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Vingtième Siècle, revue d'histoire

Cinéma et histoire : bilan historiographique


Rémy Pithon

Abstract
Cinema and history: the historiographic record, Rémy Pithon.
Historian's interest in film is not new. But not until the early 1970s did the topic "cinema and history" begin to be approached.
Despite the difficulties of a research field that was new methodologically as well as instrumentally, a great deal of work has been
done over the past 20 years. It fits into three basic categories : content studies focusing on openly propaganda or ideological
works or semiological studies deliberately ignoring context in favor of the "film as object"; studies that attempt to unveil
underlying but significant representation of the problems of a given period. After 25 years of research, the record is far from
negative. In spite of failures and dead-ends, each school has produced high quality research that has stimulated debate and
deepened hypotheses.

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Pithon Rémy. Cinéma et histoire : bilan historiographique. In: Vingtième Siècle, revue d'histoire, n°46, avril-juin 1995. Cinéma,
le temps de l'histoire. pp. 5-13;

doi : https://doi.org/10.3406/xxs.1995.3149

https://www.persee.fr/doc/xxs_0294-1759_1995_num_46_1_3149

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CINEMA ET HISTOIRE

BILAN HISTORIOGRAPHIQUE

Rémy Pithon

Les rapports entre le cinéma et ma et histoire» qui, depuis une vingtaine


l'histoire ont permis à quelques pionniers d'années, tente de soumettre ces
de proposer depuis maintenant un questions complexes à la dure loi de la
quart de siècle des problématiques méthode historique.
neuves. Avec des approches Certes, l'intérêt des historiens à l'égard
divergentes et des débats stimulants, les du film est quasiment aussi vieux que le
historiens ont bâti des histoires du cinéma cinéma. Il est rituel de rappeler à ce
aux hypothèses parfois contradictoires. propos le texte de Matuszewski, Une nouvelle
Rémy Pithon dresse pour nous un bilan source de l'histoire: création d'un dépôt
des recherches (et des modes?) qui se de cinématographie historique (1898), et
sont succédé durant ces vingt dernières de rendre hommage à Siegfried Kracauer
années. {From Caligari to Hitler. A psychological
history of the German film date de 1947),
Les commémorations sont en général dont la démarche ne correspond d'ailleurs
déterminées par un anniversaire dont guère aux critères actuels. Il ne serait que
l'importance est objectivement justice d'ajouter au moins le nom de
discutable, mais communément admise par Georges Sadoul, qui a attiré sur le cinéma
l'opinion. Souvent l'événement l'attention des historiens, dans ses
commémoré ne revêt un caractère fondateur que contributions quelque peu oubliées à un
dans la représentation que le public volume de Y Encyclopédie de la Pléiade1.
cultivé se fait du passé. Mais aucune Mais c'est seulement au début des
démonstration d'histoire positive ne années 1970, après l'article-programme
parviendra à saper cette base. Il en va ainsi publié par Marc Ferro en 1968 2, que la
de la commémoration de 1895, et en problématique commence à être abordée
particulier de la célèbre séance de cinéma de manière continue, et aussi
du Grand Café. Ces réserves formulées, systématique qu'il était alors possible. Dans le
nous pouvons donc convenir que la
commémoration s'impose et, puisqu'elle
relève de l'histoire des représentations, y 1. Charles Samaran (dir.), L'histoire et ses méthodes, Paris,
participer en fonction de l'approche qui Gallimard, 1961, p. 771-782, 1167-1178 et 1390-1410.
2. -Société du 20e siède et histoire cinématographique',
est la nôtre. Ce sera donc l'occasion de Annales. Économies. Sociétés. Civilisations, 23, 1968, p. 581-
faire le point sur la problématique 585.
REMY PITHON

domaine francophone, on relève mité, et la possibilité d'y accéder.


