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3 jours dans la vie
Plossu
Bernard
de
« S’il y a une chose que la photo doit contenir, c’est l’humanité de l’instant. »
Robert Frank
L’été, pour débusquer le photographe livres ? Pourquoi les Mexicains, les In-
le plus prolifique de France, il faut affronter diens, plutôt que les Ricains ? Pourquoi
des autoroutes cuites par le soleil, braver les tant de grâce ? Bernard Plossu est un
embouteillages mi-plage mi-boxon autour de
la métropole marseillaise, affronter des colonies électron libre dont la pensée, pourtant
de ronds-points à la sortie des Calanques et pister linéaire, change de trajectoire en perma-
l’animal jusque chez lui, à La Ciotat. Au mitan du nence, à la vitesse et la fugacité d’une balle
mois d’août, la chaleur ici est fracassante. Une rebondissante. Alors, puisqu’il a accepté
fois le GPS éteint, à flanc d’une colline sagement de nous livrer les clés de son parcours,
à l’écart du front de mer, nous voici face à un
petit portail surmonté d’une inscription en fer on lui expose – en vrac – tous nos ques-
forgée, « Mon Kif ». À travers, on découvre une tionnements : pourquoi, pourquoi, pour-
grosse bâtisse ocre trônant au milieu d’un jardin quoi ? Accrochez-vous au trousseau, au
sec, inondé de lumière plus que de la moindre juke-box ou au flipper, ça risque de partir
goutte d’eau. Un corbillard sort du portail voisin.
On ravale la salive en espérant surtout ne pas direct en multi-billes.
s’être trompé de maison ! Déjà Plossu surgit, avec
un large sourire rafraîchissant et le regard hilare Livres
face à notre mine déconfite. « Mes voisins sont « Vas-y, j’aime bien le désordre ! Récem-
croque-morts. Sympas d’ailleurs, j’ai fait les photos
ment, on m’a demandé un curriculum
de leur mariage… » Et c’est parti ! Avec Bernard
Plossu, sacrée nature, aucune glace à rompre, le vitæ. Je n’y arrivais pas. Alors je me suis
temps d’engloutir un litre d’eau fraîche et une amusé à mettre quelques titres de mes
belle assiette tomates-fromage-huile d’olive que livres les uns à la suite des autres. Mais
la conversation nous a déjà transportés loin. Les pas dans l’ordre. Surtout pas d’ordre !
grillons étant déjà en place, on a juste le temps
d’enclencher l’enregistreur sonore. Moteur ! Donner les titres de mes livres, c’est déjà
un itinéraire. C’est dans les livres que je
montre les endroits où je suis, les endroits
B
que j’aime ou que je n’aime pas. Ce qui
m’arrive. Les sentiments aussi, la révolte,
la passion, la beauté. Tout y est… »
ernard Plossu cumule bien Le voyage mexicain/Nuage-Soleil
des atouts, il est intelligent, Col Treno/Avant l’aube
doux, talentueux, drôle et fort French cubism/Le jardin de poussière
sympathique. Accessoirement, il est éga- Le souvenir de la mer
lement l’un des plus grands photographes The African Desert/L’heure immobile
français en activité. Et l’auteur de la plus Attraverso Milano
incroyable et atypique production de L’abstraction invisible/8 super 8
livres photographiques : des classiques, Le pays des paysages/
des ovnis, des conceptuels, des épuisés, Le cinéma fixe ?/Chronique du retour
des maigrichons, des best-sellers, des New Mexico Revisited
ratés, des soldés, des pavés, etc. etc. dont L’hippocampe et le rétroviseur/À vélo
personne n’a jamais osé faire le compte. Forget me not
Si l’homme affiche 75 balais à l’état civil, on Western Colors/So long/La Frontera
se surprend à le trouver terriblement ju- Avant l’âge de raison
vénile au premier regard échangé. Aussi, Bernard déroule de mémoire cette belle
puisqu’il est encore dans la tranche d’âge et longue mélopée, on dirait du Dylan.
bénite « de 7 à 77 ans », les questions les C’est ainsi avec Plossu, au détour de la
plus enfantines, donc les plus légitimes, moindre phrase ou de la moindre formule,
nous assaillent : Pourquoi le noir et blanc ? l’humour, la tendresse et la poésie af-
Pourquoi le cinéma ? Pourquoi tant de fleurent, frappent ou se télescopent.
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Plossu a 25 ans. Extrait d’Autoportraits, 1963-2012. Editions Marval.
