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DU CINEMA
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*1
Cahiers du Cinéma
OCTOBRE 1959 100 TOME XVII
SOMMAIRE
Jacques F lau d ............... ....Libération .................. ................................................... 1
Jean Cocteau ................. ... Le T e sta m e n t d'O rphée (extrait) ................ 3
A lexandre A struc .... Qu’est-ce que la m ise e u scène ? ................. 13
Jacques B e c k e r .................. Le T rou (extrait) ..................................................... 17
J ean R e n o i r ......................... Pourquoi ai-îe tourné « Cordelier )> ? . . . . 23
Roger L een hardt .............. A m b igu ïté du c in é m a ............................................ 27
Claude Chabrol ............. ...Les p etits su jets ............................................ .... 39
Jacques Audiberti ............Le tem p s d es c a illes .......................................... .... 42
In gm ar B e r g m a n ..............C hacun de m e s film s est le dernier ............. 44
André B a zin .......................L es églises rom anes de Sain ton ge ................. 55
Jacques D oniol-Valcroze L'histoire des « Cahiers » .................................. 62
LIBÉRATION
par Jacques Flaud
1
— Mais alors, pourquoi avoir parlé de « vague « ? Pourquoi cette écum e
tapageuse ?
Mais comme toute libération, celle-ci a se s « ultras », qui espèrent donner créance
à leur arrivisme impuissant, ainsi que se s censeurs, qui ne lui pardonneront p as
facilement d'avoir bouleversé les habitudes du « prêt à porter » et de la stérilité.
Elle doit être défendue avec enthousiasme par ceux-là qui l'ont conquise, par ceux
qui y ont aidé.
— En tout cas plus neuf que la plupart de ses concurrents, en une époque
où, la démographie aidant, tout ce qui n e répond p as — cinématographiquement par
lant — aux exigences de la jeunesse du jour, et plus encore du lendemain, est impi
toyablement appelé à disparaître.
Jacques FLAÜD.
2
LE T E S T A M E N T D ’O R P H É E
film de Jean Cocteau
(extrait)
Préface c
Un homme qui somnole, la bouche entrouverte, devant un feu de bois, laisse s’échap
per de lui quelques secrets de cette nuit du corps humain qu’on appelle « Pâme » et
dont il n’est plus le maître.
Le concierge de la bouche s’est imprudemment et profondément endormi et des
paroles sortent qui ne possèdent pas le mot de passe.
Le Testament d'Orphée n’est autre qu’une machine à fabriquer des significations.
— Le film propose au spectateur des hiéroglyphes qu’il peut interpréter à sa guise et de
la sorte, étancher sa curieuse soif de cartésianisme.
3
(J’ai dit, dans « Le P&tomak », que si on laissait une iemine d’intérieur ranger un
chef-d'œuvre de la littérature, on retrouverait le dictionnaire Larousse.)
Ce film n’a rien d'un rêve sauf qu’il emprunte au rêve son mécanisme, c’est-à-dire
sa manière de rendre, la nuit, aux mensonges du jour, une sorte de fraîcheur que fane
notre routine, — Il est, en outre, réaliste, dans la mesure où le réalisme consiste à
dépeindre avec exactitude les intrigues d’un univers propre à chaque artiste et sans lé
moindre rapport avec ce qu’on a coutume de prendre pour la réalité. Il est une désobéis
sance aux règles mortes, un hommage à tous ceux qui veulent rester libres. Il met à
l’œuvre une logique étrangère à la raison. Bref, il est cartésien à force d’anticartésianisme.
Ma première tentative de cet ordre fut Lç SangSd’un Poète. — Ce vieux film intrigue
encore un peu partout. L’exégèse, qui est une muse, le met toujours à l’étude et le psy-
chanaliste y découvre ce que ma part d’ombre exprimait jadis sans le savoir.
J’ai ensuite orchestré cette méthode, avec Orphée. Seulement* le recul me prouve
qu’il existe un considérable public, curieux de passer outre les histoires d’amour et qui
ne cherche aucune excuse à l’obscur. Apte au contraire à y trouver sa route sans crainte
ou bien avec une délicieuse peur enfantine.
C’est pourquoi j’abandonne le métier de cinéaste que les progrès de la technique
rendent accessible à tous. Ce sont d’autres progrès internes qui m’intéressent. Et je me
flatte de croire que grâce à mes anciennes recherches je ne suis plus mon seul archéo
logue.
*
L a v o i s . “ Son nom était Jean, il n’était pas l'ombre mais il parut
pour rendre témoignage à Vombre.
Pendant ce, texte, on voit la "main du poète tenant un couteau de boucherie tellement
affûté qu’il ne reste qurun fil de lame. Avec la pointe de ce couteau et en plein ciel
(ralenti à Yenvers) j7 donne naissance à une bulle irisée,
Toute cette première séquence sera soutenue par un très léger et lointain roulement
de caisse qui s’éloigne jusqu’au silence à chaque disjmrition du poète et reprend à cha
cune de ses réapparitions, {il n’y aura pas d’autre musique.)
Le décor de la première séquence est un coin du studio sans la moindre recherche.
On verra même, au fond, les machinistes et les électriciens qui passent.
On découvre un pupitre noir d’écolier et à ce pupitre, un jeune garçon de quatorze
ans en train d ’écrire.
L ’appareil recule de manière'à cacher ce jeune garçon au pupitre, sur la gauche, et,
sur la droite, un vide.
Brusquement apparaît dans ce vide, le poète (moi-même) en costume de voyage
Louis XV — bottes hautes, perruque blanche, manteau à pèlerines, tricorne à la trtain.
Le jeune garçon lève la tête et Yaperçoit avec surprise.
Le poète s’approche du pupitre.
L’appareit cadre, de derrière te jeune garçon, le poète qui arrive devant le pupitre.
Le poète. — Je désirerais parler au professeur.
Le je u n e garçon. — Pouvez-vous m’expliquer....
Le p o ète. — Impossible. Qui êtes-vous? Son fils?
Le j e u n e g a r ç o n . — Mon père était architecte et il est mort. C’est
moi qui voudrais devenir un professeur célèbre. Mais ce n’est pas pour
tout de suite.... 1
4
« Soit nom était Jeail. »
5
Le poète. — Allons bon... (// disparaît au tour de manivelle.)
-, Le jeune garçon reste figé, la bouche ouverte. Le poète réapparaît. Il avait posé ses
gants sur le pupitre. Il les prend, dit : « Excusez-moi » et redisparaît. C’est alors que
le jeune homme se dresse en criant ; « Monsieur ! Monsieur ! » et disparaît en fondu avec
son pupitre.
L’appareil cadre un autre coin du studio. Le poète apparaît au tour de manivelle,
A peine est-il apparu que (par la droite — il est apparu cette fois à gauche) entre un
vieillard poussé dans un fauteuil par une infirmière.
L’infirmière s’arrête avec stupeur. Le poète s ’approche.
L e , p o è t e . — N’ayez pas peur, mademoiselle. Mon costume est le
résultat d’un pari,,. Serait-ce le professeur que vous poussez dans ce
fauteuil d’infirme ?
L'im-’Irmièkk. — Oui, monsieur. Mais pouvez-vous m’expliquer.....
Le po ète, — Impossible. Puis-je lui poser une question ?
L ’i n f i r m i è r e . — Le p ro fesseu r ne p o u rra it vous e n te n d re ni vous
r é p o n d r e : l o r s q u ’il é t a i t e n f a n t s a m ère a eu peur de i e "ne s a i s q u o i
(.îur « je ne sais quoi » flash d’une grimace du poète) e t e l l e l ’a la is sé
t o m b e r s u r l a t ê t e . Il a v é c u s a n s s o u f f r i r d e c e t t e ch u te , m a is un
jo u r...
*
JOUR-SOLEIL
JJappareil cadre un banc de square où est assise une jeune femme en robe 1900.
Elle lient dans ses bras un bébé qu’elle berce. L’appareil recule et cadre plus large, de
telle sorte qu’on puisse voir le poète apparaître derrière le banc et toucher l’épaule de la
jeune femme. Elle se lève brusquement. L ’enfant tombe. Elle pousse un cri en portant
les mains à sa boucke.
Gros plan du bébé au sol et les mains de 1a mère qui le ramassent.
Gros plan sur le poète.
Le p o è t e . — Charmant ! (Il disparaît dans le même plan, au
tour de manivelle.)
1
*
8
D eux e n fan ts face à T iré sia s, la s ta tu e a u trip le profil qui r e n d célèbre.
9
pour croire qu’il existe des sciences exactes. Le professeur Langevin
ignorait que les perspectives du temps obéissent aux mêmes lois que
celles de l’espace. 11 est vrai que deux cent cinquante ans se sont
écoulés depuis votre départ. Mais votre retour les annule et ces deux
cent cinquante années là ne nous concernent ni l’un ni l’autre. Puis-
je vous demander comment vous y êtes-vous pris pour voyager dans
le temps ?
L e poète . —• Les poètes sa v e n t p a s m a l de choses redoutables.
L e p r o f e s s e u r . — Il m’arrive de croire qu’ils en savent plus long
que nous.
L e p o è t e . — Il est difficile d’expliquer l’intemporel et d ’y vivre.
On s’embrouille. Pensez que je viens de vous voir coup sur coup et
sans ordre chronologique à plusieurs âges de votre vie. Je vous ai
même connu très vieux il y a quelques minutes, mon cher professeur.
Votre main malade a laissé tomber cette boîte. Je l’ai prise. Je crois
en la ramassant vous avoir et m’avoir rendu service.
{Il sort la boîte de sa large poche et la montre au professeur qui s'en empare avec
passion.)
L'appareil ne cadre que les mains, la boîte qui change de mains et celles du profes
seur qui l’ouvre. On voit que c'est une boîte de balles de revolver.
On entend la voix off.
Voix d u p r o f e s s e u r . — Voilà qui est admirable. La preuve que
vous n’êtes pas un fumiste et que ie réussirai à vaincre les obstacles
qui m’épnisent. Mais îe devine, hélas î qu’il ne me sera plus possible
de faire connaître ma découverte. Sans vous elle serait dans les mains
d’un infirme et morte avec moi. Je me trompe ?
De nouveau sur le professeur.
L e p r o f e s s e u r , — Oui, voilà qui est admirable... {Après un temps)
Dites-moi, cher monsieur, d’homme à homme, suis-je mort en votre
présence ?
5iir le poète Qietit salut).
L e poète, — Excusez-moi, professeur, fai une très mauvaise
mémoire de l’avenir.
L'appareil cadre large les deux hommes. Le professeur se lève en face du poète.
Le professeu r . — Vous connaissez la propriété de ces balles ?
Le p o ète. — Oui. Elles peuvent donner le change au premier
abord.
Le p ro fesseu r. — Ce n’est que la poudre qui compte.
L e p o è t e . — C’est à cause de vos balles que ie suis à votre recher
che dans cet épouvantable capharnaüm de l’espace temps. Si je ne
m’abuse, elles se déplacent plus vite que la lumière. Professeur, je
compte être votre cobaye. C’est ma seule planche de salut. Le seul
moyen de rentrer chez moi.
L e p r o f e s s e u r {Il tourne autour du poète et se trouve placé à sa
gauche). — Avez-vous une arme à feu ?
L e p o è t e . — Vous oubliez qu’il ne m’est possible de vous fournir
qu’un pistolet d’arçon.
10
Jean Cocteau alimente Tirésîas : « On /ui enfourne du papier dans la bouche cl il en
sort des romans, des discours, des mots, des poèmes-. y>
11
Le po ète CT ê t e seule). — R elativem ent...
Le professeur (Tête seule, il sourit). ~ Relativement...
Le poète (Tête seule). — Vous êtes sûr de la réussite?
Le p r o f e s s e u r (Plan moyen). — Sans aucun doute. Je déplierai
un repli du temps. Tout ce que vous venez de vivre sera supprimé,
comme on torche des chiffres sur une ardoise.
L e poète (Plan moyen). — Je c o n n a is la m u siq u e.
(L’appareil recule et montre le poète à mi-corps tourné vers la gauche).
Voix du professeur (Off). — Alors n’ayez pas peur. Vous y êtes?
Le poète (levant la main droite). — Feu !
Bruit de coup de jeu. Le poète, s’effondre sur lui-même et disparaît en bas de Fimage.
Entre dans l’image par le côté, le professeur, son arme à la main. Il regarde le corps du
poète invisible en penchant la tête.
Ici, commence la musique. Celle du Concerto N° 1 de Beethoven.
(La scène suivante sera tournée à Venvers et à l'accéléré pour le ralenti).
*
Une porte du studio coulisse et on voit le soleil extérieur. Le poète en costume
moderne (celui qu’il porte dans la suite du film) entre à reculons. Il recule jusqu’à une
place auprès du professeur, debout, son révolver à la main. C’est en reculant ou panorami-
quant que Fappareil rencontre le professeur le visage tourné vers le poète. Arrivé près du
professeur le poète fait halte et se laisse choir mollement aux pieds du professeur. Il
reste immobile au sol.
A la projection, on verra donc le poète en costume moderne, immobile au sol, se rele
ver bizarrement au ralenti et se diriger vers la porte du studio suivi par le professeur. On
verra ensuite le poète ouvrir la porte et disparaître. La porte se refermer.
En venant chercher le professeur qui s’élance vers la porte, Vappareil revient au style
normal. On voit le professeur ouvrir la porte coulissante.
L’autre côté de la porte. Le professeur apparaît.
L’appareil sur le poète qui s’éloigne et se retourne vers le professeur.
Plan américain du professeur dans le cadre de la> porte. *
Le professeur (criant). — Bonne chance !
Plan américain du poète retourné vers le professeur.
Le p o è te (criant et dressant le pouce). — Je vous d o is une fiè re
chandelle I
Plan américain du professeur à la porte.
Le p r o f e s s e u r (criant). — Mais par exemple, je ne réponds pas de
ce qui peut se produire par la suite...
Plan où Voit voit, de fas place du professeur, le poète arrêté sur la route.
Le po ète (criant). — Ce sont les risques de notre métier,
(Il fait un geste d’adieu avec la main, se retourne et s ’éloigne).
Plan du professeur qui le regarde longuement, disparaît et ferme la porte coulissante-
Jean COCTEAU.
12
Les Contas de la tune vague, de Kenji Alizogucïii.
I] n'est pas besoin d'avoir fait beaucoup de films pour se rendre compte que la
m ise en scèn e n'existe pas, que les acteurs se dirigent très bien tout seuls, que
n'importe quel chei opérateur sait où placer l'appareil pour obtenir un cadrage
convenable, que les plans raccordent bien tout seuls, etc. Mizoguchi et Ophuls ont
dû comprendre ça très vite, puis sont p assés à ce qui le s intéressait, A regarder les
gen s agir? Pas exactement. A les présenter, à les regarder à la fois agir, et en
m êm e temps être agis.
La différence du cinéma a vec n'importe quoi d'autre, roman y compris, c'est
premièrement l'impossibilité du m ensonge, deuxièmement l'absolue certitude, partagée
13
Hiroshima mon amour, d’Alain Resnais.
par le spectateur et l'auteur, que sur l'écran tout s'arrangera avec le temps. Si le met
teur en scène, le réalisateur, intervient quelque part dans la réalisation d'un film,
il intervient là, avant tout. Il est à cheval entre ces deux évidences : l'image par
où il guette, le temps par où il conclut.
Non p as par où il détruit : la lente érosion de la vérité qui est l'art d'un Proust,
son éclatement comme chez Faulkner, supposent d'abord que le roman est écrit a v e c
des mots, fragments d'éternité. S'il fixe le- réel, c'est au prix d'un effort constant
de décomposition, destruction de formes, mouvement en avant lancé à l'assaut d'un
vocabulaire et dont le fleuve charrie les débris.
La caméra fixe, ne transcende pas, regarde : il faut être naïf pour croire
que l'usage systématique d'un 18,5 changera le cours des choses. En échange de
quoi, elle ne ment pas. C e qui est surpris par l'objectif est le mouvement du corps,
immédiatement révélateur, comme l'est tout ce qui est physique, la danse, un regard
d e femme, un changement de rythme dans une démarche, la beauté, la vérité, etc.
Le ciném a suppose une certaine confiance faite a u monde, tel qu'il est. M êm e
au sein de la laideur, m êm e au sein d e la misère ; il y fait découvrir cette étrange
et cruelle tendresse, la douceur terrible d'Hiroshimcr, où il suffit, après l'évocation de
tant d’horreurs, de quelques travellings rapides au cœ ur d'une ville, d'une voix d e
femme, pour que tout naturellement le s lignes d'un p a ysage s'organisent selon une
perspective humaine, comme si tout naturellement et par quel étrange piège, tout ce
qui ici était attente devait un jour être comblé...
Un des plus beaux films du m onde a été réalisé par un vieux metteur en sc èn e
japonais, auteur de près d'une centaine de films, a vec sans doute nul autre désir que
celui d'exercer convenablement son métier. Après cinq minutes de projection, Les
Contes de la lune vague font clairement comprendre ce qu'est la m ise en scèn e —
14
du moins pour quelques-uns : un certain m oyen de prolonqer les élans de l'âme*
dans le s mouvements du corps. Elle est un chant, un rythme, une danse. Mizoguchi
sait bien que ce qui s'exprime* dans la violence corporelle est une chose a v ec laquelle-
on ne peut p as mentir : non pas le caractère, non pas la compréhension de soi,
mais cet irrésistible mouvement en avant qui rejette toujours dans les m êm es che
mins à la poursuite de ce qui comble — ou de ce qui détruit. J'imagine assez que
ce qui l'intéresse — après tant de films — ce n'est m êm e plus ce spectacle, m ais le
fait de ne pouvoir détourner les yeux de ce spectacle : un auteur écrit peut-être pour
se délivrer, un metteur en scèn e jamais tout à fait. Dans la tendresse ou l'horreur
de l'univers qu'il exploite, il faudra bien qu'il rencontre ce qu'à la rigueur on peut
appeler une certaine com plaisance ou une complicité, mais qui pour l'artiste n'est
jamais que la source de la grandeur qui l'obsède et qu'il croit pouvoir révéler.
