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CINÉMA

POST- #METOO
LE SEXE SOUS
SURVEILLANCE

CHUTE DE KABOUL
LE MARTYRE
DES FEMMES
AFGHANES
NOTRE REPORTAGE

LÉA
SEYDOUX
OSER
“MON
PREMIER RÔLE
DE FEMME”
ÊTRE
SOI EN FINIR AVEC
LES INJONCTIONS
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SOMMAIRE SEMAINE DU 20 AU 26 AOÛT 2021

{LE BEAUTY CRUSH }

7 L’ÉDITO Par la rédaction.

8 ELLE INFO Eau de Toilette ERL Sunscreen,


Comme Des Garçons chez Dover
Street Parfums Market, 50 ml, 90 €.
Chute de Kaboul : le martyre des femmes
afghanes • Le prince Andrew accusé
d’agression sexuelle • Le bubble tea,
symbole de contestation • Bleu à l’âme :
hommage à la peintre Geneviève Asse.

21 ELLE CULTURE
21 EXPO • MUSIQUE • CINÉMA
Quand Arcimboldo inspire les peintres
• La nature s’affiche à Lectoure • L’album Ce numéro comporte, insérées
entre les pages 106 et 107,
planant d’Anika • Kenza Fortas, l’actrice 24 pages spéciales numérotées
qui monte • Une pépite iranienne sur grand de I à XXIV (édition Aquitaine) ;
ou 8 pages spéciales numé-
écran • Sandra Oh, le come-back qu’on rotées de I à VIII (édition
Auvergne) ; ou 16 pages spé-
attendait • La playlist de Suzane. ciales numérotées de I à XVI
(édition Bourgogne-Franche-
30 LIVRES Comté) ; ou 12 pages spéciales
Un roman qui met le feu • Le huis clos
suffocant de Jean-Baptiste Del Amo
86 ELLE BEAUTÉ numérotées de I à XII (édition
Bretagne) ; ou 8 pages spé-
ciales numérotées de I à VIII (édi-
MAKE-UP tion 2 Charentes) ; ou 36 pages
• La rentrée des poches •On dévore Coup de frais sur nos classiques.
spéciales numérotées de I à
XXXVI (édition Côte d’Azur et
« Loin, à l’ouest » • Le page turner d’Alain Corse) ; ou 28 pages spéciales

92 ELLE VIE PRIVÉE


numérotées de I à XXVIII (édition
Guiraudie • Les grandes Américaines. Grand-Rhône-Alpes) ; ou
28 pages spéciales numérotées

38 ELLE STYLE Un concept store haut en couleur • Les


cocktails inspirés des polars • Et si on se
de I à XXVIII (édition Languedoc-
Roussillon) ; ou 16 pages spé-
ciales numérotées de I à XVI (édi-
38 MODE La robe longue. tion Midi-Pyrénées) ; ou 8 pages

40 BEAUTÉ Beauty scoop. réinventait sur le chemin de Compostelle ? spéciales numérotées de I à VIII
(édition Normandie) ; ou EN COUVERTURE
• C’est mon histoire : « J’échange, mais 24 pages spéciales numérotées LÉA SEYDOUX PORTE

42 ELLE MAG
de I à XXIV (édition Pays de la
j’embrasse pas » • Agathe Mougin aime… Loire) ; ou 36 pages spéciales UN TOP LOUIS VUITTON.
numérotées de I à XXXVI (édition MISE EN BEAUTÉ CHARLOTTE
Provence). Entre les pages 42 et
42 PORTRAIT Léa Seydoux : « Mon 105 HOROSCOPES 43, un encart jeté abonnement
ELLE de 2 pages (kiosques de la
TILBURY PAR ANGLOMA
AVEC LE FOND DE TEINT
premier rôle de femme ». 107 FICHES-CUISINE France métropolitaine), et, posés
contre la 4e de couverture, un AIRBRUSH FLAWLESS
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bouleversant sur son histoire familiale. 36 pages (kiosques diffusion
partielle Île-de-France et Paris) FILMSTAR BRONZE & GLOW
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54 SOCIÉTÉ Oser être soi : en finir avec et un catalogue Monoprix SA


Guide Rentrée de 40 pages
LIGHT TO MEDIUM, LE CRAYON
les injonctions. À NOS LECTRICES (diffusion partielle abonnés et À SOURCILS BROW LIFT KIT
58 CINÉMA POST-#METOO Le sexe Parallèlement à l’achat en kiosque, vous pouvez
kiosques Île-de-France et Paris).
Ce numéro comporte un encart
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lire en numérique en PDF.
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kiosques France métropolitaine
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Une garde-robe jusqu’au-boutiste. « Je m’abonne », ou sur l’application ELLE, puis
(liste des points de vente dispo-
nible sur elle.fr, rubrique beauté). NORA BORDJAH.
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4 E L L E .FR
elle

20 AOÛT 2021
FONDATRICE HÉLÈNE GORDON-LAZAREFF
PRÉSIDENTE-DIRECTRICE DE LA PUBLICATION CLAIRE LÉOST

DIRECTRICE DE ELLE VÉRONIQUE PHILIPPONNAT


DIRECTRICE DE LA RÉDACTION ERIN DOHERTY
RÉDACTION EN CHEF
ANNE-LAURE SUGIER (MAGAZINE), ÉDOUARD DUTOUR (ÉDITORIAL), BRUNE DE MARGERIE (MODE), ÉLISABETH MARTORELL (BEAUTÉ).
CASTING ET IMAGE ÉMILIE LE GOFF
SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA RÉDACTION JEAN-CHARLES GANDIA
ÉDITORIALISTES
ALIX GIROD DE L’AIN, OLIVIA DE LAMBERTERIE, MARION RUGGIERI, DOROTHÉE WERNER.
ASSISTANTES ET ASSISTANT DE LA RÉDACTION SÉGOLÈNE DELLOYE (14 29) (DIRECTION), FLORENCE DE MONT (14 59) (RÉDACTION EN CHEF),
MARTIN BASSET (14 28) (MODE), NATHALIE GROUARD (14 30) (BEAUTÉ).
DIRECTION ARTISTIQUE
CAROLINE IGNAZI (DIRECTRICE ARTISTIQUE), FABIENNE CORON (DIRECTRICE ARTISTIQUE ADJOINTE).
MAGAZINE
MARIE-FRANCE ETCHEGOIN (CHEF DE SERVICE ENQUÊTE ET LONG FORMAT). ALICE AUGUSTIN, OLIVIA DE LAMBERTERIE, AVA DJAMSHIDI, FRANÇOISE DELBECQ,
CATHERINE ROBIN, MARION RUGGIERI, DOROTHÉE WERNER (GRANDS REPORTERS), PATRICK WILLIAMS. AVEC LA COLLABORATION DE ILARIA CASATI.
DÉPARTEMENT CÉLÉBRITÉS VÉRONIQUE VATINOS. GUIDE CULTUREL MARGUERITE BAUX (CHEF DE SERVICE) (14 63).
AVEC LA COLLABORATION DE THOMAS JEAN, PAUL SIGOGNAC, FLORENCE TRÉDEZ. LIVRES OLIVIA DE LAMBERTERIE (CHEF DE SERVICE).
AVEC LA COLLABORATION DE SANDRINE MARIETTE ET CLÉMENTINE GOLDSZAL (GRAND PRIX DES LECTRICES).
MODE
ANNE-MARIE BROUILLET (18 41), HORTENSE MANGA (18 39). AVEC LA COLLABORATION DE CHLOÉ DUGAST.
ACCESSOIRES AVEC LA COLLABORATION D’ÉLISABETH AKESSOUL (18 49) (+ MARKET EDITOR). STYLE AVEC LA COLLABORATION D’ÈVE MAENO.
ENFANTS AVEC LA COLLABORATION DE CHARLOTTE HUGUET (18 53).
BEAUTÉ
ALICE ELIA (CHEF DE SERVICE). AVEC LA COLLABORATION DE LAURIANE SEIGNIER.
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CHEF DE SERVICE JULIA DION. CHEF DE SERVICE LIFESTYLE NATHALIE DUPUIS.
AVEC LA COLLABORATION DE SOLINE DELOS, SANDRINE FURET, DELPHINE GAUTHERIN, GIULIA FOÏS, HÉLÈNE CLAUDEL, JULIE PUJOLS BENOÎT.
DÊCO AVEC LA COLLABORATION DE CHARLOTTE HUGUET.
CUISINE AVEC LA COLLABORATION DE CARRIE SOLOMON.
RÉDACTEURS GRAPHISTES
PIERRE BORNET, VALÉRIE FRAIGNEAU, CORALIE GALLIBOUR, JULIE LASSALLE, MARIE MARAMZINE, CÉCILE MAYOT, CAROLE SCHINDOWSKI.
ELLE À PARIS NATHALIE ELBAZ-FORISSIER.
ÉDITING
MANOU FARINE (CHEF DE SERVICE). AVEC LA COLLABORATION DE CAROLINE SIX ET STÉPHANIE COCHET.
SECRÉTARIAT DE RÉDACTION
KARINE LACOIN (SGR ADJOINTE). ANNE ALBY, SYLVIE ARNOUX, BERNADETTE DUPRAT, ANNE FAUVEL, SANDRINE MARIETTE,
CATHERINE PAGÈS, MARGOTTE UHALDE, MURIEL SAFAR-JAOUI (RÉVISION). AVEC LA COLLABORATION DE DOMINIQUE BRIÈRE, VALIA BREITEMBRUCH, JULIE TOURON.
RÉDACTION EN CHEF TECHNIQUE
PHILIPPE GAUTRAND (14 46), LOUIS HINI (ADJOINT).
PRODUCTION
ODILE BERNARD (14 35) (MODE-BEAUTÉ), STÉPHANIE SEMEDO (14 42) (CÉLÉBRITÉS MAGAZINE), MALIKA MALA (14 41) (LIFESTYLE/PAGES STYLES MODE ET BEAUTÉ),
TIFFANY MALONE (14 43) (VOYAGES, CASTING, COIFFURE, MAQUILLAGE), SANDRINE FURET (14 51) (ÉCHANGES MARCHANDISES VOYAGES).
PHOTO
MARIE-ODILE PERULLI (CHEF DE SERVICE) (14 48). RÉDACTRICES LÉA CAUQUIL (14 50), BÉATRICE LABBÉ (14 49).
PHOTOTHÈQUE
BÉATRICE D’OLEON (17 25) (CHEF DE SERVICE). ÊRIC VIEIRA DE SOUZA, CLAIRE FAURE, GWÉNAËLLE MOREAU.
DIVERSIFICATION EVÈNEMENTS/EDITIONS RÉGIONALES
CLAIRE BAUCHART, ANNA FONTERS, ANNE-MARIELLE FRANCHETEAU-GARDE (RESPONSABLE DES ÉDITIONS RÉGIONALES).
HOROSCOPE JEAN-YVES ESPIÉ.
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L’ÉDITO DE ELLE
SEMAINE DU 20 AU 26 AOÛT 2021

C’est une couverture unique dans l’histoire


du magazine : une femme au visage caché sous
une burqa, sa petite fille au regard noir d’un chagrin
sans fond, leurs mains posées l’une sur l’autre. C’est une
couverture gravée dans la mémoire, initiée par Marie-
Françoise Colombani, Valérie Toranian et Anne-Marie
Périer dans une rédaction unie par la colère et l’émo-
tion. C’était il y a vingt ans. Le monde entier s’indignait
de la destruction des bouddhas de Bamiyan et se
fichait du sort des femmes et des enfants. « Le martyre
des Afghanes : refusons l’indifférence », titrait-on le
30 avril 2001. Un élan était né. Et ELLE faisait la ren-
contre capitale de Chékéba Hachemi, présidente et
fondatrice d’Afghanistan libre, organisation dédiée à
la dignité des femmes.

C’est une couverture qui fait mal vingt ans


après. Chékéba Hachemi est dévastée : « Que vont
devenir les 300 000 petites élèves scolarisées pen-
dant toutes ces années, les étudiantes initiées au
codage ? Nos écoles ont fermé au fur et à mesure de
l’arrivée des talibans. Dans les provinces de Wardak
et de Farah, les filles de plus de 10 ans, ainsi que les
veuves, sont mariées de force à des combattants. »
Notre photographe Oriane Zerah nous a confié ses
terribles clichés depuis Kaboul dans un reportage
bouleversant (p. 8). Que vont deve-
nir ces femmes qui, pendant toutes

VINGT ANS
ces années de rêve démocratique,
se sont émancipées, ces juges,
médecins, cadres, professeures,
artistes qui se sont forgé une place

APRÈS
dans la société et qui seront les pre-
mières victimes des talibans ? À
nous de faire entendre leur parole,
de mettre en lumière leur combat,
de ne pas les abandonner. Leur
enfer nous concerne. Leur enfer est
l’affaire de toutes.
PAR LA RÉDACTION
C’est une couverture qui fait
mal car on pourrait la publier à l’identique
aujourd’hui. L’histoire est un éternel retour, les
femmes et les enfants sont les éternelles victimes des
STEVE McCURRY/MAGNUM

guerres. On peut dire notre effroi, mais les mots sont


faibles pour traduire notre impuissance. Alors relisons
ceux d’Atiq Rahimi, auteur et réalisateur né à Kaboul :
« Vous les hommes, quand vous avez des armes, vous
oubliez vos femmes. » n

E L L E .FR 7
ELLE INFO

EXCLUSIF
LE MARTYRE
DES FEMMES
AFGHANES
LE 15 AOÛT, LA VILLE DE KABOUL TOMBAIT AUX MAINS
DES TALIBANS. IMAGES EFFACÉES, MARIAGES
FORCÉS, LAPIDATIONS… LES FEMMES SONT
EN PREMIÈRE LIGNE ET SE PRÉPARENT AU PIRE.
CHRONIQUE D’UNE TRAGÉDIE ANNONCÉE.
REPORTAGE À KABOUL ORIANE ZERAH TEXTE AVA DJAMSHIDI
Le 10 août, dans un camp
de réfugiés au nord de Kaboul.
Sahar, 4 ans, a fui avec sa
famille la province de Kunduz,
tombée aux mains des talibans.
ORIANE ZERAH

PAGES DIRIGÉES PAR MATHILDE CARTON. RÉDACTEURS : ÉLISA COVO, CORA DELACROIX, AVA DJAMSHIDI, CAMILLE MORINEAU ET ORIANE ZERAH.
E L L E .FR
ELLE INFO

20 AOÛT 2021
Sur la devanture, une Afghane pose tout sourire,
maquillée pour ce qui est censé être le plus beau jour
de sa vie. Immortalisée sur un mur, sa chevelure brune ruisselle en
cascade sur ses épaules nues. Un visage joyeux destiné à attirer les
femmes de Kaboul à l’intérieur du Taj Beauty Saloon, un institut
d’esthétique où se pressaient jusqu’ici les futures épouses, le jour de
leur mariage. Dimanche 15 août, ce visage radieux s’éclipse sous
un rouleau de peinture. Un homme superpose les couches sur l’af-
fiche publicitaire. Les lèvres carmin s’effacent, la robe immaculée
s’estompe, et c’est bientôt l’image de cette femme resplendissante
qui disparaît. En lieu et place de la mariée rieuse, un mur blanc (voir
photo ci-contre).
Mieux vaut ne pas risquer de froisser les talibans alors qu’ils viennent
de s’emparer de la capitale. Le murmure s’est propagé dès le matin
dans la ville la plus peuplée d’Afghanistan
(4 millions d’habitants) : « Ils sont là… » Un
chauffeur de taxi prévient une femme
S’IL VOUS PLAÎT, contrainte de déménager pour fuir ces
fondamentalistes islamistes. Comment À Kaboul, le 15 août, on efface
HABITANTS composer avec ces fous de Dieu qui le visage des femmes.
DE CE VASTE aspirent à diriger le pays selon les prin-
cipes les plus rigoristes de la loi cora-
MONDE, nique ? Les silhouettes de combattants GÉNÉRATION SACRIFIÉE
NE NOUS aperçus dans les quartiers périphériques L’image dit tout de la brutalité de l’arrivée des tali-
ABANDONNEZ etpart. des tirs de rafale ont fait office de faire-
Vite, la nouvelle a circulé sur les
bans à Kaboul et de leur objectif : effacer les
femmes de l’espace public. Car, depuis vingt ans,
PAS. réseaux sociaux. Des filets de voix pétri- sous l’impulsion de la coalition occidentale, toute
fiés se sont répandus d’une maison à une génération est entrée à l’université et s’est his-
l’autre : « Ils sont là… » Une issue inéluc- sée au sein des institutions afghanes. « Nous avons
SAHRAA KARIMI, table et redoutée depuis l’annonce, en
R É A L I S AT R I C E jugé et condamné certains d’entre eux, ils veulent
mai, du retrait de l’armée américaine, en se venger », explique à Radio-Canada la juge
guerre contre ce mouvement depuis vingt Tayeba Parsa, résignée à quitter le pays. Le choc
ans. Au fil des semaines qui ont suivi, les talibans ont hissé leur dra- est énorme. « Je me rendais à la fac dimanche pour
peau blanc au cœur des villes afghanes, tombées les unes après les donner un cours quand la police nous a évacuées,
autres, jusqu’à faire main basse sur ce pays de 38 millions d’âmes. nous les femmes, témoigne dans le “Guardian” une
Alors, à Kaboul, petit à petit, les habitants se sont préparés à l’enfer doctorante de l’Université américaine d’Afgha-
annoncé. Il y a bien ceux qui ont tenté de s’échapper, prenant d’as- nistan. Les chauffeurs nous empêchaient de monter
saut des ambassades désertées, en quête d’un visa. Ceux qui se sont dans les transports en commun, pendant que des
rués dans leur voiture, avant d’être engloutis dans des embouteil- hommes nous menaçaient : “C’est ton dernier jour
lages désespérés. Mais la majorité reste muette. Certains ont dans la rue”, “Je vais en épouser quatre comme toi
devancé les sentences de leurs nouveaux dirigeants. Les images en une journée”. C’était comme les histoires que
représentant des femmes ont été effacées des devantures. La plupart nous racontait ma mère à l’époque où les talibans
des magasins ont gardé porte close. Dans les maisons inquiètes, les étaient au pouvoir. Quand je suis rentrée chez moi,
familles se sont rassemblées. Une capitale triste et mutique, en sus- j’ai caché tous mes diplômes. Tout ce pour quoi j’ai
pension face au drame qui se joue dans ses rues poussiéreuses. Peut- travaillé n’existe plus. » La panique s’est partagée
on donner de la voix quand on se sait menacé ? Que dire lorsque la en direct sur les réseaux sociaux. Ainsi, la réalisa-
communauté internationale évacue en catastrophe tous ses ressor- trice Sahraa Karimi, 38 ans, qui se rendait à la
tissants ? Quand les démocraties occidentales, si enclines à profes- banque au moment de l’arrivée des talibans, a
ser leurs valeurs, liberté, droits des femmes et des hommes, plient filmé sa fuite, on la voit perdre son souffle en cou-
bagage ? Vingt ans après avoir été évincés du pouvoir par l’armée rant. La cinéaste adresse directement un message
américaine, les talibans ont repris le pays. à la communauté internationale sur Twitter et Insta-
Dans le silence épouvanté qui a saisi tant de foyers, on gram : « S’il vous plaît, habitants de ce vaste
sait déjà le supplice. Les talibans sont arrivés à Kaboul précédés monde, ne nous abandonnez pas, ils viennent ici
de leur réputation. Les dizaines de milliers de réfugiés échoués dans pour nous tuer. » Et dire qu’une semaine plus tôt se
la capitale depuis des semaines se sont faits l’écho des préceptes tenait dans la ville un festival de cinéma… M.C.
qu’ils ont instaurés là où ils se sont mis à gouverner. Les récits des
femmes sont particulièrement glaçants. Le calvaire de Smita, 27 ans,
a commencé un mois et demi plus tôt, lorsqu’elle a fui sa

10 E L L E .FR
Le 5 août à Kaboul. Rashida (ici avec trois
de ses quatre enfants), dont le mari
a été tué par les talibans, a quitté sa
maison et a dû abandonner ses études.