te dis pas, c’est casse-gueule ! Grâce à qui m’ont le plus marqué dans mes ren-
Marc Donnadieu, j’ai pu rentrer plus contres. Géographique, voilà un mot que
tôt dans les lieux, en hiver, et ainsi, en l’ab- je revendique souvent. Ce qui m’a profon-
sence de fleurs, comprendre l’ossature du dément marqué dans le désert américain,
jardin. c’est le sol. Tu es vraiment en contact avec
Certaines commandes peuvent être su- le sol. Lorsque j’ai divorcé, j’ai changé de
blimes, comme celle que m’a passée Em- vie et dû quitter l’Amérique. Après de lon-
manuel Guigon, le directeur du Museo gues années, j’ai enfin retrouvé mon fils
Picasso de Barcelona, sur les lieux en qui était devenu grand. Un jour, ça m’a
Catalogne où Picasso, tout jeune, a vécu et démangé, je lui ai demandé : “La seule
peint. Ainsi, je suis allé dans “ses” lieux en chose que je voudrais que tu retrouves
montagne, à Gósol où il a peint les toiles à la maison, chez ta mère, ce sont mes
bleues et roses ! Et à Horta de San Juan chaussures.” En rigolant, il m’a répondu
où il a – carrément – inventé le cubisme ! un truc du genre : “Je ne peux pas, il y a
J’ai la chance d’avoir beaucoup d’amis in- des scorpions dans le garage !” »
téressants. Mais les deux qui m’ont tout C’est pour ça qu’au dos du livre Le Jardin
appris ne sont pas des intellectuels. Phi- de poussière il y a une photo de moi avec
lippe Bouysse est océanographe et Yveline mes chaussures, prise par un copain.
Poncet, géographe. Elle a vécu vingt-cinq Mais c’est la clé ! Je comprends très bien
ans au Niger, puis cinq ans au Mali, c’est Koudelka quand il fait un autoportrait
une grande spécialiste du Sahel. Ce sont de ses pompes… C’est exactement ce que
des gens de terrain, travaillant sans idées je ressens quand je vais marcher. La clé
préconçues, des gens qui ont la connais- de ma vie américaine, c’était mes chaus-
sance du sol et de comment les gens y sures. Et un chapeau. C’est un rêve qui se
vivent. Quand tu passes vingt-cinq ans au réalise quelque part. Ce qui est marrant,
Niger, ce n’est pas comme de romancer lorsque tu réalises un rêve, c’est que tu
le Niger. Donc, ces deux personnes – qui arrives à le dépasser. Tu arrives à ce que
sont évidemment des intellectuels mais ce soit encore mieux que ce que tu croyais.
ne se revendiquent pas comme tels – sont Petit à petit, pas à pas, ça peut vraiment
géographiquement au fait de ce qu’est devenir un art de vie. Dans mon cas, je le
réellement le sol. Ce sont ces deux-là revendique parce que, après Le Jardin de
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l’as lu Moitessier ? Le mec tient la tête tiraillement. Depuis peu, j’ai trouvé un
de la Course autour du Monde mais, à moyen de “vernir” plus agréablement :
quelques encablures de la ligne d’arrivée, désormais, après un vernissage, je pars
voyant tous les gens entassés sur le quai, seul et je vais dîner seul. Car après avoir
il vire de bord et repart aussi sec. C’est parlé à 50 personnes ou 200, j’ai besoin de
génial ! Exactement comme dans le film me retrouver tout seul. C’est comme ça
La solitude du coureur de fond. Au moment que je me défends. Je comprends très bien
de gagner, le mec décide de ne pas aller Sergio Larrain [photographe chilien, 1931-
au bout. Il est évident que tout ça, ça finit 2012, N.D.L.R.] qui a dit un jour : “Faites des
par former une époque. » rétrospectives, mais je ne viendrai pas !”
Une pensée en marche… L’expression est Et il n’est jamais venu. Mais lui a su créer
évidemment à prendre au pied de la lettre, un mythe, donc les gens y vont de toute
croquenots bien ficelés et sac au dos, fa- façon. Un bain de foule, c’est fatigant. Je
çon randonneurs philosophico-rustiques. ne sais pas comment font les acteurs pour
La marche, Plossu en a fait un outil de aller à Cannes. Bon, il paraît que ça aide
transmission puisque, pendant vingt ans, à vendre les livres… Mais je ne vais pas
il est intervenu pour parler de son métier en faire un fromage, non plus. Attends, je
lors de stages au cahier des charges bien fais le métier que j’aime ! »
précis : partir randonner, au minimum
quatre jours, toujours en montagne ! Cinéma cinéma
« Il y a quelque chose qui se crée en par- Avant de pouvoir partir sur la route et de
tant. Les gens oublient leurs habitudes, faire entrer le monde entier dans son petit
oublient leur portable, oublient leurs sou- rectangle photographique, le jeune Plossu
cis et on va se balader. Et ensuite le soir s’est évadé et a parcouru le monde par
on parle photo. Autrement, je tourne en grand écran interposé. Petit à petit, l’ado-
rond. Je ne suis pas fait pour enseigner. Je lescence a modifié son emploi du temps,
peux communiquer, mais pas enseigner. et les salles obscures ont remplacé pro-
Avec la randonnée, les gens deviennent gressivement les salles de cours…
disponibles. Beaucoup d’anciens “sta- « Pour moi, la clé du cinéma, c’est Bronco
giaires” m’en sont encore reconnaissants. Apache. Après la défaite de Géronimo, les
Aujourd’hui, j’ai arrêté les stages parce Apaches Chiricahuas sont emmenés de
que je suis fatigué. C’est l’âge. Mais je force en train vers l’Oklahoma. Massaï, le
continue de marcher, une semaine par- guerrier joué par Burt Lancaster réussit à
ci ou par-là, avec une bande d’une dou- s’échapper et traverse une partie du pays
zaine de copains. Ce que j’aimerai bien, à pied pour retourner sur les terres de ses
maintenant, c’est arrêter les vernissages. ancêtres. Aidé par des fermiers indiens,
Je ne sais pas comment expliquer aux il revient au pays et là – Paaam ! – appa-
gens qu’ils auront une meilleure soirée rait en énorme sur l’écran : sa montagne.
