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● HI-FI ● ALAIN ALTINOGLU ● FALLA ● RUDOLF SERKIN ● PAUL

12 SOURCES AU L’ASCENSION D’UN LES POUVOIRS DE DES BEETHOVEN BADURA-SKODA


BANC D’ESSAI CHEF FRANÇAIS L’AMOUR SORCIER MIRACULEUX UN PIONNIER

la folle histoire du

N° 731 MARS 2024


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sommaire n° 731 MARS 2024

ACTUALITÉ
4
9
L’éditorial d’Emmanuel Dupuy ILS FONT
Coulisses
L’ACTUALITÉ
MAGAZINE
18 Tête d’affiche
ALEXIS KOSSENKO En scène
20 Tête d’affiche Après avoir festoyé au disque
PIERRE BLEUSE chez le comte d’Artois, glanant

© AMANDA PROTIDOU
au passage un Diapason d’or,
22 Histoire ALEXIS KOSSENKO s’apprête, PAGE 18
LE BOLÉRO DE RAVEL à la tête de ses Ambassadeurs –
La Grande Ecurie, à se mesurer
38 Rencontre à une partition quasi mythique :
ALAIN ALTINOGLU Atys de Lully.
42 L’œuvre du mois
L’AMOUR SORCIER DE FALLA
46 Mythologies
PAUL BADURA-SKODA
48 L’air du catalogue En interview
LE CONCERTO POUR PIANO C’est surtout hors de nos frontières
AU XXe SIÈCLE qu’ALAIN ALTINOGLU a trouvé la
50 La chronique d’Ivan A. Alexandre reconnaissance, en particulier
PAGE 38 à la Monnaie de Bruxelles
© DIRK LEEMANS

et à l’Orchestre symphonique
SPECTACLES de la Radio de Francfort, deux
53 A voir et à entendre prestigieuses institutions dont il est
l’heureux directeur musical.
58 Vu et entendu

62 LE DISQUE
LE SON
107 Echos En disques
110 Ecoute Après Debussy, Saint-Saëns, Bizet
CASQUE ET ENCEINTES et Gounod, un autre géant
112 Banc d’essai de la musique française rejoint
PAGES 6
12 SOURCES DE 289 € À 6960 € LA DISCOTHÈQUE IDÉALE
ET 68
DE DIAPASON. Joyaux
120 En images incontournables et raretés : voici
LA HI-FI EN FÊTE les chefs-d’œuvres de BERLIOZ.

LE GUIDE
© COUVERTURE : PASCAL CHANTIER

127 Radio
128 Livres RECEVEZ DIAPASON CHEZ VOUS !
130 La playlist de ma vie Votre bulletin d’abonnement se trouve page 101.
JUSTIN TAYLOR Pour commander d’anciens numéros, rendez-vous sur
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Ce numéro comporte sur tout ou partie de sa diffusion : Vous pouvez aussi vous abonner par téléphone au 01 46 48 47 60
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Media Voyages d’exception posé au dos du magazine.

I3
L’éditorial
D’EMMANUEL DUPUY

L’autre côté du miroir


ite musical implanté aux quatre coins représentés figurent les éternels piliers du répertoire,
du monde, Bachtrack recense dans son dus à messieurs Mozart, Puccini, Verdi et Bizet.
agenda plus de 30 000 concerts, spectacles Où sont les femmes ? Dans la musique d’aujourd’hui,
lyriques ou chorégraphiques. De cette base domaine qui subit les bouleversements les plus impor-
de données planétaire sans équivalent, les administra- tants. Elles sont quatre parmi les dix compositeurs
teurs extraient chaque année une analyse statistique vivants les plus joués : la Russe Sofia Goubaïdoulina,
toujours éclairante sur l’état de santé de notre secteur. l’Américaine Caroline Shaw, la Sud-Coréenne Unsuk Chin,
Mis en ligne le 9 janvier ¹, le cru 2023 n’échappe pas à la Britannique Anna Clyne. Une féminisation d’autant plus
la règle, d’autant qu’il s’accompagne cette fois d’une louable, que partout la création progresse – et c’est là sans
évaluation sur la dernière décennie, révélatrice de nul doute l’évolution la plus inattendue que révèlent les
profondes mutations. statistiques de Bachtrack.
Premier enseignement : si la féminisation progresse, la Depuis 2013, la part de la musique contemporaine dans
bataille n’est pas encore gagnée. Quatorze dames figurent les programmes a en effet bondi d’environ 6 % à 14 %.
désormais parmi les cent chefs les plus programmés en La tendance est encore plus nette au Royaume-Uni (de 6 %
concert, contre quatre en 2013. C’est donc plus qu’un à 15 %) comme aux Etats-Unis (de 7,5 % à 20 %). Est-ce
triplement, mais on est très loin de la parité. D’ailleurs, un hasard ? Pas vraiment, car les courants les plus prisés
aucune ne fait partie du top 20, toujours squatté par les n’émanent pas de notre Vieux Continent, mais du monde
hommes – Andris Nelsons, Klaus Mäkelä et Paavo Järvi anglo-saxon. Parmi les dix compositeurs vivants les
trônant sur les premières marches du podium. Si les plus joués, outre Anna Clyne, un autre est britannique
cheffes ont si peu l’occasion de se produire, c’est peut- – Thomas Adès ; et outre Caroline Shaw, pas moins de trois
être qu’elles ont moins accès que autres sont américains – John Adams,
leurs homologues masculins aux
postes à responsabilité, notent les
_ Cette fois, c’est Philip Glass et, champion toutes caté-
gories, John Williams. Oui, vous avez
auteurs de l’étude : sur une centaine
d’orchestres recensés par leurs soins,
sûr, l’empire a bien lu : John Williams, le musicien
chéri de Steven Spielberg, mais aussi
seuls sept avaient une directrice
musicale à leur tête.
contre-attaqué. _ l’auteur de nombreuses partitions
pour le concert, voit sa cote tant
Du côté des grands solistes, le bilan n’est guère plus monter qu’il accède illico au panthéon des classiques
enviable. Parmi les dix pianistes les plus actifs, on ne trouve (cf. L’Ile déserte p. 66). Cette fois, c’est sûr, l’empire a contre-
qu’une musicienne – Yuja Wang. Elles ne sont que deux attaqué, reléguant loin derrière la création européenne,
parmi les violoncellistes – Sol Gabetta et Alisa Weilerstein. en particulier celle qui continue à prôner une rupture
Le violon est donc l’unique instrument pour lequel on radicale avec la tonalité – au palmarès, cette sensibilité
atteint enfin la parité – grâce à mesdames Janine Jansen, brille par sa discrétion.
Patricia Kopatchinskaja, Isabelle Faust, Alina Ibragimova Revers de la médaille : la part des musiques ancienne
et Hilary Hahn. et baroque dans les programmes chute au Royaume-Uni
En 2023, sur les deux cents compositeurs les plus joués (de 20 % à 15,5 %), encore davantage aux Etats-Unis
en concert, vingt-deux étaient des compositrices, contre (de 13 % à 6 %). En toute logique, nous dirait le prophète
seulement deux en 2013. Là aussi la progression est Harnoncourt, persuadé que l’on revenait au passé pour
notable, mais avec un bémol : aucune n’entrait dans le « combler le vide » laissé par le présent. « Je ne vivrai sans
top 10 où, sans surprise, Mozart, Beethoven et Bach doute pas assez longtemps pour voir la musique contem-
prenaient la tête du peloton. Parmi les dix œuvres sym- poraine parvenir enfin de l’autre côté du miroir et rentrer
phoniques les plus interprétées, toutes étaient signées en synchronie avec le monde », regrettait le fondateur
par des hommes : Rachmaninov (dont on célébrait le du Concentus Musicus dans nos colonnes en 2001. Deux
cent-cinquantième anniversaire), l’indéboulonnable grosses décennies plus tard, au bout du tunnel, n’est-ce
Beethoven, Dvorak, Brahms, Tchaïkovski, Stravinsky. pas la lumière qu’on aperçoit ?
Même topo à l’opéra où, parmi les dix ouvrages les plus ¹ – à consulter sur https://bachtrack.com

4I
SOUS LA PRÉSIDENCE DE S.A.R. LA PRINCESSE DE HANOVRE

Chants
de la terre

25 concerts
19 lieux

© Sebastião Salgado, Les volcans Kamen et Kluchevskoy, Péninsule du Kamtchatka, Russie, 2006
70 œuvres
12 créations mondiales
500 artistes

« ma fin est mon commencement » – opus 3


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Les chefs-d’œuvre
Des enregistrements rares et légendaires sélectionnés par Diapason.
De l’Ouverture Les Francs-Juges (1826) à la Marche troyenne (1864) en passant par la
Symphonie fantastique, le Requiem et La Damnation de Faust : voici le meilleur de ce que
Berlioz a produit pour le théâtre, le concert et l’église, par ses interprètes les plus illustres.

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Votre coffret Berlioz comprend :
CD I Symphonie fantastique André Cluytens. 1958. Nuits d’été Suzanne
Danco, Thor Johnson. 1951. CD II Symphonie fantastique Pierre Monteux.
1930. Nuits d’été Victoria de los Angeles, Charles Munch. 1955. CD III Carnaval
romain André Cluytens. 1961. Béatrice et Bénédict (ouv.) Charles Munch.
1958. Le Corsaire Paul Paray. 1958. Rob-Roy Adrian Boult. 1956. Le Roi Lear
Thomas Beecham. 1947. Benvenuto Cellini (ouv.) Pierre Monteux. 1952. Les
Francs-Juges Arturo Toscanini. 1941. CD IV-V La Damnation de Faust Richard
Verreau, Consuelo Rubio, Michel Roux. Igor Markevitch. 1959. Harold en Italie
William Primrose, Charles Munch. 1958. CD VI-VII Roméo et Juliette Cesare
Valletti, Rosalind Elias, Giorgio Tozzi. Charles Munch. 1961. Mélodies Victoria
de los Angeles, Dietrich Fischer-Dieskau, Gerald Moore. 1960. Eleonore Steber,
Jean Morel. 1954. Benvenuto Cellini & Les Troyens (extr.) Nicolai Gedda,
Georges Prêtre. 1961. Paul Paray. 1960. Thomas Beecham. 1957. Georges Thill,
Eugène Bigot. 1934. Rita Gorr, Lawrence Collingwood. 1958. CD VIII L’Enfance
du Christ Hélène Bouvier, Jean Giraudeau, Louis Noguera, Michel Roux, Henri
Medus. André Cluytens. 1951. Waverley Thomas Beecham. 1954. CD IX Te
Deum Alexander Young, Thomas Beecham. 1953-1954. Invitation à la valse
Igor Markevitch. 1954. Marseillaise André Cluytens. 1959. CD X Requiem
Richard Lewis, Thomas Beecham. 1959.

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SEVENTEENTH
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21 MAY – 7 JUNE 2025 I FORT WORTH, TEXAS USA

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PAUL LEWIS, jury chair i ireland/united kingdom JON NAKAMATSU, united states
RICO GULDA, austria LISE DE LA SALLE, france
ANDREAS HAEFLIGER, switzerland YEVGENY SUDBIN, united kingdom
MARI KODAMA, japan/united states WU HAN, china taiwan/united states
GABRIELA MONTERO, venezuela/united states
©
DA
AS

APPLICATIONS DUE 16 OC TOBER 2024 I CLIBURN.ORG


ACTUALITÉS coulisses
PAR BENOÎT FAUCHET

Leur parole est d’or


Les nouveaux disques de la flûtiste Anna Besson et de l’ensemble Le Stagioni
de Paolo Zanzu ont été couronnés d’un Diapason d’or le mois dernier. Vous voulez
savoir comment furent conçus ces joyaux ? Les heureux élus lèvent un coin du voile.

Anna Besson Paolo Zanzu


FLÛTE CLAVECIN ET DIRECTION D’ENSEMBLE
Corelli et Quentin : Sonates pour flûte et continuo. « Un secolo cantante » : œuvres de Ferrari,
Anna Besson (flûte), Myriam Rignol (viole de gambe), Monteverdi, Strozzi…
Jean Rondeau (clavecin et orgue). Alpha. Solistes, Le Stagioni, Paolo Zanzu. Arcana.

« Si l’on pense au répertoire pour flûte, il est peu « Après une longue fréquentation des opéras vénitiens
probable que les noms de Jean-Baptiste Quentin du XVIIe siècle, j’ai voulu consacrer un enregistrement à leurs
et d’Arcangelo Corelli viennent à l’esprit. Et pourtant débuts flamboyants. Une nouvelle démarche était essentielle,
ce disque est la preuve qu’une musique aussi belle trop d’habitudes dénuées de fondements historiques
et bien écrite peut se jouer sur n’importe quel instrument et musicologiques s’étant installées dans les interprétations
sans perdre en qualité. Finalement, qu’importe le flacon, d’aujourd’hui. On cherche souvent des effets flatteurs pour
pourvu qu’on ait l’ivresse ! Si le côté universel de ces deux les oreilles contemporaines plutôt que d’oser aller au plus près
compositeurs s’est imposé comme une évidence, j’ai été de ces textes. Car ils nous parlent encore, mais il faut vouloir
animée par une querelle intérieure pendant l’élaboration les écouter. Dans “Un secolo cantante”, j’ai réuni des morceaux
du programme : voulais-je tendre vers un style français connus et d’autres inédits, en privilégiant une instrumentation,
ou un style italien ? Les sonates de Corelli adaptées une orchestration et des pratiques interprétatives fidèles
au traverso ont été éditées à Paris – la partition de 1738 aux sources d’époque, et en remettant le texte, son interprétation
est vierge de tout ornement mis à part quelques dramatique et son accompagnement musical au centre. Dans
“tremblements” – et la musique de Quentin est bel et bien une phase cruciale pour le mouvement de la musique ancienne,
française, mais fortement inspirée de l’écriture nous devrions renouveler notre regard sur le répertoire. Pour cela,
corellienne. La vérité est sans doute au milieu. J’ai fait il me semble fondamental de questionner les sources, s’appuyer
© SEBASTIEN LAVAL

le choix de m’entourer d’un clavecin italien et d’une viole sur les dernières études, réfléchir à nos techniques de jeu
© JEAN LOUIS

de gambe, en mesurant l’immense privilège d’avoir pu et de chant. En nous inspirant des pionniers qui ont ouvert la voie,
graver une musique qui me fascine depuis toujours avec retrouvons l’esprit qui a fait de notre mouvement un phare
des partenaires en or. » de l’avant-garde musicale du XXe siècle ! »

I9
● coulisses

CRESCENDO

Ancien chef associé


de l’Orchestre de Paris
(2016-2019), THOMAS HENGELBROCK
rebondit à l’Orchestre de chambre
de Paris, qui l’a désigné directeur musical
à compter de la saison prochaine. Curieux
et éclectique, l’Allemand de soixante-cinq
ans s’épanouit en terre francilienne :
le Balthasar-Neumann Ensemble, chœur
et orchestre sur instruments anciens
qu’il porte avec volontarisme depuis trois
décennies, est, depuis l’automne 2020,
en résidence au château de Fontainebleau. JEUNE TALENT
Investi dans le champ social et l’insertion
professionnelle des jeunes musiciens,
Nom : Salzenstein
© MANUEL BRAUN

le chef pourra conforter cet engagement Prénom : Hanna


© MINA ESFANDIARI

à la tête de la formation parisienne et lui Née en : 1995


permettre de « poursuivre sa quête
d’excellence », se félicite le communiqué Profession : violoncelliste
annonçant sa nomination.

E
lle n’a pas vingt-neuf ans mais peut baroque, l’autre moderne. « Evidemment,
aligner déjà de solides références ce sont deux instruments différents, mais
discographiques. Au sein de l’ensemble je n’ai jamais vraiment mis de frontières
baroque Le Consort depuis son entre eux », glisse-t-elle.
« Opus 1 » (Alpha, 2019), au sein du Trio
Dichter pour un album consacré aux Jamais la routine
Schumann (HM, 2023)… Et voici que paraît Quand le claveciniste Justin Taylor et le vio-
chez Mirare le premier récital solo d’Hanna loniste Théotime Langlois de Swarte, avec
DECRESCENDO Salzenstein, dédié à l’émergence du violon- lesquels elle avait déjà joué, ont eu besoin
celle dans les premières décennies du d’un violoncelle pour leur Consort, c’est na-
XVIIIe siècle italien, un programme tour à tour turellement vers elle qu’ils se sont tournés,
© DR

enjoué et ombré, auréolé ce mois-ci d’un dès 2017. Elle est intarissable sur le champ
Diapason découverte (cf. p. 96). artistique que cette riche expérience lui
JAN LATHAM-KOENIG, chef britannique Mine de rien, cela fait plus de deux décen- ouvre, marquée par une « telle liberté dans
âgé de soixante-dix ans, a été arrêté nies que cet instrument est le sien. La fa- l’instrumentation, l’ornementation… En
à la gare Victoria de Londres le 10 janvier, mille d’Hanna Salzenstein est mélomane, concert, ce n’est jamais la routine ».
mis en cause pour des infractions sa fratrie musicienne. « La volonté de ma Passionnée par l’histoire de son instrument
à caractère pédocriminel, notamment mère était que nous fassions tous de la mu- – elle a écrit un mémoire de certificat d’apti-
des communications avec mineur par sique, mais le piano et le violon étaient pris tude sur l’école française de violoncelle –,
Internet ou téléphone. L’ancien directeur par mes frère et sœur aînés, alors… » Pour la musicienne se dit toujours en quête de so-
musical de l’Orchestre philharmonique la fillette, ce sera donc le violoncelle, d’abord norités « historiquement informées », y com-
de Strasbourg et de l’Opéra national au conservatoire à rayonnement régional pris dans le répertoire romantique, afin de
du Rhin, qui exerçait cette même fonction de Cergy-Pontoise puis rue de Madrid, avant renouveler l’interprétation. Tête chercheuse,
au Teatro Colon de Buenos Aires depuis l’entrée au CNSM de Paris à l’âge de seize elle joue, selon les œuvres, un instrument
l’été 2022, a été immédiatement démis ans, dans la classe de Michel Strauss puis baroque amstellodamois des années 1710
par l’institution lyrique argentine de Raphaël Pidoux. Enseignement mar- ou un italien de l’extrême fin du XIXe siècle…
« de toutes ses activités actuelles et quant, qui sera suivi d’un autre à la Villette : qu’elle peut « monter en boyaux filés pour
futures », compte tenu des « accusations celui de Christophe Coin. Depuis, Hanna gagner en richesse ». « Le boyau me conta-
extrêmement graves » pesant sur lui. Salzenstein joue deux violoncelles, l’un mine ! », s’amuse-t-elle. B.F.

10 I
Premier semestre 2024

Janvier 2024 Janvier 2024 Janvier 2024

Janvier 2024 Février 2024 Mars 2024

Mars 2024 Avril 2024 Avril 2024

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● coulisses

C’est, en millions de dollars, la somme que


ENTRÉE DES ARTISTES le Metropolitan Opera a été autorisé à retirer
de son fonds de dotation pour parer à sa fragilité
A trente-trois ans, la Française financière, selon le New York Times. Les réserves
Marie Jacquot vient d’être de l’institution lyrique de la côte Est sont encore
désignée à la tête d’un confortables puisqu’elles avoisinent les 250 millions
des principaux orchestres de dollars, mais elles s’amenuisent : le « Met »
de radio allemands, avait déjà dû y prélever 30 millions la saison dernière. « La dotation n’est
le WDR Sinfonieorchester certainement pas là pour être pillée, mais pour être utilisée en temps de crise
de Cologne, dont elle plutôt que de faire faillite », s’est justifié Peter Gelb, le directeur général
sera la première femme de la maison new-yorkaise, dans les colonnes du journal.
chef titulaire de l’histoire, Toujours pas complètement remis de la pandémie de Covid-19, le « Met »
© WERNER KMETITSCH

à compter de la saison 2026-2027.


espère, grâce à cette ponction de liquidités, conforter les signes d’un
frémissement qui lui donne des raisons d’espérer : jusqu’à 73 % de fréquentation
Jérôme Brunetière a décidé payante cette saison, soit dix points de plus que lors de la précédente, sur
de recréer un poste de directeur un nombre de représentations certes revu à la baisse pour faire des économies ;
musical à l’Opéra de Toulon pour une moyenne d’âge abaissée à quarante-quatre ans pour les acheteurs de billets
consolider le développement de à l’unité… Il semble que le pari audacieux de Peter Gelb sur l’opéra contemporain
l’orchestre maison et l’a confié au soit en partie payant : en décembre, l’ouvrage consacré à Malcolm X par Anthony
Lillois Victorien Vanoosten, ancien Davis (né en 1951) a clôturé une série
© JULIEN MIGNOT

assistant de Daniel Barenboim qui


s’est fait un nom à l’étranger.
de huit représentations avec un taux
de remplissage de 78 %… mieux que
La Bohème (74 %) ! Mais Dead Man
© WIKIPEDIA COMMONS / AJAY SURESH

Le violoncelliste Walking de Jake Heggie (né en 1961),


Raphaël Merlin, après deux largement entré au répertoire
décennies de présence au des théâtres lyriques américains,
sein du Quatuor Ebène, avait déçu en ouverture de saison,
y a cédé sa place à Yuya avec ses 62 % de fréquentation… Pas
Okamoto, jeune
trentenaire qui avait
de quoi détourner de ses intuitions
remporté un 2e Prix au Peter Gelb, qui programmera encore
Concours Reine Elisabeth en 2017. quatre titres d’aujourd’hui en
2024-2025, après six cette saison. B.F.
Le Philadelphia Orchestra et son
directeur musical Yannick Nézet-
Séguin accueilleront Marin Alsop A L’AGENDA
comme première cheffe invitée

E
pour trois saisons à compter t de dix ! France Musique lance en ce début de mois une nouvelle webradio thématique
de septembre prochain, au poste pour compléter l’offre conçue par Olivier Leborgne, Robert Rudolf et Benjamin Hertz
qu’occupe actuellement Nathalie (« Baroque », « Classique Easy », « Classique Plus », « Concerts Radio France », « Contem-
© GREGOR HOHENBERG / SONY MUSIC

Stutzmann. poraine », « Films », « Jazz », « Ocora », « Opéra »). Avec plus de 1,1 million d’écoutes
mensuelles en moyenne en 2023, les neuf webradios existantes
Adrien Perruchon a été reconduit représentent près de 40 % de l’écoute live de France Musique
pour les trois prochaines saisons en ligne. Mais curieusement, le piano n’avait pas encore sa
en tant que directeur musical « chaîne». Absence comblée avec la webradio « Piano Zen »,
de l’Orchestre Lamoureux, dont produite par le même trio de programmateurs, et qui offre à
il a pris la tête en 2021. son lancement 1115 morceaux représentant 72 heures d’écoute.
Le piano solo y sera roi, sans négliger la petite formation ou
le concerto. Les œuvres dédiées au clavier voisineront avec
Le ténor Jonas Kaufmann les transcriptions, les répertoires classiques, romantiques et
s’est vu remettre l’insigne
modernes avec les minimalistes, les bandes originales de film,
de chevalier de la Légion
d’honneur, en janvier, le jazz, les musiques actuelles… On l’aura compris, France Mu-
© STEPHANE GUENET

lors d’une réception sique assume le positionnement d’une webradio « d’ambiance »,


à l’ambassade de France pour aider l’auditeur à « se détendre, travailler, rêver et se faire
à Vienne. du bien ». Avec en ligne de mire le succès de la proposition
« baroque », qui affiche à elle seule en moyenne 300 000 écoutes
mensuelles. Dix fois plus que la « contemporaine ». B.F.

12 I
FREDERIC CHOPIN
LES NOCTURNES SECRETS
NICOLAS HORVATH

PHOTOS ANDY JULIA

INFOS ET RESERVATIONS
LABEL1001NOTES.COM - GAVEAU.COM - FNAC.COM
● coulisses

ENTRÉE DES ARTISTES


Simone Young sera la première
Crépuscule boréal
femme à diriger le Ring l’été Des accusations de violences sexuelles et d’emprise
prochain au Festspielhaus sur des jeunes filles ont émergé contre l’ancien chef d’un prestigieux
de Bayreuth, dont
la « fosse mystique » chœur d’enfants et d’adolescents du nord de la France.
accueillera ainsi
davantage de femmes
que d’hommes
puisqu’elles seront trois

A
près Denis Dupays, ancien directeur filles qu’il aurait abusées en se comportant avec
© BERTOLD FABRICIUS

avec Oksana Lyniv musical de la Maîtrise de Radio elles comme un quasi-gourou.


(Le Vaisseau fantôme) et Nathalie
France, un autre chef renommé dans Il est à noter que, dans ce dossier, les institu-
Stutzmann (Tannhäuser).
le milieu français des chœurs tions ne sont pas restées inactives. A la suite
d’enfants, Bernard Dewagtere, est l’objet de d’un signalement à l’association régionale
Arthur Hinnewinkel, pianiste soupçons de violences sexuelles et d’emprise Domaine Musiques, qui supervisait la maîtrise,
français de vingt-quatre ans, sur des mineures. Le 21 janvier, le journal Bernard Dewagtere a été licencié en 2005.
a remporté, lors des Sommets Le Parisien révélait que ce musicien avait été Une enquête judiciaire a été confiée à la brigade
musicaux de Gstaad, le Prix mis en examen par un juge en mars 2023 pour des mineurs de Lille, qui a entendu près de
Thierry Scherz du meilleur récital « atteinte sexuelle » et « viol par personne ayant soixante personnes entre 2005 et 2008, un tiers
dans le cadre des concerts autorité », concernant des faits remontant d’entre elles évoquant des comportements pour
« jeunes talents », ainsi que le prix aux années 1990 et au début de la décennie le moins inappropriés. L’affaire avait été
André Hoffmann de la meilleure suivante. Né en 1958, le mis en cause dirigeait classée sans suite, mais une plaignante s’est
exécution d’une œuvre nouvelle la Maîtrise boréale, chœur d’enfants et d’ado- constituée partie civile l’an dernier, ce qui a
© SIMON PAULY

signée Karol Beffa. lescentes alors florissant dans le Nord – le permis de relancer le dossier et de le voir
disque garde trace de collaborations avec les confier à un juge d’instruction. Une deuxième
maîtres baroques Jean-Claude Malgoire et plainte a été déposée en juin 2023. Le mis en
Lionel Bringuier retrouvera
un poste de directeur Gabriel Garrido. L’enquête du Parisien estime cause, présumé innocent au regard de la loi,
musical en septembre à dix-sept le nombre de ses victimes, des jeunes garde le silence. B.F.
2025, à la tête
de l’Orchestre
philharmonique royal
de Liège, qui lui a offert
un contrat de quatre saisons.

Florence Martin prend


la direction artistique de la Cité
musicale-Metz, qui regroupe
l’orchestre et les trois salles
de la ville, dont l’Arsenal, que
quitte Michèle Paradon après
© MICHAEL PÖHN

trente-six ans aux commandes.

L’Autrichien Franz Welser-Möst


a annoncé qu’il laisserait
la direction musicale
du Cleveland Orchestra
en juin 2027, après avoir
© GETTY IMAGES / MATTABBE

présidé à ses destinées


pendant vingt-cinq ans
(une saison de plus que
George Szell !) et recruté
la moitié de ses cent cinq
musiciens.

14 I
ALPHA 772 ALPHA 1019

ALPHA 1008 ALPHA 1021 ALPHA 1028

ALPHA 1046 STRAUSS QUATRE DERNIERS LIEDER ALPHA 1020 ALPHA 1012
MARKUS HINTERHÄUSER, PIANO
ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE RADIO FRANCE
MIKKO FRANCK
● coulisses

Casse-tête viennois
La cheffe ukrainienne Oksana Lyniv a peu goûté l’idée de partager l’affiche du prochain Festival de Vienne
avec son collègue russe Teodor Currentzis, dans le contexte de la guerre menée par Moscou contre Kiev.

L
es Wiener Festwochen l’ont pensé qui se rendent à Vienne depuis l’Ukraine
comme un ambitieux diptyque. en guerre, d’être placée dans le voisinage
Le grand festival viennois de musique de Teodor Currentzis », a déclaré la cheffe
et des arts du spectacle et visuels au magazine allemand Crescendo, même
a programmé le 2 juin, au Konzerthaus, s’il n’est pas prévu qu’elle croise son
le Kaddish Requiem « Babyn Jar » du com- collègue. Currentzis est accusé a minima
positeur ukrainien Yevhen Stankovych (né d’ambiguïtés à l’égard du régime de
en 1942), dirigé par sa compatriote Oksana Vladimir Poutine, alors que son orchestre
Lyniv à la tête de l’Orchestre symphonique MusicAeterna a reçu le soutien de la puis-
de Kiev. Dix jours plus tard, au Burgtheater, sante banque VTB – aujourd’hui sous
c’est le War Requiem de Benjamin Britten le coup de sanctions internationales –
que doit assumer le Gréco-Russe Teodor et a été parrainé par le géant de l’énergie
Currentzis, au pupitre notamment du SWR à capitaux publics Gazprom.
Symphonieorchester.
« Avec la programmation simultanée de Solution commune
Lyniv et Currentzis, tous deux inévitablement « Les liens de Teodor Currentzis avec la
perçus comme des représentants de leur Russie et son silence sur la guerre contre
pays respectif depuis le début de l’agression mon pays font qu’il m’est actuellement
© OLEH PAVLIUCHENKOV / JULIA WESELY

militaire russe contre l’Ukraine, la question impossible de me produire dans le


sera posée de la responsabilité et des limites de l’art en tant qu’espace même cadre que lui », a développé Oksana Lyniv. « J’espère vrai-
utopique », a justifié sur son site Internet la manifestation, désireuse ment que nous trouverons une solution commune avec les Wiener
de mettre au centre de l’attention « la mémoire et l’actualité de la guerre Festwochen dans les semaines à venir. »
et des massacres ». Deux productions majeures de Requiem unies par Début février, l’intendant du festival autrichien, le metteur en scène
un abonnement commun et un objectif de « compréhension » mutuelle suisse Milo Rau, assurait que le Kaddish Requiem ukrainien resterait
et de « réconciliation », ont fait valoir les organisateurs. au cœur de cette édition 2024, en ajoutant qu’il ne « s’accrocherait pas
Mais Oksana Lyniv ne l’entend pas ainsi. « Je ne peux pas prendre au reste » de la programmation. Et en demandant un peu de temps
la responsabilité, vis-à-vis des près de 150 musiciennes et musiciens pour trouver une solution à ce conflit artistico-diplomatique. B.F.

Elle a dit
En décembre dernier, « la pratique du chant « C’est ce qui est spécial », estime-t-elle. Hélas,
lyrique en Italie » a été inscrite sur la liste « l’opéra peut souvent être associé
représentative du patrimoine culturel immatériel au stéréotype d’une pièce de musée archaïque.
de l’humanité par l’Unesco. L’annonce a « ravi » Nous le voyons aujourd’hui comme très élitiste »
la soprano américaine LISETTE OROPESA, alors qu’il était jadis « une forme d’art
qui triomphe sur les plus grandes scènes. populaire », fait-elle valoir, en déplorant que cet
La jeune quadragénaire s’en est ouverte art, aujourd’hui, ne soit « pas commercialisé
dans un entretien publié le 20 janvier par correctement ». Or, « neuf fois sur dix »,
le New York Times, estimant que « toute c’est la musique, « tout simplement divine »,
opportunité de mettre l’opéra et la musique qui « fait vendre à l’opéra ».
classique sous les projecteurs est importante ». Lisette Oropesa veut tout de même croire qu’en
Pour la chanteuse, l’art lyrique n’est pas moins Europe « cette forme d’art perdurera car il y a
© STEVEN HARRIS

que « la dernière forme d’art véritablement un financement » public « pour cela ». Au rebours
humaine » car il est « non amplifié » et tout, des Etats-Unis, où le secteur dépend de la
de la partition aux costumes et à l’espace générosité privée de philanthropes, « modèle
acoustique, y est « conçu par des humains ». économique largement insoutenable ». B.F.

16 I
ILS NOUS ONT QUITTÉS
JEAN-MARIE VILLÉGIER EWA PODLES
Metteur en scène, né en 1937 Contralto, née en 1952
Né le 4 juillet 1937 à Orléans, Elle possédait une tessiture immense, un timbre sombre et très
Jean-Marie Villégier est reconnaissable, une agilité exceptionnelle. Autant de qualités
d’abord élève de l’Ecole qui en faisaient un grand contralto drammatico d’agilità, et qui
normale supérieure, agrégé ont amené certains à la qualifier de « force de la nature ».
de philosophie et universitaire. Ewa Podles naît à Varsovie le 26 avril 1952. Elle étudie
C’est pourtant vers à l’Académie de musique de sa ville natale, et fait ses débuts
les planches que son cœur en Rosina dans Le Barbier de Séville en 1975. Sa carrière met
le porte, et après deux mises du temps à décoller. C’est avec le répertoire baroque qu’elle
en scène pour l’Ecole montera pour la première fois sur la scène du Metropolitan
du Théâtre national Opera de New York, dans le rôle-titre du Rinaldo de Handel
de Strasbourg, il est, de 1973 en 1984. La même année, à Aix-en-Provence, les débuts français
à 1981, l’un des responsables sont difficiles : son timbre fauve et corsé semble surdimensionné
du Centre de dramaturgie pour la Rosine du Barbier de Séville. Mais le Rinaldo de Handel
© DR

de l’Opéra de Paris. Sa première mise en scène lyrique : qu’elle chante au Châtelet un an plus tard fait sensation.
une Cenerentola de Rossini à La Monnaie en 1983. Il signe Si l’Opéra de Paris l’invite peu, sa Dalila dans le chef-d’œuvre
ensuite deux spectacles à la Comédie-Française, dont l’entrée de Saint-Saëns, en 1991, est dans toutes les mémoires.
au répertoire de La Mort de Sénèque de Tristan L’Hermite En 1999, Rinaldo lui vaut un nouveau triomphe, lors d’une
(1984). Le succès incite Alain Pacquier à confier à Villégier tournée dirigée par Christopher Hogwood, avec Cecilia Bartoli,
Le Couronnement de Poppée donné à Nancy et à Metz (1985), où elle remplace le contre-ténor David Daniels. En 2011,
avec au pupitre un certain Gustav Leonhardt. elle sera aussi une faramineuse Madame de La Haltière
A l’approche de 1987, Villégier et William Christie sont choisis dans la Cendrillon de Massenet dirigée par Marc Minkowski
pour célébrer le tricentenaire de la mort Jean-Baptiste Lully. à l’Opéra-Comique, mais aussi à Covent Garden avec Bertrand
La coproduction implique Paris, Florence, Montpellier et Caen ; de Billy, dans le spectacle si poétique de Laurent Pelly (la vidéo
les deux hommes ont carte blanche pour faire leur choix parmi en témoigne, DVD Erato). Au total, Podles aborde un vaste
les œuvres du tandem Lully/Quinault : ce sera Atys. répertoire, de Handel à Chostakovitch en passant par Chopin,
Le spectacle, créé en Italie en 1986, repris ensuite en France, Moussorgski et Rossini – elle incarna entre autres les rôles-titres
n’est pas une reconstitution – « décor unique et sans de Tancredi, la couleur de sa voix la destinant idéalement aux
machines », rappelait le metteur en scène dans nos colonnes personnages travestis, ou de Ciro in Babilonia (Pesaro, 2012).
en décembre 2006 – mais une évocation du XVIIe siècle, avec Elle connaît un sublime automne, mettant à son répertoire

© WIKIMEDIA / ANDRZEJ SWIETLIK


des costumes magnifiques, les danses « baroques » confiées Mrs Quickly (Falstaff de Verdi), Clytemnestre (Elektra de Stauss)
à la spécialiste d’alors Francine Lancelot. La suite est connue : ou la Comtesse (La Dame de pique de Tchaïkovski),
« public en liesse, rideau sur rideau ». La production devient avant d’interrompre sa carrière en 2017, après avoir incarné
mythe, elle est reprise et même exportée à New York en 1989 ! la marquise de Berkenfeld dans La Fille du régiment
L’histoire de Villégier avec la musique se poursuit avec de Donizetti à Barcelone. Auparavant, les éditions Symétrie
Le Malade imaginaire donné avec tous les intermèdes en 1990 avaient publié sa biographie rédigée par Brigitte Cormier.
au Châtelet (avec Christie à nouveau), puis un diptyque La Fée Ewa Podles laisse une discographie abondante, participant
Urgèle de Duni / La Répétition interrompue de Favart (1991, à plusieurs intégrales d’opéras qui
avec Les Arts Florissants mais sans Christie). Parallèlement font référence, notamment sous
aux mises en scène de pièces parlées, il y a encore Médée la baguette de Marc Minkowski :
de Charpentier (Opéra-Comique, 1993), puis Hippolyte Polinesso dans Ariodante
et Aricie, cette fois au palais Garnier (1996). Villégier signe, de Handel, La Haine dans Armide
en collaboration avec Jonathan Duverger, une Rodelinda de Gluck (Archiv l’un et l’autre,
de Handel (Glyndebourne, 1999), un Béatrice et Bénédict de 1997 et 1999), L’Opinion publique
Berlioz (Opéras de Lausanne, Bordeaux et Strasbourg, 2002- dans Orphée aux enfers (Emi,
2005), puis un Jephtha de Handel (Strasbourg et Bordeaux, 1998). Outre son enregistrement
2009). C’est aussi avec Jonathan Duverger (et encore Christie) des mélodies de Chopin avec
que Jean-Marie Villégier fait son retour à la Comédie-Française le pianiste Abdel Rahman El Bacha
pour Le Sicilien et L’Amour médecin de Molière (2005-2006). (Forlane, 1999), signalons son
En 2011, suite à la commande d’un mécène américain qui excellent Tancredi de Rossini avec
souhaite revoir Atys, le spectacle « originel » est repris par Alberto Zedda (Naxos, 1995).
Villégier lui-même. Ce seront presque les adieux à la scène Ewa Podles s’est éteinte
du maître. Il nous a quittés dans la nuit du 22 au 23 janvier, ce 19 janvier, à l’âge de 71 ans.
à l’âge 86 ans. Loïc Chahine L.C. et E.D.

I 17
● tête d’affiche

Alexis Kossenko
Le mot et la note
Après avoir festoyé au disque chez le comte d’Artois, glanant au passage un Diapason d’or,
Alexis Kossenko s’apprête à se mesurer à une partition quasi mythique : Atys de Lully.
PAR JEAN-CHRISTOPHE PUCEK

i la variété est une Que représente pour vous constitution très claire d’un « petit
vertu, Alexis Kossenko de diriger Atys, si emblématique chœur » (un continuo de sept instru-
la possède au plus du « renouveau baroque » ? mentistes jouant ensemble, pas en
haut point. Aussi à A.K. : J’avais dix ans lorsque Les Arts alternance, qui ne se joignait d’ordi-
l’aise sur instruments anciens que Florissants ont ressuscité Atys, je ne naire pas aux pièces d’orchestre) et
modernes, le flûtiste devenu chef l’ai donc connu que plus tard. Ce fut son d’un « grand chœur » (orchestre
explore un large répertoire, du Grand un choc, parce que cette musique actualité fondé sur les vingt-quatre violons qui
Siècle français à l’aube de la moder- s’est mise à parler non seulement sur joue pour les divertissements), ou
nité, en soliste comme à la tête des le plan sonore mais aussi sur le plan EN SCÈNE l’usage, que révèle le livret, de la poly-
Ambassadeurs – La Grande Ecurie visuel. Il y avait un tout qui faisait Lully : Atys. choralité. Nous avons eu, avec Benoît
dont il a uni les destins en 2020. sens, donnait une puissance drama- Véronique Gens, Dratwicki et d’autres musiciens et
Sandrine Piau,
tique, loin de toute impression chercheurs, une réflexion approfon-
Mathias Vidal…
Alexis Kossenko : Réunir un en- décorative. Cet héritage est imposant. Les die sur la déclamation, sur la place
semble jeune et un bien installé, c’est Il nous a obligés, avec le Centre de mu- Ambassadeurs – des agréments, sur l’usage des instru-
associer deux héritages, deux façons sique baroque de Versailles, à bien La Grande Ecurie. ments, plus parcimonieux mais donc
d’aborder la musique, même si je me considérer ce que nous pouvions ou Avignon, Opéra, plus « extraordinaire » que ce à quoi
retrouve dans la manière de Jean- devions apporter à cet opéra, le plus le 10 mars. on s’attend, sur leur congruence – les
Claude Malgoire. Dans Les Ambassa- connu de Lully. Tourcoing, vents, en particulier, qui subissent
deurs, j’avais accueilli, à dessein, des Théâtre Raymond entre 1660 et 1680 une métamor-
musiciens de nationalités, d’horizons Que sera donc votre Atys ? Devos, le 17 mars. phose radicale, ce qui a nécessité re-
Paris, Théâtre des
différents, pour ne pas avoir d’effet A.K. : Nous donnons une version de cherche et reconstruction de « chaî-
Champs-Elysées,
« d’école », toujours à craindre quand concert, enrichie du ballet pour les re- nons manquants ». Tout ceci sans
le 26 mars
les gens ont reçu la même formation. présentations d’Avignon et Tourcoing, perdre de vue la question de savoir en
L’avantage de cette diversité est que le fondée de façon très stricte sur la créa- EN DISQUE quoi le langage de Lully a été nova-
seul langage qu’on peut adopter afin tion à la cour. Ce n’est pas de faire Mondonville : teur, révolutionnaire, puissamment
d’obtenir une cohérence est celui que différent à tout prix qui m’anime, mais Le Carnaval dramatique, tranchant avec les
l’on construit ensemble. Je pense que je cherche à savoir pourquoi je fais les du Parnasse. genres qui ont précédé : air et ballet
cette méthode contribue à donner choses, sans forcément me contenter CVS (parution de cour ou pastorale.
aujourd’hui à l’orchestre une identité de reproduire ce qui m’est familier. le 12 avril)
sonore reconnaissable, généreuse, vo- J’ai donc tenu à documenter tous les Rameau, Lully, Mondonville
luptueuse. Elle autorise aussi, pour des aspects de la pratique en m’appuyant bientôt avec l’inédit Carnaval
projets comme le « Festin royal » [Dia- sur les avancées musicologiques. Cette du Parnasse : d’où vient votre
pason d’or, cf. no 725], à jouer avec des interrogation des sources – il y a attachement si prononcé pour
effectifs qui permettent aux œuvres plusieurs façons de les lire, j’en ai l’opéra baroque français ?
de se révéler – ainsi me sont apparues conscience – a conduit à des choix qui A.K. : Le fait que je sois flûtiste, donc
toutes les qualités de Francœur. surprendront sans doute. Ainsi, la souffleur, m’a toujours fait ressentir

18 I
le besoin de chanter, mieux, de parler
avec mon instrument. Convaincu que
toute musique est éminemment rhé-
torique et nous raconte quelque chose,
je mets au centre de tout le rapport
entre le mot et le son. Pour moi, le tra-
vail sur la langue, en particulier
française, est un régal de tous les ins-
tants. L’exigence de faire sonner le
mot avant toute chose, de transmettre
en premier, avant même le chant, sa
beauté, son rythme, sa couleur, me
gouverne. Mon goût pour ce réper-
toire s’ancre là, mais j’applique aussi
ce principe à d’autres.

A Mozart, par exemple, dont vous


allez diriger la Messe en ut mineur
et Don Giovanni ?
A.K. : C’est presque une obligation
sociale d’aimer Mozart… mais il m’a
fallu très longtemps pour l’aimer
librement, et savoir pourquoi. Ce qui
a été fondamental pour moi est d’avoir
dirigé trente fois Les Noces de Figaro
ou enregistré ses concertos pour
flûte : son génie réside dans l’intuition
immédiate d’une théâtralité qui est
celle de la vie humaine dans tous ses
aspects, et d’une mise en scène de tout
ce qu’il écrit. Quand on met ses pas
dans ceux de Mozart, il y a une com-
préhension progressive de son instinct
parfait, dès le plus jeune âge, de ce
qu’est l’humanité, le grand théâtre de
l’existence – et il touche toujours juste.

Vous nourrissez aussi des


affinités avec Mendelssohn dont
vous enregistrez les symphonies.
A.K. : Il me transporte littéralement.
Il reste encore trop déconsidéré
© AURÉLIE REMY

aujourd’hui, sans doute parce qu’il est


né avec une cuiller en or dans la
bouche. Cela donne l’impression que
sa musique est facile, ce contre quoi je
m’élève. Au fond, il avait un esprit plus Au concert, vous vous lancez semble étayée par toutes les sources
torturé qu’on le pense, était toujours aussi dans les cantates de Bach. documentaires. C’est, à mes yeux, tout
insatisfait de ses œuvres – il suffit de A.K. : A mes yeux, il faut traiter cha- sauf une solution « peau de chagrin »
voir le nombre de versions pour cer- cun de ces joyaux comme si elle était si l’on réussit à se mettre dans les
taines d’entre elles. Sa musique n’est la Passion selon saint Matthieu. J’ai conditions de l’époque : autour du
pas qu’élégante ; Berlioz ne tarit aussi la chance de les jouer avec Gli grand orgue, en tribune, avec les chan-
d’ailleurs pas d’éloges à son propos. Angeli ; je ne cesse de m’émerveiller teurs qui projettent vers l’assemblée.
Il est sans doute celui qui a le mieux des trésors, des mystères de cette mu- Revenir à ce que Bach entendait par
compris l’orchestre à son époque. sique. Je me suis peu à peu rallié, en « chœur » n’affaiblit pas sa musique
J’ai hâte de diriger sa Première Nuit l’étudiant en profondeur, à l’interpré- mais, au contraire, me semble exacer-
de Walpurgis où il est à son meilleur. tation avec chœur de solistes qui me ber son souffle dramatique. ◼

I 19
● tête d’affiche

Pierre Bleuse
Initiales P.B.
La saison de l’Ensemble Intercontemporain débutait en septembre dernier sous sa direction.
Après un chef compositeur, c’est un chef instrumentiste qui apporte ses projets,
sa conception du concert et une autre façon de vivre l’orchestre de l’intérieur.
PAR PIERRE RIGAUDIÈRE

ssu d’une famille musicienne de ces hasards de la vie » lié peut-être les Fantaisies de Purcell, a dévié vers
– père compositeur, mère chan- aux origines catalanes héritées de son l’Offrande musicale pour s’insérer
teuse –, Pierre Bleuse com- grand-père maternel. dans un week-end Bach de la Philhar-
mence le violon à l’âge de six Succédant à Matthias Pintscher à la monie de Paris. Le chef corrèle le sens
ans. Si son environnement le porte direction de l’Ensemble Intercontem- à la prise de risques : « Avec Patricia,
vers l’exigence artistique, il n’entre- porain, Pierre Bleuse ne cherche pas on ne sait pas où on va avant de com-
tient guère le culte de la compétition à « casser ce qui a été fait avant, car mencer, et dans une institution, il n’est
– ce rapport dédramatisé à la musique il y a eu des choses remarquables », pas toujours facile d’apprécier jusqu’où
semble aujourd’hui encore guider la mais ressent le besoin de « mettre une on peut aller. » Un ensemble comme
pratique du chef. âme » dans ses projets avec les musi- l’EIC amène inévitablement des
Rythmées par des allers-retours entre ciens. Son début de saison a donné son contraintes, « au milieu desquelles
la région parisienne et Toulouse, sa des indices sur la façon dont il entend
actualité il faut trouver comment aménager
formation et son activité profession- éviter de « s’enfermer dans une façon EN SCÈNE son espace créatif. »
nelle n’ont jamais porté le jeune violo- de faire ». La création de Polyptich: Œuvres de
niste vers la sédentarité. Dix ans après Mnemosyne de James Dillon, compo- Suarez-Cifuentes, Rien n’est figé
Urquiza, Larcher,
des études au Conservatoire de Paris siteur écossais dont il apprécie « le sens Son parcours plaide pour l’ouverture :
Saunders, David,
prolongées par une année à Berlin, du temps long », lui permet d’« aller Corrado. membre des ensembles TM+ et Court-
de plus en plus attiré par la direction, à rebours de notre siècle et de ses in- Ensemble Circuit, où il a développé le goût des
il se forme en 2011-2012 auprès du cé- jonctions ». Il se réjouit d’avoir fait, en Intercontemporain. œuvres fraîchement composées, il a
lèbre pédagogue Jorma Panula. Sur octobre dernier, sa première plongée Paris, Cité aussi joué en quatuor à cordes, exploré
de la musique,
ses conseils, il prend ex abrupto la déci- dans l’imposant cycle des Espaces le répertoire baroque. Avec l’Orchestre
le 29 mars.
sion de quitter l’Orchestre de chambre acoustiques de Gérard Grisey en com- philharmonique royal de Stockholm,
de Toulouse dont il était violon solo. pagnie des étudiants du Conservatoire en octobre dernier, il a présenté, après
Du maestro finlandais, il se souvient voisin : « depuis que j’ai vingt ans, je Wagner, le Concerto pour violon de
du critère rédhibitoire selon lequel monte des projets avec des plus jeunes, Ligeti et la Symphonie de Chausson.
l’élève sera accepté ou renvoyé dans et j’ai besoin de cette transmission. » Le premier n’y avait pas été joué de-
ses pénates : « Si vous n’êtes pas là puis 1998, la seconde depuis 1957.
pour aider l’orchestre, au revoir ! » Prise de risques « C’était comme des créations et les
Après Helsinki, il perfectionne sa pra- Il se méfie de l’hyperspécialisation, car musiciens étaient heureux de décou-
tique de la direction à la Haute Ecole « avec trente et un solistes multifonc- vrir ces œuvres ! »
de musique de Genève auprès de tions, le revers de la médaille, c’est Avec les orchestres, il veut éviter
Laurent Gay, dont il devient l’assistant. qu’on est parfois un peu enfermé sur de s’enfermer dans des certitudes.
En 2020, alors que sa carrière de chef soi. » Et cherche de nouvelles sources « Quand on vient de jouer Grisey, on
bat son plein, qu’il vient de prendre la d’inspiration, comme on a pu le ne regarde plus la musique du passé
direction du Symphonique d’Odense constater avec l’invitation de la violo- avec les mêmes yeux. Le Urtext m’a
au Danemark, il est nommé directeur niste Patricia Kopatchinskaja dont le intéressé dans ma pratique de la mu-
artistique du Festival de Prades, « un fil conducteur initialement envisagé, sique baroque, mais lorsqu’il devient

20 I
En dates
1979 : naissance à
Boulogne-Billancourt.
1990 : départ pour Toulouse,
dont il intègre le Conservatoire
à rayonnement régional.
2002 : 1er prix de violon
au CNSM de Paris.
2005 : violon solo et chef associé
de l’Orchestre de chambre
de Toulouse.
2010 : commence ses études
en direction d’orchestre.
2012 : début d’une collaboration
avec l’Orchestre du Capitole
de Toulouse.
2016 : débuts en tant que chef
aux Etats-Unis avec l’Orchestre
symphonique de l’Utah, suivis
de nombreuses invitations
partout dans le monde.
2021 : directeur musical
du Symphonique d’Odense,
directeur artistique du Festival
de Prades.
2023 : succède à Matthias
Pintscher à la tête de l’EIC.

une bible et engendre une lecture ri- par la musique de chambre qui s’ex- s’est lié d’amitié avec Michael Jarrell :
© JULIA SEVERINSEN/CARL NIELSEN FESTIVAL

gide, alors on se trompe à nouveau. En prime et fait sienne la ligne de conduite « J’ai senti cette force créatrice, cette
travaillant aujourd’hui avec des com- de Claudio Arrau, selon qui le musicien puissance d’imagination. C’est un des
positeurs, je me rends compte à quel doit « être humble et laisser passer la grands compositeurs de ce siècle,
point ce n’est pas figé. » Il a d’ailleurs musique à travers lui ». et on va le retrouver dans nos pro-
pris l’habitude de ne plus rien inscrire grammes ! » Plus récemment, c’est la
sur ses partitions. « Si je fixe ma vision Ouvrir les oreilles découverte d’Hèctor Parra qui l’a mar-
des choses à un moment donné, j’irai Le travail préparatoire au concert sert qué, en dirigeant son opéra Orgia :
certes plus vite en revenant à cette à « être dans l’écoute, à ne pas trop « Il est doté d’un langage personnel
pièce dans quelques années, mais j’au- s’attendre à ce qui va se passer, à ac- très fort, d’une connaissance aiguë de
rai changé et ce qui a été noté ne me céder à un espace de liberté ». Quant la voix et du patrimoine. Son sens de
correspondra peut-être plus. » à la justesse, « c’est l’intelligence hu- la dramaturgie m’a bouleversé. » Puis,
Avec l’EIC, le chef aime « parler de son, maine de l’écoute de l’autre », pour lui à Vienne, il a fait ses débuts avec l’or-
de phrasé, de respiration ». Il tient à une question fondamentale et indisso- chestre Tonkünstler dans le Concerto
approcher la création sans « se faire ciable du son : « si on se concentre sur pour violon de Thomas Larcher, lequel
avaler par la complexité et par la seule le son, on déplace le problème et la jus- lui a demandé de diriger à Hambourg
recherche d’efficacité, mais en allant tesse vient d’elle-même. » De son expé- une soirée portrait – le chef a pro-
chercher la substance ». Au pupitre, rience du violon baroque, il retient le grammé dans la saison de l’EIC une
il recourt parfois à des gestes « très travail avec la matière du boyau, qui pièce pour soprano et ensemble.
droits, qui suscitent une réponse im- a ouvert son imaginaire à des couleurs Pierre Bleuse reconnaît volontiers
médiate et objective », cherche aussi qu’il essaie parfois de reproduire. la dimension spirituelle de son idéal
à amener les musiciens à une plus Dans son appétit de création, Pierre artistique : « Si la musique m’a à ce
grande écoute en se servant du « non- Bleuse est guidé par des rencontres point avalé, c’est que j’y ai vu un moyen
geste et de la non-précision » qui, au avec des compositeurs qu’il peut ad- de communiquer avec l’invisible,
prix de moments plus risqués, créent mirer quel que soit leur langage et une sorte de communication suprême.
une ouverture par laquelle parfois qui l’inspirent dès lors qu’il sent « un Ça fait partie de ma sensibilité ; j’aime
la magie arrive. C’est ici le chef formé créateur, un architecte ». A Genève, il ce qu’on ne peut pas toucher. » ◼

I 21
HISTOIRE

Tout sur le Boléro

22 I
Bientôt un siècle que sa ritournelle obsédante
a conquis la planète entière. Œuvre hors norme,
le Boléro n’en finit pas d’inspirer les artistes
de toutes disciplines, comme en témoigne
un film d’Anne Fontaine qui sort ce mois-ci.
De leur genèse au feuilleton rocambolesque
des droits d’auteur, dansées, filmées ou
enregistrées, retraçons l’histoire de ces quelque
trois cent quarante mesures qui, sous une
apparente simplicité, font voler en éclats les lois
du rythme, de la mélodie, de la tonalité.
PAR GILLES SAINT ARROMAN, ANNE IBOS-AUGÉ,
MARTINE KAHANE, EMMANUEL DUPUY,
IVAN A. ALEXANDRE, FRANÇOIS LAURENT, VINCENT AGRECH

n 1928, Maurice Ravel Enrique Arbos, a déjà entrepris d’or-


est au sommet de sa chestrer Iberia pour une autre célèbre
gloire. De janvier à avril, danseuse, la Argentina. Nullement
il effectue une tournée troublé par cette nouvelle au départ,
triomphale en Amérique du Nord Ravel se convainc bientôt que son tra-
et fête à New York, le 7 mars, son vail est compromis. Rentré précipi-
cinquante-troisième anniversaire. tamment à Paris afin d’en aviser Ida,
En juin, le sculpteur Léon Leyritz lui il lui vient une idée : reprendre un pro-
remet le buste qu’il a réalisé de lui. jet conçu trois ans plus tôt, mais jamais
Au mois d’octobre, il est fait docteur réalisé – « crainte d’être saboté » écrit-
honoris causa de l’université d’Oxford. il, énigmatique. Divers indices portent
Et en novembre, son Boléro fait sensa- à croire qu’il s’agit d’un Fandango, pri-
tion lors de sa création à l’Opéra de mitivement destiné à un autre ballet
Paris. Promise à un succès planétaire, espagnol, Le Portrait de l’infante, dont
l’œuvre a pourtant connu une genèse une danseuse de l’Opéra-Comique lui
mouvementée. a confié la composition en 1923.
Avant son départ pour le Nouveau
Monde, Ida Rubinstein, ancienne Effet d’orchestre
vedette des Ballets russes de Serge Ce ballet n’ayant pas été représenté,
Diaghilev, a commandé à Ravel la mu- il pourrait avoir songé dès 1925 à
sique d’un ballet espagnol. A son développer ce Fandango de manière
retour, ils conviennent ensemble qu’il autonome. Car c’est de cette danse
orchestrera six fragments d’Iberia, qu’il est question dans sa correspon-
BOLERO_BBL- ©-MARC-DUCREST

chef-d’œuvre pianistique d’Isaac Albé- dance d’août 1928, avant qu’il n’opte
niz. Fin juin, le musicien part pour pour le titre de Boléro. Ecrite en
son Pays basque natal, en compagnie un temps record au Belvédère de
du pianiste et compositeur cubain Montfort-l’Amaury, la partition est
Le Béjart Ballet Lausanne
reprenant la chorégraphie Joaquin Nin. Mais que lui apprend ce achevée le 15 octobre 1928.
mythique conçue par son dernier, sur la route de Saint-Jean-de- Ravel a-t-il été incité par l’urgence de
fondateur en 1961. Luz ? Qu’un chef d’orchestre espagnol, la situation à juger le moment propice

I 23
● Tout sur le Boléro

_ Inspiré par
une usine, Ravel
rêve d’un décor
industriel. _
nous obsède et serait bien capable de
nous soulever de notre fauteuil et de
nous entraîner aux pires gesticula-
tions, si nos yeux fixés sur la scène
ne contribuaient pas avec le décorum
à nous maintenir en un statisme de

© GETTY IMAGES / BRANDSTAETTER IMAGES


bonne compagnie » (Charles Tenroc,
Le Courrier musical) ; « Il n’y a pas,
dans toute l’histoire de la musique,
un exemple d’une virtuosité pareille.
Ce tour de force est un enchantement
pour l’oreille » (Emile Vuillermoz,
Excelsior).

Destin fabuleux
La troupe part ensuite en tournée.
pour réaliser cette œuvre hors Milhaud (La Bien-Aimée), deux Le Boléro est donné à Bruxelles,
normes qui, selon ses propres termes, membres du Groupe des Six. Les dé- Maurice Ravel Monte-Carlo, Vienne, Milan, Naples,
ne contient « pas de musique, pas de cors « à la Goya » sont d’Alexandre au milieu Rome… et de nouveau Paris, en mai
des danseurs
composition : seulement un effet d’or- Benois et la chorégraphie de Bronis- 1929, cette fois sous la direction de
de la création
chestre » ? On peut le penser. Il reste lava Nijinska, deux ex-collaborateurs lors d’une reprise l’auteur. L’automne suivant, alors que
ainsi fidèle au projet initial d’une des Ballets russes. Ce soir-là, le Tout- du Boléro prend fin le privilège de la commandi-
« simple » orchestration. Tout Ravel Paris est dans la salle. Ravel, lui, se à Vienne en 1929. taire, Arturo Toscanini à New York
est pourtant dans le Boléro : son goût trouve à Madrid, en pleine tournée et Serge Koussevitzky à Boston se
pour les défis, son amour de ibérique. Il n’assiste qu’à la troisième disputent sa création au concert. Dès
l’Espagne et de la danse, son génie représentation, le 29 novembre. S’il 1930, l’œuvre est enregistrée et tous
d’orchestrateur et sa fascination pour regrette le « pittoresque » de la mise en les orchestres parisiens la program-
la mécanique, héritée de son père in- scène, il ne peut que se réjouir de l’en- ment. A la salle Gaveau, on imagine
génieur et partagée à la même époque gouement inattendu du public pour même d’augmenter l’éclairage au
À LIRE
par un Honegger (Pacific 231) ou un son Boléro, qui éclipse les autres créa- cours de l’exécution ! La critique prédit
Prokofiev (Le Pas d’acier). Lui qui, tions présentées par Ida Rubinstein, y Maurice Ravel, à cette musique de ballet « un avenir
aux Etats-Unis, a tenu à visiter les compris Le Baiser de la fée, pastiche L’intégrale. symphonique […] illimité ». En
usines Ford ne déclare-t-il pas que le tchaïkovskien signé Stravinsky. Quant Correspondance quelques mois – phénomène raris-
Boléro lui a été inspiré par une usine à la presse, malgré quelques réti- (1895-1937) sime –, le Boléro conquiert les salles
écrits et
du Vésinet (Yvelines), et qu’il rêve cences, elle est conquise : « On est pris entretiens, sous
de concert du monde entier : Madrid,
pour son ballet d’un décor indus- tout de suite, captivé, emporté par la direction de Lisbonne, Londres, Amsterdam,
triel ? Confirmant sa passion des ma- un art qui tient du sortilège […] Manuel Cornejo. Leipzig, Buenos Aires, Genève, Berlin,
chines, il se lance peu après dans un La vague sonore déferle et se brise Le Passeur, Bucarest, Tokyo, sans parler des Etats-
poème symphonique, Dédale 39, subitement, laissant les auditeurs 1840 p., 2018. Unis où il rencontre un enthousiasme
« description d’un raid aérien », qui littéralement hallucinés, envoûtés tel qu’il est de suite parodié.
ne verra jamais le jour. par la magie de ce crescendo de plus Son destin fabuleux ne fait que com-
Le 22 novembre 1928, le Boléro est créé de vingt minutes » (Henry Prunières, mencer. Presque cent ans après sa
par les Ballets d’Ida Rubinstein au La Revue musicale) ; « La fascination création, ce Boléro, dont Ravel était
palais Garnier sous la direction de nerveuse est complète, à la manière persuadé « qu’on ne l’entendrait pas
Walther Straram, aux côtés d’arran- dont les Orientaux y parviennent au aux concerts du dimanche », reste
gements de Bach par Arthur Honegger moyen de l’obstinée répétition ryth- l’œuvre à la fois la plus emblématique
(Les Noces de Psyché et de l’Amour) mique […] Un crescendo truculent, un et la plus populaire du XXe siècle.
et de Schubert et Liszt par Darius quo non ascendam vertigineux qui Gilles Saint Arroman

24 I
La mécanique du tube
Sur une trame au premier abord peu sophistiquée – un même motif rythmique répété
cent soixante-neuf fois – l’architecture du Boléro est en réalité d’une redoutable
complexité. Tentons d’y voir plus clair.

i, lors de sa création,
le Boléro de Ravel a
fait parler, il a aussi
beaucoup fait écrire
critiques et musicographes. « Anti-
Sur la première musique » selon Marcel Marnat, il est
page « annihilation incantatoire » d’après
du manuscrit,
on reconnaît, en
Serge Gut. Pour son créateur, il est,
haut, la mélodie plus simplement, « expérience », ainsi
énoncée à la flûte, qu’il l’avoue à Calvocoressi. Mieux en-
un peu plus bas core : « expérience dans une direction
la cellule très particulière et très limitée », qui
rythmique « ne devrait pas être suspectée de viser
tambourinée par autre chose que ce qu’elle vise ».
la caisse claire.
Jusqu’à la mesure 318, tout va très
bien. Dans un Tempo di Bolero, mode-
rato assai immuable, une ample
phrase mélodique en deux volets se
superpose à un ostinato rythmique
suivant une implacable montée en
puissance. Tout bascule alors. La deu-
xième partie de la mélodie se tord
graduellement jusqu’à sauter abrupte-
ment (mes. 327) de la tonalité jusque-là
affirmée de do majeur dans celle de mi
majeur, culmination à la fois mélo-
dique, rythmique, harmonique et
Quelques dizaines
de pages plus
dynamique de l’œuvre. Cet écart ne
loin, quasi tout dure pas : moins de dix mesures plus
l’orchestre tard, on revient, tout aussi abrupte-
s’est joint ment, au ton initial, avant de conclure,
à la danse, suivant six mesures après (mes. 340), non sans
une implacable être passé par une ultime dissonance.
montée Celle qui, selon Claude Lévi-Strauss,
en puissance.
« signifie que désormais plus rien n’a
d’importance, du timbre, du rythme,
de la tonalité ou de la mélodie ».
© BNF GALLICA

Comment en est-on arrivé là ?