ILS ONT
IMPOSÉ QUE
LE HIJAB
CACHE NON
SEULEMENT
LES CHEVEUX,
MAIS AUSSI
LE VISAGE
ET LES YEUX.

S M I TA
ORIANE ZERAH ; ©TWITTER.

Le 5 août, Smita (avec un voile


rouge) et ses enfants dans une
pension de la capitale afghane,
où ils ont trouvé refuge.

E L L E .FR 11
Le 10 août dans le parc Shahr-e Naw, à Kaboul. Des milliers de familles déplacées
se sont installées dans ce lieu dépourvu de tout équipement.

maison de Khanabad, bourgade verdoyante du nord du Kunduz. Là, un soir, les bombes se sont mises à
pays, dans la province de Kunduz. Désormais, cette mère de famille pleuvoir. « Les enfants criaient et pleuraient,
de cinq enfants réside dans une petite pension à Shahr-e Naw, un nous sommes partis le lendemain. Je m’in-
quartier du centre de Kaboul, où elle a trouvé refuge. Elle a vu le sort quiète pour eux. Depuis cette nuit, la peau de
que réservent les talibans à celles qui ont eu la malchance de naître ma fille est devenue jaune et mon fils ne cesse LA SEULE
femmes. Toutes ces règles qui ont bouleversé leur quotidien. Sa fille de cligner des yeux », souffle-t-elle. L’avenir la CHOSE QUI
aînée, âgée de 13 ans, a dû quitter les bancs de sa classe : les écoles
où étudiaient les petites ont été fermées. Dans les rues, toute trace
terrifie. Il lui a été demandé de libérer la petite
pièce de la pension où elle est réfugiée. Sans
M’INTÉRESSE,
d’existence féminine a été gommée. Seules des ombres en burqa ont ressources, elle n’a pas de quoi vivre. « Hier, C’EST LA PAIX.
désormais le droit de circuler. « Ils ont imposé que le hijab cache non mes enfants n’ont rien mangé de la journée », JE VEUX VIVRE
seulement les cheveux, mais aussi le visage et les yeux », déplore-t- se désole cette mère. A-t-elle eu des nouvelles
elle en dari, l’une des deux langues du pays, avec le pachtou. Le port de son époux depuis son exil en Iran ? « Oui, EN PAIX.
de la barbe a également été ordonné aux hommes, conformément répond-elle. Il n’a pas encore trouvé de travail.
à une prescription islamique. Il ne sait pas ce que nous traversons car je n’ai
À l’heure de la prière – cinq fois par jour –, les talibans venaient pas voulu l’inquiéter avec nos problèmes… » R AS HIDA
avec des matraques pour frapper les enfants qui travaillaient dans Dans cette même pension, où des leaders des
des magasins et les envoyer se recueillir dans les mosquées… Der- différentes communautés de province avaient
rière le voile rouge qui lui mange le visage, Smita – dont le prénom l’habitude de séjourner lors de leur passage à
signifie « sourire » – raconte d’autres mesures qui leur ont été dictées. Kaboul, il y a aussi Rashida et ses quatre enfants. Son mari a été tué
« Ils ont imposé à chaque famille de préparer et de servir un petit par les talibans, il y a deux ans. Tout a déjà changé avec l’arrivée de
déjeuner, un déjeuner et un dîner à vingt de leurs combattants, ces hommes. Celle qui prenait des cours à l’université pour devenir
explique-t-elle. Tous les habitants, qu’importent leur niveau social et infirmière a dû mettre fin à ses études. Elle est exténuée par ces
leurs revenus, y ont été soumis, même ceux qui avaient à peine de années de guerre. « Même si je ne veux pas des talibans, la seule
quoi nourrir leur propre famille. » Un cauchemar instillé dans le chose qui m’intéresse, c’est la paix. Je veux vivre en paix », répète-t-
moindre interstice de leur existence. elle. Son quotidien est devenu celui d’une déplacée, aux côtés des
Son mari, militaire dans l’armée afghane, s’est réfugié en Iran pour deux cents personnes qui vivent entassées dans la maisonnette insa-
échapper à ces ennemis. Dans la bourgade, la plupart des gens lubre. Leurs conditions de vie sont devenues très compliquées. Il n’y a
ORIANE ZERAH

soutenaient les talibans, à l’instar d’un fils d’une famille voisine. Les plus d’eau dans les salles de bains ni dans les toilettes. Préserver un
menaces ont commencé à enfler. Alertée du péril, Smita s’est enfuie peu d’hygiène pour ses petits s’avère quasiment impossible. À l’hori-
avec ses enfants, d’abord à Angur Bagh, dans un autre district de zon, un avenir de plus en plus incertain, en particulier pour les femmes.

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Ces hommes n’ont-ils pas déjà été au pouvoir entre celles des territoires ruraux, certes restés conservateurs, mais pas au
1996 et 2001 ? À l’époque, les femmes avaient l’interdiction de point que les femmes y soient calfeutrées. « Une tragédie inimagi-
sortir de leur maison sans un chaperon masculin, elles n’avaient pas nable » dénoncée par le secrétaire général des Nations unies,
non plus le droit de travailler. Interdiction aussi de circuler sans être António Guterres. « Il est particulièrement horrifiant et déchirant de
dissimulées sous une burqa, ce tissu devenu le symbole en Occident voir que les droits durement acquis par les filles et les femmes
de la condition de ces femmes captives. Celles qui étaient accusées afghanes sont en train de leur être enlevés », s’est-il indigné.
d’adultère, considéré par les talibans comme un crime, étaient fouet- Pour survivre à ce désespoir, nombre d’Afghans préfèrent se rési-
tées et lapidées. Sous leur règne, toute forme de divertissement était gner, harassés par des décennies de larmes et de sang versé. « Au
proscrite, la musique, interdite, les cinémas étaient fermés, les télévi- moins, la guerre a cessé », se réconforte comme il le peut Farhad.
sions pendues aux lampadaires. Les mains des voleurs étaient tran- N’est-il pas inquiet de l’arrivée au pouvoir des talibans ? « Bien sûr,
chées, les meurtriers, exécutés en public, et les homosexuels, tués. mais que peut-on y faire ? » répond, pragmatique, ce commerçant
Pourtant, en as de la communication, ces fous d’Allah disent avoir dans le safran, âgé d’une trentaine d’années. Il préfère se concen-
changé. Désormais, les talibans sont soucieux d’offrir une image un trer sur le calme revenu dans la capitale : « Au moins, la sécurité est
peu plus modérée. Ils se sont engagés à plusieurs reprises à mieux là. » De l’art de voir le verre à moitié plein plutôt que la souffrance…
respecter, s’ils revenaient au pouvoir, les droits humains, et notam- Mohadese, une étudiante d’Hérat, troisième ville du pays, est pour-
ment ceux des femmes, en accord avec les « valeurs islamiques ». tant déchirée. Depuis qu’« ils » sont arrivés, les femmes ne peuvent
Dans les zones qu’ils ont conquises ces dernières semaines, ces plus travailler ou étudier, elle ne peut plus se rendre à l’université
hommes ont déjà été accusés de nombreuses atrocités, comme des pour apprendre le français. Une vie de prisonnière, recluse dans
décapitations ou encore des enlèvements d’adolescentes pour les l’enfer taliban. Avec pour seule perspective la crainte de donner
épouser sous la contrainte. Alors, malgré les promesses, des jeunes naissance à une fille, qui serait condamnée, comme toutes ces
filles et des veuves craignent d’être mariées de force à ces combat- Afghanes, à un destin de soumission. ■
tants qui ne s’embarrassent pas de leur consentement. Pour tenter de
contrecarrer les plans de ceux qui se servent de leurs filles comme
s’il s’agissait de marchandises, des parents ont décidé de les marier
à la hâte pour qu’elles ne le soient pas de force. Un « moindre mal »… SOUTENONS LES AFGHANES
Car, en vingt ans, la doctrine et les mœurs de ces fanatiques n’ont Afghanistan libre est une organisation non gouvernementale
pas fondamentalement évolué. fondée et présidée par Chékéba Hachemi en 1996. Cette résis-
Avec le retour de la charia, la vie des Afghanes ne s’écrit plus tante née à Kaboul, qui a fui son pays à pied à l’âge de 11 ans,
qu’entre les murs de leur maison, ou derrière la toile épaisse de leur première femme afghane à avoir été diplomate, œuvre pour
burqa. Confinées en permanence, sous-citoyennes assujetties à la l’éducation et la santé des femmes et des petites filles. Dans
responsabilité des hommes dont elles dépendent, père, mari ou frère. l’urgence de la situation, elle lance un appel à l’aide pour toutes
Une situation dramatique pour les femmes des villes, habituées, pen- celles qui manquent de tout dans les camps de réfugiés.
dant vingt ans, à un quotidien de libertés. Insupportable aussi pour afghanistan-libre.org ; contact@afghanistan-libre.org

Le 10 août dans le quartier de Shahr-e


Naw, au cœur de Kaboul.
IL EST
PARTICULIÈREMENT
DÉCHIRANT
DE VOIR
QUE LES DROITS
DUREMENT
ACQUIS PAR
LES FEMMES
AFGHANES SONT
EN TRAIN DE LEUR
ÊTRE ENLEVÉS.

A N TÒ N I O G U T E R R E S ,
S E C R É TA I R E G É N É R A L
D E L’ O N U

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Virginia Giuffre,
à sa sortie du
tribunal fédéral
de Manhattan,
le 27 août 2019.

{ AFFAIRE EPSTEIN }

LE COMBAT D’UNE FEMME


ELLE EST L’UNE DES PREMIÈRES VICTIMES DU RÉSEAU sont écoulés depuis sa rencontre avec Epstein.
Vingt ans d’un combat acharné contre une jus-
PÉDOCRIMINEL MONTÉ PAR JEFFREY EPSTEIN À tice qui fait la sourde oreille et un système où
AVOIR OSÉ PARLER, DÈS 2015. VIRGINIA GIUFFRE VIENT argent et impunité ne font qu’un. Mais une loi
new-yorkaise provisoire, qui accorde le droit
DE DÉPOSER PLAINTE CONTRE LE PRINCE ANDREW. aux victimes de porter plainte pour agression
PAR ÉLISA COVO sexuelle sur mineurs, même après le délai de
prescription, lui ouvre enfin une brèche.
Tout commence en Floride, à Palm Beach, au
Lundi 9 août 2021. Près de deux ans jour pour jour Mar-a-Lago, un hôtel de Donald Trump. Virginia Roberts – son nom de
après le suicide en prison du milliardaire pédocriminel jeune fille –, alors lycéenne, travaille le temps d’un été dans le spa de
Jeffrey Epstein, une de ses victimes, Virginia Giuffre, a déposé plainte l’établissement. L’adolescente se rêve déjà en masseuse profession-
contre le prince Andrew, fils cadet de la reine Èlisabeth II et ami de nelle. Un jour, alors qu’elle est plongée dans un livre sur l’anatomie, une
l’homme d’affaires américain. Aujourd’hui, âgée de 38 ans, la jeune femme l’accoste et entame la conversation. Celle-ci a la trentaine et un
femme accuse ce membre de la famille royale britannique de l’avoir accent british raffiné qui mettent la jeune fille tout de suite en confiance.
agressée sexuellement à trois reprises au début des années 2000, la La mystérieuse interlocutrice, qui n’est autre que Ghislaine Maxwell,
première fois alors qu’elle n’avait que 17 ans. Des faits qu’elle avait déjà petite amie d’Epstein et recruteuse pour son réseau pédocriminel, lui
racontés publiquement – Buckingham avait d’ailleurs écarté le prince fait une proposition : un homme très riche cherche une masseuse, est-
de ses fonctions officielles suite à ses accusations. Car Virginia Giuffre ce qu’elle pourrait passer chez lui le soir même ? En échange, il pour-
n’en est pas à sa première tentative pour se faire entendre. Vingt ans se rait financer sa formation. Virginia accepte et tombe dès lors dans un

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piège qui va se refermer sur elle. Ce que l’on sait de sa première françaises au sujet des allées et venues du délinquant sexuel dans
rencontre avec Jeffrey Epstein et des quatre années qu’elle passera l’Hexagone. Epstein, qui avait un appartement avenue Foch, est fina-
à ses côtés comme esclave sexuelle provient d’une interview qu’elle lement arrêté en 2019 par la police américaine au retour d’un de ses
a accordée, en 2015, au tabloïd anglais « The Daily Mail ». Elle y séjours à Paris. Avant de se suicider en prison.
raconte son histoire, détaillant, photos à l’appui, son calvaire. Reve- Virginia Giuffre décide alors de porter plainte contre le prince Andrew
nant sur son « entretien d’embauche » à la villa du milliardaire, elle dans l’espoir d’obtenir enfin justice. Son avocat a déclaré qu’elle sou-
explique avoir fait l’« erreur » de confier à Epstein et Maxwell les abus haitait mettre les riches et les puissants face à la responsabilité de leurs
dont elle a été victime, enfant. Des révélations fatales, selon elle, qui actes. La relative impunité, dont Epstein a bénéficié, est la raison pour
l’auraient désignée comme une proie idéale. Ce soir-là, après l’avoir laquelle tant de victimes n’ont pas osé parler, selon Homayra Sellier :
agressée sexuellement, Epstein lui remettra 200 dollars en compen- « Elles ont perdu confiance dans le système pénal. » Pour ce qui est de
sation de ce « massage érotique », et lui proposera de le suivre dans la plainte visant le prince, Homayra Sellier se veut positive : « C’est une
ses voyages. Pourquoi a-t-elle accepté ? À NBC, qui lui pose la affaire jugée au civil mais qui pourrait relever du pénal si l’agression
question, elle répondra qu’elle était jeune, impressionnable, et que sexuelle est requalifiée en viol. Et il y a trafic dès lors que Virginia a été
le couple lui faisait miroiter la promesse de recevoir une vraie forma- amenée au prince par avion. J’espère que le tribunal sera à la hauteur
tion de masseuse, au-dessus de ses moyens. de ce que les citoyens attendent de lui. » Pour Dylan Howard, journa-
liste d’investigation américain et auteur de « L’Affaire Epstein » (éd. Le
En 2001, alors âgée de 17 ans, elle embarque donc dans Jardin des Livres), rien n’est moins sûr : « Il est presque certain que le
le jet privé du milliardaire, direction Londres. Ghislaine ministère de la Justice n’ira pas au bout de cette plainte, dans la mesure
Maxwell lui annonce qu’elle va avoir la chance d’être présentée à où cela provoquerait une crise entre deux alliés, le Royaume-Uni et les
un membre de la famille royale, le prince Andrew. Ils dînent tous les États-Unis. Tout devrait plutôt se jouer lors du procès pour proxénétisme
quatre, se rendent dans un club sélect, où on de Ghislaine Maxwell, qui se tiendra à l’automne.
lui ordonne de danser avec le prince, puis le Ce sera le moment du dénouement dans la traque
petit groupe rejoint le pied-à-terre londonien des complices d’Epstein. Et si Ghislaine parle, cela
de Ghislaine Maxwell. Dans la voiture, cette pourrait provoquer la plus grande crise de l’histoire
dernière aurait dit à Virginia : « Je veux que tu J’ESPÈRE royale moderne. » Affaire à suivre. ■
fasses à Andrew ce que tu fais à Epstein. » La
jeune fille obtempère. De cette soirée, il reste QUE LE TRIBUNAL
un cliché, pris par Jeffrey Epstein. Si le prince SERA À Virginia
Andrew a nié avoir rencontré l’adolescente Giuffre
dans une interview accordée à la BBC en
LA HAUTEUR montrant
2019 –, la photo est évocatrice. Selon Virgi- DE CE QUE une photo
d’elle
nia, elle aurait été offerte comme cadeau LES CITOYENS à 16 ans.
sexuel à Andrew à deux autres reprises :
dans la maison new-yorkaise d’Epstein et ATTENDENT
lors d’une fête sur l’île privée du milliardaire. DE LUI.
Pourquoi ne pas avoir porté plainte plus tôt ?
« Les victimes avaient signé un accord de
KEVIN C. DOWNS/REDUX-REA ; EMILY MICHOT/MIAMI HERALD/TNS/SIPA ; BACKGRID US/BESTIMAGE.