en voyant l’expo sans l’auteur, plutôt qu’en Rien qu’à évoquer cette scène-là, j’en ai
sa présence. Pour moi, c’est devenu pro- encore la chair de poule ! J’avais treize ou
blématique car lors d’un vernissage, il y a quatorze ans et l’identification à Bronco
tous les gens que tu dois voir, et il y a les Apache et aux indiens Chiricahuas, tu ne
amis présents avec qui tu n’as jamais le peux pas savoir… Ça a été un truc fonda-
temps de discuter. Donc, systématique- mental pour moi. Le cri de ma liberté !!! »
ment, je repars cruellement humilié de En un film, tous les ferments de la
ne pas avoir pu voir mes copains. Quel mythologie à venir de Bernard Plossu
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garres entre les “pour” et les “contre” Elvis, c’était sexuel. Okay, ensuite il est
la guerre au Vietnam. Il y avait cette devenu mauvais. Mais au départ, on en
espèce de bonheur de vivre de la géné- était tous dingues. Des chansons comme
ration beatnik, sans aucun jugement, I forgot to remember to forget her [J’ai oublié
aucun cynisme. Mes copains américains de me souvenir de l’oublier], ça ne vaut pas
étaient moins cultivés que mes copains un poème de Genet, ça ? Enfin, c’est ma-
français, mais ils étaient plus dans la vie. gnifique ! C’est la même chose, on parle
Un état d’esprit que j’ai retrouvé dans les de la grande beauté ! Il faut réécouter ces
textes de David Le Breton qui, pour moi, chansons [Bernard chante à tue-tête] : “Une
est le dernier hippie. Ou le nouveau hip- nuit d’amour avec toaaa, C’est tout ce que
pie ? En France, parfois, on en sait trop. je veeuuuux…” Whaaaou, t’en prends plein
On sait tout sur Kerouac, on sait tout sur la tronche. Elvis, c’est le premier hurleur
Bob Dylan. Et ce n’est pas essentiel ! On amoureux existentiel. “One night with
est trop basé sur la culture, la culture, la yooOUUUU…” »
culture… J’adore la culture, ce n’est pas Attiré par les miaulements rageurs et im-
le sujet, évidemment, on ne peut pas nier probables, un petit bonhomme accourt en
l’importance de la culture. Mais les Améri- poussant lui aussi des cris aigus et rigo-
cains que j’ai connus à 20 ans n’étaient pas lards. On fait la connaissance de Liam,
cultivés. Ils étaient… stones, quoi ! Et évi- deux grosses billes brunes intenses qui
demment, ils connaissaient la musique… » dévorent un visage radieux. Sortant de
la douche, le petit-fils franco-mexicain
Fixette Elvis de Bernard a les cheveux plaqués en ar-
« Dès le plus jeune âge, j’ai toujours écou- rière. Façon Elvis ? « Mais qu’est-ce que tu
té les trucs les plus divers : la musique es bien coiffé ! », s’extasie le grand-père.
indienne, la musique arabe, la musique Deux gamins… Difficile de ne pas voir que,
turque, j’adorais le “saz” [luth à long à soixante-dix ans d’écart, l’un a la même
manche utilisé en Turquie, Grèce, dans tête que l’autre. Et réciproquement.
les Balkans… NDLR]. En même temps, je « Voilà donc les idoles de ma jeunesse. De-
connais bien la musique américaine des lon. Dean. Presley. Autant dire c’est pas
années 50’s. J’adore le blues. Surtout les Mao ! Mao ne m’intéressait pas, alors que
anciens, ils sont tous bons. Big Boss Man j’adore Elvis ! En plus, jusqu’à preuve du
de Jimmy Reed ! Puis, quand j’avais 12-13- contraire, Elvis n’a jamais torturé ni tué
14-15 ans sont arrivés des gens comme personne. Je n’ai jamais été ni trotskiste,
Brenda Lee, Ricky Nelson, Bobby Darin. ni maoïste et je ne le regrette pas.
Aujourd’hui je les regarde sur YouTube ! J’aime toujours autant Bob Dylan (Like
C’est génial le rock’n’roll ! Jerry Lee Lewis, a rolling stone, I want you) ou Joan Baez
Eddie Cochrane, Gene Vincent… Et puis, (Black is the color of my true love’s hair, Silver
un cran au-dessus, il y a Elvis. Fixette El- dagger). En revanche, les Beatles j’aime
vis ! plus. Ça m’a fait planer, mais aujourd’hui
La clé de l’existentialisme, pour moi, c’est je trouve ça… blanc, fade, bof. Je suis plu-
Elvis hurlant One night with you! Quand tôt porté sur les guitaristes douze cordes,
Elvis chante ça, ils peuvent tous aller se des musiciens américains solo guitare
rhabiller. Personne n’a des “cojones” pa- pas très connus, Fred Neil ou Dave Van
reilles. Il hurle à la nana qu’il rêve de pas- Ronk. Parmi les plus connus, j’aime beau-
ser la nuit avec elle. Faut être un très bon coup J.J. Cale. J’ai aussi beaucoup
écrivain pour oser un tel un cri d’amour. écouté de jazz. Quand j’avais 18 ans,
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Rayonnage. Œuvre originale de Salvador Albiñana à la gloire de son ami Plo.
