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SOMMAIRE

1 LE LIVRE Miroslav Karléja Je ne joue plus par Vladimir Balvanovic


DE LA QUINZAINE
4 ROMAJf8 Josef Skvorecky L'Escadron blindé par Claude Bonnefoy
ETRANGERS Véra Linhartova Canon à l'écrevisse
8 David Boyer- Regards en coulisse par Jean Wagner
d'un tueur de pigeons
John Kenneth Galbraith Le triomphe par J. W.
Erskine Caldwell Miss Mamma Aimée par J. W.
7 Propos d'Alain
14 ROMANS rRANçAIS Geneviève Serreau Ce cher point du monde par Bernard Pingaud
10 FANTASTIQUE Tzvetan Todorov Introduction à la littérature par Dominique Fernandez
fantastique
13 André Dhôtel Un jour vieltdra par Lionel Mirisch
Lettres d'Ezra Pound par Hélène Cixous
à James Joyce
avec les essais
de Pound sur Joyce
18 ARTS John Berger Art et révolution par Marcel Billot
17 Images tantriques par J.-L. Verley
Le C.N.A.C. propose... par J .-L. Verley
18 Arts japonais d'aujourd'hui par Françoise Choay
19 SOCIOLOGIE Edgar Morin La Rumeur d'Orléans par Emmanuel Berl
20 Emile Durkheim JOl/rnal sociologique par Jean Bazin
La science sociale et l'action
21 Marcel Mauss Œuvres par Georges Condominas
22 HISTOIRB Dominique Desanti L 'Internationale communiste par Annie Kriegel
24 ilS PACE Ouvrages sur la Lune par Gilbert Walusinski
28 FEUILLBTON w par Georges Perec
28 THBATRE August Strindberg La Danse de mort par Gilles Sandier
Jacques Kraemer Splendeur et misère
de Minette la bonne Lorraine

François Erval, Maurice Nadeau. Publicité littéraire : Crédits photographiquel


22, rue de Grenelle, Paris-7".
Téléphone : 222-94-03. p. 3 D.R.
Conseiller : Joseph Breitbach. p. 4 Gallimard éd.
Publicité générale : au journal. Le Seuil éd.
Comité de rédaction: p. 8 Roger Viollet
Georges Balandier, Bernard Cazes, Prix du n· au Canada: 75 cent,.
p. 9 D.R.
François Châtelet, Abonnementl! :
Françoise Choay, p. 10 Roger Viollet
Un an : 58 F, vingt-trois numéral!.
La Quinzaine
litteraire
Dominique Fernandez, Mare Ferro, Six mois : 34 F, douze numéral.
p. Il Roger Viollet
Roger Viollet
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Gilbert Walusinski. Etranger : Un an : 70 F.
p. 15 D.R.
Six mois: 40 F. p. 16 Denoël éd.
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p. 21
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François Emanuel. p. 23 Monique Burke
Rédaction; administration : çomp. Phot. Graphiques Gambon p.24 Roger Viollet
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Téléphone: 887-48.58. Printed in France p. 28 Bernand
z
Un dissident
• Pour pouvoir faire honnê- les :t, et cette intervention marque noir » que Karléja observe ici le
tement ·son devoir, l'écrivain le déplut d'une mutation irréver- monde qui l'indigne et contre le-
a besoin d'être dans un cer· sible des lettres yougoslaves dans quel son personnage sans nom (un
tain sens dissident, voire dé- leur ensemble. « innommable :., comme celui de
faitiste, aussi bien à l'égard Ces quelques points semblent Beckett) se révolte jusqu'à la dé-
de l'Etat et des institutions, indispensables pour situer dans mence. Il nous faudrait, pour bien
qu'envers la nation et les au· son contexte le roman Je ne joue dégager ces thèmes, revenir aux
torités J) (1), déclarait, en plus, qui est, en fai~ une sorte nouvelles de l'Enterrement à Thé-
1968, l'écrivain croate Miro- d'« anti-roman :t, publié en 1938, résienbourg (3) , et surtout au som-
slav Karléja, romancier, poè- une année avant l'éclatement de bre Retour de Philippe Latinovicz
te, dramaturge, polémiste et, l' c: affaire Karléja :., au moment (4) qui situent l'œuvre de K.arléja
de toute façon, la personna- où celui-ci cessa lui·même de jouer dans le contexte d'Europe cen·
lité la plus marquante des let- et de se taire devant les aberra- traIe, à côté de Holmannsthal, de
tres yougoslaves contempo- tions de plus en plus manifestes Kafka, de Broch, de Musil, de
raines. du stalinisme. Dialoguant en pri- Lukacs, voire même de Freud.
son avec un détenu politique, ré· Le héros anonyme de ce roman
Miroslav Karléja volutionnaire qui prône l'établis· Miroslav Karléja est un isolé, comme l'était La-
Je ne joue plw sement d'un c: ordre supérieur :. tinovicz, artiste solitaire, « en-
trad. du croate aux traits singulièrement totaJi- gés :t, voit se déclancher un scan- glué :t dans une « vie hrumeuse »
p~ Janine Matillon taristes, le héros du roman ne dale qui lui fera perdre sa situa- et c: sans racine », sentant (en
Ed. du Seuil, 272 p. pose-t.il pas à son interlocuteur tion, sa famille, ses biens, et qui 1932!) une ({ nausée» anà-
cette question prémonitoire le mènera de prison en prison, logue celle du Roquentin de Sar-
Pour ce qui est de la dissidence, c: Est-ce que" l'assassi1U/.t consti· de l'hôpital à l'asile psychiatri- tre, ressemblance perçue aussi
Karléja en fut toujours l'instiga- tuera la base de cet ordre social que. bien par la critique yougoslave
teur, aussi bien à l'époque de impérieur, comme cela se produit Les concitoyens troglodytes de qu'étrangère. Dans le monde sou-
l'Empire austro-hongrois puis pen. chez nos capitalistes et chez leur! ce fauteur de troubles excuseraient terrain de ses personnages à la
dant le Royaume de Yougoslavie avocats? :. La réponse est lourde à la rigueur son c: inconduite », dérive, c'est encore un être
quand il s'érigea en accusateur de sens en cette seconde année mais ne lui pardonnent pas son conscient d'avoir rompu le pacte,
fulgurant d'une société « crimi- des procès de Moscou : « Tant extraordinaire insolence : il n'a un ({ homme sans qualité », aussi
nelle :t et avilie, qu'en Yougosla. qu'il y a des ulcères, Monsieur le pas honte d'être mis au ban de peu c: édifiant » que possible. Sa
vie socialiste où il livra, en 1952, Docteur, ·il y aura des chirur- la société. Comment absoudre ce révolte n'a aucun sens, elle n'a
sa célèbre bataille contre le c: ca- giens. » Entre le rôle de l'oppres- trouble·fête qui refuse de se dé- pas d'avenir, mais, en même
iigulisme e8thétique :t de Jdanov. seur et celui de l'hérétique, Kar· battre dans les filets du Code pé. temps, ne débouche·t-elle pas, sur
D'où un véritable « mythe léja choisit le second: «L'artiste, nal, qui se laisse déposséder de une prise de conscience ? Celle de
Karléja :t non seulement en You· déclare.t-il, semble beaucoup plus ses biens sans broncher ? Ils l'ont l'impossible acceptation de la
goslavie, mais aussi dans certains proche de Lucifer que de Promé· sali et conspué, il ne se sent pas cruauté et de la bêtise. On re·
autres pays de l'Europe orientale. thée, ·son frère plus jeune et plw pour autant déshonoré. Ils le font procha à Karléj.a « l'individua-
Si l'on voulait en expliquer au- lisme », l'absence de « perspec-
jourd'hui la genèse, il faudrait tive historique », son « pessimisme
d'abord noter que, militant com- anarchisant », mais l'auteur
muniste dès 1917, idéologue qui a Un anti.roman, publié en 1938, et qui, déjà, dénon· croate, continuera malgré tout son
combattu, pendant l'entre-deux- incessante contestation : «Refuser
guerres, pour un « socialisme à ~t les aberrations de plus en plus manifestes du le monde, dira-t-il plus tard, est
visage humain » avant la lettre, stalinisme. une manière de raccepter. » Dans
Karléja n'a pourtant jamais cédé ce désengagement engagé, l'Hom-
à la tentation de soumettre ses me ne se perd point.
positions esthétiques aux mots Sa contestation est située aussi
d'ordre de l'action révolution- 1U/.ïf, auquel on a trop l'habitude passer pour fou, il ·ne s'en défend bien au niveau du langage qu'au
naire. C'est cette attitude qui fut de l'assimiler. » (2) pas. Il refuse la main de sa fille niveau de la forme romanesque :
à l'origine, une décennie avant le à un grand notable de la ville non Je ne joue plus est construit com-
c: schisme » yougoslave de 1948, Ce roman-symptôme raconte me un puzzle et ressemble plus à
l'histoire d'un homme « qui dor- à cause de la dot exigée (<< La
d'un profond conflit dans les rangs maison, je la lui aurais donnée »), un « état de la question » qu'à
du P.C. yougoslave Miroslav mait depuis plus de trente ans, une fresque, au sens traditionnel.
qui se réveille, qui se lève et com- mais parce qu'il méprise cette fa·
Karléja et ses quelques amis ne mille. Ils l'ont déclaré politique- Certains chapitres sont des chefs-
manquèrent pas d'être qualifiés de mence à marcher au milieu du dé· d'œuvre d'inspiration multiforme.
sordre sous l'impulsion d'une pe- ment dangereux, communiste, ils
c: déviationnistes », « trotskys- n'en a pas honte. Bref, il ne joue Ce « visionnaire » des lettres you-
tes », «petits bourgeois» etc. tite vérité simple, logique et on ne goslaves - et slaves - s'offre
plus, il n'accepte plus la règle du
peut plus claire. :. Pour avoir dit aujourd'hui au public françaill
Immédiatement après la libéra- jeu, et commet ainsi le crime ma-
à un omnipotent d'une capitale avec son œuvre peut-être la plus
tion, le grand « incorruptible » jeur aux yeux des défenseurs des
provincale, à un « bienfaiteur na· percutante. La traductrice, Janine
eut le courage. de répondre par valeurs chrétiennes, bourgoises,
tional », qu'il est « criminel et Matillon, a su trouver de très
un silence quasi systématique aux progressistes et autres. Ce côté
dépravé :. de se vanter du meurtre ingénieuses équivalences.
dogmes du « réalisme socialiste », contestataire frappe même les plus
de quatre paysans qui voulaient Vladimir Balvanovic
importé plus ou moins officielle· jeunes lecteurs, ceux dont les sou-
lui voler quelques bouteilles de
ment en Yougoslavie. Au congrès venirs ne remontent qu'à l'année 1. « Le Monde Il du 28·12·1968.
vin, le héros sacrilège de Karléja,
des Ecrivains tenu à Ljubljana en 1968. Je ne joue plus est un texte 2. P. Matvejevitch : «Entretiens avec
un avocat qui avait vécu jusque
1952, il n'hésite pas à réclamer le actuel et percutant. Karléja li, Ed. Naprijed, 1969.
là toute sa vie c en zéro bien rangé 3. Edition de Minuit, 1956.
droit à la « simultanéité ~es sty- dans une foule de zéros bien ran- C'est en réalité par un « côté 4. Calmann-Lévy, 1957.

La Quinzaine littéraire, du 16 au 31 man 1970 3


ROMANS
:l:TRANGERS

Du soldat
Josef Skvorecky
L'Escadron blindé

1 Traduit du tchèque
par François Kerel
Gallimard, 288 p.

Véra Linhartova
Canon à l'écrevisse

1 Traduit du tchèque
par Joseph et Denise Suchy
Ed. du Seuil, 224 p.

Rien ne ressemble moins au


réalisme truculent de l'Esca-
dron blindé que le symbo-
lisme subtil de Canon à
l'écrevisse. Les titres eux-
mêmes indiquent la différen-
ce de ton à moins qu'on ne
prenne le canon, ici accom-
modé à l'écrevisse, pour une
arme et non pour la forme
sommaire de la fugue. Ce-
pendant, les auteurs de ces
deux livres, Josef Skvorecky
et Véra Linhartova sont
tchèques.

Malgré la différence de leurs


styles - qui paraîtrait plus atté-
nuée si l'on se référait à un texte
plus récent de Skvorecky, mais qui dron blindé lorsque les blindés so- politique avec la même subtilité l'armée), sa colère (où rappel du
fut traduit en premier, la Légende viétiques vinrent lui signifier l'in- que le maniement d'armes. règlement, et références au parti
d'Emoke - ils ont en commun congruité d'un tel projet. De sur- Cela nous vaut des Gaîtés de se mêlent à une jalousie secrète)
le goût d'une écriture libre qui ne croît Skvorecky n'avait-il pas dé- l'Escadron d'un nouveau genre où prend une dimension comique
s'embarrasse pas des règles, et en- claré dans une interview à Antonin les tics et les non·sens de la vie étonnante.
core moins des dogmes, pour dire Liehm, et cela avant même le prin- militaire sont comme soulignés par L'Escadron blindé est plus qu'un
ce qui est ou ce qu'elle veut. Et temps de Prague, que sa génération l'emploi d'un nouveau vocabulaire roman picaresque d'une cocasserie
si l'on regarde de près fEscadron avait longtemps cru au socialisme extrême. Sous-titré « chronique de
blindé et Canon à l'écrevisse, on avant de prendre conscience que la période des cultes », il dénonce
constate encore ceci : les défini- le socialisme qu'on lui proposait en même temps le formalisme de
tions qui semblent d'abord leur n'était qu'un mot auquel il impor- l'instruction militaire et celui de
convenir, réalisme et symbolisme, tait désormais de donner « chair » l'endoctrinement politique. Ici
ne peuvent être qu'approximatives (1)? C'est pourquoi fEscadron comme là, Je cadre compte plus que
et provisoires. Par-delà les scènes blindé voit le jour en France tan- le contenu, l'apparence que la réa-
de la vie de caserne, Skvorecky fait dis que son auteur enseigne dans lité. Pris au piège vingt-quatre heu-
le portrait de la bêtise. Derrière une université canadienne. res sur vingt-quatre, le soldat voit
l'onirisme de Linhartova se profile Au premier degré, il s'agit d'un très vite quelles sont les failles de
le visage d'un monde, le nôtre, où récit d'une bouffonnerie savou- celui-ci, comment il suffit de faire
tout fait toujours question. Ici reuse, quelque chose comme la ren- semblant, de maquiller son scepti-
comme là, l'écriture dit toujours contre sous le portrait de Staline cisme ou sa désinvolture en sérieux
plus qu'il ne semble. de Schveik et de l'adjudant Flick. pour y échapper. Et Skvorecky
Le roman de Skvorecky a une Le tire-au-flanc et la baderne sont montre très bien comment ce jeu
histoire. Ecrit en 1954, ce récit ici les mêmes que dans toutes les se pratique à tous les échelons de
des aventures du brave soldat Smi- armées du monde. Le conscrit ne la hiérarchie, mais ne s'avoue vrai-
ricky dans une caserne de l'armée peut supporter le règlement qu'en ment qu'au niveau des appelés,
populaire tchécoslovaque n'aurait s'en moquant; le gradé qui le fait comment aussi la sclérose des for-
pu alors obtenir son visa de cen- appliquer à la lettre, même s'il se mes militaires appelle en retour
sure. Quatre ans après, du reste, fait craindre, n'échappe pas au ridi- l'ironie.
son auteur subissait les foudres de cule. L'introduction de cours de Paradoxalement, la leçon qu'il
l'idéologie officielle pour la publi- socialisme dans la pratique militaire qui, greffé sur l'ancien, devient vite nous donne est celle·ci : plongé
cation des Lâches. Reconnu depuis quotidienne ne change rien, mais aussi stéréotypé. Quand, à la prison dans un monde absurde, confronté
la parution de la Légende d'Emoke ajoute plutôt un piquant supplé- du quartier, le commandant trouve à la bêtise militaire et militante, le
en 1963 comme un des meilleurs mentaire. Qu'on imagine Flick ou l'aspirant de garde galamment conscrit n'a d'autre ressources que
écrivains de sa génération, Skvo- Hurluret, l'un jugulaire, l'autre re- occupé dans la cellule d'une pri- la ruse, la feinte ou l'humour.
recky s'apprêtait à publier fEsca- lativement bonnasse, enseignant la sonnière (auxiliaire féminine de Conçues pour l'abêtir, les caser-

4
Schveik à Kafka
nes, à rebours, éveillent son intel- Bééc1itions
ligence. Mais contre eUes. Et que
P'tit Méphisto, le commandant sa- Parmi les rééditons, paraîtront la
dique et borné disparaisse à jamais
Le 15 mars 1988 paraissait le premier Gana, de Jean Douassot, chez Losfeld
numéro de (avec des dessins de l'auteur) ; Jacob
dans une trappe d'où seul pourrait COW, le pirate, de Jean Paulhan, pu-
le sortir le croc à merdre du père «la Quinu.ine ». blié, dans le cadre de l'édition des.
Ubu lui apparaît alors, à l'image de La présente livraison, datée du 15 ma... Œuvres complètes de l'auteur, dans la
l'armée, comme une farce colos- 1970, porte le numéro 91. collection • Le prix des mots • de
Tchou; Sans annure, premier roman
sale et tragique. Profitons de l'occasion pour remeroier de Jean Lorbais, paru autrefois chez
Avec Véra Linhartova, le ton est tous oeux qui ont permis à «la Quinzaine» Plon et que l'auteur présente chez Gal-
radicalement différent. La réalité limard en même temps qu'un nouveau
d'entrer dans sa oinquième année d'ezistenoe: toman intitulé la MI.. au mond••
n'est plus dénoncée par son outran- nos leoteurs et nos abonnée <particuliè-
ce même, mais par son envers, le rement oeux qui, parmi eux, ont souscrit des
rêve, l'irréel. Les textes réunis sous amons);
le titre Canon à l'écrevisse et qui
furent écrits de 1960 à 1965 - nos aanonoeurs;
quand l'auteur avait de vingt à et, parmi nos 408 oollaborateurs, les 148
vingt-deux ans - jouent sur di- qui ont éorit régulièrement dans « la Quin-
vers registres, réflexions, récits, zaine lit durant les 12 derniers mois.
journal, poème en prose. En fait,
aucun n'est uniquement ce qu'il
parait être et tous ont en commun
de nous faire entendre une sorte
de narrateur anonyme, tantôt très C'est aussi la liberté ou cette vraie aux calembours où les mots se cas-
vieux, tantôt très jeune, qui, par- vie dont Rimbaud se plaignait sent comme des noix pour révéler
fois, semble se confondre avec l'au- qu'elle fût absente. des sens ou des apparentements
Les créatures imaginaires, même inattendus. Canon à l'écrevisse
teur (notamment dans Pro jeetion
celles imaginées par les autres, y nous révèle les facettes multiples
picaresque sur arrière.plan et Mai-
ont présence et poids. En quelques d'un écrivain qui devrait être l'un
son Loin) sans pourtant que le
enjambées on passe de la Venise des plus grands d'aujourd'hui, qui
féminin, sauf quelques très rares
du XVIIIe siècle à la Prague d'au- ne cesse de jouer sur les ambiguï-
fois et par une sorte d'inadvertance
jourd'hui. Dans le même temps, tés du langage et du monde pour
voulue, soit jamais employé.
on rencontre Behrisch qui fut l'ami faire surgir autre chose par l'écri-
Cette voix, venu d'un « je » ture ou dans le recul de l'écriture
mystérieux, sans visage, qui semble de Goethe, on assiste au spectacle
de la comédie italienne, on monte ou encore dans ce temps de l'incer-
constamment décentré, un peu en titude que fait surgir l'écriture. Et
dehors, au-dessus ou à côté de soi (le en ballon avec l'astronome Camille
Flammarion. on invente et on tue sa démarche est comme un écho
thème du décentrement et du rap- à la chanson d'Apollinaire :
port à soi est du reste une des des personnages. Dans un autre
constantes du livre) est ce qui don- texte, Divertissement polyphoni- Incertitude ô mes délices
ne unité à l'ensemble. Même si que, la frontière n'existe plus. La Vous et moi nous nous en allons
elle feint de n'être pas la même folie, le délire qui $Ont peut-être Comme s'en vont les écrevisses
et de nous projeter dans des direc- l'extrême lucidité ou la suprême A reculons à reculons
tions différentes, d'emprunter des perception l'ont abolie. Dans une
langages différents, elle demeure même promenade à travers Prague Claude Bonnefoy
toujours reconnaissable. Elle est le apparaissent successivement Char- 1. Antonin Liehm: Troï. Généraliona
lie Parker, Verlaine et Rimbaud, (Gallimard ).
lieu où s'articulent les mots, où
leur référence aux choses s'énonce, celui·ci dissimulant dans sa cham-
s'évanouit dans un tremblement, où bre d'hôtel les chameaux de ses
ils apprennent à se tenir seuls ou caravanes, Dylan Thomas, Ni-
à se donner pour le miroir, non jinsky.
d'un monde, mais des multiples
dimensions du monde.
Comme dans tout ce qu'écrit
Vêra Linhartova, on ne sait jamais
Ismaïl Kadaré
Ici nous ne sommes plus chez
Schveik, mais dans cette Prague
baroque et mystérieuse ou Rilke
si ce sont la musique, la poésie et
la danse qui transcendent la réalité
ou bien si, pour les percevoir dans
LB GiNiR1L
et Kafka découvrirent, sans passer
semble-t.i! par les mêmes rues, que
le réel est bien plus que le réel,
où Apollinaire rencontrant Isaac
toute leur force, il faut déjà avoir
fait le saut avec le narrateur. Un
double saut, à la fois dans le lan-
gage et de l'autre côté du miroir.
DB L'IRMiB MORTBroman
Le narrateur ne dit-il pas, à un traduit de l'albanais
Laquedem franchit ensemble les
factices frontières du temps et de moment: « Le monde que j'~e Un roman de stature mondiale...
l'espace. Comme Apollinaire, bien de représenter ressemble à la mort la voix même de l'Albanie millé'.
qu'elle écrive tout autrement, Véra un peu comme un décédé ressemble
à un trépassé» ? ~ naire. Robert Escarpit
Linhartova franchit ces frontières.
Concrètement, le narrateur de Tout Vêra Linhartova connait tous les ~ Albin Michel
en Gris nous raconte comment il bonheurs du langage et en pratique
« fait » le mur de la réalité. De toutes les ruses, de la phrase caden-
l'autre ooté c'est peut-être le rêve. cée et comme portée par ses images

La Quinzaine littéraire, du 16 au 31 mars 1970



Après la rupture
David Boyer - me dit que mon klaxon ne ferait est·il en fin de compte à peu près Un économiste égaré
Regarda en coulisse pas fondre l'embouteillage. Je lui complètement désespéré. La seule
demandai d'où lui venait tant de valeur fi positive» du livre est le John Kenneth Galbraith

1
d'un tueur de pigeom. Le Triomphe
Trad. de l'américain sagesse. V ous êtes jeune, dit-elle, en mouvement, l'agitation : l'amour, trad. de l'américain
par Jean.Pierre Allen. vieillissant vous apprendrer. la ver· le travail, l'amitié et les quelques par J. Collin.Lemercier
Caimann.Lévy éd., 228 p. tu de patience. Les gem patients valeurs traditionnelles, mais tandis Gallimard éd., 281 p.
ont déjà deux pieda dam la tombe, premier rang de ses soucis sont
On le sait, il suffit d'un geste, dis.je, alors que mon klaxon est un John Kenneth Galbraith, économiste
sapés par un humour corrosif qui célèbre, voulant traiter de la politique
d'un mot parfois pour qu'un hom- cri de rage indomptable. S'il ne fait ne respecte rien. En outre, dès que des Etat.Unis dans ses rapports avec lei
me parfaitement intégré dans une pas fondre les embouteillages, il me le sentiment semble affleurer, une pays d'Amérique latine, a choisi le r0-
société devienne soudain en porte. fait en tout cas le plus grand bien. pirouette de Boyer le fait aus- man. Il ne s'agit, en aucun cas, d'un ou-
à·faux. C'est le sujet, par exemple, vrage littéraire: roman fonctionnel, fable
V ous déshonorer. le saint jour de sitôt éclater. Il n'est pas interdit de didactique ayant pour seul but de nom
d'un film récent, Charles mort ou Noël, dit-elle. J'en étais ravi ». voir là une sorte de négatif de la livrer les mécanismes intemes de l'Admi·
vif qui nous décrit par le menu le Cette atmosphère invraisemblable mystique beatnik : même besoin nistration américaine.
mécanisme de la rupture. Regards et farfelue sera celle du livre jus- d'évasion, même contestation des On ne s'improvise pas romancier, même
en coulisse d'un tueur de pigeom qu'à son terme aussi bien dans valeurs traditionnelles mais tandis romancier u populaire lt. Harold Robbina
se situe après la rupture lorsque le l'anecdote que dans le ton. Cette que les beatniks recherchaient une ou Frank Slaughter appliquent des recet·
tes précises, recettes que, du reste, on
comportement quotidien de l'imlivi- accumulation de détails cocasses qui mystique, Boyer ne cherche plus apprend aux Etats-Unis dans des écoles
du est pour le commun des mortels heurtent le lecteur, dans le meilleur rien. spécialisées. Ces règles de métier leur per-
anormal. des cas, par le rire, désamorce en Et ce roman d'un chauffeur de mettent de parler d'un peu n'importe quoi
Pour l'écrivain, deux solutions : apparence les cris de rage impuis- taxi ne laisse pas d'inquiéter : en intéressant à coup sûr leur lecteur.
l'une dramatique en un schéma dit sante de l'auteur mais, paradoxale- David Boyer qui n'a pas trente John Kenneth Galbraith a raté son
kafkaïen où le décalage a des consé· ment, c'est cette invraisemblance ans et qui est universitaire, appar- coup: jamais le lecteur ne s'intéresae aux
quences violentes ou concentration- multiples grenouillages qui nous sont re-
qui donne du poids à la satire. Cha- tient à la génération qui suit celle latés. On confond x et y, on ne voit ja·
naires. L'autre est comique et plus que personnage possède, au départ, de Mailer, par exemple. A la colère mais leur rôle exact et on se demande à
spécifiquement burlesque. C'est des composantes qu'on pourrait ap· de ce dernier, Boyer substitue un chaque instant la nécessité profonde de
celle qui fondait les films de peler réalistes : le héros, chauffeur ricanement sec et sans illusion. ces pages. A nous, profanes, la plupart
McSennett et les premiers Chaplin. Aventure indéterminée, roman pi- des faits racontés semblent tout juste di·
de taxi, sa mère, sa maîtresse, quel- gnes d'un paragraphe.
En littérature, les exemples sont ques femmes, ses amis, ses collègues caresque à rebours, ce livre mal
rares: l'aspect visuel du gag ciné- de travail. Ce sont là personnages composé qui progresse sans la moine Pourtant, l'intérêt s'éveille dans le der·
nier chapitre écrit d'une plume à la fois
matographique facilite une telle ex· quotidiens qui pourraient peupler dre logique interne, n'est peut-être ironigue et lucide. Hélas, il commence à
pression. Aussi, le roman de David un roman naturaliste. Le contexte pas un grand roman, mais il témoi- la page 266. On peut, sans inconvénient,
Boyer se distingue-t.il, par le ton, est tel qu'ils n'existent que par la gne mieux que cent reportages d'un le lire sans connaître le début.
des autres (et très nombreux) ro- dimension caricaturale que leur malaise qui n'en finit pas de déchi- I.W.
mans qui se veulent satires du mode confère l'auteur. Il suffit d'un léger rer l'Amérique. Que David Boyer
de vie américain. coup de pouce pour que, ce qui ait opté pour le burlesque rend ce
Dès le premier paragraphe, nous était normal devienne proche de la témoignage plus significatif.
connaissons la manière de Boyer : démence. Le vieux Sud
Cl: La bonne femme dam mon taxi Aussi ce livre où l'on rit souvent Jean Wagner Erskine Caldwell