Tout commence pianissimo : quatre
mesures d’introduction donnent le ton
(do), la pulsation (à trois temps) et

I 25
● Tout sur le Boléro

Ida Rubinstein
_ Ravel imagine, avec son Boléro, dans la version
originale

une orchestration de la variation. _ de Bronislava


Nijinska.

l’ambiance (obstinée). C’est en effet invitent syncopes et triolets (écho ra-


bien d’ostinato qu’il s’agit. Ou plutôt lenti de l’ostinato tambouriné) ; des
d’ostinatos. La ritournelle tambouri- accents dynamiques déconcertent.
née par la caisse claire, en deux La répétition surprend aussi : la petite
mesures aux triolets caractéristiques clarinette oppose son timbre léger
du bolero espagnol (bien que plus à celui, plus grave, du basson, tout en
lents), est la plus évidente. Mais ce ne rappelant l’intervention précédente
seront pas moins de huit motifs d’une de sa grande sœur la clarinette. La
ou deux mesures, combinant toujours boucle est (presque) bouclée. Nous
différemment croches, noires et si- sommes à la mesure 74.
lences, qui s’y superposeront en dix-
sept transitions-introductions. Le rap- Masse colorée
pel des quatre mesures initiales joué Le reste est (encore) variation et (tou-
tutti fortissimo ajoute tam-tam, cym- jours) amplification. Cette première
bales et glissandos de trombones avant exposition d’un thème à deux visages
la dislocation finale. sera suivie de trois présentations
Au-dessus de la percussion, une mélo- complètes. La quatrième, tronquée,
die. A la fois simple et complexe, elle introduira une ultime modification :
déroule deux volets de seize mesures, huit mesures en mi majeur, harmoni-
chacun divisé en deux périodes de huit sées en tierces et quartes, combinent
mesures. La formidable trouvaille l’ambitus du premier volet, le rythme
de Ravel est d’avoir déjà infusé la varia- syncopé et les contre-accents du se-
tion dans ce schéma classique. Exami- cond. Jusque-là, la variation est de
nons la chose. Le premier volet oppose timbre, aucune phrase ne ressem-
une phrase suspensive (du do au sol) blant, par son instrumentation, à celle
et sa désinence (du ré au do). Rien que qui l’a précédée : hautbois d’amour
de très attendu : on affirme la tonalité relayé par flûte et trompette (mes. 77
par ses points de repère principaux. à 110), saxophones (mes. 113 à 146),
Et on répète le tout, en l’enrichissant célesta, petites flûtes et cor (mes. 149).
de quelques timbres supplémentaires : Elle oppose parfois un soliste à une
à la flûte succède une clarinette ; le pia- masse colorée, comme dans la troi-
nissimo est devenu piano, première sième exposition où petite harmonie
étape du crescendo général. et saxophone répondent crûment au
grave trombone solo. L’harmonie est
Modalité andalouse aussi de la fête, enrichissant l’unisson
Le second volet, véritable « contre- puis les octaves initiaux en tierces
thème », raconte une tout autre his- et quintes (mes. 239). Les ostinatos
toire. Il commence d’emblée (au rythmiques ne sont pas en reste,
basson cette fois) sur un si bémol inat- conviant bois et cuivres, se chargeant
tendu, poursuit en insistant sur un ré de bariolages ou d’accords, s’accen-
bémol tout aussi surprenant. Certes, tuant à l’envi.
on revient ensuite à do, mais on est Plus que des variations orchestrales,
passé par d’autres teintes, d’autres ren- Ravel imagine, avec son Boléro, une
contres, d’autres harmonies, présages orchestration de la variation. « Sans
d’une modulation lointaine qui ne sur- musique », comme il le confessera lui-
viendra jamais. Au lieu de quoi, la fin même ? Peut-être, parce que sans
suggère quelque modalité andalouse, « développement », mais non sans
bolero oblige. Outre ce changement images : preuve en sont les nom- En 1998, à Lyon,
Meryl Tankard,
de couleur, d’autres traits participent breuses chorégraphies de l’œuvre, et une disciple
de la variation : l’amplitude mélodique les non moins multiples lectures qu’on de Pina Bausch, fera
est plus large, visitant les extrêmes a voulu en proposer depuis sa création. du Boléro un théâtre
aigu et grave ; des ruptures rythmiques Anne Ibos-Augé d’ombres.

26 I
Eh bien, dansez
maintenant !
S’il s’est vite imposé dans les programmes
des concerts, le Boléro fut d’abord conçu
comme un ballet. Et il enflamma jusqu’à nos
jours l’imagination des plus grands chorégraphes.

« olero », terme son ouvrage sur le métier à plusieurs


qui se popula- reprises – la dernière fois en 1954, dans
© AUSTRIAN NATIONAL LIBRARY

rise à la fin du des décors et des costumes de Natalia


XVIIIe siècle en Gontcharova, pour les Grands Ballets
Espagne et fait fureur au suivant en du marquis de Cuevas.
Europe, désignant à la fois un type Ida Rubinstein avait obtenu l’exclusi-
de musique et la danse qui lui est asso- vité scénique de l’œuvre pour trois ans.
ciée. De populaire et limitée au do- D’autres chorégraphes s’y confrontent
maine hispanique, le bolero devient néanmoins dès 1930, la version de
théâtral à partir des années 1830, Nijinska constituant pour eux une
grâce, entre autres, aux danseurs de sorte de matrice. Tous, d’où qu’ils
l’époque romantique. Il faut pourtant viennent, travailleront à partir
attendre la première moitié du d’images, de pas et danses espagnols.
XXe siècle pour que son règne advienne.
En 1928, Ida Rubinstein, qui avait été Ronde de mort
une des stars des Ballets russes, fonde Liés aux Ballets russes de près ou de
sa propre compagnie de danse. Dès sa loin, ils ont essaimé à travers le monde
première saison, elle passe commande après la mort de Diaghilev en 1929.
d’une partition à Maurice Ravel, consi- Quelques exemples : dès 1930, Ruth
dérant que seul le compositeur basque Page à Chicago pour sa propre compa-
pouvait lui écrire une musique espa- gnie, sous le titre d’Iberian Monotone ;
gnole. Pour la création au palais Gar- en 1932, Boris Romanov à Buenos
nier, le 22 novembre 1928, Bronislava Aires pour le Teatro Colon, et Anton
Nijinska règle la chorégraphie dont Ida Dolin à Londres pour le Sadler’s Wells
Rubinstein et Anatole Vilzac sont les Theatre ; en 1934, Harald Lander à
solistes, accompagnés de vingt et un Copenhague pour le Royal Danish
danseurs hommes. « Dans une taverne Ballet, et Michel Fokine pour une nou-
© GETTY IMAGES / JEAN-MARC ZAORSKI

d’Espagne, on danse sous la lampe velle version destinée à la compagnie


de cuivre au plafond. Aux exclama- d’Ida Rubinstein ; deux ans plus tard,
tions de l’assistance, la danseuse a Catherine Littlefield à New York pour
bondi sur la longue table et ses pas la Philadelphia Ballet Company.
s’animent de plus en plus. » Cette pre- Si la Seconde Guerre mondiale est peu
mière version dansée du Boléro est un propice aux aventures artistiques,
choc pour les spectateurs. Son succès le Boléro continue sa course. En 1941,
ne se démentira pas au fil du temps, si pour l’Opéra de Paris, Serge Lifar est
bien que Bronislava Nijinska remettra le premier à refuser une chorégraphie

I 27
● Tout sur le Boléro

© JULIEN BENHAMOU/ONP
fondée strictement sur le rythme, et à
introduire un fort élément narratif. Le
un danseur sur la table (Jorge Donn
à la création) et d’autres garçons au-
_ Les silhouettes
temps est au travail de recherche his- tour – cette œuvre majeure de l’histoire
torique : en 1943, Pilar Lopez et sa de la danse au XXe siècle sera popula- de danseurs de toute taille
sœur la Argentinita, présentent leur
version à New York, reprise dans les
risée par le film de Claude Lelouch,
Les Uns et les autres, sorti en 1981. envahissent l’écran. _
années 1950, intégrée dans un spec- Les chorégraphes traitent maintenant
tacle sur le style du bolero à travers les le Boléro de façon toute personnelle, danseurs de toutes tailles, corps en
âges. En 1944, à l’Opéra de Rome, Au- sans se recommander de quelque filia- pied ou en morceaux, envahissent
rel Milloss conçoit son ballet pendant tion que ce soit ; lectures originales, l’écran, apparaissant et disparaissant
l’occupation de la ville par les nazis : parfois d’un calme impressionnant, devant des fonds colorés.
vision dramatique, où un danseur en- a contrario de l’inexorable montée en En 2002, Pascal Rioult, fondateur et
En 2013,
traîne la distribution dans une ronde puissance de la musique. En 1996, Sidi Larbi Cherkaoui
chorégraphe de sa propre compagnie,
de mort effrénée, le Démon restant Odile Duboc présente à la Filature de et Damien Jalet s’engage dans un « Ravel project »,
seul debout au tomber du rideau. Mulhouse Trois Boléros : trois visions entraînent le Ballet pièce pour quatre couples dans un dé-
Mais il faut attendre le 10 janvier 1961, fondées sur trois gravures discogra- de l’Opéra cor d’Harry Feiner. Le Boléro, qu’il
au Théâtre de la Monnaie de Bruxelles, phiques majeures (Pierre Monteux et de Paris dans veut « froid, mécanique et asexué », est
pour que Maurice Béjart présente l’Orchestre symphonique de Londres, une spirale sans fin. bâti sur les parcours en cercles des
une interprétation appelée à devenir Sergiu Celibidache et celui de la RAI, danseurs ; à l’instar de leurs mouve-
iconique, avec sa toute jeune compa- Pierre Boulez et le Philharmonique de ments tournants, tout relève, comme
gnie, le Ballet du XXe siècle. Sur une New York). Dégagée de la pression de la musique, de la répétition. En 2008,
grande table ronde peinte en rouge, la partition, une danse à large respira- Ohad Naharin conçoit au sein de son
une danseuse (Duska Sifnios à la créa- tion anime ces univers musicaux, ap- « Project 5 » un Boléro pour deux dan-
tion) en maillot chair et collant cor- proche en rupture totale avec les pré- seuses, tour à tour en symbiose, en op-
saire noir, pieds nus, apparaît. La cho- cédentes, inaugurant une nouvelle ère. position, en lutte. Enfin, en 2013,
régraphie qui lui est assignée, suite de Deux ans plus tard, c’est l’Australienne Sidi Larbi Cherkaoui et Damien Jalet,
mouvements calqués sur le rythme, est Meryl Tankard, d’abord membre de dans une scénographie de Marina
paroxystique. Assis autour de la table, la compagnie de Pina Bausch, qui Abramovic et des costumes de
quarante danseurs se lèvent au fur répond à une commande de l’Opéra Riccardo Tisci, créent leur Boléro pour
et à mesure, puis entrent dans le jeu. de Lyon. Son Boléro, conçu avec le plas- le Ballet de l’Opéra de Paris, spectacle
En 1979, Béjart donnera une version ticien Régis Lansac, évoque un théâtre magique dont la chorégraphie est fon-
entièrement masculine du ballet avec d’ombres javanais, les silhouettes de dée sur la spirale. Martine Kahane

28 I
Le casse du siècle
L’histoire des droits d’auteur du Boléro est un véritable cas d’école,
illustrant jusqu’à l’absurde la dérive d’un système.

orsque le rideau tombe, surtout, aux héritiers du compositeur Quand le fortuné vieillard trépasse en
le 22 novembre 1928, – d’illustres inconnus qui se sont re- 1960, les époux Taverne se retrouvent
sur la première exécu- trouvés à la tête d’une fortune colos- donc, sans aucun lien de parenté avec
tion du Boléro, personne sale, à la suite d’invraisemblables lui, héritiers d’un des plus illustres
Décembre 1937 :
n’imagine que commence un des plus concours de circonstances. emporté compositeurs du siècle. Par ici le jack-
rocambolesques feuilletons de l’his- Rappel des faits. Ravel meurt en 1937, par une maladie pot des droits d’auteur, qui tombe dans
toire de la musique, qui aurait dû sans enfant. Il lègue sa fortune – et le cérébrale, Ravel leur poche à chaque interprétation
s’achever le 1er mai 2016, quand bénéfice de ses faramineux droits lègue sa fortune d’une de ses œuvres. Soit tous les
l’œuvre a été versée dans le domaine d’auteur – à son frère Edouard. En et ses juteux quarts d’heure s’agissant du Boléro qui
public. Depuis cette date, il est enfin 1954, celui-ci engage en tant que mas- droits d’auteur est, jusqu’aux années 1990, la création
à son frère.
possible de la jouer ou de l’enregistrer seuse une certaine Jeanne Taverne, musicale française la plus jouée dans
La saga ne fait
sans avoir à acquitter auprès de la dont le mari, Alexandre, s’improvise que commencer.
le monde. Des petits-cousins de Ravel
Sacem des droits sonnants et trébu- chauffeur. Quelques années plus tard, auront beau intenter plusieurs procès
chants, reversés ensuite à l’éditeur de Edouard, veuf et lui aussi sans enfant, pour captation d’héritage, rien n’y fait :
la partition (la maison Durand) et, fait de Jeanne sa légataire universelle. ils seront chaque fois déboutés.

Par ici le jackpot !


L’histoire est loin de s’arrêter là. Au
décès de Jeanne, en 1964, Alexandre
Taverne se remarie avec une dame
Lerga, Georgette de son prénom,
manucure de son état, qui a un enfant
d’un premier mariage, Evelyne. En
1973, Georgette est veuve. Lorsqu’elle
meurt à son tour en 2012, c’est donc
Evelyne Pen de Castel (la fille de la se-
conde femme du mari de la masseuse
du frère de Maurice Ravel : vous sui-
vez ?) qui hérite. A elle la juteuse rente.
Combien ? Les chiffres restent secrets,
mais il se dit que le magot aurait pu
dépasser le million et demi d’euros
annuel, soit une addition flirtant avec
la centaine de millions. Le tout transi-
tant par des sociétés offshore qui
échappent au fisc français.
© BORIS LIPNITZKI / ROGER-VIOLLET

Jusqu’à ce fameux 1er mai 2016, 78 ans


et 120 jours après la mort de Ravel.
Selon un calcul farfelu mais parfaite-
ment licite, c’est au terme de ce délai
qu’un des tubes les plus lucratifs de
tous les temps devient enfin « libre
de droits ». En théorie. Car quelques
jours avant la date fatidique, une

I 29
● Tout sur le Boléro

Ecran large
armée d’avocats débarque dans les lo-
caux de la Sacem, faisant valoir que
le Boléro est le fruit d’une entreprise
collective : lors de sa création au palais
Garnier en 1928, il s’agissait en effet Aussitôt après la scène, le Boléro commence au cinéma
d’une œuvre dansée, à laquelle ont
collaboré la chorégraphe Bronislava une carrière fulgurante et loin d’être achevée.
Nijinska et le décorateur Alexandre
Benois. Les descendants de ce dernier
réclament donc à leur tour leur part
du magot, prétextant que leur aïeul
aurait conçu l’argument du ballet.
Benois étant mort en 1960, la protec-
tion de l’œuvre devrait, selon eux, cou-
rir jusqu’en… 2038 ! Avec à la clé, de
roboratives rentrées financières que se
partageraient les deux clans d’héri-
tiers – ceux de Benois et de Ravel.

_ La fille de la
seconde femme
du mari de la
masseuse du
frère de Ravel. _
A ces prétentions de boutiquier, la
Sacem a heureusement opposé une
fin de non-recevoir. Car contraire-
ment à ce qu’il fit pour le Petrouchka
de Stravinsky, Benois n’a rédigé
aucun livret pour le Boléro ni signé
aucun bordereau de déclaration de
l’œuvre. Le programme distribué à
la création, pas plus que l’affiche, ne
le créditent comme auteur au côté
de Ravel. Parler d’argument semble
d’ailleurs une pure fumisterie,
l’action de la chorégraphie originelle
se résumant en dix mots : une
femme danse sur une table entourée
par des hommes.
Malgré cette flagrante absence de
preuve, la succession Benois n’a pas
hésité à attaquer la Sacem en justice.
Après des années d’instruction, l’af-
faire devait être jugée en ce mois de
février par le Tribunal judiciaire de
Nanterre. A l’heure où nous écrivons
ces lignes, on ignore donc l’issue, peut-
être provisoire, de ce qui s’apparente
au plus gros casse du siècle – commis,
hélas ! en toute légalité.
Emmanuel Dupuy

30 I
uccès le 22 novembre
1928 à Paris, triomphe
un an plus tard à
New York. Hollywood
dresse l’oreille. Les premiers écrans du
Boléro seront américains.
Après une brève apparition dans une
bouffonnerie du polymathe Rube
Goldberg, l’ouvrage donne son nom
dès 1934 à un musical dont la vedette
n’est autre que George « Scarface »
Raft, danseur insoupçonné. Ce Boléro
mis en images par Wesley Ruggles
donne le ton : du ballet ! A son
exemple, One in a Million marie pour
la première fois Ravel à la glace, c’est-
à-dire à la championne Sonja Henie,
l’Esther Williams du patinage (1936,
année olympique). Vingt ans plus
tard, Miguel Delgado réalise El Bolero
de Raquel, comédie sociale doublée
d’un jeu de mots : Boléro de Ravel au
cabaret, « bolero » de chaussures
mexicain. Le cireur et la danseuse,
fable sans âge.

Le machin qui rend fou


Autre hypothèse : le Boléro est un
finale. Depuis la première en 1928,
ce crescendo comparable par la
taille à une Ouverture trouve sa
place naturelle à la fin du concert ou
de la représentation. Ainsi procèdent
l’opus primum de 1934 mais aussi
The Orchestra, fantaisie expérimen-
tale poussée sur les ruines du Mur ber-
linois (Zbig Rybczynski, 1990),
Divertimento, biopic à la gloire de la
maestra Zahia Ziouani (Marie-Castille
Mention-Schaar, 2022)… ou bien sûr
Les Uns et les autres (Claude Lelouch,
1981), roman-fleuve dont la dernière Enfonçons. Le premier Boléro français Trêve de Panthère Jacques Villeret, meneur de la pre-
séquence voit un Jorge Donn en survient en pleine guerre. L’inénar- rose : en 1979, mière à la dernière mesure malgré le
transe exécuter le ballet déjà clas- rable Denise Grey écoute à longueur Blake Edwards dos, mes enfants, le dos…
lance le sex-symbol
sique de Béjart au Trocadéro où se de journée le machin qui rend fou. Fou, Ostinato, obstiné. Obsédé. Le Boléro
de la décennie,
retrouvent héroïnes, héros, descen- son voisin André Luguet le devient. la lionne Bo Derek,
est-il la machine infernale qu’envisa-
dants, et quelques voix insolites Arletty, Jacques Dumesnil et compa- sur un air de Ravel. geait Ravel, ou le songe érotique réglé
(« version intégrale avec chœur » gnie se jettent alors dans un vaudeville par Ida Rubinstein ? Machine, répond
clame le microsillon !). de Michel Duran filmé sabre au clair Andreï Tarkovski dans Stalker (une
Plus que ballet, plus qu’apothéose, le par Jean Boyer (1941). Ironie propre au poignée de secondes). Erotique, ob-
Boléro des cinéastes reste pourtant et cinéma national qui résonnera encore jectent les autres. De gré ou de force,
avant tout ce que Ravel voulait : un os- dans un court métrage de Patrice Le- le compositeur n’échappera plus aux
tinato. « Enfoncez-vous bien ça dans conte, Le Batteur du Boléro (1992), plan métaphores qu’il a si bien organisées :
la tête », raillait le compositeur. fixe sur le malheureux tambourinaire crescendo impérieux, éruption

I 31
● Tout sur le Boléro

_ En comptant les Boléro


socioculturels, les courts
métrages, les séries, les
publicités… nous passerions
largement la centaine. _
révéla le sex-symbol des eighties
Après l’Amérique, Bo Derek, quand la scène hot du film
la France : assura au Boléro une nouvelle jeu-
en 1941, nesse et connut à son tour quantité de
Jean Boyer
bis – notamment la Femme fatale de
rythme
un imbroglio
Brian de Palma en 2002.
délirant Cessons là. Si nous comptions les
mis en verbe Boléro sorciers (femme coupée en
par Michel Duran. deux dans Magic in the Moonlight
de Woody Allen), les Boléro sociocul-
turels (Neuilly sa mère ! de Gabriel
Julien-Laferrière), les courts métrages
(Lettre à Freddy Buache de Jean-Luc
Godard), les documentaires, les séries,
les publicités… nous passerions large-
ment la centaine. Et ce n’est pas fini,
Anne Fontaine le prouve ce mois-ci
dans une synthèse chorégraphique,
Une bouteille mécanique, érotique et biopique.
de soda oubliée
Un dernier tout de même avant la
à l’origine…
du monde. route. Allegro non troppo, dessin
Le monde animé de Bruno Bozzetto (1976), ré-
fantastique de miniscence du Sacre selon Walt
Bruno Bozzetto Disney (Fantasia), marche forcée de la
dans Allegro bactérie aux gratte-ciels, perle noire.
non troppo. Herbert von Karajan dirige.
Ivan A. Alexandre
différée en mi majeur, libérée en do
majeur, orgasme à peine moins réa-
liste que l’Extase de Scriabine ou le
prélude du Rosenkavalier. Dans
Rashômon (1950), Akira Kurosawa
demande à son ami Fumio Hayasaka
de contrefaire le Boléro en jetant plus
d’épices orientales, et réserve sa cita-
tion la plus nette au récit de la femme
violée. Rashômon inspirera Basic
(John McTiernan, 2001), Cashback
(Sean Ellis, 2006, variation sur le
« temps modifié ») et maintes voluptés,
jusqu’à la pornographie des années
« X » (International Gigolo de Jean-
François Hautin, 1982).
La perle du genre demeure toutefois
Ten (en français Elle, 1979), comédie
aphrodisiaque de Blake Edwards qui

32 I
Le Boléro au disque
De la gravure du compositeur en 1930 à celle de François-Xavier Roth en 2021,
résumons une discographie pléthorique par douze références contrastées.

Ravel au pupitre,
en 1923. « e dois dire que le Boléro
est rarement dirigé
comme je pense qu’il de-
vrait l’être. Mengelberg
accélère et ralentit excessivement. Toscanini
le dirige deux fois plus vite qu’il ne faut et élar-
git le mouvement à la fin, ce qui n’est indiqué
nulle part. Non : le Boléro doit être exécuté
à un tempo unique du début à la fin, dans le
style plaintif et monotone des mélodies arabo-
espagnoles. » Cette confidence de Ravel
montre que l’interprétation du Boléro fut, dès
le départ, un sujet de débats, cristallisés au-
tour de la question du tempo. Le 76 à la noire
(indication portée sur le manuscrit, respectée
par Koussevitzki… et Järvi) sera rectifié en
72 (édition Durand), allure à laquelle se
conforment la plupart des chefs. Encore trop
rapide ? Ravel inscrit 66 dans sa propre par-
tition et sa battue approche plutôt 63. Certains
iront plus loin, habitant une lenteur hypno-
tique (jusqu’à 54 chez Freitas Branco)…

MAURICE RAVEL
1930 ▶ Orchestre
Lamoureux. Music & Arts.
Agacé par la tendance de
Piero Coppola à presser la
© THE PICTURE ART COLLECTION / ALAMY STOCK PHOTO

conclusion (réalisé la veille,


son enregistrement avait été supervisé par
le compositeur), Ravel règle minutieusement
l’orchestre avec Albert Wolff pour sa propre
gravure. Assez imperturbable en dépit du dé-
coupage imposé par les « changements de
face », sa direction se distingue par une rela-
tive neutralité (ni tension ni dramatisme),
et l’espace de liberté laissé aux solistes (ces
glissandos du trombone !) Le « toc » final ?
Dans l’excitation, le compositeur heurte le
pupitre avec son bâton…
PLAGE 9 DE NOTRE CD

I 33
● Tout sur le Boléro

PEDRO Lagorce…) prendre leurs marques. C’est sournoisement destructeur. La palette des
DE FREITAS BRANCO un crescendo vers la lumière, couronné par Berlinois, le galbe de leurs phrasés distillent
1953 ▶ Orchestre une conclusion radieuse et sereine. Comme une poésie à la beauté ensorcelante, dans
du Théâtre des Champs- un dernier sourire. les solos (la flûte !) comme dans les « en-
Elysées. Emi/Warner. sembles » (les piccolos I et II conjugués au
Stable, avec un relief très SEIJI OZAWA cor et au célesta !). L’inquiétude, croissant
marqué jusque dans les pizzicatos, le rythme 1974 ▶ Boston Symphony à mesure que les timbres s’empilent, mène à
ample (54) pris par Freitas Branco permet au Orchestra. DG. un « écroulement » explosif (les percussions
National d’imprimer du caractère au moindre A Boston, Ozawa épouse s’en donnent à cœur joie), comme La Valse. La
détail. Ses couleurs crues et acidulées sont le 72 de la partition. Sous fin d’un monde… ou la menace pulvérisée ?
un régal, les cuivres particulièrement (vibra- ce bras précis et rigoureux,
tos, accents). Le chef semble vouloir retenir l’éventail orchestral se déploie avec une minu- SERGIU CELIBIDACHE
la fin en ménageant un très bref silence avant tie presque maniaque. D’autant que l’image 1994 ▶ Münchner
l’entrée des cymbales et de la grosse caisse. sonore, large et profonde, a quelque chose Philharmoniker. Emi.
d’une cathédrale industrielle. Millimétré, le Dilatant le son (pas autant
détail instrumental s’intègre ici dans un mou- que Freitas Branco, et avec
MANUEL ROSENTHAL un bénéfice moins saisis-
vement, une mécanique à la progression
1959 ▶ Orchestre sant que dans d’autres œuvres), Celibidache
inexorable. Le Boléro cousin des Fonderies
de l’Opéra de Paris. élargit aussi la dynamique, l’espace, en jouant
d’acier de Mossolov ? Brillantissime.
Notre Indispensable. sur la résonance. Il dévide le Boléro avec
Sur un tempo voisinant le une sorte de détachement très concentré.
66 de Ravel (dont il calque BERNARD HAITINK
L’auditeur est saisi par l’essor du son, l’épa-
aussi le geste sans tension), Rosenthal allège 1975 ▶ Orchestre
nouissement de la couleur. La musique flotte,
et aère la matière orchestrale. Il affine l’étude du Concertgebouw.
se répand, s’insinue, tenace et enveloppante.
de timbres, tout en obtenant des musiciens de Philips/Decca.
Le « parfum » d’un bolero.
l’Opéra (certains avaient participé à la créa- Haitink adopte le 72 de la
tion du ballet, trente ans plus tôt), des cou- partition éditée et n’en
PAAVO JÄRVI
leurs franches. Freitas Branco aiguisait les déviera guère. Il édifie un vaste crescendo
2003 ▶ Cincinnati
angles, Rosenthal éclaire le mécanisme. sonore dont les premières mesures semblent
Symphony Orchestra.
émerger graduellement du silence – effet que
Telarc.
soulignent les micros. L’acoustique généreuse
En prenant comme Kous-
PIERRE MONTEUX du Concertgebouw d’Amsterdam flatte les
sevitzki en 1930 (RCA) et
1964 ▶ London Symphony moirures de l’orchestre. Dans cette riche
Fricsay en 1955 (DG) le tempo « primitif »
Orchestra. Decca. marqueterie instrumentale, une clarinette
de 76, Järvi se situe parmi les plus rapides – la
Le tempo varie peu là en- klezmer introduit un surprenant contraste.
palme revenant à Stokowski en 1940 (Music
core, autour de 70. Autori-
& Arts, lecture virevoltante, zébrée d’accents
sant une grande souplesse RICCARDO CHAILLY brusques, bouclée en douze minutes). Porté
du phrasé à ses musiciens (ceux du London 1986 ▶ Orchestre
par un Cincinnati Symphony chauffé à blanc,
Symphony, tous géniaux), Monteux sait où du Concertgebouw. Decca.
le discours, ici, file droit, aérien, solaire, avec
il va. Le discours est délicatement tendu : Même orchestre, même des glissandos en forme de sourire et des piz-
le crescendo opère, imperceptible mais impla- tempo (tenu d’une main zicatos qui pétillent. Le Boléro rendu au ballet.
cable. Une souplesse et un hédonisme dont ferme) mais une texture
se rapproche, au même pupitre, Claudio plus ouvragée. Allègement du son, ciselé du
Abbado en 1985 (DG), quoique le trait soit plus
FRANÇOIS-XAVIER
détail vont ici de pair avec une dramatisation
vif et pointu, l’accélération manifeste.
ROTH
à la virtuosité spectaculaire. Chailly joue sur
2021 ▶ Les Siècles.
l’expressivité de timbres en constante méta-
Harmonia Mundi.
CHARLES MUNCH morphose. D’abord lascive, dans les teintes
Outre un tempo proche
1968 ▶ Orchestre
chaudes et sensuelles (les bois, superlatifs),
de celui de Monteux et la
la phrase se tend jusqu’à devenir cinglante,
de Paris. Emi/Warner. saveur des instruments d’époque (basson
Alors qu’il pressait peu à les couleurs se font plus denses.
gouailleur, saxophones tendres, trombones
peu le Boston Symphony plus « trompettants »), Roth se distingue par
en 1956 (RCA), Munch PIERRE BOULEZ l’emploi d’une nouvelle édition critique qui
apparaît plus détendu, dans ce témoignage 1993 ▶ Berliner rétablit les deux tambours exigés par Ravel
testamentaire. Battant le début à 67, il ralentit Philharmoniker. DG. à la place de la caisse claire, et réintroduit
même çà et là, laissant les virtuoses de son La rigueur et la vigueur les castagnettes originellement prévues (que
jeune Orchestre de Paris (Michel Debost, du tempo (72) évoquent le compositeur supprima par la suite). Et ces
Roger Abraham, Marcel Galiègue, Antoine celles d’un mécanisme glissandos ! François Laurent

34 I
Filmer l’idée musicale
C’est assez rare au cinéma : Boléro, dans les salles ce mois-ci, n’est pas
un simple biopic, mais un film sur les mécanismes intimes de la création musicale,
leurs ramifications avec la psyché du compositeur, comme avec les liens affectifs
qui l’attachent à son entourage. Sa réalisatrice, Anne Fontaine, en retrace
le cheminement et revient sur ses propres influences.

n peu comme où l’artiste est absent et l’histoire une dramaturgie du son. La violence
le film de inaccessible à qui ne sait pas déjà de ceux de l’usine dans la première sé-
Margarethe tout de l’homme. quence, les tapotements et raclements
von Trotta sur A.F. : Je me garderais de rebondir, ne Dans le rôle sur le bois des pianos qui rythment la
de Ravel,
Hannah Arendt raconte l’ayant pas vu ! Mon sujet imposait une recherche, le frôlement imperceptible
Raphaël Personnaz
la naissance d’un concept forme d’épurement des références, en capte avec des tissus sur la peau qui infuse la sen-
philosophique en y agrégeant privilégiant les citations authentiques, une bouleversante sualité, dans la scène des gants à la
des éléments biographiques, en ne surchargeant pas non plus les retenue l’esprit maison close. Mes longues conversa-
le sujet du vôtre est d’abord dialogues, pour mieux laisser opérer du compositeur. tions avec Marcel Marnat, le grand
le développement d’une idée
musicale…
Anne Fontaine : J’ai horreur des
biopics fourre-tout qui prétendent re-
tracer une vie entière ; comment ne pas
la rendre superficielle à ce compte ?
Faire un film, c’est faire des choix,
beaucoup renoncer, quoi qu’il en
coûte. Mon fil rouge tenait à la volonté
d’être le plus ouvert possible, de rendre
accessible au plus grand nombre le
processus personnel et social de la
création musicale, avec ses pannes, ses
angoisses, ses accélérations. En inté-
ressant aussi bien ceux qui disposent
© PHOTOS : PASCAL CHANTIE

déjà d’un bagage musical et d’une


solide connaissance de la vie de Ravel,
que les novices. Difficile équilibre !

Remarquablement atteint,
à l’inverse de la récente tentative
de Bradley Cooper sur Bernstein,
● Tout sur le Boléro

Partenaire du film, France Musique accompagne


la sortie de Boléro dans ses émissions :
Musique Matin (7h-9h), Au cœur du ballet (vendredi
1er mars, 12h), Stars du Classique (1er mars, 17h-18h),
Les Trésors de France Musique (7 et 8 mars,
12h30-13h30 et 22h30-23h30), Relax (15h-16h30),
de sa crédibilité au piano et même
Etonnez-moi Benoît, Musique Emoi… Jeanne Balibar à la baguette.
Et aussi, dans la collection Les Sagas musicales : sortie du podcast incarne avec
A.F. : J’ai longtemps cherché l’acteur
Ravel (5 x 25’) par Saskia de Ville le 6 mars, disponible sur le site un mélange
de classe
idéal. Le film devait se faire avant la
de France Musique et l’appli Radio France. pandémie, mais je n’ai pensé à Raphaël
et d’humour
la danseuse que lorsque nous avons repris le projet
biographe de Ravel, et avec Alexandre Ce que montre avec un humour Ida Rubinstein, ensuite. Je lui ai demandé, lors du bout
Tharaud, qui a accepté le petit rôle éloquent le générique… créatrice d’essai, de se contenter d’écouter le Bo-
du critique Pierre Lalo, figure très A.F. : D’ailleurs, je ne connaissais du ballet. léro en silence, tandis que je filmais son
difficile et où il est épatant, m’ont pas si bien le reste de l’œuvre de visage en plan rapproché, et de penser
beaucoup aidé dans cette direction. Ravel, dans laquelle j’ai plongé en à la fois que c’était lui qui avait écrit
préparant le film ! Comme dans sa cette musique, et qu’il la recevait
Mais pourquoi Ravel, pourquoi vie, avec ces trois éléments qui comme un auditeur extérieur. En écho,
le Boléro ? Comment sont-ils trouvent toujours chez moi un écho : bien sûr, à la difficulté qu’avait Ravel à
entrés dans votre vie ? la difficulté à exprimer ses senti- entendre cette œuvre, tant il craignait
A.F. : J’ai grandi avec le répertoire ments, qui nourrit l’amour des mots qu’elle phagocyte le reste de sa musique
classique, mon père était titulaire des d’esprit ciselés ; l’inhibition sexuelle, – ce qui, au fond, ne s’est pas produit :
orgues de la cathédrale de Lisbonne. sublimée dans la sensualité de elle a gagné un autre public que celui
J’ai appris le piano, le luth, surtout le l’œuvre ; le cheminement insidieux du classique, sans entamer la place du
violoncelle. Puis je m’en suis éloignée, de la maladie, affrontée avec une di- compositeur dans les concerts. Et
à la fois par saturation et besoin d’in- gnité et une retenue bouleversantes. pour anticiper, bien sûr, cette scène clé
dépendance. Mais j’ai commencé ma où Ravel réécoute la partition en ayant
carrière comme danseuse, et le lien En parlant de retenue, ceux qui oublié qu’elle est de lui, et laisse enfin
musical ne s’est jamais rompu. En dé- ont admiré le minimalisme échapper un : « C’était pas mal… »
couvrant la jeune Sylvie Guilhem dans distancié de Raphaël Personnaz Raphaël avait naturellement les clés de
le Boléro, j’ai eu un choc. L’œuvre n’a dans Quai d’Orsay ou Dans les
plus cessé de m’intriguer, par son uni-
versalité quasi-obsessionnelle,
forêts de Sibérie ne seront pas
surpris de retrouver ses qualités
_ « Tout ce qu’il y a
puisqu’il ne se passe pas un quart en Ravel. Mais ils seront
d’heure sans qu’elle soit diffusée sans doute impressionnés de charnel en Ravel s’est
quelque part dans le monde, sous sa de la profondeur atteinte
forme originale ou arrangée. dans l’introversion, comme incarné dans sa musique. » _
36 I
cette intériorité, et il a accepté de succès du Boléro paraîtrait forcée avec
perdre huit kilos afin de creuser son d’autres artistes. Il y a aussi Doria Til-
A voir
visage, ramasser sa silhouette, non lier en Misia Sert, et Anne Alvaro dans BOLÉRO.
pour ressembler à Ravel de façon pho- le rôle de la mère. Je tenais beaucoup Un film d’Anne Fontaine,
tographique, mais pour en capter l’es- à cet instant où Raphaël, après son en- avec Raphaël Personnaz,
prit. Ce qui ne nous a d’ailleurs pas em- terrement, se rappelant d’elle lorsqu’il Doria Tillier,
pêchés de beaucoup travailler sur la était petit, prononce à travers le Jeanne Balibar,
base des photographies, notamment temps le mot « maman », comme à la Emmanuelle Devos…
celle sur son lit de mort, d’une gravité, fin de L’Enfant et les sortilèges. Il y a là Dans les salles le 6 mars.
d’une élégance si saisissantes [cf. p. 29]. un beau mystère, car on en sait finale- Bande originale publiée
Elle nous a ouvert la porte de la der- ment assez peu sur cette personnalité par Warner Classics (avec
nière scène, où Ravel dirige le Boléro, qui paraît aimante et pas spécialement A. Tharaud, S. François,
d’abord dans une tension un peu raide, abusive, mais que ses fils n’ont su dé- J. Rouvier, A. Pontier,
puis en cédant à l’emportement passer. Ensuite, il y a ces présences J.-J. Kantorow, F. Braley,
charnel que matérialise le danseur tour à tour maternelles ou d’amantes R. et G. Capuçon…)
François Alu. Raphaël s’est passionné- inaccessibles, cette fréquentation des
ment investi dans cet apprentissage de prostituées qui était peut-être essen-
la direction, et c’est aussi lui qui joue au tiellement platonique, ces questionne- constamment occupés. J’ai trouvé la
piano, notamment sur celui du compo- ments sur une possible homosexualité solution la mieux adaptée dans une
siteur à Montfort-l’Amaury. Je tenais refoulée à laquelle je n’accorde, en fait, combinaison entre la magnifique salle
beaucoup à ce que les acteurs ne soient guère d’importance, puisque tout ce de l’Opéra de Liège et les escaliers et
pas doublés dans de telles scènes, de qu’il y a de charnel en Ravel s’est in- foyers de l’Opéra-Comique, qui me
même que Jeanne Balibar danse vrai- carné dans sa musique, et avait peut- convient finalement assez. Il était
ment dans chaque plan du ballet. être besoin de la frustration du quoti- beaucoup plus important pour moi
dien pour y parvenir. de convaincre le maire de Montfort-
Toute sa performance l’Amaury afin qu’il nous autorise à
en Ida Rubinstein est d’ailleurs Frustration, et c’est l’une des tourner dans la maison de Ravel, mal-
anthologique, assumant avec seules dans le film, que pourront gré sa fragilité, car la magie de cet
classe et humour une mise à nu éprouver les exégètes, de ne pas univers totalement préservé et physi-
parfois cruelle. Vous avez retrouver à l’écran le palais quement marqué par son empreinte
beaucoup insisté sur Garnier où fut créé le Boléro… se serait certainement évaporée dans
les influences féminines auprès A.F. : Vous imaginez bien que j’ai sol- une reconstitution en studio. L’exi-
de Ravel, malgré le mystère que licité l’Opéra de Paris dès le début, guïté des lieux, avec ces couloirs où
représente sa vie sentimentale. mais il a immédiatement fallu y renon- l’on ne peut pas passer à deux, donne
Le 22 novembre
Emmanuelle Devos est à la fois cer. Moins pour des raisons de coût, 1928, comme si
la mesure de la solitude du musicien.
désopilante et tellement tendre même si remplir de figurants une salle vous y étiez : Et tous ces bibelots qu’il chinait ou
en Marguerite Long… aussi vaste aurait probablement eu rai- Ravel reçoit les fabriquait lui-même, celle de l’enfant
A.F. : Et si subtile. La manière dont elle son du budget du film, que pour des applaudissements qu’il demeura toujours.
remet son manteau, dont elle confie questions de disponibilité, car la scène du Tout-Paris.
naïvement à Ravel ses doutes sur le comme les espaces publics sont Au terme de ce voyage avec Ravel,
qu’est-ce qui a changé en vous
dans sa perception ?
A.F . : Cela paraît un peu idiot à dire,
mais inévitablement, j’ai aujourd’hui
l’impression de le connaître, au tra-
vers des correspondances intimes,
sans doute un peu trompeuses
parfois, qui s’établissent lorsqu’on
s’empare ainsi d’un autre. Je dis cer-
tainement beaucoup de moi à travers
cet apparent refus de l’épanchement
sentimental, cette pudeur de la
spiritualité, ce rapport au désir phy-
sique, et aussi au souvenir du père et
du bain musical de mon enfance.
Propos recueillis par
Vincent Agrech

I 37
RENCONTRE

De La Monnaie au Walhalla
Il est, parmi les chefs français, un des plus en vue du moment. S’il pilote désormais
le Festival de Colmar, c’est surtout hors de nos frontières qu’il a trouvé la reconnaissance :
en particulier à la Monnaie de Bruxelles et à l’Orchestre symphonique de la Radio
de Francfort, deux prestigieuses institutions dont il est directeur musical.
PAR CAMILLE DE RIJCK

l y a quelque chose de l’ordre à me convaincre. Ce n’est qu’à la fin Il doit bien vous rester
de la méritocratie républicaine que Peter de Caluwe m’a dit : « pour quelques obsessions ?
dans le parcours d’Alain mon dernier mandat, on pourra faire A.A. : Non, car j’ai eu la chance de
Altinoglu. Entré à dix-sept ans un Ring » ; et là mes yeux sont sortis son diriger beaucoup d’opéras, des titres
à l’Opéra de Paris, il y aura assumé de mes orbites. Mais ce Ring n’a jamais actualité et des styles extrêmement différents,
une variété de petits boulots avant de été une condition sine qua non, sim- donc mes obsessions ont été largement
EN DISQUE
faire ses premiers pas officiels à la tête plement la cerise sur le gâteau. satisfaites ; il reste cependant quelques
Schmitt :
de l’orchestre dans la Salomé de La Tragédie œuvres que je rêve de diriger, comme
Strauss. Depuis, sa carrière a explosé : Quand vous posez vos valises de Salomé. Chant Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg
Vienne, Bayreuth, la direction du Sym- à Bruxelles, qu’inscrivez-vous élégiaque. de Wagner, Wozzeck de Berg,
phonique de la Radio de Francfort et au carnet de vos envies ? Orchestre La Femme sans ombre de Strauss.
symphonique
du Festival de Colmar, ainsi que son A.A. : En fait, le répertoire s’est surtout Mais j’ai le temps d’y penser, et de faire
de la Radio
mandat renouvelé à La Monnaie où il construit autour de conversations avec de Francfort, en sorte que ces envies se concrétisent.
est en train de diriger un premier Ring l’équipe, et avec la contrainte de ne Alain Altinoglu.
mis en scène par Romeo Castellucci. diriger que trois opéras par an sur les Alpha (parution Comment s’est passé le travail
Il se dit d’ailleurs que, lors des négo- huit ou neuf titres programmés. Par- le 10 mai). de fond avec l’orchestre
ciations autour de sa nomination, la fois, des ouvrages que j’aurais voulu de La Monnaie ?
perspective de cette Tétralogie avait diriger ont été confiés à d’autres chefs A.A. : Mon cahier des charges était de
pesé lourd dans la balance… car la période ne fonctionnait pas pour faire en sorte que le niveau musical
moi ; inversement, certaines œuvres soit maintenu, voire progresse. Je suis
Alain Altinoglu : On l’a beaucoup dit, ne me tentaient pas beaucoup a priori arrivé à un moment où de nombreux
mais cela ne s’est pas passé ainsi. mais, après réflexion, j’ai été heureux musiciens, engagés par Gerard Mortier
Quand Peter de Caluwe [l’actuel inten- de les diriger. Quelques compositeurs dans les années 1980, partaient à la
dant de La Monnaie] m’a appelé, la me semblaient incontournables, retraite après quarante ans de maison.
chose déterminante et unique fut mon comme Wagner, qu’on a pu aborder Donc aujourd’hui, un tiers de l’effectif
rapport à l’orchestre. Je gardais un au fur et à mesure, en fonction aussi a été recruté sous mon mandat, ce qui
souvenir émerveillé de la Cendrillon des envies de nos metteurs en scène ou est énorme. Je suis en outre parvenu
de Massenet que nous avions donnée de la disponibilité de certains chan- à augmenter le nombre de répétitions
en 2011 dans cette salle formidable, teurs. Monter un opéra, en définitive, d’orchestre pour pouvoir faire un tra-
et des quelques concerts qui suivirent. c’est rarement juste une question d’en- vail de fond. Même logique pour les
© DIRK LEEMANS

Le fait d’avoir l’opportunité de prolon- vie : c’est le passage en revue de nom- choristes, à laquelle s’est greffée la né-
ger cette relation, dans un lieu inspi- breux paramètres qui permettent de cessité d’engager un nouveau chef
rant et avec une équipe de metteurs en rêver une production totalement exci- des chœurs. Parfois, en réécoutant
scène parmi les plus excitants, a suffi tante, car sinon, on ne s’engage pas. des enregistrements de 2015 ou 2016,

38 I
en dates
1975 naissance le 9 2009 débuts comme
octobre à Alfortville (94). chef à l’Opéra de Paris.
1988 entre au CNR 2011 première
de Saint-Maur (piano). collaboration avec
Première rencontre le Philharmonique
avec la mezzo-soprano de Vienne.
Nora Gubisch. 2014 nommé
1992 entre au CNSM professeur de direction
de Paris. d’orchestre au CNSMP.
2001 dirige Don 2015 premier
Giovanni à Tourcoing Lohengrin à Bayreuth.
avec la Grande Ecurie 2021 débute comme
et la Chambre du Roy directeur musical
à l’invitation de de l’Orchestre
Jean-Claude Malgoire. de la Radio de Francfort.
2005 naissance, 2023 première édition
le 23 novembre, d’Arthur sous sa direction
Altinoglu Gubisch. du Festival de Colmar.
● Alain Altinoglu

je constate que l’orchestre a beaucoup


changé même si, déjà à l’époque, les
musiciens accomplissaient des choses
magnifiques. Il me semble aussi qu’on
a gagné en constance d’une représen-
tation à l’autre. Il pouvait arriver que
les performances soient en dents de
scie, en fonction du niveau de fatigue
de l’orchestre. Aujourd’hui, même si
nous restons des êtres humains avec
nos temps forts et nos temps de
moindre engagement, nous parvenons
chaque soir à offrir quelque chose
d’excitant.

Parlons du Ring dont vous venez


de diriger les deux premiers
volets : on parle souvent de l’arc
musical qu’il est nécessaire
de construire tout au long
du cycle. Comment fait-on face
à une œuvre de cette dimension ?
A.A. : La dimension n’entre pas vrai-
© THOMAS LÉONARD

ment en jeu. On ne commence pas


Les Noces de Figaro sans connaître la
fin de l’œuvre, vu qu’il y a déjà dans
l’Ouverture bien des éléments du dé-
nouement. Ignorer ce qui suit, c’est le
rôle du spectateur. C’est ce que vou- dernier exemple qu’il s’agit : la mu- tout cela dans la plus grande sérénité.
lait Wagner : que les auditeurs ar- sique de Wagner est un constant dé- Je n’ai jamais rencontré une personne
rivent au théâtre sans savoir tout de veloppement de cellules qui ne peut alliant une telle exigence et une gentil-
ce qui allait leur arriver. Le chef d’or- pas être mis sans dessus dessous. Ce lesse tout simplement infaillible. Il ne
chestre doit fonctionner inversement. n’est pas une de ces créations de s’énerve jamais !
Surtout dans le Ring, qui est consti- l’éternel recommencement, comme
tué d’une infinité d’éléments, avec Wozzeck, dont la dernière scène pour- Touche-t-on avec lui, parfois,
tous les leitmotive, représentant rait, dans la logique de l’œuvre, être aux limites de ce que les
concepts et personnages, qui s’im- enchaînée à la première. musiciens peuvent faire ?
briquent les uns dans les autres et se A.A. : Romeo est capable d’inviter les
transforment à mesure que l’œuvre Et quand vous opposez artistes qui l’entourent à réfléchir en
tend vers son climax. Romeo Castel- cet argument à un metteur dehors du cadre habituel de leur
lucci avait émis l’idée, vu que l’an- en scène de la dimension métier. Demander à un chanteur
neau est un cercle, qu’avant L’Or du de Castellucci, il l’entend ? d’opéra, à la fin de L’Or du Rhin, de se
Rhin, on joue la fin du Crépuscule des A.A. : C’est un homme d’une très laisser tomber en arrière dans un
Dieux. Clairement, si je n’avais pas grande humilité. Il n’est pas musicien, trou de deux mètres, personne
connu l’œuvre par cœur, si je n’avais mais il écoute et s’abandonne à ses in- d’autre ne le ferait. Lui-même s’est
pas été capable d’argumenter mon tuitions. Il lui arrive de travailler des mis en danger lors d’un spectacle en
refus, avec des éléments concrets images, parfois longuement, puis de Avignon : il enfilait une camisole et
d’architecture musicale, j’aurais eu renoncer parce que la cohabitation du se faisait attaquer par des chiens.
beaucoup de mal à défendre mon visuel et de la musique n’a pas interagi Mais évidemment, tous ces effets sont
point de vue. Celui-ci était pourtant à la hauteur de ses espoirs. Parfois, encadrés, afin qu’ils n’exposent ja-
simple : la fin du Crépuscule est un dans le travail, nous nous heurtons à mais les artistes à des dangers réels,
gigantesque développement. L’ima- certaines limites, comme un décor qui même si les conditions sont ex-
gination a tous les droits, mais pas a été construit et qu’on ne peut plus trêmes : dans La Walkyrie une pluie
celui de s’opposer à certaines règles modifier, mais Romeo accepte le de plusieurs centaines de kilos de
de perspective, d’architecture, de ma- changement jusqu’au bout. Je l’ai vu terre tombe au deuxième acte ; les
thématiques ou de développement faire répéter des chanteurs du troi- artistes doivent venir chanter au mi-
cellulaire. C’est précisément de ce sième acte pendant le deuxième ! Et lieu, ce qui n’est pas simple. Ils ont

40 I
_ « Bien sûr que l’Opéra de Paris me tente :
je suis né à Paris, j’y ai grandi, j’ai commencé
à y travailler et j’y ai tout appris. » _
relation avec Dominique Meyer, qui pour prendre la succession de
dirigeait alors l’Opéra, et avec l’or- Vladimir Spivakov, je connaissais
chestre (qui est une déclinaison des donc l’institution, la ville, les infras-
Philharmoniker). Pour l’heure, je suis tructures et une partie des équipes.
engagé à Bruxelles, dans un travail de Diriger les grosses machines lyriques
longue haleine, qui porte ses fruits. et symphoniques implique d’être par-
Si une autre proposition devait surve- tiellement tributaire, dans sa pro-
nir, j’y réfléchirais posément, mais je grammation, d’une série de
ne suis pas en recherche. Bien sûr que contraintes. Mais diriger un festival
l’Opéra de Paris me tente : je suis né à condensé sur les quinze premiers
Paris, j’y ai grandi, j’ai commencé à y jours de juillet, c’est une expérience
travailler quand j’avais dix-sept ans et que je n’avais jamais tentée. Je peux
j’y ai tout appris ; j’ai été chef de chant, organiser des concerts avec des amis,
j’y ai fait les surtitres, j’ai été souffleur, amener à Colmar le meilleur de mes
assistant, pianiste accompagnateur et rencontres pédagogiques (notamment
pianiste de fosse dans ce magnifique au Conservatoire de Paris) en faisant
orchestre, j’y ai littéralement appris jouer les jeunes le midi et en ouvrant
mon métier. Y revenir un jour serait les master classes données par de
merveilleux. grands solistes – sans même évoquer
la beauté des lieux et la qualité de la
Vous complétez désormais gastronomie !
cependant le sentiment de participer le panel de vos activités
à une aventure assez exceptionnelle. en dirigeant un orchestre Ces jeunes talents, les
On voit parfois des chanteurs quitter symphonique, celui de Alain Altinoglu de demain,
une production parce qu’ils ne la cau- la Radio de Francfort... vous parvenez déjà à les identifier
tionnent pas ou sont heurtés par telle A.A. : Ce sont deux engagements qui parmi vos élèves ?
ou telle scène. Cela n’arrive pas dans se complètent. La vie d’une maison A.A. : Il reste extrêmement difficile,
les productions de Romeo Castel- d’opéra n’a rien à voir à la logique d’un même dans les meilleures écoles de
lucci. Très certainement parce que orchestre symphonique. Ce sont par musique, de parvenir à évaluer avec
son théâtre appelle l’écoute de celles ailleurs des expériences qui se nour- certitude le véritable niveau des jeunes
et ceux qui le constituent. rissent l’une de l’autre. Je suis à Franc- chefs. Il arrive même parfois que des
fort jusqu’en 2028 et le travail y est musiciens d’orchestre se trompent sur
Où en est votre relation avec idéal, avec une flexibilité qui nous a leur qualité, à cause de la grande
la France ? A quand Paris ? permis d’être à la pointe de l’offre nu- variété des points de vue. Quand un
A.A. : Je n’ai pas d’idée fixe. Mais mérique, les musiciens ayant accepté orchestre ne joue pas ensemble,
quand on me propose quelque chose, de céder leurs droits pour que les comment savoir si c’est la faute du mu-
je suis très heureux et j’y réfléchis concerts soient disponibles sur sicien ou du chef ? Cette profession est
volontiers. C’est normal. En arrivant à Internet – l’algorithme faisant son mystérieuse et, pour cela, on traquera
La Monnaie, puis à Francfort et enfin œuvre, nos versions se retrouvent sou- les qualités de base : le charisme, la
au Festival de Colmar, je me suis en- vent parmi les premières à paraître. faculté à fédérer un groupe et l’acuité
gagé à libérer du temps de travail pour Grâce à cette chaîne YouTube, notre de l’oreille. Mon propre profil diffère
ces trois institutions et à leur offrir la orchestre bénéficie d’une visibilité de ceux qu’on croise dans les classes
priorité dans ma vie de musicien. assez hallucinante. de direction : j’étais un pianiste, de-
Lorsque j’ai signé à La Monnaie, je me venu chef de chant, devenu bouli-
suis désisté de plusieurs contrats – cer- En prenant la tête du Festival mique de répertoire et d’interactions
tains l’ont bien compris, d’autres pas de Colmar, vous n’avez pas craint avec l’orchestre. Je ne peux donc pas
– et j’ai dû renoncer au Met ou à Berlin, la surcharge ? tendre vers la duplication de futurs
par exemple, tout en gardant A.A. : J’avais donné plusieurs récitals petits Alain Altinoglu, mais simple-
Les Troyens à Vienne, de par mon lien dans le cadre du festival avec ment encourager la singularité et le
à cette œuvre rare, la qualité de ma Nora Gubisch. Lorsqu’on m’a appelé talent trouvé en chacun d’eux. ◼

I 41
● l’œuvre du mois PAR SYLVAIN FORT
HISTOIRE, INTERPRÉTATION
DISCOGRAPHIE COMPARÉE

L’Amour sorcier
entré en Espagne en 1914, A Paris, il était venu chercher auprès connaissance superficielle, n’ayant
après des années passées de Dukas, Debussy, Ravel la confirma- pas étudié les profondeurs de son folk-
à Paris, quelles leçons tion d’une intuition profonde : on pou- lore. Rentré en Espagne, il s’attacha à
Manuel de Falla a-t-il ap- 1915 vait concilier les caractéristiques de la rectifier cela ; il voyagea, vit Séville,
prises ? D’abord, assurément, que son musique espagnole mises au jour par et découvrit avec des cris de joie les
intransigeance artistique n’avait pas Pedrell et les formules neuves inven- splendeurs de l’Alhambra.
été vaine. Le succès public et critique Pablo Picasso tées, notamment en matière d’orches- Dans son esprit, l’Andalousie était,
de La vida breve, créée à Nice en 1914, achève tration, par les Français. comme l’avait été l’Orient pour tant
avait couronné sa foi absolue dans ce sa Nature morte Il y aurait beaucoup à dire sur la d’artistes, non une géographie mais
projet. Il avait résisté aux promesses au compotier. convergence naturelle de ces esthé- un imaginaire. Aussi son intérêt
dilatoires de l’Opéra-Comique comme ● tiques, toutes deux ancrées dans la tourna-t-il immédiatement autour de
aux alternatives offertes à Milan par célébration de la sensation, du corps, ce qui frappa le plus cet imaginaire,
Tito Ricordi, qui proposait d’oublier Sibelius de l’osmose avec la chair du monde, et faisait vibrer sa curiosité musi-
cette fable espagnole au profit d’un compose sa quand la musique allemande était cale : la culture gitane. Cet attrait fut
Symphonie no 5,
livret italien déjà refusé par Puccini. réputée explorer les sphères (malgré certainement accru par la première
Debussy
Certes, il avait dû (douloureusement) Brahms et ses fascinations tziganes). espagnole de La Vida breve, où l’im-
douze Etudes
aménager l’œuvre pour la conformer pour piano. Une telle convergence s’était déjà ma- mense artiste de zarzuela Lisa Vuela
aux rigueurs de l’exécution, mais sans nifestée dans le goût des Français pour chantait Salud avec l’énergie noire du
la dénaturer. ● la mélopée et l’esprit espagnols (Cha- flamenco.
Einstein rédige brier, Bizet – dont Nietzsche tirerait
Mon pays et Paris sa Relativité ses diatribes anti-allemandes). De la gitaneria…
Ensuite, plus essentiel, il avait com- générale. Il devenait possible de ne pas faire Il advint que Pastora Imperio, comé-
pris qu’il pouvait concilier esthétique- de la musique espagnole une réserve dienne et danseuse de flamenco née à
ment ses deux « écoles ». D’une part,
● de canevas folkloriques recyclables Séville et déjà célèbre (elle venait de
la tradition espagnole, apprise auprès Granados mais le fondement d’une expression tourner dans La Danse fatale), sou-
de son maître Felipe Pedrell. Grand transforme nouvelle, dont la tradition nourrirait haita rencontrer Falla. Elle se tourna
artisan de la réhabilitation de la mu- en opéra ses l’esprit sans asservir la lettre. « L’es- vers Gregorio Martinez Sierra et son
sique populaire, ce dernier en avait Goyescas. prit importe plus que la lettre. Le épouse Maria O’Lejarraga, écrivains
établi les fondements historiques, pui- rythme, la modalité et les intervalles qui s’étaient liés d’amitié avec le com-
sant leurs racines loin dans l’histoire mélodiques sont l’ingrédient essen- positeur à Paris en 1913 puis l’avaient
de l’Espagne, jusqu’à ses influences tiel de ces chants. Je suis opposé à retrouvé avec bonheur à Madrid.
arabes. Pedrell avait même tenté de la musique qui prend le folklore au- Artiste complète, Imperio désirait
donner l’exemple dans ses propres thentique comme base », écrivit Falla. « un chant et une danse ». Falla plon-
œuvres, médiocrement reçues, mais Adieu espagnolades, chromos anda- gea dans les profondeurs de l’esprit
découvertes avec passion et ardem- lous, yeux de braise… gitan, prisa les légendes contées par
ment défendues par Falla. Cet exhaussement esthétique de la la grand-mère de la danseuse, Rosario
D’autre part, l’école française. « J’aime tradition espagnole était d’autant « La Mejorana », qui semble avoir ins-
la musique française », dit-il en trem- plus conforme aux aspirations de piré le sujet. L’argument en deux ta-
blant à Debussy lors de leur première Falla que, lorsqu’il composa La vida bleaux, dû au couple Martinez Sierra
rencontre, « moi pas », répondit l’autre. breve, il avait de l’Andalousie une (probablement plus à elle qu’à lui) est

42 I
© WIKIPEDIA

d’une grande simplicité : amoureuse Au gré d’un important réordonnan- semble exalter plus vigoureusement
d’un homme qui lui est infidèle, la gi- cement, on avait perdu tous les dia- la violence gitane, le fatalisme sombre
tane Candelas déploie toute la nuit, logues et des pans entiers du texte né des grottes d’Andalousie et faire la
des sortilèges pour le reconquérir. Et chanté, à l’exception de la Chanson part plus belle au chant qui en était
réussit : l’aube scelle leur réconcilia- du chagrin d’amour, de celles du feu issu, le cante jondo célébré par Fede-
tion sur fond de cloches matutinales. follet et de la fausse sorcière (en par- rico Garcia Lorca.
Cette gitaneria (forme parlée, chantée, tie). Le canevas s’est compliqué Choisir la version 1915 ou celle de
dansée) émaillée de rauques incanta- (treize scènes au lieu de deux ta- 1916/1925 ? Question épineuse tant
tions fut composée très vite : sa créa- bleaux) : Candelas est hantée par le la redécouverte de l’original, ardent
tion eut lieu le 15 avril 1915 au Teatro fantôme de son défunt époux (un ma- et mystérieux, a influencé notre per-
Lara de Madrid. Sans grand succès, Rythme, couleur, riage arrangé) et il lui faut un sorti- ception de l’œuvre. A l’orchestration
malgré l’engagement de sa petite et mouvements lège pour pouvoir convoler avec son virtuose et peaufinée (la plus jouée
troupe familiale de gitans. du flamenco : seul amour, Carmelo. et enregistrée), beaucoup préfèrent
Joaquin Sorolla la simplicité et le format restreint de
… au ballet croque en 1914 Enjeux de l’interprétation 1915, sans doute sous l’effet du retour
des Femmes
Commencèrent alors des révisions dansant au café Onze moutures en tout existent de aux origines prôné dans l’interpré-
aboutissant d’abord à une version de Novedades l’Amor brujo. Pendant longtemps, la tation musicale – culte des sonorités
concert pour grand orchestre créée le à Séville. version de 1916/1925, pour grand or- premières, adoration de l’Urtext, mé-
28 mars 1916, cette fois avec un succès chestre, fut considérée comme la par- fiance à l’égard des lectures anhisto-
éclatant. Il avait fallu écourter et sup- tition de référence, le dernier mot du riques, attention nouvelle aux formes
primer des parties chantées. S’ensui- compositeur, les autres étant adapta- traditionnelles sous-tendant le réper-
virent de nouveaux remaniements tions pour orchestres ou formations toire dit « classique ».
dont le dernier état fut la recréation diverses. Dans les années 1980, on re- Interpréter El amor brujo aujourd’hui
sous forme de ballet créée en 1925 au découvrit la rédaction initiale de 1915. dans sa rédaction de 1916 sans avoir
Trianon Lyrique, à Paris. Et l’on s’éprit de cette gitaneria qui dans l’oreille celle de 1915 est presque

I 43
● l’œuvre du mois

L’ŒUVRE PAS A PAS impossible. La version initiale infuse


et informe la suite. Aussi toute une tra-
La métamorphose en ballet est harcelée par un feu follet :
a nécessité des coupes et des cette Danse du feu follet dition cherchant l’éclat et l’emphase
interpolations. Partons de la en notes piquées, qu’enveloppent s’est-elle étiolée au profit de la quête
version de 1915 (pour un effectif des cordes dicte une d’une sonorité plus rugueuse, d’une
de quinze musiciens), nouant chorégraphie endiablée, ouvrant articulation plus sèche, d’une ryth-
le fil avec la version orchestrale. sur des Hallucinations. mique et d’un phrasé brûlant à la
La Chanson du feu follet, flamme gitane, avec ses accents his-
PREMIER TABLEAU incantation en deux strophes, pano-arabes, ses attaques brusques et
L’Introduction nous mène dans repose sur un fond rythmique percussives.
la grotte où Candelas consulte simple. La ligne de chant,
les cartes funestes. Allegro furioso avec ses étirements et ses
frénétique aux deux thèmes
issus du flamenco qui ensuite
mélismes gitans, porte
et déroule la plainte : « L’amour
Discographie
dérive vers une évocation est semblable au feu follet, comparée
impressionniste préparant tu le fuis et il te poursuit,
la Chanson du chagrin d’amour. tu l’appelles et il se sauve. » Il est donc assez surprenant que le
Sa pauvreté harmonique La scène mélodramatique premier enregistrement de la version
délibérée, ses mélismes de l’exorcisme, lançant un 1915 soit marqué par la retenue et une
obsédants, ses mots crachés Sortilège pour reconquérir certaine platitude. La lecture de Ni-
en font une malédiction l’amour perdu, sera retranchée cholas Cleobury (Virgin, 1988) appa-
plus qu’une complainte : dans le ballet – c’est pourtant raît étonnamment littérale et pâle de
un chant fatal. Vient la nuit avec un point culminant de l’œuvre, timbres et ne bouleverse en rien une
ses Sortilèges. Falla fait sonner dramatiquement mais aussi discographie très relevée.
douze fois la même cellule musicalement. Son chanté-parlé Deux gravures fondatrices dirigées
suspendue (il est minuit), avant frénétique donne à entendre
toutes deux par le chef espagnol
de la diluer en pizzicatos. « les finales gutturaux d’un cante
Résonne alors la Danse de la fin hanté par le duende » (Hoffelé). En studio Ataulfo Argenta (1953 en studio avec
du jour (rebaptisée Danse C’est l’apex démoniaque, puis au concert, l’Orchestre de la Société des concerts
Ataulfo Argenta du Conservatoire et Ana Maria Iri-
rituelle du feu dans le ballet). où l’amour est réellement sorcier.
plaça par deux arte, puis 1957 en public avec l’Or-
La pulsation en ostinato, comme Entre l’amant désiré et Candelas
fois la barre
le piétinement d’une bacchante, (dans l’ombre, déguisant sa voix) chestre national et Teresa Berganza,
très haut.
est zébrée par une mélodie commencent les Danse les deux réédités par la BnF dans un
ondulante et mauresque, et Chanson de la fausse sorcière son tout à fait acceptable) avaient
initiatique et entêtante. (future Danse du jeu d’amour après-guerre placé la barre très
Confiée au hautbois, elle est dans le ballet). Au piano d’abord haut. Tout y est. La fougue, la noir-
reprise par l’orchestre, au gré fragile et incertain, ourlé ceur, des chanteuses incandescentes
d’une tonalité hésitante et de pizzicatos, succède un thème
d’emprunts aux modes andalous : ensorcelant à l’alto, déjà entendu
tout cela produit une sorte de au premier tableau. Le hautbois
fièvre qui monte jusqu’au délire, et les violoncelles prendront
déchiré par les flammes que le relais, scandant ce qui est
dessinent les traits des cordes. à la fois une ronde amoureuse
La Romance du pêcheur et une danse de mort, comme
en fa majeur offre, face à cela, un cérémonial hypnotique,
une stase presque bizarre. circulaire. Le chant narre l’histoire
Instrumentale dans le ballet, d’une gitane abandonnée par un
elle est parlée (mélodrame) dans infidèle avec des mots cryptiques
la version de 1915. Sa douceur (sinon pythiques) : « je suis le feu
infuse donne à cette fable dans lequel tu te consumes,
ancienne où l’eau de la rivière je suis le vent dans lequel
engage les amoureux déçus tu soupires, je suis la mer
à chercher la grotte de la sorcière, où tu t’abîmes. »
une nostalgie étrange. Le jour se lève, l’ordre amoureux
est rétabli. Dans Les Cloches
SECOND TABLEAU du matin, l’effusion lyrique des
Il commence par une Introduction cordes est le tapis sonore d’une
qui nourrira dans le ballet immense exultation de Candelas :
la Danse du jeu d’amour. Dans « voilà ma gloire retrouvée ».
le cours de ses rituels, Candelas Le jour a vaincu la nuit.
© DR

44 I
Avec Pablo reluisant comme à la parade : la fable
Heras-Casado, gitane devenue morceaux de bravoure
la relève est pour galas, quelle tristesse !
assurée pour En 1991, Josep Pons frappe un grand

© ISRAEL PHILHARMONIC ORCHESTRA


le XXIe siècle. coup : sa version 1915 avec l’Orchestre
de chambre du Teatre Lliure et une
Ginesa Ortega de vingt-trois ans, in-
time du style gitan, rend à la partition
sa vérité, sa vigueur, son sens, l’arra-
chant ainsi à deux décennies de com-
plaisances (Harmonia Mundi).
Leçon retenue ? Probablement par
Enrique Mata en 1994, excellent (Do-
(Berganza possédée), des orchestres est un peu trop Ulrica. L’année sui- rian). La cantaora Esperanza Marti-
pas toujours précis, mais endiablés. vante, Rafael Frühbeck de Burgos C’est à la tête nez prêta son concours à deux gra-
de son orchestre
La version minérale de Toscanini (Decca) marche sur les pas de Giu- vures hélas inabouties. En 2019, c’est
espagnol qu’Igor
(RCA, 1939) s’en trouva périmée, lini avec le Philharmonia, mais Markevitch la profonde Marina Heredia que Pablo
comme celle de Stokowski (RCA, quel empois alors ! L’Amour sorcier signait en 1966 Heras-Casado engage pour sa mou-
1946) avec une Nan Merriman admi- se serait-il perdu sur les sentiers du une référence. ture 1916, nerveuse et nostalgique –
rable mais des brillances hollywoo- gras symphonisme, allait-il laisser inspirée (Harmonia Mundi). La gloire
diennes superflues. Enflé, son remake s’éteindre la flamme sèche des ca- d’El amor brujo retrouvée.
philadelphien avec Shirley Verrett vernes andalouses ?
(CBS, 1960) ne convainc pas davan- Heureusement, en 1966, Igor Marke-
tage que Fritz Lehmann (1954, DG), vitch (Philips) trouve dans le secret
avec une chanteuse moyenne et des de son âme slave la mélancolie et la
Berliner qui se croient chez Orff. violence. Il embrase l’Orchestre de
la Radio-Télévision espagnole, avec
Florissantes Sixties une Ines Rivadeneira enveloppée
Carlo Maria Giulini et le Philharmo- d’ombre, hallucinante.
nia (Emi, 1961) offrent des miroite-
ments neufs, une lecture presque Eclipses et renouveau
française de la partition, avec une Vic- L’esprit de Falla avait donc survécu
toria de los Angeles trop bien chan- aux séductions de la stéréophonie gal-
tante pour être une cantaora mais trop bée. Las, c’était sans compter sur un
intelligente pour poser en diva. Leonard Bernstein (Sony, 1976) tout
Deux ans plus tard, voici Fritz Reiner en démonstration, avec une Marilyn
et Leontyne Price (Chicago, RCA). An- Horne exotique ; sur un Garcia Na-
noncée par une première gravure à varro (DG, 1978), appliqué sans plus,
Pittsburgh, cette lecture joue des iné- à peine sauvé par Berganza, et enfin
© DR

puisables timbres de Chicago qui par sur un Charles Dutoit (Decca, 1982)
le son font jaillir le sens. Price aurait-
elle trouvé au fond des spirituals la clef
du cante jondo ? Elle est stupéfiante,
LE QUARTÉ GAGNANT
dans une version aux mille artifices,
sans la sécheresse tragique.
Tir groupé en 1965 avec Ernest An-
sermet (Decca) et Lorin Maazel (DG).
Génial dans Le Tricorne, Ansermet
semble plus en retrait dans L’Amour
sorcier, de peur peut-être de s’enfon-
cer dans la vulgarité. Il y échappe Nourricier Envoûtant Incandescent Nostalgique
certes élégamment, mais non sans
Ataulfo Argenta, Igor Markevitch, Josep Pons, Pablo Heras-Casado,
émollients. Maazel opte pour le poids Ana Maria Iriarte Ines Rivadeneira, Ginesa Ortega, Marina Heredia,
tragique. Tempos lents, pâte sombre, Société des concerts Orchestre de la RTV Orchestre de Mahler Chamber
nous sommes loin des délicatesses de du Conservatoire. espagnole. chambre du Teatre Orchestra.
Giulini, proches de l’esprit d’Argenta, Emi/BnF, 1957 Philips, 1966 Lliure. HM, 1991 HM, 2019
sans la verdeur ni le nerf, et Brumbry

I 45
● mythologies HOMMAGE AUX INTERPRÈTES
LÉGENDAIRES
PAR JEAN-CHRISTOPHE PUCEK

Paul Badura-Skoda
Viennois singulier
Déclarant que « l’instrument ne fait pas le style » mais partageant
sa pratique entre claviers d’aujourd’hui et d’hier, Paul Badura-Skoda
incarne une certaine idée du pianiste moderne.