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La supériorité – ce n’est pas le mot Moi, si j’avais à choisir une photo de Car-
exact –, disons la magie des images de tier-Bresson, ce serait une photo prise
Robert Frank sur celles de Cartier-Bres- près de Venise, un morceau de gondole
son, c’est que les photos ratées de Frank qui va passer sous un pont. On voit juste
sont réussies. Tu vois ? Les photos réus- la flèche de la gondole et un pont. Donc,
sies de Cartier-Bresson sont réussies, c’est rien, il ne se passe rien. J’adore cette
chefs-d’œuvre, grand photographe. Mais photo. Mais c’est cette petite magie qu’il y
il y a chez Frank cette petite dose de “raté” a en plus chez Robert Frank qui fait que
qui fait que c’est encore mieux ! ce n’est pas que la perfection… C’est peut-
Comment formuler ça, sans avoir l’air être ce que j’aime chez Soutine. Lui, il a
d’être un sale con qui se permet de dire carrément cassé la perfection. »
du mal de Cartier-Bresson ? En fait, ce En aparté, on a interrogé Guillaume Ge-
qui m’a longtemps gêné avec les photo- neste, qui manipule et tire régulièrement
graphies de Cartier-Bresson, c’est qu’on a les négatifs de Plossu, sur une possible
toujours montré les mêmes. Il a aussi de la définition de la photographie « plos-
magie chez lui, mais peut-être que depuis suenne ». Vaste programme. Geneste en
toujours, beaucoup de gens cartésiens ont parle comme d’une géographie, un pos-
montré son univers cartésien… Mais il y en sible point cardinal entre « l’émerveille-
a encore plein d’autres à découvrir. Quand ment d’Édouard Boubat, la vivacité de
des chercheurs s’y plongent, comme Che- Cartier-Bresson et la liberté de Robert
roux l’a fait pour organiser l’exposition à Frank. Bernard a aussi cette faculté de
Pompidou, ils trouvent toujours des iné- toujours inverser le point de vue… De-
dites. C’est passionnant, cette chasse aux puis trente ans que je le connais, j’adore
images méconnues. D’ailleurs, chez Frank marcher en ville avec lui. À chaque fois,
aussi on en retrouve des nouvelles. pendant les deux ou trois jours suivants,
Ce serait passionnant de poser sur une je vois toutes les images qu’il aurait faites.
table les milliers de photos qu’a faites Et puis ça s’estompe ! »
HCB, et de proposer à une vingtaine
d’élèves ne connaissant surtout rien à la Devenir photographe
photographie d’extraire celles qui leur « J’ai vécu une vingtaine d’années aux
plaisent le plus. États-Unis, avec des allers-retours, mais
tures. Et tout à coup, je tombe sur aussi, toute son œuvre sur le Moyen-
l’image d’un mec qui rampe dans la Orient. J’aime aussi Nicolas Comment,
boue. D’un seul coup, toutes ces images de qui est chanteur et photographe. J’aime
GI’s faites par Henri Huet m’ont assailli, ses photos, sa musique. J’aime bien le per-
j’étais bouleversé. Pour moi, il est le plus sonnage. Il est sympa. Sincère.
grand photographe de guerre français. En Max Pam c’est mon frère. Il est très sym-
plus, quand tu lis les témoignages, tous pa, très nature. C’est un mec très, très in-
disent à quel point il s’impliquait, lâchant telligent, fin et drôle. Ça m’a plu la longue
l’appareil pour porter les blessés. C’est interview que vous lui avez consacrée
un grand mec. Il est mort en 1971 dans le parce qu’il est un peu dans la boîte des
même hélicoptère que Larry Burrows et oubliés en ce moment [Voir N°01 LIKE].
deux autres photographes de presse. À Dans un autre style, Carole Bellaïche que
ma connaissance, c’est la seule expo qui j’apprécie vient de sortir un gros bouquin
lui a un peu rendu hommage ici. Les Amé- sur Isabelle Huppert, avec un texte de Ber-
ricains ne se sont pas trompés, il a eu tous gala. Page après page, c’est très très bien.
les prix chez eux. En France, rien, il est Mon préféré en France c’est Eric Dessert,
cité nulle part. (Henri Huet a notamment un excellent photographe, bizarrement
reçu, dès 1966, le Prix Robert Capa Gold rarement cité dans les anthologies. Et
Medal, pour son cliché de deux soldats aussi beaucoup en couleurs Thibaut Cuis-
américains blessés, paru en couverture set et Julie Ganzin. Et, au risque de me
de Life et de Time Magazine. À son sujet, répéter, ma photographe préférée c’est
il faut lire Henri Huet : J’étais photographe Françoise Nuñez, ma femme. C’est mer-
de guerre au Vietnam sorti en 2006, [éd. du veilleux ce qu’elle fait. Archi top !
