-Unis, 2000. Avec Kirsten Dunst, Gabrielle Union, médiocre Don Roos ne cherche
Eliza Dushku, Jesse Bradford. En salles le 2 mai, qu’en surface tout ce qu’un tel
~ es déhanchements de pom sujet offrait de solutions en pro-
L pom (cheerleaders en VO) font fondeur. De l’interprétation gra-
partie des gestes inutiles que nitique de son couple-écran (Ben
le cinéma américain est seul a fil- Affleck-Gwyneth Paltrow) 4 la
mer. Pirouettes, saltos, jupes succession de scénes glamour-
retroussées. Donec : American Girls. déco fades et inutiles qui lui ser-
Done : Kirsten Dunst. La blonde vent de trame, jamais le film ne
de Virgin Suicides est une spécia- franchit le stade de la vitrine, de
liste. Ecoliére (Strike !) ou miss la pure démonstration des vertus
§« 15 aoiit », de Patrick Alessandrin. (Belles 4 mourit), elle adore se four- ascétiques de l'image. Bounce est
voyer. Il est utile de se déplacer un roman-photo dans lequel on
new-beaufitude lisse et branchée. pour le vérifier. Son devenir chercherait en vain toute trace
I5 aoit Son arrogance un brin fumiste est Cameron Diaz est passionnant. Le @humanité, une apologie de la
bien la seule, ici, 4 s‘assumer plei- film avance, elle est de moins en désincarnation a peu prés aussi
Je Parrick ALESSANDRIN nement. moins belle, de plus en plus aussi. émotionnante qu’un pot de miel
rance, 2000. Avec Richard Berry, Charles Berling, Jean- Vincent Malausa Elle tique, elle sourit pour rien. posé sur l’étalage d’un super-
ierre Darroussin. En salles le 18 avril. Le « cinéaste » ne l’a pas compris. marché. V.M.
Wn revisitant Trois hommes et Il a eu peur de son actrice, puis du
1 un couffin, Besson poursuit 7 jours a vivre film qu’il aurait pu faire. Il ne I’a
44son intarissable travail de
de SEBASTIAN NiEMANN
pas montré. Cette histoire de The Anniversary Party
ossoyeur d’un certain cinéma de concurrence entre deux groupes
livertissement « a la frangaise ».
de JENNIFER JASON LeIcH
Etats-Unis, 2000. avec Amanda Plummer, Sean Pertwee, de pom pom girls qui s’affrontent
[5 aoit n’afflige pas tant par sa Nick Brimble. En salles le 9 mai. en championnat était pourtant et ALAN CUMMING
nisogynie un peu honteuse, dis- “y7 len et Martin emménagent idéale. Les unes (copines de Kirs- Etats-Unis, 2001. Avec Phoebe Cates, Kevin Kline, Gwyneth
imulée sous un pseudo-discours r—{ dans une vieille batisse de ten) blanches, les autres Noires, on Paltrow, Jennifer Jason Leigh, Alan Cumming. Sélection
éminisant — le scénario a méme 4—dcampagne pour recom- révait d’un sujet violent : qui officielle Cannes 2001 (« Un certain regard »). En salles le
té écrit par une femme — que mencer une nouvelle vie, loin de bouge le mieux, qui porte le 23 mai.
lans sa franchouillardise mal assu- la ville. Rapidement, Ellen recoit mieux l’uniforme, qui défend le premiére vue, The Anni-
née. Le cynisme avec lequel tout dinquiétants messages qui la pré- mieux l’idiotie américaine ? Mais versary Party est un objet
iTOpos est retourné contre lui- viennent du nombre de jours lui la lutte est courte et mal filmée. isément identifiable : un
néme (les femmes, ici, ne brillent restant a vivre. En bonne série B Quelques parasites sentimentaux film avec bande de copains qui se
jue parce qu’elles sont soit destinée avant tout a une carriére venus du film de lycée ordinaire, révéleront bient6t 4 eux-mémes
bsentes, soit cauchemardées en vidéo, le film se gave 4 tous deux ou trois éclats post-Farrelly et aux autres, mais post-Dogme,
aonstres susceptibles de penser) les rateliers du fantastique « mo- miteux s’ajoutent, et tout est noyé. soit un psychodrame trés écrit saisi
lombe tout ce qui, dans le film, derne » (’écrivain fou sous l’em- Olivier Joyard en caméra numérique légére
2léve de la simple comédie bon prise d’une maison maudite, le (tournage rapide, au plus prés de
nfant. Trés vite, la douceur et la rapport enfance/morbidité, l’en- la communauté des acteurs, etc.).
igéreté des scenes domestiques quéte mathématique 4 la Seven) Un amour infini Sauf que l’on assiste ici 4 un éton-
édent le pas a des visions terri- pour ne tirer qu’un copier-coller nant déplacement des enjeux. Ces
antes. Lorsque la nuit arrive et assez indigeste. Seule originalité de Don Roos éléments, constitutifs d’un genre
ue les enfants sont couchés, la ici, incroyable sérieux avec lequel (Bounce) désormais établi, ne sont qu’un
ice obscure de l’entreprise se Niemann convoque les pires lieux Etats-Unis, 2000. Avec Ben Affleck, Gwyneth Paltrow, Joe moyen pour produire de l’insta-
Svéle : vulgarité nourrie de haine communs, sans une once de Morton, Natasha Henstridge. En salles le 25 avril. bilité, un malaise tranchant.
a scéne ow les esprits sont second degré, 4 des années- n amour infini est de ces Réunis pour l’anniversaire de
chauffés par l’alcool), complai- lumiére du post-modernisme petits films qui reposent mariage d’une actrice (Jennifer
ince sinistre dans le cliché ricanant aujourd’hui en vogue essentiellement sur une Jason Leigh) et d’un écrivain
tachiste (la lycéenne nympho- dans ce genre de sous-produit. Sil « idée forte » (un homme ren- (Alan Cumming), une quinzaine
iane), apologie d’une décadence ne se complaisait dans une fadeur contre la femme de celui dont il de personnages connaissent rires
etite bourgeoise écceurante et lisse et aseptisée, ruinant toute a involontairement provoqué la et colére, bouche-a-bouche et
sible (Vhallucinante séquence intrusion de l’horreur (quelques mort) pour n’en tirer qu’un vague prises de bec. Un cinéaste invité
nirique de régression animale, pétards mouillés synthétiques), argument publicitaire. La force de s’inquiéte : la maitresse de maison
ins un dénouement qui vire au 7 jours a vivre en deviendrait Pidée, ici, réside dans le fait qu’elle joue dans son nouveau film, et elle
totesque). Richard Berry, en presque touchant, un peu a permet de jouer sur plusieurs joue faux. La séquence ot il en
Sritier dégénéré d’Aldo Mac- image de l’inénarrable Resurrec- niveaux mélodramatiques : le revoit les rushes est un modéle
one, confirme qu’il est aujour- tion de Russell Mulcahy l’année glauque (l’accident d’avion épi- réduit de The Anniversary Party :
hui la mascotte officielle d’une derniére. V.M. centre de l’intrigue), le sensuel comme lui, on ne sait si ceux que >