plusieurs autres contributions de Marc Ferro, Conditions élémentaires qui n'étaient en général
les travaux de Pierre Sorlin, un numéro pas réalisées à l'époque. Les histoires des
spécial de la revue Cultures, et des articles cinémas nationaux, fondées sur l'étude
de l'auteur de ces lignes. Des publications d'un nombre limité d'œuvres, étaient
en allemand et en anglais suivent de très souvent d'une fiabilité douteuse, et il
près1. Le mouvement était lancé. n'existait presque aucun index de la production.
D'ailleurs, il pouvait profiter du D'autre part, dans divers pays, et
développement de l'enseignement du cinéma, notamment dans tous les pays francophones,
qui prenait place dans l'Université l'accès aux dépôts des cinémathèques, et
française, de manière très systématique et très même la consultation de leur catalogue,
argumentée sur le papier, mais très là où il en existait un, étaient difficiles,
désordonnée et très improvisée dans la réalité2. voire impossibles. Proposer une analyse
Le même mouvement se développait, ou historique des films dans ces conditions
s'était déjà développé, dans des ne revenait-il pas à mettre la charrue
institutions d'enseignement supérieur en devant les bœufs? D'autre part, les
Allemagne, en Angleterre et aux États-Unis. chercheurs qui se risquaient dans ces terrœ
Ce qui n'empêcha pas les débuts des incognitœ devaient procéder sans guide.
études «cinéma et histoire» d'être difficiles, En effet, la lecture et l'analyse des
en particulier à cause du scepticisme, documents audiovisuels en général, et des
souvent narquois, des historiens. Et pourtant
films en particulier, posent des problèmes
Marc Ferro se voyait attribuer une chaire
que la familiarité avec les documents
à l'École des hautes études en sciences
écrits ne suffit pas à résoudre. Les
sociales (EHESS), et de courageux
premiers travaux durent donc construire leurs
précurseurs, comme Pierre Sorlin, inauguraient
règles de méthode au fur et à mesure de
des activités pionnières dans quelques
l'avancement de la recherche
universités. Certes, la mode de la
«nouvelle histoire» contribua à faire accepter documentaire3.
Ces conditions extrêmement périlleuses
une approche qui exploitait des sources
n'ont cependant pas complètement
peu classiques. Mais on s'aperçut bientôt
que le cinéma posait un problème de entravé l'essor de la recherche. Certains
crédibilité tout à fait spécifique. chercheurs se sont astreints à de longues
Proposer une lecture historique des enquêtes préalables pour pallier le
films produits dans un pays et à une manque d'index fiables, ce qui a beaucoup
époque donnés suppose en effet la retardé leurs travaux. D'autres ont esquivé
connaissance, au moins approximative, de la le problème en se convainquant que
composition du corpus de films ainsi déli- l'analyse d'un nombre limité de films,
voire d'une œuvre unique, permet de tirer
des conclusions historiquement valables.
D'ailleurs, certaines publications de base
1. On trouvera les références dans les bilans (index, catalogues, histoires de la
bibliographiques mentionnés à la note 2, p. 7. Cultures (vol. 2, n° 1)
republie le texte de Matuszewski (p. 235-238). production, etc.) ont commencé à paraître en
2. On aura une idée de la situation à cette époque en parallèle, et peut-être sous l'impulsion
consultant la brochure publiée en 1974 par le Centre national de la
cinematographic (Paul Léglise, Panorama synthétique de
l'enseignement du cinéma en France), ainsi que la dizaine de
notules ou d'articles consacrés à la place du cinéma dans les
universités françaises (Paris I, Paris lu, Paris VII, Paris VIII, 3. Voir le n° 18 (mars 1981) de la revue Éducation 2000,
Paris X, Aix, Bordeaux, Lille, Lyon, Montpellier, Nice, ainsi que Rémy Pithon, • Clio dans les studios : la règle du jeu-,
Strasbourg, etc) dans les numéros 164 à 180 de Cinéma 72 et Les Cahiers de la Cinémathèque (Perpignan), 35/36, 1982, p. 71-
Cinéma 73. 76.
CINEMA ET HISTOIRE : UN BILAN