« tre né à Vienne,
y avoir grandi a cer-
tainement joué un
rôle très important
dans ma vie », reconnaissait Paul
Badura-Skoda en 2003. Tant de che-
mins, en effet, convergent vers la
capitale autrichienne lorsqu’on évoque
un musicien qui a creusé le sillon des
compositeurs viennois avec une régu-
larité aussi inlassable qu’affectueuse,
malgré un répertoire s’étendant
jusqu’aux rives contemporaines (il crée
en 1970 le Concerto no 2 que Frank
Martin a écrit à son intention).

Etre musicien ?
Il y a vu le jour en 1927. Il a quatre mois
lorsque meurt son père, ingénieur.
Sa mère se remarie sept ans plus tard
avec Anton Skoda ; en signe de recon-
naissance pour « l’incroyable ten-
dresse paternelle » dont ce dernier l’a
entouré, Paul décidera d’accoler son
© UNIVERSITY OF WISCONSIN—MADISON ARCHIVES COLLECTIONS

nom à son propre patronyme. Dès six


ans, l’enfant commence l’apprentis-
sage du piano auprès de Martha
Wiesenthal, qui loue une chambre
dans l’appartement familial, puis de
Viola Thern. Mais c’est la découverte
d’Edwin Fischer, par le disque puis le
concert, qui suscite une prise de
conscience. Pour le garçon dont les
talents de dessinateur sont aussi affir-
més que le penchant pour les sciences,
1927 la pratique musicale se bornait
jusqu’alors à une activité comme une
autre. « Pauli » a quatorze ans ; il sait
2019 dorénavant qu’il sera musicien.
A la fin de la guerre, il entre au conser- plus tard, Furtwängler fait de nouveau lui apportent la révélation, moins pour
vatoire de Vienne où il obtient des prix appel à lui pour donner, le jour de l’an- Bach – il laisse néanmoins des Partitas
en piano et direction avant de se niversaire du Salzbourgeois, son enregistrées en 1986 sur un clavecin
rendre à Lucerne pour y suivre l’ensei- Concerto KV 482 avec les forces des Kirkman sonnant aujourd’hui
gnement de Fischer puis travailler à Wiener Philharmoniker. La bande quelque peu exotiques (Astrée) – que
ses côtés. De celui qu’il définit comme du concert (Music and Arts) révèle un pour Mozart. Au tournant des années
« [son] idéal », il hérite une approche pianiste à la virtuosité sans tapage, 1970, sa carrière internationale
fondée sur la souplesse plus que la ciselant les atmosphères avec un goût marque le pas. Alors qu’il est devenu
puissance, une primauté accordée évident pour la clarté, qualités déjà un praticien émérite doublé d’un col-
à la netteté du toucher. S’y ajoute une remarquables dans les Concertos nos 4 lectionneur avisé de ces antiquités,
appétence personnelle pour le chant et 5 de Beethoven gravés sous la direc- Michel Bernstein, fondateur des labels
qu’il ne cessera de cultiver – sans doute tion d’Hermann Scherchen l’année Astrée puis Arcana, le convainc d’enre-
est-ce elle qui rend ses Schubert, ses précédente. 1952 préfigure la trajec- gistrer pour lui. Le premier essai,
Mozart si marquants. Dans Haydn toire de Badura-Skoda : alors que ses à nouveau un florilège mozartien
et Beethoven, d’autres ressorts sont succès avec Furtwängler lui ouvrent (Astrée, 1978), rencontre un succès
à l’œuvre, modestie matinée d’humour grand les portes de la renommée, inattendu. Quatre sont bientôt dédiés
pour le premier, goût du dépassement il enregistre, pour Westminster, un à Haydn, puis ce ne sont pas moins
des limites pour le second – il suffit premier disque Mozart sur un piano- de trois intégrales qui voient le jour
d’entendre, dans son intégrale au pia- forte d’Anton Walter conservé au – Beethoven, Mozart, Schubert. On le
noforte (Astrée), sa façon de pousser Kunsthistorisches Museum de Vienne. retrouve aussi aux côtés des Festetics
les instruments dans leurs derniers dans les Quatuors KV 478 et 493 de son
retranchements, renouvelant le geste Une révélation cher Wolfgang, du baryton Thierry
de défi du compositeur lui-même. L’intérêt du pianiste pour les instru- Félix dans des lieder de Schubert.
Tout juste diplômé du conservatoire, ments anciens a mis du temps à se Essayiste – on lui doit des ouvrages re-
Badura-Skoda est choisi, en 1949, par dessiner. Certes, Fischer encourageait marqués sur l’art d’interpréter Bach
Wilhelm Furtwängler pour interpréter ses élèves à les explorer pour ou Mozart au clavier –, pédagogue,
le Concerto pour deux pianos KV 365 construire leur approche des œuvres Paul Badura-Skoda cultivait l’amitié.
de Mozart aux côtés de Dagmar Bella, au piano moderne, mais sans lever La complicité qu’il entretient avec Jörg
fille du célèbre chef. Il restera toujours les réticences face à ces « objets de mu- Demus dès les années 1940, illustrée
sensible à l’art du maestro, dont il sée [...] aussi utilisables comme bois par maints enregistrements au cours
opposera volontiers le caractère de chauffe en hiver ». Ce sont les des décennies suivantes, ne se démen-
spontané, chaleureux, à celui plus concerts d’Isolde Ahlgrimm (1914- tira jamais. Les deux hommes la
méticuleux, plus calculé d’un Karajan 1995), figure majeure du renouveau poussent jusqu’à mourir la même an-
qu’il admire sans l’aimer. Trois ans des claviers d’époque en Autriche, qui née, en 2019, à six mois d’intervalle. ◼

TROIS JOYAUX
MOZART : Concertos BEETHOVEN : Les cinq SCHUBERT : Pièces
pour piano nos 9 et 12. concertos pour piano. pour piano à quatre
Musica Florea. Orchestre mains.
Arcana, 2006. du Wiener Staatsoper, Jörg Demus (piano).
Cet unique disque Hermann Scherchen. Valois, 1988.
de concertos Westminster, 1951-1959. Deux amis réunis au
de Mozart sur instruments anciens, Rééditée par Genuin à l’occasion clavier d’un Bösendorfer « Impérial »
que Paul Badura-Skoda dirige du quatre-vingtième anniversaire de 1923, « altesse difficile, exigeante »
du pianoforte, fait regretter qu’il soit de Paul Badura-Skoda, cette intégrale selon Paul Badura-Skoda. Le résultat
resté sans lendemain, tant le dialogue des concertos pour piano de Beethoven est d’une complicité évidente dans la
entre le soliste et l’ensemble tchèque témoigne d’une science déjà très sûre des joie rayonnante du Rondo D 608 (dont
semble couler d’une source limpide. équilibres et des nuances chez un musicien la dédicace, en français, proclame
Portés par un même souffle, ils livrent qui n’a pas vingt-cinq ans lorsqu’il se jette « Notre amitié est invariable ») comme
un « Jeunehomme » à l’émotion dans « L’Empereur ». Hermann Scherchen dans les abîmes de la Fantaisie en fa
contenue mais palpable, un KV 414 allège les textures d’un orchestre vif mineur D 940. On recherchera, capté
plein d’entrain mais sachant convoquer et coloré. L’ensemble est tendu, galbé, durant les mêmes sessions, toujours
des ombres dans l’Andante. C’est affichant sans surenchère une personnalité pour Valois, un disque Mozart
vivant, troublé, senti avec justesse. qui ne manque pas de brio. à l’allégresse communicative.

I 47
● l’air du catalogue EN 10 DISQUES, UNE INVITATION
AU VOYAGE DANS...
PAR LAURENT MURARO

Le concerto pour piano


au XXe siècle
onsacré au concerto pour a aussi pour conséquence la multi- avec le concerto bourgeois et roman-
piano « romantique » et plication de partitions concertantes tique les mêmes réticences qu’avec
s’achevant sur le souffle « pour la main gauche », sur l’initiative l’opéra. Esprit libre, Messiaen fit
conquérant du 2e de des pianistes mutilés que furent Paul chanter son piano coloré dans Réveil
Rachmaninov (1901), le précédent Wittgenstein ou Otakar Hollmann. des oiseaux et Oiseaux exotiques, l’inté-
épisode de cette série (cf. no 729) pré- Ainsi naquirent des commandes gra aux œuvres-mondes que sont la Tu-
sentait, en dépit des particularismes passées à Ravel, Strauss, Prokofiev, rangalîlâ-Symphonie ou Des canyons
nationaux, une relative homogénéité Korngold, Britten, Janacek, Martinu, aux étoiles. Jolivet, Villa-Lobos, Mar-
stylistique. Il n’en sera pas de même Schulhoff… Même « diminué », l’ins- tinu, Chostakovitch, ou plus près de
Le compositeur
ici : la diversité radicale des esthé- trument-roi y apparaît tout aussi ca- et son interprète :
nous Ligeti ou Lutoslawski renouvel-
tiques du XXe siècle a trouvé dans ce pable d’un dialogue d’égal à égal avec Witold Lutoslawski leront chacun à leur manière le genre.
genre si singulier un terrain de jeu une grande formation symphonique. et Krystian Une vitalité que l’on retrouve dans le
éminemment fertile. Quoi de commun Zimerman. panorama réjouissant que nous offre
entre les concertos de Rachmaninov, Esprits libres le début de notre siècle : les réussites
où survit la grande tradition héritée Malgré l’œuvre de Schönberg en 1942 de créateurs aux profils aussi variés
de Liszt, Brahms ou Tchaïkovski, et la ou les Mouvements (1959) de Stra- que Penderecki, Adams, Adès, Salo-
modernité dérangeante d’un Bartok vinsky dans sa période sérielle, le nen, Lindberg, Dalbavie, Pécou ou
qui assume sans complexe un traite- genre connaîtra cependant un relatif Say nous promettent dans quelques
ment percussif de l’instrument ? Le déclin après la Seconde Guerre mon- décennies des choix tout aussi corné-
cadre vole aussi en éclats, entre l’op- diale, la jeune avant-garde rencontrant liens que pour cette sélection !
tique monumentale et presque mons-
trueuse de Busoni (1902-1904, cinq
mouvements totalisant soixante-dix
minutes, un chœur d’hommes dans le
finale !) et l’écriture plus légère (effec-
tif, durée, ton) des concertos nés dans
l’entre-deux-guerres – ceux de Hinde-
mith, Stravinsky, Milhaud, Poulenc ou
Honegger par exemple.
Si la coupe traditionnelle en trois
mouvements séduit encore Bartok ou
Ravel, plus nombreuses sont les
œuvres qui multiplient les brèves sé-
quences, ou à l’inverse adoptent une
forme libre d’un seul tenant, entre fan-
taisie et rhapsodie. A l’image de la
Rhapsody in Blue de Gershwin (et sans
oublier son plus académique Concerto
en fa), des éléments d’écriture venus
du jazz peuvent enrichir le langage du
© DG / ROBERT CAHEN

concerto pour piano et stimuler l’ins-


piration des musiciens européens, de
Ravel à Stravinsky.
Autre donnée extérieure, le trauma-
tisme de la Première Guerre mondiale

48 I
RAVEL que de modernité. Il en aura coûté trois ans
1932 ▶ CONCERTO EN SOL. de labeur « pour ainsi dire jour et nuit »
Martha Argerich (piano), à Ravel, tout près « d’en crever » pour parvenir
London Symphony Orchestra, à cette perfection du fond et de la forme,
Claudio Abbado. DG. entre l’espièglerie contagieuse des mouvements
extrêmes (où pointent jazz et rythmes basques)
Jamais bien loin de son faux jumeau ténébreux et la grâce toute mozartienne de son Adagio,
destiné à la seule main gauche, le Concerto divine inspiration. Au cœur d’une orchestration
en sol brille depuis sa création (sous les doigts originale et savoureuse, la redoutable partie
de sa dédicataire Marguerite Long) au sommet pianistique fourmille de multiples trouvailles
du panthéon concertant du XXe siècle, ravissant qui rendent cette partition immédiatement
autant les amateurs d’équilibre classique attachante.

PROKOFIEV BARTOK STRAVINSKY


1913 ▶ Concerto no 2. 1931 ▶ Concerto no 2. 1959 ▶ Mouvements
Horacio Gutierrez (piano), Zoltan Kocsis (piano), pour piano et orchestre.
Royal Concertgebouw Budapest Festival Paul Crossley (piano),
Orchestra, Neeme Järvi. Orchestra, Ivan Fischer. London Sinfonietta,
Chandos. Philips. Esa-Pekka Salonen. Sony.
Véritable provocation d’un Prokofiev de Moins âpre que le Concerto no 1, ce no 2 Le caméléon Stravinsky a encore frappé !
vingt-deux ans, le Concerto no 2 n’a certes pas conjugue les mêmes qualités d’écriture dans Trois décennies après les réjouissants
le charme mélodique qui rend le no 3 plus un style un peu plus avenant. Tantôt percus- Concerto pour piano et vents et Capriccio
populaire. Mais il dégage une impression- sif tantôt rhapsodique, le piano s’insère idéa- de sa période néo-classique, l’insaisissable
nante sensation de puissance qui culmine lement dans un ensemble qui allie maestria compositeur livre cette nouvelle page concer-
dans la gigantesque et furieuse cadence du rythmique, joie du contrepoint, construction tante au sérialisme précis et libre, rythmi-
premier mouvement. C’est le diamant brut en miroir, et orchestration allant crescendo. quement redoutable et taillée pour Margrit
de la période futuriste du compositeur, navi- Weber, également dédicataire du Concerto
guant entre style toccata, ironie mordante et RACHMANINOV no 5 de Martinu.
bouffées lyriques. 1934 ▶ Rhapsodie
sur un thème de Paganini. LIGETI
FALLA William Kapell (piano), 1988 ▶ Concerto
1916 ▶ Nuits dans Robin Hood Dell Orchestra, pour piano.
les jardins d’Espagne. Fritz Reiner. Pierre-Laurent Aimard
Clara Haskil (piano), Nos Indispensables. (piano), Ensemble
Orchestre Lamoureux, Igor Dernière page concertante de Rachmaninov, Intercontemporain,
Markevitch. Philips/Praga. ces variations d’après le célébrissime Caprice Pierre Boulez. DG.
Voici le grand concerto espagnol du réper- no 24 de Paganini s’apparentent à un jeu du Les diaboliques mécaniques de précision de
toire, n’en déplaise à Falla qui préférait, pour chat et de la souris entre soliste et orchestre. Ligeti font une nouvelle fois merveille dans
désigner ce fruit de ses années parisiennes, Exercice de haute voltige mêlant les in- ce concerto qui égare plus d’une fois l’audi-
le terme d’« Impressions symphoniques ». Une fluences où s’invite même le thème du Dies teur par ses illusions acoustiques. Entre Nan-
fête pour tous les sens en tout cas que cette irae, la partition vaut pour la fameuse rêverie carrow et les polyphonies pygmées, le soliste
langoureuse promenade dans la moiteur de la Variation XVIII, condensé du genre et et un orchestre de chambre sont durant cinq
nocturne andalouse qui nous transporte, du style de son auteur. mouvements les maîtres des horloges, dila-
avec son piano-guitare, entre Orient et Occi- tant ou détraquant le temps à loisir.
dent, entre rêve et réalité. CHOSTAKOVITCH
1957 ▶ Concerto no 2. LUTOSLAWSKI
GERSHWIN Dimitri Chostakovitch 1988 ▶ Concerto
1924 ▶ Rhapsody in Blue. (piano), Orchestre pour piano.
Stefano Bollani (piano), national de la Krystian Zimerman,
Gewandhausorchester, Radiodiffusion française, Berliner Philharmoniker,
Riccardo Chailly. André Cluytens. Warner. Simon Rattle. DG.
Decca. Pour son fils Maxim, créateur de l’œuvre à Commandée, dédiée et créée par Krystian
Acte de naissance de la musique américaine, dix-neuf ans, Chostakovitch s’est légèrement Zimerman, cette page de Lutoslawski s’est
l’œuvre voyait dans son orchestration origi- assagi, laissant de côté l’atmosphère oppres- immédiatement imposée comme un clas-
nale un piano classique s’encanailler au sante ou l’ironie féroce qui le caractérisent si sique du XXe siècle (déjà plus de dix versions
contact d’un orchestre de jazz un peu irrévé- souvent. Quelques fantômes viennent toute- au disque !). Ce petit bijou d’écriture, où le
rencieux (le fameux glissando initial de cla- fois subrepticement assombrir l’exubérance soliste se mêle à un orchestre jamais écrasant,
rinette). La petite dose d’abandon que récla- des mouvements extrêmes, tandis que la semble condenser l’histoire du genre, avec ses
ment les cadences du soliste rend redoutable confidence fragile de l’Andante figure désor- clins d’œil à Chopin, Liszt ou Ravel. L’œuvre
cette page si colorée, même pour les meil- mais en bonne place dans les playlists « re- attire et séduit telle une sirène jusqu’à la sai-
leurs techniciens. lax » des sites de streaming ! sissante Chaconne finale.

I 49
La chronique
D’IVAN A. ALEXANDRE

Ministère de Paris
eudi 11 janvier : nommer Rachida Dati. la Culture servira d’antichambre à l’Hôtel de Ville. Or jus-
Comme Bruno Le Maire en 2017 ou Gérald tement. En plus de saboter l’agriculture, notre capitale
Darmanin en 2020, main basse chez Les olympique confisque l’art et la culture dans des propor-
Républicains, parti présumé d’opposition. tions injurieuses. « En constatant que 80 % des crédits
Aigreur, pagaille. La routine. du ministère sont fléchés vers l’Ile-de-France », écrit
Mardi 16 janvier : prêcher à la télévision contre le diable, l’ancienne ministre Roselyne Bachelot, « je plaide pour
le « parti du mensonge » et de « l’appauvrissement », qu’un moratoire soit institué : aucune structure culturelle
le « Front national comme je préfère l’appeler ». Terreur, nouvelle – je dis bien nouvelle – ne doit être financée dans
malheur. La routine. cette région par l’Etat pendant vingt ans pour commencer
Deux temps, un plan. Après la déroute des gentils un rééquilibrage indispensable. »
Républicains aux élections présidentielles, les méchants Donc lundi 22 janvier, cap sur Nontron en Dordogne.
Républicains ont pris du galon. Inimaginable sous « Les territoires ruraux abritent un formidable patri-
Valérie Pécresse, la fameuse « union des droites » moine, qu’il faut non seulement sauvegarder, mais dont
semble moins affoler MM. Ciotti, Bellamy et Wauquiez. il faut aussi repenser les usages. » Et de lancer un futur
Or, relative ou non, quelle menace pèserait davantage « printemps de la ruralité ». Une semaine plus tard, vœux
sur la majorité qu’une Nupes de droite ? Tour classique traditionnels « aux acteurs de la culture et à la presse » :
du président magicien : tuer l’union. Abracadabra, « Un rapport de l’Inspection générale des affaires cultu-
et voilà. Rachida. relles, que nous venons de publier, rappelle que seuls 5 %
L’intéressée exulte. Lors des dernières élections munici- des scènes labellisées “spectacle vivant” se trouvent en
pales, 36 580 petites voix la séparaient au premier tour milieu rural, où vivent pourtant 22 millions de Français ! »
de la victorieuse Anne Hidalgo. Et deux électeurs sur trois Tout pour Paris et en même temps au contraire mais aussi
s’étaient abstenus au second. Limogée par Eric Ciotti, en revanche néanmoins, promis juré, tout pour les autres.
donc sans étiquette et disponible aux soutiens bénévoles, Tous pour tout, tout pour tous.
Rachida Dati n’a pas trahi ; elle a changé d’adresse. Adieu
losers, bonjour vainqueurs, seul camp aimable. _ Abracadabra,
Le camp de l’en-même-temps qui n’a rien d’en-même-
temps. « En même temps » suppose l’examen d’une
réalité complexe. Or, depuis 2017, la méthode gouver-
et voilà. Rachida. _
nementale consiste moins à peser le pour et le contre Pendant ce temps, la puissance publique démissionne.
qu’à les annuler. Plus un moins un égale zéro. Méthode Un budget merveilleux (+ 7 % en 2023, + 6 % en 2024)
appliquée par la ministre à l’instant même. Vendredi engraisse la technostructure en mettant nos salles, nos
12 sur le perron : « André Malraux, le fondateur de ce festivals, nos ensembles à la diète. Pas une allusion au
ministère, avait une brillante formule : “le ministre de théâtre, à l’opéra, aux orchestres, à l’enseignement ou aux
la Culture a pour mission de rendre accessibles au plus intermittents lors des vœux parisiens ; la « culture » expé-
grand nombre les œuvres capitales de l’humanité et diée en deux lignes creuses dans le discours de politique
d’abord de la France”. C’est dans cette belle tradition générale prononcé le 30 janvier par le Premier ministre.
que je m’inscris en arrivant rue de Valois. » Première Sur nos têtes comme partout, le ciel se voile.
sortie jeudi 18 dans les Ateliers Médicis de Clichy en Mais ne pleurons pas. « La fouteuse de merde intégrale ! »
Seine-Saint-Denis. « Lieu de recherche, de création fulminait le Premier ministre François Fillon, « elle me
et de partage », les Ateliers Médicis ont perdu en 2023 casse les burnes, excusez-moi mais il n’y a pas d’autre mot,
la subvention régionale pour « tweets antisémites, elle me casse les burnes ! » (Frédéric Mitterrand, La récréa-
homophobes, racistes et misogynes », « à l’encontre tion, 25 mars 2011). Dans ce ministère plus rigide que
totale des valeurs de la République ». Aucun rapport la Défense et plus vénéneux que le quai d’Orsay (seize
quoi qu’il en soit avec « les œuvres capitales de l’huma- ministres depuis le départ de Jack Lang, vingt mois de
© YANNICK COUPANNEC

nité ». Nul en-même-temps : le contraire. survie en moyenne), la nouvelle venue commence avec cet
Autre exemple. A peine nommée, Madame Dati annonce avantage dont elle use avec délice et qui lui servira chaque
sa candidature à la mairie de Paris. « Pour moi », confie- jour à Bercy, à Matignon, au perchoir, aux César, à France
t-elle au Parisien le 14 janvier, « Paris c’est un parfum, une Télévisions, à la CGT, à l’école, à Maubeuge, à Paris,
idée, un écrin patrimonial, d’innovation, de liberté ». Et plus que d’avoir lu Sophocle ou étudié Ravel, ça c’est sûr.
il va de soi qu’un ministère parfumé au soft power comme Elle leur casse les burnes.

50 I
\\ Hommage à
Jean-Sébastien BACH \\

PÂQUES À LA
CHAPELLE ROYALE
Célébrez la Semaine Sainte à la Chapelle Royale du
Château de Versailles et plongez dans une expérience
musicale inoubliable !

BACH : CANTATES VIVALDI/PERGOLÈSE : STABAT


Ensemble Correspondances MATER POUR DEUX CASTRATS
Sébastien Daucé, direction Orchestre de l’Opéra Royal
23 MARS Stéphane Fuget, direction
29 MARS
HAENDEL : ISRAËL EN ÉGYPTE
Monteverdi Choir BACH : PASSION SELON
English Baroque Soloists SAINT JEAN
John Eliot Gardiner, direction Tölzer Knabenchor
24 MARS Orchestre de l’Opéra Royal
Gaétan Jarrry, direction
COUPERIN : LEÇONS DE 30-31 MARS
TÉNÈBRES
Chœur et Orchestre de BACH : MESSE EN SI MINEUR
l’Opéra Royal Pygmalion
Chloé de Guillebon, direction Raphaël Pichon, direction
Dimanche 24 mars Vendredi 29 mars Samedi 30 mars 27 MARS 5-6 AVRIL
17h00 20h00 17h00
ACH, HERR ! BACH : PASSION JEAN-SÉBASTIEN
SELON SAINT
Photographie : © Pascal Le Mée

Ensemble BACH RACONTÉ Informations, réservations :


vocal Seguido MATTHIEU BWV 244 AUX ENFANTS
Claire-Marie Le Guay www.operaroyal-versailles.fr
Valérie Fayet, Collegium
direction Vocale Gent,
Ricercar Consort @chateauversailles.spectacles @OperaRoyal @CVSpectacles
Samedi 30 mars
Philippe Pierlot,
Jeudi 28 mars direction 20h00 @versaillesspectacles

20h00 IMMORTAL BACH


BACH’S GROOVE Ensemble Aedes
ENTREPRISE

Paul Lay Trio Mathieu Romano, MÉCÈNE


PRINCIPAL

Trio jazz direction


 
 
  Ma.Spo
Avec le soutien de Ministero della Cultura et Regione Marche
Inauguration
samedi 16 mars 2024, 21 h
JESI, TEATRO PERGOLESI
dimanche 17 mars 2024, 21 h
ASCOLI PICENO, TEATRO VENTIDIO BASSO O

250°
CONCERT INAUGURAL: SPONTINI 2024
musique de G.B. Pergolesi et G. Spontini
n
direction musicale Riccardo Muti
h
Orchestra Giovanile “L. Cherubini”
GASPARE
SPONTINI
Festival Pergolesi Spontini
t 1774 / 2024
dimanche 21 juillet 2024, 21 h
MAIOLATI SPONTINI, JARDIN du MUSÉE S GASPARE SPONTINI
RETHINKING FERNAND CORTEZ R E
Hommage des jeunes compositeurs
c r à Gaspare Spontini

Saison Lyrique
vendredi 18 octobre 2024, 20.30 h
dimanche 20 octobre 2024, 16 h
JESI, TEATRO PERGOLESIO
LA VESTALE de G. Spontini
direction musicale Alessandro Benigni
mise en scène Gianluca
a Falaschi
NOUVELLE PRODUCTION

Saison Lyrique
vendredi 22 novembre 2024, 20.30 h
dimanche 24 novembre 2024, 166 h
JESI, TEATRO PERGOLESI
I QUADRI PARLANTI de G. Spontini tn
direction musicale Giulio Prandi
mise en scène Gianni Marras
PREMIÈRE REPRÉSENTATION DES TEMPS E MODERNES
R E

Les programmes peuvent être modifiés pour des raisons économiques,


é techniques ou de force majeure.
INFO ET PROGRAMME COMPLET:
spontini2024.fondazionepergolesispontini.com

DANS LES SALONS


DE LA VILLA VIARDOT
Des deux rive
rives du Rhin surgit la Méditerranée...
Les 22, 23, 2
24 mars 2024
Festival
Georges Bizet
Mélodies de Bizet
et fantaisies sur Carmen
Ensemble Hexameron
L. Montebugnoli piano
M. Croux soprano
N. Bouils flûte romantique
L’Arlésienne
I. Hurtin comédienne
S. Thomopoulos piano
Des deux rives du Rhin
Quatre mains
Mélodies françaises
Lieder
A. Bartissol
Avec A. Le Bozec
Les Amis de Georges Bizet M. Croux
Pré-réservations Bizet sans paroles
www.lesamisdebizet.com N. Gouïn piano

Avec le soutien de la Fondation La Forlane


SPECTACLES à voir et à entendre
Du 2 mars au 23 avril 2024

17 rendez-vous
à ne pas manquer
4 Simon Rattle
Les 9 et 10 mars, Paris, Philharmonie.
Le LSO offre pour ce week-end parisien la démonstration
de sa polyvalence, dans deux programmes aussi dissemblables que
possible. D’un côté, l’élégance souveraine du Concerto pour violon
de Brahms avec Isabelle Faust, suivie de la farouche et irrévérencieuse
Symphonie no 4 de Chostakovitch ; de l’autre, un voyage en Amérique
avec une création de John Adams, ainsi que des pages signées
Roy Harris et Gershwin. Le Concerto en fa de ce dernier fera pétiller
son swing irrésistible sous les doigts de Kirill Gerstein, et sous
la baguette experte de Sir Simon, conductor emeritus à vie
de la phalange britannique.

3 Trilogie Cocteau /
© OLIVER HELBIG

Philip Glass
Du 7 au 10 mars, Paris,
Cité de la musique.
Le 23, Bordeaux, Auditorium.
et au lyrisme jubilatoire le redoutable Concerto no 2 Le 27, Metz, Arsenal.
1 Andris Nelsons du Concerto pour violon avec de Prokofiev, qui côtoie Fortes de leur succès dans
Les 2 et 3 mars, Paris, Leonidas Kavakos. Le second la Symphonie no 11 « L’Année Les Enfants terribles en concert
Philharmonie. programme est consacré à 1905 » de Chostakovitch comme au disque (DG), Katia
Dès son arrivée à l’Orchestre de rares poèmes symphoniques – le tout avec l’Orchestre et Marielle Labèque ont obtenu
du Gewandhaus de Leipzig (Le Voïévode et Hamlet) avant de Paris et Klaus Mäkelä. de Philip Glass que les deux
en février 2018, Andris Nelsons le fatum de la « Pathétique ». Le chef inaugure ensuite une autres opus de sa trilogie
annonçait qu’ils allaient série de cinq cartes blanches consacrée à Jean Cocteau,
présenter ensemble 2 au Louvre, en retrouvant son Orphée et La Belle et la Bête,
une intégrale des symphonies
Klaus Mäkelä violoncelle pour de la musique soient adaptés en suites pour
Les 6 et 7 mars, Paris, de chambre auprès de ses
de Tchaïkovski en concert. leurs deux pianos. Les célèbres
Philharmonie. Du 2 mars ouailles… et des toiles de
Six ans plus tard, le chef sœurs peuvent maintenant
au 16 juin, Paris, Musée Charles Le Brun. Au programme
letton, désormais moitié présenter l’ensemble dans
du Louvre. de cette première date : Biber
leipzigeois moitié bostonnais, une scénographie conçue par
continue son exploration Après d’éblouissants débuts et Enesco. D’autres rendez-vous Nicolas Testé et Nina Chalot
du plus européen parisiens à la Fondation suivront jusqu’en juin, qui, à partir d’un lustre placé
des compositeurs russes. Louis Vuitton voilà un an, dans les salles du musée, au-dessus des claviers, projette
En pleine tournée 100 % le pianiste coréen Yunchan Lim sous la pyramide ou à lumières, couleurs, vidéo, bribes
Tchaïkovski, le maestro revient dans la capitale. l’auditorium avec, en particulier, de textes… Pour l’occasion,
et son orchestre allemand A la Philharmonie, la présentation d’un nouveau le parfumeur Francis Kurkdjian
se confrontent un soir le phénomène de dix-neuf ans film de Bruno Monsaingeon a même créé une sélection
au destin de la Symphonie no 5 dégaine pour l’occasion consacré au jeune maestro. d’accords odorants. So chic !

I 53
● à voir et à entendre

6 Lohengrin de Wagner
Du 10 au 22 mars, Strasbourg, Opéra. Les 7 et 10 avril, Mulhouse, La Filature.
Après tant de victoires chez Mozart, Rossini et dans le répertoire français,
Michael Spyres se tourne vers Wagner. Le lyrisme de Lohengrin devrait convenir
à merveille à ce ténor d’acier et de miel, à sa ligne toujours châtiée. Comble
de bonheur, son Elsa est la blonde Johanni van Oostrum, qui triomphait naguère
à l’Opéra de Paris dans le même rôle. On attend aussi avec impatience l’Ortrud
© MARCOBORRELLI

d’Anaïk Morel, une de nos plus solides mezzos, et le Telramund du merveilleux


baryton Josef Wagner. Metteur en scène dont on commence à parler,
Florent Siaud est à la régie, et Aziz Shokhakimov au pupitre du Philharmonique
de Strasbourg, dont il est l’heureux directeur musical. MICHAEL SPYRES

5 ne faudra pas hésiter à voyager Victor Julien-Laferrière Jordi Savall à la Philharmonie !


Pulcinella jusqu’à Rouen pour y découvrir et Aurélien Pascal ou, bien sûr, La Saint Matthieu est à peine
de Stravinsky et L’Heure cette nouvelle production Liya Petrova elle-même. moins à l’honneur, puisque
espagnole de Ravel de Tancredi. Pierre-Emmanuel Un jeune festival par des jeunes Damien Guillon et Francesco
Du 9 au 19 mars, Paris, Rousseau, signataire ici même et pour les jeunes : tous Corti la promènent chacun
Opéra-Comique. d’un Comte Ory et d’un Barbier les concerts sont, en effet, en tournée, le premier dans
La salle Favart associe en de Séville, met en scène ce gratuits pour les moins de l’Ouest, le second passant par
une même soirée deux œuvres « véritable coup de foudre dans dix-huit ans et les étudiants. le Théâtre des Champs-Elysées,
« parisiennes » emblématiques le ciel bleu et clair du théâtre tandis que Philippe Herreweghe
du premier XXe siècle, sous lyrique italien », selon Stendhal. 9 et Ivan Fischer convergent
Sous la direction du maestro
Passions de Bach tous deux au Bozar de Bruxelles
la direction musicale du maître Du 13 au 31 mars. Paris,
des lieux Louis Langrée Antonello Allemandi, Teresa avec la monumentale fresque.
Boulogne-Billancourt,
(à la tête de l’Orchestre Iervolino prête son grand « Immortal Bach » !
Versailles, Dijon, Clermont-
des Champs-Elysées), dans et sombre mezzo au rôle-titre.
Ferrand, Nantes, Rennes,
une mise en scène de Guillaume Il faudra aussi suivre des yeux 10
et des oreilles l’Amenaïde
Poitiers, Bruxelles… Printemps des arts
Gallienne et une chorégraphie de Monte-Carlo
de Clairemarie Osta. Lever de la soprano espagnole A l’approche de la Semaine
Du 13 mars au 7 avril,
de rideau avec Pulcinella, Marina Monzo, qui a déjà sainte revient le temps béni
Monaco et Nice.
« ballet avec chant » (celui triomphé un peu partout des Passions de Bach.
de Camille Chopin, Abel Zamora dans le répertoire belcantiste. Avantage, cette année, Sur le Rocher monégasque,
et François Lis) d’un Stravinsky à la Saint Jean, trois-centième le grand festival des musiques
devenant néoclassique en 8 anniversaire de sa création de répertoire et de création
Musikfest oblige. Sasha Waltz fête sa quarantième édition.
lorgnant Pergolèse. Puis ce sera Parisienne
L’Heure espagnole de Ravel, la chorégraphie à Dijon C’est le troisième « opus »
Du 13 au 15 mars, Paris,
comédie musicale sous la direction de Leonardo du directeur artistique
salle Cortot.
à mécanique de haute précision Garcia Alarcon, la Maîtrise Bruno Mantovani, qui poursuit
et fine distribution : Stéphanie Pour la cinquième édition Notre-Dame de Paris la chante la politique de « portraits »
d’Oustrac (Concepcion), du festival qu’elle a créé en à Clermont-Ferrand en mettant en lumière
Philippe Talbot (Torquemada), pleine pandémie, la violoniste compagnie de l’Evangéliste certains artistes : cette
Jean-Sébastien Bou (Ramiro), Liya Petrova a convié un de Ian Bostridge, la Cappella année le violoncelliste
Nicolas Cavallier (Don Iñigo aréopage de brillants musiciens Amsterdam y communie Henri Demarquette,
Gomez), Benoît Rameau à la salle Cortot, écrin idéal avec l’Orchestre du XVIIIe siècle le Quatuor Modigliani
(Gonzalve). pour les joutes chambristes. sous les voûtes de l’église et Insula Orchestra
On y retrouvera donc, dans Saint-Roch dans la capitale, de Laurence Equilbey, autour
7 de copieux programmes, quand le RIAS-Kammerchor fait d’une programmation très
Tancredi de Rossini
l’altiste Lise Berthaud, les de même au côté de l’Akademie viennoise, de Mozart
Du 12 au 16 mars, Rouen,
pianistes Théo Fouchenneret, für Alte Musik de Berlin à la à Schubert en passant par
Théâtre des Arts.
Alexandre Kantorow, Adam Seine musicale. Et n’oublions Beethoven. Fidèle à son
Les chefs-d’œuvre seria Laloum et Pavel Kolesnikov, pas les vigoureux bambins histoire, le « Printemps »
de Rossini se font si rares qu’il les violoncellistes Edgar Moreau, de Tölz à Versailles, ni l’émérite accueille aussi plusieurs

54 I
-&4 (3"/%&4 Œ673&4
premières mondiales, dont 2020. Quatorze concurrentes
celles d’un opéra de chambre de dix-neuf à quarante-deux
de Sophie Lacaze à la rencontre ans, originaires du monde
de la culture des Aborigènes entier (mais aucune de Mercredi 06/03
d’Australie (L’Etoffe inépuisable France !), tenteront de faire Les Grands
Choeurs d’Opéra
du rêve) et d’un nouveau Chant leurs preuves à la tête
Offenbach – Verdi
de la terre de Laurent Cuniot du Paris Mozart Orchestra Wagner – Bizet…
d’après Mahler. de Claire Gibault, initiatrice Chœur de l’Opéra national du Capitole
du projet, et face à un jury Elisabeth Matak piano
Levi Gerke piano
11 (mixte) présidé par Nathalie
La Maestra Gabriel Bourgoin direction
Stutzmann. Au programme,
Du 14 au 17 mars, Paris,
en trois tours : Mozart,
Philharmonie.
Beethoven et Debussy
Concours dédié aux cheffes notamment, mais aussi
de tout âge, La Maestra mesdames Fanny Mendelssohn,
Jeudi 25/04
présente sa troisième édition Charlotte Sohy, Germaine
Le Fantôme de l’Opéra
à la Philharmonie de Paris, Tailleferre et Manon Lepauvre En ciné-concert
institution qui l’a vue naître en qui signe une commande. Jean François Zygel piano

12 Benjamin Grosvenor
Le 17 mars, Paris, Théâtre des Champs-Elysées.
Le 19, Amiens, Maison de la Culture. Le 28, Bruxelles,
Bozar. Le 29, Liège, Salle philharmonique. Vendredi 31/05
La Maîtrise
Avec la montagne de Diapason d’or qu’il a déjà reçus, des Hauts-de-Seine
nos lecteurs savent depuis longtemps qu’il faut suivre à la trace Pergolèse – Stabat Mater
un des pianistes les plus profonds et les plus captivants ayant La Maîtrise des Hauts-de-Seine
Gaël Darchen direction
émergé au cours des dix dernières années. En récital, Orchestre de la Seine
on pourra l’entendre Avenue Montaigne ou à la Maison
de la culture d’Amiens confronter la Sonate « Marche funèbre »
de Chopin et la non moins sombre Sonate no 7 de Prokofiev.
En Belgique, on goûtera aux joies du Concerto no 2 de Liszt

RCS Paris : 794 136 630 - © iStock - Lobster Films - D.R. -


en compagnie de Marko Letonja et de l’Orchestre Dimanche 02/06
Philharmonique Royal de Liège. Les plus grandes
musiques du cinéma
français
Le Band Original Orchestra
l’orchestre original des bandes originales
Romain Theret arrangements
© CREDIT PHOTO

Réservations sur laseinemusicale.com

I 55
● à voir et à entendre

Pour cette création mondiale, à l’honneur, notamment lors


15 Richard Brunel, le patron de la traditionnelle soirée
Jubilé de l’Orchestre national de France de la maison, est à la mise « Génération@Aix ». Le
Du 21 au 30 mars, Paris, Maison de la radio, en scène, Rut Schereiner violoniste fondateur inaugure
Théâtre des Champs-Elysées et Philharmonie. à la direction musicale, la l’événement en compagnie
Première formation symphonique soprano Nicola Beller Carbone d’Alexandre Kantorow, avant
permanente créée dans notre pays, s’emparant du rôle principal. de partager la scène avec
en 1934, l’Orchestre national de France l’Orchestre de chambre
célèbre ses quatre-vingt-dix ans : 14 Festival de Lausanne mené par Tugan
cinq rendez-vous marquent ce jubilé George Benjamin Sokhiev pour le Concerto no 2
qui glorifie naturellement la muse Du 19 au 24 mars, Caen, de Prokoviev. Autres temps
hexagonale. Ouverture au Théâtre conservatoire, théâtre forts : les Quatre derniers lieder
des Champs-Elysées, la maison lyrique et autres lieux. de Strauss par Christoph
du « National », pour une Damnation Eschenbach, l’Orchestre
de Faust en concert, avec Stanislas Aspects, le festival symphonique de Bamberg
de Barbeyrac et Stéphanie d’Oustrac – des musiques d’aujourd’hui et la soprano Hanna-Elisabeth
mezzo à retrouver dans des Nuits d’été de Caen, consacre sa Müller, Le Chant de la Terre
chambristes le dimanche matin. quarante-deuxième édition de Mahler par François-Xavier
Sous la houlette de son directeur à l’un des plus subtils et Roth, ses Siècles, Andrew
musical Cristian Macelaru, la phalange séduisants compositeurs Staples et Marie-Nicole Lemieux,
radiophonique dialogue en outre avec de notre temps, le Britannique le récital Schubert de la pianiste
le violoncelle de Gautier Capuçon à la George Benjamin (né en 1960), Elisabeth Leonskaja, le Quatuor
Philharmonie (Tout un monde lointain… représenté par quelques jalons Psophos avec une œuvre
de Dutilleux), puis avec le piano de de sa production. Au théâtre, de Nicolas Bacri créée au
Pierre-Laurent Aimard à l’auditorium de la Alphonse Cemin conduit festival en 2020, la Messe en si
Maison de la radio (Les Oiseaux exotiques et Jacques Osinski régit son de Bach par Pygmalion, ou
CRISTIAN MACELARU de Messiaen). Joyeux anniversaire ! premier ouvrage lyrique, Into encore le concert de l’Opéra
the Little Hill. Au conservatoire, de Paris avec Daniele Gatti
Florent Boffard déroule dédié à Wagner et Strauss.
13 d’opposition à la guerre ses Shadowlines pour piano
Festival Rebattre en Ukraine, le Russe et Jean Deroyer mène quatorze 17
les cartes Timofeï Kouliabine signe instrumentistes de l’Orchestre La Cenerentola
Du 15 mars au 23 avril, son premier spectacle lyrique régional de Normandie dans de Rossini
Lyon, Opéra et Théâtre At First Light. Sir George Du 29 mars au 7 avril,
en France, avec le projet
de la Croix-Rousse. lui-même dirige Upon Silence Toulouse, Théâtre
de faire « ressortir toute
pour une mezzo-soprano (Sarah du Capitole.
Les cartes que l’Opéra de Lyon la dimension contemporaine »
entend rebattre pour son du chef-d’œuvre inspiré Breton) et cinq violes, en plus Le duo Barbe & Doucet, dont
festival thématique annuel, de Pouchkine. Russes d’animer une séance de travail on a déjà acclamé à Toulouse
ce sont celles de La Fille du Far encore, les protagonistes : et une masterclass publique plusieurs spectacles, met en
West, trop rare joyau puccinien Dmitry Golovnin (Hermann), lors du riche volet pédagogique scène La Cenerentola : rires
dont l’intrigue se joue autour Elena Guseva (Lisa), de la manifestation. et larmes en perceptive.
d’une partie de poker. Konstantin Shushakov (Yeletsky), Michele Spotti fait une infidélité
La toujours captivante Tatjana Elena Zaremba (la Comtesse), 16 au Philharmonique de Marseille,
tous placés sous la direction
Festival de Pâques
Gürbaca se charge de la mise dont il est le brillant directeur
de l’indéboulonnable maestro
d’Aix-en-Provence
en scène, Daniele Rustioni musical, pour veiller
Du 22 mars au 7 avril,
de la direction musicale avec, en Rustioni. Cartes toujours, celles sur l’Orchestre du Capitole
divers lieux.
tête de distribution, un trio cent de l’existence d’une femme et une distribution où se
pour cent italien : Chiara Isotton ordinaire, qu’elle envoie balader Comme chaque année depuis distingueront quelques-uns
(Minnie), Claudio Sgura (Jack quand elle pulvérise toutes onze ans, le Festival de Pâques des plus sûrs talents de l’école
Rance), Riccardo Massi (Dick les règles auxquelles elle avait créé par Renaud Capuçon de chant française : les mezzos
Johnson). Carte encore, celle consenti jusqu’ici. Tel est le sujet et Dominique Bluzet investit Adèle Charvet et Floriane
© ADRIANE WHITE

qui donne son titre d’Otages, nouvel opéra écrit Aix-en-Provence au printemps Hasler alternant dans le rôle-
à La Dame de pique de par le compositeur avec pour mission de brasser titre, les barytons Florian
Tchaïkovski. Persona non grata Sebastian Rivas, d’après les musiciens de tout âge Sempey et Philippe Estèphe
dans son pays natal pour cause le roman de Nina Bouraoui. et de mettre les plus jeunes en Dandini.

I 56
ET AUSSI...
Mikhaïl Pletnev Halle aux grains. Heyboer, Cristina Giannelli. municipal. Le 25, Paris, Théâtre
Le 4 mars, Toulouse, Le 13, Paris, Philharmonie. Dayner Tafur-Diaz dir. musicale, des Champs-Elysées. Le 27,
Halle aux grains. Chostakovitch : Symph. no 7. Frédéric Roels mise en scène. Aix-en-Provence, Grand-
Brahms, Dvorak. Théâtre de Provence. Le 26,
Carmen de Bizet, Festival musiques sacrées Soissons, Cité de la musique.
Gosse de riche de Maurice Yvain version de concert. de Perpignan Rameau : Les Indes galantes, suite.
Du 8 au 17 mars, Paris, Théâtre Le 14 mars, Paris, Du 15 au 28 mars Mahler : Le Chant de la Terre.
de l’Athénée-Louis Jouvet. Philharmonie. Bertrand Cuiller, Ophélie Gaillard,
Le 22, Compiègne, Théâtre Gaëlle Arquez, François Rougier, Elsa Grether, Roger Muraro, Festival Georges Bizet
Impérial. Le 24, Reims, Opéra. Sabine Devieilhe, Thomas Dolié. Sébastien Daucé… Du 22 au 24 mars,
Les Frivolités parisiennes. B’Rock Orchestra, Bougival, Villa Viardot.
dir. René Jacobs. Isabelle Faust, Orchestre Marianne Croux, Anne Le Bozec,
La Force du Destin de Verdi de chambre de Bâle, Nathanaël Gouin…
Le 9 mars, retransmission Pene Pati, Orchestre Giovanni Antonini
en direct du Metropolitan Opera national Bordeaux Aquitaine, Le 17 mars, Dijon, Auditorium. Nostalgia e rivoluzione
de New York, Emmanuel Villaume Beethoven. d’après Verdi
dans les cinémas, 18 h. Le 14 mars, Bordeaux, Partie I : Nostalgia, les 22, 24,
Lise Davidsen, Judit Kutasi, Auditorium. La Walkyrie de Wagner, 26, 29 mars, 3 et 6 avril.
Brian Jagde, Igor Golovatenko, version de concert
Airs d’opéras italiens et français. Partie II : Rivoluzione, les 23,
Patrick Carfizzi. Yannick Nézet- Le 17 mars, Versailles, 27, 30 mars, 2, 5 et 7 avril.
Séguin dir. musicale, Mariusz Christian Tetzlaff, Orchestre Opéra royal. Bruxelles, Théâtre royal
Trelinski mise en scène. national de France, Gemma New Peter Sonn, Hiroshi Matsui, de la Monnaie
Le 14 mars, Paris, Maison Sangmin Lee, Ingegjerd Bagøien Scott Hendricks, Helena Dix,
Matthias Goerne de la Radio. Le 15, Strasbourg, Moe, Aile Asszonyi, Judith Braun. Enea Scala, Vittorio Prato,
et Evgeny Kissin Palais des congrès. Orch. du Théâtre national Justin Hopkins, Nino Machaidze.
Le 10 mars, Bruxelles, Bozar. Sinnhuber, Chostakovitch, de la Sarre, dir. Rouland. Carlo Goldstein dir. musicale,
Le 28 mars, Paris, Théâtre Beethoven. Krystian Lada mise en scène.
Les Siècles,
des Champs-Elysées. Luisa Miller de Verdi François-Xavier Roth
Schumann, Brahms. Bertrand Chamayou,
Le 15 et 17 mars, Tours, Le 20 mars, Genève, Victoria
Philharmonique tchèque,
Grand-Théâtre. Hall. Le 22, Metz, Arsenal.
Magdalena Kozena, Orchestre Semyon Bychkov
Anthony Ciaramitaro, André Le 23, Tourcoing, Théâtre
national des Pays de la Loire, Le 23 mars, Paris,
Sascha Goetzel Philharmonie.
Le 10 mars, Angers, Centre Dvorak.
de congrès. Le 12, Nantes,
Cité des congrès. Le 14, Cecilia Bartoli et Lang Lang
La Roche-sur-Yon, Le Grand R. Le 23 mars,
Mahler : Rückert-Lieder. Monte-Carlo, Opéra.
Symph. no 5. Rossini, Bellini, Donizetti…

Vilde Frang, Orchestre Renaud Capuçon


philharmonique de Radio et Alexandre Kantorow
France, Mikko Franck Le 24 mars, Paris,
Les 10 et 16 mars, Paris, Philharmonie.
© LAURENT MATHIAS BOTHOR DG.

Maison de la Radio. Fauré, Beethoven, Strauss.


Chausson (le 10). Chostakovitch, Nikolaï Luganski
Prokofiev (le 16). Le 27 mars, Paris, Théâtre
des Champs-Elysées.
Orchestre national de Capitole
Wagner / Luganski, Chopin,
de Toulouse, Tugan Sokhiev
Mendelssohn.
Le 12 mars, Toulouse, MAGDALENA KOZENA, Angers, Nantes, La Roche-sur-Yon, du 10 au 14 mars

Pages réalisées par Roxane Borde, Emmanuel Dupuy, Benoît Fauchet, Laurent Muraro et Pierre-Etienne Nageotte.

I 57
SPECTACLES vu et entendu

Les Soldats mar

58 I
UN PEU BEAUCOUP PASSIONNÉMENT PAS DU TOUT
nous
avons
aimé...

chent sur Paris


Même « mis en espace », le chef-d’œuvre de Zimmermann
demeure une fascinante « forme pluraliste de théâtre
musical », comme le voulait le compositeur.
Avec un Orchestre du Gürzenich au centre du jeu
et au sommet, sous la baguette de François-Xavier Roth.

Die Soldaten de Zimmermann. de viol collectif – le tout est heureusement plus


Paris, Philharmonie, le 28 janvier. suggéré que souligné. Hier Marie (Salzbourg,
A voir sur Elbphilharmonie Live. 2012), Laura Aikin entre avec une éloquence
persuasive dans l’étoffe de la Comtesse de la
Trente ans après son entrée au Roche, quand Nikolay Borchev se drape aisé-
répertoire de l’Opéra Bastille ment dans le baryton juvénile de Stolzius et la
(janvier 1994), un chef-d’œuvre basse Tomas Tomasson en impose en mar-
lyrique du second XXe siècle, chand lillois Wesener.
Die Soldaten de Bernd Alois
Zimmermann (1918-1970), fait son retour à Paris. Mille éclats
C’est un événement, doublé d’une autre curio- Le héros indubitable de la soirée, c’est lui :
sité : l’ouvrage est présenté dans une production le Gürzenich-Orchester de Cologne. L’effectif
de l’Opéra de Cologne, comme lors de sa est pléthorique (une cinquantaine de cordes,
création en 1965. Son Generalmusikdirektor des vents par trois ou quatre, des percussions
jusqu’en 2025, François-Xavier Roth, est à la et claviers variés…) mais jamais diffus, toujours
manœuvre pour cette tournée des « trois Phil- concentré. Il le faut pour unifier un tel kaléi-
harmonies » – après la Kölner Philharmonie doscope de styles et d’apports, de la série
puis l’Elbphilharmonie de Hambourg (où le dodécaphonique au quartette de jazz en passant
concert a été filmé), finale en apothéose à la par le choral de Bach, le Dies irae grégorien
grande salle Pierre Boulez. à l’orgue, l’électronique, les roulements de tam-
Même conçue pour des auditoriums, la mise bours… La phalange allemande réussit aussi
en espace de Calixto Bieito n’éteint pas le rêve bien ses tutti telluriques, servis par une inten-
de « théâtre total » d’un Zimmermann hanté sité de jeu et de legato qui vient peut-être de son
par les fantômes de la guerre et l’effroi de la intimité avec Mahler et Wagner, que la subtilité
déflagration atomique. L’opéra, inspiré par la chambriste à laquelle veille une partition par-
pièce de l’auteur Sturm und Drang Jakob Lenz, courue de mille éclats – et le chef avec elle.
se joue sur un gradin surplombant l’orchestre, Roth prouve qu’il n’a pas beaucoup de rivaux
sous quelques lumières inquiétantes et dans dans la conduite de grandes machines lyriques
des costumes qui épousent la banalité d’une modernes qui sont aussi de fines horlogeries.
société militaire casquée dont Marie devien- Et, s’il le fallait, la soirée valide l’option prise
© ANTOINE BENOIT-GODET/CHEEESE

drait la femme-objet. Excellente incarnation par Olivier Mantei de multiplier les concerts-
de l’Américaine Emily Hindrichs, au touchant spectacles à la Philharmonie, où tout (les pos-
soprano colorature lyrique sinon dramatique, sibilités de spatialisation, l’acoustique géné-
mais aussi de son double dansé Denise Meisner, reuse) plaide pour de tels projets.
que Bieito ensanglante et soumet à un semblant Benoît Fauchet.

Retrouvez toutes nos critiques de spectacles sur


www.diapasonmag.fr

I 59
L’Allemagne
NOUVEAUTÉ
SÉJOURS

Diapason vous donne rendez-vous avec les deux


principales formations symphoniques hébergées au rythme des festivals
par la capitale saxonne. Dans la salle moderne du
Kulturpalast, l’Orchestre philharmonique de Dresde
convie la violoniste Patricia Kopatchinskaja dans
Echappée musicale
des œuvres où elle excelle, signées Prokofiev
et Stravinsky. Le lendemain, c’est dans l’écrin
à Dresde et Leipzig
légendaire du Semperoper, un des principaux
DU 6 AU 10 JUIN 2024
théâtres lyriques du pays, que vous entendrez la non
moins légendaire Staatskapelle, dans un programme
varié (de la Russie d’hier à l’Amérique d’aujourd’hui)
qui inspire trois des plus grands chorégraphes
contemporains. A cet éclectisme, répond, à Leipzig,
le culte de Johann Sebastian Bach, génie auquel la
cité dont il fut le Cantor consacre chaque année un
fabuleux festival, avec le concours des ensembles les
plus renommés. Par exemple le Collegium 1704 que
Vaclav Luks guidera dans le vaste monument qu’est
la Passion selon saint Matthieu. Ou encore John Eliot
Gardiner et ses English Baroque Soloists, faisant
dialoguer un choix de motets avec des sonates et
partitas interprétées par la grande Isabelle Faust
(sacrée Artiste de l’année en 2023 par Diapason).
Bienvenue au cœur de l’Allemagne musicale.

Emmanuel Dupuy,
Rédacteur en chef de Diapason.

Dresde

Leipzig
Les points forts
de votre séjour
• Une escapade de 5 jours au cœur de
l’héritage musical allemand.
• 4 concerts sélectionnés par Emmanuel
Dupuy, rédacteur en chef de Diapason.
• Des visites culturelles incluses pour
découvrir le patrimoine culturel et
musical de Dresde et Leipzig.
• La présence d’un guide francophone
durant tout le séjour et un
accompagnateur dès Paris.
• Un programme haut de gamme
conçu spécialement pour nos
lecteurs
• Des hébergements en hôtel 4* :

L’Hôtel
HYPERION
DRESDEN AM
SCHLOSS
à Dresde

et le
RADISSON BLU
à Leipzig

(hôtels 4*, pension


complète, excursions,
transport de et vers Paris
et taxes incluses !).

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du lundi au vendredi de 9h à 12h30 et de 14h à 17h.

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et services similaires à ma commande par la Poste, e-mail ou téléphone. Dommage ! Vous pouvez introduire une réclamation auprès de la CNIL - www.cnil.fr. Pour en savoir plus sur la gestion de vos données personnelles, vos
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Je ne souhaite pas que mes coordonnées postales et mon téléphone soient communiqués www.voyages-lecteurs.fr Crédit photo : © istockphoto.com
à des partenaires pour recevoir leurs bons plans. Dommage !
Sommaire
64 LES DIAPASON D’OR
66 L’île déserte

68 Rééditions

72 L’événement

74 LES 120 CRITIQUES


102
© CHRISTIAN STEINER.

Les vidéos

PAGE 72
PAGE 70
© REG WILSON / PARLOPHONE RECORDS LIMITED

PAGE 66
© CREDIT PHOTO

PAGE 102

62 I
mars 2024
Votre Indispensable
Des enregistrements rares ou légendaires sélectionnés par les critiques de Diapason.

D
ès son premier séduction opère chaque fois. Et « le plus intérieur » des concertos des atmosphères tantôt nostal-
concert new-yorkais qu’une discipline de fer main- pour violon allemand, « le joyau giques, tantôt martiales, avec
au Carnegie Hall tiendra intacte jusque dans ses du cœur », c’est celui de Mendels- une harpe (ici celle d’Osian Ellis)
alors qu’il n’a pas ultimes témoignages officiels, à sohn, jugeait Joseph Joachim. pour souligner le caractère des
dix-huit ans, Jascha l’orée des années 1970. airs empruntés par Bruch au
Heifetz (1901-1987), fraîchement Bach, Beethoven, Mozart, Elgar, Panache et fantaisie folklore scottish. Couleurs à
arrivé de Russie, sidère les audi- Grieg… Notre collection n’a pas « Le plus riche, le plus envoû- foison, pureté du sentiment :
toires. Ses premiers enregistre- manqué de lui rendre hommage. tant », c’était pour lui l’Opus 26 Heifetz n’a rien à y envier au
ments, réalisés dans la foulée, Après l’Octuor de Mendelssohn de Bruch – dont le virtuose avait dédicataire de la partition, Pablo
impressionnent déjà par la maî- partagé en 1961 par le violoniste créé en 1868 la version définitive. de Sarasate.
trise technique, bien sûr, mais avec ses complices des « Heifetz- Démonstration en 1951 sous l’ar- Interprète mais aussi composi-
surtout l’intensité d’un jeu souple Piatigorsky Concerts » (no 47), chet de Heifetz, qui ferait pleurer teur, ce dernier livra à la même
et puissant, qui s’appuie sur une voici son Concerto op. 64. les pierres dans l’Adagio central, époque (1878) des Airs bohé-
intonation précise et franche. En Charles Munch, à Boston en d’autant que le soigneux Mal- miens dans lesquels chante –
Voilà fixés les canons du violon 1959, le soliste trouve un accom- colm Sargent sait accorder son tour à tour tendre, blessée, au
moderne, que tous vont chercher pagnateur formidablement atten- (fort) tempérament au sien. comble du désespoir, puis sou-
à imiter. tif, qui lui offre davantage de Les deux musiciens se retrouvent dain ragaillardie par un thème
Les attaques ont du mordant, respiration et de détente que Bee- dix ans plus tard pour graver, endiablé – toute l’âme du peuple
le discours, rigoureusement cham dix ans plus tôt à Londres : dans le confort d’une luxueuse tzigane. C’est peu dire que Hei-
construit avec une juste dose il y a ici plus de lyrisme et de stéréophonie, la Fantaisie écos- fetz s’y montre aussi héroïque
de fantaisie çà et là, se coule malice – on ne peut pas être à la saire (1880). Ses quatre mouve- que bouleversant. Parfois égalé,
dans une palette de timbres, de fois plus souriant et vivace dans ments déploient une écriture dépassé jamais.
nuances et de vibratos dont la le finale ! Voici pleinement réalisé acrobatique (les deux Allegro !), François Laurent

n o
MENDELSSOHN : Concerto pour violon (a).
BRUCH : Concerto pour violon no 1 (b).
Fantaisie écossaise (c).
SARASATE : Zigeunerweisen (d).
Jascha Heifetz (violon).
Divers orchestres, Charles Munch (a),
Malcolm Sargent (b, c), William Steinberg (d).
« Les Indispensables de Diapason »
no 166. Ø 1951-1961. TT : 1 h 20’.