1
Miss Mamma Aimée
trad. de l'américain
par Marie Tadié.
Albin Michel éd., 251 p.

Est-ce nous qui avons vieilli? Ou les


Wyndham Lewi. noncwtwn sans équivoque dei persée couleurs dont nous parions la Route au
LETTRES cutions anti-sémites. tabac et surtout le Petit arpent du Bon
J'ai été extrêmement heureux de voir D'une façon plus générale, et bien Dieu n'étaient-elles pas aussi brillantes
A. LA QUINZAINE que La Quinzaine Littéraire s'intéressait qu'ü y ait ici amplement matière à que nous l'avions cru ? Erskine Caldwell
à Wyndham Lewis. L'utile et complète controverse, il me semble inexact d'assi- continue pourtant à moudre sa chanson
présentation de M. Fauchereau comporte miler les attitudes politiques de Lewis du vieux Sud agonisant sans se soucier
Benjamin Péret les erreurs auxquelles on s'expose inévi· dons les années trente à celles de ses des critiques, qu'il ne lit jamais, de ses
tablement avec un écrivain aussi mIll amis Eliot, Pound et Campbell. Disons succès et de ses insuccès.
L'article de Serge Fauchereau ,ur Péret exploré par la critique que Lewis. seulement ceci : le souci cOnltant de
est l'un dei plu. jrutes, dam le ton, et Kandimky n'a jamais participé à Blast : Lewis était la défeme de la paix. Lors- Dans Mûs Mamma aimée, tous les in·
dei plru vrai&, dom la pemée, parmi les on relève seulement dons le premier nu· qu'ü est victime d'un coup de foudre grédients sont là: le personnage central,
ClUe: nombreux tutes que la preue a méro une présentation par le peintre passager pour Hitler en 1931, c'est qu'il une vieille propriétaire qui voit ses ter·
cOnlenti à diffruer récemment. Wadsworth de «Ueber da& Geistige in croit avoir en lui « un homme de paix lt. res s'en aller au profit des Yankees, la
Je souhaiterai& cependant qu'une erreur, der KUnit lt. Ce n'est pas par Blast (1914) Ses attaques contre le communisme de fille prostituée, la belle-fille nymphomane,
grave à certains yelU, soit rectifiée: Péret que Lewis en vint à la littérature : ses salon typique de l'intelligentsia anglaise le fils anormal, l'autre fils qui égrène des
n'a pas participé à la guerre d'Espagne premiers textes furent publiés en 1909 d'alors, le ton nettement indépendant de folk-songs sur sa guitare, toute cette mé-
dam les brigade& internationales mai& dom par Ford Madox Ford. Quant au Red ses épisodiques contributions à des pério- nagerie à la fois cocasse et pitoyable est
la colonne Durruti. Les brigades étaient Priest, ce titre n'a rien de révélateur : diques fascistes, tout comme les titres celle qui peuplait les meilleurs romans
entièrement contrôlées par l'appareil sta· les journaux de l'époque étaient pleins de ses pomphlets les plru significatifs, de Caldwell. Mais le cœur n'y est plus.
linien et leurs chefs (Togliatti, Geroë, du Red Dean de Canterbury. Left Wings Over Europe (1936) et
Marty... ) agissaient en liaison avec les Croire que «l'homme qui a pu inti· Count your Dead : They are Alive! Or Le procédé se fait jour et l'on sent le
hommes du G.P.U. afin d'éliminer les révo- tuler un livre les Juifs IlOnt·ils hu- a new war in the making (1937), con- marionnettiste qui tire les ficelles. Nous
lutionnaires anarchistes et trot:r.kystes. Ceci mains ? ou ne saurait jamai& en être blan- firment que la préoccupation de cet sommes loin de la sève qui jaillissait des
n'implique, naturellement, aucune condom· chi », c'est tomber dam un piège rhé- f18prit libre était la défense des hommes premiers livres. A moins que nous soyons
nation ni même srupicion à l'égard des torique cher à la satire anglaise : celui contre la montée des idéologies. V oru à blasés... Nous avons cependant appris une
combattants dei dites brigade& qui ne pou· que tend Defoe dons The Shortest Way l'échec, le pacifisme de Lewis n'était pas chose: à la düférence de Faulkner, qui
vaient mesurer, à l'époque, l'ampleur de la with Dissenters ou Swift dam A Modest pour cela celui de Munich, ni celui, très a transformé le Sud en royaume mythique
peste contre·révolutionnaire stalinienne. ProposaI. Inspiré d'un livre récent de tactique, des fascistes britanniques (ou). de notre malédiction, Caldwell s'est con-
MtJis quant à Péret, sa «religion lt était J.G. Renier (The English, are they hu- tenté de chanter nostalgiquement sa terre.
faite. man ?), cet ouvrage de 1939, derrière C'est son charme et sa limite.
Bernard Lafourcade
Jean 5chuster son titre provocant, constituait une dé· Carthage I.W.
Propos d'Alain
Un nouveau choix de Pro- importante documentat ion exhumer encore des Propos
pos d'Alain va paraître le biographique, bibliographique, écrits pourtant jour après
mois prochain dans la Biblio- critique. Le classement chro- jour, selon les hasards de la
thèque de la Pléiade (et y nologique des textes, de 1906 circonstance, de l'instant et
prendre sa place à côté de à 1914 puis de 1921 à 1936, de l'humeur - qui gardent in-
celui que Maurice Savin nous donne lieu à une observation tacts la naïveté de leur fraî-
a donné déjà en 1956). " singulière : après deux tiers cheur, le mordant de leur pé-
comportera, sur l'aventureuse de siècle parfois (ou pres- nétration.
histoire de l'entreprise, une Que), on n'a aucune peine à

Trahir
Comme je lisais l'Histoire d'un Paysan d'Erckmann-Chatrian,
je vivais, par l'imagination, au temps de la Révolution française;
je cherchais à comprendre comme ce peuple, si longtemps tyran·
nisé, dépouillé et méprisé, avait montré soudainement sa puis-
sance, simplement par sa confiance en lui-même; mais j'admirais
aussi cette ruse des privilégiés, qui promettaient toujours et puis
reprenaient leurs promesses, et qui passaient d'une folle confiance
à une terreur folle, selon les acclamations et les grondements
populaires. Dès que les choses revenaient à une espèce d'équi·
libre, ils reprenaient espoir dans le vieil art de gouverner, éprouvé
par tant de siècles; toujours la modération glissait à la trahison;
toujours le pouvoir absolu se reformait par une espèce de cristal-
lisation inévitable:\ L'Empire, la Restauration, l'Empire encore,
groupèrent les mêmes forces; toute l'élite toujours se retrouva
au centre, se recruta de la même manière, essaya la même résis-
tance enragée; et toujours des succès étonnants lui donnèrent
raison. Ceux qui disent que la monarchie est un état naturel auquel
on revient toujours, disent une chose assez évidente. Et pour moi
les réactionnaires d'aujourd'hUi ressemblent à ceux de ce temps-là.
JI y a une cour, aujourd'hUi comme autrefois. et des courtisans,
même sans roi. Il y a une vie riche et ornée; l'homme qui se
permet d'y entrer y perd pour toujours la liberté de son jugement.
C'est inévitable. La vie qui se passe au bal, au souper, au théâtre,
à la parure, est une espèce de preuve par elle-même, et bien
puissante. Et l'opinion académicienne, qui est celle des femmes
les plus brillantes, des écrivains, des danseurs, des avocats, des
médecins, de tous les riches enfin et de leurs parasites, l'opinion
académiCienne a bientôt décrassé l'esprit de n'importe quel ambi-
tieux. Qu'un homme de bonne foi veuille bien réfléchir à ceci,
qu'un succès quelconque, dans le monde qui fait le succès, se
mesure toujours exactement à la quantité d'esprit monarchique
que l'on peut montrer. Et l'élite, malgré une frivolité d'apparence,
sait très bien reconnaître le plus petit grain de trahison; chacun
est payé sur l'heure, et selon son mérite. En sorte qu'il faut dire
qu'à mesure qu'un homme se pousse dans le monde, il est plus
étroitement ligoté. • La pensée d'un homme en place, c'est son
traitement.; cette forte maxime de Proudhon trouve son appli-
cation dès que l'on a un ascenseur, une auto et un jour de
réception. " n'est pas un écrivain qui .puisse vivre de sa plume
et en même temps mépriser ouvertement ce genre d'avantages.
On peut en revenir, mais il faut passer par là ; ou bien alors vivre
en sauvage, j'entends renoncer à toute espèce d'Importance.
On se demande souvent pourquoi les réactionnaires se fient
à des traîtres, qui ont suivi visiblement leur intérêt propre, et
vont ingénuement du côté où on sait louer. Mais justement la
trahison est une espèce de garantie, si l'on ose dire; car l'intérêt
ne change point; il n'est pas tantôt ici, tantôt là; il tire toujours
à droite. En sorte que celui qui a trahi le peuple apparaît comme
dominé pour toujours par le luxe, par la vie facile, par les éloges,
par le salaire enfin de l'Homme d'Etat. L'autre parti n'offre rien
de pareil. " n'y a donc point deux tentations, il n'yen a qu'une.
JI n'y a point deux espèces de trahison, il n'yen a qu'une. Toute
la faiblesse de n'importe quel homme le tire du même côté. La
pente est à droite.
12 mars 1914.

La Quinzaine littéraire, du 16 /lU 31 nuIT' 1970 1


~ Alain

Je1Ul.. rameaux
Quand le Parti radical sera réorganisé fortement, il faudra une
espèce d'initiation propre à former les jeunes et à réchauffer
leur courage. Je passe sur les principes et sur les programmes,
et je pense surtout à un certain nombre de vérités désagréables
qu'il sera bon d'annoncer en une fols è l'enfant du peuple, dès
qu'il aura pris ses grades.
«Tu es assurément, lui dirais-je, un brave ami du peuple; et
ce que tu promets tu le feras. Mais tu es aussi assez ambitieux,
et cela est bien naturel. Assez de charlatans et d'aventuriers ont
été portés sur le pavois, encensés dans les journaux et considérés
par les rois: tu penses qu'II est temps que les vrais amis du
peuple arrivent aussi à cette gloire, qu'ils auront bien méritée.
Tu t'y prépares, sans méditer aucune injustice. Eh bien, il faut L'aD 2000
que tu le saches, cette gloire, tu ne l'auras pas. Le pouvoir, sans
doute, si tu veux, mais non pas la gloire. La gloire, en politique, Ils en sont tous à nous parler de l'an 2000, comme s'ils y
est le salaire de l'Injustice. étaient; ce ne sont qu'omnibus volants et maisons de cinquante
• Songes-y bien, avant d'entrer dans cet enfer. Laisse toute étages. Ces merveilles, et bien d'autres qu'il n'est pas difficile
espérance. Tu n'auras que de rudes amis, fort occupés, très loin d'imaginer, n'ont rien qui dépasse la puissance humaine. Toute·
de toi, et qui n'écrivent point dans les journaux, Tout le reste, fois, il en est de ce luxe comme de tout luxe; il est limité non
toute l'Académie, tous les lettrés, tous les dramaturges, tous les pas par la pauvreté de l'imagination humaine, mais par les res-
écrivains, tous les sociologues, tous les directeurs de théâtre, sources qu'une juste répartition nous laissera: et il est inévi-
tous les acteurs, toutes les actrices, tous les marchands et mar- table que toutes ces folles dépenses soient arrêtées un jour ou
chandes de luxe, tous les marchands et marchandes de plaisir, l'autre. Tant que les travailleurs n'auront pas une vie facile, et
tout ce beau monde te méprisera d'abord ouvertement, et te jugera l'avenir assuré, on peut compter qu'ils réclameront; et certaine-
inculte, ignorant, paresseux, ivrogne et mal tenu. En vain, tu liras ment ce qu'on leur abandonnera encore sera pris sur toutes ces
tout ce qu'il faut lire: en vain, tu iras te montrer avec ta femme dépenses de luxe; car comment faire? Mais bien plus; je les
à ces spectacles bien parisiens où la salle est ornée d'une guir- suppose tous bien payés, et assurés contre tous maux et acci-
lande de femmes jolies et faciles en étalage: en vain, tu seras dents; Ils voudront peut-être alors travailler moins, et ces heures
élégant dans tes discours; en vain, tu citeras Barrès. Ces poli- de travail seront prises sur les travaux de luxe, et non sur les
tesses seront comptées pour rien si tu n'y mêles pas quelques travaux de nécessité. Voilà à quoi Il faut s'atendre.
marques assez claires de ton mépris pour l'électeur ignorant, et Si l'inégalité des conditions subsistait, sans aggravation, il fau-
pour la petite mare dont les grenouilles t'ont pris pour roi. On drait encore compter avec le Suffrage Universel et les progrès de
t'observera; on attendra que tu trahisses. l'instruction; les esclaves seront de moins en moins dociles, il
«Alors, comme par magie, ton nom ira de journal en journal, faut bien se mettre cela dans la tête. Mais considérez aussi que
d'ambassade en ambassade, à travers toute l'Europe. Les femmes toute invention nouvelle, qui n'est pas d'utilité stricte, consomme
brillantes viendront comme au théâtre pour t'entendre. Tu seras des journées de travail et réduit la provision des objets utiles;
orateur; tu seras homme d'Etat: on te décrira élégant et beau, ainsi l'injustice se trouvera aggravée, et il faudra bien que tout
même si tu gardes ta redingote provinciale et ta moustache d'ou- craque à la fin.
vrier. Car l'élite juge d'après re cœur et ne trompe jamais. Observe Comment se fera cette réaction Inévitable contre les gaspilleurs
bien quel est le plus étonnant succès de ce temps, et comment de la fortune publique? Je ne sais. Peut·être y aura·t·i1 une révo-
il a été obtenu. D'après cela, juge de ce qui t'attend si tu restes lution violente, qui ramènera pour un temps l'égalitê des fortunes,
l'ami du peuple et le défenseur des pauvres et des artisans.• et l'heureuse médiocrité pour tous. Je crois plutôt que tout se
Oui, je dirais tout de suite la chose comme elle est. Une petite fera en douceur, par l'effet de crises économiques qui ruineront
pluie enrhume; une bonne douche réchauffe. les grosses fortunes, et mettront fin à ces folles entreprises, qui
7 avril 1913. bâtissent de nouvelles Pyramides avec le pain des pauvres gens.
Toujours est·i1 que nous partons trop tôt et trop vite. On n'aurait
pas dû organiser les téléphones tant que tous ceux qui travaillent
ne sont pas convenablement logés et nourris; et il fallait donner
de beaux jardins aux enfants pauvres avant d'élever les mâts de
L1TTtRATUREIBEAUX.ARTS la télégraphie sans fil: cela est de bon sens; il faut penser au
pain quotidien avant de s'acheter des diamants.
Malheureusement ce n'est pas le bon sens qui règle la produc-

les a~l'~çans . tion: c'est l'ennui des riches, et l'aveuglement Incroyable des
pauvres. Tous admirent l'homme volant et rêvent aux miracles de
. IDralrle la science, sans penser que nous voilà en octobre, et qu'une foule
ga1erl de petits bonshommes n'ont point de chaussons de laine pour
l'hiver qui vient. On admire que les Pharaons aient trouvé assez
d'esclaves pour bâtir les Pyramides. Ninive a été rebâtie bien des
'" 7 RUE DE RENNES PARIS 6' fois, et Babylone avait des jardins suspendus. Mals tous ces pays
TËLËPHDNE 548.73-82 sont maintenant des déserts de sable, sans doute par l'excès du
luxe et de "injustice. Nous ne retomberons pas si bas, parce que
nous ne volerons pas si haut. Nos esclaves ont appris à lire, et
nos Pharaons n'achèveront point leurs Pyramides.
13 octobre 1908.


ROMANS

L'ennelllÎ
FRANÇAIS

Sous une phrase célèbre de ture plus attentive découvrira


Rimbaud, qui lui fournit son dans son récit un autre niveau,
titre, le roman de Geneviève que j'appellerai, faute de mieux,
Serreau porte cette épigra- celui de la dépossession.
phe tirée d'un texte de Lorris est quelqu'un qui ne s'ap-
Michaux : cc L'homme - son partient pas, qui trouve (ou pro-
être essentiel - n'est qu'un jette) toujours sa vérité hors de
point. C'est ce seul point que lui. L'ambiguïté du roman tient
la mort avale D. VoiJà, d'em- à ce flottement fondamental, qui
blée, mis en place les trois nous interdit aU1l8i bien d'y voir
thèmes du livre· l'action une c histoire:t réelle ou imagi-
(c'est-à-dire la Révolution), naire' une allégorie politique ou
l'homme, la mort. métaphysique, que de considérer
son personnage principal comme
un «héros positif », dont le com-
Geneviève Serreau portement pourrait se ranger sous

1 Ce cher point du monde


Coll. Les Lettres Nouvelles.
Denoël éd., 196 p.
des catégories rassurantes, - les
~

Trois thèmes, ou plutôt trois


questions: car chacun d'eux souf-
fre lui-même d'une ambiguïté.
Comment concilier, dans l'action
révolutionnaire, justice et violen-
ce, organisation et vivacité '1 De
fois les deux trajets : car l'image violences aveugles, la dureté de
quel côté se situe l'homme, ici
initiale, renforcée par la présence ses choix), le dédoublement (qui
figuré par un révolutionnaire
invisible de l'observateur-narra- n'est peut-être qu'une fuite, mais
amateur qui est aussi un comé-
teur, fail peser sur l'ensemble du qui est peut-être aussi la vérité
dien professionnel : côté théâtre
récit un soupçon d'irréalité qui ne même, symbolisée par le théâtre,
ou côté «praxis », côté jeu ou
se dissipera jamais complètement. représentation dans la représenta-
côté discipline? Enfin quand
Mais pour que ce soupçon soit vé- tion) , et ce complot universel,
meurt-on ? Ce qui revient à dire ~
rifié, pour que Lorris rencontre anonyme, figure la plus profonde
où est la mort, où est la vie ?
vraiment lia mort, il faut aussi que du mécanisme social, qui semble
Aux premières pages du récit, avoir pris, dans nos récits, la pla-
L.K. Lorris ~ observé par un ce des vieilles intrigues psycholo-
tiers, 1'« imperceptible témoin» giques. Kafka, Borges, Beckett ne
entouré de livres, dans lequel on sont pas loin.
reconnaît, comme aux premières Le lecteur reoonnaîtra . On pensera aussi, parce que le
lignes de Dans le labyrinthe de livre paraît en 1970, à des événe-
Rohbe-Grillet, le romancier lui- au 'passage plusieurs de. ments récents. Il est permis d'ima-
même - fait l'expérience prémo- giner, par exemple, que l'Organi-
figures qui obsèdent notre
nitoire de !ta propre mort. Il se sation, c'est le Parti communiste,
voit à la fois mort et vivant, univers. ou plus généralement le stalinis-
« chu» et «debout », immobile me, et que les insurgés des Hau-
et en marche. L'image reviendra tes-Fagnes, ce sont les gauchistes
à plusieurs reprises au cours du de mai 1968. Auquel cas, Lorris,
roman. Elle s'imposera finalement pris entre deux feux (entre deux
à la dernière page, justifiée par la suite ne soit pas une simple jeux) , trahissant involontaire-
un probable assassinat, sans qu'on parenthèse : la mort a besoin de ment les uns et les autres, et tra-
puisse pourtant affirmer que la ce détour pour être crue. hissant les deux au profit du théâ-
réalité confirme la prémonition. J'ai cité Dans le labyrinthe. Le tre, représenterait assez bien l'in-
Il se pourrait que ces deux morts lecteur familier du roman moder- tellectuel de gauche d'aujour-
soient tout aussi fietives l'une que ne reconnaîtra au passage plu- d'hui, qu'une sincérité sans em-
l'autre. Il se pourrait, comme le sieurs des figures qui obsèdent no- ploi, une rigueur purement néga-
suggère l'auteur, qu'un intervalle tre univers et resteront vraisem- tive, prive du confort de l'efficaci-
de quelques secondes seulement blablement comme les traits ca- té sans lui donner la sécurité de
les sépare, et par conséquent ractéristiques de la littérature de la bonne conscience.
qu'entre temps, il ne se soit rien ces vingt dernières années : le la- Ces références grossières ris-
passé. Le livre a ainsi la forme byrinthe, bien sûr (je pense à quent de dissimuler l'essentiel, et
d'une boucle reliant deux points l'épisode du château de Mortelan- le reproche qu'on serait tenté de
très voisins sur une droite; on ge, vaste construction marienba- faire à Geneviève Serreau serait
peut aller directement d'A en B. desque où des serviteurs désignés plutôt d'avoir, par une affabula-
On peut aussi suivre toute la par de simples numéros accom- tion un peu surchargée, un peu
courbe. plissent silencieusement des tâ- trop symbolique, prêté le flanc à
Lire Ce cher point du monde, ches mystérieuses et spécifiques), des interprétations qui ne peu-
c'est, il me semble, suivre à la la Révolution (avec son cortège de vent être que réductrices. Une lec-

La Quinzaine littéraire, du 16 au 31 man 1970



FANTASTIQUE

Unem.achine
plus rassurantes étant, hien sûr, Ça y est : l'âme roman- structuraliste à ~a littérature ture radieusement. agressjve-
celles de 1'« action ~. Ce n'est pas tique et le rêve ont été hap- fantastique a b 0 u t i t à une ment moderne. les voici au
un hasard si Lorris fait partie suite de petits résumés, cor- contraire non seulement clas·
pés par l'engrenage. Avant
d'une troupe théâtrale; ce n'est sées et étiquetées selon un
pas un hasard non plus s'il passe toute discussion raisonnée, rects et secs, d'œuvres dont
système assez tâtillon et em-
sa vie à jouer avec des douhles : à disons notre déception de nous attendions, en raison de
brouillé. mais encore dépouil-
commencer par ce Monsieur Elka simple lecteur, qui se fiche la personnalité parUculière- lées de toutes jes interpréta-
imaginaire qu'il a fahriqué de ses pas mal de la m é t h 0 d e ment complexe de leurs au- tions suggestives qu'on avait
initiales, et dont les mésaventures employée, pourvu que le teurs (Poe, Hoffman, Gogol. pu en donner, et douées
contées avec une tendre ironie rés u 1ta t soit intéressant. Nerval, etc.) et de l'origina- comme des papillons morts
coupent le roman d'épisodes inat· L'application de la méthode lité du genre choisi, une lec- dans leurs boîtes de verre.
tendus, - pour continuer par Sé-
hastien, le jeune neveu retrouvé
dans une ville «frontière~, qui
lui offre, à vingt ans de distance, Tzvetan Todorov étions ! Nous pour qui la moitié hommes de lettres. Les réponses,
outrr. If' l'ouvenir d'une jeune fem-
me autrefois aimée {Anna, douhle
elle-même de ces deux douhles
que sont Lucia l'actrice et Tanka
la conspiratIjce), le miroir' de sa
1 Introduction à la
littérature fanta~tique
Le Seuil éd., 192 p.
de l'intérêt d'une critique réside
dans la personnalité du critique !
Et de nous Tappeler, avec un
étonnement honteux, toutes les
fois où nous nous sommes laissés
hélas, seront hien déprimantes.
On voit partout, dès aujourd'hui,
les effets de cette obsession : un
conformisme ahurissant de la cri-
tique dite d'avant-garde, une
propre incertitude. Le rôle du crItIque n'a nulle- refaire, comme des nigauds : par obéissance servile au vocabulaire
Les plus helles pages du roman, ment consisté à nous faire péné- le Poe de Baudelaire, par le Bau- de l'école, une peur horrible d'a-
écrites dans un style haché, vio- trer plus avant dans la compré- voir l'air original. Qui oserait
lent, rapide, d'une remarquahle hension de ces textes, mais à nous écrire encore des essais avec la
efficacité narrative, sont celles où en retirer, pour ainsi dire, la liherté, la sensibilité, la pulpeuse
se laisse voir à découvert ce filon jouissance, à nous forcer à couper nonchalance d'un Marcel Moré,
imaginatif, dont le déroulement les relations personnelles que le dernier amateur, dont le recueil
obéit davantage aux lois incon- nous avions pu établir avec eux. posthume La Foudre de Dieu au·
grues du rêve qu'à la pesante dia- Vous croiriez que toute critique ra été le plus beau livre critique
lectique révolutionnaire. Ici enco- devrait chercher à nous fournir de l'année? Pour un .Roland'
re, on pense à l'auteur du Châ- de nouveaux motifs de nous sen· Barthes, qui étincelle de talent
teau. Sébastien ne nous est-il pas tir liés aux œuvres que nous et sait faire naître en quelques
présenté comme «un petit Franz aimons ? Erreur ! La grande af· phrases qui n'appartiennent qu'à
Kafka au mince sourire»? Ce faire aujourd'hui c'est de traiter lui le monde tout entier d'un
petit Kafka, rouage minuscule la littérature comme un tas de écrivain, avec ses vertèbres et ses
d'une organisation qui le manœu- cailloux ramassés dans le désert. lois peut-être, niais aussi avec.B.OJ1
vre, a, en vérité, hien autre chose Quelle race étrange de gens ! épaisseur et sa saveur, ses cir-
en tête que la Révolution. Il est Cuvier, à partir de l'unique ver- cuits souterraÎlis et 1le8 dimen-
plus proche de Peter Ibhetson et tèbre qu'il possédait, recomposait sions mystérieuses (cf. l'amusant
des égarés du romantisme alle- tout un univers disparu. Eux, qui aperçu sur Jules Verne dans le
mand que des stratèges de la pri- ont à leur disposition les monde!\ premier numéro de la revue
se du pouvoir ou des théoriciens riches et complets de tant d'écri- « Poétique »), que de Vadius et
de la société de consommation. vains, ils ne s'intéressent qu'à. la de· Trissotins ! Todorov, certes,
C'est un homme qui rêve et que vertèbre. n'est ni l'un ni l'autre; je trouve
son rêve tue. C'est un homme qui quand même comique qu'il repro-
aime et que son amour tue. «Un Au reste, Todorov, qui a cet .y~.i:. dt'>!{ JJ4"1~?' "'),~NNÛ .,;//-;-Yô..
che à Northrop Frye de faire un
homme, voilà tout ». Mais aussi, immense mérite, dans la cohorte ; ~ /,,1"••'.~h>1I :!.J <(,." ,.,.7:01"~fJ /()'.~~
usage trop fréquènt du mot MI.
«le premier ennemi visible. Le des suiveurs, d'être clair, facile, vent : péché capital contre le
delaire de Sartre, par le Lautréa-
seul appartement ». Celui qui ne intelligible, d'éviter l'hermétisme devoir de n'imprimer que des
mont de Bachelard, par le Rim·
se laissera pas réduire. et le charabia si fort prisés de certitudes indiscutables- ! (Notons
baud d'Yves Bonnefoy... Mais Te-
La littérature, si elle veut dire nos jours et de définir les mots. à ce propos que Todorov est un
venons à des pensées plus
quelque chose, n'a peut-être rien quand il - les emploie hors de des rares critiques français à
sérieuses.
de plus à nous dire, en ces temps l'usage; joint à ces qualités.l'hon- avoir une connaissance de pre-
de répression, que cette obstiua- Déteté et la modestie. «En poétique, on se contente mière main du Formalisme russe
tion-là. Rien d'autre à désigner d'établir la présence de certaim
qu'un «point du monde », parmi r
« N ow comidérom œuvre lit-
éléments dam r œuvre; mais on
et du New Criticism américain).
des millions d'autres points, que téraire comme une structure qui Le sem étant dédaigneusement
peut acquérir un degré élevé de
la mort - ce cortège de répu- peut recevoir un nombre indé- abandonné aux critiques, l'e~a­
certitude,· cette connaissance se
gnants coléoptères qui apparaît fini d'interprétatiom; celles-ci men de la structure revient donc
laissant vérifier par UM série de
à la fin du livre - peut hien dépendent du temps et du lieu de aù poéticien. Par structure, il
procédures. Le critique, lui, se
«,avaler» : tant qu'il y aura un leur énonciation, de la personna- faut comprendre tous les élé-
donne une· tâche plw ambitiewe :
lité du critique, de la configura-
«imperceptible témoin» pour
tion contemporaine des théories
nommer le sem de œuvre; mais r ments littéraires de l'œuvre"-non
seulement respect verbal et syn-
saluer sa défaite. Même s'il devait de cette activité, le résultat ne
dire· finalement qu'il n'a «rien ~thétiques. et ainsi· de suite. taxique (s'arrêter là serait retom~
peut se prétendre ni scientifique
vu ».. La partie ne sera pas jouée Notre tâche, en revanche, ~t la her dans les vieilles distinctions
description de cette structure ni c objectif'.' (p. 149)
et les nécrophiles de tous bords entre formes et contenw) , mais
n'auront pas vaincu. crewe qu'imprègnent les inter- n faudra un jour étudier pour- surtout l'aspect sémantique, c'est-
prétatiom d~ critiques et des quoi la frénésie de rivaliser ~vec à-dire les thèmes. Naturellement,
Bernard Pingaud lecteurs. » (p. 101) Naïf que nous les hommes de science a saisi les nous attendions l'auteur à l'étude