Que devient dès lors la technique ? Elle cesse d'être une façon de montrer —
ou de cacher. Le style n'est pas une certaine façon de rendre beau ce qui est laid et:
vice versa : aucun metteur en scène au m onde ne fera confiance à la photographie,
si son ambition n e se borne p as à faire concurrence à Yvon. M êm e p as une prise
de conscience : les travellings ne sont pas des notes, ni d es renvois au b as des
pages. II m e sem ble assez qu'elle n'a pour but que d e faire naître cette distance
mystérieuse installée entre l'auteur et ses personnages dont les m ouvements d'appa
reil semblent accom pagner si fidèlement les oscillations et le s courses folles à travers,
la forêt.
Sem blent ; car la force et la grandeur de cet univers qui réapparaît d'œuvres
en oeuvres, vient de ce que l'auteur en domine constamment les éléments. Il les.
plie, non p as peut-être à sa vision propre — Mizoguchi est un metteur en scène,
pas un romancier — m ais à un certain besoin de prendre du recul par rapport à
eux : sa g e sse ou volonté d e sagesse. Ainsi le poèm e tragique prend-il sa force dans
l'insensibilité et la froideur apparente de l'artiste qui sem ble installé, sa caméra à la
main, au détour du fleuve, surveillant la plaine d'où déboucheront les acteurs du.
drame.
L'exquise et 'touchante douceur d es Contes d e la lune vagu e est faite comme dans
16
LE TROU
film de Jacques Becker
(extrait)
Adaptant à l’écran un roman de José Giovanni, Jacques Becker a tourné aux studios
de Billancourt et dans les souterrains du Fort d ’Ivry L e Trou, histoire du Judas, histoire
d’un homme que rien ne distingue des autres jusqu’à l ’ultime seconde où il trahit, inter
prété par des. inconnus et photographié par Ghislain Cloquet, q u ’on entrevoit derrière la
caméra sur le document ci-dessus. Voici un extrait du scénario, la scène des sous-sols.
17
*
375 — ...Un instant après, ils réussissent enfin à enlever le barreau...
Les deux amis, tout transpirants, échangent un sourire de triomphe...
376 — C ad re ix g r a n d s o u p i r a i t . , v u d e l ’a u t r e c ô té ...
Manu, se faufile aisément entre les barreaux et se penche pour examiner le terrain en
contre-bas.
Roland passe également là tête.
378 — P la n ra p p ro c h é ...
...Roland saute et rejoint Manu... Tous deux s’avancent ensuite dans le sous-sol
éclairé dé loin en loin par des ampoules de faible puissance...
Us marchent l’œil et l’oreille aux aguets et parcourent ainsi l’étendue d ’une grande
salle voûtée.
La salle en question sert visiblement d’entrepôt. Des objets de toutes sortes sont
rangés de part et d’autre : vieux lîts métalliques, vieilles fenêtres, tabourets, lavabos hors
d’usage...
Dans un coin, des planches, des poutres et des tuiles empilées...
Roland désigne les 7natériaux en question.
380 — ...et parviennent au pied d’un escalier abrupt gui monte vers l’étage supé-
rieur... Roland désigne l’escalier.
18
Le Trou,
381 — ...et parviennent à la hauteur d’une porte en bois munie d’une forte serrure...
Roland désigne la porte,
19
ROLAND (souriant). — T’inquiète pas ! En attendant l'aut ouvrir les
autres et pour ça faut que je fabrique un passe...
ïl s'approche des vieux lits métalliques...
3 8 6 — Les grosses mains de Roland s’acharnent sur la pièce en question et, d ’un
violent effort, réussissent à l’arracher au montant de la fenêtre.
387 — S u p p rim é .
388 ■— Manu regarde Roland comme s'il découvrait chez lui an personnage encore
inédit.
390 — ...prend appui sur le bord du cadre d’un lit métallique et se met en devoir
de façonner le passe-partout annoncé.
...Un bruit de pas résonne soudain en arrière-plan...
392 — C a d r e l ’e s c a l i e r . . .
Deux surveillants descendent les marches, le premier tient une torche électrique, le
second porte en bandoulière une boîte-horloge de pointage.
( N o t e ; Cet appareil sert à contrôler la vigilance des gardiens de nuit; en argot on le
nomme « le mouchard »).
Us s’arrêtent au bas de l'escalier. L’homme au « mouchard »> qui a sorti un paquet de
gauloises de sa poche, offre une cigarette à son confrère et s’en offre une autre... L’autre
lui offre le feu de son briquet...
Les deux hommes se remettent en roule en fumant... Ils s’éloignent de dos à l’appareil
dans les profondeurs de la grande salle, et dans la direction du pilier central.
20
Jacques Beckev retouche un petit détail de la découverte.
21
.U n TROISIÈME MOUVEMENT d ’aPPAKE/C, DÉPLACE l .'o iU F .C T IF V L li.AS EN H A U T HT DE GAUOJJE A
pour découvrir une fraction du visage de Manu : ...son œil droit el une partie de
d r o it e
son front dépassent tout juste l’arête de la face intérieure du pilier.
Manu juché sur les épaules de Roland ; Manu est également écrasé contre le
d é c o u v r i r ...
Manu, R oland puis reviennent sur leurs pas tout en inspectant la partie
et le pil ie r ...
gauche de la galerie... Ils croisent finalement de nouveau le pilier central, m a i s p a s s e n t
cette fo is entre c e l u i- ci et l ' o b jec t if avant de so r t ir du champ, d r o it e cam éra.
r*es surveillants s’avancent vers la caméra... puis la dépassent pour s’arrêter finale
ment devant une des portes en bois que nous connaissons déjà. L’un d’eux introduit
une clé dans la serrure et ouvre la porte, découvrant ainsi l’entrée d’une galerie...
Les deux siwveülants pénètrent dans la galerie...
...la p o r t e Se r e f e r m e .
Jacques BECKER.
22
Jean-Louis Barrault et Jean Renoir pendant le tournage du Testament du Docteur
Cordelier.
P O U R Q U O I A I - J E TOURNÉ
“ CORDELIER ” ?
par Jean Renoir
Les entreprises hum aines aboutissent presque toujours à des résultats qui diffè
rent, tout au moins en apparence, des buts primitifs.
Je crois m êm e que cette infidélité au plan préalablement tracé est une condition
de la réussite artistique.
Les architectures anciennes nous émeuvent plus que les bâtiments contempo
rains, non seulement parce que les années leur ont ajouté du mystère, m ais surtout
parce que les hasards d e l'exécution sont venus corriger la froideur du tracé idéal.
Cela permet de supposer que la perfection technique, la puissance et la précision des
outils nuisent à l'œuvre d'art en permettant aux techniciens d e suivre fidèlement la
p en sée de l'architecte. Bien entendu l'infidélité dans l'exécution n e suffit p a s et bien
d es oeuvres de qualité inférieure peuvent se targuer d'une exécution fantaisiste.
11 existe des gen s qui considèrent que chaque phase de notre existence doit être
une bataille. Les m êm es gen s avaient prétendu que le phonographe tuerait le s entre
prises de concerts symphoniques et que le cinéma tuerait le théâtre. Ils ne se rendent
p as compte que toutes le s différentes catégories de notre métier, j'entends « le Spec
tacle », sont solidaires et que leur ennemi commun est, non p as l'une d e ces catégo
ries, mais cette grande découverte que viennent de faire les homm es grâce à la vespa
et à la 2 C.V., cette découverte étant la nature.
Croyez-moi, cet adversaire est de taille et ça n'est p as en nous entredéchirant
que nous arriverons à rappeler aux hommes qu'un champ de b lé peint par Van Gogh
peut être plus passionnant qu'un vrai champ de blé. Evidemment ce la nous met
devant -une obligation redoutable : celle d'essayer dans nos films, dans nos ém issions,
dans n os p ièces de théâtre, dans nos exercices de cirque d'être des V an Gogh.
Ma première idée était de tourner Coidelier pour la Télévision seule. Je m'en
ouvris aux responsables de cette organisation qui me firent un excellent accueil.
Je rêvais d'une émission « directe » et ne pensais p a s du tout au cinéma.
Bientôt ‘m es associés et moi-même nous aperçûmes que l'ém ission directe n e
permettait p as certains truquages. Les scènes de ce genre, indispensables a mon
récit, représentant un fort pourcentage de l'émission, nous décidâm es de l'enregistrer
sur pellicule.
L'obligation de tourner cette histoire sur film amenait naturellement l'idée d'une
exploitation cinématographique.
L'espoir d e cette exploitation cinématographique permettait d'augmenter légère
ment le devis et de soigner mieux le film.
Mais d'autres aspects du problème m e passionnaient avant tout : par exem ple,
l’envie d'essayer un style nouveau.
Je sais bien que tout changement valable dans cet ordre doit venir d e l'inté
rieur, m ais je suis influençable et les nécessités d'une technique nouvelle provoquent
chez moi une transformation de sentiments. La technique que je m ourais d'envie
d’expérimenter est tout simplement b asée sur la division du film en scèn es et non
p as en plans.
Ma tentative réclamait la collaboration d e la Télévision étant donné que les
studios de ciném a ne sont en général p as équipés pour em ployer en m êm e temps
un grand nombre de micros. Or, dans certaines de m es scèn es d e Cordelier, j'ai eu
jusqu'à huit cam éras et douze micros.
Ce systèm e, en relâchant l'influence constante du metteur en scèn e sur l'acteur,
implique par com pensation d e nombreuses répétitions. Pour Cordelier, nous avons
répété quinze jours. A mon avis c'est insuffisant. J'ai tourné le film en dix jours et
demi. A vec plus de répétitions, je l'aurais tourné plus rapidement.
Ces répétitions, tout au moins à partir du moment où le jeu et la m ise en scène
sont débrouillés, sont d'ailleurs aussi bien à l'usage d es techniciens qu'à celui d es
acteurs et du metteur en scène.
Bien entendu une telle méthode ne répond pas à toutes les exigences. Elle ne
s'applique qu'à une certaine catégorie de films. Elle dem ande u ne transformation du
systèm e sonore d es studios et un personnel entraîné à ce genre d e prises de vue.
24
Jean Renoir et les interprètes de son Déjeuner sur l’herbe.
25
voix est un d es éléments les plus sym ptomatiques de la personnalité humaine. En
substituant une voix à une autre on détruit cette personnalité. Laissez-moi croire a v ec
P ascal que la seule chose qui intéresse l'homme c'est 2'homme.
La méthode Cordelier offre un inconvénient : elle élimine le travail d'amateur.
Les acteurs, le s techniciens, l'écrivain, le metteur en scène deviennent complètement
responsables de leur partie. L'erreur d'un cadreur ou d'un machiniste peut faire
rater une scène que, en principe, on ne tourne qu'une fois.
Ce genre d e travail n'est concevable qu'avec des gen s de métier. Or, nous savons
tous ce que le s non-professionnels ont apporté au cinéma. Nous, devons à la jeune
fille sans expérience rencontrée dans la rue par un metteur en scène de génie quel
ques-uns de nos meilleurs moments dans le s salles obscures. Mais n'oublions p as
q ue la méthode Cordelier ne prétend p as se substituer à quoi que ce soit.
Le cinéma est libre, heureusement, et chaque réalisateur pratiquement invente sa
propre méthode. II la réinvente m êm e à chaque film et je ne m e serais pas permis
d e me répandre dans toutes ces explications si certains am is ne s'étaient émus de
m es tentatives, croyant y voir un danger pour le cinématographe, alors .qu'il ne s'agit
de ma part que d'un essai que j'espère pouvoir inscrire comme une toute petite phase
de la lutte que nous m enons tous pour notre survivance.
Jean RENOIR.
26
La découverte du nouveau cinéma américain : Citizen Kane, d’Orson Welle*s.
A M B I G U I T É DU C I N É M A
par Roger Leenhardt
Ce texte est celui d'une conférence qu e prononça Roger Leenhardt au IXK Congrès
d es Sociétés de Philosophie d e Langue Française, Je 2 septem bre 1957 à Aix-en-
Provence, et qui n'a rien perdu de son actualité.
*
Je prendrai le mot de cinéma au sens limité d'art cinématographique. Sans
doute le cinéma est-il plus généralement un m oyen d'expression, un langage. Le
savant utilisant la cam éra pour l'expérimentation, le pédagogue réalisant- un film
pour son enseignement, n'ont pas une activité artistique. Le film ne devient œuvre
27
d'art que fait par un artiste, dans le but d'exprimer un style ou une vision, du monde,
et de produire sur Je spectateur un effet moral accom pagné de plaisir esthétique.
Ce n'est p as que je minimise la part extra-artistique du cinéma — c'est m êm e mon
domaine professionnel courant — m ais dans un sujet aussi vaste que l'homme et
l'œuvre cinématographique, il faut dès l'abord se limiter.
D ès qu’on veut réfléchir a vec rigueur sur le cinéma, on se heurte à une difficulté
majeure. A la différence des arts classiques il est né tout récemment, et son év o
lution encore en cours — a été si rapide et si considérable, qu'on n e sait quand
et où saisir le ciném a en soi. L'acharnement de ses exégètes à parler de la « sp é
cificité » du ciném a trahit précisément, je crois, l'ambiguïté ou l'équivoque qui p èse
sur la nature essentielle de l'art de l'écran.
■ Car le s errements de la p en sée critique, toujours aussi péremptoire que m ou
vante, n'ont p as suivi parallèlem ent l'évolution de la technique et du style ciném ato
graphiques.
A l'époque que certains appellent encore l'âge d'or du cinéma, entre 1920 et
1930, la philosophie ne s'intéressait pas encore à l'écran. Et l'esthétique académ ique
refusait même le titre d'art au cinématographe, simple reproduction, disait-on, et
non transposition de la réalité. Contre elle, une jeune école avant-gardiste découvrait
et baptisait le septième art, comme langue universelle de l'im age, et expression
privilégiée du monde moderne. Le tout sur un mode littéraire, effusif, assez baroque,
qui constituait moins une philosophie qu'une mystique. Elle aurait dû s'écrouler
avec l'avènement du parlant, où l'on vit en un clin d'œil, et m algré l'épouvantail
du théâfre filmé, ce curieux art d e l'image, orgueilleux de s a mutité, intégrer le
verbe avec la plus grande aisance.
Le pouvoir des mots — comme celui de photogénie, par exem ple — est tel, que
côtte conception primaire (au m oins au sens historique) du ciném a, a d es résur
gen ces jusque dans des études contemporaines sur le cinéma, entreprises pourtant
avec une rigueur scientifique.
• Après la guerre en effet — je m e cantonne à ïa France — la découverte d es
nouveaux cinémas américain et italien a provoqué un renouvellement, un bouillon
nement, je dirai presque une inflation de la pensée cinématographique. Le nombre
des textes et des ouvrages sur le cinéma est brusquement multiplié par vingt. Le
mouvement s'est produit sur deux axes. D'un côté ce qu'on a appelé la nouvelle
critique, de l’autre, la filmologie.
A partir de 1949, la toute jeune école, ardente et érudite, des C ahiers du
Cinéma abandonne la critique impressionniste, psychologique et m êm e historique,
pour une critique à la fois technique et on peut même dire philosophique. André
Bazin, le leader d e cette génération, a prouvé à quel niveau d e p en sée peuvent
être analysés d es problèmes précis de découpage ou de prises de vue, tels que
par exem ple le flashback ou la pîofondeur de champ.
Certains de ses disciples ont poussé un peu loin la méthode. Et on ne peut p as
ne pas éprouver une certaine inquiétude, lorsque le moindre com pte rendu d'un
western un peu curieux (car ces jeunes t o c s font de préférence leur m iel des films
de série B plutôt que d es grandes œ uvres évidentes) am ène à parler d'ontologie et
. d'aliénation, ce genre de termes étant parfois m anié avec un bonheur inégal.
On est évidemment rassuré en retrouvant ce vocabulaire sous la plume plus
sûre d es filmoîogues. M ais c'est une inquiétude inverse que l'on éprouve parfois.
Certes il faut louer Cohen-Séat d'avoir am ené de grands spécialistes d e disciplines
intellectuelles comme l'esthétique, la sociologie ou la psychologie à se pencher,
avec la rigueur scientifique qui leur était familière, sur le,fa it filmique. Et il ne faut
28
p as s'étonner si, les réalités de l'écran leur étant, elles, moins familières, les pre
miers résultats ont été incertains. Un article d'André Bazin, intitulé assez drôlement,
si j'ai bonne mémoire, « Prolégomènes à toute film ologie », explique admirablement
le phénom ène. Je suis malheureusement, je l'avoue, assez ignorant du développe
ment de la filmologie, ayant précisément cessé mon activité de critique après sa
naissance. Mais je ne doute pas que la méthode, maintenant rodée, n'ait donné et
ne donne des travaux remarquables.