I 63
● Le choix de la rédaction

DIAPASON D’OR
NOUVEAUTÉS
● CRITIQUE P. 68 ● PLAGE 1 ● CRITIQUE P. 95 ● PLAGE 2 ● CRITIQUE P. 80 ● PLAGE 3

BEETHOVEN SANDRINE PIAU GRIEG & SMETANA


Sonates pour piano nos 21 et 23. Mélodies de Berlioz, Duparc, Koechlin… Quatuors à cordes
Rudolf Serkin. DG. Orchestre Victor Hugo. Alpha. Quatuor Modigliani. Mirare.
Pour le cent vingtième anniversaire Fraîcheur du timbre, intimité approfondie Avec le Quatuor Modigliani, ces deux
de la naissance de Rudolf Serkin, DG avec les mots : Sandrine Piau fusionne autoportraits de compositeurs irradient
livre deux inédits : une « Waldstein » le chant et la déclamation. La mélodie couleurs, flammes et tourbillons,
et une « Appassionata » fabuleuses. française au sommet. dans une profusion rarement atteinte.
Le choix de Le choix de

● CRITIQUE P. 84 ● PLAGE 6 ● CRITIQUE P. 94 ● CRITIQUE P. 82

LA GUERRE FLORIAN NOACK KORNGOLD


Céphale et Procris. « I Wanna Be Like You ». Transcriptions. Quatuor à cordes no 1. Quintette avec piano.
Solistes, A nocte temporis, La Dolce Volta. Quatuor Alma, Severin von Eckardstein.
Reinoud Van Mechelen… CVS. De Bach à Chostakovitch en passant par Challenge.
Grâce à une excellente équipe et une Prokofiev, Mendelssohn, Rimski-Korsakov Servis par une prise de son superlative,
direction délicate, le premier opéra et Johan Strauss fils, un album ensorcelant le quatuor néerlandais et un pianiste
français dû, en 1694, à une plume féminine par un pianiste qui porte haut l’étendard de premier ordre mettent en lumière le
trouve enfin sa référence. de la transcription. romantisme exacerbé du jeune Korngold.

64 I
CHAQUE MOIS, LE MEILLEUR DU DISQUE
CLASSIQUE, D’UN SEUL COUP D’ŒIL !
INDISPENSABLE
● CRITIQUE P. 90 ● PLAGE 4 ● CRITIQUE P. 92 ● PLAGE 5 ● RENDEZ-VOUS P. 63

SCHÜTZ BEHZOD ABDURAIMOV JASCHA HEIFETZ


Schwanengesang. « Shadows of my Ancestors ». Concertos pour violon de Mendelssohn
La Capella Ducale, Musica Fiata, Roland Wilson. Œuvres de Prokofiev, Ravel, Saidaminova. et Bruch. Fantaisies de Bruch et Sarasate.
CPO. Alpha. Charles Munch, Malcolm Sargent…
En troquant le chœur pour un effectif Behzod Abduraimov est de ces pianistes Retrouvailles avec un dandy du violon
restreint, en confiant à un petit orchestre qui mûrissent lentement leur répertoire. dans quatre partitions emblématiques
l’accompagnement, Roland Wilson Pour quel subtil mélange de limpidité, de son éloquence fiévreuse et colorée,
transfigure le Chant du cygne de Schütz. de puissance et de précision ! de sa fantaisie tirée à quatre épingles.

DÉCOUVERTE RÉÉDITION
● CRITIQUE P. 96 ● PLAGE 7 ● CRITIQUE P. 70 ● PLAGE 8
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HANNA SALZENSTEIN PAAVO BERGLUND
Œuvres de Vivaldi, Dall’Abaco, Platti… « The Warner Edition. Complete Emi Classics 01 46 48 47 60
Théotime Langlois de Swarte, & Finlandia Recordings. »
Justin Taylor… Mirare. Warner.
ou sur
Entourée d’un impressionnant bataillon Rassemblant tout ce que Paavo Berglund www.kiosquemag.com
de virtuoses, la jeune violoncelliste raconte a enregistré pour Emi et Finlandia,
avec brio l’émergence de son instrument un coffret de 42 CD permet la redécouverte
dans l’Italie baroque. de nombreux trésors.

I 65
● L’île déserte de IVAN A. ALEXANDRE

LES DISQUES QUE TOUT MÉLOMANE DOIT CONNAÎTRE


o
n 136
Williams
The Empire Strikes Back.
London Symphony Orchestra,
John Williams.
1980, RCA.

rix Franceinfo 2024, Les Guerres de Lucas, et bien sûr le radieux « thème de Yoda ». La symphonie des
roman dessiné de Laurent Hopman et Renaud glaces joue avec Prokofiev en toute liberté. La bataille, les
Roche (Deman Edition), conte la naissance d’un astéroïdes, le duel, le piège, le sacrifice, pas un plan sonore à
monstre, Star Wars, et les tourments de son créa- côté ou expédié. Ni même tapageur : l’Empire menace plus
teur. Ambition mal mesurée, scénario indé- qu’il n’éclate, tisse plus qu’il n’écrase. Le doute insinue.
cis, budget rétréci, acteurs déçus, intrigues Cette fois, John Williams a pris le temps. Dix-huit services
toxiques, studio hostile, trucages en panne, mauvais temps, en deux semaines : le London Symphony peut tout, sans effet
mauvaise humeur, tout annonce le nanar. Rien ne plait à gratuit, quasi sans effort. Du nerf, de la chair, de l’acier, mille
George Lucas. Sauf la musique. détails, autant de textures précieuses (The Ice Planet Hoth),
Encore inféodé à Stanley Kubrick, le jeune cinéaste envi- mystérieuses (Arrival on Dagobah), dangereuses (Betrayal
sage un patchwork façon 2001 où Dvorak et Holst voisine- at Bespin). Opéra sans parole et dernier accomplissement
raient avec Wagner et Liszt. C’est son ami Steven Spielberg d’un art immortalisé par les Alex North, les Maurice Jarre,
qui lui présente John Williams, musicien tout juste oscarisé les Bernard Herrmann.
de Jaws. Premier commandement : Kubrick tu oublieras. On jettera une oreille à Zubin Mehta (Decca) et Gustavo
Star Wars n’est pas une expérience métaphysique. C’est un Dudamel (C Major), mais l’auteur reste son parfait champion
western, une épopée, un space opera, il lui faut une parti- dans cette version originale, double microsillon RSO de
tion narrative, des thèmes, des cuivres, du souffle comme 1980 ou double CD RCA de 1997 (album le plus complet).
au temps héroïque de Korngold et Rozsa. Dispensables, les micmacs publiés par Polydor, Arista, Sony
Mais les minutes sont chères. Entré tard dans la danse, et Walt Disney. L’ivresse est ici.
Williams compose Star Wars (par la suite rebaptisé « épisode
IV, A New Hope ») en six semaines et l’enregistre en huit
services. Sans rapport avec ce qui adviendra trois ans plus
tard, en 1980. Car toutes les fées disponibles à Hollywood
se pencheront sur le berceau de l’« épisode V, The Empire
Strikes Back ». La romancière Leigh Brackett, fauchée en
plein travail, rédige le scénario initial. Lucas, qui n’aime
pas mettre en scène, cède le plateau à son ancien professeur,
l’incomparable Irvin Kershner. La direction artistique ne
sera jamais meilleure. Le récit, la lumière, l’image, le mon-
tage, les effets spéciaux non plus. A tous égards, cet Empire
attendu comme un bis supplante le modèle. Et, malgré ses ● Williams : ● Williams : ●Holst :
failles inévitables (le studio 3 prend feu pendant le tour- Close Encounters Concerto pour Les Planètes.
nage de Shining : il faut réduire et déménager la planète of the Third Kind. violoncelle. Williams : Star Wars
Bespin…), reste le chef-d’œuvre de la saga. dir. J. Williams. Yo Yo Ma, Suite.
De même la partition sera la plus soutenue et la plus soi- Arista – collector John Williams. Zubin Mehta,
edition, 1998. Sony, 2002. Decca 1971-1978.
gnée. Apparaît la Marche impériale absente du premier film,

66 I
Au cœur de
l’orchestre
Toutes les clés pour comprendre
le fonctionnement d’un orchestre

Du lundi au jeudi de 12h à 12h30


& le dimanche de 9h à 11h
Les 90 ans de l’Orchestre National de France
5 séries de Christian Merlin
À écouter et podcaster sur le site de France Musique et sur l’appli Radio France
● Rééditions

Episodes de la vie d’un artiste


Après Debussy, Saint-Saëns, Bizet et Gounod, un autre géant de la musique française rejoint
notre collection. Joyaux incontournables et raretés : voici les chefs-d’œuvres de Berlioz

H
ector Berlioz (1803- Berlioz célèbre la grandeur et à une ligne souverainement chaud et souple de ce chant à
1869) entend écrire la ferveur collective. C’est la tenue). Une version mythique l’ampleur de lignes impression-
« librement sous « Nature immense » qu’invoque et quasi inaccessible lui répond nante, un orchestre capiteux
l’influence de sa le docteur Faust, la montagne où en miroir : la Fantastique gravée dont son maître, Gabriel Pierné,
seule volonté », une résonnent les « Scènes de mélan- en 1930 – pour le centenaire de lui avait transmis les secrets.
musique « faite pour exprimer colie, de bonheur et de joie » dans l’œuvre – par Pierre Monteux
des émotions, des sentiments », Harold en Italie. et l’Orchestre symphonique Audace et fureur
quitte à tracer son chemin de Paris. La crème des instru- Les Francs-Juges, Le Roi Lear,
« comme un boulet rouge, en Grandeur et névroses mentistes français d’alors rend Rob Roy, Benvenuto Cellini, Le
sifflant, fracassant et brûlant ». C’est l’« amour sacré de la patrie » à la partition une urgence, une Carnaval romain, Le Corsaire,
Empruntés à Goethe, Virgile, qui soulève une Marseillaise fièvre (vigueur du trait, densité Béatrice et Bénédict convoquent
Byron ou Shakespeare, les héros redessinée en 1830 avec l’assen- des contrastes, expressivité de la respectivement Arturo Tosca-
qui peuplent son imaginaire timent de Rouget de Lisle, ou palette), une dimension épique nini, Thomas Beecham, Adrian
se consument d’exaltation, se le colossal Requiem spatialisé toutes romantiques. Boult, Pierre Monteux, André
débattent avec la fatalité. pour le vaisseau des Invalides. Cluytens, Paul Paray et Charles
Ce chantre du romantisme colore Les élans de la passion ont pour Diamant et velours Munch. Ces sept trésors, fruit
son orchestre avec audace, extra- revers des abîmes de mélan- Aux Nuits d’été par Suzanne d’un écrémage de la discographie
vagance. Il en drape le « rondo colie : la Marche au supplice et Danco en 1951, dont nous sub- des Ouvertures pour un Indis-

Thomas Beecham Pierre Monteux Charles Munch Suzanne Danco André Cluytens

brillant » pour pianoforte de le Songe d’une nuit de sabbat juguent le timbre adamantin et pensable, sont complétés ici par
Weber Aufforderung zum Tanz, peignent, dans la Fantastique, le le verbe aiguisé, font écho celles un huitième, auquel il avait fallu
habille le tapage d’une Orgie de cauchemar de l’artiste. Tout aussi de Victoria de los Angeles, au renoncer pour des questions de
brigands dans Harold en Italie. effroyable est la vision gothique velours vocal incomparable de minutage, Waverley. Cet Opus 1,
Les vertiges endiablés du Carna- de l’enfer sur laquelle se referme sensualité. En 1955, la seconde inspiré du roman historique de
val romain (qui ouvrait à l’origine La Damnation de Faust. La mort bénéficie du Boston Symphony Walter Scott, enchaîne un Lar-
l’acte II de son opéra Benvenuto plane sur la chevauchée névro- vif et rutilant de Munch. ghetto amoureux (chanté par les
Cellini) annoncent, dans Roméo tique du Roi des Aulnes. Etc. Cinq ans plus tard, la canta- violoncelles) et un batailleur Alle-
et Juliette, la rumeur d’abord loin- trice inscrit au programme d’un gro vivace : les virtuoses du Royal
taine puis l’éclat de la Grande fête Flamboiements concert de « Duets » avec Die- Philharmonic, emmenés en 1954
chez Capulet. Ces différents aspects et visages trich Fischer-Dieskau Le Trébu- par Beecham, éblouissent par
Des chœurs d’étudiants, de sol- du compositeur seront autant de chet, un « scherzo » aiguillonné leur éclat juvénile.
dats ou de buveurs, tous grouil- fils conducteurs dans notre sélec- par le piano de Gerald Moore. Dans Harold en Italie, « sympho-
lants de vie, alternent avec de tion. Pour la Symphonie fantas- Trois mélodies avec orchestre nie avec alto principal », nous
tendres aveux en forme de séré- tique, nous nous inclinons devant (Zaïde, La Captive, Le Jeune Pâtre nous en remettons à l’archet de
nades, des pastorales rêveuses. la stéréophonie large et flam- breton) invitent à retrouver Eleo- William Primrose, charmeur, et
Tendez l’oreille, par exemple, à boyante dont Cluytens dispose à nore Steber, autre berliozienne surtout épaulé par un orchestre
l’Adieu des bergers dans L’Enfance Londres, ses raffinements hédo- incontournable. Son français aux déchaînements formidables.
du Christ, qui revendique un déli- nistes (la profondeur de champ, est un rien moins policé ? Jean Comment résister au « vent de
cieux archaïsme. les mille détails toujours intégrés Morel déroule sous le lyrisme liberté et de fureur » que Munch

68 I
fait souffler (dans une superbe Pour L’Enfance du Christ nous
stéréophonie) sur cette Orgie de avons préféré la gravure prin-
brigands ? ceps d’André Cluytens (1951), où
se couvrent de gloire les impec-
Drames symphoniques cables Louis Noguéra et Hélène
Pour « bien rendre » La Dam- Bouvier, à celle du jeune Colin
nation de Faust, commente Davis (1960), dont l’orchestre
Berlioz, « les exécutants et leur diaphane ne fait pas tout à fait
directeur, surtout, doivent sen- oublier le français plus exotique
tir comme moi. Il faut une pré- des chanteurs. Nous en avons
cision extrême unie à une verve toutefois détaché le fameux
irrésistible, une fougue réglée, Trio des enfants ismaélites pour
une sensibilité rêveuse. » Igor flûtes et harpe, exemplaire de
Markevitch le prend au mot en transparence.
1959. Outre un héros à la flamme
virile, une Marguerite au velours … et au théâtre
sombre, un Méphistophélès Un récital de Nicolai Gedda
dandy, on admire les couleurs livre deux airs de Benvenuto
crues ou acidulées, les frémis- Cellini, qui viennent ainsi s’ajou-
sements, la frénésie que le chef ter à l’Ouverture et au Carnaval
obtient du Lamoureux. romain, tandis que nous dispo-
Symphonie fantastique Mélodies
Leur Marche hongroise tient la sons pour Les Troyens de plu-
André Cluytens. 1958 Victoria de los Angeles,
dragée haute à celle – glissée en sieurs pépites. Aux « Inutiles
Pierre Monteux. 1930 Dietrich Fischer-Dieskau,
bonus – de Szell mettant sur le regrets » et « Debout Troyens »
Nuits d’été Eleonore Steber. 1954-1960
gril ses musiciens de Cleveland. d’Enée gravés par l’héroïque
Pour le relief orchestral et cho- Georges Thill en 1934 répondent Suzanne Danco, Benvenuto Cellini
ral de Roméo et Juliette, s’im- en 1958 l’« Adieu fière cité » de Thor Johnson. 1951 & Les Troyens (extraits)
pose le geste exalté mais atten- Didon dans lequel Rita Gorr se Victoria de los Angeles, Pierre Monteux. Nicolai Gedda,
tif de Munch à Boston, dans consume littéralement. Deux Charles Munch. 1955 Georges Prêtre. Paul Paray.
son remake stéréo de 1961. Les autres morceaux d’anthologie Carnaval romain Thomas Beecham. Georges Thill,
solistes y sont préférables à les complètent : une Marche André Cluytens. 1961 Eugène Bigot. Rita Gorr,
ceux de 1953, à commencer par troyenne sous la férule de Paray, Lawrence Collingwood.
Béatrice et Bénédict
le Père Laurence colossal d’au- et une Chasse royale et Orage (Ouverture) 1934-1961
torité de Giorgio Tozzi, à qui brossée (avec chœur) par Bee- Charles Munch. 1958 L’Enfance du Christ
revient le dernier mot. cham. Le Corsaire Paul Paray. 1958 Hélène Bouvier, Jean Giraudeau,
Berlioz n’a pas hésité à parer Louis Noguera. André Cluytens.
Rob-Roy Adrian Boult. 1956
A l’église… de son orchestre plein de res- 1951
C’est Thomas Beecham qui, sources et d’inventions quelques Le Roi Lear. Waverley Invitation à la valse
le premier, enregistrait le Te chefs-d’œuvre aimés. Plutôt Thomas Beecham. 1947-1954 Igor Markevitch. 1954
Deum (Colin Davis suivra, mais que l’Orphée de Gluck « revi- Les Francs-Juges Te Deum
quinze ans plus tard) dans une sité » (avec la collaboration du Arturo Toscanini. 1941 Alexander Young,
église au nord de Londres entre jeune Saint-Saëns) pour Pau- La Damnation de Faust Thomas Beecham. 1953-1954
décembre 1953 et avril 1954 – line Viardot, vous attend l’Invi- Richard Verreau, Consuelo Rubio, Requiem
un témoignage empli de ferveur tation à la valse de Weber, cise- Michel Roux. Igor Markevitch. 1959 Richard Lewis,
malgré le froid glacial régnant lée par Markevitch au pupitre Harold en Italie Thomas Beecham. 1959
alors. Pour le Requiem, nous du Philharmonia. Enfin, deux William Primrose,
n’avons pas retenu le disque de bonus s’adressent aux amateurs Charles Munch. 1958 La Discothèque idéale
1958 (qui décevait le chef lui- de raretés : Le Roi des Aulnes de de Diapason, Vol. XXX
Roméo et Juliette
même) mais un concert donné Schubert incarné en français
Cesare Valletti, Rosalind Elias, (10 CD, livret de 20 pages).
le 13 décembre 1959 dans le et avec fièvre par Charles Pan- TT : 13 h 15’. Diapason d’or
Giorgio Tozzi. Charles Munch. 1961
vaste Royal Albert Hall, avec zéra en 1926, et une Marseillaise
des forces adéquates (cent qua- inédite en CD. Elle ouvrait, en
Vous êtes nombreux à avoir constaté des problèmes
rante-trois musiciens, calqués 1959, un concert de gala dirigé
de façonnage sur nos derniers coffrets, qui rendaient certains
sur l’effectif voulu par Berlioz, par André Cluytens au Théâtre
CD illisibles. Afin d’éviter ces regrettables désagréments,
et des chœurs solidement pré- des Champs-Elysées, dans le
nous avons confié le pressage de ce coffret Berlioz,
parés par John McCarthy). Avec, cadre du vingt-cinquième anni-
comme en 1958, le ténor ardent ainsi que des suivants, à un nouveau prestataire offrant
versaire de l’Orchestre national.
et noble de Richard Lewis. une qualité de fabrication bien plus fiable.
François Laurent

I 69
● Rééditions

Génie du Nord
Le coffret de 42 CD dans lequel Warner a réuni tout ce que
Paavo Berglund a enregistré pour Emi et Finlandia permet
la redécouverte de nombreux trésors.
Citons les concertos pour violon de Sibelius, avec le Bournemouth Symphony (quand il
Walton, celui – splendissime référence – de en était le directeur musical entre 1973 et
Britten avec la grande Ida Haendel, les deux 1979), le plus foisonnant d’idées. On se bor-

© REG WILSON / PARLOPHONE RECORDS LIMITED


pour piano (avec Cristina Ortiz) et le 1er pour nera ici à citer ses hautaines et granitiques
violoncelle (avec Tortelier) de Chostakovitch, Symphonies nos 4, 6 et 7.
et, dans une moindre mesure, le Double de Ce sont d’ailleurs les mêmes, ainsi que cer-
Brahms (avec Menuhin et Tortelier) sans tains poèmes symphoniques également
oublier le 3e de Rachmaninov avec Leif Ove traversés du grand souffle mais davantage
Andsnes : ils révèlent un aspect moins connu fluides et aériens (La Fille de Pohjola, Le
de l’art du chef finlandais, celui d’accompa- Barde, Luonnotar), qui surplombent l’inté-
gnateur exemplaire. grale d’une eau froide et pure avec le Philhar-
monique d’Helsinki (années 1980). Berglund,
De glace et d’acier dans sa troisième intégrale, avec l’Orchestre
Sa préférence pour certaines des sympho- de chambre d’Europe, ne cessera d’explorer

F
ormé, comme violoniste, à Helsinki nies les plus âpres, sombres et conflictuelles et d’exalter la croissance organique et l’inven-
puis à Vienne, où les concerts dirigés du XXe siècle éclate d’évidence. Elle nous tion sonore d’une telle musique, notamment
par Wilhelm Furtwängler le fasci- vaut une sévère et altière 5e de Nielsen, de dans d’ascétiques et lumineuses 4e et 6e.
nèrent, Paavo Berglund (1929-2012) formidables 4e et 6e de Vaughan Williams, Patrick Szersnovicz
fut un chef atypique. Gaucher, il faites de glace et d’acier mais aussi péné-
inversait volontiers les gestes de signal, la trées d’inquiétudes métaphysiques, ou « Paavo Berglund, The Warner Edition ».
Warner, 42 CD. Diapason d’or
main droite prenant le rôle dévolu à la gauche encore une 10e de Chostakovitch qui respire
(phrasé, nuances). Il n’a pas eu le parcours large malgré sa densité, et frappe par son PLAGE 8 DE NOTRE CD
d’un météore (Guido Cantelli, Carlos exceptionnelle hauteur de vue.
Kleiber), ni celui d’une étoile montante Paavo Berglund demeure un des plus grands
(Simon Rattle, Esa-Pekka Salonen). Figure interprètes de la musique de Sibelius, qui fut
discrète et paternelle dont la carrière se sa véritable passion : il enregistra trois inté-
déroula pour l’essentiel en Scandinavie, il est grales des sept symphonies auxquelles
devenu, dès les années 1970, une référence s’ajoute une vaste anthologie (Kullervo,
incontournable dans son répertoire de pré- poèmes symphoniques, musiques de scène),
dilection : la musique nordique, britannique avec parfois plusieurs versions d’une même
et russe de la deuxième moitié du XIXe siècle partition. Tout ou presque est de premier
et de la première moitié du suivant. ordre dans le légendaire premier cycle réalisé

Dukas essentiel scherzo ravira les inconditionnels


d’Argerich. Concentré mais
Variations, interlude et finale sur
un thème de Rameau (1902),
Ciesinski pâtit de son français
peu intelligible. Le Barbe-Bleue

E
n quatre CD puisant dans somptueux, le corpus pour c’est un ardent disciple de de Gabriel Bacquier est,
les catalogues Erato et Emi, piano est couronné par la sonate Dukas, Jean Hubeau, qui alterne lui, idéalement phrasé mais
Warner réunit presque (1901) dont la complexité, brillant et profondeur (sublime Dukas ne lui offre que quelques
tout l’œuvre de Dukas dans le lyrisme à la fois sévère Interlude). Armin Jordan fait brèves répliques ! Par la suite,
des versions de premier ordre. et grandiose sont totalement étinceler La Péri (1912) – ballet les remords et la quête
Le parcours s’ouvre par dominés par Duchable, à qui dont la splendeur orchestrale de perfection du compositeur
la grave Ouverture Polyeucte reviennent le Prélude élégiaque n’a rien à envier à L’Oiseau allaient le conduire à détruire
(1891), l’éclatante Symphonie sur le nom de feu – et l’opéra la plupart de ses travaux (hormis
en ut (1897) qui paie son tribut de Haydn Ariane et Barbe- le court Sonnet de Ronsard
à l’esthétique franckiste et le (1909) et la Bleue (1906, texte de 1924). Chérissons d’autant
célébrissime Apprenti sorcier Plainte au loin de Maeterlinck), plus ce précieux et fort utile
(1897) – Martinon fait étinceler du faune (1920) prisé en son temps coffret. Jean-Claude Hulot
l’orchestre. L’histrionique en hommage à l’égal de Pelléas.
transcription pour deux claviers à Debussy. Le rôle-titre dévolu « Paul Dukas ».
(signée Rabinovitch) du fameux Dans les à Catherine Warner, 4 CD. Y Y YYY

70 I
DON JOSÉ
Ansermet, versant mono
D
ans la génération dorée du chant espagnol (celle des Caballé,
Los Angeles, Lorengar, Berganza, Kraus, Domingo…), L’aventure Decca commence pour Ernest Ansermet
José Carreras est le benjamin. En 1976, la pochette de son en septembre 1929 dans un répertoire où on l’attend peu :
premier récital (reproduite à l’identique, comme toutes les autres six des Concerti grossi op. 6 de Handel dont il dégage
dans ce coffret) révélait un physique de beau gosse qui fit des ravages les nervures rythmiques, au pupitre d’un orchestre à cordes
quelques décennies durant sur les plus prestigieuses scènes ayant William Primrose pour leader tandis que Leslie Heward
de la planète. Si le timbre, d’une sensualité torride, n’est pas moins est au clavecin. La collaboration du chef suisse avec le label
ensorcelant, ce coup d’essai, accompagné par la probe baguette britannique reprendra seulement au lendemain de la guerre,
de Roberto Benzi, révèle un style souvent peu subtil, en particulier en 1946, cette fois au pupitre de son Orchestre de la Suisse
dans les pages belcantistes qui pâtissent d’un art de la nuance assez romande et dans un répertoire (Stravinsky, Ravel) qui lui siéent
limité. Au gré de toutes ces gravures, on succombe pourtant à cette mieux. Ces Pétrouchka, Suite de L’Oiseau de feu et Alborada
franchise expressive, à ces couleurs tour à tour ténébreuses et solaires, del gracioso ont le trait vif, un peu bousculé par endroits,
à cet aigu insolent, notamment chez Verdi, et plus encore dans mais expressif en diable ! La pâte sonore, encore fruste
le répertoire vériste. L’album consacré en 1979 à Puccini, Leoncavallo, dans sa restitution, gagnera en netteté dans les remakes
Mascagni, Cilea, Giordano, avec le London – même en mono, l’Alborada ou La Mer ont déjà, en 1951,
Symphony Orchestra conduit par Jesus un éclat et un relief absents quelques années plus tôt.
Lopez Cobos, constitue donc sans surprise Avivant les arêtes rythmiques, tendant les lignes, Ansermet
un des plus attachants sommets de ce legs. tire vers l’épure la Symphonie « Classique » de Prokofiev
Carreras s’est aussi volontiers illustré et le Concerto no 3 de Bartok (au clavier, Julius Katchen
dans la musique espagnole. Son disque est fabuleux dans l’Adagio religioso). Le chef
d’airs de zarzuelas (1977) ravira les amateurs semble pousser le violoncelle de Maurice
du genre. Celui consacré aux mélodies Gendron à souligner le rococo des Variations
de ses compatriotes, finement accompagné op. 33 de Tchaïkovski, et n’a qu’à suivre,
au piano par Martin Katz (1984), ne manque dans l’Opus 54 de Schumann, le piano
pas non plus de séduction, en particulier sismographique de Dinu Lipatti (qui fera
chez Mompou et Turina, bien que l’artiste peine à trouver les accents passer sur la qualité sonore médiocre de ce
gitans qu’une Los Angeles ou une Berganza savaient mettre live de 1950) – et quel élan dans le finale !
aux Sept chansons populaires de Falla. Il réenregistrera le cycle Les imperfections de l’orchestre sont le plus
quelques années plus tard (1991), cette fois dans une surprenante souvent éclipsées par l’intensité du discours.
parure orchestrale concoctée par Luciano Berio. Le compositeur, A fortiori quand elle a pour vecteur le verbe fiévreux
qui est pour l’occasion au pupitre de l’English Chamber Orchestra, de Suzanne Danco, chez Ravel – une première Schéhérazade
a appliqué le même traitement à quelques mélodies de Verdi en 1948, L’Heure espagnole, les Mallarmé – mais aussi Falla
– huit joyaux de délices instrumentaux et d’intelligence vocale, (Le Tricorne) et Debussy (Pelléas, où elle est la Mélisande
malgré une fatigue désormais audible. de Pierre Mollet) : trésors immortels.
L’accompagnement orchestral dont est affublée une collection L’engagement viscéral du chef pour la musique de Frank
de pages signées Tosti (1979) n’a guère la même finesse, enrobant Martin – au même titre que celles de Ravel, Debussy
d’un épais sirop ces bluettes de salon. Autre sucrerie : « Ave Maria », et Stravinsky – nous vaut ici deux merveilles : la Petite
bouquet d’airs sacrés de toutes les époques (de Bach et Handel Symphonie concertante avec Pierre Jamet à la harpe (1951)
à Franck et Verdi) avec les Petits chanteurs de Vienne (1983). et le Concerto pour violon avec Wolfgang Schneiderhan
Et gare à l’indigestion avec « Plaisir d’amour », assortiment en soliste (1955). Il faut également connaître ses Bloch
d’arie antiche (1992), totalement hors style. Deux albums de duos : (Voice in the Wilderness et Schelomo, à la tête du London
l’un avec une Ricciarelli toujours un peu impersonnelle (1979), Philharmonic) où captive le violoncelle très incarné et très
l’autre avec une Caballé autrement incandescente – en réalité élégant de Zara Nelsova, le palpitant Concerto pour piano no 1
une compilation de plusieurs extraits d’intégrales partagées de Villa-Lobos sous les doigts d’Ellen Ballon en 1949
par les deux artistes catalans entre 1975 et 1979. et cet Œdipus Rex de Stravinsky, gravé en 1955 avec
Carreras jouait volontiers les crooners, tel qu’en témoignent pas d’excellents solistes (Haefliger, Bouvier, Vessières, Cuénod).
moins de cinq disques de chansons populaires de toutes origines Pour le répertoire russe en général, la Symphonie de psaumes
(napolitaine, hispanique, française, américaine…) qui combleront de Stravinsky ou les Chabrier, entre autres, les « Stereo Years »
ses fans. Tout comme les trois CD enfilant des bouts d’intégrales livreront de meilleurs témoignages.
réalisées par Philips, Decca et DG, ou encore le documentaire audio Ces « Mono Years » se concentrant sur le legs Decca,
(en anglais) qui occupe la dernière galette. Un tube pour finir : on n’y trouvera pas les cires Columbia du chef. Mais le curieux
la Missa criola du compositeur argentin Ariel Ramirez (1921-2010), dénichera les bribes du répertoire des Ballets russes gravées
couplée à sa Navidad nuestra, a offert un de ses plus éclatants à New York en 1916, le Concerto op. 54 de Schumann avec
succès discographiques à un Carreras touché par la grâce, secondé Fanny Davies, le Capriccio de Stravinsky avec le compositeur
par les solides voix basques de la Sociedad Coral de Bilbao. au clavier et quelques autres raretés dans un coffret Cascavelle
Avec ses rythmes et sonorités empruntés aux traditions d’Amérique dévolu aux « Early Years » d’Ansermet – qu’il se gardera donc
du Sud, l’œuvre créée en 1965 conserve, il est vrai, un charme de bazarder au profit de celui-ci. François Laurent
vintage assez irrésistible. Emmanuel Dupuy
« Ernest Ansermet, The Mono Years ».
« José Carreras, Complete Recitals on Philips ». Decca, 26 CD. Y Y Y Y Y
Decca, 21 CD. Y Y Y Y

I 71
LES
L’événement
Le chant
du cygne
Pour le cent vingtième anniversaire
de la naissance de Rudolf Serkin (1903-1991),
DG livre deux sonates inédites et fabuleuses.

C
es enregistre - chez ICA, plus vif), on le regagne
ments « n’ont pas en richesse agogique, en
été approuvés » par nuances soigneusement éta-
Rudolf Serkin, écrit gées, en perfection de la pensée
sa fille Judith dans – écoutez la variété des accents,
la notice. « Au moment où ils des rebonds, des chutes, admi-
furent prêts, il était déjà très rez ces nuages et ces rayons qui
malade. Il mourut avant de pou- ombrent ou éclairent fugace-
voir confirmer la publication. » ment, mais en toute conscience !
La « Waldstein » a été captée Conscience, tel est le maître-
en 1986, l’« Appassionata » en mot : Serkin sait ce qu’il fait, et
1989. Le pianiste a alors plus de ce qu’il fait vous traverse. Ce
quatre-vingts ans, il n’y a donc Beethoven-là n’est pas Byron,
rien d’étonnant à ce que la gra- c’est Homère, c’est l’épopée, c’est
vure « ne [soit] pas “parfaite” », la narration poétique. Comment
précise encore Judith Serkin. ne succomberait-on pas au
Pour autant, comme c’est le cas chant infini des deuxième et
dans les trois dernières sonates troisième mouvements ?
enregistrées également pour DG
à la même époque, la maîtrise Intransigeant
est presque intacte. La lecture de l’« Appassionata »
Peu importe que le tempo, dans est impérieuse, implacable.
l’Allegro con brio de la « Wald- Comme l’atteste le premier
© CHRISTIAN STEINER / DG

stein », marque un peu le pas : volet, bien sûr, zébré de cris


quelle conduite ! quels crescen- et de coups de tonnerre, mais
dos ravageurs ! Ce que l’on perd aussi l’Andante con moto (c’est-
d’un côté (et que l’on retrouvera à-dire « avec mouvement ») qui
par exemple dans le live londo- avance presque halluciné, teinté
nien de juin 1973 disponible par endroits d’angoisses, allant

72 I
● Le dictionnaire des disques

CRITIQUES DU MOIS
même jusqu’au suffocant. Et « Les petits défauts de cet
en studio
pourtant, quel souffle ! Allegro immense musicien », écrivait • Paul Agnew et Les Arts Florissants donnent
véritablement ma non troppo, Alain Lompech dans le portrait le coup d’envoi d’un nouveau cycle pour Harmonia
le finale exprime avec une rare qu’il consacrait à Serkin (Les Mundi : « Bach, A Life in Music ». Le premier volume
acuité quelque chose de la dou- Grands Pianistes du XXe siècle, renferme des cantates pour Arnstadt et Muhlhausen,
leur beethovénienne. Buchet Chastel), « n’étaient rien avec des chorals pour orgue par Benjamin Alard.
Dans l’« Appassionata » gravée en regard d’une approche de la • Skip Sempé, avec son Capriccio
par le même Serkin en 1947 musique dont la sensibilité allait Stravagante et le Renaissance
(Sony), la virtuosité filait plus droit à l’essentiel. » Oui, qu’im- Orchestra, ont mis en boîte
droit ; l’album de 1963 montrait portent de menues imperfec- les Lachrimae de Dowland (Paradizo).
déjà un cheminement vers les tions, guère plus importantes • Sabine Devieilhe a enregistré
recoins, que cette ultime ver- que celles de mainte captation des lieder de Mozart et Strauss
sion, à notre sens, parachève, de concert : ces deux témoi- avec Mathieu Pordoy (Erato).
avec un jusqu’au-boutisme gnages ont une force incanta- • Un nouvel Orfeo de Gluck ?
intransigeant et bouleversant. toire, une puissance expressive, Bientôt chez Erato, avec Jakub Jozef
Car dans cette exploration une urgence qui ne laissent pas Orlinski, Fatma Said, Elsa Dreisig.
minutieuse du texte musical, la indemne. L’extrême concentra- Et Stefan Plewniak au pupitre
gestion magistrale du temps ne tion s’y allie à la générosité. Un d’Il Giardino d’Amore.
perd jamais le sens de la conti- maître du piano est là qui vous • B comme Bernstein pour James Ehnes, qui couple
nuité et s’allie à une tension empoigne et ne vous lâche plus. sa Sérénade avec le Concerto pour violon no 1
dévorante, incandescente. Loïc Chahine de John Williams – Stéphane Denève
est à la tête du St. Louis Symphony
(Pentatone).
LUDWIG VAN BEETHOVEN • B comme Britten pour Isabelle Faust,
1770-1827 qui ajoute à son concerto pour violon,
Sonates pour piano nos 21 « Waldstein »
avec l’Orchestre de la Radio bavaroise
et 23 « Appassionata ».
Rudolf Serkin (piano). et Jakub Hrusa, trois joyaux chambristes
DG. Ø 1986 et 1989. TT : 55’. (Harmonia Mundi).
© DR / FELIX BROEDE / ANNA DABROWSKA - PARLOPHONE RECORDS LIMITED

TECHNIQUE : 4/5 • Château de Versailles Spectacles


Enregistré dans le Recital Hall annonce Télémaque et Calypso
du Suny Purchase College, à New York, de Destouches par Les Ombres, L’Orfeo
en mars 1986 (Sonate no 21) et au studio
Guilford Sound de Vermont en mai
de Monteverdi par Les Epopées .
et juin 1989 (no 23) par Judith L. Sherman. • Gustavo Gimeno et son Philharmonique
Deux enregistrements de piano du Luxembourg ont réuni trois
particulièrement toniques qui révèlent chefs-d’œuvre de Dutilleux :
l’énergie et la précision du jeu. Capté
en proximité dans la no 21, l’instrument
les Métaboles, la Symphonie no 1
occupe l’ensemble de l’image sonore. et Tout un monde lointain
Il se trouve localisé sur la gauche avec Jean-Guihen Queyras
dans la no 23. Les aigus ont une présence au violoncelle (HM).
vive et détaillée, les graves apportent une profondeur enveloppante
dans un équilibre séduisant. • « Les Violons des Lumières »,
promesse de David Plantier avec
PLAGE 1 DE NOTRE CD Les Plaisirs du Parnasse : de rares
sonates de Quentin, Guignon,
Branche, Mondonville, Dauvergne
et Aubert (Ricercar).

I 73
Bach / Beethoven

authentifiées avec certitude. Sobres, la Toccata de la BWV 830. Les danses


NOS COTATIONS elles s’appuient sur des mélodies sont rendues avec le même soin :
EXCEPTIONNEL A acquérir les yeux fermés. simples, faciles à mémoriser comme la Sarabande de la BWV 825 émeut
à chanter, dans lesquelles l’atten- par un lyrisme totalement limpide
tion se focalise sur la piété véhicu- malgré l’ornementation foisonnante ;
YYYY Y SUPERBE Osez-le ! lée par le texte. la Burlesca et le Scherzo de la
Koopman leur insuffle souplesse et BWV 827 pétillent avec un humour
YYY Y RECOMMANDABLE Ne déparera pas votre discothèque variété sans jamais en faire trop ou pince-sans-rire ; l’Allemande de la
YY Y MOYEN Pour fanas avant tout. tirer la couverture à lui. Son inter- BWV 828, tendre comme rarement,
prétation des pièces pour orgue avec des inflexions presque coupe-
Y Y DÉCONSEILLÉ A quoi bon ce disque ?
atteste la même tempérance. Point riniennes, esquisse une vaste rêve-
Y EXÉCRABLE Évitez le piège ! d’exubérance excessive dans la rie. La conclusion de la BWV 829
Gigue de la Pastorale BWV 590, nulle est pleine d’esprit : le Tempo di Mi-
surcharge ornementale dans la Can- nuetta (sic) puis le Passepied accu-
NOTRE COUP DE FOUDRE Révélation d’une œuvre zona BWV 588 : le musicien s’est mulent une énergie qui se libère
inédite ou d’un talent à suivre. adapté au caractère de l’instrument, dans l’envoi d’une Gigue enlevée,
découverte
modeste mais chaleureux. parfois taquine, espiègle comme
La prestation de Mertens laisse plus un éclat de rire. Alliant rigueur et
CARL PHILIPP EMANUEL 1997), alerte, tendue, est sans ap- mitigé. Instable dès que les sollici- fantaisie, sens de l’architecture et
BACH pel. Pour savourer les ambiguïtés tations (tempo, agilité) se font plus enthousiasme épris de liberté, Nuti
1714-1788 subtiles de la Wq 182/5 en si mineur, pressantes, la voix est aussi fati- anime chaque Partita d’une intense
Y Y Y Six symphonies dont nous n’entendons ici qu’un pâle guée dans le haut de la tessiture vie, et n’est pas loin de rejoindre au
« de Hambourg » Wq 182. reflet assagi, il faudra retourner au (BWV 439). Le sens aigu du mot, sommet de la discographie Gustav
Orchestre du XVIIIe siècle. Giardino Armonico (Naïve, 2005). lui, demeure intact. A ce disque en Leonhardt (DHM, 1963-1970 puis
Glossa. Ø 2021-2022. TT : 1 h 05’. Honnête mais sans éclat, le présent demi-teintes, on préférera la vaste Emi, 1987), Scott Ross (Erato, 1989)
TECHNIQUE : 3/5 album nous rend surtout impatient : anthologie où Mertens était rejoint ou Pascal Dubreuil (Ramée, 2008).
« De l’audace ! » l’Akademie berlinoise doit bientôt par Barbara Schlick et Bob Van As- Jean-Christophe Pucek
L e m ot d e retrouver ces pages dont elle sait peren (CPO, 1998).
Danton pourrait si bien épouser l’esprit aventureux. Jean-Christophe Pucek YYY Six sonates pour clavecin
s’appliquer aux Jean-Christophe Pucek et violon BWV 1014-1019.
symphonies Y Y Y Y Y 6 Partitas pour clavecin Sirkka-Liisa Kaakinen-Pilch
composées en JOHANN SEBASTIAN BACH BWV 825-830. (violon), Tuija Hakkila (pianoforte
1773 par Carl Philipp Emanuel Bach 1685-1750 Giulia Nuti (clavecin). d’après Silbermann).
à la demande du baron Gottfried Y Y Y Lieder spirituels extraits Arcana (2 CD). Ø 2021. TT : 2 h 40’. Ondine (2 CD). Ø 2022. TT : 1 h 34’.
Van Swieten. Le célèbre diplomate du Schemellis Gesangbuch TECHNIQUE : 3,5/5 TECHNIQUE : 3,5/5
mélomane n’avait fixé aucune BWV 439, 440, 443, 449, 452, Giulia Nuti a cou- Plusieurs enre-
contrainte au musicien. Bien que li- 453, 462, 466, 468, 469, 470, tume de retenir gistrements ont
mitées aux seules cordes, ces six 471, 478, 479, 480, 484, 487, des instruments rappelé les liens
œuvres « de Hambourg » se pré- 492, 494, 498, 502, 505, 511, typés pour servir qui unissaient le
sentent comme un festival d’excen- 514. Pièces d’orgue BWV 588, ses projets. Elle Cantor de Leip-
tricités formant une sorte de cata- 590, 683, 691, 1092 et 1095. a choisi d’enre- zig au pianoforte
logue des possibilités offertes par Klaus Mertens (basse), gistrer les Partitas sur la copie d’un de Gottfried Silbermann. Tuija Hak-
le style « sensible » (Empfindsamer Ton Koopman (orgue). clavecin Hemsch (1751) par Chris- kila a choisi la copie d’un modèle
Stil) : de l’emporté, du tendre, voire Challenge. Ø 2023. TT : 1 h 01’. tian Kuhlmann aux sonorités amples de 1749, et c’est bien lui qui pique
du bizarre, toujours électrisés par TECHNIQUE : 4/5 et élégantes. Ses précédents disques ici notre curiosité. Commencez par
un courant d’imprévisibilité qu’il- Klaus Mertens avaient montré la musicienne à son la fin : malgré quelques scories, la
lustrent à merveille, dans le Wq 182/1, et Ton Koopman avantage aussi bien dans le registre BWV 1019 en sol majeur semble
les bifurcations tonales et rythmiques sont de vieux de la théâtralité (« Les Sauvages », voir les astres s’aligner. La complé-
de l’Allegro di molto. complices. Le Diapason Découverte, cf. no 628) mentarité des deux instruments y
Cette audace, on la cherchera ici premier a parti- que de la concentration (« Le Cœur est presque idéale, les sonorités
en vain. L’Orchestre du XVIIIe siècle cipé à l’intégrale et l’oreille », cf. no 662) voire de la diverses du Silbermann colorant
propose une lecture certes propre, des cantates de Bach dirigée par confidence (« The Fall of the Leaf », les mouvements avec esprit – c’est
réfléchie, mais dépourvue de re- le second à partir de 1995. Le chef cf. no 718). Toutes qualités qui se la sonate la plus réussie de la
bond, d’angles saillants, défaut ren- néerlandais souhaitait enregistrer déploient ici et soutiennent un dis- nouvelle gravure.
forcé par une captation trop glo- l’orgue de chambre construit en cours articulé avec clarté, sans sys- Ailleurs, on est souvent gêné par le
bale. L’auditeur ne sursaute pas 1762 par Teschenmacher ; son pro- tématisme ni sécheresse. jeu de Sirkka-Liisa Kaakinen-Pilch
lorsque déboule le Presto final de jet s’est élargi à une sélection de Le Cantor, on le sait, confère un qu’entachent des approximations
la Wq 182/2, pris avec une telle pru- lieder spirituels tirés du Gesang- poids particulier au prélude qui tant du côté de l’intonation que de
dence qu’il tourne en rond. L’humour buch publié par Georg Christian ouvre chacune de ses six Partitas : la maîtrise de l’archet – écoutez par
parcourant la Wq 182/6, notamment Schemelli (Leipzig, 1736) auquel Nuti s’attache à exalter leur carac- exemple le finale de la BWV 1014 en
le sautillant Allegro spiritoso conclu- Bach prit une part active. Sur les tère, comme l’attestent la solennité si mineur : les doubles croches sont
sif, échappe lui aussi à la formation soixante-neuf pièces portées à son de l’Ouverture à la française dans bousculées, le ré grave de la me-
amstellodamoise. La comparaison catalogue (BWV 439-507), seules la BWV 828, et les traits propres au sure 30 est asséné trop fort, comme
avec l’Akademie für Alte Musik (HM, trois (BWV 452, 478, 505) sont stylus phantasticus qui fusent dans du reste beaucoup de premiers

74 I
temps accentués sans ménage- véritablement halluciné), les danses Comparée à l’approche très per- a lui-même transcrit pour orchestre
ment au fil du double album. Si rapides fusent, certaines tout à fait sonnelle, maîtrisée jusque dans le à cordes la partie de piano de la
d’autres pages sonnent moins réd- irrésistibles (Gigue de la Suite n° 1, plus infime détail, d’un Pierre Han- Sonate « A Kreutzer » (1803). Elancé,
hibitoires, telle la BWV 1016 malgré Bourrée I de la Suite no 3), et les taï (Opus 111 puis Mirare), cet effa- diaboliquement agile, rayonnant de
toujours quelques emportements pages lentes n’ont rien de pesant cement devant la musique, cette pureté, son violon dialogue donc
inconsidérés, la violoniste affiche ou de sentencieux. volonté de retenue peut passer pour avec un tutti d’archets. Le caractère
généralement une certaine fragilité. Skalka a été à bonne école avec un manque de personnalité. Une tranchant, mordant, tragique et ré-
Dans certains mouvements l’équi- Christophe Coin, auquel il a d’ail- telle assertion se trouvera démen- flexif du conflit (que permettait le
libre avec le clavier se réalise (Alle- leurs succédé comme professeur à tie par la séquence qui conduit de clavier) s’enlise, presque édulcoré
gro de la BWV 1015 ou finale de la la Schola Cantorum de Bâle. Il tire la Variation XVII à la XXII, remar- dans un chatoiement de lumières
BWV 1016, par exemple) ; toute- ici le meilleur parti d’un instrument quable d’aisance dans le toucher factices. On songe immanquable-
fois, les deux interprètes ont parfois de Guarneri (le « Filius Andreae ») et l’enchaînement des idées, ou par ment aux caduques tentatives d’or-
l’air de ne pas se rencontrer (Ada- monté en boyau et superbement la XXX, explosive à souhait. Plutôt chestrer la Sonate pour piano « Ham-
gio de la BWV 1016 en mi mineur), capté. Quelques embardées de que l’immédiateté conquérante ou merklavier » ou le Quatuor à cordes
et l’archet prend fréquemment le l’archet constituent un prix raison- dérangeante, c’est l’équilibre, la op. 131. Beethoven savait ce qu’il
premier plan au détriment du dia- nable à payer pour cette explosion nuance, l’éloquence discrète que faisait lorsqu’il choisissait de se limi-
logue avec le clavier – Andante de de couleurs et d’idées. Le premier Wolfs met au cœur de sa proposi- ter au naturel et à la virtuosité d’un
la BWV 1014 en si mineur ! disque s’ouvre sur une courte im- tion. Jean-Christophe Pucek simple duo violon-piano.
Dommage pour le jeu de Hakkila provisation mêlant Bach et Corelli et Patrick Szersnovicz
bien phrasé, mariant subtilité et pi- se clôt avec un splendide arrange- LUDWIG VAN BEETHOVEN
quant, empreint d’une délicate ago- ment de la Passacaille des Sonates 1770-1827 Y Y Y Y Trios avec piano
gique (le début, au seul pianoforte, du Rosaire de Biber, transposée de Y Y Y Concerto pour violon. op. 81b et op. 38.
du premier Allegro de la BWV 1016) sol mineur à ut mineur. Sonate pour violon et piano no 9 Trio Parnassus,
ou de gestes évocateurs (premier Simon Corley « A Kreutzer » (arr. Radulovic). Madeleine Przybyl (alto).
Allegro de la BWV 1017). Et quelle Nemanja Radulovic (violon MDG (SACD). Ø 2022. TT : 1 h 07’.
magnifique ambiance la musicienne YYYYY Variations Goldberg et direction), Double Sens. TECHNIQUE : 4,5/5
sait créer dans l’Adagio central de BWV 988. Warner. Ø 2022. TT : 1 h 24’. Réunissant la
la BWV 1018 où le violon l’accom- Julien Wolfs (clavecin). TECHNIQUE : 4/5 violoniste Julia
pagne sans tirer la couverture à soi ! Flora. Ø 2020. TT : 1 h 25’. Dans l’Opus 61 Galic, le violon-
Voilà qui laisse l’impression d’une TECHNIQUE : 4,5/5 (1806) qu’il dirige celliste Michael
occasion manquée… Membre de l’en- de l’archet, Ne- Gross et le pia-
Loïc Chahine semble Les manja Radulovic niste Johann
RÉFÉRENCES avec clavecin : Timbres, Julien adopte un style Blanchard, le Trio Parnassus avait
Schayegh/Halubek (Glossa), Wolfs s’était si- extraver ti et enregistré, au début des années
Degand/Cochard (NoMadMusic). gnalé, en soliste, spectaculaire, souvent sans subti- 2000, une intégrale des trios avec
par un récital lité dans le jeu de tension/détente, piano. Cet album y ajoute deux
Y Y Y Y Y Les six Suites Froberger dense mais limpide (Flora, mais d’une impressionnante maî- transcriptions habiles et rares.
pour violoncelle seul. BIBER : 2017, cf. no 663). Cette clarté se re- trise technique. Il s’autorise une Le Trio op. 81b pour alto (ici Made-
Passacaille (arr. Skalka). trouve dans ses Variations Goldberg, grande liberté rythmique et déploie leine Przybyl), violoncelle et piano
Petr Skalka (violoncelle). dès l’Aria fredonnée sans hâte mais une exemplaire palette de nuances est un arrangement par Nikolaus
Claves (2 CD). Ø 2020. TT : 2 h 33’. dynamique, qui va sereinement son dynamiques. En parfaite complicité, Simrock, ami et éditeur de Beetho-
TECHNIQUE : 3,5/5 chemin. C’est que le claveciniste l’ensemble Double Sens (fondé par ven, du bref et juvénile Sextuor
Dans son texte aborde le texte avec franchise et le violoniste en 2008 et augmenté op. 81b (1794, pour deux cors et
de présentation, modestie, sans le brusquer ou le pour la circonstance) rivalise de cou- cordes) dont le côté quelque peu
aussi musicolo- sursolliciter : ni précipitation ni fio- leurs et de puissance. Nous sommes naïf, désuet et décoratif se trouve
gique que spiri- ritures exagérées dans la Variation à des années-lumière de la vision ainsi atténué. La transformation en
tuel, Petr Skalka I, nul claquement de talons dans tout aussi énergique mais autrement trio avec piano du Septuor op. 20
n’est pas le pre- la XVI. aérienne et raffinée de Vilde Frang (1799-1800, pour clarinette, basson,
mier à faire ce constat à propos des Là où certains s’évertuent à démon- avec Pekka Kuusisto (Warner, Dia- cor et cordes) est en revanche due
Suites pour violoncelle : « Il semble trer, Wolfs, lui, joue. Sans faire écran pason d’or, cf. no 717). Sans cesse au compositeur, piqué au vif par
impossible de fixer une interpréta- et sans manières, à l’image de cette projeté brusquement en avant dans l’indélicatesse de l’éditeur Hofmeis-
tion définitive. Elle change de jour Variation VIII toute en glacis trans- les deux mouvements extrêmes, le ter qui s’était permis de publier sans
en jour. » Et son intégrale, d’une parents. D’aucuns reprocheront à discours laisse ici trop peu d’espace son autorisation une version pour
grande originalité, est tout sauf rou- la IV un fractionnement trop pro- à l’unification (entre ornements et quintette à cordes du même opus.
tinière : baroque, en un mot, par noncé, à la VII une certaine indif- mélodie, par exemple) et à l’inté- Beethoven fut tellement satisfait de
son parti pris d’irrégularité, par son férence, à la XV l’oubli qu’elle se gration, qui sont au cœur de l’œuvre sa propre version (pour trio) qu’il la
goût pour les contrastes et les sur- fonde sur des syncopes de doubles et lui donnent tout son sens. Cette fit publier sous un numéro d’opus
prises, mais aussi par son élégance. croches évoquant soupirs et plaintes, lecture théâtrale, parfois dénuée différent.
Travaillée et pensée, cette version à la XXXI de ne pas exhaler la tru- de vie intérieure, pourrait encore Les interprétations du Trio Parnas-
d’une parfaite cohérence n’en perd culence populaire qu’on attend… se défendre si elle n’était grevée sus sont exemplaires par leur trans-
nullement en spontanéité : les coups Mais comment ne pas goûter l’émer- d’un Larghetto doucereux et parence et leur justesse de style et
d’arrêt dramatisent le discours, les gence progressive d’un sentiment à complaisant. d’expression. Notamment celle de
préludes sont d’une folle liberté mesure plus méditatif, plus esseulé Quant au complément, il est aussi l’Opus 38 qui gagne, par rapport
(celui de la Suite no 6 est même dans la XXV ? périlleux que discutable. Radulovic à l’original, en intériorité, et surtout

I 75
Brandt / Brescianello / Chostakovitch / Coleridge-Taylor / Corbetta / D’Ambrosio

un étonnant alliage de densité et GIUSEPPE ANTONIO Genuin (2 CD). Ø 2022-2023. jouant sur la raréfaction autant que
d’aérienne élégance. Le goût et BRESCIANELLO TT : 2 h 27’. sur les paroxysmes, en traduisent
l’imagination des Parnassus y sont CA 1690-1758 TECHNIQUE : 3,5/5 avec une rare intensité l’ascèse et
pour beaucoup. Y Y Y Y Concertos pour violon Fondé en 2000 le désespoir. Leur double album
Patrick Szersnovicz et symphonies pour cordes op. 1 à Bâle dans la livre également deux fragments non
(Livre II). Ouverture-Suite classe de Walter retenus par le compositeur dont
JOBST VOM BRANDT en la majeur. Levin et se per- l’intérêt reste purement musicolo-
1517-1570 Adrian Chandler (violon fectionnant à gique sinon documentaire.
Y Y Y Chansons. NEUSIDLER : et direction), La Serenissima. partir de 2003 à Patrick Szersnovicz
Préludes et danses. Signum. Ø 2023. TT : 1 h 12’. Cologne auprès des Alban Berg, le
Bettina Pahn (soprano), Jeroen TECHNIQUE : 3,5/5 Quatuor Asasello réunit un violo- SAMUEL
Finke (baryton et percussion), Publié à Amster- niste russe, une violoniste suisse, COLERIDGE-TAYLOR
Juliane Laake (viole de gambe), dam par Le une altiste polonaise et un violon- 1875-1912
Joachim Held (luth). Cène, l’Opus 1 celliste finlandais. Jouant réguliè- Y Y Y Y Y Œuvre chorale sacrée
Hänssler Classic. Ø 2022. de Brescianello rement la musique contemporaine et profane.
TT : 1 h 02’. se divise en deux et les classiques du XXe siècle – on London Choral Sinfonia, James
TECHNIQUE : 3/5 Livres, renfer- lui doit une intéressante intégrale Orford (orgue), Michael Waldron.
Le Tenorlied est mant chacun trois concertos pour Schönberg –, il entame une inté- Orchid (2 CD). Ø 2023. TT : 1 h 31’.
un type de chan- violon et trois « sinphonie » pour grale Chostakovitch en regroupant TECHNIQUE : 3,5/5.
son polypho- cordes seules. Dans le premier Livre, les quatuors des années 1960. Y Y Y Y Partsongs.
nique allemande La Serenissima (Signum, 2021) éga- Panache, virtuosité, mordant, pro- The Choir of Kings’ College,
construite sur lait à peine la modeste interpréta- fondeur de champ : les interpré- London, Joseph Fort.
une mélodie pla- tion d’Il Banchetto Musicale (Dyna- tations sont engagées et très res- Delphian. Ø 2023. TT : 46’.
cée au ténor et empruntée le plus mic, 2000). Chandler, carré et solide, pectueuses des caractéristiques TECHNIQUE : 3,5/5.
souvent à la chanson de cour. Ce y rivalisait avec un violon moins af- propres à chaque œuvre. Leur style
genre eut son heure de gloire dans firmé, mais sensible. Bien que de se démarque, de façon plutôt ori-
la première moitié du XVIe siècle, meilleure facture, ce second Livre ginale, tant des légendaires réfé-
particulièrement à Heidelberg au- ne fera pas oublier David Plantier rences russes (les Beethoven, Bo-
tour d’une même génération de avec La Cetra Barockorchester Basel rodine, Taneïev) que des visions
compositeurs : Georg Forster ras- (Glossa, 2004), inégalé dans un plus « occidentales » (Fitzwilliam,
sembla leurs œuvres dans une col- Concerto no 4 en mi mineur à la fois Hagen, Belcea, Pacifica), même si Les parutions se succèdent pour
lection éditée entre 1540 et 1556. sensuel et coloré. les Asasello se rapprochent parfois rendre justice à Samuel Coleridge-
Sur les cinquante et une chansons Brescianello connut probablement davantage de ces derniers. Taylor, métis parvenu à se faire un
de Jobst vom Brandt conservées, Vivaldi en 1714, avant son départ à la Sans toujours chercher à rivaliser nom dans l’Angleterre d’Edouard VII
Joachim Held en propose une quin- cour de Wurtemberg. En témoignent avec l’âpreté, la force d’impact des et jusqu’aux Etats-Unis contre les
zaine. Elles sont ici interprétées à ses emprunts habiles à L’estro armo- Borodine I (Decca), II (Chandos), III préjugés liés à sa couleur de peau,
une voix avec luth, les autres voix nico et à La stravaganza dans les (Melodiya) ou des Prazak (Praga Di- mais dont la postérité n’avait retenu
de la polyphonie étant redistribuées Concertos nos 5 et 6. L’influence fut gitals) dans le Quatuor no 8 (1960), que la cantate elgarienne Hiawa-
à cet instrument, parfois aidé d’une cependant fugace – nulle trace du ni avec la cinglante rugosité des tha’s Wedding Feast (1898). Deux
viole. style tardif vivaldien dans l’Opus 1 Beethoven (Melodiya) dans le no 12 nouveaux enregistrements réalisés
Le résultat peine à convaincre. Si on de Brescianello, publié pourtant en (1968), ils réussissent particulière- par des ensembles londoniens confir-
loue la belle sonorité du luth, celui- 1738. Dans leur perspective harmo- ment le no 10 (1964), tels les Fitzwil- ment les qualités d’une production
ci manque de phrasé et tend à traî- nique, ces pages élégantes expri- liam (Decca). La vérité sans fard de chorale très bien écrite.
ner constamment. La soprano Bet- ment plutôt une rigueur germanique ces trois chefs-d’œuvre essentiels Coleridge-Taylor a hérité de son
tina Pahn, qui chante la plupart des alla Pisendel. Les « sinphonie » rap- s’exprime sous leurs archets avec maître Stanford l’art de bâtir sur
pièces, agace par une emphase et pellent les Introduzioni teatrali (1735) une belle rigueur analytique. l’orgue de solides « services » angli-
un vibrato omniprésents qui nuisent de Locatelli. Les thèmes mélodiques Dans les nos 7 (1960) et 11 (1966), la cans pour la prière du matin (Jubi-
à la simplicité de ces pages et leur restent prévisibles. puissance du geste s’accompagne late Deo, Benedictus et Te Deum)
confèrent un caractère trop fabriqué. L’Ouverture à la française en la ma- de beaucoup de subtilité, un peu et celle du soir (Magnificat et Nunc
Quelques pièces pour luth de Hans jeur, suivie d’une Suite de danses, comme chez les Hagen (DG) mais dimittis). Ces compositions sont ha-
Neusidler (ca 1508-1563) encadrent a davantage de charme. Savourez sans la même finesse de sonorités. bitées par une lumière romantique
les chansons de son contemporain. ces amusants effets de musette dans Exemplaire, l’approche du no 9 (1964) ardente que la London Choral Sin-
Elles n’apportent aucun éclairage le Menuet, cette Aria bien scandée ! est pleine de contrastes exacerbés. fonia met bien en valeur, comme
tant leur invention mélodique est Sans tension ni empressement, La Elle met bien à nu l’oscillation quasi elle flatte l’habileté d’un O Ye that
proche du néant (surtout en com- Serenissima, à son meilleur, est gui- permanente entre introspection, Love the Lord inscrivant le « Mahler
paraison avec les sources françaises dée par une sorte de douce non- révolte et humour sardonique qui noir » dans la filiation de Mendels-
et italiennes de l’époque). Pour ne chalance. Roger-Claude Travers singularise cette partition de tran- sohn davantage que dans la proxi-
rien arranger, une percussion tout sition, plus importante qu’il y paraît. mité suggérée par son surnom.
à fait superflue empâte les danses. DIMITRI CHOSTAKOVITCH Dans l’austère et sombre Quatuor Le second CD du double album est
On ne comprend guère la fascina- 1906-1975 no 13 (1970), d’un seul tenant, af- consacré au versant profane. Mi-
tion de Held pour ces différentes Y Y Y Y Y Quatuors à cordes fleure la tentation de l’atonalité et chael Waldron et son ensemble il-
pièces sans grand intérêt. A réser- nos 7 à 13. Quatuor inachevé. de l’usage, comme dans le no 12, lustrent les facilités avec lesquelles
ver aux fanatiques des répertoires Fragment de quatuor. de séries de douze sons. Les Asa- Coleridge-Taylor compose pour le
allemands. Clément Stagnol Quatuor Asasello. sello, tranchants comme l’acier et chœur a cappella. Souvent dans des