CAHIERS DU CINEMA / MAI 2001 113


CAHIER cRITI! QUE

>|’on observe sont sublimes ou poignée de personnages en course


pathétiques. Est-ce dréle, beau, pour le prestigieux Salon du May-
émouvant, ridicule ? Ce film a la flower (ot un concours désigne
théatralité fondatrice restera incer- le plus beau chien de l’année). Les
tain. Son sujet secret ? Le métier chiens sont moins ici les vedettes
d’acteur, mais surtout la fragilité que leurs affligeants propriétaires.
de l’étre-ensemble. Vunité de lieu Ventriloque pécheur a la mouche,
(une riche demeure avec piscine) lesbiennes siliconées, couple de
et de temps (une nuit) est discu- coiffeurs gominés ou de sympa-
table. Partout, des recoins ou- thiques yankees névrosés, tous pas-
bliables s’offrent aux fétards, qui sent a la moulinette de la caméra
vivent rarement tout 4 fait le ———
fureteuse de ce « documenteur »
méme moment, décalés. Pas de aussi incisif que jubilatoire. La ten-
séparation absolue entre l’artifice sion comique installée par le déca-
et la vérité. Ici dominent la dérive, lage entre sérieux du filmage et
le flottement. Ici, les premiéres ridicule des situations tend tou-
rencontres se déguisent en retrou- @ « Boesman et Lena », de John Berry. jours vers le méme état : moins la
vailles (et inversement). L’an- satire sociale que sa caricature, le
goisse : ne pas étre dans le ton. rebondissement abrupt (tout élémentaires, méme ceux qu’on réel mis 4 nu que son simulacre
Lutopie : inventer un tempo bousculer en regardant ailleurs, enseigne en premiére année a la avoué. C’est dans le détail, le gri-
commun. Alors s’essaient en direct vers les genres, les figures aimées). Luc Besson School of Cinéma de mage en demi-teinte (tous les per-
des complicités irrésolues, qui pas- Et gorgé de fausses pistes discrétes, Demain, est bien moins encore sonnages croulent insidieusement
sent ou cassent, illuminant ce film de joies inquiétes, d’images idéales qu’un technicien rapide et effi- sous l’accessoire et le déguise-
aux imperfections précieuses, mais fragiles, en voie de dégrada- cace. Du premier au dernier plan, ment) ou la pure incongruité
fébrilement contemporain. tion. Ce qui meut ces jeunes gens, un voile de lumiére laiteuse fait nonsensique (les deux pieds
Erwan Higuinen cest la rage du retardataire laidement baver les arriére-plans. gauches du « héros », émouvant
envieux, du perdant ambitieux. Des trucages garantis trés chers parce que défini comme faux dés
Jusqu’a la confusion : le lycéen 4 (on parle de prix américains) bala- le départ) que tient la richesse
Beijing Bicycle nouveau privé de vélo rejette la dent dans les couloirs du Louvre d'un procédé dont chaque effet se
fille qui veut pourtant encore de un fantéme semblable 4 un aspi- répéte inlassablement. Il est peu
de WANG XIAOSHUAI lui — il le regrettera amérement. rateur trop zélé. Globalement le dire que cette dérive (du sens vers
Chine / France, 2001. Avec Cui Lin, Li Bin, Zhou Xun, Gao Entouré par quelques ados mena- plein jour (rien de plus de pile, de la fiction mécanique, du trivial
Yuanyuan. En salles depuis le 25 avril. cants, le coursier agrippe son véhi- moins obscur que ce Belphégor), la vers une féerie un peu acerbe),
™ oit deux garcons, sensible- cule au sol, replié. La confusion propreté de studio de SFP, de ville a laquelle Ramis ou les démons
S ment du méme Age mais de entre la fin et le moyen est totale, nouvelle et d’ordinateur rappel- d’ American Pie doivent beaucoup,
conditions différentes. un, la bicyclette est un support a fan- lent les deux Taxi et la masse sans reste sirement la plus belle trou-
venu de la campagne, a déniché tasmes auquel on s’accroche déses- cesse grandissante des films de vaille de la comédie américaine
un emploi de coursier. Lautre pérément. Les gar¢ons ignorent laboratoire. Ce n’est peut-étre contemporaine. V. M.
poursuit ses études. Apres l’inter- que ce n’est pas vraiment le vélo rien, et pourtant ¢a fait peur, cette
vention d’un voleur de bicyclette quils désirent. C’est leur drame, nouvelle hygiéne numérique qui,
pékinois, le premier se retrouve et le secret de ce joli « conte de la entre autres effets désastreux, Boesman & Lena
privé de son outil de travail, et du Chine moderne » (premier d’une transforme Sophie Marceau en
méme coup dudit travail. Dans des série de six) faussement direct, jeune vieillarde, et confie le rdle de JoHN Berry
conditions incertaines, le second faussement lisse. EH. capital d’« homme du réel » 4 un Etats-Unis, 1999. Avec Angela Basset, Danny Glover et
le récupére. A l’image du jeune guignol aussi niaisement ado, aussi Willie Jonah. Sortie en salles le 4 avril.
antihéros, ami admiratif d’un sympatoche et plat que Frédéric “y) n adaptant la trés belle piéce
truand, de So Close to Paradise, le Belphégor Diefenthal. -—{ d’Athol Fugard, John Berry
précédent film de Wang Xiao- Emmanuel Burdeau BA saute, hélas !, 4 pieds joints
shuai, ce sont des réveurs avides de JeaAN-Paut SALOME dans le piége du théatre filmé.
de quitter la marge pour le centre, France, 2001. Avec Sophie Marceau, Frédéric Diefenthal, Boesman et Lena est un huis clos a
de monter en grade, de dépasser Michel Serrault. En salles depuis le 4 avril. Bétes de scéne ciel ouvert. Aprés une courte
leur statut de temoins envieux. Se tout proche de zéro, errance sur les routes de Cape
Méme pour le coursier licencié, | Belphégor Vest selon les cri- de CurisTOPHER GUEST Town, en Afrique du Sud, un
Paffaire n’est pas qu’économique. téres de l’art, mais aussi, mais (Best in show) vieux couple de vagabonds noir:
Pour preuve, ses séances d’obser- d’abord et surtout selon ceux de Etats-Unis, 2000. Avec Parker Posey, Eugene Levy, aménage un abri de fortune dans
vation émue, les yeux emplis de son ambition industrielle. Cela Christopher Guest. En salles le 2 mai. un no man’s land cerné d’une
celle qu’il prend pour une riche seul surprend, l’irrecevabilité pro- prés le trés culte Waitingfor chaine de montagnes. Au flot d’in-
voisine — en fait une domestique fessionnelle du film, linconscience A Guffman, Christopher Guest jures qui meuble l’espace sonore
qui emprunte les vétements de sa dune industrie trop contente £ continue son exploitation on devine que leur lot quotidier
patronne. Le film est a leur image : d’elle-méme pour voir qu’elle se du filon Spinal Tap. Selon le prin- se résume A cette interminable dis.
tendu entre un fond sagement déshonore en promouvant pareille cipe immuable et toujours aussi pute, ol l’incohérence flirte avec
attentif (contempler les choses 4 radicale nullité. Salomé, qui rate efficace du faux-documentaire, la ranceeur. Délaissée, Len:
leur place) et la tentation du tous ses raccords, méme les plus Bétes de scéne suit le parcours d’une recueille une créature plus dému-

in eerie Says ee
CAHIERS

wo DU CINEMA | ,,.| #o..

* REVUE DU CINEMA ET DU TELECINEMA «* AVRIL 1951

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CAHIER QueE

» nie encore : un vieil Africain au


dialecte inintelligible, surgissant Les Chemins
de nulle part. Comme elle, il parle,
mais ne dit rien. A son contact, de la dignité
son babillage irrationnel va pour-
tant prendre sens, et inverser le de GEorGE TILLMAN JR
rapport de supériorité au sein du (Men
of honor)
couple imposé par la brutalité har- Etats-Unis, 2000. Avec Robert De Niro, Cuba Gooding Jr,
gneuse de Boesman. Charlize Theron. En salles le 2 mai.
Malgré le préambule en noir et e film retrace la vie exem-
blanc, dans un bidonville livré aux plaire de Carl Brashear, pre-
bulldozers, et les quelques flash- ‘mier Noir américain a avoir
back explicitant le passé du obtenu le grade supréme de
couple, rien n’ébranle la mise en « Maitre Plongeur » au sein de la
scéne pour le moins statique de Navy. De l’ambiguité d’un pro-
John Berry. La montée drama- pos hypocrite et sournois (hor-
tique ne tient qu’aux dialogues, la reur institutionnelle comme
bouleversante théatralité du jeu moyen de créer des héros), liqui- m « Cartément a l’ouest », de Jacques Doillon.
d’Angela Basset et de Danny Glo- dant tout ce qui dans un tel sujet
ver n’aidant pas. Dans ce cinéma aurait pu relever du courage, on Mais la of Mel Gibson n’hésitait hyperactive, soit Edith Scob liqui-
ot le langage est roi, les haillons passera les détails, tant le titre fran- pas 4 jouer au Robin des Bois dée en cinq plans), une laideur
restent des costumes, la bicoque cais suffit a résumer la stérilité de transatlantique, le réalisateur idéologiquement creuse (la figure
un décor, et le film un récit, voire lentreprise. L’enjeu est ailleurs, repousse la tentation (entrevue) du gentil pére qui collectionne des
une récitation. dans une espéce de grand cirque de faire une version Us des Tiois photos de Hitler devant une
Sonia Buchman oti toute trace de réel se trouve- Mousquetaires. A Vhéroisation che- assemblée d’écureuils qui chan-
rait contorsionnée, travestie au seul valeresque, il préfére le pensum tent faux), sans jamais parvenir 4
profit de la performance et de la moral sur l’égalité des races et les ce qui aurait pu sauver ce canular
Carrément a l’ouest mise en spectacle. La dignité du méfaits de l’intolérance. Ne sont : choquer. Le film lui-méme est
héros, ici, tient 4 quelques mor- finalement sauvés que la femme trop profondément bourgeois
de Jacques DoILLon ceaux de bravoure anthologiques (la chanteuse Jewel), l’Allemand dans son style pour ne pas
France, 2001..Avec Lou Doillon, Caroline Ducey, Guillaume (duel en apnée au coeur d’un bar (Tobey Maguire) et le Noir (Jef- ennuyer trés vite, sé rétractant vers
Saurrel. En salles le 23 mai transformé en saloon aquatique, frey Wright). On ne s’en étonnera tout ce qu'il fait mine de dénon-
acques Doillon est peut-étre procés qui vire 4 la démonstration pas. Aprés ce film, Ang Lee choi- cer (l’oppression, la négation de
la seule personne qui pourrait carnavalesque). En ces rares ins- sira de revenir sur ses terres pour l’autre). La scéne finale — Clé-
./ faire passer Cassavetes pour un tants de débordement pur, proches vendre 4 l’export, avec le succés mentine Célarié nue, en position
cinéaste dangereusement cérébral. dun surréalisme de foire, le film qu’on sait, de I’Asie formatée. foetale, qui se laisse flotter sous
Dans son nouveau film, un trio de se révéle pour ce qu’il est : vague talents de vRP sont, hélas !, claire- eau — rend hommage 4 la seule
post-adolescents se livrent, dans résurgence de blacksploitation poli- ment supérieurs 4 ceux de met- idée qui mobilise cette farce
une chambre d’hétel, au jeu de cée aux relents jouissifs de wes- teur en scéne. PB. sordide : régresser jusqu’au seuil
lamour et du hasard. Il y a Fred tern spaghetti sous-marin. du néant. V.M.
(Lou Doillon), jeune bourgeoise V. M.
bien sous tout rapport cherchant Du cété des filles
a s’encanailler, Sylvia (Caroline Coup de peigne
Ducey), pauvre fille un peu pau- Chevauchée de Francoise DEcAux
mée ramassée en boite, et Alex France, 2000. Avec Clémentine Célarié, Sophie Guillemin, de Pappy BREATHNACH
(Guillaume Saurel), petit dealer si avec le diable Catherine Mouchet, Edith Scob. En salles le 25 avril Etats-Unis-Grande-Bretagne, 2000. Avec Alan Rickman,
sympathique qui aimerait bien u c6té des filles est une suc- Natasha Richardson, Rachael Leigh Cook, Josh Harnett. En
récupérer l’argent que lui doit @Anc LEE | +) cession ininterrompue de salles le 9 mai,
lami de Fred. Le temps d’une Etats-Unis, 1999. Avec Tobey Maguire, Skeet Ulrich, Jewel, scénes terminales, affli- Hollywood, Coup de peigne
nuit, chacun joue avec les senti- Jeffrey Wright, Jonathan Rhys Meyer. En salles le 9 mai. geantes, demeurées. Lart du aurait sans doute été un
ments de l’autre, se donne puis se na connu poursuite plus fourre-tout, ici, se résume a écu- A divertissement glamour.
reprend, dans une interminable () échevelée que cette fas- mer les poubelles du mauvais Tourné en Angleterre, il devient
série de chamailleries amoureuses —_/ tidieuse Chevauchée avec cinéma féministe (son revers obs- un film rance, kitsch au possible.
et de déchirements existentiels.A le diable. Ang Lee y continue, aprés cur : la solitude, la ménopause, la C’est a Keighley que s’organise
force de filmer a fleur de peau ces The Ice Storm et avant Tigre et dra- maladie). Mais l’apparat de l’un- cette année-la le championnat
personnages, Doillon perd totale- gon, sa legon d’histoire américaine, derground ne sert aucune logique. national de coiffure confrontant
ment de vue le spectateur qui en remontant des années 70 a la En filmant la cavale hirsute de les as du brushing et les rois de
voudrait bien, lui, en finir au plus guerre de Sécession. Comme dans trois femmes au milieu de la coupe de cheveux originale.
vite avec ces insipides atermoie- le récent The Patriot, le film se quelques personnages masculins C’est surtout l’occasion de faire
ments. Quand, au petit matin, désintéresse du sort des armées déplumés et robotisés, Francoise renaitre d’anciennes rivalités entre
Alex se décide a partir avec Syl- réguliéres pour se concentrer sur Decaux se vautre dans le malsain Phil et Ray, coiffeurs ennemis.
via, on est de tout coeur avec lui. les actions menées par des troupes au service du rien (la fin de vie Tout dans ce film, hormis le joli
Patrice Blouin paramilitaires de civils en armes. d'une vieille malade lesbienne et minois de Josh Harnett déja croisé¢