Un ouvrage récent que je viens de lire, dont je n e'sa is s'il appartient à l'ortho
doxie filmologique, m ais qui est en tout cas le type actuel m êm e d'une an alyse
philosophique dense et brillante du cinéma par un homme averti, a pourtant renou
v elé chez moi un sentiment d'équivoque qu'il me sem ble utile de dissiper.
C'est 1' « Essai d'Anthropologie Sociologique » d'Edgar Morin intitulé : « Le
cinéma et l'homme imaginaire. » Je m'excuse donc de donner pour quelques instants
à mon exposé un tour critique un p eu déplaisant. Mais un certain déblaiement est
parfois nécessaire pour rendre plus net lé tém oignage concret.
Q uelle est la thèse centrale de Morin ? Elle consiste à démontrer que le cinéma,
naissant dialectiquement du cinématographe, simple reproduction optique et objec
tive d e la réalité, établit une vision subjective, parente d e l'imaginaire, de l'onirisme,
de la m agie. Il y aurait comme une « vertu surréalisante de l'écran ». La formule
d e Valenün, qu'il cite, est caractéristique : « L'objectif confère à tout ce qui l’ap
proche un air de légende, transporte tout ce qui tom be d a n s son champ hors de la
réalifé. »
Mon propos n'est pas de discuter cette thèse. En un sens, c'est d'ailleurs une
29
simple évidence. Toute vision esthétique, que ce soit en peinture ou en littérature,
consiste à transposer une donnée réaliste, à l'affecter d'un certain coefficient de
subjectivité, de surréalité.
L ’évolution du style
30
Tout visage de femme, en gros plan et sans fard, ressemble à Fatconetti dans La Passion
de Jeanne d’Arc, de Cari Dreyer.
A vrai dire, les créateurs eux-mêmes, car il faut toujours se méfier du tém oignage
d es artistes, sont pour beaucoup responsables de la perpétuation, chez leurs exégètes,
de points de vue qui sont au fond périmés. Dans leurs déclarations, et non p as dans
leur comportement, ils se sont constamment trompés sur l'évolution du cinéma.
A l'apparition du parlant, ils ont unanimement prophétisé la fin de l'art de l'im age
en m êm e temps d'ailleurs qu'ils, se précipitaient pour expérimenter la caméra
sonore.
Quand vint la couleur, chacun a déclaré q u il ne l'utiliserait que de façon
stylisée, comme un peintre. En fait, elle s'est généralisée dès qu'elle a été suffi
samment vériste.
Il y a seulement quatre ans, après la première projection à Paris du Cinéma-
Scope, Le Figaro a dem andé à quelques metteurs en scène français leur avis sut
l'avenir artistique du procédé. La majorité, de Becker à René Clair, a condamné
31
Les conquêtes du cinéma : les paysages simples, le désert CStagecoach, de John Ford)...
l'écran large, comme rendant très difficile, ce qui est certain, la composition
plastique. Je croîs avoir été, avec Alexandre Astruc, le seul à p en ser que le
format large s'imposerait, comme un progrès inévitable dans cette inévitable
évolution vers une vision toujours plus réaliste qui est celle de l'écran.
Un des arguments majeurs contre le CinemaScope a été le suivant : il fera
disparaître le gros plan, le sacro-saint gros plan. On oubliait simplement que
le gros plan, com m e figure majeure de l'expression cinématographique, avait en
fait disparu comme de lui-même, comme les angles spéciaux, le m ontage rapide
ou la. surimpression, toute une stylistique abandonnée et définitivement abandonnée
parce qu'en fait elle était extrêmement limitée, puissante, m ais pauvre.
L'analyse en gros plan du visage, a-t-on dit et redit-on encore, est le m oyen
pour le cinéaste de fouiller psychologiquement un personnage, d'aller par la
vision de la caméra, jusqu'à l'âme. Totale erreur. Certes le comportement physique,
l'expression de l'acteur est l'équivalent du commentaire du romancier sur le
personnage, m ais précisément quand il est vu normalement à l'écran, com m e
aujourd'hui, en plan m oyen. Un très gros plan de visage, n'est p as psychologique
et complexe, m ais lyrique et élémentaire. Tout visage de femme, pris en très gros
plan, ressem ble — si le visage est sans fard et montre m ille fois grossi le grain
32
... et puis la grande ville, la foule (Street Scène, de King Vidor).
de la peau — à Falconetti dans Jeanne d'A ie, et s'il est pris dans le chatoiement
d'un sunlight sur un fond de teint, il ressem ble à Grêla Garbo. Alors que les
sculpteurs ne se lasseront jamais de traduire à travers un visage de marbre une
réalité infinie, les cinéastes se sont lassés d'exprimer sur la pellicule le même
visage, se sont lassés de faire ce qu'on appelle du cinéma pur. Car il en est de
mêm e de toute la stylistique classique. Par exemple, tout m ontage rapide d'une
scèn e de danse exprime d e façon surprenante le fait danse, mais traduit de
façon identique une danse espagnole, russe et écossaise. Ce qui ne permet guère
le renouvellement. En bref, ce sont les limites de l'expression dite spécifiquement
cinématographique, l'étroitesse du dom aine qui lui est propre, qui ont entraîné
l'évolution de l'art d e l'écran.
Nous venons de passer là au deuxièm e point de vue sous lequel on peut
exam iner le cinéma, comme toute création et toute œuvre, celui du contenu, du
fond, dans la mesure où on peut, en art, le séparer de la 1forme.
Je m e rappelle, en 1946, avoir essayé, à la dem ande de Sartre, dans le premier
numéro des Temps Modernes, de dresser un bilan du cinéma, sans préoccupation
d e problèm es esthétiques et formels, dans ce qu'il avait apporté de nouveau, de
profond à notre connaissance du cosmos et de l'homme. La liste des conquêtes
du cinéma n'allait pas loin. C e sont essentiellem ent les grands p aysages simples.
33
le désert, la: m ontagne, la neige, la mer (mais allez chercher à l'écran une traduction
de la subtilité, de l'humanité d e la cam pagne aixoise par exemple !), Et puis la
grande ville, la machine, la foule, l'enfant, l'animal, les grands sentiments élém en
taires, la violence, la terreur, le sublime amoureux, bref les catégories du lyrique
et de l'épique, alors que dans le psychologique ou la vision m étaphysique nuancée
du monde son apport restait très en dessous d e celui de la littérature ou du théâtre.
Eh bien je ne parlerai plus d e la m êm e façon aujourd'hui. Car c'est précisément une
fois d ég a g ée d'un style formel qui limitait se s possibilités, que la création ciném ato
graphique a progressé en profondeur dans son appréhension du monde et de
l'esprit.
34
Même signé Cayatte, un scénario de Prévert donne un film de Prévert (Les Amants de
Vérone).
35
un exemple. J'ai travaillé récemment pendant plusieurs m ois a vec René Clément
à l'adaptation pour l'écran du Hussard sur 2e toit, de Giono. C'est le type du
récit picaresque, construit par ailleurs, dit Giono, comme un opéra italien. Or,
Clément, qui a une grande finesse de sensibilité, voulait bien conserver l'inattendu
du récit et l'originalité de ton, m ais il voulait en m êm e temps — et c'était là
l'origine de notre conflit — urne construction serrée, une progression dramatique, un
suspense... etc. Vous comprenez, me disait-il, mon film doit aussi être applaudi à
Tokio et à Buenos Aires. C'est là l'écartèlement du créateur de cinéma, non p as
seulement entre l'art et le commercial, mais plus exactem ent entre l'envie d e liberté
et de profondeur dans la représentation que p ossède le roman et la nécessité
d'efficacité immédiate que doit avoir tout spectacle.
Et puis le film serait trop long, me disait très justement Clément. C'est je crois
Thibaudet qui distinguait dans les arts du temps, le s arts limités comme le sonnet,
la nouvelle ou la pièce, comportant par cela même des contraintes de forme, et plus
dramatiques que les arts illimités comme le roman.
Par vocation esthétique, le cinéma est un art illimité (les quelques grands films
d e plusieurs heures nous font pressentir les perspectives temporelles qu'il peut
déployer, avec la mémoire jouant, comme dans un livre à l'intérieur de l'œuvre). En
fait, c'est un art limité où en une heure quarante le metteur en scène doit saisir et
retenir un vaste public.
L ’auteur de film
Nous pouvons maintenant terminer en abordant plus concrètement le problème
de l'auteur de film, c'est-à-dire du rôle d e l'homme dans la création cinématographi
que. J'écarte tout de suite le faux problème du film création collective. Que l'apport
de nombreux techniciens spécialistes, m êm e si on le s appelle collaborateurs d e pro
duction, concoure à la réussite d'un film, n'est p as du ressort de la création m ais
simplement d e la production d'un film.
Capital au contraire, mais insoluble à vrai dire, est le problème du droit moral
d'auteur qui revient dans un film au scénariste et au metteur en scène. Problème
qui voisine sans se confondre avec le problème des rapports de la conception et de
la réalisation dans la création cinématographique. On a quelquefois parlé du couple
scénariste-metteur en scène. En fait dans le s œ uvres valab les il y a toujours subor
dination, dans un sens ou l'autre à un créateur-leader. Qu'il soit m is en scèn e par
Christian-Jaque, Cayatte ou Carné, un scénario de Prévert donne, plus ou m oins
réussi, un film de Prévert. Inversement, quel que soit le scénariste, m is en scène par
John Ford, un film est un film de John Ford.
C e qu'il y a d e certain, c'est que l'évolution du ciném a donne une importance
professionnelle de plus en plus grande cru scénariste. Il n'y a qu'à voir dans les chif-
fres le montant de se s honoraires. D'autre part, les metteurs en scèn e qui font aujour
d’hui figure d'auteurs sont plus ou moins auteurs complets. En France, René Clair,
Clouzot sont des écrivains. A vec des bonheurs différents, Bresson et Becker écrivent
maintenant eux-mêmes leurs dialogues. En Amérique, le metteur en scèn e le plus
plasticien, celui qui dans l'image est revenu aux sources de l'expressionism e, est
d'abord un hom m e du verbe, un homme de radio et de théâtre : j'ai nom m é Orson
W elles.
Il est pourtant sûr qu'il y a loin du scénario le plus élaboré au film a ch ev é et
que si l'on voulait esquisser une caractérologie du metteur en scène, définir une
« conduite » du cinéaste parallèlement à celle de l'écrivain, on serait am ené à mettre
en premier plan des valeurs d e tempérament, d'autorité, d e décision, de com m unica
tion qui sont à l'opposé des valeurs de scrupule, d e rêve et d e solitude qui caractéri
sent communément l'écrivain.
Car un film, dans son tournage, est une division blindée qui n e doit jamais
s'arrêter. Sur le plateau au m oins la création cinématographique ne peut connaître
36
La nouvelle « aventure » de Jean Renoir : Le Déjeuner sur l’herbe.
le s hésitations, les ratures, les repentirs qui sont des démarches norm ales de la
création littéraire. En ce sens l'architecte ou l'orateur auraient plus de points com
muns avec le cinéaste que le romancier ou le peintre.
C es qualités sont d'ailleurs, tout autant que du metteur en scène, celles du
« director », qui, en Amérique, on le sait, est l'auteur d'un film. On dit « dirigé par »
et non « mis en scèn e par ».
La terminologie américaine m 'am ène à un autre aspect de l'homme d e cinéma :
le directeur d'acteurs. Au théâtre les acteurs jouent la com édie entre eux. Au studio
chaque interprète a pour partenaire principal le metteur en scène. Dans le souvenir
concret d'un cinéaste, un film est m oins la m ise au point d'un scénario, le réglage
d'une prise de vues, que la bataille charnelle sim ultanée m enée pendant dix sem ai
n es avec d es visages, des regards, des gestes et des voix de quatre ou cinq acteurs
et actrices. Il est curieux, et bien significatif des contradictions et des ambiguïtés du
cinéma, de noter qu'au moment où, en Italie et en France, De Sica et Bresson cher
chent à éliminer les comédiens professionnels, à Hollywood, la nouvelle et brillante
génération de metteurs en scène, de N icholas Ray à Logan, sort tout entière des
recherches d e l'Actors' Studio de N ew York.
Il suffit de réunir les divers caractères que je viens d'esquisser sur le même indi
vidu pour faire le portrait de l'homme de ciném a type : ce pourrait être celui de Jean
Renoir. Grand animateur, un peu aventurier (il a vendu des tableaux de son père
d ans sa jeunesse pour produire lui-même ses films), dialoguiste, écrivain de théâtre,
ayant gardé en trente films la m êm e thématique, prodigieux directeur d'acteurs (ne
s'imposant p as au comédien, comme un Clouzot, m ais au contraire le poussant dans
37
son sens), il est par-dessus le m arché le plus grand plasticien de l'écran, ce qui,
quoi que je m e sois laissé aller à dire, est un attribut essentiel de l'homme d e
cinéma.
Renoir a aujourd'hui soixante ans. Car au cinéma, la création qui paraissait
l'apanage de la jeunesse, comme pour le s m athématiciens et les poètes, s'épanouit
aujourd'hui comme chez les peintres, avec la maturité.
Crise et régression ?
38
LES P E T I T S SUJETS
par Claude Chabrol
A qui veut tourner un sujet de son choix, deux solutions sont offertes. Selon ses
aspirations, le cinéaste peut conter la révolution française ou une querelle de voisins,
l'apocalypse de notre temps ou l'engrosse ment d'une servante d'auberge, les dernières
heures de héros de la résistance ou l'enquête sur le meurtre d'un prostitué. C'est une
question de personnalité ; l'important est que le film soit bon, n'est-ce p as ?, bien
conduit, bien construit, et que ce soit du bon cin ém a La seule différence que l'on
pourra se permettre de faire entre l'apocalypse et le prostitué, la révolution et la
servante d'auberge, les héros et les voisins querelleurs se situe a u niveau de
Vambition du sujet. Tant il est vrai qu'il existe d es petits et des grands sujets. Que
celui qui n'est p as d'accord lève le doigt.
Dès lors, tout est simple : il est aisé de deviner quel film est digne d'estime et
quel ne l'est pas. Je prends deux feuilles de papier et j'écris sur l'une :
L'A pocalypse d e notre tem ps. —- Scénario : « Après une guerre atomique totale, la
vie a disparu de la surface de la terre. N e suivit qu'un Noir qui se retrouve seul dans
New York, Il organise sa vie, du mieux qu'il peut, m ais souffre de son isolement.
Au bout de deux mois, il se rend compte qu'un autre être, une fem me blanche, a
survécu au désastre. Il la rencontre. Bientôt, il l'aime, m ais ses com plexes de race
lui rendent le bonheur impossible. Deux mois plus tard, un Blanc apparaît dans un
cris-craft. Lui aussi veut la fille. Le Noir tend d'abord à s'effacer, puis réagit et se
pose en rival. Le Blanc décide un duel à mort, et dans la ville déserte, face au palais
de l'O.N.U., les deux derniers hommes se livrent la dernière guerre. Tant il est vrai
que la guerre, folie des hommes, est bien « l'A pocalypse de notre temps ».
Sur l'autre feuille de papier, j'écris :
Une qu eielle entre voisins. — Scénario : « Dans une région perdue d es Causses,
un pauvre fermier vit seul. Il a organisé sa vie, du m ieux qu'il a pu, m ais souffre
de son isolement. Un jour, un autre être humain, une fem me de la ville, a une
panne de moteur et subit le charme de la cam pagne. Le paysan lui fait les honneurs
de sa terre et lui révèle sa vie rude. Bientôt il l'aime, m ais son état de paysan, face
à la citadine, lui rend le bonheur impossible. Un peu plus tard, un ancien paysan,
qui a beaucoup vécu à la ville, décide de retourner à la terre. Il s'installe à côté
du premier paysan, et bientôt, lui aussi, veut la fille. Notre premier p aysan décide
d'abord de s'effacer, puis réagit et se pose en rival. L'autre décide un duel à mort,
et dans la C ausse désertique, battue par le vent, face aux sau vages Cévennes, les
deux hommes de l'endroit se livrent bataille. Tant il est vrai que les p aysans se
complaisent dans les « querelles entre voisins ».
le compare les deux feuilles, le s fais lire autour de moi, le s propose à des
producteurs. Aucun doute : V A p o ca lyp se d e notre tem ps est un grand sujet, La
Q uerelle entre voisins, une histoire banale et sans intérêt. Je tourne, comme je
l'entends, L'A pocalypse d e notre temps, et je ponds le plus sublime navet de la
décade. Tout le m onde est étonné, moi le premier. Pourtant, certains s e laissent
abuser : le film est peut-être imparfait, maïs le sujet est tellement grand qu'il ne
peut laisser personne indifférent. On proclame : « L'Apocalypse de notre temps
est intéressant à plus d'un titre. » Mais moi, qui sm s un imbécile, mais m e rends
compte de la qualité d'une pellicule impressionnée, je sa is que l'œuvre de m a vie
est une pauvre chose.
Dans un éclair de lucidité, je reprends La Q uerelle entre voisins et je vois que
le sujet est le même, et je vois aussi qu'il n e tient p as debout. Libérée de son décor
39
L e s g r a n d s su je ts : L a s N ie b e lu n g e n , d e F r itz L a n g .
apocalyptique, les deux pieds sur la terre, L'Apoccrlypse d e notre temps n'est ni de
notre temps ni d'un autre : elle ne tient compte, La Q ueielle entre voisins le prouve,
d'aucune vérité, ni sociale, ni psychologique, ni même ontologique. Cette A pocalyp se
était une ânerie, au m êm e titre que La Querelle entre voisins.
