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CAHIERS DU CINEMA

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Situation' du Cirtéma Français


Katharine Hepburn e t Burt Lancaster font deux créations retentissantes clans LE
FAISEUR DE PLUIE (The Rainmaker), comédie de mœurs tour à tour pathétique
e t comique, mise en scène par Joseph Anthony. (Film P a r a m o u n t , en Technicolor
et VistaVision.)
VIENT DE PARAITRE

MARIE S E T O N

« Cette biographie est un portrait personnel d’Eisens-


tein. L’homme y est rapporté à son œuvre, et l’on s’est
efforcé de répondre aux nombreuses questions qui se
posent à son sujet. Pour l’essentiel, la matière de ce livre
me fut donnée par Eisenstein lui-même entre 1932 et
1935., Il m’en a dicté une partie, notamment celle relative
aux États-Unis et au Mexique. Sur d’autres points — tou­
chant sa vie, ses idées — j ’ai pris des notes à sa demande.
Enfin, une grande partie de ce qu’il me confia est demeuré
inscrit dans ma mémoire. » Marie SETON.
Un volume 432 pages, 113 illustrations : 1.500 françç

P. E. SALES G O M E S -

je a n v iu o
La preuve la plus décisive de la profonde vérité d’un
être, c’est qu’il ait une légende. Les légendes foisonnent
autour de Vigo : son nom, Zéro de conduite, L'Atalante,
A propos de Nice, les titres de ses films sont familiers à
toute une génération, et à travers trois films « maudits »
— un court métrage de débutant, un film interdit et un
film mutilé — il a défini un style et une approche du
inonde qui sont devenus les références mêmes de la pureté
cinématographique.
Un volume 264 pages, 27 illustrations : 800 francs

COLLECTION « C IN E M A T H E Q U E »

É D I T I O N S DU SEUIL. 27, rue Jacob, VIe


Des .jeunes réalisateurs
ALAIN RESNAIS JEAN ROUCH JACQUES RIVETTE
Toute la mémoire du Mamy Water Le coup dû Berger
monde Les Maîtres fous
HENRI FABIANI ANDRE VETUSTO BISSIRIEX
Ces gens de Paris Egalière, commune de La Montagne aux mé­
France téores
Ballade sur les fils
Une lettre pour vous
F. REICHENBACH J. DONIOL-VALCROZE ALBERT PIERRU
Impressions de New Bonjour, Monsieur La Soir de fête
York Bruyère Surprise Boogie
Visages de Pafis L’œÜ du maître Danse des violons
Houston (Texas) Un orchestre répète Frénésie
Novembre à Paris
Le grand Sud

MARCEL GIBAUD GUY DHUIT CALDERON


Ballade Parisienne Les Abeilles Terra d'insectes
Paris d’hier et d'aujour­ Les Insectes de nos fo ­ L’Ile aux oiseaux
d’hui rêts
FRANÇOIS TRUFFAUT AGAM AGNES VARDA
Autour de la Tour Eiffel Recherches Les châteaux de la
Loire

PR O D U C T IO N D E C O U R T S M É T R A G E S 1956-1957

FILMS DE LA P L É I A D E
95, CHA M PS-ELYSEES, P A R IS , Ely. 31-64.

2
CA H I E R S DU C I N E M A — MAI 1957 — TOME XII — N» 71

Le cinéma français en j>lein élan? Non, il s’agit simplement d’Alain Resnais en train
de tourner lui-même un des travellings de Toute la mémoire du monde.

SO M M A IR E

A . B. e t J. D . - V ........................................................... Entretien avec Jacques F l a u d .................... 4


André Bazin, Jacques Don iol-V alcroze, Pierre
>Kast, Roger Leenhardt, Jacques Rivette e t
Eric Rohmer ........................................................... Six personnages en q u ê te d’auteurs . . 16
Jacques D on iol-V alcroze ....................................... Problèmes du court m é t r a g e .................... 30
A n d ré M a r t i n ................................................................. Dessin anim é français, an n ée zéro . . . . 36
Claude de Givray .................................. . ................ N o u v ea u traité du Bardot suivi du petit
A .B.B.C édaire .........................................................
C en e M o s k o w it z ......................................................... Le film français en A m é r i q u e .................... 65

SOIXANTE METTEURS EN SCENE FRANÇAIS ....................................................................... 47


L’ccil de l ' é t r a n g e r ................................................................................................................................................... 68
Quelques statistiques ................................................................................................... - .. ................... ................. 78

C o u v e r t u r e ; CE LUI Q UI DO IT M O U R I R , de Jules D assin, sélectio n n é pour représenter la France au


X" F e s t i v a l d e C a n n e s ( C i n é d is ) .
C o u v e r t u r e 4 : U N C O N D A M N E A M O R T S'EST E C H A P P E , d e R o b e r t B r e s s o n , « I n v i té » a u ' X* F e s t i v a l
d e C an nes.

CAHIERS D U CINEMA, revue m e n su e lle d u C iném a e t d u T élé-cin ém a,


146, C ham ps-E lysées, PARIS (8e) - E lysêes 05-38 - R é d a c te u r s en c h e f :
André Bazin, Jacq u es D on iol-V alcroze e t Eric Rohm er.
Directeur-gérant : L. Keigel.
T o u s droits réservés — Copyright by le s Editions de PEtoile.

S
ENTRETIEN
AVEC
JACQUES FLAUD

p a r A n d ré B azin
et J a c q u e s D oniol-V alcroze

M. Jacques Flaud, Directeur Général du Centre National de la Cinématagraphie


a bien voulu nous accorder un entretien au cours duquel nous avons pu évoquer très
librement les principaux problèmes actuels du cinéma français. Nous n'avions p as
de plan préconçu et c'est notre interlocuteur qui nous en a proposé un lui-même.
Nous lui donnons donc la parole.

JACQUES FLAUD : Il est norm al je pense de m a part de parler de la situation


du cinéma français en partant du point de vue économique. Cela m e perm ettra de
rectifier quelques erreurs au sujet de l'actuelle santé économique du cinéma français
et de poser le problème : de quoi est faite cette santé... apparente ? Nous parlerons
donc de ï'A ide au Cinéma, principale source de cette prospérité... m ais aussi des
défaillances sur d’autres plans, d e la routine, du m anque d'imagination, de cceur. O n
peut se dem ander si ce décalage entre la santé économique et la qualité artistique ne
provient p a s en partie de cette espèce de sécurité que donne l'Aide. Je vous propose
d'analyser ensuite très rapidem ent comment cette sécurité a pu influencer les produc­
teurs et p ar contre-coup les créateurs. A l'habitude prise aujourd'hui de traiter des
sujets relativement faciles avec des vedettes internationales on peut trouver des
excuses nobles... mais le fait est là : une réalité économique qui favorise la situation
économique et défavorise la situation artistique. Si l'on n'y prend garde, cela créera
un danger, peut-être à long terme, m ais certain d e dévitalisation et d e mort lente
du cinéma. Ceci dit il y a des remèdes possibles, à l'intérieur même de l'aide et c'est
cela que je voudrais envisager en dernier lieu.

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J. D.-V. : Votre plan nous paraît excellent. Partons donc de la situation écono­
mique.

JACQUES FLAUD : Je pense que la santé économique du ciném a français est un


fait qu'il est difficile de contester. On a enregistré ces dernières années sur
le plan métropolitain, une amélioration, non seulement des recettes des
salles de cinéma, mais aussi à l’intérieur de ces reeettes du pourcentage
revenant aux films français dans les recettes globales. Tout ceci on le sait déjà, mais
il n'est p a s m auvais de m arquer que cette progression ne se ralentit pas, et que
l'année dernière, le pourcentage de 50 % des recettes pour le cinéma français a été
atteint, c'est important, surtout si on compare aux pays voisins d e la France. On doit
se rappeler qu'en Angleterre ou en Italie, le pourcentage des recettes du cinéma
national n'est guère que de 25 ou 30 %. Donc, il y a pour notre p ay s des symptômes
encourageants, d'autant que si on examine les recettes d'exportation du cinéma
français à l'étranger, les chiffres parlent plus encore. Ce que l'on recueille en 1956
est près de trois fois supérieur à ce que l'on rapatriait il y a trois ans et les chiffres
des deux premiers mois d e 1957 manifestent que, p ar rapport aux deux premiers mois
d e 1956, il s'est encore produit une amélioration très sensible. On a vérifié 850 millions
d e francs pour ces deux mois alors qu'en janvier et février 1956 on avait vérifié
680 millions. Ceci permet de penser, ce mouvement se poursuivant aussi bien en
F iance qu'à l'étranger, que sont singulièrement pessimistes ceux qui estiment que, sur
le plan métropolitain, les recettes ne peuvent que progresser faiblement, c'est-à-dire
continuer à 2 ou 3 % près, l'évolution enregistrée depuis 1952 et que, sur le plan
étranger, on ne peut, étant donné la conjoncture internationale, que s'attendre à une
moins-value de recettes en 1957 p a r rapport à l'année dernière ou même à l'année
d'avant. Ceci a été écrit et je n 'a i p as compris pourquoi. Je pense, au contraire, que
l'on peut sans exagération, à condition d 'y m ettre les moyens, enregistrer sur le plan
français ,non pas 400 millions de spectateurs, m ais 450 millions, et que, sur le plan
extérieur, on peut et on doit, si on se donne la peine de m aintenir l'effort et d e garder
l'initiative, en passant des accords, en prospectant de nouveaux marchés, en suscitant
des missions et en organisant les manifestations de propagande nécessaires, enregis­
trer — les films restant ce qu'ils sont — des recettes supérieures et même bien supé­
rieures à celles que nous constatons actuellement.

J. D.-V. : A quoi attribuez-vous cette sorte de prospérité ou d'essor économique du


ciném a français depuis deux ou trois an s ?

JACQUES FLAUD : Cet essor n 'a rien de spontané. Il est probable qu’on n'aurait
p as p u enregistrer ces résultats si on n'avait conçu et poursuivi une politique a d hoc,
c'est-à-dire si le cinéma français n'avait p as été aidé comme il a été aidé. J'entends
bien que tout n'est pas parfait dans ce qui a été fait, du moins, quand on compare
la situation du cinéma français à celle des pay s voisins (Angleterre, Allemagne, Ita­
lie), on se rend compte que les solutions adoptées dans ces p ay s pour aider le ciném a
se sont révélées moins heureuses au point de vue économique que celles qui ont été
décidées en France.
Je crois, p a r exemple, que le fait que l'aide au cinéma en France, contrairement
à ce qui se passe en Angleterre ou en Italie, comporte une part d 'aid e à l’exporta­
tion, est un élément très favorable car les producteurs ont été encouragés à produire
des films à vocation internationale, puisque leurs recettes sont abondées, vous le
save 2, à concurrence de 21 %, ce qui est mie aide appréciable si on la compare à
l'aide à l'exportation dont d'autres industries bénéficient, aide qui oscille générale­
ment entre dix et quinze pour cent des recettes rapatriées.
Donc, je crois qu'on peut expliquer — même s'il devait être dit qu'il n'y a que
cette explication — la santé économique d u ciném a français p a r le jeu d e l'aid e
métropolitaine et étrangère.

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Ceci dit, si on se préoccupe m aintenant de la qualité des films, de la hardiesse
des sujets ou de celle des réalisateurs, on esf surpris de constater q u 'à l a santé
économique ne correspond pas une même amélioration artistique des films français,
le ne sais ce que vous en pensez, m ais j'ai l'impression qu’il y a un décalage
relativement considérable entre la santé économique et la valeur intellectuelle ou
esthétique de notre cinéma. On ne peut pas dire — et c'est dommage [ — que l'am é­
lioration dé la situation de nos films à l'étranger est due à l'amélioration de leur
qualité. Je n e pense certes pas qu'il y a eu baisse de qualité, mais il n'y a p as eu
amélioration et ceci constitue — dans une certaine m esure — un recul. Il est impor­
tant de rechercher la raison de ce d écalage et s'il ne comporte pas une explication
technique ou économique. Pour m a part, je crois qu'il y en a une.

A, B. : Si je comprends bien ce que vous voulez dire, vous pensez que cette
prospérité économique et surtout cet accroissement du itiarché du film français à
l'étranger ne vient pas d'une augm entation de la qualité par rapport à ce qui se p as­
sait il y a quelques années, mais simplement d'une meilleure façon d'exporter nos
produits et des facilités données aux producteurs pour intégrer à leurs films des
éléments susceptibles d e rendre ces.produits plus vendables à ”l'étranger.

JACQUES FLAUD : Oui, c'est m a pensée. Il y a certes des exceptions et certains


films sont excellents absolument, en soi. Mais le plus souvent, la présentation d e films
à l'étranger, explique mieux que leur contenu, le succès des productions françaises.
Il faut aussi souligner le rôle d'une organisation comme Unifrance-Film qui, avec ses
semaines du cinéma français présente les films d’une façon attrayante, avec une
publicité et des patronages qui attirent sur notre production l'attention des spec­
tateurs étrangers.
Quoiqu'il en soit, certains « éléments » du « produit » sont mieux adaptés qu'au-
trefois à la consommation extérieure. Je pense notamment a u choix des vedettes
étrangères. Je constate, dans les films qui sont présentés actuellement à la commis­
sion d ’autorisation de production et dès que ces films dépassent un certain niveau,
qu'on est assuré de voir figurer a u générique des noms étrangers, souvent ceux
d'acteurs, parfois celui d'un réalisateur.
Il faiit donc rechercher si, a l'origine d e cette situation et de l'amélioration écono­
mique, ne résident p as des éléments commercialement valables mais peu satisfai­
sants du point de vue cinématographique, et s'il n'y a pas lieu de craindre, en cas
de contradiction, qu'à la longue, l'apparence de santé ne nuise au cinéma et qu'on
se rende compte, tout à coup, que ce cinéma s'est vidé de sa substance. Il pourrait
alors suffire d'une crise passagère, d'un rhume ou d'une angine légère pour qu'on
comprenne — mais trop tard — qu'il s ’agissait d'une santé illusoire et d'un être
beaucoup plus incapable qu'on n e le pensait de supporter les intempéries. Je ne
sais ce que vaut mon diagnostic, j'ai lieu de penser qu'il est sage : le fait pour
l'Aide a u cinéma d'avoir transformé la mentalité des producteurs, un peu celle des
distributeurs... (un peu, beaucoup...) et d'avoir modifié la m entalité des créateurs,
n'est-il pas là véritable raison de la contradiction, du décalage ? Je m'explique : à
l'heure actuelle les producteurs sont envoûtés p ar la perspective des débouchés,
étrangers. Ils ont progressivement acquis une m entalité d'exportateurs. Autrefois,
même les producteurs qui faisaient des films importants pensaient qu'ils devaient
d'abôrd produire des films français pour les m archés français et de langue française
et que, mon Dieu [ si le film avait en plus une clientèle à l'étranger, ce serait
tant mieux puisque cela permettrait la réalisation d e bénéfices. On ne comptait p as
tellement, alors, sur les débouchés étrangers pour assurer Yamollissement des capi­
taux dans le film.
Maintenant, au contraire, le producteur compte dans son plan d'amortissement,
les recettes étrangères et pour une part considérable. Save 2-vous qu'en 1956, c'est

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près de 40 % des recettes du cinéma français qui proviennent de l'étranger. Je ne
veux pas dire que tous les producteurs pensent qu'il faut que 40 % de « leurs »
recettes proviennent de l'étranger, m ais ceci est vrai pour de nombreux producteurs
et pour de nombreux films. Leur m entalité s'en trouve modifiée, voire transformée,
et ils en arrivent à estimer que les meilleurs filins sont ceux qui leur assurent ces
40 % de l'étranger, c'est-à-dire des films tirés d'auteurs connus, de sujets qui ont
fait leurs preuves (donc des adaptations ou des rem ake) et qui recourent aux talents
éprouvés et confirmés de comédiens de réputation commerciale internationale.
Ces producteurs recherchent moins à prendre des risques sur le plan de la
distribution ou du sujet, qu'à s'assurer contre les.risques de la production, en choisis­
sant les sujets infaillibles et les équipes ou les interprètes qui « font » de l'argent,
Là, il y a incontestablement transformation. S'agit-il d'une mentalité de distri­
buteur ? Je crois que c'est un peu jouer sur les mots : les distributeurs font des
avances aux producteurs pour leur perm ettre de faire, leurs films ; les producteurs
déteignent donc sur les distributeurs et inversement puisque les producteurs demeu­
rent responsables de l'argent qu'ils ont emprunté, non seulement aux banques et aux
distributeurs, mais aussi à leurs fournisseurs. Disons qu'il s'agit d'une mentalité d'entre­
preneur.

J. D.-V. : Mais alors, ne croyez-vous p as que cette m entalité déteint sur les réali­
sateurs, les auteurs... etc.

JACQUES FLAUD : Je ne sais pas si l'on peut dire précisément que cette m enta­
lité déteint sur celle des auteurs, des réalisateurs ou des créateurs, mais il existe,

Alexandre Astruc (à la caméra) tournant Les Mauvaises Rencontras

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incontestablement, lin phénomène d'osmose. En effet, la loi d'aide au cinéma aide»
juridiquement, les seuls producteurs. L'aide à la production que répartissent les ser­
vices d'administration du fond de développement va, exclusivem ent aux produc­
teurs. Chacun est tenté de se dire, dans le cinéma « Moi aussi je suis producteur. »
On peut, après tout, très bien se poser la question de savoir pourquoi on ne le serait
pas. Que l'on soit impressario, fournisseur de meubles et, à fortiori, réalisateur, comé­
dien ou auteur, pourquoi n e p as tenter la chance de participer, directement, aux
bénéfices de l'aide en devenant producteur ?
Y a-t-il « défeinte d e mentalité », rie s'agit-il p as tout simplement de la constata­
tion qu'il est nécessaire d'être producteur si l'on veut profiter de la santé économique
du cinéma ?
On voit alors tout le monde devenir producteur. Alors com m ence Je dram e
et la « déteinte ». Après tout, s’il s'agissait seulement de permettre à des arti­
sans ou à des artistes de devenir producteurs ce n e serait p as très grave. C ela
leur permettrait de participer aux recettes et aux recettes d'aide, et voilà tout.
Mais, à partir du moment où ils sont dans le circuit, ces artisans ou ces artistes
acquièrent une mentalité de producteur. Bientôt ils parlent et ne pensent plus
que « recettes », à valoir, distribution... etc. le suis très frappé du nombre de rensei­
gnements qui sont, à l'heure actuelle, dem andés à mes services p ar des hommes
de l'ait, p ar des créateurs, justement sur les recettes, sur les ventes à l'étranger... etc,
alors qu'il y a quelques années, seuls les producteurs, les exportateurs, les distribu­
teurs sollicitaient ces renseignements. Ces créateurs acquièrent, peu à peu, une m en­
talité d'industriels. Ils sont tentés de fuir le risque comme les producteurs sont tentés
de le fuir et — je ne veux p as citer de noms — des personnalités importantes du
ciném a français, qui nous avaient habitués à stimuler l'ardeur de leurs producteurs,
pour aborder des sujets difficiles, essayer d e nouveaux comédiens, envisager des
renouvellements artistiques, faire preuve d'audace, sont, sinon les prem iers à conseil­
ler aux producteurs la prudence, du moins les premiers à éviter d'intervenir auprès
des producteurs pour les encourager à accepter certains risques qui vont pourtant
dans le sens d'un rajeunissement et d'un renouvellement cinématographiques.
Ceci me paraît présenter, pour l'avenir, un danger. Naturellement, les hommes
étant les hommes, il leur faut trouver des excuses à cette situation et les réalisateurs
qui sont devenus producteurs, p ar le truchement de l’aide, trouvent des explications
à leur prudence nouvelle, notamment, celle de la censure.
Certes, la censure peut opérer un certain freinage et écarter des producteurs,
des auteurs ou des réalisateurs, d e sujets qui mériteraient d'être traités au cinéma.
Ceci est un autre problème, celui de la réforme de la m entalité et de la composition
de la commission de contrôle. Mais je ne crois pas, les choses étant ce qu'elles sont,
que les producteurs aient dû renoncer à plus de quelques rares sujets, en raison
de l'intervention de la commission de contrôle. N 'y en aurait-il qu'un seul, direz-vous,
c'est trop, s'il était valable; je vous l'accorde, m ais c'est tout ce qu’on peut dire.
Par contre, vous verrez très souvent des metteurs en scène oü des auteurs vous
dire : « Nous n'avons pu aborder tel sujet » ou « Je n 'ai p a s vouiu im poser à mon
producteur tel sujet car iî n'aurait pas passé la censure ». Ils ajoutent mêm e souvent :
« Le scénario a été refusé ». Or, le nombre des scénarios effectivement refusés est
connu et on sait qu'il est des plus modestes. Il s'agit, en réalité, de trouver là, un
alibi plutôt qu’une explication. Si l'alibi existe, c'est donc qu'une certaine m auvaise
conscience se fait jour ; c'est donc que le décalage est notamment dû à cette dévia­
tion, elle-même provoquée p ar le fonctionnement de l'aide a u cinéma.

J. D.-V. : A propos de la censure, on ne peut p as dire qu'il y ait des sujets


refusés. La commission, a u stade de la précensure, ne refuse p as un sujet, elle indique
seulement qu'il y a risque d'interdiction partielle ou totale. C'est pourquoi je pense,
puisque ce n'est p as une obligation légale, que les producteurs n e devraient p a s sou­

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mettre leurs projets à la précensure car il est peu concevable qu'un film français
ay an t coûté a u moins cent millions et signé d'un grand nom soit, en fin de compte,
totalement interdit. 11 y a heureusement peu d ’exemples de cela.
A. B. : Je suis d'accord, en gros, avec ce point de vue comme avec celui de
M. Flaud, mais il faut tout de même dire, pour être juste, qu'on ne peut p as m esurer
le rôle de la censure et surtout de la précensure au nombre d e sujets soumis et refu­
sés c a r il est évident que c'est p arce que la précensure existe que certains sujets
ne sont même pas envisagés. Nous sommes là pour dire que certains sujets ont effec­
tivement été déconseillés e t que beaucoup d'autres ont été édulcorés sur des points
de détail, sur des chicanes tels qu’effectivement cela empêche d'adapter un bon
sujet mais, ces réserves faites pour dire que le rôle de la censure est néfaste,
autant je l'affirme, autant j'affirme que ce rôle est mineur dans la crise de fond
du ciném a français.
JACQUES FLAUD : Dans ces conditions, il faut remonter aux vraies causes et je
crois, encore une fois, que s'il n ’est p as suffisant du moins est-il nécessaire d e trouver
des remèdes économiques à une stagnation artistique qui n'est pas dans la tradi­
tion du cinéma français, cinéma de recherche et d ’essai. Je ne sais p as si d'autres
cinémas se renouvellent actuellement, m ais j'ai l'impression en fous cas, que d'autres
cinémas prennent les risques, que tend à abandonner progressivem ent la production
française.
Je pense qu'on peut tirer meillleur parti de l'aide. Le législateur, d'ailleurs, l'a
prévu. II a, en effet, m énagé des correctifs en vue d'éviter que le fonctionnement de
l'aide a u cinéma soit uniquement mathématique, purement automatique. Il a
m énagé la possibilité de faire intervenir des éléments autres que com­
merciaux, tels que l'importance d e la recette. Il a prévu des correctifs pour les diffé­
rents genres de films grâce à une prise en compte de la qualité des films produits

Jules Dassin p e n d a n t le tournage de Celui gui doit mourir

9
grâce cm jugement de jurys ou de commissions qu'il a créés aussi bien en matière
de presse filmée que de court-métrage ou de long-métrage. C’est ainsi qu'en ce qui
concerne la presse filmée, un jury se réunit chaque semaine pour apprécier la valeur
moyenne des bobines de presse filmée et pour choisir les meilleures séquences à
primer, en vue d'encourager la qualité tant cinématographique que journalistique des
articles de la presse filmée. Ce jury est composé de cinéastes et de journalistes. Jus­
qu'ici les résultats ont été satisfaisants. Il y a, incontestablement (on a bien voulu
le reconnaître à l'extérieur) une amélioration des éditions de la presse filmée.
En ce qui concerne le court-métrage, le législateur a été plus loin encore puisque,
contrairement à ce qui se passe en m atière d e presse filmée ou de long-métrage dont
une partie seulement du concours financier est affectée selon des critères de qua­
lité, si un film d e court-métrage n'est p as apprécié comme étant de qualité, il n 'a
droit à aucune aide, sauf en ce qui concerne le pourcentage de 21 % des recettes
à l'exportation.
Là le législateur a été très loin, certains disent trop loin. Nous n'avons pas ici
à examiner ce point. Il a, en tout cas, et incontestablement, voulu lier le concours
financier du court-métrage à la reconnaissance d'une qualité à ce court-métrage. Il
en est résulté une nette amélioration.
Naturellement, comme après chaque léforme radicale, on en a critiqué la rigueur
et peut-être même le succès. Le fait est que les m esures prisés ont am ené les pro­
ducteurs de court-métrage à abandonner les errements antérieurs et les producteurs
de long-métrage à ne plus songer aussi facilement qu'autrefois à la production de
courts-métrages réalisés en deux ou trois jours dans les décors disponibles des longs-
m étrages ou n ’étant que" de rapides reportages.
Un véritable artisanat du court-métrage de qualité s'est créé qui connaît un
succès tel, à l'heure actuelle, que l'on trouve que le nombre des prix annuellement
attribués aux court-métrages est insuffisant; Quatre-vingts prix pour environ trois cents
court-métrages réalisés, c’est évidemment un petit peu court puisque le législateur
n 'a prévu de concours financier que pour les court-métrages reconnus de qualité.
En somme, le succès a dépassé les espérances. Naturellement, cette constatation
devrait être tempérée p ar celle d'un certain nombre de défauts du système m ais
enfin il y a incontestablement progrès.
Le législateur a également prévu une aide à la qualité des long-métroges. Il a
fait là œ uvre nouvelle et effectivement difficile. La loi d e 1953 prévoit en effet une
sorte d'assurance de concours financier minimum lorsqu'une certaine qualité est
reconnue au film p ar un jury. Elle entend favoriser la carrière ou tout au moins
l'amortissement de certains films risqués qui semblent ne pas devoir faire d ’impor­
tantes carrières commerciales.
Le système est le suivant : dans le cas où les films sont proposés p ar le produc»
teur pour être appréciés p ar le jury dit de la qualité, celui-ci après vision et délibé­
ration décide éventuellement d'accorder un concours financier minimum, propor­
tionnel à la qualité des films. P ar la suite, si la carrière commerciale du film est
satisfaisante, le-concours financier minimum accordé sur avis du jury, s'impute sur
le concours à provenir normalement des recettes. Par contre, si la carrière commer-
cialë du film n'est pas satisfaisante, ou s'il n'y a pas de carrière commerciale, parce
que les distributeurs estiment que le film n'est pas public, alors la totalité ou une
partie de ce minimum de concours financier constitue un encouragement sensible.
S'il n'y avait pas eu décision du jury sur la qualité des films, ceux-ci n ’auraient
bénéficié que d'une aide réduite ou d'aucune aide. Le correctif est d'importance.

A. B. : Est-ce que le fonctionnement de ce jury n 'a pas, au moins dans ses débuts,
été assez inefficace dans la mesure où il a cherché un peu à donner aux films une
aide inférieure ou sensiblement égale aux rentrées probables de la lo i’ d'aide, ce
qui réduisait, en quelque sorte, cette aide à une avance de trésorerie alors qu'on

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H.-G. Clouzot dirigeant S^ni Jaîfe et Gérard Sêty dans Les Espions

espérait une véritable assurance, une véritable prime aux risques. Et, comme le fonc­
tionnement de ce jury est resté un peu secret, il faut bien le dire, est-ce que vous
pouvez nous apporter quelques éclaircissements ?
IACQUES FLAUD : Oui, bien volontieis. D'autant qu'il s’agit d'un sujet qui, dans
une revue comme la vôtre, peut paraître à juste titre intéressant. En fait, en treize mois,
le jury des long-métrages a vu 51 films, chiffre relativement considérable. Quinze,
sur ces 51, ont bénéficié d'un encouragement, c'est-à-dire d'une assurance de concours
financier. Mais, la même jurisprudence n 'a pas été appliquée pendant ces 13 mois.
En l'occurrence, une évolution s'est produite. Au début, lorsqu'on a réuni les mem­
bres du jury, il n 'y avait pas de tradition, il y avait même des incertitudes quant
aux critères de la qualité et les jurés ne savaient pas très bien comment agir et
favoriser la production, comment répondre aux soucis du législateur. Dès lors, il y a
eu une utilisation souvent inefficace des crédits mis à la disposition du jury, lequel
a cru devoir encourager un maximum possible de films, donc avec des petites som­
mes. Comme dans le même temps il ne savait pas très bien comment se présen­
terait l’avenir il s'est contenté de décerner le minimum à un maximum de films qui
lui semblaient « de qualité » et pouvant répondre aux critères du législateur. Cette
première période correspond à un excès de prudence de la part du jury. Après, le
jury a fait le point et examiné comment il pourrait améliorer son intervention. Une
deuxième période s'est ouverte au cours de laquelle il a pris une attitude nettement
plus orientée. Il a décidé de ne p as retenir tous les films qui lui semblaient, d'un
point de vue ou d'un autre, ne pas être exceptionnels, au profit d'un beaucoup plus
petit nombre manifestement digne d'être encouragé.
Les producteurs sont, dès lors, soutenus et devraient être tentés de réaliser
d'autres productions de qualité. Prenons le dernier trimestre à titre d'exemple. Treize
films ont été soumis au jury, celui-ci en a retenu quatre, soit, dans l'ordre chrono­
logique : Miïsou, Un Condamné à m oit s'est échappé, Giand'Rue et Sikkîm, teire
secrète.

11
Par contre, il a estimé ne pas devoir retenir des films qui avaient pourtant p u
paraître à certains comme des films d'une certaine qualité. Il a entendu ne p as se con­
tenter de cette « certaine qualité » ; il a voulu des films de qualité et, ce faisant, il a
pris ses risques. Pour ces quatre films, un total de crédits assez important a été
réparti : environ 110 millions de francs pour quatre films, dont 50 millions pour l'un
d'entre eux, Un condamné à morf s'est échappé.
Cette politique doit apporter des apaisements à ceux qui craignent que l'action
du jury demeure incertaine. Certes, elle peut toujours être critiquée, parce qu'insti-
tution humaine, m ais elle manifeste désormais une volonté catégorique d'am éliorer la
production nationale en intervenant de façon plus tranchée, plus audacieuse.

J. D.-V. : Ce progrès dans le mode d'intervention de ce jUry vous paraît-il suffi­


sant pour faire face à la situation actuelle ?

JACQUES FLAUD : Non. M algré tout, il demeure insuffisant et il devient néces­


saire de trouver un système plus efficace et qui encourage le producteur mieux q u ’il
ne l'est actuellement à prendre des risques supplémentaires dans l'intérêt de l'art
cinématographique. Cela ne veut p as dire qu'il faille supprimer le systèm e actuel,
m ais q u il faut l'améliorer.
A noter qu'en ce qui concerne ce système d'assurance-concours financier, Je
mécanisme d e cette procédure est très m al connu. Les producteurs eux-mêmes en
sont assez mal informés. Ils savent qu'il existe une certaine prime à la qualité,
m ais son fonctionnement le u r ,échappe quelque peu. Donc, la première réform e à
apporter pour enrichir le correctif prévu par le législateur, consiste d’abord à faire
savoir aux producteurs que, s'ils prennent le risque de faire des films d'une certaine
audace, ils peuvent être soutenus, grâce au jury, p a r l'ouverture d'une assurance
importante.
Ceci étant, même lorsque leur information sera parfaite, ce mécanisme, à lui
seul, n'en dem eurera p as moins insuffisant pour corriger le décalage déjà dénoncé
et pour encourager les producteurs à accepter des risques accrus de production,
p arce que, à l'heure actuelle, ce système de la prime à la qualité n'intervient m as­
sivement que pour quelques films, et qu'il intervient trop tardivement. Il convient
donc de trouver une systèm e d’aide plus important et décisif.
Deux systèmes pourraient être envisagés.
Le prem ier consisterait à créer une sorte de prime au prem ier film d'un nouveau
réalisateur, comme il existe des prix à la première pièce. Donc, à accorder, non p as
au vu du film réalisé, m ais au vu du projet de film, après exam en du scénario
et de la composition de l'équipe de création, une aide avant tournage, et m e aide
donnée une fois pour toutes. Ainsi serait donnée à un producteur la possibilité de
faire un film sans vedette, ou sur un scénario typiquement original, ou encore avec
un metteur en scène qualifié m ais qui n ’aurait p as encore tourné d e long-métrage.
Avec ce système de « prix a u prem ier film » le producteur recevrait un av an tag e
en rapport avec le risque qu'il prendrait, avantage qui lui serait consenti a u moment
où il entreprendrait la réalisation du film.
Le second système consisterait à faire varier le taux du concours financier. Ce
concours est actuellement fixé pour la Métropole à 7 % des recettes brutes et à
25 % des recettes nettes en ce qui concerne l'Etranger. Dans les deux cas, le taux
est unique. Or, le législateur a prévu qu'il pouvait y avoir plusieurs taux. O n pour­
rait donc envisager des taux différents pour les films selon les risques que les pro­
ducteurs acceptent d'affronter.
On pourrait, reprenant les considérations précédentes, envisager un taux pour
un film sans vedette, un taux pour un film tiré d'un scénario original, un taux pour
un film réalisé p a r une équipe nouvelle ou un metteur en scène nouveau..., etc. Ceci

12
Jacques Tnti dirigeant Mon Oncle

pourrait, je crois, agir efficacement, car si l'on fixait p ar exemple pour la Métropole,
à la place de 7 %, à 9 ou 10 % le montant du taux privilégié, il est certain que
le résultat d ’une telle aide serait plus considérable que le résultat moyen de l'assu-
rance-concours financier appliqué actuellement dans le cadre de la loi.
Par conséquent, on pourrait imaginer le recours à deux systèmes complémen­
taires du premier. Mais, il y en a un qui, malheureusement, n'est pas recevable
en l'état actuel de la loi, c'est celui du prix au premier film, car il faudrait modifier
la loi et je n e pense pas que la loi puisse être profondément modifiée avant son
échéance normale du 31 décem bre 1959. Mais on peut envisager le second qui, lui,
est recevable dans le cadre de la loi actuelle.
Je disais, tout à l'heure, que le législateur semble y avoir pensé puisqu'il a
prévu plusieurs taux d e concours financier. Dès lors, pourquoi ne p a s décider
d'appliquer, p a r exemple au 1er octobre 1957, ces taux différenciés, selon les risques
pris p ar le producteur.

J, D.-V. : Est-ce qu’il n 'y a p as justement un projet à l'étude dans ce sens ?

JACQUES FLAUD : Effectivement, il y a peu d e temps, le Conseil du Fonds


s'est réuni et a accepté la convocation d'un Groupe de Travail sur ce sujet. Il faut,
en effet, reconnaître que le problèm e est délicat, car il est très difficile d'établir le
barèm e de différenciation et d'établir les critères. Ce Groupe de Travail aura pour
mission d'envisager si des critères suffisamment objectifs peuvent être précisés, de
telle sorte qu'à partir du l or octobre prochain on puisse faire jouer à plein les dispo­
sitions légales de l'aide au cinéma. Pour m a part, je souhaite que ce Groupe puisse
arriver rapidement à une solution, même s'il y a des difficultés, pour que, soit le
taux Métropole, soit le taux Etranger, voire les deux, soient sélectifs et permettent

13
Georges Rouquier et Jean Marais pendant le tournage
de S .O S . Noronha

d ’absorber le risque complémentaire que le producteur « audacieux » accepterait


au départ.
J. D.-V. : Ne croyez-vous pas qu'il y a dans le ciném a français un mal profond
que l'on chasse en vain d'une pièce à l'autre de la maison. le pense p ar exemple
a u système de coproduction première m anière et à la reqrettable obligation qu'il
entraînait d'utiliser des vedettes étrangères qui juraient avec l'inspiration purement
française de certains films. O r aujourd'hui, bien que le nouveau système de copro­
duction n'entraîne plus ces sortes d'obligations les producteurs continuent à utiliser
de grandes vedettes étrangères. Un même m al s'exerce, gratuitement, ailleurs.
« JACQUES FLAUD : Il est judicieux de poser cette question, car effectivement
on a vu que souvent les remèdes apportés à la situation du cinéma français sur le
plan juridique ou sur le plan économique ont été efficaces, mais seulement pendant
un très bref laps de temps. Exemple, les rem èdes apportés au régime de la copro­
duction : ils n'ont pas permis, bien que judicieux, de régler tous les problèmes inhé­
rents à ce système.
Notons, à ce propos, en ce qui concerne la coproduction, qu'elle a connu deux
époques : une première époque pendant laquelle on a proné une cocréation du film.
Il fallait des équipes habilement mitigées sur le plan industriel, technique et artistique,
telles qu'on arrivait souvent à produire des films sans inspiration authentique, des
produits industriels cosmopolites qui, finalement, nuisaient à l’art des deux ou trois
pays engagés dans ces coproductions. Actuellement, la coproduction vit une seconde
époque. On a dépassé la première conception, notamment dans la coproduction franco-
italienne. On est arrivé à considérer que ce qui importait était que la France aide l'Ita­
lie à faire des films conformes à son génie et a sa tradition artistiques et inversement.
Ce système qui se réduit, dans le fond, à une coproduction financière, semble porter
d'heureux fruits. C'est ainsi, pour citer un exemple, q u'au prochain Festival de Cannes,
le film italien présenté comme représentatif d e l'art cinématographique et du ciném a
italiens, est Les Nuits de Cabinet. Or, ce film, de Fellini, ne comporte à peu près aucun
élément français (un acteur) si ce n'est dans son financement, bien qu'il soit de copro-

14
duction. Inversement, le film qui défendra les couleurs françaises est le film de Jules
Dassin, Celui gui dort mourir, lequel ne comporte aucun élément italien, si ce n'est
l'intervention financière du coproducteur, bien q u ’il soit, lui aussi, de coproduction.
Cette, conception marque, incontestablement, un progrès. Il permet une aide
réciproque de deux industries cinématographiques sans gêner les conditions techni­
ques et artistiques d e la production.
Cependant, pour d'autres raisons que la coproduction, et avant tout le placement
de leurs films à l'étranger, les producteurs ont tendance à recourir, actuellement, au
concours de vedettes internationales, et p ar conséquent, ce qui a été heureusement
tenté pour assouplir les règles de la coproduction, n ’empêche pas, aujourd'hui, les pro­
ducteurs de succomber à certaines tentations de la première époque, en m élangeant
des talents divers, rarement homogènes, pour le plus grand dommage de l'art ciném a­
tographique.
En d'autres termes et en ce qui concerne l'aide et les rem èdes à ses excès, dont
le recours à un système de taux différenciés, il est évident que la valeur de ces remè­
des est liée étroitement à l'évolution du cinéma et que ce qui est souhaitable aujour­
d'hui ne le sera peut-être plus demain. Le cinéma, art difficile, industrie périlleuse,
est quotidien, toujours en constante évolution. Il sera continuement nécessaire d’a d a p ­
ter les solutions aux nouveaux problèmes qui se poseront.
Ne nous faisons donc p as trop d'illusions. Si, dans les prochains mois, on adopte
des remèdes, souhaitables parce que conformes à l'intérêt du cinéma français •et à
sa survie, si on aboutit à résorber le décalage existant entre la santé économique et
le piétinement esthétique du cinéma français, cela ne permettra de résoudre le pro­
blème que pendant quelques mois, peut-être quelques années. Je pense qu'il faudra
ensuite, lorsqu'une nouvelle situation se présentera, envisager de nouveaux remèdes.
D'ailleurs, la loi d'aide est, de toute façon, temporaire, et il faudra la reconsidérer en
vue de l'échéance du 31 décembre 1959.
Je pense néanmoins que les quelques mesures que je vous ai exposées, et qui
pourraient être appliquées assez rapidement, permettraient à l'heure actuelle un
renouvellement réel. Après quoi... eh bien il faudra réfléchir aux nouvelles' solutions à
promouvoir. Et je suis sûr qu'une revue comme la vôtre continuera d’apporter le même
concours actif à tout ce qui favorisera le progrès cinématographique, du point de vue
artistique d'abord, mais aussi du point d e vue économique qui lui est intimement lié.

(Propos recueiJJis au m agn éto p h o n e par A . Bazin et }. DonioLValcroiQ.}

Jacques Flaud s’acquitte avec une bonne grâce souriante des devoirs de sa charge. Le'
voici (de gauche à droite) avec Jean Cocteau, Kishi Iveiko et Ingrid Bergman

15
6 PERSONNAGES EN QUÊTE D’AUTEURS

Débat sur le cinéma français

Les C a h i e r s ont, ju sq u ’alors, beaucoup et peu parlé du ciném a français. B ea u ­


coup, des m etteu rs en scène que •nous aim ons. E t peu des autres — par lassitude,
politesse, se n tim e n t de l’inutile... Ceci a p u faire croire que nous n e consentions
à nous intéresser qu’aux ciném as étrangers (transalpin ou tra n sa tla n tiq u e ) , alors
que cependant les conversations de nos rédacteurs concernent plus so u ven t
Saint-M aurice ou B illancourt que C inecitta ou B everley Hills. Mais les propos de
salle de rédaction ne sont pas toujours de ceux qui se p eu ven t im prim er.
Au seuil de ce num éro, la question se posait donc : qui se chargerait, e t sous
quelle form e, d’u n bilan de no tre ciném a, qui soit juste sans to urner p o u rta n t au
je u de m assacre ? Nos cinéastes ont, par ailleurs, assez de th u riféra ires p a te n té s
pour pouvoir se passer de Vapprobation systém atique de nos m odestes p lu m e s ;
e t qu’il y a it quelque chose de pourri dans notre royaum e ciném atographique, nul
n ’en disconvient. Mais pourquoi ? Voilà de quoi discuter lo n g u em en t, voilà sur
quoi s’opposer ; et le plus sim ple éta it p eu t-ê tre ju ste m e n t de reproduire u ne de
ces conversations o% plus lib rem en t que deva n t la page blanche, ch a cu n d it ce
qu’il croit vrai. Ce qui f u t fait. S o n t donc réunis, autour du m agnétophone, A n d ré
Bazin, Jacques Doniol-Valcrose, Pierre K ast, Roger Leenhardt, Jacques R iv e tte
et Eric Rohm er.

UNE CRISE (DE L’ACCEPTATIO N) DES SUJETS

A n d r é B a z i n : « Situation du cinéma français », cela implique à la fois évolution et


conjoncture. Je suis d’avis que ce soit Rivette qui commence. C ’est lui qui a l’opinion la
plus violente et la plus nette.

J a c q u e s R i v e t t e : Ce n'est pas à vrai dire une opinion, c’est plutôt une formule. Je
crois que le cinéma français est actuellement un cinéma anglais qui s’ignore, ou plutôt un
cinéma anglais que l’on ignore être tel, dans la mesure où il est fait par des gens qui ont tout
de même du talent. Mais les ambitions et la valeur réelle des films ne me semblent pas plus
élevées que celles du cinéma anglais, sur lequel, je suppose, tout le monde est d’accord.

B a zin : En quoi, d’après vous, la médiocrité du cinéma anglais est-elle exemplaire ?

R i v e t t e : Cinéma anglais, c’est-à-dire cinéma de genres, sans que ces genres aient
une nécessité profonde. D’une part il n ’y a pas, comme à l’intérieur du cinéma américain,
des genres ayant leur justification propre comme le western, le policier (les westerns moyens
ont une valeur indépendante de l’existence des granas westerns). Ce sont des faux genres
dans 3a mesure où ce sont des genres d’imitation. La plupart d’ailleurs, ne sont que l ’imita­
tion de ceux du cinéma américain. Et, d’autre part, ce n ’est pas non plus un cinéma
d’auteurs, puisque personne n ’a rien à dire. C ’est un cinéma boiteux, un cinéma entre
deux chaises. Un cinéma purement fonûé sur l’offre et la demande, et même sur de fausses
idées de l ’offre et de la demande. On croit que le public demande tels genres, on lui en
fournit en essayant de jouer toutes les règles de ce jeu, mais on les joue mal, sans franchise
et sans talent.

16
P i e r r e K a s t : La distinction, films de genre, films d’auteur est absolument arbitraire.
Tout ce qu’on peut constater, c’est que le cinéma français est dans un état de complète
médiocrité. On fabrique un produit qui est toujours le même. Les distributeurs qui sont les
vrais patrons de la production font preuve d ’un manque d'imagination total. Ils refont
toujours la même chose sous prétexte d’une interprétation absolument arbitraire et régalienne
des goûts du public.

R o g e r L e e n h a r d t : Il semble qu’on pourrait éclairer le débat en faisant un parallèle,


qui au premier abord semble inutile, mais qui est peut-être fructueux. J ’imagine qu’au lieu
de parler de l’état actuel du cinéma français, nous soyons des critiques littéraires, que nous
parlions de l’état actuel du roman ou de la littérature française, et que nous la comparions
à la littérature anglaise ou américaine. Nous , nous apercevrions qu’il y a dans l’année, ou
dans les années qui viennent, très peu de choses à dire sur la littérature française, et cela
n’étonnerait personne. 11 s ’agit de savoir si nous parlons comme des critiques littéraires,
à un point de vue supérieur de la culture, ou à un point de vue de cuisine professionnelle.
Ce sont deux choses différentes. La distinction à faire est beaucoup moins entre les films
d’auteurs et les genres, qu’entre un cinéma moyen et les efforts des créateurs nouveaux
qui représentent les tendances des créations nouvelles. J’ai l’impression que c’est cette
distinction fondamentale que nous pourrions faire au départ.

K a s t : Ce qui est dommage, c’est qu’en matière de cinéma cette distinction n ’a abso­
lument pas cours, étant donné que l’existence même d’un cinéma qui ferait partie de la
seconde catégorie dépend en réalité, sur le plan de sa production, de la première. Les films
d’auteurs sont produits exactement dans les mêmes conditions et pour les mêmes raisons que
les films commerciaux.

Leenhardt Quana' il y a vingt-cinq ans Prévert faisait L'Affaire est dans le sac> tout le
mondepouvait penser que "c’ëfait une plaisanterie. Durant quinze ans il a été imité cent fois,
et a créé globalement l’esprit du cinéma français. Le problème, en dehors des questions dé
marchands ou de distributeurs, est de savoir si actuellement, nous assistons à la naissance
d’une tendance qui, peut-êt're,“ dans quinze ans constituera la tendance moyenne du cinéma.

Les aventures d’Arsène Lupin de Jacques Becker

17
2
Elena et les hommes de Jean Renoir

B a zin : Je suis d’accord avec Leenhardt. J e tiens cependant à noter que le cinéma amé­
ricain a justement pour caractère essentiel que le film moyen, le film de commerce qui en
constitue Ja majeure partie est précisément un film de genre. La santé du cinéma américain est
fondée sur la santé des genres. 11 peut y avoir une production moyenne, même courante,
dans la mesure où il y a des genres valables. Ce qui fait la faiblesse des cinémas européens
est au contraire de ne pas pouvoir se reposer, pour leur production courante, sur oes genres.
Dans le cinéma français d’avant-guerre il y avait sinon un genre, du moins un style, celui
du film noir réaliste. Il se prolonge encore maintenant, mais s’est diversifié, et je crains
que l’un des drames du cinéma français ne soit fondé sur l’impossibilité de posséder des
genres moyens, ayant une santé profonde comme il en existe en Amérique. C ’est une paren­
thèse qui intéresse plus le cinéma américain que le cinéma français.
R i v e t t e : C’est une parenthèse, mais je crois qu’elle ouvre sur l ’essentiel, puisque jus­
tement on ne pourrait faire, me semble-t-il, quelque chose de bon dans le cinéma européen
(non seulement cinéma français, mais aussi cinémas anglais ou italien) qu’en partant de cette
constatation : l’inexistence de genres possédant une qualité moyenne. Il faudrait donc se
résigner à l ’exception. C’est admettre, au départ, qu’il ne pourra y avoir, non seulement de
grands films, mais de bons films en Europe que dans la mesure où l’on choisira de ne pas
traiter de sujets de « genre », puisque tout genre est condamné à l ’avance, à la base.
K a s t : II n ’e s t p a s c o n d a m n é p u i s q u e v o u s v e n e z d ’e x p l iq u e r , fo rt b i e n d ’a i l le u r s , q u ’il
n ’e x is ta it pas.

R iv e t t e : Il n’existe pas profondément. Il existe malheureusement dans les faits.


Kast : Je m’excuse beaucoup d’avoir à faire le marxiste de service comme on faisait
venir l’ilote ivre dans les banquets des spartiates, mais il est certain que l’un des problèmes
du cinéma français (et qu’on doit poser en premier, sous peine de marcher sur la tête) est
de se demander dans quelles conditions les éventuels auteurs de films trouvent la possi­
bilité de s ’exprimer.

18
L e e n h a r d t : Je n ’aime pas les arguments d’autorité mais je me rappelle une conversa­
tion que j’ai eue avec le directeur général de la cinématographie qui me disait (c’était son
opinion personnelle, dans une conversation également personnelle, très libre), qui me disait
que, quoi qu’on prétende, la santé financière du cinéma français est relativement très remar­
quable. « II est absolument évident, ajoutait-t-il, que nous nous trouvons presque uniquement
en face d'une crise du sujet. » Ma thèse est que le cinéma français d’avant-guerre (j’ai pro­
noncé le nom de Prévert, ajoutez-y Aurenche, Cocteau et quelques autres) a subi l ’influence
déterminante, même au point de vue quantitatif, de certains scénaristes. De même, c’est
l’intelligentzia italienne de la nouvelle génération d’écrivains qui a fait le cinéma italien.
Et le cinéma américain lui-même a été orienté par le roman policier noir et les grands best-
sellers sociologiques.

J a c q u e s D o n i o l -V a l c r o z e : Oui, mais à l’inverse du phénomène décrit, influence des


scénaristes, ce qu’on constate dans le cinéma français depuis la Libération c’est, au contraire,
l ’apparition d’un certain nombre de metteurs en scène plus ou moins auteurs de films qui
auraient pu être, dans le cinéma, l ’équivalent de ce qu’a été l’école de Paris dans la peinture.
On aurait pu croire, avec beaucoup d’optimisme, en 1946 ou 47, que MM. Bresson, Becker,
Clouzot, Clément allaient, sur le plan du style, créer une espèce de nouvelle école du
cinéma français. Ce qui n ’a pas eu lieu, je crois, parce qu’il n ’y avait pas d’accord sur
le fond, ou d’inspiration commune.

R i v e t t e : C ’est certain : on peut dire que malgré leurs grandes réussites, Clouzot,
Clément et Becker ont échoué, parce qu’ils ont cru qu’il suffisait de rechercher un style
pour arriver à refaire une nouvelle âme au cinéma français. II est bien évident, au contraire,
que le néo-réalisme italien n ’a pas été d’abord une recherche de style. C ’est devenu un
style ; mais celui-ci faisait partie d’une idée du monde nouvelle, tandis que je défie bien
qui que ce soit {et je pense que tout le monde est d’accord) de trouver une idée du monde

Un Condamné à mort s’est échappé de Robert Bresson .

19
dans les films de Clouzot, dans les films de Becker ou dans les films de Clément. Ou,
du moins, ce sera une idée du monde banale, littéraire, et qüi date de vingt ou trente
années.

K a s t : Je crois, moi aussi, que ce qui a manqué à une éventuelle école française du
cinéma d'après-guerre, c'est quelque chose de précis à dire. Toutefois j ’ai un certain
nombre de corrections à apporter à ce que vous affirmez. Dans les films capitaux fran­
çais qui ont été faits depuis cette époque, il y en a que j’aime, il y en a que je n ’aime pas.
J ’aime, par exemple, beaucoup l’œuvre de Clément. J’y discerne une continuité. Cette
continuité n ’est pas, bien entendu, dans la « Weltanschauung » éventuelle de Clément, mais
dans un certain style, dans un certain ton qu’il maintient à travers son œuvre, et qui fait
a’e lui, à mon avis, le plus grand metteur en scène vivant en ce moment (en mettant à part
le cas de Bresson). D’autre part' (je m’excuse cfinsister là-dessus) je voudrais qu’on se
débarrasse, d’abord du problème des conditions de la création, Il est certain que, si on
regarde comment les films se font en France, on s’aperçoit qu’il est relativement facile
(à supposer qu’on ait un sujet et qu’on ait envie de le faire) de trouver un producteur et
un acteur-vedette pour faire ce film. Là où commencent les difficultés, c'est quand on a
affaire aux vrais maîtres de 3a production, qui sont les distributeurs. Le aistributeur, ce
n ’est pas du tout la bête odieuse qu'on croit : c’est quelqu’un qui a un certain capital à
gérer et qui essaye de le gérer dans les conditions optima de rentabilité. Mais ce distri­
buteur manque, d’une manière absolument totale, d’imagination. Les grandes maisons de
distribution ont envie de faire toujours le deuxième film : elles n ’achètent pas le premier
film Pain, amour et fantaisie, mais le deuxième, elles n ’achètent pas le premier Don
Catnillo, mais Je deuxième. Un des problèmes clefs de la production en France est de
trouver ün aistributeur qui aurait envie de faire le premier. La crise des sujets, ce n ’est
pas seulement une crise des auteurs, c’est une crise de l’acceptation des sujets.

L e e n h a r d t : Je n ’en suis pas sûr. Si je vais à Rome, je vais à un café de la place


d ’Espagne ou de la place du Peuple, et je parle à des gens qui sont à la fois les gens qui
font ia littérature italienne et les gens qui font le cinéma italien. Ce sont les mêmes. Il y
a vingt ans (et je m'excuse de remonter en arrière, parce que je suis l’aîné), on avait
l'impression que l'on sortait d’une époque où le cinéma était totalement ignoré de la litté­
rature. Puis, brusquement, des gens qui écrivaient à la N.R.F. se sont mis à s'intéresser au
cinéma, et nous avons vu naître les premiers scénaristes. Ils n ’étaient pas de simples profes­
sionnels du cinéma, mais auraient pu être, et étaient en même temps des écrivains. Je prends
l’exemple de Pierre Bost. À ce moment la j ’ai pensé que, vingt-cinq plus tard, le cas se
généraliserait et que tous les jeunes écrivains seraient ambivalents, comme en Amérique,
comme en Italie. Or, par rapport à cette époque, je constate, non pas un progrès, mais un
recul certain. Je vois aujourd’hui les scénaristes ne pas être des écrivains mais, de plus en
plus, des professionnels du cinéma. Je vois, de plus en plus, les metteurs en scène être
d’anciens assistants, et non pas, comme il y a quinze ans, des auteurs. Ce phénomène a-t-il
une raison économique? Peut-être ; et d’ailleurs, la rémunération des gens de cinéma, qui
était considérable, par rapport à celle de la littérature et du théâtre, a baissé. Jai vu des
gens faisant métier de cinéma me dire : « Je m'arrête, je perds trop de temps. J'écris une
pièce ou je fais un livre. » Cette nécessaire collaboration de l’intelligence, et de l ’art en
général, au métier cinématographique, au lieu de s ’être étendue en France, comme tout le
laissait prévoir, est en pleine régression.

RAISONS D’U N PESSIMISME

B a zin : Bien entendu notre sévérité implicite, ou explicite à l’heure actuelle, ne doit
pas faire croire qu’il n'y a autour de ce micro que des ennemis du cinéma français. Notre
attïtucie est plutôt de dépit amoureux. Nous avons tous mis de très grands espoirs dans un
certain nombre de metteurs en scène, et nous étions tous prêts, il y a trois ou quatre ans,
à estimer que le cifiéma français de l’après-guerre était un cinéma français en progrès sur
le cinéma français de l’avant-guerre même. Si nous avons une attitude plus amère mainte-
, nant, c’est que nous craignons de voir l ’évolution même des maîtres que nous aimons aller
vers une espèce de qualité vide, formaliste en partie : en tout cas qui ne paraît pas traîner
avec elle les messages éthiques qui font les grandes œuvres. Soyons francs : par exemple
Arsène Lupin ou Gervatse sont parmi les oeuvres les plus achevées de Beckêr et Clément,
mais peut-être aussi les plus vides.. Il y a. là tout de même un drame, une inquiétude qui
nous saisit et qué traduit le pessimisme de ce débât.
Gervaise de René Clément

K a s t : De ce point de vue il y a une chose qui fait, je croîs, l ’unanimité. Sur les
œuvres d’une année, aucun d ’entre nous ne place un film français dans les tout premiers.
Il n ’y a pas, par exemple, de cinéaste français que j’aime autant que j ’aime Bardem, ou
Fellini, ou Gene Kelly et Stanley Donen, ou Ingmar Bergam, ou Visconti. Il n ’empêche
qu’un certain nombre de metteurs en scène français sont pour moi des gens très impor­
tants.

Rohmer : Je vous rappelle que, dans la liste des dix meilleurs films publiés par L es
C a h i e r s , Un condamné à mort et Eléna venaient dans les premiers rangs.

K a s t : Chacun aime ces films ou ne les aime pas. J ’aime beaucoup Un condamné à mort,
je lui ai mis le numéro 4 cette année. Je déteste Eléna. C’est un film qui a pour moi une
qualité de produit commercial, et rien d’autre. C’est un produit qui marche. Tant mieux 1
J ’en suis ravi pour le producteur. Maintenant, qu’il ait été fait par un auteur nommé Renoir,
cela reste à prouver.

R i v e t t e : Je ne voudrais pas rouvrir le débat sur Eléna, ce qui nous éloignerait consi­
dérablement du sujet. Je pense qu’il faut, avant tout, mettre à part justement le film de
Bresson et le film de Renoir, si l'on veut faire le bilan de cette année de cinéma, puisque
ce sont précisément deux exceptions,

B a z in : Ce serait beaucoup par an, deux exceptions.

21
R i v e t t e : Oui, ce serait beaucoup- Mais, p o u r q u e le cinéma français soit réellement
vivant, je crois qu’il ne faudrait pas s’en tenir là. Il faudrait au moins dix exceptions par
an. A part ces deux-là, je ne vois cette année qu’un seul film français <c vivant », et ce
n’est pas Gervaise, et ce n ’est pas La Traversée de Paris : c’est le film de Vadim Et Dieu
créa la femme, bien qu’il soit évidemment beaucoup moins parfait que Gervaise ou que La
Traversée, même du simple point de vue commercial. Mais il y a un ton neuf dans le film
de Vadim, alors que je ne vois rien de semblable dans le film de Clément, ou dans celui
à’Autant-Lara.

D o n i o l -V a l c r o z e : Exactement comme il y a un an ou deux, Les Mauvaises rencontres,


étaient, à mon avis, le film le plus suggestif et le plus fructueux.

K a s t : Je ne partage pas du tout les a priori de Rivette. Rivette a une façon de dire :
ci 11 y a deux films dans Vannée qui sont une exception ». C ’est son opinion qu’il érige
immédiatement en jugement, contre quoi je m ’insurge absolument. Il est pour le moins
bizarre d’essayer de fonder l’ensemble du raisonnement et de la discussion sur le fait que
Rivette a aimé, ou n ’a pas aimé, Bléna et le film de Vadim.

L ee n h a r d t : Lesquels, vous, Pierre Kast, aimez-vous ?

K a s t : Dans l ’année? En dehors du film de Bresson et du film de Lara, je n'ai été


tenté de n ’en mettre aucun dans ma liste des dix meilleurs films. Vraisemblablement le film
de Clément serait le onzième. Gervaise est un film que j’aime beaucoup. Je ne pense pas que
ce soit le meillleur de Clément. C’est un excellent travail comme on dit : « Cette table de
Monsieur Untel est une table qui est signée de Monsieur Untel ». Monsieur Ripois ou jeux
interdits sont, à mon avis, bien supérieurs : c ’est l’évidence. Mais, après tout, Clément
n ’est pas forcé de faire, à chaque fois, son meilleur film.