76 I
miniatures, parfois dans des formes compositeur italien mort l’année
un peu plus déployées, comme Sea précédente. Sony Classical
Drift à huit voix et Whispers of Sum- Passons sur les quatre airs vocaux,
mer à quatre, chansons polypho- ni intéressants ni bien mis en valeur.
niques parcourues par un souffle Nous reviendrons surtout aux pages Le premier album
maritime exquis. déjà citées, pour nous les mieux
De son côté, le Chœur du King’s venues, et à Rolf Lislevand (ECM, de la nouvelle et prodigieuse…
College de Londres propose en par- Diapason d’or de l’année 2016).
tie le même programme profane, Frédéric Degroote
présentant sous l’étiquette « pre-
miers enregistrements » des part- ALFREDO D’AMBROSIO
songs que la London Choral Sinfo- 1871-1914
nia venait de graver un mois plus Y Y Y Y Suite pour quintette
tôt, et dans une image sonore un
peu plus léchée… L’album (au minu-
à cordes op. 8. Quatuor à cordes
op. 42. En badinant. Valse
« Venice »
tage bien chiche) vaut tout de même intermède. Pavane. Rêve pour
le détour, ne serait-ce que pour quintette avec contrebasse.
s’adonner au jeu des comparaisons Friedrich Thiele (violoncelle),
et pour admirer l’énergie du colle- Mio Tamayama (contrebasse),
giate choir étudiant (à ne pas Quatuor Archos.
confondre avec les bambins de Cam- Tactus. Ø 2022. TT : 1 h 12’.
bridge). On y découvrira surtout TECHNIQUE : 4/5
quelques vrais inédits, dont le noc- Après les pages
turne Isle of Beauty, The Fair of Al- pour violon et
machara avec ses sonorités de fan- piano et, surtout,
fare, enfin les belles arches de deux concertos
Requiescat. Benoît Fauchet pour violon (cf.
no 723) d’Alfredo
FRANCESCO CORBETTA d’Ambrosio, nous découvrons ici
1615-1681 deux importantes partitions cham- Connue pour sa musicalité intrépide et sa sincérité
Y Y Y Y « La Guitarre Royalle ». bristes de ce violoniste et compo-
Simone Vallerotonda (guitare siteur napolitain tôt établi en France,
presque irrésistible, Anastasia présente un album au
baroque, théorbe, direction), où il se partagea entre Paris et Nice. concept éclectique qui explore les multiples facettes
Bor Zuljan (guitare baroque), La Suite pour quintette à deux vio-
I Bassifondi. loncelles (1900) séduit par son ly-
de son art et de sa relation avec la ville de Venise.
Arcana. Ø 2023. TT : 55’. risme accessible et une Berceuse
TECHNIQUE : 4/5 particulièrement émouvante. Plus Son album propose une conversation personnelle
De Francesco ambitieux, le Quatuor op. 42 (1908) et émouvante entre le passé et le présent vénitien
Corbetta, sans monte que d’Ambrosio était au fait
doute le plus des œuvres majeures de ses contem- avec un répertoire allant de la Renaissance de
français des gui- porains. L’ombre de Franck plane Claudio Monteverdi et John Dowland au XXIe siècle
taristes italiens sur cette construction élaborée,
du XVII e siècle, tandis que ses harmonies attestent de Brian Eno et Caroline Shaw partagé d’œuvres
Simone Vallerotonda et ses Bassi- l’influence de Debussy. Courtes et de Gabriel Fauré et Nino Rota ainsi que
fondi ont sélectionné une vingtaine faciles, charmantes mais vite ou-
d’œuvres résumant sa production bliées, les quatre pièces en quin- des concertos de Vivaldi et de Bach.
musicale, de la première publica- tette avec contrebasse glissées en
tion bolonaise en 1639 aux deux complément s’apparentent davan-
volumes parisiens de la Guitare tage à la musique de ville d’eau,
royale parus en 1671 et 1674. comme le laissent deviner des titres
Ce diptyque combine les influences aguicheurs.
espagnoles, italiennes et françaises, Formé auprès des Alban Berg et
Corbetta passant de la danse au des Melos, le Quatuor Archos se
duo contrapuntique plus savant penche sur ces partitions avec au-
pour deux guitares. Les pièces du tant de curiosité que de sérieux.
recueil de 1674 retiennent particu- Homogénéité, recherche de timbres
lièrement l’attention avec un Concert (notamment dans la Berceuse de
en e mi la dans lequel Bor Zuljan l’Opus 8), dynamisme sont au ren-
se joint à Simone Vallerotonda, leur dez-vous : le meilleur moyen de
dialogue culminant dans le Menuet rendre à ces pages, certes pas es-
final. C’est aussi Zuljan, seul, qui, sentielles mais superbement écrites,
de son touché racé, perce jusqu’au leur place dans le paysage musical
fond du cœur dans le Tombeau que d’une époque particulièrement fé-
Robert de Visée dédie en 1682 au conde. Jean-Claude Hulot
Dandrieu / Dufourt / Dvorak / Franck

CHORALMANIA JEAN-FRANÇOIS Valentin Mansard, Kotoko


par Benoît Fauchet
DANDRIEU Matsuda, Manon Delort, Vadim
1682-1738 Saukin, An Chen Jasmin Zhang,
▸ La Sportelle explore a cappella le thème de la lumière,
Y Y Y Premier Livre de pièces Hongye Liu, Rodolfo Faistauer,
de l’étoile de Noël jusqu’à la clarté du repos éternel, en passant
d’orgue. Pierre Rouinvy (piano).
par les ténèbres de la Passion du Christ. Basé à Rocamadour,
Pieter-Jan Belder (orgue). Coviello (2 CD). Ø 2022.
le chœur est naturellement à son aise dans quatre motets
Brilliant (2 CD). Ø 2019. TT : 2 h 02’. TT : 1 h 42’.
de Poulenc aux lignes bien définies et animées, attaquées avec
TECHNIQUE : 3/5 TECHNIQUE : 3/5
netteté. Il défend avec le même engagement Victoria,
A côté des trois Huit jeunes inter-
Tallis, Bruckner, Rheinberger et le compositeur belge
Livres de pièces prètes issus de
Vic Nees (1936-2013), dont le De profundis atteste
pour clavecin l ’A c a d é m i e
une expressivité saisissante. Belles performances
de Dandrieu (cf. supérieure de
individuelles dans le Lux aeterna tiré du « Nimrod »
no 730), Pieter- musique de
des Variations Enigma d’Elgar, et adagio aussi
Jan Belder enre- Strasbourg enre-
poignant que redoutable d’exécution. La soprano
gistre son Premier Livre de pièces gistrent, sous la supervision de leur
Laetitia Corcelle soigne particulièrement la construction
d’orgue, publié de manière pos- professeur Amy Lin, l’œuvre pour
et l’exécution d’un programme balisé par le chant grégorien
thume en 1739. Dans ce recueil de piano d’Hugues Dufourt. Heureuse
(« Lux », Rocamadour, Y Y Y Y Y ).
soixante-trois pièces dans les tons initiative, tant la réalisation reflète
▸ Le plain-chant habite aussi le troisième disque du chœur de ré, sol et la, majeur et mineur, le caractère minéral et tranchant,
de chambre Dulci Jubilo, construit autour de deux organistes, chacune des six Suites « commence mais aussi la jubilation dionysiaque,
Thierry Escaich en compositeur, son cadet Thomas Ospital par un offertoire, après lequel incandescente, de cette musique.
comme interprète et improvisateur – l’alternance de ce dernier viennent plusieurs pièces séparées, Les trente minutes de l’imposant
avec les voix dans le Magnificat du ton pérégrin et finit par un Magnificat du même Erlkönig (2006) plantent d’emblée
est de toute beauté, sur le grand instrument ton », indique l’avertissement. Si cer- le décor, par des accords puissants
de Saint-Eustache. La formation de Christopher Gibert taines pièces ont de quoi surprendre et lumineux qu’anime un rythme
déclame avec beaucoup de clarté les mots du poète (Duo en cors de chasse sur la trom- iambique résonant ici comme un
Alain Suied dans les Trois motets (1998) à douze voix pette ou les deux Musettes), la plu- glas. La mélodie apparaît sous forme
d’Escaich, chef-d’œuvre d’abord liquide, puis plus part sont assez classiques et simi- d’arabesques furtives ou, de façon
rythmique et enfin organisant une course folle du chœur avec laires dans l’écriture : s’y retrouvent sous-jacente, par la connexion que
les claviers. Inédite au disque, la Messe romane (2014) à double les habituels plein jeu, fugue, basse l’écoute établit entre les voix des
chœur est moins marquante : la découverte confirme le talent de cromorne, duo, trio, récit, tierce accords. La répétition hypnotique
du compositeur pour jeter voix et orgue dans des joutes en taille, etc. Toutefois, Dandrieu se de motifs renvoie curieusement à
spectaculaires (« Le Souffle de l’âme », Anima Nostra, Y Y Y Y ). distingue de ses contemporains par Feldman. Jean-Pierre Collot (Win-
▸ Elevé dans une culture franco-hongroise, Bruno Kele-Baujard une légèreté (non dénuée de solen- ter & Winter) y adoptait un phrasé
consacre le second disque de son Ensemble Zene (zene nité) moins marquée chez Couperin plus articulé, presque déclamatoire,
signifiant musique en hongrois) à des œuvres de Ligeti, ou Grigny, par exemple. creusait davantage les contrastes
qu’il inscrit dans la descendance de Kodaly et Bartok. Ce défi, L’organiste néerlandais a choisi pour dynamiques et accentuait la ségré-
redoutable pour un chœur non magyarophone, son enregistrement l’instrument de gation des plans. Si elle semble sur
est relevé haut la main : un chant assez libre, rond l’église Saint-Côme-et-Saint-Damien la défensive, Hongye Liu se montre
et vivant vient ici caractériser les tableaux paysans de Vézelise, dû à Georges Küttin- plus précise dans la conduite des
variés et à voix mixtes de Matrai kepek (Kodaly) ger (1779). Ses sonorités colorées et flux rapides et le contrôle de leur
comme, avant eux dans la généalogie, les mâles pleines de caractère mettent bien résonance. Elle soigne aussi la
Quatre chansons populaires hongroises anciennes cette musique en valeur, même si l’on construction acoustique d’accords
(Bartok). Avec Ejszaka (Nuit) et Reggel (Matin), le groupe relève quelques problèmes d’accord, volontiers envisagés comme des
voit poindre les audaces micropolyphoniques que sublime, notamment sur les jeux d’anche. mixtures.
à l’horizon, un Lux aeterna flottant dans des rais de lumière. Sans véritable faute de goût ou de Dans An Schwager Kronos (1994),
L’album est court mais s’offre, sur les plateformes, le bonus style, l’interprétation de Belder, un où se manifestait déjà le tropisme
d’une chanson folk et jazzy emplie de mélancolie peu maniérée parfois, laisse pourtant schubertien de Dufourt, Pierre
(« Hungarica », Aparte, Y Y Y Y Y ). l’auditeur sur sa faim. En cause, un Rouinvy déploie un jeu puissant,
▸ On sait l’amour que Brahms vouait à la musique tzigane, jeu assez plat, sans réelle prise de mais la course folle du postillon
qui ne s’est pas seulement manifesté dans les Danses hongroises risque ni dans l’ornementation, ni Chronos menant son passager aux
mais, côté chœur, dans ses Zigeunerlieder voire quelques dans les tempos, ni dans les regis- portes de l’enfer est un peu freinée
Liebeslieder-Waltzer : c’est sur ces pages que Gildas Pungier trations. Vu la similarité des pièces, par un léger manque de souplesse.
s’appuie pour construire le récital de son chœur on serait en droit d’attendre plus La tension qu’appelle Reine Span-
de chambre Mélisme(s). La clarinette (alerte et fleurie), d’inventivité ; l’inégalité des notes nung (2015) s’incarne dans une éner-
l’accordéon et la contrebasse du BanKal Trio renforcent pourrait être mieux exploitée et le gie frontale que restitue Kotoko
la touche gipsy de l’aventure, dans des lieder arrangés caractère davantage marqué. Une Matsuda. Cela au prix d’une cer-
ou morceaux traditionnels ajoutés. L’ensemble lenteur prudente pèse sur la majeure taine dureté estompée, au centre
ne manque pas de goût, même si le disque, qui partie du recueil, et finit par lasser. de la pièce, par des résonances à
a tendance à surexposer les limites individuelles des chanteurs, Charles Seinecé la respiration plus ample.
ne rend peut-être pas pleine justice au piquant du concert Conçus pour être intercalés entre
(« Brahms le Tzigane », Ad Vitam, Y Y Y ). HUGUES DUFOURT deux Préludes puis deux Etudes
NÉ EN 1943 de Debussy, Vent d’automne (2011)
Y Y Y Y Y L’œuvre pour piano seul. et Tombeau de Debussy (2018) se

78 I
gardent de toute référence expli- approche d’allure mesurée ne re-
cite à l’illustre aîné. Séquences nonce pas à toute vigueur ou robus-
d’arabesques rapides suivies de
résonance et successions d’accords
tesse. Mais elle préfère à l’élan ryth-
mique des danses le déroulement .$8)0$11 :$*1(5 3$56,)$/
en choral permettent respective- paisible d’une série de vignettes
ment à Vadim Saukin de colorer symphoniques où règnent bonho-
les registres et les dynamiques, et mie, tendresse, poésie et nostalgie
à Valentin Mansard de différencier sans sensiblerie, et qui ne sont pas
les harmonies par une gradation sans faire penser à la version Talich
de la brillance. de 1950. Si cela convient mieux au
Le calme de Meeresstille (1997) tempérament globalement plus ly-
– Goethe et les compositeurs ro- rique de l’Opus 72 ainsi qu’aux deux
mantiques déjà – est anxieux et sousedskas – danses lentes à trois
mène vers une pesanteur croissante. temps – que sont les nos 4 et 6 de
Rodolfo Faistauer s’y montre vif et l’Opus 46, l’ensemble se tient à un
sensible, attentif à l’aura des réso- haut niveau sans autre faille qu’une
nances graves. On lui préfère le prise de son trop lointaine dans les
phrasé plus enveloppant de Jean- tutti. Simon Corley
Pierre Collot, ainsi que l’absence
de précipitation dans l’articulation CÉSAR FRANCK
du rythme iambique qui rappelle 1822-1890
cette fois celui des Pas dans la neige Y Y Y Prélude, choral et fugue.
de Debussy, peut-être augmenté Trois chorals (trans. Selva).
d’un souvenir diffus de la septième SELVA : Cloches au soleil,
Notation de Boulez. Paysage au soleil couchant.
Pierre Rigaudière Jean-Claude Vanden Eynden
(piano).
ANTONIN DVORAK Le Palais des dégustateurs.
1841-1904 Ø 2023. TT : 1 h 06’.
Y Y Y Y Y Danses slaves TECHNIQUE : 3/5
op. 46 et 72. Velouté, fluide, le
Orchestre symphonique toucher de Jean-
de Prague, Tomas Brauner. Claude Vanden
Supraphon. Ø 2021. TT : 1 h 19’. Eynden fait son-
TECHNIQUE : 3,5/5 ner le piano avec
Il n’est pas de une douceur
chef ou d’or- exempte de tout m’as-tu-vu. Mais
chestre tchèque ce toucher est toujours le même.
qui n’ait enregis- L’unité, c’est bien ; l’uniformité un
tré les deux re- peu moins, surtout pour des archi-
cueils de Danses tectures aussi segmentées que celles
slaves, et ce parfois même à plu- de Franck.
sieurs reprises. Tomas Brauner, di- Le Premier Choral est caractéris-
recteur musical depuis 2020 du tique de ce nivellement. Blanche ALBUM EN FORMAT CD ECOLBOOK CARTONNÉ AVEC 4 DISQUES AUDIO,
Symphonique de Prague, rejoint à Selva (1884-1942) y transpose les UN LIVRET DE 284 PAGES ÉCRIT EN TROIS LANGUES (FRANÇAIS, ALLEMAND, ANGLAIS) AVEC
son tour ses aînés, chez un éditeur changements de claviers de l’orgue, DES NOTES (DONT UNE DE PHILIPPE JORDAN), LE SYNOPSIS ET DE NOMBREUSES PHOTOS…
qui possède déjà à son catalogue marqueurs des divers groupes thé-
bon nombre de versions de réfé- matiques, par la nuance, le caractère
rence, de Talich à Mackerras en ou le toucher : des indications comme Jonas Kaufmann chante le rôle-titre de l’opéra culte
passant par Ancerl, Sejna et Neu- « plus clair » sont d’autant plus impor- de Richard Wagner au sein d’un casting haut de gamme
mann. Cette nouvelle intégrale sus- tantes qu’on navigue entre le piano dans un nouvel enregistrement événement issu
citait donc des craintes moins pour et le pianissimo… Vanden Eynden de représentations au Wiener Staatsoper sous la direction
son caractère idiomatique que pour ne s’en embarrasse guère : toute de Philippe Jordan et mis en scène par Kirill Serebrennikov.
sa capacité à tenir à tête à de si la pièce, fortissimos compris, sonne
forts antécédents. comme une interminable mélodie Acclamé par la presse mondiale qui n’a cessé de souligner
De fait, ce diptyque qui s’apparente continue, aux flaccidités gentilles, la richesse des nuances de ses interprétations,
à une randonnée pastorale, peut- et dont les différents éléments si Parsifal continue de fasciner le public jusqu’à aujourd’hui
être rustique mais certainement pas soigneusement agencés par le com- grâce à son mysticisme lié au Graal,
rustaude, ne manque pas d’authen- positeur se retrouvent indifférem- à son symbolisme chrétien et à ses questions sous-jacentes
ticité. On s’y attarde volontiers pour ment dévidés, mezza voce, comme sur la culpabilité et l’expiation.
goûter quelque contrechant des un chapelet de lieux communs dans
cordes ou sonorité truculente des une chambre de malade.
vents. Instrumentalement plus so- Le Prélude, choral et fugue est plus
lide que flamboyante, cette habité mais on y retrouve la même
6257,( (5 0$56 
Giardini / Graun / Grieg / Hasse / Haydn

Au rang des individualités, on ap-


Nouveauté précie la flûte de Manuel Grana-
tiero dans les quintettes pour flûte,
banalité thématique et le côté « pièce de carac- hautbois, violon, alto et clavecin
EDVARD GRIEG tère » de ses deux mouvements centraux. de Johann Christian Bach, sans
1843-1907
Autant de défis que les Modigliani relèvent avec doute les pages les plus intéres-
Quatuor à cordes. SMETANA :
santes de l’album. On n’en retour-
Quatuor à cordes no 1 « De ma vie ». une prise de risque maximale. Jamais avant
nera pas moins à Musica Gloria pour
Quatuor Modigliani. eux nous n’avions entendu ces pages irradier
Mirare. Ø 2022. TT : 1 h 03’. une approche toute aussi récente
couleurs, flammes et tourbillons avec une telle et plus chaleureuse (« The Bachs
TECHNIQUE : 4,5/5
profusion. Ces ondes violentes que veinent & the Flutes », Pan Classics) de
Enregistré par Hugues Deschaux à Hohenems
d’impalpables nuances ne sont-elles pas le lan- l’Opus 11 no 6.
(Autriche) en décembre 2022. Cette captation
en grande proximité offre des contours précis, gage même de la passion et des regrets ? D’une Frédéric Degroote
dans une image très cohérente et homogène. prodigieuse sensualité, les quatre archets,
Timbres admirablement restitués. L’équilibre dans une ampleur ouvertement symphonique, CARL HEINRICH GRAUN
parfait entre les quatre instruments permet exaltent les affects sans que rien de la structure 1704-1759
une expérience sonore immersive.
ne soit sacrifié. Leur art subtil de la respiration Y Y Y Y Silla.
et des contrastes impressionne. Bejun Mehta (Silla), Valer Sabadus

B
elle idée que ce couplage inédit de deux De même, les éléments populaires instillés (Metello), Hagen Matzeit (Lentulo),
quatuors à cordes quasi contempo- Samuel Mariño (Postumio),
dans l’un et l’autre quatuors prennent ici un
Eleonora Bellocci (Ottavia),
rains (1876 et 1878). Grieg et Smetana relief inédit : écoutez la pulsation superlati-
Roberta Invernizzi (Fulvia),
y dressent chacun un autoportrait vement élégante de la difficile Romanze chez Mert Süngü (Crisogono),
intime : doutes et désillusions conjugales chez Grieg, les savoureuses sonorités Hardanger Chœur Maghini, Orchestre
l’un, atteinte définitive de surdité et blocage que gagnent les trios de l’Intermezzo, ou, chez du Festival d’Innsbruck,
créatif chez l’autre. Pour traduire cette intense Smetana, le théâtre évocateur de la Polka ! Alessandro De Marchi.
subjectivité et affirmer leur forte volonté Tout cela, sans une once de pathos, de sen- CPO (3 CD). Ø 2022. TT : 3 h 11’.
d’émancipation nationaliste, ils délaissent les timentalité, assure un profilage psycholo- TECHNIQUE : 3,5/5
modèles dominants au profit de constructions gique aussi juste que bouleversant. Moins Frédéric II choya
plus personnelles. bien servi par le disque, le qua- l’Opéra de Berlin
Blocs sonores, ruptures, tuor de Grieg trouve ici sa réfé- comme son en-
silences, texture « orchestrale » rence, malgré les excellentes fant, jusqu’à col-
d’une densité inhabituelle laborer à l’œuvre
mais plus austères versions des
de Graun : le roi
(doubles et triples cordes en Kontra (Bis), Leipzig (MDG) ou fournissait une base dialoguée en
abondance), rappels cycliques y Petersen (Capriccio). Dans « De prose française que le librettiste
prennent une place inédite. La ma vie » de Smetana, l’incan- traduisait en vers italiens. Tel fut le
postérité favorisera le Quatuor descence des Modigliani fait cas de Coriolano (1749), du fameux
en mi mineur de Smetana aux jeu égal avec les Haas (Supra- Montezuma (1755) ou de Silla (1753),
dépens de l’Opus 27 de Grieg phon), Takacs (Hyperion) ou inédit au disque. Ce drame de la
auquel d’aucuns ont pu repro- Prazak (Praga). C’est tout dire. conspiration, mêlant passions et
cher, injustement, une certaine PLAGE 3 DE NOTRE CD Pascal Brissaud discours sur le pouvoir, est mono-
polisé par les voix aiguës, suivant
le goût du prince. Face à Octavie
absence sidérale de sens de la forme, FELICE GIARDINI Opus 111. Le premier, déjà, mettait (amante de Posthumius, désirée par
tant dans son aspect structurel que 1716-1796 à l’honneur Giardini, compositeur Sylla) et à sa mère, le dictateur et
narratif : le refus paradoxal de toute Y Y Y Quatuors avec clavecin italien à la carrière essentiellement les sénateurs sont dévolus à des
texture symphonique et de tout op. 21 nos 1 et 6. Quatuor londonienne, et présentait son Qua- castrats.
dramatisme, le soulignement d’élé- avec hautbois op. 23 no 6. tuor op. 21 no 6 pour violon, alto, Le choix, risqué, a été de confier
ments secondaires au détriment de J.C. BACH : Quintette pour flûte, violoncelle et clavecin. La compa- ces figures masculines à des fal-
l’ossature, les transitions molles entre hautbois, violon, violoncelle raison n’est pas à l’avantage de la settistes. Au second plan, Hagen
prélude et choral comme entre cho- et clavecin op. 22 no 1. Quintette nouvelle gravure. Dans cette pièce Matzeit (coloris attachant) et Valer
ral et fugue, sans compter les faux pour flûte, hautbois, violon, où le clavecin devient un instrument Sabadus (assez dépassé par l’ex-
accents du motif initial, poussent alto et continuo op. 11 no 6. soliste à part entière, la ligne était, hortation civique avec orchestre)
l’intériorité jusqu’à l’anesthésie. Les L’Astrée. il y a trente ans, tenue, l’autorité restent honnêtes. Mais Samuel Ma-
deux compositions de la pianiste CPO. Ø 2021. TT : 1 h 14’. assise, le collectif touchant. Toutes riño réduit le rebelle Posthumius
auvergnate sont jouées sans plus TECHNIQUE : 3/5 ces qualités font en 2021 cruelle- à un bibelot affolé : raideur, épar-
de relief : avant que d’interpréter Formé à Turin en ment défaut, dans une acoustique pillement, notes piaillées ou peu
Blanche Selva, Vanden Eynden au- 1991, l’ensemble par ailleurs mal définie. L’autre qua- justes. Fâcheux apparaît alors le
rait bien fait de l’écouter (Solstice, L’Astrée a consa- tuor du même opus (avec un Alle- déséquilibre du duo avec Octavie,
Diapason d’or). Pour entendre ces cré à la musique gro assai comique !) est mieux venu, et fatale la comparaison avec Julia
pièces, on retournera donc plutôt galante et clas- quand l’Opus 23 no 6 avec hautbois, Lezhneva (dans son récital consa-
à l’album de Laurent Martin (Ligia). sique plusieurs certes redoutable, s’appesantit et cré à Graun, Decca) pour « No, no,
Paul de Louit disques, et ce dès 1996 chez manque de finesse. di Libia ».

80 I
Le rôle-titre (créé par Carestini) bé- distinction sensible de ces formes, populaires de Métastase, l’ouvrage incursions dans le grave ni les va-
néficie, lui, de l’intelligence musi- l’inquiétude sous le faste, le dialogue déroule une musique très imagina- riations risquées.
cale et poétique de Bejun Mehta, inlassable avec les chanteurs. tive s’éloignant çà et là des canons La voix de la jeune Dorothea
même si la voix n’est plus à son zé- Jean-Philippe Grosperrin de l’opera seria (les chœurs) tout Röschmann n’a pas encore toute sa
nith. La superbe méditation qui clôt en transfigurant les passages obli- pulpe, mais déjà l’assurance de la
l’acte I (grand accompagnato puis JOHANN ADOLF HASSE gés, comme dans ce « Siam navi grande mozartienne. Si Catherine
onze minutes de haut lyrisme) cap- 1699-1783 all’onde algenti » avec son étonnant Robbin bouscule souvent plus qu’elle
tive, comme le duetto violent avec Y Y Y L’Olimpiade. basson concertant à la fois gogue- n’incarne, Christoph Prégardien est
Octavie. Cet autre rôle, conçu pour Christophe Prégardien (Clistene), nard et implacable. C’est aussi le un idéal de baryténor baroque, raf-
la star de Berlin, Giovanna Astrua, Catherine Robbin (Aristea), dernier opéra du compositeur pour finé, solide sur la toute la tessiture
sied à Eleonora Bellocci : des aci- David Cordier (Megacle), la cour de Dresde (où il fut créé en (n’étaient quelques hasardeux sauts
dités certes, une noblesse relative, Randall Wong (Licida), 1756), la guerre de Sept Ans met- dans l’aigu), au chant caressant et
mais un chant à la fois expert et Dorothea Röschmann (Argene), tant fin à trois décennies de condi- impérieux. Carton jaune pour l’édi-
ardent, un verbe vigilant. Steven Rickardts (Aminta, tions très favorables. teur qui soigne l’iconographie mais
Parmi les comparses, la palme ne Alcandro) Capella Sagittariana L’équipe ici captée en 1992 défend se contente de traduire le livret (ita-
va pas à Roberta Invernizzi (la voix Dresden, Frieder Bernius l’œuvre avec ferveur même si l’in- lien) en allemand.
ne suit qu’inégalement les inten- Profil Hänssler (2 CD). Ø 1992. terprétation sonne assez datée. Guillaume Saintagne
tions de l’artiste) mais au confident TT : 2 h 10’. Equilibrée, la direction de Frieder
de Sylla : Mert Süngu séduit par TECHNIQUE : 4/5 Bernius flatte une écriture orches- JOSEPH HAYDN
sa franchise, son sens du théâtre, Les amateurs de trale abondante pour tous les pu- 1732-1809
la beauté étincelante de son ténor Hasse doivent pitres, malgré des cordes acides Y Y Y Concerto pour violon no 4.
(l’air du II !). faire contre mau- et une basse continue trop dis- M. HAYDN : Concerto pour
Cependant, le héros pourrait bien vaise fortune crète. Les sopranistes d’alors dé- clavecin et alto.
être ici l’orchestre. Au niveau de ce bon cœur et, rangent aujourd’hui nos oreilles Ryo Terakado (violon, alto),
que réussissait René Jacobs pour parfois, se par leurs aigus perce-tympans et Noriko Amano (clavecin et
Cleopatra e Cesare (HM), Alessan- contenter de peu. Après Attilio Re- une technique fragile, même si direction), Orchestre de chambre
dro De Marchi et son ensemble golo (cf. no 661), voici donc venir Randall Wong et David Cordier Perles du baroque.
servent, sans confondre nerf dra- un autre live dresdois, L’Olimpiade. ont pour eux une ligne de chant Challenge. Ø 2022. TT : 51’.
matique et gesticulation, la Sur un livret parmi les plus délicate et n’esquivent ni les TECHNIQUE : 3/5

Michel Portal
Michel Dalberto
BERG • BRAHMS
POULENC • SCHUMANN

Une éternelle
jeunesse !

CONCERT EXCEPTIONNEL
© Cyrille Guir

Vendredi 8 mars, Arsenal de Metz

I 81
Haydn / Jarrell / Korngold / Lassus

Premier violon à ces réalisations mais produit un incertaine (no 4), ne sont pas les plus Haydn a joué un
de prestigieuses son bien gras, à commencer par inspirés. Sans parvenir à convaincre rôle fondateur
formations ba- celui du clavecin de Noriko Amano, qu’il s’agit de chefs-d’œuvre, Tho- dans l’évolution
roques (La Petite et donne l’impression que les cinq mas Albertus Irnberger, servi par de la symphonie
Bande, Les Arts instruments à cordes de Perles du une excellente prise de son, sait les et du quatuor,
Florissants, La baroque sont un ensemble sympho- mettre en valeur par sa justesse, sa mais sa contribu-
Chapelle Royale), Ryo Terakado a nique. Simon Corley sonorité et son phrasé. La Philhar- tion à la sonate pour clavier, qui
choisi parmi les trois concertos de monie de chambre dacapo de Mu- couvre près de quarante ans de son
Haydn qui nous sont parvenus celui YYYY Concertos pour violon nich est à l’avenant, tour à tour en- activité créatrice, ne doit nullement
dont l’attribution est parfois contes- nos 1 et 4. Concerto pour violon traînante et expressive sous la être négligée.
tée. Irréprochable d’un point de vue et pianoforte. direction de Franz Schottky, de La première question à résoudre
technique comme stylistique, il tire Thomas Albertus Irnberger même que Barbara Moser au cla- est celle du champ : parmi les
le maximum de cette œuvre assez (violon), Barbara Moser vier dans l’unique et rare Concerto soixante-deux sonates identifiées
convenue, parvenant même à faire (pianoforte), Philharmonie pour violon et pianoforte. Une réa- par Christa Landon, dont huit per-
étinceler le finale. de chambre dacapo de Munich, lisation très recommandable pour dues et certaines d’attribution dou-
Ecrit quelques années plus tôt, aux Franz Schottky. qui voudrait explorer ces régions teuse, Daniel-Ben Pienaar en retient
alentours de 1760, le Concerto pour Gramola (SACD). Ø 2022. TT : 57’. moins connues et moins indispen- quarante-huit et ajoute, en bonus,
clavecin et alto de Michael Haydn TECHNIQUE : 4,5/5 sables du vaste catalogue haydnien. les Variations en fa mineur. Cette
ne déploie pas davantage d’origi- Parmi les concer- Simon Corley large sélection (totalisant près de
nalité, au-delà de son inhabituel tos de Haydn, dix heures de musique) montre que
assemblage soliste. Seul le Prestis- ceux destinés au Y Y Y Y Y 48 Sonates pour piano. même les premiers jalons sont loin
simo conclusif tire l’auditeur de sa violon, datant de Variations en fa mineur. d’être insignifiants, telles la Sonate
léthargie. L’acoustique fort géné- ses premières Daniel-Ben Pienaar (piano). Hob XVI/2, avec son poignant Largo
reuse d’une église de Haarlem années à Este- Avie (8 CD). Ø 2020. TT : 9 h 38’. en sol mineur, ou la scarlattienne
confère certes beaucoup de chaleur rhazy et parfois d’attribution TECHNIQUE : 3,5/5 Hob XVI/13. Il y a là de quoi inciter
celui qui ne serait pas familier de
ces œuvres à s’engager dans un par-
Nouveauté cours hautement stimulant.
Tout du long, pas la moindre chute
Quatuor à cordes op. 16 fut créé en 1924 par de tension : sans y insister excessi-
ERICH WOLFGANG les Rosé auxquels il est dédié. Terriblement exi-
vement, le pianiste sud-africain ne
KORNGOLD geantes sur le plan technique, ces deux parti-
gomme pas les aspérités, la moder-
nité et le côté parfois provocant,
1897-1957
Quintette avec piano op. 15. tions requièrent des interprètes capables d’en voire la dimension virtuose, avec un
Quatuor à cordes no 1. dépasser la complexité d’écriture pour en resti- goût certain pour les tempos ra-
Severin von Eckardstein (piano), tuer le lyrisme débordant. pides dans les finales. Même dans
Quatuor Alma. Les Alma avaient précédemment enregistré les les dernières sonates, où la concur-
Challenge. Ø 2022 TT : 1 h 09’. deux derniers quatuors (uniquement proposés rence discographique s’étoffe, il
TECHNIQUE : 4,5/5 en numérique). Leur vision du premier est la soutient la comparaison, comme
Enregistré en octobre 2022 aux studios MCO plus ample et retenue de la discographie, entiè- dans une Hob XVI/50 idéalement
d’Hilversum (Pays-bas) par Fabian Franck. Couleurs spirituelle. Deux petits bémols,
chaleureuses, sonorité riche et enveloppante. rement orientée vers le vaste finale où se retrouve
le motif du « cœur joyeux » qu’affectionnait tant pour conclure : la prise de son, un
Dans le quintette, un piano généreux idéalement
peu lointaine, donne l’impression
intégré au quatuor à cordes crée une synergie le jeune Korngold. Plus que la tension harmo-
entre les instruments, mettant en avant la finesse d’assister à un récital en étant assis
nique, quelquefois pas si éloignée de Zemlinsky
du dialogue musical. au milieu d’une salle. Et le tic consis-
ou même Schönberg, c’est le romantisme exa- tant à marquer un petit temps d’ar-
cerbé du langage que mettent en lumière les rêt avant de poser la dernière note

A
u début des années 1920, Korngold quatre musiciens néerlandais. pourra agacer. Pas de quoi, cepen-
est au faîte de sa gloire. La création Dans le Quintette op. 15, Severin von Eckardstein dant, se détourner d’une entreprise
de Die tote Stadt, le 4 décembre 1920 domine la redoutable partie de piano (tenue par entreprise considérable et aboutie.
sous la baguette de Klemperer, est Korngold lui-même à la création). Avec un Ada- Simon Corley
un triomphe. Entré dans l’âge gio exceptionnellement poignant,
adulte, le Wunderkind viennois, les Alma et leur complice signent MICHAEL HAYDN
qui avait ébloui Mahler, Puc- la version la plus poétique depuis 1737-1806
cini et Strauss, se tourne vers la celle, fameuse, de Bengt Forsberg Y Y Y Y La Glaneuse.
musique de chambre. Achevé en Ninfe inbelli.
et ses amis (DG). Reste à espérer
Monika Mauch, Marianna Herzig,
1923, son voluptueux Quintette que l’éditeur reprendra en CD
Maria Ladurner (sopranos),
avec piano op. 15, d’un roman- les deux derniers quatuors par Sascha Zarrabi, Christian Havel
tisme échevelé, a pour sommet les mêmes, qui s’imposent dans (ténors), Jakob Mitterrutzner
un mouvement lent tiré des ce cycle devant les Aron (CPO) ou (baryton), Salzburger Hofmusik,
sublimes Abschiedslieder op. 14. les Flesch (ASV). Wolfgang Brunner.
Exactement contemporain, le Jean-Claude Hulot CPO. Ø 2019. TT : 1 h 06’.
TECHNIQUE : 4,5/5

82 I
Avec ces deux Les Sechs Augenblicke (2022, Six
œuvres pro- moments) tirent leur force gravi-
fanes, respecti- tationnelle des deux pièces mé-
vement singspiel dianes, qui sont aussi les plus
et cantate, le brèves. On retrouve, à côté d’un
frère cadet de solo de hautbois au profil varésien,
Haydn n’en écrit pas moins pour les un balisage de l’harmonie par la
abbayes environnantes de Salzbourg combinaison d’attaques énergiques
où elles ont été créées. Sur un petit et de résonances. Dans cette or-
scénario édifiant, Die Ährenleserin chestration aux mille subtilités, le
(1788) enchaîne, sans Ouverture (ni travail de détail mené par Pascal
dialogues parlés), douze brefs airs Rophé avec le National des Pays
et un duo, bien chantés, particuliè- de la Loire est décisif.
rement côté féminin. De caractère En dépit de son titre, Un long fra-
léger, enlevé, pimpant et, bien sûr, cas somptueux de rapide céleste
volontiers pastoral, la partition se (1998) ne repose pas seulement,
conclut sur une coruscante réjouis- tant s’en faut, sur sa déflagration
sance chorale. initiale. S’y manifeste à plusieurs
Que d’éclat également dans la reprises un effet de dissolution de
cantate Ninfe inbelli (1765), pour l’impact percussif dans l’aura acous-
soprano, chœur et orchestre, qui a tique, ou encore la liquidité boisée
quelque chose de l’Exsultate, jubilate du jeu très agile de Florent Jodelet
de Mozart. Maria Ladurner affronte au marimba. D’un instrumentarium
la partie soliste de façon satisfai- conséquent au sein duquel le per-
sante et Wolfgang Brunner dirige cussionniste passe avec célérité d’un
vigoureusement son ensemble Salz- poste à un autre, émane une grande
burger Hofmusik aux savoureuses diversité de timbres qu’absorbe ou
sonorités. Simon Corley réfléchit l’orchestre.
Pierre Rigaudière
MICHAEL JARRELL
NÉ EN 1958 ROLAND DE LASSUS
Y Y Y Y Y Paysages avec figures CA 1530-1594
absentes (a). Un long fracas Y Y Y Y « The Alchemist ».
somptueux de rapide céleste (b). 14 Magnificat. Et œuvres
Sechs Augenblicke. de Verdelot, Nollet, De Reulx,
Ilya Gringolts (violon) (a), De Rore, De Berchem, Morales,
Florent Jodelet (percussion) (b), Vecchi, Nanino et Striggio.
Orchestre national des Pays Magnificat, Philipp Cave.
de la Loire, Pascal Rophé. Linn (2 CD). Ø 2023. TT : 2 h 37’.
Bis (SACD). Ø 2022. TT : 54’. TECHNIQUE : 3/5
TECHNIQUE : 4/5 Ce premier vo-
C’est à un recueil lume d’une trilo-
poétique de Phi- gie sur les
lippe Jaccottet œuvres de Las-
que se réfère sus écrites à par-
Paysages avec tir de composi-
figures absentes tions préexistantes se concentre sur
(2009), où le soliste esquisse de les transformations de madrigaux
nombreuses figures qui en effet ne en Magnificat. Quatorze partitions
prendront que très peu d’essor. Si de ce genre sont ainsi réparties sur
le violon, n’émettant d’abord que deux CD : d’abord celles basées sur
des pizzicatos et des bribes de mo- des madrigaux de maîtres plus vieux
tifs au timbre partiellement saturé, que Lassus (Verdelot, Berchem, De
semble évoluer de façon erratique, Rore, etc.), ensuite celles compo-
il s’abandonne à des saillies plus ly- sées en s’appuyant sur les œuvres
riques. Porté par un orchestre qui de contemporains de l’époque où
étend progressivement la rémanence Lassus était en poste à Munich
des harmonies et assure la ponc- (Vecchi, Nanino, Striggio, etc.). Le
tuation, Ilya Gringolts contrôle très tout s’achève par le seul exemple
finement les variations de densité. d’un madrigal de Lassus, S’io esca
Dans le passage virtuose à la moto- vivo, amplifié par lui-même en
rique de toccata, il se montre incisif, Magnificat.
avec une précision qui n’est jamais On peut supposer que les nou-
sécheresse. velles partitions étaient alors non
La Guerre / Locke / Maderna / Magalhaes

le Magnificat qui s’en inspire), em-


Nouveauté pressé (Anchor che col partire de Ci-
priano De Rore) et fort lisse face aux
Musica Fiorita avaient donné à Vienne et enre- moyens expressifs et figuralismes
ELISABETH JACQUET gistré Céphale et Procris en 2008 (ORF). Mais il
qui inondent ces pages. Le désir
DE LA GUERRE revient aux nouveaux venus d’en offrir la vraie
de donner relief et clarté contra-
1665-1729 puntique est certes louable, mais la
Céphale et Procris. défense et illustration. Au sein d’une distribution réalisation n’évite ni l’uniformité ni
Reinoud Van Mechelen (Céphale vocale de haut vol, brille d’abord la haute-contre l’ennui, malgré des moments réussis
et direction), Déborah Cachet engagée, élégante, aussi héroïque que tendre, quand l’effectif masculin chante seul
(Procris), Ema Nikolovska (l’Aurore), de Reinoud Van Mechelen. Il rend touchant le (O s’io potessi donna de Berchem
Lore Binon (Flore, Dorine), personnage de Céphale et déploie de véritables et Vergine bella de De Rore). Le se-
Gwendoline Blondeel (Iphis, la prêtresse, nymphe), enchantements vocaux (la fin est boulever- cond CD, qui fait la part belle aux
Lisandro Abadie (Borée, Pan), A nocte temporis. madrigaux plus légers, file droit au
sante). Face à lui, la Procris de Déborah Cachet
CVS (2 CD). Ø 2023. TT : 2 h 27’. but (O che vezzosa aurora de Vecchi
TECHNIQUE : 4/5 possède un timbre très séduisant, empreint de
noblesse. Sa déclamation, posée sur un souffle et son Magnificat) avant de retom-
Enregistré en janvier 2023 au Grand Manège de ber dans le manque de couleurs.
Namur par Manuel Mohino. Bien définies, les voix long, a fière allure – superbe monologue au
On retiendra surtout de ce double
s’intègrent au premier plan d’une image orchestrale début du II ! L’allure, le sens de la déclamation
admirable de cohésion, d’équilibre et d’homogénéité. album sa volonté didactique et ses
ne manquent pas non plus à Ema Nikolovska raretés (Magnificat sur des madri-
(l’Aurore). La mezzo fait un sort à chaque mot, gaux de Nollet, De Reulx).

L
e 15 mars 1694, l’Académie royale de à chaque pensée du livret, et tant pis si la géné- Frédéric Degroote
musique représente pour la première fois rosité de la voix – d’aucuns n’aimeront pas son
de son histoire un opéra composé par une timbre opulent – mange un peu le texte çà et là. MATTHEW LOCKE
femme : Céphale et Procris d’Elisabeth Le Borée de Lisandro Abadie a toute la dignité CA 1621-1677
Jacquet de La Guerre. En son temps, l’œuvre requise. Le baryton-basse maîtrise l’ensemble Y Y Y Y Y « Consorts Flat
n’a guère de succès et n’est jouée à Paris que cinq de l’ample tessiture et déclame, lui aussi, avec and Sharp ».
ou six fois, sans y être reprise ensuite. Le livret, beaucoup de classe, une connaissance du style Phantasm.
et une retenue aristocratique très en situation. Linn. Ø 2023. TT : 57’.
relève Catherine Cessac, « souffre d’une absence
TECHNIQUE : 4,5/5
de tension dramatique ». De fait, certains points Parmi les seconds rôles, plus inégaux, mention
Six ans après leur
interrogent, comme l’ajout d’une intrigue secon- spéciale à Gwendoline Blondeel qui, si elle n’a
premier volume
daire entre les suivants Arcas et Dorine, sans que (trop) peu à chanter, fait mouche à cha- (cf. no 673), Lau-
véritable développement, ou le revirement de cune de ses apparitions – son soprano plein de rence Dreyfus et
l’Aurore au dernier acte – qui ne change rien au charme nous offre un bonheur sans nuage. son ensemble
cours des évènements mais confère au moins Ce beau monde, qui adopte une prononcia- bouclent l’enre-
un peu d’épaisseur au personnage, les autres tion « restituée » pas toujours très cohérente, gistrement des Suites du Flat
n’en ayant guère. est soutenu par un continuo de première force, Consort (pour un dessus, deux
La partition, en revanche, captive par un lan- un orchestre discipliné aux sonorités géné- basses de viole et théorbe) asso-
gage aux tours personnels. Si la compositrice a reuses, que Van Mechelen dirige avec délica- ciées à la seconde moitié de celles
bien assimilé l’idiome laissé par Lully (jusqu’à tesse. Revers de la médaille : un certain refus du du Little Consort (pour un dessus,
triomphal par endroits où le chef un ténor et une basse de viole).
l’usage des tonalités), elle y glisse
Les acrobaties harmoniques tiennent
de menues nouveautés. Les pourrait s’autoriser un éclat plus
ici encore le haut du pavé, et singu-
récits et petits airs, très soignés, franc. Les effets sont gradués et
lièrement dans les trois Suites du Flat
s’autorisent richesses harmo- nombre de pages construites Consort où les ruptures de ton, les
niques et surprises. Abondent dans un discret crescendo. Le accents, les respirations et l’expéri-
retards et dissonances (notam- Chœur de chambre de Namur se mentation forment une dramaturgie
ment dans les duos), modula- révèle tout aussi excellent, atten- exquise. Les Fantasies font tout le
tions audacieuses (acte V, scène tif au texte et à ses phrases, aux sel de cette gravure, qu’elles soient
4, par exemple), chromatismes, textures, avec une variété bien tortueuses comme celle qui ouvre la
toujours au service du texte. dosée. Pour goûter pleinement Suite no 5 en sol, ou d’un caractère
Après Jean-Claude Malgoire l’opéra de Jacquet de La Guerre, plus noble comme les deux que ren-
en 1989-1990, Daniela Dolci et PLAGE 6 DE NOTRE CD c’est ici. Loïc Chahine ferme la Suite no 3 en ré. Car cette
musique lorgne vers le baroque et
ne cesse d’accrocher l’oreille grâce
seulement évaluées pour leur qua- les concordances entre les Magni- Philip Cave et l’ensemble Magnificat aux archets vifs et affûtés de Phan-
lité intrinsèque, mais qu’elles de- ficat et les chansons – que les pu- ont la bonne idée de jouer la carte tasm, souvent dominés par le des-
vaient aussi jouer avec la mémoire blications anciennes n’indiquaient d’un effectif restreint, tantôt consti- sus de Dreyfus.
de l’auditeur. La question des choix pas –, on restera prudent quant à tué uniquement de voix d’hommes Sans doute moins ambitieuses, les
de citation de Lassus est vivement l’identification un peu rapide du ma- et parfois rejoint par des sopranos. cinq Suites du Little Consort nous
débattue dans la notice. Tout en drigal Quando lieta sperai attribué Dans une acoustique sèche, le chant donnent à entendre un Locke sen-
saluant l’important travail de re- à Cristobal de Morales et demeuré se révèle hélas souvent souffreteux sible, lyrique. Ses courantes et sa-
cherche accompli pour identifier anonyme jusqu’à présent. (Ultimi miei sospiri de Verdelot et rabandes (celles sur lesquelles se

84 I
referment les Suites nos 5 et 8, par compris et magistralement rendus,
exemple) dansent, le sourire aux ne sont pas de simples bluettes ou
lèvres : ce Locke plus léger offre à faire-valoir mais, dans la plénitude
l’ensemble l’opportunité de mon- de l’épure, la quintessence du dis-
trer une énergie et une diversité de cours musical dont l’éloquence passe
chaque instant. Un régal. celle des mots. Gérard Condé
Frédéric Degroote
FILIPE DE MAGALHAES
BRUNO MADERNA CA 1563-1652
1920-1973 Y Y Y Y Missa Veni Domine.
Y Y Y Serenata per un satellite. Missa Vere Dominus est.
Serenata no 2. Venetian Journal. Magnificat primi toni. Exsurge,
Honeyrêves. Aulodia per Lothar. quare obdormis Domine.
Widmung. Commisa mea pavesco.
Bruno Maderna Ensemble, MANCHICOURT : Vere Dominus
Gabriele Bonolis. est. GUERRERO : Veni Domine.
Dynamic. Ø 2023. TT : 1 h 09’. Cupertinos, Luis Toscano.
TECHNIQUE : 3/5 Hyperion. Ø 2022. TT : 1 h 16’.
Bruno Maderna, TECHNIQUE : 3/5
qui jouait le Après Manuel
concerto pour Cardoso (1566-
violon de Max 1650) et Duarte
Bruch à sept ans Lobo (1565 -
et dirigeait, à 1646), en pas-
huit ans, à la Scala et aux arènes
de Vérone, connut le destin de la
sant récemment
par Pedro de Cristo (ca 1550-1618), $ 1 7 2 1 , 2 9 L YD O G L
plupart des enfants prodiges : in-
soucieux de s’imposer, il fut dé-
passé par ses cadets. Mais à pré-
Cupertinos propose une monogra-
phie consacrée à une autre figure
de l’âge d’or musical portugais sous
Concerti per una vita
sent que Nono et Berio, consacrés le règne de Philippe II d’Espagne.
de leur vivant, n’offrent plus guère
à découvrir, « il gentile Bruno » sus-
Bien qu’actif comme maître de cha-
pelle à Lisbonne et fort apprécié
7K«RWLPH /DQJORLV GH 6ZDUWH
cite un intérêt sérieux. Formation de son époque, Magalhaes ne vit
à géométrie variable rassemblant ses œuvres imprimées que sur le /H &RQVRUW
des professeurs du Conservatoire tard, à plus de soixante ans.

2 CD HMM 902373.74 Photo : © Julien Benhamou


de Fermo, le Bruno Maderna En- Deux messes sur le modèle de la
semble participe de cet engoue- messe parodie (la première sur un
ment. Il livre ici un programme aussi motet de Guerrero, la deuxième
représentatif de ses ressources que sur un de Manchicourt) sont, dans
de la singularité du compositeur le programme, encadrées par un
dont il porte le nom. Magnificat et deux motets à six
Venetian Journal (1972), avec ses voix. Comme ses contemporains
citations-collages d’airs d’opéras portugais, Magalhaes privilégie le
enregistrés ou interprétés dans flux dévotionnel alla Palestrina sans
des transcriptions incongrues, est chercher à dramatiser le propos.
certainement daté. Maderna assi- S’il varie les couleurs (l’Et incarna-
milait la cohérence à la mort, certes, tus est de la Missa Veni Domine !),
mais, à ce degré d’incohérence, le c’est toujours au service du tableau
vieillissement est pire que la mort. spirituel. Son savoir-faire s’impose
La Serenata per un satellite (1969) surtout dans le motet d’entrée Ex-
laisse aux exécutants une liberté surge, quare obdornis Domine ? Vivaldi et le concerto pour violon ? Le concerto pour violon est Vivaldi !
d’interprétation et d’ordonnance- et dans la Missa Veni Domine où Écartons-nous du poncif (“Vivaldi a composé 500 fois le même
ment des séquences qui revient à triomphent l’aisance et l’équilibre concerto”) pour comprendre à quel point le compositeur, l’instrument
nier le principe même de composi- du contrepoint. et le genre ne font qu’un : c’est ce à quoi se sont attachés Théotime
tion. L’exact opposé de la Serenata Après un album De Cristo (cf. no 724) Langlois de Swarte et les musiciens du Consort. De sa prime jeunesse
no 2 (1957), d’une pureté minérale, un peu terne, Cupertinos se révèle vénitienne aux derniers instants viennois, le Prêtre roux repousse les
claire et capricieuse comme un ruis- ici plus inspiré, même si le son d’en- limites techniques ou académiques et crée sans relâche de nouvelles
seau de montagne. semble, toujours aussi clair, reste dé- formes narratives : le parcours de toute une vie.
La comparaison avec d’autres gra- sincarné et faible en graves. La ré-
vures révèle la part fructueuse lais- verbération contribue aussi à cette
sée à l’interprétation. Honeyrêves tendance au lissage de la polypho-
(1961) pour flûte, Aulodia per Lothar nie. Précise, la réalisation met néan-
(1965) pour hautbois d’amour et Wid- moins en lumière un compositeur de
mung (1967) pour violon, finement premier plan. Frédéric Degroote

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Mahler / Marais / Messiaen / Mozart / Mühlrad / Paderewski

GUSTAV MAHLER A côté des cinq Le premier enre- Suite KV 399. Gigue KV 574.
1860-1911 Livres de pièces gistrement de HAYDN : Sonate Hob XVI/34.
Y Symphonie no 2 pour la basse de Gustavo Gimeno BACH : Suite française no 2
« Résurrection ». viole publiés par à la tête du To- (extraits).
Mari Eriksmoen (soprano), Marais, plusieurs ronto Symphony David Bismuth (piano),
Jennifer Johnston (mezzo), partitions ma- dont il est le di- Trio Goldberg.
Chœur et Orchestre Philharmonia, nuscrites nous sont parvenues, en recteur musical depuis 2020 est Ame Son. Ø 2023. TT : 1 h 13’.
Santtu-Matias Rouvali. particulier dans des recueils ayant aussi celui que l’orchestre a choisi TECHNIQUE : 3,5/5
Philharmonia Records (2 CD). appartenu aux frères Panmure et pour marquer son centenaire. De David Bismuth a
Ø 2022. TT : 1 h 21’. aujourd’hui conservés en Ecosse. la Turangalîla-Symphonie, sommet souhaité recons-
TECHNIQUE : 2,5/5 Ces manuscrits ont déjà intéressé du cycle tristanesque de Messiaen, tituer le pro-
A propos de la les interprètes, Jonathan Dunford voici une interprétation à grand gramme d’une
Symphonie al- en tête (Accord). Pour son premier spectacle. Remarquablement capté, de ces « acadé-
pestre de Strauss disque, Noémie Lenhof s’aventure l’orchestre rutile. Ancien percus- mies » viennoises
par Santtu-Ma- parmi ces œuvres qu’on estime an- sionniste du Concertgebouw, le où Mozart présentait ses propres
tias Rouvali, Hu- térieures à la publication du Pre- chef espagnol fait de ce pupitre œuvres. Voilà pourquoi deux fan-
gues Mousseau mier Livre. Elle a confié à Guillaume une sorte de concertino-gamelan taisies viennent encadrer le premier
écrivait qu’ « on ne peut imaginer Haldenwang la « reconstitution » au sein d’un colossal et suave ri- mouvement du Quatuor avec piano
catalogue plus complet des erreurs (disons plutôt recomposition) d’une pieno : c’est Ionisation au milieu du no 1, tandis que le volet médian est
à éviter » (cf. no 725). La même re- partie de basse continue, les ma- Chevalier à la rose, oxymore jouis- précédé par une sonate de Haydn
marque s’applique à cette 2e de nuscrits ne livrant que celle de viole sif. Pont entre les deux univers, le et le finale par une Suite sui generis
Mahler dont le prosaïsme nous « principale ». La musicienne s’élance piano se voit refuser tout rôle de (un peu bancale) : l’Allemande et la
consterne. Nous retrouvons des d’un archet assuré, mettant sa belle soliste concertant. Cela ne gêne Courante de la Suite française no 2
« problèmes de balance aggravés sonorité au service d’un phrasé gé- nullement Marc-André Hamelin, de Bach s’y intercalent entre les trois
par une désinvolture qui ne raconte néreux. Les traits rapides ont toute familier de l’œuvre mais qui l’enre- mouvements de la KV 399 complé-
rien ou presque ». Rouvali apparaît la netteté attendue. Et un continuo gistre pour la première fois, et dont tés par la Gigue KV 574.
à contre-courant de la respiration uni (mais pas uniforme) la suit sans la virtuosité à couper le souffle au- Cette « académie » se révèle hélas
mahlérienne. Pour se sortir des im- sourciller. torise des tempos vertigineux sans bien… académique : le refus du pa-
passes, il accélère alors en foucades Certaines pièces appelleraient sans se pousser du col. thos ou le choix de l’abstraction,
irraisonnées, y compris dans le fi- doute une dramaturgie plus subtile La tension qui en résulte conjure certes louables, doivent-ils pour
nale, sans égard pour le message – telle la Grande Chaconne, dont dans les volets extrêmes un pri- autant mener à une interprétation
véhiculé. les surprises gagneraient à être mitivisme tellurique : un premier raide, désincarnée et chiche en so-
Pour ne rien arranger, le Philharmo- mieux mises en valeur. Les pièces mouvement évocateur « d’une tris- norités, plombée par un toucher sec
nia est, comme dans le live précité, lentes profiteraient aussi de silences tesse sauvage, de terre en gésine », et percussif ? Les deux fantaisies
méconnaissable. Que ce soient les plus habités (Plainte). En revanche, comme disait Cocteau du Sacre du sont dépourvues d’urgence drama-
« cuivres braillards » que déplorait les Folies sont irréprochables, bien printemps ; un finale orgiaque. Dans tique comme de fantaisie. Quant à
notre confrère, les cordes (particu- menées, animées sans outrance – les mouvements rapides, le rythme l’Adagio de la Sonate en mi mineur
lièrement rêches dans la dernière la guitare trouve en particulier une l’emporte sur la mélodie. Parfois à de Haydn, il se refuse obstinément
partie du deuxième mouvement) ou place parfaitement juste dans ce l’excès : l’exaltation peut tourner à la à l’expression. Le Trio Goldberg,
les bois (dans un Urlicht réfrigérant). paysage sonore. fièvre, et la Joie du sang des étoiles dont les cordes ne sont pas toujours
Le pire vient sans doute avec le troi- Lenhof étoffe encore son pro- au pandémonium. à la hauteur, ne change pas la donne :
sième mouvement ; noté « calme- gramme en ajoutant notamment Les ondes Martenot de Nathalie il ne se passe pas grand-chose dans
ment fluide », il prend ici la poudre deux pièces tirées du Livre II : un Forget, chantant à pleine voix par- le Quatuor avec piano en sol mineur
d’escampette. Chacun en fera autant hédoniste Tombeau de Monsieur dessus les cordes telle une Isolde et l’on peine à reconnaître une des
devant cette indigente réalisation. de Sainte-Colombe, sur le son (mais au bord de l’épectase, teintent œuvres les plus poignantes de Mo-
Christophe Huss quel ! écoutez les doubles cordes, d’un lyrisme éperdu les deux Chant zart, ici fade et scolaire.
RÉFÉRENCES : Mehta (Decca), les dissonances !) plus que le souffle, d’amour qui ne se refusent pas pour Simon Corley
Haitink I (Philips-Decca), Jansons et des Voix humaines très tenues. autant quelques accents de jazz. La
(RCO Live), Abbado (DG), Mention spéciale, enfin, au très beau subtilité des équilibres et la précision JACOB MÜHLRAD
Walter (nos Indispensables). Prélude pour théorbe d’Etienne Le- des tempos font du triptyque Jardin NÉ EN 1991
moyne, que conduit magnifiquement du sommeil d’amour – Turangalîla Y Y Y Maggid (a). REMS (b).
MARIN MARAIS Nicolas Wattinne, disparu préma- 2 – Développement de l’amour le Johannes Rostamo (violoncelle)
1656-1728 turément il y a quelques mois. climax de cette version qui n’a pas (a), Orchestre philharmonique
Y Y Y Y Y « Le manuscrit Loïc Chahine froid aux yeux et que nous recom- royal de Stockholm,
retrouvé ». 11 pièces pour basse mandons particulièrement à qui ne Pablo Heras-Casado (b).
de viole et continuo. Et œuvres OLIVIER MESSIAEN connaîtrait pas encore cette sym- Warner. Ø 2021 et 2023. TT : 34’.
de Lemoyne et Geoffroy. 1908-1992 phonie, ou croit ne pas l’aimer. TECHNIQUE : 3,5/5
Noémie Lenhof (viole de gambe), Y Y Y Y Y Turangalîla-Symphonie. Paul de Louit Le violoncelle
Alice Trocellier (viole de gambe Marc-André Hamelin (piano), solo de Maggid
continuo), Nicolas Wattinne Nathalie Forget (ondes Martenot), WOLFGANG AMADEUS (2018) s’exprime
(théorbe, guitare baroque), Toronto Symphony Orchestra, MOZART avec la liberté
Guillaume Haldenwang (clavecin). Gustavo Gimeno. 1756-1791 d’une improvisa-
L’Encelade. Ø 2023. TT : 56’. HM. Ø 2023. TT : 1 h 13’. Y Y Fantaisies KV 475 et 397. tion. Sous-tendu
TECHNIQUE : 3/5 TECHNIQUE : 4/5 Quatuor avec piano KV 478. par un do dièse qui traverse toute