Voici où je voulais en venir : en dehors même de toute considération ciném a
tographique qui n'a rien à faire ici, le grand sujet n e vaut p as m ieux que le petit.
C'est un miroir aux alouettes qui sert encore, de temps en temps, d'attrape-nigauds.
Allons plus loin. En définitive, ce n'est pas le sujet qui est grand, dans cette
histoire d'Apocalypse, puisque la m êm e trame donne le plus inepte d es drames
paysans. C'est le trompe-l'œil : le décor. Une ville déserte n'offre p a s de possibilités
cinématographiques plus grandes qu'un coin des Causses, bien au contraire, m ais
elle impressionne le crétin, qui n'en a jamais vu.
O crétin, voici les p ièges où tu tombes : voici les grands sujets.
Nomenclature exhaustive d es grands sujets.
40
Les petits sujets : Le Retour de Frank James, de Fritz Lang.
41
LE TEMPS DES CAILLES
Il est donc arrivé, le temps des prunes mûres, le temps où les cailles rôties tra
versent le ciel où marchaient autrefois l<3s strictes hirondelles ! Peut-être, en fait d e
prunes et de cailles, s'agit-il seulement d e ce long boulot découpeur et manipulant
par quoi le poète se flatte d'en avoir fini avec la période sonnet de sa vie pour
aborder enfin aux adultes plateaux.
J'ai connu la dernière diligence et le premier avion. « }e ne monterai p as d a n s
cette chose bleue », disais-je aux environs d e trente, trente-deux. J'y suis monté. De
même, au-delà de l'encre noire et de la plum e métallique, elle vient, elle est là, la:
saison du celluloïd, des coups de marteau sur les parquets de Boulogne et de cette
machinerie optique qui est en elle-même une réussite de nos âges, non m oins
impressionnante, quoique en plus froid, que n os — je d is nos I — longs métrages.
En fait, l'auteur de La Poupée, puisque Poupée il y a, c'est Jacques Baratier.
Moi, je ne suis que le fournisseur du romandou, du romandon.
Esquissons ici le portrait de Jacques Baratier, avant que se s films se soient
chargés de le dévoiler tout entier. Cet esprit étincelant atteste deux siècles d e civi
lité pointue. En Baratier se dessine la France en ce que contiennent de convention
nellement authentiques des notions telles que la galanterie française, la politesse fran
çaise et, en toute simplicité, le génie français. A la m anière d es gardes républicains
à cheval qui, lorsqu'ils montent leur moto d'ordonnance, les jours de fête diploma
42
tique carillonnée, abandonnent le casque à crins et les éperons pour conserver le
bleu habit à revers écarlate et le s culottes de daim blanc d e Rocroy, de même Bara
tter, par le travers des Sahara, des festivals et des m ontages, garde et maintient 1er
tournure m entale d'une sorte de devin marquis. Perspicace, en effet, psychologue en
diable, toujours en avance d'une seconde, ou de deux, aux rendez-vous d e la conver
sation, a u risque, quelquefois, qu'on ne le trouve plus, il prolonge jusque dans son
ouvrage maghrébin Goha, la tradition talon rouge d e « Candide » et des « Lettres
Persanes ». Metteur en scène de m a Poupée aztèque, il m'entraîne hors de m a charn-
bre du cinquièm e arrondissement. C'est ainsi que La Fayette, autre motocycliste
ambigu, édifiait les premiers gratte-ciel de New York sous prétexte d'amener Rous-
seau au cinéma. Je tremble d'ailleurs que mer Poupée lui joue de m auvais tours.
Il est bien difficile de se faire à l'idée qu'une histoire sortie de votre tête (je veux
dire la mienne, ô miroirs du la n gage !) aboutisse pour de bon à des labyrinthes de
responsabilité traduits par quarante kilomètres de pellicule,, sans parler des pistes
de son et d e tous les serpents, contre-ordre et contre-champs du tournage.
Je suis bien trop modeste pour imaginer que les CAHIERS se soient arrangés
pour faire coïncider leur centenaire avec m a naissance au cinéma. Comme tous les
rédacteurs des CAHIERS parviennent tôt ou tard et tôt que tard à la gloire par la
caméra, trois cents mètres - sans doute mon p a ssa g e che 2 eux m e vaut-il de
prendre à mon tour place parmi les criquemouleurs de la tacatac.
Que mon euphorie néophyte vous salue, m es chers anciens ]
Jacques AUDIBERTI.
45
Inginar Bergman (à gauche) et son opérateur Sven Nykvist lors du tournage de son
dernier îilm, JungjnikaUan (La Fontaine de la jeune vierge).
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Aujourd’hui que j'ai quelque peu vieilli, je suis devenu plutôt circonspect. L'expé
rience déjà acquise, sur laquelle je voudrais m'étendre, est d'une telle nature qu'il
m'est difficile de m ’exprimer sur l'art du cinéaste. Certes mon métier suppose une
certaine habileté technique et d es qualités intellectuelles, m ais l'essentiel de mon
expérience demeure incommunicable, sauf peut-être à des cinéastes en puissance.
Je suis en outre convaincu que la seule véritable contribution que l'artiste puisse
apporter au débat réside dans son oeuvre.
Autrefois l'artiste demeurait incognito, et c'était une chose excellente. Son anonymat
relatif le protégeait des influences extérieures néfastes, lui évitait d e se perdre dans
les considérations matérielles et d e prostituer son talent. Il accomplissait sa tâche
selon son inspiration et sa conception d e la vérité, et laissait au Seigneur le soin
de juger. En conséquence, il vivait et mourait sans s'être cru ni plus ni moins impor
tant que n'importe quel autre artisan. Des m ots comme « valeurs étem elles », « im
mortalité » et « chef-d'œuvre » n'avaient aucun sens pour lui.
Son travail était dédié à la gloire de Dieu. Son habileté de créateur était à la
fois un don et un accomplissement. Dans un tel univers s'épanouissaient le talent
naturel et la plus profonde humilité, deux qualités rares indispensables pour faire
œuvre d'art.
La vie actuelle rend la position de l'artiste d e plus en plus précaire; l'artiste
est devenu objet de curiosité, une esp èce d e com édien ou d’athlète perpétuellement
en quête d ’engagem ent. Son isolement, son individualisme de plus en plus sacré,
sa subjectivité artistique le prédisposent aux ulcères d'estomac et aux névroses. Il
lire fierté d'un goût de l'exclusivism e qui ressem ble à une malédiction. L'exceptionnel
est à la fois son tourment et s a joie.
Il se peut que je tende à ériger en règle générale m es seuls com plexes'personnels.
Il se peut égalem ent que le poids d es responsabilités s e soit accru et que les
problèmes moraux soient si m alaisés par suite de la dépendance d e l'artiste à l’égard
des réactions populaires et des contraintes économiques.
Quoi qu'il en soit, j’a i maintenant le sentiment que le temps est venu de mettre
de l'ordre dans m es pensées, de définir m es principes de b ase et l'essentiel de ma
position. Je n'ai nullement l'intention d e présenter ces réflexions com m e des jugements
catégoriques, n'y voyez que d es appréciations personnelles, avec quelques remarques
très objectives sur les problèmes techniques et moraux qui se posent au cinéaste.
Naissance du scénario,
45
Birgitta Petersson et Gunnel Lindbloin dans Jiingfnikallan.
46
Birgitta Petersson, Axel Düberg et Tor Isedal dans JiiugjrukalUjn.
On écrira ses dialogues, mais les indications quant à leur manière de s'en servir,
tout ce qui concerne le rythme et le mouvement, la vitesse du débit et la m anière de
remplir les silences, tout cela, pour les raisons pratiques, sera exclu du script qui
risquerait de devenir illisible a v ec une telle m asse d e détails.
Dans mon scénario, je puis comprimer indications de m ise en scène, positions des
personnages, détails de jeu et d'atmosphère, en termes suffisamment clairs, pourvu
que je sache tenir une plume et que le lecteur veuille bien se donner la peine de
lire (ce qui n'est pas toujours le cas !).
Mais j'en viens maintenant à l'essentiel, c'est-à-dire le montage, le rythme, et
le rapport d'une im age à l'autre — cette « troisième dimension » vitale sans laquelle
le film n'est plus qu'un produit usiné, sans vie. Je ne puis ici rendre compte des
recherches d'intensité dramatique ou indiquer les cadences à utiliser ; il est presque
impossible de communiquer à un tiers ce qui donne vie à l'œuvre d'art. Je me suis
souvent efforcé d e trouver une forme de notation qui m e permettrait d'enregistrer
les nuances et les tonalités conceptuelles, la structure interne du film.
Une fois plongé dans l'ambiance désolée (au sens artistique) et laborieuse du
studio, les m ains et la tête pleines de ces détails futiles et irritants, inséparables de
la production cinématographique, je dois faire le plus grand effort pour m e souvenir
de ma vision originale, de la façon dont j'avais conçu telle ou telle séquence, et du
rapport entre une scène tournée quatre semaines plus tôt et celle d'aujourd'hui. Si
je pouvais m'exprimer clairement, ce facteur d'irrationalité serait pratiquement éliminé
47
de mon travail, j'œuvrerais en toute liberté et n'aurais aucune pein e à établir, chaque
fois qu'il m e plairait, la liaison entre les parties et le tout.
Une dernière fois, répétons donc que le scénario est une b a se technique fort
im parfaite pour tourner un film.
A ce propos, je voudrais attirer l'attention sur un autre fait par trop méconnu.
Le cinéma n'est p a s la littérature. Le plus souvent le caractère et la substance de
ces deux formes d’art s ’opposent. Il est m alaisé de dire pour quelle raison, m ais à coup
sûr cela dépend en grande partie de la façon dont nous réagissons à chacune d'elles.
Le mot écrit se lit puis s'assim ile par un acte conscient, et p eu à peu influe sur
notre imagination et nos sentiments. Tout change radicalem ent a vec le film. Quand
nous nous rendons au cinéma, nous savons parfaitement qu'une illusion nous y attend,
nous nous laissons aller et l'acceptons. Le déroulement d es im ages agit directement
sur notre sensibilité san s affecter notre intellect. Il y a d'innombrables raisons pour
ne p as porter à l'écran des œ uvres littéraires, m ais la plus importante est, en général,
l'impossibilité d'y retrouver cette dimension irrationnelle qui est au cœ ur de toute
œ uvre littéraire et à son tour tue la dimension propre au cinéma. Si nous voulons
néanmoins transposer une œ uvre littéraire en termes filmiques, nous som mes obligés
d'effectuer un nombre considérable de transformations com pliquées pour aboutir à
un résultat médiocre, très limité, sans rapport avec la som me d'énergie dépensée.
Je sais ce dont je parle parce que j'ai été soumis au soi-disant « jugement litté-
téraire ». Laisser critiquer un film par un spécialiste de la littérature me paraît aussi
peu raisonnable que d e confier le compte rendu d'une exposition de peinture à un
critique musical, ou celui d'une nouvelle pièce à un reporter d e football.
La seule raison qui permette d'expliquer pourquoi tout un chacun se croit capable
de porter des jugements de valeur sur des films est l'incapacité du ciném a à
s'affirmer comme une forme d'art, son besoin d'un vocabulaire artistique définitif, son
extrême jeunesse par rapport au x autres arts, sa dépendance étroite des réalités
économiques, s a façon d^en appeler avant tout aux sentiments. Pour tous ces motifs
le cinéma est considéré comme quantité négligeable, sa puissance expressive le rend
suspect aux yeux de certains, et il en résulte que n'importe qui s'estime compétent
pour dire n'importe quoi n'importe comment sur l'art cinématographique.
Moi-même, je n'ai jam ais nourri l'ambition d'être écrivain. le n'écris p as de
romans, p a s de nouvelles, ou d'essais, ou de biographies, ou d'articles sur d es
sujets particuliers. le ne désire p as écrire des pièces pour le théâtre. Seule m'intéresse
la création cinématographique. l e veux faire des films pour exprimer les états d'âme,
les émotions, les im ages, les rythmes et les personnages qui s'agitent au fond d e moi-
même, et qui d'une façon ou de l'autre me préoccupent. Je sm s un cinéaste et non
un écrivain, l'im age mouvante est mon instrument, non le mot écrit. C'est par l'im age
filmique et son délicat procédé d'enfantement que je veux transmettre mon m essa g e
à m es frères humains. Je trouve humiliant de voir juger m on travail com m e s'il
s'agissait de livres, alors que je crée d es films. Sinon pourquoi n'appellerait-on pas
un oiseau un poisson, le feu de l'eau ?
La rédaction du scénario est donc un travail difficile, m ais fort utile, qui m e
force à prouver logiquement la valeur de m es idées. En cours d'exécution, je m e
trouve pris dans le difficile conflit des situations. Penchant tantôt pour une situation
très embrouillée, tantôt pour la simplicité la plus totale. Comme je ne prétends pas
œuvrer uniquement pour mon bon plaisir ou celui de quelques h a p p y few, m ais poui
le grand public, je ne dois pas perdre de vue les exigences de ce public. Parfois je
m e risque à quelque alternative audacieuse, et il a été prouvé que les spectateurs
sont cap ab les d'apprécier les développements les plus subtils et les plus compliqués.
48
Il y a longtemps que j'ai désiré utiliser le cinématographe pour raconter des
histoires. C ela n e signifie p as que je trouve à redire à la forme narrative, m ais que
je considère le ciném a comme idéalem ent adapté à l'épopée et au drame.
Evidemment, je n'oublie pas que le film permet de faire surgir des mondes
préalablem ent inconnus, des réalités dépassant toute réalité.
Il est d'une grande importance pour notre industrie si m al en point de produire des
rêves rares, des fantaisies légères, d es paradoxes venimeux comme le serpent, des
bulles étincelantes et multicolores.
Je n e prétends p as que ces choses ne se matérialisent jamais, mais elles sont trop
rares et le cœ ur n'y est qu'à demi.
Parfois, tandis que je me trouve là, dans la pénombre du studio, avec ses bruits,
son agitation, sa saleté, son atmosphère suffocante, je m e dem ande pourquoi j'ai
choisi pour m'exprimer cette forme difficile entre fouies de 1er création artistique.
Les règles en sont multiples et accablantes. le dois chaque jour « mettre en
boîte » trois minutes de film utilisables. Je dois m'en tenir au plan de tournage, qui
est si draconien qu'il exclut presque tout sauf l'essentiel. Je suis entouré d'un appa--
reillage technique qui avec une ruse infâme s'efforce de trahir m es meilleures
intentions. Je suis constamment sur la brèche, forcé d e mener la vie collective du
49
Tor Iseclal, l’enfant, et Axel Düherg dans Junjrukallan.
50
son incompétence. L'abondance ou l'absence des gros plans révèlent sans le moindre
doute le caractère du metteur en scène et le degré de son intérêt pour autrui.
Simplicité, économ ie d es m oyens, maîtrise du détail, perfection technique, seront
les piliers sur lesquels reposera chaque scèn e ou séquence. Elles n e sauraient pourtant
suffire à elles seules.
Vient l ’étincelle
Supposée l'existence de tous ces facteurs — et ils sont indispensables — l'élément
essentiel manque encore, l'étincelle qui donnera vie au tout. Cette étincelle m ystérieuse
jaillit ou reste cachée selon son bon vouloir. Cette étincelle de v ie joue un rôle
crucial, m ais ne se laisse jam ais domestiquer.
Par exemple, je sais parfaitement que chaque élément d'une scène doit être
préparé jusqu'au moindre détail, chaque branche de l'organisation collective doit
connaître sur le bout d es doigts le travail qui lui incombe. Toute la m écanique
doit fonctionner sans accroc. Ces préparatifs peuvent prendre ou non beaucoup de
temps, m ais ils ne doivent p as traîner en longueur ni fatiguer ceux qui y participent.
Les répétitions pour chaque prise doivent s'effectuer avec une précision mathématique,
chacun connaissant ce qu’il a à faire.
Voici venu le moment de tourner. Par expérience, je sais que la première prise
est souvent la plus réussie, ce qui va de soi. A la première prise, le s acteurs
s'efforcent de créer quelque ch o se; ce besoin créateur fait jaillir l'étincelle de vie et
s'explique par un phénom ène d'identification spontanée. La cam éra enregistre ce
processus intime de création, guère perceptible à l'œ il nu ou à une oreille peu
entraînée, m ais qui ne s'en trouve pas moins capté et fixé sur la pellicule photogra
phique et sur la bande son.
le crois que c'est là précisément ce qui m'incite à faire du cinéma et m e fascine
dans ce m ode d'expression. La création et la conservation d'une étincelle d e vie
soudaine m e récompensent amplement de milliers d'heures de profond désespoir,
d'épreuves et de tribulations.
L'acteur doit s'identifier inconditionnellement avec son rôle. L'identification doit
être comme un costume. Une concentration trop poussée, un perpétuel contrôle de
ses émotions et vin travail à haute tension sont complètement exclus. L'acteur doit
être capable, au sens le plus purement technique (et si possible avec l'aide du metteur
en scène), d'entrer dans la p eau d'un personnage et de l'abandonner à volonté. La
tension m entale et les efforts prolongés sont fatals à toute expression filmique.