B a z in : Je crois qu’on peut mettre d’accord Rivette et Kast. Evidemment chacun de


nous a une préférence. Il demeure que nous reconnaissons tous qu’il y a trois ou quatre
ans on s ’inquiétait de ce que les grands metteurs en scène ne travaillaient plus : depuis
deux ans, tous les metteurs en scène de qualité travaillent, et même les autres. Et, bien
que ces metteurs en scène travaillent et dans des conditions, me semble-t-il, plus libres
qu’auparavant, nous constatons que la courbe, loin de remonter en flèche, comme ce devrait
être, est en train de baisser. Et alors, ce qui est important, c’est que Clément, tournant
Gervaise, fait un film de grande valeur sans doute (nous sommes tous d’accord là-dessus),
mais que Kast même, qui est parmi nous celui qui le préfère, estime bien inférieur à
Ripois ; c’est que Becker tournant Arsène Lupin, dans des conditions relativement libres
et par un libre choix, fait un film très inférieur à Casque d’Or. Alors, est-ce qu’il y a une
évolution ? Je crois que le débat est assez mûr pour que nous réfléchissions sur ce pro­
blème : y a-t-il une évolution ou une involution du cinéma français ? '

L’ACADEMISME 'ET LA CONQUETE DU MONDE

R i v e t t e ; Je crois que cette évolution des grands metteurs en scène porte un nom sur
lequel nous sommes tous d’accord implicitement : c ’est îe nom d 'académisme. Cet acadé­
misme n ’est pas grave en soi. Par exemple l ’académisme est moins grave dans le cinéma
américain dans la mesure où, lorsque King Vidor fait Guerre et Paix, on sait fort bien à
l’avance quelles limites lui imposent la Paramount, Dino de Laurentiis et tout le système
de la super-production. Ce qui est grave, dans l’académisme des derniers films de Becker
et de Clément, c’est qu’il s’agit d’un académisme auquel les metteurs en scène ont consenti.
Et l’on peut même se demander dans quelle mesure ils ne le recherchent pas. Je pense
surtout à Arsène Lupin : là où Becker aurait pu faire un film libre, insidieux, ironique ou
poétique, il a choisi de faire un film commercial, avec de place en place des petites pointes
personnelles, mais qui sont noyées dans la masse des concessions voulues. Même chose pour
Gervaise û'e Clément, qui aurait pu être un film percutant, malgré le handicap que représente
le fait de tourner un film d ’après Zola en 1957 ; mais Clément a choisi de faire un film qui
s ’adapte au système.

22
Et Dieu,., créa la femme de Vadim

L e e n h a r d t : Alors là, je rejoindrai le point de vue de Kast, qui est le point de vue éco­
nomique. Ce qui caractérise l’évolution du cinéma français, depuis quatre ans, sur le plan
économique, c’est-à-dire du financement, c’est que pour des raisons qu’il n ’importe pas de
développer ici, les films rentables sont les grandes productions ou co-productions dites inter­
nationales, celles qui visent essentiellement le marché étranger. Et il est très probable qù’un
certain affadissement, une certaine tendance vers ce que vous appelez l'académisme, tient
au fait que les metteurs en scène n ’osent pas se lancer dans un film dont l ’optique soit essen­
tiellement celle de leur culture, c’est-à-dire un film français, mais visent à produire un film
international. Je me rappellerai toujours ce mot qui m ’avait frappé. Il est du producteur du
précédent film de Becker, Ali Baba : « V'ozu me comprenez. J’ai dit à Becker : il ne s'agit
pas de fatre le Grisbi, mais il sJagit de faire un film, qui puisse être vu. à ta fois à Berlin, à
Pékin et à Hollywood ! »

R o h m e r : Cela est très grave, car c ’est précisément de son caractère universel que le
cinéma américain tient sa valeur. Le cinéma américain fait école. Ce que l’on doit déplorer,
ce n ’est pas tellement que le cinéma français ne produise pas des oeuvres dignes d’estime,
mais que ces œuvres soient fermées, c’est-à-dire n ’influent pas sur celles des autres pays...
11 n ’y a pas ou plus d’école française, alors qu’il y a une école américaine et une école
italienne.

K a s t : Je m’excuse de changer un petit peu de registre. Je voudrais partir de tout ce


que Rohmer vient de dire, de tout ce que Leenhardt vient de dire pour essayer de faire un
tout petit pas en avant Je crois que, bien que je ne sois pas chrétien, on peut trouver l ’on-,
gine de tout çà dans une petite parabole ; celui qui veut sauver sa vie, la perd, et c’est
celui qui ne cherche pas premièrement à la sauver qui a toutes les chances de gagner. Autre­
ment dit, c’est dans la mesure où l ’on cherche un succès, qu’on commence déjà à tenir
en germe l’échec, alors qu’au contraire, dans la mesure où on cherche quelque chose de
nouveau, on commence à avoir une petite chance de vrai succès. Il y a une mauvaise
optique du système producteur qui consiste à imaginer que, parce qu’un succès a été

23
obtenu, il suffit de reproduire les mêmes conditions de température et de pression pour le
rééditer, alors que la vraie sagesse consisterait à dire : « C’est Ali-Baba qui a eu du succès :
eh bien! je vais faire autre chose », et non pas : « C’est Ali-Baba qui a eu du succès : je
vais faire Le fils d’Ali-Baba ».

L e e n h a r d t : Dès qu’on parle de questions d ’argent, il faut être précis. J’ai été très
étonné de la modestie (peut-être calculée) d’un grand distributeur français, M. Morgenstern,
à propos d’un film que personne n ’a cité, mais qui a tout de même un intérêt statistique,
c’est-à-dire qui bat, .qui pulvérise tous les records de recettes : Notre Dame de Paris,
de Delannoy. M. Morgenstern disait : « Je ne prétends pas que ce soit un ckef-
d'œuvre, je prétends modestement que nous avons fait un succédané honorable de la grande
production américaine qui permet à Hollywood de tourner par ailleurs des films extrême-■
ment intéressants. » Il est obligatoire, quand on veut traiter de problèmes mêlés d’art et
d’argent, de noter qu’en face de cet affadissement de certaines œuvres de maîtres français,
nous constatons {cela est le résultat d’une politique donnée), un certain succès de ce genre
dont le film de Delannoy est un exemple parfait. Et c’est lui qui rend possible la santé
financière du cinéma français.
K a s t : Nous sommes tous d’accord ici sur le fait que nous souhaitons que les gens
gagnent de l’argent pour pouvoir courir un certain nombre de risques. Ce qui est ennuyeux,
c'est que le fait qu'ils commençent à gagner de l'argent, les incite à miser sur le même
cheval, alors que, précisément, le fait qu’ils ont gagné sur ce cheval devrait les inciter à
miser sur un autre.

R i v e t t e : Il y a autre chose, me semble-t-il, d’ennuyeux. Tout le monde s ’accorde


pour se féliciter presque de l ’existence de Notre Dame de Paris, dans la mesure où un tel
film est fait par Delannoy. Ce film existe : il doit rapporter tant d’argent ; nous n ’irons
pas le voir, c’est tout. Cela devient grave, lorsqu’on demande aux metteurs en scène de
talent de faire des Notre Dame de Paris. Et, ce qui est encore plus grave, c’est le moment
où ces metteurs en scène de talent acceptent de les faire, avec cependant une arrière-pensée
en tête : tourner eux aussi un film de 400 millions, parce que cela va leur permettre de
devenir un grand metteur en scène français, parce qu’ils vont toucher beaucoup d ’argent ;
mais en même temps, mettre dans les coins de leur film, des petits alibis, des petites
astuces, privées la plupart du temps, qui ne le rendront pas meilleur, qui n ’en feront
pas un film d ’auteur, et qui en mêmé temps risquent d’empêcher qu’il soit une bonne affaire.
Par exemple, si Delannoy avait tourné Arsène Lupin, je pense qu’il aurait respecté davan­
tage Maurice Leblanc, parce qu’il n ’aurait pas eu de complexes vis-à-vis de ce qu’il peut
y avoir de populaire dans cette littérature. Il n’y aurait pas eu de méprise, ni de confu­
sion. Ce qui est grave, c’est la confusion. L’idéal pour le cinéma français, ce serait qu’il y
ait, d ’une part, des super-productions faites par des metteurs en scène comme Delannoy ou
Le Chanois (des gens qui sont aptes à faire cela et qui le font bien, de telle sorte qu’un
film de 500 millions en rapporte 800 ou même plus, ce qui est, après tout, ce que tout le
monde désire) et que, d ’autre part, les metteurs en scène de talent refusent de s ’engager
dans ces combinaisons qui, en aucune façon, ne peuvent leur être profitables, et possèdent
la sorte d’intégrité morale de s’en tenir aux films (mettons de 100 millions) qui n ’ont pas
besoin des marchés étrangers pour être amortis, et où ils pourraient faire véritablement
oeuvre d’auteurs. Il faudrait que coexistent les deux domaines et que ces deux domaines
soient très nettement tranchés. C ’est justement le cas du cinéma italien, qui a également
ses crises, mais demeure en meilleure santé dans la mesure où il ne se produit jamais
de confusion entre Ulysse, ou toutes les.autres super-productions, et l ’école Rossellini,
Zavattini, De Sica, Antonioni, qui, bien qu’ils s’opposent sur beaucoup de points, n ’ont, eux,
jamais transigé. Jamais : la seule exception, c’est Visconti faisant Sercso, mais il est bien
évident que c'est une exception purement formelle, puisque Visconti a simplement roulé le
producteur, comme Ophüls avec Lola Montés, et dans une certaine mesure, Renoir avec
Eléna. Mais le noyau du cinéma italien ne s ’est jamais laissé entamer : tandis qu’en France,
ce à quoi nous avons assisté au cours de ces deux ou trois dernières années, c ’est à l’émiet-
tement de ce que nous avions'pris pour le noyau du cinéma français. Successivement, des
gens comme Becker, comme Clément, comme Clouzot, se sont laissé avaler par cette
masse des super-productions, je ne sais pourquoi : pour l’amour de l’argent, ou pour celui
de la renommée internationale. Et maintenant, il n ’y a pour ainsi dire plus personne. Il
reste encore un cinéaste intègre, c’est Bresson. C’est le seul. Et puis, il y a quelques
jeunes, mais qui n ’ont justement pas encore eu le temps d’être tentés par le démon. Et peut-
être céderont-ils à leur tour ? On n’en sait rien.

24
Les Mauvaises Rencontres d’Alexandre Astruc

B azin : Notre-Dame de Paris e s t un succès commercial, maïs personne ne pouvait


le prévoir. Il est même stupéfiant, parce que Notre-Dame de Paris est le film le plus
ennuyeux de l ’année. C’est un phénomène qui est lié au mythe de Victor Hugo, etc.
et qui nous échappe complètement. Car au fond, Notre-Dame de Paris est un film de même
catégorie que Marie-Antoinette, qui lui, est un échec. Marie-Antoinette a fait perdre l’ar­
gent qu’a fait gagner Notre-Dame de Paris.

L e e n h a r d t ; Ce n ’est malheureusement pas tout à fait le cas. Quand on veut entrer


dans la mécanique de la production, il faut, encore une fois, être précis. Il y a deux sortes
de films : les films où il y a un risque, les films où il n ’y en a pas ; les films de 100
millions, et qui permettent un effort particulier, sont des films où il y a un risque, risque
d’en perdre 50. Quand on fait un film comme Marie-Antoinette ou comme Notre-Dame de
Paris on ne prend pas de risques ; il y a rincertitude du succès. Mais l ’incertitude
est entre bénéfices et affaire blanche. Un film de ce genre est fait grâce à l’avance de
garanties de distribution et de ventes à l’étranger qui le couvrent à peu près. Si le film
marche, ce qui arrive une fois sur deux, et même deux fois sur trois, il y a bénéfice.
S’il ne marche pas, , il y a affaire blanche. Au contraire, le film qui n ’a pas ces garant
ties de valeur moyenne est un film sur lequel il y a risque de pertes à plein. L à est le pro­
blème, là est la difficulté. Mais je crois que nous partons sur un terrain faux, en faisant une
sorte de critique sociologique et éthique des quatre ou cinq grands metteurs en scène français.
Ce n ’est pas de là que vient la crise du cinéma. Il y a un problème au moins que nous n ’avons
pas abordé, et c’est curieux : celui de l’interprétation. On s ’étonne beaucoup de l’importance
que, dans un film, on attache aux vedettes. Après la guerre, on a parlé de films sans vedettes.
Il reste néanmoins que la valeur d’un cinéma, c’est la valeur de ses vedettes, et nous n ’avons
pas dit un mot à ce sujet. J ’en viens au fait, parce qu’il y a actuellement en France une richesse

25
nouvelle et prodigieuse dans l ’interprétation comique. L’arrivée, du cabaret, d’un certain
nombre de gens dont Darry Cowl est le plus représentatif, est un phénomène de très
grande importance. Et le cinéma français est un peu ce que sont à l ’étranger Gabin, Morgan,
Fresnay et Brigitte Bardot. Le cinéma italien a été, à la fois, Zavattini ou Rossellini, et
la sortie possible d’une nouvelle forme de l'espèce féminine, la fille italienne. Cela me
semble un des problèmes numéro un. Vous parliez tout à l ’heure du cinéma anglais, aujour­
d’hui mort : je me rappelle qu’à sa belle époque, il y a dix ans, son représentant venu à
Paris me disait au sujet de Ja petite Simmons : << Vous ne pouvez pas, M. Leenhardt,
vous payer en France ce que nous nous payons parce que votre marché est un pauvre marché
dJune centaine de millions de spectateurs, alors que le nôtre en a 600 millions, que nous
faisons des efforts pour recruter nos acteurs, et que, si j ’étais directeur du cinéma français,
je décréterais premièrement : « Tout acteur — je m’en excuse dans le pays de Racine et de
Molière — tout acteur français pour avoir sa carte professionnelle, doit parler anglais cou­
ramment ». Si vous aviez une vedette qui parle anglais couramment, ce serait une vedette
internationale. Vous conquerriez le 'monde — et vous ne le conquerrez jamais. »

B a zin ; Je fais remarquer qu’il. y a une contre-vérité dans ce que dit Leenhardt, en ce
qui concerne le cinéma italien : il est bien vrai que l ’expansion du cinéma italien, la
conquête du monde par le cinéma italien, s ’est fondée sur les vedettes féminines, mais
cela a été sa mort. C'est précisément sur l ’absence de l'interprétation, sur le reniement de
l’interprétation, après la guerre, que le néo-réalisme s ’est fondé. Il y a eu ensuite, en
effet, l’apparition d’une nouvelle forme de l’espèce féminine, mais on sait où cela nous a
menés et je ne crois pas qu’il faille le prendre comme exemple.

R i v e t t e : Et pourquoi cette volonté de conquérir le monde ? Voilà justement la cause


de la catastrophe. Il faudrait au contraire essayer avant tout de conserver le public français,
et conquérir le monde uniquement par ricochet. Mais, à partir du moment où l’on essayera
de fabriquer des vedettes internationales, à partir du moment où l ’on voudra faire des films
internationaux, on se cassera la figure neuf fois sur dix.

B azin : Je crois que les deux choses sont vraies, c’est-à-dire qu’il y a un certain
type de films, d ’une certaine valeur cinématographique, qui est fondé sur la vedette. Il est
bien évident que le cinéma français d ’avant guerre était fondé sur Gabin. Il y a une liaison
essentielle, profonde entre les scénarios, le style des films, et l ’existence de Gabin. C ’est
indéniable ; mais d’un autre côté, on peut citer dix exemples où la vedette est une catas­
trophe : c’est dans un système qu’il faut la juger. Je crois que nous sommes tous d’accord
pour penser que ce n’est pas du côté de la super-production internationale, où la vedette
joue un rôle essentiel, que le cinéma français a des chances de progresser' : c'est en
retrouvant une prise directe sur l’inspiration des gens de talent et ceci ne doit pas se faire
indépendamment de l’interprétation, mais à un niveau de l’interprétation qui dépasse celui
de la vedette.

R i v e t t e : En effet, Gabin n ’était pas un acteur : c’était quelque chose d’autre. Ce


n’était pas un interprète, mais quelqu’un qui apportait dans le cinéma français un personnage,
et qui a influencé non seulement les scénarios, mais même la mise en scène. .Je pense qu’on
pourrait considérer Gabin comme un metteur en scène presque davantage que Duvivier ou
Grêmillon, dans la mesure où le style de mise en scène des réalisateurs français s ’est cons­
truit en grande partie sur la manière de jouer de Gabin, sur sa démarche, sur sa façon de
parler ou de regarder une fille. C’est ce qui fait également la force des plus grands acteurs
américains, comme Cary Gr.ant, Gary Cooper ou James Stewart. Par exemple, il y a une
influence certaine du style de jeu de James Stewart sur la mise en scène d’Anthony Mann.
Or, je ne vois actuellement aucun acteur en France qui possède ce pouvoir propre qui
dépasse le niveau de l’interprétation.

C INEM A ET LITTERATURE

R o h m e r : Cette restriction faite, disons, pour résumer l’opinion générale, que le


cinéma français ne manque pas seulement d’auteurs et de producteurs, mais d’infrastruc­
ture, acteurs, genres, etc.

26
Lola Montes de Max Ophüls

L e e n h a r d t : Et j’ajouterai, d’inspiration. Le. cinéma français d ’avant guerre (dit faus­


sement réaliste) est un cinéma dont le substratum est extrêmement net : il vient d’une
conjonction entre un mouvement français littéraire dont le symbole est Dabit (populisme
d’après 14), et un mouvement voisin, à la frontière du surréalisme, dont les représentants
sont Prévert et Aurenche. Et cela correspondait à une nouveauté littéraire. Aujourd’hui,
qu’avons-nous ? L’existentialisme ? Nous en sommes déjà sortis : quand on examine la
jeune littérature française, il faut avouer qu'à l’opposé d ’un certain gauchisme lyrique, où
bien des impuretés ont été mêlées, l’élément le plus valable, au point de vue de la présence
(là ou ça remue), est tout un groupe de jeunes écrivains dont les frontières sont difficiles:
à définir, mais qui étaient plus ou moins autour de L a T a b le R o n d e , que nous voyons passer
actuellement au théâtre, et qui s ’intéressent d’assez près au cinéma. Il serait intéressant
de définir cette ligne-là : Astruc en est plus près, sans doute, que ' de Sartre.

B a zin : Egalement Vadim, d’ailleurs !

L ee n h a r d t : Egalement Vadim, également Laudenbach, également Nimier dans la


mesure où il fera quelque chose. D’ailleurs, on sent que c’est une tendance confuse et qui
sera peut-être catastrophique.

K a s t : Il n ’y a qu’un ennui. C’est que, si vous considérez que l’existentialisme est


dépassé, vous devez considérer que cette littérature qui est la littérature des années 52 est
extrêmement loin derrière nous. La fameuse trilogie Blondin-Nîmier-Laurem est une chose
dont on ne voit plus que les dernières petites vagues.

L ee n h a r d t : Je n ’en suis pas du tout sûr. Et quand on constate le succès actuel, par
exemple, de « L’Œuf » au théâtre, on peut s’étonner que Marceau n ’écrive pas directement
pour le cinéma. Ce qui devrait être absolument le cas, et qui le sera peut-être. Et je me
demande si le handicap du cinéma actuel ne serait pas que son recrutement, quand il est
littéraire, se fait parmi des gens qui appartiennent à un genre qui n ’est pas le genre « en
avant » aujourd’hui.
K a s t : C’est une extrême plaisanterie de dire que ce qui a pu remplacer ce mouve­
ment Saint-Germain des Prés des années 45, c’est maintenant L a T a b le Ronde et A r t s de
1957. Ce n ’est plus rien...

L ee n h a r d t : Je pense qu’en dehors des auteurs marquants, que je connais mal, mettons
Beckett, il y a tout de même, aussi discutable, aussi contraire qu’il soit à vos tendances,

27
un ensemble donné de jeunes écrivains qui représentent quantitativement l ’ensemble de
talents le plus vivant aujourd’hui et, d ’ailleurs, dont l’influence sur le cinéma français
commence à se faire sentir. Ne pas le regarder en face et dire : <c CJest le sous-produit,
c'est la demi-Parisienne », c’est absurde, quand on fait une analyse objective des problèmes,

B a z in ; Je me demande si Je cinéma d ’avant guerre, qui présente en effet une unité


de thématique et d’inspiration tout à fait exceptionnelle, quels que soient les metteurs en
scène qui tournaient, peut se rattacher à la jeune littérature de ee moment-là. Il est normal
qu’il y ait un décalage dans le temps entre une génération littéraire et son passage au
cinéma. L’existentialisme, par exemple, qui est dépassé littérairement, aurait peut-être pu
(je ne crois pas qu’il le fera) nous fournir l ’équivalent du cinéma noir d’avant guerre dont
Leenhardt a clairement montré le rapport avec le surréalisme.

R o h m e r : Je voudrais poser une question à Roger Leenhardt. Le décalage entre la


jeune littérature et le cinéma est peut-être moins important qu’aux débuts du cinéma,
parce que le cinéma s ’intellectualise : Leenhardt disait qu’en Amérique les cinéastes
s’inspiraient des écrivains les plus modernes, et qui travaillaient directement pour le cinéma.
Mais, en même temps, on adapte certaines de leurs œuvres qui se révèlent être de très bons
scénarios. Est-ce que vous pourriez citer une œuvre moderne d ’un jeune écrivain français
qui fournisse un bon scénario de film, meilleur que ceux que nous voyons ?... Vous avez
nommé Beckett, mais je ne pense pas qu’il soit possible, ni même souhaitable, de porter
du Beckett à l’écran.

L e e n h a r d t : J ’ai commencé cet entretien en disant que le parallèle littéraire é t a i t


intéressant. Si le cinéma italien est intéressant, c’est que je lis Pavese. Si le cinéma
américain est intéressant, c’est que je lis non seulement Caldwell, mais encore plusieurs
nouveaux romanciers américains. Si le cinéma français n'est pas intéressant, c'est qu?à
l’heure actuelle, il n ’y a pas de roman français intéressant.

Rohm er : Pourquoi semblez-vous faire1grand cas de cette nouvelle tendance française?

L e e n h a r d t : Parce que, dans la vacuité de la littérature française contemporaine, ' on


a l’impression que, bien que ce soit sur un registre très particulier, il y a là un élément
nouveau et moteur. Et pourtant, je regrette que ce ne soit pas d’une tendance qui soit la
mienne que vienne la lumière.

K a s t : Dans c e que disait Leenhardt tout à l’heure, il y a quelque chose qui me


frappe, Quand on regarde ce qu’on lit en France chaque année, on s ’aperçoit que, si on
n’aime pas beaucoup la quasi-totalité des films français qui sortent chaque année, il n ’y a
pas non plus beaucoup de romans qu’on ait envie de garder. Quels sont les deux ou trois
livres-clefs que j ’ai lus cette année? Il y a, numéro un « Tristes Tropiques » de Claude Lévy
Strauss, dont je ne vois pas l ’équivalence possible à l’écran, pour l’instant en tout cas, étant
donné la direction que prennent les films exotiques. Ensuite, mettons « Le Partage des eaux »
de Carpentier, qui n ’a rien à voir avec la littérature française. II n ’y a pas cette année de
roman français que j’aie vraiment aimé. Je suis désolé, mais’c’est-comme ça. Il y a à cela
plusieurs raisons simultanées. D’abord une, qui me paraît très nette : c’est que beaucoup de
gens qui écriraient éventuellement des romans ont l ’idée qu’ils vont faire des films. Il est cer­
tain, par exemple, que, dans le cas d’Astruc, cela explique à la-fois ses qualités et ses défauts.
Il fait du cinéma, non pas du tout avec l ’idée que c’est une sorte de profession manuelle,
technicienne, mais exactement comme il écrirait les livres qu’il n ’écrit pas. Cela abolit du
même coup la distinction scénariste-metteur en scène, qui est une vieille distinction tradi­
tionnelle dans le cinéma français et qui est en train de disparaître. Les scénaristes profes­
sionnels se justifiaient quand il existait des metteurs en scène du type mécanicien. ■ Il fallait
bien quelqu’un pour leur écrire l ’histoire, püisqu’eux n ’étaient capables que de faire la
mise en scène, c ’est-à-dire en somme rien ! (Rires). Quand Vadim fait un film, quand
Astruc fait un film, quel que soit ce film et les réserves qu’on peut faire sur lui, c’est autre
chose qu’un cinéma qui est fait par deux personnes : un scénariste et un metteur en scène.

R iv e tte : C’est ce que nous appelons un film d ’auteur 3

D o n io l -V a lcrozb : Nous retombons sur nos vieilles théories d’ « Objectif 49 » qui sont

28
La Traversée de Paris de Claude Autant-Lara

dépassées sur le principe, mais qui-restent justes. Nous sommes arrivés à un âge où le
cinéma est un moyen d’expression pour dire quelque chose. Et !e drame, c’est que le
cinéma français n ’a rien à dire, et que le film français ne dit rien.

LA CR A N D -P EU R DES METTEURS EN SCENE

L e e n h a r d t : L’idée d ’auteur complet est tout de même un mythe, car le métier de


metteur en scène demande des qualités particulières, différentes de celles de l ’écrivain.
Qu’elles puissent coexister chez le même homme, cela est possible, mais le fait qu’à
l’heure actuelle, des metteurs en scène qui ne sont pas visiblement doués pour écrire des
scénarios, comme Becker, le fassent, au risque d’une catastrophe, entraîne la dégénérescence
de cette profession capitale qui existe en Italie (ils ne sont pas un, ils sont cinq scénaristes)
et aux U.S.A.

Kast : Mais il est évident que, quel que soit le nombre de personnes qui travaillent
sur un scénario de Fellini, le film est de Fellini,' y compris le sujet.

R i v e t t e : Je pense que ce que vous dites de Fellini, on peut l e dire également des
cinéastes américains, malgré les génériques, car, nous le ' savons maintenant avec certitude,
il n ’est pas un seul des grands metteurs en scène américains qui ne travaille lui-même au
scénario de son film, dès le début, en collaboration avec un scénariste qui lui écrit son
screen-play, accomplit un travail purement littéraire que lui-même ne saurait peut-être pas
faire avec la même qualité formelle, mais selon cependant les directives du metteur en
scène (non seulement sous sa surveillance, mais, selon la direction qu’il lui. donne). Et
c’est pourquoi nous avons choisi aux C a h i e r s de défendre des metteurs en scène comme
Hitchcock de préférence à Wyler, comme Mann de préférence à Zinnemann, parce que ce
sont des metteurs en scène qui travaillent effectivement à leurs scénarios. Et c ’est juste­
ment c e qu’ils ont apporté de neuf dans ces dix dernières années. Je suis, donc, d’accord
avec Kast pour penser que cette question du scénariste pur est dépassée.
. . . (.Suite page .85.)
PROBLÈMES DU COURT MÉTRAGE

Virginie Vitry dans Le coup du Berger de Jacques Rivette

par Jacques Doniol-Valcroze


Le problèm e num éro un' du co u rt m étrag e fran çais e st bien connu. C’est son
absence de re n ta b ilité réelle. Les pourcentages q u ’il p ercev ait sur les recettes
a v a n t le systèm e d ’aide à la qualité ou les prix fo rfa ita ire s auxquels il é ta it
vendu, ainsi que la façon d o n t il pouvait ém arg er su r ia loi d ’Aide n e lui p e rm e t­
ta ie n t mêm e pas de vivoter d an s la m édiocrité (1). C ette p au v reté co nd u isait à u n e
m ort certaine. Il y a v ait bien sû r des exceptions m ais elles n e p ro u v aien t rien
sinon qu’il y a u ra toujours des h a sa rd s heureux. Seule u n e certain e faço n de
produire — la pire — e t encore n 'é ta it-e lle p ra tiq u e m e n t accessible qu ’à c e r ta i­
nes grosses sociétés de longs m étrag es u tilisa n t les restes ou leu rs possibilités m a r ­
ginales, p e rm e tta it à une in d u strie du court m étrage de subsister. Le ré s u lta t le
plus précis de ces p ratiq u es é ta it l'ex aspératio n g ran d issan te des sp ectateu rs.
Ceci d it il n 'e s t pas c e rta in que les m êm es sp ectateu rs so ien t e n c h a n té s m a in ­
te n a n t de voir des courts m étrages de « qualité », m ais le problèm e n ’est là qu'ac-
cessoirem ënt puisque le court m étrag e a acquis u n e existence autonom e e t que les
fru its fin an ciers de son exploitation publique n e re p ré se n te n t dans la m a jo rité
des cas q u’une faible proportion de ses m oyens d ’existence. Le systèm e des
prim es à la q ualité c h an g ea com plètem ent les données du problèm e. O n p e u t
dire a u jo u rd ’h u i q u ’à p a r tir d ’u n c e rta in degré (même peu élevé) n o n p as m êm e
de qualité e n soi m ais d 'in te n tio n de qualité, le court m é tra g e est viable.

STATISTIQUES

Les statistiq u es vien n en t-elles au secours de ces opinions ? E n 1952 o n t été


p ro d u it 340 courts m étrages. E n 53 : 335. E n 54 : 420. E n 55 : 305. E n 1956 : 283.
(1) H isto r iq u e m e n t six sy stèm es s e s o n t su cc éd é : 1° A v a n t l a g u erre : a u c u n e a id e,
a u c u n sy stèm e précis, le d o u b le p rogram m e le ren d q u a si im p la ca b le 2° S o u s l ’o c c u p a t io n :
le d o u b le p rogram m e e s t aboli, le co u rt m étra ge, o b lig ato ire, t o u c h e 3 % d es r e c e tte s ;
3° Après l a guerre e t a v a n t I'Aicîe : le co u rt m étr a g e to u c h e 1 % d e s r e c e tte s s ’il e s t t r a ité
a u p o u rcen ta g e ; 4° V ie n t l a lo i d ’Aide : m ê m e sy stèm e p lu s 1 % a u t it r e de l ’A ld e ;
5° S y stèm e d e la p rim e à, la q u a lité : p lu s d'aid e a u p o u r c e n ta g e d e s r e c e tte s s a u f e n ce
q u i co n cern e l'e x p lo ita tio n à l ’étra n ger (21 %).

30
La politique de la « qualité » n ’a donc pas au g m en té le nom bre des courts m é tra ­
ges produits, ce qui est norm'al, ce qui é ta it .souhaitable.
Le coût global en 1956 de la production des co u rts m étrages est de 1.150 m il­
lions de fran cs pour 248 film s com m erciaux e t 28 n o n com m erciaux. Le coût
m oyen de production s’étab lit donc à 4,1 m illions de francs, ce qui n e prouve
p as grand-chose,, si ce n ’est que to u t en fa is a n t m oins de films, les pro d u cteu rs
y co n sacren t de plus im p o rta n ts m oyens q u ’a u p a ra v a n t. Les statistiq u es du
C entre nous a p p re n n e n t que ce coût global est in tég ralem en t couvert p a r u n
fin an cem en t fra n ç a is e t qu’il est difficile d’évaluer la p a r t des investissem ents
de c ap itaux à fonds p erd u s (subventions ou in terv en tio n s p u b licitaires). T o u t au
plus p e u t-o n préciser le m o n ta n t des subventions ou avances rem boursables
p ro v e n a n t des ad m in istra tio n s publiques (acquisitions de droits com m erciaux et
frais de tira g e de copies com pris) et qui é ta it en 1956 de 476,5 m illions de fran cs
contre 312,5 en 1955. Si Ton te n a it com pte p a r ailleurs qu’au titre de l’exercice 56,
161,5 m illions on t été a ttrib u é à titre de prim es à la qualité, ce se ra it plus de la
m oitié du coût global qui a u r a it été fin an cé soit p a r les subventions, soit p a r les
primes... m ais ce calcul n ’est pas valable puisque 81 films seulem ent sur 283 p ro ­
d u it o n t été prim és e t parce que 60 p ro d u cteu rs seulem ent sur les 168 qui o n t
p roduit en 56 (695 so n t titu la ire s d’une a u to risa tio n d’exercer ! ) o n t bénéficié
de cette aide.
Ce qui est c e rta in c’est l’a u g m en tatio n de la qualité q u 'a tte ste le ju ry de 56
dans son préam bu le (ainsi d ’ailleurs que l’au g m e n ta tio n du nom bre des film s en
couleurs). Ce qui est ce rta in aussi c’est que la d o tatio n s’est révélée cette an n ée
u n peu courte e t qu’il fa u d ra l’au g m en ter si l’on veut poursuivre la politique « de
qualité s> et n e pas p rê te r u n flanc facile aux critiques des d étracteu rs du système.

A B O N D A N C E DE TALENTS

D ans la liste des film s prim és au titr e de l’exercice 56 (films pro d u its en 54 et
55) on trouve tous les nom s déjà connus du court m étrag e français. Les voici,
e x tra its du palm arès to tal, e t dans l'ordre, p arfo is curieux, de leur a p p a ritio n :
Lamorisse, R esnais, F ab ian i, M olmaro, Mouseeile, B aratier, P routeau. Lançuepin,
M itry, Lehérissey, Paviot, Ichac, Gruel, Lucot, R ouquier, L een h ard t, G ibaud, Z im -
m er, T hévenard, Vidal, V énard, D upont e t F r a n ju (il n ’y m anque guère que K ast,
Cousteau, Y annick Bellon, Menegoz, Nicole Védrès e t R ouch). On y trouve aussi

La crise du logement de Jean Dewever

31
deux nom s de réalisa te u rs de long m étrag e : G rém illon e t Faurez. On y trouve
encore des nom s nouveaux a u générique de quelques film s de ta le n ts. Il s’agit
su rto u t de F ranço is R eichenbach (Im pressions de New Y o r k ) e t de Jacques
Demy (Le Sabotier du Val de Loire). (Le cas d u p h o to g rap h e B rassai, a u te u r
de l'excellent T a n t qu’il y aura des bêtes, m e p a r a ît à p a r t) . L a liste 57 c o n fir­
m era ou révélera sans doute quelques nom s su p p lém en taires : Samivel,
Agnès V arda, J e a n Dewever (Prix Lum ière pour La crise du lo g em en t), A lain
Jessua (Prix Vigo — plus discutable — pour Léon La L u n e), P ierre Jallau d ,
Vétusto, Lacam , P iéru et M utcheller (ces trois d ern iers d an s le dessin anim é),
D h u it e t Bissiriex (tran sfu g es du ciném a a m a te u r), Louis G rospierre (pour
l’excellent Visages de M oscou) e t su rto u t C hris M aker (D im anche à P é k in ) et
Jacques R ivette (Le couv du Berger). On voit que ce n e so n t p as les réalisateu rs
de ta le n t qui m an q u en t. On p eu t m ême dire sans chauvinism e que le co u rt
m étrag e fran çais est plus riche de ta le n ts que n ’im porte lequel de ses co n cu rren ts
étrangers, si l'o n se base sur ce que l’on p e u t voir d an s les festivals e t su rto u t d a n s
celui de Venise consacré un iqu em en t au co u rt m étrage. D ’ailleurs la m oisson de
lau riers fra n ç a is a été considérable d an s toutes les m a n ife sta tio n s in te r n a tio ­
nales. De plus sur le p la n in térieu r le prix Delluc a été u n court m é tra g e : B allon
Rouge. Il fa u t signaler enfin, que la sem aine du court m étrag e fran çais qui v ien t
d 'avoir lieu à Moscou e t à L éningrad a rem p o rté u n succès considérable.
TOUT EST RELATIF
F a u t-il donc n ag er d an s l’optim ism e ? Non. Plusieurs aspects d u ’ problèm e
rév èlen t com bien le co u rt m étrag e est frag ile en t a n t qu’in d u strie et relativ em en t
faible en t a n t q u 'art.
Son m ode de production dem eure périlleux. Un m auvais vent, l’ab an d o n des
prim es, u n e re stric tio n des subventions officielles e t l’équilibre se ra it rom pu. Le
v o u d raien t-ils que les pro du cteurs de courts m étrag es ne p o u rra ie n t ê tre des
sain ts et des mécènes. Une p a r t im p o rta n te des fin a n c e m e n ts de leurs film s le u r
p rovient des subventions officielles (R elations culturelles du Quai d ’Orsay, E d u ­
cation N ationale, Service ciném atographique du M inistère de l ’A griculture et

Ballon Rouge d’Albert Lamorisse

32
Le Rideau cramoisi d’Alexandre Astruc

C om m issariat au Tourism e, p rin cip alem en t) et des subventions de l’in d ustrie p ri­
vée (mines, barrages, électricité, pro du its chimiques, usines autom obiles, acié­
ries, etc...) et m algré cette aide, le m oindre de leurs film s am bitieux ne p eu t être
bénéficiaire ou, à to u t le m oins am ortissable, s’il n e bénéfcie p a s d ’une prim e à la
qualité. Il est évident aussi qu’à l ’in té rie u r de ce systèm e u n p ro d u cteu r qui joue
le jeu sans a u tre am bition que de produire chaque année u n c e rta in nom bre de
film s de « bonne qualité » e t conform es au x in té rê ts de Péchiney, S ain t-G o b a in
Air F ran ce, le tourism e fran çais ou l ’in d u strie du verre, p eu t faire de bonnes a ffa i­
res. I l y a ainsi su r la place de P aris quelques m aisons prospères, g a ra n tie s à la fois
p a r les subventions e t u n c e rta in nom bre de prim es probables s'ils p re n n e n t le soin
de confier leu rs film s à u n R esnais, u n F a b ia n i, u n Molinaro... etc. M ais sitô t que
l’on v eu t viser plus h a u t, c’est l’av en tu re qui commence. Elle est m oins périlleuse
que ja d is (le p ro d u cteu r de G uernica m e d isait récem m en t que ce film, célèbre
m ais invendable, lui « co û ta it » u n m illion) c a r u n film risqué e t am bitieux est
quasi sûr d’avoir une prim e; m ais cette p rim e n 'e s t pas a u to m a tiq u e m e n t pro p o r­
tio n n ée à l'audace ou au risque.
Je n e veux po in t ainsi re m e ttre en cause le systèm e de la prim e à la
qualité. Il n e p eu t faire des m iracles. Il est, à n ’en p o in t douter, la m eilleure solu­
tion, m ais il n e p eu t em pêcher que se p o sen t au court m étrag e les m êm es p ro ­
blèm es qu’au long : son équilibre économ ique est u n e condition nécessaire m ais
n o n su ffisan te à sa prospérité artistique. Les prim es qu’on lui accorde sont certes
désintéressées, m ais in te rv ie n n e n t ap rès coup...; au d é p a rt il fa u t com pter avec les
im p é ra tifs des subventions privées ou officielles et s’ils n e so n t p a s déshono­
ra n ts (1), ils pèsent beaucoup plus lo u rd qu’on ne le pense d an s la balance de la
liberté d ’in sp ira tio n e t de création.

SYNDICALISME, FORMATS ET AMATEURISME


Au cours de la dernière réu n io n de la com m ission de sélection pour le. festival
de C annes, j ’ai été p artic u liè re m e n t fra p p é p a r deux in terv en tio n s de jurés,
1) E n d e h o r s d u d o m a i n e p o l i t i q u e . M a i s c e u x q u i a c c e p t e r a i e n t d e f a i r e d e s f i l m s o f f i c i e l s de
p r o p a g a n d e s u r ( c ' e s t - à - d i r e : p o u r ) i a g uc-rr e d ' A l g é r i e o u l a g r a n d e c a u s e d e s b e t t e r a v i e r s ne
n o u s i n t é r e s s e n t p a s i ci.

33
3
Alain Resnais (à la caméra) tournant Nuit et Brouillard

in terv en tio n s que je crois pouvoir évoquer sans indiscrétion puisqu’elles re flè te n t
les positions officielles des organism es m a n d a n ts.
1° U n re p ré se n ta n t du court m é tra g e déclara qu'il n ’é ta it pas p a rtis a n de
D im anche à Pékin, qu'il con sid érait p o u rta n t comme excellent, parce que son
a u te u r Chris M arker — à qui c e p e n d a n t il m a n ife sta it son estim e et son a m itié —
n ’é ta it pas u n « professionnel ».
2 U n célèbre o pérateur, re p ré s e n ta n t les techniciens, adopta la m êm e a t t i ­
tu d e sur le m êm e film, parce qu’il a v a it été to u rn é en 16 puis ag ran d i en 35.
C ette façon de défendre la profession me p a r a ît dangereuse. E t ceci v a u t
d ’être signalé au m om ent où il est question du rétab lissem en t de la carte p ro fe s­
sionnelle pour les réalisateu rs e t où a couru le b ru it que la tra n sc rip tio n du
16 en 35 en vue de l’exploitation com m erciale p o u rra it être in terd ite. J e sais
fo rt bien que le syndicalism e e st indispensable et quels sont ses b ie n fa its : la
profession a besoin d 'être défendue... m ais p as co n tre le ta le n t. Qu’on exige des
gens qui exercent le m étier de cinéastes d ’accepter certain es règles et d ’ê tre soli­
daires de leurs confrères : p a rfa it; e t aussi que cette conscience de groupe p e r­
m e tte de p résen ter un fro n t plus u n i aux abus, d’où qu’ils puissent venir, de la
production, de la distribution ou des in sta n c e s gouvernem entales. M ais é c a rte r
un Chris M arker de l'assem blée des élus parce que le ciném a n ’est p as son seul
m étier me p a r a ît ê tre une absurdité. Si rég lem en tatio n il doit y avoir, e t elle
e st c e rtain em en t souhaitable, encore fa u t-il qu’elle soit assez souple pour prévoir
des exceptions, assez in telligente p o u r que q u an d a p p a ra isse n t u n R eichenbach ou
u n Chris M arker aucune b arrière n e soit dressée d e v a n t eux p a r ceux-là m êm es
qui o n t souvent débuté de la m êm e façon et qui o n t to u t à gagner à ce que leurs
ra n g s s'en rich issen t de créateu rs nouveaux et valablês. C’est le ciném a qu’il fa u t
défendre et sa liberté d'expression, p as les places de ceux qui sont d éjà là, m êm e
si leurs lu tte s o n t été dures.

34
La question du 16 me p a ra ît encore m oins m otif à discussion. D ’abord en
bonne logique u n e pellicule qui a 35 mm. a 35 mm., u n p o in t c’est tou t. Quelle
soit ou non u n agran d issem en t du 16 n e change rien à l'a ffa ire :
c’est du 35 qui est exploité com m ercialem ent. J ’en parle d ’a u ta n t plus
à m on aise que je crois fo rt lim itées les possibilités du 16, s tric te ­
m en t à la couleur en to u t cas, e t qu’il est m an ifeste que cette couleur p erd au
m oins 30 % de sa valeur à l’agrandissem ent, ta n t en ce qui concerne les te in te s
elles-m êm es que la définition de l’im age. N éanm oins il y a des choses qui peuvent
être faites en 16 et qui n e p o u rra ie n t l’ê tre a u trem en t. Il y a là u n aspect « jo u r­
n a l de voyage », notes, croquis, im pressions colorées, qui a sa valeur pro p re et qui
ne s a u ra it ê tre récusé pour une question de fo rm at. P e u t-o n priver le sp ec ta te u r
des fascinan tes im ages des Fils de Veau de Je a n Rouch, des éblouissantes e t inso­
lites Im pressions de N ew -Y o rk de R eichenbach, de l’ém ouvant et cocasse ballet
pékinois de M arker, voire de c ertain s passage du Monde du silence, parce que la
pellicule employée à la prise de vue n ’av a it pas la dim ension rég lem en taire ?
Je ne m 'é te n d ra i pas ici su r la question de l’am ateurism e. Elle se règle en
quelque so rte d’elle-m êm e p a r le f a it que la production des a m a te u rs est d a n s
l ’ensem ble d ’u n e g ran d e m édiocrité d ’in sp ira tio n e t d ’u n désolant académ ism e
de facture. M ais il y a des exceptions. J ’ai vu d ernièrem en t deux o.u trois films
d 'am ateu rs (dont je me g ard erai bien de cite r les nom s puisque je leur veux du
bien) qui n ’av aien t rien à envier — sujet, style, perfection technique — à la
m ajo rité des co u rts m étrages d its professionnels. T ra n sc rits en 35, qui cro ira qu’ils
o n t été to u rn és pour le plaisir ?
Je sais bien que j ’ai d it u n m o t de tro p e t q u ’une conception étroite du syndi­
calism e et de la défense de la profession n 'a d m e t p a s l’expression : « to u rn é
pour le plaisir ». Puisqu'ils o n t eu « le plaisir », m e d ira -t-o n , qu’ils s'en c o n ten ­
te n t et qu’ils ne v ie n n e n t pas se m êler à ceux pour qui le cin ém a est aussi u n
m étier, u n g ag n e-p ain , u n dur labeur. Je crois que p a rle r ainsi, c’est d'abord
m al poser le problèm e e t ensuite que le p laisir — quelle que soit sa form e — est
indissoluble de la création. J e renvoie au cas de J e a n R enoir qui n ’a u r a it ja m a is
fa it u n film de sa vie si cela n ’a v a it pas été d 'abord « pour le plaisir ».
T out ceci a y a n t été d it qui n ’est pas négligeable, dans le problèm e, il reste à
p ren d re de la h a u te u r e t à co n stater que la moisson est m aigre.
(Voit suite page 91.)

Dimanche à Pékin de Chris Marker

35
DESSIN ANIMÉ FRANÇAIS
ANNÉE ZÉRO
par André M artin

Comment i'animafion vienf-eJIe aux garçons au milieu de 1'Ind/fférence générale des augures
ef du publie ? Comment se débarrassent-ils de cette passion singulière après leur service
militaire ?
Il faudrait entreprendre l'étude des problèmes posés p ar J'attraction perpétuelle qu'exerce
Je cinéma image par image sur une minorité d'originaux. II faudrait décrire ies abandons et
les échecs gui- couronnent généralement, en France, J'écJosion de cette vocation peu favorisée,
et savoir pourquoi ranimation demeure une sorte de spécialité condamnée, presque inacfuelle.
Aîais ce sera pour une autre fois. Les conditions peuvent devenir plus qu'hostiles, Jes
moyens inexistants, il se trouve toujours quelques imprudents pour retrouver l'image par image.
Les réalisateurs français de films d'animation sont plus nombreux qu'on ne Je croit, plus nom­
breux qu'ils ne Je pensent. L'inventaire qui suit vous prouvera que les nouvelles ne sont pas
mauvaises. 1957 risque de devenir l'année zéro d'une nouvelle époque du cinéma d'animation
français,' ce qui, tout de même, mérite d'être annoncé. l a partie recommence, qui, dans deux
ou trois ans sera gagnée ou perdue.

I. LES TRES PETITS COURTS METHAGES

Pour ceux qui n'ont p as l'intention de promouvoir une révolution cinématographique san­
glante, qui préfèrent la réalité immédiate aux vies futures, les problèmes posés p ar le sort inac­
ceptable du film d'animation en France sont insolubles. Etant donné l'étendue du marché, la
conliance maximum des producteurs, la mentalité du public, il n'est p a s possible de réaliser de
courts métrages d'animation dans notre bon pays, Le seul terrain sérieux d'application proposé
aux animateurs est celui du très court métrage publicitaire.
La qualité croissante de ces petits films a finalement prouvé aux spectateurs d e l'entracte,
et aux réalisateurs, que les films publicitaires pouvaient être autre chose que des éloges serviles
de produits manufacturés, tout juste bons, sur le plan créatif, à entraîner une équipe de réali­
sation en attendant mieux. Cet effort de qualification, entrepris il y a plus de vingt ans, a déjà
produit de nombreux films que les véritables am ateurs de cinéma ne peuvent ignorer (1).
Il est devenu aujourd'hui évident que le film publicitaire est plus qu'un pis-aller, mieux qu'un
terrain d'essai: un veritable genre cinématographique. Les contraintes imposées p ar les dimensions
du film (pas plus d'une minute) par l'argumentation {plus beau, plus blanc, plus solide) obligent
les réalisateurs à s'exprimer vite, clairement, en dem andant à l'im age et au son leur maximum.
En soixante ou quatre-vingt dix secondes, les films publicitaires, hai-kais cinématographiques,
font preuve des qualités expressives propres aux petites pièces de vers ou de musique, évidem­
ment très étrangères à celles du ciné-roman qui exige une heure vingt pour transmettre son

(l) C 'e s t a u to u r d e 1 934 q u e le c in é m a p u b l ic it a ir e é t a b li t d a n s l’E u r o p e e n t iè r e u n e t r a d it io n


d e q u a l i t é -et d e r e c h e r c h e c i n é m a t o g r a p h i q u e , q u i n ' a c e s s é d e p u i s d e s e d é v e l o p p e r . L a r e n o m m é e
d e P i n s c h e v e r e t d e F i s h e r k o s e n s ’a p p u ie , en g r a n d e p a r t ie , su r l e u r s p r o d u c t io n s p u b l i c i t a ir e s . L e s
p r e m ie r s p a s e u r o p é e n s du c in é m a en c o u le u r s e f ir e n t a v e c l e p r o c é d é O a s p a r c a l o r , d a n s d e s f ilm s
d 'a n im a tio n p u b licita ir e s. En 1934, G e o r g P a l, m a g n if i q u e m e n t o u tillé p a r l e s u s in e s P h ilip s à
E ld lio v e n , r e n o u v e la le s t y l e de la m a r i o n n e t te a n im é e , i m a g e p a r i m a g e , a v e c d e s film s c o m m e
P i r a t e d u C i e l. A P a r i s , A l e x e i e f f , q u i v e n a i t d e p r é s e n t e r s a N u i t s u r l e M o n t - C h a u v e , r e ç u t l a v i s i t e
d e j e u n e e d é b r o u i l l a r d s d u f i l m p u b l i c i t a i r e , J e a n A u r e n c h e e t J a c q u e s B r u n l u s , q u i lu i d e m a n d è r e n t
d e r é a l i s e r , e n 1 9 3 5 , u n e B e l / e a u B o i s D o r m a n t p o u r 2e s v i n s N i c o l a s . L a m ê m e a n n é e , a v e c l e m ê m e
p r o c é d é de. c o u l e u r , L e n L y e r é a l i s a i t l e p r e m i e r f il m d e s s i n é à m ê m e l a p e l l i c u l e : C o l o u r B o x , u n
f i l a i ' p u b l i c i t a i r e p o u r l e G e n e r a l P o s t O f f i c e . L e s p r o d u c t i o n s d ’ A l e x e i e f f ont , d o n n é à P a u l G r i m a u t t
l ’ e n v i e d e s ’ e s s a y e r à l ' a n i m a t i o n . L e e G é m e a u x e n t r e p r i r e n t , era 1 9 3 7 , L e s M e s s a g e r s d e l a L u m i è r e ,
en T ech n ico J o r...
La g u e r r e a b r i s é c e t é l a n q u i n ’ a r e p r i s q u ’e n 1 9 5 0 , q u an d on a pu recom m en cer à trou ver des
c l o u s , .de l a p e i n t u r e e t d e ’l a peLücul'e d e b o n n e q u a l i t é .

36
Baroque, démesuré, le château du Roi de Tachycardie (le tyran de La Bergère et le
Ramoneur de Paul Grimault) est à l’image de ce chef-d’œuvre incontestable du dessin
animé de long métrage

contenu. Art d'orfèvre p ar excellence, précis à un vingt-quatrième de seconde près, le cinéma


d'animation convient particulièrement au très petit film publicitaire. Il serait même impensable
de réaliser un film de cinq minutes suivant une technique aussi complexe que celle qui permet
à Alexeieff de tirer des im ages des mouvements d'un pendule composé. Les trente mètres
de Fumée lui ont coûté neuf mois de travail et l'énigme de ces quelques secondes de cinéma se
suffit amplement à elle-même.
A la faveur de ces films vantant les qualités d'un détersif ou d'un parfum se poursuivent
des recherches inaugurées p ar Fïshinger, Eggeling, Richter ou Man Ray à propos de l'orches­
tration du mouvement, de l'organisation de rythmes communs à l'espace et a u temps, ou de la
dénaturalisation visuelle des objets. Fem and Léger, qui, avant de faire son Ballet Mécanique
affirmait la suprématie de la beauté d'une batterie de cuisine sur celle du visage de Greta
Garbo aurait estimé les efforts du cinéma publicitaire de qualité.

37
Utilisant toutes les possibilités de l’animation' tridimentionnelle,
Alexeiefî crée line hiéraldique supérieure. D ans S è v e d e la T erre, m
les dericlvs et le pétrole deviennent a rb re de vie, source de
m ouvem ents cosm iques e t de form es inédites

A l'occasion de nombreuses bandes captivantes, mais dont les génériques trop rapides ne
peuvent être lus, des débutants inconnus et des créateurs réputés poursuivent dans un anonymat
presque total des expériences passionnantes. Les spectateurs français n'en prennent pas toujours
connaissance, car ces oeuvres, parfois un peu singulières, ne font pas toujours bon ménage
avec les écrans de tout repos d e la consommation courante. Le Pure Beaufé-Monsavon
d‘Alexeiefî fut retiré après quelques projections et n'esl montré que dans des circonstances excep­
tionnelles. Ainsi, nos cinéastes réalisent pour la France des films d e publicité pleins d'éloquence
épicière tandis que l'étranger leur commande des œ uvres de prestige. Et crest vers la Belgique,
l'Italie, l'Angleterre et l'Amérique que partent les copies des films cinématographiquement impor*
tante (2).

QUI?
LA COMETE que dirige André SARRUT (qui fut avec Paul Grimault l'un des deux Gémeaux)
est une des principales équipes parisiennes de réalisation dont les productions sont riches en inno­
vations et en réussites. Toujours installé dans le magnifique petit hôtel de Neuilly qui vit naître La
Bergère et le iïamoneur, ce groupe répartit équitablement ses efforts dans tous les domaines de
l'animation. Cependant c'est surtout p a r la prise de vue directe qu'ils répondent aux problèmes tri­
dimensionnels. La concision magistrale de Gitane ou du Flying Toucan, l'étonnante série pour la
télévision qu'Yves loly a tournée les mains nues pour le Syndicat du Lait anglais méritent d'être
retenus mais échappent à notre propos, n'entrant p as dans les catégories de l'image p ar image.
En matière d'animation les plus grandes réussites de La Comète sont obtenues selon la technique
du dessin animé sur cellulo.
An dr é Sarrut e t J a c q u e s A sséo on t r é a li s é pour l'A n g le t e r r e d e no m br e ux p e t it s c o r f o o n j d'un d y n a n îs m e e t
d'un hu mour c a r ic a t u r a l d ig n e de s m eille ur s m o d è le s am é r i c a in s . T h e L ig h te r T r a it, [es films pour l 'a tte n d ris s eu r
d e v i a n d e A d o l p h ' s , la c h a r m a n te séri e d é s K i t - a - K a t , où l es s t y l i s a t i o n s pou s s é e s e t "spirituelles de H o m e
S w e e t H o m e , du Jo y e u x K a n g o u ro u b é n é f i c i e n t , e n pl us de l'humour, d e q u a l it é s de de s s in s e t d e c ou leu rs q u e
l'on n e tro u ve m a lh e u r e u s e m e n t p a s c h e z W a l t Ln ntz ou J ones.
A {'e x pé r ie nc e d e s f o n d a t e u r s , d e je u n e s c r é a te u r s o n t a p p o r t é d ' im p o r t a n te s c o n trib u tion s trè s p e r s o n ­
ne lle s, i n s ta u r a n t d e sa vo ur e ux modernismes^. Il e s t t r è s d i ff i c i l e d 'in n over d a n s le d o m a in e de la c a r ic a t u r e
a n i m é e . L'U .P .A . e li e - m ê m e , T e d H ee mis à ^part, se r é fè r e toujo u rs a v e c p r ude nc e au x d é c is io n s h u m o ­
r istiq ue s, a u x id é o g r a m m e s e f f i c a c e s d é te r m in é s pa r d e s d e s s in a t e u r s c o m m e Vir gïl P a tc h e t Sauf S t e in b er g . Il
e s t d ' a u t a n t plus a g r é a b le d e découvr ir d a n s d e s œ u v r e s p u b l i c i t a ir e s , g r â c e à l 'a ppor t d e cr é a te ur s c o m m e

(2 ) Il s e t r o u v e q u e l e s e x i g e n c e s e s t h é t i q u e s s ’o p p o s e n t m o i n s q u ’ o n n e l e c r o i t a u x b u t s p u b l i ­
c ita ir e s . L’A m é r iq u e, p a r e x e m p le , s a tu r é e p ar d e s a v a l a n c h e s d e p u b licité a r g u m e n te u s e e t r a b â c h é e ,
s ' i n t é r e s s e à la v a l e u r s p e c t a c u l a ir e et à la ■p u issa n c e de s y m p a t h i e de n o s m e i l le u r e s p r o d u c t io n s .
C e r t a i n s p o s t e s tfe t é l é v i s i o n s o n t m a i n t e n a n t v e n d u s a v e c u n e p é d a l e qui p e r m e t d ' i n t e r r o m p r e
l ’ ima- ge e t l e s o n p e n d a n t l e d é r o u l e m e n t d ’ u n e ( p u b l i c i t é . Il v a f a l l o i r t r o u v e r d e s a r g u m e n t s s u p p l é ­
m e n t a i r e s p o u r q u e l&s f u t u r s c l i e n t s n e f u i e n t p l u s l e s i m a g e s q u ’ o n l e u r d e s t i n e .

38
Ja c q u e s V e i n â t ou Dubrisay, des graphism es hum or is tiq u e s très or ig inaux, s o u t e n u s par un s e n s d e l 'a b s t r a c ­
tio n e t d e la co ul eur peu f r é q u e n t. Les s im p l if i c a t i o n s lin éai res e t les t e x t u r e s variées de s to n d s d e Ça va m a l,
l e s c o uleu rs m o d u lé e s de Shell I .C .A ., ain si qu e les pla n s d e c ouleu r f ra n ch e qu i, d a n s A z u r , s 'a n im e n t
pour nous donner, à l 'o c c a s io n d'un trave lli ng e n t r a î n a n t , une é pu re des e f f e t s d e v i t e s s e , ont t o u s en
c om m un une trè s o riginal e e x p é r ie n c e d e la form e e t du m ou v e m e n t . Da ns un Shell M o u s ti q u e s réalis é
pour le V e n e z u e l a , le de s s in a te u r Sin é in a u g u r e , a v e c des dé c or s de s s in é s a u c ray on d e couleu r, un e m ati è r e
qu e le g r ossi ssem e nt d e l'écran rend e x tr ê m e m e n t a t t r a y a n t e . La pr é c is ion du tra it e t des m o u v e m e n t s v a l o ­
rise l 'a n im a tio n des z é br ur e s d e Z an o d a n s un film C /n z an o e t c e ll e d e s p a r a llè les f o n c é e s d e la marque
d'un c a f é s olu b le i ta lie n Eccp. T a n t de g o û t pour la fo rc e e xpress iv e de l'a b s t r a ct io n visu elle d e v a it e n t r a î ­
ner la bande son . Shell I .C .A . e t les films Esso s'a p p u ie n t a v e c un g ra nd bon he ur sur des m us ique s c on c r è te s
de Pierre Henry.