confidentialité et avaient peur de ce qui H O M AY R A S E L L I E R ,


pourrait leur arriver si elles ne le respectaient PRÉSID ENTE D E
pas », explique Homayra Sellier, présidente L’A S S O C I AT I O N
de l’association Innocence en danger, qui IN N O CEN CE EN DAN G ER
œuvre pour la protection des mineurs contre
les violences notamment sexuelles.
Virginia choisit de fuir et de refaire sa vie en Australie pour oublier
Le prince
ces années noires. Jusqu’à ce que l’affaire éclate. En 2008, Epstein
Andrew
est visé par une enquête pour recours aux services de prostituées
et Virginia,
mineures. Il risque la perpétuité. Il plaide coupable et passe un deal lors d’une
secret avec les procureurs de Floride : une peine de prison de dix-huit soirée chez
mois (avec l’autorisation de se rendre pratiquement tous les jours à Ghislaine
son bureau) et l’assurance que ses complices ne seront pas inquiétés. Maxwell,
Plusieurs victimes intentent des procès au civil. Elle-même attaque en 2001.
Epstein, puis Ghislaine Maxwell pour diffamation, et reçoit des
indemnités. En 2009, après treize mois de prison, Jeffrey Epstein
reprend ses voyages dans le monde entier, en toute impunité. « Il y a
eu un véritable manque d’intérêt judiciaire vis-à-vis de cette affaire.
Ils ont dû recevoir l’ordre de ne pas trop enquêter », suspecte
Homayra Sellier, qui fut parmi les premières à alerter les autorités

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{ DÉCRYPTAGE }

POLITIQUE
DU BUBBLE TEA
QUI AURAIT CRU QUE CETTE BOISSON TRÈS PRISÉE PAR LES ADOLESCENTS
DU MONDE ENTIER SE TRANSFORMERAIT UN JOUR EN SYMBOLE
DE CONTESTATION ? DÉCRYPTAGE. PAR CORA DELACROIX

UN CARTON Des réfugiés birmans en UN EMBLÈME


PLANÉTAIRE  Thaïlande manifestaient le PRO-DÉMOCRATIE 
Des jeunes filles en crop-top 28 février dernier contre le Récemment, le bubble tea,
font la queue devant Bubble coup d’État dans leur pays. et plus largement le « thé
Vie, dans le quartier de au lait », que l’on boit chaud
Montmartre, à Paris. à Hong Kong, avec des
Composé de thé noir ou vert, perles de tapioca à Taïwan
de lait et de perles de tapioca ou glacé en Thaïlande,
(à base de fécule de manioc mais assez peu en Chine,
et de sucre brun), le bubble a pris une tournure très
tea, né à Taïwan dans les politique. Il est devenu le
années 1980, est servi dans symbole d’une alliance
un gobelet transparent entre des militants pro-
recouvert d’un film plastique démocratie hongkongais,
dans lequel on enfonce une taïwanais, thaïlandais
paille pour aspirer (puis et birmans :
mâcher) les petites billes la #MilkTeaAlliance.
noires. De Paris à Lille, de Ce hashtag naît au
Berlin à Sydney, les jeunes se printemps 2020 lorsque
bousculent pour le déguster. Vachirawit Chivaaree, un
Le prix ? Environ 5 euros. célèbre acteur thaïlandais,
like un tweet qui affirme
notamment que Hong Kong
UN MARCHÉ EN doit rester indépendant.
PLEIN ESSOR Insulté par des nationalistes
Selon une étude réalisée chinois sur les réseaux
par le bureau américain sociaux, l’acteur est soutenu
Fortune Business Insights, le par des milliers d’internautes
marché mondial du « BBT » mobilisés face à
devrait passer de 2 milliards l’autoritarisme de Pékin.
de dollars en 2019 à 3 en En avril dernier, Twitter
2027. Rien ne lui résiste, a même lancé un émoji
hormis peut-être la #MilkTeaAlliance en
mondialisation : en avril UN SYMBOLE DE FIERTÉ ASIATIQUE solidarité avec les militants
dernier, les porte-conteneurs C’est en Californie, dans les années 1990, que des immigrés pro-démocratie. Ou quand
rapportant la fécule de taïwanais ouvrent le premier bubble tea shop aux États-Unis. Pour le bubble tea se mue en
manioc de Thaïlande sont Jiayang Fan, journaliste américaine d’origine chinoise, la boisson un emblème d’engagement
restés coincés dans le port est devenue un symbole d’appartenance pour les jeunes d’origine pour la démocratie
saturé d’Oakland, en asiatique : « Le thé boba et moi avons grandi à la périphérie des
JACK TAYLOR/AFP

et la liberté. ■
Californie. Résultat : toute la États-Unis, comme des immigrés déterminés à s’en sortir, écrit-elle
côte ouest américaine a été dans le “New Yorker”. Aujourd’hui, le bubble tea shop a des airs de
privée de son thé sucré. club social où les Asiatiques de la diaspora se retrouvent ensemble. »

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ELLE INFO Geneviève Asse
à Paris, en 2011.

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{ HOMMAGE }

BLEU À L’ÂME
CRÉATRICE D’UNE COULEUR QUI PORTE SON En fait, la vie de Geneviève Asse raconte l’histoire des
femmes dans l’art en général et dans l’abstraction en
NOM, DÉCORÉE POUR SON ACTION DANS LA particulier : celle de l’oubli, au pire, d’une reconnais-
RÉSISTANCE, GENEVIÈVE ASSE VIENT DE sance tardive, au mieux, d’une présence amoindrie
dans les musées et d’une valeur marchande au rabais.
DISPARAÎTRE. RETOUR SUR L’ITINÉRAIRE D’UNE C’est aussi ce que raconte l’exposition « Elles font l’abs-
PEINTRE DISCRÈTE ET POURTANT CAPITALE. traction », présentée au Centre Pompidou jusqu’au
PAR CAMILLE MORINEAU 23 août. Chez les hommes artistes, la couleur est une
carrière, généralement héroïque et internationalement
reconnue. Le noir de Soulages, le bleu de Klein et les
Si tout le monde visualise le « bleu Klein », qui connaît rouges de Rothko assurent à leurs détenteurs des valeurs à neuf chiffres.
le « bleu Asse » ? Le premier fit l’objet d’un brevet et d’une publi- Reconnaître aux femmes la monochromie est bien plus compliqué.
cité immédiate à la fin des années 1950. Associé au nouveau réa- Elles sont pourtant plusieurs à s’y être essayées brillamment. Ainsi, le
lisme et à l’abstraction géométrique, le bleu Klein fait partie de notre dialogue obsessionnel que Geneviève Asse instaure entre les lignes
paysage mental. Tout aussi magnifique, le bleu Asse est atmosphé- et les brumes de couleur n’a rien à envier à celui de l’Américaine
rique, saturé, subtil et changeant. Mais il a été inventé par une femme, Agnès Martin (1912-2004), qui fut la première à valoir presque
dont la notoriété est restée confinée. autant que les hommes. On aurait pu aussi l’associer à l’expression-
Discrète et pourtant capitale, Geneviève Asse s’en est allée sur la nisme abstrait ou au color field painting, deux autres mouvements où
pointe des pieds le 11 août, à 98 ans. Si sa vocation artistique s’est vite les femmes trouvent une place légitime – la redécouverte et le rattra-
déclarée (en 1940, à 17 ans, elle était inscrite aux Arts déco de Paris), page des prix de l’œuvre d’Helen Frankenthaler il y a dix ans, ou
elle n’a pas hésité à rejoindre son frère dans la résistance contre l’occu- récemment de Joan Mitchell, prouvent qu’une histoire paritaire s’écrit
STEPHANE GRANGIER/CORBIS VIA GETTY IMAGES

pation allemande. Elle conduit des ambulances de la 1re DB, prend avec des mots, des chiffres… et de la patience.
part aux campagnes de libération d’Alsace puis d’Allemagne, et par- De la patience, Geneviève Asse en a eu. Elle dut attendre d’avoir
ticipe à la libération du camp de concentration de Terezín. Après la 40 ans pour être exposée régulièrement en galerie (Krugier et Cie
guerre, la franc-tireuse simplifie son style, jusqu’à l’épure, mais sans à Genève, Catherine Putman puis Laurentin à Paris), 65 ans pour une
aller jusqu’à l’abstraction géométrique. C’est là qu’elle invente un bleu, exposition muséale à Paris (au Musée d’art moderne de la ville de
son bleu, aux nuances immenses, qui creuse l’espace et accueille le Paris) et 90 ans pour une rétrospective (au Centre Pompidou). Elle a
regard sans l’arrêter. La peintre y projette le ciel, la mer, mais aussi la maintenant sa place dans l’éternité.
pensée – elle illustre les plus grands écrivains de son temps et écrit Camille Morineau dirige l’association Aware (Archives of Women Artists,
elle-même de la poésie. Mais elle met dix ans à accrocher sa première Research and Exhibitions), qui œuvre à rendre visibles les femmes artistes.
exposition, à la galerie Michel Warren à Paris, en 1954. awarewomenartists.com

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C’est une exposition où se côtoient


« I Hear What You
Say », de la série
la monstruosité et le sublime, l’atti-
« Mouthpieces », rance et la répulsion, l’étrange et le connu,
Penny Slinger, 1973. le baroque et le conceptuel, la nature et
l’artificiel. Un hommage à l’artiste italien
Arcimboldo (1527-1593) qui dévoile com-
ment ce peintre à la cour des Habsbourg,
qui révolutionna l’art du portrait avec ses
compositions étourdissantes de végétaux,
d’animaux et objets, n’a cessé d’irriguer
l’imaginaire occidental. Ainsi, quatre de
ses peintures (deux « Printemps », « L’Au-
tomne » et « Le Bibliothécaire »), parmi les
trente-cinq recensées, quelques dessins
virtuoses de costumes et ses vitraux renver-
sants pour le Dôme de Milan dialoguent
avec les œuvres d’une centaine d’artistes
dans des hommages directs ou des rappro-
chements bien pensés. Le résultat ? Un
kaléidoscope ébouriffant où l’on découvre
les créations de ses suiveurs, comme une
sculpture aux allures de Don Quichotte
rembourrée de courgettes, potirons, arti-
chauts et autres légumes – « la seule sculp-
ture arcimboldesque connue », souligne
Chiara Parisi, la nouvelle directrice du
musée, qui a orchestré cette exposition en
dialogue avec l’artiste italien Maurizio
Cattelan –, ou encore des portraits d’Adam
et Ève dans la tête desquels s’enchevêtrent
une multitude de corps. Mais aussi les
œuvres de fervents admirateurs du peintre,
qui se comptent nombreux au XXe siècle, à
commencer par les dadaïstes et les surréa-
listes, qui sortiront l’artiste lombard de l’ou-
bli où il est tombé un temps, voyant en lui un
de leurs précurseurs. Comme lui, Man Ray,

ARCHI
Dalí, Max Ernst, Victor Brauner, Picabia manient l’étrange et l’oni-
risme, et, quand le héraut de la peinture métaphysique Giorgio
De Chirico met en scène dans sa « Famille du peintre » des per-
THE ARTISTS ESTATE COURTESY OF THE ROLAND PENROSE COLLECTION/ADAGP,

sonnages aux bustes comme une accumulation de ruines

VISIONNAIRE
antiques, le rapprochement avec « Le Bibliothécaire » d’Arcim-
boldo s’avère flagrant. D’autres artistes plus contemporains
rendent aussi de vibrants hommages au maniériste italien : Chéri
Samba, dans une peinture où il figure sa stupéfaction devant une
œuvre du maître, le photographe Wolfgang Tillmans, qui se plaît
SURRÉALISTE AVANT L’HEURE, à recouvrir un visage de galets, ou encore le facétieux Maurizio
Cattelan, qui sculpte une tête boursouflée de ses propres créa-
LE PEINTRE ARCIMBOLDO N’A CESSÉ tions. « Je voulais montrer le caractère actuel mais aussi révolution-
D’INFLUENCER LES ARTISTES. UNE naire d’Arcimboldo, avec une œuvre nourrie de questionnements
contemporains », explique Chiara Parisi. Parmi ces derniers, la
EXPOSITION AU CENTRE POMPIDOU-METZ place de l’homme. « Il n’est plus au centre du monde, tout puissant,
MET EN SCÈNE L’HÉRITAGE MODERNE ET ajoute-t-elle, mais il fusionne avec l’animal et la nature. » On ne
INATTENDU DU MAÎTRE ITALIEN. peut plus actuel, en effet. ■
PARIS 2021.

« FACE À ARCIMBOLDO », jusqu’au 22 novembre,


PAR SOLINE DELOS Centre Pompidou-Metz (57). centrepompidou-metz.fr

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ELLE CULTURE
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EXPOSITION

JARDINS
SUSPENDUS 3

« Ne faire qu’un avec le ciel », c’est avec cette visée – rien de moins – que furent créés les jardins
de l’élite, dans l’Inde moghole, au Japon et en Chine. Des paradis artificiels hautement esthétisés que
l’on découvre à travers des miniatures précieuses, des longs rouleaux peints, des encres de Chine
4 délicates, des photos sépia, et dont l’art se décline jusque dans les intérieurs sur des coffrets précieux,
des céramiques peintes, des paravents comme des tableaux et dans les broderies de fleurs qui parent
les kimonos du théâtre nô. L’exposition, comme une balade bucolique, dévoile que chaque pays cultive
1. Bananier et rocher, Chine,
sa spécificité, une symétrie parfaite en Inde, la reconstitution d’une nature rêvée en Chine inspirant les
dynastie Qing (1644-1911),
XVIIIe siècle. 2. Panneaux de tente
lettrés qui y composent leurs vers, une projection cosmique du monde au Japon. Mais partout la sym-
à décor de fleurs de pavot, Inde, bolique des végétaux sème sa poésie. C’est ainsi que, dans les jardins moghols, l’association du cyprès
XVIIIe siècle. 3. « Le Dit du Genji », et de l’églantier s’enroulant autour de lui figure l’aimée et l’amant, que dans les jardins chinois le pêcher
« Le Pavillon » (détail), évoque la prospérité, et que, prisée au Japon comme en Chine, la très bouddhique fleur de lotus est à
Yamaguchi Itaro (1901-2007), elle seule une promesse de pureté et d’élévation spirituelle. L’écrivain Rudyard Kipling ne s’était pas
Japon, XXe siècle. 4. Jarre à décor trompé en écrivant : « Pourquoi Dieu a-t-il fait l’homme jardinier ? C’est parce qu’il savait que la moitié
de personnages dans un jardin, du travail se fait à genoux. » ■ S.D.
Chine, dynastie Qing (1644- 1911). « JARDINS D’ASIE », jusqu’au 20 septembre, Musée Guimet, Paris-16e. guimet.fr

PHOTO

Un tour à Lectoure DON JEAN-FRANÇOIS ET CATHERINE JARRIGE/MNAAG, PARIS DIST. RMN-GRAND


PALAIS/IMAGE MUSÉE GUIMET ; DON YAMAGUCHI, DON ERNEST GRANDIDIER/
THIERRY OLLIVIER, GHISLAIN VANNESTE/RMN-GRAND PALAIS ; PRESSE.
PAR CAROLINE SIX

Sa sélection rigoureuse et son tracé délicieux dans les recoins du Gers en ont fait, en une
trentaine d’années, un rendez-vous des passionnés d’image. En 2021, le festival L’été photogra-
phique de Lectoure s’invite aussi dans la ville de La Romieu, où se déploie la nature toute puissante
capturée par l’auteur/photographe Julien Coquentin (« Tropiques »). Le voyage s’étend virtuellement
à toute la France avec le projet Azimut, initié en 2017 par le collectif Tendance Floue. On y suit le
parcours de trente photographes partis sillonner à pied le pays, armés d’un carnet dans lequel ils
consignent leurs rêveries, leurs impressions et leur itinéraire. Arrivés au bout de leur périple, ils devront
transmettre leur carnet à l’un de leurs pairs, qui poursuivra le parcours. Une façon d’éprouver le
monde à rythme et à hauteur d’homme, qui fait ici office de révélateur. Parmi ces promeneurs soli-
taires, Pascal Dolémieux, Stéphane Lavoué, Léa Habourdin, Gabrielle Duplantier, mais aussi Marine « Azimut »,
Lanier – que le festival a eu la bonne idée de programmer à la Halle aux grains. Immanquable. Michel
« L’ÉTÉ PHOTOGRAPHIQUE 2021 », jusqu’au 19 septembre, Centre d’art et de photographie de Lectoure, Bousquet.
à Lectoure et à La Romieu (32).