Le metteur en scène n e doit p as submerger l'acteur sous le s consignes, m ais,
s'efforcera plutôt d e se faire comprendre au bon moment. Il ne gaspillera ni n'écono
misera se s paroles. L'acteur tire peu de bénéfice d'une an alyse intellectuelle. Ce
qu'il désire, ce sont des instructions précises en temps utile et certaines corrections
techniques sans enjolivements ni digressions. le sa is qu'une intonation, un regard
ou un sourire peuvent lui être souvent d'un bien plus grand secours que l'analyse
la plus pénétrante. Cette façon d'agir évoque un peu la sorcellerie, m ais il n'en
est rien ; ce n'est qu'une méthode sûre et éprouvée pour le metteur en scène de
contrôler l'acteur. A vrai dire, moins nous discutons, causons, expliquons, mieux nous
nous comprenons par nos silences, notre bon sens réciproque, notre loyauté naturelle
et notre confiance.
51
impurs. Notre travail est entre les m ains des homm es d'affaires, qui parfois le
considèrent avec appréhension étant donné que les films ont une certaine affinité
avec quelque chose d'aussi incertain que l ’art.
Même si notre activité apparaît douteuse à bien des gens, je dois insister sur le
fait que la morale qui y préside n'est ni pire ni meilleure que la m oyenne. Par certains
côtés, je me sens un peu comme l'Anglais des tropiques, qui se rase et s'habille chaque
jour avant dîner. Il ne veut nullement séduire le s animaux sau vages, m ais agit
pour son propre bien-être. S'il abandonne sa discipline, la jungle prend l'avantage.
Je sais que la jungle aura triomphé de moi si j'adopte une position morale de
faiblesse ou si je relâche m a discipline intellectuelle. C'est pourquoi j'ai acquis une
sorte de foi, b a sée sur trois commandements d'une efficacité imbattable. Ils sont
devenus indispensables à mon activité dans le monde du cinéma.
Le premier paraîtra un peu indécent, m ais relève en réalité de la morale la
plus noble. Le voici : Le spectateur, à chaque instant, fu divertiras.
C'est-à-dire que le public qui vient voir m es films et m e fournit mon gagne-pain
a le droit de s'attendre à être diverti effrayé ou amusé, à vivre une expérience pleine
d'entrain. Je suis responsable de la qualité de cette expérience. C'est la seule justi
fication de mon activité.
Il ne faut p as pour autant en déduire que je dois prostituer mon talent, du m oins
pas n'importe comment, sinon j'irais à l'encontre de mon deuxièm e commandement,
qui dit : Les im pératifs d e ta conscience d'artiste, toujours tu suivras.
52
M ax von S y d o w , B irg itta P e te r s s o n e t B ir g îtta V n lb e r g d a n s JungfrukiiU an.
C o m m a n d e m e n t tr è s p é r il l e u x , c a r i l m 'in t e r d it m a n i f e s t e m e n t d e v o le r , d e m e n tir ,
d e p r o s t i t u e r m e s t a l e n ts , d e t u e r o u d e f a ls if ie r . P o u r t a n t, j 'a j o u t e r a i q u e j 'a i le
d r o i t d e f a ls if i e r si j e s u i s a r t i s t i q u e m e n t ju s tif ié ; j e p e u x é g a l e m e n t m e n t i r s 'il
s 'a g i t d 'u n b e a u m e n s o n g e ; je s u i s m ê m e a u t o r i s é à t u e r m e s a m i s , o u m o i- m ê m e ,
o u n 'i m p o r t e q u i, si c e f a i s a n t j 'a i d e m o n a r t ; j e p e u x a u s s i m e p e r m e t t r e d e
p r o s t i t u e r m e s t a l e n t s s i d e l a s o r t e j e f a c i l it e l e t r io m p h e d e m a c a u s e ; e t, à v r a i
d i r e , j 'a i le d r o it d e v o l e r s 'i l n 'y a p a s d 'a u t r e m o y e n d e m 'e n so rtir.
S i l 'o n o b é it à s a c o n s c ie n c e a r t i s t i q u e j u s q u 'a u b o u t, e n t o u te c ir c o n s t a n c e , o n
s e t r o u v e e x é c u t e r u n n u m é r o d 'é q u i î i b r i s t e s u r l a c o r d e r a i d e , e t l 'o n a u n e te l l e
s e n s a t i o n d e v e r t i g e q u 'à c h a q u e s e c o n d e o n r i s q u e d e t o m b e r e t d e s e r o m p r e
l e c o u . A l o r s to u s l e s s p e c t a t e u r s , p r u d e n t s e t m o r a l i s a t e u r s , s 'e x c l a m e r a i e n t : « R e
g a rd e z , v o ilà c e q u i a rriv e au v o le u r, a u crim in el, a u d é b a u c h é , cru m en teu r. Bien
{ait ! » P a s u n e s e c o n d e n e l e u r v i e n d r a i t à l 'i d é e q u e to u s l e s m o y e n s s o n t p e r m i s ,
s a u f c e u x q u i m è n e n t à l 'é c h e c , q u e l e s m é t h o d e s d a n g e r e u s e s s o n t l e s s e u l e s
q u i s o i e n t a c c e p t a b l e s , q u e -la c o n t r a i n t e e t l e v e r ti g e f o n t t o u s d e u x p a r t i e i n t é g r a n t e
d e n o t r e a c t i v it é . P a s u n e s e c o n d e n e l e u r v i e n d r a i t à l 'i d é e q u e l a jo ie d e c r é e r ,
s o u r c e é t e m e l l e d e b e a u t é e t d e j o u i s s a n c e , e s t i n s é p a r a b l e d e s a f f r e s d e l a c r é a tio n .
O n p e u t p r o n o n c e r to u te s l e s f o r m u le s m a g i q u e s q u 'o n v o u d r a , e x a l t e r s o n h u m ilité
e t r a b a i s s e r s o n o r g u e il t a n t e t p lu s , l e f a it d e m e u r e q u e s u i v r e l e s I m p é r a t if s d e s a
c o n s c i e n c e a r t i s t i q u e e s t u n e p e r v e r s i t é d e l a c h a i r , le r é s u l t a t d e l o n g u e s a n n é e s d e
m o r ti f i c a t io n e t d e q u e l q u e s i n s t a n t s s u b l i m e s d e v é r i t a b l e a s c è s e e t d e c o m b a t. A l a
53
longue pourtant, c'est la m êm e chose, nous le reconnaissons ; au point de fusion se
situe cette zone entre la croyance et la soumission, qu'on peut appeler l'évidence artis
tique. Je voudrais préciser à cet endroit que ce n'est en aucune façon mon unique but,
m ais simplement que je m'efforce de mon mieux de ne jamais dévier de la direction
choisie.
Pour bien durcir m a volonté et n e p a s glisser de l’étroit sentier dans le fossé,
je suis un troisième commandement, savoureux et bon : Comme s'il était le dernier,
chaque film tu feras.
Certains s'imagineront peut-être que ce commandement n'est qu'un aim able
sophisme, ou un aphorisme gratuit, ou simplement u ne jolie phrase sur la parfaite
vanité de toutes choses. Pourtant c e n'est p as le cas.
C'est la réalité.
Kn Suède, la production cinématographique s'est interrompue pendant une an née
entière, il y a de cela quelque temps. A u cours de mon inactivité forcée, j'ai appris
que, par suite de complications financières, et san s en être le moins du m onde
responsable, je pouvais m e trouver à la ru e'avant m êm e d'avoir eu le temps de
dire ouf.
Je n e proteste pas, je n e suis ni effrayé ni amer, j'ai simplement tiré d e cette
situation la conclusion logique et hautement morale que chaque fiJm est mon dernier.
Pour moi, il importe seulement d'être loyal envers le film sur lequel je travaille.
C e qui se produit par la suite (ou ne parvient p as à se matérialiser) n'a pas
d'importance et n e m e cause ni anxiété ni désir. J'en tire assurance et intégrité
artistique. L'assurance matérielle est apparemment limitée, m ais l'intégrité artistique
m e paraît infiniment plus importante, et c'est pourquoi je suis le principe que ch aqu e
film est mon dernier.
■ J'en tire force d'une autre façon. J'ai vu trop souvent d es gens de cinéma morts
d'angoisse et tenant m algré tout jusqu'au bout leurs obligations. Epuisés, crevant
d'ennui, et sans le moindre plaisir, ils accom plissaient leur tâche. Ils enduraient
humiliations et affronts de la part d es producteurs, des critiques et du public sans
flancher un instant, sans renoncer, sa n s quitter la profession. D'un haussement d'épaule
fatigué, ils apportaient leur contribution artistique jusqu'à l'effondrement ou au
renvoi.
Je l'ignore, m ais peut-être un jour le public ne voudra-t-il plus de moi, peut-être s e
rai-je dégoûté de moi-même. La lassitude et la sensation du vide m'envahiront com m e
un sac gris et poussiéreux qui recouvrirait tout, la peur paralysera m es réflexes. Le
néant m e regardera dans les yeux.
Il sera alors grand temps que je dépose m es outils et que je quitte la scène
sans m e faire prier, libre d e toute amertume, évitant de méditer sur l'utilité d e m on
oeuvre et se s mérites en perspective d'éternité.
S a g es et avertis, les homm es du m oyen â g e avaient l'habitude de p asser la
nuit dans leur cercueil afin de n e jamais oublier l'exceptionnelle importance d e
chaque instant et le caractère fugitif de l'existence elle-même.
Sans recourir à des mesures au ssi draconiennes et peu confortables, je m'endurcis
contre l'apparente futilité et l'inconstance cruelle de mon métier de cinéaste en me
convaincant très sérieusement que chaque film est mon dernier.
Ingmar BERGMAN.
54
Saint-Jouin-de-Marnes (Deux-Sèvres).
55
L’école romane saintongeaise. de F ran ce la densité des p etites églises
de village, conservées d an s leur vraie
Ne le cachons pas, en effet, l'a r physionom ie ro m a n e ,, n ’est san s doute
ch itecture religieuse de S aintonge ne plus forte q u’ici. M. de C hasseloup-
f a it pas p a rtie des grandes écoles L au b at en a relevé plus de cinq c e n ts
rom anes. On y c h e rc h e rait en vain dans les deux d é p a rte m e n ts et l'expé
l’équivalent des célèbres ch efs-d 'œ u rience prouve qu'il n e s’a g it p a s de
vre de l'a rc h ite c tu re bourguignonne vagues ruines, d 'u n pilier ou d 'u n c h a
ou au vergnate, plus encore de ces piteau. C’e st p e u t-ê tre deux à tro is ce n ts
fam eux ensem bles scu lp tu ra u x qui font de ces chapelles de cam pagne qui o n t
la gloire des ty m p a n s de Moissac, de gardé p a rfa ite m e n t la silh o u ette si
Vezelay ou d'A utun. 'A ussi bien les caractéristiq u e de l'église ro m an e sa in -
grands m o n u m en ts m an q u en t-ils en tongeaise, nichée au fond de son m ail
Saintonge, soit qu’ils a ie n t été démolis de tilleuls. E t le voyageur curieux, qui
(comme à S ain t-Jean -d 'A n g ély ), où s’enquerra de l a clef p o u r visiter, fera
larg em en t m utilés (comme à Saintes) ; presque to u jo u rs en ch acu n e d’elle de
les grandes églises so n t su rto u t sur merveilleuses découvertes su r les piliers
le pourto u r, à Poitiers, à Angoulême, en du chœ ur ou les c h a p ite a u x de la nef.
Vendée ou au S u d d an s le Bordelais La prospection de ce tréso r éparpillé
et le Périgord. au détour des ch em in s vicinaux a p p a
E t p o u rta n t, nulle p a rt m ieux qu’en- r a ît inépuisable.
56
L’église saintongeaise possède une physionomie bien caractéristique. Témoin ces façades
(de g. à dr. : St-Symphorien, Corme-Ecluse, Echillais) où M. le Chanoine Tonnelier a
cru pouvoir discerner une réminiscence de l’arc de triomphe romain.
58
raison de la férocité des guerres de
religion, les églises o n t été démolies,
m ais surtout dans le s villes, car il sem
ble au contraire qu’à, la cam pagne elles
a ien t p arad oxalem en t bénéficié, et sur
to u t depuis le x v i i f siècle, de la rela
tive in d ifféren ce religieuse de la popu
lation charentaise. On les a laissé vieil
lir en paix, se ruiner san s doute, m ais
n on se défigurer. A insi préservées, en
partie, des destructions fanatiques
com m e des in tem p estifs « em bellisse
m en ts » qui on t dénaturé irrém édia
b lem ent à la fin du XIXe ta n t d'églises
de V endée, par exem ple, sous u n zèle
n éo-goth iq ue, des cen tain es de ces
b âtim en ts discrets ont pu attendre,
san s trop de m al, la séparation de
l’Eglise et de l'Etat et la protection
des M onum ents Historiques.
Je voudrais voir d ans ce respect,
fû t-il à base d’indifférence, d avantage
qu’une con jonctu re heureuse et for
tu ite : la bonn e in telligen ce de l’hom
m e et de ses m onum ents. Ce qui frappe,
presque à chaque nouvelle découverte
d’une église sain tongeaise, c’est le n a
turel de son im plantation, non seule
m en t architectural, m ais hum ain. En
dorm ies d an s les villages depuis des
siècles, m ais n on point m ortes, elles
se son t laissé investir et com m e
absorber par la vie d’alentour et jus
La lanterne des morts de Fenioux. qu’à la vie végétale. Nom breuses sont
les églises en vah ies de verdure, si m êm e
L’église dans sa relation avec le e l le s 'n ’e n - s o n t pas absolum ent p én é
village. trées com m e cette ch apelle de S ain t-
Ouen dont les pierres ne tien n e n t plus
Mais quelle que soit la part qui que par les racines du lierre et de
devra être faite à l ’h istoire e t - à l'ar la vigne vierge.
chéologie, je pen se que l ’axe d 'intérêt
du film , son centre de gravité et d’équi
libre devra se situ er dans l'actualité.
Il s'agira de révéler et d’expliquer le
ch arm e incom parable de ces églises,
m ais leur charm e con tem p ora in , dans
la vie quotidienne sain ton geaise m o
derne, charm e d ont je voudrais essayer
m a in ten a n t de dégager quelques-uns
des facteurs déterm inants.
J'ai déjà évoqué la densité, l’u nité
e t la variété qui font de la p etite église
rom ane un attribu t presque inévitable
du village sain ton geais, une donnée
p erm an en te de l’architecture rurale.
Où, m ieux qu’en Saintonge, avoir la
révélation de ce que sign ifie encore
aujourd’h u i et com m e caresser de la
m ain, la « b lanche robe d'églises » qui
s ’éten d it au x XIe et x ir 8 siècles sur la
ch rétien té occidentale. S an s doute
n ’e st-elle pas sa n s déchirures. Ici, com
m e ailleurs, plus p eu t-être m êm e en La chapelle de Saint-Ouen.
59
fian te symbiose de la p ierre séculaire
e t m ém orable e t des tra v a u x e t des jours
du paysan c h a re n ta is d ’a u jo u rd ’h u i ;
n o tre tâch e n ’est p a s de nous substi
tu e r aux B eaux-A rts, m ais au c o n traire
d ’enregistrer, p e n d a n t qu’il en est
tem ps encore, cette h a rm o n ie n a tu
relle et ancestrale où la vie ru rale
contem poraine p a r a it en quelque sorte
poursuivre avec l’église une am itié
si vieille q u’elle en a p e rd u s a n a tu re
religieuse. Nul se n tim e n t de sacriliège
p o u rta n t d an s cette p ro fa n a tio n , p e u t-
être ju stem en t p arce que quelque chose
d an s l ’a r t ro m an sain to n g eais le p ré
disposait à c e tte le n te e t insensible
hu m an isatio n pay san n e.
D ans le m êm e cadre d'idée, m ais
aussi comme u n exem ple d’évolution
sym étrique, il f a u t évoquer le cas
de l'église ab and o n n ée so litaire au m i
lieu des c h am p s e t des bois, telle
l'ex trao rd in aire abbaye de C h â tre avec
ses q u atre coupoles, d o rm a n t, ouverte,
L'abbaye de Trizay transformée en ferme. béante, offerte au x oiseaux e t a u visi
teur perspicace qui a u r a su découvrir
ce p e tit tem ple d'A ngkor saintongeais.
L’église pénétrée par la vie paysanne. La solitude e t l’ab a n d o n presque
p ath étiq u e de C hâtre serv iro n t u tilem en t
de co n trep o in t à l’exem ple des abbayes
Mais c’est su rto u t au commerce ferm ières de T rizay e t de S ablanceaux.
quotidien, à la fam iliarité quasi orga
nique de l’église e t de la vie p ay san n e
que je voudrais faire allusion ? J ’ai
d éjà évoqué « la rech erch e de la
clef » indispensable pour visiter la
p lu p a rt des églises ferm ées to u t au
long de la journée, fa u te d ’u n culte
quotidien ou m êm e hebdom adaire. Cette
inévitable enquête, d ’u n pittoresque
to u jo u rs renouvelé, est u n m oyen in
direct de p eindre le cadre r u r a l ch a-
ren tais. M ais il y a plus, souvent l'église
m êm e est en castrée d an s la ferm e, son
abside n ’est visible qu’en p é n é tra n t
d an s le ja rd in p o tag er ou dans la cour
e n tre les ta s de bois ou de fum ier.