d'une demande nouvelle1. Lentement, la Cinémathèque, il faut en souligner


consultation des collections des l'importance. Ils sont l'œuvre d'une équipe
cinémathèques est devenue moins difficile, qu'animait à Perpignan, siège de l'Institut
tout en restant onéreuse. Mais c'est Jean Vigo, le regretté Marcel Oms, et ont
surtout le développement du support vidéo beaucoup contribué à l'essor de la
qui a facilité l'accès aux sources. En ce recherche sur l'étude historique du cinéma: la
qui concerne les progrès lecture de la collection - premier numéro
méthodologiques, le tableau est plus sombre. Les en 1971, 60 numéros parus à l'automne
chercheurs dépourvus de formation d'historien 1994 _ donne, dans un foisonnement qui
ont subi de plein fouet les conséquences n'évite pas toujours la confusion, la
du manque total de garde-fous. Mais, plus mesure même de l'évolution de la
curieusement, les historiens qui se sont problématique. En parallèle, mais dans un
alors tournés vers le film semblent parfois style bien différent, X Historical Journal of
avoir oublié des règles méthodologiques Film, Radio and Television joue
qui leur seraient apparues élémentaires également un rôle majeur, quand bien même
l'audience de la IAMHIST (International
s'ils avaient travaillé sur de classiques
Association for Audio-Visual Media in
documents d'archives. D'où quelques
Historical Research and Education), qui le
publications sur lesquelles la charité
commande de garder le silence. publie depuis 1981, est restée limitée,
malgré ses prétentions à l'internationalité,
Exceptions d'ailleurs dans une
par la panique qu'éprouvaient ses
production qui, portée par une certaine mode,
fondateurs devant toute autre langue que
devint assez abondante au début des
l'anglais.
années 1980. Abondante même au point
que deux bilans bibliographiques ont
O DES APPROCHES DIVERSES
paru presque simultanément: l'un dû à
François Garçon en 1983, l'autre à l'auteur II ne faut cependant pas se leurrer: si
du présent article en 1982 2. Les deux les travaux parus au cours des vingt
institutions qui ont patronné ces initiatives dernières années ont été relativement
méritent d'ailleurs l'attention. nombreux, ils ont aussi été très disparates,
Conformément à sa vocation, l'Institut d'histoire du dans leurs approches comme dans leurs
temps présent (CNRS) s'est intéressé très méthodes. Il est fort difficile de procéder
tôt à cette nouvelle approche de l'histoire à une catégorisation, qui ne peut que
du 20e siècle. Quant aux Cahiers de la négliger des nuances importantes, et
suggérer des rapprochements discutables.
1. Pour les longs métrages de fiction, on dispose, par Nous prendrons cependant ce risque, en
exemple, d'index des cinémas britannique et italien, et d'une partie
importante des cinémas français, allemand et américain. Pour proposant de distinguer trois tendances
apprécier le chemin parcouru, il suffit de comparer avec la fondamentales.
situation que nous décrivions en 1974 (Rémy Pithon, • Cinéma La première est pour l'essentiel celle
et recherche historique. Esquisse d'une problématique.
Éléments méthodologiques et bibliographiques', Revue suisse des chercheurs anglo-saxons et
d'histoire (Zurich), 24, 1974, p. 26-65). Mais les répertoires de allemands. Elle domine la IAMHIST, et par
courts métrages et de films documentaires restent rares.
2. François Garçon, -Le film: une source historique dans conséquent Y Historical Journal of Film,
l'antichambre. Orientation bibliographique •, Bulletin de Radio and Television, du moins dans les
l'Institut d'histoire du temps présent, 12, 1983, p. 30-56; Rémy
Pithon, •Cinéma/Histoire. Éléments bibliographiques», Les premières années. Elle consiste à étudier,
Cahiers de la Cinémathèque, 35/36, 1982, p. 232. Ont paru dans les films, ce qui est du domaine du
presque au même moment, Karl Friedrich Reimers, Hans
Friedrich (Hrsg.), Zeitgeschichte in Film und Fernsehen, Munich, contenu explicite. Les chercheurs
Oelschläger Verlag, 1982 (Studies in History, Film and Society, privilégient volontiers le documentaire, engagé
3), et Marc Ferro (dir.), Film et histoire, Paris, Éditions de l'École de préférence, et les actualités filmées.
des hautes études en sciences sociales, 1984 (L'histoire et ses
représentations). Lorsqu'ils abordent la fiction, c'est avec
RÉMY PITHON