10

qUI lDoud du vide
structuraliste des thèmes. Puisque systèmes imaginés depuis Taine ? tel qu'il se manifeste dans le
le mot de thème est gardé, que Voici un exemple précis de con- Moine, ou de la mort, dans la
recouvre-t-il de nouveau,- qui avait tre-vérité. Puisque les thème8du Morte amoureu8e, comme r aurait
échappé à la critique thématique ? je, selon Todorov, ressortissent à fait une critique des thèmes;
Tout de 8uite nOU8 pre88entons une perception du monde plutôt nous nOllS sommes contenté de si-
que la réussite ou l'échec du livre qu'à une interaction avec lui, les- g",aler leur existence. Le résultat
va se jouer dans la 8econde partie, voilà liés plus particulièrement au est une connaissance à la fois plus
consacrée aux thèmes. Et en effet, sens de la vue. Or les contes de limitée et moins dÏ&cutable. :.
après les cent premières pages, Hoffmann révèlent en plein les (p. 149). Merci bien! Quand je lis
arides et chipoteuses, employée8 structures du je. Donc Hoffmann le Nez de Gogol, je vois bien qu'il
surtout à réfuter l'interprétation est l'écrivain fanta8tique où tout' s'agit d'un nez, je n'ai pas besoin
des précédents exégètes du fantas- se ramène au regard. Pas de qu'un autre me c désigne:t ce
tique et à préciser le credo mé- chance. Hoffmann composait de nez. Chercher la 8tructure et rien
thologique (anathème sur Roger la musique en même temps qu'il que la structure revient souvent à
Caillois, indulgence pour Jean- écrivait des récits, et c'est lui qui la pure tautologie.
Pierre Richard, dithyrambe8 pour a formulé la théorie des corres-
le groupe 8tructuraliste français), pondances que Baudelaire a citée Reste l'objection majeure. La
voici tout à coup une matière net- dans le Salon de 1846 : c L'odeur distinction des thèmes du je et
tement plus abondante, un peu de des soucÏ& bruns et rouges produit du tu correspond, ainsi que le
chair autour de la vertèbre. surtout un effet magique sur mtI rappelle Todorov, à la distinction une totalité et unité dynamique:.
personne. Elle me fait tomber établie par Freud entre le monde (p. 100) et Ile refuller absolument,
Il y aurait deux séries de thè- dans une profonde rêverie, et j'en- dè la psychose et celui de la né- d'autre part, à tenir compte de
mes dans la littérature fantasti- tends alors comme dans le lointain vrose. C'était donc cela, la rai· l'interaetion entre l'écrivain et
que. D'une part les thèmes du les sons graves et profonds du son pour laquelle on avait tout son œuvre, n'est-ee pas Ile condam·
je, qui mettent en question le8 hautboÏ&. » Pas une seule ligne de à coup senti passer un souffie vi· ner à ne re~arder qu'un tout petit
relations de l'homme avec l'uni- vifiant ! La bonne vieille théorie bout de celle-ci ?
vers, ses notion8 de temps et d'es- psychanalytique était venue prê-
pace, et condui8ent au monde des ter renfort, encore verte malgré Cette position est si intenable
métamorphoses, du dédoublement son âge, et bourrée de choses à qu'elle POU8llC le plus honnête à
et de la folie. D'autre part les dire, et ravie de communiquer la mauvaÎIle foi. Il le trouve que
thèmes du tu, qui mettent en un peu de sa vitalité à sa cadette l'objet de la controverse va être
question les relations de l'homme rabougrie et pâlote. encore Hoffmann. Citation de
avec son désir et avec son incons- Freud : «E.T.A. Hoffmann était
cient, et conduisent au monde de Mais ici, coup de pied de l'âne : renfant d'un marÙJge malheu-
la sexualité, de la cruauté et de après avoir rendu son hommage, reux. Lorsqu'il avait troi, ans, son
la mort. Todorov se demande s'il ne vient père .e sépara de sa petite f.
pas de commettre l'hérésie des miUe et ne revint plus jamais au·
Cette di8tinction éveille aussitôt hérésies. Le crime de Freud, et près d'elle:., etc. (p. 159 : le «et
en nous un souvenir que -Toda- de ceux qui essayent d'appliquer caetera:. est de Tedorov. Corn.
rov, il faut le reconnaître; va un la psychanalyse à la critique lit- mentaire de Todorov : «Holf-
peu plus loin, honnêtement, nOU8 téraire, consiste, on le sait, à mtlnn, qui a été un enfant mol.
remettre précis en mémoire. Pour croire que le texte désigne autre heureux, décrit les peurs de r en-
le moment, enchantés d'avoir en- ch08e que le texte, qu'il renvoie fance; maù pour que celte
fin quelque chose de substantiel à un auteur, qu'il est l'expression constatation ait une valeur expli-
à déguster, nous risquerions de de pensées, de sentiments ou de cative, il faudrait prouver soit que
ne pas prendre garde que cette fantasmes. Stupide crédulité ! Le tous les écrivains malheureux dans
révélation ultrascientifique des texte n'est que le texte ! Le texte, leur enfance font de même, soit
8tructures n'est pas moins sujette mot-talisman, mot-tabou de l'é- que toutel les descriptions Je
à caution, pas moins arbitraire, cole,_ Ils répètent «le te-exte:. peurs enfantine, viennent d'écri-
pas moins louche que le dépistage Deein exécuté par Poe avec une ferveur tremblante, vains dont r enfance a été mal-
des thèmes par les vieux moyens Todorov sur Hoffmann ne pour- comme l'immortel Brid'Oison ré- heureuse :.
empiriques. Pourquoi ces deux rait faire croire que cet écrivain pétait «la fa-orme :t. On rit, d'ac-
séries du je et du tu ? Pourquoi était capable d'écrire une phrase cord, mais c'est plutôt conster- Non, non et non! Freud n'a
ces deux-là seulement ? Pourquoi comme celle-là, pourtant si mer- nant. Consternant d'entendre quel- jamais voulu «expliquer:t l'œu-
par exemple (p. 146), les préoc- veilleusement révélatrice de son qu'un d'intelligent déclarer que vre de Hoffmann par le trauma
cupations relatives aux cadavres génie. A force de ne vouloir tâter pour préserver la 8pécificité de de 8a troisième année ! Il est vrai
et au vampirisme seraient-elles que du certain, la méthode fa- la littérature il faut étudier celle· que de nombreux disciples de
liées au thème de l'amour ? Où brique du faux, et e8camote l'im- ci à part de8 hommes qui l'ont Freud, avec leur zèle un peu pri.
est la différence entre les thèmes portant. écrite : comme si le meilleur maire, ont donné crédit à cette
etructuraux d'une œuvre et les moyen, justement, de nier cette opinion ridicule que la psycha-
thème8 appartenant en propre à Ainsi, les thèmes de l'inceste _spécificité n'était pas d'examiner nalyse fournirait, à la demande,
l'écrivain, sinon dane la fantaisie et de l'homosexualité, 8i fréquents les œuvres d'art du même œil des clefs pour ouvrir les portes.
de l'exégète? A quoi bon une ~ans la littérature fanta8tique, que n'importe quel autre produit Mai8 pas tOU8 le8 disciples de
méthode qui tout en brimant sont expédiés ensemble en deux de l'industrie humaine, comme Freud : qu'on se rapporte seule-
cette fantaisie par les restrictions pages. Rien à dire sur le sujet, des moteurs de voiture, par ment à l'C88ai magistral de Mar-
bureaucratiques qu'elle lui im- pas plus que sur le nez de GogoL exemple. Dire d'un côté que l'am- the Robert 8ur Van Gogh : elle
pole, n'offre pae plus de garanties «NofU n'avOlU pas cherché ci don- biance de la nouvelle critique est ne se contente pa8 de «désigner_
ecientifiques qu'aucun des autres ner une interprétlrtion du dém, de «considérer r œuvre comme le soleil et les cyprès, elle les in·
~
La Quiuaine littéraire, du 16 au 31 _ . 1970 11
~ Todorov Les revues
tègre dans l'ensemble d'une vie Poétique veut Weinrich - possède le statut de la Tel Quel
et d'une œuvre, avec un égal sen- parole. (N° 40 - Hiver 1970). -
timent de ce qu'est la psychologie L'essentiel de ce numéro est constitué par
La part insolite de ce numéro revient à un inédit de Georges Bataille: Le Ber-
et de ce qu'est la peinture. De une autre œuvre étrangère, les extraits ceau de l'humanité consacré aux décou-
toute façon, rendre responsable d'un ouvrage de Khlebnikov, Livre de. vertes archéologiques de la Vézère. Paule
des abus de ses émules Freud préceptes, présentés par T-odorov. Khleb- Thévenin poursuit sa lecture d'Antonin
La création aux éditions du Seuil d'une nikov, chef de file des futuristes russes, Artaud tandis que Marcelin Pleynet
lui-même (lui qui savait parler nouvelle revue, Poétique, illustre le pro- était un esprit étrange, à mi·chemin du nous donne des extraits d'un long texte :
des écrivains avec une compré- fond changement intervenu en France délire et de la logique. Hanté à la fois Incantation dite au bandeau d'or. Outre
hension si mesurée et avec une dans les méthodes, comme dans les inten- par les nombres et par le langage, il a lais- un entretien avec le romancier Jacques
telle méfiance envers sa propre tions, de la critique littéraire. Le sous- sé des teJttes surprenan18 où s'entend un Henric, qui nous donne sa conception de
titre précise ces intentions: revue de écho bizarre de certaines intuitions de l'avant.garde révolutionnaire, Philippe
méthode), c'est commettre une théorie et d'analyse littéraires. C'est dire Mallarmé ou de Jarry. Ainsi, Khlebnikov Sollers dont on ignorait les qualités de
falsification volontaire. Freud ne que les animateurs de la revue - Hélène fait·il apparaître des séries gouvernant le sinologue, nous donne la traduction de
pense pas que parce qu'on a été Cixous, Gérard Genette et Tzvetan Todo- retour, dans l'histoire, des événements de dix poèmes récents de Mao-Tse·Tung.
rov - entendent le mot Poétique dans même nature. Par exemple, les débuts de
malheureux à trois ans on écrira l'acception d'Aristote. Ils veulent considé- tous les Etats sont séparés par un nom-
à quarante-cinq ans la Princesse rer les formes et les genres en tant que bre d'années constant (365 + 48) n = La Revue de Paris
Brambilla, ni que tous les en- tels, dans le dessein d'établir une théorie 413 n (Angleterre 827 • A Il e ID a g n e (Février 1978).
Iants placés dans la même situa- du discours littéraire. 1.240 • Russie 1.653). On voit ce qui a - Au sommaire, René Huyghe, Margue-
pu intriguer un homme comme Todorov rite Yourcenar, Marcel Thiry, Roger Cail-
tion doivent avoir le même destin. lois, Gérard Mourgue ainsi que des étu-
Ils rompent avec des habitudes criti- dans ce poète mathématicien : la présence
Mais il pense qu'un homme ne ques nées du mouvement romantique et d'un ordre, d'un code, qui informerait des sur Jule. de Goncourt (par Florics
peut pas être tout à fait le même qui distribuaient toute la lumière sur l'in- l'histoire comme un code sous·tend le Dulmet) et sur Hector Berlioz (par B.éa-
si son père l'a abandonné trop dividu créateur, sur sa psychologie ou sur discours. trice Didier et Françoise de la Sablière).
jeune, et il suggère que si on l'insertion de l'œuvre dans l'histoire.
veut comprendre à fond et l'hom- A cel inventaire trop rapide, on vou- SJ'llepses
Un tel programme effarouchera cer- drait ajouter deux remarques. La première
me Hoffmann et l'œuvre (les deux concerne les relations de telles recherches (N°s 1 et 2). - Une jeune
tains qui verront se dessiner, derrière de revue créée par les étudian18 grenoblois.
étant liés à vrai dire), il faudrait telles notions, celle, plus rébarbative et et de l'histoire. Certes, Poétique veut
Voix très jeunes et maladroites où, au mi-
suivre dans le développement de peut·être inquiétante, de science de la lit- rompre avec la critique romantique, ob-
lieu de réminiscences presque obligatoires,
térature. Mais la lecture du premier nu- sédée par l'histoire littéraire. Mais, l'his-
la biographie de Hoffmann et toire n'est pas pour autant escamotée. Elle
des voix fraîches se font entendre, celles
méro (il en paraîtra quatre par an) fera notamment de Marc Degryse et de Ber-
dans la construction de son œu- justice de ces alarmes. La revue est étran- est présente, même si son objet est dé-
nard Gautheron. L'important est surtout
vre, parallèlement, les répercus- gère à tout dogmatisme. Elle se montre placé: « Nous ne voulons ptU, écrit Poé-
que cette revue est imprimée &"Jtuitement
sions du choc infantile, indiqué accueillante et ne s'enferme pas dans un tique, i&norer que (cette) littéralité, dam
lu éléments comtitutifs de son jeu com- par l'imprimerie de la faculté des Lettres
carcan. Il est vrai que la majorité des
ici comme l'élément de départ articles manient les méthodes de la lin- porte, ou plutôt constitue elle.même une et des Sciences de Grenoble. Cet exemple
qui en se mélangeant à tous les d'une université s'intéressant à la créa-
guistique, de la rhétorique, de la stylisti- histoire, qu'aucune théorie ri&oureU&e-
tion poétique est suffisamment exception-
autres épisodes de la vie aura que ou de la sémiologie. Certaines études ment conduite ne peut lon&temps mécol'}-
nel pour qu'on le souligne...
donné sa coloration particulière opèrent par d'autres voies. C'est avec le naître. Cette histoirè de la littérature
qui, après plus d'un demi-siècle d'histoire J.W,
soutien de la psychanalyse qu'Hélène
à la personnalité du conteur. La Cixous analyse la fonction de l'écritur.e littéraire, nous fait encore si lourdement
seule réponse à cette suggestion chez Henry James. défaut, nous voudriom aussi favoriser son L'Ara
de Freud consisterait à écrire élaboration ».
Sortant d'un musée où trop de com-
une psychobiographie et une psy- Il était légitime qu'une revue de cette
mentaires l'avaient depuis longtemps re-
sorte fût ouverte par Roland Barthes. De ce souci théorique, le premier nu-
chocritique de Hoffmann, tâche méro présente quelques illustrations. clus, Beethoven, deux siècles après lia
« Par où commencer?» s'interroge-t-il et
bien évidemment plus longue et quel critique, en effet, ne s'est pas posé Hans-Robert Jauss étudie la littérature naissance, cesse d'être un événement et
difficile que de dégager au ha- médiévale en fonction de la théorie des reprend vie à notre lumière. « Beethoven
cette question? Comment choisir le fil
genres. En réalité, il apporte une contri- au présent JI pourrait être le titre du der-
sard quelques thèmes coupés du - ou la pertinence - qui permettra de
bution à l'histoire des genre.. Il est vrai nier numéro de l'ARC, et non par le
contexte vital et tendancieuse- dévider les réseaux secrets d'une œuvre ?
que les formalistes russes avaient déjà seul fait qu'elle ait été rédigée par des
Il n'est pas certain que Barthes apporte
ment regroupés. perçu que les genres ont une histoire, mais auteurs contemporains, mais aussi par la
réponse décisive à travers l'exemple qu'il
celle·ci était conçue comme un processus volonté de ceux-ci de ne considérer que
traite - L'Ile mystérieuse, de Jules Ver-
immanent à l'évolution des systèmes litté- la permanence d'une œuvre musicale.
Mais trêve de cette guerre d'u- ne, mais le décodage qu'il fait de la
raires en tant que tels. Au contraire, Jauss « Ce n'est ptU moi qui parle de Beetho-
sure entre différentes méthodes. prose vernienne est fascinant. Au point
qu'cn se demande, au risque de déplaire tient que l'historicité d'un genre ne ven, c'est Beethoven qui parle de moi.
La critique moderne étouffe sous s'épuise pas dans une succession de sys- Il parle de 1I0US Il, écrit André Boucou-
à Poétique, si le talent de celui qui manie
la méthodologie. L'œuvre de l'é- la méthode structurale n'est pas plus ef- tèmes et qu'il faut tenir compte de la rechliev dans sa préface. celle
ficace que la méthode elle·même. fonction exercée par la littérature dans
crivain ne sert plus que de loin- la société ou dans la vie. A travers une quinzaine d'articles réu-
tain prétexte à des disputes entre nissant les signatures de compositeurs
Le renouveau critique dont témoigne La dernière remarque nous reportera tels que Stravinsky, Pousseur, Stockhau-
docteurs qui savent à peine de Poétique a été précédé - ou bien il est sen, de musicologues ou de sociologues,
quoi ils parlent. A lire cette In- au titre choisi pour la revue. Pour Aris-
accompagné - par des recherches étran- tote et pour tous les critiqJl.es classiques, se recompose la quête d'un musicien, à la
troduction à la littérature fantas- gères: Formalisme russe, New Criticism la théorie littéraire analysait formes et fois précise et ineffable comme le temps
tique, à voir une machine si mi- anglo-saxon, Literaturwissenschaft alle- genres en vue d'ériger en norme la tra- qui ne l'a pas mesuré.
mande. Dans Poétique, Harald Weinrich dition existante. Le vécu littéraire se trou-
nutieusement mise au point mou- examine les structures narratives du my- La conscience politique de Beethoven,
vait canonisé et tout décodage s'opérait
dre du vide pendant deux cents the. Texte pénétrant dont la conséquence à travers la grille de la norme. Les criti-
révolutionnaire tel que le décrivent Bri-
pages, on se dit que pour faire est de corriger les lectures que nous fai- gitte et Jean Massin, la relation de son
ques de Poétique renversent ce parti. Ils œuvre au monde, interrogation de Roland
de la bonne critique tempéra- sons ordinairement des mythes. Le mythe, mettent l'accent moins sur le discours
selon Weinrich, est narration, non argu- Barthes, ou encore la lente recherche de
ment vaut mieux qu'instruments, que sur les possibles du discours. Autre- son identité (comme celle d'un Perceval)
mentation logique. Or, l'occident moderne ment dit, les œuvres écrites sont regar-
et que nul ne devrait se mêler de ne peut pas s'interdire d'infuser, à l'inté- retracée par Alfred Kern, tous ces actes
dées comme des modèles réels qui n'ex- d'une pensée révélée se confondent avec
littérature avant d'être sûr de pos- rieur d'un code narratif, des codes argu- cluent pas d'autres combinaisons. Il de-
mentatifs et rationnels. Pour Weinrich, nos exigences les plus profondes et les
séder, en même temps qu'un ne meure toujours un autre passible du dis- plus obscures.
même un homme aussi scrupuleux que cours littéraire, derrière le réel des œu-
pour sentir le parfum des soucis, Lévi.Strauss n'échappe pas toujours à vres écrites. L'objet de la théorie litté- Si un tel parti pris a pu entraîner quel-
des oreilles pour entendre le son cette tentation. C'est que la linguistique raire - et l'on voit a leurer ici un thè- ques auteurs dans des considérations par-
des hautbois. structurale de la «première génération JI me cher à Roman Jakobson - devient fois aventureuses (Dominique Jameux ou
n'offre de méthode que pour une linguis- alors, au-delà du réel littéraire, tout le vir- Stockhausen notamment), la plupart des
tique de la lanBU6, alors que le mythe tuel de la littérature. études s'appuient sur des faits précis.
Dominique Fernandez - s'il est stricte narration, comme le G-. L. L.D.
12
Vie secrète
1
André Dhôtel petite fille aimée et lointaine,
Un jour viendra viendrait-elle ? Irait-il là-bas ?..
Gallimard éd., 194 p.
Un nouveau livre d'André Dhô-
Antoine, repris par son «insou-
ciance~, semhle s'en désintéres-
ser. Etendu dans sa prairie, il
CrS.FANTI
COITII
tel, c'est l'espoir d'un voyage, de revoit les images saintes de f égli-
rencontres inattendues, de paysa- se de Bloise, et c'est alors qu'il
ges d'enfance retrouvés, d'une est saisi d'une joyeuse et inébran-
amitié secrète, et toujours, tout au lable certitude.
bout, tout à la fin, d'une silhouet- Confiance dans les images, con-

LB
te de jeune fille qui dit «Oui ~ fiance dans les mots. Tel l'Enfant
sans cesser d'être, délicieusement, qui disait n'importe quoi pour si-
mystérieuse. Et Dhôtel ne déçoit gnifier qu'il y avait en lui ou au-
jamais cet espoir, même s'il se tour de lui quelque chose d'inex-
répète, même si ses itinéraires et primable, André Dhôtel écrit des
ses visages ne sont plus, ne veu- livres admirablement saugrenus,
lent plus être, tout à fait une sur- au double pouvoir d'évocation et
prise. d'invocation. Son étrangeté, c'est
L'enfant, le jeune homme, puis la simplicité que nous ne savons
l'homme d'Un jour viendra fait plus voir. Dhôtel, dans Un jour
partie de ces enchanteurs enchan- viendra comme dans tous ses li-
tés. Parce qu'il recherche, parce vres, nous fait découvrir une vie
qu'ils pressent, une grâce enfouie
quatre psychanalyses
tissée de secrets, qui sont les nô- un médecin,
au plus profond (et en même tres comme les siens, mais que lui
temps au delà) des billes de ver- un prêtre,
connaît par cœur. un officier supérieur américain,
re, des cartes postales, en somme Lionel Mime
des images. (Il n'était pas capable une jeune eurasienne


de s'intéresser à autre chose qu'à
des images), Antoine éprouve le
besoin irrésistible de s'emparer
de celles-ci. Objets «sans prix:t :
une descente aux enfers
pour les habitants de la petite
ville, Antoine n'est pas un voleur.
de l'inconscient...
mais un kleptomane. On ne le parmi qu.i remet en cause l'homme normal
craint pas, mais on se méfie de tous les romans
lui. Comme le petit Gallpard Fon-
tarelle du Pays où fon n'arrive
parus en 1969... FLAMMARIDN
jamais, qui suscitait malgré lui
des catastrophes, Antoine est les lauréats
c: marqué :t, mis à l'écart.
Car longtemps le merveilleux des prix de
qui pèse sur sa volonté lui aura
semblé une malédiction. Et puis
fin d'année
tribulations, voyages fantastiques ont décerné
comme ceux de lulin Grainebis,
ne sont pas son fort. Son fantas- le
tique est plus intérieur : à qui
sait rêver sur une image le voyage
paraît inutile. Antoine rêve, et PRIX HERMES
alors son rêve lui apporte une
brusque insouciance : les choses à
sont toujours pleines de promes-
ses. Il suffit de contempler, inter-
minablement, certaine prairie,
pour y découvrir un monde, l'ima-
ge du monde, peut-être le monde.
Pour le reste, la vie, le bonheur,
l'AMATEUR
après tout un jour viendra...
Etre heureux ne veut sans dou-
te rien dire pour André Dhôtel,
dans la mesure où le bonheur ré-
DE CAFE
sulte d'une quelconque c: satis-
faction ». Il est en quelque sorte
d'Edouard
le poète des mains vides, et des
cœurs qui débordent. Trop pleins
Mattéi
d'un amour qui, ici en particulier,
tend à dépasser son but le plus
immédiat, même si ce but fut lon-
guement poursuivi. Clarisse, la ROBERT",~ LAFfONT
13
POIIDAIIC. 8
Pound
Lettres d'Ezra Pound Son but : la libération de l'écri· surtout parce qu'elle renvoie de protège beaucoup plus que l'homme.
Quant à Joyce il concède à