E nfin, et m êm e, à la lim ite, le m o n u
m e n t religieux a été to ta le m e n t absorbé
p a r l’organism e ru ral, comme d an s
cette prodigieuse abbaye de T rizay in té
g ralem en t tran sfo rm ée e n ferm e où les
poules couvent d an s les niches des
saints, où les arcs polylobés so n t aveu
glés de grillage pour servir de p o ulail
ler, où le bois est entreposé d a n s les
m agnifiques absidioles en cul de four,
où la salle cap itu laire est devenue la
grange à foin, c e p en d an t que d’u n c h a
p ite a u à l'a u tre les h arico ts a ch èv en t de
sécher su r des fils de fer. Nulle question
de s’indigner certes d e v a n t cette stu p é L ’a b b a y e de C h â tr e .
60
Le charme des pierres. si caractéristique des églises fortifiées.
Si le film est en couleur, tout un
J'ai surtout in sisté jusqu’ici sur les cham p d ’observation nous est o ffert
facteu rs sociologiques de la géogra par les harm onies adm irables de la
p hie h u m ain e de l ’église saintongeaise, pierre sain ton geaise « si tendre à
m a is le film d evra n atu rellem ent sculpter, mais que Vair salin du large
exp loiter les autres élém en ts plus tra durcit ensuite comme du bronze et
d ition n els de son charm e. La situ ation patine en teintes mauve ou orange
de l’église dans le village, presque tou d’une douceur infinie s> (Chasseloup-
jours encadrée d ’u n m ail de tilleuls, Laubat). M ais quelque chose m êm e de
quelquefois encore flanquée de son ces harm onies, ou du m oins de la
cim etière. Cet encad rem en t végétal m atière de cette pierre, pourra passer
m asque du reste en été la plupart des d an s le noir et blanc. Je pen se n otam
façad es, il p eu t déterm iner l ’époque de m en t à la façon d ont elle s’est laissée
la réalisation du film : soit l ’autom ne, ronger, durcissant par place, tom b ant
soit m ieu x encore le printem ps après à d’autres en poussière et superposant
la taille des arbres. ain si curieusem ent au grouillem ent de
O n ne négligera pas n on plus les la sculpture originale les en trelacs h a
sites plus exceptionnels et sp ectacu sardeux de l’usure et du vent.
laires, com m e celui de T alm ont sur sa
falaise. Non plus que la silhou ette André BAZÏN,
61
L’H ISTO IRE
DES
“ CAHIERS ”
62
/
ORIGINES Hélas, personne d an s l’honorable
m aison ne s’in téressait beaucoup à L a
Il fa u t faire re m o n te r l’arbre généa R e v u e d u C in é m a ... horm is M. G aston
logique des C a h i e r s d u C in é m a à ce'ui G allim ard lui-m êm e. C’est grâce à son
de la R e v u e d u C in é m a . Les C a h i e r s am icale bienveillance que J e a n George
ne so n t q u’u n ra m e a u greffé sur les Auriol p û t poursuivre, p e n d a n t trois
branches : D u C in é m a , L a R e v u e d u ans, u ne publication fin an cièrem en t
C in é m a , série blanche et rouge (1929- déficitaire, se v e n d a n t assez m al, et
1931), et L a R e v u e d u C in é m a série dont les frais de fabrication, alignés
ja u n e (1946-49). D ans l’esprit des fon sur les ta rifs habituels de la m aison (et
dateurs des C a h i e r s , il n e s'est jam ais pour des entreprises ren tab les), é ta ie n t
agi d ’a u tre chose que de continuer trop élevés. Le p rem ier glas sonna donc
l’œ uvre entreprise p a r J e a n George pour nous q uand nous dûmes d ém én a
Auriol. ger de n o tre beau bureau e t le céder
à M arcel D uham el qui v en ait de faire
De façon plus précise, c’est aux p re d é m a rrer en flèche la « Série Noire ».
m iers prodrom es de fléchissem ent de Nous nous installâm es dans u n to u t
La R e v u e que commence l’histoire. p etit bu reau à l’étage d ’en dessus, p e tit
C’é ta it en septem bre 1948. L a R e v u e , m ais curieux puisque son d ern ier occu
après avoir été hébergée place de la p a n t n 'é ta it a u tre que le R.P. B rück-
Madeleine dans les bureaux de Denise berger que ses supérieurs dom inicains
Tuai, é tait l'hôte de son éditeur (la v e n aie n t de re tire r à la vie m ondaine
N.R.F.) depuis près de deux ans. Un pour l’envoyer d an s quelque re tra ite
hôte d’h o n n eu r d’abord, logé dans le africain e m éditer su r les vanités d ’ici-
plus beau bureau de la maison, une bas. Nous avions encore un e petite te r
gigantesque pièce vitrée, contiguë à rasse que nous partag io n s avec Albert
celle où l’on faisa it L e s T e m p s m o d e r n e s Camus... m ais Cam us ne s’in téressait
et p a rta g e a n t avec ces derniers une p as au ciném a et nous n ’échangeâm es
m agnifique terrasse qui d o n n ait d 'u n p as trois p h rases en plusieurs mois.
côté sur la rue S ébastien-B otin et de Le deuxièm e glas sonna donc en sep
l’au tre sur le ra v issan t ja rd in qui a b ri tem b re 1948. Les revues n ’av a ie n t plus
ta it au printem p s les « cocktails » de la la cote d an s la m aison : L e s T e m p s m o
m aison et vit les derniers p as d’André d e r n e s tra v e rsè re n t la ru e de FUniver-
Gide, bonze so u rian t drapé dans une sité pour aller chez Julliard, m ais p e r
cape grise. sonne ne songeait à rep ren d re l’austère
63
i et organisa à Biarritz, sous la p rési
dence de Cocteau, « L e F estiv a l du Film
M audit » qui d éfraya la chronique. En
décembre 1949 parut le num éro spécial
de L a R e v u e d u C iném a sur le costum e,
qui fit l’adm iration des am ateurs san s
susciter d ’offres d ’éd iteu r d ésireux de
donner u ne su ite à la publication. Au
printem ps 1950, le 2 avril, J ea n George
Auriol fu t tu é sur la route de Chartres,
victim e d’u n accid en t stupide. C’e s t ce
jour, pour m a part, que Je p ris la réso
lution de donner u ne su ite à L a R e v u e
d u Ciném a.
TENTATIVES
Mais la chose n 'éta it pas sim ple. Il
fu t question d’abord d'une revue d’ « Ob-
jectif 49 s>, et Jean C octeau dem and a à
Roger L een hardt de b ien vouloir en
Claude Chabrol (chapeauté) s'entretient prendre la direction. P ’-isieurs éditeurs
avec Jacques Dacqmine et Antonella Lualdi furent con tactés; R ^ c L eenhardt, An
pendant le tournage (VA double tour. dré Bazin, Jacques r>uurgeois e t moi
effectu èren t de n om b reuses dém arches.
R e v u e d e G é o g r a p h ie , n i la m alch an
C ertaines fu ren t très près d’aboutir,
ceuse R e v u e d u Cintim a . Jean George m ais le m auvais b ila n fin a n cier de La
R e v u e im p ression n ait les éd iteu rs et
Auriol lu tta de son m ieux, m ais san s
beaucoup d’illusions, aucun ne voulut courir le risque. P en
dant quelques m ois le p rojet fu t au
point m ort ; B azin, m alade, é ta it parti
OBJECTIF 49 ET MORT D ’AtTRIOL se reposer d an s les Pyrénées, « O bjec
P ourtant ailleurs, quelque chose n a is t if 49 », après u n secon d festival à
sait, qui eut son im portance et devait Biarritz beaucoup m oin s réussi, ava it
con stituer le prem ier m aillon de la fa it son tem ps et d isparut sa n s bruit,
ch a în e qui se term in e aujourd’hui par m ais n on san s avoir déposé d an s cer
ce qu’il est convenu de nom m er « la tains esprits u ne sem en ce fertile.
n ouvelle vagu e le prem ier sursaut C’est alors, à l ’au tom n e 1950, que
contre un ciném a devenu trop trad i
tion n el : « O bjectif 49 », u n ciné-club
pas com m e le s autres et qui sous la h ou
le tte de Jea n Cocteau, Robert B res-
son, Roger Leenhardt, ' R ené Clém ent,
Alexandre Astruc, Pierre K ast, R ay
m ond Q ueneau etc., groupait tous
ceux, critiques, cin éa stes ou futurs ci
n éastes, qui rêvaient d’u n ciném a d ’au
teurs. Ce m ouvem ent, dont Auriol fa i
sait bien sûr partie, au rait pu épauler
L a R e v u e d u C iném a, m ais les dés éta ien t
jetés : vers le m ilieu de décem bre 1948,
la cessation de p aru tion de L a R e v u e
d u C iném a éta it décidée. Il é ta it ques
tion de faire paraître to u t de m êm e
un num éro sp écial sur le costum e dont
nous avions com m en cé la préparation
avec Jacques M anuel, question aussi v a
gu em en t de faire paraître des C a h ie r s
trim estriels, m ais ce dernier projet n e
prit jam ais corps. C’en éta it fa it d’une
belle aventure. François Truffaut face aux turbulents éco
P en d an t l’an n ée suivante, « Objec liers des Quatre cents coups (au centre et
t if 49 » se développa, connu le succès au fond, Robert La ch en ay).
64
M. Léonide Keigel v in t m e proposer de
faire u n e revue de ciném a. Je le con
n aissais depuis quelque tem ps, car il
a v a it été le « tréso rier » bénévole
d ’ « O bjectif 49 » et nous avions tous
été conquis p a r sa gentillesse et la
sy m p athie qu'il m a n ife sta it pour le
je u n e ciném a e t les jeunes cinéastes. Le
goût de la vérité m ’oblige à confesser
qu’au d ébut je fus, san s le lui m o n
tre r, u n peu ré tic e n t dev an t sa propo
sition. N on pas que je doutasse de son
bon goût : la façon d o n t il rem plissait
son rôle de directeur d’u n circuit de
salles et d on t il pro g ram m ait le
« B roadw ay », qui é ta it u n des m eil
leu rs ciném as de Paris, p rouvait son
intelligence et sa connaissance du' très
bon ciném a ; m ais il é ta it aussi hom m e
d ’a ffaires avisé e t dynam ique et qui
estim ait qu’une entrep rise devait être
ren tab le. Il n ’a v ait pas to rt, m ais j’étais Eric Rohmer, téméraire metteur en scène
p o u r m a p a r t tellem en t persuadé à du Signe du Lion.
cette époque qu’une telle revue n e pou
v a it être que déficitaire,que j ’avais peur,
soit qu’il se décourageat vite d’une
av en tu re fin an cièrem en t tro p h a s a r FONDATION
deuse, soit que, pour assain ir lesdites fi
nances, il eut de cette publication une Nous fondâm es donc, en ja n v ie r
conception tro p com m erciale p a r r a p 1951, Les E ditions de l’Etoile. Puis nous
p o rt à ce que nous voulions faire. Je cherchâm es u n titre . Je dem andai,
m e tro m p ais com plètem ent : Léonide sans espoir d ’ailleurs, à M. G asto n G al
Keigel av ait p a rfa ite m e n t com pris n o limard! le d ro it de rep re n d re le titre
tr e propos et pas une fois, du jour de L a R e v u e d u Ciném a. Il refusa : il ne
sa proposition à celui de sa m ort, nous v oulait plus faire L a R e v u e , m ais c’é ta it
n ’eûmes, Bazin, lui e t moi, le m oindre u n titre N.R.F. et devait le rester; p a r
désaccord sur la gestion e t la réd ac contre, il m ’au to risa à pren d re le titre
tio n des C a h ie r s. D u C iném a qui av ait été celui des trois
prem iers exem plaires de L a R e v u e , et
su rto u t il m ’autorisa à rep ren d re la
form ule de L a R e v u e et la couleur de
sa couverture. Cette au to risa tio n é ta it
indispensable, car il est év id ent que
les prem iers num éros des C a h ie r s p o u
v aien t tom ber sous le coup de l ’accu
sation de plag iat. F o rt de ce p a r r a i
nage, nous n e risquions rien. Ceci dit,
nous n e prîm es p as le titre D u Ciném a
qui fa isa it tro p 1925. N otre choix se
p o rta sur C a h ie r s d u Ciném a. E ta it-il
bon? E ta it-il m auvais? L’av en ir seul
p ouvait en décider.
Comme l’entreprise n e disposait au
d é p a rt que de moyens trè s lim ités et
qu’il n e p o u vait ê tre question d e payer
ses an im ateu rs, je gagnais m a chienne
de vie ailleurs, en fa is a n t u n e revue
de m ode m asculine (sic!)... Cela m e
p re n a it du tem ps, Bazin é ta it toujours
éloigné de P aris p a r la m aladie; K ei
gel me d em an d a donc de trouver pour
A bout de souffle : de part et d’autre de nous aider quelqu’u n d ’efficace et de
ln caméra, Jean-Luc Godard et Jean Seberg. connaisseur en la m atière «revue d-e
65
Sur les toits du Sarah-Bernhardt, Paris nous appartient ;
à la caméra Jacques Rivette, à la cellule Charles Bitsch.
LE DEPART A SUIVRE...
68
COTATIONS
0 in u tile de se déranger.
$ à voir à la rigueur
à voir
LE C O N S E I L D E S D I X à voir absolum ent
chefs-d'œuvre
Case vide : ab sten tio n ou : pas vu.
TITRE ^ DBS n u e s LES DIX 4L—w Henri Charles Pierre Claude Jean Jean Pierre Luo Jacques Georges
Agcl Bitsch Braun berger Chabrol Domarchi Douchet Kast Moullet Rivette Sadoul
PALMARÈS
PRIX S a n G i o r g i o : Il T e m p o si e f e r m a t o (Le T em p s s ’e s t a r rê té ), d ’E i m a n n o O lm i
(Italie).
P r i x P asinet ti : / 4 n Sifcfet.
P r i x G e o r g e s M é u è s : P o c ia g .
70
Vïttorio De Sica et Giovanna Ralli d an s Le Générai délia Rover a, de Roberto Rossellini.
q u ’o n t se s p e r s o n n a g e s d e s e r e g a r d e r p o u r m o n t r é e avec a u t a n t d e v é r i t é , e s t le m e i l l e u r
In d iqu er l’i n t é r ê t q u 'i l s se p o r t e n t . é p is o d e d u film .
7Ï
André Jocelyn et Bernadette Lafont dans A double tour, de Claude Chabrol.
S O NATAS t r a h i r les r é s i s t a n t s . Il s u f f i t d e se s o u v e n ir
d es s u j e t s d u Miracle ou d ’Europe 51 p o u r
A v e c Sonatas, B ard em a reçu l’accueil [e d é c o u v r ir ce q u i a p u a t t a c h e r Rossellini d a n s
p lu s glacial q u ’u n festival puisse faire à u n c e t t e h isto ire : la cro y a n c e , f u t - e l l e e r r o n é e ,
m e t t e u r e n s c è n e . A ccu eil p a r t i e l l e m e n t j u s d é b o u c h e s u r l’a c c e s s io n à u n e v é r i t é s u p é
tifié. B a rd e m n ’a p a s r e tro u v é la g râce q u e rieu re q ui e n g a g e t o t a l e m e n t le h éro s. R o s sel
Lucia Bose co n f é r a jadis à Mort d'un Cycliste. lini s ’é t a n t q u e l q u e f o i s tr o u v é g ê n é p a r l’o b l i
La d e u x i è m e , e t la plu s i m p o r t a n t e d e s d e u x g a t i o n d e r e s p e c t e r l’a g e n c e m e n t d u s c é n a
h is t o i r e s q u e r a c o n t e Sonatas, to u r n é e au rio, l’o n e s t e n d r o i t d e p r é f é r e r V o y a g e en
M e x i q u e a v ec M aria Félix, e s t m ise e n sc èn e Italie o u I n d ia. Il n ’e m p ê c h e que Le
d e fa ç o n a s s e z c o n s t e r n a n t e . Le p r e m i e r é p i Général Délia Rovere e s t u n e œ u v r e d ’u n e
so d e p a r c o n t r e , plus d e n s e , dirig é d ’u n e m ain h a u te noblesse e t d 'u n e g ran d e b e a u té . —
s û r e , n ’e s t p a s t o u t à f a i t i n d ig n e d e so n | . Df.
é v i d e n t m o d è l e , Sen so. Francisco Rabal s ’y
m o n t r e u n é t o n n a n t a c t e u r , A u ro ra Bautista
e s t t r è s belle e t s t e n d h a l î e n n e à ravir — A DOUBLE T O U R
M. M.
Le Beau Serge e t Les Cousins é t a i e n t d e s
LE GENERAL DELLA ROVERE (II generale film s d ’a u t e u r . A Dou b le Tour e s t e s s e n t i e l
Délia Rovere) l e m e n t u n film d e m e t t e u r e n s c è n e , j ’e n
t e n d s p ar là q u e C h a b ro l s ’e s t e f fo r c é d a n s
Le film d e Rossellini, t a n t a t t e n d u , s ’est ce film à s ’e x p r i m e r p ar la s e u le p l é n i t u d e
révélé ê t r e , c o m m e p r é v u , le m e ille u r d u d e sa m is e e n s c è n e . S a n s n o u s a t t a r d e r à.
Festival, m ê m e si o n fui p r é f è r e d ’a u t r e s u n fifm q u i sera l o n g u e m e n t a n a ly s é lors d e
œ u v r e s d e son a u t e u r . !i n o u s c o n t e l’a v e n sa so rtie, je p e u x d é jà d ir e q u e C h a b ro l n o u s
t u r e a u t h e n t i q u e d ’u n escroc, m is e n prison d o n n e ici s o n m e i l l e u r fiim e t q u ’il se c las se
p a r les A l l e m a n d s p o u r servir d e m o u t o n e t d é f i n i t i v e m e n t d a n s la c o h o r t e d e s g r a n d s
qui p r é f é r a m o u r ir e n h é r o s p l u t ô t q u e de cin é a s te s. — I- D t.