Beaucoup plus récente, l'équipe des CINEASTES ASSOCIES, fondée en 1953, s'est signalée
dès un de ses premiers films ; Pour chacun pour chacune dont la simplicité et l'efficacité étaient
rem arquable. L'équipe initiale, qui réunissait autour de son directeur Jacques FORGEOT, Raoul
Franco, André Heïnrich et le compositeur Avenir de Monfred, s resî depuis enrichie de talents
nouveaux et de réalisateurs émériles. A la concentration sous un même label de travaux effectués
p ar tout un groupe de créateurs, les Cinéastes Associés ont préféré une production assurée par
des groupes autonomes de réalisation, ce qui, sans porter préjudice à la quantité, favorise, par
la différenciation des styles et des méthodes, l’originalité et la qualité des films.
Dan s le s tu d io de d e s s in s anim é s sont v e nus se joindre au x he ur eux c r é a te u r s d e C é ie s tin v o y a g e , des
S a t i s f a i t Bouss ac e t du très U .P .A . L 'H iver au ssi, T o b s c , J a c q u ê t e t Françoise Va irell e, d e n o u v e a u x venu s :
A l t e r m a t t , J a c q u e s Brissot (qui p e u t deven ir un s p é c ia l is t e d e la tra n sp a r e n c e a n i m é e ) , A k os Ditro ï arrivé
d e Hon grie pour voir d e près l'a n im a tio n fran çaise .
II s e m b l e qu e la di r ec tio n a r tis tiq u e d e Jim PAB1AN a i g u il le les de s s in s an im é s des C i n é a s te s A s s o c ié s
vers un s ty le Boing Boing ( L é g e r L é g a t , Un m o n s ie u r d i f f ic i le ) qui , bie n q u e p a r f a it e m e n t ap p l iq u é , o f fr e
pe u d e chance^ d e r e n o u v e ll e m e n t . Par contre , ce style sc r évèle p a r t ic u liè r e m e n t e f f i c a c e dans les fil m s de
t é l é v is i o n . L'in épu isa bl e in g é n io s i té d e s e n t r é e s de s lo gan s d e s fil m s de la séri e Omo e t Evening N e w s
m é r i t e n t un h o m m a g e .
M ais les c h e fs - d ' œ u v r e des pr o d u c t io n s des C i n é a s t e s A s s o c ié s s o nt, à mon s e n s , t ridi m ens io nn els.
N o u v e a u v e nu dans la m a is o n , le gr o u p e BETTlO L-LO NATTi n e c e s s e d'as so c ie r a v e c t a l e n t une e x u b é ­
r a n c e m ér idionale presqu e v u lgair e av e c une m ys té r ie use m aîtrise d e ['a nim ati on. Leurs p e r s o n n a g e s b ricol és
( s e m b l e - t -i l ) a v e c d e s b ou ts d e lain e, des a l l u m e t t e s e t d e s pe rles d e bois s ' é b a t t e n t d a n s d e s om bres e t
de s lum ières de cou leu rs e x t r ê m e m e n t pe rsonn elle s. L' entra înant Fronch C a n ca n Ro zana , le b a l le t W c ic o m e
M or e, les tran sp are n c e s e t les i n c a n d e s c e n c e s de C a lc iu m e t d e A u i i i d e V cqu on t c o nfir m é la m aît r is e
de çe t rio. Dans un e r é c e n te s é rie P/us b l a n c Persil s 'a n im e n t, s o u s le n e z d ' e n f a n t s to u r n e s en pri se de
vue d i r e c t e , des mou cho irs, de s s e r v i e t t e s , des p o c h e t te s qui d e v ien n e n t pa pill ons, c y g n e s ou t a p is v o l a n ts
d o u é s d e m o u v e m e n t s s p o n t a n é s q u e t r o u v e n t seuls les vrais anim a t e u r s .
Les f la m m e s f a n tô m e s d'un film réa li sé pour F/aminaire, ont c o n s a c ré la m aît r is e d' Eticnns RAIK, qui
e s t un d e nos plus grands a n i m a t e u r s d' objet s. A s s i st é de Je an -Pie r r e Rh ein, Raik produ it p e u t -ê t r e b e a u c o u p
e t les q u a l it é s de c e r ta i n s f il m s N e s t l é ou D op s o n t c e r ta i n e m e n t plus p u b l i c i t a ir e s q u e c in é m a t o g r a p h iq u e s,
c e qu'o n ne p e u t d' aille ur s leur reproche r. M a is des œ u v re s im por ta ntes c o m m e Le R o u ge e t le B la n c ,
Elle c o u r t, Lum ières e t R e f le t s ne c e s s e n t de conf irm er la m u s ic a l it é e t la p e r fe c t io n de ses a n i m a t i o n s
da ns l'e s p a c e .
Pour la valeur i n a tt e n d u e q u ' e ll e s d o n n e n t a u x p e t i t s m é t r a g e s p u b licita ir e s , pour la m a ti ère i n u s it é e e t
les m é t h o d e s s in gulières q u ' e ll e s ill u s tr e n t, l es œ u v r e s du grave ur c i n é a s t e A le x a n d r e ALEXEIEFF e t d e sa
f e m m e Claire PARKER m é r i t e r a i e n t une é tu d e par tic uliè r e . P artisan d' un c in ém a d é t e r m i n é à un e i m a g e près,
inv enteu r d e l'écran d 'é p in g l e s e t r é a li s a te u r de La N u i t sur le m o n t C h a u v e , A l e x e i e f f trou ve dans les
s e c o n d e s pe u no m br eus es d'un fil m pu b licitair e des o c c a s i o n s d e su r p r e n a n t es r e cherc hes.

Pour obtenir cette image de En passant, Alexandre Alexeîeff a modelé le bas relief de
son écran formé d’un million d’épingles qui accrochent plus ou moins la lumière
La simplicité de la technique du
papier découpé animé n ’empêche pas
le fauve imitateur du Gitanos et
Papillons de se transformer successi­
vement en académicien, en Mozart,
etc.

De Iq sim p l e projec tion de r e f l e t s sur une


s t a t u e de p l â tr e , A l e x e i e f f tir e P u r e B e a u t é ,
un d e s p / u s e x c i t a n t p la id o y e r pou r la p r o p r e té
q u e je c o n n a i s s e . D a n s un a u t r e ordre d ' i m a g e s
b e au c ou p m oin s f i g u r a t i f e t g r â c e à d e s
p rocédés d 'u n e p a s s io n n a n t e com p lication,
A l e x e ie f f t o t a l is e sur d e s i m a g e s ^ p o s é e s les
m ou ve m e n ts d'un p e ndule c o m p o s é , o b t e n a n t
d e s for m es qui o n t (e t e m p s c o m m e d i m e n s i o n ,
e t da nt l es m o u v e m e n t s s p a s m o d iq u e s a c c o m ­
p a g n e n t des fil m s c o m m e Fermées ou Sève d e
l a ferre.

Aux dernières nouvelles, les Cinéastes


Associés abandonnant un peu la publi­
cité entreprennent deux films de court
métrage de sept minutes qui seront ré a ­
lisés p ar Jim Pabian, d'après des scé­
narios d'Alexandre Hivernale, su r une
musique d'Avenir de Monfred. Le pre­
mier, sur le thème d'un m ariage heu­
reux sans histoire, met en image, avec
l'autorisation compréhensible de Esso le
couple de petits personnages-gouttes que
l'accueil favorable du public incite à
une vie indépendante. La même chance
s'est autrefois offerte à Popeye, mais
il semble que la valeur spectaculaire du
personnage de Segar était bien supé­
rieure. Le second film au ra pour héros
un méchant crocodile qui ne sort pas
sans son fusil Eurêka et se conduit aussi
mal avec les touristes américains
qu'avec les ôdministrateurs coloniaux.
Une récente incursion parmi les pre­
miers croquis me permet de répondre
de l'humour du graphisme et de la q u a­
lité de l'invention.

%
II. COURTS METRAGES SANS ANNONCEURS

La réalisation de ces deux courts métrages n'est d'ailleurs p as un fait isolé. Plusieurs
autres bandes ont été récemment réalisées selon la technique classique et coûteuse du dessin
animé sur cellulo.
LACAM, l'un des pr emie rs an i m a t e u r s d e Paul Grim ault, v i e n t d e t er m iner sur un e i d é e d e J a c q u e s
Prévert : t e s d e u x p l u m e s , un e Sîlly Sy m ph on ie t r a g i q u e qu i, d a n s irn un iv e rs d 'en criers e t de tam pon s-
buvards, réuni t à l'o c c as io n d'un b a l le t d'une pla is a n t e p r é c io s ité , pu is d'un d u e l à m ort, deux porte-plum e.
Le t ro m p e - l' œ il des décor s très t ra v a illé s g ar de q u e l q u e ch os e d e l'irréelle n e t t e t é d e c e u x de Paul Grim ault.
Do n s un c o u r t - m é t r a g e r é a li s é pour ta p lu s g r a n d e glo ire d 'u n e m a rq ue d ' a u t o m o b i l e , _ i n t i t u l é Et p o u r t a n t ,
no us avons eu, il y a q u e lq u e s mois, le pl aisir d e d écou vr ir un lo ng p a s s a g e d ' a n im a t io n d 'u n e in spirat ion
b e a u c o u p pl us a c t u e l l â , a n i m a n t a v e c un d y n a m is m e i n g é n ie u x , p e r p é t u e l l e m e n t c o c a s s e , un g r a p h is m e ré unis­
s a n t une a g r é a b le v a r ié t é de p rocédés. C e t t e s é q u e n c e , qui mér ite d'ê tr e c o m p a r é e a u x m e ille u r s m o m e n t s d e s
f il m s de S t e phe n Bosustow, ^ c onfir m e la valeu r d e J e a n MUTSCHLER qu e d e s e s s a i s p u b l i c i t a ir e s r é a li s é s en
19 5 0 a v e c W atri n e t An dr é Lègrand l a is s a ie n t s e u l e m e n t supposer.

Mais la technique du dessin animé sur cellulo et les innombrables multiplications d'inter­
valles qu'elle suppose, est trop coûteuse pour être généralisée en France-, sans que de sévères
principes d'économie n'en restreignent au moins l'application,

40
Un réalisateur, Jean JABELY s'est fait le champion de ces économies esthétiques. Déjà, en
1956, dans un film intitulé Teuf Teuf, dont le graphisme était malheureusement un peu insuffisant,
il racontait l'histoire de la locomotion. Avec tout ce que lui permettait son budget : mouvements
répétés, cycles, navettes, fixes grattés image p ar image Jabely a donné à son film un mouvement
plaisant. Après cette réussite tout de même risquée, Jabely va bientôt terminer une Baüade
Chromo, réalisée avec Jacques Prévoit et qui résoud avec une ingéniosité encore plus grande
le problème de l'animation économique.
J a b e l y a , c e t t e f o i s , su pprim é de ux des princip au x p o s t e s d e r é a li s a ti o n ( a n im a t io n , t r a ç a g e , g o u a -
c h a g e , f o n d s ). Les p e r s o n n a g e s ne se r o n t pas g o u a c h e s m a is s e u l e m e n t a n i m é s e t t r a c é s . Derrière c e s
s i l h o u e t t e s on verra le f o n d qui s e ra un dé cor uni qu e, d' un be a u gr is f a c i l e à préparer. M ais sur c e fond
neut re vien dr ont s'in sérer t o u t un p e t i t p e uple d e p e r s o n n a g e s d é c o u p é s , de ch romos e n t r e l e s q u els vivro nt
les pe r sonnage s. (Eco no mie d e t r u c a g e , d e g o u a c h a g e : il s u f f i t d e choisir dans les c o ll e c t i o n s d e Prévert
ou d e Jabe ly des ch romos impr évus e t de c om p ose r a v e c e u x d e s p a y s a g e s f a n t a s t i q u e s s e m é s d e m a in s f l e u ­
ries, de bergères ou d'e m p e r e u r s d 'é p o q u e .) A u to u r d e c e p o é t iq u e b r i c - à - b r a c , Je a n V i m e n e t (un au t r e
a n c i e n a n i m a t e u r d e Grim ault) a très s o ig n e u s e m e n t d é t e r m i n é les m ou ve m e n ts d e s e s p e r s o n n a g e s . Les
d iff é r e n t e s é c o n o m i e s sur l es a u t r e s p o s t e s lui ont permis de b é n é f ic i e r d'un b u d g e t s u f f i s a n t pour soig n er
p a r t ic u liè r e m en t l 'a n im a tio n . Il f a u t pe ns er à t o u t c e l a pour réussir un e p e t i t e f ée r ie c o m m e B a lla d e Chrom o.
Gilbert METRAL, Pierre TARCALI e t Jean GLUCK, qu i l'an p a s s é a v a i e n t réali sé d a n s O m b r e lle e t
P a r a p lu ie un e s é q u e n c e d ' a n im a t io n d o n t les p e r s o n n a g e s é t a i e n t u n iq u e m e n t t r a c é s , vont réa liser un e b a n d e
s ati r iq u e en a n i m a t i o n t rid im e n s io n n e lle . Ce c o u r t - m é t r a g e retr ac e r a l es ra pp orts c o m p li q u é s d e d e u x peu p le s
voisi ns b e l li q u e u x : l es hom m es d e b ois e t les ho m m e s d e pl om b , qu e des c a t a s t r o p h e s c o m m u n e s r a m è n e ­
r o n t à la raison .
De so n c ô t é , Paul BOYER, tec h n ic i e n s p é c ia l is t e du r e li e f e t d e la couleu r, vien t d' entrepr end re Un M a r ti e n
à Paris da n s leq uel il a ppliq ue a v e c u n e di a boli que e f f i c a c i t é t o u s les p ro cédés ^ p os s ib le s d ' a n im a t io n é c o n o ­
m iq u e. Le te m p s de lui di re c e qu e l'on p e n s e de s premiers c e n t s m è t r e s r é ali s és , le fil m e s t d é j à ter m iné .
C e p e n d a n t un peu pl us d ' a r t e t d ' in q u ie t u d e ne n uir ait pas à a u t a n t d'ahur is sa nte p r o d u c t iv it é.

Mais il existe heureusement des techniques d'animation sans travail coûteux d'intervallistes
Plus personne ne pensait beaucoup au cinéma d'animation avec ou sans intervallîste, quand
Henry GRUEL, avec le calme qui le caractérise, réalisa en 1953, Jtfarfin et Gaston dans lequel
s'animaient des dessins découpés d'enfants de l'école primaire. Le film reçut un excellent
accueil. Le « Life » lui consacra deux pages en couleurs. Le succès allait beaucoup plus aux
dessins d'enfants qu'aux qualités certaines de l'animation, mais il permit à Martin ef Gaston
d'être suivi de Gifanos et Papillons (qu'acheta W alt Disney), et du Voyage de Badabou (le seul
film d'animation acheté p ar le Cinéma d'Etal tchèque qui ne manque pas de films réalisés image
p ar image). Sans quitter le papier découpé, Gruel abandonne les dessins d'enfants pour les des­
sins enfantins de Jacqueline Duhème dans La Rose eî le Radis, puis, pour les abstractions un
peu démodées de Laure Garcin qu'il anima avec la même bonne humeur dans l e Voyageur,
adaptation visuelle du célèbre poème de Guillaume Appolinaire,
Grâ ce à c e t t e t e c h n iq u e d ’a n i m a t i o n d ' é lé m e n ts d é c o u p é s , qu i n ' e st pas une t e c h n iq u e m ineu re (ce f u t
c e ll e du C irqu e de Trnka e t c e ll e d u C a d e f f i o u j s d i e de G eor ge s Du nn in g e t Colin Low), Henry Gruel é v i t e la
c o û t e u s e m u lt ip li c a tio n de s in te r v a l le s a n im é s , t r a c é s , c o lo r ié s du dessin anim é, c e qui lui p e r m e t d e se co ns ac re r
à la q u a l it é du m o u v e m e n t . Pas trop, car le b u d g e t n ' e st p a s m o n u m en ta l. Gruel an im e scs fil m s t o u t se ul,
e n d o u z e jours, sa ns repe nti r , a u fur_ e t à m es ure, so us la c a m é r a . Et il se d é g a g e d e c e t t e a n i m a t i o n peu
pr é m é d it é e une s p o n t a n é it é d o n t n e b é n é f ic i e r a i t p a s un m o u v e m e n t pl us c o n c e r té . A v e c une c o n s t a n t e m aes tr ia
s y m p a th i q u e Gruel an i m e f o u t c e qui lui pa s s e e ntre les m ain s. M ais il e s t permis d e préférer à c e s œ u v re s
d e c ir c o n s t a n c e qui honor e nt e n lui un m aît r e a r ti s a n , c e ll e s du c i n é a s t e or ig inal qu'il e s t e t qu i d e v r a it
réserver s o n s e n s e x c e p t i o n n e l d e r a n i m a t i o n à de s r é a li s a tio n s d i g n e s d e lui, qu i lui r e ss e m b le n t, c e ll e s qu' il
r a c o n te par e x e m p l e e t n'ent repr end ja m a is. A t t e n d o n s son proc ha in fil m c o n s a c ré à l'o bs ession de la Ja conde,
un c ou r t m é t r a g e d é l ir a n t qui nous m on tr era la c é lè b r e M o na Lisa t r a v e s t ie , d é p a y s é e , a n a m o r p h o s é e , livrée
a u x c o p i e s d 'a m a t e u r s , a u x f a u x e t au x cou vertu res de b o î t e s de f r o m a g e , t e l l e qu e sa gl oire la m é l a n g e
é t e r n e l le m e n t à t o u t e s les s a u c e s ,
(Suite page 93.)

Extraits du sketsch-
boaid, ces deux croquis
montrent le futur héroi
du dessin animé des
Cinéastes Associés, un
méchant crocodile que
a pacifieront » sept mi­
nutes de cartoon mo­
derne - ‘ I = '

41
Claude de Givray

NOUVEAU TRAITÉ DU BARDOT...


Je partage volontiers la profession de foi que François Truffant fit un jour d ans
cette m êm e revue ; Faisons nôtre cette définition de Jean-Georges Auriol : « Le
ciném a est l'ait de faire faire de folies choses à de jolies femmes. » J'y ajouterai, pour
le plaisir, un syllogisme élémentaire que les cancres en philo suiviont facilement :
Plus de 75 % des activités des hom m es s'expliquent par leurs sym pathies féminines
— 99 % des cinéastes sont des hommes — d ’où l'on peut concfuré aisément que trois
quarts des activités des cinéastes s'expliquent p ar leur sym pathies féminines.
A n'importe lequel des échelons de la création cinématographique, les exem ples
abondent qui nous illustrent le rôle crucial de la fem m e : Tel m écène audacieux
s'improvisera producteur pour les beaux yeu x d'une coquette, tel metteur en scène
consciencieux suivra sur les planches du studio sa thêâtreuse bien aimée, tel scéna­
riste transi vivra sur le papier la plus belles d es bonnes fortunes. Quant aux dialo­
guistes, ils n'ont p as attendu Anatole France ou Montherlant pour utiliser dans leurs
œ uvres leur courrier du cœur. Jadis les am ants pour transfigurer leurs désirs en
réalité, avaient la peinture ou le théâtre, aujourd'huit ils ont le cinéma.
Voilà pourquoi les techniciens chagrins sont bien inconséquents (Mademoiselle
Untel n a qu'à montrer ses... on crie au génie et on lui donne plusieurs dizaines de
millions... et moi on m e refuse, efcj. Le 7'-”0 art a les stars qu’il mérite ses adeptes se
doivent d e faire la p a ît aussi belle à l'intelligentzia qu'aux ragazze.
Cependant le cinéphile ne peut pas jouei éternellement la comédie de la Divine.
Greta Garbo était une fem m e adorable, c'est m aintenant une fem m e respectable. Son

42
succès prouve que nos parents avaient bon goût, mais si l'on lit actuellement à la
cinémathèque au mélodrame où Garbo a pleuré, tant pis, cela montre aussi que cer­
taines institutions de nos parents sont démodées. L'attachement du contemporain pour
un grand m om ent érotique de sa vie est tout à fait compréhensible, m ais le raisonne­
ment qui consiste à dire : oui, mais à côté de Garbo, l'est moins. Ainsi dans Ciné-
monde, on pouvait iire, il y a quelques sem aines : Jayne Mansfield, quelle horreui,
Marylin Monroe n 'a rien à craindre... et il y a quelques années; Marylin essaye
vainement de copier Jean Harlow. Sans aucun doute, il y c quelques décades,
M adame Méliès avait tout inventé en matière de sex-appeal.
En ce qui concerne les jeunes, les M ythes d e la Femme au cinéma ont singuliè­
rement besoin d'être désinfectés sous peine de voir les fervents des ciné-clubs tomber
amoureux, à plus ou moins brèves échéances de la projection de leur mère. Chaque
génération connaît ses émancipations sensuelles et consacre à travers l’enveloppe
charnelle de ses vam ps un certain m ode de vie, un certain style d'existence. Les
audaces de la femme qui fume sont incompatibles avec le cinémascope.
Il est peut-être téméraire, ou tout bonnement naïf, d'agiter Je nom de B. B. comme
un porte-drapeau, cependant à l'instar de ces étudiants bavarois qui revendiquaient
la personnalité de Lola Montés pour leur révolution de palais, Je dirai que B. B. est
une des chances du cinéma français et cela, surtout, pour deux raisons : '
1° Elle a 22 ans et a réussi. Elle incite les producteurs à croire en la jeunesse.
Grâce à elle, deux jeunes m etteurs en scène ont tait leur premier tibn, Michel Boisrond
et Hogei V adim ;
2° Comme beaucoup d'actrices américaines et très peu d ’actrices françaises, B. B.
est une actrice à tics. Elle ne compose p as m ais récite un rôie fait sur mesure ; elle
contraint ainsi les scénaristes à renouveler leurs ficelles et à tenir compte de la réa­
lité de son personnage. B. B., produit de notre époque, permet à notre époque d'en­
vahir les écrans. ’

...SUIVI DU PETIT JL.B.B. CÉDAIRE


A comme ACTRICES : QueJies sont les actrices qui vous semblent les plus
proches de vous, celles qui au contraire vous apparaissent comme les plus éloignées ?
B. B. : Sophia Loren et Marylin Monroe sont les filles que j'adm ire le plus ; le
cas de M aiylm Monroe est formidable, elle est partie de rien, et grâce à ses efforts,
elle est arrivée tout en haut. Par contre, je dois avouer que des actrices du genre de
Bette Davis me laissent complètement froide. Elles ont souvent beaucoup de talent.

L j comme BRIGITTE, bien sûr ! Que pensez-vous de B. B. ?


B. B. : On a tendance à me considérer comme un objet, un petit animal, mais
je peux faire preuve d'indépendance ; m a vie privée l'a bien montré. D'ailleurs, de
toute façon, je serai toujours prête à sacrifier m a carrière à m a vie privée.

C comme CINEMA : Allez-vous souvent au ciném a ?


B. B. : Très rarement, hélas. Il y a beaucoup de films que je voudrais voir ;
lorsqu'ils sortent, je me dis : tiens, je vais aller les voir ; puis ensuite, je n'arrive pas
à trouver le temps. Comme tout le monde, j'ai vu Géant. Je n ’aime pas beaucoup ces
histoires de famille qui s'étalent sur plusieurs générations. James Dean est un acteur
formidable, je l'avais terriblement cdmé dans A l'Est d'Eden. Ici, en petit vieux, il me
semble moins convaincant.

43
D comme DIEU CREA LA FEMME.
B. B. : Et Dieu... créa 1er femme est
mon meilleur film, Jamais je n'ait été aus*
si à l'aise. Vadim me connaît tellement
bien. Toutes les répliques sont si natu­
relles. Le tournage d e ce film a été une
chose merveilleuse. Juste après, j'a i tour­
né La Mariée est frop belle, ç a m 'a fait
une drôle d'impression,

H comme EROTISME : Je crois que


l'on a coupé d an s Et Dieu... créa la Fem­
m e ïéquivalent d'un quart d'heure de pro­
jection dans la version définitive ?
B. B. : Je n 'a i p as chronométré,
mais il .y a beaucoup de coupures, et
c’est dommage. Ç a nuit a u rythme. Il
y avait, p ar exemple, une longue scène
sur une plage où Christian M arquand fai­
sait glisser m a robe en m e caressant. Il
n fen reste presque plus rien et je le re­
grette, Ce n ’était p as sale, puisque c'était
beau.

F comme FEMMES FATALES :


Vous aimez beaucoup M aiylin Monroe,
m ais avez-vous vu des films d e Greia
Garbo ou de MarJène Dietrich ?
B. B. : H élas non, je ne les ai pas
vus, m ais j‘a i vu des photos de Greta
Garbo et M arlène Dietrich ; elles étaient
très belles.

G comme GAMINE : Le public ai­


m e bien vous voir sous les traits d e Cette
Sacrée Gamine, espiègle et frivole ; il m e
semble que cela correspond moins à vo-
tre véritable personnalité ?
B.B. : l'aim e bien le film de Bois-
rond, il est très optimiste ; je crois que je
le suis moins.

H comme HOLLYWOOD.
B. B. : J'aim e beaucoup les films
S com m e Socrate, le petit lnpîn de am éricains. Pour aller en tourner là-bps,
E t Dieu... créa la fe m m e on verra plus tard.

44
1 comme ITALIE : Vous avez tourné
plusieurs tilms en Italie ?
B. B. : Oh oui, c'était m anant,
c'était encore plus pagaille qu'ici. On pou­
vait arriver au studio à n'importe quelle
heure et tourner tard dans la nuit ; là-
bas, ils n'ont p as d'heures supplémentai­
res. En Angleterre, où j’ai fait Toubib en
mer, c'est le contraire, ils sont très cor­
rects mais ponctuels., Si on a un peu de
retard, ils ont une m anière très froide de
vous le faire remarquer.

Jcomme JOURNALISME : Après


avoir choyé vos débuts, la presse sem ble
un peu vous boudez actuellement ?
B. B. : Oui, et je le regrette. Je ne
suis plus la petite Brigitte de jadis, qui
pouvait passer des journées entières avec
les journalistes. J'ai beaucoup de travail.

M comme MODERNISME.
B. B. : J'aime tout ce qui est mo­
derne ; les films à costumes m'ennuient
à voir... Mon personnage de Et Dieu...
créa la îem m e me plaît parce qu'il cor­
respond à notre époque ; p a r contre, ce­
lui de La M ariée est trop belle, je le trou­
ve cucu-la-praline.

I comme PARISIENNE.
B. B. : Ça m 'am use bien de tourner
Une Parisienne maintenant. Ça me chan­
ge du petit animal que j'interprète tou­
jours. Là, j'a i des robes du soir et je suis
une femme mariée. C'est drôlement
chouette.

Q comme QUALITE : A vec En Cas


de m alheur vous allez faire vos débuts
dans la supei-produciion, Simenon, Au-
renche, Bost, Autant-Laia, Gabin...
B. B. : Oui, ça me plaît beaucoup
et le rôle est formidable, mais je ne crois
pas que la qualité d'un film dépende des
moyens mis en œ uvre ; il y a des bons
petits films, tout comme il y a des mau­
vais grands films. cc Ce n’était pas sale, puisque c’était beau s>

45
R comme ROLES : Quel est le rôle de vos rêves ?
B, B. : Les personnages de sauvageonne. Je n ’ai p as vu Jennifer Jones dans Lcr
Renarde, m ais elle devait être très bien.

3 comme SOCRATE : Pas le philosophe, bien sûr, mais Je petit Japin que vous
portiez dans vos bras dans Et Dieu... créa la femme.
B. B. : Oh, c'était chou. Tout le film est un merveilleux souvenir.

V comme VADIM.
B. B. : Vadim est le metteur en scène que je préfère ; j'ai signé un contrat pour
deux films avec lui. Le premier es} Les Bijoutiers du Clair de Lune. L'histoire est très
jolie. Je crois que ça seia formidable.

^ comme ZUT : L'habilleuse nous fait signe, B. B. v a passer sa robe de scène.


Et si le jeu vous amuse, vous pouvez Je recommencer.

A
revoir.
comme AU REVOIR : Mais B, B. ne dit p as au revoir. Elle n'aime p a s dire au

Claude de GIVRAY.

46
SOIXANTE METTEURS EN SCÈNE
FRANÇAIS

Ce petit dictionnaire n'a pas la prétention dêtre complet. N 'y figurent que des metteurs en scène
de long métrage, vivants (d'où, hélas ! l'absence d'OphüIs), de nationalité française (c'est pourquoi en
ont été écartés des réalisateurs étrangers travaillant dans nos studios comme ]ules Dassin, John
Berry> Marcello Pagliero) et faisant des îilms de récit (c’est pourquoi en sont absents Nicole Vèdres,
Cousieau et Grïmaulf). Pour Je reste nous nous sommes attachés d'abord à mentionner ceux qui sont
* en exercice », sans toutefois omettre ceux gui, plus ou moins retraités, continuent d'avoir une
influence. P ar aifjeurs nous avons tenu à faire figurer dans cette liste quelques réalisateurs que
nous tenons pour négligeables mais qui sont signiiicatUs de certaines tendances commerciales. La
sévérité de plusieurs notices paraîtra peut-être excessive, mais ne s'agit-il p as d'une revue critique ?
Quoi qu'il en soit ceux qui ont rédigé ce dictionnaire revendiquent voJonfiers la responsabilité de
leurs parti-pris ; il s'agit de : Charles Bitsch, Claude Chabrol Jacques Donioî-Valcroze, Claude de
Givray, Jean-Luc Godard, Robert Lachenay, Louis Marcorelles et Luc Moullet.

ALLEGRET Marc G id e ; La D e m o is e lle e t so n r e v e n a n t . — n o m b i e u s e s ba n d e s ( 1 9 3 5 - 4 0 ) , do nt le


1 9 5 2 : D o u ze h e u r e s d o b o n h e u r . — F o r f a itu r e de M arcel L'Herbier ( 1 9 3 6 ).
N é ' le 2 2 d é c e m b r e 19 0 0 à Bâl e 195 3 : J u l i e t t a . — 19 54 : Femmincr P e n d a n t la g ue rre, se r é fu g i e à N i c e ,
(S uiss e). Fils du pasteu r Elle A llég r e t e t ( I t a l ie ) . — 1955 : Fu tu res V e d e t t e s ; ou il d e v ien t ré ali sa te ur s o u s le p s e u d o ­
frère a î n é d' Yves A l lcg r e t . L ic enc ié en L 'A m a n t d e L a d y C h a t t e r l e y . — 19 56 : n ym e d'Yves Ch am pla in. A u t h é â t r e , m ise
droit, é lè v e de l ' E c o l e d e s S c i e n c e s Poli­ £ n e ff e iîi K o n t Ja m arg u er ite. — 1 9 5 7 : e n s c è n e de « La Guerre du sucre »
t iq u e s , S ecréta ire g é n é r a l des B a llets de L'A m o ur e s t un jeu . (1957).
Paris. Fait un v o y a g e au Co ngo en
c o m p a g n ie d'An dr é Gide. A s s i s t a n t de N o n s e u le m e n t il d én ich e de
Robert Florey (La R o u te e s t b e ll e , 192 9 ) , p lu s m ig n o n n e s sta r le tte s q u e FILMS :
puis d'A u g u s t o Genina (Prix d e b e a u t é , Léonide M oguy, m a is il fo rm e et
1 9 2 9 ) do nt il d e v i e n t le di rec te ur a r ti s ­ la n c e p ar-d essu s le m a rch é de jeu ­ 19 3 2 : T é n é r ilf e (C.M.) ; Prix e t P r o ­
ti q u e fi.'A mour c h a n t e , Les A m o u r s do n e s e t b rilla n ts c in é a s te s t e l q u e f it s ( C .M .) . — 1-935 : Le Gagr/ia/if
m in u i t , 19 30). R oger V adim . E s th é tiq u e m e n t et (C .M .). — 1 9 3 8 : J e u n e s fiJies de
m o ra lem e n t, Marc A llég ret e s t le France (C. M.). — 1941 : Les d e u x t i m i ­
p lu s g id ien de n os réa lisa teu rs. d e s ; Tobia e s t un a n g e ( d é tr u i t) . —
PRINCIPA UX FILMS : D e L’H ôtel d u lib re éch a n g e 194 2 : La R ou e t o u r n e ( in a c h e v é ) . —
à E n e f fe u illa n t la m a r w e r i t e , 19 4 3 : La B o î t e a u x rê v e s . — 19 4 5 :
192 6 : Y o y o g e a u C o n g o (C. M.). — so n oeuvre re ste p lu s p r o c h e de Les D a m o n s d e l 'a u b e . — 19 48 : D é dc e
1 9 3 0 : Mcm'zeJJe N i t o u c h e . — 19 32 : Paris q u e q ’riouyw uou, ^ono, d ' A n v e r s ; Une s i jo lie p e t i t e p l a g e . —
Fan ny. — 1 93 4 : L ac a u x D a m e s . — fr o u fr o u ta n te et h o n n ê te . S ’il d e­ 19 4 9 : M a n è g e s . — 19 50 : Les m ir a c le s
193 7 : O r a g e ; G r ibo u ille . — 19 3 8 : v ie n t a u jo u r d ’h u i p lu s sérieu x, n ' o n t lie u q u 'u n e fois. — 1951 : N e z
En tré e d e s a r t i s t e s . — 1 9 4 2 : Félicie c ’e s t q u ’après avoir p e n d a n t v in g t d e Cu ir, g e n t il h o m m e à ' a m o u r ; L es s e p t
N a n t e u i l . — 19 43 '. Les P e t it e s du Q ua i ans m ariv au d é avec l ’am our, p é c h é s c a p i t a u x (La Luxu re ). — ■ 1952 :
au x Fleurs. — 19 46 : P e tru s. — 1 9 4 7 : Marc A llég ret d e v ie n t o p h u lsie n La J e u n e fo lle . — 19 53 : Les O r g u e i l ­
B la nche Fury (Jus qu 'à ce que mort s 'e n ­ au fo n d de lu i-m êm e, e n s ’aper­ leu x . — 1 9 5 4 : M a m ' z e ll e N i t o u c h e . —
suive, G.B.). — 1 9 4 9 : M a r ia C h a p d e - c ev a n t q u e le b on h eu r n ’e s t pas 195 5 : O a s is ; La M e ille u r e po rt . —
l a in e (A u tr ic h e ). — 1951 ; A v e c A n d ré gai. 1 9 5 7 : M é f i e z - v o u s , f il l e t t e s .

ALLEGRET Yves

N é le 13 o c to b r e 190 7 à Paris. Frère


du pr é c é d e n t. Etudes s e c o n d a ir e s . Fonde,
a v e c An dr é Gillois, l a « B an que du Li­
vre » . Ingén ieu r du son e t m on te ur
c h e z B raun be rg er-Ric he bé , A s s i s t a n t de
son frère M ar c ( M a m ' z e l le N i t o u c h e ,
19 3 0 ; Lac aux. D a m e s , 1 9 3 4 ) , d ' A u g u s t o
G cn ina (Les Amour s d e m in u i t , 1 9 3 0 ) ,
de Paul Fe;os (L' Am our à l'a m é r i c a in e ,
1931 ; F a n tô m a s, 19 32) e t d e Renoir (La
Ch ie n n e ,. 1 931 ). Fai t un v o y a g e d ' é t u d e
en E spag ne, où il e s t r e te n u ... en prison.
Réalis e plusieurs co ur ts m é t r a g e s pu blici ­
t air e s ( 1 9 3 4 - 3 5 ) . Directeur a r tis tiq u e de

47
D é d é e d ’A n ve rs, U n e si jo lie tro p é b lo u issa n te a p u m a sq u er d‘El Doratfo ( 1 9 2 1 ) e t de l 'i n h u m a in e
p e t i t e plage, M an èges e t Les Or- au x y eu x de certa in s le s p ro fo n d s (1923) du m ê m e L'Herbier. C o s t u m es
g u e ille u x fo r m e n t u n t o u t c o h é ­ m érites d e so n prem ier lo n g m é ­ e t dé c or s du M a r c h a n d d e p la is irs ( J a­
ren t, avec u n e p rog ressio n vers trage, m a is l'essen tie l y e s t d éjà : q u e C a t e li n , 1 9 2 5) e t d e N a n a (Jean
la m a îtr is e d’u n sty le e-t d ’u n e u n sty le e t q u elq u e ch o se à d ire. Renoir, 1 9 2 5 ) . A s s i s t a n t d e René Clair
v isio n d u m o n d e, a u ssi d isc u ta ­ I l a t o u t e u n e Vie d e v a n t lui. ( P a r is q u i d o r t , 192 3 ; Le V o y a g e i m a ­
b le q u ’elle so it. C ette s u it e gi n a ir e , 1 9 2 5 ) . Entre 1928 et '1932,
« n o ire » d é n o n ç a it l ’in ju s tic e e t r é a li s e à H olly wood l es ve r sion s fran ­
l'li3Tpocr3sie sociale, l a cu p id ité ç a i s e s d e s fil m s d'Harry L a n gdon e t
et le p ou voir pou rrlsseu r de l'ar­ Bu ster K ea t o n .
g e n t, la so litu d e de ceu x q u i n e AUI>RY Jacqueline
jo u e n t p a s le jeu e t l ’a m o u r im ­
p o ssib le . L ou a b le so u ci m a is m êlé N é e l e 2 5 s e p te m b r e 1 9 0 8 à O ra n ge
de q u e lq u e co m p la isa n ce p o u r les (Va uc Jus e). P e t it e n i è c e du Président de
n oirceu rs m on trées. N ’im p orte, la Républiq ue G a st on D oumergue . Etud es
l ’en trep rise é ta it via b le, parse­ se co n d air e s à Paris, pu is d e v i e n t a n t i ­
m é e d e sc èn es v igou reu ses, so rte quaire. E n g a g é e c om m e script -gir l par
d e d u rs d o cu m e n ts e th n o lo g iq u es Jeon-Poul Paul in . Ensuite scri pt-g irl
su r l ’h o m m e d it civ ilisé, sa u va g e d'Henri D e c oin , A u g u s to G en in a, J a c ­
d u v in g tiè m e siècle. P u is v in r e n t qu es D eval, Richard Po tti e r , T o u rjansky,
tro is éch ecs. M êm e s ’il e n re s ta it Marcel L’Herbier, Robert Siod m ak. A s s i s ­
là , Y v es A llégret a u ra it d ro it à t a n t e de M a x Ophiils, Georg W ilh e l m
so n p aragraphe d a n s l ’h isto ir e d u P a bs t, G eo rges La c o m be , M auric e C lo ­
cin ém a , m a is il y au ra u n e su ite. c h e , J e a n Del annoy.

FÎLMS :

194 3 : Les C h ev au x d u Vercors (C .M .) .


ASTRUC Alexandre — 19 4 5 : Les M a lh e u rs d e Sop h ie . —
19 4 6 : S o m b r e d i m a n c h e ; G/gi, —
N e le 13 j u il let 1 9 2 3 à Paris. Lic e nc ié
19 5 0 : M in n c , f'ingénire iib e r fin e ; O l i -
ès le t t r e s e t e n droit. Pré par e l ’Ecole
v ia . — 1 9 5 3 : La C a r a q u e b lo n d e . —
P olyte c h n iq u e . Jo ur na lis m e à çar tir de
195 4 : H u /s - c /o s . — 1 9 5 6 : M ffsou ou PR INCIPA UX FILMS :
19 4 0 : t e x t e s p o é t iq u e s e t c r it iq u e s l i t ­
c o m m e n t l 'e s p r it v i e n t au x fille s . —
tér a ir e s, Ecrit un roman, « V a c a n c e s »
195 7 : La G a rçonne. 1923 : F a i t s - d i v e r s ( C .M .) . — Ï 9 2 5 :
( 1 9 4 5 ) . Entre 1 9 4 5 e t 1 9 5 2 , crit iq ue c i­
n é m a to g r a p h i q u e d e « C o m b a t » , « La Co n st ruire on f e u (C ,M . a v e c hype r-
N e f », « Fo n t a in e », « L'Ecran Fran­ g o n a r ) . — 1933 : C î b o i /f e tf e . — 1 9 3 6 :
ç a is » , « Les T e m p s M o dernes » , « Con­ M y P a r t n e r , M a s te r D a v i s (G .B .). —
f lu e n c e s » , « Réformes » , « Opéra », 1 9 3 9 : Fric-F rac (en c o ll . a v e c M a u ­
a La G a z e t t e du Cin ém a >*, « Ar ts » , r ic e L e h m a n n ) . — 1 9 4 2 : Le M a r ia g e
« Les C a h ie rs du Cincm a Co- fonda~ d e C h if fo n ; L e t t r e s d ’a m o u r . — 1 9 4 3 :
teu r du C in é-Clu b « O b je c t if 4 9 As­ Dot/ce. — 1 9 4 5 : Sy/ vîe e t fe f a n t ô m e .
s is t a n t d e Marc A l l é g r e t pour Lunegarde — 194 6 : Le D ia b l e a u c or ps. — 1949 :
( 1 9 4 5 ) e t B la nc he Fi/ry (Jus qu 'à ce que O c c u p e - t o i d ' A m é li e . — 1951 : L'Au­
m o r t s 'e n s u i v e , G.B., 1 9 4 7 ) . A d a p ta t e u r b e r g e r o u g e ; Les S e p t P é c h é s c a p i ­
e t conse il le r t e c h n iq u e pour J e a n d e l a t a u x (L'OrgueifJ. — 1 9 5 3 : Le Bo n Dreu
Lun e ( M ar cel A chard, 1 9 4 7 ) . C o s c é n a - sorts c o n f e s s io n ; Le B lé e n h e r b e . —
riste d e La P . .. r e s p e c t u e u s e (Marcel Pa- 1 9 5 4 : Le R ou ge e t fe N o i r . — 1 9 5 5 :
glie r o e t Ch arles Braban t, 1 9 5 2 ) . M a r g u e r it e d e la n u it . — 1 9 5 6 : La
T r a v e r s é e d e P aris. — 1 9 5 7 : En c a s
d e m a lh e u r (en p r e p .).
FILMS :

7 9 4 8 : A l l e r r e t o u r (C.M, 16 m m ) . —
P our b ea u co u p d e p r o d u c te u r s
1 9 4 9 : l/fysse o u le s m a u v a is e s r e n c o n ­
il e s t le p lu s sû r d e s grandis r é a li­
t r e s (C.M. 16 m m ). — 1 9 5 2 : Le Rid eau
sa teu rs. C ette fa v e u r le c o n tr a in t
c r a m o is i (M .M .) . — 1 9 5 5 : Les M a u v a i ­ Le se u l m etteu r e n scèn e fr a n ­ à d es s u j e t s sa n s d o u te m o in s re-
s e s re n c o n tr e s . — 1957 : Un e V ie (en çais fem m e q u i fasse rég u lière­ v en d ica to ir es e t m o in s p e r so n n els
prep. ). m e n t d es f ilm s e t jo u is se d ’u n q u ’il n e le v o u d r a it (m ais il t e ­
p restig e certa in au p rès d u p u b lic . n a it à M a r g u e r ite d e la N u i t q u i
L a ga la n te rie n o u s c o n d u it à n e e s t u n de se s m o in s b o n s f ilm s ) .
pas tro p in sister su r s o n d ern ier L a cen su r e a u ssi lu i a jo u é q u e l­
film ... n i fa it, n i à faire. S p é c ia ­ q u es m a u v a is to u r s. P o u r c e tte
lis t e de l ’œ u vre de C o lette, e lle d o u b le raison z'en sem b le d e s o n
co n n u t, d an s ce d o m a in e (fin a le ­ œ u vre, so ig n ée , in te llig e n t e , h a ­
m e n t a ssez lim it é e t m o n o to n e ) b ile, n 'éch a p p e p a s à u n c e r ta in
u n e ré u s site rela tiv e p ro p o rtio n ­ cla ssic ism e Qui co rresp o n d m a l à
n é e à la q u a lité d es a d a p ta tio n s. s o n a u te u r : p a ss io n n é , fo u g u e u x ,
S i elle a rétréci H uis-Clos, par ex p lo sif, q u erelleu r, « en g a g é »...
co n tre n o u s a tte n d o n s m ie u x m a is a u ss i e s th è te e t se n tim e n ta l.
d ’e lle q u e les illu str a tio n s g e n ­ C ’e s t p o u r q u o i on p e u t s e d e m a n ­
tim e n t brod ées de M its o u . C’est d er si, av ec le recu l d u tem p s, L e
su r la so c ié té co n te m p o r a in e D ia b le a u c o r p s o u L e B lé en
e t le s fem m es d 'au jou rd ’h u i q u e h e rb e s c a n d a lis e r o n t en core les
n o u s a im erio n s la vo ir b ra q u er sa b ie n -p e n sa n ts, G a g eo n s q u e ces
cam éra. Alors n o u s p o u rrio n s f ilm s p a ss e r o n t p o u r r o m a n tiq u e s,
prendre ses m esu res de fa ç o n ce q u ’ils s o n t p e u t-ê tr e , ce q u ’e s t
p lu s n e tte . sa n s d o u te Le R o u o e e t le N oir
m a lg ré q u e l ’a c c e n t y s o i t m is
p lu s s u r l e d ra m e so c ia l q u e su r
le d ra m e p sy c h o lo g iq u e . P ar
U n ly r iq u e q u i se s o u v ie n t de contre, L a T ra v e r sé e d e P a ris re­
l ’exp ression n ism e, m a is a u ss i u n AU TA N T-LA R A Claude p r é se n te d a n s c e t t e œ u v r e le
co n str u c te u r rigo u reu x q u i sa it la p o in t id é a l en tr e le s a m b itio n s
v a leu r de la p récisio n a m érica in e. N é le 5 ^ a o û t 190 3 à L u za r c h e s de l ’a u te u r e t le su c c è s p u b lic . S i
Cet In tellectu el a f a it avec Le R i­ ( S . - e t - O . ) . Elève d e l'E co le des A r t s D é ­ la f a ç o n q u ’o n y tr o u v e d e ju g e r
d e a u c r a m o is i u n grand f ilm c o r a ti f s e t d e l'Ecole d e s B e a u x - A r t s le m o n d e e s t p lu s d es a n n é e s 30
d 'am ou r e t de p assion . Ce baro­ {s e c tio n p e i n tu r e ) . D écorateu r d e M a r ­ — ép o q u e où s ’e s t fix é le j u g e ­
q ue, d a n s Les M au vaises ren co n ­ c e l L'Herbier (Le C a r n a v a l d e s ■ v é r i t é s , m e n t d ’u n A u ta n t-L a ra o u d ’u n
tres, a porté tém o ig n a g e su r u n 1 9 1 9 ; L'Homme du l a r g e , 1 9 2 0 ; Don A u ren ch e — q u e d e 1957, s i d o n c
a sp ec t p récis d e la je u n e ss e Ju an e t F a u st, 19 2 2 ; V i lla - D e s tin , 1 9 2 3 ; c e t t e fa ç o n d e ju g e r e û t é té p lu s
d ’après-guerre. Une te c h n iq u e Le D ia b le a u coeur, 1 9 2 7 ) . C o s t u m e s s ig n if ic a tiv e a lo rs q u 'a u jo u r d ’h u i,

48
c ’e s t m o in s à A u tant-L ara q u i . a e t d élica t, sa p h rase cin ém a to g ra ­ J o -la - r o m a n c o , 1948 ; A m é d é 0 , 1 94 9
con servé l ’esp rit de sa jeu n esse p h iq u e, sa n s être r o m a n tiq u e Los Fe m m e s s o n t fo lle s , 1 9 5 0 ; Les P e ­
q u ’il f a u t Je reprocher, q u ’a u x com p orte p lu s d ’a d je c tifs q u e de t i t e s C a r d in a l, 19 5 0 ; Le P lus Joli P oc h é
déca la ges et a u x co n tra d ictio n s verbes. C’e s t v o lo n ta ir e m e n t q u ’il du m o n d e , 1 9 5 1 ) , de J ea n d e Ba ron-
de la p ro d u ction . Il e s t a ttir é par d élaisse so u v e n t l ’a c tio n a u p r o fit celli ( R o c a m b o le ; Lcr R e v a n c h e d e B a c ­
les h isto ir e s d ’am o u r s a d olescen ­ d e s e s p erso n n a g es q u ’il a im e c a r a t, 1 9 4 7 ) , de Pierre Bill on (R uy Bios,
te s m a is ses « e n fa n ts q u i s ’ai­ com m e u n père. A q u a n d l ’œ u v re 194 7), de De ni se Tu ai ( C e s iè c le a c in ­
m e n t » r e s te n t g én éra lem en t a s­ m éla n co liq u e e t lib re à q u o i t o u t q u a n t e a n s , 1 9 4 9 ) , d e Robert Verna y,
se z th é o riq u e s e t c ’est p ou rq u o i le d estin e, à q u a n d u n C a sq u e de Jean C o c t e a u , de Re né Clair (Lcr
le sty le am er et tou j d u :1:; révolté d'or m od ern e ? B e a u t é d u d i a b l e , 19 49 ; Les B e lle s d e
de Lara s ’a ccom m ode m ieu x de n u it, do nt il réa li se q u e lq u e s exté r ie ur s,
l ’a n a ly se im p ito y a b le d e p erson ­ 19 5 2 ; Les G r a n d e s M a n œ u v r e s , 19 5 5 ) ,
n a g es a n tip a th iq u e s co m m e ceu x EERTHOMUEU A ndré d e J e a n D ela nnoy e t d 'A n a t o le Litvak
de L a T raversée d e Paris. (Un a c t e d'anjour, 1 9 5 3 ) . Conseill er t e c h ­
Né le 16 fév rie r 19 03 à Rouen. Fils niq ue de D e u x sous do v i o l e t t e s (Jean
d'un c a p i ta i n e d ' in f a n t e r ie . L ic encié è s A nouilh , 1 9 5 1 ) . Pr od uc te ur d é lég u é de
let t r es . C o m p tab le d 'u n e s o c i é t é d e p r o ­ The Snavfs ot K H/magdjaro (Henry King,
du c t io n , chansonnie r , a c t e u r , r égisseur , 1952) e t de C o n f i d e n ti a l R e p o r t (Orson
pu is a s s i s t a n t d e r M arcel V a n d a l, M a u ­ W e ll e s, 1 9 5 4 ) .
rice G le izc , René Hervil, Julie n Duvi-
vier. Livres : « Ciné m a, miroir au x
a l o u e t t e s » ; « Essai d e g ra m m aire c i ­
n é m a to g r a p h i q u e » ( 1 9 4 6 ) . G ér ant de
Bcrtho Films.

PRINCIPAUX FILMS :

1927 : P as si b ê te . — 1929 : C es
d a m e s au x c h a p e a u x v e r t s ; Le C rim e
d e S y lv e s tre B o n n ard. — 19 34 ‘ : La
Fem me i d é a l e . — 1 9 3 6 : L es N o u v e a u x -
R ic h e s ; Le M o r t e n f u i t e . — 19 43 :
Le S e c r e t d e M a d a m e C lo p a in , — 1 9 4 6 :
P a s s i b ê t e . — 1 9 4 9 : La F e m m e n u e .
— 1 950 : M adem oiselle J o s e tte m a fe m ­
m e ; P i g a ll e -S a in t - G e r m a i n - d e s - P r é s ; Le
R o i d e s c a m e l o ts . — 1951 : J a m a is d e u x
BECKER Jacques sa n s tro is ; C hacun son to ur. — ] 9 5 2 :
A lla , j e t ' a i m e j B e lle m e n t a l i t é ; Le
Ne le 15 s e p te m b r e 19 0 6 à Paris, D ernier R obin d o s B ois. — 1 9 5 3 : Le
Etud es t e c h n iq u e s : d iplô m e d'ingé ni eur . P o r t r a i t d e so n p è r e ; L'Œil e n c o u l is ­
Emplois divers, n o t a m m e n t à la C om p a­ ses. — 1 9 5 4 : Les d e u x f o n t Sa p a i r e ; FILMS :
gn ie Gén ér al e T r a n s a t la n tiq u e e t da ns S c è n e s d e m é n a g e . — 1 9 5 5 : Q u a tr e
une us in e d ' ac cu m u lateu rs . Grâce à ses jours à P aris ; Les D u r a to n . — 1 9 5 6 : ï 955 : Cof fe s a c r é e g a m in e . — 1 9 5 6 ;
a m it ié s pic tu r ale s (il f r é q u e n ta i t les C é ­ A la Jam aÎQ ue ; C inq m illio n s c o m p t a n t . C 'e sf a r r iv é à A d c n ; Lorsque l ’e n f a n t
z a n n e ) , f a i t e n 192 4 la c o n n a is sa n c e p a r a ît. — 19 57 : Une P ar isie nne.
d e Jean Renoir, d o n t il sera pl us tard
l'a s s is t a n t (La N u i t d u c a r re fo u r , 19 32 ; Cinéphile a v a n t t o u t, il f a it
B o u du s a u v é d e s e a u x , 1 9 3 2 ; C h o ta r d p artie de c e tte ca tég orie de réali­
e t Cio, 193 3 ; M a d a m e B o v a r y , 19 34 ; sateurs, trop p eu fo u r n ie & notre
Le C r im e do Mr. L an g e , 193 5 ; Les goû t, q u i v ie n n e n t à la m ise en
B a s-Fonds, 1 9 3 6 ; Une p a r ti e d e c a m ­ scèn e avec u n e lo n g u e carrière de
p a g n e , 1 93 7 ; La B ê t e h u m a in e e t La sp ec ta teu r derrière eu x. Parce
R è g le du jeu , 19 38). T i e n t un p e t it rôle q u ’il a é té lo n g te m p s l ’a ss ista n t
ricins Le Bled e t Boudu d e Renoir. Becker d e R en é Clair, les critiq u e s o n t
réa li se e n s u i te q u e lq u e s c o u r ts - m é t r a g e s v o u lu voir en lu i le C h o m ette de
( 1 9 3 7 - 1 9 3 9 ) . M a is la guerre —1 il e s t la n o u v elle g én éra tio n , p o u r ta n t
prisonnier en A l l e m a g n e — inte rrom pt se s sy m p a th ies n e v o n t p as u n i­
son a c ti v i té . q u em e n t à la fa n ta isie . S o n ci­
n é a ste fa vo ri e s t p eu t-être Lu-
FILMS (CF, Film ograph ie n° 32) : b itsch , m a is le réalisa teu r de ses
rêves dem eure K in g Vidor. n s ’e s t
19 3 5 : Le Cotnnjissoire e s t J?on e n ­ réfu g ié d a n s la co m éd ie m a is la
f a n t (en c oll. a v e c Pierre Prévert). — réu ssite d e ses d eu x prem iers
193 9 _ : L'O r d u C r i s to b a l {a c h e v é e t film s risq u e de le co n d a m n er à la
m o n té par Je an S t e ll i) . '— 194 2 : Der­ frivo lité. Une P a risie n n e q u ’il
n ie r a t o u t ; G o u p i- M a in s - R o u g c s , — tou rn e a c tu e lle m e n t sera san s
194 4 : F alb ala s. — 19-47 : .Anfo/ne e t
Il a c h o isi d ’a tte in d r e à la célé­ d o u te u n e x c e lle n t d ivertissem en t,
A n t o i n e t t e , — 1 9 4 9 -, R e n d ez -vou s de b rité par la fa c ilité , par le p e tit m a is n e correspondra p a s à l ’œ u ­
j u il le t . — 1951 : Ed o u a rd e t C a r o lin e ;
film in sip id e et d ’u n e lab orieu se vre d écisive q u e n o u s a tte n d o n s
C a s q u e d ‘Or. — 19 5 3 : Rue d e l'E str a -
drôlerie d ’arrière-b ou tiqu e. I l se de ce je u n e a u te u r .
p a d e ; T o u c h e z p a s a u g r is b i. — 1 9 5 4 :
f i t p asser p ou r h a b ile te c h n ic ie n
A l i B a b a e t / es q u a r a n t e v oleurs. — en écriv a n t u n e « p e t ite gram ­
1 9 5 6 : Los A v e n t u r e s d ' A r s è n e Lupin. m a ire » o ù se tr o u v e n t e x p liq u és
les se crets de so n in d ig en ce. BOISSOL Claude
S a n s ja m a is céder à la m ode, P orte-drapeau de la m éd io crité il
q u ’il s a it d ém od ée, d u réalism e se s e n t m en a cé d ep u is q u elq u e s N é le 15 juin 19 2 0 à Paris. Elève de
p o étiq u e, il s ’a tta ch e aux grâces tem p s : la co n cu rren ce e s t lourde. l'Ecole Supérieure de C o m m erc e, puis
les p lu s m odern es, q u ’elle s se S i encore il é t a it s tu p id e ! M ais vendeur da ns un m a g a sin d ' a li m e n ta t io n ,
n o m m e n t A u teu il, Q u artier L a tin le so u v en ir de certa in e F e v im e re p r é se n tan t e n vins. A s s i s t a n t d e M a u ­
o u P iga ile. Q u an d il lu i f a u t id éa le p rou v e "que ‘ s'il a v a it rice Labro d é s 1 9 4 4 , pu is d e Ja c q u e s
p ayer s o n é c o t à 1900, il é v ite le vou lu ... Becker (F a lb a la s , 1 9 4 4 ) , d'Yves AHé-
p ièg e du p a stic h e e t sa it voir e n g r e t (L es D é m on s d e l 'a u b e , 1 9 4 5 ) , de
c o n tem p o ra in les ap p aren ces le s Mau rice C lo che ( P a s un m o t à f a R ein e -
p lu s su b tile s d 'u n m o n d e dispa­ BOISROND M ich el-]. m è r e , 1 9 4 6 ) , d e Robert Hen nion ( E t d ix
ru. L ’art de Ja cq u es Becker d e der, 1 9 4 7 ) , de G uillaume Ru do t, de
t i e n t de la m u siq u e de ch a m b re ; Né le 9 oc to b r e 1921 à C h a t e a u n c u f - Mau rice Labro en core (L 'H é r o ïq u e M . B o -
il e s t le F ra n cis P o u le n c de n o tr e e n -T h ym e rais ( Eure-e t-Loir) . Etudes s e ­ n ifa c e , 1 9 4 9 ) , de G eor ge s Lacom be (P r é ­
cin ém a . P o u rq u o i se cro it-il c ondair es. A s s i s t a n t d e G illes Grangier lu d e à i a g lo ir e , 1 9 49) e t d e Je an
o b ligé, com m e Edouard, de jo uer ( L 'A v e n tu r e d e C a b a s s o u , 1945 ; H is­ A ld e n - D e lo s (L 'A g o n ie d e s a i g le s , 1 9 5 1 ) .
p arfois p ou r s a concierge ? Por­ t o i r e d e c h a n t e r , 19 46 ; R e n d e z - v o u s à D ialoguis te : Ce u x d u b a l lo n r o n d (C.M .,
t r a itis te a ig u d ’u n u n iv ers in tim e Po ris, 1 9 4 6 ; F em me s a n s p a s s é , 1 9 4 8 ; 1 9 4 8 ) . S céna ris te e t a s s is t a n t d e Labro

49
4
1 951 : Les Loups c h a s j e n f la n u it. —
19 5 2 : R e n d ez -vou s à Paris (C .M .). —
19 5 3 ; La M ôme ve r f- d e - g ris . — 19 54 :
Les F e m m e s s 'e n b a l a n c e n t . — 1^55 :
f o r t u n e c o rrée . — 1 9 5 6 : T a h iti ou
l a îo ie d e v i v r e .