une prédilection marquée pour les films n'ont été oubliées. Mais les études les plus
considérés comme véhiculant de la nombreuses portent sur le rôle du cinéma
propagande. Le terme de propagande dans l'effort de guerre des États-Unis6; on
apparaît d'ailleurs fréquemment dans les titres fera une place à part à l'énorme histoire
de leurs travaux. Il n'est pas surprenant de la propagande américaine par le film,
que nombre d'entre eux portent sur le entreprise sous la direction de David
cinéma des régimes totalitaires, et sur les Culbert7. Dans la même perspective, les
époques de guerre ou de forte tension travaux sur «l'image de ...» dans un
internationale. Il est hors de question d'en cinéma national se sont multipliés8. Il
dresser ici une liste, même sommaire. s'agit alors de déterminer comment les
Nous nous limitons à mentionner films représentent, explicitement, un
quelques exemples significatifs et événement important ou une catégorie
particulièrement importants. On a beaucoup écrit sociale (les femmes, les noirs ou d'autres
sur la propagande soviétique et nazie1. minorités ethniques, etc.).
Plusieurs historiens se sont intéressés à la À l'opposé, certains chercheurs ont
politique cinématographique anglaise 2. adopté une méthode qui a fait ses preuves
Ni la seconde guerre mondiale3, ni la en linguistique, et rendu de très
guerre d'Espagne4, ni celle du Vietnam5 appréciables services dans l'étude de la
littérature et des arts. Nous l'appellerons, selon
un usage établi, l'approche «sémiologi-
1. Peter Kenez, The Birth of the propaganda state: Soviet que», même si cette désignation est trop
methods of mass mobilization 191 7-1929, Cambridge,
Cambridge University Press, 1985 ; Richard Taylor, Film restrictive et assez discutable. Dans les
propaganda. Soviet Russia and Nazi Germany, Londres, New York, années 1970 et au début des années 1980,
Croom Helm, Barnes, 1979; David Welch, Propaganda and
the German cinema 1933-1945, Oxford, Clarendon Press, ses tenants se recrutent essentiellement,
Oxford University Press, 1983. mais pas exclusivement, en France et en
2. Nicholas Pronay, D. W. Spring (eds), Propaganda, politics
and film, 1918-1945, Londres, Macmillan, 1982 ; Nicholas Italie. Ils se réfèrent volontiers à la théorie
Reeves, Official British film propaganda during the First World saussurienne, reprise pour l'essentiel par
War, Londres, Sydney, Wolfeboro, Croom Helm, 1986 ; Anthony certains ethnologues. En fait, des
Aldgate, Jeffrey Richards, Britain can take it : the British cinema
in the Second World War, Oxford, Basil Blackwell, 1986 ; Philip phénomènes de mode aidant, ils suivent plutôt
Taylor (ed.), Britain and the cinema in the Second World War, des épigones de Saussure ou de Lévi-
Londres, Macmillan, 1988 ; Clive Coultass, Images for battle.
British film and the Second World War, Newark, Londres, Strauss. La plupart ont été fortement
Toronto, University of Delaware Press, Associated University influencés par l'enseignement de Chris-
Press, 1989 (An Ontario Film Institute Book).
3. Kenneth R. M. Short (ed.), Film and radio propaganda
in World War 27, Londres, Canberra, Croom Helm, 1983 ; 6. Colin Shindler, Hollywood goes to war. Films and
Jeanine Basinger, The World War II combat film : anatomy of a American society 1939-1952, Londres, Boston, Henley, Routledge
genre, New York, Columbia University Press, 1986. & Kegan Paul, 1979 (Cinema and Society) ; Michael T. Isenberg,
4. Marjorie A. Valleau, The Spanish Civil War in American War on film. The American cinema and World War I. 1914-
and European films, Ann Arbor, UMI Research Press, 1982 1941, Londres, Toronto, Associated University Press, 1981 ;
(Studies in Cinema, 18) ; Wolfgang Martin Hamdorf, Zwischen -/No Kathryn Kane, Visions of war. Hollywood combat films of World
pasarân!' und •jArriba Espana!'. Ftim und Propaganda im Warn, Ann Arbor, UMI Research Press, 1982 (Studies in
Spanischen Bürgerkrieg, Münster, MAkS Publikationen, 1991. Cinema, 9) ; Bernard F. Dick, The star-spangled screen : the
5. James C. Wilson, Vietnam in prose and film, Jefferson, American World War II film, Lexington, University Press of
Londres, McFarland & Co, 1982 ; Gilbert Adair, Hollywood's Kentucky, 1985 ; Clayton R. Koppes, Gregory D. Black,
Vietnam. From - The Green Berets- to -Apocalypse Now-, Londres, Hollywood goes to war. How politics, profits and propaganda shaped
Proteus, 1981 ; Albert Auster, Leonard Quart, How the war was World War n movies, Londres, I. B. Tauris & Co, 1988 ; Thomas
remembered: Hollywood and Vietnam, New York, Westport, Doherty, Projections of war. Hollywood, American culture and
Londres, Praeger Publisher, 1988 ; Linda Dittmar, Gene Michaud World War II, New York, Columbia University Press, 1993 (Film
(eds), From Hanoi to Hollywood. The Vietnam War in and Culture).
American film, New Brunswick, Londres, Rutgers University Press, 7. Film and propaganda in America. A documentary history,
1990 ; Owen W. Gilman, Lome Smith (eds), America New York, Westport, Londres, Greenwood Press, dès 1990
rediscovered. Critical essays on literature and film of the Vietnam (4 vol. parus).
War, New York, Garland Publishing, 1990 (Garland Reference 8. L'espace disponible ne permet pas de les citer ici; on
Library of the Humanities, 986) ; Jean-Jacques Malo, Tony trouvera les principaux en dépouillant Y Historical Journal of
Williams (eds), Vietnam war films, Jefferson, Londres, McFarland Film, Radio and Television et le bulletin interne de la IAMHIST
and Co, 1994. (IAMHIST Newsletter, publié actuellement à Amsterdam).
CINEMA ET HISTOIRE : UN BILAN