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ELLE CULTURE
20 AOÛT 2021

PEINTURE

Faim du
monde

PAR THOMAS JEAN

Solastalgie et collapsologie : deux jolis


mots savants, plus ou moins voisins d’éco-
anxiété, qui vont bien à Thomas Lévy-Lasne. Le
peintre parisien, qui s’est fait connaître en cou-
chant sur toile des visages pleins d’ombres et
de ridules et des paysages crépusculaires, a
basculé ces derniers temps dans les tourments
écologiques : plage bouffée par le plastique,
arbres qui se désolent, voilà ce que son pin-
ceau lui dicte. Comme si enchaîner les rap-
ports du Giec avait galvanisé ses appétits de
peinture. Passionné par son médium et pas
égocentrique pour un sou, il montre à Perpi- MUSIQUE

ANIKA GAGNE
gnan, au centre d’art joliment baptisé À cent
mètres du centre du monde, les travaux d’une
cinquantaine de collègues peintres. Certains
ont le climat en tête ou du moins en toile de
fond : un feu de forêt qui fait trembloter l’air
chez Damien Cadio, une serre de fortune dont
AU CHANGE
le vent a arraché les bâches chez Paul Vergier. PAR CLOVIS GOUX
Lévy-Lasne lui-même s’est glissé par-là, bros- La secte des adorateurs d’Anika est un peuple patient. Tous se souviennent,
sant la désolation d’une bâtisse de Tcherno- la larme à l’œil, du jour où ils découvrirent son premier EP. Sobrement intitulé « Anika »,
byl. Comme en contrepoint à ces œuvres l’objet à la pochette énigmatique (une photo en noir et blanc surexposée d’une blonde
superbement sous Xanax, on se reposera l’œil tentant d’échapper à l’objectif) se composait d’une poignée de reprises (Dylan, les Kinks,
avec les alpages flous de Marine Wallon, les Yoko Ono…) qui auscultait les originaux à la lumière froide du post-punk (Geoff Barrow,
portraits d’éleveurs de Julien Beneyton (« Les de Portishead, dirigeant l’opération avec son groupe Beak) pour les propulser over the
Bourbouloux et Festival », ci-dessus) ou une rainbow grâce à la voix spectrale d’Anika, qui évoquait les accents teutoniques de Nico
rivière tropicale de Bruno Gadenne, dont on avant sa chute de vélo. C’était en 2010, soit un siècle déjà. Sans crier gare, la chanteuse
entendrait presque les clapotis. Une scène anglaise revient. Si son deuxième album s’intitule « Change », c’est que cette ancienne
française où le figuratif est à la fête – gueule journaliste politique, installée à Berlin, a décidé de renverser son image d’obscure prê-
de bois incluse –, voilà ce que l’expo met en tresse goth pour endosser les habits d’une artiste de premier plan. Réalisé en confinement,
lumière. Lévy-Lasne, anxieux mais pas le der- « Change » est un album de libération où la chanteuse, auteure et compositrice s’éman-
nier pour les boutades, dit qu’il a une relation cipe des ombres portées pour s’exposer frontalement. Sur les morceaux « Finger Pies »,
plus intense avec Titien qu’avec certains de ses « Critical » et « Change », qui ouvrent l’album comme on part à la guerre, elle passe avec
amis. La bande de peintres dont il s’entoure à une simplicité remarquable du spoken word au chant, de la rigueur métronomique du
Perpignan, elle, a de quoi nous faire tachycar- krautrock aux nappes enveloppantes de l’électronique. Nimbé d’une inquiétante dou-
der à haute intensité. ceur, le reste de l’album file à l’avenant : à la fois planant et tétanisant. De Nico à Anika
« LES APPARENCES », jusqu’au 12 septembre,
SVEN GUTJAHR

centre d’art À cent mètres du centre du monde, il n’y avait que quelques pas à franchir. En se jetant ainsi dans le vide, la comète Anika
Perpignan (66). Avec aussi Françoise Pétrovitch, nous précipite en avant. ■
Eva Nielsen, Jean Claracq… « CHANGE » (Invada Records/PIAS).

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COMÉDIE

CE N’EST PAS
LA TAILLE QUI
COMPTE…
Les cinéastes italiens des années
1960 adoraient ce petit exercice : s’emparer
d’un thème hautement fédérateur (le désir,
l’argent, le pouvoir…), le décliner en plusieurs
courts-métrages, parfois géniaux, souvent
inégaux , et les compiler dans un omnibus de
plus ou moins 90 minutes. Carton en salle
assuré. Plusieurs génies transalpins, comme
Dino Risi, De Sica, Fellini, Antonioni ou
Rossellini, se sont prêtés au jeu, accompa-
gnés par les plus grands acteurs de l’époque.
Un peu plus tard, aux États-Unis, Woody
Allen a signé « Tout ce que vous avez toujours
voulu savoir sur le sexe… sans jamais oser le
demander », monument de potacherie éro-
tique, bâti sur le même concept. Et voilà les
frères Foenkinos qui reprennent aujourd’hui
le flambeau, déclinant le thème casse-gueule
FILLE À SUIVRE des fantasmes sexuels. De la sorophilie (être

Kenza Fortas
attiré par la sœur de sa conjointe) à la thana-
tophilie (être excité par la mort) et à l’hypo-
philie (trouver son plaisir dans l’abstinence),
ils utilisent les fantasmes comme un terreau à
histoires tragi-comiques. Ils seront aidés d’un
RÉVÉLÉE PAR « SHÉHÉRAZADE », L’ACTRICE MARSEILLAISE casting de haut vol (Monica Bellucci, Carole
PROMÈNE SA GOUAILLE ET SON NATUREL DANS LE TRÈS Bouquet, Denis Podalydès, Nicolas Bedos,
MUSCLÉ « BAC NORD ». PAR ÉMILIE RIVENQ Céline Sallette…), dont la manipulation
réserve de sacrées surprises. On vous en
On se souvient d’elle, à peine 18 ans aux César 2019, remerciant sa mère, qui dévoile une : Karin Viard, en maîtresse
l’avait encouragée à tourner le premier film de sa vie : celui d’une prostituée marseillaise d’école exhibitionniste, qui excelle au som-
dans « Shéhérazade », de Jean-Bernard Marlin, pour lequel elle obtenait le Meilleur met de son art comique. Jamais graveleuses,
espoir féminin. Deux ans plus tard, après un rôle d’apprentie sage-femme dans un hôpital parfois énormes, ces saynètes ne se valent
de la cité phocéenne pour « Voir le jour », de Marion Laine, au côté de Sandrine Bonnaire, pas toutes bien sûr – et certaines feront plutôt
c’est de nouveau à Marseille – la ville qui l’a vue grandir – que Kenza Fortas réapparaît. rire jaune. Mais chacun y trouvera au moins
Dans « BAC Nord », de Cédric Jimenez, qui s’inspire d’une affaire réelle ayant impliqué un fantasme à son pied. ■ E.R.
des flics dans divers trafics, elle interprète une indic des quartiers plus vraie que nature, qui « LES FANTASMES », de David et Stéphane
se lie d’amitié avec l’un des policiers, incarné par François Civil. « C’était comme un grand Foenkinos. Avec aussi Joséphine Japy, Ramzy
Bedia, Alice Taglioni… (1 h 42).
frère sur le tournage. Il m’aidait pour les aspects techniques du jeu et je lui donnais des
conseils sur ce qui me semblait fidèle à la réalité », se souvient-elle. Car les quartiers Nord,
Kenza connaît. C’est ici que durant dix-sept ans elle a un peu zoné sans trop savoir ce que
OLIVIER MONGE/MYOP ; BERTRAND VACARISAS/PROD CINÉ.

l’avenir lui réserverait, avant de se faire repérer lors d’un casting sauvage pour « Shéhéra-
zade ». Depuis, la jeune fille a déménagé en Espagne, monté les marches de Cannes et
rejoint les rangs de la célèbre agence Time Art d’Elisabeth Tanner. Mais elle n’oublie pas
sa ville de cœur, où elle revient régulièrement voir sa mère et sa sœur. « Je ne me vois pas
monter à Paris, même si c’est mieux pour le job. C’est trop gris, il y a trop de stress, confesse
Kenza, qui a fini par abandonner le CAP petite enfance dont elle rêvait gamine. « J’aimais
m’occuper des autres, mais les cours m’ont saoulée. » Après trois rôles joués à l’instinct, et
avant d’apparaître dans la seconde saison de la série « Validé » sur Canal+ à la rentrée,
Kenza a tranché : « Je ne veux pas non plus m’emballer, mais peut-être que pour moi, ce
sera bien le cinéma. » Karin Viard et
« BAC Nord », de Cédric Jimenez. Avec aussi Gilles Lellouche, Karim Leklou et Adèle Exarchopoulos Jean-Paul Rouve.
(1 h 44).

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La nuit iranienne PAR MARGUERITE BAUX


Alerte beauté sublime. Pas un plan, d’échecs, leur guerre se déroule dans une quarante ans avant que ses bobines ne soient
dans « L’Échiquier du vent », qui ne soit com- demeure somptueuse éclairée à la bougie, retrouvées par hasard dans une brocante
posé comme un tableau de maître. Dans un décorée de meubles occidentaux et de tapis à Paris. Restauré grâce à la Film Foundation
palais d’Iran, à la fin du XIXe siècle, le décès persans, tandis que, dehors, les lavandières de Martin Scorsese, sous la supervision de
de la maîtresse de maison, « Grande Dame », du village commentent l’action en direct, à la son réalisateur Mohammad Reza Aslani,
laisse sa fille, « Petite Dame », aux prises avec manière d’un chœur antique. À la fois pure aujourd’hui âgé de 77 ans, le film est accom-
son beau-père et deux neveux qui convoitent démonstration de mise en scène et tableau pagné d’une magnifique bande-son minima-
sa fortune. Clouée dans un fauteuil roulant, de la fin d’un empire corrompu, ce théâtre liste, faite de cris de loups et de hyènes, et de
elle ne peut se déplacer que grâce à sa d’ombres à l’érotisme brûlant fut projeté une percussions. Un bijou de modernité orientale.
fidèle servante, et tous, par la force ou par seule fois en Iran en 1976, puis interdit par les « L’ÉCHIQUIER DU VENT », de Mohammad Reza
le charme, essaient de la dominer. Sur un mollahs, et, entouré d’une réputation de chef- Aslani. Avec Fakhri Khorvash, Mohamad Ali
scénario élémentaire comme une partie d’œuvre, tomba dans les limbes pendant Keshavarz (1 h 41).

SÉRIE
FORFAIT TOUT COMPRIS
DEUX THRILLERS AU DÉCOR PARADISIAQUE VIRENT AU CAUCHEMAR TOTAL. UNE DOUBLE DOSE DE PLAISIR SADIQUE.
PAR PAOLA DICELLI
En plein cœur de l’Austra- Cap sur la France, cette
1976 THE FILM FOUNDATION/PROD CINÉ ; CAROLINE DUBOIS/ESCAZAFILMS/

lie, un lieu de retraite de luxe bap- fois, avec l’adaptation télévi-


tisé « Tranquillum » et dirigé par suelle des ex-« Dix Petits
Masha (Nicole Kidman) reçoit Nègres » d’Agatha Christie,
de riches individus en quête renommés désormais « Ils
d’une thérapie détox. C’est là étaient dix ». Le réalisateur
que neuf personnes (une auteure Pascal Laugier (auteur des très
has been, un couple qui bat de cultes « Martyrs » et « Ghost-
l’aile, une famille endeuillée…) décident de séjourner. C’est sans land ») y suit dix personnes enfermées dans un palace et manipulées
compter Masha, sorte de gourou hippie, qui entend bien transformer par un mystérieux individu en quête de vengeance. L’île du Diable,
leurs petites vacances en enfer… Adaptée du roman de Liane qui porte évidemment très bien son nom, sera ainsi le théâtre de nom-
Moriarty, cette série de huit épisodes fête les retrouvailles de Nicole breuses révélations, jusqu’au twist final. Des crimes, des plages para-
M6 ; VINCE VALITUTTI.

Kidman et du showrunner David E. Kelley, après « Big Little Lies » et disiaques et un joli casting (Romane Bohringer, Samuel Le Bihan,
« The Undoing ». Un thriller psychologique au casting trois étoiles, un Guillaume de Tonquédec…), le cocktail est aussi savoureux que
peu lisse mais efficace. glaçant. ■
« NINE PERFECT STRANGERS », 8 épisodes, Amazon Prime Vidéo. « ILS ÉTAIENT DIX », 6 épisodes, le mardi, 21 h 05, M6.

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SÉRIE

TOUJOURS
PLUS OH
RÉVÉLÉE PAR « GREY’S ANATOMY », CONFIRMÉE PAR
« KILLING EVE », LA COMÉDIENNE SANDRA OH REVIENT
FAIRE SON NUMÉRO DANS « THE CHAIR ». PAR STÉPHANIE COCHET
« The Chair »

« Grey’s
Anatomy »

« Killing Eve »

Golden Globes plus tard, Sandra Oh est


devenue comme une amie, mais une amie
badass. Elle a eu le courage de quitter les
couloirs de l’hôpital de Seattle après dix
saisons, en pleine explosion de gloire. Et
c’est à elle que l’on doit l’amitié iconique
entre son personnage du Dr Yang et Mere-
dith Grey, véritable romance de la série,
éclipsant celle entre Meredith et Derek. Un
art du duo féminin sublimé dans « Killing
FRANK OCKENFELS ; LAURA RADFORD ; ELIZA MORSEN/NETFLIX.

C’était en 2001. Sa brève apparition en et leurs amphis vides. Loin des clichés attendus Eve », jeu du chat et de la souris, dans lequel
actrice de X dans un épisode de « Six Feet sur un sujet casse-gueule – le politiquement la souris Sandra Oh se transforme en chat.
Under » a suffi. Larmes sincères et cils en toc, correct à l’université –, la série mise sur un Une manière finement politique de prendre
elle y prononçait une élégie funèbre. Une humour visuel, à base de chaises qui le pouvoir, quitte à imposer certains de ses
minute pour crever l’écran et nous faire cre- s’effondrent et de pantomime. Un univers choix aux showrunners. Un engagement
ver de rire. Le burlesque de son person- qui sied bien à l’actrice coréano-canadienne, qu’elle revendique aussi en popularisant le
nage dans la série « The Chair » ne surpren- son sens aigu du gag façon Buster Keaton, hashtag #Iamproudtobeasian, et en prenant
dra donc personne mais ralliera ses sa voix gutturale et ses yeux écarquillés, la parole, mégaphone en main, dans un
fans. Sandra Oh y incarne la nouvelle direc- son art de pirouetter de registre en registre, vibrant discours après la tuerie qui a entraîné
trice du département de littérature d’une fac elle qui a commencé la scène enfant, par la la mort de huit personnes, dont six d’origine
poussiéreuse. Une femme asiatique ? Une pratique de la danse avant celle du théâtre. asiatique, à Atlanta le 16 mars dernier. On la
révolution pour les vieux profs à lunettes, Du plaisir coupable de « Grey’s Anatomy » suit ? Oh que oui. ■
accrochés à leurs fauteuils chesterfield au bonheur noir de « Killing Eve » et deux « THE CHAIR », 6 épisodes, Netflix.

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LA PLAYLIST DE

SUZANE
LA CHANTEUSE POP ENCHAÎNE LES CONCERTS ET LES FESTIVALS,
POUR SE LEVER DE BONNE
HUMEUR
«  CALYPSO BLUES  », CALYPSO ROSE

ET NOUS DÉVOILE SA BANDE-SON PRÉFÉRÉE POUR FAIRE DURER L’ÉTÉ. « J’ai découvert la musique de
Calypso Rose aux Victoires
PAR FLORENCE TRÉDEZ
de la musique. Ce titre fait
« TOÎ TOÎ » (Wagram Music). En concert le 26 août au festival Dryadestivales à La Baule (44), le 14 septembre au
Trianon, Paris-18e, et le 12 avril 2022 à l’Olympia, Paris-9e.
partie de toutes mes playlists
d’été car il n’y a rien de tel
pour être assuré de passer
une journée lumineuse. C’est
mon antidépresseur à moi. »

POUR ROULER CHEVEUX


AU VENT
«  I WONDER  », SIXTO RODRIGUEZ

« Un morceau que j’ai


découvert grâce au film POUR UN ÉTÉ
“Sugar Man” et qui MARSEILLAIS
m’accompagne à chaque «  JE DANSE LE MIA  », IAM

début de vacances lorsque « Un tube qui me rappelle


je pars en Ardèche ou en le Sud, et mon père, se levant
Lozère. Il y a dans la voix de dès les premières notes pour
Rodriguez un espoir qui me danser. Comme le héros de
transporte, qui me donne la chanson, il allait pas mal
l’impression d’être ailleurs. » en boîte, chemise ouverte
et gourmette au poignet.
Je l’écoute en buvant un bon
verre de vin avec des amis. »

POUR DANSER
SUR LA PLAGE
«  PATA PATA  », MIRIAM MAKEBA

« Une chanson sortie en POUR SIROTER POUR CHANTER EN SOIRÉE


1967 mais qui gardait UN COCKTAIL «  LA ISLA BONITA  », MADONNA

encore toute sa force dans «  VOYAGER  », DAFT PUNK « Gamine, j’étais déjà
les années 1990. Elle « J’adore écouter fascinée par cette superstar
CELINE NIESZAWER/OPALE ; PRESSE.

me rappelle les longues ce morceau dans américaine qui cassait tous


soirées d’été à Avignon le bus lorsque je pars les codes. Chez moi, on dit
ou en Camargue, lorsque en tournée. Mais il est souvent : “Tu te prends pour
mes parents invitaient des tellement chill qu’il est Madonna ou quoi ?”
amis pour l’apéro et que aussi parfait pour Il m’arrive de la chanter
je tentais de suivre son savourer un cocktail (je suis fan de piña colada) en contemplant entre copines pour passer
rythme particulier. » une belle vue sur un rooftop parisien. » une soirée cool. » ■

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DEUX PERSONNAGES
DÉSABUSÉS POUR UNE
RENCONTRE PASSÉE AU CRIBLE
DE SON REGARD CLINIQUE,
LE SIXIÈME ROMAN DE MARIA
POURCHET MET LE FEU AU
COUPLE. PAR CLÉMENTINE GOLDSZAL
« Feu ! », ou bien « Feu ? »… Le roman de
Maria Pourchet s’appelle simplement « Feu »,
mais difficile, en le lisant, de ne pas imaginer ce
titre tantôt comme une détonation, tantôt comme
une contradiction. Le livre s’ouvre sur une ren-
contre : Laure, un mari, une fille adolescente en
rébellion, un corps dont elle a presque oublié
qu’il pouvait être source de chaleur, est assise à
un café face à Clément et ses « mains pessi-
mistes ». Lui, un métier idiot dans la finance, un
bureau sans âme dans le quartier de la Défense,
un gros chien malade qu’il aime comme un frère,
de l’argent, une mère qu’il visite de temps en
temps, un renoncement un peu précoce et une
solitude qu’il accepte comme la nature même de
l’existence. « Quelque chose commence au
terme de quoi tu seras quelqu’un d’autre », se dit-
elle. « Si je réponds, il se passera quelque chose
dont quelqu’un sera la victime », pense-t-il. Les
deux idées sont-elles contradictoires ? Pas forcé-
ment. Elles président en tout cas à une histoire qui
promet de ne laisser que des cendres.
Alternant les voix (celle de Laure, à la deuxième
personne du singulier, est sévère, clinique, sans
concession, celle de Clément, à la première per-
sonne, est désabusée et d’une lucidité qui confine
à la dépression), Maria Pourchet écrit une histoire
d’amour (ou serait-ce juste du sexe ?) comme on
en a lu, vu, entendu mille. Mais sa plume est incan-
descente, son débit, infatigable, sa clairvoyance,
redoutable. Ponctué de punchlines qui claquent,
Maria Pourchet « Feu » fait évoluer des personnages au fond terri-
FRANCESCA MANTOVANI/ OPALE/LEEMAGE ; PRESSE.

blement fleur bleue, dans une jungle émotionnelle

L’AMOUR
digne d’« Extension du domaine de la lutte ». Il y a
quelque chose de cruel dans la manière dont sont
ici regardés les emballements des
cœurs et des corps. Comme si venait

AU TEMPS DU un âge où l’on aurait trop vécu pour


s’autoriser à croire encore. Le style de
Maria Pourchet est définitif, autoritaire,

DÉSARROI
implacable. Peut-être le titre se pro-
nonce-t-il « Feu… » ■
« FEU », de Maria Pourchet (Fayard, 358 p.).