86 I
la pièce, le déploiement mélodique, Manru, dont le livret allemand d’Al-
qui inclut la microtonalité de micro- fred Nossig s’inspire d’un roman
glissandos, peut rappeler celui d’un polonais. Une jeune paysanne, Ulana,
raga indien, quoique la rugosité est rejetée parce qu’elle aime le tzi-
cultivée dans le grave par Johannes gane Manru que tout le village mé-
Rostamo penche davantage vers le prise. Un philtre d’amour, qu’elle a
morin khuur, « vièle-cheval » mon- demandé à son confident Urok, ne
gole. Le chant, que l’interprète ne parviendra pas à effacer en lui la
tarde pas à adjoindre à son jeu, al- nostalgie de la vie errante : Manru, gp¨Â*¨¢+™
tère le timbre de l’instrument et abandonnant son foyer, retourne
suggère l’intimité d’une prière, le vers les siens et prend la route avec  ŠߦŵĔĔ÷ƤŇŵū ěĢ Š÷ řŵƺƜūģĢ ěĢ Š÷ ĺĢũũĢ ŠĢ ݀ ũ÷ƜƤ޳
compositeur suédois convoquant eux. Pour venger Ulana, qui s’est ěģĔŵƺǖƜĢǧ ŠĢƤ ěĢƺǜ ƙƜĢũŇĢƜƤ ŵƙģƜ÷Ƥ ĺƜ÷ūė÷ŇƤ
volontiers la spiritualité de son ori- donné la mort par désespoir, Urok ĔŵũƙŵƤģƤ ƙ÷Ɯ ěĢƤ ĺĢũũĢƤ ޷
gine juive. La pièce tire son unité rattrapera et tuera le tzigane. Les
de sa simplicité. trois actes, auquel le pianiste-com-
On n’en dira pas autant des vingt- positeur travaille entre 1893 à 1900,
cinq minutes orchestrales de REMS sont créés à Dresde en 1901 sous
(2021). Mühlrad s’y réfère explici- la direction d’Ernst von Schuch, com-
tement au « rapid eye movement manditaire de l’ouvrage. Aussitôt
sleep », c’est-à-dire au sommeil para- traduits en polonais, ils sont pré-
doxal et trouve des combinaisons de sentés un mois plus tard à Lviv.
timbres et une utilisation du quart de On admire dès le premier acte, en
ton qui favorisent effectivement un particulier sa fête villageoise très
imaginaire du psychisme nocturne. colorée, l’habile traitement de la
Toutefois, son inventivité sonore est palette orchestrale (une clarinette
hypothéquée par une grammaire se détache dès qu’il est question
musicale simpliste (des points d’ap- du tzigane) et d’un tissu harmonique
puis successifs et des toniques par- luxuriant. Comme celles de Wagner
ticulièrement insistantes) et par le et Strauss – dont le Feuersnot avait
recours appuyé aux lieux communs été créé quelques semaines plus
de la musique de blockbuster. tôt par les mêmes interprètes dres-
La texture flottante finit par se re- dois –, la partition est construite sur
tourner contre l’avancée du discours, un vaste réseau de leitmotive sur
qui peut seulement compter sur des lequel Paderewski fait souffler le
pics de puissance à l’emphase sur- vent de la passion. Le compositeur
dosée, sur un immense glissando serre les nœuds du drame avec une
ou encore sur les irruptions d’une redoutable efficacité et ose de poi-
modalité exotisante. Il en ressort gnants accès de mélancolie. Notam-
un style composite. C’est d’autant ment dans les tournures caracté-
plus regrettable que les passages ristiques de la musique tzigane dont
plus subtils, sollicitant une virtuosité l’œuvre est émaillée – saluons les
remarquablement assumée par le interventions virtuoses du violon
Philharmonique de Stockholm, té- solo (excellent Theodor Toschev) et
moignent d’un réel talent. du cymbalum dans la troisième scène
Pierre Rigaudière du III.
Si Manru, dans sa traduction polo-
IGNAZ JAN PADEREWSKI naise, bénéficie de deux gravures
1860-1941 officielles (l’un et l’autre chez Dux,
Y Y Y Y Manru. cf. no 624), c’est la première fois que
Thomas Mohr (Manru), Romelia l’ouvrage est enregistré dans son
Lichtenstein (Ulana), Levent allemand original. Hélas, cette cap-
Bakirci (Urok), Franziska tation sur le vif, au son terne et étri-
Krötenheerdt (Asa), qué, ne flatte ni l’Orchestre de Halle,
Andrew Nolen (Jagu), Chœurs à la palette bien fruste, ni la direc-
de l’Opéra et Staatskapelle tion sans grand relief de Michael
de Halle, Michael Wendeberg. Wendeberg.
CPO (2 CD). Ø 2022. TT : 2 h 18’. Thomas Mohr traduit bien les déchi-
TECHNIQUE : 2,5/5 rements du rôle éponyme. La fatigue
Pour son unique (particulièrement dans l’aigu) qui tem- rŵƲƜĢ ēŵƺƲŇƛƺĢ Ģū ŠŇĻūĢ޴
opéra, Pa- père la vaillance de la voix s’accorde, ƝƝƝȥŋūăŮÛŮŋƣÛĺȾƜăŮŴÛģĺĺăŴȥĘŮȲ÷ŋƂżģŭƂă
derewski choisit finalement, au mélange de lassitude
un drame de la et de mélancolie du personnage. En
différence et de revanche, le soprano très charnu et ¤ĢƲƜŵƺǖĢǧ ŠĢƤ $ ĢƲ ǖŇěģŵƤ ěĢƤ ƤƙĢĔƲ÷ĔŠĢƤ
l ’e x c l u s i o n , ridé de Romelia Lichtenstein, même Ģū ƤƲƜĢ÷ũŇūĻ ĢƲ ƲģŠģĔł÷ƜĻĢũĢūƲ ƤƺƜ
ĺģƜăȾŋūăŮÛƜăŮŴÛģĺĺăŴȥĘŮ ĢƲ ƤƺƜ ƝƝƝȥŭŋ÷ƂƬȥøŋŁ
PÄRT X 6 s’il trouve des accents touchants, fait BR Klassik. Ø 2023. TT : 1 h 08’.
par Benoît Fauchet
trop matrone pour la fraîche Ulana. TECHNIQUE : 4/5
Autour d’eux, Franziska Krötenheerdt Ces mélodies de
▸ Quarante ans après l’album fondateur « Tabula rasa » (1984),
donne à sa rivale, la tzigane Asa, Puccini inau-
ECM continue de documenter l’œuvre d’Arvo Pärt dans des
moins de mordant que de sensua- gurent le cente-
configurations renouvelées. Tonu Kaljuste a remplacé
lité et Levent Barkici se garde de naire de sa mort.
l’orgue par son Orchestre de chambre de Tallinn
noircir les manigances d’Urok. Se- Charles Castro-
dans Littlemore Tractus, bel écrin pour le Chœur
crètement amoureux d’Ulana, il se novo les chante
de chambre philharmonique estonien. L’orchestre
révélera pourtant l’artisan de son dans l’ordre chronologique de com-
des Greater Antiphons de l’Avent sonne superbement,
malheur… Une version d’attente, pas position, du naïf A te (1875), écrit à
même si les voix nous manquent par rapport aux
plus déterminante que les deux pré- dix-sept ans, au poignant Morire?
Sieben Magnicat-Antiphonen dont elles sont tirées. Un Cantique
citées. François Laurent (1917), contemporain de la première
des degrés d’humeur néo-brahmsienne, L’Abbé Agathon éclairé
version de La rondine. Canto d’anime
par un soprano lumineux et These Words… assombri par
DAVID POHLE (1904) fournira la romance de Rug-
des cordes inquiètes complète le panorama (ECM, Y Y Y Y Y ).
1624-1695 gero, ajoutée en 1920, « Parigi è la
▸ Gramola « met en miroir » deux œuvres emblématiques des Y Zwölf Liebesgesänge. città dei desideri ». Certains opéras
sons de petites cloches. Spiegel im Spiegel et Fratres KRIEGER : Sonate op. 1 no 1. vont en effet recycler ces pages :
font ici chacun l’objet de trois versions : violon-piano, Benjamin Lyko, Alex Potter Sole e amore (1888) anticipe le qua-
alto-piano, violoncelle-piano. La variété des timbres (contre-ténors), Clemens Flick tuor du troisième acte de La Bo-
atténue le systématisme de la proposition, que porte (clavecin, orgue et direction), hème, Salve Regina (1882) la prière
le piano délicat de Ketevan Sepashvili. Cette dernière e.g. baroque. sur laquelle se referme le premier
encadre, seule, le programme avec Für Alina Audite. Ø 2021. TT : 1 h 01’. des Villi, Mentia l’avviso (1883) le
et les Variations pour la guérison d’Arinuschka (Gramola, Y Y Y ). TECHNIQUE : 4/5 « Donna non vidi mai » de Des Grieux
▸ Figure néerlandaise de la musique minimaliste comme Probable élève dans Manon Lescaut, etc.
compositeur, le pianiste Jeroen Van Veen est chez lui quand de Schütz, David Castronovo interprète l’ensemble
il égrène les notes éthérées de Für Alina, décliné Pohle servit, d’une voix désormais plus centrale
en deux versions (une de 3’ 23’’, l’autre de 14’ 30’’), entre autres, le et plus large, presque barytonale,
ou lorsqu’il accompagne un violoncelle dans les lenteurs landgrave Guil- avec une émission très couverte
de Spiegel im Spiegel et la vitalité de Fratres. laume VI de à la Jonas Kaufmann. L’aigu, du
Mais que peut bien apporter cette vaste Pärtomania Hesse-Kassel, auquel il dédia, en coup, n’a plus son aisance d’an-
(plus de vingt-deux minutes), écrite par Van Veen dans 1650, ses douze Liebesgesänge sur tan, comme en témoigne Mentia
la manière « tintinnabuli » de l’Estonien (Brilliant, Y Y ) ? des textes du poète Paul Fleming. l’avviso, sans parler d’un vibrato un
▸ Avec Lamentate (2002), d’après une sculpture d’Anish Kapoor
Le plaisir de la découverte (c’est le rien élargi lui aussi – écoutez Sogno
évoquant une créature mythologique suppliciée, Pärt montrait premier enregistrement de ce re- d’or (1912). Le timbre, en tout cas,
une aptitude à la grande forme qui n’a pas toujours cueil) est gâché par la grande mé- n’a rien perdu de sa séduction, ni
été son fort. Après Alexei Lubimov (ECM) et Onute diocrité de la prestation vocale. L’un la ligne de son élégance – on goû-
Grazinyte (Accentus), le pianiste andalou Pedo Piquero, des deux contre-ténors, trop sou- tera de jolis diminuendos. Il a assez
par ailleurs maître zen, évolue plus timidement mais vent à la limite de la justesse, savonne de souplesse pour les douceurs de
sans chanceler dans les climats variés de cette fresque. à tel point le moindre ornement, la Storiella d’amore (1883), assez de
Il est accompagné par l’Orquesta de Extremadura plus inoffensive vocalise, qu’on est vaillance pour les élans martiaux
que dirige Alvaro Albiach (Piano Classics, Y Y Y Y ). partagé entre gêne et sarcasme. de Avanti, Urania! (1896) ou Inno a
« Geht, ihr meine Tränen » est un Roma (1919).
▸ Les Métamorphoses de Richard Strauss et la Symphonie no 4 festival accablant de tensions, d’ap- Nous n’en conserverons pas moins
« Los Angeles » de Pärt forment a priori un curieux couplage. proximations ; le tempo enlevé de l’album Naxos de Krassimira Stoya-
Le cadet renoue avec la symphonie trente-sept ans après sa 3e, « Wollte sie nur » fait frôler la sortie nova (qui ajoutait La primavera, Ave
quand le glorieux aîné tisse ses chromatismes de piste aux deux chanteurs. Maria Leopolda et Vexilla regis pro-
avec une époustouflante maîtrise. Reconnaissons En dépit de quelques excès per- deunt, mais ne contenait pas Dios y
à l’ensemble I Musici de Montréal, conduit cussifs (« Anemone »), l’ensemble patria) et le programme quasi iden-
par Jean-Marc Zeitouni, l’art de servir avec un même instrumental s’en tire mieux et la tique gravé chez Sony par Placido
soin l’ample complainte straussienne au soir sonate de Krieger apparaît comme Domingo, sérieux rival. Les compa-
de la Seconde Guerre mondiale et la méditation un havre. Son entrain ne parvient raisons, toutefois, ont leurs limites :
pärtienne en hommage à l’opposant russe Mikhaïl cependant pas à sauver cette réali- au piano se substitue ici un orchestre
Khodorkovski (Atma, Y Y Y Y ). sation du naufrage ; ces pages char- imaginé et calibré par Johannes X.
▸ Arabella Steinbacher met Pärt en regard de Bach, encadrant mantes méritent un meilleur sort. Schachtner (né en 1985), qui fait vo-
ses concertos BWV 1041 à 1043 (le « double » avec Christoph Jean-Christophe Pucek lontiers la part belle aux vents et ne
Koncz) par Fratres (dans une version pour violon, sonne pas très puccinien. Ivan Repu-
orchestre à cordes et percussion) et Spiegel im Spiegel GIACOMO PUCCINI sic et ses Munichois donnent davan-
– la violoniste allemande entend entre les uns 1858-1924 tage leur mesure dans les pages de
et les autres « une origine spirituelle commune ». Y Y Y Y I canti (arr. Schachtner). jeunesse tels le Preludio sinfonico et
Le Kammerorchester de Stuttgart est stylistiquement Preludio sinfonico, Capriccio le Capriccio sinfonico : direction à la
mieux accordé à Pärt, où le somptueux Guarneri de la sinfonico. Crisantemi (arr. Drew). fois cursive et tendue, dépourvue
virtuose ne cherche plus l’opulence mais la vibration de la ligne, Charles Castronovo (ténor), de pathos, assez loin des courbes
telle la flamme d’une bougie (Pentatone, Y Y Y Y ). Orchestre de la Radio de Munich, sensuelles de Riccardo Muti et des
Ivan Repusic. musiciens de la Scala (Sony). Quant

88 I
à Crisantemi, élégie pour quatuor à partition en 1912, souligne bien da-
cordes à la mémoire du duc Amé- vantage le caractère « très rude »
dée de Savoie, plus tard resservie de la Danse guerrière.
dans Manon Lescaut, il n’a guère à Moins pointue et acidulée, sans
craindre de la concurrence d’Anto- doute mieux formatée pour les
nio Pappano (Emi). oreilles d’aujourd’hui, la version plus
Didier Van Moere confortable de Wilson n’en reste pas
moins une réussite. L’éveil croissant
MAURICE RAVEL de la nature au Lever du jour y est
1875-1937 restitué avec une belle ampleur, et
Y Y Y Y Y Daphnis et Chloé. la flûte d’Adam Walker voltige avec
Sinfonia of London Chorus, séduction dans la Danse de Daph-
Sinfonia of London, John Wilson. nis. Cette nouvelle gravure permet

Nos nouvelles
Chandos (SACD). Ø 2022. TT : 54’. surtout de saisir quantité de petits
TECHNIQUE : 4/5 détails d’instrumentation, parti-
John Wilson s’est culièrement dans la Danse géné-
mis en tête d’éta-
blir sa propre
rale conclusive, magnifiquement
conduite. François Laurent
publications
édition de Daph-
nis et Chloé, la RICHARD STRAUSS
« symphonie 1864-1949
chorégraphique » de Ravel : il a donc Y Y Y Quatre derniers lieder
comparé la partition éditée avec le (version avec orchestre
manuscrit, collationné dans le et version avec piano).
conducteur d’orchestre les modifi- Asmik Grigorian (soprano),
cations apportées dans les parties Markus Hinterhauser (piano),
séparées ou dénichées dans la ré- Orchestre philharmonique
duction pour piano, et fait des choix de Radio France, Mikko Franck.
pragmatiques dans la liste d’errata Alpha. Ø 2022 et 2023. TT : 44’. Les Berliner Philharmoniker
relevés par certains chefs (dont Pierre TECHNIQUE : 3,5/5 jouent Unsuk Chin
Boulez, qui avait lui-même fait un Le bonheur d’en-
tri dans ce que suggérait Messiaen). tendre Asmik Depuis 2005, les Berliner Philharmoniker
Il s’agit surtout d’un travail de clari- Grigorian dans
entretiennent une fructueuse collaboration
fication et de mise au propre des- les Quatre der-
tiné aux exécutants. niers lieder jus- avec Unsuk Chin – l’une des voix les plus
L’auditeur, lui, n’aura pas l’impression tifie-t-il d’avoir marquantes de la musique contemporaine.
de redécouvrir Daphnis et Chloé. Il enregistré les deux versions de la
sera en revanche sensible à la plas- même œuvre, sans autre complé- Sur 2 CD et Blu-ray
tique très soignée que lui donnent ment ? Trois quarts d’heure en com-
les musiciens du Sinfonia of London. pagnie de la soprano qui aujourd’hui
Les textures instrumentales et cho- offre sur scène des prestations parmi
rales sont finement ouvragées, les les plus stimulantes (avec une di-
lignes galbées avec de savoureux mension athlétique que le disque
glissandos. Bizarrement, l’élément peine à saisir), c’est peu. La vraie
grotesque et la balourdise sont insuf- surprise de ce disque, c’est en fait
fisamment marqués dans la Danse Mikko Franck et le Philharmonique
de Dorcon, quand les éclats de rire de Radio France qui nous la pro-
qu’elle déclenche sont, eux, bien des- curent. Loin de seulement scintiller
sinés. C’est que le geste souple de et miroiter, comme le commande
Wilson et la prise de son de Ralph la partition, l’orchestre se montre
Couzens favorisent la volupté du son, d’une immense ferveur – la ligne Kirill Petrenko dirige Sergueï Rachmaninov
parfois en estompant la fermeté du est tenue, intense ; les timbres fu-
trait et de l’accent. sionnent et se répondent. Une sorte
La troisième édition de Kirill Petrenko à la tête
C’est surtout manifeste dans la d’ivresse lucide. Voilà qui porte la des Berliner Philharmoniker rend hommage
deuxième partie du ballet, dont les chanteuse vers de très beaux élans. à Rachmaninov avec la Symphonie no 2, le
contrastes perdent de leur acuité. La pâte vocale est dense, son mo- Concerto pour piano no 2, L’île des morts et les
Comparons là avec le Daphnis de delé impressionnant. Danses symphoniques.
Pierre Monteux enregistré à Londres Et pourtant, il manque l’essentiel :
en 1959 par Decca : le crescendo une diction. Tout est fait pour le
choral de l’introduction est à la fois son, guère pour le sens. Le poème Sur 2 CD et Blu-ray
plus élaboré et plus coloré chez l’aîné, reste lettre morte. On se dit alors
mais il est maintenu à l’arrière-plan que l’artiste réserve ce miniaturisme
par les micros de John Culshaw. En à l’intimité du piano. En fait, non,
revanche, Monteux, créateur de la malgré un accompagnateur fort berliner-philharmoniker-recordings.com
Schütz / Stravinsky / Tchaïkovski / Tosti / Van der Pals / Vivaldi

et une puissante ligne intérieure,


Nouveauté Apollon Musagète (1927-1928) sé-
duit ici par sa finesse de texture et
Schütz ayant seulement noté un accompagne- sa limpidité. Sans le tranchant acéré
HEINRICH SCHÜTZ ment à l’orgue, l’exécution se prête ici à un exi-
d’autres versions (Mravinski, Marke-
1585-1672 vitch), sans s’abîmer non plus dans
Schwanengesang. geant travail préalable d’instrumentation. une contemplation trop statique,
La Capella Ducale, Musica Fiata, Comme il s’en explique dans la notice, Roland Davis laisse transparaître une dimen-
Roland Wilson. Wilson s’est inspiré d’autres Psaumes de David sion hymnique qui paraît annoncer
CPO (2 CD). Ø 2020. TT : 1 h 24’. que Schütz a composés en 1619. Le résultat, l’inspiration sacrée dont témoignera
TECHNIQUE : 3,5/5 parfois surprenant, est toujours beau, à l’image deux ans plus tard la Symphonie
Enregistré par Michael Havenstein à la Christuskirche de ces cornets et trombones victorieux qui, en de psaumes.
de Berlin-Oberschöneweide en août et septembre
se mêlant aux voix dans « Wie habe ich dein Le Scherzo à la russe (1944), transfi-
2020. Image plus ou moins équilibrée selon que
les voix dialoguent avec de puissants tutti (cornets, Gesetze so lieb », soulignent élégamment la plé- guration pleine d’acuité et d’humour
trombones) ou un seul instrument à l’arrière-plan nitude de Dieu telle que la décrivent les versets des formules usées du jazz sympho-
(luth, viole ou orgue). Timbres plaisants. du psaume. Cette interprétation haute en nique, et les Suites pour petit or-
couleur est une très grande réussite. chestre (1921-1925), transcription de
deux recueils de Pièces faciles pour

H
einrich Schütz a quatre-vingt-six ans Mais là où Wilson est plus audacieux encore,
piano, bénéficient d’interprétations
lorsqu’il pose la conclusion de son c’est en se concentrant sur un ensemble vocal tout en relief. L’ensemble est par-
Chant du cygne, auquel il travaillait restreint à huit chanteurs – quatre pour chacun fait pour découvrir et approfondir
sans doute depuis une décennie. Cet des chœurs. Un tel choix donne une importance les richesses cachées du Stravinsky
ultime opus contient la mise en musique pour considérable au texte en clarifiant l’écriture dit « néoclassique ».
huit voix et deux chœurs du monumental madrigalesque italienne si chère à Schütz. Patrick Szersnovicz
Psaume CXIX de David (complété par le Dans « Ich rufe vom ganzen Hertzen », cela fuse
Psaume C et un Magnificat). Eloge des pré- en tous sens mais avec une formidable minutie PIOTR ILYITCH
ceptes divins que le prophète invite à « aimer dans la légèreté : on savoure la précision de TCHAÏKOVSKI
et désirer avec passion », le texte constitue un chaque entrée sur le vers « Herr, erquicke mich 1840-1893
matériau de choix dont le com- nach deinen Rechten », on Y Y Symphonies nos 5 et 6.
positeur fait un véritable chef- Orchestre de la Suisse italienne,
admire la communion des voix
d’œuvre. On a cru jusqu’en 1975 Markus Poschner.
sur « Siehe mein Elend und
Claves. Ø 2021-2022. TT : 1 h 28’.
la partition perdue. Elle a déjà errette mich. » Malgré l’effectif TECHNIQUE : 2,5/5
donné lieu à de magnifiques réduit (et certaines individuali- Passons sur la sé-
enregistrements, notamment tés qui seront affaire de goût), les cheresse de la
par Philippe Herreweghe (HM, chœurs se révèlent somptueux, captation, la gri-
2007) ou par Hans-Christoph comme dans le Magnificat final. saille de l’or-
Rademann (Carus, 2017). Sans On termine alors l’écoute avec le chestre (écoutez,
remettre en cause leurs quali- sentiment puissant de savoir dans la 5 e , la
tés, la nouvelle version offre à enfin ce qu’est le Chant du cygne. montée vers le climax du deuxième
entendre quelque chose de neuf. PLAGE 4 DE NOTRE CD Adrien Cauchie mouvement, à partir de 5’ 50’’), le
manque de poids comme de ten-
sion (second climax de ce même
probe. Non seulement l’évocation et 2 pour petit orchestre. style châtié, son énergie à la fois volet, entre 9’ 30 et 10’ 20). La notice
n’advient pas, mais la voix expose Apollon Musagète. fervente et concentrée, son lumi- fait grand cas des « recherches »
à nu des inégalités de registre, des James Ehnes (violon), neux équilibre. Ne cherchant nul- menées par le chef sur les partitions.
stridences parfois, que l’orchestre BBC Philharmonic, Andrew Davis. lement à rivaliser avec la fougue et Pour justifier le charcutage du finale
effaçait. Certes, la conviction est Chandos (SACD). Ø 2023. l’aérienne fluidité de Frang/Kuusisto de la 5e, Poschner invoque l’exemple
là, et la beauté même de la voix TT : 1 h 10’. (Warner, Diapason d’or) ni avec la de Mengelberg – qui n’aurait fait
ne se discute pas. Mais est-ce cela TECHNIQUE : 4/5 clarté solaire et l’angulosité déca- que reproduire des indications et
qu’il faut à ces lieder, ou bien moins Un peu plus d’un pante de Faust/Roth (HM, Diapason coupures du compositeur – et bap-
de moyens et plus de pertinence ? an après une d’or de l’année 2023), Ehnes et Davis tise pompeusement ce massacre
La question est d’autant plus aiguë Symphonie en ut s’inscrivent dans une filiation moins « Version Hambourg ». Pauvre Tchaï-
que la soprano ne chante pas diffé- et une Sympho- aventureuse et plus apollinienne kovski et pauvre de nous !
remment selon que l’orchestre ou le nie en trois mou- (Grumiaux/Bour, Perlman/Ozawa). Dans la « Pathétique », pas de
piano accompagnent, rendant dé- vements d’assez A la fois incisif et raffiné, le jeu du coupes sombres mais quantité
cidément un peu vain un exercice haut vol (Chandos, cf. no 717), An- soliste se conjugue davantage qu’il de surlignages et étrangetés qui
de style qui s’annonçait d’emblée drew Davis confirme sa fibre stra- ne s’oppose à la trame tissée par proviendraient d’un exemplaire
frustrant. Sylvain Fort vinskienne. A la tête d’un BBC Phil- le chef. Ce classicisme altier, cette ayant appartenu à Napravnik.
harmonic souple et discipliné, il offre grande hauteur de vue enrichissent Un exemple parmi tant d’autres
IGOR STRAVINSKY un écrin quasi idéal à la sonorité singulièrement la discographie. de cet interventionnisme : avant
1882-1971 ambrée et profonde de James Admirable d’aisance entre hiéra- la coda du scherzo (à 6’ 47’’), le
Y Y Y Y Y Concerto pour violon. Ehnes. Dans le Concerto en ré (1931), tisme et souplesse, sous-tendu « ping-pong » entre trombones et
Scherzo à la russe. Suites nos 1 le violoniste impressionne par son par une belle rigueur rythmique trompettes laisse ici place à des

90 I
plâtrées de rondes jouées par des LEOPOLD VAN DER PALS Théotime Lan- maturité : le trait est partout juste.
cors wagnériens qui bouchent la 1884-1966 glois de Swarte Le Consort soigne la dynamique, joue
polyphonie. Ce n’est pas le Tchaï- Y Y Y Y Quatuor à cordes nos 1 à 3. affine le portrait sur les couleurs pour souligner les
kovski de tout le monde, certes. En In memoriam Marie Steiner. du Vénitien en richesses de l’orchestration, comme
tout cas, ce ne sera pas le nôtre. Quatuor Van der Pals remédiant à l’ab- ces cors pétaradants et ces timbales
Retour à Mravinski (DG), Mehta CPO. Ø 2019 TT : 1 h 06’. sence d’enregis- martiales dans le RV 569, qui se hisse
(avec Los Angeles, Decca), Svet- TECHNIQUE : 4/5 trement de certaines pages instru- au sommet. L’archet souple, délicat
lanov (Warner)… Né à Saint-Péters- mentales, tout en revisitant et sensible de Langlois de Swarte et
Christophe Huss bourg d’un père l’interprétation de quelques autres. son Stainer de 1665 excellent parti-
hollandais et Cette fresque ambitieuse et soli- culièrement dans la confession in-
FRANCESCO PAOLO TOSTI d’une mère da- dement construite fera les délices time et rêveuse (mouvements lents
1846-1916 noise, Leopold du vivaldien confirmé mais risque des RV 212, 267a, 349, 768 et 583).
Y Y Y Y 21 mélodies. Van der Pals se de dérouter le curieux, agacé par Que retenir en priorité ? Les RV 256,
Javier Camarena (ténor), forma auprès des maîtres russes tant de fragments (mouvements RV 171 et RV 237 trouvent ici leur ré-
Angel Rodriguez (piano). avant d’étudier à Berlin avec Glière. alternatifs, simples citations). férence. Le vivaldien se précipitera
Pentatone. Ø 2023. TT : 1h21’. Son premier quatuor à cordes, écrit Du premier concerto identifié (le sur les inédits, impeccablement ren-
TECHNIQUE : 4/5 en 1916-1917 alors qu’il s’était réfu- RV 813 de 1705, encore si torellien) dus, à commencer par le rustique
Les plus grands gié en Suisse, reflète l’inquiétude jusqu’à la Ciaconna de 1738, tout RV 250 et le RV 252 dont les inter-
ténors ont inter- du musicien devant la révolution le parcours créateur du Prêtre roux prètes font brillamment ressortir les
prété Tosti. En russe en cours. est exploré et balisé, sans délaisser formules répétitives. Un sans-faute
jetant son dévolu Puissamment fiévreuse, l’œuvre se les contributions pour la Dresde de alors ? Presque. Comparez le superbe
sur une vingtaine teinte d’évocations wagnériennes Pisendel (RV 237 et 569), la cour de RV 278 par Langlois de Swarte et
des quelque cinq (Tristan) et tchaïkovskiennes (Sym- Mantoue (RV 250, L’estate), Anna Ma- par Carmignola (Archiv, Diapason
cents mélodies du compositeur phonie no 4). C’est également en ria (RV 267a et 349) ou l’empereur d’or) : raffiné et élégant chez le ca-
abruzzais, Javier Camarena s’attaque Suisse, où son épouse Maroussia Charles VI (RV 171). Chaque œuvre de det, intense et poignant chez l’aîné.
à forte partie. Avec de sérieux était alors en convalescence, que ce patchwork est restituée dans son Le second respire comme nul autre ;
atouts : un chant généreux, un aigu Van der Pals composa son Quatuor effectif idéal, nourri par une basse la densité de l’expression, dans cer-
aisé, une maîtrise des codes tradi- no 2 (1925), dédié à la mémoire de continue inventive. Esprit tonique et taines sections, touche à l’ineffable.
tionnellement associés à ce réper- son ami Rudolf Steiner. Achevé en joyeux dans les pages de jeunesse, Un modèle qui reste encore à éga-
toire, à commencer par des dimi- quatre jours, le no 3 « Métamor- nuances subtiles pour celles de la ler. Roger-Claude Travers
nuendos séducteurs – un peu trop phoses » (1929) enchaîne quatre
sur le timbre parfois – qu’autorise mouvements en treize minutes (son
la souplesse de l’émission. auteur y voyait une symphonie en
Les mélodies rapides, où il faut de miniature) dans lesquels apparaît
l’agilité, tels Marechiare ou Penso!, manifeste l’influence de la musique
ne menacent en rien une voix rom- française. Enfin un bref In memo-
UN RETOUR LUXURIANT ET COLORÉ À
pue au bel canto du premier XIXe riam Marie Steiner (1948) complète HAENDEL
siècle. Les trois mélodies françaises, ce premier album consacré aux qua-
de leur côté, ne pèchent pas par un tuors à cordes de Van der Pals.
exotisme articulatoire. Tout est joli L’ensemble suédois éponyme formé
et nuancé – Aprile, par exemple. autour du violoncelliste Tobias Van
On pourrait certes souhaiter plus der Pals, petit-fils du compositeur,
mûries, plus profondes les Quattro s’investit à fond dans la redécou-
canzoni d’Amaranta (sur les poèmes verte de ces pages intérieures et
de D’Annunzio), plus d’intériorité secrètes, non dénuées d’une réelle
dans Avec toi, mais le ténor mexi- beauté. Jean-Claude Hulot
cain évite les excès d’un chant trop
« napolitain ». ANTONIO VIVALDI
PTC 5187084

Camarena tient donc son rang, 1678-1741


même si un Di Stefano, un Bergonzi, Y Y Y Y Y Concertos
un Corelli, un Pavarotti, aux timbres pour violon RV 37a, 171, 237,
plus capiteux, ont sans doute plus de 250, 252, « Il ritiro » 256,
sex appeal vocal. Parce qu’ils sont 267a, 278, 315 « L’Eté »,
italiens ? Non : écoutez Aprile ou 356, 569, 813. Extraits « Jouer un grand rôle haendélien avec des instruments
d’époque n’arrive pas tous les jours. Voler un rôle majeur de
Malia par Alfredo Kraus, Marechiare des concertos RV 168, 212,
Haendel aux sopranos et l’enregistrer avec Marc Minkowski
par Juan Diego Florez, Penso! et Vor- 349, 370, 478, 539, 768,
et Les Musiciens du Louvre n’arrive qu’une fois dans sa vie. »
rei morire par… Joseph Schmidt. Un 583. Extraits d’œuvres
Magdalena Kožená
piano très éloquent montre qu’An- de et d’après Legrenzi,
gel Rodriguez croit à cette musique, Mouret, Westhoff.
comme en témoigne d’emblée la Théotime Langlois de Swarte
première Canzone d’après D’Annun- (violon), Le Consort.
zio, aux sonorités suggestives. Une Harmonia Mundi (2 CD). www.pentatonemusic.com
belle anthologie. Ø 2023 TT : 2 h 28’.
Didier Van Moere TECHNIQUE : 4,5/5

I 91
Récitals

Un folklore revi- (Panton) : la palette clarifiée et l’étroit Piochée essentiellement dans le


R ÉCI TA L S sité sert de fil
rouge à l’album
contrôle des phrasés délivrent à
contrecœur la confidence de l’An-
premier cahier (1926), la sélection
opérée souligne l’écriture tout en
de Piotr Ander- dante. Capté de très près, le piano frottements harmoniques (no 3),
PIOTR ANDERSZEWSKI szewski, où de ferraille dans les forte d’un Vivo em- l’imitation d’instruments tradition-
PIANO sensuels chatoie- phatique et l’épisode central, nels (no 7) et l’utilisation de gammes
Y Y Y Y JANACEK : Sur un sentier ments se mêlent à une rudesse confi- étouffé, ne s’y ébroue guère. Seuls variées (no 5). Anderszewski y pri-
broussailleux (Second cahier). nant parfois à la sauvagerie. Chez les souvenirs schumanniens du Più vilégie la densité des plans sonores
SZYMANOWSKI : Mazurkas Janacek (1911), ces oppositions de- mosso viennent infléchir ce parcours plutôt que la vivacité rythmique, à
op. 50 nos 3, 4, 5, 7, 8 viennent les ressorts d’un itinéraire strictement balisé. l’inverse de Marc-André Hamelin
et 10. BARTOK : Quatorze intime et douloureux. L’allure mo- Les Mazurkas op. 50 marquèrent le dans son intégrale (Hyperion).
bagatelles op. 6. dérée adoptée par l’interprète lui retour de Szymanowski à la musique La même optique prévaut dans les
Warner. Ø 2016 et 2023. interdit une partie des chemins de populaire et à une certaine simpli- Quatorze bagatelles op. 6 (1908).
TT : 1 h 03’. traverse où bifurquaient Rudolf Fir- cité après les foisonnants triptyques Si les pages « impressionnistes »
TECHNIQUE : 3/5 kusny (DG) et Radoslav Kvapil que sont les Masques et Métopes. (nos 3 et 12), entre chien et loup
(no 8) ou lugubres (no 13), sont re-
marquablement soignées, cette
Nouveauté épure atténue la verve et le mor-
dant des danses populaires dont
éclairée avec ce subtil mélange de limpidité, se nourrissent les nos 2, 5 et 10.
BEHZOD ABDURAIMOV de puissance et de précision. Zoltan Kocsis (Philips) garde l’avan-
PIANO
Ecrits en 1973 (révisés en 1988) par Dilorom tage dans cette étape décisive de
« Shadows of My Ancestors ».
PROKOFIEV : Dix pièces Saidaminova, compositrice ouzbèke formée l’évolution créatrice de Bartok.
de Roméo et Juliette. Marc Lesage
en partie au Conservatoire Tchaïkovski de
SAIDAMINOVA : Les Murs Moscou, notamment sous la tutelle de Denisov,
de l’ancienne Boukhara. ALENA BAEVA
Les Murs de l’ancienne Boukhara s’inspirent des VIOLON
RAVEL : Gaspard de la Nuit.
Alpha. Ø 2023. TT : 1 h 10’. Tableaux d’une exposition de Moussorgski. Si la Y Y Y Y Y « Fantasy ».
TECHNIQUE : 4,5/5 nouvelle œuvre déambule elle aussi, c’est à tra- SCHUBERT : Fantaisie D 934.
Enregistré en juin 2023 au studio Teldex de Berlin vers quelques lieux emblématiques de l’ancienne STRAVINSKY : Divertimento
par Martin Sauer. Dans l’acoustique généreuse capitale de l’empire samanide, cité riche d’un d’après Le Baiser de la fée.
de Teldex, un excellent équilibre des registres patrimoine architectural de plus de deux mille SCHUMANN : Märchenbilder
du piano et une grande dynamique qui met op. 113. MESSIAEN : Fantaisie.
en valeur ses timbres lumineux.
ans. On pourra être captivé par ces images à la
Vadym Kholodenko (piano).
densité de texture impressionnante (comme les
Alpha. Ø 2023. TT : 1 h 06’.
Ombres de mes ancêtres qui donnent son titre à

B
ehzod Abduraimov, dont le premier TECHNIQUE : 4/5
disque était salué en 2012 par un Dia- l’album), mystérieuses ou animées par une rude Le patchwork du
pason Découverte, fait partie de ces tension (Minaret de la mort). programme peut
artistes qui mûrissent lentement leur Abduraimov triomphe dans un Gaspard de la se justifier en
répertoire, peaufinant les œuvres dans les nuit rendu à sa pureté originelle. Par son partie par l’idée
moindres détails avant de les livrer au public. contrôle de la sonorité, par la douceur enjôleuse de « fantaisie »,
dont il nimbe la longue mélodie, Ondine instille même si l’accep-
Son interprétation des Dix pièces de Roméo et
le charme insidieux de la nymphe, jusque dans tion de ce terme se révèle bien dif-
Juliette de Prokofiev séduit par une caractéri-
l’explosion d’un prodigieux crescendo. Au son férente d’un compositeur à l’autre.
sation exemplaire, que ce soit la vivacité Formée à Moscou puis élève de
espiègle de la Jeune Juliette ou la brusquerie de d’une cafardeuse cloche tintant dans le lointain,
Shlomo Mintz, lauréate à seize ans
Mercutio en passant par la simplicité débon- le Gibet saisit par ses couleurs crépusculaires,
du Concours Wienawski, Alena
naire de Frère Laurent. son atmosphère blafarde culminant dans la sec- Baeva joue un Guarneri del Gesù
Premiers accords cinglants plantant idéa- tion centrale où plus rien ne semble subsister (« ex-William Kroll ») de 1738. Elle
lement le décor, traits incisifs (Scène), chant de vivant (« sans expression », note Ravel). L’in- trouve en Vadym Kholodenko, mé-
chaleureux (épisode central terprète gère tout aussi intelli- daille d’or au Van Cliburn 2013, un
du Menuet), marche grin- gemment la dramaturgie de partenaire quasi idéal.
çante (Masques), fine sensua- Scarbo : loin de s’enivrer de sa Sachant en capter le subtil lyrisme,
lité (Danses des jeunes filles propre virtuosité, il se garde de notre duo éclaire remarquablement
toute surenchère et ne sort le les diverses facettes de la Fantai-
des Antilles), lyrisme déses-
« grand jeu » que dans les sie en ut D 934 (1827), œuvre riche
péré (Roméo et Juliette avant le
de contenu et techniquement exi-
départ) : l’éventail de couleurs moments clés – les assauts fré-
geante, qui oscille entre des élans
et de nuances que déploie le nétiques du gnome démoniaque chevaleresques alla Weber et de
musicien exploite à merveille n’en prennent alors que plus de sombres et mystérieuses plongées
la grande variété de sentiments relief. Un théâtre pianistique visionnaires. La démarche de Stra-
qu’offre la partition. Même Ash- chorégraphié de main de maître. vinsky dans son ballet Le Baiser de la
kenazy et Lugansky ne l’ont pas PLAGE 5 DE NOTRE CD Bertrand Boissard fée (1928), puisant dans la musique
de Tchaïkovski, est comparable à

92 I
celle qu’il adopta vis-à-vis de Per- MARTIN JAMES BARTLETT les voix s’entremêlant avec un brio heureuses, qu’ajoute le pianiste),
golèse dans Pulcinella, même si PIANO jamais ostentatoire. La sérénité en- son exécution se tient éloignée des
le résultat est à l’évidence infini- Y Y Y Y Y « La Danse ». veloppante des Barricades mysté- gouffres que la sombre partition
ment moins heureux. Il n’empêche RAMEAU : Gavotte et six doubles. rieuses de Couperin n’est pas moins appelle ; l’interprète, qui évoque
que, joué ainsi par Baeva et Kho- COUPERIN : Les Barricades splendide. dans la notice « une énergie bril-
lodenko, le Divertimento (1934) en mystérieuses. RAVEL : Le Prélude du Tombeau de Coupe- lante et éblouissante », semble ef-
transcende magistralement les fai- Le Tombeau de Couperin. rin de Ravel s’inscrit dans ce flux fectivement n’en percevoir que le
blesses et se révèle aussi lumineux Pavane pour une infante défunte. tout de finesse sensuelle. Plus loin, versant lumineux. Mais ce qui pré-
qu’attrayant. La Valse. HAHN : Le Ruban on applaudit la fluidité de la Fugue, cède, défendu par un fin gourmet
Originellement pour alto et piano, dénoué (Décrets indolents les douces vibrations, la tranquillité du clavier, au palais délicat, est ex-
le cycle rêveur des quatre Märchen- du hasard, Les Soirs d’Albi)*. du trait dans la Forlane. La pudeur trêmement recommandable.
bilder (1851) dévoile un univers DEBUSSY : Arabesque no 1. se garde de toute dépression (Me- Bertrand Boissard
plein d’animation puis d’étrange Alexandre Tharaud (piano)*. nuet), la virtuosité a du corps (Toc-
nostalgie. Furtwängler appelait Warner. Ø 2023. TT : 1 h. cata). Alexandre Tharaud s’assied CUARTETO QUIROGA
Debussy le « Schumann français », TECHNIQUE : 4/5 au second piano pour deux pages Y Y Y Y « Atomos ».
mais il y a un monde entre le phan- Autre jeune pia- détachées du Ruban dénoué de HAYDN : Quatuor à cordes
tasieren, le fantastique du dernier niste britan- Hahn, et enlevées avec prestesse. op. 42. BEETHOVEN : Quatuor
Schumann et la concision quelque nique, Benjamin Debussy résonne à travers la seule à cordes op. 95 « Serioso ».
peu abrupte de la Fantaisie (1932) Grosvenor avait Arabesque no 1, que le musicien de BARTOK : Quatuor à cordes no 3.
du jeune Messiaen – encore de- bâti le pro- vingt-sept ans déroule avec une KURTAG : Secret Funeral music.
bussyste, déjà hanté par la moda- gramme de ses suave délicatesse. WEBERN : Bagatelles op. 9 no 5.
lité grégorienne et orientale. Tout « Dances » (Decca, Diapason d’or) En conclusion, Martin James Bart- Cobra. Ø 2022. TT : 59’.
en respectant les particularismes en puisant dans un répertoire plus lett convoque à nouveau Ravel, et TECHNIQUE : 3,5/5
propres à chacune de ces deux large, quand Martin James Bartlett deux de ses visages : celui de l’es- C’est un pro-
œuvres, Baeva et Kholodenko les se concentre sur deux siècles de thète fin-de-siècle avec la Pavane gramme aussi
servent avec un égal engagement, musique française. Tenue d’une pour une infante défunte, merveille personnel que
une lisibilité raffinée alliée à une main gauche toujours expressive, de sensibilité jamais mièvre sous ses cohérent, renfer-
sorte de décantation un peu rêche la Gavotte et ses doubles de Ra- doigts, et celui du démoniste, avec mant une pre-
et assez savoureuse. meau se déploient dans une sono- La Valse. Parfois décorative (jusque mière mondiale
Patrick Szersnovicz rité conjuguant chaleur et clarté, dans les guirlandes, pas toujours (Kurtag), que livre le Cuarteto

PRÉSENTE

$OLCE 0UPILLO
SO NI A PRIN A & LUA N GÓ ES
LES FURIOSI GALANTES

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I 93
Récitals

pour l’essentiel, sur les compositeurs


Nouveauté actifs en Allemagne du Nord et en
Autriche. La nouvelle anthologie
Noack avait déjà enregistré (chez Ars en 2014) nous ramène dans la seconde, sauf
FLORIAN NOACK sa version condensée de la Schéhérazade de pour Böddecker dont la carrière se
PIANO déroula surtout à Stuttgart et Stras-
« I wanna be like you ».
Rimski-Korsakov. Comment résister à l’impact
bourg. Publiée à Innsbruck en 1660,
BACH/NOACK : Concerto de cette admirable recréation, d’autant que l’in-
la Sonate op. 3 no 4 de Pandolfi
pour quatre clavecins BWV 1065. terprète y insuffle le ton de légende indispen- Mealli illustre le règne du goût ita-
MENDELSSOHN/NOACK : sable ? Le sens de l’épopée, comme celui de la lien sur la cour impériale. L’imagi-
La Première Nuit de Walpurgis. narration et de la danse s’entremêlent en un nation de Schmelzer et Biber s’en
RIMSKI-KORSAKOV/NOACK : Schéhérazade. ensemble à la fois chatoyant et puissant. Ce nourrit. Fondée sur une basse obs-
NOACK : Paraphrase sur différentes valses grand amateur de musique russe convoque tinée qui court de sa chaconne ini-
de J. Strauss II. SUSATO/NOACK : Danserye.
également la Symphonie « Classique » de Pro- tiale aux sarabande et gigue qui
PROKOFIEV/NOACK : Symphonie « Classique ».
CHOSTAKOVITCH/NOACK : Valse n°2. kofiev, qu’il parcourt avec une réjouissante suivent, la Sonata IVa du premier,
SHERMAN/NOACK : I wanna be like you. gourmandise (le Molto vivace est particulière- tirée des Sonatae unarum fidium,
La Dolce Volta. Ø 2023. TT : 1 h 12’. ment délicieux). participe à la définition d’un style
TECHNIQUE : 4,5/5 Quelques sucreries complètent cette collection autochtone, aventureux et brillant,
Enregistré en janvier 2023 par Martin Rust de chefs-d’œuvre. Noack glisse une paraphrase que son élève porte vers des som-
à Arsonic, Mons (Belgique). Un piano aux sonorités mets d’inventivité virtuose dès son
de sa façon sur différentes valses (pas les plus
limpides, que souligne la grande clarté de la prise recueil de 1681, plus encore avec
de son. Des harmoniques luxuriants et une
connues) de Johann Strauss II, que suit dans le les Sonates du Rosaire.
excellente dynamique. programme un court triptyque de Tielman La familiarité de Stravaganza avec
Susato, compositeur du XVIe siècle basé à ce répertoire exigeant est d’em-

D’
une curiosité peu commune, grand Anvers (l’ensemble Utopia en proposait récem- blée évidente. Le violon de Domi-
défricheur de partitions, Florian ment un portrait, Ramée, Diapason d’or, tille Gilon affronte les périls des
Noack déploie une nouvelle fois ses cf. no 728). Après l’inusable Valse no 2 de Chos- partitions sans faillir ; l’archet est
talents de transcripteur. Son adap- takovitch, la conclusion revient à une chanson sûr, le ton juste. La Sonate en ré
tation du Concerto pour quatre composée pour le film d’anima- mineur de Böddecker est ici plus
clavecins BWV 1065 de Bach tion de Walt Disney Le Livre de nette que chez Manfredo Kraemer
(d’après Vivaldi) éblouit autant la jungle, où notre musicien (Naïve, 2003), celle de Schmelzer
que sa réalisation digitale, dépasse Lang Lang sur ses plus précise qu’avec Hélène Schmitt
(Alpha, 2007) qui l’emporte toute-
culminant dans un Allegro final plates-bandes. Un programme
fois en pouvoir d’évocation, comme
irradiant d’une joie solaire. La passionnant, défendu par un
dans la Présentation au Temple de
Première Nuit de Walpurgis de pianiste qui, dans la lignée d’un Biber. Lina Tur Bonet mettait plus
Mendelssohn s’apparente à une Earl Wild ou d’un Cyprien Kat- d’ardeur à la Sonate C 143 du même
vision fantastique, ensorce- saris, porte haut l’étendard de Biber (Glossa, Diapason d’or), En-
lante, zébrée d’apparitions la transcription. rico Gatti plus de suavité à celle
irréelles. Du grand piano ! Bertrand Boissard de Pandolfi Mealli (Symphonia,
1990). Sans s’imposer par un excès
d’opulence, le continuo apporte
Quiroga, fondé en Espagne en 2003 la coda du finale attestent une ur- neuf à l’art si singulier du composi- un soutien ferme et coloré à une
et ardent défenseur du répertoire gence dramatique exacerbée, que teur hongrois. Et pourquoi ne jouer réalisation solide. Un peu plus d’au-
contemporain. Son titre grec (« Ato- tempère à peine le voile de mystère que la cinquième des Six bagatelles dace dans le programme n’aurait
mos », autrement dit indivisible) conféré à l’Allegretto et une louable op. 9 (1913) de Webern, alors même pas nui. Jean-Christophe Pucek
évoque un art de la concentration diversification des couleurs dans que la durée du CD permettait lar-
musicale, où les idées s’affinent chaque mouvement. gement d’inclure l’entier recueil GIDON KREMER
jusqu’à leur forme la plus concise. Creuser, incarner et magnifier le (moins de quatre minutes) ? VIOLON
L’interprétation de l’Opus 42 (1785) Quatuor no 3 (1927), le plus âpre, Patrick Szersnovicz Y Y Y Y « Songs of Fate ». Œuvres
de Haydn, en ré mineur, se veut dense et austère de Bartok, n’est de Serksnyte, Kuprevicius,
sobre, économe d’effets (peu ou pas donné à tout le monde. Les Qui- ENSEMBLE STRAVAGANZA Weinberg et Jancevskis.
pas de vibrato, reprises le plus sou- roga, sans doute moins raffinés que YYYY Œuvres de Biber, Vida Mikneviciute (soprano),
vent omises) pour mieux accentuer les Jerusalem (HM) ou les Modigliani Schmelzer, Böddecker Magdalena Ceple (violoncelle),
le caractère concentré de cette page (Mirare), pour ne citer que deux et Pandolfi Mealli. Andrei Pushkarev (vibraphone),
où Haydn, après la révélation des bonnes versions récentes, montrent NoMadMusic. Ø NC. TT : 49’. Kremerata Baltica.
Six quatuors op. 10 de Mozart qui cependant un style acéré, un appro- TECHNIQUE : 4,5/5 ECM. Ø 2019 et 2022. TT : 57’.
lui sont dédiés, semble affirmer en fondissement rythmique et une Depuis son pre- TECHNIQUE 3,5/5
une seule mise au point son propre acuité sonore exemplaires et par- mier disque Gidon Kremer a
style. Dans le « Serioso » (1810) en faitement en situation. (« Concert à la conçu cet album
fa mineur de Beethoven, l’incandes- Se mouvant dans des nuances vo- cour des Habs- de « chants du
cence du mouvement initial, la furia lontiers infinitésimales et impercep- bourg », Aparté, destin » en pen-
tourbillonnante de l’Allegro assai tibles, la brève pièce inédite de Kur- 2012), l’En - sant à son père
vivace, la désinvolte dérobade de tag n’apporte pas grand-chose de semble Stravaganza se concentre, et professeur

94 I
Markus Kremer, qui a perdu trente- James Baillieu (piano). sonne ici particulièrement poignant. deux partenaires attentifs, Ridout
cinq membres de sa famille dont HM (2 CD). Ø 2023. TT : 2 h 08’. La transcription de la Romance sans s’impose sans peine dans une dis-
sa première femme et leur enfant TECHNIQUE : 3,5/5 paroles op. 19 no 1 de Mendelssohn cographie restreinte. Celle de la
de dix-huit mois dans le ghetto de A p rè s avo i r enrichit l’harmonie de brèves incur- sonate de Rebecca Clarke s’est
Riga – l’homme avait réussi à fuir enregistré son sions en doubles cordes, si vibrantes étoffée ces dernières années : après
mais conserva de cette échappée adaptation du dans la gravure de Tertis, en 1930 Tabea Zimmermann (Myrios) et
en solitaire un sentiment de culpa- concerto pour (Biddulph). Puisque ce dernier par- Adrien La Marca (La Dolce Volta),
bilité inextinguible. violoncelle d’El- tageait alors la scène avec Fritz Kreis- elle trouve ici une nouvelle réfé-
Pour son hommage ou ce qui y res- gar (cf. no 719, ler, Ridout évoque leur amitié par rence, à la fois évocatrice et remar-
semble, le curieux et éclectique vio- Diapason d’or), Timothy Ridout cé- un Liebesleid qui porte sa mélan- quablement architecturée.
loniste letton plonge logiquement lèbre à nouveau Lionel Tertis (1876- colie à la boutonnière, adapté par Marc Lesage
dans ses racines juives, autour de 1975), vénérable pédagogue et in- ses soins.
compositeurs baltes notamment. terprète qui s’employa, par ses Des pièces de Bridge, Forsyth ou TRIO ERNEST
This too shall pass de la Lituanienne nombreuses transcriptions, à élargir Wolstenholme rappellent combien Y Y Y Y Y « Haydn All-Stars »
Raminta Serksnyte (née en 1975) le répertoire de son instrument, l’alto de Tertis fut cher au cœur des HAYDN : Trios avec piano
égrène le temps dans une esthé- l’alto. Tandis que le Minnelied op. 71 compositeurs britanniques. Outre nos 7, 12, 29, 31. FONTYN : Lieber
tique de miroir brisé, que traverse no 5 de Brahms s’appuie sur un mé- ses propres et modestes vignettes, Joseph! RAVEL : Menuet
le violon mélodiste de Kremer en dium chaleureux pour livrer son doux il fut, entre autres, l’inspirateur de sur le nom de Haydn. BRAHMS :
dialogue avec un violoncelle, un aveu, l’Elégie op. 24 de Fauré la fougueuse Rhapsodie de William Immer leiser wird mein
vibraphone et les cordes de sa Kre- conserve la tessiture de l’original Henry Reed ou de la Sonate no 1 Schlummer.
merata Baltica. Lituanien lui aussi, pour violoncelle : le crescendo me- de York Bowen, d’obédience brahm- Aparté. Ø 2023. TT : 1 h 15’.
Giedrius Kuprevicius (né en 1944) nant au retour du thème principal sienne. Soutenu à tour de rôle par TECHNIQUE : 4,5/5
incorpore une partie de soprano
(vibratile Vida Mikneviciute) dans
un Kaddish des endeuillés et les Nouveauté
lamentations de sa symphonie de
chambre L’Etoile de David. Lignum Au-delà de la technique, la soprano témoigne
du Letton Jekabs Jancevskis (né SANDRINE PIAU d’une intimité approfondie avec les mots, sertis
en 1992) peut paraître hors pro- SOPRANO dans une ligne admirablement soutenue : le
gramme, mais ses traits serrés, son « Reflets ». Mélodies de Berlioz, chant et la déclamation fusionnent. Rien ne lui
atmosphère naturaliste avec oca- Duparc, Koechlin, Debussy, échappe ou ne lui pèse, ni la langueur sensuelle
rinas et cloches tubulaires ne sont Ravel et Britten.
de la Chanson triste ou de L’Invitation au voyage
pas sans intérêt. Orchestre Victor Hugo,
Jean-François Verdier. chez Duparc, ni le troublant érotisme de la volu-
Kremer associe à l’aventure le Po- bile Pleine eau, deuxième des Quatre poèmes
Alpha Classics. Ø 2022. TT : 57’.
lonais Mieczyslaw Weinberg (1919-
TECHNIQUE : 4/5 d’Edmond Haraucourt (1890-1897) de Koechlin,
1996), qu’il a déjà largement contri-
bué à sortir de l’oubli, et dont il
Enregistré par Laure Casenave et Vincent Mons que l’on n’entend pas si souvent. Piau crée, là
en novembre 2022 à l’Auditorium de la Cité des Arts encore, un climat d’onirisme diffus pour l’éva-
assume ici un Nocturne avec or- de Besançon. Les plans se mêlent harmonieusement
chestre et l’Aria op. 9 en quatuor, nescente jeune fille d’Epiphanie, dernière des
et des textures d’orchestre chaleureuses
dans une veine postromantique soutiennent une voix détourée avec précision Trois mélodies op. 17. Dans les Quatre chansons
que son archet n’alourdit jamais. qui illumine la scène sonore. françaises de Britten, rendues avec un naturel
Vida Mikneviciute prête son chant parfait, elle prend la relève de la créatrice Hea-

A
à trois des Mélodies juives op. 13, près « Clair-obscur » (cf. no 699), voici ther Harper (composé en 1928, le cycle ne fut
paysages de l’enfance qui, çà et « Reflet ». Sandrine Piau, rebelle au dévoilé qu’en 1980), évitant notamment tout
là, s’assombrissent. Un Kremer au pathos dans L’Enfance.
fourre-tout, sait composer ses pro-
soir de son impressionnante car- Déjà partenaire de l’album précédent, le chef
grammes autour d’un thème évoca-
rière et une Kremerata toujours très
teur. Elle sait les chanter, surtout, d’une voix à Jean-François Verdier, pare tous ces « Reflets »
juste de ton tirent au long de ce
programme porté à la méditation la rondeur satinée que les années n’ont pas de couleurs vives à la clarté chambriste, là où
une corde sensible et touchante. ridée, dont la fraîcheur et l’homogénéité se pré- guettait un impressionnisme plus ou moins
Benoît Fauchet servent magnifiquement. Elle cotonneux. Pour autant, il n’as-
n’a rien à craindre de mélodies sèche point les timbres, ni ceux
TIMOTHY RIDOUT qui, chez d’autres, mettraient des mélodies, ni ceux des pages
ALTO l’aigu en péril : écoutez la ver- debussystes orchestrées par
Y Y Y Y Y « A Lionel Tertis sion haute du Spectre de la rose Caplet et Ansermet et glissées en
Celebration ». Œuvres des Nuits d’été ! La maîtrise du intermèdes. Le Clair de lune illu-
et arrangements de Tertis, souffle lui permet, chez Ravel, mine une nuit d’étoiles, Pour
Beethoven, Mendelssohn, remercier la pluie au matin,
de galber les longues phrases de
Fauré, Schumann, Brahms,
Soupir, le premier des Trois la dernière Epigraphe antique,
Forsyth, Wolstenholme,
Vaughan Williams, Kreisler, poèmes de Stéphane Mallarmé cursive et aérée, annonce peut-
Bridge, Ireland, Bowen, – elle y rejoint au sommet une être un jour de fête.
Clarke, Coates. Suzanne Danco. PLAGE 2 DE NOTRE CD Didier Van Moere
Frank Dupree,

I 95
Récitals

marquent l’Octuor pour quatuor à


Découverte cordes, contrebasse, clarinette, bas-
son et cor (1933) du premier comme
par l’énigmatique Gasparo Garavaglia, maître le Quintette avec clarinette (1932)
HANNA SALZENSTEIN de chapelle de la cathédrale de Forli (en
du second. Les deux partitions jouent
VIOLONCELLE et se jouent du langage harmonique,
« E il violoncello suonò ». Romagne). Outre l’originalité du programme,
évitant ou faussant la tonalité par
Œuvres de Taglietti, Ruvo, Vivaldi, il faut saluer l’excellence, la délicatesse et l’in- des thèmes lyriques animés de
Dall’Abaco, Platti, Antoniotto, vention du trio de continuistes. contrechants tendus (Andantino de
découverte Marcello et Garavaglia. Tout aussi rares et passionnantes, la Sonata l’octuor, Allegro molto alla Chosta-
Théotime Langlois de Swarte (violon), IVa de Giorgio Antoniotto (1681-1776) de kovitch et Adagietto espressivo du
Alberic Boullenois (violoncelle), Marie-Ange Petit Milan, ou encore la touchante Sonata IIIa du quintette). Leurs différents mouve-
(percussions), Thibaut Roussel (archiluth),
Padouan Giovanni Benedetto Platti (1697- ments invitent délicatement le clas-
Justin Taylor (clavecin).
1763) sont abordées avec brio et raffinement, sicisme (Allegro scherzoso en mini-
Mirare. Ø 2023. TT : 1 h 05’.
TECHNIQUE : 4/5 Salzenstein ciselant finement chaque articu- rondo et ostinatos structurant les
Enregistré en octobre 2023 à l’église évangélique lation et parant chaque intention expressive volets extrêmes de l’octuor, fugatos
allemande de Paris par Alban Moraud. Capté en de nuances subtiles et renouvelées. La violon- dans le Moderato et l’Allegro ener-
proximité, un violoncelle subtilement défini et riche gico du quintette).
celliste nous touche tout particulièrement
en nuances. Ensemble instrumental aux sonorités Le parti pris, chez Robin Holloway
claires et harmonieuses.
dans les Capricci, aussi éloquents que spécu- (né en 1943), est bien différent. La
latifs (on pense parfois à Bach), de Giuseppe Sérénade en ut (1979), écrite pour

P
our son premier récital, Hanna Salzen- Maria dall’Abaco (1710-1805). le même effectif que l’octuor de
stein a réuni autour d’elle, outre deux Ces interprètes d’exception, succombant au Ferguson, rompt avec le modernisme
complices du Consort, « syndrome Arpeggiata », nous qui caractérisait jusque-là le com-
un impressionnant quittent sur une tarentelle positeur. Se voulant « divertissante,
bataillon de virtuoses. Elle se conclusive, certes endiablée, amusante, innocente, légère »,
propose de « raconter l’émer- mais d’un maigre intérêt musi- l’œuvre reprend « des objets musi-
gence de la voix du violoncelle » cal. On pourra s’en passer en caux banals et éculés […] pour […]
au cœur du baroque, nous révé- arrêtant l’écoute à la plage pré- les parodier avec amour ». Tout n’y
lant au passage quelques chefs- cédente : cette Sonate en trio est pas « vrai », et c’est une part
d’œuvre inédits, telle la volup- importante de l’esthétique (large-
RV 820 de Vivaldi, avec l’éblouis-
ment humoristique) de ces cinq mou-
tueuse Aria da suonare de Giulio sant Théotime Langlois de vements. La Marcia « marche » dif-
Taglietti (1660-1718) qui ouvre Swarte au violon, offre un point ficilement puisque polyrythmique
l’album, ou une sonate, aussi final autrement enthousiasmant. et le Menuetto alla tarantella, por-
brillante que sensuelle, signée PLAGE 7 DE NOTRE CD Denis Morrier tant d’emblée la contradiction dans
son intitulé, puise davantage à la
seconde (endiablée) qu’au premier.
Composé de Na- Trio no 12 en mi mineur donnent vie compagnon à ceux du Lieber Jo- Il est difficile de démêler, dans les
tasha Roque Al- et énergie au discours. Si toutes les seph (ce cher Joseph). citations multiples qui émaillent la
sina au piano, reprises sont ici observées, elles Thomas Herreng partition, ce qui relève vraiment de
Stanislas Gosset sont toujours ornées, notamment l’emprunt et ce qui est inventé. Mais
au violon et Clé- à chaque point d’orgue, jusqu’à une WIGMORE SOLOISTS l’objectif est atteint : l’amour pointe
ment Dami au cadence « improvisée » au piano. Y Y Y Y FERGUSON : Octuor bien sous l’humour.
violoncelle, le Trio Ernest place son Si les mouvements lents n’ont certes op. 4. BLISS : Quintette Les interprètes circulent d’une œuvre
premier album sous le signe de pas la sérénité olympienne que leur avec clarinette. HOLLOWAY : à l’autre avec une aisance confon-
Haydn. Depuis les gravures que conférait le Beaux Arts Trio, les fi- Serenade op. 41. dante. Menées par Isabelle Van Keu-
consacra à ce dernier le Beaux Arts nales sont plus bouillonnants, avec Bis (SACD). Ø 2021 à 2023. len, les cordes se révèlent parfaite-
Trio dans les années 1970, l’approche des oppositions de nuances plus TT : 1 h 04’. ment homogènes. Elles laissent
historiquement informée a profon- marquées, les tirant davantage vers TECHNIQUE : 4,5/5 surgir la clarinette soliste de Michael
dément renouvelé l’interprétation le Sturm und Drang que vers une Chez Howard Collins (dans le quintette), installent
de ces œuvres. Aujourd’hui, les tem- légèreté espiègle. Ferguson (1908- une parfaite différenciation des plans
pos sont généralement plus vifs, les Outre le menuet-hommage de 1999), qui renon- sonores (octuor) et des lignes mélo-
ornementations plus présentes et Ravel et un lied de Brahms dont cera à composer diques (Sérénade), et séduisent par-
les contrastes plus appuyés. la mélodie est empruntée à Haydn, en 1959 après tout par un engagement sans faille.
Bien que le piano domine largement le jeune ensemble franco-suisse avoir publié une Si ces musiques ne révolutionnent
dans les premiers trios, les Ernest met en miroir un trio de la com- petite vingtaine d’œuvres, comme ni langages ni formes, les Wigmore
veillent à ne pas minimiser le rôle positrice belge Jacqueline Fontyn chez Arthur Bliss (1891-1975), le passé Soloists s’en approprient remarqua-
des deux autres instruments. Cela (née en 1930). La partition cite la infuse avec le plus grand naturel. blement la facture et l’esprit.
convient bien aux variations qui dernière sonate pour piano de Structures en quatre mouvements Anne Ibos-Augé
ouvrent le Trio no 7 en ré majeur où Haydn mais n’en copie nullement aux tempos contrastés (lent-vif-lent-
un souvenir de musique populaire l’esthétique. Atonal sans être sé- vif), tonalité sous-jacente, architec- AFRICAN AMERICAN
affleure avant de laisser la vedette riel, concis et non dénué d’un cer- ture volontiers cyclique et hommages VOICES II
au clavier. Les accents sforzando du tain humour, elle fait un bon sous forme de citations et d’allusions YYYY BONDS : Montgomery

96 I
Variations. KAY : Concerto Variations, Arioso du Concerto for ganze Welt) et il faut attendre la (Legrenzi/Vivaldi par exemple). Et
for Orchestra. PERKINSON : Orchestra). Cependant, le phrasé polka rapide Ohne Bremse pour comment ne pas être frustré lorsqu’il
Worship. manque souvent de tension inté- l’entendre jeter sa gourme. Sa su- est question du rôle-clé joué par
Royal Scottish National Orchestra, rieure. On imaginerait sans mal ici prême science des dosages, ses Gaetano Greco et qu’aucune de ses
Kellen Gray. plus de volontarisme (One Sunday rallentandos au cordeau ne suffisent œuvres ne se trouve incluse ici ? A
Linn. Ø 2023. TT : 48’. in the South chez Bonds), là d’éner- cependant pas à faire passer l’aca- l’inverse, Henrico Albicastro et son
TECHNIQUE : 3/5 gie et de projection (Toccata chez démisme de l’Ouverture de Wald- très bel Adagio auraient bien mérité
Le deuxième vo- Kay). Et la prise de son bride cette meister. Mais Carlos Kleiber aurait-il quelques lignes… Si l’on applaudit
lume des « Afri- fois encore relief et couleurs. su nous subjuguer dans le « tunnel » des enchaînements éclairants (Ca-
can American Deux regrets, enfin : que la notice que constituent Ischler-Walzer/ rissimi, Kerll, Steffani et Handel), on
Voices » du chef érudite de Gayle Murchinson soit Nachtigall-Polka/Die Hochquelle ? aurait aussi aimé avoir accès aux
afro-américain réservée aux anglophones, et qu’elle Rien n’est moins sûr. paroles des airs pour pouvoir s’en
Kellen Gr ay ne renferme aucun portrait des trois Après une Neue Pizzicato-Polka cap- imprégner pleinement.
aborde une terra incognita de ce compositeurs. Rémy Louis tivante par son extrême plasticité L’interprétation ne sauve que par-
côté de l’Atlantique. Les composi- (tempos, dynamiques, accents), la tiellement ce programme bancal.
teurs du premier CD (cf. no 718) pas- CONCERT scolaire Estudiantina-Polka fait iné- Sonia Prina sort de sa retraite et se
seraient sans peine pour des célé- DU NOUVEL AN 2024 vitablement pâle figure. Et si la fau- montre hypnotique dans les piano
brités comparés à Margaret Bonds Y Y Y Y J. STRAUSS II : Wiener bourienne valse Wiener Bürger de (Scarlatti) grâce à un cantabile tou-
(1913-1972), Ulysses Kay (1917-1995) Bonbons. Figaro-Polka. Neue Ziehrer nous mettait l’eau à la jours aussi délicat (Lotti, Bononcini),
et Coleridge-Taylor Perkinson (1932- Pizzicato-Polka. Ouverture bouche, on déchante devant l’ab- des vocalises liquides et un timbre
2004). Tous ont exercé leur créati- de Waldmeister. Ischler-Walzer. sence de gouaille que Thielemann demeuré intact. Il est bien dommage
vité au-delà des « frontières » clas- Nachtigall-Polka. An der schönen lui réserve. Le Quadrille de Bruc- qu’elle se laisse déborder par son
siques, se frottant au jazz, au cinéma, blauen Donau. E. STRAUSS : kner ? A prendre, tout au plus, énergie volcanique aux extrêmes
aux musiques populaires. Parfois Ohne Bremse. Die Hochquelle. comme un aimable clin d’œil au bi- de la tessiture, et livre un « Furi-
militante, leur vie a croisé beaucoup HELLMESBERGER : Für die centenaire du « Ménestrel de Dieu ». bondo » de Handel plombé par un
d’évènements civiques majeurs de ganze Welt. Estudiantina-Polka. D’une mise impeccable, les Delirien souffle défaillant.
la société américaine du siècle der- Josef STRAUSS : Delirien. ne marquent pas davantage que Luan Goes est un nouveau venu chez
nier, et la foi occupe une place cen- Jockey-Polka. ZIEHRER : Wiener les modestes vœux de Glædeligt les contre-ténors : l’ambitus est large,
trale dans leur existence. Bürger. KOMZAK : Erzherzog Nytaar! (Bonne année !, du Danois assumé sans dissociation de registre,
C’est particulièrement vrai pour Albrecht-Marsch. BRUCKNER : Hans Christian Lumbye). Succédant et sa prononciation claire, l’acteur
Bonds, dont les Montgomery Varia- Quadrille. LUMBYE : Glædeligt à une Jockey-Polka enlevée avec investi. Néanmoins, avouons être
tions (1964), qu’elle n’entendit ja- Nytaar!. J. STRAUSS I : style, le Beau Danube bleu, linéaire personnellement allergiques à ces
mais, sont nourries de cet imagi- Radetzky-Marsch. voire alangui, est à l’image d’un Neu- vocalises magmatiques (Porpora),
naire. Cette pièce plutôt pensive Wiener Philharmoniker, jahrskonzert avare en surprises et ces sons tubés, ces poses amphi-
alterne les états d’âme en s’inspirant Christian Thielemann. frissons. Hugues Mousseau gouriques (« Mi lusinga ») et ces ai-
de multiples sources proprement Sony (2 CD). Ø 2024. TT : 1 h 39’. gus enflés qui rappellent fâcheuse-
américaines, populaires comme sa- TECHNIQUE : 4/5 DOLCE PUPILLO ment Valer Sabadus.
vantes. Le beau Concerto for Or- Le concert du Y Y Y Arias et pièces de Porpora, Séduisent davantage ses qualités
chestra (1948) de Kay accorde beau- nouvel an offrait Scarlatti, Vivaldi, Handel, Kerll, de chef d’orchestre, à la tête de Fu-
coup d’importance aux bois et cette année neuf Steffani, Legrenzi, Colonna, Lotti, riosi Galantes qui portent bien leur
cuivres, traités presque comme des « premières » sur Bononcini, Carissimi, Albicastro. nom. L’effectif limité est bien ampli-
personnages en train de converser. un total de dix- Sonia Prina (mezzo-soprano), fié, la basse continue charnue et
Perkinson est celui chez qui, ryth- huit pièces. Si les Luan Goes (contre-ténor et l’ensemble n’est avare ni de
miquement, l’élément afro ressort Wiener Philharmoniker se soucient direction), Les Furiosi Galantes. contrastes ni de rythmes survitami-
avec le plus d’acuité (cuivres, per- à juste titre d’oxygéner la program- Indesens. Ø 2022. TT : 1 h 19’. nés, quitte à trop en faire (les éter-
cussions, ces dernières traitées avec mation et explorent à cette fin un TECHNIQUE : 4/5 nuements du basson dans le « Ge-
singularité). Son Worship (Culte, répertoire inépuisable, cette volonté L’idée de départ lido »). Pour les inédits, donc, et le
2001) est plus contrasté, comme le de renouvellement trouve ses limites était porteuse et plaisir de réentendre la grande Sonia
promet naturellement une Ouver- lorsque les pépites exhumées ne touchante : illus- avant tout. Guillaume Saintagne
ture de concert. peuvent, comme c’est ici le cas, se trer les liens qui
Globalement, le langage des mesurer aux Sphärenklänge, Früh- unissent élèves O JESULEIN
trois auteurs demeure classique, lingsstimmen et autres Tritsch- et maîtres chez YYYY Œuvres de Schütz,
nimbé d’effluves romantiques, et Tratsch-Polka. De surcroît, l’équilibre les compositeurs baroques et de- Hammerschmidt, Praetorius,
de quelques élans hymniques, voire à maintenir entre raretés et « tubes » mander à sa professeure de rejoindre Buxtehude, Capricornus…
protestataires. Un peu hors temps, électrisants s’est trouvé, ces der- l’entreprise. Hélas, à l’arrivée, le pro- Clematis.
à vrai dire. Mais chez tous, la nos- nières années, mis à mal. gramme manque de rigueur (enca- Ricercar. Ø 2021. TT : 1 h 11’.
talgie affleure, semblant contredire Le millésime 2024 se situe dans le drer un Bononcini par deux Vivaldi), TECHNIQUE : 4/5
les élans plus positifs. La direction droit fil de celui de 2019, où la di- d’originalité (des raretés, certes, Cette anthologie
de Gray influe sans doute sur cette rection de Christian Thielemann mais peu de véritables inédits à puise dans la li-
perception : comme dans le pre- était apparue châtiée mais souvent mettre en face de Handel rebattus) turgie luthé-
mier volume, il révèle sensibilité et trop (re)tenue. Le chef berlinois peine et de solidité musicologique : la no- rienne de Noël
empathie dans les passages élé- à faire décoller les premières pages tice reconnaît qu’à défaut d’ensei- en se restrei-
giaques, qu’il colore d’une pudeur (Erzherzog Albrecht-Marsch, Wie- gnement attesté, on peut supposer gnant aux
touchante (Lament des Montgomery ner Bonbons, Figaro-Polka, Für die au mieux une influence indirecte proches ou héritiers de Heinrich