72
AUTOPSIE D’U N MEURTRE (A n a lo m y o f a LE VISAGE (An siktet)
murder)
Il n ’e s t p e u t - ê t r e p lu s p e r m is e n 1 9 5 9
A u to p s ie d ’un Meurtre d i s s è q u e u n p ro cès d ’ê t r e r o m a n t i q u e c o m m e W e r t h e r ou René,
p e n d a n t d eu x heures q u a ra n te -c in q , non sans d e d i r e e t r e d ire q u e le m o n d e n ’a g u è r e d e
l o n g u e u r , h élas ! Il e s t aisé d e d éco u v r ir ce q u i se n s si les jolies filles n ’e n g a r d e n t pas
a p u p a s s io n n e r le m a c h i a v é l i q u e O t t o d a n s m o in s le u rs t o u r n u r e s a g u i c h a n t e s . L 'i m p o s
c e t t e h is to ir e : c o m m e n t d e s indiv id us p lu s t u r e r è g n e s o u v e ra i n e , e t p lu s d ’u n b e r g m a -
m a lin s les u n s q u e les a u t r e s s e r o u l e n t e n t r e n ie n se ra d é r o u t é qui v e r ra m e t t r e c a r t e s s u r
e u x e n se s e r v a n t d e la j u s tic e . C ’e s t t e r r i b l e ta b l e s le p lu s f a r c e u r d e s m e t t e u r s e n s c è n e
c o n t e m p o r a i n s . D ’a b o r d B e rg m a n t u e l’e s p r i t
m e n t lucide, cruel, v o ire sa d iq u e , e t l’o n c o m
p r e n d a i s é m e n t q u e le d e r n i e r p l a n d u film se d e s é rie u x , sy n o n y m e d e lou rd eur. C h a c u n
t e r m i n e s u r la v u e d ’u n e p o u b e lle . Je suis i n t i e s t u n p e u t o u t , e m b e r l i fi c o t é d a n s se s b elles
m e m e n t c o n v a i n c u q u e P r e m ïn g e r a a t t a c h é p a r o le s, d é f e n s e u r d es g r a n d e s ch o ses, l 'o r
u n e e x t r ê m e i m p o r t a n c e à c e t t e A u to p s ie d’un d r e social o u l'invisible.
M eurt re, o ù l’e f f i c a c i t é d e v i e n t la v a l e u r p r i U n disciple d u f a m e u x M e s m e r q u e n ous
m o rd ia le. C e t t e e f fic a c ité , o n la r e t r o u v e d a n s v o y o n s d o u é d e p ouvoirs m a g n é t i s a n t s réels,
le sty le q u i p r o c è d e avec u n e rare é c o n o m i e se r év èle u n p a u v r e h istrio n , c h e r c h a n t à
d e m o y e n s . Le d é c o u p a g e e s t u n m o d è le d u g a g n e r son p a in a v a n t t o u t e s ch oses, n ’i m
g e n r e , t o u j o u r s e x a c t , p r é c is c o m m e u n s c a l p o s a n t se s c o n v ic tio n s q u e p a r d es p r o c é d é s
pel q u i m e t t r a i t à n u le c œ u r p e u r e l u i s a n t in d ig n es m ê m e d ’u n collég ien (« Hou, f a i s -
d e s h éros. M a l h e u r e u s e m e n t , le film n ’e s t pas m oi p e u r ! » ) . O n p a r le b i e n d e ia vie e t d e
s a n s e n n u y e r e t u n e p r e m i è r e vision m e fo rc e la m o r t , d u se n s d e la vie e t d e l 'i n é l u c t a
à p e n s e r q u ’il s ’a g it d ’u n e e r r e u r r e g r e tt a b le b ilité d e la m o r t. M a is t o u t e p r é t e n t i o n au
b ie n q u 'e s t i m a b l e d a n s l’œ u v r e d e P re m ïn g e r. r é a lis m e a d is p a ru . B e rg m a n q ui s e m b le p r o
— ). Dt. c é d e r p ar cycles, a p r è s u n d é b u t repris du
James Stewart et Lee Remick dans Autopsie d'un meurtre, d’Otto Premïnger.
73
Lars Ekborg, Ingrid Thulin et Max von Sydow dans Le Visage, d’Ingmar Bergman.
74
d e m o n t r e r a u milieu d ’u n e a r m é e d e f i g u jours s e u l e m e n t . R e n o ir s ' e s t d é c la r é e n c h a n t é
r a n t s !e s o l d a t q u i r e c o u d son b o u t o n de d u p r o c é d é , e t l'a utilisé à n o u v e a u c e t é t é
c u l o t t e . Le film se v e u t u n e e s p è c e d e g e s te p o u r t o u r n e r Le Déjeuner sur l’Herbe ( d o n t
p o p u l a i r e i s u r les s o u f f ra n c e s e t les gaie té s du le m o n t a g e n 'e s t p a s e n c o r e a c h e v é ), m a is en
soldat. P o ur le j u g e r c o m p l è t e m e n t , il f a u t a u g m e n t a n t le n o m b r e d e s r é p é t i t i o n s e t e n
a t t e n d r e d ’e n c o m p r e n d r e les d ialo gu es qui p o r t a n t la d u r é e d e t o u r n a g e à v i n g t e t un
font u ne p a rt capitale a u x dialectes et accents jours.
italiens. Je n ’e n r e t i e n s p o u r l’i n s t a n t , m alg ré Le T e st a m e n t n e m a n q u e r a p a s d e s u r p r e n
n o m b r e d ’e f f e t s faciles, q u e la finesse, l’i n t e l dre c o n s i d é r a b l e m e n t les a d m i r a t e u r s d e R e
ligence e t la sen sib ilité d e son r é a lisa te u r . — noir. On s ’é t o n n e r a d e lo u rd eu rs , d e m a l a
J. Dt. dresses, d 'i n s u f f i s a n c e s d a n s le jeu des a c t e u r s
ou le d é c o u p a g e . P u is o n s’a p e r c e v r a q u ’a v e c
HORS FESTIVAL se s d é f a u t s e t so n i n c o m p a r a b le liberté, ie
T e st a m e n t e s t p r é c i s é m e n t c e t t e C o m ed ia
C o m m e à l’a c c o u t u m é e , le F estival a p e r m is d e l l ’A r t e a u t o u r d e laq u elle les film s de
d e voir, à c ô t é d e s film s e n con cou rs, un R e n oir n ’o n t cessé d e t o u r n e r , d e La Règle
ce rta in n o m b r e d ’œ u v r e s q u e n o u s n e c o n du Jeu au Carrosse d ’Or, en p a s s a n t p ar La
n aissions p as e n c o r e e t d o n t c e r t a i n e s p r é s e n Partie de Cam pagne e t Le Fleuve. Et p our
t e n t u n i n t é r ê t m o in s c o n t e s t a b l e q u e p l u i n a u g u r e r c e t t e n o u v e lle « m a n i è r e » , ce
sieu rs d e s films e n c o m p é t i t i o n . n o u v e a u m o d e d ’ex p ress io n — c a r c ’e s t b ien
Renoir, ap rès avoir p r é s e n t é e n m a t i n é e la d e cela q u ’il s ’a g i t p o u r R e n oir — ■ c e l u i- c i n e
v ersion e n fin i n t é g r a le d e La Règle du Jeu, p o u v a i t t r o u v e r m e i l l e u r i n t e r p r è t e q u e Bar-
a m o n t r é le soir i’a v a n t - d e r n i e r - n é e t n o n le r a u lt, lequel fa it de C o r d e lie r -O p a le
( j e k y ll-H y d e ) u n m î m o - p e r s o n n a g e é t o n n a n t
m o in s c h e r d e se s e n f a n t s , Le T e st a m e n t du
Docteur Cordeiier, réalisé o n le s a i t se lo n ta d e s û r e t é e t d ’im p ro visatio n .
t e c h n i q u e T V , av ec p lu sieu rs c a m é r a s e t prises P a r a illeu rs, il s e m b le b i e n q u ’e n p e r s if la n t
d e son, e t u n e d u r é e d e t o u r n a g e d e o n z e la sc ie n c e e t les p o s t u l a t s m o r a u x s u r lesquels
Je an-L ouis Barrault — Opale dans Le Testament du Docteur Cordeiier, d e Jean Renoir.
75
r e p o s e la l i t t é r a t u r e d ’a n t i c i p a t i o n e n g én éral policiers, p e t i t s b o u r g e o i s , c o m m e r ç a n t s a u x
e t « D o c t e u r JekyJJ e t M. H y d e » e n p a r t i q u e ls le h é r o s s e t r o u v e c o n f r o n t é , Le Généra)
cu lier, Renoir a i t p o u r b u t de n o u s a m e n e r à nu e s t d ’u n e v e r v e c o m i q u e o r igin a le, re n d
p e n s e r q u e d u s a v a n t e t d u m o n s t r e , le plus u n son t r è s n e u f d a n s le c i n é m a j a p o n a i s tel
laid n ’e s t p as celui q u ’o n p e n s e . Le p a n q u e les f e stiv a ls n o u s le m o n t r e n t h a b i t u e l l e
t h é i s m e qui d e f a ç o n p lu s ou m o in s d if fu s e m e n t . — M. M.
i m p r è g n e l’œ u v r e e n t i è r e d e R enoir, m o n t r e
ici u n e p a t t e n o ire q u e n o u s r e tro u v e r o n s d a n s Le M anteau (Shinel), v e r sio n ru ss e c e t t e
Le D é j e u n e r s u r T H e rb e , o d e à la gloire d u fo is d u c o n t e d e G ogol, a p o u r m e t t e u r en
g r a n d P an , t o u r n é à C a g n e s, d a n s le jard in s c è n e l’i n t e r p r è t e d e La Mère e t Quand
d e s oliviers où A u g u s t e Renoir a s o u f f e r t e t a pass en t les cig o g n es , A le x is B atalo v . A - t - o n
p e i n t la b e a u t é p a n i q u e d u m o n d e. en c o r e le d r o i t d e f a ire f a i r e d e s g r im a c e s à
so n a c t e u r p rincip al c o m m e d a n s Caligari,
Cendres et Diam ants (Popiol i Diamant),
sa n s p o u r a u t a n t c h a r g e r les é c la ir a g e s ? La
film p o lo n ais d ’A n d r z e j W a j d a , a su s cité des p e r f e c t i o n d e fa t e c h n i q u e cfe j e u d u T h é â t r e
p o l é m i q u e s o p i n i â t r e s . Un e s t h é t i s m e - s u r r a n n é
d ’A r t d e S ta n is la w s k i, aussi a c a d é m i q u e soit~
y r ecou v re u n s e n s t r è s sû r c e p e n d a n t d e la
elle, m é r i t e - t - e l l e n o t r e r e s p e c t q u a n d ap p li
m ise e n s c è n e e t u n e r e m a r q u a b l e d ir e c tio n
q u é e av ec u n e te l l e e f f i c a c i t é ?
d ’a c t e u r s . W a j d a , d ’év id en ce , s ’est p as sio n n é
p o u r l 'œ u v r e q u 'il réalisait e t celle-ci ne p e u t Le réalism e e n t a n t q u e t e c h n i q u e e s t
laisser i n d i ff é r e n t . p e u t- ê tre co n d a m n é , m ais q u a n d t a n t de
A V arsov ie, t o u t a u long d e la d ern ière m i n u t i e d a n s le d é t a i l , t a n t d ’i n t e n s i t é e t d e
n u i t d e la g u e r re , u n reg ard b r û l a n t mais c o n c e n t r a t i o n d a n s le j e u , u n tel r a f f i n e m e n t
lu cide se p o se s u r [es h é r o s d 'h i e r , (es p r o fi d e la m i m i q u e e t d u g e s t e , f o n t p a s s e r s u r
t e u r s d e d e m a i n , les d é s e s p é r é s d ’a u j o u r d ’hui. n o u s le frisson g lacé d u f a n t a s t i q u e gogolîen,
A u - d e l à d ’u n e b e a u t é fo rm e l l e q u i n ’a d h è re q u e le m e t t e u r e n s c è n e p o r t e v i s i b l e m e n t e n
pas to u j o u r s e x a c t e m e n t à son pro p o s, ce lui so n s u j e t a v e c u n e t o t a l e c o n v i c t i o n , les
film e s t u n c o n s t a t , u n cri n o ir d e d o u leu r co n v e n tio n s s ’e n v o l e n t , o n a p p l a u d i t à u n t r a -
e t d e colère. vail d e p r e m i è r e g r a n d e u r q u i, a v e c u n e f o rce
e n c o r e p lu s p e r c u t a n t e q u e celle d u Visage,
The S avage Eye, d e S id n ey M e y ers, e t n o u s r e s t i t u e l’ironie i m p i t o y a b l e d 'e x i s t e n c e s
Corne Back Africa, d e Lionel Rogosîn, r e p r é d a m n é e s . Le p r e m i e r pas v e r s le v é r i t a b l e n o u
s e n t a i e n t la p r o d u c t i o n i n d é p e n d a n t e a m é r i v e a u c in é m a , s a n s f a t a l i t é s , t o u t m y s t i f i c a
ca in e . Ici la c o n d i t i o n d e s noirs e n A f ri q u e tio n . — ■ L. Ms.
d u Su d, là q u e l q u e s - u n s d es b a s - f o n d s d e
N e w Y o rk , sa lle s d e c a t c h , m i n a b l e s st r i p -
te a s e s o b s c è n e s , c o u r des m ira cles é v a n g é
RETROSPECTIVE
listes, b o î t e s p o u r h o m o se x u els. Ici e t là le
m ê m e désir d ’a u t h e n t i c i t é , m ais a b o u t i s s a n t
chez. S id n e y M e y e rs à f a ire v isiter a u s p e c N o t r e am i Giulio C e sa r e C a s te llo a mis
s u r p ied la p l u s d é s o r d o n n é e e t la p lu s riche
t a t e u r u n e s o r t e d e m u s é e d e s h o r re u r s d ’u n
d ’e n s e i g n e m e n t d e s r é t r o s p e c t i v e s ; les films,
i n t é r ê t s t r i c t e m e n t d o c u m e n t a i r e , alors q u e
d a n s les m e ille u r s m o m e n t s d e Corne Back t o u s an c ie n s ch o ix d e s F estiv als d e V en is e
Africa, u n e c e r t a i n e c h a l e u r h u m a i n e p a r v ie n t e n t r e 1 9 3 2 e t 1 9 3 9 , s ’y r a m a s s e n t à la pelle,
à p as ser d u film a u s p e c t a t e u r , grâce au parfo is e n s é q u e n c e s , e n b o b i n e s . M o m e n t s
m é d i u m d e s i n t e r p r è t e s no irs n o n p r o fe s s io n g lo rie u x d e ce p a s s é r e s s u s c i t é : J o h n Barry-
nels. P ar c o n t r e , les p ro t a g o n i s t e s s e m i - p r o m ore, inspiré, d é l i r a n t , e n s e i g n a n t à C a ro le
f e ssio nn els s o n t m al à l e u r aise d a n s d es L o m ba rd l’a r t d u t h é â t r e d a n s T w e n t i e t h
sit u a t i o n s so c io lo g iq u e s e t a n e c d o t i q u e s c o n s Century, d e H o w a r d H a w k s . S é q u e n c e an th o ~
t r u i t e s p a r l’a u t e u r e t o ù le souci d e faire lo gique q u e t o u t a p p r e n t i - c o m é d i e n e t e n c o re
e x e m p la ir e a c o n d u i t à p r e n d re t r o p de plus c i n é a s t e se d e v r a d ’av oir v u e . R o u b e n
l ib e r té s av ec la ré a lité . Je an R o u ch d e m e u r e M a m o u li a n , m e t t e u r e n s c è n e m é d i o c r e , m a is
le seu l a u t e u r d e film s à avoir mis a u jour p lastic ie n é t o n n a n t , f a i s a n t n a î t r e la vie o u
la v é r ité d é r o u t a n t e d e l’â m e no ire, sa ns p l u t ô t l’illusion d e la vie p a r le seu l d é p l o i e
c h e r c h e r à inflé chir se s su b t i l i t é s p o u r les m e n t d e la c o u le u r ( B e c k y Sharp, c h e f - d ’œ u
b e s o in s d ’u n e c a u s e q u e lc o n q u e . vre i n é g a lé d u T e c h n i c o l o r ) o u d u m a q u i l
l a g e (Docfor Jekyll and Miste r H yde). Les
Un festival é t a n t co m p o s é à 9 5 % de b a u d r u c h e s d é g o n f l é e s : Le Chem in de la
film s s é r i e u x o u e n n u y e u x , l’é c l a t d e rire
vie, s o m m e t d u film b o y - s c o u t (av ec c o n v i c
i n a t t e n d u y e s t t o u j o u r s b ie n v e n u . C e t t e d ou ce
t io n ), o u Les jo y eu x Garçons, d ' u n h u m o u r
s u rp rise, n o u s la d e v r o n s c e t t e a n n é e au
éléphantesque.