Chêne]. Oh lui, son travail m’émeut. C’est Un jour, Françoise et moi avons fait un
peut-être ça la définition d’une bonne pho- échange de tirages avec Jean-Baptiste
to, non ? Une photo qui t’émeut. Huyngh, un artiste que j’aime énormé-
Dans les photographes du moment, il y ment. J’adore ses photos de femmes. Tout
en a un que j’aime particulièrement c’est ce qu’il fait sur les ethnies, le métissage,
Claude Iverné. Son Afrique est forte. En est magnifique. C’est très sobre, mais très
plus, il écrit très bien, c’est une œuvre beau. Il a bel œil, je n’ai pas dit un bon
intéressante. MariBlanche Hannequin œil : un bel œil ! J’ai choisi le magnifique
pas de parler – avec un bel accent années 50, tandis que les hippies, ce sont
italien – de recettes italiennes, pré- des beatniks 70’s plus psychédéliques,
pare des dîners magnifiques… Ainsi la avec des vêtements plus dingues…
sublime Antonella a réapparu en une Moi, je suis juste entre les deux. Je suis
vieille dame charmante. C’est marrant ! “après” la Nouvelle Vague et entre le Beat
J’adore les anecdotes comme ça. Du coq et les Hip ! J’y étais évidemment, à Big Sur
à l’âne ! Ma vie pourrait s’appeler “du coq et ailleurs. C’est en Inde que ça a changé.
à l’âne”. C’est à un point chez moi… C’est J’étais à Goa et, là, c’est devenu dur. Les
pareil pour toi, non ? » trafiquants de drogue sont arrivés et ça
a commencé à mal tourner. Je me rends
Hip & Beat compte que les jeunes, aujourd’hui, sont
« Sur la génération de… ma génération, vachement intéressés par comprendre
j’ai fait deux livres. Le premier était une ce qu’étaient les hippies. Donc j’essaie de
compilation de textes dont j’étais un peu leur expliquer. Tout en me méfiant de ne
le maître d’œuvre, des points de vue poli- pas devenir le porte-parole de quoi que
tiques, religieux sur le phénomène hippie, ce soit, car on me demande un
intitulée Jetons nos montres. En couver- peu trop de porter le flambeau
ture, il y avait un Sâdhu en Inde avec une hippie en ce moment. Même si
barbe et tout. L’éditeur, un monsieur très ce mouvement était passion-
gentil, très vieille France, publiait Arnaud nant. » Des oiseaux
Desjardins, un auteur à succès très mar- Níjar, Andalousie,
qué par les moines tibétains. Pourtant, Interlude Espagne, 2008.
sans me prévenir, il a sorti le livre sous « Bouge pas, je reviens dans Extrait de Bernard
le titre Pourquoi n’êtes-vous pas hippie ? une seconde… » Plossu plonge Plossu, Des oiseaux.
écrit en typo fleur !!! Et dans un espèce sous la table, récupère une Éditions Xavier
de désordre qui n’est pas très intéressant. boîte en métal et, à pas de loup, Barral, 2018.
Donc, moi, j’en ai honte… Je l’ai toujours rejoint le jardin en roucoulant :
caché ! Mais il y a dedans une vingtaine « Roouh oouh ! Roouh oouh !
de photos de mes “copains”, enfin de ceux Ouh ! » Deux tourterelles ap-
que j’ai eu la chance de rencontrer à Big prochent. « Voilà… C’est de-
Sur : Joan Baez, Allen Ginsberg… venu notre rituel quotidien.
Ce qui m’avait plu aussi là-bas à l’époque, Depuis peu, des pigeons ont repéré que
c’est l’anonymat. Personne ne faisait ça je leur donne des graines, et se pointent
pour être connu. Ils faisaient ce qu’ils aussi. Tant qu’ils n’attaquent pas les
faisaient parce que c’était leur Karma ! tourterelles, je ne fais rien », lâche-t-il la
Aucun vedettariat. mâchoire serrée. Façon Bronco Apache ?
Récemment, j’ai retrouvé un de mes ma- À l’entendre roucouler, on comprend
nuscrits, 200 pages tapées à la machine, mieux comment ce photographe mi
écrit en 71-72 sur toutes les années hip- grateur, toujours aux aguets, a pu pas-
pies… Un texte refusé partout à l’époque ! ser un été entier à filer le portrait de
L’autre livre est récent : Far Out, édité chez furtives hirondelles depuis la fenêtre
Médiapop, reprend deux articles que j’ai d’un grenier (Le magnifique Hirondelles
écrit dans les années des années 70 sur Andalouses, paru en 2008 chez Filigranes)
Goa, l’Inde et l’Amérique, parus à l’époque ou combler l’ornithologue Ghuilem Le-
dans Rock & Folk. Hip ! Beat ! C’est pareil. saffre de ses paysages zébrés de
Disons que les beatniks, c’est plus jazz, silhouettes dansantes, glanées de-
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l ike reportage Bernard Plossu
puis la terre, tout autour du globe Edward T. Hall. Il s’est pris d’amitié pour
(Des oiseaux, éditions Xavier Barral, moi et est devenu – en quelque sorte – mon
2018). Ne serait-ce que pour pouvoir y parrain spirituel américain. Dans son livre
nicher, en guise de vade-mecum, de pré- La dimension cachée, Edward consacre un
cieuses citations de son peintre favori : chapitre entier à la proxémie, c’est-à-dire
“Il ne faut pas chercher, mais attendre. la distance juste aux choses et aux gens.