I 97
Récitals

Schütz (1585-1672). Le maître est les jeux d’enfants et les jeux monastère. Les chants retenus par monuments bien connus des ama-
lui-même représenté par le concert d’adultes ». Ce mystérieux chemin Carles Magraner se concentrent sur teurs du répertoire médiéval (introït
spirituel O bone Jesu, fili Mariae, musical entre deux âges de la vie, trois moments importants de l’an- Gaudeamus, organum à trois voix
dans une version plus colorée et les interprètes l’empruntent allègre- née liturgique : la Saint-Jean-Bap- Alleluia Nativitas de Pérotin) se
plus ornementée que celle, recueil- ment pour peindre ces pièces de tiste (patron du monastère), le jeudi mêlent des choix plus érudits,
lie et élégante, de John Eliot Gar- Bizet, Fauré, Debussy, Ravel ou Au- saint et Pâques. D’une limpidité re- comme cette version du XIe siècle
diner (Archiv, 1990). bert avec l’innocence de la prime marquable, les voix de la Capella du répons Gaude Maria Virgo dont
Une place de choix est accordée jeunesse et la palette d’artistes ex- de Ministrers restituent la pureté le verset est polyphonique, suivant
au disciple Andreas Hammerschmidt périmentés. Portée par une sonorité mélodique des chants, sans aucun un manuscrit présent un temps à
(1611/1612-1675) dont la scène de douce ou scintillante, l’expressivité artifice. Si certains arrangements l’Abbaye Saint-Maur-des-Fossés. Le
l’Annonciation, Maria gegrüsset seist de leur jeu s’adapte au caractère se révèlent curieux, tels ces bour- motet isorythmique Salve Virgo vir-
du, est ici abordée d’une manière spécifique de chaque tableautin. dons aux instruments, le résultat ginum (tournant du XVe siècle), attri-
très intimiste. On est touché par On admire l’élégance des phrasés n’est pas dénué d’intérêt sur le plan bué à un certain Billard (peut-être
l’incrédulité de Marie, incarnée par dans La Poupée et la tendresse du artistique, et le tout est plutôt à chapelain à Notre-Dame dans les
la soprano Capucine Keller, qui ré- duo Petit mari, petite femme, joué prendre comme une reconstruction années 1390) est une autre jolie sur-
pète inlassablement « Comment sans emphase, dans un tempo assez hédoniste et idéalisée de ces fêtes. prise. L’exécution équilibrée du mo-
cela peut-il se faire ? », alors que enlevé. On est séduit par le raffi- Il en va de même pour quelques tet imitatif à six voix Inviolata de
l’ange pédagogue (remarquable nement des timbres dans Tambour pièces empruntées aux Codex Las Certon vient combler un vide éton-
Zachary Wilder, trop rare dans le et trompette et plus encore dans Huelgas et de Madrid, jouées à la nant dans la discographie du com-
répertoire allemand) lui explique la Laideronnette, par le balancement vièle et la harpe, qui ponctuent positeur, cette pièce ayant parfois
chose avec une patience infinie. A onirique d’En bateau ou par les re- agréablement le programme. été rapprochée du savoir-faire de
l’image des acteurs de ce duo, toute bonds joyeux du Ballet qui clôt la Sur le plan technique, on regrette Josquin Després.
la distribution vocale se distingue Petite Suite. On est troublé par la la propension qu’ont les voix à des- D’une manière générale, les inter-
par son indéniable qualité et sa sobriété et la pudeur de la Pavane cendre au cours d’une même pièce : prétations sont épurées et proches
grande homogénéité : cela s’entend de la Belle au bois dormant, comme le choc est parfois rude d’une piste de la notation. La légèreté des voix
dans le motet Freude, grosse Freude, sur la pointe des pieds, et l’on se à l’autre ou lorsque tinte une cloche. dans l’organum Benedicta et vene-
hélas tronqué, mais auquel les in- laisse étourdir par le tourbillon es- L’incontournable Alleluia Pascha rabilis es contraste de fait avec, par
terprètes confèrent une belle allure piègle de La Toupie. nostrum de la messe de Pâques, exemple, la proposition puissante
de madrigal. Enfin, comment ne pas fondre de- exécuté dans une tessiture surai- et bien connue de l’ensemble Or-
De leur côté, les instrumentistes de vant la balourdise de l’Ours en pe- guë, apparaît bien terne en com- ganum. Ces options artistiques ra-
Clematis donnent l’impression de luche, dans Feuille d’images ? Ce paraison avec les versions transmises viront celles et ceux en quête d’une
jouer avec toutes les couleurs d’une recueil composé en 1930 par Louis par les manuscrits plus anciens, dont interprétation dénuée d’artifices
gigantesque palette sonore. Si la Aubert, condisciple et ami de Ravel, l’étude systématique initiée par les vocaux. L’attention accordée à la
variété des instruments utilisés y est n’a guère à rougir de son voisinage moines de Solesmes a permis de prononciation du latin, prenant en
pour beaucoup, le résultat n’a rien avec quatre partitions plus célèbres. revenir à une interprétation à la fois compte certains traits phonétiques
d’artificiel (sauf au moment un peu Un passage secret, peut-être, une objective et somptueuse. Insurpas- du français médiéval, manifeste un
pénible des clochettes de Noël). cure de jouvence et une leçon de sée en matière de plain-chant, la souci d’authenticité.
C’est dans la Sonata ab 8 Instrument beau piano, sûrement. gravure mythique de Dominique Si le programme se veut didactique
d’un autre élève de Schütz, Samuel Jérôme Bastianelli Vellard (Harmonic Records, 1989) (des liens sous-jacents unifiant le
Capricornus (1628-1665), que la co- permet toujours d’en prendre répertoire, à la manière de la sé-
loration est la plus extraordinaire ; PROCESIONAL DE SIXENA conscience : le même Alleluia, paré quence Hac clara die réutilisée par
elle s’étale subtilement dans la scène YYYY Musique liturgique de sa virtuosité originelle, semblera Brumel dans son motet Ave Maria,
théâtrale suivante, Mein Sohn, wa- pour les processions rituelles alors d’une richesse inouïe. gratia Dei plena), on regrettera que
rum hast du uns getan? de Ham- du monastère royal de Sijena. Clément Stagnol l’ordre chronologique estompe ces
merschmidt. Adrien Cauchie Et conduits, Benedicamus, subtilités. L’éclectique pièce finale
motet, organa des Codex Las LES RICHES HEURES … A travers temps… de Raphaël
PASSAGE SECRET Huelgas et Codex de Madrid DE NOTRE-DAME DE PARIS Mas (né en 1984) rend habilement
YYYYY BIZET : Jeux d’enfants. (20486). YYYY Œuvres de Pérotin, hommage aux pages précédentes
DEBUSSY : Petite Suite. Capella de Ministrers, Billard, Brumel, Certon, Mas par l’amalgame de leurs procédés
FAURÉ : Dolly. RAVEL : Ma mère Carles Magraner. et anonymes. de composition (déchant, pluritex-
l’Oye. AUBERT : Feuille d’images. CdM. Ø 2022. TT : 1 h 15’. Ensemble Pérotin le Grand. tualité, poésie latine, etc.) et conclut
Ludmilla Berlinskaya, Arthur TECHNIQUE : 4,5/5 Psalmus. Ø 2023. TT : 1 h 01’. une prestation savante et sincère.
Ancelle (piano à quatre mains). Le Procesional TECHNIQUE : 4/5 Kevin Roger
Alpha. Ø 2022. TT : 1 h 14’. de Sixena est Formé en 2020,
TECHNIQUE : 4/5 l’unique témoi- l’Ensemble Péro- SOTTO IL SILENTIO
Pourquoi intituler gnage conservé tin le Grand DELLA NOTTE OSCURA
« Passage se- des pratiques consacre son Y Y Y Y Y « Musique napolitaine
cret » un florilège musicales litur- premier disque pour consort de violes ».
de musique fran- giques du monastère royal de Sijena à Notre-Dame Œuvres de Stella, Lambardo,
çaise pour piano en Aragon. Le manuscrit, élaboré de Paris. Une douzaine de pièces Tartagliano, De Macque, Sabini,
à quatre mains ? au tournant des XIVe et XVe siècles, résume plusieurs siècles de liturgie Gesualdo, Rinaldo Dall’Arpa,
Parce que, nous dit Arthur Ancelle aurait ainsi fidèlement noté des et brosse un panorama varié des Trabaci, Maione, Della Marra
dans la notice, ces partitions forment usages mis en place deux siècles styles et genres pratiqués à la ca- et Victoria.
« la clef d’un passage secret entre plus tôt, lors de la fondation du thédrale (ou à proximité). Aux Consorteria Delle Tenebre.

98 I
NovAntiqua. Ø 2021. TT : 1 h 05’. Carlo Gesualdo (la Canzone francese SCHOENFIELD : Trio pour Les nouveaux venus apparaissent
TECHNIQUE : 4/5 del principe), des œuvres de Gio- clarinette, violon et piano. davantage inspirés par Poulenc. Dans
Qui dit musique vanni De Macque, Ascanio Maione BARTOK : Burlesque pour violon la Sonate pour clarinette (1963), Reto
instrumentale et d’autres contemporains comme et piano op. 8c no 2. Contrastes. Bieri restitue adéquatement le mé-
italienne autour Scipione Stella. NICHIFOR : Danse klezmer. lange de fantaisie et de gravité de
de 1600-1620, L’intensité dont font preuve les Reto Bieri (clarinette), l’Allegro tristamente : un souvenir
avec tout ce quatre violistes (le dessus de Teo- Patricia Kopatchinskaja (violon), du « Non più andrai » de Mozart
qu’elle comporte doro Baù !) participe à la plénitude Polina Leschenko (piano). donne la main à un langoureux thème
d’expérimentation, pense d’abord des textures. On admire la quasi- Alpha. Ø 2020. TT : 1 h 06’. d’amour qui lorgne vers le Roméo
au clavecin ou aux autres instruments dévotion des entrelacs harmoniques TECHNIQUE : 3,5/5 et Juliette de Prokofiev. L’Allegro
à cordes pincées. Pourtant, même dans le Ricercare de Maione et les C’est à la demande con fuoco est traité avec brio, comme
si le consort de violes connaît une pièces de De Macque (Capric- de Benny Good- les six numéros détachés de L’Invi-
tradition plus limitée que dans cietto, Prime et Seconde strava- man que Bartok tation au château (1947) et joués en
d’autres pays, la pratique en est at- ganze), comme la virtuosité sans s ’a t t e l a à guise d’interludes au fil du pro-
testée, notamment à Naples où Sci- faille dont témoignent les Canzon ses Contrastes gramme, dans l’esprit d’un cabaret
pione Cerretto dans sa Prattica di sopra Susanna et Canzon d’Ippolito (1940), dont le klezmer.
musica (1601) évoque celle-ci comme chez Tartagliano. On goûte entre titre ne laisse guère deviner les mys- C’est également de cette tradi-
« un son d’une harmonie parfaite autres les raretés hédonistes, telles térieux arrière-plans. Patricia Kopat- tion musicale que s’est nourri Paul
propre à résonner dans les oreilles les Partite sopra Zefiro de Rinaldo chinskaja et ses deux comparses en Schoenfield (né en 1947) pour son trio
des auditeurs ». Dell’Arpa, qui résument un panorama proposent une lecture enlevée, avi- (1990) : le mouvement lent (Nigun)
Le Consorteria Delle Tenebre s’est fascinant et pas aussi ténébreux que vant la couleur populaire des volets est une prière et le finale une danse
penché sur le Libro de don Luis Rossi le laisseraient présager le nom de extrêmes mais, au fond, assez lit- endiablée. La raucité des attaques
conservé à la British Library. Ses cin- l’ensemble et le titre de l’album. térale dans sa manière d’opposer de Kopatchinskaja est mieux en si-
quante-trois pages, sans doute co- Frédéric Degroote les timbres instrumentaux. Jusqu’à tuation dans cette Kozatske où les
piées vers 1617, empruntent à des l’outrance, parfois : entre un piano interprètes prennent tous les risques
musiciens avec lesquels Rossi a étu- TAKE 3 cogneur et un violon cabotin, la cla- sans craindre de trop en faire. Ilya
dié ou s’est trouvé associé à Naples YYYY POULENC : L’Invitation rinette paraît bien esseulée. Cher- Gringolts joint son archet à la fête
avant son départ pour Rome en au château (extraits). Bagatelle chez plutôt la version de Richard le temps d’un bis capté sur le vif et
1620. Le manuscrit contient, outre la en ré mineur pour violon et piano. Stolzman (RCA) ou celle du com- qui reflète bien cet album : plaisant
seule pièce instrumentale connue de Sonate pour clarinette et piano. positeur (Naxos). mais brouillon. Marc Lesage

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I 99
Récitals

CLARINETTE THE GOLDEN HOUR Livre II de Francœur : la Courante


par Bertrand Hainaut
YYYY Sonates de Leclair, virevolte, les deux archets paraissent
Boismortier, Dornel, Rebel y jouer véritablement l’un avec l’autre
▸Après une intégrale des symphonies, l’Orchestre de la Suisse
et Francœur. et construire un discours spirituel.
italienne et Howard Griffiths reviennent à Franz
Simon Pierre (violon), Si la Sicilienne manque un peu de
Krommer (1759-1831). Les clarinettistes Beltramini
Lucile Boulanger (viole de gambe), direction, le Rondeau affiche un ca-
et Giuffredi s’emparent d’abord avec brio du premier
Olivier Fortin (clavecin). ractère délicat fort bien tourné.
Double Concerto tandis que Grossi, Schiavon
Alpha. Ø 2022. TT : 1 h 06’. Loïc Chahine
et Kowalski scellent l’heureuse rencontre des vents
TECHNIQUE : 3,5/5
et des cordes dans le tout aussi divertissant Concertino
La formation ras- WENN ICH NUR DICH HABE
op. 38 pour flûte, hautbois et violon solos (CPO, Y Y Y Y ).
semblée est bien Y Y Y Y Y Cantates de Buxtehude,
▸ Par ailleurs chef d’orchestre, assistant de Philippe Jordan connue : c’est Pohle et Rosenmüller. Pièces
à Vienne, l’Autrichien Pierre Pichler célèbre celle de la Son- d’orgue de Kneller et Böhm.
le romantisme germanique avec un programme sans nerie de Sainte- Laureen Stoulig-Thinnes
surprises, hormis les Cinq pièces de son mentor Alfred Geneviève du (soprano), Vincent Bernhardt
Prinz. Sa sonorité chaleureuse, la liberté avec laquelle Mont de Marais, de diverses œuvres (orgue Garnier de Sainte-Croix
il phrase font oublier quelques défauts de justesse de Telemann, d’une belle sonate en de Bouzonville, direction),
et une prise de son sourde qui relègue à l’arrière-plan ré majeur de Leclair. Aux pages dé- La Chapelle Saint-Marc.
le piano et ôte tout brillant à l’Opus 5 de Berg (Gramola, Y Y Y ). volues directement au violon, à la Indesens. Ø 2022. TT : 1 h 05’.
▸ La réédition des pages pour clarinette de Ferdinand viole obligée (ou, dans un cas, au TECHNIQUE : 3,5/5
Ries (1784-1838) s’insère dans le désormais riche violoncelle) et au continuo, Simon Intelligemment
panorama discographique consacré à l’ami, l’élève Pierre, Lucile Boulanger et Olivier construit autour
et secrétaire de Beethoven. Vlad Weverbergh Fortin joignent les transcriptions de du Psaume
offre une alternative chantante à la gravure trois sonates pour deux instruments LXXIII, le pro-
plus rhétorique de Dieter Klöcker, en particulier aigus et la basse. L’abaissement de gramme met en
dans la Sonate sentimentale, à l’origine pour flûte la partie de second dessus ne valeur des com-
et piano (Brilliant Classics, Y Y Y Y ). convainc pas partout. C’est parti- positeurs d’Allemagne du Nord au
▸ Disparu en 2011, Klöcker n’aura pas eu le temps de graver
culièrement vrai pour la première sortir de la guerre de Trente Ans,
le Concerto pour clarinette de Johann Wilhelm Wilms (1772- sonate de l’album, un Opus 4 no 1 pour qui ce texte parlant du refuge
1847) qu’il avait retrouvé dans la bibliothèque de Leclair sans vision ni charme qui en Dieu et du triomphe sur ses en-
du Conservatoire de Prague. Son homologue Ernst nous laisse sur le bord du chemin. nemis trouvait donc une résonance
Schlader en livre une excellente version sur instrument En fin de programme, la lecture de particulière. Aussi les interprètes
historique. L’œuvre, qui s’inspire de Mozart et Weber l’Opus 13 no 2 en si mineur est plus déclinent-ils le registre de l’émoi
en passant par le jeune Spohr, est encadrée par deux aboutie – ici l’on oublie la transcrip- intime. Dans les cantates, la voix
Sinfonie concertante dans lesquelles les membres tion, même si les interprètes de- souple de Laureen Stoulig-Thinnes,
d’Harmonie Universelle dialoguent avec complicité meurent un peu sages. La magni- allégée parfois jusqu’au fredonne-
(Accent, Y Y Y Y Y ). fique Sonate en si mineur d’Antoine ment, le trio à cordes soutenu par
Dornel semble marcher sur des œufs harpe ou théorbe, l’orgue de Marc
▸ On ne peut blâmer Aldo Botta pour l’indigente et manque son but – le Prélude erre, Garnier à la finesse chambriste
prise de son qui ne rend justice ni à sa technique, le Lentement et doux s’enlise sans évoquent la dévotion privée, voire
ni à l’élégance de ce programme intégralement trouver un caractère, la Chaconne la Hausmusik d’une maisonnée pieu-
français. Aux côtés des rabâchés Solos de concours gracieuse est bien prosaïque. sement opulente.
de Rabaud et Messager, quelques raretés Les choses s’arrangent dans les Les pièces d’orgue jouent sur la va-
de Semler-Collery et Coquard méritent le détour, pages non transcrites. Ainsi dans riété et l’individualité de timbres à
sans trop s’attarder (Brilliant Classics, Y Y ). l’Opus 50 no 6 de Boismortier, où la l’harmonie savoureuse et distinguée,
▸Désormais à la tête du Kurpfälzisches Kammerorchester, viole prend la place du violoncelle que Vincent Bernhardt choisit et
Paul Meyer revient à Carl Stamitz. Il se lance obligé : vifs, inspirés, les trois inter- mélange avec science et goût. A
à l’assaut des Concertos pour clarinette nos 1, 6 et 8 prètes en proposent une version peine remarquera-t-on, pour pinail-
avec une telle prestesse que ses musiciens peinent idéale. Leur lecture de la quatrième ler, un penchant très marqué pour
parfois à le suivre. Sa virtuosité époustouflante des Sonates à violon seul mêlées de le geste rhétorique (préludes de
subjugue mais on lui préfère le lyrisme d’Andreas plusieurs récits pour la viole de Jean- Kneller) quand le lyrisme du Vater
Ottensamer dans le premier des concertos Féry Rebel est inégale : l’équilibre unser de Böhm sonne un peu sec.
de Darmstadt (en mi bémol majeur !) (CPO, Y Y Y Y ). des trois voix, la conduite du dis- Les sujets de fugue à notes répé-
▸ Belle idée de réunir les quintettes pour clarinette cours dans le troisième mouvement tées mériteraient également un peu
de Max Reger et Johanna Senfter – sa disciple à Leipzig se révèlent plus que satisfaisants, plus d’attention au relevé de la
de 1908 à 1910. En 1950, l’enseignement du maître stimulés en particulier par la viole touche pour atteindre aux effets de
transparaît encore dans le contrepoint (parfois austère) volontaire de Lucile Boulanger. Le coups d’archet qu’au siècle dernier
qui irrigue l’Opus 119. Kilian Herold et le Quatuor finale (où la viole rejoint le clavecin André Isoir maîtrisait comme per-
Armida y sont redoutables de précision. Ils séduisent pour faire sonner le continuo) profite sonne. En revanche, la partita de
par une sensibilité exceptionnelle dans le chant de la même complémentarité fruc- Kneller sur Nun komm, der Heiden
du cygne régérien, y tutoyant ainsi la perfection tueuse pour déployer son énergie, Heiland est d’un bout à l’autre un
de Sharon Kam et ses amis (Avi, Y Y Y Y Y ). quand d’autres passages avancent franc régal. Somme toute, foin des
en mode automatique. pinaillages : ne boudons pas notre
On apprécie la dernière sonate du plaisir ! Paul de Louit

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Feux d’artifice sur le lac


Malgré la mise en scène inégale, cette Dame du lac rossinienne
nous emporte sur les cimes grâce à une distribution de très haut vol.

© ROF
J
oué par des acteurs, un vieux auparavant, était Comtesse de Folleville l’introduction du deuxième acte. A placer à
couple bourgeois se défait, autre- dans Le Voyage à Reims traditionnellement côté de la production scaligère de 1992 (DVD
fois Elena et Malcolm, les tourte- organisé par l’Académie du festival. La voici Opus Arte), où Riccardo Muti portait lui
reaux de La Dame du lac. Ils se Elena incandescente, technicienne aguerrie, aussi une distribution authentiquement ros-
mêlent ensuite à leurs doubles, styliste accomplie, n’ayant rien à craindre sinienne (June Anderson, Rockwell Blake,
dans un manoir écossais décrépit que les du périlleux rondo final. Une partenaire de Chris Merritt…). Didier Van Moere
herbes envahissent, revivant un passé choix pour Juan Diego Florez, cantabile
effondré. Un passé auquel ne croit pas satiné et colorature hardie, le meilleur roi
Damiano Michieletto : c’est du roi, fou d’Ecosse qu’on puisse rêver. GIOACHINO ROSSINI
amoureux d’elle, qu’elle était apparemment 1792-1868
éprise, pas de Malcolm. Le lieto fine sonne Thriller haletant Y Y Y Y Y La donna del lago.
faux. Et Elena est victime d’une double vio- Le Rodrigo belliqueux et jaloux de Michael Juan Diego Florez (Giacomo V/Uberto),
lence, celle d’un promis qu’elle n’aimait pas Spyres, baryténor couvrant avec hardiesse Mark Mimica (Duglas),
et d’un père qui voulait le lui imposer : foin une tessiture plus distendue encore, n’a Michael Spyres (Rodrigo),
du seria figé ! On pense à Tcherniakov, mais Salome Jicia (Elena), Varduhi
guère à lui envier, sinon des vocalises plus
Abrahamyan (Malcolm),
Michieletto n’a pas son talent de direction ciselées. Pas moins rompue au chant rossi- Ruth Iniesta (Albina),
d’acteur, qu’on attendrait plus constam- nien, Varduhi Abrahamyan assume avec Chœur et Orchestre
ment tendue. Pourtant, la production se vaillance le contralto musico de Malcolm, sa du Teatro comunale
tient, grâce aussi au beau décor de Paolo tendresse et son héroïsme. de Bologne, Michele Mariotti.
Fantin et aux lumières crépusculaires Un cast magnifiquement soutenu par la Mise en scène : Damiano
d’Alessandro Carletti… et, surtout, à des direction vif-argent de Michele Mariotti, qui Michieletto.
interprètes de haut vol. Unitel (2 DVD ou Blu-ray).
fait du melodramma un thriller haletant,
Ø 2016. TT : 2 h 48’.
Pouvait-on, en 2016, réunir à Pesaro meil- aux couleurs très variées, d’où n’est pas Son PCM stéréo/DTS 5.1.
leure distribution ? Salome Jicia, un an exclue la poésie des atmosphères – écoutez

102 I
MODESTE MOUSSORGSKI version remaniée par Rimski-Kor-
1839-1881 sakov lui conviendrait sans doute
Y Y Y Y Boris Godounov. mieux. Il manque décidément une
Bryn Terfel (Boris Godounov), dimension à cette production. Re-
John Graham-Hall (Chouïski), tour donc à l’âpreté poignante du
Ain Anger (Pimène), David Butt spectacle munichois de Calixto
Philip (Grigori), Rebecca De Pont Bieito, malgré la baguette un peu que vocalement, accumulant les sons à de beaux costumes Renaissance
Davies (l’Hôtesse), John Tomlinson neutre de Kent Nagano (Bel Air). rauques et stridents, que ce soit dans stylisés et taillés dans un tissu de
(Varlaam), Vlada Borovko (Xenia), Didier Van Moere les graves ou dans les aigus. Même même couleur. Si l’effet esthétique
Ben Knight (Fiodor), Nicholas si elle parvient à les mettre au ser- est plutôt réussi, cette abstraction
Sales (un Boyard), Andrew Tortise GIACOMO PUCCINI vice du drame lors de sa « confron- totale n’aide pas le spectateur à
(l’Innocent), Chœur et Orchestre 1858-1924 tation » de l’acte II, il reste difficile contextualiser l’action et ne sou-
de Covent Garden, Antonio Y Y Tosca. d’apprécier cette émission impré- tient guère le drame, d’autant qu’il
Pappano. Mise en scène : Kristine Opolais (Tosca), cise et ce défaut de rondeur comme ne faut pas compter sur la direc-
Richard Jones. Jonathan Tetelman (Cavaradossi), d’élégance. tion d’acteur, très basique. L’accent
Opus Arte (DVD ou Blu-ray). Gabor Bretz (Scarpia), Rafal Ce Scarpia qui arbore une éternelle est surtout mis sur la personnalité
Ø 2016. TT : 2 h 19’. Pawnuk (Sciarrone), Ivan Zinoviev moue méprisante et paraît en perma- d’un bouffon assez macho et amou-
Son PCM stéréo/DTS 5.1. (Angelotti), Andrew Morstein nence mettre tous les protagonistes reux de sa fille. Faute de mobilier,
(Spoletta), Arnold Schoenberg au défi de le tuer est parfaitement les chanteurs se retrouvent assis

O n assassine un enfant qui joue


avec une toupie : telle est la pre-
mière image de ce Boris Godounov
Chor, Orchestre symphonique
de l’ORF, Marc Albrecht.
Mise en scène : Martin Kusej.
incarné par Gabor Bretz. Dommage
que ce beau baryton demeure un
peu monocorde et manque de mor-
ou allongés par terre, avant de dis-
paraître dans la trappe faisant of-
fice de porte.
londonien. L’obsession du tsar rongé Unitel (DVD ou Blu-ray). dant. Jonathan Tetelman s’empare Heureusement, Carlos Alvarez a
par la culpabilité sera le leitmotiv Ø 2022. TT : 2 h 02’. avec passion du rôle de Cavaradossi. tout d’un grand Rigoletto. Son ba-
de la production de Richard Jones. Son PCM stéréo/DTS 5.1. Même s’il s’étrangle dans le « Vitto- ryton puissant au timbre sombre
Dans un décor peu chargé, souvent ria », ce grand ténor lyrique à la voix et riche, gagnerait à être plus
plongé dans la pénombre, se déroule
le drame qu’aucun concept ne revi-
site : pas de Regietheater, mais une
C ette Tosca du Theater an der
Wien signée Martin Kusej a l’air
de se complaire dans la provocation
ronde et ambrée campe un Mario
à la fois candide et viril, émouvant
dans ses deux airs.
nuancé, mais il n’en reste pas moins
sincère et très émouvant, en par-
ticulier dans le « Cortigiani » et le
fidélité à l’œuvre. On se contente de gratuite, tombant dans le macabre Fort heureusement, on savoure éga- finale, où il se révèle en prime ex-
mélanger les époques à travers les le plus grotesque et s’amusant à lement la sensualité et la profondeur cellent acteur. En revanche, la Gilda
costumes, certainement pour suggé- prendre systématiquement le contre- sonore du bel Orchestre sympho- de Désirée Rancatore laisse dubi-
rer, sans rien appuyer, la continuité pied du livret. Nous voici dans un nique de la Radio de Vienne, qui, tatif : sons aigres, grave et médium
de l’histoire russe. Il en résulte un monde enneigé où Scarpia semble sous la baguette de Marc Albrecht, faibles, nasillards, vibrato trop large.
spectacle impeccable, notamment être le grand pourvoyeur de cha- maintient toujours l’intensité dra- Son « Caro nome », d’une gestuelle
par la direction d’acteur, mais trop leur, lui-même possédant des vête- matique et reste finalement le vain- maniérée, est bien poussif et le duo
lisse, trop léché pour nous boule- ments douillets quand ses oppo- queur musical de la soirée. de la vengeance se conclut sur un
verser, en particulier dans la scène sants grelottent dans la froidure. Julia Le Brun aigu hurlé.
des hallucinations. Vivant dans une roulotte, il est le En 2017, Javier Camarena faisait là
Très loin des voix russes, Bryn Ter- chef d’une secte aussi militariste que GIUSEPPE VERDI ses débuts en Duc de Mantoue. Si
fel campe un tsar malgré lui, hu- bigote, au sadisme exacerbé. Au 1813-1901 sa voix est un peu légère pour le
main trop humain, au grave et à milieu de la scène, un arbre mort Y Y Y Rigoletto. rôle, il l’aborde en belcantiste ac-
l’aigu limités maintenant, toujours s’orne d’un cadavre affreusement Carlos Alvarez (Rigoletto), compli, séduisant par sa délicatesse,
excellent chanteur mais pas vrai- mutilé, dont les membres sangui- Javier Camarena (le Duc), l’élégance de son style, et même la
ment Boris. On y verrait finalement nolents pendent aux branches, juste Désirée Rancatore (Gilda), virtuosité des ornementations qu’il
davantage Ain Anger, ici Pimène au-dessus d’une vierge devant la- Ante Jerkunica (Sparafucile), ajoute à la cabalette. Ketevan Ke-
imposant, voix d’un au-delà ven- quelle Tosca, indifférente à l’horreur, Ketevan Kemoklidze (Maddalena), moklidze campe une Maddalena
geur. Autour d’eux, chacun rend viendra prier. Gemma Coma-Alabert (Giovanna), aux graves faciles et très sexy tan-
justice à sa partie : Vaarlam haut Malgré les tripatouillages d’un texte Chœur et Orchestre dis que Sparafucile échoit à la basse
en couleur d’un John Tomlinson en- allègrement modifié, les incohérences du Gran Teatre del Liceu, noire, mordante à souhait, d’Ante
core en voix, Xenia toute fraîche de abondent. « Je ne te ferai pas vio- Riccardo Frizza. Mise en scène : Jerkunica.
Vlada Borovko, Chouïski tortueux lence », s’exclame Scarpia en giflant Monique Wagemakers. A la tête des forces du Gran Teatre
de John Graham-Hall, Innocent lu- avec ardeur celle qu’il repoussera C Major (DVD ou Blu-ray). del Liceu, Carlo Rizzi semble vouloir
mineux d’Andrew Tortise, faux Di- pendant tout l’acte II, malgré les ef- Ø 2017. TT : 2 h 13’. compenser le vide du plateau par
mitri halluciné de David Butt Phi- forts évidents de la belle pour le Son PCM stéréo/DTS 5.1. des tempos rapides qui ne vont pas,
lip surtout. Le chœur, en revanche, « séduire », en chantant le « Vissi hélas, sans une certaine sécheresse,
ne trouve que progressivement sa
stabilité.
Antonio Pappano a choisi la version
d’arte » en déshabillé sur ses genoux.
Elle sera finalement tuée par la mar-
quise Attavanti (et sœur d’Angelotti).
M onique Wagemakers joue la
carte de l’épure. La scène du
Liceu de Barcelone offrira à son Ri-
notamment dans les duos de l’acte II.
Sa direction précise, attentive aux
chanteurs, n’en porte pas moins le
originelle de l’opéra, en sept scènes. Comprenne qui pourra. goletto, pour uniques décors, un spectacle avec efficacité, particu-
Il n’est pas sûr que sa direction trop Kristine Opolais, en minijupe et rectangle de néons lumineux déli- lièrement dans les chœurs et les
enveloppée, pas toujours très ten- bottes à talons hauts, se prête à ce mitant divers espaces et un grand ensembles, tels ceux de l’acte III,
due, restitue idéalement les audaces jeu de call-girl vulgaire avec un plai- escalier. Sur un fond noir se détache qui offre un quatuor réussi.
anguleuses de ce Boris 1867 – la sir manifeste, tant scéniquement un sol blanc ou rose bonbon, assorti Julia Le Brun

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Bach, Jean-Sébastien : Bach : Suites pour violoncelle (Skalka) 1236382A 41,60 € p. 75  Tertis, Lionel : Timothy Ridout : «A Lionel Tertis Celebration » 1233967A 35,44 € p. 95 
Bach : Bach : Variations Goldberg (Wolfs) 1226759A 27,19 € p. 75  Multi-Artistes : Hanna Salzenstein : « E il violoncello suonò » 1235595A 31,90 € p. 96 
Beethoven, Beethoven : Beethoven : Concerto pour violon 1225849A 29,53 € p. 75  Haydn, Joseph : Trio Ernest : « Haydn All-Stars » 1233630A 31,90 € p. 95 
Beethoven, Beethoven : Beethoven : Trios avec piano (Trio 1231429V 33,88 € p. 75  Ferguson, Howard : Wigmore Soloists : Ferguson / Holloway 1231816V 31,56 € p. 96 
Brandt, Jobst Vom : Brandt : Chansons (Pahn / Finke) 1233184A 26,00 € p. 76  Bonds, Margaret : African American Voices II : Bonds / Kay 1228851A 31,09 € p. 96 
Brescianello, Brescianello : Brescianello : Anthologie 1230592A 27,83 € p. 76  Multi-Artistes : « Concert du Nouvel An 2024 » (Thielemann) 1234503A 33,46 € p. 97 
Chostakovitch, Dimitri : Chostakovitch : Quatuors nos 7 à 13 1229810A 41,60 € p. 76  Multi-Artistes : « Dolce Pupillo » (Prina / Goes) 1234303A 29,74 € p. 97 
Coleridge-Taylor, Samuel : Coleridge 1218929A 24,68 € p. 76  Keller, Capucine : « O Jesulein » (Clematis) 1198013A 31,09 € p. 98 
Coleridge-Taylor, Samuel : Coleridge 1230623A 30,24 € p. 76  Aubert, Louis : « Passage secret » (Berlinskaya / Ancelle) 1236638A 31,09 € p. 98 
Corbetta, Francesco : Corbetta : « La Guitarre Royalle » 1234418A 31,09 € p. 77  Multi-Artistes : « Les Riches heures de Notre 1233860A 26,71 € p. 98 
Ambrosio, D’Ambrosio : D’Ambrosio : Musique de chambre 1230093A 27,42 € p. 77  Multi-Artistes : « Sotto il silenzio della notte oscura » 1214401A 28,46 € p. 98 
« Lux » (La Sportelle) 1225351A 31,09 € p. 78  Bartok, Béla : « Take 3 » (Bieri, Kopatchinskaja; Leschenko) 1236143A 31,09 € p. 99 
Multi-Artistes : « Le Souffle de l’âme » (Dulci Jubilo) 1232972A 24,96 € p. 78  Bodin de Boismortier, Joseph : « The Golden Hour » (Pierre / 1237453A 31,09 € p. 100 
Kodaly, Zoltan : « Hungarica » (Ensemble Zene) 1223366A 31,90 € p. 78  Böhm, Georg : « Wenn ich dich nur habe » (Stoulig 1235905A 29,74 € p. 100 
« Brahms le tzigane » (Pungier) 1233593A 31,90 € p. 78  Krommer, Franz : Krommer : Double Concerto. Concertino 1217164A 30,26 € p. 100 
Dandrieu, Jean-François : Dandrieu : Premier livre de pièces 1226233A 18,91 € p. 78  Multi-Artistes : Pierre Pichler : Prinz / Berg 1226267A 28,84 € p. 100 
Dufourt, Hugues : Dufourt : L’Oeuvre pour piano seul (Mansard 1230673A 43,73 € p. 78  Ries, Ferdinand : Ries : L’Oeuvre pour clarinette (Weverbergh) 1222173A 16,08 € p. 100 
Dvorak, Antonin : Dvorak : Danses slaves (Brauner) 1236343A 28,84 € p. 79  Wilms, Wilms : Wilms : Concerto pour clarinette (Schlader) 1213247A 31,09 € p. 100 
Frank, César : Franck : Oeuvres pour piano (Vanden Eynden) 1230661A 26,00 € p. 79  Multi-Artistes : Aldo Botta : « The French Clarinet » 1217323A 16,08 € p. 100 
Bach, Giardini : Giardini : Musique de chambre (L’Astrée) 1205774A 20,33 € p. 80  Stamitz, Carl : Stamitz : Ctos nos 1, 6 et 8 (Meyer) 1214791A 30,26 € p. 100 
Graun, Carl Heinrich : Graun : Silla (De Marchi) 1219808A 55,79 € p. 80  Reger, Max : Reger : Quintette. Senfter : Quintette (Herold / 1229812A 30,26 € p. 100 
Grieg, Edvard : Grieg : Quatuor. Smetana : Quatuor no 1 1233066A 31,90 € p. 80  LES DVD
Hasse, Johann Adolf : Hasse : L’Olimpiade (Bernius) 1226818A 54,37 € p. 81  Rossini : La donna del lago (Mariotti / Michieletto) 149662AS 57,68 € p. 102 
Haydn, Haydn : Haydn : Cto pour violon no 4 (Terakado / 1236346A 27,42 € p. 81  Rossini : La donna del lago (Mariotti / Michieletto) 149662AN 55,79 € p. 102 
Haydn, Joseph : Haydn : Cto pour violon no 1 et 4 (Albertus / 1233249V 30,97 € p. 82  Moussorgski : Boris Godounov (Pappano / Jones) 149663AN 49,41 € p. 102 
Haydn, Joseph : Haydn : 48 Sonates (Pienaar) 1226204A 70,45 € p. 82  Moussorgski : Boris Godounov (Pappano / Jones) 149663AS 60,52 € p. 102 
Haydn, Haydn : Haydn (M.) : La Glaneuse. Ninfe inbelli 1229757A 30,26 € p. 82  Puccini : Tosca (Albrecht / Kusej) 149665AN 47,28 € p. 102 
Korngold, Korngold : Korngold : Quint. op. 15. Quatuor no 1 1226176A 27,42 € p. 82  Puccini : Tosca (Albrecht / Kusej) 149665AS 57,68 € p. 102 
Jarrell, Michael : Jarrell : Anthologie (Gringolts / Jodelet / 1233119V 31,56 € p. 83  Verdi : Rigoletto (Frizza / Wagemakers) 149666AS 57,68 € p. 102 
Di Lasso, Orlando : Lassus : « The Alchemist » (Cave) 1237427A 42,55 € p. 83  Verdi : Rigoletto (Frizza / Wagemakers) 149666AN 47,28 € p. 102 
Jacquet de La Guerre, Elisabeth : La Guerre : Céphale et 1236645A 44,87 € p. 84 
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LE SON échos
PAR VINCENT COUSIN

à membranes papier, aimants néodyme et


bobines de 50 mm ; un midwoofer de 20 cm
semblable avec bobine de 65 mm ; un trio
avec médium de 16,5 cm, tweeter dôme soie
de 38 mm, super tweeter dôme soie
de 20 mm à aimants néodyme. Au dos,
un couple médium cône papier de 10 cm et
tweeter dôme soie de 28 mm pour agrandir
la scène sonore en minorant l’influence
du local. Le tout en filtrage passif avec
composants audiophiles et maîtrise
de la phase. Le médium frontal et les deux

SONUS FABER
tweeters sont logés dans une sorte de nid
taillé dans du liège afin d’absorber
les ondes arrière des transducteurs. Avec
son moteur dual-drive et sa membrane

SUPREMA à la forme inspirée du camélia, ce médium


couvre deux octaves essentielles, entre
430 et 1700 Hz. Les ébénisteries massives

1
Pour l’Italien Sonus Faber, passé sous
pavillon américain en devenant propriété
de McIntosh, le high-end a un nom :
Suprema. Sa promesse ? « Un nouveau
système d’enceintes révolutionnaire
à la croisée du luxe, de l’excellence audio
haut-parleurs en charge close, associées à
un ou deux subwoofers, chacun d’entre eux
recevant un couple de 38 cm à membranes
sandwich carbone pouvant descendre
à 16 Hz sans distorsion. Entre les deux,
un filtre actif 100 % analogique, symétrique
– 110 kg pour la colonne, 103 kg pour
le subwoofer – sont d’un luxe extrême :
bois précieux, carbone, aluminium massif,
cuir Poltrona Frau, base anti-résonnante
IsoAcoustics. Pour un quarantième
anniversaire vraiment suprême.
et d’un artisanat méticuleux ». Suprema et en composants discrets. Et, pour chaque PPI : de 725 k€ (un Sub) à 800 k€ (deux
consiste en deux colonnes 4,5 voies dix colonne, quatre woofers de 20 cm Subs). Sur commande. finesounds.fr

McINTOSH MA12000-AN ROSE RA280

2
Présenté fin 2020 (cf. no 695), le MA12000 n’est pas à proprement

3
parler une nouveauté. C’est pourtant cet intégré hybride au superlatif Aperçu au High End de Munich en mai dernier, le nouvel
que le constructeur de Binghamton a choisi aux côtés de quelques intégré du coréen HiFi Rose se veut à la fois plus sobre mais
autres poids lourds pour célébrer les soixante-quinze ans de la pas moins luxueux que son grand frère RA180 (cf. no 715).
société fondée par Frank McIntosh en 1949 dans l’Etat de New York. Il reprend l’architecture des étages de puissance en classe
Dans la shortlist, citons le lecteur CD/SACD MCD12000, le préampli dite AD à base de transistors GaN FET (nitrure de gallium),
doté de la technologie Hybrid Drive C12000, les blocs mono de 1200 W au rendement 20 % supérieur à celui des MOS FET (silicium).
MC1.25KW et les tout nouveaux blocs mono MC2.1KW de 2000 W Les étages de puissance du RA280 délivrent 2x250 W (4 ou 8 Ω)
en trois châssis (deux modules d’alimentation, un module de sortie), avec une qualité supérieure à celle de la classe D en raison
en série limitée à 75 paires pour la France. L’édition spéciale du temps de commutation ultrarapide des GaN FETs. Ils sont
soixante-quinzième anniversaire du MA12000 n’est pas contingentée, combinés à une alimentation à découpage haute fréquence
elle hérite d’un badge anodisé gravé au laser avec le logo du soixante- à base de transistors MOS FET en carbure de silicium, un
quinzième anniversaire, tandis que chaque poignée est gravée semi-conducteur datant des postes radio à cristal des années
75 years. Avec ses 48,9 kg sur la balance et ses 350 W par canal, 1920 remis au goût du jour et adopté pour ses performances
le MA12000 est le plus puissant intégré hybride jamais conçu par supérieures à celles du silicium. Bâti dans un magnifique
McIntosh. Il associe un préamplificateur à tubes double triode avec châssis en aluminium naturel ou noir, le RA280 propose cinq
une amplification à transistors délivrant une puissance constante entrées : quatre entrées ligne dont une symétrique sur XLR,
entre 2 et 8 Ω grâce à la présence de transfos de sortie. Il reçoit une et une entrée phono MM à correction passive et composants
carte DAC DA2, la même qui équipe le DAC discrets. Egalement un rare et bienvenu correcteur de tonalité
MDA200 en test ce mois (cf. page 116). agissant à 100 Hz et 10 kHz (±15 dB), que l’on peut choisir
Un correcteur graphique à huit de contourner. Les vumètres ajoutent cette touche d’élégance
fréquences permet de corriger vintage, de sophistication qui fait
finement l’équilibre tonal et le la différence.
MA12000 peut s’intégrer dans un PPI : 3449 €.
système multicanal. Futur collector. elitediffusion.com
PPI : 19 490 €. finesounds.fr

I 107
● échos

EN BREF
SOULNOTE A-3 en coaxial dans une charge bass-

4
Chez Soulnote, le chiffre 3 désigne la gamme supérieure, reflex et une amplification de
celle où rien n’est trop beau, comme ce tout nouvel intégré 2x25 W, Yamaha promet « une
qui emprunte au préampli P-3 et aux blocs mono M-3. C’est expérience musicale
une performance pour un intégré, les canaux D/G sont KLIPSCH NASHVILLE, transcendante ». Quoi d’autre ?
totalement indépendants, y compris les masses grâce à des DETROIT & AUSTIN Il est certifié Qi pour charger
photocoupleurs. En étage final, une paire de transistors Les enceintes Music City portent sans fil votre smartphone.
bipolaires TO3 (boîtier métal) en montage SEPP (Single les noms de villes jouant un rôle PPI : 719 €. fr.yamaha.com
Ended Push-Pull) précédés de drivers Darlington TO3P. dans la musique pop-rock-
Les radiateurs des transistors de puissance sont en cuivre électro aux Etats-Unis. De l’ultra- TRIANGLE
pur, découplés mécaniquement, avec pont calorifique portable Austin à la Detroit au LUNAR 1
entre alimentations et étages de puissance. Tous les étages son massif, en passant par la A sa gamme
sont symétriques sans contre-réaction. Des résistances Nashville au son immersif, toutes d’enceintes actives, Triangle
Naked foil commutées par des relais spéciaux forment sont munies de batteries longue ajoute une nouvelle table
la commande de volume. Côté alimentations, trois durée (12-24 heures), sont Dust de lecture développée avec Pro-
transformateurs, deux principaux pour les étages D/G, et Waterproof IP67, équipées Ject. La Lunar1 est disponible en
un plus petit pour la commande générale. Le filtrage du Bluetooth 5.3, pilotables cinq coloris, inspire le sérieux
requiert une importante batterie de condensateurs via Klipsch Connect App et tout en étant accessible.
de petite capacité (470 μF), pour une réactivité maximale. chaînables jusqu’à dix enceintes Sur son socle en aggloméré HD,
Le bloc amplificateur, les bornes de sortie, la prise secteur, (Klipsch Broadcast Mode). elle assemble un plateau
les capots supérieur et inférieur ne sont pas totalement A leur look évocateur, s’ajoute en ABS entraîné par courroie,
solidaires pour absorber les vibrations. Les trois entrées un savoir-faire acoustique et une un bras droit en aluminium
ligne et la sortie enregistrement sont doubles technologie innovante conçue de 8,6 pouces et une cellule MM
(symétriques/asymétriques), la puissance délivrée est par un spécialiste de l’enceinte Ortofon OM-5E avec diamant
de 2x120 W (4 Ω) et le poids est de 31 kg. En option, basé à Indianapolis depuis 1946. elliptique. Avec capot, bloc
des pieds de découplage Alto Extremo remplacent les PPI : Austin : 99 €. secteur 5V et cordon. Bien vu.
pointes. L’excellence Nashville : 179 €. Detroit : 349 €. PPI : 399 €. trianglehifi.fr
est affaire de précision. klipsch.com
PPI : A-3 : 20 990 €. JBL
Altro Extremo SON-2 : YAMAHA SPINNER
990 € les trois. MUSICAST BT
nextaudio.fr 200 Conçue
D’un design ultra-soigné autant pour se marier avec les JBL

FIIO R9 & FT5 qu’élégant, le tout nouveau


MusicCast 200 de Yamaha est un
Authentics et autres enceintes
Bluetooth, la Spinner BT

5
Après le FT3 et ses transducteurs dynamiques de 60 mm, combiné intégrant un lecteur CD, se connecte en aptX HD, mais
le chinois FiiO présente le FT5, un casque ouvert avec un lecteur réseau MusicCast aussi en filaire pour une qualité
membrane planaire en Polyarylate (PAR) de diamètre Bluetooth 4.2, wifi, LAN optimale grâce à son étage
90 mm. Sur ce diaphragme de tout juste 6 μm d’épaisseur et AirPlay 2 avec accès à Spotify, phono MM commutable. Son
est imprimé un réseau conducteur en aluminium et argent Amazon Music, Deezer, Tidal, design élégant inclut plateau
animé par une vingtaine de barreaux néodyme. Napster, Pandora, SiriusXM, et bras en aluminium, socle en
En résultent une sensibilité élevée (110 dB/1V @1 kHz) et un Qobuz, QQMusic, un tuner FM/ fibre de bois avec filet orange
poids qui ne l’est pas moins, 456 g sans le câble. Le spectre DAB, une entrée AUX jack 3,5 et ou or. Et la bien connue Audio-
couvert va de 7 Hz à 40 kHz et l’impédance est de 36 Ω. une USB. Avec deux woofers de Technica AT-3600L en cellule.
Dans la lignée du R7, le R9 est un combiné compact à la 8 cm et deux tweeters de 25 mm PPI : 399,99 €. fr.jbl.com
fois lecteur réseau DLNA, Airplay, Bluetooth et Roon ready
piloté sous Android, dual DAC PCM 32 Bits/768 kHz,
DSD512 et MQA à puces ESS ES9038Pro, ampli casque
TÉLEX
● Jusqu’au 31 mars, essayez un casque ou des intras Technics, vous
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disposez de trente jours pour vous décider grâce à l’offre satisfait
et préampli.
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● 66 % des 18-34 ans associent santé auditive et qualité sonore, tandis
assorti.
que 73 % d’entre eux déclarent avoir une écoute à risque, d’après
PPI : R9 :
une étude YouGov pour Qobuz à l’occasion de la 21e Semaine
1490 €.
du Son de l’Unesco. ● C’est fait ! Audirvana intègre Chromecast
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en 24 Bits/96 kHz, la lecture gapless universelle et l’Audioscan pour
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108 I
Le côté obscur de la Lune
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● écoute critique
PAR VINCENT COUSIN

AUSTRIAN AUDIO HARK E.20


FULL SCORE ONE & THE COMPOSER
D
e la rencontre entre le créateur d’une agence de gestion
d’artistes avec celui qui est à l’origine de l’atelier-boutique

I
l fallait à Austrian Audio, société formée en 2017 par d’anciens sala- HiFi Store (audio vintage) est né Hark. Les trois entités
riés d’AKG, engendrer un couple iconique casque/ampli. Ce couple
basées à Paris 11e regroupent un magasin de vinyles neufs
a pour nom The Composer et Full Score One, des noms bien imagés,
et d’occasion, Hark Records, l’atelier-vente Hark Repair (ex HiFi
destinés à frapper les esprits et, qui sait, inscrire cette nouvelle entité
dans la légende. La légende a un prix. Alors que, jusqu’ici, le Hi-X65, Store), et Hark Audio, créations audiophiles. Première à voir
casque le plus onéreux de la gamme ne dépasse guère les 400 €, il vous le jour, l’enceinte E.20 deux voies trois haut-parleurs. E pour
sera demandé dix fois cette somme pour acquérir ce couple forcément enceintes, 20 désignant le volume interne en litres. Aimadeddine
exceptionnel. The Composer se présente comme un casque ouvert Aroui, le patron de l’atelier et le concepteur des E.20, voit loin,
aux larges coques ovales. Il est bien dessiné, élégant sans être osten- jusqu’à des E.500 ! Chez Hark Records, deux Onken 360 avec
tatoire, mais surtout confortable avec ses coussinets et son bandeau pavillons Altec multicellulaires et tweeter à compression Fostex
en similicuir, et plutôt léger une fois en place (385 g). Les coques incli- sont fixées en hauteur, leur filtre exposé comme un tableau,
nables de plusieurs degrés pour trouver la position idéale accueillent voisinant avec des E.20. On les croirait de la même époque,
des transducteurs de 49 mm à membranes DLC (diamond-like carbon) celle des golden eighties, un héritage clairement revendiqué.
et aimants circulaires. Le casque est livré en valise bois avec trois En témoigne l’écoute des E.20 avec un préampli McIntosh
cordons, deux symétriques Pentaconn 4,4 mm et XLR quatre broches,
et un bloc stéréo Threshold vieux de quarante ans. Les E.20
un asymétrique en jack 3,5 mm. La bande passante va de 5 Hz à 44 kHz
et l’impédance est de 22 Ω. Le Full Score One est un ampli high-end sont réalisées en multiplis de 18 mm, des feuillures reçoivent la
adapté à des casques d’impédance entre 10 et 300 Ω, dans un montage face avant et le panneau arrière, fixé à l’aide de huit vis. A l’ar-
à composants discrets avec des transistors JFET. Un circuit True rière aussi, des bornes en laiton old school et un évent laminaire
Transient Technology améliore la réponse transitoire et le volume est en multiplis. Le filtre est câblé en l’air. Deux 13 cm à membrane
confié à un potentiomètre de haute qualité. Les entrées sont, au choix, aérogel filtrés en pente douce travaillent en quasi large bande
RCA ou XLR, les sorties jack 6,35 mm x2 et XLR quatre broches. jusqu’à 5 kHz, avant de passer le relais à un tweeter à dôme
A noter les valeurs exceptionnelles en bande passante (5 Hz à 1 MHz) souple de 28 mm avec amorce de pavillon. La charge aidant,
et en distorsion de 0,0005 % à 1 kHz. la E.20 couvre un spectre de 40 à 20 000 Hz ± 3dB (91 dB 8 Ω).

L’écoute L’écoute
Le high-end, ce sont des détails comme les mini-fiches bananes Schnepp Les E.20 sont emballées dans une belle housse de coton, chacune
en cuivre-béryllium nickelé présentes sur les oreillettes du casque. Histoire dans sa valise en carton avec poignée et fermeture métallique.
de ne rien perdre. Et justement, la sensation numéro un à l’écoute de The Leurs boiseries fabriquées main s’ornent de filets bleus, du même
Composer, c’est un degré de transparence et d’aisance que l’on ne trouve bleu qui couvre l’intérieur de la caisse – sophistication dans
que sur de très rares modèles. Assorti d’une formidable linéarité presque le détail. Outre une session sur place, nous avons écouté les E.20
inédite sur un modèle aussi largement respirant, ouvert, générant une avec successivement notre intégré repère, puis un ensemble lec-
scène sonore inaccoutumée. Certes, un casque fermé pourra engendrer teur réseau/DAC préampli/ampli d’un montant de 60 k€, nettement
un grave plus tendu – encore que –, mais jamais faire respirer la musique disproportionné, mais propice à démontrer que les E.20 se fondent
comme le fait The Composer. C’est vrai pour le grave, mais c’est encore dans une grande variété d’environnements. Leur bonne sensibi-
plus vrai pour une voix comme celle de Jonas Kaufmann dans l’air lité et leur courbe de réponse régulière se conjuguent avec une
« Inbrunst im Herzen » extrait de Tannhäuser (Chœur et Orchestre du absence totale de directivité et une capacité à recréer un espace
Deutsche Oper Berlin dirigés par Donald Runnicles, Decca), car l’autre sonore que l’on peut qualifier d’holographique. On a affaire à un
talent du Composer est son niveau hallucinant de transparence et de ensemble teinté de douceur, riche en bas-médium, agréable sur
résolution qui retrace chaque mouvement labial, respiration, mouve- le long terme et propice à donner une bonne dimension à une
ment. Et l’ampli ? Lourd et massif, gage d’une alimentation musclée, il œuvre comme le second mouvement de la Sinfonia no 1 de George
ne fait pas que jouer les utilités, mais transcende littéralement l’écoute Walker (National Symphony Orchestra, The Kennedy Center).
du Composer, en matérialisant le son, en lui donnant encore plus de Cette façon d’imager évite toute projection fatigante à la longue :
profondeur et de perspective, le rendant plus subtilement transparent le la voix de Jonas Kaufmann dans l’air « Inbrunst im Herzen »
mode TTT enclenché. Un peu avare de connexions (il manque une sortie extrait de Tannhäuser y gagne en chaleur ce qu’elle perd en auto-
4,4 mm Pentaconn) et de signalétique (pas d’index visible de nuit sur le rité. Tout comme le grave, plus ample que tendu, du fait de la
bouton de volume), il n’en a cure, se concentrant sur sa mission d’ampli- caisse non totalement inerte et du type d’accord choisi. Comme
fier tout le spectre et même au-delà sans rien retrancher ni ajouter. Ou à l’époque ! En synthèse, une belle sonorité, plus d’ampleur que
plutôt si : vie, matière et âme. Naissance d’une légende. la taille des E.20 ne le laisserait supposer, une courbe de réponse
sans accident et une grande
Apport musical : 6/6 variété d’associations possibles
Intérêt : 6/6 avec les électroniques. Une en-
PPI : Full Score One : 1499 €. ceinte pour écouter la musique
The Composer : 2499 €. plutôt que sa chaîne !
audiomarketingservices.fr Apport musical : 5/6
Intérêt : 5/6
PPI : 4000 €.
audio.hark.paris

110 I
NOUVELLE PLATINE VINYLE HI-FI SL-1200GR2
La platine iconique se réinvente
Découvrez la SL-1200GR2, la nouvelle génération d’une lignée légendaire,
fusion parfaite entre l’héritage traditionnel et l’innovation audacieuse.
Cette platine est dotée du traditionnel moteur à entrainement direct, maintenant
équipé de la nouvelle technologie de Modulation Delta Sigma, qui réduit
les micro-vibrations et élimine les bruits parasites.
En combinant un circuit de commutation à faible bruit et un circuit d’atténuation
du bruit, inspiré de notre platine de référence SL-1000R, son bloc d’alimentation
ultra silencieux assure une pureté sonore absolue.
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pour une expérience sonore sans compromis.
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LE SON banc d’essai

de 289 € à 6960 €
Sources. Numériques. Au sens large. Et en particulier. Comment décrire une catégorie
regroupant lecteurs CD/SACD, lecteurs/serveurs réseau, convertisseurs N/A et A/N et autant
d’hybrides que de fabricants et, à l’intérieur de leurs gammes, de variantes de variantes ?
Une chance pour le mélomane avisé, curieux et informé ; un casse-tête pour le vulgum pecus
ayant tout juste intégré le Bluetooth. Il y a dans ce domaine, pour parler couramment, à boire
et à manger, de quoi se régaler, mais aussi se casser les dents. Une des clés étant plus que
jamais de bien définir ses besoins et de fixer son niveau d’exigence gustative – pardon,
auditive. La bonne nouvelle, c’est que de nombeux lecteurs réseau de nouvelle génération
constituent des sources hautement recommandables. Les DAC suivent de près,
c’est la moindre des élégances. Invitation au voyage.