1
fi James Joyce ture par la libéralisation de l'édi- lettre en lettre au rapport de cha-
avec les essais tion, donc du système social qui cun d'eux à son art, et plus généra- Pound, - dont il semble oublier
de Pound sur Joyce l'assume. Pound attaque sans répit lement à la conception et l'élabo- l'entreprise poétique, - une grande
Mercure de France, éd. 350 p. l'écriture bourgeoise, conformiste, ration de l'écriture, en métamor- intelligence. Leur rencontre au
avare, représentée par Shaw • phose surtout dans l'entre-deux bout de sept ans de correspon-
Bennett - Chesterton, et prône les guerres. Le dévouement de Pound dance (et sur l'insistance de Pound),
« révolutionnaires » T.S. Eliot - à Joyce est moins le fait de l'amitié est un simulacre : facticité, signe
Pound est à Londres depuis Lewis • Joyce, désignant bientôt que d'un procès d'identification du que s'ils se trouvent ce n'est jamais
1908, Joyce en exil italien de- comme triade responsable de la poète à celui dont il reconnaît, avec qu'au lieu où tous deux font cause
puis 1904. Ils n'ont pratique- coupure de l'écriture e.e. cummings une immédiateté surprenante, qu'il commune contre l'interdit qui veut
ment rien publié. Mais Joyce - Lewis • Joyce, meurtriers de est le maître unique du texte en maintenir la littérature sous le joug
travaille déjà à Dédalus lors· la molle prose anglo-saxonne; prose. L'identification vire assez vite de « la bigoterie bestiale » du lce-
qu'en 1913, Pound lui écrit Joyce jouissant du privilège d'être à la frustration, lorsque le maître teur, de l'avarice des « pourvoyeurs
pour la première fois, à l'ins· le premier, le plus monumental, prend son dû sans jamais recon· en littérature » et de la censure dont
tigation de W.B. Yeats, pour et le successeur de Flaubert qu'il naître la valeur créatrice de celui le chantage est tel que, depuis 1907,
lui demander de contribuer à prolonge et dépasse en tout. qui lui fraie un chemin, jusqu'à Joyce n'a pu encore trouver l'édi-
son anthologie des Imagistes, Introduite par Forrest Read qui prendre soin de sa santé, de se" teur qui se risquerait à publier Gem
Alors commence une corres- fournit leur contexte biographique enfants, en faisant son affaire lit- de Dublin. Jusqu'à la publication
pondance qui se constitue en et insère les essais critiques de téraire, par un respect suprême difficile d'Ulysse par la Little Re-
histoire de la Bataille de la Pound sur Joyce, cette correspon. pour l'état d'écrivain. Il faut que view ( deux fois saisie) les lettres
~ttre, entre 1912-13 et 1941, dance met en scène les épisodes Joyce écrive dans les conditions de de Pound sont d'abord l'écho d'une
bataille dont Pound fut l'ani· d'une relation ambiguë entre deux son choix même si ce choix res- lutte incessante pour publier, diffu-
.mateur et le théoricien iné- personnalités dissemblables jus- semble à un parasitisme organisé. ser Joyce, en mettant à contribution
puisable. qu'au contraste. La relation vaut C'est Joyce le précurseur que Pound un réseau d'influences hétéroclites,

INFORMATIONS part dans la mer Egée et plus préci- Jaok London Léon Trotsky, tous relatifs à la der-
sément sur l'île volcanique de San- nière Guerre mondiale : Sur la Deuxiè-
torin. Ce sont les restes de cette civi- Les amateurs des romans de Jack me Guerre mondiale. Dans sa préface
lisation, en particulier l'admirable pa- London (récemment réédités par Gal- à ce recueil, Daniel Guérin fait un
lais de Cnossos, qui aurai.ent alimenté limard) liront avec intérêt et profit rapide décompte des prophéties de
la légende de l'Atlantide. Une légende un Jack London, l'aventurier des mers, Trotsky et constate qu'elles se sont
dont le premier propagateur s'appelle d'Irving Stone, aux éditions Stock. Ils presque toutes réalisées. Toujours de
Platon, dans le Critias, et qui plaçait y liront ie récit d'une vie assurément Trotsky, Buchet-Chastel réédite le
Jean Dubuffet déjà l'Atlantide (du nom d'Atlas) en plus mouvementée que celle de Pa· Marx.
Méditerranée. pillon et vouée à des Idéaux, disons
Les faSCicules XI et XII du Cata-
logue des travaux de Jean Dubuffet moins terre à terre. Ce vagabond qui Jésus, par un Juil
viennent de paraître (distribution commence à écrire à 19 ans et qui,
Weber). Le faSCicule XI rassemble ce L. Moyen Age très jeune, conquiert la gloire, a
connu à peu près tout de ce que pou- Un livre sur Jésus, écrit par un
qùl se rapporte à • charrettes. jardins, Juif, est publié par le Seuil. Il s'agit
personnages monolithes, le XII est La nouvelle Histoire de la littéra- vait offrir la vie d'un XIX' siècle finis-
sant à un aventurier de son espèce du Jésus, de David Flusser, professeur
consacré aux • Travaux d'assem· ture française, dirigée par Claude Pi- à l'université hébraïque de Jérusalem
blages •. chois aux Editions Arthaud, s'enrichit et qui, originalité supplémentaire,
était devenu socialiste avant d'attein- et spécialiste de l'époque du Nouveau
d'un nouveau volume : L. Moyen Age, Testament. M. B.D. Dupuy, a.p. qui
tome l, • Des origines à 1300 •. Il est dre sa majorité. Plusieurs fois à la
tête de fortunes considérables (ga- préface le volume dans sa traduction
de M. Jean-Charles Payen, professeur de l'allemand, se déclare satisfait des
Au oommencement... à l'université de Caen. Comme les gnées par ses livres), il en fit pro-
fiter trop d'amis pour finir dans la positions de l'auteur et pense que
volumes précédemment publiés dans la • s'II est certain que l'ouvrage inté-
même collection, il comprend une peau d'un nanti. A 41 ans, à court
Les Editions Paul Castella, à Albeuve d'argent, pessimiste et alcoolique, Il ressera les juifs, Il ne sera pas moins
(Suisse) . publient en allemand. fran- Anthologie, un Dictionnaire des au- précieux pour les chrétiens -. La
teurs et des œuvres, une Bibliographie se donne la mort.
çais et anglais les premiers versets préfacier va plus loin encore: • L'ess&i
du premier chapitre de la Genèse, et une Chronologie. de D. Flusser, écrit~i1, s'adresse aux
avec des i1Iustratlons d'Adrian Frutl· libres penseurs comme aux croyants,
ger. 400 exemplaires à 61,50 francs Alice aux chrétiens comme aux juifs, et
français l'un. Interpelle les uns et les autres éga-
L. plus grand inoonnu Henri Parisot, qui a passé un bonne lement.. Oui eût osé rêver d'Url
du XIX- aiècl. partie de son temps à traouire et re- • oecuménisme - aussi large?
traduire Allee au pays des merveilles,
L'Atlantide Ouel est le plus grand Inconnu du en donne une version remaniée et qu'il
XIX' siècle? M. Alain Rey, qui dirige souhaite • définitive. pour la collec- Albert-Marie Sohmidt
L'Atlantide, la vérité derrière la lé- la rédaction du dictionnaire Robert, tion bilingue Aubier·Flammarion.
gende, tel est le titre d'un ouvrage a répondu : Littré. Littré, théoricien Les Editions Rencontre Inaugure,..t la
en forme d'album remarquablement de la médecine, historien des Idées. • Bibliothèque des Lettres anciennes
Illustré qu'ont écrit MM. Galanopoulos philosophe, poète, traducteur, témoin Trotsky et modernes. par la réédition d'un
et Edward Bacon et qu'a traduit .de politique et auteur, bien sûr, du fa- ouvrage Introuvable ; La poésie scIen·
l'anglais Tanette Prigent pour Albin meux dictionnaire. Dans le volume Après avoir publié La Révolution tiflque en France au XVI' siècle, thèse
Michel. Les deux autetJrs, un archéo- qu'il lui consacre SOUI le titre : Littré, française et nous, de Daniel Guérin, de doctorat ès-Iettres 'soutenue en
logue et un physicien, qui ont décelé l'humanllte et les mots (Gallimard. La crise de la social-démocratie suivie 1938 par le regretté Albert-Marie
l'existence d'une énorme éruption ·'vol· les Essais), il montre comment le de sa critique par lénine, de Rosa Schmidt. Le même éditeur a recueilli
CanlqUe à l'Age du Bronze. prétendent • Littré. cache une épopée : la • célé- Luxemburg. les Editions la Taupe, à du même auteur ses alertes chronl·
que ce désastre balaya en 24 heures bration de l'Homme en proie au Bruxelles (106, rue Augustln-Delporte) ques hebdomadaires : Chroniques de
une civilisation qui existait quelque Temps et aux Mots Immortels •. ' font paraTtre un recueil d'articles de • Réforme ••

1.
et Joyce
depuis le Fonds Royal Anglais, jus· fait, alors le héraut de l'avènement
qu'aux mécènes de tout plumage. mussolinien et s'engage dans l'im.
lutter pour Joyce c'est aussi lutter mense discours radiodiffusé qui le
contre les institutions réactionnaires mènera jusqu'aux Cantos Pisans.
et leur langage. Le silence de Joyce est l'accompa.
D'où l'intérêt des essais critiques gnement de la partition ironique de
qui portent sur Joyce et, à partir de Finnegans Wake où se joue une cri·
Joyce, sur l'objectif du texte, sur les tique des fausses valeurs, fiers à
droits du langage à dire vrai, même bras muscoliniens. Reste à lire les
si c'est faire violence, sur l'économie véritables « correspondances » entre
du détail dans le récit en prose, bref Joyce et Pound: elles ont lieu dans
tout ce « dossier du réalisme », qu'à leur écriture par le système de la
propos de Joyce, Pound constitue citation et de la référence culturelle,
en doctrine. fin en soi pour Pound, renvoi iro·
nique pour Joyce qui ne croit pas
Depuis le premier essai de Pound
à la culture mais au jeu de sa re·
sur Gens de Dublin (The Egoist,
présentation, qui ne croit pas à
juillet 1914) jusqu'aux articles
l'argent mais le prend à son signe,
dont il accompagne la puhlication et s'amuse de voir Pound (la livre,
de Dedalus et Ulysse, et jusqu'au Joyce et Pound, à Parill en 1923. le livre) prendre son propre nom
bilan qu'il donne (1933) à The
à la lettre. L'y prenant à son tour,
English Review, avec ses deux ver· nous vivons me semblent plus inté· dit une fois pour toutes, puis doit avec cette maitrise du travesti
sants, l'un portant Joyce au som· ressants que la période qui me pa. se figer en ce moment des temps comme caricature du changement,
met, l'autre le précipitant avec haro raît appartenir à la réminiscence modernes que Pound appelait dès qui fait paraître et dispàraître
gne, en passant par des fléchisse· - telle qu'elle me semble domi· 1912. Pound, son repoundant, porteur de
ments, se déploie une lecture de ner Anna Livia et le reste des Pound se défait de Joyce avec le ses lettres, dans le rôle du porte.
Joyce, modèle d'une lecture mili· méandres joyciens ». Finnegans sentiment d'être devenu l'instru· parole braillard et furieux, frère
tante qui veut faire loi : « Tous Wake serait l'erreur et aussi la ment d'une gloire et d'une perver· facteur du rusé scripteur qui est,
les hommes doivent s'unir pour faute de Joyce qui démontre une n'est pas, Joyce.
sion au lieu d'être l'agent d'une
célébrer Ulysse» (The Dial, juin passivité répugnante et un refus de révolution virile et réaliste. TI se Hélène Cixous
1922). Il: Ulysse résume l'Europe ce que la terminologie fascisante de
d'avant.guerre, la noirceur, la fan. Pound appelle « le sain » : « ü
ge, la pagaüle d'une « civüisation }) s'est accroupi dans le buisson de
mue par ses forces déguisées et une ses pensées, ü s'est murmuré des
presse vendue, la mollesse géné. choses, il a entendu sa voix enre·
rale, la condition réservée à l'intel· gistrée sur disque, et ü a pensé à
ligence individuelle dans ce ga· des sons des sons, murmurés dans
chis! Bloom, pour une grande part, son gilet... Il est tout à fait incons·
est cette fange. le crois que celui cient des idées dominantes et ré·
qui ne lit pas Gens de Duhlin, volutionnaires de ces dix dernières
Dedalus et Ulysse pour son plai.~ir, années. »
est un imbécile, et pour revenir La métaphore scatologique,
au public... - celui qui n'a pas l'âpreté du ton, indiquent bien que
lu ces trois livres est impropre à le prétexte politique est l'écran
l'enseignement de la littérature d'une aversion latente qui se révé·
dans un lycée... le ne parle pas sim· lait dès l'origine sous le couvert
plement de la littérature anglaise des deux écritures, en-deçà de l'His·
ou américaine, mais de toute la lit· toire et du changement: lorsqu'en
térature, car la littérature n'est pas 1918 Pound évoquait ses déhoires,
morcelée par les frontœres politi. il signalait en clair son propre re·
ques ». foulement : « l'espère que tu aime·
Se montre ICI la démarche ras mon Propertius. - l'ai autant
didactique de Pound: il s'agit de de difficulté que toi à me faire
faire bénéficier autrui (de force) publier - bien que je sois beau·
de sa découverte; et d'abord ses coup plus modéré et bien moins
collègues écrivains, pour les inciter indécent - au moins je suis peut.
à bien écrire; puis les enseignants être un peu plus phallique, mais
et étudiants de la littérature. La m'intéressent moins les excréments
marche est un aller·retour de l'écri· et les fèces humains et les puces
ture·lecture, un acte total. « Sa paraissent peu, etc. - même ceUes
critique et sa poésie, disait T.S. de l'éditeur - le public lecteur
Eliot, sa théorie et sa pratique cam· semble être horripilé par les très
posent une seule œuvre ». La direc· imprévisibles tournures du lan·
tion se fait de plus en plus impé. gage - toute référence à une habi·
rieuse : change, make new. Lors· tude ancutrale ». Les premiers
que Pound se retournera contre chapitres d'Ulysse lui avaient paru
Joyce, il le fera au nom de « la être la catharsis attendue. Mais
conscience du présent» dont Joyce une catharsis doit s'épuiser d'elle·
serait dépourvu: « Les temps que même : elle met un terme, tout est

La Quinzaine littéraire, du 16 au 31 mars 1970 15


ARTS

Un sculpteur SOVIetique • # •

John Berger matiser et c'est le plus souvent artistes à renier cette vocation et Neizvestny est un sculpteur so-

1
Art et Révolution celle d'un peuple entier qui entre à se vouloir avant tout révolution· viétique auquel John Berger s'est
80 illustrations dans la lutte, conscient de l'enjeu naires. D'autres, plus lucides peut. attaché, malgré quelques réticen-
Dossiers des Lettres Nouvelles de son combat, de sa durée, prêt être, entendent mettre au service ces à l'égard de son œuvre sur le
Denoël éd., 205 p. à toutes les souffrances et décidé de la Révolution les moyens qui plan esthétique. Il a 43 ans et vit
à les surmonter. Face à cette dé- sont les leurs, soit qu'ils sapent à Moscou. Bien qu'officiellement
c Aujourd'hui, la vérité est termination, l'impérialisme, en le monde impérialiste en dénon· condamné pour ses vues «déca.
née », dit John Berger. Cette vé· dépit de son pouvoir et de ses ri· çant par leurs œuvres ses tares et dentes et antipatriotiques », il
rité, c'est la conquête par des mil· chesses, ne signifie plus rien. L'jr. ses crimes, soit que par des re- continue cependant à travailler,
lions d'exploités de leur liherté, résistible besoin d'exister des peu- cherches formelles ils participent accumulant les projets et les ma·
de leur personnalité. C'est la con· ples opprimés, de nier l'altérité à l'élaboration d'un nouveau lan· quettes d'œuvres monumentales,
quête de l'égalité indispensable à qui leur est imposée depuis des gage qui sera celui de l'homme de réussissant à vendre, particulière.
la civilisation qui s'élabore à par- siècles, le condamne de façon iné· demain. ment dans les milieux scientifi·
tir des facultés nouvelles que la luctable, et la décadence de no- Ces deux attitudes répondent ques, des sculptures de petit for.
recherche fait naître dans tous les tre société n'est rien d'autre que l'une comme l'autre à l'appel de mat qui lui permettent de vivre.
domaines, tant scientifiques que le signe de cette condamnation. Il John Berger. Pourtant c'est à une Privé de commandes officielles, se
culturels ou spirituels. Cette véri· n'est d'autre alternative qu'un troisième qu'il se réfère pour procurant par ruse les matériaux
té nous concerne tous. Ne pas la monde où règne l'égalité. cOu aborder les rapports de l'Art et nécessaires, prêt à renoncer à une
reconnaître c'est nier les valeurs cette exigence est satisfaite, dit de la Révolution, et qui paraît un vie qu'il sait constamment mena·
dont nous nous réclamons, c'est Berger, ou il ne nous reste plus peu en retrait. La raison en est cée : c Vous parlez à un homme
courir au suicide que d'en entra· qu'à renier nos facultés et à rédui- probablement que lorsque cet es· capable de se tuer à tout moment.
ver la marche et c'est combattre re à rien notre existence même ». sai a été écrit, en 1966-67, le fait Vos menaces n'ont pas de sens
pour tout ce qui a une significa. Le constat est lucide, le cri révolutionnaire n'avait pas dans pour moi », répond.il à Kroucht.
tion humaine que de participer à d'alarme salutaire. La Révolution le monde occidental, la résonance chev. Il est une figure de proue
la lutte qu'elle implique. est œuvre de civilisation et par qu'il a aujourd'hui. Il en résulte de l'opposition au régime.
Pas un continent n'échappe à ce qu'il peut avoir de visionnaire, un décalage qui restreint l'étude Apparemment, son œuvre n'a
cette revendication, à cette néces- de prophétique, l'Art a vocation de ces rapports à un aspect que rien de révolutionnaire. De l'aveu
sité. La planète entière est désor· d'y participer. Cela n'est jamais l'on pourrait presque dire classi· même de Berger, elle relève d'une
mais ouverte. Nul ne peut ignorer tant apparu qu'aujourd'hui, mais que : la résistance à l'oppression. esthétique dépassée. Le paradoxe
les exactions actuelles de l'impé. aussi dans le plus grand désarroi. Décalage encore accentué par est qu'elle apparaisse telle parce
rialisme, même si ses méthodes La prise de conscience certaine et l'exemple proposé, lequel ne re- que condamnée par un régime
se renouvellent. Il y a toujours récente de cette situation révolu· lève pas spécifiquement de la lut· dont la vocation est précisément
une voix qui s'élève pour les stig. tionnaire conduit même certains te anti.impérialiste. la Révolution. Mais on connaît les
conceptions du stalinisme en ma·
tière d'art et il est évident que,
face au réalisme socialiste, la
sculpture de Neizvestny, qui veut
exprimer l'homme dans sa mou·
vante totalité, ne peut qu'être
clandestine, ce qui ne signifie pas
silencieuse. Son existence même
est parole et ce que les statues ne
peuvent que murmurer faute
d'être publiquement érigées, la té-
nacité, l'opiniâtreté de Neizvestny
à poursuivre son œuvre envers et
contre tout, le proclament. Il re·
joint, par ce comportement, la lut-
te des peuples exploités dont l'are
me la plus sûre est l'endurance,
cette forme nouvelle du courage,
dit l'auteur, qui n'est plus lié
comme autrefois au libre choix
du héros, mais à l'idée de liberté
qui lui donne son sens.
Pour John Berger, l'œuvre de
Neizvestny est un «monument in-
térimaire à l'endurance ». On ne
peut mieux indiquer sa portée :
elle symbolise un stade premier
de l'action révolutionnaire que
définissent des conditions malheu-
reusement trop précises pour po-
ser dans toute leur ampl~ur les
rapports de l'Art et de la Révolu·
tion.
Neizvestny: Homme bleué, bronze 1957. Marcel Bil~t

II
Images tantriques
L'amateur d'analogies s'en donnera les Impératives hampes
à cœur joie devant la «modernité * de l'alphabet de la langue des dieux.
de certaines œuvres tantriques expo-
sées actuellement au Point Cardi- comme le dit Henri Michaux dans le
nal (1) : et de parler d'art optique à magnifique poème Inédit «Vantra"
propos de ces images constituées de qui préface le catalogue de cette
petits carrés rouges, verts et jaunes, exposition.
de Sonia Delaunay devant ces disques
de couleur qui se recouvrent partiel- Tantra est à la fols une cosmogonie
lement, voire d'Arman devant ce rec- unifiant toutes les connaissances hu-
tangle entièrement rempli de signes maines et une méthode scientifique
identiques (vir9ules, personnages?). par laquelle l'homme est censé libérer
son pouvoir spirituel et accroître sa
C'est en tout cas un non-sens de connaissance (Tantra dérive de la ra-
regarder ces Images comme si elles cine sanscrite tan qui signifie expan-
avaient été conçues pour orner les sion). Certains yantras sont des re-
palais de quelques amateurs « éclai- présentations graphiques (dont les
rés " assez raffinés pour apprécier lignes sont harmonisées comme les
Vasarely avec deux siècles d'avance... notes d'e musique d'une raga) des
Il ne s'agit pas Ici d'œuvres achevées « sons mentaux" (mantras), vibra-
destinées à être montrées, comme tions fondamentales qui interviennent
certaines peintures du Tibet ou du à la fois dans la création et la destruc-
Népal que l'on a pu voir en Occident, tion de toute forme et sont à la base
mals de schémas et de diagrammes du système tantrique d'explication du
(yantras) destinés à illustrer et à monde.
enseigner des points de philosophie et
de science : explications astrono- Tout mantra est lié à des groupe-
miques ou métaphysiques. La réalisa- ments de .Iettres de l'alphabet sans-
tion d'un yantra est un acte de médi- crit et à des parties du corps; il lui
tation, qui se rattache· à la pratique correspond une couleur et une forme.
du yoga, et qui donne à son exécu- On verra à l'exposition du Point Car-
tant un pouvoir proportionnel à l'exac~ dinal quelques-unes de ces pierres
titude et à l'abstraction de la repré· (lingam, pierre-phallus) qui sont des
sentatlon. Dans ces peintures, tout expressions modernes d'une forme
est surdéterminé et les lignes et traditionnelle « sans âge" et rèprésen-
signes graphiques constituent un lan- tant un son primaire intervenu dans la
gage symbolisant les rapports de création du monde.
l'homme et de l'univers : J.-L. Verley
labyrInthes où s'Inslnuent et ser,
pentent 1. 3, rue Jacob, 3, rue Cardinale.

Le C. N.A. C. grands musées du monde, y ambassades, préfectures etc .... en fait comme un organisme de
propose •.. compris au Pavillon de Marsan par l'intermédiaire du mobilier prospection, destiné d'abord à
en 1961) ne figurait dans les national. La part de l'art contem· réorganiser le dépôt des œu-
musées français : une grande porain dans ce budget était vres de l'Etat en répartissant
Pour la seconde fois. le cen- toile de 1966 représente ici cet d'ailleurs très réduite et les les collections existantes entre
tre national d'art contemporain artiste. Quant à Asger Jorn, un achats étaient faits d'abord en le Mobilier national et le fonds
(C.N.A.C.) présente un choix des fondateurs du groupe Cobra fonction, non des œuvres, mais national d'art contemporain dont
(1) groupant une quarantaine en 1948, il a fallu attendre 1968 des artistes : c'est ainsi que il a la gestion, à combler les in-
de dessins, peintures et sculp- pour le voir figurer dans l'inven· certains émargeaient régulière- nombrables lacunes des collec-
tures acquis ces dernières an- taire officiel. On remarquera ment (en 1960, on avait acheté tions actuelles d'art moderne et
nées par l'Etat sur proposition une grande pièce de Lee Bonte- 65 tableaux de Brayer et 40 ta- à rendre compte de l'art vivant
du C.N.A.C. Une des vocations cou, où à la toile tendue sur des bleaux de Chapelain-Midy pour ~ous toutes ses expressions
de cet organisme est en effet de armatures se mêlent des élé- un seul Matisse) tandis qu~, plastiques. Le C.N.A.C. n'est pas
constituer un fonds national ments polychromes de cuir tan- sous prétexte de " présence de un musée : pour lui les problè-
d'art contemporain destiné à ali- dis que le polyester recouvre l'Etat ". les inspecteurs des mes de conservation n'existent
menter les musées, maisons de d'un parchemin les protubéran- Beaux-Arts achetaient au rabais pas; il se situe, au-delà du
la culture et expositions et à ces de l'œuvre; un mur de des œuvres mineures après musée, dans une prospective
constituer les premiers élé- Louise Nevelson lui fait face. chaque exposition de galerie - d'information, de stimulation, de
ments pour un " musée du XX· Quelques semaines après sa avec exclusion, bien entendu, communication et il lui importe
siècle" dont la création est en- mort, on est heureux de trou- des artistes étrangers et des peu d'avoir des collections pré-
visagée dans les six années à ver une peinture de Mark galeries d'avant-garde - . On sentées de manière permanen·
venir. Rothke qui surprendra peut-être aboutissait ainsi, alors que cer- te. Ajoutons à cela son existen·
les amateurs habitués à des toi· taines toiles s'entassaient dans ce précaire, le renouvellement
Ce qui frappe dès l'abord est les très colorées et très vi- la poussière des réserves, à une périodique de son directeur qui
la volonté d'une prospection in· brantes. ignorance systématique de tou- doit être en mesure de dire,
ternationale, à la recherche Qu'y a·t-il donc de changé, de te une partie de l'art en train de avec son équipe : vous m'avez
d'œuvres significatives de notre différent, dans la politique des se faire. A partir de 1960, avec nommé pour six ans maximum,
temps. La présente exposition achats de l'Etat? Sans remon- le ministère Malraux et la pré· je crois que finalement, c'est
réunit un tiers d'artistes fran- ter au scandale des impression· sence de Gaétan Picon à la di- cela qui est important pendant
çais, un tiers d'artistes étran- nistes, disons que le budget des rection générale des Arts et let- ces six ans. Cette solution dans
gers et un tiers d'artistes achats était intégré au tradition- tres, on assiste à un redresse- le temps est essentielle pour
étrangers vivant hors de France. nel budget des Beaux-Arts et ment, mais limité à certains ar· garder un contact continuel
C'est ainsi qu'on découvre soumis comme tel à toutes les tistes et là encore presque ex- avec la réalité artistique.
avec étonnement qu'aucune œu· interventions et sollicitations clusivement français. C'est ce- J.-L. Verley
vre de Mark Tobey (né en 1890; mondaines ou parlementaires; pendant ce qui a permis au 1. 11, rue Berryer, Paris· S', dll
rétrospectives dans les plus soumis aussi aux demandes des C.N.A.C. d'être. Il a été conçu 6 mars au 30 mars 1970.