Je travaille pour les petits oiseaux”. Ca- Et c’est exactement le 50 mm. Tu n’as pas
mille Corot (1796-1875). » de proxémie avec le grand-angle, ni avec le
téléobjectif. Le 50 restitue la vision pure,
Déclic sans effet. C’est comme l’œil. C’est donc
« Il y a eu un grand break dans ma vie pro- un objectif qui ne peut pas mentir. Je
fessionnelle lorsque je suis allé au Niger me revendique beaucoup de cette école.
photographier les nomades Peuls. J’avais Quand je parle des photographes que
encore mon grand-angle, le téléobjectif, le j’aime, comme Max Pam, je dis souvent
sac photo… Je me suis rendu compte très qu’ils ont le ton juste. C’est la nécessité,
vite que la vision de grand-angle, défor- la sincérité. Alors, en ce qui se concerne
mante, ce n’était finalement pas mon truc. mon travail, le ton juste c’est ça. On peut
Donc, j’arrête le grand-angle, les longues dire, Plossu, c’est tout et n’importe quoi :
focales et je ne photographie plus qu’au Le Jardin de poussière, Isabelle Huppert et
50 mm. À part les appareils jetables, les les rencontres d’écrivains. Quel est le rap-
petits trucs plastiques, je m’y suis tenu. port ? Le rapport, c’est la distance juste du
Je n’ai gardé qu’une seule série, au grand- 50 mm. La distance est juste. Il n’y a au-
angle : Le retour à Mexico, un reportage so- cune photo qui n’est pas dans cette poésie.
cial sur les quartiers durs de la banlieue De manière prétentieuse, j’appelle ça “à la
de Mexico, en 1970. Et quelques diapos Mizoguchi”. C’est vraiment le gris, quoi !
“Fresson”. Mais elles sont carrément Techniquement, le tirage couleur Fres-
classées à part, dans un classeur “grand- son est ce qui me permet d’obtenir le
angle”. Ce sont les seuls négatifs faits au même rendu qu’en noir et blanc. Du noir
grand-angle que je n’ai pas brûlé ! et blanc en couleurs ! C’est mat, il y a du
Parmi les chances de ma vie, il y a la ren- grain. Comme la bonne vieille pellicule
contre avec un très grand anthropologue, Tri-X quoi ! Ainsi, en ce qui me concerne,
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Archives Courrier reçu (avec un tirage dédicacé !) de l’écrivain Nicolas Bouvier.
texte pour la deuxième édition de mon pas de doute … I forget to remember to forget
livre. En France, personne ne sait qui her. Que la photo déclenche des souvenirs,
c’est, jusqu’à ce que son best-seller Hi Lo c’est automatique. Mais je n’ai pas besoin
Country soit adapté au cinéma avec Pene- de Roland Barthes pour le savoir. Je n’ai
lope Cruz. À cette occasion, la collection pas besoin qu’on me mette les points sur
10/18 a sorti le livre, le seul et unique de les i, je suis assez grand pour savoir que
Max Evans actuellement traduit en fran- je photographie des souvenirs.
çais. Avec Max, on s’est beaucoup vu, on Moi je préfère Nicolas Bouvier. En écri-
a beaucoup parlé. Personne ne peut s’en vant L’usage du monde le récit de son
douter, mais je peux m’exprimer comme voyage en direction de l’Est, il n’a jamais
un cow-boy, avec l’accent des vachers pensé une seconde envoyer un message
texans. C’est marrant parce que je me ou apprendre quelque chose à quelqu’un.
débrouille en Mexicain, mais je parle très C’est ça que j’aime chez Bouvier et chez
mal espagnol. En anglais, je peux passer Boubat. Ce ne sont des mecs qui ont fait
pour un mec de l’Ouest américain, mais je des choses pour dire, pour signifier. Ils
ne comprends rien de rien face aux Briti- ne sont pas professoraux. C’est le hasard
sh ! C’est bizarre, dès que je suis dans les de la vie qui fait qu’ils ont eu des choses
langues exotiques, ça passe… partageables. Ils ne délivrent pas de mes-
sage, c’est mieux que ça. On s’égare… Mais
Le réel s’égare-t-on ? »
« Moi, j’aime le réel. Je photographie le
réel, pas une interprétation du réel. Ce qui Les rencontres
m’intéresse le moins sur Terre, ce sont les « Lise Hoshour, une Bretonne mariée à un
rêves et Freud. Je n’en ai rien à cirer, le architecte très calé en Art déco, tenait une
rêve je déteste ça. Les psychanalyses, que galerie d’art contemporain à Albuquerque,
les rêves expliquent les trucs, je n’y crois Nouveau-Mexique. Elle m’a présenté à
pas une seconde. Encore une religion. l’écrivain Michel Butor qui venait souvent
Donc mes photos n’ont rien à voir avec le dans la région, lui a montré mes photos et
songe, rien du tout. Même si elles sont pla- nous a encouragé à monter un projet en-
nantes, elles sont dans le réel. En aucun semble. Lors d’un de mes allers-retours en
cas dans le songe. Des souvenirs ? Oui, France, je suis allé lui rendre visite chez
composer des mots croisés. “C’est zac est toujours du côté des femmes. Je
vous Perec ? – Oui, oui… – Je peux crois que le vrai féminisme, c’est ça. Pas
vous prendre en photo ? – Oui, oui…” Et de chercher à plaire, mais à être… sincère-
toc, c’est comme ça que j’ai fait toutes la ment. J’adore particulièrement La femme
série. Les gens pensent que nous étions de trente ans. Balzac est l’ami des femmes,
copains alors que je ne l’ai croisé qu’une c’est évident. Bon, il est l’ami de beaucoup
seule fois, dans un train ! de gens… Chez lui, il y a tout, La Comédie
La rencontre avec Jean-Christophe Bailly, humaine, c’est plus qu’un livre, c’est l’his-
encore un bel exemple de hasard. Nous toire du monde. Idem dans la peinture
voyagions en Inde, Françoise et moi. Un de Corot. Tu prends un portrait d’une
soir, lui s’embêtait tout seul dans un res- femme, un paysage en Italie, c’est pareil.