ask
T
CAHIER C R QUE

ans Virgin Suicides, devient un dige de tirer un film miévre et


oncours de laideurs et de rin- mou. Loujine, brillant joueur
ardises. Le sommet du mauvais d’échecs mélancolique et timide
oft est atteint lorsque
mime de Phil révéle le cancer
l’ex- — et comme chacun sait, les
timides font les vrais amoureux —, (anematheque Francaise
ui la ronge en soulevant sa per- demande 4 Natalia, aristocrate MUSEE DU CINEMA
ique. On sort de la salle d’aussi russe rencontrée la veille lors d'un
1auvais poil que de chez le coif- tournoi, de l’épouser. Loujine }
DITI(
ur. Laure Charcossey semble souffrir le martyre a
chaque fois qu’il déplace un pion,
fronce les sourcils, tripote ses che-
e Couvent veux, sue a grosses gouttes et bal- Sous la direction de
butie dés que la jeune femme Nicole Brenez
e Mixe MENDEZ Papproche. Le film réveille le dou-
ats-Unis, 2000. Avec Jim Golden, Bugsy, Liam Kyle loureux souvenir de Rain Man, Chri n Lebrat
livan, Adrienne Barbeau. En salles le 25 avril entre bétise emphatique et pré-
es films comme Le Cou- tention philosophique sur l’irré-
vent, le succés de Scream ductibilité de individu méprisé
en générera_ d’autres par le corps social. La mise en
ncore mais sirement toujours scéne se borne a une succession
oins bons que celui de Wes Cra- de chromos, pales cartes postales,
en. Comme Scream revisitait le incapable de générer la moindre
im de serial killer, Le Couvent vou- tension dramatique ou de
rait moderniser la veine fantas- construire une identité esthétique.
co-gore mais se borne 4 une Sans point de vue sur le véritable
ompilation parodique de réfé- sujet du film —le génie —, Mar-
nces d’un petit cinéphile joueur leen Gorris se condamne 4 une
onnaissant seulement bien ses perspective au ras du sol, filme
siques. Comme dans Evil Dead avec insistance des intentions, sur-
e Sam Raimi, des jeunes s’iso- ligne les sentiments, mais n’arrive Ouvrage collectif sous la
nt (dans un couvent abandonné, pas a se hisser a la hauteur de son direction

ni la forét) et deviennent possé- personnage et laisse en plan toute de Bernard Benoliel,


Nathalie Bourgeois,
és, se contaminant les uns les la beauté brute de son énigme.
Stéfani de Loppinot
itres. Comme dans Zombie B.P.
Dawn of the Dead) de George
omero, les morts-vivants se
‘gomment 4 coups de flingue Eclipse de lune
our les faire disparaitre définiti-
‘ment. Comme dans les films de de WanG Quan AN
ihn Carpenter, Adrienne Bar- Chine, 1999. Avec Nan Yu. En salles le 23 mai
sau, tout de cuir vétue, tient un role d’affaire : aprés avoir
’s roles principaux. Comme dans vu Vertigo, de Hitchcock,
‘ux de Lamberto Bava, les zom- a l’Académie de Pékin,
es saignent rouge fluo. Tout cela trois jeunes cinéastes chinois en
it beaucoup de « comme » pour ont fait le remake. Aux cétés de
-u d’innovyation. Et sous les effets Suzhou River (Lu Ye) et A Linge-
ombinoscopes et l’assourdissante ring Face (Lu Xuechang, encore
usique techno, Le Couvent se inédit), Eclipse de lune est le moins
ansforme en boite de nuit ot fidéle, le moins conscient, le plus
us rien ne fait peur. Un comble ! réveur. Xiaobin, jeune photo-
Wilson
LC. graphe a peine doué, est le double
du cinéaste. En rencontrant par
hasard un couple dont la femme
a Défense Loujine ressemble 4 une autre qu’il a
aimée, et qui est morte, il recons-
> MarRLEEN Gorris titue l’histoire de ses désirs en les
» Luzhin Defense) faisant porter par cette nouvelle
{s-Unis, 2000. Avec John Turturro et Emily Watson. venue. En écoutant les yeux
salles le 25 avril. grands ouverts, cette derniére se
1 faudrait songer 4 alerter le prend d’une fascination épuisante
Vatican : ce film est un miracle. pour celle qui I’a précédée.
D’un roman cinglant de Reconstituer l’histoire de ses
abokovy, Gorris a réussi le pro- désirs est une belle définition du »

CAHIERS DU CINEMA / MAI 2001 117


»cinéma ; en faire supporter le tateur avec) la nuit du jour, le rée!
poids par un personnage tiers est du fantasme ensommeillé. Le réa-
une forte idée de remake. Comme lisateur multiplie chausse-trapes,
si dans Vertigo, Madeleine 2 pas- fausses pistes, niveaux de réalité
sait son temps a chercher Made- avec une certaine virtuosité, n’hé-
leine 1 4 la place de Scottie. Les sitant pas a faire avancer son récit
deux femmes cohabitent dans la dans une sorte de torpeur
fiction sans s€paration, sans se tou- maligne. La paranoia du héros
cher non plus. Le cinéaste se laisse semble toujours prise dans le:
rarement écraser par son ambi- brumes du sommeil, et de ce fait,
tion. Ce n’est pas l’ascése théo- tend 4 ralentir l’accélération
rique d’ Eclipse de lune qui convaine propre a tout récit paranoiaque.
(réflexion sur la photographie, sur Le temps n’existe plus, comme
les images mortes) mais ]’étran- engourdi, plus rien ne faisant lien,
geté sombre et colorée qui le par- chaque scene avangant de facor
court. Garcons et filles s’endor- autonome mais un peu trof
ment, entre flash-back et m « Entre deux mondes », de Fabio Conversi. mécanique.
avances-rapides, dans une confu- Jean-Sébastien Chauvir
sion lente et implacable. Effrayé tique) ou au contraire le trop-pré- de la gorge ou du sexe.A l’autre
par les portes qu’il ouvre sans cis (le détail immédiatement ensuite de littéralement repécher
cesse, Wang Quan An préfére en dépassé par un autre, comme les le blessé, suffoquant comme un Interview et Flora
pousser une multitude et ne pas petits objets qui se transmettent poisson ferré, et de le soigner.
rentrer dans les piéces. Oxy: de main en main entre les per- Choisie comme figure centrale, de Jessica HAUSNER
sonnages). De ce gout pour le hia- Yimage de l’orifice revient tout le Autriche, 1999-1995. Avec Klaus Handl, et Nice
tus, la petite fissure qui dissimule film. C’est par les trous des trappes Steinbauer. En salles le 9 mai.
Entre deux mondes un gouffre, Entre deux mondes tire tenant lieu de toilettes que l’on travers deux films (l’ur
une atmosphére singuliére, trés péche en temps de pluie et que A conn l’autre moyen)
de Faso Convers! fine, dont l’étrangeté douce et Yon passe discrétement pour épier 4 jumeaux dans leur forms
(Tra due mondi) pénétrante confine souvent au ou assassiner un locataire quand et intentions, Hausner porte su
Italie, 2000. avec Michele Placido, Stéphane Freiss, fantastique. V. M. une histoire de meurtres vient des adolescents — ou jeunes adulte:
Lorenzo Crespi, Bianca Guaccero. En salles le 2 mai. assombrir celle d’amour. En —un regard trouble entre Haneke
y ‘argument mélodramatique exploitant 4 merveille les res- et Korine, volonté de mise er
| d’ Entre deux mondes (deux Lille sources d’un décor original tenant scéne crue, séche, et désir de
hommes en lutte pour une sur ses épaules tout le reste du détourner le réel de son cour:
méme femme) s’inscrit dans une de Kim Ki-puk film, Kim Ki-duk réussit a inves- trop formaté pour étre honnéte
perspective historique. Nous Corée, 2000. Avec Suh Jung, Kim Yoo-seok, Park Sung-hee. tir L’Ile d'une ambiance étrange, Flora comme Interview filment I:
sommes en 1860 en Sicile : le En salles depuis le 25 avril. délicieusement malsaine. solitude de personnages délaissé
capitaine Loyola représente le A» lieu de s’afficher comme Lc: par les groupes, en marge de |
royaume finissant des Bourbons, A des ceuvres a tendances socialisation, pas vraiment de’
Grifone, son rival, symbolise I’Ita- érotiques, certains films excentriques, juste des étres écar-
lie naissante de Garibaldi. Le per- coréens actuels, et L’Ile en premier Insomnies tés de la parole, des échanges, di
sonnage incarné par la belle plan, feraient mieux de mettre en sexe. Hausner tourne un peu et
Bianca Guaccero, embléme d’une avant leur dimension fantastique. de MicHaget WALKER rond autour de son sujet, et si
latinité un peu sauvage, active la Car si L’Ile n’est en fait pas véri- (Chasing Sleep) perd parfois en insistant lourde-
déchirure de ces deux univers tablement un film fantastique Etats-Unis, 2001. Avec Jeff Daniels, Emily Bergl, Gil ment sur un propos assez naif, qu
antagonistes.Au froid agencement (mais encore moins érotique), il a Bellows. En salles le 16 mai. voudrait que les parias se retrou
des plans répond une construc- gardé du genre sa dimension oni- *insomnie, qu’est-ce que vent nécessairement entre eux, ell:
tion temporelle floue qui améne rique, ses tentatives de décrocher FE c’est, sinon une maladie de grossit le trait, et alourdit ses plan
un certain trouble : on a d’abord dun quotidien trop réel. Véten- ‘esprit qui, ne pouvant en les étirant sans aucun sens di
impression de tout comprendre due d’eau embrumée du film ot désormais plus se reposer, devient la durée, et en jouant si ostensi
trop vite, puis le film dérive, se flottent des cabanes de pécheurs fou. Voila de quoi est fait en tout blement sur la laideur plastiqu’
perd, se suspend dans une ampli- pourrait étre le décor de L’Etrange cas le premier film de Michael que la pose apparait vite vide d
tude qui le dépasse. La belle idée Créature du lac noir de Jack Arnold, Walker, au titre on ne peut plus fondement esthétique. La gros
de Conversi est d’avoir su éviter et si seulement la belle jeune limpide. Linsomnie, c’est celle siéreté du dispositif d’ Interview (1
toute description chichiteuse, femme responsable du lieu avait d@Ed Saxon (Jeff Daniels trés moyen), un jeune homme inter
point de ralliement du film en eu les doigts palmés... Mais peut- bien), professeur de littérature dans rogeant les gens sur leurs ambi
costumes de seconde catégorie, étre alors n’aurait-elle pas pu un lycée d’une petite ville amé- tions, réves, etc., achéve d’accable
pour se laisser aller 4 la contem- nouer une idylle masochiste avec ricaine, dont la femme, un soir, ne le film d’un « vouloir dire » : de
plation de l’incomplétude et du un des hommes venus s’exiler sur revient plus, disparait sans laisser ambitions que ne relaie aucun
dérobement : le monde se pergoit le lac. C’est 4 coup d’automutila- de trace, déclenchant une série de réalisation ferme, qui, a forc
ici par le trop-vague (les références tion a ’hamegon que les jeunes visions chez notre homme qui, d’étre obsédée d’effets de sens, n
historiques abordées sur le mode gens choisissent de se draguer, en enfermé dans sa maison, peine de sait rien montrer.
dun lointain presque fantoma- s’enfongant les crochets au fond plus en plus a discerner (et le spec- Baptiste Piéga