CAYIN MINI-CD Mk2

O
n ne s’attendait guère à ce que Zhuhai Spark Electronic L’écoute
Equipment Co. Ltd. qui développe depuis 1993 des produits La conversion N/A est confiée à un chipset ESS ES9018K2M 32 Bits
hi-fi sous le nom de Cayin, soit présent sur le segment de la muni de deux convertisseurs indépendants (stéréo), avec une qualité
lecture CD. Qui plus est avec un lecteur ultra compact, à l’aspect de reproduction musicale insoupçonnée. Sans doute l’alimentation
rassurant, associé à un rapport qualité-prix des plus attractifs. Qu’on confiée à un bloc 9V CC externe joue-t-elle un rôle dans l’obtention
en juge. Le boîtier en tôle d’acier avec façade en profilé d’aluminium d’un niveau de transparence élevé. Le recours au suréchantillonnage
impressionne par sa qualité d’assemblage. Pour la lecture, Cayin à huit fois la fréquence native du CD ajoute densité et ampleur, tout
adopte une mécanique Sanyo de type slot-in. Celle-ci chevauche un en étant un peu moins précis en placement. La brillante Sinfonia no 1
afficheur à points pour des caractères alphanumériques lisibles de de George Walker (extrait E) permet de mesurer la performance
loin. A droite, quatre touches pour piloter la lecture, à gauche un du Mini-CD Mk2 en matière d’équilibre tonal et de lisibilité. Certes,
interrupteur de mise sous tension. A l’arrière, des sorties analogiques la dynamique ne vaut pas celle d’un lecteur de gamme supérieure,
RCA à niveau fixe, mais aussi une sortie numérique coaxiale S/PDIF notamment dans le grave, mais la barre est déjà haute. L’action
et, plus étonnant, une sortie HDMI en I2S pour attaquer un conver- du filtre numérique s’entend distinctement. Le mode Slow confère
tisseur compatible comme, par exemple, le NuPrime DAC-9X ou le à la Bacchanale de Ravel (extrait C) un surcroît d’aération et de finesse,
Ferrum Wandla. Intérêt : contrairement à la liaison asynchrone plaçant chœur et orchestre comme en apesanteur. A l’inverse, le mode
S/PDIF, la liaison synchrone I2S (Integrated Interchip Sound) sépare Sharp lui confère plus de présence et d’attaque, et plus de médium.
le signal d’horloge des datas musicales, avec effet de réduire le jitter. De quoi, en jouant sur ces paramètres, se configurer un son à la carte.
Ce n’est pas tout. Par la télécommande, on Signature d’un lecteur aussi doué qu’attachant.
accède à un rééchantillonneur qui
permet de multiplier par huit la Les + : Un lecteur abordable
fréquence d’échantillonnage et musical, fabriqué avec soin
jusqu’à 352,8 kHz, et de choisir Les - : Une musicalité
entre les modes Sharp et Slow à la carte (+).
pour le filtre numérique. Tout
ceci à moins de 300 €. son-video.com

112 I
MUSICAL FIDELITY M3x DAC
n an tout juste après le M6x DAC (Diapason d’or, cf. no 720),

U
L’écoute
l’anglo-autrichien Musical Fidelity présente le M3x DAC des- La conception mécanique est soignée : coffret en acier à façade en
tiné à « qui souhaite un son haut de gamme mais a un budget aluminium extrudé, pieds isolants, architecture interne en deux cir-
limité ». La présentation en est tout aussi flatteuse : même boîtier cuits, alimentations d’un côté, étages numériques et analogiques de
large à la façade biseautée que le grand frère, avec une rangée l’autre, transfo torique à faible rayonnement et alimentations régulées.
de voyants bleus et des micro-touches pour sélectionner, de la gauche Tout ceci aboutit à une performance sonore bien réelle servie par un
vers la droite, la mise sous tension, le mode de filtrage numérique rapport signal/bruit >107 dB en pondération A (tenant compte de la
en PCM comme en DSD, et le choix de l’entrée. Celles-ci sont au courbe de la sensibilité de l’oreille). L’écoute du second mouvement
nombre de cinq : quatre S/PDIF dont deux coaxiales RCA et deux de la Sinfonia no 1 de George Walker (extrait E) se distingue par son
optiques Toslink accueillant le PCM en 24 Bits/192 kHz, plus une abord fluide, déstressé, subtilement expressif – une performance s’agis-
USB-B PCM 32 Bits/192 kHz et DSD256 DoP (DSD over PCM) ou sant d’une pièce alternant délicatesse et explosivité. Le relief de cette
natif. Pas d’entrée AES/EBU comme sur le grand frère, dommage. prise de son DSD est retranscrit avec une bonne précision. La com-
Par rapport à celui-ci, le M3x DAC conserve un double jeu de sorties paraison A/B de cette plage – lue en CD par le CEC TL2N rééchantil-
asymétriques RCA et symétriques XLR, mais perd le mode de sor- lonné par le M3x Dac versus le fichier Qobuz en 192 kHz streamé via
tie variable, son réglage de volume en façade et la sortie casque qui un lecteur Silent Angel Rhein Z1 – ne montre pas de différence criante,
l’accompagne. Réservés au M6x DAC, l’upsampling à la demande une qualité à mettre au crédit de l’upsampling du M3x DAC. Même
ainsi que le décodage MQA. De son côté, le M3x DAC met en œuvre sensation d’espace sonore vibrant et habité à l’écoute du début de
un convertisseur de fréquence d’échantillonnage Burr Brown L’Heure espagnole de Ravel (extrait A) : c’est timbré, expressif, sen-
SRC4392, chargé de réordonner les signaux PCM et de les convertir sible. On n’obtient pas le soutien dans le grave et le souffle d’un modèle
en 192 kHz, dans le but de baisser la distorsion avant conversion. supérieur, mais l’ensemble est musicalement crédible sans toutefois
Une puce Burr Brown PCM1795 Dual DAC se charge de la conver- atteindre la vérité du M6x DAC. Ce n’est déjà pas si mal.
sion, que ce soit pour le PCM ou le
DSD, suivie des étages de conver- Les + : Le rééchantillonnage
sion courant/tension, de filtrage en PCM fait un excellent job.
et buffers (étages tampons) à faible Les - : Pas d’entrée AES/EBU.
bruit, indépendants pour les sor-
ties RCA comme XLR. audiomarketingservices.fr

MARANTZ CD50n

P
résenté à l’automne dernier en même temps que l’intégré Model travers du lecteur HEOS et enfin à l’aide d’un streamer Silent Angel
50, le CD 50n Networked CD Player est bien plus qu’un lecteur Rhein Z1 en entrée USB-B, le résultat est là. Comparé aux deux autres
CD. Marchant sur les traces du SACD 30n (cf. no 694), le CD50n modes, on ne peut même pas parler de maillon faible pour le CD, tant
– comme network – intègre le lecteur réseau multiroom HEOS com- le son paraît ample, avec un niveau élevé en résolution comme en fi-
mun à Marantz et à Denon, une section DAC entièrement ouverte nesse d’exécution, nous rappelant que Marantz fut un moment dans
sur l’extérieur et une section préampli à volume fixe ou variable le giron de Philips, co-inventeur avec Sony du support CD. Le SACD
permettant le pilotage direct d’enceintes actives ou d’un bloc de porteur de la Sinfonia no 1 de George Walker (extrait E) ne peut être
puissance. La comparaison avec le grand frère qui offre en prime lu que sur la couche CD ; impossible, donc, de rivaliser avec le même
la lecture des SACD tourne au jeu des sept erreurs, qu’on les détaille fichier lu sur Qobuz en 24 Bits/192 kHz (via MConnect). Cela fait une
de l’avant comme de l’arrière. La différence essentielle est à l’inté- différence, mais pas un gouffre, tant équilibre tonal, finesse et profon-
rieur : conversion MMM (Marantz Musical Mastering) pour le SACD deur sont de la partie. En streaming, le champ sonore s’ouvre, la palette
30n, où les signaux PCM sont convertis en DSD256 ; puce ESS tonale s’enrichit et la capacité dynamique se déploie, au service de
ES9038 HyperStream II dans le cas du CD 50n, et des circuits audio cette composition où des sons ténus voisinent avec des percussions
élaborés, à base de modules d’amplification Hyper Dynamic HDAM vives – sentiment renforcé à la marge par le recours au lecteur réseau
en sorties D/G comme pour le casque. Le lecteur HEOS, compatible externe. Retour au CD avec Jonas Kaufmann dans l’air « Inbrunst
AirPlay 2 et Roon, permet d’accéder aux contenus de Spotify, Tidal, im Herzen » tiré de Tannhäuser (extrait D) pour constater que la voix
Deezer, Amazon Music, Pandora et les radios TuneIn. Pour Qobuz, dominante du ténor star se déploie librement, dans un environnement
on passera par une application UPnP telle que MConnect. Outre peu comprimé où elle occupe un espace non saturé. Une réussite ce
la prise réseau RJ45, le CD 50n propose des entrées DAC en S/PDIF CD 50n ? Oui, et encore plus si l’on considère son tarif, près de moitié
coaxiale et optique, HDMI-ARC, USB-A et USB-B, avec un traite- inférieur à celui du SACD 30n.
ment possible des signaux PCM 24 Bits/192 kHz et DSD256. De quoi
conférer à ce lecteur un rôle non Les + : CD, Network, DAC,
usurpé de Hub numérique… et le son qui va avec.
Les - : En cherchant bien, HEOS
L’écoute car Qobuz manque à l’appel.
Ecouté dans les différents modes
possibles, soit en lecture CD, puis au marantz.com

I 113
● banc d’essai

EVERSOLO DMP-A8

D
ernier avatar de la marque dont tout le monde parle, le DMP-A8 L’écoute
se place au sommet d’une gamme resserrée comprenant aussi Deux manières de piloter l’appareil : soit directement via l’écran tactile
le streamer/DAC DMP-A6 (cf. no 727). Le DMP-A8 combine entre icônes et menus déroulants, soit à l’aide de l’application EverSolo
lecteur réseau, serveur/ripper CD avec disque SSD en option, DAC Control. Une télécommande sommaire complète le tout. Il faut d’abord
et étage préampli au gain de 10 dB. Son réglage de volume de type sélectionner le streamer au tableau « sources » avant de lancer telle
R2R commute via relais des résistances calibrées avec atténuation ou telle plateforme de streaming. Attention aussi en passant d’une
de 100 dB au pas de 1 dB. Cerise sur un gâteau à étages déjà copieux, source à l’autre : chacune garde en mémoire son niveau de volume,
le DMP-A8 intègre un DSP ouvrant quantité d’actions possibles sur de quoi provoquer des écarts aussi importants qu’inattendus. Et le
le signal, allant de la correction paramétrique (fréquence, inflexion, son dans tout cela ? Pour évaluer la section DAC + préampli, nous
largeur de bande) à différents modes de filtrage, de compression avons lu le second mouvement de la Sinfonia no 1 de George Walker
dynamique (!) y compris l’injection de retards permettant de simu- (extrait E) avec le lecteur réseau Silent Angel Rhein Z1. Cette plage est
ler la position des enceintes (DSP en 48 kHz hors entrée analogique disponible sur Qobuz en FLAC 24 Bits/192 kHz (enregistrement DSD
et streaming). De quoi jouer à l’ingénieur acousticien ou à l’apprenti à la base) et, musicalement, elle rassemble dans un enregistrement
sorcier, au choix. En tant que streamer, le DMP-A8 intègre Tidal, superbe en espace et vitalité, des passages d’une savante complexité,
Qobuz, Highresaudio, Deezer, WebDAV et UPnP. Post lecture, il est alternant instruments et percussions. Ce qui nous permet de qualifier
possible d’envoyer le signal numérique vers un DAC externe en USB l’ensemble DAC AKM + préampli R2R d’excellent à fameux, celui-ci
comme en I2S (HDMI). Le DAC interne dispose de six entrées, en se montrant nerveux, transparent, incarné, avec un très bon dégradé
S/PDIF, en USB-B et en HDMI-ARC, avec un maximum en PCM harmonique. A partir du streamer interne, on baisse d’un cran. Le son
32 Bits/768 kHz et DSD512. La section de décodage du DMP-A8 est toujours volontaire, mais moins raffiné, moins lumineux, avec
utilise le processeur audio XMOS 316 pour l’USB couplé avec les moins d’espace. Vient la question du tarif : la critique s’efface, le plai-
puces les plus avancées d’AKM (le trio sir reste, et le bilan est flatteur.
AK4191 + deux AK4499EX), se soldant
par un niveau très bas en bruit et dis- Les + : Le côté couteau suisse,
torsion. Le Bluetooth aptX HD/LDAC DAC AKM et préampli R2R au top.
est aussi de la partie, tandis qu’une Les - : DAC à un cran d’avance (+).
entrée ligne RCA/XLR fait face à des
sorties identiques dans leur définition. hamysound.com

RAPPORT
ÉQUILIBRE QUALITÉ SORTIE SORTIE
DYNAMIQUE QUALITÉ PPI TYPE* APPLICATION / PROTOCOLE
SPECTRAL MUSICALE VARIABLE CASQUE
PRIX

★ ★★ ★ ★ ★ ★ ★★ ★ ★ ★ ★ ★★ ★★ ★ ★★★
CDP Upsampling
CAYIN Mini-CD Mk2 289 € NON NON -
352,8 kHz,

MUSICAL FIDELITY ★ ★★ ★ ★ ★ ★ ★★ ★ ★ ★ ★ ★★ ★★ ★ ★★
DAC PCM 32/192
1499 € NON NON -
M3X DAC DSD256

★ ★★ ★ ★ ★ ★ ★★ ★ ★ ★ ★ ★★ ★★ ★ ★★★
CDP / LR / DAC PCM HEOS, Spotify, Tidal, Deezer, Amazon,
MARANTZ CD50n 1790 € OUI OUI
24/192 DSD256 AirPlay 2, UPnP, Ethernet et wifi

SER / LR / DAC /
EVERSOLO ★ ★★ ★ ★ ★ ★ ★★ ★ ★ ★ ★ ★★ ★★ ★ ★★★
OUI Circuit EverSolo Control, Tidal, Qobuz, Deezer,
1990 € PRE PCM 32/768 NON
DMP-A8 R2R Amazon, UPnP, Ethernet et wifi
DSD512

★ ★★ ★ ★ ★ ★ ★★ ★ ★ ★ ★ ★ ★★ ★★ ★ ★★
LR / DAC / PRE PCM
BEL CANTO DAC 2.8 3800 € OUI OUI -
24/192

★ ★★ ★ ★ ★ ★★ ★ ★ ★ ★ ★★ ★★ ★★ ★ ★★
Aurender Conductor, Spotify, Tidal, Qobuz,
AURENDER N150 3900 € SER / LR NON NON
AirPlay, UPnP, Ethernet

★ ★★ ★ ★ ★ ★ ★★ ★ ★ ★ ★★ ★★ ★ ★
DAC PCM 32/384
MCINTOSH MDA200 5690 € OUI NON Roon tested
DSD512

★ ★★ ★ ★ ★ ★ ★ ★★ ★ ★ ★ ★ ★ ★★ ★ ★★ ★ ★★★
LR / DAC PCM OUI Leedh Lumïn App, UPnP, Tidal, Qobuz, Spotify,
LUMÏN T3 5900 € NON
32/384 DSD512 Processing AirPLay, Ethernet

LEJONKLOU Källa ★ ★★ ★ ★ ★ ★ ★★ ★ ★ ★ ★ ★★ ★★ ★ ★★ 6220 € LR / DAC NON NON Protokoll, Ethernet

SFORZATO ★ ★★ ★ ★ ★ ★ ★ ★★ ★ ★ ★ ★ ★★ ★ ★★ ★ ★★★
LR / DAC PCM Taktina (App), Diretta (PC), Tidal, Qobuz,
6500 € NON NON
DSP-07EX 32/768 DSD512 Amazon HD, UPnP, Roon ready, Ethernet

★ ★★ ★ ★ ★ ★ ★ ★★ ★ ★ ★ ★ ★★ ★ ★★ ★ ★★
CDD Upsampling
CEC TL2N 6690 € NON NON -
88,2 / 176,4 kHz

★ ★★ ★ ★ ★ ★ ★ ★★ ★ ★ ★ ★ ★ ★★ ★ ★★ ★ ★★
CDP Upsampling
KORA CD140 6960 € NON NON -
32 Bits 768 kHz

*CDP : lecteur CD. CDD : transport CD. LR : lecteur réseau. SER : serveur. DAC : convertisseur N/A. PRE : préampli.

114 I
BEL CANTO DAC 2.8

A
près l’intégré E1X plébiscité le mois dernier, place au DAC 2.8 vité, collant au plus près à l’enveloppe musicale et rappelant à bon
du fabricant de Minneapolis. Le DAC 2.8 fait partie de la série escient que la musique est une succession de régimes transitoires. Les
e.One e.volution dont nous connaissons déjà l’étage phono transitoires, mais aussi la phase qui préside à l’obtention d’une scène
appelé justement Phono (cf. no 699). Ces appareils au format shoe- sonore en relief et, bien sûr, le respect des timbres et leur dégradé har-
box se veulent abordables et complémentaires, conçus pour s’assem- monique – le DAC 2.8 le fait bien sans ajouter ni retrancher. Pour
bler comme les briques d’un jeu de construction. Ce DAC 2.8 possède mener le test, comparaison A/B de la même œuvre, Introduction et
un étage de sortie à volume variable, de manière à alimenter direc- scène 1 de L’Heure espagnole de Ravel (extrait A) lue en CD sur le
tement un bloc stéréo REF501S de 2x250 W en classe D ou des blocs drive CEC TL2N rééchantillonné en 88,2 kHz, la même via Qobuz en
mono REF601M de 300 W en classe D sous 8 Ω (600 W, 4 Ω). En FLAC 24 Bits/96 kHz à travers un lecteur réseau Silent Angel Rhein Z1.
complément, on trouve dans la gamme e.One un streamer et un CD Un test des plus révélateurs, surprenant de fraîcheur et de réalisme
drive sous les références Stream 2 et CD3t. Avec cinq entrées numé- dans les deux cas, mais tournant presque à l’avantage du CD forte-
riques dont une AES/EBU, deux S/PDIF, une Toslink et une USB-B, ment boosté par le lecteur CEC. Il y a, dans cette version, un travail
le DAC 2.8 offre un éventail conséquent, toutefois limité au PCM en précis des solistes pour simuler les horloges qui bruissent et tintent
24 Bits/192 kHz. S’ajoute à cela une entrée ligne en RCA qui jouxte joyeusement tandis que s’installe une conversation chantée entre
la sortie également asymétrique avec inverseur fixe/variable. Sortie Ramiro et Torquemada. Le niveau d’expressivité des voix fait penser
variable qui profite à l’ampli casque intégré. Le fabricant reste dis- à une retransmission sur France Musique à partir d’un excellent tuner
cret quant à la nature des circuits de conversion, tout juste évoque- FM. Ce DAC, en tenant compte de ses limites en capacité de décodage
t-il la présence de deux horloges à la femtoseconde (10-15 s) multiples (192 kHz et pas de DSD), est à même de délivrer le frisson du grand et
de 44,1 et 48 kHz, d’interfaces asynchrones avancées et d’alimen- beau son, sur un mode pseudo « analogique » à la façon d’une
tations à faible bruit, le tout regroupé sous bande master. Sans oublier qu’il est aussi un ex-
une bannière dite technologie HDR Core cellent ampli casque. Avis aux amateurs.
avec une plage dynamique de 124 dB.
Les + : Son ouverture et son expressivité
L’écoute très analogique.
Une dynamique évidente à l’écoute de nos Les - : En se limitant au 24/192.
différents extraits. Dynamique plus expres-
sive que massive, percutante sans agressi- audio-focus.com

BT AUTRES DIMENSIONS LxHxP cm


POIDS
(en kg) Nos extraits test
Six extraits musicaux sont cités dans ces pages, choisis pour
NON Filtres Sharp/Smooth, sortie I2S 24x5,8x21,3 2,0 recouper des critères tels que vérité des timbres, étendue
du spectre, dynamique, scène sonore...
Entrées : 2 S/PDIF, 2 Toslink, 1 USB-B,
NON 44x10x36,3 6,8
Sorties RCA/XLR A. Maurice Ravel : L’Heure espagnole (Introduction
Entrées : S/PDIF, Toslink,
et scène 1). Les Siècles, François-Xavier Roth.
OUI 44,2x13x42,4 10,3 Harmonia Mundi. Disponible en CD et sur Qobuz
HDMI-ARC, USB-A, USB-B
en 24 Bits/96 kHz.
Entrées/Sorties ligne RCA/XLR. Digital : 6 IN dont
BT 5.0 aptX
HD/LDAC
HDMI-ARC et USB-B, 4 OUT dont I2S et USB-A. 38,8x9x24,8 NC B. Arvo Pärt : Spiegel im Spiegel pour violon et piano.
CD Ripping. SSD optionnel.
Viktoria Mullova (violon), Liam Dunachie (piano).
Entrées : ligne RCA, Estonian National Symphony Orchestra, Paavo Järvi.
NON 21,6x8,8x31,8 6,5
5 Digital dont AES/EBU et USB-C
Onyx Classics. Disponible en CD et sur Qobuz
NON SSD 240 GO, CD Ripping, SSD/HDD optionnel 8 TO 21,5x5,5x35,5 5,3 en 24 Bits/48 kHz.
C. Maurice Ravel : Daphnis et Chloé (Danse générale
Sorties ligne RCA/XLR. Digita : 7 entrées
NON
dont HDMI-ARC, USB-B
44,5x9,8x40 6,1 – Bacchanale). Sinfonia of London Chorus, Sinfonia
of London, John Wilson. Chandos. Disponible en DSD
Sorties ligne RCA/XLR. Digital : entrée USB-A
NON
Hard Disk, sortie S/PDIF BNC
35x6x35 6,0 sur SACD et sur Qobuz en 24 Bits/96 kHz.
D. Richard Wagner : Tannhäuser (« Inbrunst im Herzen »).
Connection avec un NAS via Mconnect,
NON
Foobar2000
35x6,9x35 4,0 Jonas Kaufmann (ténor), Chœur et Orchestre du
Deutschen Oper Berlin, Donald Runnicles. Decca.
Entrée USB-B, Sorties ligne RCA/XLR, Disponible en CD et sur Qobuz en 24 Bits/96 kHz.
NON 39x8,5x32,7 NC
External Clock
E. George Walker : Sinfonia no 1 (Quarter note = 60).
National Symphony Orchestra, Gianandrea Noseda.
NON
Sorties AES/EBU, S/PDIF, Toslink, Superlink,
43,5x11,1x33,5 11,0
The Kennedy Center. Disponible en SACD et sur
Entrée horloge 44,1 kHz
Qobuz en 24 Bits/192 kHz.
F. Claudio Monteverdi : Le Couronnement de Poppée
NON Étage Square Tube, sorties RCA 42x11,8x35,5 7,0 (« Pur ti miro ! »). Nardus Williams (soprano),
Kate Lindsey (mezzo-soprano), Ensemble Arcangelo,
Jonathan Cohen. Alpha Classics. Disponible en CD.

I 115
● banc d’essai

AURENDER N150

C
hérie, j’ai rétréci les gosses est une comédie américaine sortie en L’écoute
1989. L’argument : un savant excentrique invente une machine Le dispositif d’écoute passe par un DAC Soulnote D-2 avec horloge
capable de miniaturiser la matière, machine qui va réduire X-3, de quoi largement révéler les capacités de ce lecteur « entrée
accidentellement ses enfants à l’état de lilliputiens. Rien d’accidentel de gamme ». Le pilotage se fait à l’aide d’Aurender Conductor, une
chez le coréen Aurender, spécialiste de la musique dématérialisée application robuste, riche en possibilités, mais pas toujours intuitive.
en général et de la lecture réseau en particulier : son streamer N150 Tout comme l’esthétique qui ne déroge pas à la ligne d’un iota, le son
se veut le lecteur réseau le plus abordable pour explorer la « voie de ce N150 reflète bien ce à quoi Aurender nous a habitués : un son
Aurender ». Une voie étroite de seulement 21,5 cm, véritable bonsaï ample, élégant et raffiné, easy listening chic sachant cultiver la bonne
comparé au streamer/DAC A20 et ses 43 cm (cf. no 723), tout en res- mesure entre plaisir et émotion, plus typé hi-fi que monitor. Pour
pectant un design constant sur toute la gamme – écran central alpha- le situer sur un axe dont les deux extrémités seraient le confort d’écoute
numérique AMOLED, touche de mise en service sur la gauche, quatre d’un côté et l’analyse poussée de l’autre, le N150 serait plutôt du côté
pavés plus petits sur la droite pour gérer lecture et menus. A l’arrière, du confort, mais un confort de cuir pleine fleur avec une pointe
une prise réseau RJ45, une sortie DAC USB-A et deux USB 3.0 pour de whisky, si l’image peut se révéler parlante. Une esthétique en tous
brancher disques durs et lecteurs externes. Le N150 reçoit d’origine points défendable et qui a pour bénéfice principal de permettre à
un SSD NVMe de 240 Go. Une baie de stockage permet de loger un l’auditeur de passer d’un extrait à l’autre sans subir de désagrément.
disque supplémentaire jusqu’à 8 To. Les fichiers audio, stockés en Jonas Kaufmann dans Tannhäuser est traité avec tous les égards, sa
interne, sur un NAS en externe ou streamés à partir de Tidal, Qobuz, voix est puissante et nuancée mais jamais dénaturée (extrait D). Idem
Spotify Connect, Internet Radio ou AirPlay, sont pour la Sinfonia no 1 de George Walker (ex-
traités sans latence à l’aide d’un processeur trait E), élaborée avec soin, solide et struc-
Intel ultrarapide avec mise en cache via turée, avec une pointe de chaleur plutôt
la RAM de 8 Go et le SSD interne. que de verdeur. Le son chic.
L’alimentation linéaire diminue le
bruit, tout comme les transfos isola- Les + : Mini Aurender, grand son.
teurs sur la prise Ethernet et l’inter- Les - : Avec un côté policé.
face de sortie USB. Comme l’écrit le
fabricant « il n’y a rien d’entrée de audio-focus.com
gamme dans le N150, à part le prix .»

McINTOSH MDA200

U
nique convertisseur N/A inscrit au catalogue du constructeur L’écoute
de Binghamton dans l’Etat de New York, le MDA200 est un Le MDA200 est aussi Roon tested, c’est-à-dire compatible avec un
appareil gigogne large et profond avec écran central flanqué Roon core (un PC ou un Mac sous logiciel Roon). Une certification
de deux boutons de choix d’entrée et de réglage de volume, abritant appréciée qui n’influe en rien sur le fonctionnement à partir de toute
à l’arrière un module de conversion DA2. Ce même module que source numérique autre. Pour ce test, nous partons du serveur strea-
McIntosh installe quasi systématiquement dans ses intégrés haut mer Silent Angel Rhein Z1 (également Roon core), connecté en USB-B
de gamme et dans certains préamplis, en sachant qu’il existe un au MDA200. Première plage jouée, la Bacchanale du ballet Daphnis
module DA1 moins spécifié réservé au début de gamme. Avec sa et Chloé interprété avec une belle prestance par le Sinfonia of London
puce de conversion 32 Bits quad balanced à huit canaux Cirrus (extrait C). L’ensemble est à la fois chaleureux et fort bien articulé tout
Logic, le DA2 est capable de traiter le PCM 24 Bits/192 kHz via l’une en étant posé. La zone bas-médium et médium est favorisée, ce qui
ou l’autre de ses quatre entrées S/PDIF (deux coaxiales, deux op- renforce le sentiment d’aisance et de fluidité. Sans atteindre le degré
tiques), et jusqu’au DSD512 et DXD 384 kHz en entrée USB-B. de lisibilité et d’extraversion d’un DAC de dernière génération, le
A quoi s’ajoutent une entrée HDMI-ARC pour le son d’un téléviseur MDA200 sait se rendre agréable à l’oreille, presque flatteur. Avec
et une prise propriétaire MCT pour relier un transport CD/SACD un enregistrement plus exigeant, Jonas Kaufmann interprétant l’air
tel que le MCT500 avec l’avantage, rare à notre connaissance, de de Tannhäuser « Inbrunst im Herzen » (extrait D), le défi est relevé
pouvoir transférer au DAC le signal DSD haute résolution issu d’un dans une large mesure par le MDA200 : le rapport d’énergie entre voix
SACD. Les flux DTS et Dolby Digital, même multicanaux, sont dé- et orchestre est bon, on suit sans peine les intonations, les change-
tectés et rematricés en stéréo D/G. A l’arrière de l’appareil, un double ments de hauteur de voix ; tout juste manque-t-on un peu de ce frisson
jeu de sorties asymétriques RCA et symétriques XLR, une USB qui est l’apanage des meilleurs. Une critique modeste en regard
marquée « Service » et des fiches jack pour intégrer le MDA200 des qualités évidentes de ce DAC, susceptible d’évoluer par le simple
dans un environnement piloté (au- remplacement de la carte DA2. Gage
tomation). A l’avant, la molette de d’un investissement durable.
gauche ne sert pas qu’à choisir l’une
des sept entrées, mais aussi à régler Les + : Elégant, universel, évolutif.
quelques paramètres tels que la Les - : Pas de prise casque.
coupure et le nommage des entrées,
le gain et les paramètres HDMI. finesounds.fr

116 I
LUMÏN T3

L
e DAC lecteur réseau T3 succède au T2 testé en février 2020 L’écoute
(cf. no 687). Si extérieurement, rien ne change, à l’intérieur La présence de ce dispositif de volume sans perte invite à connecter
beaucoup. Pixel Magic Systems Ltd., la maison mère de Lumïn le T3 en direct à un bloc de puissance. Une idée qui va dans le sens
basée à Hong Kong, présente le T3 comme The new performance de la transparence mais impose de gérer le volume sur l’application
sweet spot, quelque chose comme le concentré idéal. En lice, une Lumïn, ce qui se discute ergonomiquement parlant. Volume à fond
nouvelle architecture hardware et software intégrant des capacités sur notre intégré en entrée ligne, les qualités du T3 apparaissent pour-
de rééchantillonnage vers le haut jusqu’aux PCM384 et DSD512 tant déjà comme une évidence. Premier constat, la dynamique épous-
et vers le bas en 44,1 ou 48 kHz, en passant par tous les intermé- touflante et le recul du bruit, ou plutôt le silence servant de fond
diaires possibles, y compris bien sûr le format natif. Egalement un à l’expression musicale. Ce détail n’en est pas un : on a vu des mélo-
inverseur de phase absolue. Cette nouvelle architecture repose, manes perfectionnistes se faire creuser un auditorium à dix mètres
comme avec le T2, sur deux chipsets ESS 32 Bits ES9028Pro à huit sous terre et user d’horloges atomiques pour s’isoler de toute forme
canaux montés en Dual DAC avec des étages de sortie indépendants possible de pollution. Le T3 ne vous emmènera pas si loin, mais il
en asymétrique et en symétrique pour chaque canal (soit six circuits n’exigera pas de vous de telles extrémités. Pourtant l’idée est là et la
identiques en parallèle). La partie streaming n’est pas moins évo- musique s’en trouve transcendée. Dans l’enregistrement reprenant
luée. Le T3 est compatible Roon Ready, Spotify Connect, MQA, des extraits de Tannhäuser (extrait D), la voix de Jonas Kaufmann
Tidal Max, Tidal Connect, Qobuz, TuneIn et AirPlay. Streaming peut paraître dure et surtout peu nuancée si le système manque de
Ethernet uniquement. Une prise USB-A délivre si besoin le flux résolution et d’amplitude dynamique. Avec le T3, la présence de
numérique en PCM 32 Bits/384 kHz et DSD512 vers un DAC externe. l’artiste en devient presque cosmique, s’incarnant avec les variations
Une sortie digitale S/PDIF en BNC est également présente, limitée de hauteur et de volume propres à cet enregistrement. Il en est de même
au PCM 24 Bits/ 192 kHz et DoP64 (DSD avec la Bacchanale de Daphnis et Chloé
over PCM). Deux horloges gèrent les (extrait C), qui donne à comprendre ce
multiples de 44,1 et 48 kHz. Le trai- que sont la danse et le mouvement.
tement du volume 32 Bits Leedh Lumineux, en somme.
Processing sans perte est l’œuvre
de Gilles Millot d’Acoustical Les + : Sans filtre et c’est bien.
Beauty, une société française Les - : Streame ou streame.
connue notamment pour ses re-
cherches sur les haut-parleurs. europe-audio-diffusion.com

I 117
● banc d’essai

LEJONKLOU KÄLLA

Q
ue faire quand on n’est pas un fabricant confirmé ayant bâti L’écoute
sa réputation au cours des trente glorieuses de la hi-fi Le branchement est rapide. Il faut ensuite appeler une page web
(1970-2000) ? Privilégier une approche distinctive, en rupture. à l’adresse IP du Källa pour accéder au menu interne et ajuster
C’est le chemin emprunté par le Suédois Fredrik Lejonklou. Son les paramètres réseau selon les indications du constructeur. Avec
préampli mono Sagatun est un bon exemple de cette posture non- un impact non négligeable sur la qualité audio. En parlant qualité,
conformiste : pour faire de la stéréo, il en faut deux, comme dans Protokoll se fonde sur AirPlay qui est en format CD, et pourtant
les années 1960 ou presque, sauf qu’un système d’asservissement la qualité sonore est élevée, même lorsque l’on va lire une plage en
optique permet de commander les deux appareils à partir d’un élé- haute résolution comme le second mouvement de la Sinfonia no 1
ment principal déclaré maître et de monter ainsi jusqu’à huit de George Walker stockée sur Qobuz en 24 Bits/192 kHz. Du traitement
Sagatun mono pour faire du son cinéma 7.1. Ça, c’est de la rupture ! appliqué par Protokoll, le fabricant ne dit mot – secret industriel. Dans
Dans la gamme du suédois, préamplis, amplis, étages phono mais cet exemple, on note un très beau déploiement des pupitres, une excel-
aussi ce lecteur réseau Källa avec DAC intégré optimisé pour fonc- lente lisibilité spatiale et une bonne couverture spectrale, tout en restant
tionner dans un environnement iOS – même si le fabricant précise dans un ensemble non projeté avec une bonne dynamique et des at-
que « si vous souhaitez écouter de la musique stockée localement, taques de percussions « comme en vrai » (extrait E). Le Källa a besoin
par exemple sur un NAS, vous pouvez utiliser MConnect ou de temps pour monter en température et donner le meilleur. Passé
Foobar2000 ». Pourquoi iOS ? Parce que le fabricant a développé ce temps de mise en place, le violon de Viktoria Mullova dans Spiegel
un protocole compatible avec AirPlay mais selon lui meilleur im Spiegel d’Arvo Pärt (extrait B) atteint un équilibre entre suave et
qu’AirPlay en audio. Un protocole judicieusement baptisé Protokoll. doux, sans jamais perdre en saveur ni en complexité harmonique. Ce
La configuration type devient un appareil iOS que le Källa ne délivre pas en termes de haute
pilotant en wifi le Källa relié en Ethernet à résolution, il le compense par une rondeur,
un switch réseau (recommandation du une suavité tout analogiques, capables
constructeur), le Källa pouvant lire de gagner les plus sceptiques à ce mode
toutes les plateformes de streaming, de reproduction. Différent, donc.
Spotify, Qobuz, Tidal, Deezer, Apple,
Amazon et YouTube. Pas d’applica- Les + : Numérique analogique.
tion, pas de complication, une prise Les - : iOS uniquement.
Ethernet, deux sorties audio RCA
et le tour est joué. laudiodistribution.com

SFORZATO DSP-07EX

E
n langage musical, les trois lettres sfz sont l’abréviation de l’ita- SFP, optique ou filaire au choix (bruit néant en optique). Le strea-
lien sforzando ; accolées à une note, elles marquent le souhait ming se pilote via l’application Taktina ou le soft Diretta sur PC.
du compositeur de la jouer avec plus d’intensité. Pour le japo-
nais Sforzato, ces trois lettres sont « un symbole attaché à une note L’écoute
jouée de toute son âme ». Ce DSP-07EX est le lecteur/DAC le plus Cet important développement technique conduit par Kyoichi Omata
accessible de la gamme avec alimentation intégrée, tandis que celle se manifeste à l’écoute par l’évidente libération des marqueurs habi-
des modèles supérieurs est déportée. Dès ce modèle, une même tuels d’une musique numérisée, livrée par échantillons. L’écoute de
approche est de règle : connexion Ethernet, traitement des données cet appareil procure une sensation de calme et de maîtrise ; nos plages
musicales et conversion N/A en format natif avec prise en charge de test sont comme pacifiées, remises en perspective sur les axes du
des formats PCM 32 Bits/768 kHz et DSD512 en mode Gapless. temps, de la couverture spectrale et de la profondeur de restitution. Si
Le DSP-07EX supporte Tidal, Amazon HD et Qobuz, est Roon ready, l’on associe musique numérique avec surdéfinition, cet appareil va
mais aussi UPnP/DLNA, muni d’une entrée USB-B pour accéder décevoir, car il faut ici parler de libération, de clarification, plutôt que
au DAC indépendamment du streamer. La conversion est confiée de course à la résolution. Avec le filtre numérique en mode NOS, c’est
à deux puces ESS ES9038Pro (une par canal D/G), un modèle haut flagrant : pour avoir plus tonique, on passera en FIR au détriment
de gamme 32 Bits à huit canaux avec traitement en différentiel. (relatif) de cet espace vertigineux. Particulièrement sensible sur la
Suivent des sorties symétriques ou asymétriques à niveau fixe ou Bacchanale de Daphnis et Chloé (extrait C), une pièce mêlant chœur
variable. L’horloge 10 MHz est externe, logée dans un module mé- et orchestre, cette propension à pousser les murs et surtout à repro-
tallique avec prise BNC. Alimentée par le DSP-07EX, cette horloge duire une vérité des attaques, du timbre et de la propagation des sons
TCXO (Temperature controlled crystal oscillator) peut dans l’espace et le temps font dire que oui, la musique
ainsi céder sa place à une horloge autonome dont dématérialisée peut engendrer des émotions
il existe trois modèles chez Sforzato, affichant jusqu’alors attribuées à l’analogique de haute vo-
des niveaux de bruit de plus en plus faibles. lée. L’infini des possibles en plus.
L’architecture Zero Link (un développe-
ment Sforzato + Soulnote) aboutit à ce Les + : Subtilement « analomérique ».
que l’horloge maître soit celle qui régit Les - : L’horloge qui dépasse, un détail.
le DAC, plutôt que les tops de synchro du
signal streamé. La prise LAN est de type anamightysound.com

118 I
CEC TL2N

D
écembre 1982 : Philips et Sony lancent le Compact Disc, tou- les impulsions d’une horloge externe (44,1 kHz world clock) tandis
jours en cours plus de quarante ans après. 1983 : premier lec- qu’un rééchantillonneur gonfle le signal en 88,2 kHz ou 176,4 kHz.
teur CD signé CEC, société japonaise créée en 1954, qui fa-
brique platines vinyles et lecteurs CD pour des marques telles que L’écoute
Teac, Sony, Grundig, Marantz, Sanyo, Toshiba, Mitsubishi, Alpine, Le TL2N relié en AES/EBU à notre DAC Soulnote D-2 avec horloge
Kenwood… 1991 : le TL1 est le premier transport CD à courroies X-3, l’écoute peut démarrer. Le duo « Pur ti miro ! » tiré du Couron-
au monde nécessitant un DAC séparé, vendu à l’époque près de nement de Poppée suffit à nous convaincre (extrait F). Le dialogue
50 000 francs. Contrairement à l’entraînement direct, une courroie entre Nardus Williams et Kate Lindsey ressort avec une limpidité et
entraîne l’axe du CD, une autre se chargeant de l’avance radiale de une urgence peu communes. Le velouté et le fruité de leurs voix se
la diode laser via poulie et engrenages. Ce type d’entraînement vise combinent à un accompagnement des instruments moins tendu, plus
à s’affranchir des vibrations et du bruit électromagnétique des mo- expressif qu’avec notre lecteur repère. Autre test révélateur, un long
teurs. La lecture du CD demande au faisceau laser de suivre une accord d’orchestre avec entrée et installation du public, captation live
piste 300 à 500 fois plus fine qu’un cheveu, avec un disque dont la qui nous place dans une salle dont les proportions et le recul par rap-
vitesse de rotation diminue en s’approchant du bord (vitesse linéaire port à la scène deviennent très faciles à se représenter mentalement,
constante), alors que pour une platine vinyle c’est la vitesse angu- presque comme si l’on écoutait du multicanal. Les cors d’un côté, le
laire qui est constante. Le cas du CD est donc bien plus épineux. En hautbois qui donne le la, les conversations du public : tout est tracé,
digne descendant du TL1, le TL2N introduit des améliorations quant c’est confondant. Spiegel im Spiegel de Pärt nous permet de mesurer
à la cinématique, avec un renforcement de la base mécanique l’apport du suréchantillonnage : en 44,1 kHz le jeu des deux musiciens
et une amélioration de l’inertie du disque en rota- est droit, franc, parfaitement latéralisé. En 176,4, on gagne
tion, coiffé d’un lourd palet presseur de dia- en densité, en épaisseur, au léger détri-
mètre identique au CD (380 g et 12 cm). ment de la spontanéité. Affaire de goût,
Côté électronique, outre les trois sor- attablé dans un quatre-étoiles.
ties AES/EBU, coaxiale et optique, on
a une sortie Superlink nécessitant Les + : D’un naturel confondant !
quatre câbles BNC en 75 Ω, prévus Les - : A réécouter avec DAC DASL (+).
pour fonctionner avec le futur DAC
DASL de CEC. Une autre BNC reçoit prestigeaudio-diffusion.fr

KORA CD140

C’
est dit : « Toute la gamme Kora est articulée autour de l’in- L’écoute
novation Square Tube. » Et ce n’est pas le tout nouveau lec- L’affichage jaune se détache lisiblement derrière l’écran fumé noir qui
teur CD140 qui fera mentir cette assertion portée au fronton couvre la façade. Le tiroir est guidé par deux rails en acier nickelé, limi-
du site de la marque située près de Toulouse. Le Belge Bruno van tant la transmission de vibrations vers le CD. On gagnera à piloter
der Elst est l’inventeur de ce circuit signature qui, selon ses propres l’appareil à l’aide de la télécommande fournie (un peu légère), même si
termes, « débarrasse les signaux de microdistorsions, donnant une la roue placée sur la droite donne accès aux opérations de base (saut
écoute beaucoup plus naturelle ». Ce circuit parallèle et équilibré de plage, lecture, éjection). Tout ceci passe au second plan tant l’écoute
(symétrique) met en œuvre quatre double triodes ECC83s fabriquées est envoûtante dès les premiers instants. Pas besoin de recourir à des
par JJ Electronic en Slovaquie. L’alimentation haute tension confère menus de paramétrage ; le suréchantillonnage est imposé et c’est très
aux tubes une dynamique élevée dont une partie seulement est sol- bien comme cela. Ce dispositif, associé au Square Tube, apporte une
licitée en régime musical ; ils travaillent donc en permanence loin matière, une plénitude, une profondeur inédites venant d’un CD. De
de l’écrêtage. Le circuit Square Tube intervient dans la partie ana- quoi une fois encore reconsidérer l’intérêt de ce support et son potentiel
logique en aval du DAC et participe au filtrage après conversion musical intact, plus de quarante ans après sa création. Le CD140 confère
pour éliminer le bruit haute fréquence générateur de distorsion. à Jonas Kaufmann une ampleur et une expressivité uniques, à donner
Mais avant cela, il a fallu lire le CD, récupérer et mettre en forme le frisson dans l’air de Tannhäuser (extrait D). La captation du public
les données puis les convertir en analogique. La mécanique de lec- entrant dans la salle, de l’orchestre qui s’accorde sont d’une présence
ture avec palet-presseur et capot intégral est solidement arrimée à exceptionnelle (disque test Revue du Son). Les coups frappés laissent
un berceau en acier plié de 1 mm boulonné au châssis entrevoir un grave sous-jacent d’une tonicité et d’une profondeur
et à la façade elle aussi en acier lourd, de sorte que inédites en CD. Le CD140, en comparaison d’autres
le CD soit protégé des vibrations. Les datas sont lecteurs concurrents, c’est plus d’incar-
mises en forme, le signal d’horloge séparé nation, plus de profondeur, un grand pas
des échantillons, le tout formaté en I2S, vers la véracité !
puis les paquets suréchantillonnés en
32 Bits/768 kHz et enfin convertis par Les + : Au service entier du CD.
une puce du japonais RoHM, peu usi- Les - : L’ergonomie sans plus.
tée mais vue notamment chez
Luxman. kora.fr

I 119
LE SON en images

La hi-fi en fête
Le 18 janvier dernier, les équipes de Diapason recevaient
dans leurs locaux tous les acteurs de la profession,
pour la cérémonie annuelle des Diapason d’or hi-fi.

2 3 4 5 6 7

8 9 10 11 12
© CYR-EMMERIC BIDARD

13 14 15 16 17

120 I
1 - Vincent Cousin et Olivia Moreno
(Diapason), entourant Philippe Ganancia
(Hamy Sound).
2 - Olivier Abraham (Yamaha).
3 - Thierry Comte (Welcohm Technology).
4 - Jullien Thaler et Sébastien Miquel
(Triangle).
5 - Pascale Hermet, François Pheulpin
et Yann Ghezi (Sound United - Masimo).
6 - David San Emeterio
(Sound Arts Network).
18 19 20
7 - Stéphane Espinasse
(Sound & Colors - GT Audio).
8 - Hugo La Hutte et Alexandre Chaix
(Son Vidéo).
9 - Stéphane Even
(Seven Audio - Neodio).
10 - Guy Cheval (Rhapsody) et Alexandre
Lavanchy (Wattson Audio).
11 - Denis Schwarzberg (Renaissens).
12 - Stefaan Strypsteen (Musikii).
13 - Olivier Ostré et Michel Tassilly 21 22 23 24
(Pier Audio).
14 - Stéphane Alterno
(Panasonic - Technics).
15 - Patrice Alapetite (Next Audio).
16 - Nurten Cirpan
(Light & Music Company).
17 - Philippe Ganancia (Hamy Sound).
18 - Thierry Nicolle et Fabien de Brem
(Klipsch).
19 - Patrice Nicoleau (Kelinac). 25 26 27 28

20 - Daniel Maumus (Jason)


et Zsolt Huszti (Heed).
21 - Pierre Chabert (Hamy Sound).
22 - David Rio (Fusion Acoustic).
23 - Catherine et Marcel Torchin
(France Major Diffusion).
24 - Loïc Kerferch
(France Major Diffusion).
25 - Eric Audollent et Vincent Lefevre
(Focal). 29 30 31 32
26 - François Demaret
(Europe Audio Diffusion).
27 - Pascal Tokatlian (DEA Distribution).
28 - Olivier Imbert (Elite Diffusion).
29 - Olivier Visan (Davis Acoustics).
30 - Gilles Douziech et Eric Poix
(Diptyque Audio).
31 - Frédéric Alépée (Conceptas).
32 - Eric Lessieur (Cabasse).
33 34 35 36
33 - Mathieu Courtonne
et Clothilde Moreau (Audio-Technica).
34 - Philippe Penna (AV Industry).
35 - Cécile Fischer
(Audio Marketing Services).
36 - Olivier Imbert (Audio Focus).
37 - Emmanuel et Stéphane Dubreuil
(Atoll Electronique).
38 - Vivien Falize (Audio 9 - Esprit).
39 - Matthieu Latour (Nagra) et 37 38 39 40
Costa Kekemenis (Aphrodite's Melody).
40 - Alain Yzembar (Absolue Créations).
I 121
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122 I
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I 123
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cordes français se sont associés pour écrémer Les 8 symphonies,les plus belles pages chorales
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Une intégrale des dix symphonies de Mahler en
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* Extrait de règlement : Reworld Media Magazines organise, du 01/02/24 jusqu’au 09/04/24, une loterie intitulée «ticket d’or 35 ans SVJ». Un ticket d’or sera broché dans chaque magazine SVJ
n°414 vendu par abonnement ou en kiosque. Seuls 35 tickets édités seront gagnants. L’attribution des lots se fera par tirage au sort le 22/04/2024 parmi les tickets gagnants. Le 1er lot est un
voyage d’une valeur totale de 9 000€ TTC pour les membres d’un même foyer, à Londres (séjour de 5 jours pour 4 personnes maximum : transport, hébergement, sorties museum, parc Harry
Potter en pension complète). Seules les personnes mineures à la date du tirage au sort, leurs parents/tuteurs/représentants légaux, les conjoints de ces derniers et les membres de leurs fratries
peuvent participer, sous réserve qu’ils résident en France. Ces éléments étant des conditions essentielles, les pièces d’identité, une autorisation parentale et/ou une attestation prouvant
les liens entre les participants et les mineurs seront demandées. Dans l’hypothèse où un participant gagne un ticket d’or en contravention avec les conditions de jeu précitées et prévues dans
le Règlement, son lot ne lui sera pas attribué et restera la propriété de Science&Vie Junior. Pour les participants vivant en Corse ou DROM-COM, le départ pour Londres sera pris en charge
au départ de Paris. Les gagnants seront déterminés selon les modalités prévues au règlement du concours disponible gratuitement sur le site science-et-vie-junior.fr.
LE GUIDE radio
Les concerts sur France Musique
Du 1er au 30 mars 2024
VENDREDI 1er VENDREDI 8 Raucourt flûte, Orch. national orgue, Eyck thérémine, MARDI 26
20 h Paris, Maison 20 h En direct de la Maison de France, dir. New. Maîtrise de Radio France, 20 h En direct de la
de la Radio, 17/12/23. de la Radio. Bonis, Ravel, Orch. national de France, Philharmonie de Paris.
Haydn, Mozart, Stamitz. Debussy. Thibaudet piano,
VENDREDI 15 dir. Macelaru Dukas, Dutilleux,
Maîtrise de Radio France, Orch. philh. de Radio France, 20 h Paris, Maison Debussy, Ravel.
Les Ambassadeurs – dir. Franck. de la Radio, 20/2/24. JEUDI 21 Capuçon violoncelle,
La Grande Ecurie, dir. Jeannin. Bach. Mangova piano. 19 h 30. En direct du Théâtre Orch. national de France,
SAMEDI 9 des Champs-Elysées. dir. Macelaru.
SAMEDI 2 20 h Paris, Opéra-Comique,
SAMEDI 16 Berlioz : La Damnation
20 h Paris, Opéra-Bastille, 7/2/24. L’Autre voyage, 20 h New York, Metropolitan de Faust. De Barbeyrac, MERCREDI 27
23/2/24. « Finale du concours d’après Schubert. Opera, 9/3/24. Verdi : D’Oustrac, Teitgen, Caton. 20 h Paris, Maison
Voix des Outre mers ». Degout, Stagg, Kilsby, La Force du destin. Davidsen, Chœur de Radio France, de la Radio, 10/2/24.
Lazreq, Ensemble Pygmalion, Jagde, Golovatenko, Howard, Orch. national de France,
LUNDI 4 Reich, Chassol. Chassol piano,
dir. Pichon. Carfizzi, Kutasi, Chœur dir. Macelaru. Ensemble Miroirs étendus,
20 h Paris, Théâtre et Orch. du Metropolitan
LUNDI 11 VENDREDI 22 dir. Monbet.
des Champs-Elysées, 28/1/24. Opera, dir. Nézet-Séguin.
Beethoven, Brahms, 20 h Prague, Rudolfinum, 20 h En direct de la Maison JEUDI 28
Rachmaninov, Prokofiev. 12/2/24. Suk, Smetana/Szell,
LUNDI 18 de la Radio. Copland, Ives,
20 h Berlin, Philharmonie, 20 h En direct
Kissin piano. Srnka. Esfahani clavecin, Orch. Gershwin/Russell Bennett,
24/2/24. Smyth, Schumann, de la Maison de la Radio.
symph. de la Radio de Prague, Barber. Redpath soprano,
MARDI 5 Busoni. Grosvenor piano, Mozart, Beethoven.
dir. Popelka. Jehl trompette, Suchanek cor
Chœur de la Radio de Berlin, Orch. philh. de Radio France,
20 h Paris, Maison anglais, Orch. philh. de Radio
MARDI 12 Deutsche Symphonie- piano et dir. Emelyanychev.
de la Radio, 22/2/24. Handel. France, dir. Hannigan.
Piau soprano, Marq flûte 20 h Kladruby, Monastère Orchester Berlin, dir. Ticciati.
SAMEDI 23 VENDREDI 29
à bec, La Rêveuse, dir. Bolton Vltava Santini, 9/9/23. Zelenka.
et Perrot. Collegium Vocale 1704,
MARDI 19 20 h Paris, Théâtre des 20 h En direct de la Maison
Collegium 1704, dir. Luks. 20 h Genève, Temple Champs-Elysées, 28/2/24. de la Radio. Schönberg,
MERCREDI 6 de Saint-Gervais, 9/10/23. Moussorgski : Boris Wagner. Kopatchinskaja
20 h Paris, Maison de la MERCREDI 13 Tallis, Byrd. Morrison, Godounov. Roslavets, Brenciu, violon, Orch. philh. de Radio
Radio, 10/2/24. G. Smith, 20 h En direct de la Maison Lewandowska sopranos, Timoshenku, Scandiuzzi, France, dir. Peltokoski.
Gorandi, Feierabend, de la Radio. Bach, Pärt, Potter alto, Getchell, Hobbs, Kissin… Maitrise des
Reich, Ensemble Next, Janulyté, Mozart. Park violon, Tortise ténors, Sjollema Hauts-de-Seine, Chœur
SAMEDI 30
dir. Ollu. Desmons alto, Orch. philh. baryton, Nosek basse, de l’Opéra nat. du Capitole, 20 h New York,
de Radio France, dir. K. Poska. Gli Angeli Genève, basse Orch. national de France, Metropolitan Opéra, 23/3/24.
JEUDI 7 et dir. MacLeod. dir. Poga. Gounod : Roméo et Juliette.
20 h Paris, Maison JEUDI 14 Sierra, Bernheim, Liverman,
de la Radio, 25/2/24. 20 h En direct de la Maison MERCREDI 20 LUNDI 25 Ballentine, Walker,
Chostakovitch, Bacewicz. de la Radio. Sinnhuber, 20 h Paris, Maison de la 20 h Paris, Philharmonie, Hankey… Chœur et Orch.
Ott piano, Musiciens Chostakovitch, Beethoven. Radio, 10/2/24. Smith, Muhly, 17/3/24. « Finale du concours du Metropolitan Opera,
de l’Orch. national de France. Tetzlaff violon, Poncelin de Campo, Reich. Apkalna La Maestra ». dir. Nézet-Séguin.

Chef de rubrique (hi-fi) : Vincent COUSIN Directeur de la publicité (disques, concerts, PRÉ PRESSE / PHOTOGRAVURE
Rédacteur : Jean-Christophe PUCEK festivals, instruments) : Etienne GANUCHAUD Chef de service : Sylvain BOULARAND
Rédacteur – Secrétaire de rédaction : Directrice de clientèle hi-fi, Club hi-fi :
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Une publication du groupe Reworld Media Secrétariat : Laetitia BONIS-DATCHY Assistante de publicité : Christine AUBRY
VENTE AU NUMÉRO
Ont collaboré à ce numéro : Vincent Agrech, MARKETING Responsable marché : Siham DAASSA
Jérôme Bastianelli, Bertrand Boissard, Chef de produit : Giliane DOULS
N° ISSN : 1292-0703
Roxane Borde, Pascal Brissaud, Adrien Cauchie,
ABONNEMENT : Commission paritaire : 0220 K 87093
Gérard Condé, Simon Corley, Isabelle Davy, Dépôt légal :
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Du lundi au vendredi de 9h à 19h février 2024
REWORLD MEDIA MAGAZINES (SAS) Benoît Fauchet, Sylvain Fort, Jean-Philippe et le samedi de 9h à 18h (prix d’un appel local). Prix de vente : 8,90 €
40 avenue Aristide Briand - 92220 BAGNEUX Grosperrin, Bertrand Hainaut, Thomas Herreng, E-mail : formulaire sur www.serviceabomag.fr Date de parution :
Directeur de la publication : Gautier NORMAND Jean-Claude Hulot, Christophe Huss, Courrier : Service Abonnement Diapason 23 février
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Tél. : 01 41 33 50 00 Hugues Mousseau, Laurent Muraro, Pierre 64,90 €. Dom-Tom et étranger : nous consulter
www.diapasonmag.fr Rigaudière, Kevin Roger, Guillaume Saintagne, A compter du 1er mai 2021, le prix des
Gilles Saint Arroman, Charles Seinecé, Affichage Environnemental
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Clément Stagnol, Patrick Szersnovicz, + CD Indispensables passera au maximum Origine du papier Allemagne
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Roger-Claude Travers, Didier Van Moere. à 7,30 € TTC et le prix des abonnements
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I 127
● livres

Rossini dans le texte


Rossini à la lettre par Grégoire Ayala. Premières Loges, 442 p., 25 €.
Notre Rossini de chevet, c’est le « mode est là aussi, humain trop humain, porté sur
d’emploi » de Chantal Cazaux (même édi- le beau sexe et la bonne chère autant que
teur). Nous aimons aussi la brève synthèse sur des intérêts âprement défendus, proprié-
de Jean-Philippe Thiellay (Actes Sud). taire d’un patrimoine patiemment aug-
Grégoire Alaya adopte un autre parti : voici menté, traversant les régimes, allergique
une monographie complète qui, en quelque au désordre, « ni combattant exalté, ni mili-
quatre cents pages, plonge au cœur de la vie tant idéaliste, ni artiste engagé, ni franche-
et de l’œuvre, à partir de multiples docu- ment royaliste ».
ments, notamment issus de la correspon- Parler de Rossini revient également à parler
dance – d’où le titre du livre. Il sera donc de tout un arrière-plan, historique et cultu-
question de tous les opéras, fussent-ils rel, à évoquer l’histoire de l’Europe quand
moins connus, voire mineurs, mais aussi il est en fonctions au San Carlo, à Paris ou déchue. N’est-il plus alors qu’un créateur sta-
de cantates, celles écrites à l’occasion du au Liceo musicale de Bologne : rien de tout tufié, vestige d’un autre temps ? Quitte à
Congrès de Vérone, par exemple, ou celle cela n’échappe à Grégoire Ayala. Partout où nous surprendre un peu, l’auteur voit au
« pour le baptême du fils du banquier il passe, cette Europe fête Rossini comme contraire dans les années 1855-1868 le che-
Aguado », sans parler évidemment des le compositeur le plus célèbre de son temps, min « vers un nouveau langage », ultime
Péchés de vieillesse. dont le salon accueillera le Tout-Paris. Il faut étape d’un itinéraire en perpétuelle quête de
Historien archéologue, l’auteur ne se veut être vu chez lui, « grand corps malade, souf- régénération. De quoi nous rappeler, s’il en
pas musicologue, il n’analyse pas la musique, frant, perclus », sur lequel veille Olympe était besoin, que cet admirateur fervent de
il la décrit. Fort bien au demeurant : ce Pélissier, demi-mondaine devenue épouse Mozart et de Haydn, mais aussi de Mendels-
connaisseur entretient une profonde inti- respectable après la mort d’une Colbran sohn, de Bach… et de Rameau, fut toujours
mité avec les partitions. L’homme Rossini abandonnée à son sort lamentable de diva un moderne. Didier Van Moere

nom n’avait accompli un travail exemplaire d’édition


Vibrant hommage et de diffusion non seulement des partitions mais encore
Olivier Greif, d’éclat et de douleur sous la direction de Brigitte de tout ce qui peut contribuer à sa juste perception, tant
François-Sappey et Etienne Kippelen. Euterpe n° 39/40, 106 p., 22 €. pour les interprètes que pour les auditeurs fascinés et/ou
A commander sur lesamisdelamusiquefrançaise.com désorientés face aux horizons qui s’ouvrent devant eux.
Bouleversante pour les uns, anachronique pour les autres Le Rêve du Monde (Aedam Musicae, 2013), émouvant recueil
(de plus en plus rares), la musique d’Olivier Greif (1950-2000) de témoignages d’amis ou d’interprètes, premier volet
jouit d’une reconnaissance qui ne permet plus de la traiter d’un triptyque éditorial dont le Journal (même éditeur) forme
de haut comme un mirage dans l’impasse le cœur toujours palpitant, trouve son
de la postmodernité. Les lignes ont bougé pendant sous la forme, inattendue,
avec le temps : presque toutes ses œuvres d’un numéro double (39/40) de la revue
majeures ont bénéficié d’enregistrements Euterpe dont le titre, D’Eclat et de douleur
fidèles. Et si l’auteur des Chants de l’âme suffit à suggérer le ton. Il s’agit pourtant
partage le sort de compositeurs davantage de la publication des actes du colloque
soucieux de susciter l’émotion que Olivier Greif qui s’est tenu à Paris en 2021
l’admiration, la musicologie n’est plus aussi mais, hors le relevé minutieux des archives
fermée (sourde ?) à ce qui touche ; et la question du postmodernisme, peut-on
elle va jusqu’à en faire un sujet d’étude. évoquer sans émotion « La spiritualité avant
Une grâce, refusée de leur vivant à Puccini, toute chose », « La chanson dans l’œuvre
Massenet, Rachmaninov ou Poulenc. d’Olivier Greif », « Le génie de l’enfance »,
Car les œuvres d’Olivier Greif, longtemps « Le Requiem », « Le Concerto Durch Adams
marginales, sont désormais jouées jusque Fall » ? Clé de voûte de l’association (dont
dans les conservatoires supérieurs Philippe Hersant assure la présidence)
et, naguère à l’index, font l’objet Brigitte François-Sappey a signé le texte
de mémoires, voire de thèses. Destinée éponyme, le plus intimement sensible.
inimaginable si l’association qui porte son Gérard Condé

128 I
Bach point mort
Jean-Sébastien Bach par René Belletto. P.O.L., 110 p., 14 €.
A mi-chemin entre essai et carnet de notes émaillé de force
citations, le Jean-Sébastien Bach de René Belletto, scénariste
et auteur de romans policiers réputé, fait parfois songer, dans
sa forme comme dans sa concision, aux Petits traités de Pascal
Quignard. Vingt-sept chapitres pour dessiner les contours
mouvants de la relation à un compositeur « homme et femme
– et enfant », « contraint de s’engendrer lui-même fantomati-
quement et réellement ».
Au fil des lignes, l’affection de l’écrivain pour son sujet est
patente, les questions posées à l’œuvre qu’il nous laisse infinies,
car toujours renouvelées. Belletto n’hésite d’ailleurs pas à va-
rier les angles d’approche, convoquant des repères familiers
à qui s’intéresse au Cantor (Vivaldi, Mozart, Mendelssohn,
Debussy) mais s’échappant aussi vers des territoires inatten-
dus, comme la guitare et le flamenco – cette quinzaine de pages
constitue d’ailleurs le moment le plus réussi du livre.
En ce qui concerne Bach lui-même, nous sommes en revanche
loin du compte. Libre à chacun, bien sûr, d’exposer sa vision
du compositeur ; encore faut-il qu’elle soit étayée. Non, L’Art
de la fugue n’est pas ina-
chevé, pas plus que Vor
deinen Thron tret’ ich
hiermit BWV 668 publié,
complet, à sa suite – la
musicologie regarde d’ail-
leurs la Fuga a tre soggetti
comme au mieux un com-
plément du recueil, ce
qu’estimait déjà Gustav
Leonhardt. « Bist du bei
mir » n’est pas signé Bach
mais Stölzel ; prétendre
que le Cantor « invente » la
stéréophonie est faire bien
peu de cas de la polycho-
ralité vénitienne, de même
que l’exemple d’un Tobias
Hume ou d’un Anthony
Holborne bat en brèche l’assertion selon laquelle « ce n’est
qu’après Bach que les compositeurs, à commencer par ses fils,
se mettront à parler pour ainsi dire explicitement d’eux-mêmes
dans leurs œuvres. » Il est établi à présent qu’Anna Magdalena
ne mourut pas « dans un dénuement total », que l’oubli du Cantor
après sa mort est une légende. On fait grâce, enfin, des suppo-
sitions numérologiques ici convoquées, tant l’expérience
montre avec quelle prudence on doit s’y rallier.
Ce cumul d’erreurs ne fait paraître que plus risible la diatribe
finale de l’auteur contre « une certaine catégorie d’interprètes
qui, faute d’une vérité intérieure propre et distincte, [...] usent
d’instruments imités des instruments d’époque, jouent selon
des traités musicaux d’époque [...] » Coincé entre approxima-
tions et préjugés d’un autre temps, ce Jean-Sébastien Bach reste
trop souvent au point mort. Jean-Christophe Pucek

I 129
la playlist de ma vie
PAR VINCENT AGRECH

Justin Taylor
claveciniste
Le disque que vous écoutez
quand tout va mal
Mozart encore, le Concerto pour piano no 23
par Murray Perahia et l’English Chamber
Orchestra. Pour cette merveilleuse consola-
tion du deuxième mouvement, où les vents
semblent prendre le piano dans leurs bras pour le réconforter.
Avant l’élan irrésistible du troisième mouvement qui nous
remet dans l’énergie de la vie.

Le disque idéal pour faire l’amour


L’étreinte de Poppée et Néron, bien sûr, éveil
des sens, langueur et sensualité inouïs. J’ai
dans l’oreille la très belle version récente de
Sonya Yoncheva et Kate Lindsey sous la direc-
Le premier disque tion de William Christie.
dont vous vous souvenez
Celui de mon premier choc en scène quand Le disque à faire découvrir
j’avais cinq ou six : un spectacle de derviches à ses enfants
tourneurs accompagnés par le groupe rom Il me tarde de guider l’oreille de ma petite fille
Taraf de Haïdouks, durant lequel je n’avais pas de neuf mois vers les Nocturnes de Chopin par
voulu bouger de ma chaise pendant près de cinq heures ! Du Maria-João Pires, leur douceur, leur ten-
coup, mes parents m’avaient acheté le CD après le concert. Eux- dresse, l’équilibre idéal entre intimité, effer-
mêmes n’étaient pas musiciens, mais curieux de tous les arts, vescence, et déjà l’alternative entre se complaire dans le spleen
ils m’emportaient dans leur besace sans que je me fasse prier. ou affronter la vie. Comme Perahia, comme Tharaud aussi,
Pires fait partie de ces pianistes qui ont l’art de transcender la
Le disque qui vous a décidé nature du clavier pour conquérir l’immatérialité du son par le
à devenir musicien phrasé et le legato.
Dans la voiture, avec mon père, nous entendons
l’Allemande en la mineur de Rameau par Le disque qu’on ne s’attend pas
Alexandre Tharaud – je devais avoir neuf ans. à trouver chez vous
Je trouve ça incroyable ; nous ne connaissions Le secret commence un peu à s’éventer grâce
pas ce compositeur ; on court acheter le disque. J’apprends qu’on à des amis bien intentionnés ! Une compil
appelle ce répertoire musique baroque, que la pièce n’est pas d’ABBA. Pour ce plaisir extraordinairement
destinée au piano, et pousse la porte de la classe de clavecin du communicatif de faire de la musique en scène.
conservatoire d’Angers. Tharaud m’a mis au clavecin ! J’étais très C’est mon côté vintage…
fier de le lui raconter quand il m’a gentiment demandé une petite
participation instrumentale à son disque « Versailles ». Le disque à passer
pour votre enterrement
Le disque que vous avez Dans une autre vie, si le temps devait manquer
le plus écouté dans celle-ci, je rêverais de jouer de la viole
Parce qu’il est une madeleine de Proust : de gambe pour me plonger dans le répertoire
© JEAN BAPTISTE MILLOT

le Concerto pour flûte et harpe de Mozart par anglais pour consort. Le disque Gibbons de
Rampal et Laskine. On n’échappe pas à la pre- François Joubert-Caillet et L’Achéron, empreint de mélancolie,
mière version de son enfance, même si elle n’est d’interrogations, articulant l’extrême simplicité et la com-
pas historiquement informée ! Son naturel et son exubérance plexité polyphonique, se prête à la méditation sur l’existence
valent bien l’exotisme du vibrato… à laquelle j’aimerais inviter mes proches qui resteront.

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