La Quinzaine littéraire, du 16 au 31 mars 1970 1'1


Arts japonais
d'aujourd'hui
Une exposition intéressante au pre· Japon un autre destin que le forma-
mier chef par ies questions qu'elle lisme montré à Cernuschi et où l'on
pose. Elle réunit une sélection de cherche en vain le type d'humour et
soixante-seize œuvres de l'avant-garde d'ironie qui ont fondé le pop art et
japonaise, celle que nous ne connais- que sut pourtant manier magistrale-
sons pas, parce que ses représentants ment un Japonais de Paris, Tetsuml
ne se sont pas expatriés et demeurent Kudo. Bref, l'exposition du Musée Cer-
au Japon. nuschi incite li s'interroger sur le des·
Ce n'est point cependant que leur tin des cultures originales dans le
écriture ne nous soit familière. I.a grand brassage planétaire d'auJour-
diversité de ces œuvres bi et tri- d'hui.
dimensionnelles reflète celle qui ca· Mais elle livre aussi quelques cer·
ractérise aujourd'huI la production titudes : la pérennité de la calilgra.
• artistique • de l'Occident. D'où l'oc· phie, la vigueur tranquille de quelques
casion d'une interrogation générale sur œuvres, telles les merveilleux para·
l'art dans la société industrielle et vents de Sato et les grandes construc·
'd'un questionnement plus particulier tions de Asal et enfin l'art consommé
sur son avatar japonais. Ouel sera le de l'accrochage dO li Vadlm Ellsséef
destin de la maîtrise technique affir. li qui sa science de la civilisation nip-
mée dans la majorité de ces peintures, pone a permis de dépasser le dispa-
sculptures et œuvres graphiques? le rate de ces témoignages pour nous
patient artisanat dont elles témoignen~ en faire percevoir et nous en impo-
est-il, comme le pensait Mathieu, con· ser l'unité.
damné à mort par l'Occident? D'autre Françoise Choay
Part, une tradition du signe et de la
contemplation qui nous est étrangère (f) Musée Cernuschi, JUSqu'oU
n'aura-t·elle pas le pouvoir de donner 12 avril. Du 14 au 19 mars seront pré·
au minimal et parfois même à l'Op art sentées des démonstrations de la
un poids et un sens qui, à l'origine, cérémonie du thé. A partir du 20 mars
leur faisaient défaut? En revanche, on démonstrations d'arrangements de
La main, de YaiJl.amoto, 1934. se demandera si le pop peut avoir au fleurs.

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SOCIOLOGIE

Hallucination collective

1
Edgar Morin aussi petite et, d'ordinaire aussi France. On n'a pas l'idée d'un
La rumeur crOrléans calme qu'Orléans, ait pu être Tartarin d'Orléans...
Le Seuil éd. 232 p. frappée d'une telle hallucination.
Et, bien sûr, que les commerçants Il n'est pas possible de laisser
victimes de cette rumeur halluci· la recherche et la technique déve·
Chacun son goût. Le mien ne natoire aient tous été des Juifs. lopper de plus en plus vite les
me porte pas particulièrement Le catalogue des persécutions an· pouvoirs de l'homme, si on ne
vers la sociologie, les sociologues tisémites est, certes, volumineux. parvient pas à diaguostiquer, à
se sont beaucoup plus multipliés Mais 'à chacune, on avait trouvé prédire, à combattre les maladies
que la sociologie elle-même. - sinon des justifications - au de l'esprit humain et des sociétés
Edgar Morin serait à juste tI- moins des explications rationnel· humaines. La sociologie, à cet
tre fâché si on ne regardait pas les qui - en un certain sens - égard n'est malheureusement pas
la Rumeur comme une enquête rassuraient : les pogroms tsaristes plus avancée que la médecine au
sociologique parmi les autres. étaient des crimes, mais ne po- temps de Molière. Les idées absur-
Mais son livre prend une impor. saient pas de problèmes : com- des et délirantes courent les rues,
tance et un intérêt exceptionnels plots policiers ourdis afin de dé- comme les microbes. Pourquoi,
- sans doute à cause du sujet tourner sur les communautés jui. tantôt sont-elles sans effets graves
qu'il traite - et qui, d'autre part ves les colères des populations ex- et tantôt se propagent-elles jus-
ne permettait pas un développe. cédées par leurs difficultés écono- qu'à produire les épidémies les
ment trop vaste, et un volume mique.. et par les abus de gouver- plus effroyables?' La France a
trop massif. nements despotiques. Edgar Morin condamné l'antisémitisme de l'af-
faire Dreyfus comme l'Allemagne
A Orléans, on note, certes, la celui de Hitler; elles ne l'ont ,pas
Un phénqmène bizarre rancœur - bien connue - du du tout expliqué. Je comprends
petit commerce déclinant contre mand, accablé par la crise mon- qu'on ait pu croire Dreyfus un
diale, je sais que si en 1913 et espion allemand, quoique ce fût
les magasins aux succursales mul-
même en 1922, j'avais, à Fribourg peu vraisemblable ; mais pas que
Un phénomène bizarre s'est tiples ou autres dont ils ne peu-
vent soutenir la concurrence. Mais en Brisgau, prophétisé le racisme même dans la meilleure société
produit l'an passé, à Orléans. Le nazi, je n'eusse trouvé ni un pro- parisienne, on ait pu croire que
bruit soudain court que des jeu- si ces commerçants se trouvaient
fesseur, ni un étudiant, ni un l'empereur Guillaume II lui écri·
nes filles disparaissent. Victimes ainsi conditionnés pour croire la
balayeur de rues pour douter que vait des lettres personnelles. Pour-
d'une «traite des blanches ~ dont rumeur, rien ne permet de pen-
ser qu'ils l'aient inventée. Elle ne je sois fou. tant, la logique devait sans cesse
on ignore d'ailleurs les bénéficiai-
fut pas l'effet d'un complot pré- exposer que c'était absurde. Dans
res et les destinataires. On dit La Rumeur crOrléans nous
conçu : puisqu'il sera facile de aucune civilisation la folie n'a sé·
seulement qu'elles ont été enle- avertit que le pire est toujours
constater que de toutes les jeu- vi plus terriblement que dans la
vées -pour les livrer à la pros- possible et que la folie menace à nôtre. Et aucune ne l'a aussi peu
titution, selon toute vraisemblan- nes filles «enlevées ~ aucune n'a
tout moment chacun. On le sait redoutée...
ce - et que les enlèvements se quitté la ville. Et cette ville ne
bien, Voltaire l'a beaucoup répé-
sont opérés dans les arrière-bou- s'est jamais révélée particulière- Il faut rendre grâces à Edgar
té. Encore faudrait-il ne pas cons-
tiques de magasins de nouveautés ment antisémite. Morin de n'avoir fait aucune ten·
tamment l'oublier. Orléans, dont
JÙtramodernes. Leurs éventaires Edgar Morin nous montre la cri- tative - vaine - pour rassurer,
scintillants attiraient la jeunesse, se de délire, la province qui l'en· et fait de son mieux pour raviver
chacun d'eux comportait un ou Un risque atrooe vironne, le peuple, qui l'habite en nous la juste crainte de la
plusieurs salons d'essayage : les sont parmi les plus sensés, les plus démence.
jeunes filles y entraient et n'en doux, les plus raisonnables de Emmanuel Berl
. revenaient pas. Disparues. Tous « La rumeur ~ est d'autant plus
ces magasins, cinq, dans l'espèce, troublalite et éclairante. Toute
étaient tenus par des Juifs. La ru· ville, tout village peut être victi-
meur s'enfle comme la calomnie me d'une hallucination collective
dans le Barbier de Séville - au analogue à celle d'Orléans. Toute M.
point de surexciter la population personne, tout groupe de la ville ~

et de menacer l'ordre public. ou du village sont par là menacés Ville


par un risque atroce - auquel les Daw
Elle cessera d'ailleurs aussi vite Juifs semblent particulièrement
et bizarrement qu'elle s'est propa· exposés - mais dont ils n'ont pas lIOuscrit un abonnement
gée. En effet, aucune jeune fille le monopole. Il y a l'affaire Drey- 0' d'un ~n 58 F ./ Etranger 70 F
fus, mais avant elle l'affaire Ca-
d'Orléans n'a disparu : la seule
las. Il y a «la nuit de cristal ~ o de six mois 34 F / Etranger 40 F
difficulté de l'enquête - dont règlement joint par
elle viendra d'ailleurs vite à bout dans l'Allemagne de Hitler, mais
- c'est qu'il ne s'est rien passé. «les possédés de Loudun ~ dans o mandat postal 0 chèque postal
Ceux 'même qui ont le plus contri· la Fiance de Richelieu. o chèque bancaire
bué à la propagation de la rumeur Renvoyez cette carte il
se défendent d'y avoir jamais cru. A quelle diathèse, à quel virus
Ils finissent par soupçonner les imputer le mal ? Et où en trouver La Quinzaine l'n'rai"
commerçants juifs de l'avoir eux- le remède? Je regrette que le
mêmes propagée - pour se faire nazisme ait suscité plus d'horreur 43 rue du rempl>:. Paria 4,
d~ la publicité ! et de réquisitoires que d'analyses. c.c.P. 15.S!l1.53 Paris
On a beau me dire : Hitler procè-
Il est. déconcertant lIll'une ville , de de la misère du pe~ple aIle·

La QuiDzaine littéraire, du 16 /lU 31 JJUIT' 1970 1.


Durkheim La sociologie
Emile Durkheim de celui de Marx dans la premiè- ments s'en dégagent pour le socio- Lévi-Strauss (tel celui de la Geste
Journal Sociologique re préface du Capital. Du même logue .... trAsdiwal) chez qui le système se-

1 PUF éd., 725 p. coup la société cesse d'être «œu- Cependant, ce double dépasse- rait encore étroitement mêlé à
La science sociale et r action vre humaine ..., instrument entre ment de l'idéologie philosophi- l'histoire. Car pour Durkheim -
PUF éd., 334 p. nos mains, et donc objet d'un art que est sans doute plus apparent heureuse conséquence d'un évolu-
art politique pour devenir pur ob- que réel. Si, en effet « les sociétés tionisme par ailleurs périmé -
jet de i:héorie. '< La science n'ap- :jont des organismes, elles se dis- les peuples primitifs « ont une
En-deçà d'une pensée figée parait que quand l'esprit, faistmt tinguent des organismes purement histoire », ils ne sont pas seule-
dans la rigide cohérence de abstraction de toute préoccupa- physiques en ce qu'elles sont es· ment dedans. Certes la religion
ses grands produits acadé- tion pratique, aborde les chQses à sentiellement des consciences ... ; n'est plus considérée comme le
miques, on trouvera ici da- seule fin de se les représenter .... la réalité sociale «est d'ordre psy- phénomène social par excellence
vantage l'expression de son Pourtant ce modèle biologique est chique, et rob jet essentiel de la dont tous les autres découlent;
cheminement au fil des par lui·même perturbant, «rêtre sociologie est de rechercher com- pourtant Louis Dumont n'est-il
confrontations multiples avec social n'étant réductible à aucun ment se forment et se combinent pas à cet égard un fidèle disciple?
son environnement théorique autre.... A l'issue de ce premier les représentations collectives ... De Durkheim à cette ethnologie
ou politique. D'où une foi- parcours, l'objet social a conquis (<< L'ethnologie est d'abord une structuraliste contemporaine un
sonnante diversité de pro- «ses deux caractères les plus es- psychologie ..., dira Lévi-Strauss), même découpage de l'objet socio-
pos; le premier recueil (les sentiels... : «sa positivité et sa et tout spécialement celles qui logique privilégié, un même avan·
contributions de Durkheim à spécifité .... (2, 1re partie). ont force morale ou force de loi. tage donné aux systèmes de repré-
« L'année sociologique» (1) Pour Durkheim la cohérence sentations sur les structures 8ocia-
Ce n'est là encore que la préhis- les qui s'y expriment.
est pour une large part sous d'mie société réside avant tout
toire «métaphysique... de la so-
le signe d'une régression aux dans ses institutions et dans ses TI est vrai que Lévi·Strau8s pro-
ciologie. Avec Comte et Spencer
origines (. pour savoir com- normes. D'où la myopie d'une clame hautement le «primat de!
on n'a guère «qu'une méditation
ment une réalité sociale est ethnologie qui sous la société lé· infrastructures ... ; mais au geste
philosophique sur la sociabilité
faite. il faut savoir comment gale du clan ou de la phratrie, magnanime par lequel il en délè-
elle s'est faite »): le toté- humaine en général plutôt qu'une
étude spéciale des faits sociaux .... souvent ne voit pas ces «agrégats gue l'étude à la cohorte des démo-
misme et les systèmes de de fait ... autour desquels s'organi. graphes, historiens... il est, SOU8
Dénoncer ce < scandale ...du pseu-
parenté y tiennent une place sent la vie économique ou les ten· un marxisme des mots plus que
do-sociologue s'abstenant de dout
de choix. les textes du se· sions politiques. Non qu'il «faille du projet, étrangement proche de
commerce avec le détail des faits
cond s'organisent plutôt au- étudier une croyance ou une ins- son maitre Durkheim. Sans doute
tour de ce sujet de thèse que sociaux ... et pour qui la sociologie
n'a pas encore «cessé trêtre une titution en la laissant en l'air, le concept durkheimien de «sub-
Durkheim encore normalien sans la relier au système social strat ... conviendrait-il mieux ici.
dépose en 1881 : « Les rap- forme de la littérature purement
dialectique ... ; démolir l'édifice dont elle fait partie », comme De même que la structure < réa·
ports de l'individualisme et Durkheim reproche à Frazer de git... à l'événement, de même le
du socialisme ». creux de ces «histoires universel·
les... qui ne voient pas que «le le faire; non pas que «la vie « substrat» «affecte les phéno-
développement humain doit être sociale doive s'expliquer par ]a mènes sociaux », sans pour autant
Dans les deux cas pourtant l'es- figuré non sous la forme trune li- conception que s'en font ceux qui que les «causes sociales, partant
sentiel est ailleurs : en un dis- gne où les sociétés viendraient se y participent... : la critique mar- d'ordre moral ... Cessent d'être pré-
COUI'! épistémologique d'une éton- xiste est sur ce plan féconde. Mais dominantes. D'un geste très paral-
disposer les unes derrières les au-
nante rigueur, Durkheim tient ici tres, mais comme un arbre aux en-deça des consciences indivi· lèle Durkheim fait de ce substrat
le journal de la genèse d'une rameaux multiples et divergents ...; duelles ou des rationalisations a l'objet d'une «morphologie socia-
science et de la constitution de réaliser l'union entre d'une part posteriori, il y a les systèmes de le >, science annexe et complf-
son objet. la multitude incohérente des représentations : «les sociétés ne mentaire, mais subordonnée et !lé-
Deux phases dans cette genèse, quasi-sciences, inconscientes de sont rien si elles ne sont pas des parée de la sociologie proprement
l'une qui le précède, l'autre qu'il l'unité profonde de leur objet, ac- systèmes de représentations ...; en- dite.
inaugure. l>e «cene sCience nee cumulation8 de données sans mé- deça des «pratiques ..., il y a le Dans l'édifice global de la socio-
trhier et qui ne compte encore thode ni concepts et de l'autre «schème conceptuel... qui les or- logie tel que le construit Dur·
qu'un petit nombre de principel la sociologie «planant trop haut ganise, dirait Lévi-Strauss. La lec- kheim (<< une science n'est vrai-
définitivement établis..., Durkheim au-dessus d~s faits ... ; rendre po- ture de ce Journal sociologique ment constituée que quand elle
refait d'abord le parcours préala- sitive cette curieuse divi8ion in- ne peut manquer de suggérer l'im· s'est divisée et subdivisée»), la
ble (des économistes classique8 à ternationale du travail entre la llO- pres8ion que la nouveauté de la e physiologie sociale» doit 1'6m-
Comte et à Spencer). Contre le ciologie «science essentiellement technique 8tructurali8te est peut- porter sur la «morphologie ...,
«préjugé dualiste ..., contre «fes- française... et «les écoles histori- être le masque d'une profonde l'étude des fonctions sur l'étude
prit habitué depuis des siècles à ques et ethnographiques de l'Al- continuité sous-jacente. des organisations. Ainsi la reli-
concevoir un abîme entre le mon- lemagne et de l'Angleterre ..., tel- Certe8, la belle unité du toté· gion en tant que telle (institu-
de physique et ce qu'on appelle les sont les tâches que Durkheim misme' s'est dissoute; mais l'ad- tions, croyances...) n'intéresse pa8
le monde humain ..., Durkheim re- se donne en fondant en 1896 mirable texte de «l'Année... sur le sociologue : «si elle appartient
prend à 80n compte le geste fon- « r Année sociologique ..., .labora- «les formes primitives de classi- . à la sociologie, c'est en tant qu'el-
dateur, « très légitime induc- toire permanent d'ethnologie .en fication:. indique que la rupture le exerce une influence régulatri-
tion... : «tous les êtres de la na- chambre (mais on sait qu'au dire n'est pas si nette.. En montrant ce sur les sociétés ... (2 p. 193). A
ture relèvent de la scieMe posi- de Lévi-Strauss, Durkheim recons- qu'un même modèle préside à la la limite l'objet n'est plus la so-
tive, c'est·à-dire que tout s' y passe truit les sociétés australiennes répartition des homme8 en grou- ciété, mais plutôt la cohésion so-
suivant des lois nécessaires ... ; or plu8 fidèlement qu'on ne les avait pes et à la classification des cho- ciale, ce «consensus universel que
«les sociétés sont dans la nature..., observées) où se tient une sorte ses, que «la hiérarchie logique la vie sociale manifeste nécessai-
mieux, étant «une sorte d'orga- de discours intermédiaire, chargé n'est qu'un autre aspect de la hié- rement au plus haut degré»
ni!me ..., elles sont nature. Ge8te de soumettre le matériau brut «à rarchie sociale et funité même de (Comte). Le conflit, asocial, e8t
inverse en apparence de celui de une première élaboration indi- la collectivité étendue à funi- donc extra-sociologique. La con-
C. Lévi-Strauy et le pIns proche quant aux lecteurs quels enseigne- tiers ..., Durkheim annonce un frontation avec le marxisme (2,
Mauss

Marcel Mauss ront en Mauss un homme de cu]·


Œuvres ture ouverte.
Présentation de Victor Karady J'ai trouvé dans cet ouvrage ce
T. 1 : les fonctions sociales du qui m'attirait lorsque, étudiant, je
sacré, 633 p. m'étais mis à rechercher tout ce
T. II. : Représentations collecti- qui était sorti de sa plume. Cet ac·
ves et diversités des civilisa- cord entre la richesse foisonnante
tions, 739 p. des idées et le goût et le sens du
T. III. : Cohésion sociale et divi· concret, ce flair aigu pour déceler
sions de la sociologie, 734 p. le fait pertinent qui impose l'ima·
Minuit éd. ge et le geste à l'argument.
On sait que Mauss n'a jamais
de son vivant publié d'étude de
Voici l'un des ouvrages les la taille d'un livre. Les Mélanges
plus importants publiés ces d'histoire des religions (1909, ré-
dernières années : il rend édité en 1929) sont un recueil
enfin accessible la totalité de d'article écrits en collaboration avec
l'œuvre de Mauss. Henri Hubert, et le Manuel d'ethno·
graphie (1947, réédité en 1967),
a été rédigé. par Denise Paulme
Déjà, la parution en 1950, l'an- d'après les sténotypies des cours
née même de sa mort, de Sociolo- qu'il a professé à l'Institut d'Ethno-
gie et Anthropologie, (précédé d'une logie. La Prière, qui devait consti-
introduction par Claude Lévi· tuer sa thèse d'Etat, n'a jamais été
Strauss) qui marque une date im. achevée, de même que la Nation.
portante dans la connaissance de Sociologie et Anthropologie (1950,
l'œuvre maussienne, avait offert en réédité en 1966), si important pour
un volume six textes majeurs (dont la diffusion des idées maussiennes
le célèbre Essai sur le Don) de l'un est, comme le premier volume cité,
des tout premiers parmi les fonda- un recueil d'études.
teurs de l'Ethnologie moderne. Les Œuvres apparaissent comme
D'autres études, qui méritaient tout le livre reconstitué dont Mauss
autant une nouvelle publication, aurait éparpillé les différents cha-
restaient enfouies dans des numé- pitres. Et pourtant, cet ouvrage,
ros depuis longtemps épuisés de par la force des choses; rassemllle
différentes revues scientifiques. Les
Œuvres que M. Victor Karady a ~
reçueillies et regroupées dans les
trois volumes que publient les édi·
tions de Minuit nous les restituent,
mais enrobées de tout ce que Mauss
a écrit sous les formes les plus di·
verses : notes, compte.rendus, parti-
cipation à des débats, etc. Aucun de
Emile Durkheim ces textes ne laisse indifférent, tous
s'avèrent, au contraire, utiles pour
textes 9 et 12) est ici fort éclai- qui apprendra à findividu qu'il la reconstitution de l'œuvr~ dans
rante : le capitalisme est un dé- n'est pas un empire dans un em- sa totalité.
veloppement normal, il ne peut pire, mais f organe d'un organis- Le rassemblement de cette pro-
donc être dysharmonique et s'au- me et lui montrer tout ce qu'il y duction disparate ne manque pas
todétruire. «L'homme est homme a de beau à s'acquitter conscien- d'être impressionnant. Ceux qui
parce qu'il a une vie sociale» : cieusement de son rôle d'organe ». n'ont pu jusqu'ici approcher qu'en
il ne peut donc vouloir détruire La cohésion sociale est objet pri- partie l'œuvre de Mauss seront frap-
la société, vouloir la barbarie. vilégié parce qu'elle est d'abord pés par son érudition prodigieuse,
valeur suprême. d'autant qu'elle a abordé les do-
Le socialisme révolutionnaire maines les plus variés; ethnologie
est donc sans fondement et qui On verra très nettement dans ce et sociologie, psychologie et linguis-
plus est négation de tout «socia- deuxième recueil (fort bien éclai- tique, indologie et études hébraÏ-
lisme », puisqu'il met l'accent ré par l'introduction de J .-C. Fil- ques, économie, droit et sciences
plus est, négation de tout «socia- loux) comment, au moment mê- politiques. Erudition servie par ]a
que sur ce qui l'unit, sur «l'inso- me où elle découpe le plus rigou- connaissance d'un nombre consi.
lidarité » des classes plus que sur reusement son objet, la théorie dérable de langues écrites (il suffit
la solidarité des hommes. Mieux durkheimienne bascule en idéo- de consulter les titres des ouvrages
vaut tenter de faire que cette so- logie conservatrice. analysés par Marcel Mauss pour
ciété écartelée par «ce triste· s'en rendre compte). Contrairement
conflit de classes» «reprenne coJ],s- 1. Tous les articles sont repris. Parmi à ce qu'on rencontre chez la plu-
cience de son unité organique» ; les comptes rendus d'ouvrages, J. Duvi· part des érudits, cet immense sa-
gnaud a choisi ceux qui présentent un in·
telle est la tâche pratique assi- térêt méthodologique. L'absence d'un in- voir n'est jamais payé de lourdeur.
gnée à la sociologie : «c'est elle dex thématique. est regrettable. Beaucoup,. j'en suis sûr, découvri-

La Quinzaine littéraire, du 16 au 31 mari 1970 21


HISTOIRE

~MaU8.