Général nu (Kadaka N o Taisho), film japonais
d e Hirom ichi H o r i k a w a . A v e n t u r e s b u r le s q u e s L o n g u e m e n t p r o m is e t o f f e r t à l’u l t i m e
d ’u n p e i n t r e n a ï f e t m ê m e a s s e z d e m e u r é , m i n u t e , T h e D evil is a W o m a r t , a v e c S t e r n -
p r é t e x t e à s a t i r e b o u f f o n n e d es m ilitaires, b e r g e t D ietrich , s u r s c é n a r io a s s e z f a n t a i s i s t e
76
La Manteau, d’Alexis Btitalov.
d e Joh n Dos Passos. A v ec T h e Scarlet Em- s ’orchestre se lon une musique secrète. A u
press, n o u s tr o u v o n s ici à l 'é t a t p u r l’a r t jourd’hui Hollywood ne perm et plus de tra
s t e r n b e r g i e n , l 'a c tio n n ’e x is te q u ’en f o n c t i o n vailler dans le clim at de liberté dont nous
d u d éco r, le d é c o r l u i - m ê m e se r é d u i s a n t le jouissions vers 1 9 3 0 - 1 9 3 5 . On ignore que
p lu s so u v e n t à u n e x t r a o r d i n a ir e e n c h e v ê le ciném a doit être l’œuvre d’un seul hom m e,
t r e m e n t d e lignes, d e c o u r b e s , d e v o lu te s, le m e tt e u r en sc èn e. La jeu ne génération
le t o u t c o u r o n n é p a r u n e M a rl è n e e n p ain n ’a pas à aller chercher des e x e m p le s parmi
d e su cre, irréelle, m é t a p h o r i q u e , e t p o u r t a n t les doctrines, les credos de t o u t e o b éd ien ce.
ô c o m b i e n f e m m e , ê t r e ac c o m p li, a p p a r e n c e Des h om m es m a lho n n êtes nous gouvernen t.
d é s ira b le co nstam m ent r e fu s ée. S t e r n b e r g Je voudrais faire des films pour apprendre à
n o u s c o n d u i t d a n s u n e E spag ne d e s c i e n c e - connaîtr e notre prochain, en se igner le véri
f i c t i o n , r a c o n t e l’h is to ir e la p lu s i n v r a i s e m ta b le amour. U n e source intarissable à laquelle
b lab le, à f aire s u r g i r P ierre Louys d e sa nous ne puiserons jamais a ssez : l’antiquité.
t o m b e . Q u ’im p o rt e q u a n d t o u t e s t grâce, T o u t y e s t écri t, t o u t y es t m o ntré. »
q u a n d t o u t n ’e x is te q u e p o u r le plaisir d e L ’h o m m e qu i m e t i e n t ces p r o po s n ’e s t p a s
l’a r t i s t e , q u e plus e n c o r e q u e chez. L u b its ch u n b o u f f o n , m ais la b o n t é , la g é n é r o s i t é , la
la f u t il i t é r è g n e t r i o m p h a n t e . m o d e s ti e m ê m e s . On p e n s e à l'A ld o u s H u xley
ou à l 'H e n r y M iller d e r n i è r e m a n i è r e , u n
Un q u a r t d e siècle a p r è s T h e Devil is a p e u p r o p h è t e s , passifs, e n f e r m é s d a n s leur
W o m a n , Josef v o n S t e r n b e r g in c a r n e t o u j o u r s sa g ess e. T he Saga o f An atahan d e m e u r e ,
l’e s t h è t e d a n s sa s p l e n d e u r , e n n e m i des m e s - p o u r S te r n b e rg , l’a c c o m p l i s s e m e n t d e sa c a r
sageSj a m o u r e u x d es se u le s f o r m e s . « Un rière, m a l g r é le t o ta l é c h e c f i n a n c i e r d u
film , m e d i t - i l , est harm onie, contrepoints, film . — L. Ms.
Ce com pte re n d u d u festival a été rédigé p ar Jean D Ou CHET, Louis M a r CORELLES et Michel
M àyoux.
77
FILMS SORTIS A PARIS
DU 12 AOUT AU 22 SEPTEMBRE 1959
11 FILMS FRANÇAIS
Les A ffre u x , film d e Marc A llégret, avec P ierre Fresnay, D arry Cowl, Louis Seigner,
Jacques C h arro n, A n d ré Brunot, Michel G alahru. — U n bra v e caissier, un inventeur farfelu,
u n réalisateur fatigué, tous moins affreux q u ’on nous l’annonce. Plutôt bien anodins.
L es A m a n ts de dem ain, film de Marcel Blistène, avec E d ith Piaf, Michel Auclair, A rm a n d
Mestral, Joëlle Bernard, Olivier Hu3senot, R a y m o nd Souplex, — L e pïem ier film de Blistène
était avec Piaf, le dernier aussi. U n film d ’avant-hier à tout le m oins.
Babette s’en Va-t-en guerre, film en Cinem aScope et en Eastm ancolor de C h ris'ian -Jaq ue,
avec Brigitte Bardot, Jacques Charrier, H annes M essem er, Y ves V incent, Ronald H ow ard,
Francis Blanche, R ené H avard, Jacques Hilling. — B.B. la T u lip e ou les aventures de Bardot
volant au. secours d e la France L ibre e t de la C inquièm e R épub liqu e. Francis Blanche, plus
brim é qu e dans L e s Motards, vole a u secours d u film, m ais ce burlesque gestapique n ’est
q u ’u n pâle reflet d e To B e Or N ot T o Be.
125, rue M ontmartre, film de Gilles Grangier, avec L in o V e n tu ra, A n d ré a Parisy, D ora
Doll, A lfred A dam , Robert Hirsch, Jean Desailly, Lucien R aim bourg, — U n crieur de jo u r
naux est injustem ent accusé d ’un m eu rtre. D ’u n e rare laideur.
Le C onfident de ce s dames, film d e Jean Bover, avec Fernande I, Denise Grey, Ugo
T ognazzi, Sylva Koscina, Lauretta Maziero, Bice V alori. — A près C oiffeur pour dam es et Le
Couturier de ces dam es, et en attendant L e M aque de ces dames.
Julie ïa Rousse, film de Claude Boissol, avec Pascale Petit, Daniel Gélin, R ené-Louis
Lafforgue, M argo Lion, L iliane Patrick, Jocelyne Darche, G abrielle F ontan. — U ne piètre ro u
quine dans u n e triste bagarre.
Les liaisons dangereuses I960, film d e Roger V a d im . — V oir critique dans notre p rochain
num éro.
Maigret et Vaffaire Saint-Fiacre, film d e Je a n D elannoy, avec Jean G abin, Michel Auclair,
V alentine T essier, H élène Tossy, R obert Hirsch, P aul FVankeur, Gabrielle Fontan, Jacques
Morel, A rm a n d e Navarre, — D ’u n des plus ternes M aigret de l'ép oqu e A rthèm e Fayard,
D elannoy a fait u ne adaptation encore plus terne.
[La N uit des espions, film de R obert Hossein. — V o ir compte rendu du Festival d e
V enise dans ce num éro, page 71.
L e Père et }’E n fa n t [ex-Premier M ai), film d e Luis Saslavsky, avec Yves M ontand, B erna
dette Lange, Nicole Berger, Yves Noël, "Walter C hiari, A ldo Fabrizi, Georgette A nys. —■
Som bre histoire d ’accouchem ent çaitîcu lièrem en t difficile, puisque ce film a attendu trois
ans pour trouver la sortie. Nous étions prêfs à attendre u n pe u plus.
V ous n ’avez rien à déclarer ? film de C lém ent D uhour, avec D arry Cowl, Jean R ichard ,
Jean P oiiet, Michel Serrault, Jac q u elin e _Maiïlan, M adeleine L ebeau. —■ V audeville classique
que D uhour a tenté d e rajeunir en le traitant à la m anière d ’un Crazy-Show. Pas très convain
cant.
78
T h e M an in the N e t (L ’H o m m e dans le filet), film d e Michael Curtiz, avec A la n L add ,
Carolyn Jones, C harles M cGraw. — U n Homme injustem ent accusé d u m eu rtre de sa
fem m e. C ondam né pour médiocrité.
T h e M a r \ o j the Hawl^ (La M arque du faucon), film en SuperScope et en T echnicolor
de M ichael A udley, avec E arth a Kitt, Sidn ey Poitier, Juano H ernandez, John Mclntire. —
N ’est pas Brooks q u i veut et ce dram e d 'u n noir qui n e sait dans quel cam p se ranger,
celui d es Blancs ou celui d e son frère terroriste, est loin d ’égaler S o m e th in g o f Value. Mais
les intentions sont louables.
Neoer Give a Suckfir an Eüen Break. (Passez M uscade), film d ’E dw ard CHne. — Voir note
dans notre prochain num éro,
S h a ^e H ands W ith the De ail (L’E popée dans l’om bre), film de Michael A nderson, avec
Jam es Cagney, Don M urray, D an a W ynter, G lynis Johns. — Episode de la résistance irlan
daise. L aborieux et académ ique.
T e n S econds T o HeJl (Tout près de Satan), film de R obert A ldrich. — V oir critique dans
notre prochain num éro,
T h e Trop (Dans la souricière), film en Technicolor d e Norm an P a n a m a , avec Richard
W id m ark, Lee J, Cobb, T in a Louise, Earl H ollim an. — Scénario de w estern arebi-rebattu
auquel un cadre m o derne n ’a pas réussi à d o n n e r la m oindre vigueur non plus que la balour
dise d e cette canaille de P an am a.
Trial (Le Procès - M on fils est innocent), film de M ark Robson. — V oir critique dans
notre prochain num éro.
W e stb o u n d (Le Courrier d e Vor), film en W arnercolor d e Budd Boetticher, avec Ran-
dolph Scott, V irginia Mayo, K a re n Steelle, Michael D ante. — L a G uerre d e Sécession ram enée
à un problèm e de circulation de diligences. R ien de révolutionnaire, m ais u n e agréable bonne
h u m eu r et une saine observance des traditions.
T h e W o rld , the Flesh an d th& D e vil (Le M onde, ïa Chair et le Diable), film en Cinem a-
Scope d e R anald McDougall, avec H arry Belafonte, Inger Stevens, Mel Ferrer. — V oir, dans
l’article de C laude Chabrol, page 39, ce qui concerne L ’A pocalypse de notre tem ps.
6 FILMS ITALIENS
I Battellieri del V olga (Les Bateliers de la Volga), film en TotalScope et Eastm ancolor d e
Victor T ourjansky, avec John D erek, Eisa Martinelli, D aw n A ddam s, R ik Battaglia, Charles
V anel. — T a n t on tire sur la corde q u ’à la fin elle se casse. E puisant.
Ercole e la R egina di Lidia {Hercule et la R eine d e Lydie), film en Dyaliscope et T ec h n i
color d e Pietro Francisci, avec Steve Reeves, Sylva Koscina, Sylvîa Lopez. — Piètre Francisci.
trop fainéant pour réussir à illustrer les travaux d e son héros.
JI Pirafca deîfo Sparüiero N ero (Le P i rate d e YEperoïer Noir), film en T otalScope et en
Ferraniacolor de Sergio Grieco, avec G érard L andry, M ijanou Bardot, Ettore Manni. — Le
croiriez-vous ? Il s’agit d ’u n m ystérieux corsaire qui com bat u n vil usurpateur, Il est recom
m andé d e s ’abstenir.
L e R oi crueî, film en T otalScope et Eastm ancolor de Victor T ourjansky, avec E d m u n d
Purdom , Sylvia Lopez, Sandra Milo, Massimo Girotti. — H érode massacra peut-être les Inno
cents, m ais d e quels crimes T ou rjansky n ’est-il pas coupable ?
/ Soliii Ignoti (Le Pigeon), film de Mario Monïcelli. — V o ir note d a n s notre prochain
num éro.
V enezia, la L una e Tir {Fenfse, la lune ef foi), film en Eastm ancolor de Dino Risi, avec
A lberto Sordi, Marisa Allasio, Inge Schoener, N ino M anfredi, — O n aim ait bien Sordi : q u ’a-
t-il été faire dans ce‘te gondole ?
5 FILMS ALLEMANDS
A llé S ü n d e n Dieser E r d s (La Loi d u üice), film d e Fritz Um gelter, avec Barbara Rütting,
Ivan Desny, H annelore Bollm ann, P aul Dahlke., — U ne jeune fille, ab an d o n n ée par celui
q u ’elle aime, som bre dans la déchéance. Ce Fritz n ’est pas notre ami.
B îitzm âdels an die Fronf (Les Souris grises), film d e W ern er K lingler, avec A n tje Geerk,
E dith Elm ay, Bert Fortell, H orst F ran k . — L a vie des fem m es soldats d ’après l ’auteur des
08/15. H uit fois plus bête, quinze fois plus en nuyeux " 0.
L ie b e K a n n W ie G ift Sein (Impudeur), film de V eit H arlan, avec Sabina Sesselm ann,
W illy Birgel, Joachim F uchsberger, H elm ut Schm id. — U ne jeun e fille, aband onn ée par
celui q u ’elle aime, som bre dans la déchéance. Ce V eit est un vaurien.
P eter Koss, der M illionendieb (Peter Foss, le üoleur de millions), film en Eastm ancolor
d e "Wolfgang Becker, avec Q .W . Fischer, Ingrid A ndrée, M aigit Saad, M ara L ane. — U n
A rsèn e L upin a u petit pied. N otre Jacques, au plus b as d e sa form e, vaut encore m ieux
qu e ce W olfgang.
79
Der Shinderhanne» (Le Brigand au grand cœ ur), film e n Eastm ancolor de H elm u t K au tner,
avec Curd Jürgens, Maria Schell, C hristian Wolff, Fritz T illm ann. —. Un grand sujet, u n tout
petit film. On attend les scènes avec Maria Schell p o u r se réveiller ; c’est tout dire.
4 FILMS ANCLA1S
T h e Gipsy an d the G entlem an {Gîpsy), film en E astm ancolor de Joseph Losey. -— V o ir
critique dans notre prochain num éro.
T h e O ne T h a t Goi Avoay {L’E va dé d u c a m p I), film d e Roy Baker, avec H ard y K ruger,
Colin Gordon, M ichael Goodliffe, T erence A lexander, — L es évasions successives de cet as
d e la L uftw aîîe incitent bientôt le spectateur à gagner discrètem ent îa sortie.
Tiger Bay {Les Y e u x d u tém oin), film d e J. L ee T h o m p so n , avec John Mills, Horst
Buchholz, H ailey Mills. — U n e gam in e tém oin d ’u n m eurtre. Pusillanim e.
T h e W in d C annot R e a d (Le V e n t ne sait pas lire), film en V istaV ision et Technicolor d e
R a lp h T h o m as, avec Dirk Borgade, Y oko T an i, R onald Lewis, John Fraser. — L e Sayonara
anglais. Il n ’y avait déjà pas lieu de féliciter Logan, encore m oins T hom as.
2 FILMS FRANCO-BELCES
L ’H o m m e i du gang, film d ’Yvan Govar, avec R aoul de M anez, Anne-M arie M ersen,
Roger Dutoit, Georges R an dax, — U n m édecin m arro n au service de gangsters, un réalisateur
odieux au service a une m échante cause.
Y ’en a marre (Le Gars d’AnVers), film d ’Y van 'G ovar, avec Barbara Laage, Pierre T ra-
baud, Dom inique W ilm s, Danielle Godet. — Y 'e n a m arre — m archandise — discontinue —
continue don c — dont auquel ■— quel navet !
1 FILM ESPAGNOL
E l Cerca (Le Cercle, rouge), film d e M iguel Iglesias, avec /sabel de Castro, José G uardiola.
— Le cercle vicieux d u cinéma standard.
C AH IE R S
Revue mensuelle de cinéma
DU C IN É M A
R é d ac t e u r s en Chefs :
PRÉSENCE DU CINÉMA REVUE MENSUELLE
Jac q u e s D 0N 10 L -V A L C R 0 Z E et Eric ROHMER
D ire c tio n -R é d ac tio n :
• Jean C u rte lin et Alichel P arsy.
T o u s d ro its ré s e rv é s
C o p y rig h t by « Les E d itio n s de l'E to ile » 127, Ch am ps-Elysées - Paris (8e)
146, Champs-Elysées — PARIS (8e) BAL. 53-54
R.C. Seine 5 7 .B. 19.373.
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Prix du numéro : 300 Frs N" 1 : juin : c< Le N o u v e a u Ci-
Etranger ; 350 Frs
n é m a f ra n ç a is » ................................. 300 Frs
A b o n n e m en t 6 n u m é ro s :
F r a n c e , U nion F r a n ç a is e ......................... 1.700 F rs N ” 2 - 3 : Ju illet-se p te m b re :
Etranger ............................................................. 2.000 Frs « S ituation du W e s te r n » . . . . . . 500 »
A b o n n e m en ts 12 n u m é ro s :
France, Union Française ......... .. 3.300 Frs N" 4 : O ctobre : « Le Ci n é m a
E t r a n g e r .................................... ........................ 3.800 Frs des Blousons noirs » ....................... 300 »
S fiM ila m is e t C i n é - C lu b s ;
2.800 f r s (France) e t 3.200 fr s (é tr a n g er ) N° 5 : N o v e m b r e : « La
• S c i e n c e - f i c t i o n eu C in é m a » . . . . 300 »
A d re ss e r le ttre s , c h èq u es ou m a n d a ts aux N“ 6 : D écem bre : « Petite
CAHIERS DU CINEMA, 146, C h am p s-E ly sées,
PA R IS-80 (ELY. 05-38). 300 »
C h èq u es p o s ta u x : 7890-76 PA RIS
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L es m a n u sc rits ne s o n t pas. re n d u s.