ere PAUUIECDE NIr CINEMA


CACHE oR QueE

puis d’un bureau d’archives 4 une


Liam ancienne plantation, on pourrait -films, distributeur indé
le suivre pendant des heures. II Vous pouvez tout savoir sur nos films ei C a
de STEPHEN FREARS faut dire qu’Alloune est interprété
1: festivals, les salles, textes, photos, interviews, suivre la presse,
la programmation en province, utiliser un maximum de | s sites et si vous
srande-Bretagne, 2000. Avec lan Hart, Claire Hacklett, par Sotigui Kouyate, l’immense avez raté le film en salle retrouvez-le en
Ou sur Lette gratuitement sur simple demande !
Je 5) en ligne
\nne Reid, Anthony Borrows. En salles depuis le 25 avril interpréte des piéces de Peter C tion interna e ntre @lsahon | des films pour
iam pourrait devenir unin visionnement dans les ‘meileures conditions F visibles ol vous voulez
Brook, et que le voir marcher, sil- avec un grand choix de sous-titres. Venez découvrir ce al ial

WWW.k-films.com
exemple type de film dont houette d’oiseau en manteau
les (trop) bonnes intentions brun, suffit 4 occuper n’importe
Je départ se retournent 4 la fin quel espace. Les meilleures choses
contre lui. Puisqu’il réalise cette ayant toujours un terme, Alloune
‘ois non plus pour les Américains finit par retrouver son cousin et
mais pour la télévision anglaise, la descendante qu’il était venu dant
Stephen Frears en profite pour fil- chercher, dans les rues de New
ner sans trop se fouler : cadrage York. Commence alors une sorte
1 hauteur d’enfant pour toujours de dramatique sociale que Bou-
lus forcer l’identification, plans chareb double, sans raison appa-
n focale courte pour se brancher rente, dune rapide comédie
i la mode d’un Welles revival. Mais romantique, a la Green Card, avec
quand le fond prend des airs dou- Roshdy Zem. Et si on allait plu-
eux, la forme finit par importer tot aux Bouffes du Nord ?
eu. D’un cété, il y a Liam, petit PB.
zarcon curieux qu’un bégaiement
vandicape. Attendrissement évi- LIFE WITHOUT D
lent et identification facile pour Manipulations J. au Forum a
-e symbole d’ouverture d’esprit
de Roap Lurig Cannes
t de fragilité. De l’autre, une
glise intégriste et un pére de Etas-Unis, 2001. Avec Jeff Bridges, Joan Allen, Gary
amille fasciste. Indignation et rejet | PERPETUA 664 et
Oldman, Christian Slater. Sortie en salles le 2 mai
© A HANDFUL OF GRASS.
mmédiat pour ces formes d’in- e président démocrate Jack-
olérance, cela va de soi. Mais que son Evans (Jeff Bridges)
yenser des intentions de Frears décide de nommer, pour la
orsque,a la fin, les flammes (de premiére fois de l’histoire améri-
‘enfer) punissent le pére de Liam, caine, une femme, Laine Hanson
‘ertes fasciste, en brulant sa fille ? (Joan Allen), au poste de vice- ) : Soleil Noirde R. Siinne, sur la mytholo:
Ses derniéres séquences donne- président. Son principal adver- gie du national-socialisme, Peaux de chagrin et Malaimé
aient alors raison aux partisans saire, le sénateur Shelly Runyon de R. Olivier, sur l'amour fou. Fallen Angels Paradise
lu péché qui traumatisaient le de 0. Fawzi et Full Blastde R. Jean deux films
(Gary Oldman), va tout faire pour
de la nouvelle vague égyptienne et québecquoise.
retit Liam et discréditeraient ainsi empécher sa nomination par le Dans la “collection Jean-Claude Guiguet” Les Passagers .
ine heure trente de discours Congrés : manceuvres sournoises
1umaniste. et coups bas 4 la clef (révéler les
L2€ « frasques » commises par Laine
Hanson dans sa jeunesse). Bien
que tout soit permis, Dieu existe
ttle Senegal (dans la Constitution américaine
aussi bien que dans le film). S’il
le Racu1p BOUCHAREB prend, dans le film, les traits de
ance, 2001. Avec Sotigui Kouyate, Sharon Hope, Roschdy Jakson Evans, c’est que Jackson
2m, Karim Koussein Traore. En salles depuis le 18 avril Evans est le Film lui-méme ; per-
l y a au moins deux sujets sonnage autocréé qui tire toutes
dans Little Senegal : la quéte les ficelles y compris celles du
dun vieux Sénégalais, film. Président des Etats-Unis et
\lloune, qui décide de partir substitut clairement affiché de
hercher ses descendants aux Road Lurie, il évolue dans un
‘tats-Unis et les conflits oppo- univers cinématographique qu’il
int Africains et Afro-Américains, a lui-méme mis en scéne. Tous les
ans un quartier de Harlem, Little autres personnages ne sont que
enegal. Le probleme de Rachid des spectateurs qu’il faut 4 tout
souchareb est d’avoir voulu prix mettre de son cété. Shelly
ombiner I’un et l’autre. Quand, Runyon, adversaire farouche et
ans le premier tiers du film,il se donc spectateur récalcitrant,
ontente de suivre son person- connaitra la pire des humiliations,
age du Sénégal en Amérique, contraint de quitter devant tout > 45, rue to Saintonge 75003 Paris
Tel 0142747014 Fax 0142747024
CAHIERS DU CINEMA / MAI 2001 119
k-films@wanadoo.fr
»le Congrés la salle et du méme sons. Mais vouloir tout expliquer
coup le film. Le jeune député le conduit au choix maladroit
ambitieux Reginald Webster dun récit non seulement plombé
(Christian Slater) se détachera de par une voix off inutile, mais sur-
Yemprise de Runyon pour chan- tout convoquant sans cesse des
ger de camp, celui du Mal pour retours en arriére, donnant 4 Mon
le Bien, et sera finalement réha- pere un air de rengaine tout aussi
bilité. Quant 4 Laine Hanson, balourd que lorsque les repéres
figure morale du film (et de Jack- chronologiques du film s’évo-
son Evans), elle se bat pour pro- quent en salissant les images d’un
téger sa vie, arguant que « cela ne dégradé : couleurs délavées pour
regarde personne ». Belle position les années 50 de la trame prin-
éthique qui ne fait pas le poids cipale, virant au jaune dans les
devant le président lorsque, a la séquences de flash-back. Giovanni
fin en privé, celui-ci lui demande pousse alors Villustration simpliste
de tout lui raconter (« Appelez-moi dans ses derniers retranchements,
Jackson »). Manipulations, a cet ins- w « Nouvel ordre mondial (Quelque part en Afrique) », de Philippe Diaz. jusqu’a faire vaciller un plan au
tant, laisse voir tous ses ressorts et son off du mot « vertige ». Plus de
ses véritables ficelles. Pourquoi surface, n’aurait di tenir que en a pas, disons quelle est juste le retenue, moins d’étalage de sen-
montrer « ce qui ne regarde per- du ludique : motif du masque prétexte 4 réunir Julia Roberts et timents 4 |’écran auraient permis
sonne » ? Parce que ce qui ne (méfions-nous de nos amis), de Brad Pitt 4 l’écran, ensemble un tout aussi sincére et sans doute
regarde personne, c’est justement la spirale (l’araignée qui tisse sa ailleurs pendant seulement un plus poignant hommage.
Jakson Evans, c’est-a-dire le pré- toile autour d’un improbable quart d’heure du film. Quant au Lie.
sident des Etats-Unis mais aussi « nouvel ordre mondial ») et du jeu de l’actrice, au risque de se
Road Lurie et encore le film renversement (le profiler pris 4 son facher avec tous ses fans qui tra-
Manipulations. Finies alors les propre jeu).A chaque élément, vaillent dans cette revue, c’est un Nouvel ordre mondial
astuces de mise en scéne. On en chaque personnage correspondent euphémisme de dire qu’il est en
revient au discours cinématogra- un symbole grossier, une relecture pilotage automatique. Mais voila, (Quelque part en
phique en tant que discours poli- perverse qui répéte infatigable- il y a James Gandolfini, cet extra-
tique : faire entendre ce que les ment la méme angoisse : le dan- ordinaire acteur qui joue Tony Afrique)
gens veulent entendre. « Votez pour ger ne peut plus venir que de l’in- Soprano dans la série du méme
moi ! », prononce Jackson Evans. térieur. Avec ses profs tueurs, ses nom et qui parodie son person- de Puitipre Diaz
« Votez pour mon film ! », prononce gardiennes sadiques, ses petites nage de brute mafieuse, devenant France, 2000. Documentaire, En salles depuis le 25 avril.
Road Lurie. tétes blondes balancées de droite ici une brute-homo-et-donc- hilippe Diaz, producteur
Nicolas Azalbert (la fille modéle d’un sénateur finalement-fragile. Gandolfini fait Poss sang de Carax,
américain) 4 gauche (le fils du non seulement fi de la bétise des Pierre et Djemila de Blain...)
président russe), Le Masque de scénaristes, campant son person- devenu réalisateur, s’est rendu en
Le Masque de l’araignée Varaignée n’est rien de plus qu’un nage avec beaucoup de classe et Sierra Leone, pays en guerre
cauchemar de puritain paranoiaque. de finesse, mais en plus, durant depuis dix ans, pour dénoncer la
de Lez TaMaHorI V.M. une ou deux grandes scénes de responsabilité des Occidentaux.
(Along
Came a Spider) comédie, il forme avec Julia La thése de Nouvel ordre mondial
Etats-Unis, 2000. avec Morgan Freeman, Monica Potter, Roberts un tandem incroyable- est simple : on nous a menti. Sur
Michael Wincott, Penelope Ann Miller. En salles le 9 mai. Le Mexicain ment sexy, qui réactive illico mais Videntité des auteurs des exactions
epuis qu'il s'est exporté pour un temps malheureusement (les amputations « vues 4 la télé »),
1D) aux Etats-Unis, Tamahori de Gore VERBINSKI trop bref nos coeurs de midinette. sur la nature des rebelles du RUF
_# s'est mué en honnéte fai- Etats-Unis, 2001. Avec Julia Roberts, Brad Pitt, James Jéréme Larcher (Front révolutionnaire uni) — jugé
seur de lindustrie hollywoo- Gandolfini. En salles depuis le 25 avril. trop favorable 4 ses derniers, le
dienne. Le Masque de l’araignée 1 est des films complétement film a été trés contesté lors de sa
confirme la capacité du cinéaste [ ints qui, pour peu que I’on Mon pére présentation 4 Cannes I’an der-
4 instaurer une tension trouble, un -soit patient et d’humeur pri- nier. Mais, alors méme qu’il stig-
malaise insidieux a partir de petits mesautiére, réservent une ou deux de José GIovaNNI matise la propagande médiatique
détails du quotidien. Le probleme, scénes qui valent le détour. Le France, 2000. Avec Bruno Cremer, Vincent Lecceur, Rufus, diabolisant le RUF, Diaz adopte les
ici, vient d’un propos sous-terrain Mexicain est le premier long- Michelle Goddet. En salles depuis le 25 avril. méthodes mémes qu’il met en
assez nauséabond qui supplante métrage de Gore Verbinski, et l’on y, ifficile pour José Giovanni cause : montrer des images chocs
rapidement tout sur son passage. connait déja par coeur sa vidéo- ] ec retracer le combat et nommer les coupables (ici, les
De l’enfance bafouée dont Tama- théque, grosso modo celle de tous _# mené dans l’ombre par forces gouvernementales et les
hori s’est fait le chantre dans ces cinéastes prétendument indé- son pére pour sauver de la peine soldats nigérians de l’ECOMOG-
L’Ame des guerriers ne subsiste pendants dont on aimerait tant de mort son fils condamné. Sur mandatés par la Communauté
qu’une pale photocopie revue et qu’ils arrétent de se repasser en les silences d’autrefois d’un économique des Etats de
corrigée aux canons du thriller boucle les films de Peckinpah homme qui ne s'est jamais l'Afrique de l'Ouest et soutenus
de récupération. La pulsion sécu- pour sortir un peu et découvrir dévoilé, jadis méprisé et aujour- par l’ONU). Difficile, au vu de ce
ritaire qui active le film en pro- le monde. Ne nous attardons pas hui glorifié, Giovanni cherche film seul, d’accorder plus de cré-
fondeur affecte tout ce qui, 4 sa sur l’histoire du film, puisqu’il n’y a poser des mots, donner des rai- dit 4 son discours qu’a celu:

wan PCAUIEBERE NIT CINENA


GA
HO BR CRITIQUE

ju’ont relayé les médias occi-

Magic
arborée par le titre du film, un
lentaux s'il a recours 4 des zoom sur le tableau éponyme de
noyens similaires. D’autant que Courbet tente vainement de la
es violences sont présentées hors justifier. Retour in extremis au
ontexte, comme isolées et, ainsi, cinéma grace 4 la scéne finale fil-
juasi déréalis¢es. Ce n’est qu’une mée dans un paysage enneigé.
mage, montrée a égalité avec Mais seulement parce qu’elle res- CINEMA
elles, bréves, muettes et musi- semble tant 4 celle, magnifique,
ales, saisies dans la Sierra Leone qui achevait Tirez sur le pianiste de
aujourd’hui. Lesthétique est Francois Truffaut.
elle de la carte postale humani- Lc.
aire, loin de la pédagogie pam-
hlétaire annoncée. Une sé-
juence dépasse cette approche. Quand on sera grand
Jn enfant paniqué est attrapé par
les soldats qui l’immobilisent — de Renaup CoHEN
e n’est pas, loin s’en faut, l’acte France, 2000. Avec Maurice Bénichou, Amira Casar et
> plus cruel du film, mais c’est le Mathieu Demy. En salles le 25 avril.
lus marquant car le seul qui s™ uand il était petit, Simon
lure. Suivent des plans du prési- Vs s’imaginait certaine-
lent sierra-léonais puis d’un “<A _ment pas 4 trente ans
iplomate britannique qui affir- journaliste 4 Tabac Magazine, pas
nent leur soutien 4 l'intervention plus qu’il ne s’attendait 4 ce que
le ’ ECOMOG. Ce que ce choix procréer soit un tel défi (ce qui <
le montage produit est discutable lui attire de vifs reproches de sa =
nais enfin significatif. Nouvel ordre compagne). Sans doute non plus Wu
rondial, film de justicier malha- ne s’‘imaginait-il pas séduire une 4
ile, cesse alors de s’autodétruire. femme enceinte et mariée qui o
rovisoirement. serait sa voisine. Pourtant, c’est
BE. A. bien ce qu’il lui arrive.A la charge 2
<
de ces soucis s’ajoutent l’ombre
paternelle, une grand-mére dont ”
‘Origine du monde Yesprit faiblit et la mémoire WW
[+4
flanche, un ami d’enfance boxeur Heinrich von Kleist loa
le JEROME Enrico raté. Renaud Cohen filme avec 4
Alfred Déblin
ance, 2000. Avec Roschdy Zem, Angela Molina, Alain acuité, et un vrai sens du rythme tut
ishung, Maurice Garrel. En salles le 2 mai. et de la situation, ces enchevétre- =
kK
| fallait cout de méme du culot ments dramatiques, ce jeu de
[ pour ajouter au générique de poupées russes ot chaque scéne
fin de L’ Origine du monde la en contient une autre qui elle-
rention « d’aprés Sophocle ». Car méme en révélera une autre.
u dramaturge grec et de son Quand on sera grand ne sombre pas
Edipe roi, il ne reste, dans le film dans la politique du pitre, ne gros-
e Jéréme Enrico tourné en Dv sit jamais le trait, privilégie un
ue quelques éléments ajustés en regard en retrait, ironique.
aravent pour dissimuler un récit On pourra se réjouir au passage
ousu de fil blanc. C’est d’ailleurs de voir des Séfarades représen-
n s’amusant de ne rien com- tés autrement que révant de belles
rendre au sujet embrouillant bagnoles, de fric et de femmes au
onflits familiaux sur fond de foyer. Le voisin ashkénaze de
olar, qu’on finit par débusquer Simon, le mari de l’infidéle
'S grossiéres transpositions enceinte, est agressif, violent, don-
ontemporaines du mythe. D’un neur de lecons sentencieux. La
.oschdy Zem en CEdipe boiteux vie, dit-il, ce n’est pas une chan-
une Rossy De Palma en Sphinx son d’Enrico Macias. Mathieu
coposant ses énigmes armée d’un Demy est décidément un grand
‘volver, Jéréme Enrico ne fait comédien burlesque, c’est-a-dire
as dans la finesse. Le comble du un corps mélancolique dans un
dicule est atteint en choisissant milieu hostile, agité, qui donne
2 représenter le choeur antique a voir la douleur du moindre de
2 la tragédie par des séquences ses déplacements dans un espace
> clip d’un groupe de rap. Quant contraignant, d’ot il s’agit de
la poseuse référence culturelle trouver une issue. B.P.