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P DE

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OU
C ŒUR
C

JEAN-BAPTISTE DEL AMO


CINQ ANS APRÈS « RÈGNE ANIMAL », JEAN-BAPTISTE
DEL AMO EST DE RETOUR AVEC « LE FILS DE L’HOMME »,
L’UN DES ROMANS LES PLUS ATTENDUS DE LA RENTRÉE.
PAR SANDRINE MARIETTE

Avec « Le Fils de l’homme », titre hautement symbolique, l’écrivain tou-


lousain resserre la focale sur l’imperceptible point de bascule dans la violence. Et annonce
la couleur dès le prologue, signé Sénèque : « Et la rage des pères revivra chez les fils à
chaque génération. » Après six ans d’une mystérieuse absence, un homme resurgit dans la
vie de son fils de 9 ans – qui ne se souvient pas de lui – et de son ex-compagne. Sur l’insis-
tance du père, ils partent tous les trois prendre un nouveau départ aux Roches, la maison du
patriarche, perdue dans la montagne et accessible uniquement à pied. Mais, une fois qu’ils
sont arrivés, face à une bâtisse délabrée, inhabitable, « minable », la mère comprend qu’elle
est prise au piège ; son premier amour n’a pas changé. C’est bien l’homme blessé, « inson-
dable », dévoré par ce lieu maudit, qui l’a tant effrayée des années auparavant, et dont le
sourire se tord maintenant en une grimace torve. On dépasse vite l’horreur de « Shining »
dans ce huis clos à ciel ouvert, une fiction portée par une construction elliptique puissante
où l’on suffoque en pleine nature, où les intentions se devinent sans être exprimées. L’enfant,
aux aguets, ressent la détresse maternelle, alors le père compense en lui offrant l’aventure
dans une végétation printanière opulente, lui transmettant l’art de tirer avec
un vrai revolver tout en murmurant : « Je sais que toi, tu ne me laisseras pas. »
La scène finale sera terrible. Jean-Baptiste Del Amo ne se soucie pas de
psychologie, ne nomme même pas ses personnages, mais se concentre sur
les gestes, les souffles, les non-dits qui réveillent des liens indicibles et broient
le cœur des hommes… Des images qui vous hanteront.
« LE FILS DE L’HOMME », de Jean-Baptiste Del Amo (Gallimard, 239 p.).

SI VOUS AIMEZ
« LA CONJURATION
DES IMBÉCILES »,
VOUS AIMEREZ
« LE RAPPORT CHINOIS »
PAR ALIX GIROD DE L’AIN

Ignatius J. Reilly. Si ce seul nom vous rappelle de grands sou- des bullshit jobs, Tugdual pondra mille quatre-vingt-quatre pages
venirs de rigolade, réjouissez-vous, la rentrée littéraire a un beau qui rendront fous tous ceux qui auront le malheur d’essayer de les
FRANCESCA MANTOVANI/ GALLIMARD ; PRESSE.

cadeau pour vous. Tugdual Laugier, petit cousin français du héros lire. D’une plume alerte et élégante, Pierre Darkanian raconte
mythique de John Kennedy Toole ? Il en a en tout cas le physique l’absurdité du monde du travail et nos solitudes contemporaines.
médiocre, l’âme mesquine et le génie involontaire. Comment Comme « La Conjuration des imbéciles », « Le Rapport chinois » est
rendre aimable un personnage antipathique ? En le plongeant en un premier roman. Mais, bonne nouvelle, son auteur, lui, est bien
enfer. Et l’enfer, de nos jours, apparemment, c’est d’être grassement vivant. Souhaitons-lui de connaître le succès que John Kennedy
payé à ne rien faire dans un cabinet de conseil. Tugdual Laugier Toole – il s’est suicidé à 31 ans faute d’avoir trouvé un éditeur – n’a
ne pose pas de questions, ne se rebelle pas et attend son heure, jamais pu goûter... et de pondre des dizaines de « rapports » aussi
qui viendra lorsqu’on lui demandera enfin de rédiger un « rapport réjouissants que celui-là. ■
chinois » hautement confidentiel. Bon soldat, voire général en chef « LE RAPPORT CHINOIS », de Pierre Darkanian (Anne Carrière, 304 p.).

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ELLE LIVRES
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La rentrée des poches


UN BIJOU DE VIE UN CLASSIQUE GLAÇANT
Le narrateur du dernier livre de Paru en 1892, « La Séquestrée » est le journal intime d’une jeune
Rebecca Lighieri (pseudo mère en proie à une dépression post-partum que son mari, méde-
d’Emmanuelle Bayamack-Tam cin, maintient confinée dans sa chambre. Une prison
pour ses textes plus « popu- domestique qui raconte la condition féminine
laires ») grandit dans les au XIX e siècle face à un corps
années 1990 dans une cité des médical misogyne, et un roman
quartiers Nord de Marseille fondateur du féminisme par une
avec des parents toxicomanes, écrivaine militante, libre et féroce.
une sœur magnifique et un frère Incontournable.
infirme. Âpre, mais parcouru « LA SÉQUESTRÉE », de Charlotte Perkins
d’une grande force de vie, ce Gilman, traduit de l’anglais par Diane
de Margerie (Phébus Libretto, 112 p.).
roman se lit le cœur serré et les
sens en éveil.
« IL EST DES HOMMES QUI
SE PERDRONT TOUJOURS », UN CHOC
de Rebecca Lighieri (Folio, 368 p.). Sensation de la dernière rentrée
littéraire, Fatima Daas est arrivée
sur le devant de la scène comme
UNE FOLLE une évidence. Très autobiogra-
PROUESSE phique, mais pleinement littéraire,
Lauréat du Grand Prix des son livre avançait en dévoilant,
Lectrices de ELLE 2021, comme on pèle un oignon, les
Colum McCann tisse deux couches de soi qui font une iden-
destins : Bassam et Rami sont tité. Femme, musulmane, les-
deux pères en deuil de leurs bienne, Arabe, fille des quartiers…
filles, sacrifiées sur l’autel de « J’écris pour toutes celles et tous
l’interminable conflit. L’un est ceux qui crient à la liberté d’être
palestinien, l’autre, israélien. plusieurs à la fois », nous avait-elle
L’un, ancien soldat, l’autre, confié. Le livre est grand, même en
ex-terroriste. Par fragments, petit format.
en 998 courts paragraphes, « LA PETITE DERNIÈRE », de Fatima
« Apeirogon » parle de Daas (Le Livre de poche, 216 p.).
guerre et de paix, de deuil et Parution le 25 août.
d’amitié, mais aussi d’Irlande
du Nord et d’étymologie, de
Verdi et de textes sacrés… Un
sacré texte. UN DRÔLE D’OVNI
« APEIROGON », de Colum Un professeur de tennis, la femme
McCann, traduit de l’anglais par d’un riche financier, et une ban-
Clément Baude (10/18, 648 p.). quière russe un peu louche…
Est- ce un thriller ? Un roman
d’amour ? Un texte postmoderne
qui rappelle par moments le foi-
UNE CORRESPONDANCE INÉDITE sonnement d’un David Foster
Ils avaient en commun une santé fragile, un amour de la langue, et Wallace (avec en commun
une sensibilité à fleur de peau. Lecteur passionné de la poésie l’obsession tennistique) ? « La
d’Anna de Noailles, cette « femme de génie », Marcel Proust lui Soustraction des possibles » est
exprima des années durant son affection dans des lettres. Compli- un peu tout ça, et plus encore. De
ments retournés quand commencent à paraître les écrits de Marcel, la littérature qui invente, innove, et
dont Anna souligne le « merveilleux mélange d’ironie et de dou- divertit comme jamais. n C.G.
ceur ». Leurs lettres sont le dialogue de deux talents d’exception, et « LA SOUSTRACTION DES
un bel exercice d’admiration réciproque. POSSIBLES », de Joseph Incardona
« CORRESPONDANCE », de Marcel Proust et Anna de Noailles (Rivages, 150 p.). (Pocket, 464 p.).

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ON DÉVORE

À l’ouest,
bien du nouveau
ÉCRIVAINE ET RÉALISATRICE, DELPHINE COULIN
SIGNE UNE FRESQUE QUI BALAIE LE XXe SIÈCLE
SUR LES CHAPEAUX DE ROUE. PAR VIRGINIE BLOCH-LAINÉ
L’héroïne se prénomme Georges, et le monde lui obéit :
« C’est elle qui tient le stylo », écrit Delphine Coulin, dont le dense
roman, qui avance à mille à l’heure, dresse le portrait d’une lignée
de femmes fortes et aussi libres que possible. Née en 1895, Georges
est l’héroïne de ce « royaume de femmes » populaires, des coutu-
rières. C’est parce qu’elle lui souhaitait « une vie aventureuse, une vie
d’homme » que sa mère l’a appelée ainsi, « comme George Sand
mais avec un s ». Le vœu s’est exaucé : Georges fut amoureuse, elle
s’est mariée, fut malheureuse et maltraitée, donc elle a divorcé. Elle
s’est sentie « anarcho-syndicaliste », Louise Michel et Calamity Jane
furent ses modèles. Qualifier un roman de « traversée du siècle » tend
à devenir un poncif, mais dans le cas de « Loin, à l’ouest », c’est appro-
prié. Delphine Coulin agence de façon remarquable son tableau
de famille en le scandant de quelques moments clés du XXe siècle :
l’occasion offerte par la Grande Guerre aux épouses de se mettre
au travail, la lutte pour le droit de vote des femmes, le Front populaire,
l’antisémitisme et les lois antijuives de Vichy, la parution du
« Deuxième Sexe » et Mai 68, qui néglige les femmes : « Ceux qui
étaient au premier plan, une fois de plus, c’étaient les hommes. »
Delphine Coulin ne verse ni dans l’angélisme ni dans la déploration.
« Loin, à l’ouest » se termine au début du XXIe siècle. L’auteure réussit
HELENE BAMBERGER/OPALE/LEEMAGE ; JF PAGA ; PRESSE.

à faire de cette fresque pourtant longue une cavalcade. Elle


embarque ses lecteurs grâce à un ton espiègle qui pourrait être celui
d’une fable ou d’un conte, sentiment que renforcent les
prénoms étranges dont elle affuble ses personnages
(Palmyre, Zélie). Georges et ses descendantes dis-
posent de talents dès la naissance : ce sont des volonta-
ristes douées d’imagination. D’ailleurs, « Loin, à l’ouest »
est in fine un éloge de la fiction et de l’invention. Vive les
écrivains qui créent des univers, et les femmes qui édi-
fient « leur propre magasin de nouveautés ». ■
« LOIN, À L’OUEST », de Delphine Coulin, Grasset (528 p.).

E L L E .FR
ELLE LIVRES
20 AOÛT 2021

PHÉNOMÈNE

MISE
EN SELLE
PAR MARGUERITE BAUX

Vous connaissez l’expression « avoir


un petit vélo dans la tête » ? Elle ne
saurait mieux s’appliquer qu’à « Rabalaïre »,
le nouveau roman massif, obsessionnel et
totalement addictif du réalisateur Alain
Guiraudie. Le narrateur, Jacques, est un qua-
dragénaire homosexuel qui met à profit son dans les prés, hommes, femmes, putain, paysan ou curé : sans capote
chômage en faisant du vélo, en quête de et sans censure, c’est très trash et très romantique à la fois. Et puis il
beaux paysages et de rencontres. Un « raba- rumine, il ressasse des pensées sur la vie, la mort, la différence entre
laïre », comme on dit en occitan : un type sans l’amour et le sexe, l’attentat auquel il a échappé d’un cheveu et s’il
attaches, qui arrive d’on ne sait où, s’incruste un peu et puis repart. faut vraiment travailler pour être heureux : son petit vélo dans la tête
Au cours d’une promenade, il tombe sur un curieux coin de mon- tourne à plein régime, et, dès qu’on a pris le rythme, impossible de
tagne, le col de l’Homme mort, habité par de curieux personnages descendre en route. En 2001 déjà, quand il présentait à Cannes « Ce
dont l’un lui fait boire un curieux breuvage aux vertus aphrodisiaques vieux rêve qui bouge » (que Godard qualifiait de meilleur film du
– les fans se souviendront aussitôt de la bien-nommée « dourougne » festival), Alain Guiraudie annonçait le film « Rabalaïre » : c’est main-
dans le film « Le Roi de l’évasion » –, dont Jacques n’aura de cesse de tenant ce pavé de 1 040 pages, un Tourmalet de la lecture, plein de
découvrir le secret de fabrication. Voilà pour le côté suspense, avec stupre, de nature, de drôlerie et d’angoisse, incroyable page-turner
des trafics, des kidnappings, des flics et même des meurtres. Pour le des Alpages où la mort et l’amour jouent contre la montre. ■
reste, Jacques passe surtout pas mal de temps à baiser. Sur Tinder, « RABALAÏRE », d’Alain Guiraudie (P.O.L, 1 040 p.).
LES GRANDES LE VERBE HAUT ET LE STYLE AFFÛTÉ, CES TROIS AMÉRICAINES

NATASHA TRETHEWEY FÉMINISTE


DANS « MEMORIAL DRIVE », NATASHA TRETHEWEY
ENTREPREND DE RECONSTITUER, BRIBES PAR BRIBES, LE
SOUVENIR D’UNE DESCENTE AUX ENFERS, JUSQU’AU
FÉMINICIDE. D’UNE JUSTESSE MAGISTRALE.
Lorsque Natasha Trethewey a vu le jour, en 1966, son
existence même était un défi à la loi. Les mariages interra-
ciaux étaient alors illégaux dans plus de vingt États américains. Père
blanc, mère noire, elle incarne « le meilleur des deux mondes », lui
disent ses parents. Son enfance, dans le Mississippi, est à la fois
douce et exposée aux souvenirs, qui, jusqu’à aujourd’hui, la hantent :
une croix en feu dans l’allée de la maison familiale, œuvre du Ku Klux
Klan, le spectre de l’assassinat d’Emmett Till, jeune garçon lynché
à mort en 1955 et devenu le symbole des violences racistes, les
enfants de l’école qui la traitent de « zèbre », sans qu’elle comprenne
vraiment, au début… En 1985, Natasha avait 19 ans quand le second
mari de sa mère, un vétéran du Vietnam qui les harcelait, les brutali-
sait et les terrorisait depuis des mois, les forçant à fuir leur maison et
à vivre dans la peur d’un déchaînement de violence, tua sa mère
devant chez elle, d’une balle dans la tête.
« Memorial Drive » n’est pas une enquête sur les signes annonciateurs
d’un « féminicide » (mot qu’elle n’emploie d’ailleurs jamais), et Nata-
sha Trethewey, poétesse, n’écrit pas pour comprendre, mais plutôt
pour convoquer sa mémoire. Une mémoire qu’elle a longtemps cru
pouvoir amputer, « par un acte d’autocréation », des douze années

NANCY CRAMPTON (PRESSE) ; NOAH MILLET (PRESSE) ; CHRISTOPHER LANE /CONTOUR BY GETTY IMAGE ; PRESSE.
qui s’écoulèrent entre la séparation de ses parents de l’assassinat de
sa mère. « Mais l’oubli volontaire n’est pas sans danger ; on risque de
perdre plus que prévu », dit-elle. L’écriture arrive alors comme une
tentative de reconstitution d’une mémoire estropiée, une entreprise
méthodique de restitution des images, des pensées, des sensations,
les mots reconstruisant ce que le cœur a voulu omettre, apposant des
souvenirs là où il n’y eut longtemps que du vide. Pour s’aider,
Trethewey a quelques photos, portraits de famille et images can-
dides d’un quotidien révolu. Elle convoque également ses rêves,
comme s’ils recelaient une vérité évanouie, une réponse, quelque
chose qui expliquerait le sentier de violence, politique et personnel, personnage tragique, elle croit sauver sa peau alors que la mort lui
sur lequel sa mère est née, et qu’elle a arpenté jusqu’à sa mort. souffle déjà dans le cou. Jusqu’à cette ultime conversation télépho-
Comme dans un cauchemar, chaque tentative d’y échap- nique, que Natasha Trethewey choisit de retranscrire en
per ne fit que l’y ramener plus sûrement : elle qui épousa intégralité, et qui vous fendra le cœur en deux. On y lit
un Blanc, quitta en 1972 le Mississippi pour Atlanta, qui toute la patience, la peur et l’intelligence émotionnelle
avait alors la réputation d’être un havre pour les Noirs d’une femme qui tente de négocier sa vie auprès d’un
du Sud… Lorsqu’elle se remaria, à un homme qu’elle croyait homme que la raison a complètement déserté. La loi ne
aimant, et eut un enfant de lui, elle pensait là aussi sûrement put rien pour Gwendolyn ; c’est après être sorti de prison
avancer, alors qu’elle ne faisait que se rapprocher de ce que Big Joe finit par passer à l’acte. Reste la littérature, et
qu’elle avait d’instinct cherché à fuir. Alors, quand Joe, la mémoire d’une fille. Le plus digne des tombeaux.
furieux d’être quitté, lui dit qu’il la préfère morte que loin de « MEMORIAL DRIVE », de Natasha Trethewey, traduit de l’anglais
lui, Gwendolyn débat, argumente, raisonne. Comme tout par Céline Leroy (Éditions de l’Olivier, 217 p.).