F o rtu n e carrée, f ilm de p h o to ­


graphe, n o u s f i t b a iller très fo rt,
m a is L es f e m m e s s ’e n b a la n c e n t
a v a ien t d e q u o i sé d u ir e : soin
p erm a n en t, refu s d es e llip ses e t
tru q u a g es h a b ile s, s e n s réel de
l ’e ffe t et de l'effica cité. M ais s ’il
su rcla sse f a c ile m e n t le s v ieu x
« b on s o u vriers » de n o s stu d ios,
B orderie a -t-il a ssez de ta le n t
p ou r d ev en ir l ’Etathaway q ui
m a n q u e à n o tr e c in é m a ? En
a tte n d a n t so n T a h ï t i o u la jo ie
(L e s G osse s m è n e n t ( 'e n q u ê t e , 1946 ; d e v i v r e e s t u n rata ge n av ra n t. d e s C a r m é li te s , La P r in c es s e de Cfèves
Trois g a r ç o n s , u n e f ille , 194.& ; Le Roi e t L o n ce /of d u Lac.
d u b l a b ta b l a , 1 9 5 0 ; P as d e v a c a n c e s
BRABANT Charles FILMS :
p o u r M onsieur le M a ir e , 1951 ; M on ­
s ie u r L e g u ig n o n , l a m p i s te , 1 9 5 2 ; D eux 1 9 3 4 : Les A f f a ir e s p u b liq u e s (C .M .) .
N e le 6 j u il let 1 9 2 0 à Paris. De son
de l'e s c a d rif te , 79 5 2 ) . S c é n a r is te de — ■ 19 43 : Les A n g e s du p é c h é . — 1 9 4 4 :
vrai nom Chartes B ar be nt . S 'o r ie n t e yers
G eo rge s Com br et ( M u siq u e en tête, Les D a m e s du 8 o /s d e B o u lo g n e . —
la t e c h n iq u e : s p é c ia l is t e du c h a u f f a g e
1951 ; T a m b o u r b a t t a n t e t La P o - 1 9 5 0 : Le Jou rna l d ' u n c u r é d e c a m ­
c e ntr a l. R éal ise des fil m s d' am ate ur à
c h a r d e , 19 52 ; R a s p o u tin e , 1 9 5 4 ; La p a g n e . — 1 9 5 6 : Un c o n d a m n é à m o r t
partir de 1 9 4 6 . Fonde sa propre c o m p a ­
C à s t ig ü o n o , 1 9 5 4 ) , d e M a uric e Labro s ' e s t é c h a p p é ou Le V e n t s o u f f l e où
gn ie , l'A rtès Films, pour la que ll e il f a i t
(L e C o lo n e l e s t d e l a r e v u e , 1 9 56 ) e t i/ veut.
d e s c o u r ts - m é t r a g e s. S c é n a r io de La Vilfe
d e nom br eux a utr es m et t e u r s e n s c èn e
a s e s c h a r g e u r s ( C.M ., 1 9 4 8 ) .
E g a le m e n t con seiller te c h n iq u e . D an s le m o n d e d ’a u jo u r d ’h u i,
FILMS : en q u elq u e d o m a in e q u e ce so it,
FILMS : la F rance .n e p e u t d o r é n a v a n t
1 9 4 9 : Les FeuiJfes m or tes (C. M.). — b riller q u e par d es œ u v r e s ex cep ­
1 9 S 2 : t a P. .. r e s p e c t u e u s e ( e n coll. tio n n e lle s . R ob ert B r esso n illu s t r e
19 55 : Tou te t a v il l e accuse. —
avec Pa glie ro ). — 19 53 : Zoé . — c e t t e règle q u a n t a u c in é m a . Il
1 9 5 7 : La P e a u d e l'ours.
1 9 5 5 : Les P o s s é d é e s . e s t le c in é m a f r a n ç a is co m m e
lie ju g e r d é fin itiv e m e n t su r u n D osto ïev sk y le ro m a n ru sse,
se u l f i l m s e r a it absurde. N o to n s co m m e M ozart la m u s iq u e alle­
c ep en d a n t q u ’il en é t a it l ’a u te u r m and e. E c o u to n s-le : « U n b o n
c o m p le t e t q u e le sc én a riste s ’y a r tis a n a im e la p la n c h e q u ’il ra ­
r év éla it p lu s d ou é q u e le réalisa ­ b o te . — Il y a -une m a la d r e s s e
teu r. L a m ise e n sc èn e p o u r ta n t s u p é r ie u r e q u i se m o q u e d e la
n e m a n q u a it p a s d ’in v e n tio n e t v ir tu o s ité . — C’e s t d e te ll e f a u t e
d e q u elq u e s b o n n e s tro u v a ille s. Que n a îtr a l’é m o t i o n d u s p e c t a ­
A tte n d o n s d onc la s u it e avec con ­ te u r , é m o t i o n s e m b la b le d c e lle
fia n c e. q u i n o u s g u id e q u a n d n o u s f a i­
son s ce que n o tre h a b ile té
condam ne. — M on m é tie r est
ch ose d ’a p p r e n tis s a g e ; c e q u i n e
v e u t p a s d ir e c h o se q u i p e u t ê t r e
BORDER1E Bernard tr a n s m is e p a r l’e n s e ig n e m e n t. —
L e f i lm e s t le t y p e m ê m e de
N é !g 10 juin 1 9 2 4 à Paris, fil s du l’œ u v r e q u i r é c la m e u n s t y l e ; il
pr od u c te u r Raymond Borderlc. Élève d e s f a u t u n a u te u r , u n e é c r itu r e . —
B e a u x - A r t s ( se c t io n p e in tu re ). Illustra - Il f a u t r o m p r e a v e c le p r é j u g é
t eu r d e p resse . A partir d e 19 42, a s s is ­ c o n tre la s i m p l i c i t é . — S a v o ir
tant de Jean Drévi lle ( Le V is ite u r , ch oisir les o u tils , e t c h o is ir s o u ­
1 9 4 6 ) , Léoni de M og uy (B o f h s a b é e , 1 9 4 7 ) , v e n t les m a u v a is t à c o n d it i o n d e
O ù ? A t e l s tu d io . Q u an d ? A
H enri D&coin f i e s A m o u r e u x s o n t s e u /s
te lle d a te . C o m m en t ? N ’im porte. les sav oir m a u v a is. — Il f a u t re­
a u m o n d e , 1 9 4 8 ; A u g r a n d b a lc o n ,
P o u r q u o i ?... O ui, p o u rq u o i Bra­ t e n i r e t d o n n e r. » .
1 9 4 9 ) , Carlo Rim ( L‘A r m o ir e v o l a n t e ,
1 9 4 8 ) , Pierre Billon, J a c q u e lin e Àudry.
isa n t to u r n e -t-il Z oé p l u t ô t que
S c é n a r is te de B etfi sabée e t d e 3 6 . 0 0 0 km
L es P o sséd ées ? Le ch o ix d e ses su ­ CALEF Henri
a u - d e s su s d e l'A fr i q u e (C.M., 1 9 4 9 ) . j e ts co n d a m n e s o n œ u vre à d e­
m eu rée in d éte rm in ée. S on m e il­ N é le 20 j u il let 1 9 1 0 à P hilip po poli
FILMS : leu r film . L a P... re sp e c tu e u s e , de­ (B ulg ar ie ). Et ud es s e c o n d a ir e s e t s u p é ­
v a it p e u t-ê tr e p lu s a u t a le n t de rieures à Paris. L ic e n c ié e n p h ilo s o p h ie .
19 49 : La F a b ric a tio n d u sa v o n (C.M.). P agllero q u ’au s ie n propre. L ’h é ­ Ecole Supérieure du C o m m e r c e . T i e n t la
— 19 50 : Transit à S a ig o n (C.M.) ; tér o g é n é ité d e sa d ir e c tio n d ’a c­ rubrique c in é m a t o g r a p h iq u e d e « Pa ris-
Bon v o y a g e , m a d e m o i s e l le (C .M .), -— teu rs n ’a rien à envier à celle de
sa m is e e n scèn e. Q u elq u es b on ­
n e s s c è n e s par-ci par-là n e f o n t
p a s ou b lier la m o n o to n ie de ce
q u i n e p ara it n é d ’a u c u n e voca­
tio n .

BRESSON Robert
N é le 2 5 s e p te m b r e 19 07 à Bromont~
la - M o t h e ( P a s -d e - C a l a is ) . Elève des
B e au x-A r ts . Pein tr e. D ia lo g u is t e de
C'étarf un m usic ien ( 1 9 3 4 ) . Sc é na r is te
des JumeouX' d e B r îg h to n ( 1 9 3 6 ) . A s s is ­
t a n t d e Ren é Clair pour Air p u r ( 1 9 3 9 ).
19 4 0 : prisonnier e n A l l e m a g n e , où il
f a i t la c o n n a is sa n c e du R.P. Brücfc-
ber ge r. Parmi l es projet s qu e Bresson
t e n t e t o u r • à four d e f a ir e ab outir, si­
gn alo ns : I g n a c e d e L o y o la , Le D ia lo g u e

50
Soir » e t d e « Pçris-M ïdi >>. A s s i s t a n t C A R B O N N A U X Norbert
de Pierre C h en al, A n dr é Berthom ieu,
J ean Forrester, J. -Bernard Derosne. D oit N é le 28 m ars 1 9 1 8 à N e uilly -sur -
dé b u t e r da ns la m is e en s c è n e e n 1 9 3 9 , Sein e. Etudie le droi t, tout en
m ais la gue r r e interrompt s c s projets. t r a v a i l la n t da ns des branches très
FILMS : di ve rses. Prisonnier de gue r r e pen­
d a n t q uatr e an s, il m o n te au th é â tr e
1945 : L 'E x tr a v a g a n te Mission ; J é r i ­ de l'ar m ée « Eurydice » d' A no uilh,
c ho. — 1 9 4 6 : Les Chouans ; La M a i ­ « L'An no nc e f a i t e à M ar ie » ; il joue
s o n s o u s l a mer. — 1 9 4 8 : B a g a r r e s ; da ns « Les V i g n e s du Seigneur » e t
Les E au x t r o u b le s . — 1949 : La Souri­ devient m êm e ch a n s o n n ie r . G râc e à
c iè r e . — • 1 9 5 0 : La P a s s a n t e ; O m b r e M ar c-G ilb ert Sa uvajon, d e v i e n t d i c io -
e t l u m i è r e — 1952 . ; Les A m o u r s f i ­ g u i s t e d e Ja c q u e s C o m p a n e e z : t a C o ­
n i s s e n t à l 'a u b e . — 1953 : Le S e c r e t l è r e d e s d i e u x (Cari Lam ac, 1 9 46) ;
d 'H é lè n e M a r im o n . — 1 9 5 7 : Les V io ­ L es A t o u t s d e M o n s ie u r W e n s (E.G. de
l e n ts . M eyst , B e lg iq u e , 1 9 4 6 ) ; L 'A v e n tu r e
comm ence d e m a in (Ri chard P o t tie r ,
E sp rit g én éreu x en m ê m e tem p s 1 9 47) ; Les R e q u in s d e G i b r a lt a r (Emil
q u e th é o r ic ie n su b til,' il n ’a ja­ E, Reine rf, 19 4 7 ) ; Le D ia b le s o u f fle
m a is réu ssi to ta le m e n t à fa ire (Edmond T. Grcvi lle, 1 9 4 7 ) ; L es J o y e u x
e s t f au tu », « M. le P a r lem e n t », « Les
c o ïn cid er l ’esp r it e t la th é o rie C o n sc r its (M au rice d e C a n o n g e , 1 9 48) ;
M in es d'H éron di as » , « Dau m ie r e t s o n
m ê m e d a n s l ’é m o u v a n t Jérich o, M a r lè n e (Pierre d e Hérain, 1 9 48 ) ; Scé­
t e m p s » , « La C ar ic a tu r e ro m a n tiq u e *>,
m ê m e d a n s le so u s-e stim é S e c r e t n ar iste : BiVe d e c lo w n (Je an W a l l, 1 9 50);
« Trav elli ng e t S e x - a p p e a l » ( 1 9 5 2 ).
û.’H élèn e M arim o n . ■ Les p ro d u c­ C o s t a u d d e s B a t i g n o ll e s (Guy Lacour,
S c é n a r is te d e trè s nom br eux fîlm s, d o n t :
teu rs n e l ’o n t p as g â té. S o n der­ 1952J e t M on f r a n g in d u S é n é g a l (Guy
Zouzou (1934) ; G aspard de Besse
n ier film , Les V io le n ts e s t ie L acour, 1 9 5 3 ) , c e s d e u x dern iers inter­
( 1 9 3 4 ) ; J u s tin d e M a r s e i ll e ( 1 9 3 5 ) ;
p rem ier, d it-il. o ù il a it eu les p r é té s par son ami Raymond Bussières.
Tarra ss B o u lb a ( 1 9 3 6 } ; Le M or t e n
m a in s lib res. S o u h a ito n s u n suo- f u it e (1936) ; E d u ca tio n de p r in c e
cès. FILMS :
( 1 9 3 8 ) ; La Ferm e a u x lo u p s ( 1 9 4 3 ) ;
19 5 2 ; 90" à l'o m b r e (C.M.) ; La La C i t é d e l'e s p é r a n c e (Je an S te ll i,
T ou rn é e d e s g r a n d s - d u c s (te rm in e le 1 9 48) ; M o n s e ig n e u r (Roger Ri chebé,
CA M U S Marcel t o u r n a g e ) . — 19 53 : Les C o r s a ire s du 1 9 4 9 ) ; R o m e - f x p r e s s (C hr istian S t e n g e l,
B ois d e B o u lo g n e . — 195 6 : Cou rt e t é i e . 1 9 4 9 ) ; L'A m ant d o p a i ll e (Gill es Gran-
N e en 1913 dans les Ard e n n es . Pro­ gi er , 1 9 5 0) ; La P a r e s s e ( s k e t c h d e s
f e s s e u r d e d e ssin . Prisonnier p e n d a n t la S ept péchés c a p / fa u x , J e a n Dréville ,
gue r r e , p a s s e son t em ps à m o nte r d e s 1 9 5 1 ) , e t c . S c é n ar is te d e t o u s ses fil m s .
p i è c e s e t à voir des film s. S t a g ia i r e ,
pu is a s s is t a n t d'Henri Decoin (L a f i l l e
d u d i a b l e , 1 9 4 5 ) , d'An drée Feix (Il s u f ­ FILMS :
f i t d 'u n e f o i s , 1 9 4 6 ; C a p it a in e B l o m e t ,
19 4 8 : L 'A rm o ire v o l a n te . — 1951 :
1 9 4 7 ) , d e J a c q u e s Becke r ( A n t o i n e e t
La M a iso n B o n n a d ie u ; Les S e pt P é c h é s
A n t o i n e t t e , 19 4 7 ; R e n d ez -vou s d e j u il ­
c a p i t a u x (L a G our ma/id /se). — 19 53 :
l e t , 1 9 4 9 ; E d o u a rd e t C a rolin e , 1951 ;
V irgile, — 1 9 5 4 : E scalie r d e s e r v ic e . —
C a s q u e d ' o r , 1951 ; Rue d e l'E s t r a p a d e ,
1 9 5 6 : Les T ru a n ds. — 1 9 5 7 : Ce joli
1 9 5 3 ) , d ' A le x a n d r e A s t r u c (L e s M a u ­
monde.
v a i s e s R e nc ontr e s , 1 9 5 5 ) , e t c . Conseiller
t e c h n iq u e d e plus ieur s film s, d o n t Les
D e n t s l o n g u e s (D ani el Gélin, 1 9 5 3 ) . C om m e Carlo rim e avec bravo,
r eg re tto n s d e n e pou voir a p p la u ­
FILM : d ir à s o n œ u vre. L 'A rm oire v o ­
19 5 7 : M ort e n f ra ude . la n te , t o u t en n e n o u s tran sp or­
t a n t p a s a u se p tiè m e ciel, n ’é ta it
C om m e B oissol, il est d iffic ile p as « sig n é L e v ita n », Le s k e tc h
d e ju g e r su r u n se u l f ilm c e lu i d e La. G o u rm a n d is e , très a u p o in t,
q u i f u t lo n g te m p s u n d e n o s la iss a it espérer d es le n d e m a in s
m e ille u r s p rem iers a ssista n ts. II q u i c h a n te n t : il f a llu t d éch a n te r.
a c h o isi d e p asser l e cap sur u n Il c h a n g e l ’o rth ograp he d e so n S i le d é f a u t de R en é Clair e s t de
s u j e t très p érilleu x . R e liq u a t de n o m à ch aq u e n o u v e a u film . n e p as se laisser g u id er par so n
l ’a ss ista n a t, la te c h n iq u e e s t p lu s N éa n m o in s s o n sty le d em eu re, u n in s tin c t, Carlo R im , par con tre,
so ig n é e q u e le scén ario et la d i­ p e u b ro u illo n m a is p ersonn el, g a g n era it à s'an alyser d av an tag e,
re c tio n d ’acteu rs, i l n ’en ip èch e flem m a rd m a is v irev o lta n t, u n à s e m ie u x co n trô ler : il em p ê­
q u e M o r t en fra tu le e s t u n e s t y le p lu s R u e C a u m a r tin q u e c h e r a it a in si lé s c r u d ité s de d eve­
e n trep rise cou rageuse et que B u e d e l’E s tra p a d e , ce q u i in d i- n ir des vu lg a rité s, les g a u lo ise­
p o u r la p rem ière fo is san s d o u te flue à la fo is les lim it e s e t les ries d es grivoiseries, les cocasse­
la réa lité in d o ch in o ise e s t m o n ­ a m b itio n s — q u i so n t g ra n d es —■ ries d es lo u rd eu rs. S o n sty le de
tr é e à l ’écran avec a u ta n t d e C arb on n au x. A ssez in te llig e n t c o m iq u e f a i t de lu i u n c h a n so n ­
d ’o b je c tiv ité . Ses q u a lité s é t a n t p o u r deven ir com m ercia l, il a su n ier-cin éa ste q u i v in t trop tard
p lu s im p o r ta n tes q u e d es n é g li­ m e tt r e t o u t le m o n d e d a n s sa à, la m is e e n sc èn e : co m m e p ou r
g e n c e s d o n t il se corrigera; on p o ch e avec C o u r te T ê te , film, F r a n ju o u R o u q u ier, lé c lim a t de
p e u t d ire q u e C am us a p ris u n q u ’il n ’a im e p a s trop m a is q u i lu i l ’ava n t-g u erre a u r a it é té p lu s pro­
b o n d ép art. p e r m e t d ’avoir e n fin les m a in s li­ p ice à l ’ép a n o u isse m e n t d e so n
bres. J o u o n s C arb on n au x p lacé, t a le n t. Au m o n tm a rtr o is. Carlo
en tre J o ffé e t Boisrond'. R im , le s je u n e s c in é p h ile s p réfè­
ren t le C arb on n au x de l ’Am lral

CARLO RIM
N é le 19 d é c e m b r e 1 9 0 5 à N îm es CARNE Marcel
( G ar d ). De son vrai nom J e a n-M ar ius
Richard, f il s du di r ec te ur du journal N é le 18 a o û t 1 9 0 9 à Paris. Fils d'un
« Le P e t i t Pr ovençal » . Elève d e s B e aux - é b é n î s t e . Elève d e l'Ecole d'A ppr e ntis-
A r t s . J o ur nalis te e t de s s in ate u r h u m o­ s a g e du M e u b le, pu is d e s Ar ts e t M é ­
ristiq ue du « P e t it Provenç al », de tiers ( se c t io n P h o t o - C i n é m a ) . C o n te n ­
« r L'Ere N o u v e l l e », du « Par isie n Libé­ t ie u x d'u ne c o m p a g n ie d 'a s su c a n c e s . A s ­
ré » , d e « L'I n tran sig e a n t » , de « Vu » s is t a n t -o p é r a t e u r de G eo rge s Pér ïnal,
e t de « J a z s » : r é d a c te u r en c h e f puis de Kruger ( C a g l io s t r o , 1 9 2 9 ) . Re­
de s tro is de rni ers c it é s . Co llab or e é g a ­ c o m m a n d é à Françoise Rosay, de v i e n t
l e m e n t au x « N o u velles Lit téraires », a s s is t a n t de Ja c q u e s Feyder ( L e s N o u ­
a u x « Lettr es Fran çaises » e t à c e n t v e a u x M e s s ie u r s , 19 29 ; Le G r a n d Jeu,
a u t r e s jou rna ux . Ecrit d e no m br e ux li­ 1 9 3 3 ) , p u is d e Richard O sw ald e t de
vr es : « M a Belle M ar se ill aise « Tout Ren c Clair (S ou s l es t o i t s d e P aris,

51
1 9 3 0 ) . G a g n a n t du conc our s de c ritiq ue Thé rè se M a r ti n f 1 9 2 8 ; A u bonh eu r d é s
o r ga n isé par « C in é m a g a z in o » , d e v ie n t D a m e s , 1 9 2 9 ; M a m a n CoJibri, 1 9 2 9 ;
ré d a c te u r à ce journal d e 1 9 2 9 à 1 933 , La F em m e é t le R o s s ig n o l, 1 9 3 0 ; Lcr
puis à « Ciné m onde », a H eb do Film » Te nd re sse, 1931 ; Le M a r c h a n d d e s a b le ,
e t « Film Sonore ». Directeu r d e pro­ 1931 ; La Croix d u S u d , 1 9 3 2 ) .
d u c t io n d e La Kerm esse h é r o ïq u e ( 1 9 3 5 ).
PR INCIPAUX FILMS :
FILMS :
1 9 3 2 : La M ontre (C. M.) ; B id on d'or.
1929 : N o g c n t , Eldorado d u d im a n c h e — 19 35 : Lcr F a m ille P o n t - B i q u e t. —
(C .M .). — 1931 - 1 9 3 4 : Films p u b lici­ 1936 : fran çofs — 1 9 3 7 : Les P e rle s
tair e s. — 19 3 6 : J e n n y . — 1 9 3 7 : Drôfe d e la c o u r o n n e ( e n coll. a v e c S a c h a
d e d r a m e . — 1938 : Quoi d e s b r u m e s ; Guitry) ; Les P ir ate s d u rcrii. — 1 9 3 8 :
H ô te l d u N o r d . — 1 9 3 9 : Le Jo ur s e Les Dispa rus d e S a i n f - A g ii . — 193 9 :
l è v e . — 1 9 4 2 : Les V is ite u r s du soir. — L'Enfer d e s a n g e s . — 1941 : L 'A ssassi­
1 9 4 4 ; Les E n fants d u p a r a d is {2 par­ n a t du pè r e N o ë f ; P r e m ie r b a l . —
t i e s ) . — 1 9 4 6 : Les P o r t e s de la n u it. 1942 : L a S y m p h o n ie f a n t a s t i q u e ; C a r­
— 1 9 4 7 : La Fleur d e l'â g e ( in a c h e v é ) . m e n . — 19 4 3 : V o y a g e s a n s e s p o ir . —
— 1 9 4 9 : La M a r ie d u p o r t . — 1 9 5 0 : 19 44 : Sort/Jèges. — 1 9 4 5 : B o id c de
J u l i e t t e a u la c l é d e s s o n g e s . — 1 9 5 3 : s u i f. — 19 46 : l /n r e v e n a n t, — 1 9 4 7 :
T h é rè se R a q u in . — T954 : L'Air d e P a ­ La Ch artreus e d e P a r m é . — 1948 :
Traqu en ard », o n t é t é primés. S c é n a ­
ris. — 1 9 5 6 : t a P a y s d ' o ù / s v ie n s . D ’h o m m e à h o m m e s . — 1 9 4 9 : Sirr-
riste : En tré e d e s a r t i s t e s ( M a r c A f l é -
r e t, 1 9 3 8 ) , T e m p ê t e sur P a r is ( 1 9 3 9 ) , g a a i la . — 1 9 5 0 : Souvenirs pe rdu s. —
em o r q u e s (Je an Gré m ill on, 1 9 4 0 ) , M o n f - 1951 : Barbo-Breuo. — 1 9 5 2 : Fanfan
m arfr e -s u r -S e in e ( 1 9 4 1 ) , Le C ou p/e i d é a l la Tulipe ; A d o r a b l e s créatu res. —
(Bernard-Roland e t Raymond Rou le a u, 1 9 5 3 : L u crèce B o r g ia ; D e s t in é e s (le
1946}. D ia lo g u is t e d e C a p r i c e s (1 9 4 1 ) s k e t c h LysistrataJ. — 1 9 5 4 : M a d a m e
e t du Comiofr b f a n c ( 1 9 4 2 ) . Conseiller du Barry. — 1 9 5 5 : N a n a ; Sr fou s
t e c h n iq u e du B a n q u e t d e s fra ude ur s l e s g a r s du m o n d e ... — 1 9 5 7 : N a t h a l i e .
(Henri Stor ck , B e l g iq u e , 1 9 5 1 ) .

FILMS :
1 9 4 2 : La F au sse M a îf r e s s e . — 1943 :
A u b o n h e u r des d a m e s ; Pi e rr e e t Je an.
— 1 9 4 4 : Le Derni er Sou. — 1 9 4 5 :
S é r é n a d e au x n u a g e s ; Roger-Ja-H onte.
— 19 4 6 : L a R e v a n c h e d e R o g e r - h -
H onte ; Le C h a n te u r inc o n n u . — 1 9 4 7 :
Le De ssou s d e s c a r te s . — 1 9 4 8 : Les
A m a n t s d e V é ro n e . — 1 9 4 9 : Refour à
la v ie (un s k e t c h ) . — Ï 9 5 0 ; J u s t ic e
e s t fa ite . — 1952 N o u s s o m m e s fo us
d e s ass ass in s . — 1 9 5 3 : A v a n t l e d é ­
G am b a d an t, n o n sa n s q u e lq u e luge. 19 55 : D o s s ie r noir. — 1 9 5 6 :
m aladresse, d a n s le s ch a m p s clos Œil p o u r œ il.
de la p o ésie la p lu s fo rm e lle (Les
V is ite u rs d i t soir, J u l i e t t e au. la A p r è s n e u f f ilm s t r è s m o y en s
c le f d e s so n g e s ), m a is a ffir m a n t d ’où n e su rn a g e q u e l ’h a b ile té
u n g o û t sa n s d é fa illa n c e p ou r re­ d u C h a n te u r in c o n n u , il f a it le
créer le s atm o sp h ères d ’ép oq u e d ern ier d es gra n d s f ilm s préver-
(D rôle d e d ra m e e t Les E n f a n ts tie n s ; Les A m a n t s d e V éro n e, S i le t a le n t s e m e s u r a it à la
d u p a r a d is , q u i o n t e n c h a n té le s œ uvre c o n fu se , s o u v e n t irrita n te, p r o d u c tiv ité : il se ra it le R o i ;
p u b lic s a n g lo -sa x o n s), Carné n ’est m a is p lu s so u v e n t ém o u v a n te à la lo n g u eu r d es tra v ellin g s : il
p o u r ta n t t o u t à f a it lu i-m êm e d an s sa tra g iq u e e t p o é tiq u e se ra it l ’E m p ereur ; a u x r e c e tte s :
q u e d a n s le p o p u lism e . Il a exp ression d u D e s tin , A lla it-il il sera it le Pape, P a r m a lh e u r se s
fr é q u e n té t o u s le s p e t its .b is ­ être le n o u v ea u C arné ? N on , sa a m b itio n s s o n t p lu s co u rtes. S es
tr o ts d e la R ép u b liq u e, dm F a u ­ ré p u ta tio n e t sa céléb rité v o n t m eilleu rs f ilm s (L’E n fe r des
b ourg S a in t-M artin o u de B ou lo- se fon d er d e p u is e t y com p ris
gn e-B Ü lan cou rt, le s b als m u s e t te J u stice e s t f a i te su r q u a tre f ilm s an g es, L es D isp a r u s d e S t-A gÜ ,
e t les h ô te ls m eu b lé s. S es film s te à th è s e w (qu oi q u ’il en d ise ), L’A s sa s sin a t d u P ère N oël) p a ­
gén éreu x, rev en d ica to ires, h a b iles, ra issen t a u jo u rd ’h u i fa c tic e s.
p a risien s o n t l ’a m ertu m e ren trée M artin e Carol m é r ite m ie u x q u e
d es le n d e m a in s de f ê t e q u a n d II so u v e n t co u ra g eu x m a is q u i, p la i­ L uc rèce B orgia, N a n a e t M a d a m e
f a u t s e r em ettr e au travail. Il d oiries d ’a v o ca t p lu s q u ’œ u v res D u b a rr y . F an fan la T u lip e e s t
rester é tr o ite m e n t lié à to u t e u n e d ’art, éc h a p p e n t a u ju g e m e n t h a b ile m a is assez g r im a ç a n t e t
p ériod e socia le, c elle d u F ron t esth é tiq u e e t à î a « cr itiq u e des se c à la se co n d e v isio n . T â t a n t
P opu laire. C arné v é c u t alors so n b ea u té s ». I l a d é fe n d u ses id ées d u « g én éreu x » il a tr é b u c h é su r
âg e d ’or, a u cœ u r d ’u n e des p lu s com m e o n d éfen d ses c lie n t s : e n Si t o u s les gars d u m o n d e . D u
p a rfa ites é q u ip es d u c in é m a fr a n ­ p a rla n t à la galerie. D ’o ù u n e p o in t d e v u e co m m ercia l, sa
çais, Prévert, T rauner, J a u b ert e t série d e p ro céd és e t de t i c s q u i réu ssite e s t in c o n te sta b le e t s e s
G abin. O n s ’e n g u e u la it très fo r t o n t p e u t être le u r v a le u r p o lé­ f ilm s o u v ren t les m a rch és étra n ­
en tre cop a in s, m a is o n fa isa it m iq u e, m a is n e r e lè v e n t p as d e gers a u x p ro d u c tio n s fra n ça ises.
sa n s c o n te ste d e l ’e x c e lle n t b o u ­ l ’art d u f ilm . Œ il p o u r Œ il A vec son. ép ou se M artin e, il a f a i t
lo t. A u jo u rd 'h u i Carné d o it se u l to u r n é e n tiè r e m e n t en ex térieu r u n trio m p h a l t o u r d u m o n d e :
s o u te n ir u n e r é p u ta tio n p resti­ e t sa n s th è se , v a ê tr e d ia b le m e n t u n ex c e lle n t c o u p le d ’a m b a s sa ­
g ieu se , m a is il e s t to u jo u r s le b o n rév élateu r. S a u ro n s-n o u s e n fin d eu rs d u c in ém a fra n ça is. Il e n
a rtisa n q u e n o u s a v o n s co n n u q u i e s t C a y a tte q u an d , com m e fa u t. M ais il f a u t a u ssi être sévère
a v a n t 1939, a m o u r eü x f o u de l ’ou­ to u s les créa teu rs a u th e n tiq u e s , p ou r ce t h o m m e sy m p a th iq u e e t
vrage im p eccab le, d o n n a n t v o lo n ­ i l p a rle d ’a b o r d p o u r l u i ?
tiers d a n s u n fo r m a lism e u n p e u in t e llig e n t q u i n e la is s e p o u r
d e ss é c h a n t q u ’il a p eu t-ê tr e h é ­ l ’in s t a n t a u c in é m a q u e d eu x o u
r ité d e son. m a îtr e Feyder. trois m orcea u x d ’a n th o lo g ie (le
CHRIST1 A N -JA Q U E tr a v e llin g d e l a , ch a n so n du
« p ’t i t cord o n n ier » e t le c h e v a l
Né le 4 s e p t e m b r e 190 4 à Paris. De d a n s la b ru m e d e S o rtilè g e s , les
son vrai nom Ch ristian M a u d e t . Elève sc è n e s de guerre d 'H o m m e à
CAYATTE André d e s B e au x-A r ts e t d e s Ar ts D é c o r a t if s , h o m m e s ). U a d é fin i a in si le
C ritique d e C iné m a à « C în é g r a f _» m e tte u r en sc èn e : « Un h o m m e -
N é l e 3 fév rie r 1 9 0 4 □ Car ca ssonn e ( 1 9 2 7 - 1 9 3 0 ) , d e s s in a t e u r d ' a f f i c h e s , pu is o rc h e stre Qui, j o u a n t d e t o u s se s
( A u d e ) . L ic enc ié ès le t t r e s e t d o c t e u r a r c h it e c t e , d é c o r a te u r e t a s s i s t a n t de i n s t r u m e n t s , d o i t é v ite r la caco ­
en droit. A v o c a t , pu is jo ur nali ste , é d i ­ Julien Duvivïer, Henri Rou ssell e t A ndr é p h o n ie . » L'a-t-il ja m a is é v it é e
t eu r e t écrivain : a ute ur d e h u it o u ­ Hugon ( U n e j a v a , 1 9 2 7 ; La M a r c h e t o u t a u lo n g d ’u n se u l d e se s
vrages, d o n t d e u x , « Un dur » e t « Le n u p tia le , 1 9 2 7 ; La V ie m ir a c u le u s e d e , f ilm s ?

52
C IA M P i Yves s on frère, le r éalis ateur Henri C h o m e t te . P o r te d e s L ila s s ’a n n o n c e com m e
A c t e u r so us le nom d e René Clair : Le u n film p lu s in so lite , a u x a n g les
N é le 9 février 1921 à Paris. Reçu L ys d e l a v ie (Loïe Fuller, 1 9 2 0 ) , P our p lu s vifs. Q u elle q u e s o it la s u it e
premier a u co nc our s des e x t e r n e s d e s une n u i t d 'a m o u r . V e r s l a lune ( 1 9 2 1 ) ; de sa rich e carrière, il a créé u n
h ô p i t a u x de Paris en 194 2 ; nom m e Le S e n s d e l a m o r t ( P r o t a z a n a f f , 1 9 2 1 ) ; u n iv e r s cin ém a to g ra p h iq u e qu i
d o c t eu r en 1 9 4 6 , il r e ç o it une m é d a il le L ’O r p h e lin e, Les D e u x G a m in e s, P a r i - l u i e s t propre, p le in de rig u eu r e t
d'or d e la F ac u lté . T o u t en s u i v a n t la s e t t e (Louis Fe ui lla de , 1 9 2 2 ) . A s s i s t a n t n o n d én u é de fa n ta isie , grâce a u ­
Divisi on Leclerc, il t our ne un film de J ac que s d e Ba ronc elli (Le Carillon d e q u el il d em eu re u n de n o s p lu s
d ' a m a t e u r , q u i sera e n s u i te ag r a ndi e t M in u it , A m o u r ) e t d e Fe uill ade. Cr iti ­ grands cin éa stes.
pr o j et é s o u s le t it r e d e Les C om pa~ qu e c in ém a t o g r a p h iq u e du « C om oedia
g n o n s d e l a g lo ire . A s s i s t a n t de Je an Illustré » e t de « T h é â t r e ». Rom ans :
DrcYillc (Lu B a t a ill e d e i ‘e a u lo u r d e , « A d a m s » 11924) , « De fil en a i ­
19 47 ; Les C a s s e - p i e d s , 1948 ) ; a s s is ­ gu ill e » (1 9 4 0 ), « La Pr in ces se de CLEMENT René
t a n t , pu is co ll a b o r a t eu r t e c h n iq u e d ' A n ­ Ch ine » (19 5 1 ). Criti qu e : « Le C in é m a ­
dré H u n e b e ll e ( M é t i e r d o fo u s, 1948 ; to g r a p h e cont re l'e spr it » ( 1 9 2 7 ) , « Ré­ N é le 18 mar s 1913 à Bordeaux (Gi ­
M issio n à T a n g e r , 1 94 9 ; M illio n n a ir e s fle x i o n s f a it e s » ( 1 9 5 1 ) . Au t h é â t r e ronde ). Elève de s B e au x-A r ts , se d e s ti n e
d 'u n jou r, 1 9 4 9 ) . a d a p t e « Born y e s te r d a y » de Garson à l'a r c h i te c t u r e . R é al ise d e s f il m s d ' a m a ­
Ka nîn ( 1 9 5 1 ) . A la ra di o : « R e n c o n ­ teur, a v a n t d e devenir c h e f- o p é r a t e u r de
FILMS : tr e s a v e c René Clair » ; a d a p t e « Une c o u r ts m é t r a g e s . C ollab or ate u r t ec h n iq u e
larm e du dia ble » ( 1 9 5 1 ) . Séj ours e n d e L a B e lle e t l a B ê t e (Jea n C o c t e a u ,
1938 : E v o c a tio n (C .M .} . — 19 4 0 : A n g le ter r e ( 1 9 3 5 - 1 9 3 8 ) e t a u x U.S.A. 19 4 6 ) .
Le C a n c e r (C.M-J. — 1941 : M o r t in ­ (1940-1947).
t e r d i t e (C .M .). — 19 45 : Les C o m p a ­ FILMS :
g n o n s d e la gloir e . — 1946 : Les C a d e t s FILMS :
d u C o n s e r v a to i r e (C. M.). — 1948 : 193 7 ; S o igne t o n g a u c h e (C.M .) ;
S u z a n n e e t s e s b r ig a n d s. — 1 9 4 9 : W- 192 3 : Paris q u i d o r t. — 1 9 2 4 : La G r a n d e C h a r t r e u s e (C .M .). — 19 3 8 :
/o<e d e g u e r r e ... p i lo t e d e lig n a (C.M.) ; E n tr 'a c t e (C.M.) ; Le F a n tô m e d u M o u ­ A r a b i e i n t e r d i t e (série de tro is C .M .). —
Un c e r ta i n M onsieur. — 1951 : Un lin -R o u g e . — 1926 : Le V o y a g e i m a g i­ 193 9 : La B iè v re ( C.M .) ; Le Tr ia ge
g r a n d p a t r o n . — 1 9 5 2 : i .0 p l u s h e u ­ n a ire. — 19 26 : La P ro ie d u v e n t. — (C .M .). — 1 9 4 2 : C e u x du r a il (C .M .).
r e u x d e s h o m m e s . — 1953 : L'E sclave ; 192 7 : Un c h a p e a u d e p a i l l e d ' I t a l ie . — 19 43 : La gr o n d e p a s t o ra le (C.M .) ;
Le G uérisseu r. ■— 1 9 5 5 : Les H éros s o n t — 1 9 2 8 : La T o ur (C.M .) ; Les D eux C h efs d e d e m a i n (C .M .). — 19 4 5 :
f a t i g u é s . — 19 56 : Typhon sur N a g a ­ t im id e s . — 19 30 : Sous le s t o i t s d e P a ­ La B a t a i ll e d u r a il. — 19 46 : Le Pè re
s a k i. ris. — 1931 : Le M i l l i o n ; À nous la t r a n q u ille ; L es M a u d i ts . — T948 : Le
l i b e r t é . — 19 32 : Q u a to r z e J u ille t. — Mura d i M s l a p a g a ( A u - d e là des grill es,
19 3 4 : Le D ernier m il li a r d a ir e . — 19 3 5 : Ita l i e ) . — 1 9 5 0 : Le C / i â te a u d o v e rr e .
The G h o s t g o c s W e s t ( F an tôm e h v e n ­ — 1951 : Je ux i n t e r d i t s . — 1 9 5 3 '.
dre, G .B .), — 19 37 : B r e a k t h e N e w s JOiave o f Aeûrfs (M onsieur Ripois, G .B .) .
(F au sses nouv elle s, G.B .). — 1 9 3 9 : A ir — 19 55 : v ^ r v a /s e . — 19 5 7 : La D ig a
pur (in a c h e vé ), — 1 9 4 0 : The Flame s u l P a c i fi c o (Barrage c o n t r e le P a c i ­
of N ew O rlé ans (La Belle e n s or ce ­ fiq u e, Italie) .
le u se , U .S .A .). — 1941 : Fore vcr a n d a
D a y (un s k e tc h , U.S .A ,). — 1 9 4 2 : /
m a r r i e d a W itc h (M a f e m m e e s t un e
sorci ère, U.S.A.), — 19 43 : I t h a p p e n c d
To M o r ro w (C'est arrivé d e m a in , U.S .A .).
— 1945 : A n d th e n , th e r e w e r e none
(Dix p e t it s indiens, U.S .A .). — 1 9 4 7 :
Le S ile n c e est d'or. — 1949 : La
B e a u t é d u D iab le. — 1 9 5 2 : Les B elles
d e n u i t . — 19 55 : Les g r a n d e s m a n œ u ­
vres. — 1 9 5 7 : P o r fe d e s L ila s.

’ U n a u te u r d e f ilm c o m p le t q u i,
dès le m u e t, a a p p o rté a u c i­
C om m e c ’e s t u n b o n t e c h n i­ n é m a fran ça is l'in te llig e n c e , la f i ­
cien , s o n m eilleu r film rester» n esse, l ’h u m o u r, u n in te lle c tu a lis ­
to u jo u r s le dern ier. I l n ’y a pas m e u n p e u se c m a is so u r ia n t et
de f a u t e s d e raccords d an s Ty~ d e b on go û t. 31 f a illit être g ên é
p ito n S2 ir N agasaki, les tra n sp a ­ par le p arlant, m a is co m p rit vite
r e n c e s s o n t im p eccab les e t l ’u t i ­ q u e so n style, h é r ité d es « pri­
l is a t io n des m a q u e tte s ex cellen te. m itif s » fran çais, p o u v a it fort
Il y a a u ssi ch ez C iam pi le désir b ien s ’accom m oder de c e t orn e­ D ire q u ’il e s t Le p lu s grand
d e fa ir e p lu s Que de ra co n ter des m e n t su p p lém en ta ire . Q u a to rze m e tte u r en sc èn e fra n ça is serait
h isto ires. T y p h o n , par exem p le, J u i l l e t m arque u n e apogée. La u n c o m p lim en t g ra tu it s i l ’o n
m a n ife s te l ’in te n t io n de retrouver su ite p a ru t p lu s la b orieu se, m ais so u s-e n te n d q u 'u n R en oir o u u n
la s u b s ta n c e de Voyage en Italie... la « q u a lité » d em eu re. S es q u a ­ Bresson s o n t p lu s gran d s parce
sa n s s u c c è s d ’ailleurs, à ca u se d es tre f ilm s d ’après guerre in d iq u e n t q u e p lu s k a u te u r s d e film s ».
im p é r a tifs de la co p ro d u ctio n u n m û r isse m en t, m ais tr a h isse n t D ’a u ta n t q u 'il a p rouvé d a n s
fra n co -ja p on a ise, m a is t o u s l e s c i ­ u n e certa in e d iff ic u lté à trouver M cm sieu r Jlipois q u e so n ta le n t
n é a ste s fra n çais n ’o n t p a s des p o u v a it .s’ép an o u ir s a n s l ’a id e
d es su je ts, e t a b o u tis se n t a u x d ’A u ren clie e t B o s t e t q u 'il est.
in t e n t io n s au ssi élevées. S o n to r t G r a n d e s m a n œ u v re s , œ u vre f in e ­ avec Irv in g S h aw , l ’a u te u r d e
c'est d e croire q u ’e n F ran ce o n m e n t ciselée e t m éla n co liq u e. l ’a d a p ta tio n de Un barrag e c o n tr e
p e u t travailler à l'am éricain e e t le P a cifiq u e d o n t o n p e u t logi­
a tte in d r e a u gén éral en p a ssa n t q u em e n t présum er la m a îtr is e e t
p a r la v o ie h iérarch iq u e. Il f u t la q u a lité. D ’a u ta n t s u r to u t q u e
a u J a p o n u n e x cellen t am b a ssa­ par d elà leu rs sc én a ristes t o u s
d eur, il e s t au S y n d ic a t des T e ch ­ les film s de C lé m e n t — y co m ­
n ic ie n s u n arbitre o b jectif. p ris son se u l éch ec : L e C h â te a u
d e v erre — m a n if e s te n t u n e p h i­
lo so p h ie c o n tin u e q u i e s t b ien le
CLAIR René f a it de le u r réa lisateu r. Ses p er­
so n n a g es so n t to u s p rison n iers d e
N é le 11 nove m br e 1 8 9 8 à Paris. De
c o n d itio n s h isto r iq u e s o u géo­
son vr ai nom René -L uc ie n C h o m e t te .
g ra p h iq u es ou d ’eu x-m êm es p lu s
s im p le m e n t et c ’e s t leu rs lu t t e s
Etudes s e c o n d a ir e s . Fait la guerre c o m ­ désesp érées p ou r fra n ch ir ces
m e a m bulanc ie r . P o è te {« La Fê te de grilles ou va in cre le u r so litu d e ,
l'h om m e » , 1917 ; « Terre » , 1 9 1 9 ) , lu tt e s v ou ées à l'éch ec o u à la
d e s s in a t e u r , c hanso nnie r d 'o c cas io n . Re­ dérision , q u ’il n o u s p e in t avec u n
por ter à « L' Intra n si geant ». Publie réalism e m in u tie u x e t lu c id e q u i
« L'Ile des m onstr e s » (so uve nirs de d éb o u ch e à la fo is su r la cru au té
g u e r r e ). A la r é vé la tio n du c in ém a par e t le lyrism e. Il e s t p lu s q u e

53
l’a rc h ite c te o b stin é d ’o rg u eilleu x m étier. « Je s u is a v a n t t o u t
éd ific es c o n str u its en pierres d e « 'p h y s iq u e », m o n p l u s g ra n d
ta ille , p lu s q u 'u n m a g istra l direc­ p la isir c 'est la ré a lis a tio n du
te u r d ’a cteu rs, p lu s que le m a î­ f ilm , le to u rn a g e , le m o n t a g e »,
tre d ’u n sty le rigoureux, il a Il p e in t dos ca s s a n s s e sou cier
a u ssi — d a n s u n e p ro p o rtio n q u e d e p orter d es ju g e m e n t s d ’e n se m ­
l ’o n n e p e u t m esu rer d u v iv a n t b le su r la so c ié té , m a is il risqu e
d es a rtistes — le « g é n ie du d ’affad ir ses f ilm s e n v isa n t,
ciném a. ». ch ez le s sp ec ta teu rs, le tro p gran d
nom b re. « J e tr a v a ille p o u r le
G a u m o n t-P ala ce », p ro cla m e-t-il,
m a is n o u s sav on s b ie n q u e se s
p réoccu p a tio n s, ses o b se ssio n s —
CLOUZOT H en ri-Ceorges les p erversions, la v ra ie cru a u té,
etc. — s o n t in c o m p a tib le s avec
N é Je 20 nove m br e 1 9 0 7 à Nio rt les d ésirs d u g ra n d p u b lic . Q ue
(D e u x - S è v r es ) . Prépare l'Ecole N a v a l e , C lo u z o t.d o n c s e m é fie d e l ’a u to ­
m a is d oit y renonc er pour raison de cen sure. Au reste il s a it o ù il v a
santé : séjours p rol on gé s e n s a n a t o ­ e t p o u rq u o i d a n s sa g a lerie d e
rium. Fait1 du dr o it, de v i e n t é lè v e de m o n stres il a f a i t la p a r t b e lle à
l'Ecole des Sc ien ce s P o lit ique s, pu is s e ­ l ’h orrible, a u sa d iq u e, a u su b ­ d o u e r d ’u n e f o r m e p l a s t i q u e ».
c r é t a i r e du c h a n s o n n ie r René Dori n. Cri­ versif, au b o u rrea u : p a r s o u s ­ T r a d u iso n s ; il e s t p o ète. U n
t i q u e d e c in ém a ( 1 9 2 8 - 3 0 ) . Ren con tr e tr a c tio n il révèle p eu à p eu , av ec p o ète d o u é p o u r le cin ém a , d o n c
Henri J e ans o n qui le f a i t dé bute r com m e la n e t te t é d u n é g a ti f p h o tog ra ­ u n gran d cin éa ste. D e f a it t o u s
s c é n a r i s t e - d i a lo g u i s t e e t dé c oupe ur t e c h ­ p h iq u e (le n o ir d e v ie n t le b la n c) ses film s , y co m p ris L ’A igle à
ni que c h e z Osso : Un Soir d e r a fl e la fu lg u r a n te im a g e d e l a p u re d e u x t ê t e s , œ u vre fla m b o y a n te
( 1 9 3 1 } e t M a C ou sin e d e V a r s o v ie ( 1 933 ) in n o cen ce e t de l ’a m itié d ésin ­ e t é m o u v a n te , à to rt so u s -e sti­
de Ca rm in é G a d o n e , Le R oi d e s p a l a c e s téressée. m ée, so n t a d m irables. S o u c ie u x
(1932), La T e r r eu r des B a tig n o lte s d e d ép asser l ’art d éco ra tif, il
( 1 9 3 2 ) . Dir ecte ur de d o u b l a g e s à Berlin a t t e in t parfois à u n réalism e, u n e
(1 93 2 -3 3 ), p u is a s s is t a n t pour : La c r u d ité p resq u e o b sc è n e s (L es Pa­
C h a n so n d ’u n e ni/i f ( A n a t o le U t v a k ) , COCTEAU Jean r e n t s t e r r ib le s ) . S e s d ia lo g u es,
La C h a n t inconnu (Ewa ld -And ré D u p on t); m algré l ’em p h a se th é â tr a le e t
s c é n a r i s te de : Je s e r a i s e u l ,a p r è s m i ­ l ’en flu r e p o étiq u e, s o n n e n t p lu s
n u i t (J a c q u e s d e Ba r o nc e lli ), Le R é v o l té N é l e 5 j u il let 1 8 8 9 à M ais on s - ju s te q u e t o u t ce q u e l'o n a
(M arcel L'Herbier, 1938), Le D uel L c f f i t t e ( S .- e t - O .) . De 1 9 0 9 à 19 13, e n t e n d u d a n s les f ilm s d i t r éa lis­
(Pierre Fresnay, 1 9 3 9 ) , La R é v o l te d e s . f r é q u e n t e les m il ie u x lit té r a i r e s e t ar ­ tes e t p sy ch o lo g iq u es. C om m e le
v i v a n t s (Richard p o t tie r , 1 9 3 9 ) , Les In­ t is t iq u e s . Guerre d a n s l 'a v i a t i o n . Fonde d it u n d e ses p erso n n a g es, n o u s
c o n n u s d a n s l a m a is o n (Henri D e c o in , e n s u i te les r e vue s « Le M ot » ( 1 9 1 7 ) , so m m es avec lu i « d a n s la l é ­
1 9 4 1 ) , Lo D ernier d e s s ix (Geor ge s La- « . La Sirène » (1919). Son œuvre g e n d e j u s q u ’a u c o u ». L ’é tin c e -
c o m b e , 1 9 41) e t r é c e m m e n t de Si t o u s e s t con s id ér a b le : parm i ses b a l le t s , la n t et d é c h ir a n t O rphée e s t
les gars du m onda ( C hr ist ian-J aq ue , « Les M ar iés d e la Tour Eiffel » com m e le p rism e o ù v i e n n e n t se
1955)^ : a v a i t l'i n t e n ti o n d e réalis er ( 1 9 2 4 ) ; parmi ses rom an s, « L e , Po- co n fon d re t o u s le s rêts d e l u ­
lu i- m ê m e c e s de ux de rni ers film s. 19 39 : tom b k « ( 1 9 1 4 ) , « Les Enfant s terri­ m ière d ’u n e p e n sé e p a r tic u liè r e ­
f a i t d e s ém is s io n s d e ra d io . En 1 9 5 0 - 5 1 , b l e s » ( 1 9 2 9 ) ; parm i s e s p i è c e s , « Or­ m e n t f o iso n n a n te e t r ic h e m e n t
vo y a g e a u Brésil qui lui a ins piré un phée ( 1 9 2 5 ) , k A n t i g o n e », _« (Edipe- d isp ersée. Il n ’e s t p a s é t o n n a n t
livre, « Le Ch eval d e s Di eux » ( 1 9 5 2 ). Roï » , « Roméo », « La V o i x h u m a i­ q u e ce p rism e b rille .com m e u n
Au te ur d e no m br e us es c h a n s o n s ainsi ne » ( 1 9 3 0 ) , « Les P ar e n ts t er rible s » d ia m a n t. R éa lism e et rêve
qu e d'une p i è c e , « Co m é die en trois ( 1 9 3 8 ) , « L'Aigle à d e u x t ê t e s » ( 1 9 4 6 ) , («... p a r l’air d e v i v r e .m a ts de
a c t e s ><. « Bac chus j> ( 1 9 5 2 ) ; parm i s e s pagi nes , viv r e u n e v ie r a c o n té e » d it-il d es
« Cap de B a n ne -E sp é r anc e » ( 1 9 1 9 ) , p erso n n a ges de L a B e lle ) se re­
FILMS : « L' An ge H eu rte bise » ( 1 9 2 5 ) , « La j o ig n e n t c h e z lu i d a n s u n e s o r te
Crucifixion » ( 1 9 4 6 ) , « A p a p h t è g m e s » de c in é m a au se co n d d egré q u ’il
1 9 4 2 : L 'Assassin h a b i t e a u 2 1 . — ( 1 9 5 2 ) , « Clair ob s c u r n ( 1 9 5 4 ) . Son' a s u m a téria liser — a r tisa n a m i­
19 43 ; Le Corbe au. — 19 4 7 ; Qi/ai ceuvre cr itique com p re nd « Le S e c r e t cal q u i sa it la v a leu r d e la m a in
d e s O rfèvres. — 1948 : Manon. — profes sio nn el » ( 1 9 2 2 ) , << P ic a ss o » ( 1 9 2 3 ) , p.t de « l ’ou vrier » — avec u n e
19 4 9 : R e t o u r à l a v i e [un s k e t c h ) ; a Le Rappel à J'ordre » ( 1 9 2 6 ) , a. O pium » a u d a ce e t u n cou rage ex em p la i­
M igu effe e t sa m ère, — 1950 : Voya­ ( 1 9 3 0 ) , e tc . A p u b lié le « Jour na l » res. P rivé de lu i d e p u is s e p t a n s.
g e o u B ré sil ( in a c h e v é ) . — 1 9 5 2 : l e de so n film La B e l le e t l a B ê t e ( 1 9 4 6 ) , le c in é m a fra n ça is n e s ’e s t p a s
Sofa /re d e lo p e u r . — 1 9 5 4 : Les D ia ­ le s c én ario du S a ng d'o n p o è t e e n 1948 . f a i t u n e raison et b o ite b as.
b o liq u e s . — 19 55 : Le M ys tè r e P ic a ss o . « Entretie ns a u tou r d u C i n é m a to g r a p h e »
— 1 9 5 7 : Les Espions, ( 1 9 5 1 ) . Au c in é m a , d i a lo g u e s du Baron
F a n tô m e (Serg e d e Paligny, 1 9 4 2 ) , d e s
D a m e s du B a / s d e B o u lo g n e (Robert D A Q Ü IN Louis
A s e p t a n s écriv it u n e p ièce
d o n t le h éros se d éb a rassait de Bres son, 1 9 4 4 ) . Scénario e t d i a lo g u e s de
La C o m é d ie d u b o n h e u r ( 1 9 4 0 ) , L'E ter­ N é le 30 mai 1 9 0 8 à C a la is (P a s -
s a fe m m e e n m e tt a n t d es clo u s d e - C a l a is ) . Etudes a u C ou rs S t - L o u i s - d e -
d a n s so n p otage. Le r é c it d e sa n e l r e to u r (Je an D e la n n o y , 1 9 4 3 ) , Ruy
G o n z a g u e . L ic encié e n droi t, d i p lô m é de
vie le rév èle tê tu , lu cid e, so u cie u x B/as (Pierre Billon, 1 9 4 7 ) e t Les E n fa n ts
t e r r i b le s ( Jea n -P ie rre MeJvilfe, 19 4 9 ) . l'Ecole de s H au te s Etud es C o m m e rc ia le s .
d ’exprim er le « v o le t dur » de R é dac te ur pu blici tair e c h e z R e n a u lt , puis
l ’existen ce. C'est u n cc a u te u r de A r g u m e n t d e La Coroner N c g r a (Luis
d ans une p a p e t e rie . R é g is se ur , a c t e u r :
film s ». « J e n e crois p a s , d it-il. Sas la vsk t, 1951). Nom breux commen­
t a ir e s , d o n t N o c e s d e S a b le (1948), L'H om m e d e nulle p a r t . A s s i s t a n t de
au m e t t e u r en sc èn e q u i n e s o ii Julie n Duvîvier ( P é p é -/ e -M ofc o, 1936),
p a s so n a u te u r ». I l adore son Vénu s e t s e s a m a n ts (C .M .), Le R o ssig n o l
d e l'E m pe re u r d e C h in e ( 1 9 4 9 ) , Ce s iè c l e Pierre Chen al (La Rue s a n s nom , 1 9 3 2 ) .
a 50 ans ( 1 9 5 0 ) , Le R ou g e e s t m is (C.M ., A b e I G a n ce , Fedor O z e p , J e a n G rcm il-
1 9 5 2 ) , A l'a u b e d 'u n m o n d e (C.M ., lon ( R e m o r q u e s , 1 9 3 9 ) . E g a l e m e n t d i r ec ­
1 9 5 6 ) , e t c . S c é n a r is t e d e t o u s s e s film s, t eu r d e productio n ( 1 9 3 6 - 4 0 ) , n o t a m ­
Elu à l'A c a d é m ie F rançai se en 19 55. m e n t pour Un g r a n d a m o u r d e B e e t h o v e n
( 1 9 3 6 ) d e G anc e. Dirige la ve r sion f r a n ­
ç a i s e du fil m a lle m a n d d e Fedor O ze p ,
FfLMS :
Le J ou e u r ( 1 9 3 8 ) .
19 3 0 : Le S a n g d ' u n p o è t e . — 1 9 4 6 ;
La Belle e t l a B ê t e . — 1 9 4 8 : L'Aigle FILMS :
à d e u x t ê t e s ,- L es P a r e n t s t e r r ib le s . ■—
1941 : N o u s , les g o s s e s . — 1 9 4 2 :
19 49 : O r p h é e . — 1 9 5 0 : Co rio ian ( 1 6 M a d a m e e t l e m o r t ; Le V o y a g e u r s ans
m m .). — 1951 : S o n f o Sosprr (C.M ., b a g a g e s . — 19 43 : P r e m ie r d e c o r d é e .
16 m m .). — 19 4 5 : P a t r ie . — 1 9 4 6 : N o u s c o n t i ­
n uons l a Franc e (C .M .). — 1 9 4 7 : Les
I l c o n str u it d e s ta b le s e t la isse Frères B o u q u in q u a n t. — 1 9 4 8 : Le P a in t
a u x au tres le s o in de le s fa ire d u iaur. — 1 9 4 9 : Le P a r f u m d e la
ch an ter. « Je s u is d e s s in a te u r , d a m e e n noir. — ; 1 9 5 0 : M a ît r e a p r è s
d it-il, il m 'e s t n a t u r e l d e v o ir e t D i e u ; L a B a t a i ll a d e l a v h ( C . M . ) . —
d ’e n te n d r e ce q u e j ’écris, d e le 1 9 5 4 : Bel A m i ( a u s t r o - f r a n ç a i s ) .