tian Metz, ou au moins par la lecture de s'agit de chercheurs qui tentent de


ses travaux1. Négligeant délibérément dégager, au-delà du contenu explicite des
tout ce qui relèverait du contexte films, une représentation sous-jacente,
historique (biographie des réalisateurs, mais significative, des problèmes et des
conditions de production, accueil critique, etc.), préoccupations d'une époque. Ils sont
ils limitent le plus souvent leur étude à souvent plus intéressés par le film de
un nombre restreint d' « objets-films », fiction que par le documentaire ou les
analysés selon des grilles prédéterminées, et actualités4. Mais, à la différence du groupe
parfois même à un film unique, censé précédent, ils sont dominés par la
contenir un potentiel d'informations dépassant préoccupation d'aborder le document en
son cas isolé. historiens stricto sensu. Ils cherchent donc
Ces chercheurs, historiens de formation à adapter les méthodes acquises dans
parfois, ce que Christian Metz n'était pas, leurs études d'histoire à un matériau
tentent donc de faire de l'histoire en documentaire qui pose des problèmes
appliquant une méthode qui n'admet qu'une spécifiques. Un certain empirisme n'exclut donc
approche synchronique des phénomènes. pas le respect exigeant de quelques
Une certaine conscience de ce paradoxe principes de base. Assez proches pour la
explique peut-être qu'on évite souvent plupart de Marc Ferro5, ces chercheurs
dans les titres le terme même d'histoire; poussent cependant leurs enquêtes plus loin,
ainsi le manuel, généralement considéré en tentant souvent d'analyser de vastes
comme fondamental, que publie Pierre corpus de films. L'exemple-type est la
Sorlin, alors très impliqué dans ce courant, thèse de François Garçon sur le cinéma
s'intitule Sociologie du cinéma. Ouverture de Vichy ; on peut citer également, parmi
pour l'histoire de demain2. Ce qui montre d'autres, les travaux de Jean-Pierre Jean-
que, même lorsqu'on élimine l'histoire au colas sur le cinéma français, ceux de Marcel
profit d'une approche purement Oms sur la guerre d'Espagne, ceux de Jean
synchronique, elle réapparaît dès le lendemain! A. Gili sur le cinéma italien, et quelques
Mais cette «histoire sans diachronie» essais du soussigné sur le cinéma suisse6.
concerne-t-elle encore l'historien?
Paradoxalement, il faut répondre par 4. Pas tous cependant, comme le montre l'étude de Christian
l'affirmative. En effet, les résultats peuvent être Delage, La vision nazie de l 'histoire. Le cinéma documentaire
très intéressants, à condition de les du Troisième Reich, Lausanne, L'Age d'homme, 1989 (Histoire
et théorie du cinéma).
réintégrer dans le tissu historique, ce qui est 5. Les articles essentiels de Marc Ferro sont republiés dans
possible pour un lecteur correctement une version complétée, Cinéma et histoire, Paris, Gallimard,
1993 (Folio-Histoire, 55).
préparé3. C'est plutôt la grande dispersion 6. François Garçon, De Blum à Pétain. Cinéma et société
des publications qui fait problème. On s'en française (1936-1944), Paris, Le Cerf, 1984 (7e art, 70) ; Jean-
Pierre Jeancolas, Le cinéma des Français. La Ve République (1958-
fera une assez bonne idée en feuilletant 1978), Paris, Stock, 1979 (Stock/dnéma), et Quinze ans d'années
des revues comme Iris ou Hors-Cadre. trente. Le cinéma des Français 1929-1944, Paris, Stock, 1983
(Stock/dnéma) ; Marcel Oms, La guerre d'Espagne au cinéma.
La troisième tendance est nettement Mythes et réalités, Paris, Le Cerf, 1986 (7e Art, 78) ; Jean A. Gili,
plus disparate dans son recrutement. Il L'Italie de Mussolini et son cinéma, Paris, Veyrier, 1985, et Stato
fascista e cinematografia. Repressione e promozione, Rome,
Bulzoni editore, 1981 (Studi cinematografia, 11) ; Rémy Pithon,
1. Les principaux ouvrages de Christian Metz ont connu leur ■ Cinéma suisse de fiction et "défense nationale spirituelle" de
première édition entre 1968 et 1977 Essais sur la signification la Confédération Helvétique (1933-1945)-, Revue d'histoire
au cinéma, 2 vol., Paris, Klincksieck, 1968-1973 ; Langage et moderne et contemporaine, 33, 1986, p. 254-279, et • Le cinéma
:

cinéma, Paris, Larousse, 1971 ; Le signifiant imaginaire: psy- suisse de 1945 à 1965. Étude d'un isolât culturel -, Les Cahiers
cbanalyse et cinéma, Paris, UGE, 1977. de la Cinémathèque, 46/47, 1987, p. 139-149, ainsi que «Alpes
2. Paris, Aubier Montaigne, 1977 (Histoire). et identité nationale dans le cinéma suisse : de La Croix du Cervin
3. Ainsi, le travail avec des étudiants nous a révélé l'utilité à Zwischen uns die Berge; dans Guy P. Marchai, Aram Mattioli
du livre de Michèle Lagny, Marie-Claire Ropars, Pierre Sorlin, (dir.), Erfundene Schweiz. Konstruktionen nationaler
Générique des années 30, Paris, Presses universitaires de Vin- Identität /La Suisse imaginée. Bricolages d'une identité nationale,
cennes, 1986. Zurich, Chronos Verlag, 1992, p. 217-234 (Clio Lucernensis, 1).
RÉMY PITHON