36 E L L E .FR
ELLE LIVRES

AMÉRICAINES
S’ENGAGENT ET AUSCULTENT NOTRE ÉPOQUE. PAR CLÉMENTINE GOLDSZAL

LYDIA MILLET VERTE DE RAGE


CE GRAND ROMAN D’AVENTURES QUESTIONNE LA CRISE CLIMATIQUE
AU TRAVERS DU CHOC DES GÉNÉRATIONS. CAPTIVANT.
Face à la menace de la destruction totale, nul besoin de grands effets de
manche. Lydia Millet, romancière et spécialiste de la question environnementale, l’a par-
faitement compris. Bref, sec, efficace, « Nous vivions dans un pays d’été » est narré par une
adolescente revenue de tout, dont le ton sarcastique rend le livre drôle et glaçant. Dans la
grande maison de vacances louée pour un été, les enfants règnent sur leur petit royaume
naturel alors que leurs parents, ces « soi-disant figures d’autorité », sirotent du vin blanc au
bord de la piscine en devisant de sujets sans intérêt. « L’idée que ces silhouettes aux allures
de déchets qui se déplaçaient en titubant dans la grande maison étaient une vision de ce
qui nous attendait – plutôt crever », note la sévère petite narratrice. Dans le monde de Lydia
Millet, le fossé des générations est devenu dramatiquement infranchissable. Jusqu’à ce
qu’une tempête bien réelle enterre pour de bon l’illusion d’harmonie rousseauiste des pre-
mières pages. Face à la catastrophe, alors que la maison n’est plus qu’un îlot dans une cam-
pagne devenue marécage, les parents choisissent de s’étourdir plus encore dans une longue
orgie pimentée de MDMA, alors que les jeunes organisent leur survie dans un environnement
hostile. D’abord inquiets de se sauver eux-mêmes, porteront-ils secours à une
génération d’adultes pathétiques, lâches et défaits ? « On sait qu’on vous a
déçus. Mais qu’est-ce qu’on aurait pu faire autrement ? », s’enquiert une mère
prise de remords. « Vous battre. Vous est-il jamais arrivé de vous battre ? », lui
répond du tac au tac l’un des ados. Allégorie transparente de ce que nous tra-
versons, ce roman se lit comme un livre d’aventures, mais tape aussi fort qu’un
discours de Greta Thunberg. Un tour de force narratif et militant.
« NOUS VIVIONS DANS UN PAYS D’ÉTÉ », de Lydia Millet, traduit de l’anglais par Caroline
Bouet (Les Escales, 248 p.). En librairie le 26 août.

JENNY OFFILL EXPÉRIMENTALE


L’ENVIRONNEMENT EST AUSSI AU CŒUR DE CE ROMAN ÉCRIT
PAR L’UNE DES ROMANCIÈRES LES PLUS ORIGINALES DE SON TEMPS.
Pour écrire le tiraillement entre les petits tracas de nos vies modernes et l’atten-
tion intermittente portée à la catastrophe qui menace l’humanité, Jenny Offill a trouvé la forme
parfaite. Par fragments, nous découvrons, à la première personne, la vie de Lizzie. Bibliothécaire,
mère de famille, préoccupée par les états d’âme de son frère toxicomane repenti, elle arrondit
ses fins de mois en répondant au courrier de son amie Sylvia, une spécialiste de la crise climatique
qui donne des conférences alarmistes aux quatre coins du monde. En arrière-plan, Trump (jamais
nommé) est élu président, et déblatère à la télévision. Et l’obsession survivaliste gagne du terrain
dans l’esprit surchargé de Lizzie : quand son monde sera devenu invivable pour de
bon, où trouvera-t-elle refuge ? « Dans le salon, je mets la climatisation. […] Mais j’ai
trop chaud, alors tant pis », écrit-elle. En attendant, elle rencontre un homme qu’elle
hésite, sans grand enthousiasme, à prendre pour amant. À décrire la banalité d’une
vie, Jenny Offill n’échappe pas totalement à la banalité elle-même, et son « Atmos-
phère », qui se veut faussement légère, court le risque de l’être vraiment. Mais elle
parvient cependant à rendre avec finesse cette cohabitation malaisante de petits
et grands problèmes qui ponctue nos journées. Un roman de notre temps. ■
« ATMOSPHÈRE », de Jenny Offill, traduit de l’anglais par Laëtitia Devaux (Dalva, 199 p.).

E L L E .FR 37
ELLE STYLE / MODE

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2

38 E L L E .FR
ELLE STYLE /BEAUTƒ

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ELLE MAG / PORTRAIT

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JAMES BOND ET UN RÔLE ÉPOUSTOUFLANT DE JOURNALISTE STAR
DANS « FRANCE », DE BRUNO DUMONT : ET SI C’ÉTAIT
L’ANNÉE LÉA SEYDOUX ? CONVERSATION INTENSE
AVEC UNE ACTRICE AU SOMMET.
PAR MARGUERITE BAUX PHOTOGRAPHE STEFANO GALUZZI RÉALISATION NORA BORDJAH
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et Le Rouge à Lèvres
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Supermodel.

44
ELLE MAG / PORTRAIT

J’ADORE CE FILM.
J’ADORE CE
Elle reçoit par un beau matin d’été, dans
un bistrot parisien de carte postale, avec le patron
PARADOXE : C’EST
qui prépare les desserts en sifflotant et un habitué
qui doit se demander qui est cette fille qui
UNE JOURNALISTE
enchaîne les rendez-vous. Cette fille, c’est Léa GÂTÉE ET
Seydoux, et le prochain rendez-vous, c’est moi.
Elle porte un costard à carreaux et les cheveux SUPERFICIELLE, damnée – Blanche Gardin, ricanante à
courts. Elle a l’air un peu rêveur, assise de côté sur
sa chaise. Elle est sympa. Elle dit « tu » tout de suite.
MAIS QUI PORTE souhait –, elle est de quasiment tous les
plans, souvent de très près, de trop près,
Elle veut savoir ce qu’on a pensé du film. Le jour- EN ELLE UNE VRAIE ou trop maquillée, comme si Dumont scru-
naliste précédent n’a pas aimé. Il n’y a vu que
l’histoire d’une journaliste de télé vaniteuse et SOUFFRANCE. tait la vérité derrière le masque. Héroïque,
sincère, cynique, vulgaire, désespérée, et
manipulatrice, « une conne, quoi », résume Léa. même laide, le visage déformé par la
Tant pis pour lui : « France » est un grand film, douleur : « France » lui aura tout fait.
comme on dit « un grand roman du XIXe siècle », « Bruno voulait filmer mon visage comme
une satire des médias et l’épopée morale d’une un paysage, avec tous les états émotion-
femme sans morale, le tout sur une sublime bande-son ultra-lyrique, nels qu’il traverse, comme les changements de la météo. » On lui
composée par Christophe juste avant sa mort. Un film politique, bien demande si elle s’est beaucoup amusée. Elle fait la moue : « Bruno
sûr, c’est écrit en gros dessus, mais surtout l’histoire d’une star à qui tout dirige entièrement à l’oreillette. Il n’y a pas de dialogues écrits, on
réussit, jusqu’à ce que Bruno Dumont, le réalisateur, la précipite dans sait juste ce qui doit se passer dans la scène, et il nous dit le texte
le malheur avec un brin de sadisme, pour voir combien de temps elle dans l’oreille. C’est spécial ! Ce n’est pas ce qu’il y a de plus facile. »
résiste au vide de son existence, ce qui reste d’elle sans son brushing, Le réalisateur a adopté cette étrange méthode pour les acteurs non
de quoi est faite une âme de nos jours. Comme un chat avec une professionnels du « P’tit Quinquin », et depuis n’en démord pas.
STEFANO GALUZZI

souris, comme Dieu avec Job, comme Dostoïevski s’il avait eu LCI. « J’adore ce film, dit-elle, pas rancunière. J’adore ce paradoxe :
On n’avait jamais aussi bien vu Léa Seydoux, actrice pourtant déjà c’est une journaliste gâtée et superficielle, mais qui porte en elle
filmée sous toutes les coutures. Flanquée de son assistante et âme une vraie souffrance. C’est un film tragi-comique, deux

E L L E .FR 45
20 AOÛT 2021
JE NE SUIS
PAS DU TOUT
POLITIQUE,
JE L’AVOUE.
MAIS À CHAQUE
FOIS QUE
JE TRAVAILLE AVEC
UN METTEUR
EN SCÈNE,
IL M’AIDE À PENSER
LE MONDE.

autres. Comme elle avait supplié Sylvie


Ayme de la prendre pour le premier film
dans lequel elle a joué, « Mes copines »,
sorti en 2006, comme elle a fait le siège
d’Abdellatif Kechiche pour tourner dans
« La Vie d’Adèle », Léa Seydoux a su faire
passer le message. « J’ai rencontré Bruno il
y a cinq ans pour un film que je n’ai pas fait,
mais j’ai toujours eu envie de travailler avec
lui. De son côté, je pense qu’il avait envie de
faire un portrait d’une femme d’aujourd’hui,
qui serait une star. » Elle fait semblant d’igno-
rer la cruauté qu’on peut prêter à Dumont
de lui avoir écrit sur mesure ce rôle de fille
très belle, très célèbre, mais très vide. « Le
rôle est venu à moi autant que je suis venue
à lui, dit-elle sans se démonter. Pour moi il n’y
a pas vraiment de frontière, ça a été calqué
sur moi. » Bruno Dumont le dit à sa manière :
« France De Meurs et Léa Seydoux se sont
sentiments qui sont opposés mais qui vont de pair. C’est entre-dévorées toutes crues. »
ce que j’adore avec Dumont, il montre le grotesque mais il y a aussi
beaucoup de sincérité et d’émotion. » Au jeu des ressemblances, il y a donc d’abord ce statut
Bruno Dumont et Léa Seydoux : drôle d’attelage, lui, le réalisateur du de star. Dans le film, France ne peut pas faire un pas sans qu’on lui
Nord, populaire et mystique, elle, l’égérie du luxe, la star hollywoo- demande un selfie, ce qu’elle accepte toujours en souriant, même
dienne, la James Bond girl. Mais il paraît que ces deux-là s’entendent quand elle vit l’horreur dans sa vie intime. « France est une star de la
comme larrons en foire, option humour potache. Pas difficile à croire : télé, c’est autre chose, moi je sais passer inaperçue, objecte Léa
avec son visage de faune, Léa Seydoux a l’air d’attendre le moment Seydoux. Je peux prendre le métro, le bus, personne ne me recon-
où l’on va s’amuser, faire des bêtises. On l’a même vue, dans un repor- naît. Mais je me suis reconnue dans l’idée que la réalité est toujours
STEFANO GALUZZI

tage pour « Envoyé spécial », mettre la main aux fesses de son ancien différente de ce que les gens imaginent. Le film de Dumont parle de
prof de théâtre – son côté troupier. C’est elle qui est allée chercher ça, du paradoxe entre l’ultra-célébrité de cette fille et en même temps
Dumont, contrairement au cliché des actrices soumises au désir des son extrême solitude. » À quoi pense-t-elle à ce moment-là,
Chemise, pantalon et
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ASSISTANTE
STYLISME
Andréa Ottaviani.
COIFFURE
Alexandrine Piel.
MANUCURE
Huberte Cesarion.
20 AOÛT 2021
ELLE MAG / PORTRAIT

que vit-elle en secret, pendant qu’on lui pose des questions


sur un film qu’elle a tourné il y a longtemps déjà ? Car, ce jour-là, Léa
Seydoux n’est déjà plus la bimbo tragique du film de Dumont, elle est
en train de tourner « Un beau matin », de Mia Hansen-Løve. Cet
automne, elle ira chez Cronenberg. Et puis il y a le festival de Cannes
qui approche. Cette année, elle devait présenter quatre films en
compétition officielle. Mais un certain virus s’en est mêlé. Le 10 juillet,
Léa Seydoux annonçait qu’elle était testée positive au Covid. Si elle
n’est pas tombée malade, elle n’a monté les marches ni pour
« France », ni pour « L’Histoire de ma
femme », d’Ildiko Enyedi, ni pour « The
French Dispatch », de Wes Anderson, ni acteurs que j’admire sur Instagram. » En
pour le superbe « Tromperie », d’Arnaud dire trop ou pas assez : les relations avec
Desplechin, d’après un roman de Philip
Roth. Quels que soient les avis des cri-
JE SUIS UNE la presse sont un jeu délicat.
Ce serait donc l’histoire d’une fille dans
tiques sur ces films, tous ont salué ses CONTEMPLATIVE sa bulle. Pas une bulle de cinéma, mal-
quatre performances. « Léa Seydoux illu-
mine le film » est une phrase qu’on a beau- TENDANCE gré son grand-père Jérôme Seydoux,
patron de Pathé, et son grand-oncle
coup lue. Un cliché, mais pas seulement,
car dans chacun d’eux elle apporte en
MÉLANCOLIQUE. Nicolas Seydoux, qui préside Gaumont.
« Fille de », elle l’est, mais de deux per-
effet une lumière, ce visage modelé, cette J’AI TOUJOURS DIT sonnages hors normes et hors cinéma.
peau faite pour le cinéma, et son instinct Sa mère, Valérie Schlumberger, héritière
de jeu, que même un vieux routier comme QUE LE CINÉMA bohème qui passe la moitié de son
Denis Podalydès, son partenaire dans
« Tromperie », salue ainsi : « J’avais l’im-
M’AVAIT SAUVÉE. temps sur l’île de Gorée, a créé la gale-
rie CSAO, pour diffuser l’artisanat séné-
pression qu’elle avait un temps d’avance galais. Son père est entrepreneur geek,
sur moi, et l’effet produit était assez passionné par la high-tech. « Ils n’étaient
génial. Je me laissais diriger. » C’est aussi pas intéressés par le cinéma plus
un film dans lequel elle parle beaucoup et très bien, modulant sa voix, qu’autre chose, ma mère est artiste à sa façon, mon père aussi. » Fin
érotique par les mots autant que par le corps. « Mon premier rôle de du chapitre parental, le reste est disséminé un peu partout dans ses
femme », dit-elle. Après une multitude de rôles de jeunes filles, de interviews. Séparés quand elle avait 3 ans, ils la laissent grandir en
jeunes femmes, Léa Seydoux, 36 ans, entre dans une nouvelle ère. herbe folle dans un hôtel particulier. Petite, elle se sent transparente.
À l’école, on l’appelle « Léa 2 de tension. » Elle voue un culte à
Mais pas de triomphe cannois, donc. Cela s’appelle briller Michael Jackson, rêve de devenir danseuse, rate son bac parce
par son absence : un art qui pourrait la définir, elle qui donne l’impres- qu’elle ne s’est pas réveillée pour une épreuve. C’est finalement le
sion d’être toujours un peu ailleurs. On lui a suffisamment reproché cinéma qui l’embarque. Par accident ? Par besoin d’être regardée ?
d’être déconnectée de la réalité, hors sol. Elle assume, mais sans « J’aurais pu vivre totalement extraite du monde, et je pense qu’on a
frimer : « Je ne suis pas du tout politique, je l’avoue. J’ai conscience quand même besoin des autres, en tout cas, moi, j’en ai besoin, et
de vivre dans une bulle. La politique, c’est concret, et je pense que le cinéma est une façon de me connecter à la vie, aux gens. Faire
j’ai un rapport au monde qui n’est pas assez concret, je vois bien que du cinéma, de toute façon c’est joyeux, comme une grande cour
je ne comprends pas les codes, mais il y a un autre monde que je d’école. Je suis une contemplative tendance mélancolique. J’ai tou-
comprends mieux, c’est celui des sentiments. À chaque fois que je jours dit que le cinéma m’avait sauvée. »
travaille avec un metteur en scène, il m’aide à penser le monde. » Elle Alors, heureuse ? « Oui et non, répond-elle sans hésiter, j’ai des
l’a dit souvent, elle est timide. Sur les photos, son décolleté arbore moments où je suis heureuse, d’autres où je suis malheureuse, mais
parfois des taches rouges d’émotion sous son visage impeccable. globalement je suis plutôt heureuse, je touche du bois, j’aime la vie.
Mais les timides, on le sait, ont aussi des impulsions de dire. Léa C’est une chance, je crois que c’est une chose qu’on ne décide pas.
Seydoux aime les interviews, « je trouve ça toujours intéressant ». Mais j’aime aussi la vie dans sa tristesse et sa noirceur. » Elle dit ça
Mais elle se mord les doigts d’avoir accepté ce fameux reportage avec un sourire entendu. Être actrice, ce n’est pas échapper au réel :
d’« Envoyé spécial ». Il dégage pourtant douceur et spontanéité, à « Je ne suis jamais quelqu’un d’autre que moi-même, et quand je
rebours de la communication ultra-contrôlée des stars. « Parfois on tourne je suis encore plus moi-même, c’est une façon de comprendre
a l’impression de faire des choses très impudiques, ce qui est vrai le monde dans lequel on vit. » Et comme souvent dans les interviews,
aussi pour les acteurs, mais encore plus pour les actrices, dont on a quelque chose affleure quand on approche de la fin, le doigt sur
tendance à davantage mettre en avant les corps nus, c’est difficile à l’enregistreur, prêt à appuyer sur stop. Comme si elle avait envie de
exprimer, ce sentiment de livrer quelque chose de très intime, comme continuer. Mais l’interview est terminée. Léa Seydoux est peut-être
si quelque chose nous était dérobé, on a peur de ça, on s’en inquiète, devenue actrice justement pour ne pas trop parler. Dire les mots des
STEFANO GALUZZI

mais finalement on ne peut jamais savoir ce qu’on montre de soi. En autres et garder son mystère.
revanche, Instagram, un selfie, je trouve ça impudique. Ça tue quand À voir : « FRANCE », de Bruno Dumont, avec aussi Blanche Gardin
même un peu le désir, en tout cas moi je n’ai pas envie de voir des et Benjamin Biolay. En salle le 25 août.

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CHEZ MYOP ; DOCUMENTS PERSONNELS.

L’écrivaine Anne
Berest et sa mère,
Lélia Picabia-Berest,
en juillet dernier.

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ELLE MAG / LITTÉRATURE

Au-dessus de
la carte postale,
point de départ
du livre,
un portrait
de Noémie,
grand-tante
d’Anne Berest
morte en
déportation.