tera que sous la forme d'analyses Deux 1ivres consacrés à tionale communiste a eu finale-
critiques ». Ils font partie inté· la Troisième internationale : ment raison : elle a écrit, et cela
grante de l'œuvre maussienne où l'un, publié par Editori Riuniti devient de plus en plus rare, un
ils forment souvent le point de dé· - maison qui appartient au livre qui n'existait pas.
part de réflexions servant de base Parti communiste italien -
à des essais ultérieurs. La majorité est la traduction italienne Cette réussite essentielle est le
d'entre eux méritent d'être consi- d'une étude due à un jeune fruit d'une série de partis judi.
dérés en eux-mêmes. J'avoue que universitaire tchèque, Milos cieux. Elle a d'abord écarté le.
c'est presque autant la lecture de Hajek, dont le travail a paru partj qui guide trop souvent les
ces analyses critiques que celle des en tchèque à l'automne 1969 historiens des institutions supra-
articles originaux qui m'a poussé sous un titre plus rigoureux, nationales : les réduire à la suc-
à acheter sur mon maigre pécule Front unique. Les orientations cession de leurs congrès. Elle a
de matelot, les uns après les autres, politiques de l'Internation4de en effet d'entrée de jeu marqué
les différents numéros de l'Année communiste de 1921 à 19~5 que l'Internationale c.ommunisle
sociologique. (1); l'autre. L'internatio"ale n'était pas une fédération plus ou
Communiste, dû à Dominique moins lâche de groupes et de cou-
Desanti, est la version enri· rants dont les représentants se ren-
chie d'un ouvrage d'abord contraient périodiquement au
Des études et des articles écrit pour la Bibliothèque de Kremlin : mais une organisation
rassemblés qui eonstituent la Culture historique et· pu- fortement centralisée et hiérarchi···
un des plus grands ouvrages bliée par elle l'an dernier en sée dont les décisions, prises en
de sociologie. édition-club.
Marcel Mauu dernier re8sort au centre mosco-
vite, commandaient non de ma-
lui aussi des articles célèbres dont nière épisodique mais en perma-··
certains sont achevés, comme celui
qu'il écrivit avec Emile Durkheim
sur .« quelques formes primitives
Paradoxalement, ce savant de
cabinet, qui n'a guère voyagé que
pour participer à des Congrès ou
·1
1
Dominique Desanti.
L'Internationale Communiste.
nence la pratique des s~ction8
natio~ales. Il en résulte que, si les
congrès sont des moments forts où
de classification », ou avec Henri pour donner des conférences, a été Coll. Etudes et documents.
peut être repérée la part puhlique
Hubert sur « la nature et la fonc- l'un des plus grands promoteurs, de Payot, éd. 400 p.
'tion du sacrifice ». Ces textes (j'ai des hilans et des perspectivell que
la recherche sur le terrain. C'est
pris à dessein deux études faites· lui qui est pour ses élèves à l'ori· l'Internationale souhaitait dresser
en collaboration), entourés et gine de la première école anthro- pour sa propre édification, il. ne
appuyés d'autres écrits de tous gen- pologique française qui ait pu riva- Deux ouvrages, certes, diffé- sauraient accaparer l'attention et
res et de formes variées réintègrent liser en ce domaine avec les écoles rents : les auteurs n'avaient ni la substance d'une histoire de l'ins-·
un ensemble cohérent. anglo-saxonnes. les mêmes ambitions ni les mêmes titution dans ses profondeurs et 88
Ces trois volumes restituent le Comment entrer dans le détail méthodes, moins encore les mê- continuité réelles.
climat réel de l'œuvre maussienne : de cette œuvre considérable en un mes techniques. Et pourtant deux
une recherche passionnée, ouverte si court espace ? Sa variété est telle ouvrages qui -ont un air de pa- L~auteur a ensuite très tôt aper·
sur les domaines les plus divers, que même si la dominante reste renté. D'àhord parce qu'ils sont çu que '*-cune des grandes déci·
abordant toutes les disciplines des sociologique, .ou ethnologique, les tous les deux marqués par une
sions stratégiques prises par
sciences humaines, une recherche tenants des autres sciences humai- même démarche intellectuelle :
ils n'entendent ni légitimer à tout l'Internationale avait eu un im·
en perpétuel renouvellement où les nes y trouvent leur bien, qu'il
écrits de circonstance (notices, inter- prix ni dénoncer, mais saisir de pact privilégié dans un pays parti.
s'agisse des psychologues, des lin·
ventions à des débats, etc.), jouent guistes ou des philologues, des spé. l'intérieur la part de l'8tionalité culier : au lieu donc de tenter
un rôle souvent de premier plan. cialistes de littérature comparée, à laquelle obéit dans ses objectifs, la gageure impossihle de rendre
Comme le dit fort justement Victor etc., Si la matière rend parfois le ses décisions et ses structures toute compte et du mouvement com·
Karady dans sa présentation: «De sujet austère, tout y est exprimé institution politique quelle qu'elle muniste, vu d'en haut, à l'écheDe
fait, si l'on prend en compte ces « en elair », sans jargon. Cette œu· soit. Ensuite parce qu'ils sont fon- internationale et de ses innom-
écrits divers, non seulement les di- vre anthropologique, dans le sens dés sur les mêmes sources - le brables sections, légales ou clan·
mensions de l'œuvre s'étendent dé· plein du terme, a été constamment livre tchèque ne fait aucune réfé- destines, vu par en has, Dominique
mesurément, mais la distinction en avance sur son époque et ce rence à des sources inconnues à
même entre écrits majeurs et mi- Desanti, à chaque étape, a concen·
n'est qu'aujourd'hui qu'elle peut l'Ouest, mais, au contraire, s'ap-
neurs s'émousse pour laisser appa- puie pleinement sur des sources tré le faisceau de ses analyses sur
être estimée à ses justes dimen·
TGÎtre, à la limite, un continuum sions : l'œuvre d'un géant. qui ont été mises à jour dans les le secteur-clef de l'époque: l'Alle·
de thèmes plus ou moins dévelop- On ne peut qu'admirer le travail dernières années soit en Europe magne au début des années 20,
pés dont les unités de structuration accompli par Victor Karady, non occidentale soit en Amérique : ce la Chine en 1925-1928, la France
semblent être moins les articles seulement dans la collecte, mais qui revient à dire que l'historien et l'Espagne au temps du Front
GChevés que des constellations de dans le regroupement de cette tchèque n'a pas eu accès aux ar- populaire. Ce parti a permis qu'en
lextes thématiquement divergents. » œuvre multiforme, pour l'appareil chives du Komintern dont tout moins de 400 pages l'essentiel soit
Parmi ces écrits divers, prenons critique qu'il a fourni et sa solide laisse pourtant penser qu'elles mis en place, fermement dessiné,
comme exemple les compte-rendus présentation de l'œuvre. Il faut existent bel et bien, au moins en
et que le lecteur puisse enfin
d'ouvrages: leur importance a été également féliciter l'éditeur d'avoir partie (2).
capitale dans le travail de cette s'orienter dans la hroussaille des
consenti, fait malheureusement
équipe que constitue l'école socio- trop rare en France et qui mérite Dominique Desanti, quand elle affaires, querelles, procès dont le
logique française, et Victor Karady d'être souligné, à publier les volu· prit la décision, hasardeuse au savoir communiste diffus a vague·
rappelle justement que « certains mineux index qui accompagnent premier abord, de se lancer dans ment gardé la trace sans bien
grands thèmes de l'Ecole - telle l'ensemble. cette vaste entreprise : écrire une être au clair de ce dont il retour-
la théorie des mythes - ne subsis- Georges Condominas histoire synthétique de l'Interna- nait.
L'Internationale communiste
Enfin, l'Internationale commu- tiels et sectoriels qui finissent par
niste, et c'est le troisième parti ne plus se subordonner au dessein
de l'auteur, fut, dans son noyau général.
dur, le noyau de ses dirigeants, Il apparaît maintenant que ce
fonctionnaires, représentants et schéma doit être raffiné : deux
mandataires - ceux que Domini- facteurs, opposés dans leur es-
que Desanti appelle les « komin- sence, semblent s'ajouter pour ex-
terniens :. - une société étroite pliquer la disparition de la III·
et close d'hommes sans rivage qui Internationale. L'un est bien le
tentèrent de donner à la dimen- renversement, dans le cadre de
sion révolutionnaire la priorité sur l'accession à la maturité, d'un cer-
toutes les autres, par lesquelles tain nombre de sections nationa-
l'individu ou le groupe social peut les, d'une tendance à l'autre, le
se définir. Ce pari, il ne s'agit pas passage de la phase A à la phase
de savoir s'il a été gagné ou perdu, B : de la convergence et de l'ho-
mais d'abord d'observer ce qu'il a mogénéité unitaires à l'hétérogé.
produit : un certain type d'hom- néité et la dispersion pluralistes.
mes uniformément marqués par Ce facteur s'exerce en particulier
un destin tragique. Dominique Desanti sur les marges et explique que l'on
Dominique Desanti a bien senti passe d'une période d'adhésions
qu'on ne pouvait en rester au dé- tionales sont, relativement aux retentissantes cumulatives à une
chiffrement des résolutions et des phénomènes qu'elles incarnent, période de départs fracassants et
discours, des tactiques et des stra- beaucoup plus résistantes : en par- de scissions. Mais, dans le même
tégies, des calculs et des objectifs, ticulier la IV Internationale, temps, un second facteur, fonda-
qu'il fallait restituer et dépeindre malgré bien des avatars et compte mentalement différent, contribue
la rencontre d'une certaine forme tenu d'une tendance insurmonta- lui aussi à la disparition institu-
de logique et de raisonnement - ble à la scissiparité interne, la- tionnelle de la Troisième Inter-
la' théorie bolchévique - avec des quelle peut d'ailleurs être para- nationale : c'est l'intériorisation
tempéraments : elle a trouvé là doxalement vue comme la cause du modèle qu'a constitué le parti
un terrain où son expérience de majeure de la remarquable en- communiste bolchévik pour toutes
journaliste et son ancienne fami-
liarité avec les hommes et les cho·
ses du monde communiste d'après (2) Outre qu'en
effet qu'un jeune' cher-
la seconde guerre mondiale lui pu récemment étudier à
cheur français a
Mosœu' un fonds
inédit portant sur les re-
ont donné une savoureuse aisance. C.G.T.U. et l'lnternati&-
lations entre la
Le lecteur ne saurait qu'apprécier L'Internationale oommuniste fut, dans le nOJ'au de
nale Syndicale Rouge dans' les année.s
le soin avec lequel elle établit des ses dirigeants, fonctionnaires, représelltants et manda- 20 et 30, un second indice est formel :
figures dont, en attendant la pu- en 1969 a été publié à Moscou, par l'Ins-
blication prochaine, par Branco taires, une société étroite et olose d'hommes sans rivage. titut du Marxisme-léninisme auprès du
Comité central du P.C.U.s. un volume
Lazitch, d'un dictionnaire biogra- de 600 pages : L'Internationale com-
phique de l'Internationale commu- muniste. Un bref aperçu historique. Cette
niste qui constituera une contri- version officielle (en russe) de l'his·
toire du Komintern, à la rédaction de
bution érudite majeure, le portrait laquelle ont participé Jacques. Duclos et
est souvent difficile à tracer en durance d'une institution pourtant les sections adhérentes à l'I.C. A Georges Cogniot - leur nom se trouve
raison des couches successives, ha· ultra-minoritaire et battue par
parmi une quinzaine d'autres collabora·
partir du moment en effet où ce teurs - confirme par exemple, en s'apr
giographiques ou démonologiques, bien des vents contraires. On se- modèle est suffisamment intério- puyant explicitement sur des références
qui les recouvrent dans la mé· rait donc tenté de chercher le fac- risé, il n'est plus nécessaire de d'arc~ves, des points importants qui
moire collective. teur primordial commun à la fai- le soutenir par une infrastructure furent longtemps débattus à l'Occident.
Seul devait être nécessairement Entre autres, le moment exact où la
ble longévité d~s Internationales 1 institutionnelle lourde. Un système stratégie antifasciste du Front Populaire
absent de cette galerie de por- et III dans la conception initiale plus léger de rencontres et de. fut adoptée par les instances dirigeantes
traits, le portrait de celui qui, qui a également commandé leur confrontations a-périodiques, le de l'Internationale : c'est ·le 14 ju'n
pourtant leur modèle à tous et structure : l'une et l'autre se veu- plus souvent bilatérales, et parfois 1934 qu'au nom du Parti bolchevik,
leur recours, n'a pas à paraître D. Manouilsky présenta, à la 1" séance
lent des organisations où l'homo- mondiales, suffit à maintenir la de la session préparatoire du 7' congrè!
dans une histoire du Komintern : généité due à l'autorité du pou- fidélité au modèle. du Komintern, le rapport sur «Les
Staline. Comme le Sacré est hors voir central doit l'emporter sur les Le moins qu'on puisse dire, c'est tâches primordiales de la classe ouvrière
du champ d'une histoire de l'ins- ferments particularistes et centri- que ce processus d'intériorisation dans les pays capitalistes développés).
titution chargée d'administrer le Recoupement qui vient authentifier de
fuges qui travaillent les sections du modèle, la III" Internationale manière indiscutable le témoignage d'Al.
Sacré. nationales. Bref, leur mort et leur le réyssit magistralement, en tout bert Vas88rt (déposé à la Librairie Hoo-
Comme la r· Internationale, disparition seraient le produit de cas en ce qui concerne la section ver) selon lequel Manouilski lui avait
celle de Marx, la Troisième Inter- la contradiction inéluctable entre' française. C'est le mérite du livre déclaré en mai 1934 que c le P.C. fran.
çais devait adopter une nouvelle poli-
nationale eut, relativement à la les deux phases de tout mouve- attachant de Dominique Desanti tique sous le signe du mouvement anti·
Stabilité du phénomène commu- ment révolutionnaire : la phase de noue rappeler le prix qui fut fasciste aux environs du milieu de juin
niste maintenant cinquantenaire, A où toutes les forces de subver- payé pour cette réussite. (1934) :. et lui avait révélé au début de
une faible longévité : elle dispa- sion semblent converger dans un Annie Kriegel juin que Staline avait approuvé ce tour.
nant. Cf Daniel Brower. The ReID ]QI;Oo
raît en 1943 après vingt-quatre ans ·dessein unique, la phase B où le (l) Milos Hajek. Storia deU interrunio- bina•.The French communiat party and
d'existence. D'une certaine ma- desseip. primitif se dissocie et se n:ale comunista (1921.1935). Roma, Edi. the Popular Front. Cornell Univ. Pres..
nière, la III" et la IVe Interna- ramifie en série de desseins par- tion Riuniti : 1969. 1968, p. 9 et 50.

La Quinzaine littéraire, du 16 aù 31 marI 1970 23


La lune
Il semble qu'II soit tout de exempt de remarques aventureuses,
même plus facile d'écrire des par exemple sut « l'homme d'ail·
livres sur la lune que d'y al· leurs ». Je préfèl'e pourtant ce livre
1er : la production littéraire au Voici l'espace (6) par W. von
de ces derniers mois le prou- Braun qui, dans la même collec-
verait. Il serait absurde de tion, reprend sans changement des
s'en plaindre; chacun trou- exposés dits de grande vulgarisa-
vera à satisfaire ses goûts ou tion : ce n'est, certes, pas dans ee
sa curiosité, depuis la plus genre d'ouvrage que vous réviserez
simple vulgarisation jusqu'à les grands principes de la mécani-
l'ouvrage scientifique en pas- que.
sant par le farfelu ou la ré-
Sous le titre accrocheur la Lune
flexion politleo-économlque,
l'un n'excluant pas l'autre, on est à vendre, François de Closets,
bien connu des téléspectateurs, trai·
s'en doute.
te un sujet précisé par le sous-
titre : « ... mais les bénéfices sont
Aucune émission télévisée n'a at· en orbite terrestre ». Avec compé-
tiré autant de monde que, ce 20 tence mais sans prétention, l'auteur
juillet 1969, le premier pas de Neil .examine tous les problèmes politi-
Armstrong sur la Lune. Excellent ques ou économiques posés par un
prétexte pour offrir à la curiosité projet tel qu'Apollo. Comment le
du grand public des alhums d'ima- pays de la libre entreprise devait-il
ges. P. de Latil, dans la Lunè et transformer ses habitudes, modifier
les planètes (1), en profite pour ses structures pour mener à bien
donner à ses lecteurs que j'imagine une telle entreprise ? On a dit qUe
jeunes, une information générale la NASA était devenue un Etat
sur l'astronomie. La rédaction qui dans l'Etat. En tout cas, le défi lan-
veut être simple n'évite pas certai- cé par Kennedy a été tenu ; ce qui
nes déclarations excessives (dire par est loin de régler tous les problè-
exemple que Galilée est le créateur F/g.1. mes; ceux du devenir de la NASA.
de l'astronomie). L'Atlas de la le projet Apollo achevé, sont encore
conqùête de la Lune (2), par Pa- La lune telle que l'a vue et dessinée Galilée en 1610. en suspens. Faut·illaisser aux seuls
trick Moore, est à la fois mieux do- citoyens américains la charge d'en
cumenté, largement illustré de do- que l'Etat soviétique est très dis- ne? » (5). Sous ce titre, J .•E. Cha- décider? Si l'exploration des pla.
cuments bien choisis relatifs, pour cret sur ses installations ou ses pro- ron donne, dans une collection trop nètes ne peut se concevoir qu'au
une bonne part, au premier débar- jets. Les réalisations ont été pour- souvent suspecte, un exposé intéres- nom de l'humanité toute entière;
quement et commentés de façon tant assez impressionnantes pour sant des raisons qui justifient cette est-il Possible. de laisser au seul
plus précise. Seul débordement du pour autoriser une plus large et coûteuse expédition lunaire. En contribuable américain l'honneur
sujet annoncé par le titre: la pré- plus libre puhlicité. Mais tout se passant, je sais gré à l'auteur de d'en assurer l'énorme budget ? Il
sentation des remarquables clichés tient et la science n'est pas libre là citer les passages du Sidereus N un- n'est pas besoin d'une longue ré-
de Mars pris par Mariner VI ; c'est où des écrivains sont emprisonnés cius dans lesquels Galilée rend flexion pour mesurer combien les
préparer le lecteur à l'étape suivan- ou pourchassés. compte de ses observations de la structures nationales de nos pays
te, envisagée par l'astronautique Remarque qui nous amènerait à Lune. Conformément au. genre de terriens sont anachroniques eu
américaine, envoyer deux hommes la question « Pourquoi la Lu- la maison, l'ouvrage n'est pas égard aux problèmes que la science
sur Mars en 1980 ! envisage.
Après ces deux albums qui s'in- Des journaux comme EconomÎ&t
téressent plus à l'objet visité qu'au de Londres ont déjà posé la ques-
voyage, il y a les livres consacrés à 1. P. de Latil: La Lune et le! pla- avec des dessins de Politzer et Pichon,
nète!, 190 p., 200 photographies en 232 p., Calmann.Lévy. . tion et nous aurions tous avantage
celui-ci : sa préparation sur le plan noir et en couleur, Hachette. 9. Armstrong, Aldrin, Collins: Le dialo- à nous la poser : il n 'y a que périls
scientifique; obtenir du gouverne- 2. Patrick Mool'e : Atlas de la conquête gue Lune-Terre, présenté par AlJ:iert à attendre d'un nouveau clivage
ment américain qu'il prenne la dé- de la lune, traduit de l'anglais, 48 p. Ducrocq, 232 p., Calmann.Lévy. entre pays développés et sur-déve-
cision, c'est-à-dire qu'il donne un grand format, P"yot, Lausanne. 10. Jean·Claude Pecker: L'œtronomie loppés. Il est déjà bien tard pour
budget à la NASA; la fabrication 3. Herbert Pichler : Conquête de la expérimentale, collection (l la Science
Lune, traduit de l'américain, avec vivante D, 156 p., Presses Universitai· faire revivre un vrai esprit de coo-
des engins, l'entraînement des hom- une préface de Wernher von Braun, l'es de France. pération entre tous les peuples ; les
mes, la programmation méticuleu- 320 p., 56 photographies, Buchet· difficultés du choix de l'emplace-
11. Jean·Claude Pecker: Le. ob!eTtlll-
se des opérations de montage, de Chastel. toire! !patiaux, collection (l la Scien. ment du grand accélérateur de par·
lancement, de récupération. Le gros 4. William Shelton : L'Exploration !o' ce vivante li, 180 p., PresseS Universi· ticules européen justifient toutes
livre de H. Pichler, Conquête de la viétique de l'e!pace, traduit de l'amé- taires de France.
ricain. avec une préface de Guer·
les craintes; des égoïsmes d'un au-
Lune (3), envisage tous ces épiso- 12. Pierre Bourge et Jean Lacroux:
man Titov, 348 p., Buchet-Chastel. A l'affut de! étoile!, manuel pratique tre âge, une difficulté insurmonta-
des depuis l'origine du projet Apol. ble à concevoir un avenir ne peu-
5. Jean E, Charon : Pourquoi la Lune ? de l'astronome amateur, 302 p., Du·
10 jusqu'au premier débarquement. 256 p., collection Planète. nod. vent s'expliquer que par une pro-
Faisant pendant au précédent, le' 6. W. von Braun : Voici l'e!pace, 13. L'A!tronomie, revue mensuelle de la fonde ignorance des possibilités de
même éditeur donne l'Exploration 256 p., collection Planète. Société Astronomique de France (28, la science.
soviétique de l'espace (4) par W. rue St·Dominique, Paris-7e ).
7. François de Closets: La Lune est 14. 1.·B. Biot: Etudu !ur l'œtronomie
Shelton à l'objectivité duquel l'as- à vendre, essai, 216 p., Denoël. Faut-il ranger dans le genre far·
indienne et !ur l'œtronomie chinoUe,
tronaute russe Titov 'rend homma- 8. Alain Bosquet: Adieu à la Lune, 400 p., Albert Blanchard, felu annoncé au début le recueil
ge. On regrette ici qu'il n'y ait pas Adieu à la Lune (8) où Alain Bos-
de photographies mais on sait assez quet a réuni des poèmes inspirés

24
et les astronomes
par la Lune, des citations d'auteurs « voisines » (un pont que la lumiè-
de tous les temps et de tous les re franchit en 100 000 ans...) ?
pays, y compris Cyrano de Bregerac Après avoir examiné les livres
et Fontenelle. Farfelu, ou n'oserait sur le débarquement lunaire, livres
pas le dire si les références pour forcément axés sur l'événement et
chaque texte cité étaient données; par conséquent un peu obnubilés
cela n'aurait rien enlevé au carac- par la prouesse technique ou spor-
tère amusant du livre illustré de tive, j'ai trouvé ou retrouvé dans
dessins par Politzer et Pichon. Du les deux livres de Pecker de' vérita-
farfelu authentique, im voici pour- bles ouvrages scientifiques. Ecrits,
tant, et -de l'involontaire, sous la non pour les astronomes profession-
plume du préfacier à Le dialogue nels (qui suivent les revues savan-
Lune-Terre (9) qui reproduit (on tes spécialisées), mais pour les nom-
fait livre de tout) les propos échan- breux amis de la science qui aiment
gés entre le véhicule et la NASA savoir, par un informateur direct,
tout au long de ce voyage histori- où en est la recherche. Rares sont
que : « ...c'est un événement plus les spécialistes qui prennent sur
important même que l'apparition leurs occupations le temps d'écrire
de l'homme .sur la Terre », déclare de tels livres. L'existence d'une
ce préfacier enthousiaste, soucieux culture est pourtant à ce prix.
pourtant de renvoyer le lecteur,
pour plus ample information à ses Je voudrais citer encore deux li-
propres ouvrages. vres récents qui doivent participer
à cette heureuse action culturelle.
Après tout cela, il ne reste plus Celui de P. Bourge et J. Lacroux.
qu'à se demander s'il existe encore A l'affût des étoiles (12) est un ma-
une recherche astronomique. Ou, nuel pratique de l'astronome ama-
pour poser mieux la question : teur écrit par des hommes qui ani-
l'avènement de l'astronautique a-t-il ment des groupements populaires.
une répercussion sur l'astronomie L'usage de ce livre complété par
proprement dite? « L'intersection la lecture suivie de l'Astrono-
des deux ensembles « astronomie » mie (13), l'excellente revue men·
et « recherche spatiale» est enco- suelle de la Société Astronomique
re... de peu d'étendue. Mais cette La lune telle que l'ont photographiée les astronautes d'Apollo VIII en décembre 1968. de France, devrait aider beaucoup
étendue augmente régulièrement. » à juste titre, contre les hypothèses A partir de la Terre, à travers l'at- de jeunes gens à prendre un contact
Cette phrase de J.-C. Pecker, pro- aventureuses exploitées sans vergo- mosphère, nous ne pouvons tout direct avec l'observation : n'ou-
fesseur au Collège de France, situe gne par une certaine presse : ce voir : opacité de cette atmosphère blions pas que le ciel est à tout le
l'intérêt de son livre L'astronomie satellite creux de Mars, par exem- pour les petites longueurs d'onde monde!
expérimentale (10): (dans l'ultra-violet), turbulence, dif-
ple. L'autre livre est d'un genre tout
L'astronomie était-elle fondée fusion. Par ailleurs, le champ ma- différent; c'est la réédition des Etu-
J.-C. Pecker, qui fut pendant
sur la seule observation, l'expéri- plusieurs années secrétaire général gnétique terrestre fait un barrage des sur l'astronomie indienne et sur
mentation n'y jouait-elle aucun rô- de l'Union Astronomique Interna- aux particules (la figure, p. 74, l'astronomie chinoise (14) par J.-B.
le? Pecker montre d'abord que la tionale est bien placé pour juger de montre assez dans quelle situation Biot. Si, sur la Chine, les ouvrages
distinction entre observation et ex- la « contamination » que la recher- étrange nous nous trouvons grâce de Needham (en anglais) ont appor-
périmentation est parfois subtile. che spatiale a valu à l'astronomie. à l'action conjuguée du champ ma- té de plus amples renseignements,
Cependant,. il faut reconnaître que Des intérêts (ou des égoïsmes) na- gnétique terrestre et du « vent so- la réédition du livre classique de
les satellites artificiels ont introduit tionaux, le secret (en raison d'im- laire », ce courant de particules Biot sera néanmoins appréciée. Il
une mécanique céleste expérimenta- plications militaires) sont venus dont, il y a seulement vingt ans, on ne faut pas croire, en effet, que
le à laquelle les Laplace ne pou- compromettre l'heureux climat de soupçonnait à peine l'importance). tout est dit dans l'histoire de l'as-
vaient penser. Dans ce domaine, coopération internationale qui ré- tronomie. Ne lisait-on pas récem-
l'apport de l'astronautique est évi- gnait dans la recherche astronomi- Sans abandonner les grands ob- ment, dans notre excellent confrè-
dent. L'exploration directe du mon- que (même si ce n'était pas tou- servatoires terrestres dont les instru- re The Times Literary Supplement
de extra-terrestre, - l'analyse des jours le paradis de l'entente cordia- ments resteront indispensables (ne (23-10-69) que l'Anglais Thomas
roches lunaires rapportées par les le). Même du point de vue techni- serait-ce que pour servir de bancs Harriot avait utilisé la lunette plu-
deux équipages ayant débarqué - , que, la recherche spatiale, dans la d'essai à de plus amples projets spa- sieurs mois avant Galilée ? Il sem-
fournit des renseignements d'un in- fougue qui tient à sa nouveauté, tiaux forcément plus coûteux), les ble que ces admirateurs de Hamot
déniable' intérêt. Cela conduit Pec- n'est pas encore intégrée dans la observatoires spatiaux, lunaires ou aillent un peu loin; mais il n'est
ker à reprendre le vieil et séduisant recherche astronomique générale circum·terrestres ne manqueront pas douteux que leur homme ait
problème de la pluralité des mondes comme la radio-astronomie en quel- pas d'ajouter à notre connaissance dessiné, dès 1610, une carte de la
habités où· il présente des projets sé- ques vingt ans a su le faire. Mais de l'Univers des informations que Lune où l'on peut facilement repé-
rieux de communication extra-ter- cela viendra. nous ne pouvons soupçonner. Ce ne rer cette « Mer de la Tranquilité »
restre (le projet Ozma auquel il a sera encore qu'une étape : se déga- où le 20 juillet 1969 Armstrong et
fallu renoncer et qui consistait à Dans un deuxième ouvrage aus- gera-t-on jamais 'de cette « poussiè- Aldrin sont venus mettre un peu
capter, s'il existait, un rayonnement si solide et aussi passionnant que re » qui, non seulement remplit le du trouble ou de l'émotion qui agi-
radio-électrique émis par des êtres le précédent, J .-C. .Pecker étudie soit-disant vide interplanétaire mais tait les millions d'hommes specta-
ayant comme nous connaissance de pourquoi et comment les Observa- obscurcit encore les espaces inter- teurs de leur exploit.
l'importance dans la nature du toires spatiaux (11) ajouteront aux stellaires à l'intérieur de notre Ga- L'astronomie continue.
rayonnement de 21 cm de longueur puissants moyens dont nous dispo- laxie et établit· comme de frêles
d'onde). Il met en garde, aussi et sons déjà pour explorer l'Univers. ponts de matière entre galaxies Gilbert Walusinski

La Quinzaine littéraire, du 16 au 31 maTS 1970 25


COLLECTIONS

ESPRIT
POUR ARREnR UN
G~NOCIDE
L'extermination des L'aventure des idées Il l'université de Vienne, qui historique et doctrinal et dont la plu-
Indiens des civili.ations nous offre Ici une vivante peinture part n'avalent jamais été traduits en
des conditions sociales et Intellec- français jusqu'Ici, témoignent en outre
• tuelles, ainsi que des forces en évo-
lution, prédominantes en cette pé-
d'une pensée originale par rapport au
judaïsme et nous permettent de re·
rlode; l'Expérience grecque, par Cecil trouver, Il travers les rites, les mythes
LE CAPITALISME • L'aventure des civilisations - est
Maurice Bowra, historien et poète, et les légendes des civilisations an-
le titre d'une collection internationale
AUJOURD'HUI d'histoire qui sera Inaugurée sous peu professeur Il l'Université d'Oxford, el ciennes de Mésopotamie, de Canaan
chez Fayard. Conçue par une équipe dont l'ouvrage a été salué comme unI" et des Hittites, nos propres sources
• d'universitaires venus du monde en-
tier, elle se propose de mettre en
œuvre d'art par la presse britannique;
l'Epopée des Phéniciens, par Sabatlno
lointaines. L'ouvrage, en tout état de
cause, Illustre bien le but et les cri-
relief. Il travers l'histoire de ces dra- Moscatl, étude exhaustive sur une tères de la collection qui sont de réu-
SYNDICATS ET mes collectifs que sont toutes les civi- civilisatIon des plus énigmatiques due nir les traditions et textes fondamen·
è un des plus grands spécialistes taux des grandes religions ou mou-
PARTIS lisations, le dynamisme de toute so-
mondiaux en la matière, professeur de vements spirituels du monde en des
ciété humaine, son génie créateur. sa
philologIe sémitique Il l'Université de ouvrages d'une haute l'Igueur scienti·
• capacité de renouvellement.
Elle entend ainsi ajouter à l'intérêt
Rome; l'Ere des révolutions (1789-
1848), par Eric J. Hobsbawm, auteur,
flque et d'une grande tenue littéraire.