Cette approche ne se limite pas au perdue ! On voit proliférer, sous l'étiquette


domaine francophone, comme le montre «cinéma et histoire», des recherches qui,
notamment l'inlassable activité de Gian en réalité, sont de la pure et simple
Piero Brunetta1. histoire du cinéma, et d'autres qui portent
uniquement sur la manière de mettre en
scène le passé historique dans les films.
O LE TOURNANT DES ANNÉES 1980
Ni la validité de tels travaux, ni la qualité
Tout à coup, dès la fin des années 1980, de certains d'entre eux ne sont en cause.
l'approche «sémiologique» régresse, pour Mais il faut dire nettement qu'ils
disparaître presque complètement au n'appartiennent pas à la problématique dont nous
début des années 1990. Il s'agit d'un essayons de dresser ici le bilan. Tout au
phénomène général qu'on comprend assez plus en constituent-ils un outil, l'histoire
malaisément : l'explication est-elle à du cinéma3, ou un modeste cas
chercher dans un changement de mode, dans particulier, la représentation de l'histoire au
une révolution de palais en milieu cinéma4.
universitaire ou dans une réflexion critique Au-delà de ce premier constat, on
sur les résultats de deux décennies remarquera, non sans surprise, que des
d'activité? En tout état de cause, il faut spécialistes qui s'étaient distingués dans
largement tenir compte de ce phénomène pour l'approche sémiologique se livrent à des
apprécier la situation actuelle. remises en question, voire à des volte-
La première chose qui frappe, c'est le face spectaculaires. Pierre Sorlin, par
nombre très élevé des publications qui, exemple, publie en 1991 un ouvrage
depuis quatre ou cinq ans, se réfèrent fondé sur une approche nettement
explicitement à l'histoire. Tout se passe empirique; et Marc Vernet aborde 1' «affaire
comme si, dans ce domaine comme dans Carpita» sous la forme d'une chronique
d'autres, l'histoire dans sa conception la des années 1950 5. II semble que, échau-
plus traditionnelle revenait en force. Mais
dés par l'expérience des impasses et des
le triomphalisme n'est guère de mise. Un
contradictions que nous avons signalées,
examen plus attentif révèle qu'une grande
de nombreux chercheurs reconvertis se
confusion règne sur les rapports entre le
cinéma et l'histoire. On croyait pourtant soient réfugiés dans la voie de l'histoire
les avoir un peu clarifiés au cours des du cinéma la plus traditionnelle, qui offre
vingt dernières années. En outre, divers de rassurantes et positives certitudes. Mais
ouvrages méthodologiques récents, comme
celui de Michèle Lagny ou celui de Pep- 3. Sur les problèmes et les méthodes de l'histoire du cinéma,
pino Ortoleva, malheureusement passé voir l'excellent livre de Robert C. Allen, Douglas Gomery, Film
inaperçu hors de son pays d'origine, history. Theory and practice, New York, Alfred A. Knopf, 1985 ;
éd. française, Faire l'histoire du cinéma. Les modèles
insistent sur la nécessité de distinguer américains, traduit par Jacques Lévy, Paris, Nathan, 1993 (Nathan-
nettement lesidomaines2. Peine apparemment Université, série cinéma).
4. Voir notamment Jean-Loup Bourget, L'histoire au cinéma.
Le passé retrouvé, Paris, Gallimard, 1992 (Découvertes
1. À partir de H cinema italiano tra le due guerre. Fascismo Gallimard, 141). Le bicentenaire de la Révolution a été l'occasion
e politico cinematografica, Milan, Mursia, 1975 (Problemi di de plusieurs publications, parfois fort médiocres : on trouvera
storia dello spettacolo, 1). une bibliographie dans l'ambitieuse synthèse qui a été l'ultime
2. Michèle Lagny, De l'Histoire du cinéma. Méthode contribution de Marcel Oms: Pierre Guibbert, Marcel Oms,
historique et histoire du cinéma, Paris, A. Colin, 1992 (Cinéma et L'histoire de France au cinéma, Condé-sur-Noireau, Paris,
audiovisuel) ; Peppino Ortoleva, Cinema e storia. Scene dal Éditions Corlet, Télérama, Les Amis de ■ Notre Histoire -, 1993 (Ciné-
passato, Turin, Loescher editore, 1991 (Cinema e scuola) ; voir mAction, hors-série).
aussi Rainer Rother (Hrsg.), Bilder schreiben Geschichte. Der 5. Pierre Sorlin, European cinemas, European
Historiker im Kino, Berlin, Klaus Wagenbach, 1991 (Wagenbach societies 1939-1990, Londres, Routledge, 1991 (Studies in Film,
Taschenbuch, 193). En revanche, La storia al cinema. Ricostru- Television and the Media); Marc Vernet, -Si Orphée-se retourne,
zione del passato, interpretazione del présente, a cura di Gian- Madame Dupont lui sourira : à propos du Rendez-vous des quais
franco Miro Gori, Rome, Bulzoni editore, 1994 (Cinema/studio), de Paul Carpita (1953-1955)-, Cinémathèque, 1, 1992, p. 92-
simple anthologie de textes déjà publiés, entretient la confusion. 105.

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CINÉMA ET HISTOIRE : UN BILAN