LA MÉMOIRE
RETROUVÉE
À PARTIR D’UNE ÉNIGMATIQUE CARTE POSTALE, L’ÉCRIVAINE
ANNE BEREST A RECONSTITUÉ L’HISTOIRE DE SES AÏEUX MORTS
EN DÉPORTATION. FRUIT D’UNE ENQUÊTE MENÉE MAIN DANS
LA MAIN AVEC SA MÈRE LÉLIA, CE RÉCIT INTIME ET PROFOND
EST L’ÉVÉNEMENT DE LA RENTRÉE. RENCONTRE.
PAR CLÉMENTINE GOLDSZAL PHOTOGRAPHE ED ALCOCK

À force d’inventer des histoires, les écrivains verraient- épopées et d’entrelacer leur petite histoire domestique avec la
ils leur vie se mettre à ressembler à un roman ? Ou ceux grande ? Croire que celle de la famille Rabinovitch, nom des ascen-
et celles qui vivent de leur art ont-ils, outre celui du style, le don de dants maternels d’Anne Berest, est particulièrement trépidante, ce
déceler le romanesque dans les péripéties de leur existence ? Troi- serait étrangement retirer à Anne, qui depuis quelques livres déjà,
sième hypothèse, les familles qui cachent en leur sein un secret transforme son arbre généalogique en terreau fertile pour la littéra-
seraient-elles plus propices à l’éclosion des plumes ? Mais n’est-ce ture, le talent de déceler le romanesque partout où il se cache. En
pas, au fond, le cas de toutes les familles que de se construire sur des 2017, avec sa sœur Claire, écrivaine elle aussi, elle avait

E L L E .FR 51
Anne Berest
et sa mère, Lélia,
en mars 1980.

mené l’enquête sur son arrière-


grand-mère, Gabriële Buffet, femme de
Francis Picabia et muse du tout-Paris sur-
réaliste, dans les années 1930. C’était
très réussi. Mais, en cette rentrée, Anne
Berest publie son grand œuvre. « La Carte
postale » (éd. Grasset) est un roman vrai,
tellement vital que l’on ne peut s’empêcher
de penser qu’il est la raison pour laquelle
elle est devenue écrivaine. Pour en avoir
le cœur net, et parce que, en refermant
le livre, nous avions follement envie de
rencontrer Lélia, cette mère dont Anne fait
un personnage à part entière dans
« La Carte postale », une intello soixante-
huitarde, linguiste de profession, qui vit
entourée de livres et fume clope sur clope
comme si demain n’existait pas, nous leur
avons proposé un entretien croisé. Elles
ont accepté de bon cœur.

Toujours une clope au bec (« une


façon de marquer qu’il ne faut pas tout
interdire », nous dit-elle), Lélia est comme
son personnage de roman, la voix un peu
rauque de fumeuse en plus : pétillante,
mystérieuse, secrète, capable des plus
grandes tendresses et de la plus profonde
retenue, quand sa fille appuie malencon-
treusement sur un nerf qui réveille des dou-
leurs enfouies. La « Carte postale » du titre,
c’est une photographie cartonnée de
l’Opéra Garnier que Lélia reçut le 6 jan-
vier 2003. Pas de date, pas de signature.
Juste son adresse, et quatre prénoms :
Ephraïm, Emma, Noémie, Jacques. Ceux
de ses grands-parents maternels, de sa vous pousse à regarder en arrière parce que l’horizon de votre passé
tante et de son oncle, tous morts en dépor- est désormais plus vaste et mystérieux que celui qui vous attend
tation pendant la Seconde Guerre mon- devant » –, d’enfin questionner sa mère sur cette histoire familiale
diale, et desquels elle ne sut longtemps presque rien. Seule survi- longtemps tue, qui donnait, lorsqu’elle était enfant, des cauchemars
vante de sa famille, sa mère, Myriam, a bâti sa vie sur un silence. à sa sœur Claire, et qui a beaucoup hanté son inconscient de jeune
« Quand, des années plus tard, Anne m’a appelée pour me dire adulte.
qu’elle voulait enquêter sur l’énigme de la carte postale, j’ai tout de
suite trouvé que c’était une bonne idée, raconte Lélia. Au moment où Cette histoire, Lélia en avait déjà déterré les principaux
elle était arrivée, la carte m’avait atterrée et effrayée. J’avais même fils à la mort de sa mère, Myriam, en 1995. « À l’école,
l’impression qu’elle était un peu maléfique. J’en ai parlé à mes filles quand on demandait à mes filles de faire leur arbre généalogique
et à mon mari, et puis je l’ai rangée dans une boîte au fond d’un tiroir, et qu’elles rentraient à la maison en me disant que le prof les avait
à côté de l’étoile jaune et des tickets de rationnement que j’avais grondées car le leur était à moitié vide, je ressentais une honte ter-
retrouvés des années auparavant parmi les affaires de mes aïeux. » rible », se souvient-elle. Pour comprendre quel fut l’itinéraire des Rabi-
Anne et Lélia se lancent, sans du tout imaginer que l’enquête devien- novitch, dont elle sait seulement qu’ils ont disparu dans la Shoah, elle
dra un livre. Lélia, chercheuse universitaire, maîtrise la méthodologie entame une enquête qui durera vingt ans. Aux Archives nationales,
et a transmis à Anne l’art d’interroger les archives et de remonter les elle retrouve le dossier de naturalisation maintes fois déposé par le
fils fragiles des vies ballottées par l’histoire. Ensemble, elles se patriarche Ephraïm (et autant de fois retoqué par les autorités fran-
rendent d’abord chez Duluc Détective, célèbre enseigne parisienne çaises), et donc les lieux et dates de naissance de chacun. Au lycée
de la rue du Louvre, popularisée par François Truffaut. Des mois Fénelon, elle découvre les bulletins scolaires des trois enfants. Elle
durant, elles déjeunent, discutent, recoupent… C’est l’occasion pour pousse ensuite son enquête jusqu’aux camps de concentration,
la fille, qui vient d’avoir 40 ans – cet âge, écrit-elle, « où une force déniche des indices dans les livres des autres, et au cours de multiples

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voyages dans l’Est. Partis de Moscou en 1919, les Rabinovitch s’ins- Myriam réchappa par miracle. Dix ans plus tard, Anne décide de
tallent à Riga, avant que la menace antisémite ne les envoie en Pales- reprendre le fil là où sa mère s’était interrompue : « Avec ce livre, dit-
tine. C’est de là qu’ils arrivent quand ils débarquent en France, en elle, je poursuis le geste de ma mère, en mettant à profit sa connais-
1929. « La terrible erreur que commet Ephraïm, c’est de croire qu’il sance de la recherche d’archives, qu’elle m’a transmise au fil des ans.
peut installer son bonheur quelque part », écrit Anne Berest. La J’ai la sensation d’accomplir un devoir. »
phrase, au présent, comme la quasi-totalité du livre, résonne profon-
dément dans le cœur de toute famille déracinée. Par respect pour la Son devoir d’écrivaine ? Faire revivre Ephraïm, Emma, Noémie
vie intime de sa mère, pour honorer ses silences, ou par peur de se et Jacques. Pour cela, la littérature a des armes qu’aucun autre art ne
glisser trop avant dans le lit conjugal de ses parents, Lélia avait arrêté
possède. Avec ses mots, elle leur donne une voix, des pensées, une
son enquête en 1942, date de la déportation des siens, à laquelle épaisseur. Apparaissent alors entre les lignes quatre êtres pleins de
vie, des humains pas tragiques, qui ont rêvé, aimé, écrit,
joué du piano, cru en la France et en l’avenir, avant d’être
fauchés par la barbarie. Rendre chair à cette famille
dont il ne reste que des cendres, Anne Berest s’y emploie
AVEC CE LIVRE, avec tout son talent de romancière et de scénariste (elle
JE POURSUIS a notamment créé, la série « Mytho », diffusée en 2019
LE GESTE sur Arte). Construit en puzzle, avec l’énigme postale en
fil rouge, le roman se lit comme un thriller. Amplement
DE MA MÈRE. documenté, il raconte aussi l’histoire des Juifs de France
J’AI LA pendant la Seconde Guerre mondiale comme on l’avait
rarement lue, faisant surgir des images qui disent l’inima-
SENSATION ginable mieux que de longs discours. Comme ces
D’ACCOMPLIR femmes qui allaitent leur nourrisson dans la queue pour
les « douches » à leur arrivée à Birkenau, comme le
UN DEVOIR. chaos du Lutetia à la Libération, où Myriam se rend
chaque jour pendant des semaines, espérant le retour
AN N E B EREST de ses disparus… Avec un style qui résiste à la tentation
du mélodrame, on passe du sourire aux sanglots, et l’on
pleure la perte de ces vies-là comme on pleurerait la
disparition d’amis intimes. On se questionne aussi, avec Anne, sur le
sens d’une judéité vécue comme un tabou, sur ce que l’on perd à
s’intégrer jusqu’à en devenir « insoupçonnable » (elle est, dit-elle, la
réalisation du rêve de son arrière-grand-père), sur ce qu’il en coûte
de céder au silence.

Qu’ont retiré Lélia et Anne de cette enquête à deux, de ce


passage de plume qui offre aujourd’hui leur récit intime aux lec-
teurs, qui seront certainement fort nombreux ? « Il y a un sentiment
très agréable dans l’idée de la transmission, confie Anne. En
famille, nous avons fait quelque chose que nous devions faire : nous
avons fait des tombes là où il n’y en avait pas. » « Comme à la Tous-
saint les gens vont voir leurs morts, puis déjeunent en famille », Lélia
et ses filles peuvent désormais visiter leurs disparus, libérés dans
leur autel de papier. Lélia, elle, se dit « allégée », et se souvient avec
émotion de la souffrance d’avoir été longtemps privée d’histoire,
une douleur différente du chagrin qui assaille, dans les remous de
la catastrophe. « Il y a des moments heureux, quand on découvre
et quand on sait, explique-t-elle. Je me souviens du jour où j’ai pu
dire, dans une conversation banale,“ma grand-mère s’appelait
La famille Rabinovitch, chez les Emma”. Je devais avoir 60 ans. » Ephraïm, Emma, Noémie,
arrière-grands-parents maternels Jacques, Myriam. Dire leur nom, c’est encore et tou-
de Lélia, en Pologne, en 1924. jours résister, et défaire sans relâche le projet nazi.
DOCUMENTS PERSONNELS

La petite fille en socquettes Écrire des livres, c’est aussi, peut-être, rédiger tous
blanches, Myriam, mère de Lélia, ceux que la Shoah a tués dans l’œuf en assassinant
est la seule à avoir survécu à la des écrivains en puissance. Pas une revanche, non,
Shoah, en se cachant sous une
mais une juste continuation.
fausse identité (carte ci-dessus).
À lire : « LA CARTE POSTALE », d’Anne Berest (éd. Grasset).

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ELLE MAG / SOCIƒTƒ

ON SE
LÂCHE
ET SI ON ENVOYAIT BOULER LE
SELFCARE, LA PENSÉE POSITIVE
ET LES COACHS DE VIE ?
MARRE DE DEVOIR À TOUT PRIX
DEVENIR UN MEILLEUR SOI-MÊME.
VOICI TOUTES LES RAISONS
POUR EN FINIR AVEC LE
« DÉVELOPPEMENT PERSONNEL ».
PAR JULIE RAMBAL

« Se libérer de son moi toxique » ? « Se découvrir, s’aimer, se


réinventer, s’accepter » ? Prendre le temps de comprendre « les cinq
blessures qui empêchent d’être soi-même » ? « Avoir le courage de
ne pas être aimé » ? Non, merci, on a déjà donné. Après dix-huit mois
de pandémie, les injonctions du développement personnel – en
résumé, scruter son nombril pour être heureux – paraissent aussi exci-
tantes qu’avaler un frelon. « Depuis un an et demi, on a expérimenté
le fait de ne vivre quasiment qu’avec soi, via la “WhatsAppisation” de
tous les échanges sociaux. Les gens en sont sortis en burn-out exis-
MIRRORPIX/LEEMAGE/BRIDGEMAN

tentiel, et cela a pu créer, chez une partie de la population, ce que


le sociologue Alain Ehrenberg appelle la ”fatigue d’être soi”. Et le
discours sur les bienfaits de se retrouver peut devenir anxiogène »,
observe le journaliste et essayiste Vincent Cocquebert. Dans son
dernier essai, « La Civilisation du cocon. Pour en finir avec la tentation
du repli sur soi » (éd. Arkhê), paru en mars, il dénonce les effets délé-
tères d’une société toujours plus encline à se terrer chez elle, pour
engloutir Amazon Prime ou méditer, plutôt que s’atteler à son destin

54
collectif. Il en avait démarré l’écriture avant la crise, son constat est
encore plus saillant aujourd’hui : « Toutes ces pratiques qu’on appelle
le selfcare et qui nous ramènent sans cesse vers nous-mêmes créent
non seulement du malaise, parce qu’on voit que les personnes les
plus isolées sont les plus anxieuses, mais aussi un corps social qui a
peu de choses à partager. Avec la crise du Covid, on découvre
l’obsolescence de ce culte de l’individu. Certains réalisent même
qu’on vit un moment historique, et qu’il y a d’autres choses à créer
ensemble. »
Le réquisitoire contre la vacuité du « self help » (s’aider soi-même) a
démarré il y a quelques années, mais, à l’heure où l’on se sent minus-
cule dans un monde déréglé à « des niveaux sans précédent » – dixit
le Giec –, avec des variants qui imposent déjà des reconfinements
ici et là, la tartufferie clignote en lettres de néon. « Avant, on disait
pouvoir recourir à l’infinité de la volonté, aujourd’hui on redécouvre
la fragilité de la condition humaine », constate Thierry Jobard, libraire
si fatigué de voir les injonctions coloniser ses rayons qu’il a publié un
essai au vitriol : « Contre le développement personnel » (éd. Rue de
l’Échiquier). « Dans ce courant, le présupposé est que l’individu peut
trouver les ressources en lui-même pour que tout s’arrange. C’est le
mythe de l’auto-engendrement, avec une objectivation quantitative
du bonheur qui ne parle jamais des forces extérieures qui nous
échappent, qu’elles soient économiques, sociales, ou même incons-
cientes, s’agace-t-il. Mais, avec la crise, encore plus de gens ont
tendance à rechercher des solutions clés en main, c’est humain. Sauf
que, le développement personnel ayant tendance à s’hybrider faci-
lement, en intégrant tous les concepts dans l’air du temps, du chama-
nisme à la nutrition, on se retrouve avec des choses toujours plus
irrationnelles. » En atteste le rapport de la Mission interministérielle
de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) publié
le 22 juillet, qui alerte sur une augmentation de 40 % des saisines
pour emprise sectaire et escroquerie financière en cinq ans, due à
l’explosion des « coachs du moi » et leur gloubi-boulga syncrétique.
Des scientifiques ont même compté : il existe à présent plus de six
cents « marques » de thérapies de l’ego.
Dans son essai, Vincent Cocquebert s’inquiète de l’aspect faussement
cool de certains concepts, à l’instar du « hygge » scandinave prônant
les bienfaits d’une vie sous plaid, à siroter du chocolat : « Quand le
concept s’est exporté un peu partout, des chercheurs se sont penchés
sur les communautés adeptes du hygge et ont découvert que si cette
philosophie était un facteur d’intégration pour ceux qui la prati-
quaient, c’était aussi un vecteur fort de mise à l’écart pour ceux qui ne
la pratiquaient pas. Et derrière tout un folklore de bougies parfumées
et coussins moelleux, on trouve une dynamique de pensée xéno-
phobe qui ne dit pas son nom. » Contre l’appel à l’isolationnisme au
nom du bonheur, la philosophe Elsa Godart vient d’achever l’écriture
d’un essai intitulé « Pour en finir avec la culpabilisation sociale » (à
paraître en novembre chez Albin Michel). « Depuis le premier confi-
nement, beaucoup ont éprouvé de manière quasi charnelle les limites
de cette course au bonheur dans une société d’illusion du bien-être.
On prend peu à peu conscience que l’hyperindividualisme et l’hyper-
capitalisme, puisque ça fonctionne ensemble, sont destructeurs, et
que l’un ne peut pas survivre sans l’autre. C’est ce que j’appelle l’alté-
risme : le rapport à l’autre est premier, il passe avant le rapport à soi.
Depuis bientôt deux ans, on vit dans une sorte de torpeur et on n’en
peut plus. On a juste envie de relever ses manches et faire monde
ensemble. » Sans injonction de devenir la meilleure version de soi-
même. Elle est vaine. La preuve dans ce dossier.