taurant, et nous, on se disait “tiens il a l’air Il y a l’universel.
sympa”. Dès le lendemain, on dînait en- Les trois écrivains qui me hantent sont
semble et on devenait copains. Depuis, on Balzac, Malcolm Lowry et l’italien Carlo
ne s’est pas quitté puisqu’on a fait, Fran- Emilio Gadda, dont il faut lire La connais-
çoise et moi, plus d’une dizaine de livres sance de la douleur. J’adore lire les auteurs
avec lui. Des rencontres, vraiment, car de italiens, tous, hommes et femmes. Mais
vrais portraits commandités, ça ne m’est il y a tant de bons livres… Les Somnam-
jamais arrivé en littérature. bules de l’Allemand Hermann Broch,
L’arrière-saison de l’autrichien Adalbert
Bibliothèque Stifter. L’écrivain que je peux lire et re-
Balzac est un génie. Parmi les grands clas- lire, c’est Andrea Camilleri. Ses bouquins,
siques français, je le préfère de loin à Flau- j’en ai pratiquement cent ! J’adore son côté
bert. Tellement bien écrit et redoutable- boulimique, de sortir un livre par mois.
ment intelligent. À tel point qu’ensuite, tu Comme moi, quoi ! ? ! Finalement ça me
as du mal à lire quelqu’un d’autre ! Autre fait marrer, plus on dit que j’en fais trop,
aspect que j’ai toujours aimé chez lui, Bal- plus je m’accepte comme auteur bou-
zac n’a pas attendu l’heure des modes et limique. C’est comme ça, je mourrais
du politically correct pour défendre les comme ça, et puis basta. En ce moment,
femmes. Dans ses livres, il y a toujours je me suis remis à lire Désert solitaire de
de très belles histoires d’amour, et Bal- Edward Abbey [écrivain et un militant éco-
dans l’univers du surf. Je sais qu’ils l’ours ne m’a pas tué ! ? Il s’est dit, tiens,
adorent Garcia Marquez, Cent ans de voilà un semblable. C’est un drôle de truc.
solitude, les auteurs mexicains aussi ou Il faudrait que je retrouve la photo pour te
le défenseur des indiens B. Traven, alle- la montrer… Je vais te la retrouver, c’est
mand libertaire qui a écrit Le trésor de une drôle d’image… » Instantanément, une
la Sierra Madre dont John Huston a fait rengaine d’Elvis vient frapper à l’oreille :
l’adaptation cinéma. Oh let me be… Your Teddy Bear !
En revanche, moi qui collectionne les
BD, notamment les parodies de Tintin, je Testament
ne leur ai pas du tout communiqué mon photographique
amour de la bande dessinée. Ce n’est pas « Je prépare mon testament photogra-
leur truc. phique. Deux gros projets de livre que j’ali-
mente depuis des années, qui sont réelle-
L’homme qui a vu … ment des testaments. Le premier consiste
Un jour d’été, Bernard Plossu – grand en quatre boîtes siglées “NN”, contenant
marcheur et photographe virtuose – a 400 tirages, uniquement des
franchi le rubicon du randonneur averti : il photos expérimentales, ja-
est parti, seul, marcher dans la montagne mais publiées. Donc ça dort
du Nouveau-Mexique. Alors, à deux mille et le jour où je mourrais, ma
mètres d’altitude, au beau milieu d’une femme en fera ce qu’elle veut,
clairière noyée de lumière, comme dans mais ça pourra faire un livre
les contes provençaux du père Daudet, un de rébellion photographique. Patronyme
animal l’a flairé. L’ours brun. La preuve, la Ça c’est “NN” : “Nouvelles Plossu
photo existe. Car avant même de penser Nouvelles”. L’autre série, éga- Quand “l’ours
prendre ses jambes à son cou et à sau- lement complètement inédite, en peluche”
ver sa peau pour « ne pas finir mangé », délirante, c’est Ma France. C’est rencontre l’ours
l’animal Plossu a eu le geste inconscient une très jolie France, au 50 mm, en vrai.