R~VISIONS DU scientifique des ouvrages qui. de notamment, d'un ouvrage paru che7. Rappelons que la collection - Le
l'Egypte ancienne ou de la Chine jus- Fayard et intitulé les Primitifs de la trésor spirituel de l'humanité - com-
COMMUNISME qu'aux sociétés Industrielles néo- révolte dans l'Europe moderne (voir le prendra au total une quinzaine de
techniques des pays en pointe, s'arti- n" 3 de la Quinzaine). volumes qui vont de l'hindouisme aux
L'U.R.S.S. et la science culeront en un vaste tableau d'en- religions traditionnelles de l'Afrique
semble, un coefficient pratique sus- Chez le même éditeur (associé avec noire, de "Amérique précolombienne
Le socialisme de Richta Denoël pour la circonstance), dans la et de l'Océanie, en passant par le
ceptible de leur gagner la faveur de
Le tournant de Garaudy tous ceux qui recherchent auourd'hul collectIon • Le trésor spirituel de bouddhisme, l'Islam, les religions de
des exemples d'adaptation et de créa- "humanité -, René Labat, André Ca· la Chine et du Japon, les religions
La foi de Diilas tivité ou qui s'Interrogent sur les voles quot, Maurice Sznycer et Maurice
de celle-cI. Vleyra publient, sous le titre les Reli·
La librairie du Drugstore
• • L'aventure des civilisations - sera
glons du Proche-Orient asiatique, un
ouvrage où se trouvent rassemblés, des Champs Elysées a le plaisir
MARS 1970 : 8 F divisée en trois grandes s~éries qui traduits et expliqués tout un ensemble de vous inviter à rencontrer
comprendront chacune une dizaine de de textes religieux de cette région
volumes abondamment Illustrés : dont certains n'ont été exhumés que ALBERT MEMMI qui signera
l'ensemble de ses livres à l'oc-

El\1l' tRIT
• Antiquité -, • Moyen Age et Temps depuis quelques années, et qui éclai-
e
19, rue Jacob, Paris 6 modernes -. • l'Epoque contempo- rent le milieu spirituel dans lequel la casion de la parution de son ro-
raine -. Parmi les premIers titres à Bible hébraïque a pris naissance et man cc LE SCORPION », le mer-
c.c.P. Paris 1154-51 paraître : l'Univers du Moyen Age, par s'est développée. Ces documents,
FrIedrich Heer, professeur d'histoire replacés ainsi dans leurs contextes credi 18 mars de 18 à 20 heures.

propres appartenait à la logique W : bientôt l'identité des Athlètes


se confondit avec l'énoncé de leurs performances. A partir de
cette idée-clé : un Athlète n'est que ce que sont ses victoires,
s'est édifié un système onomastique aussi subtil que rigoureux.

Les novices n'ont pas de nom. On les appelle simplement


par Georges Perec Novices. On les reconnaît à ce qu'ils n'ont pas de W sur le dos
de leurs survêtements, mais un large triangle d'étoffe blanche.

Les Athlètes en exercice n'ont pas de nom, mais, tout au plus,


des sobriquets qui, à l'origine, faisaient allusion à des particula-
Dès la fondation de W, il fut décidé que le nom des premier~ rités physiques (le Fluet, Bec-de-Lièvre, le Rouquin), morales
vainqueurs serait pieusement conservé dans la mémoire des (le Rusé, le Lourdaud, le Bouillant, le Trouillard), ethniques ou
hommes et qu'ils seraient donnés à tous ceux qui leur succède- régionales (le Frison, le Sudète, l'Insulaire) ou même s'inspiraient,
raient au palmarès. L'usage s'imposa dès les secondes Olym- sinon de l'anthroponymie indienne, du moins de son Imitation
plades: le vainqueur du 100 m reçut le titre de Jones, celui du scoute (Cœur de Lion, Bison Ravi, Jaguar Véloce, etc.). Mals
200 le titre de Mac Millan ; ceux du 400, du 800, du marathon, du l'Administration n'a jamais vu d'un bon œil l'existence de ces
110 m haies, du saut en longueur, du saut en hauteur, etc., furent sobriquets qui, extrêmement populaires chez les Athlètes, ris-
respectivement appelés Gustafson, Müller, Schollaert. Kekkonen, quaient de dévaloriser l'usage des noms-titres. Non seulement
Hauptmann, Andrews, etc. elle ne les accepta jamais officiellement (pour eUe un Athlète,
en dehors des noms que peuvent lui valoir ses victoires, n'est que
La coutume se généralisa bientôt, non seulement à toutes les l'initiale de son village assorti d'un numéro d'ordre), mais elle 8
compétitions, mais aussi aux seconds et troisièmes qui, d'abord même réussi, d'une part à en limiter l'usage à l'intérieur des
glorifiés par l'adjonction à leurs noms des qualificatifs honorifiques villages, évitant par là qu'ils se popula'risent auprès du public
• d'argent .. et • de bronze ", se virent à leur tour décerner pour des stades, d'autre part à interdire leur renouvellement. Les
titre le nom du plus ancien de ceux qui avaient occupé leur place. sobriquets sont désormais héréditaires : l'Athlète qui quitte son
équipe laisse au novice qui le remplace son nom officiel (son
Il était évident que ces titres, arbor~s comme des médailles, numéro d'ordre dans le vil liage) et son surnom. On a pu l'Ire,
symboles de victoire, n'allaient pas tarder à devenir plus impor· quelque temps, de voir un géant baptisé. le Nabot .. ou un obèse
tants que le nom des Athlètes. Pourquoi dire d'un vainqueur : il répondant au nom de Maigrichon. Mais, dès la 3- génération, les
s'appelle Martin, il est champion olympique du 1.500 m, ou Il sobriquets avaient perdu tous leurs pouvoirs évocateurs; Ils
s'appelle Lewis, il est second au triple saut dans le match local n'étaient plus que des repères atones, à peine plus humains que
W-ouest W, alors qu'il suffit, et qu'il est plus glorieux de dire: il les matricules officiels. Désormais, seuls comptaient les noms
est le Schreiber, ou il est Van den Bergh. L'abandon des noms donnés par les victoires.
anciennes du Proche et du Moyen· tlon à la linguistique ., chez Klinck· frontation ouverte où les jeunes pour·
Orient, les religions des Celtes, des sleck, se présente comme un instru- ront exposer les raisons de leurs
Germains, des Scandinaves, des Eu· ment de travail synthétique et péda- engagements en un dialogue contra-
rasiens. Premier titre paru : les Rell· gogique destiné . aux étudiants, aux dictoire; • Recherches d'histoire reli·
glons d'Afrique noire, documents choi· enseignants ainsi qu'à tous ceux qui gieuse ., réalisée avec le concours du
sis et présentés par Louis Vincent· s'intéressent aux développements ré- C.N.R.S. et qui s'appuiera sur de nom·
Thomas, Bertrand Luneau et Jean cents de cette science. Elle sera com· breux documents pour la plupart iné-
Doneux. posée de deux séries : la série A dits. Premiers titres à paraître dans la
ou • Lectures • comprendra des ouvra- collection • Carrefour des jeunes. :
ges consacrés à une discipline ou à Problèmes des jeunes, par Yves Gen-
un problème majeur de la linguistique til-Bai chis qui analyse les résultats
Le Livre de Poohe et présentant chacun un ensemble de de la première enquête effectuée par
textes particulièrement éclairants. des jeunes sur les jeunes depuis le
commentés et confrontés de façon à mols de mai 1968; la Révolution 1,
Le Livre de Poche ressuscite le ro- mettre en relief les postulats, les dialogue entre un maoïste et un mau-
man • populaire • dont les deux maî- méthodes, les résultats et les prolon· rassien; Dieu, débat entre un athée
tres incontestés furent Alexandre Du- gements de telle ou telle recherche et un croyant; la Politique au lycée,
mas et Michel Zévaco. Repris par en la matière; la série B ou • Pro- discussion entre un responsable de
Arthème Fayard en 1917 dans sa col· blèmes et méthodes • proposera des l'U.N.I. et un délégué des CAL. (cha·
lection du • Livre populaire ., réédités volumes complémentaires qui, sous cun de ces volumes, et c'est là une
vingt ans plus tard et épuisés depuis forme d'essais systématiques ou de constante de la collection, comporte
plusieurs années, la célèbre série de manuels, présenteront sous un jour un compte rendu du dialogue, un essai
feuilletons de Michel Zévaco est au- actuel les doctrines et les' méthodes de synthèse présenté par Guy Baret,
Jourd'hui relancée par le Livre de que l'étudiant doit maîtriser. Premiers animateur de la collection et quelques
Poche qui· publiera en mars : les Par· titres : la Stylistique, par Pierre Gui- thèmes de réflexion sur le problème
daitlan, l'Epopée d'amour, la Fausta, raud et Paul Kuentz, la Lexicologie, traité. Premiers titres à paraître dans
les Amours de Chlco, puis, en juin : par Alain Rey, dans la série • Lectu- la collection • Recherches d'histoire
le Fils de Pardaman, le Trésor de res .; Essais de stylistique, par Pierre religieuse. : Albert de Mun (1872·
Fausta, la Fin de Pardaman, la Fin de Guiraud, dans la série • Problèmes et
méthodes •. 1890), par Charles Molette ou l'exi·
Fausta. gence doctrinale et les préoccupations
sociales d'un laïc catholique; Reli·
glons sans frontières 1, par Paul TOI-
Initiation Carrefour des jeunes net, étude compàrée sur le Judaïsme,
à la linguistique l'islamisme, l'orthodoxie, la Réforme,
l'anglicanisme, le Vieux Catholicisme,
Deux nouvelles collections chez l'Eglise des Mormons; Paix dans la
Sous la direction de Pierre Guiraud Beauchesne : • Carrefour des jeu· tempête,' document sur la crise ac-
et d'Alain Rey, la collection • Initia- nes ., qui veut être le lieu d'une con- tuelle des catholiques.

Le mode de classement des athlètes et l'organisation des compé- enfin, être un des 50 ou 80 vainqueurs des Atlantiades, ce qui lui
titions font qu'il y a moins de noms que d'athlètes et que, c'est donne le titre de Casanova.
là une particularité remarquable du système de noms W, un athlète
peut porter plusieurs noms, ou encore, peut en changer. Ce sont ces 6 noms qui seront inscrits sur son palmarès. qui
constitueront son identité officielle, et que, respectant une hiérar-
Des championnats de classement sortent 264 vainqueurs, c'est- chie traditionnelle, il prononcera ainsi quand il aura à se présenter
à-dire 264 noms, 66 par village, correspondant aux trois premiers devant les officiels :
dans chacune des 22 disciplines pratiquées. Les quatre champion-
nats locaux en fournissent 4 fois 66 autres; les deux épreuves Le Gustafson de Grunelius, de pfister, de Cummings, de Wester-
de sélection en redonnent 2 fois 66. Les Olympiades et les Sparta- man-Casanova.
kiades ont chacunes 66 vainqueurs, soit à nouveau 132 noms. Les
Atlantides, enfin, qui consistent en une course tout à fait parti- Il va de soi, évidemment, que ces dénominations, pour officielles
culière, ont un nombre indéterminé de vainqueurs (généralement qu'elles soient, sont de durée variable. Le titre de champion olym-
de 50 à 80) qui ont tous droit au même nom, celui de Casanova. pique est l'un des plus solides, puisqu'il n'y a qu'une Olympiade
Il ya donc, au total, dans tout W, 793 noms. Mais les championnats par an ; le titre de Casanova est mis en jeu tous les mois, à chaque
locaux, les épreuves de sélection, les Olympiades et les Atlan- Atlantiade; les titres issus des victoires remportées dans les
tiades étant courues par les 264 vainqueurs des championnats de épreuves de sélection, les championllats locaux et les épreuves
classement, il s'ensuit que ces 264 athlètes classés se disputent de classement doivent être défendus presque chaque semaine.
463 des 529 titres restants, alors que les 1.056 athlètes non classés
n'ont à se partager que les S6 titres mis en jeu aux Spartakiades. Le titre de champion olympique, le plus stable, et. partant, le
Sur les 1.320 athlètes en exercice, 330 en tout auront droit à une plus disputé, représente un sommet dans la carrière d'un athlète.
identité officielle, 66 grâce aux Spartakiades, 264 grâce aux cham- L'usage s'est assez vite établi d'en conserver le privilège à celui
pionnats de classement et aux autres compétitions. Les vainqueurs qui l'avait une fois conquis. même s'il ne parvenait plus à renou-
des Spartakiades, étant par définition des non classés, ne pourront veler son exploit. De même que l'on appelle à vie « Monsieur le
avoir d'autre nom que celui qu'ils auront conquis dans ces courses; Président» celui qui a été, ne fut·ce qu'une semaine, Président du
les autres, au contraire, pourront cumuler jusqu'à 6 titres. Ainsi, un Conseil, de même appelle-t-on à vie « le Kekkonen » celui qui a
coureur de 400 du village Nord W peut être Westerman (1 er au une fois remporté le 110 haies aux Olympiades. Néanmoins, pour
championnat de classement Nord W). Pfister (2" au championnat ne pas confondre ce Kekkonen d'honneur avec le Kekkonen en
local Nord W - Nord-Ouest W), Cummings (2" au championnat local exercice, on transforme légèrement le titre, généralement en re-
Nord W· W), Grunelius (1",r aux épreuves de sélection Nord W- doublant la première syllabe. On dit ainsi le Kekkonen, le Jojones,
Ouest W) ; il peut, en outre, se classer 1",r aux Olympiades et rece- le Mamacmillan, le Schochollaert, l'Andrandrews, pour signaler les
voir le titre prestigieux du Gustafson (pour les vainqueurs des anciens vainqueurs olympiques du 110 m haies, du" 100 m, du
Olympiades, comme pour les grandes cantatrices, on fait précéder 200 m, etc.
le nom de "article défini, et l'on dit « le Gustafson »). Il peut, (A suivre)

La Quinzaine littéraire, du 16 au 31 mar, 1970


THEATRE

Strindberg
1
Strindberg par ceux-là qui n'y vont pas, et
La danse de mort qui découvrent que le théâtre
T.N.P. peut leur parler. Minette est une
jeune fille que des truands met-
Jacques Kraemer tent au turbin, et c'est aussi le

1 Splendeur et misère
de Minette la bonne Lorraine
Théâtre de Gennevilliers
minerai lorrain, pauvre comme
chacun sait, que les patrons de
la sidérurgie, le trouvant peu
rentable, commencent à délais-
ser pour les minerais plus riches
Quand on a vu, d'un soir au du Gabon et de Mauritanie, au
lendemain soir, la Danse de risque de tuer l'industrie lorrai-
mort et Splendeur et misère de ne au profit des complexes in-
Minette, la bonne Lorraine, dustriels que Usinor et Wendel-
spectacles présentés tous les Sidélor installent à Dunkerque
deux dans des salles • à voca- et près de Marseille : si bien
tion populaire -, le Palais de que. le Texas français - qu'on
Chaillot et la Salle des Fêtes célébrait vers 1950, voit ses usi-
Maria Casarès
de Gennevilliers, on est conduit nes fermer, le chômage s'instal-
nécessairement à quelques ré- profondeurs, le théâtre de la héros de Stroheim, et cette co- 1er; la grève de Mai 68 a été un
flexions. D'un côté, un phéno- cruauté et tout le bataclan. médienne ratée, inassouvie et coup d'arrêt donné aux fraudes
mène très considérable de Reste que cet étripage conjugal, enragée, à la fois bourreau et et petites manœuvres des maî-
notre culture théâtrale, puis- même porté à la dimension my- victime, le jeu vertigineux de la tres de forge; la pièce vise à
que la pièce de Strindberg - thique, relève encore du théâtre haine les unit d'un tel lien que poursuivre cette action.
c'est écrit partout et ce n'est de chambre, qui ne saurait plus les deux partenaires, usés par
nous combler; sans compter leur propre férocité et l'appro- Certes, Kraemer, l'auteur-met-
pas inexact - peut passer pour teur en scène n'est pas Brecht,
l'Eve, en quelque sorte, de tout que ce naturalisme paroxysti- che de la mort, découvrent à la
que n'épargne pas le mélo ni la fin, dans leur complicité d'âmes et Minette n'est pas Arturo Ui
un théâtre contemporain. De ni l'Opéra de Quat'Sous, à quoi
l'autre Un spectacle d' • agit- grandiloquence, porte le ca- de proie, une sorte d'étrange
chet d'une époque, et que dans tendresse qui referme sur eux elle se réfère expressément;
prop - quasiment, une pièce on peut trouver le symbolisme
conçue, pour s'adresser aux l'œuvre même de Strindberg on le monde.
peut préférer à cette pièce des Nous qui n'avons pas l'admi- un peu simpliste et insistant,
travailleurs des usines et des trouver que le jeu c1oV\lnesque
mines de Lorraine, puisqu'elle pièces aussi méchantes mais ration historique, ce duel quasi-
moins closes sur elles-mêmes, clinique, pour exemplaire qu'il des acteurs n'est pas toujours
a pour sujet la crise du minerai sans maladresse. Mais que va-
de fer lorrain et la mise en comme les Créanciers ou Made- soit, nous laisse assez étranger.
moiselle Julie. Il est vrai D'autant que la mise en scène lent nos critères en face d'un
cause des patrons de la sidérur- travail de théâtre qui se veut,
gie française. Le cul entre deux que le mécanisme de la torture de Claude Régy, intelligente et
paranoïaque fonctionne ici de forte certes, au lieu de jeter l'un et qui est, un moyen d'interven-
chaises, coincé entre un théâ- tion, intelligent et efficace? Ce
tre de culture et un théâtre d'in- manière assez exemplaire. Dans contre l'autre avec une espèce
le huis-clos de cette forteresse de violence animale les deux qui compte, c'est que l'équipe
tervention et mal content des du T.P.L., dans un langage théâ-
deux, comme étranger à "un et posée sur une île aux confins monstres sacrés dont elle use,
du monde, la haine et l'exercice Cuny et Casarès, a choisi, sur tral simple, direct, et moderne,
à l'autre, le critique théâtral qui et à mille lieues de tout patro-
entend rester engagé dans la de la torture, pour ce capitaine un rythme ralenti comme la du-
raté et demi-fou, aigri dans l'ar- rée des rêves, de les analyser nage ouvriériste, parle à des
réalité contemporaine éprouve ouvriers - puisque 80 % de
là devant, plus vivement que tillerie de forteresse et pour et décomposer séparément jus-
l'ancienne théâtreuse son épou- qu'à ne plus laisser d'eux que leur public lorrain sont des tra-
jamais, le sentiment d'être, vailleurs - des problèmes qui
comme dit Sartre, un • bâtard -. se, sont devenues la matière des spectres séparés par une
même de leur vie, et la vérité distance qui nous sépare d'eux sont les leurs : mécanisme de
de leur communication. Ces davantage encore. l'exploitation, gangstérisme pa-
deux êtres, ~nfermés dans leur Il est hors de doute que nous tronal, retards dans la moderni-
île et leur haine, - tout ayant attendons aujourd'hui du théâtre sation de la sidérurgie, avanta-
fui, domestiques et enfants - autre chose que l'analyse spec- ges de la nationalisation des
Un olassique du théâtre mines, dénonciation de la dy-
s'acharnent avec une cruauté trale de nos affrontements indi-
et un speotaole d'agit-prop. d'insectes sur le cadavre de viduels, à quelque hauteur mé- nastie Wendel, etc. Voilà l'exem-
leur amour aussi encombrant taphysique qu'ils se haussent, ple d'un théâtre non médiocre
Deux exemples à méditer. que le cadavre d'Amédée chez et que, dans le tumulte de l'His- né du combat même de la classe
Ionesco; une haine tour à tour toire qui est la nôtre, Genet et ouvrière et susceptible d'entre-
feutrée et hystéHque, lutte à Brecht, par exemple, nous com- tenir ce combat. Voilà l'exemple
mort entre deux êtres dont cha- blent davantage que les landes d'un théâtre qui, analysant des
cun veut se nourrir de l'autre en brûlées de Beckett. Encore nous faits sur le mode comique, est
Soit : cette Danse de mort, le vidant de sa substance, vam- parlent-ils par le truchement de nature à montrer à ceux
qui ouvre le siècle (1900), tien- pires comme Strindberg les ai- d'une culture dont nous restons, qu'on exploite que cette exploi-
dra une place capitale dans me et les a peut-être vus quand même malgré nous, tributaires. tation n'est pas fatale, et qu'un
l'histoire du théâtre. Freud et il a côtoyé la folie. Entre cet Le spectacle du Théâtre po- monde peut être changé, dont
Nietzsche sont là et toute une homme de caste, absolutiste et pulaire de Lorraine parle évi- on voudrait nous faire croire
postérité se bouscule à la solitaire, ce raté nietzschéen en- demment un autre langage, qu'il participe de la nature des
porte: Kafka, Beckett et Iones- fermé dans le mensonge et l'al- moins séduisant pour nous au- choses.
co, et l'enfer sartien, et Pinter cool et fasciné par un néant tres, la gent-quj-va-au-théâtre,
et Albee, la psychologie des dont pourtant il a peur, entre le mais directement intelligible Gilles Sandier