54
PRINCIPAUX FILMS :
19 3 2 : A b a s le s h o m m e s . — 19 33 :
Les B leus d u ciel. — 19 35 : Le D o ­
m in o v e r t . — 1 9 3 6 ; P o r t Arthur. —
19 3 7 : A b u s d e c o n f ia n c e . — 19 39 :
B a t t e m e n t s d e c œ u r . — 1941 : P r e m ie r
r e n d e z - v o u s ; Les Inco nnus d a n s l a m a i ­
so n, — 19 47 : Les A m a n t s d e P o n t -
S a in f -J e a n ; N o n c o u p a b l e . ■— 1 9 4 8 :
Les Am oureux s o n t seuls a u m o n d e . —
19 49 : A u g r a n d b a l c o n ; E n tre o n z e
heur es e t m in u it. .— 19 5 0 : T rois t é l é ­
g r a m m e s . — 1951 : C la ra d e M o n t a r g i s .
— 1 9 5 2 : Le Désrr e t J'Amour. — 1 9 5 3 :
La V é r j té s u r B é b é D o n g o ; ' Les A m a n t s
d e T olè d e. — 19 54 : D o r to ir d e s g r a n ­
d e s ; Les i n t r i g a n t e s ; S e c r e t s d ' a lc o v e
(un s k e tc h ) ; B o n n e s à t u e r . — 19 55 :
R a z z i a s u r la c h n o u f ; L ' A f fa i r e d e s
D a n s la v ie u n v io len t, u n p o iso n s. — 19 5 6 : F o lie s - B e r g è re s ; Le les sp ec ta teu rs. S itu a t io n para­
sa n g u in , u n p a ssio n n é : il fonce. Feu a u x p o u d r e s . — 1 9 5 7 : Tous p e u ­ d oxale p u isq u e ce q u e la critiq u e
D an s t o u s ses film s p o u r ta n t il v e n t m e tu e r. en gén éral rep roch e l e . p lu s à
y a d e la tim id ité , d e l ’ap p lica­ c e lu i q u i 8, d o n n é c e tte d é f in i­
tio n . A m b itieu x , so u c ie u x d ’exp ri­ U n p eu d ém odé avec so n fo u ­ t io n : « Le c in é m a e s t u n m o u v e ­
m er les p rob lèm es so cia u x de so n lard de so ie d a n s u n e c h e m ise à m e n t d u c œ u r », c ’e s t la froid eu r
tem p s, il rech erch e les s u je ts col o u vert. M ais q u ’im p o r te J Les d e se s récits et la sé ch eresse de sa
n o b les et h u m a in s , m a is il n ’a m e tte u r s e n sc èn e ch oy és par le m is e e n scèn e, en d é p it d ’u n e
p as to u jo u r s é v ité l ’écu eil d e la d e stin to u r n e n t ce q u 'ils v e u ­ te c h n iq u e sû re e t d e b eau cou p
lou rd eu r e t d e l ’e n n u i. L ’o stra ­ le n t, q u a n d ils veu len t,, o ù ils de m étier. A cad ém ism e, ex p lo ita­
cism e des p rod u cteu rs à s o n égard v e u le n t, e t d e p u is b e lle lu r e tte t io n su p erficielle des grandes
est r id ic u le e t la lo n g u e in te r­ H en ri D eco in e s t p a rm i eu x. Il œ u v res littéra ire s ou des pro­
d ic tio n de B el A m i p a rfa item en t to u rn e n 'im p o rte qu oi, n 'im p orte b lè m e s socia u x, d ise n t les p lu s
od ieu se. I l a ch o isi de travailler o ù , av ec n ’im p o rte q u i, m a is p as sév ères. E st-ce u n parti p ris ?
cc h a u t », il n ’e s t d on c p as in ­ n ’im p orte c o m m e n t to u te fo is . D e- P o u r ta n t u n cr itiq u e a u ssi objec­
ju s te d e le ju g e r à l'éc h e lle des co in p o u sse en e f f e t la p ro b ité t if e t p e u e n c lin à la vio len ce
p lu s gra n d s e t de d ire Que de ju s q u ’à réfléch ir su r le s s u je ts q u e Pierre L eprohon d o n n e c ette
N o u s le s gosses à Bel A m i e n q u ’o n l u i propose. I l n ’h é s it e ja­ c o n c lu s io n q ue nous feron s
p a ssa n t par Le P o in t d u jo u r et m ais à prendre des risq u es e t re­ n ô tr e : a 11 f a u d r a i t d o n c croire
M a îtr e a p rè s D ieu , so n œ u vre to u r n e to u jo u r s à zéro m êm e que le r é a lis a te u r d e Marie-
la isse u n e im p ressio n de g risa ille après u n film à su cc ès. C eci ex­ A n to in e tte t e n d v e r s u n a r t q u ’il
p liq u e cela. L éger il y a v in g t e s t in c a p a b le d ’a t t e i n d r e , q u e ses
e t n ’e s t pas a u ssi ex a lta n te q u ’il a n s, lo rsq u e s o n c œ u r b a tta it
le s o u h a ita it... à l ’ex c e p tio n d es a m b i ti o n s , p ou r ii-obtes q u ’elles
p o u r D a n ie lle D arrieu x, s o n n o m s o i e n t , le t r o m p e n t à la fo is s u r
F rères B o u q u in q u a n t, sincère, p èse lo u rd au jo u rd ’h u i d a n s le s
probe et é m o u v a n te a d a p ta tio n l u i-m ê m e e t su r la q u a l i t é d e s
a rg u m en ts d es p ro d u cte u r s, car œ u v r e s réa lisées. »
d u b ea u ro m a n de Jean P révost. H enri, sa n s p a n a ch e, s a it s ’adap­
te r fa c ile m e n t à to u s l e s g e n r e s ,,
à to u s les sty les. P o u r q u o i lu i
DECOIN Henri ( reprocher c e tte f a c ilité ? E lle l u i DEVAIVRE Jean
p erm et d ’être l ’e n f a n t ch éri d es
Né le 1 8 m ors 18 96 à Paris. Etudes d istrib u teu rs. Q u i d it m ie u x ? N é le 18 d é c e m b r e 1 9 1 2 à B ou lo gne -
s e c o n d a ir e s , a via te u r pe n d an t la gue rre. s u r -S e in e ( S e in e ) . Elève d e s B e a u x - A r t s
Sp or tif ( re cordm an d e n a t a t i o n , s p é c i a ­ e t d e s Ar ts D é c or atif s . D écorateu r e t
l is t e du v a t e r - p o l o ) . Jou rnalis te (« L'Au­ assistant de Pierre C o lo m bier, Pierre
t o », « L'Intran », « Paris-Soir » ), DELANNOY jean Billon, M aurice Tourneur, Léon M a th o t,
r om ancier (« Q uin ze rounds », 1 9 2 6 , Richard Po tti er, Jea n Dréville. Directeu r
primé), a u t e u r dr a m a tiq u e (« Hector », N é le 12 janvier 1 9 0 8 à N o i s y -l e -S e c de d o u b la g e s , m onte ur et directeur
1925 ; « J eux d a n g e r e u x », e t c . ) , s c é ­ ( S e in e ). Licenc ié e s l e t t r e s . A c t e u r à la t e c h n i q u e pour plus de s o ix a n te film s.
n ar iste d e La Derni ère h e u re , Le C h a n t fin du m u e t, pu is dém arc heur d e b a n ­ D ir ecte ur d e s Films N e p t u n e .
d u m a rin ( 1 9 3 0 ) ; Le p ' t i t p a r i g o t . Un q u e , dé c or ate ur , jo ur nali ste , é tu d ia n t en
Soir d e r a f l e d e Carmin é G all one, Le m é d e c i n e , mon teur ( 7 5 fil m s e ntre 1930 P RINCIPA UX FILMS :
C h a n te u r inconn u d'E. A. D u pont ( 1 9 3 1 ) ; e t 1 9 3 5 ) , a s s is t a n t de J a c q u e s Deva l
L'Or d a n s la r u e . H ô te l d e s é tu d ia n t s e t Félix Guider. A é c r it le c h a p i tr e sur 1937. : H o nfleur, r ic h e s s e forestière
{ 1 9 3 2 ) ; Le R oi d e C a m a r g u e ( 1 9 3 4 ) . A s ­ ( C .M .) . — 1 9 4 7 : La D a m e d ' o n z e h e u ­
la mise en sc èn e du livre « Le c in ém a
s is t a n t de To urjans ky e t d e Carm iné vu par c e u x qui le f o n t ». r e s. — 1 9 4 8 : La Ferm e des s e p t p é ­
G allo ne ( 1 9 2 9 - 3 0 ) . Co llab or e au x s c é ­ c h é s . — 1 94 9 : V e n d e t t a e n Camar­
narios d 'Â n n e f f e e t la d u c h e s s e ( 1 9 4 1 ), PRINCIPAUX FILMS : g u e . — 19 50 : L 'Inconnue d e M o n tr é a l.
C a p i t a in e B io m o t ( 1 9 4 7 ) , P o r t r a i t d'u n — 1951 : M a f e m m e , m a v a c h e e t m o i.
a s s a s s in ( 1 9 4 9 ) , B o î t e d e n u i t e t A v o - 1 9 3 4 : Un e v o c a f/ o n i r r é s is tib le (C.M .) . — 1 9 5 2 : Un c a p r ic e d e CaroJme C h é ­
la n c h e ( 1 9 5 0 ) . Supervise H s u f f i t d 'u n e — 19 3 7 : N e l u e z p a s D olly. — 19 38 : r ie . — 195 3 : A l e r t e a u Su d . — 19 54 :
f o is ( 1 9 4 6 ) , Le C a f é d u C a d r a n (Jean La Vénu s d e l ’or. — 1 9 3 9 : M a c a o . — La' Fils d e Ca rolin e Ch ér ie . — 1 9 5 6 ;
G chret, 1 9 4 6 ) , e tc . 1 9 4 2 : P o n t c a r r a l , c o lo n el d ’Em p ire. — P ile e u f a c e .
19 43 : L 'E tern el r e to u r . — 1 9 4 4 Le
Bossu. — 1 9 4 6 : La Sy m phonie p a s t o ­
rale. — 1 9 4 7 : Les J e u x s o n t f a i t s . —
19 48 : A u x y e u x d u s o u v e n ir ; Le S e ­
c r e t d e M a y c r tin g . — 1 9 5 0 : D ieu a
be soin d e s h o m m e s ; La G a r ç o n s a u ­
v a g e . — 1 9 5 2 : La M in u te d e v é r i t é ;
D e s tin é e s ( le s k e t c h J e a n n e ) . — 195 3 :
La R o u te N a p o lé o n ; S e c r e ts d ' a lc o v e (le
s k e tc h Le Lit d e !a P o m p a d o u r ) . —
19 5 4 : O b s e s s io n . — 19 5 5 : C h ie n s p e r ­
dus s ans c o llie r ; M a r i e - A n t o i n e t t e . —
1 9 5 6 : N o t r e - D a m e do P a r is. — 1 9 5 7 :
M a ig r e t (en prép.).

En p lu s de prix d a n s les F e s­
tiv als, se s film s o n t c o n n u le p lu s
so u v e n t le su cc ès au p rès d u
p u b lic et, d e n o m b re u x té m o i­
gn ages l ’a ffirm en t, « é m e u v e n t »

55
A n cien m o n teu r q u i com m en ça La Pin d e P a g a n in i, Le C r im e d e g r a n d -
sa carrière avec le se c o n d R o i père, L'Au berge r o u ge , Un tra g iq u e
des re s q u ille u r s , il p ossèd e u n a m ou r de M o n o Lisa, C y r a n o e t d ' À s -
se n s d u ry th m e rem arq u ab le e t s o u c y, Un c la ir d e fune s o u s Rfc/ielie u,
sa D a m e d ’o n za h eu res fa isa it pu is de L 'E le ctr o c u té r ( 1 9 1 2 ) , L'Infir­
ex c e lle n te figure, i l f û t a m b itieu x m iè re ( 1 9 1 4 ) , Napo/éort à S a i n t e - H é -
avec La F erm e des s e p t p é c h é s , lè n c ( 1 9 2 8 ) , La R eïn e M a r g o t ( 1 9 5 4 ) ,
éch ec com m ercial, m a is film h a u ­ e t c . D ébu te dans la m is e e n s c è n e en
t e m e n t resp ectable. S p écia lisé e n ­ fo n d a n t sn propre m a is on d e p r o d u c t io n .
s u i t e d a n s des carolin ad es san s Produit L 'A tr e (Robert Bou dr io z , 1 9 2 0 ) .
in té r ê t, il r e v ie n t après u n lo n g Livres : « J ' a c c u s e » ( 1 9 2 2 ) , « . N a ­
sile n c e au film policier. polé on » ( 1 9 2 7 ) , « Prisme « ( 1 9 3 0 ) .
No m b r e u x t e x t e s da ns j our na ux e t re­
vues. D é t ie n t l e s br e ve ts d e plus ieur s
in venti ons te c h n iq u e s . C o m m e n ta i r e de
Lumière (C.M ., 1954). S c é n a r is t e de
DREVILLE jean t o u s s e s fil m s ; é g a l e m e n t i n te r p r è t e de
N a p o lé o n e t de La Fin d u m o n d e . Par ­
N e le 20 s e p te m b r e 1 9 0 6 à V itry- mi s e s p r o j e t s n o n - a b o u t is . Le R o y a u ­
s ur -S eine (S e in e ). Dess in pu blici tair e, m e de 1er Terre e t La D i v i n e t r a g é d i e .
a f f i c h e s , p h o t o g r a p h ie , pu is journalisme PRINCIPAUX FILMS :
c in é m a t o g r a p h iq u e : c ritiq ue d e q u o t i­ PRINCIPAUX FILMS {Cf. F ilm ogr c p h ïe,
die n s , e t di rec te ur de trois rev ues s p é ­ 19 1 9 : H o c e l d a m a ou le p r ix du n° 43} :
c ia l i s é e s , do nt « Cinégrap hi e » ( 1 9 2 5 - 2 8 ) . s a n g . — 19 22 : Les RoqueviJiard. —
192 5 : Poil d e C a r o t t e . — 1926 : .1 9 1 1 : La D ig u e (C .M .). — 19 15 :
L’H o m m e à l'H isp an o . — 1 9 2 9 : A u La FoJie du D ‘ T u b e (C .M .). — 1 9 1 7 :
PR IN C IPA U X FILMS :
b on h e u r d e s d a m e s . ■— 19 32 : P o il d e M a t e r D olo r o s a . — 1 9 1 8 : Lcr D ix iè m e
1 9 2 8 : A u to u r d e l 'a r g e n t (C. M.). — C a r o t te . — 1 9 3 4 : M a r ia C h a p d e la in e . sy m p h o n ie . — 1 9 1 9 : J ' a c c u s e . — 1921 :
1931 : P om m e d 'a m o u r , — 19 3 3 : Trois — 1 9 3 5 :■ G o l g o t h a ; La B a n d e r a . — La Roue. — 19 2 3 : Au s e c o u r s (C .M .).
pour c en t. — 19 3 8 : Le Joueur 193 6 : La Be/Ic Equ ipe ; P é p ô - le - M o k o—. 1 9 2 6 : N a p o ié o n . — 1 9 3 0 : La Fin
d ' é c h e c s . — 19 4 3 : La C a g e a u x r os­ — 1 9 3 7 : Ca rnet d e b a l. — 1938 : d u m o n d e . — 1 9 3 2 : M a t e r D o lo r o s a .
s ig n o ls . — 1 9 4 5 : La Ferme d u pendu. The G r e a t V / a l t z ( T oute la v ill e danse, — 1 9 3 4 : N a p o fé o n ( n o u v e ll e ve rsion
— 1 9 4 6 : Le V i s it e u r Cop ie c o n fo rm e . U.S .A ,). — 19 39 : La Fin du / o u r ; La s o n o r e ). — 1 9 3 5 : Le Rom an d' un j eu ne
— 194 7 : La B a ta ille d e l'e a u lourde C /w r e t tc fantôme'. — 1 9 4 2 : Ta ie s of Aomme pauvre ; Lu crèce Bor gia . —
( a v e c T i t u s Vibe-Mülfer}. — Î948 : M a n h a t ta n (Six d e sti ns, U.S.A.Ji. — 1936 : Un g r a n d a m o u r d e B e e t h o v e n . —
Les C as s e -p ie d s , — 19 49 : Retou r à 1943 : The i m p o s t o r (L'Impos teu r, U.S. 193 7 : J 'a c c u s e . — 19 3 9 : Le P a r a d is
la v ie (deux s k e tc h e s ) ; Le g ra nd ren- A.). ■— 19 46 : P anique . — 1 9 4 7 : p e r d u . — 1941 : La V é n u s a v e u g le . —
d e z - v o u s . — 1951 : Las s e p t p é c h é s A nna K a r e n in a {A nn a K arénine, G.B. ). 194 2 : Le C a p i t a in e Fra casse. — 1 9 5 3 :
c a p i ta u x (L a P a r e s s e ) . — 19 52 _ : La — 1 9 4 8 „ : Bfacfc J a c k (Espagne). — 14 J u ille t 1953 ( C .M .) . — 1954_ :La
Fifio a o f o u e t ; H orizons sa n s fin . — 194 9 : Au royaum e d e s c /e u x . — 195 0 : Tour de N e s f e . — 1 9 5 6 : M a g ir a m a
1 9 5 4 : La Raine M a r g o t ; Escale à O rly. Sous le c ie l d e P a ris. — 1951 : Le (série d e C.M. e n c oll. a v e c N e l lÿ Ka-
— . 1 9 5 7 : Q uand le s o le il m o n te r a . P e t i t m on de de Don 'C a m illo ( I t a l ie ) . — p lan ).
1 9 5 2 ; L a F ê i e à H e n r i e tt e . — T953 :
Le R e to u r de Don Cam/Iio ( I t a l ie ) . —
1 9 5 4 : L 'A f fa ir e M a u r iz iu s ; M a r ia n n e
d e m a jeu n e ss e . — 1 9 5 6 : Voici fe
t e m p s d e s a s s a s s in s ; L 'H o m m e à l'im ­
p e r m é a b l e . — 1 9 5 7 : P o t Bouiffe (en
prép.).

C ertain s v o u s d i r o n t q u e Je D u -
v iv ier d 'a u jo u rd 'h u i n e v a u t p as
c e lu i d ’h ier e t cla ssero n t L'A ffaire
M a u r isiu s e n p le u r a n t P épê-le-
M oko ; o n p o u rra it leu r renvoyer
la b alle en b r û la n t Un c a r n e t d e
b a l a u n o m de S o u s le cie l d e par-
ris. E n fa it. la carrière de DUvi-
vier e s t à l ’im a g e d ’u n e f e u ille d e
tem p ér a tu re aux s o m m e ts a ig u s
et a u x d ég rin g o la d es v ertig in eu ses
q u i, ra m en ée à sa v a leu r m oy en n e,
té m o ig n e d ’u n e ch aleu r enviable.
S ’il e s t rare q u e ses f ilm s p a ssio n ­ C’e s t u n v isio n n a ir e et m êm e
D e so n m eilleu r film . H orizon s n e n t, il e s t en core p lu s rare que u n p o ly visio n aire. O n p e u t dire
sa n s f in , les c ritiq u e s d iren t : l ’o n s ’y e n n u ie : so n go û t p o u r d e lu i q u ’il e s t le K in g Vidor
a C 'est h o n n ê t e », e t D rêvllle r é ­ u n c e r ta in b a ro q u ism e, c u lm i­ fra n ça is, m a is co m m e o n a d éjà
p liq u a : « C ’e s t j u s t e m e n t cela n a n t d a n s La F ê te à H e n r ie tte , avan ce q u e K in g V idor é t a it le
q u e je v e u x fa ire, d e s filin s h o n ­ f a i t de lu i le c h a m p io n de l ’in a t­ G an ce am éricain ... U n e d é f in i­
n ê t e s ». M ais La iîfitne M argot, te n d u , s o u v e n t in tr ig a n t, p arfois tio n d o it être p récise e t m e su ­
est-ce te lle m e n t h o n n ê te q u e ce­ a ga ça n t. C o n stru ites e n s tu c p lu ­ rée ; G an ce, à l ’in sta r de so n
la ? C o n clu on s q u e D rêville est t ô t q u e t a illé e s d a n s le m arbre, c o llèg u e d ’o u tr e -A tla n tiq u e , am ­
u n m a lin h o n n ê te ou u n h o n n ê te s e s a r c h ite c tu r e s n e s o n t p as d e p h ig o u r iq u e e t ex cessif, se p rête
m a lin ... se lo n les goû ts, et grâ.i'e celles q u i d u ren t, m a is l e s d en ­ m a l à t o u t e d é f in it io n . T o u t le
à. lu i n o u s n o u s so m m e s b ien rées p érissab les n e s o n t p as t o u ­ b ien q u e s e s a d m ir a te u r s p en ­
a m u s é s a u x p e tits lev ers ou a u x jo u r s les m o in s co m estib les. s e n t de s o n œ u v r e n e va ja m a i s
g ran d s cou ch ers de J ea n n e Mo­ san s q u e lq u e s re s tr ic tio n s, to u t
reau. le m a l q u e ses d étr a c te u r s en
p e n s e n t n e v a ja m a is sa n s q u e l­
q u e ja lo u sie. S i G an ce e s t b ête,
CANCE A bel il l ’e s t à la fa ço n de V icto r H ugo,
co m m e l ’H im alaya.
DUVIVIER julien N é le 2 5 oc to b r e 18 89 à Paris. Etu­
d e s a u c o ll è g e C h a p ta l. Ecrit un poèm e
N é le 8 oc to b re 18 96 à Lille (Nor d). (« Un d o i g t sur le clavi er »)» un m ys­
Théâtre *. ac te u r , r égis seur, m et t e u r tèr e (« Merlin l'E nc ha nt eur »}, d e u x GREM1LLON Jean
en scène à l'O déon e t au T h é â t r e p i è ce s (« La D am e du lac », « La V ic ­
A n to in e . S c é n ar is te pour Henry Etié- toire de S a m o th ra c e » ) . P e t it s rôles au N é le 3 o c t o b r e 1 9 0 2 à B a y e u x ( C a l­
vant ( C ré p u sc u le d ' é p o u v a n te , 19 2 3 ) . t h é â tr e e t a u c in ém a : M o liè r e , de vados). Etudes s e c o n d a ir e s . Etudie la
A s s i s t e Louis Feuill ade e t M arcel L'Her­ L éonce Perret, les M ax Linder (1 9 0 9 - mu siq ue à la S c hola Ca n to r um . Em­
bi er. A Ho lly wo od de 1 9 4 0 à 1945 . 10). S c é n a r is te ( 1 9 1 0 - 1 1 ) d e Paga n in i, plo yé d 'u n e c o m p a g n ie d e t r a n sp o r t s

56
[P ic c a àiiiY , G.B., 1 9 2 9 ) , J a c q u e s d e B a ­
r on cell i, Ab el G a nc e, A u g u s to Genina.
A c t e u r d a n s Sous l e s t o i t s d e P aris (Renc
Clair, 193 0}, Réalis e quelques cour ts
m ét r a g e s e n t r e 1931 e t 19 33.

PRINCIPAUX FILMS :

1931 : Le Train d e s s u i c i d é s . —
19 3 3 : R em ou s. — 19 35 : P r in c e s s e
T o m -T o m . — 193 6 : M a d e m o i s e l l e D o c ­
t e u r {G.B.}. — 19 38 : V e c r t ig yaren
( H o lla n d e ). — 1 9 3 9 : M e n a c e s ; F o / ty
ye a r s q u e e n (G.B. ). — 1941 : F i e s t a ;
Une f e m m e d a n s la n u i t. — 1 9 4 5 :
D o r o th é e c h e r c h e l'a m o u r . — 1946 :
P our une n u i t d 'a m o u r . — 194 7 : Le1
D ia b le s o u f fle . — 19 4 8 : N a o s e , i?uf
n o f in v a in (G .B .). — 19 49 : The ro-
m a n i i c â g e (G.B. ). — 1 9 5 0 : Im b an n e
m a ritim e s du Havre. M us icie n de s c i­ L ' A c c r o c h e - c œ u r , 193 8 ; Les Trois f o n t
d e r M a d a n n a (AIL). — 1953 : L'Envers
n é m a s parisi ens M ax Linder e t Palais la paire, 1 9 5 7 , qu'il s ig n e m ais ne
du P a r a d is. — 1 9 5 4 : Le P o r t du
des G la c e s ( 1 9 2 0 - 2 1 ) . Livres : « Le tour ne p a s ). S céna ris te d e to u s ses
désir. — 19 55 : T a n t q u 'il y a u r a d e s
Pr inte m ps de la liberté » ( 1 9 4 8 ) e t f il m s , qu'il inte rprète lui- m cm e pour la
f e m m e s . — 1 9 5 6 : J e p l a id e non c o u ­
« L'Amour d' une f e m m e » {1 9 54) d'apr ès pl up art.
p a b le.
les s c é n a r i o s d e ses film s. Nom br e ux
projets qu' il n'a pa s réussi à faire PR INCIPAUX FILMS :
a b o u tir, do nt Le M as sac r e d e s Inno­
c e n t s (1 9 4 6 ) e t La C o m m e d ia d e ll' A r t e 1 9 1 9 : Ceux d e c h e r no us ( M .M .). —
( 1 9 4 7 ). 1 9 3 5 : P a s t e u r . — 19 36 : Le N o u v e a u
T e s t a m e n t ; Le Ro m an d'un t r ic h e u r ;
F a is o n s un rê ve . — 1937 : Les Perles
PR INCIPAUX FILMS : d e l a co u r o n n e (en c oll. a v e c C hristian -
J a q u e ) . — 19 38 : Q u a d rille ; D ésiré.
19 23 : C h a r t r e s (C.M .) . —- 192 6 : 1939 : Ils é t a i e n t ne u f c é li b a ta i r e s .
Tour a u la r g e (C.M .) . — 192 7 M a l- — 1 9 4 2 : Le D e stin fa b u l e u x d e D é ­
rionc. — 1 9 2 9 : La P e t i t e Lise. — s ir é e C lary, — 1947 : Le C om édien . — •
1931 : P ou r un e n u it d ' a m o u r . — 1 9 3 5 : 1 9 4 8 : Le D ia b l e b o i te u x . — ■ 19 49 :
V a lse r o y a le . ■— 19 37 : G ueu/e d 'a m o u r . Au x d e u x c o /o m h e s ; T o â ; Le Trésor
— 19 38 : L'E tra nge M. V ic to r . — d e C a n te n a c , — 1 9 5 0 ; Tu m 'a s s a u v é
19 3 9 : Re m or qu es. — 1 9 4 2 •: Lumière la v i e ; D e b u rau . — 1951 : Lcr P o i ­
d ' é t é . — 194 3 : Le C/cf e s t à vou s. — son ; A d h é m a r o u le j o u e t d e l a f a t a ­
19 4 5 : Le s ix juin à l 'a u b e (C .M .). — l i t é (en c o l l . a v e c Fcrnondcl). — 1 9 S 2 :
1 9 4 8 : I S 4 S (C.M .) ; P a t t e s b la n c h e s . Je l 'a i é t é tro is f o is ; La Vie d 'u n
— 1 9 4 9 : L 'A p o c a ly p s e d e S a in t- S è v r e s Jtonnéfe h o m m e . — 19 53 : Si V e r s a il­
(C.M.} ; Les D é s a s tr e s d e la gu e r r e les m ' é t a i t c o n t é . — 19 5 4 : N a p o lé o n .
(C.M .) ; Les C h a rm e s d e l'e x i s t e n c e — 1 9 5 5 . : Si P aris nous é t a i t c o n t é . —
{en c oll. av e c Pierre Kast, C.M .) . — I l f u t lo n g te m p s u n c in éa ste
m a u d it. L’in su c c è s d e R e m o u s, 1 9 5 6 : A ss a s s in s e t Voleurs.
195D : L ' f f r a n ÿ e M m e X. — 1951 : A l­
c h i m i e (C.M .) ; C a f conc' (C .M .). — œ u v re in té r e ss a n te e t p erson ­
n e lle , o b lig ea s o n a u te u r à u n e P o rt déprécié par le s u n s,
1 9 5 3 •. L'Amour d 'u n e fe m m e ; A str o lo gie p o rté a u x n u e s par les autres. Ce
(C .M .}. — 1 9 5 6 : La M a ison d e s im a g e s carrière h eu rtée et, so m m e to u te, q u i a f a it sa gloire n e lu i su r ­
(C .M .) . p e u sig n ifica tiv e . I l p en se q u e je vivra p as : p la isa n teries m ég a ­
sexe m è n e le m o n d e et, ch ose lo m a n e s et boulevard eries soi-
D ep u is 1953 J ea n G rém illo n n ’a cu rieu se, n ’a a u c u n se n s de l ’éro- d is a n t cy n iq u es n e t ie n n e n t p lu s
pas réa lisé d e lo n g s m étr a g es ; tism e. O n p û t croire q u 'il pre­ à 1& d eu xièm e visio n n i à la
c e p e n d a n t R e m o r q u e s , L u m ière n a it u n n o u v e a u d ép art lo rsq u ’il d eu x ièm e lectu re. Mais on n e le
d 'é té e t L e S ix J u in à l’a u b e s u f ­ réa lisa, d ’ap rès Zola, P our u n e lo u e r a ja m a is assez p ou r l ’essen ­
f i s e n t à assu rer sa ren om m ée. n u i t d ’a m o u r, film d ’u n e grande tie l : il e s t a v a n t t o u t m e tte u r
M ais de ce lu i q u i, après la Libéra­ a m b itio n . N o u v el in su c c è s. D e ­ en sc è n e de cin ém a . J a n se n is te à
tio n , é t a it consid éré com m e le p u is, il essa ye de faire ce d o n t sa m a n iè re il se refu se to u t e tri­
p lu s c o m p le t des réa lisateu rs il e s t a b so lu m e n t in ca p a b le : ch erie te c h n iq u e , t o u t a r tific e
fran ça is, on espérait m ie u x e n ­ des film s- co m m ercia u x . P erson n e ex térieu r : ch aq u e e ffe t repose
core, e t s u r to u t q u'il d o n n e à n ’a en v ie d'iron iser su r le ca s d e su r l ’exp ression d 'u n a cteu r e t le
n o tr e écra n c e t t e sorte de co n s­ G réville, q u i e s t fo r t m éla n co ­ m o in d re de se s g estes e s t é lé g a n t
c ien ce so c ia le q u i l u i m a n q u e liq u e. a u se co n d degré. O u b lio n s ses fa ­
to u jo u rs. Sa c u ltu r e et sa m o d é­ d a ises h isto riq u es p u isq u e, à ses
ra tio n lu i a u ra ien t p erm is sans m eilleu res h eu res, l ’a u te u r d u
d o u te de rem p lir ce rôle d é lic a t. C o m é d ie n et û ’A ssa ssin s e t V o­
M ais les im p é r a tifs de la p rod u c­ GUITRY Sacha leu rs n o u s m o n tre qu 'il sa it où
t io n en d écid èren t a u tr e m e n t e t le se ca ch e la sp é c ific ité d u cin ém a .
caractère e n tie r de G rém illon f i t N é le 21 fév rie r 1 8 8 5 à S a i n t -P é t e r s ­
le reste. L es d em i-so lu tio n s n e lu i bourg (Russie}. Renv oy é d e o n z e in sti ­
c o n v ie n n e n t pas, ce q u ’illu str e n t t u t i o n s e t c o jl è g e s par isi ens. Ac te ur
se s tro is d ern iers film s, encore a m a te u r dès l ' â g e de cin q ans, pr o f es ­
q u e L 'A m o u r d ’u n e f e m m e m é­ s io n n e l à q u a t o r z e ans ; jo ue à la Re­ HABIB Ralph
r it â t m eilleu r accu eil. n a i s s a n c e qu e d ir ige son père, pu is en
provi nce. J o ur nalis te et c a r ic atu r is te N é le 2 9 juin 1 9 1 2 à Paris. Etudes
d ' o c c a s i o n . Entre 1 9 0 2 e t 19 5 6 écrit 1 4 2 s e c o n d a ir e s . 1 9 3 Î : c h e f d e p l a t e a u c h e z
p i è ce s e t o p é r e tt e s à s u c c è s q u e , pour P a t h é . 1 9 3 8 : sou s -d ir e c te u r d e la s o ­
une p ar tie , il joue ra , m e t t r a en sc è n e c i é t é f er m ièr e de s Stud ios S î-M a u r i c e .
GREVILLE Edmond-T. e t por tera lui- m êm e à l'é cran. A é c r it D é c o u p a g e t e c h n iq u e d e P a n iq u e (Julien
pl usie ur s p o è m es , r é c it s , recu eils de s o u ­ Du vivier, 1946J. Scé na rio de Si c e t t e
N é le 2 0 juin 19 06 à N ic e ( A lp e s- venirs (« De J e a n n e d'Ârc à Philippe h i s to i r e vous am u s e (C.M ., 1 9 4 6 ) . Di rec­
M a r it im e s ). Etudes s e co n daires. Jour na ­ Pé tain » , « S o i x a n t e jours e n prison « teu r d e produ ctio n d e C o n t r e - e n q u ê t e
l is t e (« C o m œ d ia », « Paris-Soir », qu'il é c r it à Dran cy e n 1 9 4 5 , e t c . ) . À ( J ea n Fau rez, 1 9 4 6 ) , N e u f g a r ç o n s , un
« L ' I n t r a n si g e a n t », « Vu »). Rom ans : ra c o n té ses m ém o ires à la radio e t à la c œ u r (G e or ge s Fre edland, 1 9 4 7 ) , 5 / Jeu­
<c Supp rimé par l'a sc e nseu r » , « C h a n te - télé v is io n . Possède c h e z lui un m usée n e s s e s a v a i t {André Cerf, 1 9 4 7 ) . A s s i s ­
g r e n o u ill e ». P iè c e s : « O is e aux des très riche e n t a b l e a u x , m anusc rits, o b ­ t a n t d e Jean Dréville (Le g r a n d r e n d e z -
s a x o p h o n e s », « Colin-Maillard » . R éa­ j e t s rares. Au c in ém a : ac te u r (Le Ro­ v o u s , 1 9 4 9 ) e t de J e a n -P au l Le Ch an ois
lise d e s fil m s p u b licit a ir e s à partir de nron d ’a m o u r e t d ' a v e n t u r e , 1 9 1 7) ; s c é ­ (L a b e lle q u e v o il à , 1 9 4 9 ) . Ecrit le su j et
1 9 27 . A s s i s t a n t d' Ew ald-And ré Du pont n ar iste (Le B lanc e t l e H o ir , 1931 ; de L ib r e c o m m e l'a ir ( C.M ., 19 5 1 ) .

57
FILMS
195 5 : Les S a la u d s v o n t e n e n f e r , —
195 6 : P a r d o n n e z nos o f f e n s e s .

Il e s t fa c ile , t r o p facile, d e
dire du m al de R o b ert H o ssein :
l ’a b sen ce de m é tie r d an s s e s
d eu x f ilm s crève l ’écran avec
u n e év id en ce q u i v o u s la isse
p a n to is. Aussi, rem ercion s-le
d ’avoir t e n t é de se co u er l ’a p a th ie
des p ro d u cte u r s en a b o rd an t d es
s u je ts rép u tés d ifficiles, m a is f u s ­
tig eo n s-le de n ’avoir réu ssi q u ’à
d u rcir les p réju g és de ces m ê m e s
p ro d u cteu rs.

FILMS : 10ANN0N Léo jOFFE A lex


1950 : Ru e d e s S a u s s a ie s . — 7 9 5 2 :
La F orè l d e l'adiùu. — 19 53 : LdS N e le 21 a o û t 19Q4 □ A i x -e n - P r o v e n c e N é (e Ifl d é cem bre 19 78 à Paris, Efève
C om pagn es d e la n u it ; La R a g e au (B o u c h e s -d u -R h ô n e ) . Etudes d e dr oit. Ro­ d e l'Ecole T e c hnique de Phot o e t de
c o r p s ; C r a in q u e b ille . — 1 9 5 4 : Se c r e ts m ancier : « N o s t a lg i e » , e t c . . . Ré gi sse ur Cin ém a. A s s i st a n t -o p é r a t e u r d'E u g è n e
d'alcÔYe (un s k e t c h ) . — 19 55 : Les pour G a um on t, pu is pour Ciné -R om ans. Shuftan, T. Pa hl e, Fred L a n g e n f e l d , V i c ­
H o m m e s e n b la n c . — 19 5 6 : La Loi d e s Ca m éram an , s c é n a r i s te ( N o s t a l g i e , S a x a - t o r A rm enîse, Lou is-Henri Burel, M ic hel
r u e s ; Cfufa d a f e m m e s , — 195 7 : E sca­ ph o n o S u z y , J o u r s d ' o n g o is s e ) . A s s i s t a n t Kelber e t Henri A le k a n . S e c r é ta i r e par ­
pade. d'A u g u s t o G en in a , Georg W ilh e lm P a b s t t icul ier d e Jean A u re nc he p e n d a n t d e u x
e t Carminé G a ll o n e . S p é c i a li s te d e l ' o p ­ ans. Scéna riste d e N e le c r i e z p a s sur
Il s u f f it de voir F ran çoise t iq u e , d e la ph o t o e t d e la m é c a n i q u e l e s t o i t s (1 9 4 2 ) : F lo rence e s t fo fl e
A rn ou l d an s d ’a u tres f ilm s que c in ém a t o g r a p h iq u e . T i e n t un p e t i t rôle (Geor ge s Lac om be , 194 4 ) ; d o n t il t ir e
le s s ie n s p o u r d evin er que le dans s e s derniers film s. u n e p i è c e d e t h é â t r e , « Chère Flo­
t a le n t n ’est p a s ce q u i é to u ffe r e n c e » ; C h ris tin e s e m a r i e (René Le
R a lp h , le q u e l n ’est p as un H e n a ff , 1 9 4 5) ; La Fiife d u D i a b l e (Henri
gen tlem an , e t n e ca m b riole ja m a is D e c oin, 1 9 45 ) ; T a n t q u e Je v iv r a i <( J a c ­
q u e les id ées d es au tres. Ceci dit, q u e s de Baroncelli , 1 9 4 5 ) ; A d ie u ché rie
co m m e o n d it en A friq u e d u (Raymond Bernard, 1 9 4 6 ) ; L 'assassin
Worcî, RaJpfi H ab ib a d u m é tie r . n ' e st pas coupable (René D e l a c r o ix ,
1946} ; M illio n n a ir e s d ' u n j o u r ( A n d r é
I l sa it d istin g u e r u n ch a m p d ’u n
c o n tre-ch a m p e t to u s se s raccords H unebell e, 1 9 49) ; Le B4 p r e n d d e s v a ­
s o n t ju s te s. Le grand p u b lic lu i c a n c e s (Léo Joa nn on , 1 9 4 9 ) ; T ro is t é l é ­
e n s a it gré d ’ailleu rs, q u i f a it le g r a m m e s (Henri D e c oin, 1950); Sa ns
su c c è s d e ses n o m b reu x filin s. la isse r d ' a d r e s s e ( J ea n -P a u l Le C h a n o is ,
19 50) ; N o u s iron s à M o n t e - C a r l o (Jean
Boyer, 1 9 5 1 ) ; Seul d a n s P a r is .(H e r v é
Brornberger, 1 9 51) ; Le D é s ir e t J'Àmour
HOSSEIN Robert (Henri D ecoin , 1 9 51 ) ; F e m m e s d e P aris
(Jean Boyer, 1953J ; Je r e v i e n d r a i à K a n -
N é e n 1 9 2 7 à Poris, d'u n pèr e fran ­ d a r a ( Victor V ic as, 1 9 5 6 ) .
ç a is e t d 'u n e mèr e rus se. A b a n d o n n e ses
é t u d e s pour le t h é â t r e d è s l 'â g e de q u a ­ FILMS :
t o rz e an s . Il s u i t l es cours d e T an ia 19 46 : Six he u re s à p erdre ( e n coll .
B a l a c h o v a , René Simon, J e a n M ar c ha t, a v e c Jean Lé vitt e) ; Un e R u e ( C .M .) . —
D ou k in g, Raymond R ou leau . D e v ie n t a c ­ FILMS : 19 5 2 : L e t tr e o u v e r t e . — 1 9 5 5 : Les
teur. A 78 a n s , é c r i t de ux p i è c e s t o u t H ussards ; Les A ssassin s d u D im a n c h e .
en e x e r ç a n t divers m ét ie rs (garç on de 19 3 0 : A d i e u , le s c o p a in s ; D o u a u m a n t .
— 1957 : Los F a na tique s (en p r e p .).
r e st a u r a n t , a i d e d a n s un e quin c ail ler ie , — 1932 : S u z a n n e , — 19 3 3 : Si x c e n t s
ve n d e u r de journaux) : « Les Vo you s » mîJfe fran cs pa r m ois. — 1 9 3 5 : Queffe
(frôle d e g o s s e ; La T r a v e r s é e d e l 'A t l a n ­
J o ffé e s t à la fo is u n p o è t e e t
e t « R e s p o n s a b ili t é lim it é e ». Puis m e t ­ u n réaliste. S o n œ u v re e s t fo n d é e
teu r e n s c è n e a u Grand Guignol : « Les t i q u e , — 1 9 3 7 : Vous n ' a v e z rien à d é ­
cla r e r . —- 1 9 3 8 : A l e r t e e n ' M é d i t e r r a ­
p rin cip a lem e n t su r d e u x t h è ­
S a la u d s v o n t en e n f e r » , « Dr. Jekyl l e t m e s : le d é p a y se m e n t (u n a u to ­
Mr. Hyde » , « La Chair de l'orchidée ». née. .— 1 9 3 9 : L 'E m ig r a n te . — 1941 :
Cap rices. — 1 9 4 2 : Le C a m io n b l a n c ____
b u s p a risien en rase ca m p a g n e ,
Ecrit, m e t en s c è n e e t jo ue au t h é â t r e
« V ou s qu i nous j u g e z » ( 1 9 5 7 ) . Ac te ur 1943 : Lucrèce ; La C o l l e c t io n M é n a r d ;
u n v illa g eo is se u l d a n s P a ris) e t
Le Carrefour d e s e n f a n t s p e r d u s . —
le cas de co n sc ien ce de la f a u t e
de c in é m a : Ou Rififi c h e z le s h o m m e s
19 49 : Le 8 4 p r e n d d e s v a c a n c e s . —
p ro fession n elle (L e t t r e o u v e r t e e t
(Jules Das sin, 1 9 5 4 ) , S é r ie N o i r e (Pierre
19 5 0 : A M I K . — 1957 : D r ô le d e n o c e .
L es A ssassin s d u d i m a n c h e ) . S es
Fou ca ud , 1 9 5 5 ) , Crime e t C h â ti m e n t
(G e o r g e s Lampîn, 1 9 5 6 ) , Su it-o n fermais... — 1953 : Le D é f r o q u é . — ,1955 : Le s u je ts frô len t le m élo d ra m e m a is
Secret d e Sœ u r Angèle. — 1956 : s o n t d es va u d ev illes. L e p lu s gros
(Roger V a d im , 1 9 5 7 ) , M é fi e z -v o u s , fil­ reproche q u ’on p e u t l u i faire,
l e t t e s (Yves A l l é g r e t , 1 9 5 7 ) . Ecrit e t L'Homme a u x c le f s d'or.
in te r pr è te lu i- m êm e s e s film s.
c ’e s t de m éco n n a ître c e t a r t d e
D a n s so n œ uvre, le pire cô toie l ’ellip se si ch er à L u b itsc h . M ais
le m o in s p ire. M ais il e s t sc é n a ­ e n f i n de com p te. J o f fé e s t u n
riste a v a n t to u t, de c œ u r e t M ack S e n n e t revu p a r L a b ich e.
d ’esprit, ce q u i e s t d ire ses lim i­
te s. I l n e m a n q u e p o u r ta n t p a s
d ’id ées o rigin ales lorsq u 'il s a it
frein er ses a m b itio n s th é o lo g i­ LAM PIN Georges
ques. L es sc én a rio s le s p lu s p ro­
sa ïq u es s o n t d o n c ce q u i lu i N é à St -P ét ersbo ur ^ ( R u s s ie ) . E tudes
c o n v ie n t le m ie u x . T é m o in c e t d e droit. Acteur e t régis se ur de t h é â t r e
H o m m e a u x c lé s d ’or, q u i, d a n s à M os co u. V i e n t à Paris e t à N e w York
l ’a n a ly se de la m e sq u in erie, a v e c la trou pe N i c o la s B a l i e f f pour y
n ’é ta it p a s d é n u é d ’u n e certa in e jouer « La Ch auv e-Souris ». Fixé à Paris,
vigu eu r. A u tre m ér ite : a u c u n f a i t du cin ém a : a c te u r ( C e c o c h o n d e
cin éa ste e n F ran ce n ’a v a it e u le M arin , Kean, O rdonnance), a ssista nt
courage d e do/nner à P ierre d' Abe l Ga nc e ( N a p o l é o n , 1 9 2 6 ) , de R ené
F resn ay le se u l rôle o ù cet Clair (Les de ux t im id e s , 1 9 2 8 ; Le M il ­
a cteu r p u iss e fa ire p reu v e de gé­ lio n , 1931 ; A n o u s la l i b e r t é , 1931.), d e
n ie : c e lu i d e co n cierge. Bravo, Germain e Duloc.. J a c q u e s Feyder , M ar cel
Léo ! L'Herbîer, S. Sa ndb er g, M a l i k o f f , e t c .

58
n ar iste e t a s s i s t a n t du D é f r o q u é ( 1 953 )
du m ê m e J o a n n o n .
FILMS :
19 5 5 : Les A r i s t o c r a t e s . — 1 9 5 6 : Le
S a la ir e d u p é c h é . — 1 9 5 7 : R e t o u r d e
m a n iv e lle ; L es Πufs d e l 'a u t r u c h e (en
prep»).
E n d eu x film s il a s u s’im poser
au p rès d es p ro d u cte u r s co m m e u n
m e tt e u r en sc èn e d e « q u a lité ».
Les A r is to c r a te s s o n t a v a n t t o u t
u n e ex c e lle n te o p éra tio n com m er­
ciale e t n o u s d iron s, s a n s in te n ­
t io n m é c h a n te à l ’e n c o n tr e d 'u n
co m é d ie n d ig n e d ’estim e, q u e la
p résen ce trop en v a h iss a n te de
P. F resn a y e m p ê c h a it c e tte œ uvre
so ig n é e d ’être a u tr e ch o se. Le Sct-
D ir ecte ur de pr od uc tio n e n tre 193 3 e t laire d u p é c h é m a n ife s te b ie n Sa carrière s ’in sc r it à l ’in térieu r
19 4 4 pour l'U.F.A, pu is pour Scalera d ’au tres a m b itio n s e t q u i s o n t de ce p la isa n t paradoxe1. Les d eu x
(films d e L'Herbier : La C o m é d ie du co u ro n n ées de s u c c è s p e n d a n t le g én érau x P révert o n t jo u é u n rôle
b o n h e u r ; L 'h o n o r a b le C a t h e r in e , e t c . ) . p rem ier tiers d u film . A près les d a n s s a v o ca tio n , p u is il a ch o isi
ch o se s s e g â t e n t. L a P a tellière en la v é r ité o u p lu tô t : les p e tite s
FILMS : e s t à s o n tr o isièm e f ilm e t il est vérités. I l a sa p la ce d a n s le
1946 : L'Idiot. — 1 9 4 7 : L'éternel
p ro b a b le q u ’il n e s'arrêtera p a s c in é m a fra n ça is a u m êm e titr e
c o n f li t. — 1949 : Le P a r a d is d e s p i lo t e s e n s i b o n c h em in . E n tre l ’acad é­ q u e p ap a, m a m a n e t la b on n e.
p e r d u s ; Retour à la v i e (un s k e t c h ) . —
m ism e tr a n q u ille q u i le g u e t te e t S o n d ern ier film , u n e m esu re au -
19 5 0 : Les .Anciens d e S a i n t - L o u p ; P a s ­ d es in t e n t io n s p lu s fo r te s (cf. l ’in ­ d essu s, e s t r é e lle m e n t courageux,
s io n . •— 1951 : La M a is o n d a n s la du n e . flu e n c e d ’H itc h c o ck e t d ’A stru c car l ’a c c o u c h e m e n t sa n s d o u leu r
1 9 5 2 : S u iv e z c o t h o m m e . — 19 56 : d an s L e S a la ire) il l u i fa u d ra ce n ’e s t p a s en core très pop u laire
C r i m e d t C h â ti m e n t . ch oisir... e t co n tr e l'a cad ém ism e d u c ô té d u P o u q u e t ’s. S o n m étier,
s'il v e u t fa ire p a rtie d u n o u v ea u s o n h a b ile té d a n s le to u r n a g e , ses
U n R u ss e très p a risien e t (.artis­ p e lo t o n d e tête, d u cméraa. fra n ­ su c c è s n e l u i o n t p a s to u r n é la.
tiq u e m e n t) p as t e lle m e n t fra n ­ çais. S in o n , gare a u reto u r d e m a ­ tê te , p u is q u ’il a t e n té c e tte aven ­
çais. Ce côté sla v e , m o n tp a rn o e t n iv elle. tu r e pas te lle m e n t « com m er­
p a s d u t o u t c a rtésie n , il lu i fa u ­ ciale ». C e tte b o n n e ca u se, d é ­
drait l'assu m er a v ec p lu s d ’ou­ fe n d u e par u n film sa n s d étours,
t r a n c e p o u r éch ap p er a u d o sto ïew - LE C H A N O IS jean -P a u l m é r ite t o u t e s le s sy m p a th ies.
sk ism e à bon m a rch é. L ’éch ec de N é le 25 o c to b re 1 9 0 9 à Paris. De son
C r im e e t C h â t i m e n t tern i ré­ vrai nom J .-P . Dr eyfu s. D ' a s c en d a n c e s LEENHARDT Roger
tr o sp e c tiv e m e n t le so u v en ir d e b r e to n n e s, ir landaise s e t a l sa c i e n n e s . Li­
L 'Id io t. Lyon n ’e s t p as M oscou e t c e n c ié e n dr o it, e n ph ilo so ph ie . Com ­ N é le 23 ïu il le t 190 3 à Paris. Radio­
S p aa k n ’a p a s l e s o u f f le russe. m e n c e s e s é t u d e s d e m é d e c i n e , l es inter­ reporter, crit iq ue lit té rair e, r om an cier,
De p a rt et d ’a u tr e d e l ’Oder le rom p t : marin, é le c t r i c i e n , ouvrier a g r i ­ m on te u r , crit iq ue c in é m a t o g r a p h iq u e de
c in é m a n e p e u t-ê tr e q ü e so v ié ti­ c o le , t ra v a ille u r e n usine, r e p r é se n tan t, « Esprit », d e s « Le ttr es Fran çaises »
q u e o u p as so v ié tiq u e. M êm e De ty p o g r a p h e , ga r ç o n d e r e st a u r a n t , s e cr é ­ e t d e « Fontaine ». Président d e s Films
S a n tis, q u i av a it d u m u scle, s'y t a ir e d e r é d a c tio n à « La Revue du Ci­ du C om pas (court s m é t r a g e s ). Président
e s t fo r te m e n t cassé l e n ez. né m a » , a u t e u r d e c h a n s o n s (pour Edith des J o u r n é e s du C in é m a . A produ it de
P i a f, M a r ie B i z e t , Re né e L ebas, Yves no m br eux fil m s pour sa propre c o m p a ­
M o n t a n d ) . Fait le tour du m ond e. A c t e u r gnie.' S c é n a r is te d e L'Amour a u t o u r d e
LA PATELUERE Denys de de L ' a ff a i r e e s t d a n s Je s o c (Pierre Pré- la m a is o n (Pierre d e Hérain, 19 4 6 ) .
v e r t, 1 9 3 1 ) , a d j o in t à la d ir ec t io n d e la
N é à N a n t e s e n 1 9 2 1 . Prépa re St-Cyr. PRINCIPAUX FILMS :
S t é Pat h é , m o n te u r (L a D a m e d e C h e z
M é ti e r s divers : re piq ue d e s b e t te r a v e s , M axim !s, 193 3 ; K o e n i g s m a r k , L'Equi­ 1 9 3 4 : L ' O r i e n t q u i v i e n t (C.M .) . —
trav aille da ns un h ar as, c o u p e du bois p a g e , 1 9 3 5 ; La M a r s e i ll a i s e , 19 37 ; De 19 4 0 : F ê te s d e France (C.M .) . — 19 43 :
en m o n ta g n e . M aquis ard , f a i t p a r t ie de M a y e r l in g à S a r a je v o , 1 9 3 9 ) . A s s i s t a n t Le C h a n t d e s o n d e s (C .M .). — 1 9 4 6 :
l'a r m é e de lib érat ion. 1 9 4 5 - 4 7 ; ouvrier d ' A le x o n d r e Korda, Ju lie n Du vlvi er (Poil N a i s s a n c e du c in é m a ( C .M .) . — 1 9 4 7 :
dans un la bo r ato ir e ( d é v e l o p p e m e n t, t i ­ d e c a r o t t e , 1 9 3 2 ; Le p e t i t r o i, 193 3 ; Les D e r n iè re s v a c a n c e s . — 19 4 8 : E n tr e z
r a g e ) . M o nteu r a u x À c t u a l i i é s Fra nçai­ Le P a q u e b o t T e n a c i ty , 1 9 3 3 ) , d e M a u r ic e d a n s l a d a n s e (C.M.J. — 1 9 5 0 : La Fu­
s e s . M o n t e é g a l e m e n t d e nom br eux d o ­ T ou rn eu r, M a x Ophiils, A n a t o l e Lit vak, g u e d e M a h m o u d (C. M.). — 1951 : Vic­
c u m e n ta i r e s e t A l i c e a u p a y s d e s m e r ­ de J e a n Renoir (L a M a r s e illa is e , 19 3 7 ) . t o r H u go (C .M .). — 1 9 5 4 : François
v e il le s (Lou Bunin, 1 9 4 8 ) à la r é ali s a­ S c é n a r is te d e L 'ir r é s is tib le r e b e l l e ( 1 9 3 9 ) ; M a u r ia c (C.M .) ; Louis C a p e t ( C.M .) .
t i o n duqu el il c o ll a b o r a a c t i v e m e n t . A s ­ P ic p u s ; H u it h o m m e s d a n s un c h â t e a u ;
s i s t a n t d e nom br eux film s, d o n t c e u x de Le M o u s s a illo n (1942) ; C é c i le ejf L e p lu s su b til th é o r ic ie n de
M a u r ic e Labro (L 'h é r o ïq u e M o n sie u r m ort e ; 2 5 a n s d e bonh eur ( 1 9 4 3 ) ; La cin é m a en. F rance. I l m ép rise le s
Boni f a c e , 1 9 4 9 ) , G eorges Lac am be ( P ré- M a in d u D i a b l e ; La Fille a u x y e u x g r is paradoxes, m a is il en faLt. H m é­
lu d e _ à l a g lo ir e , 1 9 4 9 ) , Richard Potti er, (1 9 4 5 ) ; L'Idole ( d ia l. u n iq u e m e n t, prise les fa u x a rg u m en ts, m a is il
Ren é Le H é n a ff , G eo r g e s Lampin (S u i­ 194 7) ; L a D a m e d ' o n z e h e u r e s ( 1 9 4 7 ) ; e n d o n n e. I l m ép rise le cin ém a ,
v e z c e t h o m m e , 1 9 5 2 ) . Travaill e à p lu ­ L 'I m p a s s e d e s d e u x a n g e s (1 9 4 8 ) ; F a n ­ m a is il l ’aim e. Il n ’aim e p a s le s
sieur s s c én a rio s pour Léo J oan n on . S c é ­ d a n g o ( 1 9 4 8 ) ; M a r lè n c (1 9 4 9 ) ; La M a i ­ b o n s film s, m ais il en tourne.
s o n d a n s la d u n e ( 1 9 5 1 ) ; D o u z e heures
d e b o n h e u r ( 1 9 5 2 ) . E g a le m e n t t r a vau x
de d o u b l a g e , a d a p t a t i o n s f r a n ç a i s e s.
FILMS :
19 3 8 : Une I d é e à l'e au (C .M .). —
19 4 6 : M o n s ie u r L u d o v ic ; A u c œ u r d e
l'o r a g e . — 1 9 4 8 : L'Ecole b u is o n n iè r e .
— 19 49 : La B e lle q u e v o il à . — 1950 :
Sans la is s e r d ' a d r e s s e . — 1951 : A g e n c e
m a fr i/n o n ia ie . — 19 53 : Le V i l la g e m a ­
g iq u e . — 19 5 4 : P a p a , M a m a n , la b o n n e
e t m o i. — 19 5 5 : Les E v a d é s ; P a p a ,
M a m a n , m a f e m m e e t m o i. — 19 5 6 :
Le C a s d u D o c t e u r L a u r e n t. — • 19 5 7 :
Les M is é r a b le s (en prép. ).

Il cro it à la « g e n tille sse » et


f u t secrétaire de réd a ctio n de L a
R e v u e d u C inéma . E st-ce p o ssib le ?