CAHIERS DU CINEMA / MAI 2001 121


CAHIER c RITIQUE

Rolling Le Roman de Lulu


de PeTer ENTELL de Prerre-OLIvIER ScoTTO
Suisse, 1997. Avec Ivano Gagliardo, Emmanuelle Bigot. France, 2001. Avec Thierry Lhermitte, Claire Keim, Patrick
En salles le 2 mai 2001. Bouchitey et Pierre-Olivier Scotto. En salles depuis le
eter Entell a filmé la vie au 18 avril
~# quotidien d’Ivano Gagliar- \ crit et adapté a partir de sa
do, jeune poseur de mo- { piéce par David Decca, Le
quette au chomage qui, par ses 4 Roman de Lulu est un mélo
talents de patineur (et par la dif- sans histoire. Dans un Paris quel-
fusion d’une émission télévisuelle conque, Roman et Lulu tombent
lui étant consacrée), va acquérir passionnément amoureux l’un de
rapidement une gloire nationale. Pautre : rencontre romantique sur 3Ei
A le voir dévaler les rues, les trot- le pont des Arts, déjeuner chez
Es
toirs, les rampes et les escaliers de Goldenberg, tour de grande roue 3
2
Lausanne, a l’entendre parler de aux Tuileries pour la touche sen- z=
sa passion devant la caméra de timentalo-loufoque. Le point de e5
Peter Entell, le spectateur est pro- vue excéde rarement les gros =
gressivement saisi par une impres- plans sur les yeux mouillés de @ Ramzy Bedia et Eric Judor dans «La Tour Montparnasse infernale ».
sion désagréable. Par petites Claire Keim ; la caméra fouille
touches (un plan 4 la volée, une complaisamment dans le bleu et hommage au muet qui se styles et types de récits sans se
musique additionnelle) se cons- regard d’un Thierry Lhermitte, résume ici a Chaplin — entendez résoudre 4 trancher pour l’un ou
truit une mise en scéne qui force tout drapé de digne pudeur. Parce Benny Hill — et a des mimiques l'autre, aboutissant 4 une sorte de
son personnage a alimenter un que le hic de cette idylle sans navrantes), le réalisateur ne tire chromo délavé ot les paysans sont
point de vue qui n’est pas le sien. tache, est que Roman a cinquante que niaiserie et fumisterie mal observés 4 la longue focale
Ivano n’est pas l’individu rebelle, ans et Lulu, moitié moins. S’il assumées.A la fin, le héros, qui n’a comme un décor en mouvement.
subversif, « l’exclu volontaire des refuse de laisser sa belle sacrifier rien appris, repart dans son monde Mais, surtout, le ton du film est
valeurs traditionnelles de la société » sa jeunesse a voir vieillir un vieillard, (le film comme tombeau). Voila le celui de quelqu’un dénongant
que filme Entell. Il n’y a chez lui elle, en revanche, n’a que faire de propos de ce genre de petit pam- une réalité tout en restant évasif
aucune théorisation politique de ses états d’ame, et veut rester phlet anorexique, étouffé par sa sur ses objectifs (quand ? of ? quoi
son activité et ses actes ne témoi- auprés de lui. Les arguments de volonté de cloisonner et de sec- ?),se donnant bonne conscience
gnent d’aucun engagement Yun et de autre épuisés en un toriser une vague idée du sans prendre le moindre risque.
contestataire (il se marie, devient quart d’heure, tout le reste ne sera cinéma : transformer toute ciné- Ace:
patron d'un magasin de patins). que pénible ritournelle sur un air mathéque en capharnaiim.
S'il défie le monde capitaliste, cela de : « Trois pas en avant, trois pas V.M.
ne tient qu’au montage du film en arriére... » La sociologie est
qui le montre rouler dans la rue S.B.
juste aprés quelques plans de Sanam un sport de combat
banques et d’hommes d’affaires.
S'il est le nouveau Clyde Barrow Le Royaume des rapiats de Ravi Prrrs de PrerRE CARLES
des temps modernes et sa femme France-lran, 2000. Avec Roya Nonahali, Ismail Amini, France, 2001. Avec Pierre Bourdieu. En salles le 2 mai.
sa Bonnie Parker, cela ne tient de MicHeEt ViGNAUD Farrokh Nemati. En salles le 2 mai. pres quelques ceuvrette:
qu’ la chanson de Serge Gains- France, 2000. Avec Gaél Bordier, Patrick Athenor, Delphine u travers d’un récit en télé subjectives, dont le
bourg que l’on entend lorsqu’on Lalizout. En salles le 25 avril. boucle, Sanam nous conte, ft bruyamment anecdotique
les voit patiner ensemble.A force e héros pataud de ce L dans I’Iran rural, l'histoire Pas vu pas pris sur certaine:
de tirer le réel (a soi), le film finit | Royaume des rapiats (un per- de la rébellion d’un jeune garcon, ententes politico-médiatique:
par casser au moment ot I’on ne _/sonnage de film muet qui témoin de l’assassinat de son pére supposées, Pierre Carles se fai
s’y attendait plus. Parce qu’Ivano se trouve brusquement projeté (réputé voleur de chevaux ou humble et cesse de jouer les mar-
n’a pas su tenir la comptabilité de dans le monde moderne) est a révolté selon le point de vue) par tyrs farceurs pour filmer sor
son magasin, que celui-ci ferme, Vimage du film, triste pochade de les propriétaires d’un haras. Seule maitre a penser : Pierre Bourdieu
que sa femme le quitte, tout le dis- cousins théatreux en mal de bonne idée du film : un homme De son bureau 4 ses cours, d’unt
positif mis en place par Entell s’ef- simili-subversion frelatée. De son dévale une colline avant de se faire réunion de sociologues engagé
fondre. Apparait enfin un individu discours autiste et réactionnaire tuer, image répétée deux fois sous politiquement a une soirée ;
singulier, un grand enfant plongé (un monde incompris est forcé- le méme angle mais avec deux Mantes-la-Jolie, Carles suit Bour-
dans le désarroi et l’incompré- ment un monde de pourris), de protagonistes et deux « regar- dieu 4 la trace, enregistrant sage
hension de voir son réve s’effon- son invite empotée au voyage dants » différents, acheminant une ment sa parole. Le film tire soi
drer. Le film raccorde in extremis. cinéphilique (histoire momifiée image « carte postale » vers son intérét de sa durée (2 h 26), di
Le réve est une mise en scéne, du cinéma passé¢e au mixeur du devenir tragique. Pour le reste, choix de ne pas se focaliser su
la mise en scéne est un réve. A calembour potache) et surtout de Rafi Pitts reste un touriste au quelques phrases clés (voir en par
s éloigner du réel, on peut rater sa grotesque ambition de faire bien coeur de la réalité qu’il décrit. Ni ticulier les longs débats au Val
les deux. avec des mobiles de cancre (noir réaliste, ni métaphorique, le réa- Fourré) qui lui donne sa péda
N.A. et blanc complétement injustifié lisateur louvoie entre plusieurs gogie oblique, faite de répétition

ae rPraUIEede mit CINEMA £


CAHIER QueE

rtielles et d’approches multiples sourde qui nait de la description


un méme théme (la reproduc- d'un quotidien sclérosé porté a sa
on sociale ou la domination limite), mémes partis-pris de nar-
asculine, 4 travers les rencontres ration (la rencontre saugrenue qui
1e fait Bourdieu et les inter- ouvre sur une faille béante dans
ews qu'il donne). Face 4 ses étu- laquelle s’engouffre tout le récit).
ants, face aux éducateurs de S’il ne s’empétrait vers la fin dans
inlieue ou aux sociologues une atroce tentative d’explication
oins chevronnés, Bourdieu est (un tube final qui atteint en niai-
1e figure paternelle. Comme serie sirupeuse celui de Titanic)
ce a Pierre Carles, qui ne donne rendant caduc tout ce que Le du Cinéma Frangais
cés 4 quelques trés relatives fai- Roch avait savamment réussi 4
esses du sociologue que comme orchestrer, Le Soleil au-dessus des
ges de son indéfectible affec- nuages serait un grand film. Par son OUVU reZ-voeus
on respectueuse. Dans une aptitude a créer un malaise exis-
quence du film, Bourdieu regoit
1e lettre de Godard accompa-
tentiel diffus 4 partir de non-lieux
évidés (une longue dérive entre
les poctes
1ée de photos d’Histoire(s) du Paris et Saint-Nazaire), par son
1éma. Il lit les mots du cinéaste évidente facilité 4 jouer sur le
éme
confesse n’y rien comprendre, mode tragi-comique sans jamais
du TART
ec une géne moqueuse 4 céder le pas a 'une ou a l’autre de
quelle s’associe Carles. « Je ne ses extrémités. Daniel Prévost, en
is pas un poete », confirme Bour- super-grogneau moliéresque, est
eu. Cet aveu revendicateur prodigieux. C’est ce qui dérange
inte, mieux que les débats le plus ici : le cété ratage toujours Ss
entés sur son exposition média- au bord du sublime, une sorte de
jue, les limites de l’intellectuel miévrerie nonchalante qui ne
ourdieu. Et surtout du réalisa- mesure jamais tout a fait la gran- z
ur Pierre Carles, dont les inten- deur de ses effets. 3=
ons subversives s’arrétent aux V. M.
srtes (filmées avec obligeance)
1 Collége de France. Ici, on reste
itre gens sérieux. Si ce film filial La Tour Montparnasse
*n prend 4 |’anti-intellectua-
me, c’est sur un fond impli- infernale
tement anti-artistes. Qui fait
1e victime : le style, condition de Cuartes NEMES
Assistant réalisateur
1e qua non de toute révolte France, 2001. Avec Eric Judor, Ramzy Bedia, Mariana Fois,
gne de ce nom. Serge Riaboukine. En salles depuis le 28 mars.
ERE aux film catastrophe, La Tour Scripte
Montparnasse infernale est une
comédie drole qui fonc- Monteur
2 Soleil au-dessus tionne par élans sans sauts, sauts
de puce faisant suite 4 des élans de
2$ nuages grand fauve. Chaque gag d’Eric
Comédien

et Ramzy est une correction de


Eric Le Rocu tir, un rattrapage in extremis un peu
ce, 2000. avec Daniel Prévost, Serge Hazanavicius, honteux. Tout, chez eux, est L’école du cinéma
ne Vincent. En salles le 2 mai. comme non épanoui et presque
ean, un célibataire de 50 ans autophage. Babil, 4nonnement,
méprisant et arrogant, est mots mangés, gestes avortés ou Ecole reconnue par la Fédération des Industries
licencié du jour au lendemain. trop courts, timidité et maladresse
n existence sombre dans le créent une sorte de monstruosité du Cinéma de l’Audiovisuel et du Multimedia (FICAM)
ant. Mais la rencontre d’An- naine et, simultanément, installent
ne, un jeune homme zen et un étrange climat sexuel. Non
timiste, va lui permettre de seulement Ramzy est soupgonné
{écouvrir la vie sous un jour d’homosexualité, mais les syl-
uveau... Ce sympathique labes, et parfois les corps (comme ptions :
nte n’est pas sans rappeler le dans I’extraordinaire bagarre lente 9 PA
narquable Aie de Sophie des conduits d’aération), passent
iéres : méme gout pour la dou- des alliances contre-nature, trou-
ir enveloppante d’un bizarre vent des chevauchements inat- iblissement d’En
< accents lynchiens (’étrangeté tendus. Dans la bouche, sous la =
CAHIER c RITthave

»langue, partout, des incestes sans @horreurs, aux emplois et liaisons symbole de liberté (« I’m a free
cesse s’esquissent.On dira évi- sans avenir, compromises par une Les Visiteurs man », apprend a dire le serf),
demment que ce comique est impuissance sexuelle chronique. une classique course-poursuite
d’abord régressif. Evidemment. Laura, sortilége ou amour, lui en Amérique finale et quelques effets numé-
Mais dans La Tour Montparnasse donnera un travail stable, un toit riques gratuits. Pourtant ce n’est
infernale comme 4 la télé, Eric et accueillant, et une virilité 4 toute de JEAN-Marte GAUBERT pas tant cette américanisation pré-
Ramzy — Eric plus et mieux que épreuve, si neuve et impérieuse France, 2001. Avec Jean Reno, Christian Clavier, Christina visible, juste aseptisée, qui pourrit
Ramzy — donnent une direction qu’il ne songe pas 4 repousser Applegate, Matthew Ross. En salles depuis le 11 avril. le film mais plutdt l’abandon de
bien précise 4 leur supposée les avances d’une collégue. Laura, —~ “est sans doute sa maniére ce qui pouvait vraiment faire rire
incompétence, idiotie ou enfance. saisie d’un fort courroux, l’expulse lache de renoncer entié- dans la version de 1993 : une
Celles-ci jouent comme fausse et le prive de tous ses attributs. __4 rement A ses origines fran- légére satire de la bourgeoisie pro-
paresse, fausse médiocrité. Ce Fidéle a l’esprit de la comédie de ¢aises pour ne devenir plus qu’un vinciale dont les « okéé » et « qu’est-
qu’elles ratent est aussi ce qu’elles (re)mariage, badine et grivoise, qui « film citoyen américain » qui ce que c'est que ce binz ? », martelés
refusent : davantage que le beau souffle dans le film, le réalisateur perd Les Visiteurs en Amérique. par un Clavier gentiment moqueur,
geste ou la belle phrase, la belle les conduira in fine devant le Tourner un remake pour le public se voyaient repris en cheeur jusque
facade d’un certain « métier » maire... Plutét que revenir 4 américain du premier volet des dans les cours de récré. C’était
comique. E.B. Hawks, il faut plutot imaginer ce aventures de Godefroy de Mont- aussi l’occasion d’inventer ur
qu’Ed Wood aurait fait s'il s’était mirail et Jacquouille la Fripouille vocabulaire pseudo médiéval (« ¢
mis en téte de faire une comé- supposait bien entendu de réviser puire ») qui réussissait 4 en faire
Virilité die : sans doute ne serait-il pas trés le scénario original a l'identité rire plus d'un. De tout cela, I:
loin de Ronan Girre. Effets spé- trop franchouillarde. Jean-Marie nouvelle version n’a gardé aucune
de RONAN GRRE ciaux bancals, scénario lache, Poiré (rebaptisé Gaubert sous sa trace, se bornant 4 récupéret
France, 1999. Avec Bruno Putzulu et Estelle Skorik. interprétes fulgurants de naiveté, casquette de director) et Christian quelques gags de situation, préféran
En salles le 9 mai. un ton égaré entre justesse et poé- Clavier ont donc joué les scéna- surtout insister sur un humow
“i certains en doutaient sie ébouriffée, une esthétique ristes hollywoodiens, adoptant du pipi-caca tant en paroles qu’er
S encore, ce film confirme une incertaine mais séduisante, pas pays sa vision étroite du monde actes. Pour quelle raison alors, autr
\/intuition ancienne : les tant par ses inventions que par son et ses récurrences cinématogra- qu’économique, avoir fait débarque:
femmes sont démoniaques - une sens de l’artisanat, proche de l'art phiques. Sont alors ajoutés 4 l’in- ces visiteurs dans un pays sans His-
en tout cas, celle dont Alexis brut. Virilité invente la série Z trigue un méchant (le mari de toire, ott les rares bonnes idées de |.
tombe amoureux. Jusqu’alors, sa rohmérienne... Julia, infidéle et cupide) et une premiére version n’étaient mém«
vie se limitait plutét aux films Bee apologie des Etats-Unis comme plus réutilisables ? L.C