quelle histoire du cinéma? Chez ou de l'écrit, leur pose des problèmes


beaucoup d'entre eux, l'histoire des films qu'ils croient inédits2. Leur conception de
disparaît au profit de l'histoire de la l'histoire peut surprendre: on voit
production ou des institutions réapparaître des expressions comme «progrès
cinématographiques. Par exemple, la comparaison théorique» ou «avancée critique», qui
entre les trois livres que Jean-Pierre Ber- trahissent un néo-positivisme assez
tin-Maghit a consacrés au cinéma de incongru. Mais ceux qui payent les pots cassés
Vichy est très instructive. Le premier sont les étudiants, lancés sans aucune
(1980) repose sur une analyse très préparation dans des recherches qui leur font
formalisée, et d'ailleurs indéfendable, des films; perdre tout contact avec les films.
les deux autres (1989 et 1994) étudient Cette vogue d'une histoire du cinéma
presque exclusivement la production et essentiellement factuelle s'étend
les questions administratives1. C'est dans malheureusement au-delà du cercle des «sémio-
la même perspective qu'il faut situer logues reconvertis». Sur quoi travaillent
l'initiative de la Cinémathèque française qui actuellement les chercheurs confirmés?
crée en 1992 Cinémathèque. Revue Sur la production cinématographique «des
semestrielle d'esthétique et d'histoire du cinéma, premiers temps », sur l'industrie du cinéma,
assumant enfin une responsabilité que sur les studios, sur les réseaux de
seule l'équipe animée par Marcel Oms distribution, sur la censure, sur les salles et les
avait affrontée jusqu'alors par la publics, sur la critique, etc. Qui regarde
publication, à Perpignan, des Cahiers de la encore les films pour en dégager le
Cinémathèque. Conçue sur des bases qui témoignage historique? Comme si on avait trop
permettent la parution d'articles d'une bien retenu, hors de son contexte, une
affirmation d'Allen et Gomery: «Le vision-
certaine dimension, et de comptes rendus
développés, Cinémathèque répond de nement est d'ailleurs une méthode
toute évidence à un besoin. Elle a totalement inadéquate dans certaines
enquêtes ... L'on peut travailler sur des films
d'ailleurs démarré avec des contributions
d'assez bon niveau scientifique, et surtout sans en voir un»; mais pas assez médité
un de leurs principes de base: «Faire de
avec des rubriques du plus haut intérêt,
l'histoire implique émettre des jugements
consacrées à des collections de
et pas seulement transmettre des faits»3.
documents et à des archives, publiques ou
Pourtant Michèle Lagny insiste, elle aussi:
privées. Or la composition de l'équipe
«L'histoire ne décrit pas des phénomènes
rédactionnelle et la liste des collaborateurs
donnés a priori et existant en dehors
attitrés sont très révélatrices des
d'elle, mais ... elle construit à partir de
conversions opérées récemment par des
traces des objets de connaissance de
chercheurs connus, expérimentés certes, mais caractère discursif, dont la valeur se fonde
dans d'autres domaines que ce type sur celle de la problématique initiale et
d'histoire. Les préoccupations de certains la rigueur du parcours méthodologique»4.
d'entre eux sont d'ailleurs assez Certes, il y a aussi des chercheurs qui
divertissantes. Ainsi, l'archivage du «non-film», se sont reconvertis dans la lecture
c'est-à-dire du document iconographique historique d'un corpus de films. Mais il eût été
grandement souhaitable que ces néophy-

1. Le cinéma français sous Vichy. Les films français de 1940


à 1944, Paris, La Revue du Cinéma, Éditions Albatros, 1980 2. Par exemple, Marc Verriet, «Splendeurs et misères du
(Ça/cinéma, 21) ; Le cinéma sous l'Occupation. Le monde du secret ou comment voir les images à travers des papiers •,
cinéma français de 1940 à 1946, Paris, O. Orban, 1989 ; Le Cinémathèque, 4, 1993, p. 94-103-
cinéma français sous l'Occupation, Paris, PUF, 1994 (Que sais- 3. Faire l'histoire du cinéma, op. cit., p. 55 et p. 10.
je?, 2803). 4. De l'Histoire du cinéma, op. cit., p. 19.