59
à partir de 1925, pu is m onte ur (L e
M y s t è r e d e l a cham br e j a u n e , 1 9 3 1 ).
Cr éat eur de c o s tu m e s pour de no m ­
breus es p i è c e s de t h é â tr e e t pour de
nom br eux f il m s do nt il f u t a s s e z s o u v e n t
l'a s s is t a n t et le m o n te u r : L'>4rgent
( 1 9 2 7 ) , Le P a r fu m de l a d a m e e n no ir
( 1 9 3 1 ) , V e ille d 'a r m e s ( 1 9 3 5 ) , La P o r t e
du la r g e ( 1 9 3 6 ) , A d r ie n n e ■ L e couvreur
( 1 9 3 8 ) , e t q u e lq u e s a u t r e s oeuvres de
M. L'Herbier. C os t u m es d e J e u n e s f ille s
e n d é t r e s s e (G. W. P a bs t, 1 9 3 9 ) , Vautrin
(1 9 4 3 J , Le Père G o r io t (1 9 4 4 ) e t Le
Caprfan ( 1 9 4 5 ) , to u s d e Robert V erna y.
Professeur □ l'I .D.H.E.C. ( s e c t io n c o s ­
tu m e s ) fu squ'e n 1951. A é c r it da ns la
« Revue d u Ciném a » : « David W ar k
G riffi th » (1 9 4 6 ) e t dir ige le nu méro
s p é c ia l « L'Art du c o s tu m e à l'é cran »
(1 9 4 9 ).
L’HERBIER Marcel Ses d eu x d ern iers film s Q u an d
FILMS : t u lira s c e t t e l e t t r e e t Boo le
F la m b e u r s o n t m o in s a p p réciés
N e le 23 avril 1 8 9 0 à Paris. Licenc ié
en droit e t es le t t r e s ; d iplô m é d e l'Ecole
19 4 7 : Une g r a n d e f ille t o u t e s im p l e . q u e ses d eu x prem iers, L e S ilen ce
— 1 9 4 9 : Julie d e C a rneilhan . <tz la M er e t Les E n f a n ts te r r ib le s ;
d e s H a u te s Etudes So ciale s, P o è t e (« Le
p o u r ta n t, b ien q u e p riv és d ’u n
Jar din d e s jeux s e c r e t s » ) , au teur d r a ­ su p p o rt littéra ire, ils n ’e n s o n t
m a t i q u e {« L ' E nfante m e nt du m ort »),
e s s a y i s t e (« I n t e l l ig e n c e du c in é m a t o g r a ­
p a s in d ig n e s. O n y d isce rn e u n e
certa in e q u a lité de ly rism e dan s
p h e » , 1 9 4 6 ) , c o n f ér e n c ie r, jo urnali ste
(« Paris Midi », « Comoe dm », « Opéra »,
l a c o n d u ite d u récit. M elville e s t
« Le M o n d e » ) . Nom b r e u s e s é mis sions de
sa n s d o u te d av a n ta ge u n p rod u c­
radio e t d e t é l é v is i o n . S cénaris te de T o r ­
t e u r q u ’u n m e tte u r e n sc èn e. Le
m e ille u r d e s o n in sp ira tio n , il le
r e n t (1 9 1 8 ) e t d e B o u c l e t t e ( 1 9 1 8 ) . Su­
p ervise Le M a r c h a n d d e p l a is i r (1 9 2 3 ) e t
d o it p e u t-ê tr e à so n s o u c i d 'éco­
La G a le r ie d e s m o n s tr e s ( 1 9 2 4 } de Jaq u e
n o m ie . Il to u r n e avec d es a cteu rs
C a t e la i n . Une d i z a in e d ' a u t r e s films en
de se co n d p la n e t les d irige ad ­
t a n t q u e di r ec te ur a r ti s ti q u e .
m ira b le m en t, il u tilis e d es e x té ­
rieu rs réels e t les m o n tre com m e
n u i n e les a m on trés. SI Jea n -
PRINCIPAUX FILMS :
P ierre M elville n ’a rien à dire, il
191 8 : Ro se Fronce. — 1920 : le d it très bien.
L'ho m me du la rg e . — 1921 : El Dorarfo.
— 1 9 2 2 : Don Juan e t F a u st. — 19 2 3 ;
L 'In h u m ain e . — 7 9 2 5 : F eu M a t h i a s P a s -
•cal. — 19 27 : L ' a g e n t , — 193T : Le
M y s tè r e rfe la c h a m b r e ja u n e ; Le P a r ­ MICHEL André
f u m d e l a d a m e e n noir. — 1 9 3 5 :
Vaille d'ar m e s ; La R o u te i m p é r ia l e . — N ’a p a s jo u é d a n s le cin ém a N é l e 7 nove m br e 1 9 1 0 à Paris.
19 3 6 : La P o r te d u l a r g o . — 19 37 : fra n ça is de l ’im m éd ia t après- Lic e nc e en droit. Critique c in é m a t o g r a ­
guerre l e rôle q u e lu i m é r ita it phiq u e . A s s i s t a n t d e Gregori R appo po rt,
La C i t a d e l l e d u s il e n c e ; F o rfaiture. —
1 9 3 8 : La T r a g é d ie i m p é r ia l e ; A d r ie n n c so n exp érien ce, s a c u ltu r e, so n Henri D i a m an t- B e r ge r , G eo r g - W il h e lm
Le c o u v r e u r ; E n te n t e c o r d ia l e . — 1 9 3 9 : g o û t sû r et ra ffin é. S o n prem ier P a b s t , Ludtfig Berge r, Cu rtis Bernhar dt.
La C o m é d ie d u bon heur. — 1941 i H is ­ film a d es ta s de q u a lité s q u e En 1 9 4 4 , fo n d e e t d ir ige a v e c Henri
to ir e d e rire. — 19 42 : La N u i t f a n t a s ­ l ’en se m b le n e résu m e pas, Le s e ­ A le k a n le Service C in é m a to g r a p h i q u e du
t i q u e ; L 'H o n o ra b le C a th e r in e ; L a V ie co n d v a la it m ie u x q u ’un, a cc u e il C o m i t é d'A c t io n de la R é s i s t a n c e , Direc­
d e b o h è m e , — 19 45 : A u p e t i t bo nheur. tièd e. C’e s t n o n s e u le m e n t u n do­ t e u r - g é r a n t de la S o c i é t é d e produ ction
— 1 9 4 6 : L 'A f fa ir e d u c o llie r de la c u m e n t très a u th e n tiq u e su r -telle La L an te r ne M a giq ue .
r e in e . — 1 9 4 7 : Lo R é v o l té e . — 19 4 9 : fr a c tio n de la so c ié té de te lle
Les Derniers jo urs d e P o m p e /. — 19 5 3 : ép oq u e, c'est a u ssi l'u n d es m e il­ FJLMS :
Le P è r e d e m a d e m o i s e l le . leurs rôles q u ’a it Jam ais e u Ed­ 1 9 4 4 : 10 m in u t e s sur le s F.F.I. (CM ).
w ig e F e u illèr e e n fin e x a c te m e n t — 1 9 4 5 : La Rose e t le R é s é d a (CM ). —
A vo u é s a vie au se p tièm e art. a d éq u a t au p erso n n a ge q u ’elle in ­ 194 7 : Sport e t P a r a p lu ie (CM ). —
La p la ce q u ’il con serve au jou r­ carne. C h ez J a cq u es Manuel l'es- 19 4 8 : C o m b a t sa n s h a in e (CM , Su isse ).
d ’h u i, il l a d o it p lu s, s a n s d o u te, à t h è tis m e e t le g o û t s'a p p u ie n t — 1 9 4 9 : E d ga r e t sa b o n n e (CM ). —
se s n o m b r e u s e s a c tiv ité s en fa ­ su r la co n n a issa n ce,., et, en tre 1 9 5 0 : B r a q u e (CM) ; M a r o c d' aujo ur-
v eu r d u c in é m a q u ’à u n e œ uvre au tres, celle profond e d u c in é ­ d ' h u i (C M ). — 795J : T rois f e m m e s . —
cin é m a to g r a p h iq u e a b on d an te, m a a m érica in . Alors ? R egret­ 1 9 5 5 : La S orc iè re . — 19 5 7 ; Les J oues
m a is q u i a p p a rtie n t au passé. to n s q u e sa n o n c h a la n c e h a u ­ en f e u {en pr é p.).
S o u cieu x de vu lga riser « l ’in te l­ t a in e d e grand se ig n e u r l ’a it
lig en ce du c in ém a to g ra p h e », écarté d e la m êlée. P e u à p eu il se f a it sa p la ce a u
s u r t o u t au p rès d es Jeunes, Qui so le il. Appuyé sur le c im e n t arm é
s o n t j u s t e m e n t ceu x q u i ig n o ­ d ”A u ren ch e e t B o st, il va fa ire
r e n t le p lu s ses f ilm s — à p a rt
p e u t-ê tr e L ' H o n o r a b l e C a t h e r i n e
— il a p a rco u ru u n lo n g it in é ­ MELVILLE Jean-Pierre
raire, in a u g u r é dans l'av a n t-
garde (Vi^a D e stin , D o n J u a n e t N é l e 20 oc to b re 1 9 1 7 . De son vrai
F a u s t, L 'I n h u m a in e ) , q u i m éri­ no m Jean-Pie r r e G runbach. Etudes s e ­
t a i t m ie u x q u e de s e term in er c o n d a ir es . R e pr é se nta nt d e c o m m e r c e. En
su r L es D e r n ie rs fo u r s d e P o m - A n g le t e r r e p e n d a n t la guerre^ 1 9 3 9 - 1 9 4 5 .
p é ï e t Le P ère d e M ade m o iselle. A son reto ur , fo n d e la S o c i é t é M e lv ill e
M ais il a d es p r o je ts à la T élé­ Pr o d u c t io n s, pour l a q u e ll e il réali se ses
v isio n , où il n e d ésesp ère p a s de trois pr e m ie r s film s. E g a le m e n t r é a li s a ­
retrou v er « l ’in n o c e n c e D’E ldo­ teu r à l a Té lévis io n f ra n ça is e .
r a d o ».
FILMS :

1945 : 2 4 he u re s d e la v ie d'u n clo w n


M A N U E L Jacques (C M ). — 19 47 : Le Sifence d e l a m e r . —
19 4 9 i Les E n ta n ts t e r r i b le s . — 1 9 5 3 :
N é le 3 s e p t e m b r e 1 8 9 7 à Paris. Q u a n d t u liras c e t t e l e t t r e . — 1 9 5 6 :
L ic e n c ie e n droi t. A s s i s t a n t de L'Herbier Bob l e f la m b e u r .

60
so n prem ier « grand f ilm » et PACNOL Marcel
n o u s serion s b ien em barrassé de
prévoir c e q u ’il sera. I l a fa it
p reu v e m a in te s fois de q u a lités N é le 25 fév rie r 1895 à A u b agn c
d iverses d o n t on n e p e u t encore ( B o u c h e s -d u -R h ô n e ) . Fils d 'in s tit ute ur .
d éte r m in e r le lieu g éo m étriq u e. Lic encié e n a n g l a is , pr ofesseur d 'a ngla is
L a S o rciè re o ù le b on a lte r n a it e n pr o vinc e, puis à Paris. Fond ateur e t
a v ec le so lid e et le so lid e avec di r ec te ur d e la revue l it té r air e « For-
l ’i n u t i l e a c o n n u le su c c è s n éces­ tunio » (ou « Les Cahiers du Sud »,
saire e t su f f is a n t p o u r q u e la 1 9 1 1 ) , d e s « Ca hiers du Film » ( 1 9 3 2 ).
p r o d u c tio n lu i fa sse c o n fia n c e et Livres : « La P e t it e Fille a u x ye u x
le tr a ite co m m e u n « grand ». C et som b re s », « Pirouett es » , u Premier
o p tim is te se ren d -il c o m p te q u'il am ou r » ; au t r es livresr ti r é s d e s s c én a rio s
jo u e gros et q u e la p ru d en ce n e d e s e s fil m s : « Les Le’ttres d e mon m o u ­
p a ie pas. N ou s p rio n s p o u r lu i. lin » , e t c . A u te u r dr a m a tiq u e : « C a ­
t u ll e », « Ulysse c h e z les P hé nic ie ns »,
« Les M a r c h a n d s de g lo ir e » ( 1 9 2 5 ) ;
« Direct au c œ u r », « J a z z » ( 1 9 2 6 ) ;
M OGUY Léonidc « T o p a z e » (1 9 2 8 ) ; « M arius » (19Z9 ) ;
« Fanny » ( 1 9 3 1 ) ; « César » (1 9 3 6 ) ;
N e le 14 juillet’ 19 00 à S t -P ét ersbourg « J u d a s » ( 1 9 5 5 ) . S cénaris te d e A ia nus
l'Ecole d e s Ar ts A p p li q u é s . A s s i s t a n t de
( Rus sie ). De son vrai nom Léoni de M a - ( A le x a n d e r Korda, 1931J , f o n n y (Marc
A l l é g r e t , 1 9 3 2 ) , T o p a z e (Louis Gasnier, M arcel Ca rn é, Ju lie n Duvîvier, Emil E.
g u ile v s k y . Etudes à O dess a : do c teu r en
1932). P r o d u c t e u r -d i a l o g u is t e d e To ni Rein ert, Henri C a l e f, J a c q u e l in e A u -
dr o it. Séjour a u x Stud ios Dimitri Khari-
( Je an Renoir, 1 9 3 4 ) , T a r to r in d e T a - dry, e t c . Conseill er t e c h n iq u e d e s Ser-
t o n o f f ( 1 9 1 8 - 1 9 2 3 ) , A Kiev, c h e f de
r a s c o n {Raymon d Bernard, 1 9 3 4 ) , M o n ­ g e n t s d u F o r t-C a r ré (195.1), Un jour a v e c
s erv ic e d e s a c t u a l i t é s e t d e s courts m é ­
s ie u r B r o t o n n e a u ( 1 9 3 9 ) . D ialogu e s du vous ( 1 9 5 1 ) , Une g o s s e « s e n s a s s »
t r a g e s d'Ukrai ne, pu is à M o s co u , di r e c ­ ( 1 9 5 7 ).
teur d u labor at oir e du fil m s c ie n t if i q u e R o sier d e M m e H usson ( 1 9 5 0 ) . Fonde en
( 1 9 2 3 - 1 9 2 8 ) . Y réalis e q u e lq u e s film s. 1 9 3 2 la S o c i é t é des Films M arcel P a -
FILMS :
S ' é ta b l i t e n France. 19 35 : C o llaborate ur gn o l : producteur e t sc é n a r i s te d e t o u t e
t e c h n iq u e d e B a c c a r a . 1 9 4 0 - 1 9 4 7 : Séjour so n œ u v r e f il m é e . M embr e d e l 'A c a d é ­ 19 4 8 *. Les P e t it s P o u l b o t s ( CM ). —
à H o ll y w o od. 1 9 5 2 : Su pe rv ise e n Italie mie F rançai se depu is 194 7. 19 4 9 ; B o u z a r é h a (CM) ; Les B ê t e s , c e s
P i c c o l e M a m m e (L'Enfant d'u ne a u t r e ) . in c on n u e s (CM ). — 1951 : lis é t a i e n t
c in q . — 1953 : Le G r a n d P av ois . —
FILMS : 1 9 5 7 : L 'A m i d e l a / a m i // c .
19 3 6 : Le M io c h e . — 1 9 3 8 : Prison
s a n s b a r r e a u x ; C o n flit. — 1 9 3 9 : Je S o n refu s de la facilité, le
t'a tte n d r a i. — ] 9 4 0 : L'E m p rein te d u m èn e a op ter pour la c o m p le x ité :
D i e u ; Tvfo v/om en ( U .S.A .) . — 1942 : erreur de ca lcu l. Il est lou a b le
T h e N i g h t is E ndin g ( U .S.A .) . — 19 43 : d e se d on n er d u m al, en core
i n te r n a t i o n a l Z o n e (U. S.A.) ; Paris a f t e r fa u t-il ne pas g a sp iller ses
Dark (U .S .A .) ; A c t io n in A r a b ia effo r ts ; p lu tô t q u e de perdre u n
( U .S .A .) . — 19 45 : W h i s t ie S t o p (T ra ­ te m p s p récieu x à régler u n m o u ­
g i q u e r e n d e z -v o u s ) (U .S .A .) . — 1947 : v e m e n t d ’ap p areil s u b til, m ieu x
B c t h s a b é e . — 19 4 9 : D o m a n i e t r o p p o v a u t faire d ix p ag es d u s c r ip t e n
T a r d i ( D e m a in , il se ra trop tard , I ta lie) . u n se u l p la n fix e e t so ig n er par­
— 1 9 5 ] : D o m a n i e un A l t r o Giorno tic u liè r e m e n t le je u des acteu rs,
(D e m a in e s t un a u tr e jour, I ta lie) . — su r to u t lo rsq u ’on v e u t te n te r de
19 5 3 : Les E n fan ts d e l'A m o u r . — 19 56 : réussir u n e com éd ie, e t ce n ’est
Le l o n g d e s t r o t t o i r s . — 195 7 : D o n n o z - p a s C ukor q u i n o u s d ém en tira . Il
m o i m a chance. d o it apprendre à sérier les pro­
b lèm es, à tro u ver p o u r c h a c u n la
Ce d é n ic h e u r d 'étoiles est, a u so lu tio n a d éq u a te : il en e s t ca­
cin ém a , ce q ue R ay m o n d e Ma- pab le.
FILMS :
ch ard e s t à la littéra tu re. I l f a it
d a n s le m é lo socia l et rafle ré­ 19 3 3 : D i r e c t a u c œ u r (M .M .) ; L é o-
g u liè r e m e n t les prix au R éféren ­ p o l d le b i e n - a i m é (M .M .) ; La Gendre d e
d u m d e V ichy. P as u n se u l de A l P o ir ie r ( M .M .) , — 1 9 3 4 ; Le V o y a g e PREVERT Pierre
se s f ilm s q u i s o it v ra im en t s in ­ d e M. Perrichon ( M .M .) ; J offr oi (M .M .) ;
cère, p a s vin sfcul q ui n e s o it u n L ' A r t ic l e 3 3 0 (M .M .) ; A n g è l e . — 19 35 : N é le 26 mai 190 6 à NeuiHy^sur-Scine
t a n t in e t p o rn o grap h iq u e. Q uelle M er/usse (M.M .) ; C i g a l o n ( M .M .) . — (S e in e ). Frère d e J a c q u e s . Etudes pri­
c o lle c tio n de f ille tt e s d éflorées 19 3 6 : César. — 19 37 : R e g a in . — 1 9 3 8 : maires. Pr oje ctio nnis te c h e z Erka. Tra­
et de fesses à l ’air 1 Ce genre Le S c h p o u n t z ; La Fem m e d u b o u la n g e r , vaille e n s u i te dans la p u b l i c i t é e t (a
b ie n p a rticu lier, q ui c o n sis te à — 19 40 : La FilSe d u p u i s a ti e r . — 19 41 : di str ibutio n ( 1 92 5"1 9 2 8 ) . A c t e u r : La
m o n trer au x je u n e s fille s ce La P r ièr e a u x é t o i l e s ( in a c h e v é ) , — Joie d 'u n e h e u r e (André Cerf, 1 9 28 ) ;
q u ’il n e f a u t p as faire en m o n ­ 1 9 4 5 : N a i s . — 19 4 8 : La Belle M e u ­ Le P e t i t C h a pero n r o u g e ( A lb e rto C av al -
tr a n t a u x sp e c ta te u r s d e s jeu n e s n iè re . — 19 50 : T o p a z e . — 1952 : c a n t i, d o n t il e s t l'a s s is t a n t , 1 9 2 9 ) ;
fille s q u i f o n t j u s te m e n t ce q u ’il M anon des sources. — 1 9 5 4 : Les L 'A g e d 'o r ( Luis B u nu el, 1 9 30 ) ; B a i e y-
n e f a u t p as faire, sou lève le L e t tr e s d e m o n m oulin. d i e r (Jean M am y, 1 9 3 1 , é g a l e m e n t a s s is ­
cœ u r des m o in s d élicats... m a is t a n t ) ; La P o m m e do t e r r e (Yves A l l é g r e t ,
le s d istrib u teu rs, d it-o n , y tr o u ­ G én éra lem en t m ép risé d es CM, 1 9 34) ; M o lle n a r d (Robert Si odm ak,
v e n t le u r co m p te. p urs c in ép h iles, co n n a ît d ep u is 1 9 35) ; Les D e u x t i m i d e s (Yves A l l é g r e t ,
q u e lq u e te m p s u n reg ain d ’in té ­ 19 4 1 ) ; Le Soleil a t o u jo u r s raiso n (Pierre
rêt. A vrai dire, o n n e s a it q u ’en Bî llo n, 19 41 ) ; Fclicie N a n t e u i l (Marc
p en ser. Très so u v en t, in su p p o r­ A l l é g r e t , 1 9 4 2 ) , e t d a n s s e s propres film s.
tab le, m iséra b iliste èt b âcleu r, il A s s i s t a n t de De ni se T u a l- B a t c h e f f , J e a n
surp rend fa v o ra b lem en t a u m o ­ M am y, J e a n Renoir (La C h ie n n e , 1 9 3 1 ) ,
m e n t où n o u s n o u s y a tte n d io n s M ar c A ll é g r e t (L a P e t i t e C h o c o l a t iè r e ,
le m o in s : M a n o n d e s S o u rces 1 9 3 1 ; Fan ny, 1 9 3 2 ; L 'H ô teI d u lib re
e t L es L e t t r e s d e m o n M ou lin , é c h a n g e , 1 9 3 4 ) ; Richard Potti er (U n
aux m e illeu rs m o m en ts, n o u s O ise a u r a r e , 1 9 3 4 ; Fa n fa re d 'a m o u r ,
r a p p e lle n t A n g èle p lu t ô t q u e 19 35 ; D isq u e 4 1 3 , 1 9 3 7 ; 2 7 , rue d e
La f i l l e d u p u is a tie r . la P a ix , 19 37 ; Lumières d e P a rts, 1 9 3 8 ) ,
M arcel Carné (Drôle d e d r a m e , 1 9 3 7 ) ,
Robert Si od m ak ( M o lle n a r d , 1 9 3 5 ) , M a u ­
rice G leize (Le R é c if d e c o r a il, 1 9 3 9 ) .
D é c o u p a g e de L a d y P a n a m e (Henri J e a n -
PlN OT EAU Jack s o n , 1 9 4 9 ) . P e n d a n t l a gue r r e , j o u e en
Z on e Sud a v e c s a c o m p a g n ie « Dom ina »
N é le 2 3 s e p te m b r e 19 23 à Clair- d e M arcel À c hc r d. Depuis 1 9 5 2 , se
f o n t a i n e ( S .- e t - O .) . Fils du di r ec te ur de c o n s a c r e à son c a b a r e t, « La F ont ai ne
pr o d u c tio n Lu cien P in o t ea u . Elève d e d e s q u a t r e s a is o n s ».

61
d a m e Bovary ; 7"oni. — 1 9 3 5 : Le Crim e ne uil, 1 9 5 2 ) , Il e s t m in u i t , d o c t e u r
d e M r. Lang e. — 1 9 3 6 : Les B a s - fo n d s ; Sc ftw eitz er (André H a g u e t, 1 9 5 2 ) , Les
Une p a r t i e d e c a m p a g n e ( M .M .) . — I n t r i g a n t e s (Henri Decoi n, 195 4) ; O n e
1937 : La Maser'JJa/se ; La Gran de Illu­ fille é p a t a n t e (Raoul A n dr é, 1 9 55).
sio n. — 19 38 : La B ê t e h u m a in e ; La
R è g le d u je u . — 1941 : S w a m p Y /a t e r
(L'Etang t r a g i q u e , U .S .A .). — 19 43 :
This Land is M in e (Vivre libre, U .S .A .).
— 1945 : Tfio S o u t h e r n e r (L 'H om me du
Sud, U.S .A .) ; T h e D iary o f a C h a m b e r -
m e i d (Le Journal d'u ne f e m m e d e c h a m ­
bre, U.S .A .). — 1 9 4 6 : I / i e W om a n on
t/re B e a c h (La Fem me sur la p l a g e ,
U.S .A .). — 1 9 5 0 : T h e R iv e r (Le Fleuve,
Indes). — 1 9 5 2 : La C a r r o z z a d 'O r o
(Le Carrosse d' or, I t a l i e ) . — 1 9 5 4 :
Frençh Ca n can . — 1 9 5 6 : Elena e t les
h o m m e s.

D es m illier s de lig n e s o n t été


FILMS : p u b liées d a n s c e tte rev u e su r
J ea n R en o ir. E lles n e p e u v e n t se
19 3 2 : L ' A f fa i r e e s t d a n s l e s a c . — résu m er en u n e fic h e . D a n s to u ­
193 5 : Le C o m m is s a ir e e s t b on e n t a n t te s les éta p es d e sa lo n g u e car­
(en c oll. a v e c J a c q u e s B e cker), — 1 9 4 3 : rière — fra n ça ise, am érica in e,
A d i e u , L é o n ard. — 1947 : V o y a g e su r­ in d ien n e, ita lie n n e , p u is d e n o u ­
prise . veau fra n ça ise — il a p ro u v é e t FILMS :
réprouvé q u e d e to u s le s .c lim a ts
e t d é to u s le s gen res il sa v a it 1932 : Suzanne. — 1933 : U n e v ie
A jo u é u n rôle im p o r ta n t d a n s p erdu e. — 19 36 : Rose. — 19 37 : Le
la carrière de so n frère e t d on c tirer le m eilleu r, q u ’il a b o u tis ­
sa it to u jo u r s à u n e m a tière c in é ­ M e ss a g e r . — 1939 : L'Esclavc b la n c h e
d an s l ’é v o lu tio n d u c in ém a fran­ ( en c oll. a v e c Gcorg W ilh elm P a b s t ). —
çais. A u ra it p u a u ssi être le ch ef m a tog ra p h iq u e e x c e p tio n n e lle ­
m e n t lib re, rich e, d en se, variée, 19 45 : Le Coupie i d é a l (en c o ll . a v e c
de f ile d ’u n n o u v e a u c in é m a co ­ Bernard-Ro(and) . — 1 9 5 6 : Les Sorcières
m iq u e, e n p u iss a n c e d a n s to u s t a n t su r le p la n p la s tiq u e q u e
se s film s . L ’éch ec d e V oyage-S u r- sp iritu el. C 'est à to r t a u e cer­ d e Sale m .
p rise a m a rq u é u n arrêt alors q u e ta in s lu i o n t f a it g rief d e se s
év o lu tio n s. C o m m e P ica sso il a S ’é t a it trom pé ju sq u 'ic i d a n s
ce f ilm ch a rm a n t, p o é tiq u e e t ses périodes, b le u e s, ro ses o u ses essais de m ise en sc è n e c in é ­
m a la d ro it a u ra it d u d on n er u n noires et, à trav ers elles, il a m a tog ra p h iq u es, A vec L es S orciè­
départ. gardé u n e sû r e té d e tr a it, u n e r e s d e S a lem , c ’e s t u n e a u tr e
vigu eu r de p e n sé e e t u n a m o u r p a ire de m a n c h e s. U n s e t d iff i­
de so n m é tie r q u i s o n t ex em p la i­ cile qu'il n 'est p a s lo in d ’av oir
res. U n e g ran d e œ u v re c h a u ffé e gagné. U n e grande en trep rise
RENOIR jean de l'in térieu r p ar le p la isir q u ’il p lein e d ’a m b itio n s, de so in s in fi­
a pris à la faire. U n grand créa­ n is... e t d ’u n e rh éto riq u e qu i
N é le 15 s e p te m b r e 1 8 9 4 à Paris. teur d o n t l ’ap p o rt ra y o n n e au - fr e in e tro p l ’éla n d e l ’en trep rise.
Fils d u p e in tr e A u g u s t e Renoir. Etud es delà d u cin ém a . U n g ra n d a rtiste P a ra d ox alem en t, ce s o n t le s va­
se co n da ir e s. Se d e s ti n e à la carrière m i­ du v in g tiè m e siè cle. Ce q u ’il leu rs sû re s q u i l ’o n t g ê n é : l a
l it air e , m a is y reno nc e a p r è s avoir é t é d o n n e à. ce siè c le il l ’a d é fin i p ièce (trop d ’« a c tu a lité ») de
b l e s s é p e n d a n t la Grande Guerre. D e ­ lu i-m êm e : « L a se u le c h o s e q u e M iller, S ig n oret (trop « gran d e
v i e n t pot ier. Epouse C ath e r in e H es slin g, j e p u isse a p p o r t e r à c e m o n d e c o m éd ien n e »), M on tand (trop d e
v e d e t t e de s e s premiers films. Produc­ illo g iq u e e t c r u e l, c 'e s t m o n « p résen ce n)... m a is q u elq u e s
t eu r e t s c é n a r i s te d'Une v ie s o n s /oie am o u r ». p a ysa ges de w ester n et, d ’u n b o u t
( Albert D ie udo nné , 1 9 2 4 ) . Interpr ète de à l ’au tre, l a d irectio n de M lle
La p ' t i t e Lili ( 1 9 2 7 ) e t du P e t i t C h a ­ D em o n g eo t, b ou lev ersa n te de p er­
pe r o n r o u g e ( 1 9 2 8 ) d'A lb erto C a v a lc a n t i, v ersion e t de m é c h a n c e té n a t u ­
a in si qu e de c e r ta in s d e s e s propres ROULEAU Raymond relles, d o n n e n t a u x S orcières les
f il m s (U ne p a r t i e d e c a m p a g n e , La B ê t e d im e n sio n s d ’u n e œ u vre d e p re­
h u m a in e , La R è g le d u j e u ). Au t h é â tr e , N é le 4 juin 1 9 0 4 à Brux elle s (Bel­ m ier p lan .
m e t e n s c è n e « Jutes C ésa r » ( 1 9 5 4 ) e t gi que). Etudes d e m usiq ue e t de pe in­
, « Orvet- » (1 9 5 5 ) do nt il e s t aussi l'a u ­ ture, O b tie n t l es trois premie rs prix du
t eu r. Est en tra in d'écrire un livre de Conservat oire pour la c o m é d i e , la t r a ­ ROUQUIER Georges
s ouv eni rs sbr son père. gé die e t la p a n t o m im e . A partir de
1924, d ir ec te u r , m e t t e u r e n s c è n e , d é ­ N é le 23 juin 19 09 à L une l-V ie l (H é ­
cor ateu r e t in te r p r è t e de théâtre : r a u l t) . Etudes primaires. Ouvrier t y p o ­
Th é â t r e du M a r a is (avant-garde) à g r a p h e , l in o ty piste . Tonde sa m ais on de
Bruxelles ( 1 9 2 4 - 2 7 ) ; c o ll a b o r a t io n a v e c pro ductio n e t r é a lis é d e s cou rts m é t r a ­
l es tro u pes d e Ch arles Dullîn e t d e s g e s qu'il p h otogr ap h ie e t m o n te lui-
Pi to ë ff ; t h é â t r e s u r r éaliste a v e c A n - ’ m ê m e . Directeu r a r tis tiq u e d e la s e ct io n
t ho nin Arta ud ; T h é â t r e D au nou, T h é â ­ c o u r ts m ét r a g e s d 'in te r m on d ia Films. Il
tre de ('Œuvre ( 1 9 4 4 - 5 1 ) , T h é â t r e de supe r vis e nombre de p e t it s f il m s de
Minuit. M o n t e , e n t r e a u t r e s , « La M a ­ première par tie. Publie « L'Album de
ch in e à é c rir e » , « La N e i g e é t a i t Farrebique » ( 1 9 4 6 ),
sole » , « Huis c lo s » , « Un t r a m w a y
nom mé Désir » , « S ie g fr ied » , « G îgî » ,
« L'Opéra d e q u a t ' s o u s » , « Liliom »,
ainsi qu e s e s pr op res p i è ce s : « L'Ad­
mirable V i s it e » , « A n n a K areni na ».
Ac teur d e t o u s s e s f il m s , s a u f R ose, e t
de b e au c o u p d ' a u t r e s , parm i les q u els
L’A r g e n t (M ar cel L'Herbier, 1 9 2 7 ) , C e
soir à h u i t h e u r e s (B e lg i q u e , 1 9 3 0 ) , Une
id y lle à ta p l a g e ( 1 9 3 0 ) , Le J u g e m e n t
de m in u i t (G.B ., 1 9 3 2 ) , La F e m m e nue
(1 9 3 2 ), I n c o g n ito ( 1 9 3 3 ) , Donogoo -T onfco
PR INCIPAUX FILMS (Cf film og r a ph ie
n* 8) : (1 936 , A i l .) , Le D r a m e d e S h a n g h a ï
(G.W. Pabs t, 1 9 3 8 ) , Le D u el (P ierre
1924 : La Fille d e l'e a u . — 1 9 2 5 : Fresnay, 1 9 3 9 ) , L 'A s s a s s in a t du Pè re
N a n a . — 19 2 8 : La P e t i t e M a r c h a n d e N o ë l e t P r e m i e r b a l (C h r istian -J aq u ë ,
d 'aJ /u m e tte s ( C .M .) . — 1 9 2 9 : Tfre ou 1 9 4 1 ) , De rni er c t o u f (J a c q u e s B ecker,
f la n c ; Le T ournoi. — 1931 : La C h ie n ­ 1942), Falbalas (Becker, 1 9 4 5 ), Une
n e . — J 9 3 2 : La N a î t d u c a r r e f o u r ; g r a n d e f il le t o u t e s i m p l e {J a c q u es M a ­
B o u du s a u v é d e s e a u x . — 1 9 3 4 : M a ­ nuel, 1 9 4 7 ) , B re lan d ' a s (Henri Ver-

62
FILMS ; Est en g én éral co n n u p o u r s e s id ées. F a its par d ’autres, J o u r
19 2 9 : V e n d a n g e s (C. M.). — 1 9 4 2 : avoir réalisé le m eille u r E ddie d e F ê te e t H u lo t se ra ien t p e u de
Le Tonn elier ( C M . ) . — 19 4 3 : Le C o n sta n tin e, m a is d a n s t o u s s e s c h o se . B ie f, d ev en u e n d eu x film s
Charron (C.M.) ; L'Econom ie d o s m é ­ film s o n e s t frap pé par l ’iio n - le m e ille u r m e tte u r e n scèn e co ­
ta u x (C.M.) ; La P a r t d e l 'e n f a n t ( C.M .) . n ê t e té de so n travail. C’e s t da­ m iq u e fra n ça is d ep u is Max Lin-
— 19 4 5 : F a r f c b iq u e . — 1947 : L'Œ u­ v a n ta g e u n m e tte u r e n sc èn e der, Jacq u es T a ti, avec le troi­
v r e s c ie n t if i q u e d e P a s t e u r ( C.M ., en q u ’u n réalisateu r. J ea n S a c h a est siè m e, M on O n cle, d eviendra
coll. a v e c J e a n P a in lev é ). — 1 9 4 9 : à R ich ard F le lsclier c e q u e le c i ­ p e u t-e tr e l e , m eille u r t o u t court.
Le C h au d ron n ie r { C M . ) . — 19 50 : Lo n é m a fra n ça is est au cin ém a
S e l d e la T e rre (C.M .) ; G a le r ie d e a m éricain .
M a lg o v e r t (C.M.J. — 1 9 5 2 : Lo L y c é e
sur l a c ollin e ( C .M .) ; Un jo u r c o m m e
les a u t r e s ( C .M .) . — 19 53 ; S ang e t
lu m iè r e. — 19 55 : L ourdes e t s e s m i­
TATI Jacques
r a c le s . — 19 56 : S.O.S. N o r o n h a .
N é le 9 o c t o b e 19 08 à Le Pecq
I l f i t p reu ve, d a n s le d o cu m e n ­ ( S .- e t - Q .) . D e s s n vrai nom J a c q u e s
ta ire de co u rt m étra g e e t u n cer­ T atiseheff. D 'o rigin e russe. Champi on
t a in F arrobiqu e, d e te lle m e n t de d e rugby, pu is encad reur . M u s ic -h all
Q ualités e t de ta le n t q u e l ’o n à partir d e 1933 : p an t o m im e s po rtive.
to m b a de h a u t q u an d il f it S an g A c t e u r principal e t s c é n a r i s te d e p lu ­
e t L u m iè r e , à q u o i rien n e le s ieurs c ou r ts - m é t r a g e s c o m iq u e s : O sc a r ,
d estin a it. F aire diriger Zsa Zsa ch a m p io n de t e n n is ( 1 9 3 2 ) , On de m a n d e
p ar u n M o n tp elliéra in ! P o u r q u o i u n e b r u t e ( 1 9 3 4 ) , 6 0 / d i m a n c h e ( 1 9 3 5 )/
p as d em and er à M arylin d é di­ S o ign e to n g a u c h e (Re né C lé m e n t, 1 9 3 6 ) .
riger u n six c e n t s m ètres s u r 1er Jo u e d e p e t i t s rôles dans Syfv/e e t le
tonnelier'. C eux q u i o n t vu. S.O.S. f a n t ô m e ( 1 9 4 5 ) e t Le D ia b l e a u c o r p s
N o ron h a e n d ise n t le p lu s grand (1946J d e Claude A u ta n t - L a r a . G ér ant
b ien. P u is se n t-ils être d an s le de la c o m p a g n ie Cady Films. Ecrit e t
vrai, n o u s a von s to u jo u rs été in te r p r è te t o u s l es fil m s qu'il réalis e. V A D IM Roger
ro u q u iéristes e t so u h a it o n s q u ’il
a it tro u v é l a fo rm u le q u i lu i FILMS : N é le 2 6 janvier 1 9 2 8 à Paris. Son
p erm ette d e dém eu rer R ou q u ler 7 9 3 7 : L'Ecole d e s f a c t e u r s (C .M .). — n o m e s t Roger Vad im P le m m ian ikov . De
m algré la g ra n d e p rod u ctio n . 19 4 7 : Jo u r d e f ê t e . — 1 9 5 2 : Les pè r e rus se e t d e mère f r a n ç a i s e . Etudes
V a c a n c e s d e M o n s ie u r H u lo t. — 1 9 5 7 : d a n s d e no m hreux l y cé e s parisi ens. En­
Mon o n c le. t re p r e n d les S c i e n c e s polit ique s. A cteur
d e t h é â tr e ( 1 9 4 4 - 4 7 ) : « Le Faiseur »,
u Le Roi Lear » , « Le Soldat e t la Sor­
SACH A jean c iè r e » , « C a p ta i n Smith », e t c . . A s s i s - .
t a n t e t s c é n a r i s t e de M a r c A llég r e t
N é te 25 avril 191 2 à S a i n t -J e a n - C a p - ( B la n c h e Fury, G.B., 19 47 ; M a r ia C h a p -
Ferrât (A lp e s- M a r ït im e s ). De son vrai d e la i n e , C a n a d a , 19 4 9 ; La D e m o is e lle
nom Sacha V ojen. Elu de s s e con d a ir e s . e t son Reveflanf , 1951 ; J u l i c t t a , 19 5 3 ;
A f f i c h i s t e , puis f a i t un s t a g e d a n s d e s F e m m in a , Italie, 195 4 ; Fu tu res y e d e t t e s ,
l aborat oi res . A s s i s t a n t d e W ill y Rozier, 1 9 5 5 ; En e f f e u i l l a n t l a m a r g u e r i te ,
H en ri-George s Clouzot, Pierre
1 9 5 6 ) . S c é n ar is te de B la c k M a il (G.B.,
J e f f Musso, Pierre Ch en al, e t c . M o n ­ 1 9 4 8 ) , du G o u ffr e d e la P ic r r e - S a in t-
t eu r : W e r t h e r (M ax Ophüls, 1 9 3 9 ) ,
M a r t i n ( C.M ., 1 9 5 2) e t de C e t t e s a c r é e
L'H om m e d u N i g e r ( 1 9 3 9 ) , Do M ay e r -
g a m i n e (Mic he l J. Boisrond, 7 9 5 5 ) . Jour­
lin g à Sa r a jev o (Ophüls, 1 9 4 0 ) , L'Em­
n a l i s t e : « P ar is-M atch », e t c . Ecrit
p r e in t e d u d i e u (Léo nide M o g u y , 1 9 4 0 ) ,
e t r é ali s e q u e lq u e s ém is s io n s à la T é l é ­
Fou s ac ré (André H u n e b e ll e , 1 9 4 2 ) , L 'A u ­
v isio n (d on t « Entrée des a r ti s te s ») .
b e r g e d e l 'a b îm e ( 1 9 4 2 ) , Le C h a n t do
l ’e x il é ( 1 9 4 2 ), N e l e c r i e z p a s s u r les FILM5 :
t o i t s ( 1 9 4 2 ) , La B o î t e a u x rêves (Yves
A llégret, 1943), Leço n de c o n d u i te 7 9 5 6 : E t D ieu c r éa l a f e m m e . —
( 1 9 4 5 ) , Los G is a n ts ( C.M ., 1 9 4 9 }, O t h e l lo 7 9 5 7 : S a i t- o n j a m a i s .. . ; Les B ijo u tie rs
(Ûrson W e ll e s , I ta lie , 1 9 5 1 ) , Tapage d u c la i r d e lu n e (en prép. ).
n o c t u r n e ( 1 9 5 1 ) , G r o e n la n d ( J e a n -J a c - A vec lu i, le n éo-réalism e
q u e s Langu epin e t M arcel Icha c, 7 9 5 2 ) .
fra n ça is e s t n é J o u r d e F ê te , N o u s l ’a im o n s parce q u ’il n e
C ol lab or e a v e c A le x J o f f c au x s c én a rio s par l ’in sp ira tio n , ressem b la it p arle q u e de c e q u ’il co n n a ît.
d e Florence e s t folio ( 1 9 4 4 ) e t C/iWsi/no à R o m e ville o u v e r te . M oins T a n t de ch a rcu tiers s ’a ch a rn a n t
s e m a rie (René Le H é n a ff , 1 9 4 5 ) . a im é p a rce que ' p lu s secret, à se fa ire p asser p ou r in te lle c ­
H u lo t, de m êm e, n o u s in v ita it à t u e ls, ap p la u d isso n s l ’in te lle c ­
FILMS : g o û te r en c a c h e tte l ’a m ertu m e e t t u e l q u i p lu tô t q ue d'exp loiter
le s p la isirs de l ’ex istèn ce. Oui, s a c u ltu r e e t de vu lga riser ses
19 47 : Faut ornas ; Carrefour d u c r i­ J a cq u es d e la lu n e est p o ète id ées, s'efforce d a n s so n travail
m e. — 19 52 : La C i t é r a d ie u s e (C- M.j. co m m e d an s le tem p s T rista n
— 19 53 : C e t h o m m e e s t da n g e r e u x . — l" H erm ite. Il ch erch e m id i à q u a ­ d 'accorder la p r im a u té à l'in s­
1 9 5 4 : Une b a lle s u f f i t ; La Soup e à torze H eures e t l'y trou v e. I l est t i n c t d es a c te u r s e t a u s ie n p r o ­
la g r im a c e . — 1 9 5 6 : O.S.S. Î Ï 7 n 'e st cap ab le de film er u n p lan de plage p re, au réalism e de l ’ép id erm e e t
p a s m ort. u n iq u e m e n t p ou r m o n trer q u e les d es gestes sa n s ou b lier u n e v é­
r it é d es s e n t im e n ts e t d es p h ra­
en fa n ts en tra in de con stru ire u n ses to u jo u rs p lu s a ig u ë. V ad im
c h â te a u d e sa b le cr ie n t p lu s fo rt d é j à f a i t p a rtie de c e tte race
q u e le b r u it d es va g u es. Il film era ch ère à C octeau d es « c h iffo n ­
p a r e ille m e n t u n p aysage u n iq u e ­ n iers d e g é n ie ». Il trou ve ses
m e n t parce q u ’à c e t in s ta n t la d ia lo g u es à l ’E lysées-C lub, ses
fe n ê tr e d ’u n e m a is o n n e tte .au fin Idées d e m ise e n sc èn e à S a in t-
fo n d d u cliam p est en tra in de T ro p ez e t so n r y th m e d a n s la
s'ou vrir e t q u 'u n e fe n ê tr e q u i F errari E uropa q u i le rapproche
s ’ou vre, h é b ien , c ’est drôle. V oilà de R ossellin i. C’e s t n otre seu l
e s q u i in té resse T ati. A la fo is c in é a s te m odern e.
t o u t e t rien. Des brin s d ’h erbes,
u n cerf-v o la n t, d es g a m in s, u n
p e t i t v ieu x, n ’im porte q u o i, t o u t
ce q u i e s t à la fo is réel, bizarre V A R D A A gn ès
e t c h a rm a n t. Ja cq u es T a t i a le
se n s du co m iq u e parce q u ’il a le N é e le 3 0 mai 19 28 à Bruxe lles d'un
se n s de l ’étra n g e. U n e con v ersa ­ p è r e gr e c e t d'u ne m ère f ra n çais e . C o m ­
t io n avec lu i e s t im p ossib le. C’est m e n c e s e s é t u d e s se c o n d a ir e s e n Bel­
l ’an t i th é o r ic ie n par excellen ce. g i q u e . A la guerre se r é fu gie e n France,
S es f ilm s s o n t b o n s en d ép it de d 'a bo rd à Sète sur le b a t e a u d e son

63
père qui . d e v a it par la su i te ê tr e c oul é s ’in té resse p a s e x c lu s iv e m e n t a u x
pur les Allem a nds. Passe s e s b a c c a l a u ­ b o n n ic h e s n i au x r o u tiers. Q u oi ?
r é a t à Pa ris pu is q u e lq u e s c e r t i f i c a t s M ais si, m a is si, d a n s se s f ilm s il
d e lic e n c e de l e t t r e s . Fait e n s u ite l'Ecole y a p a rfo is d u lin g e e t d u b e a u
du Louvre e t le C.A.P. d e p hoto gr aphie . m o n d e. P e u t-ê tr e q u e « J u l i e t t e d e
Depu is le premier Festival d'Avi gno n e s t m o n c œ u r » e s t sa le c tu r e d e c h e ­
la p h oto gr ap h e o f f i c ie l le du T . N . P . En v e t. M ais c ’e s t p arce q u ’il rêve d u
1 9 5 3 t our ne un broui llon en 16 mm d e s ta n d in g "hollyw oodien q u ’H en ri
La P o i n t e C o u r te . V a tourner b ie n tô t V ern eu il e s t e n progrès c o n s ta n ts .
un c o u r t- m é tr a g e e n cou leu rs sur les P reu v e en e s t la h u it iè m e sc è n e
c h â t e a u x de la Loire, Experte e n s in o ­ d es G e n s sa n s i v i p o r t a n c e o u la
logie. p rem ière de P a ris P a la c e-H ô tel.
S o m m e to u te , H en ri V e r n e u il est
FILM : a c tu e lle m e n t le m ie u x cla ssé d es
1954 : La P o i n t e C o u rte .
m a l p artis.

WHEELER René
tour. U n e A friq ue q u i n ’e s t p a s N é le 8 fé vr ie r 1 9 1 2 à Paris. C olla­
u n c o n t in e n t perdu, o ù p ar con-' borateur d e N o ë l - N o c l , q u t le f a i t d é ­
sé q u e n t les s ta tu e s n ’o n t p a s à but er comme scén a riste-dia lo g uiste :
m ourir car leu r vie sera l a p lu s L ' / n n o c e n t ( 1 9 3 8 ) ; La F a m ille D u ra to n
b elle. E n résum é, les in te n tio n s ( 1 9 3 9 ) ; La C a g e a u x r o s s ig n o ls (J ean
c;e V erm orel so n t d ro ites q u o iq u e DréviHe, 1 9 4 3) ; L'Enn em/ s a n s v i s a g e
ses m ises en scèn e r e s te n t b ien (M a u ric e C a m m a g e , 1946) ; H is to ir e
g au ch es. Ce d é fa u t est p o u r ta n t d e c h a n t e r (G ill e s G ra n g ie r , 1 9 4 6 ) ;
ici trop n e t te m e n t in g é n u p ou r D a n g e r de m ort {G ran gi er , 1 9 4 7 ) ; Les
être b lâ m é . D ’ailleurs, t o u t ci­ A m a n t s d u P o n t S a f n f - J c a n (Henri D e -
n éa ste q u i f a it to u rn er sa fem m e c oin , 1.947) ; La V ie e n r o s e (Jea n Fau-
est sy m p a th iq u e a priori. r e i , 1 9 47 ) ; Jour d e f ê t e ( J a c q u e s T a t i ,
1 9 47) ; L' Homme d e j o ie (Gran gi er,
7 9 5 0 ) ; L a p lu s b e ll e f i l l e d u m o n d e
(C hrist ian S t e n g e l, 1 9 5 1 ) ; F a n fa n la
VERNEU1L Henri T u lip e ( C h r ist ia n -J a q u e , 1952} ; Les
s e p t pccft cs c a p i t a u x ( s k e t c h do l ia i s o n ,
N é te 15 o c to b re 192 0 à Rodosto
La b en ja m in e clu c in ém a fra n ­ G eor ge s Lac om be , 1 9 5 2 ) ; P fu m e a u v e n t
(Tur qu ie). Ingénieur des Ar ts e t Mé­
çais. Il lui.-a s iiîf i d ’u n H lm assez tiers, T r a v a ill e dans le journalisme, puis
( 1 9 5 2 ) ; D o u z e h e u r e s d e b on h e u r (Gilles
w c h in o is », u n p e u m a u d it e t à la radi o. A s s ist a n t de Robert Verna y :
G ra ngier, 19 5 2 ) ; Q u i t t e ou d o u b le
d o n t la carrière d em eu re in cer­ V é ro n iq u e ( 1 9 4 9 ) . Ré al ise d e s c o u r ts -
( 1 9 5 2 ) ; Les S alauds v o n t e n e n f e r (Ro­
ta in e , pour affirm er u n e v iv e et m étr age s e ntre 19 46 e t 1951 : Escale
b e r t H o ss ein, 195 5 } ; M é f i e z - v o u s , _ f il ­
in so lite p erso n n a lité. L es d eu x au s o le i l ; Entre d e u x tra fn s ; f a n t a i ­
l e t t e s (Yves A l l é g r e t , 1 9 5 7 ) , e t c . Dia lo ­
p erson n a ges les p lu s littéra ire s de sies p o u r c la r i n e t t e ; Com po site ur s e f
g u e s : t a M a is o n d u c r im a ( 1 9 5 2 ) .
l ’h isto ire d u c in ém a y d isc u te n t e b a os on s d e P a ris ; L’A r t d ' ê t r e c o u r­
g ra v em en t d ev a n t u n so lid e d o c u ­ tie r M a ld o n n e ; La Kermesse au x FILMS t
m en ta ire su r le p e t it p ort de la c h a n s o n s - M u s iq u e tr o p i c a le j O n d e ­ 1 9 4 9 ; P r em iè res arm es. — 1954 :
P o in te C ourte. Le h ié r a tism e v i­
su e l e t oral du c o u p le f a it u n m a n d e un b a n d i t ; Los n ou ve au x m is é ­ Cft â fc aux e n E spag n e .
drôle de m én a g e avec les im ag es ra bles ; Un c urie ux cas d ' a m n é s i e ;
■fam ilières d u v illa g e, ■ m a is de la L é ge n de de T e rre-B la n c h e ; A q u i
l'en sem b le s ’élève un ch a rm e 1e b é b é ? ; P ip e c hien ; A la c u l o t t e
étra n g e e t durable. de z o u a v e ; Les C h anson s s 'e n v o l e n t ;
C u b a à M o ntm artre ; Ryt/imes d e P a ris ;
Un Juré b a v a r d ; 33'- c h a m b ra ; A v c d te
A h a ïo n ia n , d e r n ie r p r é s i d e n t a m é r ic a in ;
U ne jou r/fé e a v e c S a c q u e s H 61i a n • V a ­
VERMOREL Claude r ié t é s .
N é le 1er juill et 1 9 0 9 à Villi é -M or gon FILMS :
(R hône). L ic encié è s l e t t r e s , é lè v e de 1951 : La T a b le a u x c r ev é s . — 19 52 :
l'Ecole N o r m a le Sup érieure. Pr ofe sse ur B relan d ' a s ; Le Fruit d é f e n d u ; Le
d e le t t r e s , pu is j our na lis te e t c ritiq ue B o u lang er d e V a lo r g u e . — 195 3 : Car­
de c in ém a {n L 'I n t ra n sig e a n t » , « Pour n a v a l ; L'Ennemi p u b l ic N ' 1. — 1 9 5 4 :
V o u s »). A s s i s t a n t d' Abe l Ga nc e ( N a ­ Le M o u t o n à c in q p a t t e s ; Les A m a n t s
p o léo n , ? 9 34 ) e t d e G e o r g e s Roüquier d u Tog e. — 5 9 5 5 : Dos o e n s s a n s im ­
( L e Ton n elier, C M . , 1 9 4 2 ) . D ia lo g u is t e : p o r ta n c e . — 1 9 5 6 : P a r is- P a ta c e - H ô te l.
Le Roman d 'u n jeu n e h o m m e p a u v r e
(G anc e , 1 9 3 5) G oss e d e r ic h e ( 1 9 3 8 ) ;
Les A m a n t s d e T o lè d e (Henri Decoin ,
1 9 5 2 ) . S c é n ar is te : Le C a p /f a /n e Fra­
c a s s e (A be l G a n c e , 1 9 4 2 ) . Plus c o n n u S c é n a r iste in é g a l, réalisa teu r
com m e a u t e u r dr a m a tiq u e : « J e a n n e in ég al. P re m iè r e s a r m e s n e m a n ­
a v e c nous » , « Th er m id or » , « Le q u e n i de cou rage, n i cï'origlna-
Bonheur des ho m m es » , e tc . lité , et p o u r ta n t c ’e s t u n film
b o ite u x , irrita n t, c o n v e n tio n n e l...
FILMS : p a ra d o x a lem en t, m a lg ré lu i. M ais
19 3 6 : Je u n e s f/I/ es d e P a r is. -— 1 9 5 0 : C h â te a u x e n E s p a g n e e s t u n e
Les C o n q u é r a n t s s o li t a ir e s . — 1 9 5 5 : b elle œ u v re m é c o n n u e . T o u t y
La p lu s b e ll e d e s v ie s . e s t in so lite : le r é a lis m e , la p o é ­
sie g r in ç a n te , le r e s p e c t d es la n ­
Si. l'o n o p te p o u r la p o litiq u e g u es, la fa ç o n , h o s t ile , de jouer
d es a u te u r s, il f a u t d éfen d r e d es a cteu rs. C’e s t « la m in u t e
C lau d e V erm orel. Il écrit, m e t en de v é r ité », c ’e s t a u ss i u n des
sc èn e e t p ro d u it d es f ilm s b ie n rares f ilm s ro m a n esq u es... m o ­
à l u i en vers e t co n tre to u s . Cer­ d ern es. T e m p é r a m e n t in q u ie t, sa­
tes, l'Almanach. V erm orel est c h a n t fo r t b ie n o ù c o m m e n c e e t
m in c e p u isq u 'il n e c o m p o rte en ­ f i n i t la fa c ilité e t d o u é se u le ­
core q ue d es v u es de l ’A frique. m e n t p o u r d e s œ u v r e s d iff ic ile s e t
E lles o n t d u m o in s l ’a v a n ta g e de U n grain d e f o lle sè m e d e : in g ra tes, W h eeler a u r a it b eso in
n e p a s être d es v u e s d e l ’esprit. te m p s en tem p s la p a g a ille d a n s d ’u n e t o t a le lib e r té p o u r être
G râce à Verm orel, l ’A friq u e n o u s s e s p lu s co n v en tio n n elles p ro d u c­ « l ’a u te u r d e f ilm s »... q u ’il p o u r­
parle, tim id e m e n t, m a is s a n s dé~ t io n s . D ’a u tre part, V e m e u il n.e r a it ê t r e : n o tr e Z in n e m a n n .

64
LE FILM FRANÇAIS EN AMÉRIQUE
par Gene Moskowitz
Les véritables débuts du cinéma français en Amérique remontent à La Femme du boulanger
de Marcel Pagnol en 1939. Certes de très bonne heure des films muets comme l a üfeine Elisabeth
avec Sarah Bernhardl firent date sur le marché américain, mais ils apparaissaient à une époque
où le cinéma n'avait pas encore trouvé de solides assises commerciales. Il fut donné au film de
Pagnol de faire une brèche dans un marché étroitement fermé, se suffisant à lui-même; et de
prouver qu'il existait un public suffisant pour envisager un système de distribution particulier
au cinéma étranger.
Le problème peut ainsi se résumer : qu'est-ce que les films étrangers ont à offrir au public
américain qu'il n e trouve p as dans son propre cinéma ? Hollywood a b âti s a suprém atie mon­
diale sur un mélange de gJamour, de perfection technique, de rythmes trépidants, et sur le
« star system », mais il semble que désormais, aux Etats-Unis même, cela ne suffit plus; Le
film étranger, p ar s a manière plus franche d'aborder la vie, s'est vu classer sous l'étiquette
i film d'art », c'est-à-dire un genre dont Hollywood ne s'est jam ais préoccupé. La majeure
partie de la production étrangère n 'a rien à voir avec le * film d'art s, au sens propre du
terme, mais cette dénomination permettait de définir une certaine manière de lancer ces films
sur le marché américain.
Pour commencer, le film étranger vit ses débouchés aux U.S.A. extrêmement réduits, vu
que l'Amérique avait acquis la suprématie Skondiale depuis la guerre de 1914-1918 et qu'elle
laissait peu de chances, à d'éventuels compétiteurs, de la concurrencer, chez elle comme à
l'étranger.
Les faits étaient les suivants : 1) Le cinéma américain se suffisait à lui-même et s'amor­
tissait intégralement sur le marché intérieur, du moins jusqu'à la seconde guerre mondiale;
2) Toutes les personnalités et révélations étrangères étaient immédiatement mises sous contrat
et expédiées à Hollywood pour être assimilées; 3) A côté du dollar tout puissant, il y avait
l'attrait du mythe hollywoodien, tout un exotisme propre aux temps héroïques qui faisait affluei
en Californie techniciens et artistes du monde entier; 4) Hollywood, étant isolé du centre intel­
lectuel de l'Amérique, New York, put se développer selon un mode bien à lui, assez étrange,
où se reflétait la civilisation américaine, mais avec l'appoint supplémentaire du mythe. Au
contraire de la plupart des centres cinématographiques européens, Paris, Londres, Berlin,
Rome, etc., qui sont généralement situés au cœ ur même de l'activité intellectuelle et politique de
leur pays.
Jusqu'à la seconde guerre mondiale, le film étranger dem eura confiné à un petit noyau
de salles spécialisées situées dans les très grandes villes, qui seules pouvaient fournir
la clientèle requise. Le grand public soupçonnait à peine que la France eût jam ais fait des
films, et, dans la perspective la plus favorable, le cinéma français, pour lui, était synonyme de
« sexe >. Quelques films « à sensation » réussirent de la sorte une carrière. Parfois un film
romantique connaissait la grande vogue, comme Mayezling« qui valut à Anatole Litvak, Danielle
Darrieux et Charles Boyer de partir pour Hollywood, Mais dans s a majeure partie, jusqu'à 1q
fin de la seconde guerre mondiale, le cinéma étranger resta le privilège d'une élite, « les
intellectuels aux cheveux longe », en quête du ra re et de l'inaccoutumé dans leurs sorties
au cinéma.
Cependant la fin de la guerre, l'avènem ent de la télévision, les transformations politiques,
allaient changer du tout au tout les conditions de l'exploitation cinématographique en Amérique,
A ces facteurs il faut ajouter l'extension du format de l'écran, la naissance d'un jeune public
grandi au cours des années de guerre, ayant beaucoup voyagé et beaucoup appris a u contact
de civilisations étrangères. Les films néoréalistes italiens furent parmi les premiers à éveiller
soudainement l’intérêt de ces spectateurs, nouveaux venus dans les- salles obscures, lia -y ti cu­
vaient^ u n sérieux dans le choix des thèmes qui ne devait apparaître que bien plus tard dans
le cinéma américain lui-même, et le nombre des salles spécialisées (en anglais * art houses *)
ne cessa d e croître. Il y en a maintenant plus de 500 en Amérique, et un bon film étranger,
ou du moins populaire auprès du public, peut compter sur environ 1.200 contrats d e location,
ceci du fait que même des salles appartenant aux grands circuits commerciaux se mettant à
p asser cas films hors-quota.