SELEC ON OFFICIELLE
¥ INfipeLe

iNfID eLe
wa UV ULLM
ANN on
< INGMAR BER CMAN
Institut finlandais, jusqu’au 16 jjuin
En 32 films de 19 réalisateurs, le docu-
émathéque francaise mentaire finlandais s’affiche a |'Institut
lai de méme nationalité depuis le 12 avril
Ecole Internationale de Création
événement du mois a la Cinéma- Cinq programmes sont annoncés pour Audiovisuelle et de Réalisation
1eque francaise reste I'incontournable le mois de mai sur des themes comme
Enseignement Supérieur Technique Privé
strospective Raoul Walsh, sur laquelle « Du Flottage du bois au désastre éco-
N pourra consulter, en complément logique », « Les Plaisirs du corps » ou Recrut y ac + concours
u dossier paru en mars dans les « La Fraternité et le désir ». Avec
ahiers, Raoul Walsh, la saga du conti- notamment, dans ce dernier theme,
ent perdu de Michael Henry Wilson, Daddy and the Muscle Academy de \|ppo
o€édité par la Cinémathéque et Yellow Pohjola, documentaire sur la vie et
low. A noter, le 13 mai, la projection l'ceuvre du pionnier de |'imagerie homo-
e l'émission Ginéastes de notre temps érotique Tom of Finland. www.eicar-international.com
onsacrée a Walsh. Successeur en voie Renseignements : 01 40 51 89 09;
e disparition (cf Cahiers n° 556) de wy astitut-finland. sso.fr 93, Av. d'italie - 75013 PARIS
dite émission, Cinéma, de notre temps
Tél. 01 53 79 10 00

jae LULL
ura quant a elle droit 4a un marathon de Intégrale Rossellini
4 heures, les 9 et 10 mai, ot! sera, au Auditorium du Louvre, jusqu’au 17 juin Fax 01 53 79 16 26
iilieu des chapitres passés, présenté Organisée par le Louvre et I'Instituzione
n avant-premieére le film consacré a Roberto Rossellini en partenariat avec
2an-Marie Straub et Daniéle Huillet les Cahiers, a rétrospective des films
ar Pedro Costa. Du 23 mai au 19juin, de l’'auteur d'Europe51 se poursuit tout
lace ensuite a un cycle de classiques au long du mois de mai. Aprés le volet
iuets du cinéma nordiques. consacré a son ceuvre cinématogra-
enseignements : O1 56 26 01 O1. phique qui s’achévera le 17 mai avec Techaintia sonore et ndiitériq
les rares Pureté (1962-1963) et Ame
Os objets noire (1962), place a ses films télé, avec
orum des images, jusqu’au 22 mai les 12 épisodes de La Lutte de I’homme JAV
uite du cycle que le Forum des pour sa survie, L’Age du fer, Idée d’une Journalisme Audiovisuel: 2 ans
nages dédie aux objets et a leurs uti- ville...
sations au cinéma. Parmi les (nom-
reux grands) films projetés : Level Five
Renseignements : 01 40 20 51 86;
www. louvre. fr BTS AUDIOVISUEL
e Chris. Marker, Madame de... de Max Image - Son - Montage - Production: 2 ans
phuls, Le Salon de musique de Satya- Les Années pop
Ray, Les Chaussons rouges de Powell Centre Pompidou, jusqu’au 18 juin Formation: initiale et continue
Pressburer, Désir de Borzage, La Cas- Suite de la grandiose programmation
atte d’Oliveira, Trafic de Tati... Suivra cinématographique liée a l’expo « Les
traditionnelle reprise des films pré- Années pop ». Au cours des mois de
sntés a la Quinzaine des réalisateurs mai et juin, on pourra notamment y voir VIENT DE PARAITRE AUX PUP
u Festival de Cannes (du 23 au 29 des films de Jack Smith, de Yoko Ono
lai), avant le début d'un nouveau (avec ou sans John Lennon), de Pierre
(cle alléchant : « Infidéle », qui offrira Clementi (Visa de censure n°X), de Phi- Enfin dis ible en francais
ye soixantaine de films sur l'adultére. lippe Garrel (Le Lit de Ja vierge et |'hyp-
enseignements : 01 44 76 6200; notique Révélateur), de Paul Morrissey
forumde: (Flesh) et bien sir d'Andy Warhol (The
Chelsea Girls, Eat, The Closet, Empire...)
irin, berceau du cinéma italien Du 23 mai au 18 juin, la bibliotheque
¢ntre Pompidou, jusqu’au 4 juin du Centre Pompidou organise un cycle
i rétrospective d'une centaine de films intitulé « Cinéma et politique : 1956-
ynsacrée par le Centre Pompidou a 1970 », qui proposera des films de
longue et fructueuse histoire com- Marker et du groupe Medvedkine, de
une de Turin et du cinéma se pour- Godard et du groupe Dziga Vertov, mais
lit durant tout le mois de mai. De Ros- aussi de Rouch, lvens, Bufiuel, Duras,
‘lini @ Argento, de De Santis a Straub et Huillet, Pollet.
jelques visiteurs étrangers (dont Phi- Release eue (01 44 78 42 16;
ipe Garrel avec son Ceeur fantéme), \es
erveilles seront nombreuses.
enseignements : 01 44 78 42 16; Pardon, la Terre !
Ou. Ir Cinéma des cinéastes, jusqu’au
1" * juillet
était une fois... Les Mille et Sous-titré « 40 films pour la sauver », CHEZ LE MEME EDITEUR
1e Nuits le cycle « Pardon, la Terre ! » de Docu-
stitut du monde arabe, jusqu’au mentaire sur grand écran permettra de
\ juin voir ou revoir, chaque dimanche du
lite du cycle Ciné-ima consacré aux printemps, des films comme La Jungle
aptations des Contes des mille et une plate de Van der Keuken et Les Habitants
lits. Du Septiéme voyage de Sindbad de de Pelechian. Plusieurs réalisateurs
ithan Juran au Voleur de Bagdad de viendront présenter leurs films : Karel
chael Powell, Ludwig Berger et Tim Propop (Les Réfugiés de l'environnement) EDITION - DIFFUSION - DISTRIBUTION LIBRAIRES
elan en passant par Les Mille et Une et Ariane Doublet (Les Terriens) |e
its de Mario Bava et Henry Levin et 13 mai, Richard Desjardins (L’Erreur PUBLICATIONS DE L’UNIVERSITE DE PROVENCE
e sélection de dessins animés (le boréale) et Jean Rouch (Madame I’eau)
juin), le spectre est large. A voir le 20, Patricia Mazuy (Des taureaux et
aque week-end jusqu’au 10 juin. des vaches) et Catherine Garanger (Dans
inseignements : 01 40 51 38 11; la peau de l’ours) wpup
iw. imaraba. Renseignements : 08 36 68 97 17. ~
l'ceuvre et a l’'univers de Francois Truf-
Les 30 ans du Collectif Jeune faut. Une rétrospective de I’ceuvre ciné-
Cinéma matographique de Cocteau se tiendra
Cinémathéque frangaise, 11 mai au rythme d’un film par semaine jus-
Le Collectif Jeune Cinéma féte ses 30 qu’au 12 juin. Certaines séances seront
ans a la salle Grands Boulevards de la spécialement destinées aux scolaires.
Cinémathéque avec une carte blanche Renseignements : 01 43 85 91 75.
a Marcel Mazé, membre historique. Qui
a notamment choisi des films de Mar- En Algérie, des hommes
cel Hanoun, Dominique Noguez, Lio- et des femmes d’aujourd’hui
nel Soukaz et Marguerite Duras. Tremblay-en-France, 5 mai
Renseignements : 01 42 46 54 87; Lassociation Périphérie propose deux
www. itnetwork. fr/cinedif films récents sur |’Algérie : Une femme
taxi 4 Sidi Bel-Abbés de Belkacem Had-
Le court en dit long jadj et Des vacances malgré tout de Malek
Centre Wallonie-Bruxelles, du 28 mai Bensmail (en sa présence) au cinéma
au 2 juin Jacques Tati de Tremblay (a 20 h 30).
Dédié aux courts-métrages produits en Renseignements et réservation
communauté frangaise de Belgique 01 48 61 94 26.
pendant l'année écoulée, le festival « Le
court en dit long » propose, pour sa Cinéma et littérature :
9 édition, prés de 60 films. A noter, le d'une écriture a l'autre

40 films
29 mai, une Scratch Projection consa- Nanterre, du 9 au 12 mai
crée a |’Atelier Jeunes Cinéastes de Luniversité Paris X-Nanterre accueille

pour la sauver Bruxelles


Renseignements : 01 53 01 96 96.
un colloque sur les rapports entre
cinéma et littérature auquel participe-
ront notamment Olivier Assayas et
du dimanche 1° avril Quinzaine de cinéma argentin Jean-Claude Guiguet, dont seront pro-
au dimanche 1° juillet Instituto Cervantes, du 28 mai au 8 juin jetés, respectivement le 9 et le 10 mai,
Le programme de la 3° édition du cycle Les Destinées sentimentales et Le Mirage.
La Sudestada de Instituto Cervantes Ces journées de réflexion se conclu-
Dimanche 1” avril s'organise autour de trois themes : « La ront le samedi 12 par une table ronde
Dimanche 6 mai
Dimanche 17 juin culture et l’esthétique des années 60 », sur le theme « Cinémaz-littérature : écri-
Dimanche 1” juillet : L « La destinée des populations abori- tures en création ».
génes argentines » et « Musique et Renseignements : 01 40 97 56 56.
Cinéma des Cinéastes
mise en scéne ». S’y ajoutent un pano-
7. Avenue de Clichy 75017 Pari
rama du cinéma argentin des deux der-
niéres années et un choix de films du
Festival de vidéo de Rosario.