28
Livres publiés du 20 février au 5 mars
Mercure de France, A. Michel, 192 p., 15 F Voir les nO' 65 et 86 de La poUle et la musique questions posées dans
ROMANS 184 p., 15 F Par le Prix Nobel de la Quinzaine. en Inde le silancfJ de son
.,RANÇAIS Un conte philosophique Littérature 1968. Gallimard, 216 p., 18 F cabinet.
dont le héros est une Restif de la Bretonne Un recueil des essais et
sorte de • Candide • Heinz G. Konsallk La vie de mon père études que Daumal François Gauquelln
• Mathieu Bénézet Manœuvres d'automne Texte établi, avec Savoir communiquer
Biographies moderne. consacra à la littérature
Trad. de l'allemand introduction, hindoue, complétés de Préface
Gallimard, 204 p., 14,75 F par Max Roth chronologie, de F. Rlchaudeau
Un roman à plusieurs traductions Inédites de
A. Michel, 336 p., bibliographie, notices, textes sacrés et Denoël, 256 p., 28,50 F
niveaux où la vie ROMANS 15,90 F relevés de variantes, Comment utiliser
quotidienne, l'histoire, profanes.
ETRANGERS Les aventures cocasses notes et glossaires efficacement les
la recherche d'une et émouvantes d'un par Gilbert Rougler Etlemble Instrument de base de
Identité et la création officier allemand, 18 reproductions Jeannine Etlemble la communication.
littéraire tissent de • José Maria Arguedas depuis l'Allemagne Garnier, 400 p., 19,90 F L'art d'écrire
poétiques entrelacs. Tous sangs mêlés Impériale jusqu'à Seghers, 640 p., 36 F • W.-H. Grler
Henri Bosco Trad. de l'espagnol la chute du troisième George Sand Un ensemble de textes P.-M. Cobbs
Un rameau dans par J.-F. Reille Reich. Œuvres . de tous les temps et La rage des noirs
la nuit Gallimard, autobiographiques de tous les pays sur américains
Gallimard, 416 p., 496 p., 34 F Lisa Morpurgo Tome 1 le métier d'écrivain. Payot, 212 p., 18,80 F
28,75 F A,utour de personnages Madame aller et retour Histoire de ma vie Par deux p~ychiatres
Réédition d'un roman dune_démesure Trad. de l'Italien Texte établi, présenté Kléber Haedens noirs, une analyse des
paru chez Flammarion ~ostolevsklenne, par C. de Lignac et et annoté par G. Lubin Une histoire de la mécanismes profonds
en 1950 1épopée d~ Pérou H. de Marlassy Bibliothèque de littérature française qui expliquent
contemporain. Grasset, 208 p., 18 F La Pléiade Grasset, 418 p.. 35 F aujourd'hui la révolte
Henri Bosco Un premier roman qui Gallimard, 1536 p., 58 F Réédition d'un ouvrage des Noirs aux
Sylvlus • Karen Blixen a pour cadre un paru sous l'occupation, Etats-Unis.
Gallimard Contes d'hiver château des Pyrénées Léon Trotsky augmentée de deux
104 p., 9,50 F Trad. de l'anglais et pour héros les Karl Marx chapitres sur quelques Claude Kohler
Réédition d'un roman par Marthe Metzger membres d'une étrange Buchet-Chastel, écrIvains de Les états dépresifs
paru en 1949 Gallimard, 320 p., 22 F famille. 283 p., 9,75 F l'après-guerre et du chez l'enfant
François Boyer Un recueil de contes roman actuel. Dessart, 128 p., 23,25 F
écrits en anglais M. W. Waring La révolte des Une étude basée sur
Le petit bougnat • canuts " étape
30 dessins de pendant \'ocupation les témoins • Josué Montello 17 observations
allemande par la Trad. de l'anglais essentielle dans Un maître oublié recueillies dans les
Serge Boyer l'histoire de la France
Denoël, 224 p., 15 F grande conteuse par C.-M. Huet de Stendhal services hospitaliers
danoise. A. Michel, 484 p., 30 F et même dans l'hIstoire Seghers, 152 p., 19,50 F lyonnais.
L'aventure poétique universelle.
et joyeuse d'un garçon Une fresque historique Par un beyllste fervent,
Frank Conroy sur la dernière guerre. une étude sur un G. lanterl-Laura
de dix ans en rupture Un cri dans le désert Histoire de la
de ban (le film tiré écrivain oublié qui
Trad. de l'anglais BIOGRAPHIES peut être considéré phrénologie
du roman sort ces par Suzanne Métillard P.U.F., 264 p., 30 F
jours-cl) . MEMOIRES comme l'un des
Gallimard, précurseurs du roman L'œuvre anatomique et
• Marcel Brion 352 p., 25,50 F stendhalien : physiologique de
L'ombre d'un arbre Une poétique évocation .Pablo Neruda • Victor Chlovskl F..J. Gall.
mort du chemin qui conduit Mémorial de l'Ile Noire Léon Toistoi Saint-Réai (1639-1692).
A. Michel, 352 p., 24 F de l'enfance à la Trad. de l'espagnol Tome Il : 1810-1910 Jacques Petit G. Lutte, D. Plveteau,
Un roman fantastique maturité. par Claude Couffon Trad. du russe par Julien Green, J. Carrel et S. Sartl
où les thèmes oniriques Andrée Robet l'homme qui venait Jeunesse européenne
Gallimard, 344 p., 24 F
et ceux de la vie Axel Jensen Gallimard, 424 p., 28 F d'ailleurs d'aujourd'huI
l'autobiographie
quotidienne se mêlent Epp poétique du grand
Par le • père du Desclée de Brouwer, Ed. OuvrIères,
constamment Trad. du norvégien formalisme russe -, 350 p., 29 F 248 p., 18 F
poète chilien. la deuxième part!e d'une
par Carl-Ove Bergman L'univers obseSSionnel Une vaste enquête
• Yves Buln et Marc de Gouvenaln grande biographie de Julien Green. auprès de 32 000
La nuit verticale Gallimard, 144 p., 12 F de Tolstoï. la seule garçons et filles,
Grasset, 176 p., 18 F Une parabole puissante
REEDITIONS écrite par un .C. Pichols appartenant à 7 nations.
Voir les nO' 10 et 51 et simple, dont le Soviétique. R. Kopp sur leur idéal et leur
de la Quinzaine héros, • retraité de Chefs-d'œuvre de la Les années BaudelaIre modèle dE> vie
l'automation " est une tradégle grecque F. Mallet.Jorls Ed. de la Baconnière,
• Jean Giono La maison de papier
L'Iris de Suse sorte de Bouvard des Prométh6e enchaïnée, 208 po, 22,80 F Michèle Perron-Borelll
Gallimard, temps futurs. d'Eschyle, Oedipe Roi, Grasset, 276 p., 21 F le premier volume L'examen psychologique
248 p., 19,25 F de Sophocle, Alceste, Une chronique sur le vif d'une nouvelle de l'enfant
Un récit romantique, elsmaïl Kadaré d'Euripide de cette comédie aux collection qui se P.U.F., 240 p., 14 F
dans un langage plein Le général de Traduction d'André cent actes divers propose d'offrir aux Une réflexion critique
de charme et de saveur, l'armée morte Bonnard qu'est la vie baudelalrlens un lieu de sur les techniques et
par l'auteur Trad. de l'albanais Traduction quotidienne d'une rencontre. les pratiques usuelles
d' • Ennemonde et Préface de R. Escarpit d'André Bonnard famille. des examens
autres caractères • A. Michel, 288 p., Rencontre, Enid Starkie psychologiques.
(voir le n° 48 de la 16,50 F 296 p., 17,60 F Flaubert
Un roman de guerre Trois tragédies Jeunesse et maturlt6 N. Rausch
• Quinzaine). CRITIQUE de Traubenberg
d'une grande Intensité grecques dans la HISTOIRE Trad. de l'anglais
François Lejeune dramatique et d'un par E, Gaspar La pratique
version réputée d'un LITT*RAIRE
Plog humour savoureux. Mercure de' France, du Rorschach
Mercure de France, grand helléniste.
456 p., 29 F P.U.F., 208 p.• 12 F
144 p., 12 F • Valentin Katalev T.-S. Eliot R.-M. Albérès Une étude biographique la valeur Interprétative
Un roman d'une Le puits sacré Les hommes creux Le roman d'aujourd'hui et critique, des facteurs
facture très nouvelle Gallimard, 172 p., 16 F Edition bilingue 1960-1970 quantitatifs et
Le monde contemporain Traduction de A. Michel. 280 p., qualitatifs du test de
Jean-François Steiner Rorschach et de leur
Les méttques à travers la vision Pierre Leyrls 19,50 F SOCIOLOGIE
très personnelle et Ed. P. Castella, Suisse, A travers une centaine P8 YCHOLOGIE déroulement.
Fayard, 192 p., 16 F
Un conte symbolique pleine de verve d'un 15 F de • flashes •
romancier de Instantanés, le film Pierre Vachet
et érotique, par Ernst Jünger Frank Caprio Remltde à la
l'auteur de • Treblinka • soixante-dIx ans. d'actualité du roman
Jeux africains contemporain. 101 tabous sexuels vie moderne
(voir le n° 3 de la eYasunarl Kawabata Préface de Préface d'Ho Amoroso Grasset. 224 P" 18 r
Quinzaine) . Les belles endormies M. Jouhandeau René Daumal Ed. de la Pensée Un médecin explique
Jacques Zibi Trad. du Japonais Gallimard, Bharata Moderne, 116 p., 9,60 F aux hommes
Le clnqul6me singe par René Sieffert 248 p., 15,50 F L'origine du théitre - Un médecin répond aux d'aujourd'hui comment

La Quinzaine littéraire, du 16 au 31 marI 1970 29


Livres publiés du 20 février &u li mars 1970

ils peuvent se protéger Payot, 256 p., 30,10 F le célèbre biologiste, Les rapports entfe au développement André Siegfried
contre les agressions Une introduction aux répondant à les Institutions et dialectique et à La Sul....
de la vie moderne. principales théories ses correspondants, les structures de du matérialisme démocratle-témoln
et découvertes de la expose ses Idées la société sous la théorie marxiste Ed. de la Baconnière,
• Louis Wolfson linguistique moderne. sur l'homme, le monde l'Ancien Régime. de là révolution et 308 p., 22,80 F
Le schlzo et les langues et la science. de l'Etat socialistes. Une réédition revue
GU la phonétique chez .Alain Rey Daria Olivier et augmentée de
le psychotique Littré Catherine la grande Rizkallah Hllan «Points de rupture-,
(esquisses d'un étudiant L'humanlsme et 32 III. hors-texte Culture et par Pierre Béguin.
de langues. les mots HISTOIRE Rencontre, 408 p., développement
schizophrénique) Gallimard, 352 p.. 17,60 F en Syrie et dus J. Suret-Canale
Préface de 22,25 F Un portrait approfondi le. peys retardés La République
Gilles Deleuze Un commentaire Philippe Bourdrel de celle qui fut, Anthropos, 388 p., 37 F de Guinée
Gallimard, 280 p., du célèbre dictionnaire, La Cagoule pendant trente-quatre Une étude théorique Ed. Sociales, 432 p.,
28,50 F par un lexicographe Trente ans de ans, tsarine de toutes étayée sur 50F
Une froide analyse (Alain Rey dirige complots les Russles. une documentation Un tableau des réalités
clinique la rédaction du 26 documents h.-t. considérable. économiques et
Un témoignage dictionnaire Robert). A. Michel, 288 p., 25 F • Leo Oppenheim sociales de la Guinée
particulièrement La Mésopotamie Philippe Larère depuis son accession
L'histoire de Trad. de l'anglais Une nouvelle c.....
original en ce qu'II se ce mouvement Inspiré . à l'Indépendance.
présente non comme par P. Martory moyenne
du fascisme Italien Gallimard, 456 p., 38 F Editions Ouvrières, Michel Tardieu
l'exposé d'un délire, ESSAIS et dont nous trouvons
mais comme une froloe --------- Le portrait d'une 128 p., 9,50 F La Bourse
les prolongements civilisation qui L'avènement des Grasset, 304 p., 21 F
description clinique. dans un passé récent. s'est épanouie entre technicien•• Le mystère de la Bourse
Joseph Basile le Tigre et l'Euphrate, élucidé à l'intention
Le. atouts Madeleine Foisil
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de l'Europe mllllnéraire au milieu Engels par le commentateur
Préface de L. Armand et les r6volte.
normande. de 1639 du premier millénaire Lénine de l'O.R.T.F.
Daniel Babut Fayard, 224 p., 18 F avant Jésus-Christ. Sur lu socl6tés
Plutarque et le Pour un équilibre P.U.F., 368 p., 40 F Jean Vergeot
Publications de précapltallstu
stoiclsme des capacités • Henri Pirenne Ed. Sociales, 416 p., Le. pl....
Publication de techniques, sociales la Faculté M3homet et dans le monde
26 F
"Université de Lyon et spirituelles des Lettres et Sciences Charlemagne Un recueil de textes Préface d'Emile Roche
P.U.F., 612 p., 60 F de l'Europe. humaines 3 cartes Postface
de Paris-Sorbonne. choisis, publiés sous
P.U.F., 236 p., 20 F l'égide du Centre de R. Montjoie
• Gaston Bachelard • Auguste Cornu L'évolution de l'Europe France-Empire,
Karl Marx Guy Fourquln d'Etude et
Le droit de rêver septentrionale vers de Recherches 328 p., 25,50 F
P.U.F., 256 p., 15 F et Friedrich seigneurie et f60dallté
au Moyen Age la féodalité sous Marxistes. La politique de
Un recueil de tp.xtes Engels. Leur vie et l'action des invasions planification
écrits entre 1942 et leur œuvre • Tome IV: P.U.F., 248 p., 12 F
L'Interaction de islamiques. Jean Poncet à travers le monde
1962 et où Bachelard 1845-1846 Le sous-développement et les grandes options
célèbre les valeurs P.U.F., 320 p., 30 F la seigneurie et de
la féodalité et • Fernand Rude vaincu? Italie • de base de la France
oniriques à travers La formation L'Insurrection lyonnaise Tunisie • Roumanie en ce domaine.
l'art et la littérature du matérialisme leurs divergences à de novembre 1831
partir du XIV' siècle. . Ed. Sociales, 18,25 F
historique. Le mouvement Le sous-développement
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La philosophie des Robert Escarplt de 1827 à 1832
La révolution du livre E. Bacon l'inévitable DOCUM.NTS
professeurs 8 hors-texte contrepartie du
Grasset, 280 p., 18 F 3 diagrammes L'Atlantide
(La vérité derrière Anthropos, 796 p., capitalisme
Voir le n° 90 de la et 11 tableaux 51,50 F
P.U.F., 168 p., 15 F la légende) monopolistique Jacques Derogy
Ouinzalne. d'Etat. La 101 du retour
Réédition, revue Trad. de l'anglais par Jacques Saint-Germain
Gilles Deleuze et mise à jour, Tanette Prigent Le roman vrai
Louis XIV secm René Roy de l' • Exodus •
Spinoza d'une étude sur 27 photographies Hachette, 286 p., 30 F
P.U.F., 128 p., 1 F les mécanismes en coul. Eléments Fayard, 448 p., 28,50 F
La vie quotidienne d'économétrie D'après
Une présentation des économiques, 97 photographies du Roi Soleil.
thèses contestataires techniques et et documents en noir, P.U.F., 352 p., 20 F les témoignages
de Spinoza, par l'auteur intellectuels de 16 cartes et plans Une Introduction des acteurs de
• Joël Schmidt à cette science qui la tragédie et
de «Spinoza et le l'édition. in-texte Le christ des
problème de A. Michel, 220 p., 59 F profondeurs met en jeu les les archives secrètes
l'expression. (Ed. de Maurice Lamy Une étude fondée sur Coll. «R. comportements d'Israël, un document
Minuit, voir le n° 68). Tempéraments les recherches A. Balland, 188 p., 15 F particuliers des sujets hallucinant sur
et prédispositions géologiques et Une étude historique et le résultat l'immigration
• Edmund Husserl aux maladies . archéologiques sur la naissance du des décisions clandestine des Juifs
Expérience et jugement Hachette, 160 p.. les plus récentes. christianisme et individuelles. la guerre.
Recherches en vue 17,40 F l'épopée de ses au lendemain de
d'une généalogie de Un bilan des Paul Minot fondateurs. François Sellier
la logique découvertes de La princesse Palatine Dynamique des Dominique Loisel
Trad. de l'allemand par la génétique et de et sa sœur besoins sociaux J'étais le
D. Souche la biologie en Hachette, 192 p., Editions Ouvrières, Commandant X
P.U.F., 500 p.. 30 F. ce domaine. 16,50 F 256 p., 22 F Préface du
La vie de POLITIQUE L'enquête d'un Général Grossln
YI King Les cerveaux cette princesse ECONOMIE économiste, en Fayard, 384 p., 25 F
Le livre non humains allemande qui épousa Europe et aux La vie et
des mutations Ouvrage collectif Philippe d'Orléans et Etats-Unis, sur les aventures
Traduit du chinois réalisé par une équipe dont les lettres sur Georges Cogniot l'origine, les d'un des as
et annoté par de journalistes la cour de Louis XIV Présence de Lénine modalités et l'évolution du contre-espionnage
R. de Becker S.G.P.P. éd., 320 p., sont fort célèbres. Tome 1: La trame de ces besoins français.
Planète, 304 p., 25 F 31 F d'une vie héroïque nouveaux qui font
Le livre de chevet Introduction à Roland Mousnler Tome Il: éclater les vieilles Georges Ménager
de tous les hippies l'Informatique. La plume. la faucille Les destinées sociétés. Les quatre vérités
et un grand classique et le marteau historiques de Papillon
de la tradition chinoise. • Jean Rostand Institutions et Société du léninisme • J.-J. Servan-Schreiber Table Ronde, 240 p.,
Le courrier en France Ed. Sociales, 256 Le manifeste 18 F
Yuen Ren Chao d'un biologiste du Moyen Age et 160 p., 7,10F et 5 F ciel et terre Le document qui est
Langage et systèmes Gallimard, 236 p., 19 F à la Révolution La contribution Denoël, 304 p., 19,50 F à l'origine du procès
symboliques Un ouvrage où P.U.F., 408 p., 40 F . de Lénine Le manifeste radical. Intenté par
Henri Charrière Editions Ouvrières, • Trésors Inconnus» Lucifer IIje 7 III. en couleurs Gallimard/Manteau
à l'auteur. 312 p., 27 F 110 reproduction La salive de l'éléphant Nagel, 180 p., 35,50 F d'Arlequin
La femme en coul., Losfeld, 320 p., 24 F La sélénologie
et ses problèmes 50 III. en noir et son expression
d'après Saint-François Nagel, 170 p., 194, 80 F Philippe de Jonas à tr<8vers les âges
R.LIGIOH Eros existe,
de Sales Un essai
sur les représentations je l'al rencontré M. et H. Larsen
Au commencement Masumi Shibata Losfeld, 248 p., 18 F Brousse maléfique Poèmes à dire
érotiques chinoises choisis
(Genèse l, 1·24) Les maîtres du Zen 53 photos hors-texte
Textes hébreu, au Japon, Hommage Jean-Claude Lauret dont 6 en couleurs par Daniel Gélin
français, allemand et suivi de la traduction à Henri Matisse La foire au sexe A. Michel, 212 p., 27 F Préface de J. Vilar
Trad. française de française des Sermons 32 pl. en couleurs A. Balland 212 p., A la découverte Seghers/P.S.
anglais sur le Zen de Tetsugen 120 reproductions 19,50 F d'une île désolée Un ensemble
de René Rognon et de Bassul en noir et bianc Un document des Nouvelles-Hébrides de poèmes français
illustrations Maison neuve 1 linoléum de Matisse et une réflexion dont les auteurs de tous les temps,
originales et Larose éd., XX' siècle éd., 128 p., sur la première foire nous décrivent choisis en fonction
d'Adrian Frutlger 248 p., 30 F. Prix de souscription mondiale du sexe avec passion de leur qualité musicale
Ed. Paul Castella, Un ouvrage d'ensemble jusqu'au 15 avril : 60 F qui s'est tenue la sauvage grandeur et de leurs propriétés
Albeuve, Suisse, sur les doctrines A l'occasion récemment • verbales»
61,50 F zénistes de la grande à Copenhague Freddy Tondeur
La Libye, Les poètes
de leurs origines, rétrospective Robert Sermaise de la Commune
Daniel Boureau au XII· siècle, qui aura lieu en avril royaume des Ables
La mission des parents Prélude charnel Coll. • Pays et cités Présentées
à nos jours au Grand Palais L'Or du temps, 200 p., par Maurice Choury
Perspectives pour le centième d'art »
conciliaires Samuel Stehman 31F Nombr. photographies Préface
anniversaire Réédition d'un roman de Jean-Pierre Chabrol
de Trente à Vatican Il Ce Dieu que j'Ignorais de la naissance Nathan, 160 p., 17,05 F
Cerf, 400 p., 52 F Un Juif rencontre paru dans les années 45 Un document Seghers/P·.S.
du peintre Un remarquable
Une étude du rôle le Christ Silvagni et un témoignage
des parents dans la Fayard, 128 p., 15 F. Veronica Ions sur cet immense pays document politique
L'Iconolâtre et littéraire
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ouverte à ce sujet M. Xhaufflalre 21,30 F. Losfeld, 288 p.,
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et la théologie ses dieux Le hérisson vert Le tempérament
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L'apparition tangible nerveux
L'analogie entre Dieu Cerf, 400 p., 39 F. et leurs figurations 216p., 17,50F
et le monde Losfeld, 218 p., 10,20 F Eléments
Les contradictions dans l'art Les chroniques d'une psychologie
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contemporaine L'organiste et appllcetlon
Cerf, 336 p., 30 F à la lumière Art et mesure et d'un noctambule
Comment réconciller de l'espace Table Ronde, 256 p., 24 F à la psychohtéraple
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et protestants Dessart, 256 p., 19,50 F Payot
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Gallimard/Idées
de Saint Augustin
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de Beethoven
L'homme
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Une vaste synthèse L'art surréaliste Fayard, 384 p., 40 F. L.-F. Céline, J. Cocteau,
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Luitpold A. Dorn Hazan, 256 p., 30 F. A. Michel, 192 p., 29 F LITT.RATUR.
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L'Intégration urbaine celui Guide de l'homme seul H. de Balzac Gallimard/Idées
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Les concepts lointaine» illustrations Garnier/Falmmarlon
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vivant et familier, de politique La photographie, Tchou, Les paradis et des villes
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et leurs applications 460 reproductions Un guide pratique Garn1er/Flammarion Payot
de Jean XXIII dans le monde dont 30 en couleurs où se trouvent
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Lettres .. mes frères de l'illustration, toutes les ressources Les aventures d'Allee La terre
de la Trappe Depuis 45-T. 1 offertes par les 167 au pays des merveilles et l'évolution humaine
Ouvrage collectif 220 p., 48 F
Cerf, 352 p., 26 F. L'univers villes les plus Avec 37 dessins A. Michel/L'évolution
Cent-vingt lettres Préface de J. Leymarle, fréquentées de France de l'auteur de l'humanité
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Un chrétien à l'art abstrait), 29 dessins, 55 cartes Garnier/Flammarion
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de l'humanité» Jean-Françols Revel
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Th Schueller Yun Yu Les dix Japonais 96 reproductions Pierre Bourgeade Sur Proust
La femme et le Saint Coll. Losfeld, 136 p., 15 F en noir dont 4 h.-t., Les Immortelles Gonthler/M~latlons

La Quinzaine littéraire, du 16 IIU 31 ma,., 1970 SI


fbétiQue " POÉTIQUE"
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• REVUE DE THÉORIE ET D'ANALYSE LITTÉRAIRES

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SEUIL
Publiée avec le concours du Service des publications de Paris - Sorbonne. N° 1 : Roland
..1 Barthes, Jean-Pierre Richard, Harald Weinrich, Hélène Cixous, Philippe Lacoue-Labarthe,
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--. a Christiane Veschambre, Hans Robert Jauss, Tzvetan Todorov, Vélimir Khlebnikov.

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...... _-,........,,, Revue trimestrielle. Le numéro : 15 F. Abonnement à 4 ~uméros : 55 F, étranger : 60 F. 27, rue Jacob,
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Paris-6·. C.C.P. 3.04204.
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INTRODUCTION A LA LITTÉRATURE FANTASTIQUE, par Tzvetan Todorov
Seuil Potocki, Nerval, Gautier. Villiers de l'Isle-Adam ... Un essai où la rigueur de la "poétique"
structurale ne veut jamais demeurer en reste sur le plaisir et l'aventure du lecteur. 18 F.

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de poche "Dans les prisons et camps so-
PALESTINIENNE
Protocole Secret et documents viétiques d'aujourd'hui, le déses- par

points
du 14" congrès extraordinaire du poir me prit souvent. Une seule Gérard Chaliand
PC tchécoslovaque, réuni clan- chose me donna la force de vivre
destinement, 'Ie 22 août 1968, ce cauchemar: l'espoir que j'en Au retour de plusieurs séjours
dans une usine de Prague. sortirais et que je raconterais parmi les "fedayin", Gérard Cha-
Collection" Combats". aux quatre vents ce que j'avais liand décrit leurs combats, ana-
Un volume de 384 pages, 25 F. vu, ce que j'avais subi" lyse leurs stratégies, donne la
(MARTCHENKO). parole aux responsables.
Collection "Combats". Collection" Combats".
Un volume de 336 pages, 21 F. Un volume de 176 pages, 15 F.

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L'homme unidimensionnel
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La voix
de l'opposition
EN NEGATION' CULTURELLE
communiste Rapport sur l'hôpital par
TEILHARD en U.R.S.S. psychiatrique de Gorizia, Jean Esmein
DE CHARDIN sous la direction de
Franco Basaglia (après 3 ans de présence à Pé-
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Le phénomène humain circulant sous le manteau en Une entreprise sensationnelle de
kin).
9 F U.R.S.S., réunis par l'équipe du contestation menée à l'intérieur Le quart de l'humanité invente
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Maurice Collection" Combats". lui-même. reconstitution historique,
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ROLAND BARTHES : SIZ
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Bronislaw S!Z se Présente comme un "commentaire" sur plusieurs registres d'une nouvelle parti-
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MALINOWSKI ciatif vertical, Roland Barthes en déploie les virtualités, les interdits, les prolongements
signifiants, l'inconscient littéral. Modèle de ce qu'est désormais - et sera de plus en
Une théorie scientifique plus - une lecture active de l'écriture moderne.
de la nature, et autres c--."T"~~
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Collection" Tel quel", 280 pages, 21 F.
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Emmanuel
MOUNIER
Malraux, Sartre TEL QUEL no 40 LES FONDEMENTS LES TROYENS
Camus, Bernanos,
L'espoir des désespérés Marcelin Pleynet Incantation
dite au bandeau d'or - Jean-
DE L' ARITHM~TIQUE par
Jean-Pierre Faye
6 F Michel Rey : La figuration et la par Gottlob Frege
mort - Georges Bataille Le Un ouvrage historiquement capi- Troies, Troyes: ou le siège -
Jean-Pierre berceau de l'humanité - dix tal où s'inaugure toute la logique du narrateur ou du lecteur : en-
RICHARD poèmes de Mao Tsé-toung (lus
et traduits par P. Sollers) - Jac-
moderne avec la conquête des
mathématiques par la logique, et
tourés de récits qu'ils ne per-
çoivent pas, mais dont ils ne
Stendhal - Flaubert ques Henric Pour une avant- la transformation de la logique cessent de subir les effets.
Littérature et sensation garde révolutionnaire - Paule elle-même à cette fin. Série" Change".
Thévenin: EntendrelVoir/Lire (fin). Collection" L'Ordre philosophique ". Un volume de 368 pages, 27 F.
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C. WRIGHT MILLS Le numéro: 15 F

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moyennes américaines) BORGES DU SENS MOTS D'ORDRE
9 F par lui-même Essais sémiotiques par
par E. Rodrigez Monégal par A.-J. Greimas Philippe Boyer
Les Fictions de Borgès sont à Qu'est-ce que le sens? Et com- Autour de 3 hommes et de 2 fem-
l'origine de tout un courant lit- ment en parler sans recourir au mes, se déroule le jeu d'une
téraire et artistique, pour ne pas sens? Existe-t-il une approche Organisation ambiguë. Jeux d'une
dire philosophique, qui n'avait naturelle du sens (par exemple singulière circulation érotique.
pas été jusqu'à présent ressaisi. dans le geste) ? Comment peut- Mais aussi du rapport violent en-
Collection de poche illustrée. on, sur la trace de Lévi-Strauss, tre servilité et oppression.
"Ecrivains de toujours" n" 86, 7 F. repérer l'organisation de ces Série" Change".
modes particuliers de signifier Un volume de 224 pages. 21 F
que sont le conte folklorique ou
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Un volume de 320 pages, 25 F.

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