€5
c
L'année écoulée, 373 films ont ainsi été distribués aux Etats-Unis. Vu la multiplicité des
minorités linguistiques en Amérique, ce nombre no donne p a s une clair© notion de l'am pleur
du phénomène, m ais la saison passée et cette saison le film français a enlevé la suprématie,
dans les plus importantes < art houses », a u film italien. Le cinéma mexicain, p a r suite de
l 'i m p o r t a n t © minorité portoricaine d e New York, a présent© 1 0 7 films sur le marché am éricain
et fait 3.016.695 dollars de recettes, suivi p ar le cinéma italien avec 56 films et 2.318.753 dollar»
de recette, le cinéma français venant en troisième position avec 38 filins et 2.229.965 dollars.
Tous les films français furent présentés soit dans les « art houses * soit dans les salles dea
circuits, car, a u contraire des cinémas mexicain et italien, il n'existe p a s de débouchés parmi
une minorité linguistique correspondante, mis à part le marché très limité des universités.
Malgré ces résultats les films étrangers ne constituent encore qu'une faible part du marché
américain, mais des efforts accrue sont déployés en vue de forcer son accès. L'an derniei
Les Diaboliques de H.-G. Clouzot, Du fîififi chez les hommes de Jules Dassin et Le Monde
du silence de Jacques-Yves Cousteau, ont fait de très grosses recettes et peuvent chacun rap<
porter plus de 500.000 dollars. Ceci à cause de leur succès dans les « a it houses » qui pro­
voqua de nouvelles locations et am ena à doubler deux d'entre eux, Bififi et Le Silence, leur
permettant ainsi de toucher le grand public américain. Il est très rare qu'un film étranger
doublé s'impose aux U.S.A. mais les précédents ainsi créés augurent favorablement des pers­
pectives offertes désormais a u cinéma français.
La France a entrepris un effort considérable pour pénétrer le marché américain et- organise
actuellement des rétrospectives cinématographiques, ainsi que des Semaines du Film Français
à New York et San Francisco. Le Centre du Film Français à New York étudie attentivement
le marché américain et essaie de discerner les goûts du g ran d public et les moyens de
le toucher. En même temps il s'efforce d'accroître ïe public des salles spécialisées et de rendre
les spectateurs américains conscients de l'importance du cinéma français. Ce processus exigera
de longues années mais déjà les résultats s'avèrent payants et plus de 30 firmes américaines
s'occupent présentement de la location des films étrangers aussi bien aux grands circuits qu'aux
salles spécialisées.
Selon un truisme familier aux oreilles am éricaines et généralem ent admis p ar tous en ce
qui concerne les films étrangers aux U.S.A.. un bon film national fait presque toujours un
excellent film international et l'émulation comme l'imitation sont rarement acceptables. Il
n'en faut pas pour autant sous-estimer l'assimilation de certaines techniques. Par exemple iRifi/i
de Jules Dassin combinait heureusement la brutalité et le dynamisme d'un certain cinéma
américain avec une façon très latine de présenter les personnages el le décor. Cela contribua
extraordinairement au succès du film en Amérique,
Parmi les films français qui ont fait les plus grosses recettes en Amérique depuis la guerre,
nous citerons Les Vacances de Monsieur Hulot, Le Diable au corps. La Symphonie pastorale.
La Ronde, Le Mouton à cinq pattes, Les Orgueilleux, Fanfan La Tulipe, Les Compagnes d e Ja
nuit. Le Blé en herbe. D'autres films tels /eux interdits, French Cancan, Les Grandes Manœuvres,
Belles de Nuit connurent des succès de prestige' plus que d e finance. Je ne mentionne que
quelques exemples pour ne p as étendre démesurément cet article, mais à partir d'eux ort
peut dégager certaines conclusions.
Si l'on considère le cinéma d'abord comme un miroir de la vie et de la société où
nous vivons, on peut dire que les cinéastes français semblent ne fréquenter que la Galerie
des Glaces de Versailles ou utiliser des miroirs encore plus déformants, capables seulement
de refléter ce qu'eux, les cinéastes, imaginent être les désirs du public, ou d e nous renvoyer des
im ages que nous avons déjà vues dans des films am éricains à succès. D'où cette série de films
historiques, ce cycle de films de gangsters (ou de parodies du genre), et récemment, ces
comédies musicales ou sentimentales visiblement copiées su r le modèle américain, avec un
zeste d'esprit français. Tout cela aboutissant à produire des œ uvres hybrides.
Evidemment nous avons toujours le lot de films typiquement gaulois, à bas® de sexe et de
sensationalisnte (Habib, Moguy, Gourguet, etc.), mais rarem ent nous retrouvons à l'écran, ce
don aigu de l'observation, ce franc-parler, cette claire logique, typiquement français, et encore
plus rarement voyons-nous traiter les problèmes sociaux et politiques les plus urgents de notre
temps. Assez curieusement une expérience aussi décisive que la dernière guerre et l'occupation
n 'a fait l'objet que d'un nombre de films très limité. Ce phénomène est d'autant plus sensible
à une époque où des films allem ands traitent de la culpabilité nationale au cours de la dernière
guerre, où les Anglais se donnent avantageusem ent le premier rôle pour décrire leurs exploits
guerriers, où l'Amérique analyse san s ménagement les difficultés de son armée de citoyens-
combattants aux prises tant avec eux-mêmes qu'avec l’ennemL

66
Nous vîmes aussitôt ia guerre finie des filins traitant la débâcle, cependant, nais à p aît
La Bataille du rail de René Clément, qui sut nous communiquer l'héroïsme de la résistance, et
le* poétiques Jeux interdits, toujours de Clément, ces films ne dépassaient pas le niveau des
« thrillers » les plus conventionnels, la guerre et l'occupation fournissaient une 3imple toile d»
lond (par er, .Refour à la vie. La Neige était sale. Les Bataillons du ciel. Un Etranger viendra
ce soir, etc.).
Cette lacune semble devoir être comblé© ces derniers temps, mais a u lieu de clarifier les
événements grâce au recul dans le temps, les cinéastes français n'aboutissent q u 'à les rendre
obscurs. Claude Autant-Lara nous a offert un intéressant portrait d e l'occupation dans La T ra­
versée cfe Paris mais une certaine aigreur, une satire trop poussée, me paraissent avoir pris le.
p as sur l’ironie douce-amère, l'observation directement humaine, que cette période assez pénible
de l'histoire française aurait exigée. Robert Eresson dans Un Condamné à mort s'est échappé
analyse brillamment et en profondeur les aspirations indomptables d e l'homme luttant pour sa
liberté, avec l'aido de la Providence, mais son film n'est p as nécessairement situé à une
époque précise.
Alexandre Asêruc et Roger Vadim ont cherché à analyser le désarroi de la jeunesse
contemporaine' dans deux films relativement récents dont on a beaucoup parlé. Dans Les
M auvaises Rencontres, Astruc décrit, en détail et d e façon plutôt absconse la jeunesse existen­
tialiste et son opportunisme à tout crin, mais ne dépasse p a s le niveau de la simple démonstra­
tion des trucs techniques les plus usés et manifeste rarem ent la moindre compréhension ou
sympathie pour ses personnages, eux-mêmes privés de toute chaleur humaine. Le film de
Vadim, Et Dieu... créa la femm e. brillait par son éclectisme, un sensationalisme bon marché qui
prétend nous décrire les tourments d ’une jeune fille parvenant à l'âg e adulte.
Robert Hossein, autre spécialiste d© l'éclectisme, m algré s a naïveté tempérée de sincérité,
n 'a p a s davantage réussi à nous convaincre p ar ses prises de position cinématographique.
Qui donc créera le cinéma français de demain ? Claude Boissol et Michel Boïsrond ont révélé
un certain talent narratif respectivement dans l’otite la ville accuse et Cef/e sacrée gamine,
et je n'ai pas encore vu Mort en fraude de Marcel Camus, qui jouît d'une excellente réputation.
Il faudrait encore mentionner André Michel, Norbert Carbonnaux, Henri Vemeuil, mais surtout
les comédies si originales et cent pour cent cinématographiques de Jacques Tati.
Mais ce sont les aînés qui constituent encore le gros du peloton de tête du cinéma fran­
çais : Clair, Henoir, Bresson, Becker, Duvivier, Pagnclj Guitry, ces deux derniers continuant à
tourner le genre d'oeuvres qui ont définitivement conquis le marché américain. Il reste à la
France à nous révéler ses Robert Aldrich, ses Nicholas Ray, ses Anthony Mann, ses Richard
Brooks, etc. Certes le film, français aux Etats-Unis attire toujours un large public p a r s a manière
de traiter des sujets osés et en général p a r le caractère adulte de ses scénarios. Un contact
plus étroit avec la réalité contemporaine française n'en offrirait p as moins au cinéma français
de nouveaux débouchés internationaux.
L'Amérique fait 190.000.000 de dollars de recettes sur les marchés étrangers, et la France
seulement 13.000.000. La France dem ande la réciprocité des échanges avec les U.S.A., mais cet
objectif sera difficile à atteindre tant qu'elle ne pourra p a s offrir sur le marché américain des
œ uvres susceptibles d'intéresser u n veste public. Pour l'inslant la production américaine suffit
largement à remplir ces besoins. Pourtant la production américaine est tombée à environ
25D films p ar an (comparés aux 350 ou 400 films des années d'avant guerre) et cela en grande
partie p ar suite de la concurrence dB la télévision. De bons films français de série auront
peut-être bientôt leur chance sur le marché américain : on envisage p a r exempte de doubler et
de lancer directement dans les grands circuits, sans l’intermédiaire des « art houses », des
films comme Nana, Si tous les gars du monde. Et Dieu... créa Ja femme, La P... respectueuse,
et d'autres encore. Mais à la longue c'est le film typiquement et exclusivement français qui
devra s'imposer sur le marché américain. Cela ne sera possible qu'avec l'apparition d'un
cinéma authentiquement français. L'art doit remplacer l'artifice. Le cinéma français a pu obtenir
un certain succès p ar son élégante insouciance, mais il lui reste à d é c o u v r i r les problèmes
de notre temps et la réalité française,
Gene MOSKOWITZ.

P.-S. — Un élément important de la diffusion des iilms français est le facteur vedettes.
Fem andel, Martine Carol, Brigitte Bardot, Gérard Philip» ont commencé à se faire un nom sur
les écrans américains, ou sont en train de se faire connaître. On ne saurait négliger la valeur
strictement commerciale de vedettes déjà connues du grand public pour lancer des films français
sur le marché américain.

67
L ’Œ I L DE L ’É T R A N G E R
Nous avons demandé à un certain nombre de personnalités et de critiques
étrangers de répondre à ce questionnaire :
I. — Pouvez-vous définir les aspects les plus caractéristiques du cinéma
français ? Quels sont, à vos yeux, les■ qualités et les défauts de celui-ci ? Peut-on
parler, à son sujet, d’un véritable apport dans le cinéma mondial ?
IL — Vous paraît-il y avoir rupture entre le cinéma français d'avant-guerre
et l’actuel ?
III. — Pensez-vous qu’une évolution ait eu lieu dans le cinéma français au
cours des dix dernières années ? Quels sont les facteurs de décadence ou de
progrès ?
IV. — Pouvez-vous citer les meilleurs films français depuis dix ans, par ordrè
de préférence ? Justifiez éventuellement votre choix.
Nous nous excusons de ne pouvoir publier dans ce numéro les réponses de
Klaus Hebecker, Ludwig Thome, Enno Patalas (Allemagne) et de Charles Eitel
(U.S.A.') que nous avons reçu trop tard. Par ailleurs nous regrettons de n’avoir
reçu aucune réponse de Grande-Bretagne.

BRESIL

P.E. SALEZ-GOMEZ (Directeur de la Cinémathèque de Sao-Paulo).


I. — J’ai établi une fois une liste exemplaire de noms du cinéma français
jusqu'à la guerre. Voici le résultat : Méliès, Coïil, Linder, Gance, Clair, Renoir
et Vigo. Il me semble difficile de trouver des caractéristiques, des qualités et des
défauts valables pour tous et chacun. Et il faudra ajouter que bien que ces
sept noms créent à eux seuls un domaine immense et divers, celui-ci ne contient
pas des œuvres essentielles comme La Chute de la Maison Usher, La Kermesse
Héroïque, Angèle, UAge d’Or, ou des films importants tels que Rien que les Heures,
ceux de Carné ou Pépé le Moko.
Je pense que l’apport spécifique des Français dans le cinéma mondial est leur
franchise morale et qu'ils prouvent que les limitations techniques n’empêchent
pas l'affirmation du style.
II et III. — Je juge le cinéma français jusqu'en 1939 surtout en fonction de
certaines personnalités créatrices et à cette échelle je ne vois, après la guerre,
que Tati et Bresson. Mais le niveau de l’ensemble est maintenant sûrement plus
haut qu’avant. Il y a aujourd’hui un très bon cinéma français courant, celui de
Cayatte, Clément, Clouzot, Yves Allégret, Becker, Vermorel, etc. Ce sont des
hommes dissemblables mais qui ne se détachent pas tellement les uns par
rapport aux autres. Il y a donc une tendance à remplacer le règne des person­
nalités créatrices par une production industrielle de haut niveau. Les « vieux »,
Renoir, Clair, même Carné, je les juge à part et d'une façon rétrospective. Quant
aux « jeunes >, je connais mal Astruc et je place beaucoup d’espoir en Franju.
De vraiment importants dans le moment actuel, je le répète, il n’y a que Tati et
Bresson. Je trouve aussi qu’il est mauvais signe pour le cinéma français que
Pierre Prévert ne tourne plus.
Le grand apport du cinéma français actuel est l’exercice d’une pensée adulte
qui donne du relief à des œuvres esthétiquement modestes comme Le Dossier
noir, Les Jeux sont faits ou même Le Défroqué.
IV. — Voici dix titres. (Je vous fais remarquer que depuis 1954 je n'ai pu
suivre de près la production française. Par exemple, je n'ai pas vu Nuit et Brouil­
lard, Le Monde du silence ou le dernier Bresson.) : 1. Les Vacances de M. Hulot ;

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2. Le Journal d’u n curé de cam pagne ; . 3. Casque d'or ; 4. Le Carrosse d ’or ;
5. Voyage surprise ; 6. Le Diable au corps ; 7. Paris 1900 ; 8. Quai des O rfèvres ;
9. Jeu x in te rd its ; 10. Les P arents terribles.
P.E. SALEZ-GOMEZ.

ITALIE
LUIGI CHIARINI, (D irecteur de la R ivista del Cinéma Italiano)
I. — A m on avis, le ciném a français se caractérise p a r sa variété d ’in sp iratio n
e t sa perfection form elle. C’est-à -d ire qu’e n tre toutes, l'in d u strie cin ém ato g ra­
phique fran çaise est celle qui se laisse le m oins e n tra în e r aux productions de série
et, d ’a u tre p a rt, celle où des personnalités trè s d ifféren tes en tre elles so n t le plus
libres de s’exprim er. Mais cela signifie aussi que le ciném a fra n ç ais a d a n s
l’ensem ble u n niveau artistiq ue élevé avec u n m inim um de ces sous-produits qui
envahissent souvent la production des a u tre s pays. En général, on trou ve d ans
tous les film s fra n çais cette intelligence e t ce goût qui so n t l’expression d ’u n
degré de « civilisation » du spectacle, lequel d éterm in e toujours le respect d’un
public p a ssa n t e n général pour être fo rt bien doué de sens critique.
Même, en n e co nsid éran t ici, que les œ uvres les plus valables, je pense q u’on
ne s a u ra it relier en tre eux les m eilleurs réalisa te u rs p a r u n e m êm e ten d an ce, ou
p a r u n e m êm e position dev an t les problèm es de n o tre époque, m ais p lu tô t p a r
u ne rig u eu r de style trè s consciem m ent recherchée' et qui donne à la « form e s>
l’av a n ta g e su r le « fond ». Les grands m e tte u rs en scène fran çais m é rite ra ie n t les
palm es académ iques pour nous avoir o ffert, avec leurs œuvres, les célèbres exem ­
ples d ’u n style ciném atographique d ’une g ran d e p ureté. B ien entend u, ce ré s u lta t
ne se ra it p as a tte in t, s’il n e correspondait p as égalem ent aux préoccupations de
to u s ceux qui on t p a r t à la créatio n ciném atographique. De to u t ceci, il ressort
que les qualités les plus rem arquables des film s fra n çais so n t u ne bonne stru c ­
tu re du récit, de trè s bons dialogues, u ne excellente in te rp ré ta tio n , u ne soigneuse
évocation des m ilieux sociaux et u n e m ise en scène à la fois intelligente e t sensi­
ble h a rm o n isa n t ces divers élém ents en u ne œ uvre d o n t l’un ité porte la m arq ue
d'u n e v éritable personnalité, parce qu’elle est le fru it d’une org an isatio n in té ­
rieure profonde, e t non d ’u n systèm e extérieur. C’est p e u t-ê tre d an s ses propres
qualités que se tro u v en t les lim ites du ciném a fran çais : l’intelligence e t le goût
prév alen t sur le feu des passions e t l'eng agem ent idéologique, ceci m êm e dan s les
(très ra res) film s à th èse (voir C ay atte). Ainsi ses fondem ents litté ra ire s e t in te l­
lectuels (ces adjectifs ne sont employés ici que pour s’opposer à la sp on tan éité,
avec ce qu ’elle so us-en ten d d 'im p arfait, de b ru t) lui a ttir e n t l ’estim e e t l’ad m i­
ra tio n p lu tô t que l’adhésion im m édiate du public. Il m anque de c ette réso nance
qu’on t les film s lorsqu’ils fo nt appel à des idées e t des sentim ents vivants dans la
conscience des hom m es d ’a u jo u rd ’hui.
M ais je n e veux p as dire p a r là que, dan s le ciném a m ondial, il n ’y a it p as
u n a p p o rt spécifique du ciném a français. D ans l’éternelle opposition e n tre
« fond » et « form e » le recours aux valeu rs form elles p re n d une signification
im p o rta n te quand il s’ag it p a rticu lièrem en t de ciném a. P a r opposition au docu-
m entarism e, à la p ropag an de idéologique, à la dialectique des films « engagés »
ou bien, dans le cas contraire, p a r opposition aux recherch es p u re m e n t te c h n i­
ques, les ra ffin e m e n ts form els so n t l'expression d’une insp iratio n c in ém ato g ra­
phique h a u te m e n t artistique.
XI. — Ainsi d a n s le m onde, le ciném a fra n ç ais est le re p ré se n ta n t d ’une
rig ueur de style, bien consciente, qu'il doit à u n e tra d itio n d o nt les ré a lisa te u rs
les plus ém inents so n t les m a ître s et do nt ceux de la jeune génération so n t les
co n tin u ateu rs. G râce à c ette pu issante tra d itio n , l’on ne s a u ra it p a rle r d ’une
véritable ru p tu re e n tre l’a v a n t e t l ’après-guerre, d ’a u ta n t plus que, co n tra ire m e n t
à ce qui s’est passé dans les a u tre s pays, le poids de cette tra d itio n (que tous
é ta ie n t loin de posséder) é ta it renforcé p a r la c o n tin u ité qu’a p p o rta it l’a c ti­
vité p e rsista n te de ceux qui, depuis vingt ans, re p ré sen ta ie n t ce ciném a avec
le plus d ’au torité.
II. — D ans ces conditions (et com pte te n u du fa it que la F ran ce n ’a p as
v ra im e n t subi dans sa situ atio n politique de bouleversem ents notoires, que ce

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soit a v a n t ou après la guerre) une ru p tu re com plète de style ou u n ren ou velle­
m e n t com plet de l'in sp ira tio n ciném atographique é ta it im pensable. M ais ceci
ne veut pas dire que, au cours de ces dix dernières années, le ciném a fra n ç a is
n 'a it p as évolué p a r ra p p o rt à ce q u’il é ta it a v a n t guerre. E t je d ira i m ôm e que
son évolution est somm e to u te positive bien qu'il ne jouisse plus a u jo u rd 'h u i
du prestige qu'il dut, dans le u r période glorieuse, à des a rtiste s te ls q u e Clair
ou R enoir e t à ce co u ra n t n a tu ra liste , lequel ces dernières an nées a v a it b ea u ­
coup p erdu de son originalité prem ière.

IV. — Il est c e rta in q u 'aucu n film actuel ne v a u t A nous, la liberté ou La


Grande Illusion, du m oins po u r le m om ent. E t il n'existe p as n o n plus u n e te n ­
dance do nt l'idéal se ra it bien déterm iné. Mais en revanche je crois que le ciném a
fra n ç a is s'e st ouvert à des expériences, aussi nom breuses que variées, lesquelles
loin d’en fa ire crain d re la décadence, en la issen t plu tô t présag er le p ro c h a in
épanouissem ent. Ce qui est à craindre, c’est n atu re lle m e n t u n excès de fo rm a ­
lisme. D ans le cas du ciném a, l'in sp ira tio n ab and on ne alors la vie co n tem p o rain e
e t se replie su r les ad a p ta tio n s de rom ans, sur les film s historiques. C 'est p ou r
cette raison que, p a rm i les film s fran ça is les plus m a rq u an ts de ces dix d ern ières
années, je re tie n d ra i en to u t p rem ier lieu Jour de fê te et Les Vacances de M onsieur
Hulot. T a ti est p e u t-ê tre le seul a avoir doué le ciném a fra n ç a is d ’u n ta le n t v ra i­
m e n t original, exercé dans u n genre p e u t-ê tre m ineu r m ais en to u t cas p a r u n
a rtiste au th en tique.
Pour les m êm es raisons je m e ttra is sur le m êm e plan (il ne s’a g it là que de
préférences personnelles) La B ataille du rail lequel s'il ne possède p a s to u s les
raffin e m e n ts de Gervaise est p a r contre doué d’u n e puissance d 'ém o tio n qui lui
fa it a tte in d re u n p la n beaucoup p lus élevé (par exem ple d an s la scène de l'exé­
cution).
Mais com m ent citer tous les film s de valeur in té re ssa n t c ette période ? Com­
m e n t en si peu de m ots p o rte r u n jugem erit valable su r ch acu n ? J e m e b o rn e ra i
à ra p p e ler Le Silence est d’or, Le Diable au corps, Casque d ’or, Les E n fa n ts du
Paradis, Dieu a besoin des hom m es, Le Journal d’u n curé de cam pagne, Je u x
interdits, La Traversée de Paris, Le Ballon rouge, pour n e cite r que ceux qui so nt
restés les plus p résen ts à m on esp rit e t qui corresp on dent le m ieux aux a p p ré c ia ­
tions d'ensem ble que j ’ai données plus h a u t, m êm e si celles-ci risq u e n t d ’ê tre u n
peu som m aires, puisque je n 'a i pu suivre la pro duction fran çaise que de loin
et que. p a r conséquent, je n 'e n connais qu'une p artie.
Luigi CHIARINI.

JULIO CESARE CASTELLO (Il P u nto e t Bianco e Nero).

I. — A m on avis, le ciném a fran çais, m êm e d an s ses (œuvres m in eu res, est


caractérisé a v a n t to u t p a r ce que j'a p p e lle ra i sa « civilisation ». C’e s t-à -d ire qu’en
F ran ce le ciném a vient s’inscrire to u t n atu relle m en t au sein d 'u n e tra d itio n
litté ra ire , th é â tra le , plastique e t spirituelle. C ette tra d itio n , d o n t la p rin cip ale
qualité est u n e lum ineuse « c la rté s», n 'e st pas, com me ailleurs, le p rivilège d’une
ra re élite, m ais constitue sim p lem en t le p atrim o in e n a tio n a l plus o u m oins
« sen ti ». Ainsi s’explique, d a n s le ciném a français, le fré q u e n t re c o u rs aux
ad a p ta tio n s de célèbres ouvrages litté ra ire s, le plus souvent doués de ce degré
de « civilisation » auquel je viens de fa ire allusion. E n F rance, il n ’ex iste p as de
ru p tu re e n tre le m onde de la litté ra tu re e t celui d u spectacle. C’e st a in si que des
écrivains tels que Prévert, S paak, Z im m er, Jean son , A urenche, Bost, N a ta n so n ,
etc., o n t p u con sacrer u n e g ran d e p a r t de le u r activ ité à écrire des s c é n a rli et
des dialogues qui o n t p rofon dém ent in fluencé la qualité de la p ro d u c tio n c in é m a ­
tographique. E t m êm e des écrivains plus intellectuels n ’o n t p as d éd aig n é d 'écrire
de tem ps à a u tre pour le ciném a. Mais je ne veux pas dire p a r là qu ’il faille
considérer le ciném a fra n çais comme un ciném a de scénaristes. T outefo is l’on
ne p e u t n ie r que des ré a lisa te u rs sa n s e x trao rd in aire p erso n n alité (tels que
D elannoy ou C h ristian -Jaq u e) o n t parfois a tte in t des ré su lta ts p restigieu x
grâce à la valeur des scénarii su r lesquels ils se so n t trouvés trav a ille r. E videm ­
m ent, c ette physionom ie d a n s l’ensem ble si litté ra ire laisse deviner de graves
d ang ers : les d éfau ts (ou les lim ites) d u bon ciném a fra n ç a is (nous n e te n o n s

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p as com pte ici des sous-produits plus ou m oins com m erciaux) prov ien n en t en
g énéral d 'u n e c ertain e com plaisance de n a tu re ju ste m e n t « litté ra ire » (au m a u ­
vais sens d u term e ). M ais revenons à ce que nous disions plus h a u t : le f a it que
le cin ém a fran çais vienne s’inscrire d a n s le vif d’u ne tra d itio n culturelle, le fa it
que les m eilleurs in te rp rè tes des th é â tre s parisiens to u rn e n t souvent dans des
film s, est égalem ent profitable au ciném a fran çais, d an s la m esure où cette
p a rtic ip a tio n se fa it sans arrière-pen sée. L oin de m épriser c ette form e de spec­
tacle, ils o n t au co n tra ire conscience des ressources bien spécifiques qu’elle
le u r offre. E t su rto u t il y a la trè s rich e p e rso n n alité des réalisa te u rs français.
L eur éru d itio n a d 'ailleurs é té p ro fo n d ém en t influencée p a r l’expérience
« d ’a v a n t-g a rd e » vécue p a r la F ran ce e n tre 1919 e t 1929, époque p e n d a n t laquelle
l'osm ose e n tre le ciném a e t les a u tre s a rts s ’est le m ieux réalisée.

II. — Je ne pense pas qu’il y a it à p ro p rem en t p arle r ru p tu re e n tre le ciném a


fra n ç a is d’a v a n t-g u e rre e t le ciném a actuel. A m on avis (com pte te n u de cer­
ta in e s « c o n stan tes » signalées a u p a ra g ra p h e I) le ciném a d ’ap rès-g u erre s’est
o rien té dan s des sens variés, ta n d is que le cin ém a des années 30 à 40 av ait
obéi d a n s l ’ensem ble à u ne m êm e te n d a n c e n a tu ra liste e t vériste (exception
fa ite p o u r quelques réalisateu rs d o n t l'isolem ent é ta it d'ailleurs bien re la tif).
L’in sp ira tio n populaire, pleine de ten d resse de R ené Clair, p e u t se ra tta c h e r à
celle, engagée, de R enoir ou encore à celle, pleine d’am ertum e, de C arné.

I I I . '— L’évolution, si on peut l’appeler ainsi, co nsisterait donc en cet ép a­


n ou issem ent de styles d ifférents d o n t le p o in t com m un sera it cette « civilisation »,
ce fo n d em en t culturel sur lesquels j'a i insisté d a n s m a réponse I. n est difficile
de tro u v e r deux p erso nnalités aussi d ifféren tes que celle de Bresson e t celle de
Clouzot. C ependant, d an s le cadre du ciném a fran çais d’après-g uerre, elles peu­
ve n t logiquem ent coexister et même, telles des extrêm es, a p p a rte n ir à u ne m êm e
te n d a n c e profonde. E n fin je ne vois aucune ligne de décadence dans le ciném a
fra n ç a is actu el : bien au c o n traire je tro uv e que, ap rès une brève période d’in ­
ce rtitu d e s u iv a n t-la rich e pro duction de l’im m édiat après-gu erre, il a depuis
quelques an nées poursuivi le plein épanouissem ent que laissaien t p résag er les
oeuvres réalisées p a r Carné, Clouaot, Bresson, A u tan t-L a ra , Becker p e n d a n t la
guerre. Le fa it que des nouveaux ta le n ts c o n tin u e n t de n a ître , libres de toutes
c o n tra in te s e t nous ré v é la n t sans cesse des univers poétiques nouveaux (de T a ti
à Lam orisse) me p a ra ît être la g a ra n tie d’u n développem ent fécond, poursuivi
d an s des directions m ultiples.

IV. — J ’ai te n té de dresser u ne liste (limitée n a tu re lle m e n t aux œ uvres d o n t


j ’ai con naissance personnellem ent) e t je me suis ap erçu que j'a u ra is dû y n o te r
un e tre n ta in e de titre s : évidem m ent tro p po ur re p ré se n te r un « choix ». E n
voici donc u ne liste de cinq (fruit de pénibles renoncem ents) : 1) Le Silence est
d’or ; 2) Le Diable au corps ; 3) Jeu x in te rd its ; 4) Casque d'or ; 5) Crin B lanc.
L’ordre de préféren ce est discutable. Les raisons de ce choix ne sa u ra ie n t s’expli­
quer en deux m ots m ais en gros disons qu’à m es yeux, ces cinq film s sont, avec
des a c cen ts différents, les plus h a u te s expressions d’u n cin ém a p articu lièrem en t
« civilisé ï> (au sens expliqué plus h a u t).
Julio C esare CASTELLO.

ALLEMAGNE

WALDEMAR KU RI (Professeur à l’in s titu t allem and de ciném a e t de T.V.).

I. — J e suis su rto u t sensible à ceux des aspects d u ciném a français qui se


r a tta c h e n t à ce que j ’aim e dans la F rance. Je m 'excuse donc d u côté a rb itra ire
que p euv en t avoir m es réponses à vos questions — d ’ailleurs, les tra its sa illan ts
d 'u n cara c tè re ne rév èlent pas to u jo u rs sa substance.
Donc, après c ette re strictio n m orale : le ciném a fra n ç a is — m e sem b le-t-il —
e st le ciném a le plus intellectuel e t le plus sp iritu el q u a n t à ses ceuvres les plus

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significatives. Je ne veux p a s dire : a b stra it, idéologique, m ais conscient. E t
p o u r préciser, je d irai que c’est le ciném a le plus m oral, p ro p o san t dès a ttitu d e s
m orales en face du destin, du m onde, des hom m es, rioh seulem ent êiï les d é c ri­
v an t, m oins encore en les a p p u y a n t de quelque publicité ou p ro pagan de (c’est
souvent le cas du ciném a am éricain ), m ais encore en ies propo sant â la réflexion,
e n les an aly san t.
_ . D 'a u tre p a rt, ce « co n te n u » est tra n sm is sous u ne form e qui u n it l'à rriè re -
p la n m ô ral à ce qui touché lés sens ; ce qui nous am ène souvent à considérer le
dinéffia fra n çais comme essen tiellem ent « esth étiqu e », voire superficiel. Alors
sâ sensüâlitê, son m ouvènléût, l’équilibre d’u n e con stru ction d ram atiq u e e t visuelle
so n t résum és p a r le m ot u n peu m é p risa n t de légèreté.
Les qualités et les défau ts d u ciném a fra n çais ? Les unes, je viens de les
m en tio nn er, les a u tre s c o n sisten t d a n s u n e perte d ’équilibre, soit en faveur d’u n
intellectualism e rh éto riq ue — je pense à c ertain s film s de C a y atte, je pense
égalem ent à des film s com me La p... respectueuse ou Les je u x so n t fa its —
Soit en faveu r d'une légèreté qui se v eut tro p ob stin ém en t fran çaise po u r l ’ê tre
v ra im e n t je parle de to u te une série de film s d its « gais ou comiques ».
L’ap p o rt du ciném a fra n ç a is au ciném a m ondial me semble c a p ita l d a n s u n
double sens ; d'abord, c'est lé ciném a fra n ç a is qui est arrivé lé p rem ier à su sciter
des réflexions fécondes su r l’im p o rtan ce d u cin ém a d an s le m ondé m odern e ;
m ais su rto u t, le ciném a fra n ç a is m ’a to u jo u rs p a ru comme celui qui s’est in té g ré
plus q u 'au cu n a u tre — sa n s pour a u ta n t p erd re son originalité — d an s l’ensem ble
d ’u n e civilisation spirituelle, litté ra ire , artistique. Je crois que son a p p o rt a u
cin ém a m ondial consiste en c et exem ple qu’il a donné, bien que l’on puisse
in sister égalem ent su r son a p p o rt d’ordre p u re m e n t esthétique.
F o u t conclure, je voudrais diré que les aspects les plus cara c té ristiq u e s d u
ciném a fran çais, ses qualités e t son a p p o rt àü ciném a m ondial se c rista llise n t
p o u r m ol dans l'oeuvre d’u n de ses cré a te u rs les plus a tta c h a n ts : J e a n R enoir.
I l me semble ê tre le p o in t dé jo n ctio n des diverses ten d an ces du cin ém a f r a n ­
çais, épris de progrès é t de nouveauté, to u t en re jo ig n a n t la tra d itio n , léger e t
p rofond à la fois, a im a n t la vie e t ses plaisirs — e t si la p a r t « c a rté sie n n e »
semble être peu e x istan te d an s son ;ûèuvre, elle re jo in t p a r là m êm e u n e vue
qui considère cette p a rt de ^ h é rita g e fran çais comme l'u n e parm i ta n t d ’a u tre s
e t p o in t comme la principale.
J e doute cep e n d a n t qu’on n e p a rta g e ce po int de vue chez mes co m p atrio tes
d’ou tre-R h in. Les ‘m e tte u rs en scène intellectuels (ceux qui le so n t v ra im e n t e t
ceux qui n e le so n t qu’en ap paren ce) com m e C ayatte, D elannoy, etc., so n t n e tte ­
m e n t préférés à d'au tres, com m e R en oir à qui l’on a ttrib u e des m e n tio n s h o n o ­
rab les p o u r ses qualités plastiq ues ou picturales. J ’a jo u te qu’on aim e égalem en t
les m e tte u rs en scène d 'u n e spirituelle légèreté, comme René Clair...
II. — Je ne crois pas. M ais je considère quand m êm e le cin ém a fra n ç a is
d’a v a n t-g u e rre com me trè s d iffé re n t de celui d ’a u jo u rd ’hui. P o u rta n t, je p a rle ra i
m oins de ru p tu re que de tra n s itio n ou d’évolution.
Le ciném a fran çais d 'a u jo u rd ’h u i est d an s u n c e rta in sens plus h u m a in ou
« h u m an isé ■» que celui d’a v a n t-g u e rre , qui a v a it des asp iratio n s trag iq u es p lu s
profondes (voir l'œ uvre très significative à cet ég ard de C arné) ; la n o tio n
du d estin (qui se p ré sen te assez souvent — sous l’enseigne n a tu ra lis te — com m e
u n déterm inism e psychologique), assez fréq u en t dans les g ran d es œ u vres
d ’av an t-g u erre, se re n c o n tre bien m oins souvent au jo u rd ’h u i ; a u jo u rd ’h u i, ce tte
force obscure, cette puissance qui se m anifeste en nous, m ais qui n ’ém an e p a s
de nous, s’exprim e p a r exem ple sous la form e de l’engrenage social, etc. L a n o tio n
de liberté, au contraire, l'o n p o u rra it bien plus souvent la d istin g u er à l’a rriè re -
p la n m êm e de scénarîi assez anodins.
B ien sûr, je ne parle ici que d 'u n seul aspect de c ette évolution. Sur le p la n
de la stru c tu re d u récit, on p o u rra it faire rem arqu er le recul d u psychologism e
facile, l'ab a n d o n dan s un no m b re considérable de film s de la c o n stru ctio n lin é a ire
e n faveur d ’une^ stru c tu re plus am bivalente. Je crois m êm e que dan s ce dom aine
le m eilleur ciném a fra n çais est en tê te de la p ro du ctio n m ondiale, bien que
d a n s le dom aine des th èm es e t su je ts les films italiens, e t les film s a m é ric a in s
d an s celui de la m isé en scène a ie n t fa it plus de progrès.

7Z
III. — Encore une question à laquelle 11 est difficile de répondre. D ans le
dom aine du film comique, on p e u t d iscerner une évolution positive, grâce su rto u t
aux film s de Jacques T ati, qui a confronté de nouveau le comique avec la ré alité ;
au lieu de con stru ire artificiellem en t une situ a tio n comique, il s'est basé sur la
co n fro n ta tio n de la ré a iité banale e t d 'u n caractère.
M ais ce n ’est q u'un élém ent. D an s î'ensem bie de la production c in ém ato g ra­
phique fran çaise j ’oserai m oins n e tte m e n t apercevoir des fa cteu rs de décadence
ou de progrès. N éanm oins, je risqu erai une hypothèse su r l’évolution du ciném a
fra n ç ais p e n d a n t ces dix d ernières ann ées : si la q u alité m oyenne des films
s'est sensiblem ent am éliorée grâce à une stru c tu re plus stricte des scénarii, si
les plus doués des réalisa teu rs fra n çais on t m ieux su se servir ou servir to u t
sim plem ent des scénarii en ap paren ce trè s b a n a ls (je pense p artic u liè rem e n t à
ces adm irables M auvaises R en co n tres), c’est ju ste p a r cela qu’u n c e rta in
nivellem ent s’est accentué. Il y a — à m on avis — u n perfectio n n em en t a rtisa n a l
qui a tte in t u n degré im p re ssio n n a n t avec u n film comm e E t Dieu... créa la
■femme, fabriqué su r m esure (m algré un e sensible défaillance de la stru c tu re
vers la f in ) , m ais dépourvu dé souffle e t de v italité. P a ire u n tr a v a il s o r ta n t d u
ra n g avec une m ach in e perfectionnée, est u n e en trep rise difficile, m êm e d a n g e ­
reuse. P o u rta n t, q u a n d je pense aux film s cités ci-ap rès, je co n state Un progrès et
u n renouvellem ent ex trao rd in aires.
M a m ém oire e st assez faible, h élas ! E t je n ’ai p as de liste de film s sous
les yeux. P e u t-ê tre m o d ifierais-je aussi l’ordre de préférence, si je revoyais
quelques-uns des film s choisis. Pour ju stifie r ce choix, je renvoie aux p a ra g ra ­
phes précédents.
Lola Montés, Le Journal d’u n curé de cam pagne, Les P arents terribles,
Elena e t les h om m es, Casque d’or, Les Vacances de M. Hulot, L'es M auvaises R e n ­
contres, Touchez pas au grisbi, Un condam né à m o rt s’est échappé, Jeu x interdits,
Jour de fête, Les G randes M anœ uvres, La Traversée de Paris.
W aldem ar KURI.

EDMUND LUPT (Film Echo e t N achtausgabe).

I. — Les aspects caractéristiq u es so n t les suiv an ts :


a ) L ’im pressionnism e p a r l’im age en co rrélatio n é tro ite avec les jeux d’om bre
e t de lum ière. L'expression optique y gagne en pouvoir symbolique et en ra y o n ­
n em en t in térieu r.
b) U n style discipliné e t spirituel c o n stam m en t soum is à l’intelligence aussi
bien d an s le lan gage p arlé que d an s la m im ique e t les a u tre s m oyens d ’expression.
c) De la p é n é tra tio n psychologique du su je t découle cet effo rt c o n sta n t pour
tro u v er u ne correspondance visuelle aux é ta ts d ’âm e e t aux m om ents du destin.
L a re p ré se n ta tio n de l'h u m a in d a n s u n réalism e te in té de poésie déborde le
cadre du destin individuel, e t te n d à reflé ter la société to u t entière. La densité
d ’atm osp hère dans les descriptions de milieu.
Voilà les qualités principales des bons film s fran çais. H en résulte c ette a p ti­
tu d e adm irable à pouvoir exprim er de façon, à la fols sim ple e t ration nelle, des
choses qui so rte n t de l’o rdinaire, e t cela sans illusions e t sans, n o n plus, d é tru ire
celles-ci. Comme d é fa u t du film fra n çais m oyen signalons : l’érotism e factice,
le m ariv au dag e avec l’im m oralité, la p ropension à p a re r d’une auréole de gloire
ce rta in s aspects les m oins recom m andables de la vie, la ten d an c e croissante à
considérer celle-ci com m e u n e fa ta lité inéluctable, a u lieu de voir e n elle une
tâ c h e qu’il s'a g it de dom iner.
Les tra its caractéristiq u es signalés ci-dessus o n t eu pour effet de ren d re
fo rt appréciable l’a p p o rt fra n ç a is dans le ciném a m ondial. L a richesse des tr o u ­
vailles p ro p rem en t ciném atographiques o n t contribué fo rt efficacem ent à l’évo­
lu tio n du 7e a rt.
II. — Je n 'a i pas l’im pression qu ’il y a it ru p tu re e n tre le ciném a fra n ç a is
d 'a v a n t-g u e rre e t l’actuel, m ais je pense qu’il s’a g it p lu tô t d ’u n e m étam orphose,

73
p ro v e n a n t s u rto u t d ’u ne nouvelle vision du m onde e t d 'une conception nouvelle
de l’existence.
II. — Oui je crois que le ciném a fra n ç a is a adopté les d ern ières a n n é e s un
to n plus dur, il est devenu plus grave e t m alh eureu sem ent aussi p lu s p la t. Jadis,
il av a it plus de poésie, je voudrais m êm e dire plus de g râce ; so u v en t il é ta it
plus cin ém ato grap hiq ue d an s le sens de F art des im ages m ouvantes. H m e sem ble
se rap p ro c h e r m a in te n a n t tou jours d avan tag e du n atu ra lism e , sa n s g a g n e r p ou r
a u ta n t en po rtée philosophique. Des E n fa n ts du Paradis au S alaire de la Peur,
du Journal d’u n curé de cam pagne à Gervaise..., certes, il y a encore le Ballon
rouge e n 1956. M ais n ’est-ce p as u n cas do nt on p arle avec u n e joie to u te p a r ti­
culière, parce qu’il constitue précisém ent une exception fo rt r a r e ?

IV. — U n te l classem ent est to ujou rs chose fo rt délicate, p a rc e qu'il y a tro p


d ’élém ents im possibles à com parer. J e veux toutefois, p our ne p a s vous c o n tra rie r,
en faire l’essai, en deux catégories :
Le B allon rouge, Les B n fa n ts du Paradis, Les Vacances de M. H ulot, Le Jo ur­
nal d ’u n curé de cam pagne, F anfan -la-T u lip e, M onsieur V incent, Les J e u x so n t
faits, La B ea u té d u Diable, La Belle e t la bête, Le Plaisir, Les Belles de n u it,
O rphée, M anon, Casque d’or, Gervaise, Le Salaire de la peur.
N uit e t brouillard, Farrebique, Justice est fa ite , Le M onde d u silence, Nous
som m es tou s des assassins, Les C hiffonniers d’E m m aüs, La Vie com m ence
dem ain, Picasso.
E dm und LUFT.

U.R.S.S.

SERGE YOUTKEVITCH. .

E n 1926, j ’ai écrit u n p e tit livre su r Max Linder, P a r la su ite je devais écrire
souvent su r le ciném a fran çais. J'a i peur cep e n d a n t de n e pouvoir ré p o n d re à la
prem ière question de votre enquête.
J ’ai to u jo u rs été étonné p a r l’audace de beaucoup de critiq u es é tra n g e rs qui
o n t écrit su r le ciném a soviétique sans avoir vu le q u a rt des film s f a its depuis
v in g t ans. J ’a i vu beaucoup de film s français... m ais je n ’a i p as to u t vu. J ’en
ignore d ’im p o rta n ts et c’est pourquoi je n ’a i pas le d ro it d’im poser m e s re m a r ­
ques e t m es critiques. Si je vous disais que j ’aim e beaucoup le cin ém a fran çais,
cela ne signifierai rien e t ne p o u rra it servir qu’à l ’établissem ent de m o n au to b io ­
graphie.
Ce qui est v ra im e n t im p o rta n t c’est que les film s fra n ç a is so n t bien accueillis
p a r presque tous les spectateu rs soviétiques. Cela est u n fa it de valeur, beaucoup
plus in té re ssa n t que les goûts personnels de quelques-uns.
J e n e crois p as qu’il existe d ’a r t réservé à quelques « élus » e t p a r tic u ­
lièrem en t l’a r t du ciném a qui, à m on avis, est p a r n a tu re u n a r t p o p u laire d a n s
le sens le plu s h o n n ête e t le plus précis du term e.
P our m oi le fa it que les sp e ctateu rs de nos d ifféren tes R épubliques aillen t
voir des film s fra n ç a is constitue la m eilleure réponse à v o tre question su r l’im ­
p o rtan ce des film s fra n çais d a n s la p roduction m ondiale.
Qu’est-ce qui nous touche d a n s vos films, nos sp e c ta te u rs e t m o i qu i suis
aussi u n sp e c ta te u r des film s fra n ç a is ? D ans une réponse brève à v o tre enqu ête
il est difficile de l’expliquer.
Vous parlez souvent « d’âm e slave » à propos de l’a r t russe. Ne p o u rra it-o n
p as p a rle r « d’âm e fran çaise » ? Pas scientifiquem ent bien sûr. S ouven on s-n ous
de ce que d isa it Ju les R e n a rd à ce su je t d an s son jo u rn a l à la d a te d u 18 j a n ­
vier 1889 : « L ’âm e. Un m o t sur lequel on a d it beaucoup de so ttise s. Pensez
seu lem ent qu’au x v iir siècle des hom m es intelligents co m m e D escartes, a ffir ­
m a ie n t que les. anim a ux n ’avaient pas d’âme. N’est-il pas bête de refu ser à
au trui quelque chose sur lequel on ne sait rien soi-m êm e ? >

74
Alors ne refusons p as l'âm e au ciném a e t c’est p e u t-ê tre pour cela que les
film s fra n çais so n t faciles à co m pren dre pour nous e t que nous en apprécions la
langue e t p e u t-ê tre plus encore l’esprit. Mais il est to u t à fa it n a tu re l que c h a ­
cun com prenne cette âm e à sa m anière. P o u r c erta in s c ’est Paris by N ight, le
café de Flore, les grisettes e t le to u r de taille de B rigitte B ardot.
Pou r nous, c’est le tra v a il e t l’h u m a n ité , le lyrism e e t l’hu m o ur, la tra d itio n
de la Com mune, la f r a te r n ité , des batailles, l'escadrille N orm andie-N iem en, l'élé­
va tio n de l'a r t classique, l ’œ il aigu d e Picasso e t de Léger, le P aris des tableau x
de M arquet, des poèmes d’E lu ard e t d'Aragon, le tra v a il des hom m es, des F r a n ­
çais. to u t simples, m oqueurs e t ten d res.
P eu t-o n expliquer avec des m o ts la g ra n d e u r de l'âm e d’une n a tio n ? Qu’on
le veuille ou non, nous retro uv ons c e tte g ra n d e u r d a n s la p lu p a rt des film s fr a n ­
çais e t c’est pour çà que nous les aim ons.
Vous me dem andez de vous n o m m er les m eilleurs film s fra n ç a is depuis dix .
ans e t de les classer. L’adorable F ra n c e Roche a écrit u n e fois su r moi. « Il res­
sem ble à u n curé qui ne parlerai ja m a is de Dieu. » P o u r un e fois il f a u t que
je p arle de m es croyances p o u r ju stifie r m on choix. Je crois p ro fo nd ém en t que
l’a r t du ciném a n 'e st n i u n e rigolade, n i u n e chose frivole, n i le m oyen de ré p a n ­
dre les « best-sellers > ou l’occasion de faire de la gym nastique d an s le m ontage.
Pour moi et mes amis, le ciném a c ’est l’a r t des g ran d es forces sociales, p o rte u r
de v érité e t de beaux sen tim en ts, le m oyen de se c o n n aître les un s les autres,
e t de faire circuler l'am itié. Le p rem ier com m andem ent, de l ’esthète te l qu’il est
énoncé dans l’aphorism e d'O scar W ilde su r l’A rt g ra tu it n e no us touche p as et
nous n e le com prenons pas.
Ce qui p a r contre nous tou ch e e t nous sem ble actuel, c’est l’appel de Cesare
Z a v a ttin i lancé à la trib u n e de la prem ière R en co n tre In te rn a tio n a le des auteu rs
de film s. « Faisons des film s qui so ie n t u tiles au m onde entier. » Je sais que ces
idées p euvent sem bler étroites à ceux qui ju g e n t les film s en dehors du clim at
social e t en dehors de la com préhension en tre les hom m es, à ceux qui n e ju g e n t
les film s que su r l’a r t en soi.
Vous m e dem andez de classer les films. M ais com m ent p u is-je faire u n choix
e n tre Les E n fa n ts du Paradis e t Le Ciel est à vous, q u an d to u s deux so n t l’expli­
catio n politique du courage de l’âm e fra n ç a ise à la g ran d e époque de la Résis­
tance. E t La B ataille du rail de C lém ent s’im pose à m on e sp rit avec le g ra n d et
terrible film d'A lain R esnais N u it e t Brouillard. Ces deux œ uvres ex p rim en t les
grandes am ours e t les g rand es hain es.
Que m ’im porte que La G rande Pêche de F a b ia n i soit u n cou rt m étrage, si je
retrouve dan s u n film la m êm e te n d resse p o u r les tra v a ille u rs que dans Le Point
du Jour de D aquin. Tous les a rtiste s d é te ste n t les philistin s de to u tes sortes et
c’est pourquoi Le Diable au corps d ’A u ta n t-L a ra m ’ém eut profondém ent. U n des
m eilleurs film s que je connaisse, p a r sa m ise en scène comme p a r son ra ffin e ­
m ent, c’est Les P a re n ts Terribles de J e a n Cocteau, œ uvre im pitoyable et cepen­
d a n t profondém ent h um aine.
Le proverbe d it : « Nul n ’est p rophète en son pays. » Je n e sais si c’est exact,
m ais ce qui me semble p ro fo n d é m e n t in ju ste ce so n t les critiques françaises su r
C ayatte. J 'a i lu qu’on l’accu sait d 'ê tre didactique e t tro p rationnel.
Il m e semble que po u r réaliser des œ uvres com m e Justice est fa ite e t A v a n t
le déluge, il fa lla it u n g ra n d courage e t u n g ra n d ta le n t.
Je n e p a rta g e pas n o n plus les critiques m al fondées sur La B eauté du Diable
de R ené Clair, d o n t on n ’a p a s assez parlé. J ’ai vu ce film en m êm e tem p s que
M onsieur Verdoux d an s la m êm e séance e t c e t adm irable conte philosophique,
in tellig en t e t dur, a tra n q u ille m e n t su ppo rté la com paraison avec le ch e f-d ’œ uvre
de C haplin ce qui a é té pour m oi la m eilleure preuve de la force de La Beauté
du Diable.
L’h üm anism e pro fo n d e t in té rie u r des Evadés de Le Chanois, film si éco­
nom e de moyens, ne m ’ém eut p as m oins que l ’envol des ballons de toutes couleurs
en l’h o n n e u r d 'u n p e tit garçon d a n s le rem arquab le poème de Lam orisse Le
Ballon R ouge.

75
Jê re g re tte beaucoup qu’u n aussi bon m e tte u r eii scène que Clouzôt, n ’a it
pas réalisé le SUjët do nt il m ’aVait parlé 11 ÿ à deux a n s à Cannéfe, Si toüà les
dctrs du inonde que C h ristia n -Ja q u e à ra té , parce que j ’a im e ra i bien que l'e x tra o r­
d in aire ta le n t dé CÎOUzot s'exerce e n fin du boü côté.
J ’ai to u jo u rs eu l’im pression qu'il cache sa ten d resse po u r l’hom m e sous
lé cynism e e t là b ru ta lité parCë qu’il est u n a rtiste hypersensible e t vulnérable.
Là fin de M alton ne nie touché pas, m ais j'estim e que là prem ière m oitié est
tfè s briilân te.
J'a i vu 11 y a peu de tem ps le merveilleux film de Bresson, Un Cûndctmné à
m o rt s’est échappé. On m e d it que Bresson est catholique. Cela v e u t dire qu’A ra-
goîi ava it raison quand il écrivait dans « La Rose e t le R éséda s> .*
« E t celui qui croyait au Ciëï
Et celui qui n ’y croyait pas. »
Ce film qui exalte si bleh le m érite de l’hom m e e t l'o b stin atio n de l ’âinë f r a n ­
çaise m e persu ad e encore plus que la force dù cin ém a fra n ç a is est sa possibilité
dé faire dés film s qui a id en t à vivre, à aim er e t à com battre.
Serge YOUTKEVITCH.

ROTÏSLAV YOURENËV (Critique dé la revüe L’A rt du C iném a).

E st-ce que vos questions ne sont pas dé pure coquetterie ? De quoi voulez-
vous que l'o n vous persuade une fois de plus ? E st-ce que, p a rm i to us les gens
qui co n n aissen t e t qui aim en t le ciném a, il p e u t se tro u v er des b lag ueurs ou des
snobs qui ig noren t l'im po rtance m ondiale du ciném a fran çais, de Méiiès ê t de
Linder, de « l'a v a n t-g a rd e » e t jusqu’aux oeuvres inoubliables de Clair, Feyder,
R enoir e t C arné ?
H um anité, lyrism e e t Une grand e poésie dans l'exp osition de se n tim e n ts
h o n n ê te s e t purs, voilà ce qui a ttire d ’abord d an s lé cin ém a fra n ç a is. E t si on
y a jo u te l'ironie, l’esprit e t un e in fatigables inv ention d an s la form e, on p e u t
p a rd o n n e r les effets superflus de cam éra et m êm e la tro p g ran d e ab on dance de
pessim isme. Le sens social, là com préhension de l ’hom m e, to u tes ces qualités
se tra n sfo rm e n t p arfo is en une psychologie m aladive e t u n e se n tim e n ta lité vul­
gaire. Mais c’e st u n reproche qui est encore plus valable p o u r les film s allem ands.
D an s les m eilleurs film s fran çais la p e in tu re de l’h u m a n ité a u n e profonde ré so ­
n an c e sociale, e t ces films o nt été faits, comme on livre bataille, p o u r u n m eilleur
avenir du m onde.
J ’ai com m encé d’aim er le ciném a français, alors que j ’é ta is é tu d ia n t. J ’é ta is
v éritab lem en t am oureux des œ uvres de René Clair, au p o in t que m es C am arades
de l'in s titu t du Ciném a de Moscou se m oq uaient de m ol e t a jo u ta ie n t à m on
nom celui du m e tte u r en êcène préféré, ce qui d o n n a it « Y oüreneclairov *. Ce
surno m m 'a suivi, ju squ 'au jo u r où je süls tombé am ou reux de M arcel C arné.
Il m e sem ble que cette nostalgie du début du siècle qui a d on né n aissa n c e
au Silence est d ’or e t aux Grandes Mancèuvres n e p e u t p as re m p la c e r ce sens
aigu du quotidien qui é m a n a it dê chaque im agé de Paris qui do rt e t de Sous les
to its de Paris ; q u a n t aux fortes pensées de La B eauté du diable, elles ne p e u v e n t
se com parer à la sa tire du Dernier Milliardaire. La po rtée sociale des prem iers
film s de R e n é Clair éta it beaucoup plus évidente e t c’e s t p ou r cela que le ü r fôJriiié
é ta it beaucoup plus harm onieuse e t homogène.
Le symbolisme des Portes de la N uit me semble p a r tro p m aniéré. Thérèse
Raquin, film quasi hystérique e t n e d ébouchant sur rien, é ta it a rtific ie l ; q u a n t
au lum ineux Air de Paris, il prouve que Carné est u n g ra n d a rtiste , m ais le film
m an qu e de gaieté e t de fraîcheur. A ttendons de nou veaux E n fa n ts d u Paradis,
sa n s cesser d 'ê tre en c h a n té s p a r l’original.
Les nom s qu’il fa u t citer p o u r l’après-guerre so n t aussi n om b reu x que d iffé ­

76
rents. Les œ uv res de Clouzot m e p a ra isse n t Inacceptables, ta n t il se délecte d an s
la so uffran ce e t les in stin c ts les plus bas. Les cheveux d é faits de M anon m orte,
tra în é s d a n s le sable e t V anel qui s’eng lo u tit dan s u n e n a p p e de pétrole, cela
n 'e st p as ré v o lta n t seulem ent à cause du cara c tè re n a tu ra liste de ces images,
m ais su rto u t p arce que la m o rt e t la vie de ces héros est dénuée de to u te raiso n
profonde. De plus, il est triste que Clouzot m o ntre les m êm es In stin cts sordides
chez les gens sim ples e t chez .les ouvriers e t qu'il m o n tre égalem ent de la tr is ­
tesse e t de la nostalgie en fa isa n t le p o rtra it de son P aris n a ta l e t de la jeunesse
qui a p articip é à la R ésistance.
M ais il existe u n a u tre jeu n e ré a lisa te u r qui a évoqué la R ésistance e t qui
m ’a ém u trè s profondém ent.. Il s’ag it de C ay atte et, comme il l’a d it de façon
forte e t h o n n ê te dans Nous som m es tous des assassins, l’indifférence de la je u ­
nesse p o u r la m orale, p e u t d 'u n co m b a tta n t, fa ire u n assassin.
Les p a tie n ts appels à la ra iso n e t à la conscience sociale de ses a u tre s films
en fo n t de g ran des œ uvres m êm e s’il n e propose que des dem i-m esures e t des
m éthodes p a r tro p didactiques.
Si C a y atte m anque de lyrism e e t de tendresse, Je a n -P a u l Le C hanôis e n .a
trop. J e n e suis pas de l’avis de beaucoup de m es com patriotes que rav issen t
Papa, M am an, la bonne e t m oi e t la suite. Je trouve ces com édies fo rt médiocres.
Ceci dit, l’am ou r que Le Chanois p o rte aux gens sim ples est in c o n testa b le m e n t
sincère et, com me tous les sp e c tateu rs soviétiques, j'a i beaucoup aim é Sa ns lais­
ser d’adresse. De plus, il y a d an s ses film s u n sens ju ste de la progression d ra ­
m atique. I l n e passe pas, comme Becker, de l’hu m an ism e d’A nto ine e t A n to in ette
(devenu tro p fabriqué dans Edouard e t Caroline') au rom an tism e p a ssio n n a n t
m ais, h élas ! « crim inel > de Casque d ’or. Il est d a n s l ’o rdre des choses que les
a rtiste s n e p re n n e n t p as tous le d ro it chem in. Les film s de C h ristia n -Ja q u e , p a r
exemple, n e m e p laisen t guère, m ais son F a n fa n la Tulipe e st excellent et, q uand
j'é ta is m em bre du ju ry du F e s tiv a l.d e K arlovy-V ary, j ’ai voté des deux m ains
pour Si tous les gars du m onde. A ce m êm e festival j ’ai vu Ballon Rouge d ont
le m élancolique et m erveilleux e n c h a n te m e n t re ste ra à. ja m a is gravé dans m on
cœur.
La prem ière im pression forte du ciném a fra n ç a is que j ’ai eue ap rès la guerre...
e t la d ernière m e v ien n en t des film s de R ené Clém ent. La B ataille du rail m ’av ait
bouleversé e t au jo u rd ’hu i encore, je revois cette im age de la p e tite araignée, grim ­
p a n t su r le m u r devant les yeux du p a trio te qui v a être fusillé. Je pense qu ’ensuite
les Ita lie n s o n t f a it du to r t à C lém ent : A u-delà des grille s m e p a r a it tro p
influencé p a r le néo-réalism e. J e n ’a i p as vu J e u x interdits, m ais j'a i été conquis
p a r Gervaise. Comme il a com pris p ro fo nd ém en t Zola, e t comm e M aria Schell
joue bien! L a p lu p a rt des scènes so n t aussi fortes que savoureuses e t je crois pou­
voir dire que Gervaise est trè s su périeu r au film p o u rta n t rem arq uable d ?A u tan -
L ara Le Rouge e t le Noir.
Bref, l’am our que je po rte au ciném a fran ça is m ’a perm is de v aincre m a
tim id ité aussi bien que m a m auvaise in fo rm atio n e t d ’écrire ces lignes. Je ne
vous ai p as f a it p a r t de toutes mes im pressions parce que j'a i p eur de vous
ennuyer. Je n ’ai pas parlé de m on resp ect pour le ta le n t de scénaristes comme
P révert, Spaak, A urenche et Bost. Je n e vous ai pas d it m on ad m ira tio n pour
A rletty, D anielle D arrieux, Louis Jouvet, Jean-L o uis B a rra u lt, Michel Simon,
G érard Philipe! J e n ’a i m êm e pas nom m é m es deux préférés, M ichèle M organ e t
J e a n G abin, le plus exem plaire des héros dém ocratiques de l ’écran, p a rfa it in te r­
prète des tra v a ille u rs français.
Les visages inoubliables de ces a rtiste s a in si que de beaucoup d’a u tre s se
fondent p o u r m oi en u n seul visage, bon, spirituel, gai e t courageux : celui du
peuple français.
J e n e suis jam ais allé en F rance, m ais vos m eilleurs film s m ’on t ap pris su r
votre pays beaucoup plus que les poèm es e t les rom ans, les scu lp tures et lés
tab leau x. SI le ciném a fran ça is î a it aim e r la F ran ce, c’est qu’il est u n g ra n d a r t
et que g ran d e e st sa con trib ution à la culture universelle e t à la lu tte m ondiale
pour la paix.
ROTISLAV YOURENEV.

77
QUELQUES STATISTIQUES
I. L’Exploitation
SALLES ET FAUTEUILS

Il y avait en France métropolitaine, au 31 décembre 1956 : 5.756 salles (format stan­


dard), soit 749 salles de plus qu’au l®r janvier 1950 (-(- 15 %).
L’augmentation moyenne a donc été d’une centaine de salles par an (149 en 1956), soi;
16 habitants par fauteuil.
A ces salles correspondent 2.745.911 fauteuils (moyenne: 475 par salle), soit 300.441
de plus qu’en 1950 (+ 12 %).

Pour comparaison ;
— Nombre de salles en ITALIE : 7.000 {et près de 10.000 si l’on tient compta d a
salles à gestion syndicale et confessionnelle, cfc.)
Nombre d’habitants par fauteuil : 13,7.
— Nombre de salles en GRANDE-BRETAGNE : 4.500.
Nombre dJhabitants par fauteuil : 12.
— Nombre de salles en ALLEMAGNE DE L'OUEST : 5,500.
Nombre d’habitants par fauteuil : 21,8.
— Nombre de salles aux U.S.A. : 18.360 (en 1954), dont 4.000 Drive in.

Les salles françaises se répartissent en :


— 68 % petite exploitation réalisant 20,7 % des recettes.
— 30 % moyenne exploitation réalisant 60 % des recettes.
— 2 % grosse exploitation réalisant 19 % des recettes.

SPECTATEURS ET RECETTES

E v o l u t io n d e s r é s u l t a t s dans l e s d ix d e r n iè r e s années

Spectateurs Recettes brutes Prix m

1947 ............................................... ........... 419 13.900 33


1948 ............................................. ........... 399 19.600 49
1949 ......... ..................................... ....... 387 22.100 57
1950 ............................................. ........... 370 25.900 69
1951 ............................................. ........... 372 33.300 89
1952 .............................................. ........... 356 38.400 107
1953 ..........................■................... ........... 369 41.600 112
1954 ............................................... ........... 383 45,500 U9
1955 ............................................... ........... 394 48.200 122
1956 (estimation minima) .......... ........... 410 50.000 124
De ces résultats, i! ressort que le nombre des spectateurs a crû de 15 % depuis 1952
(et de 82 % depuis 1938), tandis que le volume des recettes a cru de 30 % depuis 1952 (et
d’environ 46 % — valeur-or — depuis 1938).
La fréquentation annuelle par habitant est de 9,4, elle était de 10,41 en 1946, elle était
. tombée à 8,49 en 1952.