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REMY PITHON

tes prissent conscience à temps que cela blématique «cinéma et histoire»5. Ou


non plus ne s'improvise pas. Tel Noël lorsqu'on constate la lacune béante
Burch qui, prétendant démontrer que le ouverte dans l'organigramme de l'EHESS
«mode de représentation» sur lequel par le départ à la retraite de Marc Ferro
fonctionne actuellement le cinéma n'est pas et le décès de Christian Metz, ainsi que
naturel, mais a été construit par la stagnation de la situation dans
l'évolution historique, ce qui est une banalité, l'ensemble du système universitaire. De surcroît,
et que les enjeux relevaient d'une volonté au-delà de ces déficiences contingentes,
de contrôle social, ce qui a déjà souvent qui résultent parfois de rapports de forces,
été affirmé sur des bases idéologiques, se voire de règlements de comptes, plutôt
livre à mille acrobaties pour établir un que d'une politique concertée de
parallélisme entre l'évolution du spectacle l'enseignement et de la recherche, on doit
cinématographique et l'histoire sociale1. s'inquiéter bien davantage de constater
Est-ce vraiment faire de l'histoire que que les travaux sur la problématique
d'aller grappiller au petit bonheur des faits «cinéma et histoire » n'ont jusqu'ici guère été
retenus parmi d'autres pour l'unique pris en considération par les historiens
raison qu'ils corroborent une thèse généralistes, et même par ceux qui les ont
préétablie? On peut rire ou s'indigner d'une accueillis avec intérêt. Ils admettent
démarche aussi caricaturale. Mais que dire volontiers qu'on ne saurait écrire l'histoire
de l'accueil critique? Burch «réussit de la fin du 20e siècle sans tenir compte
brillamment» son projet, selon Michèle Lagny2, du témoignage et de l'impact de la
dans ce que Jacques Aumont désigne télévision, mais ils ne semblent guère voir que
comme un «livre magistral, aux thèses la même démarche devrait les conduire à
discutables mais fortes»3. De quelle histoire la même conviction à propos du cinéma,
parle-t-on? Comment conduit-on une au moins pour les décennies antérieures.
recherche historique? Que devient, dans Il y a là quelque chose de décourageant,
ce cas, le «métier d'historien»? On mesure qui résulte peut-être non pas tant d'une
l'étendue de la confusion lorsqu'on voit défiance envers les études publiées que
Michel Marie, excellent spécialiste du d'un scepticisme motivé par certaines
cinéma par ailleurs, présenter Michèle formes maladroites de vulgarisation de la
Lagny « se situant dans l'héritage de l'École problématique : les communications et les
historique française des Annales»4, à conférences qui, des années durant,
propos d'un livre qui recommande la lecture répandent toujours et partout les trois ou
du manuel de Langlois et Seignobos! quatre mêmes exemples, par ailleurs
excellents, les interventions qui, dans les
O UN BILAN EN DEMI-TEINTE débats publics ou dans les médias,
popularisent de façon divertissante certes, mais
Bilan très sombre? On serait tenté de quelque peu réductrice, les résultats de
l'affirmer, lorsqu'on cherche en vain les
la recherche, tout cela n'a sans doute
travaux français qui pourraient guère aidé à convaincre ces collègues
actuellement prendre la relève de ceux de Marc d'intégrer les conclusions de nos travaux
Ferro ou d'autres explorateurs de la pro-
dans leurs publications de synthèse.
Et pourtant le pessimisme ne nous
1. Life of those shadows, Londres, BFI, 1990; éd. française:
La lucarne de l'infini. Naissance du langage cinématographique, semble pas de mise. D'abord parce que la
Paris, Nathan, 1991 (Nathan-Université, série cinéma et histoire). situation est plus prometteuse sous
2. De l'Histoire du cinéma, op. cit., p. 155-
3- Dans un compte rendu de Cinémathèque, 4, 1993, p. 127-
128, note 2. 5. Voir Cinéma et histoire autour de Marc Ferro. Textes
4. Note liminaire à Robert C. Allen et Douglas Gomery, Faire réunis par François Garçon, Condé-sur-Noireau, Paris, Éditions
l'histoire du cinéma, op. cit. p. 4. Corlet, Télérama, 1992 (CinémAction, 65).

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CINEMA ET HISTOIRE : UN BILAN

d'autres deux1. Mais aussi parce qu'on ment. Rédaction de mémoires, puis de
peut relever quelques signes thèses remarquables»2.
encourageants en France même: la présence du De toute manière, il convient de ne pas
cinéma dans les recherches d'histoire se laisser impressionner par le court
culturelle menées à l'Université de terme. La recherche historique est un
Versailles sous la direction de Pascal Ory, les processus fluctuant, mais continu, que son
travaux engagés à l'Institut d'histoire du statut universitaire ne met pas à l'abri des
temps présent sur «histoire et images du phénomènes de mode, tant s'en faut. Des
temps présent», etc. Des initiatives de ce modes, l'auteur de ces lignes en a vu
genre contribueront sans doute à remettre passer bon nombre ; suffisamment pour
sur les rails bien des jeunes chercheurs penser que de nouvelles générations
actuellement désemparés par une d'historiens reprendront la voie dans laquelle il
évolution à laquelle ils n'ont pas été préparés, s'était engagé, témérairement peut-être, il
et qui requiert une formation y a quelque vingt ans.
méthodologique qu'ils n'ont pas reçue. Certains
d'ailleurs sont déjà en train de faire face de
manière positive à un défi somme toute 2. Jean-Pierre Jeancolas, .Dix ans, cent ans...-, dans 1895.
assez exaltant. Un observateur aussi Association française de recherche sur l'histoire du cinéma,
attentif que Jean-Pierre Jeancolas ne s'y est pas 16, 1994, p. 3.
trompé : «II y a dix ans, l'université se
souciait peu (trop peu) de l'histoire du
cinéma ... Depuis, ça a bougé, sérieuse-

1. Ce que suggèrent diverses parutions récentes, comme José Historien du cinéma à l'Université de Lausanne,
Maria Caparros Lera, El eine espanol de la democracia. De la Rémy Pithon explore depuis près de trente ans une
tnuerte de Franco al • cambio- socialist a. 1975-1989.,
Barcelone, Anthropos, 1992 (Palabra plâstica) ; Hollywood in Europa. approche qu i consiste à s 'intéressera uxfilms en
Industria, politico, pubblico del cinema. 1945-1960, a cura di fonction de l'information qu'ils peuvent apporter sur
David W. Ellwood e Gian Piero Brunetta, Florence, La Casa l'époque à laquelle ils ont été produits. Ildonnerégu-
Usher, 1991 (Biblioteca dello spettacolo. Cinema); David W. lièrement à Vingtième siècle des articles qui
Ellwood, Rob Kroes (eds), Hollywood in Europe. Experiences enrichissent la réflexion sur les rapports entre le cinéma
of a cultural hegemony, Amsterdam, VU University Press, 1994
(European Contributions to American Studies, 28). et l'histoire.

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