– mais reflex – de figer l’instant. Un instant en couleur Fresson ou en noir Tirage inédit.
qui aurait pu lui être… décisif. Lorsque et blanc. C’est une très jolie
Bernard Plossu raconte cette histoire France, de Vézelay à Nantes
« d’homme qui a vu l’ours », bien sûr au en passant par La Rochelle,
début on se roule par terre de rire. Puis, Aix-en-Provence, avec de beaux
peu à peu, le doute s’installe, on n’en croit paysages, de beaux châteaux,
plus nos oreilles puisque bourdonnent de belles cathédrales. Très
encore les considérations étymologiques classique et très élégant. C’est
dont il nous entretenait quelques minutes un livre motivé par le fait que j’ai quit-
auparavant… « J’ai appris assez tardive- té la France pendant toute ma vie pour
ment l’origine du patronyme Plossu. Avec aller parcourir l’Afrique, l’Amérique, le
ce U final, on se demandait toujours si Mexique et l’Inde… Et à chaque retour,
c’était yougoslave ou sarde ? ! ? En fait, je faisais toujours quelques photos, sans
c’est du patois. Ça veut dire “pelucheux” idée préconçue. Mais depuis quelques
(ou “pellochu”), c’est-à-dire qui se couvre années, c’est devenu une idée préconçue.
de peluche l’hiver. Et Bernard, ça vient Maintenant, je vais régulièrement dans
de “Bern”, l’ours en allemand. Donc mon des endroits précis pour agrandir le
nom, c’est l’ours en peluche. Voilà, c’est sujet. Cette année, par exemple, je
dit… J’assume ! C’est peut-être pour ça que prévois d’aller à Saint-Jean-de-Luz,
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N02 • Like, la revue de touslesjourscurieux.fr • automne 2020 39
l ike reportage Bernard Plossu
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Transmission que je peux leur apprendre l’histoire de
« Ce qui est amusant pour moi, c’est de voir l’art, par mes bouquins et tout. J’aimerais
le comportement de nos enfants quand ils bien qu’il en sache un peu plus sur ma bi-
sont dans une de nos expos, ils sont très bliothèque. Il y a encore des trésors que
protecteurs. Si quelqu’un s’approche trop j’aimerais pouvoir partager avec eux.
près, ils interviennent. Ils savent que je Crois-le ou pas, les histoires de reconnais-
suis un peu connu d’un milieu spécialisé et, sance ou de réussite éventuelle, je ne suis
en même temps, ils savent que ça fait peur ; pas du tout conscient de ça… Et je ne veux
que “réussir/rater” ce n’est pas un truc fa- pas l’être. Je n’arrive pas à me placer dans
cile dans ma vie ; que c’est un métier où il cette perspective. Une amie a une formule
y a eu des périodes de vaches maigres ; et amusante : “il y a ceux qui viennent voir
paradoxalement, qu’on peut aussi payer le Bernard, et ceux qui viennent rencontrer
prix de quelque chose qui marche bien. À Plossu”. Après, si tu décortiques : connu =
leurs yeux, les deux parents sont des bons con nu. Céline l’a bien résumé : “Invoquer
photographes, sans distinction inutile. Ça sa postérité, c’est faire un discours aux
n’a aucune importance qu’il y en a un qui asticots !” Je n’ai pas peur de la mort.
soit un vieux connu ou pas. J’ai vécu, eh, j’ai vécu ! Par contre, de
Comme tous les jeunes, ils font des pho- temps en temps, je pleure. Il y a des nuits
tos de leurs copains, de leurs trucs… Mais où tous mes copains morts arrivent en
ça ne les intéresse pas tellement. Devenir même temps. Et là, il faut pleurer un bon
photographes ? Ça non. Ils en ont assez coup. Il faut pleurer, ça fait du bien. C’est
avec leurs deux parents. Moi, je fais ce inévitable. » Thierry Valletoux
Bernard La rencontre
Plossu, Garrett List &
Bernard Plossu,
Des années 1970 à nos jours, depuis les paysages
du grand Ouest américain jusqu’à la gare de La
Ciotat ou aux jardins de Giverny, Bernard Plossu Tirages Fresson
t i R Ag E S f R E S S O N
Bernard Perrine
même nom basée désormais à Savigny-sur-Orge,
répondent à merveille à la focale sans esbroufe
du photographe, soucieux de mettre à distance le
spectaculaire et le grandiloquent. La longévité de la
et Jeanne
collaboration de Plossu avec la famille Fresson sur trois
générations est partie prenante de l’oeuvre elle-même.
B E R N A R D P LO S S U
Fouchet-Nahas
B E R N A R D P LO S S U
Ed. Textuel
100 pages,
t i R Ag E S f R E S S O N
80 photos, 49 €.
ISBN : 978-2-84597-842-3
49 eurOS
« P.S. C’est avec une immense tristesse que j’ai appris quelques jours après cet
entretien le décès de Michel Fresson, partenaire de mon travail depuis 1967. J’en
suis bouleversé, et tiens à dire à quel point le procédé Fresson est une des clés es-
sentielles de la photographie française. À son fils Jean François et à sa famille vont
toutes mes fidèles pensées. »
l ike
9,90 e N°02/Automne 2020 Au début, il y a eu la montgolfière Yann
Arthus-Bertrand • Comment ça va l’édition ?
A chaque saison, son LIKE. Directeur
REVUE
de la publication
Imprimer en France ? Clémentine de la
Féronnière et Renaud Caillat • 3 jours avec
Bernard Plossu • Le livre comme une œuvre
La revue de www.touslesjourscurieux.fr
Xavier Barral Porter haut le flambeau • Dites
36 000 Simon Baker, directeur de la MEP
Jean-Jacques Farré
SPÉCIAL BEAUX LIVRES PHOTO
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