7S
Pour comparaison :

Nombre de spectateurs annuels :


— en GRANDE-BRETAGNE : 1.182 millions ; fréquentation : 23.
— en ITALIE : .800 millions ; fréquentation : .16,6.
— en ALLEMAGNE ; 770 millions ; fréquentation : 14,7.
— aux U.S.A. : 2.600 millions ; fréquentation : 15,5.
Le nombre des spectateurs à Paris représente 20 % du total de la France et 27 % des
recettes brutes, dont la moitié provenant des salles d’exclusivité.

II. Les Programmes


NOMBRE DE FILMS PROGRAMMÉS ANNUELLEMENT, FRANÇAIS ET ÉTRANGERS
EN VERSION DOUBLÉE ET VISA DE V.O.

Films Films V.O.


étrangers Total
français doublés étrangère

1952 ......................................... 111 ■ 195 306 391


1953 ......................................... 110 215 325 489
1954 ......................................... 97 209 306 379
1955 ........... .............................. 106 222 328 337
1956 ......................................... 133 219 352 383

L’accroissement du nombre des visas étrangers est principalement dû à celui des films
britanniques et allemands.

VOLUME DES RECETTES SELON LA NATIONALITE DES FILMS

1956 : Français, 48,07 % ; U.S.A., 34,24 % ; italiens, 8,55 % ; anglais, 3,20 % ;


allemands, 2,48 % ; divers, 3,40 %.
Depuis 1949, le pourcentage français s’est amélioré de 6,50 % ; l’italien de 3,30 %.
L’américain a perdu 10,8 %.

Pour comparaison :
Dans les pays voisins, le total des films en exploitation annuellement est souvent supé­
rieur du double.

IIL La Production
Il faut savoir que l’industrie cinématographique n’est nullement, comme le veut un
mythe curieusement répandu, la seconde industrie mondiale. Son rang en Amérique n ’est pas
plus favorable qu’en France où il n’est guère que le 20 ou 25° pour le chiffre d’affaire global
et Je 76e pour ce qui est des investissements de la production.

79
NOMBRE DES FILMS PRODUITS

Films de long métrage


Courts
purement coproduction total sujets
français

1952 ......................................... 88 21 109 340


1953 ....................................... 67 45 112 335
1954 ....................................... 53 45 98 420
1955 ....................................... 76 34 110 305
1956 ....................................... 90 39 129 283

FINANCEMENT DES FILMS DE LONG METRAGE


Le s investissements de capitaux français dans la production des films français (films
purement français et de coproduction) croissent d'année en année d'environ 15 % en
moyenne.
De 1955 à 1956, la majoration {25 %) a été supérieure à cette moyenne mais d’une
année à l ’autre le nombre des films â crû de 17 %.

In v e s t i s s e m e n t s fr a n ç a is

Films purement Films de Total


français coproduction

1952 ............................................... 4 100 l 200 ' 5 300


1953 ............................................... 3 900 3 400 7 300
1954 ............................................... 4 000 3 600 '7 600
1955 ............................................... 5 700 3 200 8 900
1956 ............................................... 7 300 3 900 11 200

D ’Otf VIENNENT LES CAPITAUX AINSI INVESTIS

Ces capitaux dont les producteurs sont intégralement responsables à l’égard de ceux qui
les leur prêtent, proviennent de divers bailleurs de fonds ou de crédit, en moyenne ainsi
répartis :
(Références 1956 ; millions de francs) :
Distributeurs français ............................................... 2.800 soit 25 %
Fournisseurs (studios, laboratoires, assurances) .. 1.450 soit 13 %
Banques (dont Crédit National : 500) ................. 1.300 soit 11,5 %
Créateurs et techniciens ........................................ 600 soit 5,5 %
Divers ........................................................................ 750 soit 6,5 % ^ du financement
des films
6.900 61,5 %
Producteurs (dont, concours financier) ................. 4.300 38,5 %
11.200 100 %
Le montant du concours financier investi en 1956 a atteint 2.500 millions de francs.
Observation : la participation des distributeurs et des fournisseurs est égale à celle
des producteurs.

80
I n v e s t i s s e m e n t s û ' « A id e a u c i n é m a »

Là progression du montant global annuel de ces investissements (aide spéciale tempo­


raire ou concours financier) s ’établit ainsi (en millions de francs) :
1952 1.350
1953 1.350
1954 1.700
1955 1.950
1956 ........................ 2.500

COUT DE LA PRODUCTION DES FILMS (longs métrages)

L’importance globale du coût de production des films français se différencie nettement


du volume global des investissements français dans ces films, en raison du phénomène de la
coproduction des films avec l’étranger et du jeu des investissements étrangers.

Coût global Volume total


des investissements
de la production français

1952 ............................................. 6 600 5 400


1953 ............................................. 9 700 7 200
1954 ............................................. 11 100 7 600
1955 ............................................. a 900 8 900
1956 ............................................. 14 400 11 200

(en m illio n s de fran c s)

Observation : Pour 1955, le déséquilibre est largement compensé par -les 2 milliards
de l’aide. Pour 1956, les 2 milliards 500 millions de l’aide ne suffisent plus, il y a péril.

C out m oyen d e s fil m s fr a n ç a is (en millions de francs)

Coût moyen Coût moyen


des films des films Coût moyen
coproduction général
purement français

1952 ........*......................... 47 117 60


1953 .................................. 57 129 86
1954 .................................. 76 156 113
1955 .................................. 75 185 109
1956 .................................. 81 182 111,5

On constate que le coût moyen général des films français n‘a progressé que modeste­
ment, de 1955 à 1956. Il est vrai que ces chiffres ne peuvent tenir compte des dépassements
de devis qui ont proportionnellement tendance à croître.

N ombre d es fil m s s e l o n l "im p o r t a n c e du d e v is

En 1956, comme en 1955, la tendance a favorisé la production oies films à budget


moyen ou faible.

ai
G
Nombre de films
Millions de francs
1956 1955

0 à 100 ...............................................
100 à 200 ............................................... ■39 ! 86 0/0
12
1
13
| 85 010
200 à 300 ...............................................
Plus de 300 ........................................... 5 3

Im p o r t a n c e d e s p r in c ip a u x p o s t e s du d e v i s

En moyenne, pour 1956, la structure du devis est la suivante :


Sujet .......................................................................................... 5,5 %
Réalisation .................................... ..................... . . ................. 17 %
Interprétation ........................................................................... 18 %
Studios ...................................................................................... 21 % \ du devis
Extérieurs ................................................................................ 5 % ( de production
Pellicule et laboratoire ...................................................... 8 %
Assurances et charges sociales ---- '.................................... 9,5 %
Divers ........................ ............................................................. 16 %

FORMES ET COULEURS
En 1956, 57 films sur 129 ont été produits en couleurs (32 films purement français et
23 films de coproduction).
Pendant cette année, 42 films (10 en « noir et blanc n et 32 en couleurs) ont utilisé
les procédés d'anamorphose ou autres techniques de large projection (23 films français et
19 films de coproduction).
L'évolution du recours en France à la pellicule couleurs et au large écran s ’établit ainsi :

Noir et blanc Couleurs Récapitulation

Format Format Format Format Couleurs Format


Total large
normal large normal large

1952 ........... 102 7 109 7


1953 ............. 82 — 30 ■— 112 30 - -
1954 ........... 61 — 33 4 98 37 • 4
1955 ........... 71 4 22 13 110 35 17
1956 ........... 62 10 25 32 129 57 . 42

La pellicule couleurs la plus souvent employée a été en 1956 la pellicule eastmancolor


(42 films), tandis que les procédés anamorphiques les plus utilisés ont été le procédé français
Dyaîiscope (16 films) et Je procédé d’origine française Cinémascope (19 films).

IV. Les recettes


Il est très difficile de publier des statistiques sur les recettes qui soient significatives, les
délais des rentrées étant très variables, sautant d’une année sur l ’autre, voire englobant
plusieurs années en ce qui concerne l’étranger. Nous nous contentons donc de publier ici un
certain nombre de recettes d’exclusivité qui permettent malgré tout de tirer quelques leçons.
Ces chiffres nous ont été aimablement fournis par L e F il m F r a n ç a is .

82
R ecettes d 'e x c l u s iv it é a P a r i s , B o r d e a u x , L i l l e , L y o n , M a r s e i l l e , N a ncy , S t r a s b o u r g
et TOULOUSE

EXPLOITATION 1954-1955

1. Napoléon .............................................................. 307.330.850


2. Les Diaboliques ............................................ 219.7S1.Q35
3. Le Rouge et le Noir .................................... 186.379.750
4. French'Cattcan ............................................... 160.999,876
5. Du Rifiji chez les hommes ........................ 157.772.890
6. Les Femmes s'en balancent ........................ 139.942.996
7. Papa, maman, la bonne et moi ..................... 139.447.135
S. Ali Baba et les quarante voleurs ..........' ___ 134.015.710
9. Votre dévoué Blake .................................... 124.623.405
10. Le Mouton à cinq pattes ................................ 111.032.935
11. Monsieur Ripois ............................................ 106.64S.455
12. Avant le déluge ........................................... 106.272.927
13. Ça va barder .............................................. 105.724.885
14. Madame Dnbarry ........................................... 102.211.100
15. Les Lettres de mon moulin ........................ 99..284.525
16. Cadet Rousselle ........................................... 93.784.920
17. Escalier de service ........................................ 91.511.459
18. Obsession ...................................................... 90.016.500
19. Razzia sur la chnouf .................................... 84.109.700
20. Les Evadés ............... ................................... 83.886.411

Plus loin on trouve :


30. La Tour de Nesle ........................................ 59.865.630
32. L'Air de Paris ............................................... 57.964.220
33. Le Dossief noir ........... ................................ 57.925.765
41. Le Bon Dieu sans confession ..................... 47.611.105

EXPLOITATION 1955-1956

1. Les Grandes Manœuvres ............................ 243.923.295


2. Le Monde du silence .................................... 187.093.063
3. Si Paris nous était conté ................................ 138.676.341
4. Les Cameis du Major Thompson ................. 120.952.460
5. Les Hommes en blanc ................................ 119.333.050
6. Les Héros sont fatigues ............... .............. 108.275.074
7. Le Couturier de ces dames ........................ 103.870.170
8. Les Aristocrates .......................... ........... 102.693.746
9. Papa, maman, ma femme et moi ................. 100.117.060
10. ]e suis un sentimental ................................ 99,280420
11. Vous pigez ...........................; ..................... 94.320.955
12. Si tous les gars du monde ............... ............ 93.637.220
13. Cette sacrée gamine ................................... 86.744.370
14. Chien perdu sans collier ................. .......... 82.503.586
15. L’impossible Monsieur Pipelet ..................... 80.377*486
16. Ces sacrées vacances .................................... 79.586.39a
17. Gaz~oil ............................................................ 78.638.390
18. La Meilleure Part ........... ........................... 72.310.025
19. La Bande à papa ......................... ........................ 70.520.10S
20. La Lumière d'en face .................................... 70.161.765

83
Plus loin on tfouve
22. Lola Montés ................................ .................. 67.353.020
23. Les Hussards ................................................. 66.090.895
41. Les Mauvaises Rencontres ......................... 40.573.523

Les chiffres de l’exploitation 1956-1957 ne sont pas encore entièrement connus. Il


est toutefois possible de donner les meilleurs résultats de première exclusivité â Paris en
ce qui concerne les films français sortis depuis le 22 août 1956 et jusqu’à leur exploitation
au 28 mars 1957.
1., Notre-Dame de Paris .................................... 201.635.725
2. La Traversée de Paris ................................ 163.359.315
3. Gervaise ..................................... ................... 155.495.645
4. Michel Strogoff ........................ ...................... 129.357.265
5. Folies-Bergère ............................... , ............... 81.844.470
6. Assassins et Voleurs .................................... 81.137.925
7. Fée pas comme les autres et Ballon rouge 70.403.430
8. L'Homme à l’imperméable ......................... 65.772.185
9. Typhon sur Nagazaki .................................... 62.196.200
10. Mitsou . . . . ...................................................... 60.895.445
11. L ’Homme et l’Enfant ................................... 60.302.100
12. Elena et les hommes .................................... 59.737.070
13. En effeuillant la Marguerite ......................... 59.015.775
14. Et Dieu... créa la femme ............................. 58.900.795
15. Courte-tête .......................................... 55.998.000
16. Le Chanteur de Mexico ................................ 55.841.450
17. L'Homme aux clés d’o r ................................ 50.811.790
18. Paris-Palace-Hôtel ......................................... 47.351.880
19. Honoré de Marseille .............................. . 46.949.870

CAHIER S DU C I N E M A
Revue mensuelle du cinéma
Rédacteurs en C h efs : A. B A Z IN , j. D O NIOL-V ALCRO ZE e t ERIC ROHMER
Directeur-gérant : L. KE1GEL

Tous droits réservés
Copyright by « Les Editions de. l’Etoile »
25, B o u le v a rd B onn e-N ou velle - P A R IS (2e)
R.C. seine 326.525 B

Prix du numéro : 2 5 0 Frs (Etranger : 300 Frs)
A b o n n e m e n t 6 n u m éros : Abonnem ent 1 2 numéros :
France, Union Française . . 1.375 Frs France, Union Française . . 2.75 0 Frs
Etranger ................................ 1.800 Frs Etranger ....................... 3.600 Frs
TOri/s spêcUmx pour étudiants et ciné-club3

Adresser lettres, chèques ou mandat aux CAHIERS DU CINEMA,
146, C h am p s-E ly sées, PA R IS-8* (E L Y . 05-38).
Chèques postaux : 7890-76 PARIS

Les articles n ’engagent que leurs auteurs. Les manuscrits ne sont pas. rendus.

84
6 PERSONNAGES EN QUÊTE D’AUTEURS
(Suite de la page 29)

Bazin : Elle est dépassée sur le plan psychologique. Il est possible que l'évolution du
cinéma (je n’en sais rien, mais je veux bien l ’admettre) aille dans le sens du metteur en
scène-auteur, ‘qui travaille à son scénario avec le ou les scénaristes. Mais peu m’importe
qu’il y ait des scénaristes en tant que personnes : ce qui compte, c’est le scénariste en tant
que fonction. Peu importe que les scénarios soient fait par Becker ou par des scénaristes;
ce qui compte, c ’est le manque de scénario d’Arsène Lupin. On en revient donc, non
pas au problème des hommes, mais à celui de l’inspiration et des thèmes. Le cinéma améri­
cain est riche d ’une thématique à peu près inépuisable, ce n ’est pas le cas du cinéma
français. Avant guerre, il y en avait une, maintenant on peut se demander quelle elle est.
Son unité, qui était grande avant guerre, a éclaté dans les directions les plus variées. Mais
il est resté une caractéristique de cadre, sinon de matière : c’est, au-delà de la psychologie,
une - certaine vision romanesque du monde. Des films comme Casque d'or ou Edouard et
Caroline, de Becker également, sont des films qui, sans avoir une origine littéraire précise,
m’apparaissent comme très français et très « après-guerre ». Les Dernières vacances sont
aussi un film très après-guerre. De même, Jeux interdits de Clément ou Le Curé de
campagne de Bresson, quoique d’une variété de style, de ton et de sujet très grande, ont
en commun un sens plus aigu de l’homme qu’on ne l’avait avant guerre dans le cinéma,
ainsi qu’une capacité d ’analyse proche de la littérature. Ce seul capital, je crains que nous
ne soyons en train de le perdre,

Doniol-Valcroze : Résumons-nous. Nous avons dégagé deux faits positifs : d’une


part, un certain espoir du cinéma français du côté comique, de l’autre, comme dit Bazin,
une certaine exploitation du romanesque à l’écran. Pour ma part, je crois que le cinéma
français a raté une autre chance. Pourquoi le romanesque a-t-il échoué? Parce qu’à part
quelques cas individuels comme Bresson, il ne trouve pas dans les films un contexte socio-
logique ou social suffisant pour le supporter. La force du cinéma américain, c’est d’avoir
ce contexte. C ’est aussi la force du cinéma italien. Quand Antonîoni fait ce remarquable
film qu’est Les Amies, d’après Pavese, il sait garder ce contexte qui est dans Pavese. Je
crois que le cinéma français a passé à côté pour plusieurs raisons : manque de courage de
la part des auteurs, mais aussi interdits économiques. Je vais prononcer un mot qui est
très général : celui de la censure. Je ne parle pas seulement de la commission de censure
mais surtout de la précensure, de la censure de l’industrie, ou de la censure personnelle.

Rivette : Effectivement, la seule chance du cinéma français, je crois qu’il ne faut


pas la chercher du côté du cinéma comique, qui ne restera jamais qu’un domaine limité;
ni de celui du cinéma romanesque, qui a été un espoir il y a sept ou huit ans, mais qui
est maintenant périmé. Cette dernière chance, ce serait un cinéma sinon social (je
n’aime pas trop ce mot), tout au moins un cinéma « situé », qui serait l’équivalent du
cinéma italien d’après guerre. Mais pourquoi a-t-on jusqu’à maintenant méconnu cette
chance ? Je crois qu’il est trop facile d’en rejeter la responsabilité sur la censure et les
producteurs. C ’est uniquement parce que les quelques metteurs en scène français qui ont
dit devant les journalistes « Je voudrais faire des films sociaux », sont en fait des gens
pourris. Je pense qu’Autant Lara, aussi bien que Clément, aussi bien que Clouzot, sont
pourris, dans la mesure oû, ces films, ils pourraient les faire s ’ils acceptaient de travailler
dans les conditions où ont travaillé Rossellini, Fellini ou Antonîoni, c’est-à-dire pour trente
ou quarante millions, en tournant peut-être à la sauvette ou dans la rue. Seulement ils ne
veulent pas; ils veulent, d’une part, continuer à gagner de l’argent, d’autre part, continuer
à faire des films de prestige. Il est bien évident que Clouzot, qui prétend faire, à la fois,
un film sur l’Indochine et un film de 300 millions, dans la même opération, ne fera jamais
ni l’un ni l ’autre, et d’ailleurs n'a sans doute jamais eu envie réellement de le faire. Il a
simplement paradé devant les journalistes et s ’est acquis à bon compte une réputation de
cinéaste courageux. Et ensuite il tourne Les Diaboliques. Mais, si Clouzot avait vraiment
eu envie de faire ce film, il aurait sans doute trouvé 30 millions. II n ’avait pas à s ’occuper
de la pré-censure; et sans doute son film serait-iî passé. Car, après tout, les cinéastes
italiens ont également une censure, ont également des producteurs, des distributeurs. Ils

$$
ont cependant trouvé le moyen de dire pas mal de choses. Nous n’avons pas vu en France
les- films de Lizzani. Mais je suppose que Lizzani n ’a pas dit carrément. : « Je sais com­
muniste, et je souhaite Vavènement de la révolution. » Il l’a sous-entendu, mais de façon
suffisamment nette pour pouvoir dire ce qu’il avait envie de dire. Tandis que Clouzot,
Clément, Autant-Lara (on en revient toujours à ces trois noms, parce que je pense que ce
sont les trois grands coupables) n ’ont pas voulu prendre ce risque. Parce que ce sont des
gens qui ont peur, parce que, je le répète, ils sont pourris, et pourris par l ’argent. En un
mot, je crois que ce qui manque le plus au cinéma français, c’est l’esprit de pauvreté.
Et il n’y a de chance maintenant pour ce cinéma français que dans la mesure où d’autres
metteurs en scène» et non plus ceux-là (car s ’ils avaient un moment la chance de dire
quelque chose, ils l’ont laissée passer), de nouveaux metteurs en scène, donc, prendront
ces risques de faire des films pour 20 ou 30 millions, et peut-être encore moins, en tournant
avec des moyens de fortune, sans présenter leurs scénarios à la pré-censure, sans peut-être
même les présenter aux producteurs et aux distributeurs. Et c ’est là, je crois, la seule
chance du cinéma Elançais.

Leenhardt : Ce qui était le vrai caractère du cinéma français d’avant-guerre (et


qui, à tort ou à raison, a été un cinéma important), c ’est que son non-conformisme fonda­
mental était possitif quant à l’homme, sur le plan social, révolutionnaire. Or aujourd’hui,
la suite de ce cinéma-là, cette dégradation doiit vous parlez, n ’en garde que le carac­
tère négatif. Le film noir a perdu chez Clouzot, par exemple, cette positivité, cette
transcendance de la poésie, ce sens révolutionnaire. Et La Traversée de Paris est pres­
que une œuvre de droite. Au contraire, les cinémas italiens et américains sont des
cinémas positifs, tonifiants. Nous Sommes enfermés én France dans des pures valeurs
de réaction.qui font qu’un film d’art est un film de destin, qui va mal et de la façon
la plus grossière. Le grand succès est pour Jeanson d’imposer une mauvaise fin,
alors qu’une fin ambiguë ou une fin heureuse étaient bonnes esthétiquement. Là, il y
a une censure inverse qui fait qu’on n’ose pas entreprendre d’œuvre positive. Seuls,
peut-être, les films de Bresson sont des films positifs.

K ast : Ce serait très bien s ’il y avait un excès de films .« négatifs ». Quel est celui
qu’on peut donner en exempte ?

Rivette : Gervaise est un film négatif !

Leenhardt : Gervaise, par rapport à ce qu’est Zola, c’est évident !

R ivette : Même, dans une certaine mesuré, Ld Traversée de Paris est un film négatif.

K ast : Qu’est-ce qu’un film positif, qu’est-ce qu’un film négatif ? Il faudrait là enga­
ger toute une discussion dont on ne sortirait pas.

R ivette : Un film négatif ést un fïîm lâche, Et je pense que le grand problème du
cinéma français actuel est celui de la lâcheté.

ENCORE LA LITTERATURE

K ast : Si l ’on remplace le mot lâcheté par le mot facilité, je suis entièrement
d’accord avec vous. Il y a cependant quelques romans qui rendent un son, sinon neuf, du
moins meilleur. J’aime beaucoup, par exemple, les romans de Pierre Boulle, ils sont tous-
d’excellents sujets de films, comme le sont ceux de Henry James et de Conrad. Il y avait
quelque chose à tirer de là, et c’est la facilité qui règne chez un certain nombre de patrons
de cinéma qui a empêché cette tendance de se matérialiser. Astrue, qui est loin de ce genre
de problèmes, qui traite dè choses beaucoup plus extérieures à mon avis, a tout de même
été tetité par « La Face », de Pierre Boulle.

R ivette : Je vais peut-être heurter Pierre Kast assez violemment. Mais je crois que,
si l’on avait adapté les romans dé Pierre Boulle, ce n’aurait pas été un grand pas en avant,
parce que c ’est une littérature dont l’iiispiratîon dâte d’une cinquantaine d’années. Si l’on

86
en reste là, on n ’aura pas été très loin. Ce sera une nouvelle forme d’académisme, mais ce
sera encore un académisme. Un académisme de gauche, un académisme anarchiste, un
académisme de l ’absurde; mais alors qu’Huston a fait son temps, je ne vois pas pourquoi,
en France, on devrait commencer à faire du Huston. Il faut aller plus loin.

K ast : Comme d’habitude, les affirmations de Rivette sont des tautologies parfaites.
Balayer Pierre Boulle d ’un trait de plume en disant qu’il a cinquante ans, me paraît ridicule.
De même, la façon de dire par un a priori : « Huston, c'est finiî » me paraît absolument
scandaleux et effarant. Je voudrais bien que Huston ait des disciples en France.

Rivette : Huston est fini dans la mesure où les romans de Conrad datent d’il y a
cinquante ans. Ce n ’est pas la peine de faire maintenant au cinéma ce qu'on faisait ailleurs
il y a cinquante ans. Le cinéma n’a de chance de faire quelque chose d’important (et c’est
là que je me sépare de Leenhardt) que, dans la mesure où il ne suivra pas la littérature,
que ce soit celle d’il y a cinquante ans ou celle d’il y a quinze ans (ce que faisait le cinéma
français d’avant guerre, puisqu’au moment où on adaptait Mac Orlan ou Carco, les romans
français importants étaient ceux de Malraux, de Bernanos et les premiers livres de Sartre).
Mais il ne s ’agit pas de suivre la littérature d’il y a quelques années. 11 ne s’agit peut-être
même pas de tenter de se tenir au niveau de la littérature actuelle : la vraie fonction du
cinéma serait de devancer la littérature.

Leenhardt ; Ne confondons pas le problème du rapport du cinéma avec la littérature


contemporaine, avec celui qu’on appelle îe « recul romanesque ». Par exemple, moi, per­
sonnellement, je sens que je ne peux faire des films que sur une réalité qui est digérée et
qui est passée. C ’est le cas général pour l’écrivain. Malraux, exceptionnellement, est le
type de l ’écrivain qui a immédiatement intégré dans l’univers romanesque l’univers contem­
porain. Je pense que le cas du cinéma est un peu différent, et que probablement la propor­
tion est inverse. Un auteur écrivant directement pour le cinéma, pour des raisons sans doute
impures, prendra une réalité contemporaine. Mais il y a un troisième problème. Je crois
qu’une des fonctions du cinéma, absolument différente de celle de créer des thèmes, est
celle d’adapter des romans, sans essayer de les intégrer dans un contexte contemporain. Si
nous sommes déçus par Gervaise, c ’est pour d’autres raisons, mais Gervaise en soi était
un film à faire. Ce que je lui reproche, est de ne pas être assez historique. De même
Bresson a eu raison de ne pas transposer Le Journal d’ün curé de campagne. Dans une des
nombreuses adaptations qui ont été faites, le père Bruckberger voulait y mêler une histoire
de résistance.

R ivette : Le Journal d’un curé de campagne est un faux exemple. C ’est le type
même d’une adaptation « de biais », qui aurait certainement rempli de rage Bernanos,
puisque tout ce pourquoi Bernanos a écrit son livre a disparu du film de Bresson. C’est une
fidélité h la lettre qui a fait croire abusivement qu’il y avait aussi fidélité à l’esprit. Il suffit
de relire le roman de Bernanos pour s ’apercevoir que tous les vrais thèmes du roman de
Bernanos, Bresson les a très soigneusement écartés pour mettre à la place les siens propres,
que l ’on retrouve dans le Condamné à mort. C ’est pourquoi le Condamné est un film qui
éclaire beaucoup Le Journal; mais le sujet profond de Bernanos n’est plus dans le film de
Bresson. On ne peut donc pas parler d’une osmose de la littérature et du cinéma. Il est bien
évident, au contraire, que Bresson a pris prétexte d’un roman pour faire un film, de même
qu’il a pris prétexte ensuite du récit de Devigny, d’où il a aussi très soigneusement enlevé la
plupart des faits réels, pour mettre à la place des faits de son invention. Il a substitué à une
évasion réelle une évasion purement imaginaire, une évasion de l ’esprit. Je pense qu’il
s ’agit d’une évasion purement spirituelle. Je ne crois donc pas que le film de Bresson ait
une valeur d’exemple sur cette question des rapports entre le cinéma et la littérature.

Leenhardt : Prenons un autre exemple, celui d’Agnès Varda. Voilà tout de même un
exemple extraordinaire. C’est la première fois, à ma connaissance, que, dans un cadre
d’avant-gardisme qui est assez déplaisant, un écrivain apporte au cinéma un dialogue, des
thèmes, exactement sur le même fond et dans la même forme qu’ils seraient traités dans la
littérature la plus actuelle, c’est-à-dire accessible à un nombre extrêmement limité d’audi­
teurs ou de spectateurs.

Rohmer : Rivette disait que 1e cinéma devait aller en avant de la littérature. Avant
ou arrière, c’est en tout cas sur un terrain qui n ’est pas du tout le même. Je me demande

87
si le but du cinéma est d’être en accord avec ce que Leenhardt appelle « la littérature la
plus actuelle », surtout en France où celle-ci semble aller dans un sens tout à fait diffé­
rent. Le cinéma ne cherche pas ce que cherche la littérature. Il est possible que cet accord
puisse se réaliser par quelque biais, mais, pour le moment, on voit très difficilement com­
ment. Je trouve très exemplaire que le dernier film de Bresson, que je considère comme
son meilleur, ait été tiré d’une œuvre qui n ’était pas littéraire.

K ast : Pour une fois, je me trouve d’accord avec Rohmer. Pour moi, les rapports de
la littérature et du cinéma sont extrêmement obscurs et difficiles à démêler. Il s ’agit de
deux domaines tout à fait différents. Le domaine de la littérature est un domaine oii la
liberté d’expression s ’exerce avec beaucoup moins de contraintes internes. L’écrivain est
un peu comme le peintre. Le peintre fait sa toile et dit merde à tout le monde. Et per­
sonne ne peut rien dire.

Rohmer : Ce que vous dites semble postuler l’infériorité du cinéaste par rapport à
l ’écrivain. Pour vous, l’écrivain peut dire ce qu’il veut, tandis que le cinéaste ne le peut pas.
Et. pourtant ce que dit le meilleur cinéma, américain ou autre, est aussi moderne et aussi
intéressant, sinon plus, que ce que dit la littérature française' la plus libre.

K ast : Je ne me suis sans doute pas assez bien exprimé. Je ne veux pas dire du tout
que je considère le cinéma comme inférieur à la littérature en tant que moyen d’expression.
Je veux dire simplement que les conditions dans lesquelles il s ’exerce sont d’une très grande
di^éretice. et que, jusqu’à maintenant, de fait, la liberté d ’expression du cinéaste se trouve
limitée dans tous les domaines.

R ivette : Leenhardt disait tout à l ’heure que le cinéma américain avait puisé l’essen­
tiel de sa force dans le roman américain. Mais je remarque que les adaptations, par les
cinéastes américains, des grands romanciers contemporains n’ont donné que des films
médiocres, sauf exception. Tout au contraire, le cinéma américain a développé, à côté de
la littérature américaine, des thèmes personnels et une vision du monde personnelle, qui
n ’est pas tellement proche de celle de Faulkner ou d’Hemingway, qui en est même très
éloignée par certains côtés. Ce qui fait' justement la grandeur des films américains, c’est
d ’avoir mené une parallèle aux romans américains, mais ce sont deux lignes qui ne se
croisent pas, qui cheminent l’une à côté de l’autre.

K ast : C ’est bien évident, si l’on pense à ceux des romans américains que nous
aimons le mieux, qui sont, mettons, ceux de Prokosch, ceux de Chester Himes et de
Chandler Brossard {Rires).

Bazin : Je crois que, là, on s ’écarte un peu du problème du cinéma français propre­
ment dit. Il n ’est pas essentiel de savoir si les cinéastes français devraient s’inspirer ou
non du patrimoine littéraire pour créer leurs propres sujets. Les deux méthodes pourraient
être valables ; si elles ne le sont pas, c ’est parce que le cinéma américain, lui, a des sujets
extra-littéraires. Si ce dernier est plus grand, c ’est, parce qu’il puise en lui-même suffisam­
ment d’inspiration sociologique pour cela. Il est fort possible que le cinéma français, pour
des raisons historiques, en soit dépourvu, et qu’au contraire, il ait avantage à s ’inspirer de
romans, mais peu importe. Le problème est de savoir s ’il y a ou non une matière.

U N C IN E M A SOCIAL

Rohmer : Le cinéma français, ne peint pas la société française, alors que le cinéma
américain sait la faire accéder à une dignité esthétique, ainsi que le cinéma italien. Peut-
être pourrait-on, pour conclure, chercher, sinon pourquoi, du moins en quoi le cinéma
français ne représente pas la France contemporaine.

Doniol-Valcroze : Je trouve intéressant de constater que, dans deux films qui ont
déjà été cités plusieurs fois ici, Les mauvaises rencontres et Et Dieu... créa la femme, deux
jeunes cinéastes de talent ont justement fait l’inverse de ce qu’auraient fait d’autres cinéastes
consacrés. Partant d’un roman très discutable, « Une sacrée Salade », Astruc a exhaussé son
sujet, en en faisant une espèce de réflexion personnelle sur sa jeunesse, sur vin milieu

88
qu’il avait connu, sur l ’arrivisme, etc. Vadim, lui aussi, a fait un essai très valable sur
ses conceptions de l ’amour et des rapports avec les femmes. Je constate avec plaisir que
deux jeunes cinéastes dont le talent me paraît évident, manifestent leur tendance à plonger
leurs œuvres actuelles, ou leurs œuvres futures, dans un contexte historique ou social
déterminé. Je crois que dans toutes les grandes œuvres littéraires ou cinématographiques
on constate cela. Stendhal parle de son époque, Flaubert, Balzac de la leur. Je ne prétends
pas que n ’apparaîtra pas demain un jeune cinéaste qui dirait ce qu’il.,aurait à dire en évo­
quant la Rome antique, mais ce serait une exception. La plus grande chance des jeunes
cinéastes de faire des œuvres valables, est bien de procéder de la façon d’Astruc ou de
Vadim.

R ivette ; Tandis que la grande faiblesse de La Traversée de Paris c’est de porter un


témoignage, qui est effectivement assez juste, sur une certaine société, mais ce n ’est pas
celle de maintenant. Et ce n'est pas non plus'celle de 1943, dans laquelle est située la
nouvelle de Marcel Aymé. J’ai l’impression que c ’est plutôt celle de 1930. Ce rapport,, très
montmartrois, de l’artiste et du bourgeois, est un thème de 1930, qui est artificiellement
situé en 43, et qui est filmé en 56.

D oniol-V alcroze : Oui, mais il est de l ’âge de son metteur en scène. Marguerite
de la Nuit et La Traversée de Paris sont des films qu’Autant-Lara avait depuis longtemps
envie de faire, mais qu’il n’a pu réaliser que récemment.

Bazin : Il n ’est pas fatal qu’il y ait, entre une société donnée et le cinéma, un rapport
de prise directe comme c ’est le cas en Amérique et en Italie. Je ne crois pas non plus
qu’il y ait de rapport direct entre le roman français et la société française. C ’est un fait
qui dépasse le fait cinématographique. C ’est peut-être parce qu’à ce stade de l’évolution
de la société et dé l ’art français cette connexion ne se fait pas. Faut-il chercher à tout prix
des sujets ayant une prise sur l’actualité ? C'est ce qu’ont fait Le Chanois, Cayatte. On
voit ce que cela donne. Ce n ’est pas exemplaire.

D oniol-V alcroze : Je ne dis pas que ce soit la règle d’or. Mais il se trouve que
dans le cas de deux œuvres qui nous plaisent, cette connexion a eu lieu.

Kast ; Vous allez m ’excuser. J ’apprécie beaucoup le film d’Astruc. Alais dire que
ces deux films ont un rapport quelconque avec l’actualité, est une des charmantes plaisan­
teries dont les C ahiers du C inéma, dans leur formule actuelle, sont coutumiers. C ’est un
de ces paradoxes amusants en société, qui est chargé de faire rire, mais qui ne correspond
à aucune réalité. Vous ne voulez pas nous faire croire qu’il y a le moindre rapport, en
dehors du rapport superficiel du monde des magazines, entre le monde de ces deux films
et le monde réel ? Si j ’apprécie le film d’Astruc, c’est pou? d’autres raisons.

D oniol-V alcroze : Je crois qu’il y a un malentendu. Je ne veux pas dire que le film
d’Astruc ni. celui de Vadim traduisent réellement l’état d’une société donnée, en telle année
et en tel endroit. Je dis que leurs auteurs ont puisé leur cadre et leur inspiration dans une
expérience vécue. Qu’ils la trahissent, qu’ils en donnent une image qui n ’est pas celle que
nous croyons, c’est autre chose. Mais U y a une espèce de sincérité d’inspiration, beau­
coup plus authentique que celle de certains metteurs en scène dits sociaux quand ils
disent : « On va faire la crise du logement, ou les problèmes de l’avortement. »

K ast : Je suis d’accord avec Donîol sur certains points. Pour moi, tout film qui se
prétend social commence déjà à cesser de l ’être. Il y. a un tas de films de l’école dite
réaliste-socialistiqtie-optimistique française qui me sortent par le nez et qui, à mon avis,
concernent la face de la lune qu’on ne voit jamais. Et tirés d’autres magazines que ceux
de Vadim. Mais ce pourquoi je préfère, bien que je ne l’aime pas, le film de Vadim à
ceux-là, c ’est qu’on y parle un langage que j’entends tous les jours dans la rue. Mais cela
dit, ce n ’est pas du tout parce que Vadim a su utiliser un certain nombre de tics de voca­
bulaire qui sont ceux du monde des bistrots, que son film est en prise directe sur l’actualité.

Rohmer : 11 y a un autre fait. C ’est que le visage de la France a fort peu changé"
depuis vingt ans, alors que l’Amérique, et même l’Italie, ont beaucoup plus évolué. II ne
s’est rien passé de nouveau dans les mœurs depuis, mettons, 1930, sinon ce qui nous
vient d’Amérique,
K ast : Pour la seconde fois, je suis entièrement d’accord avec vous. Il ne se passa
en France, pour l'instant, rien de suffisamment décisif, pour fournîr la matière d’un roma­
nesque cinématographique fondé sur une modification dé la société. Je ne remarque que
la présencet d ’un certain nombre de chapes de plomb dues â une mythologie qui règne :
H mythologie dé la. réussite, du succès, l’assimilation entré la fonction sociale et le mérite,
qui sont pôur moi les colonnes de la vie bourgeoise. Par exemple, la forme familiale et
monogame de la vie, telle qu’elJô existe dans Je code civil, ne correspond plus à une réalité.

Bazin : Quatre-vingt-dix-neuf pour cent du théâtre, de la littérature et du cinéma fran­


çais sont fondés sur cela.

Rohmer : Ce sont des poncifs vieux comme le monde. Les cinéastes français ne savent
que refaire perpétuellement La Garçonne. S’il y a des contradictions dans la société mo­
derne, ce n ’est pas de ce côté-ci qu’il faut les chercher. Le seul fait nouveau, s ’il y en a
un, c’est que la génération d’aujourd’hui aspire, non pas tant à la liberté (du moins une
liberté théorique dont elle a à revendre), qu’à îa morale, quelle qtie soft cette morale.

Bazin : D’ailleurs, il ne suffit pas qu’il y ait un substrat sociologique assez riche, pour
donner une thématique. Il faut qu’il possède des pôles. En Italie, le chômage joue le rôle
de la fatalité et du destin. Les trois quarts du néo-réalisme italien sont fondés sur la peur,
la peur sociale. La société américaine est polarisée par de grandes données : l ’argent, la
chance. Ce qui manque en France, ce n ’est pas la matière, mais la possibilité d’y trouver
une dramaturgie implicite. Ce qui n’empêche pas qu'il y ait en France des tas de problèmes;
guerres d’Indochine ou d’Algérie, crise du logement, etc.

R ivette : II est certain qu’on ne peut aborder la crise du logement, le racisme ou la


guerre qu’en les reliant à dés idées plus générales; et ôn ne le pourra tant que l’on conti­
nuera de croire (comme le font à mon grand étonnement Rohmer et Kast) que la société
française n’a pas évolué depuis vingt ans; ce qui me semble une absurdité. Le premier
devoir d’un cinéaste français serait de chercher ce qu’il y â de neuf, fondamentalement, dans
la société, depuis ces dernières années. Et ensuite^ il pourrait traiter n ’importe lequel de
ces problèmes, parce qu’il posséderait la clef. Pourquoi n’avons-nous pas trouvé la clef ?
Parce que nous ne l’avons même pas cherchée.'

Bazin : Pour chacun, la clef sera politique ou morale, alors qu’elle doit être au-delà
et de la politique et de la morale.

Leenhardt : Alors que le cinéma italien traite des mêmes sujets que la littérature
italienne, le cinéma américain que là littérature américaine, pourquoi voulez-vous, diable,
que le cinéma français puisse traiter autre chose que ce qui touche la littérature fran­
çaise, c’est-à-dire une matière psychologique, ou avec des résonances^ métaphysiques ?
C’est d’ailleurs ce que fait Bresson. Au cinéma, il a exactement là position d’un écrivain
français. Au lieu d’être celui qui saute sur la réalité et l’exprime a ’une façon boulever­
sante, il en donne une synthèse littéraire, la glaçant, la rendant parfaite, en faisant une
œuvre d’art. C’est ce que fait la littérature française, totalement opposée I la prise directe
sur le réel de l'Amérique et de l’Italie. Je ne vois pas par quel phénomène le cinémâ frâtt*-
çais échapperait à cette loi essentielle à la littérature française.

R ivette : Effectivement, Bresson correspond à une réalité littéraire française. Mais


c ’est par son côté réactionnaire. Il y a eu de très grands écrivains réactionnaires, mais
également, à une époque qui n ’est pas tellement éloignée, Bernanos et Malraux. Pourquoi
n'avons-nous pas dans le cinéma français, alors que nous avons celui de, mettons, Char-
donne, l ’équivalent de Bernanos ou de Malraux ?...

Nous avions entrepris ce débat sans Vespoir d'arriver à des conclusions pôsi^
tives, simplement pour évoQuer quelques problèmes et soulever tous les lièvres
possibles et imaginables. Nous ne nous dissimulons pas Quelle Impression OU en
pêut finalement retirer : « du vent » — mais le vent souffle oû il -üôtit ; et peut-
être quelques poussières se seront-elles logées dans votre -œil ? Nous it’èn souhai­
tions pas davantage.

$0
P R O B L È M E S DU COURT M É T R A G E
(Suite de la p a g e 3 5 )

DEUX TITRES PLUS UN

Pour ce bilan, on me soufflera d'abord Balfon Rouge en me rappelant que l'année dernière,
à Cannes, le jury de Cannes regretta de ne pouvoir — à ce film d éjà palmé d'or comme court
métrage — décerner la palme totale...mais je ferai la sourde oreille. J'admets volontiers que
Ballon Rouge représente le maximum « d'art » possible dans le maximum possible de succès
commmercial et je ne nie p as que son succès puisse être, du moins un certain temps, profitable
à tous, mais de là à crier a u chef-d'œuvre S
Si l'on met à part l'adm irable Partie de Campagne de Jean Renoir, produite avant-guerre,
mais exploitée après, deux titres dominent le court-métrage français d'après-guerre : Le Rideau
cramoisi et Nuit et Brouillard. Le film d'Astruc parce qu'il est le seul récif, le seul film roma­
nesque et qu'il a fait éclater ses dimensions au point d'être sans doute le seui film français
d'après-guerre qui traite de l'amour-passion. Oui, Le Rideau cramoisi parce qu'il n'est ni un
long métrage tronqué, ni un court métrage étiré, qu'il a s a dimension autonome et qu'il s'y crée,
de l'intérieur, un univers complet où l'on vit, aime et meurt. Oui, Le (Rideau cramoisi, car qui
d'autre a réussi en quarante minutes et avec des moyens limités (1) à faire parler le film en
termes de destin, à être ainsi de plain-pied, sans effort visible, avec la grandeur et le style.
Nuit et Brouillard, c'est l'évidence, est un film sublime. Dire qu'il doit plus à son sujet qu'à
son auteur est une injustice doublée d'une inconvenance. Dès leur rencontre, sujet et auteur
sont ici indissolubles. Quel méprisable calcul que de vouloir mesurer la p art des cadavres et
celle dont on a choisi de les proposer à notre méditation. Je ne ferai p as au lecteur l'injure
d'insister.
Ce qui importe c'est la beauté de ces deux films. Elle est telle que peu de longs métrages
supportent la comparaison. Telle aussi que leur existence suffit à justifier tout le court métrage
français depuis la Libération.
Mais le problème se pose aussi quant au nombre et là le palm arès devient un peu court,
d'autant qu'Astruc maintenant a passé le Hubicon et que le singulier et profond talent d'Alain
Resnais est de plus en plus à l'étroit dans une discipline qu'il continue d'exercer avec la même
rigueur mais qui lui offre peu d'occasion d'épanouissement.
Alors ? Le court m étrage s'il peut susciter cent bonnes œuvres ■—- et nous avons vu qu'elles
ne manquent pas — butte-t-il sur l'exceptionnel? .N'y a-t-il p as dans s a nature même quelque chose
qui le condamne à n'être qu'un utile champ d'application pour d'excellents réalisateurs et une
étape — parfois inutile — pour les grands talents ? C'est alors qu'apparaît le paradoxe du
court métrage.

LE PARADOXE D'U COURT METRAGE

On a dit, on dit toujours, qu'il est le laboratoire de l'avant-garde, le centre de recherches,


le banc d'essai et le lieu de détection des talents nouveaux. Certes on peut y faire toutes sortes
de tentatives formelles ou techniques que les impératifs commerciaux du long métrage interdisent
le plus souvent. Certes il peut servir à déceler ces talents nouveaux et nombreux sont les créa­
teurs de valeur qui ont fait ainsi leurs premières armes.
Ceci posé on peut soutenir également que ses conditions techniques et financières de fabri­
cation le condamnent à une sorte de stagnation artistique et que pour la presque totalité de sa
production il représente une arrière-garde p a r rapport à ce qui constitue aujourd'hui le long
métrage véritablement « moderne *•.
Je m'explique. Le cinéma est un moyen d'expression, une langue. Quand la langue est
bonne et que l'auteur a quelque chose à dire, le cinéma dépasse la seule fonction de divertis­
sement, il se met à signifier quelque chose et devient témoignage, expression de l'homme et de
ses civilisations, art tout court.
Encore faut-il que certaines conditions soient remplies. Le mécénat étant devenu impossible,

1) R elativem en t à l’ ambttlôiï de l ’en tre p ris e .

91
c'est à l'intérieur du cinéma « commercial » et de façon plus ou moins ouvert© que les créateurs
authentiques font conïinuement progresser ce moyen d'expression, c’est là que se niche aujour­
d'hui l'avant-garde et les véritables conquêtes.
Nous avons vu que le court m étrage français est actuellement viable, mais il n'est p as riche
pour autant. Au-delà de certains devis il devient financièrement impossible même avec les diver­
ses subventions, même avec la perspective des primes. Les cas- d e gros financements sont
« industriels » et alors les sujet sont incompatibles avec une véritable création artistique (s'ils
l’étaient l'organisme finançant aurait, par définition, trop d'obligations pour les laisser traiter
uniquement comme tels); il y a aussi les cas de gros budgets genre Ballon Bouge mais, outre
qu'ils sont extrêmement rares, il est facile d e déceler qu'ils s'assortissent d'une promesse d 'aca­
démisme et de prudence inhérente à un succès public qui se doit d'être certain;
Donc les moyens restent petits, proportionnellement très inférieurs à ceux du long m étrage.
Du coup se trouvent pratiquement écartées toutes les formes de récit. Si l'on pose que la minute
de long m étrage romanesque coûte, au b as mot, 1 million, il faudrait adm ettre que la minute
de court métrage « de récit », avec acteurs, studio, extérieurs et moyens techniques adéquats,
en devrait coûter au moins autant (car les frais de mise en route ont à s'ammortir su r une moins
longue dislance). Un récit, une « nouvelle » de vingt minutes devrait donc coûter vingt millions,
de quarante minutes quarante millions. Or ce n'est même p a s la moitié, à peine le tiers de ces
sommes qui sont mis à la disposition des réalisateurs, tentant ces sortes d'expériences, plus
défavorisé es encore en général que les films techniques, industriels ou scientifiques car les sub­
ventions sont plus difficiles à trouver. Voilà donc un domaine qui devrait être le plus important
(la plupart des cinéastes ont envie de * conter » et le cinéma est d'abord un art spatio-temporel
du récit) et qui se révèle maudit. La lumineuse exception du Hic/eau Cramoisi ne fait hélas
que confirmer la règle et c'est pourquoi toute exception devient importante, d'où, cette année,
l'intérêt, la portée et l'audace d'un film comme Le coup du Berger.
Le court métrage s'exerce donc presque exclusivement dans le domaine de la description, •
du reportage, de la démonstration scientifique, d e la propagande didactique, de l'exposition
des œ uvres d'art des autres et du portrait biographique. Pour ce faire ses meilleurs auteurs ont
mis au point une langue qui représente le maximum de perfection possible a u regard des moyens
qui leur sont accordés... et qui pourtant demeure singulièrement en retard p ar rapport au degré
de souplesse et de perfection auquel est parvenu le long métrage. Je ne veux p a s entamer ici
une discussion esthétique mais je crois que l'on peut dire — en résumant sommairement une
question complexe — que le cinéma, art du montage a u temps du muet et dans s a première
période parlante et devenu aujourd'hui un art du découpage. Or dans quatre vingt-dix-neuf pour
cent des cas le court m étrage dem eure un art du montage, il a donc vingt ans de retard et il
devient dès lors illusoire de parler de laboratoire de l'avant-garde, de banc d'essai..., etc.
En d'autres termes : le film de montage ne peut, en ce qui concerne le récit, rivaliser avec le
film de découpage. Quant aux autres films, documentaires, biographiques, techniques, etc., leurs
impératifs artistiques peuvent s'accommoder du système « de montage », leurs styles et donc leur
portée n'en sont pas moins limités. Qui utilise une technique dépassée dessert s a propre inspiration
et se trouve malgré lui hors jeu. C'est pourquoi il faut féliciter Alain Resnais — toujours lui ! —
d'avoir dans Touie Ja mémoire du. monde, dépassé le montage et fait de son film un seul et
long travelling, suivant une même pensée dans le dédale des choses montrées.
On ne peut donc tenir le court métrage pour une discipline moderne. La faute n'en est à
personne précisément, mais à des données de fait... n 'y a-t-il p as pourtant quelque paresse de
la part des réalisateurs qui, connaissant trop bien les murs de la prison, n'essayent plus de les
franchir, espérant seulement qu'un jour ou l'autre le long m étrage leur fera signe.
II serait inélégant de terminer sur une note pessimiste. Comme critique aussi bien qué comme
débutant réalisateur j'ai beaucoup d'admiration pour les court-métragistes français, admiration
multipliée p a r la connaissance que j'ai maintenant de certaines des incessantes difficultés qu'ils
rencontrent su r leur chemin. J'ai vu de près le soin infini que tous apportent à la préparation,
la réalisation, le montage et l'achèvement d e leurs films, même s'il s'agit d'entreprises ingrates
et sans gloire ; soins qui feraient rougir bien des réalisateurs de long métrage...
Tirons donc n o tre chapeau. II y a un « honneur » du court m étrage français et il y a une
honnête moisson pleine d'intelligence et d'esprit. Mais nombre de ses artisans ont trop de
talent pour n'être qu'honnêtes et se payer d'honneur. Tout art est sans cesse renouvellement,
métamorphose; craignons que celui-là, soudain, faute d'espace, ne se fige... les statues meurent
aussi.
Jacques DONIOL-VALCROZE.

92
DESSIN ANIMÉ FRANÇAIS, ANNÉE ZÉRO
(Suite de la page 41)

Au rayon des bonnes nouvelles il faut aussi noter que Paul GRIMAULT, qui depuis cinq
années n’avait rien, réalisé, travaille actuellement à plusieurs scénarios. Il est encore trop tôt
pour dire ce qu'il adviendra d'une offre des Studios de Dessins animés de Prague et des propo­
sitions qui lui ont été faites de réaliser le film-def de la prochaine exposition Internationale de
Bruxelles. Mais nous pouvons, dès maintenant l'assurer de notre impatience de voir ces projet3
aboutir.
Le cinéma expérimental, celui qui n'attend rien du public est également représenté en France.
Lb peintre américain Robert B re e r/a réalisé, depuis quelques années, toute une série de. sédui­
sants petits films abstraits : Farm Phases, Motions Pictures et Jmage p ar Image en animant
sur une minuscule table de tournage des formes découpées, d'agiles ponctuations, directement
tirées de sa peinture. Un film abstrait de prise de vue directe : Persistance d'un Rêve de René
Cosima et Guenaël Boloré nous a valu la surprise d'une petite introduction abstraite de Maurice
Chauvet dont l'attrayante mobilité mérite un diplôme d'aptitude à l'animation avec mention flat­
teuse.
Enfin, sur l'élagère des am ateurs de dessin animé à même la pellicule, en compagnie des
essais du peintre Lapoujade et de ceux de Michel Ciczewski {au fait quand va-t-il enfin revenir
de.son service militaire?), Albert Pierru, après un grand nombre d'œ uvres secrètes en 16 m/m,
vient d'obtenir le Prix Emile Cohl, pour Soir de Fête, film dessiné sur pellicule pour le cinéma­
scope, et continue à prolonger les œ uvres de Norman McLaren, avec un sens réel de ce cinéma
d'anim ation particulier, sans bouleverser la tradition mais sans la dénaturer non plus.

III. LEGITIME DEFENSE

Tout cela se passe devant nos yeux. Mais l'on ne peut p as diro que le public en soit réelle­
ment informé. Obtenir des informations sur les films d'animations français n'est p as un travail
d'am ateurs mais de détective, d'espion qui se glisse dans chaque officine.
Le regain d'activité de la plupart des réalisateurs français n'est p as le seul fait nouveau. Le
19 janvier 1957 s'est constitué une Association des « Artistes ef des Amis du Film d'Animation »
qui réunit Alexandre Alexeieff, Arcady, BBrthoîd Bartosch, Omer Boucquey, Henry Gruel, Jean
Image, Jean Jabely, Gilbert Metral, Paul Grimault et se promet d'envisager tout ce qui peut
être sérieusement entrepris en vue d'uno légitime défense du cinéma d'animation. On ne peut
encore augurer de l'efficacité de cette réunion mais il faut reconnaître qu'elle constitue un fait
B an s précédent. L'animation était jusqu'à présent le fruit de tentatives individuelles, de petites
familles inquiètes qui acceptaient d'affronter contre toute raison et avec une douce obstination
des situations impossibles, sans penser le moins du monde à une coordination professionnelle.
Les projets de l'association, qui ne manquent pas d'envergure, prévoient tout un travail théo­
rique de définition, des études sur la situation actuelle du cinéma d'animation en France et à
l'étranger, sur son évolution effective ou souhaitable. « Les Amis du iilm d'Ammatiati » envisa­
gent de participer d'une façon suivie à toutes les manifestations cinématographiques, de susciter
des projections, des festivals ou des articles de presse. EU© prévoit également de faciliter la
formation et le placement des jeunes animateurs, d'organiser un centre d'information technique
et plastique.
Il est heureux que cette association naissante conçoive l'importance de s a tâche. Elle ne
saurait le faire avec trop d'ampleur, car la situation de l'animation en France ne peut être
transformé p a r des efforts seulement corporatifs. Un art, surtout cinématographique, ne peut
exister sans entretenir quelques rapports avec la société qui l'environne. Le moins que l'on
puisse dire est que la France de 1957, ses élites, ses subalternes, ses artistes et ses savants
ne manifestent pas beaucoup d'intérêt pour l'animation.
Ce n'est pas seulement, avec des solutions démocratiques d'aide gouvernementale et de dif­
fusion commune en France et à l'étranger que l'on relancera l'im age p a r image. Ce n'est pas
avec les produits d'une industrie vivotante que l'on h au ssera la cote d'am our du cinéma
d'animation et que l'on convaincra les Puissants : excellence des arts et lettres ou rédactrices
en chef des journaux pour dames, mais avec une politique aristocratique des * meilleurs ».

93
Si le handicap du cinéma d'animation n'était qu'économique il suffirait d'attendre patiem ­
ment la fin de la crise, la dévaluation et organiser ensuite une grande semaine commerciale.
Mais rien n'attend le cinéma im age p a r image. En transformant en raison ce qui n'est que senti­
ment chez quelques amateurs de cinéma on n'obtiendrait p a s un courant d'opinion. C'est en
connaissance de cause et avec le sentiment d une perte que l'on plaint les réalisateurs de prise
de vue directe qui ne peuvent mettre en film les sujets dont ils rêvent. Les animateurs n'éveillent
jam ais de pitié aussi renseignée. Comment voulez-vous que l'image par l'im age trouve même
de généreux mécènes. On ne peut pas se ruiner pour ce qu'on n'imagine pas.
Il faut reconnaître que la fonction d e l'im age p ar im age est singulière et anachronique, en
ce qu'élîe ose s'attaquer très précisément à l'em pire indiscuté de la prise de vue directe, empire
d'autant plus solide qu'il entraîne les spectateurs dans les courants impératifs de participation
et d'identification. Le futur normalien d'Aix-en-Provence, le spiritualiste des Invalides et le pro­
gressiste de Neuilly peuvent, autour des mêmes fictions brandir ce qu'ils prennent pour une
vision du monde, la puissance affective et universelle des im ages qu'ils apprécient n'apportent
à leurs velléités aucune chance d'action. La photographie animée rôule tous les spectateurs dans
la farine d'une même magie régressive qui œ uvre dans le sens de la passivité, de l'agrément,
de la pesanteur.
’ L'évolution générale des arts polygraphiques consacre, chaque jour, la victoire du photo­
graphe sur l'œ il et la main de l'artiste. Le cinéma participe puissamment à cet écrasement peut-
être inévitable. Le film d'animation, au contraire, se dresse contre cette évolution. Dans
cette opposition réside la stupéfiante opportunité d'un film comme Blinkify Blank de McLaren,
véritable attentat contre le cinéma photographique. Sur l'écran éclatent les taches scandaleuses,
les grains, les textures, les accrocs d'un cinéma instrumental. Le film d'animation, autrement
que dans des documentaires faussement émus sur lès artistes disparus affirme l'émouvante valeur
des empirismes plastiques, des procédés de couleur, de trait, du travail inimitable qui formaient
la substance des vieux arts de l'image. Chez Alexeieff, l'inimaginable douceur du velours m étal­
lique de l'écran d'épingles, les repères d'animation dans l'espace de Raik, le solfège chiffré des
animations de Gruel, les plaques dépolies, vernies ou savonnées de Bartosch donnent u n e même
impression de survivance d'un travail très ancien et qui v a disparaître.

LES DERNIERS JOURS DE POMPEI

Ce n'est pas seulement sur le plan de la production quantitative mais sur celui de la
niagie intentionnelle de l'animation qu'il faut m arquer des points. Dans ce but les relations ne
peuvent se contenter d'être nationale. Les résultats des recherches de Trnka, de Pojar, de Zeman,
de McLaren ou de Pastchenko nous importent et sont toutes urgentes. Les mystères d'un cinéma
instrumental ne sont pas moins grands pour les réalisateurs que pour le public qui ne les pres­
sant même pas. Le cinéma d'animation apparaît comme un domaine où l'invention est, plus que
dans tout autre, indispensable; non pour assouvir des désirs vaniteux de nouveauté, mais parce
que s a précision interdit le surplace, exige la décision, la détermination, l'exploration, suppose
l'élaboration d e mondes inédits. Il sem ble qu'un tel art novateur nous concerne particulièrement
en un moment où nous confrontons nos arts, nos sciences e t nos philosophas et opposons les
prétentions de nos fables à leurs acquisitions.
Sans vanité et sans renommée em barrassante, Berthold Bartosch, dont l'œ uvre a été très
importante pour Alexeieff et McLaren, sem ble remplir cette fonction qui n 'a que peu de rapport
avec les fringales du public. Obtenant toujours ses im ages selon son procédé de transparences
animées, poursuivant la vibration d© la lumière en réglant des éléments plus ou moins opaques
sur cinq plaques superposées de verres dépolis et en multipliant les expositions successives,
Bartosch tente de cinématographier la vibration de la lumière.
En dehors de toute préoccupation commerciale il poursuit la réalisation d'un film qui lui
a dem andé cinq ans de préparation. Cinquante mètres vont bientôt être tournés, d'un film sans
paysage, sans visage, sans impatience, qui cherche à rendre le calme infini des espaces et des
phénomènes inaccessibles, sans souci do diversion ni de variété.
Le Cinéma d'animation ne peut se passer de ces sortes d'expériences avancées et instaura-
trices qui îui permettent de n e p as manger inutilement s a fortune, et qui lui offrent u n e chance,
s'il doit disparaître, dévoré p a r la puissance de l'im age photomécanique, de laisser quelques
regrets derrière lui.

André MARTIN.

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