ESRA
Renseignements : 01 47 20 70 79.
Institut Lumiére
Lyon, mai
Trois événements dominent le mois 2
l'Institut Lumiere : la poursuite (jus-
ECOLE SUPERIEURE DE REALISATION AUDIOVISUELLE qu’au 15 mai), du cycle Sam Peckin-
ETABLISSEMENT D’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR TECHNIQUE PRIVE Cycle cinéma et psychanalyse pah avec notamment la version « direc-
Essonne, jusqu’au 19 juin tor’s cut » de La Horde sauvage (que
Les salles du réseau Cinessonne l'on peut également voir dans les salles
accueillent un cycle « figures du meur- Action, a Paris), la rétrospective Raou
trier au cinéma » aux confluents du Walsh entamée en avril qui, si elle n’es
cinéma et de la psychanalyse. En mai, pas aussi large que celle de la Ciné
on pourra voir Le Limierde Mankiewicz, mathéque francaise, propose tout de
Psychose d'Hitchcock, Taxi Driver de méme 22 films, de La Piste des géant:
Scorsese, La Béte humaine de Renoir (1930) a A distant Trumpet (1964), e
et Talons aiguilles d’Almodovar. Roger enfin la programmation de six films de
Schembri, psychanalyste, et Marie- Mikio Naruse entre le 16 et le 29 mai
Anne Guerin interviendront respecti- Renseignements : 04 78 78 18 95
vement les 4 (a Saint-Michel-sur-Orge) www. insti
et 23 mai (aux Ulis) et les 7 (a Chilly-
FORMATION AUX METIERS DE L'AUDIOVISUEL Mazarin) et 31 mai (a Montgeron).
Renseignements : 01 69 06 71 79.
Hommage a Robert Kramer
Aix-en-Provence, jusqu’au 15 mai
Cinéwa 16835 mm - Vino - IMAGE - MONTAGE Parallélement a I'édition de Trajets.
Le Tombeau d’Alexandre travers le cinéma de Robert Krame
EFFeTs SPECIAUX - PRODUCTION de Chris Marker (dirigé par Vincent Vatrican et Cédri:
Pantin, 3 mai Vénail) et Points de départ-conversatio
Durée des études : 3 ans Bernard Eisenschitz viendra présenter, avec Robert Kramer de Bernard Eisen
2 ans d’études de tronc commun, spécialisation en 3° année au Ciné 104 de Pantin, 4 20 h 15, Le schitz (Cahiers n° 556), I’Institut d
ApMiIssION : BAC + Concours Tombeau d’Alexandre, trés beau film de l'image d’Aix rend hommage a Krame
Chris Marker sur (entre autres) son ami en 11 films, de In the Country aux Cité
Alexandre Medvedkine, grand cinéaste de la plaine.
russe (1900-1989). Renseignements : 04 42 26 81 82.
Renseignements : O01 48 46 95 08.
Le Printemps des ciné-concerts
Le Monde merveilleux Bordeaux, jusqu’au 25 mai
de Jean Cocteau Depuis le 19 avril se succédent, a I’in
: 9, quai des Deux Emmanuel - 06300 NICE - TEL. 04 92 00 00 92
Sevran, du 4 mai au 23 juin tiative du Centre Jean-Vigo et dans d
RENNES <1, rue Xavier Grall - 35700 RENNES - TEL. 02 99 36 64 64
LEspace culturel Frangois-Mauriac de lieux bordelais, chaque jeudi et ver
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E BAZIN, Dudley Andrew . 98 F/14,94 € & CORRESPONDANCES GRelié .. 195 F/29,73 €
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Q HITCHCOCK ..... ? 303, 304, 305 435, 436, 437, 438 521, 522, 523 (Supplément J. Eusta
: 1980 1991
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O ACTEURS 323/24, 325, 326, 327, Spécial Télévision
? 1982 451, 452, 453, 454, 455/56, 457, 459, 535, 536, 537, 538, 539, 540, 541
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zee 551 hors-série : Le Side du ci
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t cinéma (17, dont Les Méduses de Del- Andé, 2-4 juin
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estival du film court de Caen, qui pro- tures cinématographiques (c
ose également des séances scolaires, confié trois journées a Alain
in panorama vidéo, une nuit spéciale autour du scénario dans le cinéma de
it des projections itinérantes dans un Jean-Luc Godard, en présence d’uni-
CiNE-DUS ». versitaires, comédiens et techniciens.
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La Grande Bouffe de Marco Ferreri) Generation, avec une petite trentaine EXPERIENCE. WORK WITH 16MM ARRIFLEX CAMERAS IN
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ourts, longs et d’animation autour du
my Daisy et This Song for Jack de Robert
Frank, Les Amants de la nuit et La Forét
Workshops start the first Monday of each month*
néme de « invitation au voyage » interdite de Nicholas Ray, Scorpio Rising
. noter que la journée du 5 mai sera de Kenneth Anger, Shadowsde Cassa- NEW YORK FILM ACADEMY
édiée au festival homonyme qui se
ent dans la ville italienne de Trani
vetes, The Connection de Shirley Clarke,
Flaming Creatures de Jack Smith, Le Fes-
NEW YORK CITY
fenseignements : 02 98 58 59 95. tin nu de Cronenberg.
Renseignements : 05 62 30 30 10. UNIVERSAL STUDIOS'
egards d'Afrique LOS ANGELES, CALIFORNIA
loulins, du 9 au 14 mai Journées départementales
association Ciné Bocage organise un
ycle de cing longs-métrages africains
du cinéma
Alengon, 25 et 26 mai
DISNEY-MGM STUDIOS'
ue viendront, pour certains, présen- Créées en 1990, les Journées dépar- FLORIDA
r leur réalisateur. Au programme tementales du cinéma d’Alenc¢on s'in-
araw ! Une mére des sables d'Abdoulaye téresseront cette année aux cinémas PRINCETON UNIVERSITY
scofare, Petits Blancs au manioc ou a la
auce gombo de Bathily Moussa Yoro,
arabes. Au programme : des projec-
tions de huit longs-métrages et quatre
PRINCETON, NEW JERSEY
eita, I'héritage du griot de Dani Kouyate,
o di sanguide Flora Gomes et Bouka
films courts et des rencontres avec plu-
sieurs réalisateurs, dont Yousry Nas- HARVARD FACULTY CLUB’
e Roger Gnoan M’Bala
enseignements : 04 70 35 06 64.
rallah, Nabil Ayouch et Moufida Tlati
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CAMBRIDGE, MASS.
astival de l’Acharniére PARIS, FRANCE’
lle, du 10 au 13 mai
estival de l'audiovisue! régional, CAMBRIDGE UNIVERSITY
Acharniére présentera, pour
1* édition, des ceuvres de tous types
sa
Festival du film francais d’Albi
CAMBRIDGE, ENGLAND
ctions, documentaires, art vidéo...)
de toutes provenances (profession-
Les Eillades, le festival du film fran-
KING'S COLLEGE’
LONDON, ENGLAND
¢ais d’Albi, organise, en vue de sa pro-
alle, institutionnelle, associative, sco- chaine édition qui se tiendra en
ire...). Ouvert par une performance novembre prochain, un concours de
4 vidéaste Christophe Cellier le 10 scénarios de court-métrage sur le All workshops are solely owned and operated
ai, le festival s'achévera le 13 par un theme « ’homme et ses réves » doté by the New York Film Academy and not affiliated
»mmage au chef opérateur et docu- de prix pour chacune de ses catégo-
entariste Yann Le Masson. with Universal Studios or Disney- MGM studios
ries (lycéens, étudiants, scénaristes).
enseignements : 03 20 66 95 85.
NEW YORK FILM ACADEMY
Date limite de remise des scénarios :
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ilence, 20 avril-17 juin Forum, festival Les Eillades 2001, 104, 100 EAST 17TH STREET, NEW YORK, NY 10003
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Collin Frodon | Kaganski | Lefort | Mérigeau | Burdeau | Guerin Cohen Joyard Tesson
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Intuitions (Sam Raimi) x - * ak - ~ x e * ~
Malli, le combat d'une vie (S. Sivan) | * e - = = e = = Bi
Liam (Stephen Frears) e - ~ ~ e * iS - - -
Sur la trace du serpent (Lee Myung-se} @ = - 2 = = EB = = e
La Horde sauvage (Sam Peckinpah) ak tok *k tok tok tok * ak kk ak
Philippe Collin (Elle), Jean-Michel Frodon (Le Monde), Serge Kaganski (Les Inrockuptibles), Gérard Letort (Libération, France Inter), Pascal Mérigeau (Le Nouvel Observateur). Emmanuel Burdeau, Marie-Anne Guerin, Clélia Cohen, Olivier Joyard et Charles Tesson (Cahiers du cinéma).

La nuit des G@QWRS sur Canal +

Rencontre-signature
avec Héléne Frappat, auteur du livre :
Jacques Rivette, secret compris
édité aux Editions des Cahiers du cinéma.
A la Fnac de Cannes,
vendredi 18 mai a 17 heures
83, rue d’Antibes, tél. : 04.97.06.29.29
La Muette de CLAUDE CHABROL A Arbre a lettres a Paris,
mardi 29 mai a 18h 30
est I’un des cing courts-métrages diffusés lors de la nuit des Cahiers du cinéma sur Canal +, 62, rue du Faubourg-Saint-Antoine
du 17 mai au 18 mai a l'occasion de nos 50 ans. Programme détaillé en page 44 tél. : 01.53.33.83.23. Entrée libre.

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