55
ELLE MAG / SOCIƒTƒ

LE MOI TOURNE EN ROND tel carton sur les réseaux sociaux que le « New York Times » lui
Dans un monde où le plus grand drame des interactions sociales consacre un article. Le principe ? Comme d’habitude : « mettre le
serait un élastique de masque qui lâche juste avant qu’on entre en selfcare à l’honneur, et l’hédonisme au placard ». Il y est déjà, merci…
boutique, a-t-on vraiment besoin de conseils invitant à mieux choyer Au printemps, TikTok et Instagram avaient déjà dopé les ventes du
ses cuticules pour être pleinement heureux ? Visiblement, oui. Mais livre d’une graphiste anglaise, « Burn After Writing » (à brûler après
le concept s’use tellement qu’il tourne à vide. Sur TikTok, la généra- avoir écrit), présenté comme « une opportunité de faire face aux
tion Z (les 15-25 ans) s’est notamment entichée du modèle de la « That grandes interrogations de la vie ». À l’intérieur, des pages blanches
Girl » (640 millions d’utilisateurs), « cette fille » qui réussit presque pour écrire sur des thèmes tels que : « Ma vie en trois phrases », « Mes
comme un robot tous ses exos du mieux-être : smoothies, Pilates, lit trois premiers (amours, amis, vacances à l’étranger) »…
au carré, peeling… Dans « ID », le sociologue Carl Cederström, coau-
MIRRORPIX/LEEMAGE/BRIDGEMAN

teur du livre « Le Syndrome du bien-être » (éd. L’Échappée), dénonce LA JEUNESSE CHANTE « DÉSENCHANTÉE »
une culture du développement personnel qui n’a même plus de but : Après dix-huit mois de fac en distanciel et de gros titres l’accusant de
« Vous ne vous demandez pas pourquoi vous faites toutes ces choses, mettre en danger la vie d’autrui au moindre rassemblement sur la voie
vous les faites. Ce qui prouve que notre obsession pour la santé est publique, la jeunesse a une belle expérience de la résilience sans
en fait principalement liée au fait de bien paraître. » Moins stakha- avoir besoin d’exercices d’autohypnose. Durant la mini-Fête de la
noviste que la montre connectée pour compter les calories, la « Hea- musique 2021, elle a offert une bonne notion de son état d’esprit en
ling Girl Summer » (la fille de l’été en voie de guérison) fait aussi un entonnant dans une rue bondée les paroles de la chanson « Désen-

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ON VEUT
DU FEEL BAD !
chantée » de Mylène Farmer. En Chine, c’est la génération « tang ping » Et si la littérature « feel good »,
(rester allongé) qui exprime son désarroi en revendiquant une « vie à ces romans formatés qui
faible désir ». Éreintés par les confinements et le constat que le monde « font du bien » en racontant
d’après est aussi dur que celui d’avant, de plus en plus de jeunes diplô- toujours le même parcours
més renoncent en effet à faire carrière et filent à la campagne pour rédempteur, vivait ses
lire de la philo ou regarder le ciel. « Je ne veux plus me battre », « Je suis dernières heures ? Dans
tellement fatigué », « Je veux être libre de règles inflexibles », confessent cette époque plombée, deux
ces néo-désenchantés dans les médias locaux. « Cette pause obliga- libraires du Furet du Nord, à
toire nous a reconnectés avec la simplicité, en nous permettant de Lille, ont pris le contre-pied en
rêver à nouveau, constate Elsa Godart. Et le désenchantement de créant fin juillet une table de
cette jeunesse-là est en réalité le rêve d’un monde en train de se réen- « feel bad books », présentés
chanter. Elle n’a pas peur de l’utopie, et, finalement, elle est porteuse par une facétieuse pancarte :
d’espoir comme jamais, car elle réclame un monde qui passe par « Romans déprimants écrits
l’essentialité, l’esthétisme, le collectif. » par des auteurs dépressifs
pour lecteurs déprimés »...
LES NOUVELLES ÉGÉRIES DÉPRIMENT Depuis, le concept a fait le
Alors que le hashtag #dépression frôle les 24 millions de références tour des réseaux sociaux.
sur Instagram, le désir d’une parole franche, à l’opposé de la « posi- « Il n’y a que des textes qui
tivité toxique » de la plateforme, semble inextinguible. Et les « mèmes » donnent envie de se
dépressifs explosent. Ces détournements d’images pop, assortis de pendre », s’amuse Jérôme,
commentaires cyniques, sont la nouvelle tendance des réseaux responsable du rayon.
sociaux. Un peu comme si Blanche Gardin avait remplacé la prof « Cette table dénonce le côté
de yoga. Erin Taylor (@atmfiend) fait partie des nouvelles influen- superficiel de la littérature
ceuses du trauma, en racontant en images et slogans acerbes ses feel good, que nous vendons
états d’âme depuis qu’elle a subi un viol. « Plus j’en parle, moins je me quand même trois tables plus
sens seule, confie-t-elle au média Mashable, qui se penche sur le loin, admet-il. Mais on sent le
phénomène des mèmes sur la santé mentale. Évidemment que j’ai un besoin de profondeur. Des
thérapeute, mais c’est libérateur de dire à une tonne d’inconnus que clients reviennent en disant :
je me fiche que ma vie soit triste ou mette certains mal à l’aise », ajoute “Merci, vous m’avez bien
Julia Hava (@binchcity), autre vedette cash, dont le mème « La mala- déprimé !”. Et ça permet de
die mentale est un travail à plein temps et je suis l’employée du mois » créer du lien. Cela permet
affiche 18 000 cœurs. Le triomphe de l’ironie n’étonne pas Elsa aussi de redécouvrir des
Godart : « L’ironie, dans la société actuelle, est fondamentale pour classiques. On s’est
dégoupiller les tensions ou transformer des discours trop dogma- notamment remis à vendre
tiques. C’est aussi une bonne arme de dénonciation. » Plus que les “Septentrion”, de Louis
mantras du bonheur sur fond de soleil couchant, visiblement. Calaferte. Ou “Mes amis”,
d’Emmanuel Bove, qui fait
LES PASSIONS TRISTES ONT LA COTE pas mal écho à ce qu’on vit.
Les émotions qui nous traversent en ce moment ont plutôt la saveur Il dépeint un dépressif en
du regret ou de l’antipathie que celle de la joie et de l’émerveille- 1920, dont la quête d’amitié
ment, ces maîtres mots du bien-être. La philosophe italienne Ilaria est catastrophique. Ça parle
Gaspari, qui publie « La Vie secrète de nos émotions » (à paraître au d’enfermement,
printemps prochain en France), rappelle qu’« il n’y a rien que l’on de conventions sociales… »
éprouve qui soit positif ou négatif en soi, et il faut sortir de cette mora- Depuis, plusieurs
lisation ». Nous sommes dominés par « les passions tristes » depuis bibliothèques proposent leur
que la pandémie a créé un espace vide entre nous et notre futur ? sélection. Parmi les trésors qui
Pas grave. « C’est toujours une expérience enrichissante, et même les y figurent : « Les 21 Jours d’un
héros de la mythologie en ont. Achille, par exemple, est le champion neurasthénique », d’Octave
de la colère, tandis qu’Ulysse pleure de nostalgie chaque jour des Mirbeau ; « L’Obsédé », de
sept années passées sur l’île de Calypso, poursuit l’auteure. Chez John Fowles ; « La Cicatrice »,
moi, l’émotion dominante est la fatigue, très répandue après deux de Bruce Lowery ; « Le
ans d’épreuve. Et elle m’aide finalement à dépasser le pouvoir Désespéré », de Léon Bloy,
dépressif d’autres émotions, parce qu’elle met à distance tout ce que ou « Comment réussir sa
je ressens. Savoir se laisser traverser par ses passions tristes est une dépression », de Brigitte
PRESSE

grande sagesse. » n Chatton et L. Loosey.

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ELLE MAG / CINƒMA

INTIMITƒ BIEN

Des apprentis comédiens de l’École d’art dramatique de Londres,


coachés par la coordinatrice d’intimité Ita O’Brien, pour apprendre
à jouer les scènes de sexe (en 2018).
58
COORDONNÉE
COMMENT ÉVITER LES ABUS LORS DU TOURNAGE DES
SCÈNES DE SEXE ? DEPUIS #METOO, LES ANGLO-SAXONS
FONT DE PLUS EN PLUS APPEL À DES PROFESSIONNELS.
En 1972, sur le tournage du
LE CINÉMA FRANÇAIS, LUI, SEMBLE DIVISÉ. FREIN À film « Le Dernier Tango
LA CRÉATION OU LIBÉRATION SALUTAIRE ? à Paris », Maria Schneider, âgée
de 19 ans, se retrouve prise au
PAR ELISA COVO ET ALICE AUGUSTIN piège d’une scène de sodomie bru-
tale orchestrée à son insu par le
réalisateur Bernardo Bertolucci et
Marlon Brando. Une expérience « traumatisante et humiliante », dont
elle ne se remettra jamais. Quelques décennies plus tard, l’actrice
Alyssa Milano révélera avoir subi un viol digital par un acteur en plein
tournage. Dans sa biographie, Sharon Stone affirme, elle, ne pas avoir
consenti à la diffusion des images de son sexe dans « Basic Instinct »
(1992). Des dérapages isolés ? Au contraire, un coup d’œil au Tumblr
« Paye ton tournage » suffit pour mesurer l’ampleur du phénomène.
En cause : un système où jeux de pouvoir et impunité se côtoient au nom
d’une certaine « liberté créative ». Mais, depuis, le mouvement
#MeToo a libéré la parole. Et, dans son sillon, une nouvelle profession
a vu le jour outre-Atlantique et outre-Manche : les coordinateurs d’inti-
mité. Leur mission ? Mieux encadrer les scènes de sexe en amorçant
des conversations entre acteurs, réalisateurs et équipes sur ce qui est
attendu de chacun, en permettant aux comédiens d’énoncer claire-
ment leurs limites, en aidant à la chorégraphie de ces moments péril-
leux. « C’est uniquement dans ce cadre de confiance que les comé-
diens peuvent laisser libre cours à leur vulnérabilité et à leurs émotions »,
nous explique la star de la profession, l’Anglaise Ita O’Brien,
qui a travaillé sur les tournages de « Sex Education », « The Deuce »,
« Dexter », « La Chronique des Bridgerton » ou encore « Normal
People »… Les séries anglophones sont en effet les premières à avoir
légitimé ces professionnels d’un nouveau genre. Au point que
Michaela Coel, créatrice et actrice principale de la série « I May Des-
troy You », a dédié, en juin, son BAFTA à Ita O’Brien, coordinatrice sur
son tournage. Incontournable dans les pays anglo-saxons, le métier
peine pourtant à percer en France. Puritanisme déguisé ou véritable
progrès ? Le pays du cinéma d’auteur voit souvent d’un mauvais œil
toute forme d’interventionnisme susceptible d’entraver la liberté de
création, qui fait, à bien des égards, la richesse de son septième art.

« Je trouve ça assez effrayant. Diriger ces scènes est si délicat,


propre à chacun. Il faut se méfier de ne pas aller trop loin, de ne pas
céder à un paternalisme permanent. » Interrogé par « L’Obs » à ce sujet
en 2019, Pierre Jolivet, président de la Société civile des auteurs,
réalisateurs, producteurs (ARP), ne cachait pas ses réticences. Signe
LEGENDE CREDITS
SVEN ARNSTEIN

que les temps ont – un peu – changé et que la question est de plus
en plus brûlante, l’ARP se désolidarise désormais des propos de son
président – « ils n’engagent que lui », nous a-t-on répondu par

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ELLE MAG / CINÉMA

20 AOÛT 2021
acteurs chaque passage d’intimité, tout en faisant répéter régulière-
ment à chacun la liste des parties du corps de l’autre qu’il pouvait ou
non toucher. C’était une manière d’asexualiser la scène, d’en faire une
mail –, mais refuse pour autant de se prononcer officiellement vraie chorégraphie sans improvisation, réglée au millimètre. » Traiter
sur le sujet. Une réponse en porte-à-faux, révélatrice du questionne- les scènes d’intimité comme des scènes de danse ou de cascade, avec
ment, si ce n’est de l’embarras, qui divise l’industrie cinématographique une technique particulière, un script précis et des précautions dans
française. Là où certains applaudissent une avancée positive, d’autres la pratique, voilà tout l’enjeu de la coordination. « De cette manière,
voient dans ces coachs nouvelle génération une censure qui ne dit ce n’était pas ma sexualité qui était en jeu mais bien celle de mon
pas son nom. Pour Sandrine Brauer, cofondatrice et coprésidente du personnage », abonde Tallulah, séduite par la démarche. Un élément
Collectif 50/50, qui œuvre pour la parité dans le cinéma, ce type de fondamental selon Ita O’Brien, pour qui il est crucial de pouvoir se
réaction est révélateur « de la peur et de la méfiance face à un métier libérer du rôle une fois la journée de travail terminée : « Trop souvent,
qu’on ne connaît pas ». Elle estime que « c’est complètement fondé de on part du principe que tout le monde fait l’amour, donc qu’il suffit de
vouloir protéger la liberté des réalisateurs ». Pour autant, elle soutient puiser dans son expérience personnelle pour jouer la scène. C’est un
l’idée qu’il est important de repenser les conditions dans lesquelles raisonnement dangereux car l’acteur risque de donner plus qu’il ne
sont tournées les scènes de sexe. « Ce n’est pas une question morale ; voudrait. » À un réalisateur pas toujours sûr de son fait, d’ailleurs.
il s’agit de créer un environnement dans lequel il y « La première scène de sexe que j’ai filmée dans un
a du bien-être et de la joie. Cela permet de prati- court-métrage était une scène d’abus, j’étais terrori-
quer sereinement son métier. Mais cela ne peut pas sée, se souvient Charlène Favier, réalisatrice du très
se faire s’il y a résistance, ni être imposé aux réali- beau film “Slalom” (2020). Fallait-il mettre un cache-
sateurs, il faut une vraie prise de conscience. Et on LA PREMIÈRE sexe à l’acteur ? Comment lui en parler ? On ne
y arrive petit à petit : on en parle entre directeurs de SCÈNE DE SEXE savait pas comment s’y prendre, et il a même voulu
casting, agents, comédiens… » quitter le plateau. J’aurais aimé avoir quelqu’un pour
QUE J’AI FILMÉE m’aider. Heureusement, l’actrice Noée Abita était
Aussi, les pratiques sur les plateaux fran- ÉTAIT UNE SCÈNE très à l’aise avec son corps et a posé des limites
çais commencent, de manière certes embryon-
naire, à évoluer. Des géants comme Netflix ont
D’ABUS, J’ÉTAIS fortes tout de suite. Elle s’est protégée toute seule ;
j’ai eu de la chance. » Permettre aux acteurs de dire
ouvert la marche en sollicitant, pour des productions TERRORISÉE. non est d’ailleurs l’une des missions principales du
françaises, la coordinatrice Monia Aït El Hadj, pion- J’AURAIS AIMÉ coordinateur d’intimité. Marcus Watson, qui exerce
nière dans l’Hexagone. Cette dernière travaille aux États-Unis, l’explique par « les très forts jeux
avec d’autres sociétés de production sur divers AVOIR de pouvoir sur un plateau, entre réalisateurs et
projets, dont un long-métrage. En parallèle, QUELQU’UN POUR acteurs, mais aussi entre acteurs confirmés et débu-
un nombre croissant de personnes suivent des cours tants. Engager un coordinateur d’intimité, c’est
à distance grâce aux formations diplômantes mises
M’AIDER. s’assurer qu’une personne extérieure fait tampon ».
en place par les organismes de coordination En écoutant les doutes des uns, et en freinant
d’intimité américains et anglais dans le but d’officia- C H A R L È N E FAV I E R , les appétits des autres. « En tant que réalisateur, on
liser cette profession naissante. C’est le cas de R É A L I S AT R I C E veut toujours plus d’images extraordinaires,
Paloma, habilleuse depuis douze ans, qui souhaite confirme Charlène Favier. Même quand on a un
se former avec l’Intimacy Directors and Coordina- regard bienveillant comme le mien, alors même que
tors, aux côtés d’Alicia Rodis, autre référence dans le domaine. j’ai, moi aussi, vécu des abus. Il faut être honnête : nous baignons tous
« Ses cours sont pris d’assaut ; il y a un vrai intérêt pour ce métier car dans une culture visuelle ultra-sexualisée, et, en tant que réalisateur,
il répond à un besoin criant. Les gens sont sous pression dans un milieu on est forcément tenté par un certain voyeurisme. »
apparemment informel mais en réalité extrêmement hiérarchisé avec
des rapports de domination très forts, où l’ego peut prendre toute la Pour éviter tout dérapage, en France, d’autres réalisa-
place. J’essaie d’agir à mon échelle, en tant qu’habilleuse, en parlant teurs prennent désormais les devants. C’est le cas de Rodolphe Tissot,
aux comédiens pour voir comment je peux les aider. Mais j’aimerais qui a demandé à une coach pour ados de prendre en charge la coor-
avoir les outils et la légitimité pour le faire officiellement. » Aujourd’hui, dination d’intimité sur le tournage de « Clèves », film adapté du roman
selon différents témoignages, ce sont en effet les équipes techniques de Marie Darrieussecq pour Arte. « Le sujet central est l’initiation
– habilleurs, coiffeurs, maquilleurs – qui assument, souvent dans sexuelle du personnage féminin, explique-t-il. Je sentais que ce serait
l’ombre, ce rôle de soutien, sans pour autant avoir le poids pour difficile : les comédiens étaient très jeunes, et je suis un homme, ce qui
s’interposer en cas d’abus. ne facilite pas la fluidité des échanges. Pour la scène de fellation, je ne
me voyais pas expliquer à ma comédienne de 19 ans, que je connais-
Sur le tournage de son premier long-métrage « De l’or sais à peine, comment s’y prendre. La coach a désamorcé la gêne et
pour les chiens » (2020), à défaut d’avoir pu engager un profes- évité les malentendus. L’essentiel est de préparer les scènes intimes
sionnel, la jeune réalisatrice Anna Cazenave Cambet a elle-même avec les comédiens. Les scripts se limitent souvent à “ils font l’amour”,
appliqué les principes de la coordination d’intimité : « Lors de l’audition quatre mots qui se filment de mille manières. »
de mon actrice principale, Tallulah Cassavetti, je lui ai fait lire les scènes La présence d’un coordinateur d’intimité sur un plateau devrait-elle
de sexe avant le scénario afin de lui expliquer pourquoi je les avais devenir systématique ? « Il faut mettre du bon sens dans tout cela,
écrites de la sorte. Par la suite, j’ai détaillé minutieusement avec les nuance la réalisatrice Rebecca Zlotowski. Cela peut devenir

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ELLE MAG / CINÉMA

20 AOÛT 2021
un outil formidable qui permettrait d’évi-
ter certains abus, qui ne sont pas la norme, mais
qui sont épouvantables quand ils arrivent. Je
serais ravie que la possibilité d’avoir recours à un
interlocuteur supplémentaire existe, comme c’est
déjà le cas avec des coordinateurs de cascades,
des experts pour des scènes médicales, etc. Je
n’ai pas peur de dialoguer, le cinéma est un art
collectif. » Et de poursuivre : « Si on parle de cela
en ce moment, c’est parce qu’il y a un constat
d’échec : la discussion autour de la sexualité
entre metteurs en scène, producteurs et acteurs
est souvent inexistante. Le coordinateur d’intimité
est à ce titre un palliatif. » Mais comment en
sommes-nous arrivés là ?
Au-delà du statut tout-puissant de l’auteur-réalisa-
teur, l’origine du problème est, selon certains, à
chercher du côté des écoles françaises qui
façonnent des générations de cinéastes. Au sein
de ces institutions, en effet, la direction de scènes
de sexualité reste un angle mort. « Le respect corporel et le consen-
tement non plus n’y sont pas enseignés », ajoute Alice Godart,
cofondatrice de « Paye ton tournage ». Anna Cazenave Cambet,
passée par la Fémis, raconte ainsi avoir dû se débrouiller seule
EN QUOI avec ces questionnements lors de la réalisation de son film de fin
RÉFLÉCHIR À LA d’études. Interrogé à ce sujet, l’établissement a répondu avoir
depuis élaboré une charte d’égalité et un guide de prévention
MANIÈRE DONT pour lutter contre le harcèlement et les violences sexistes et
ON FILME LES sexuelles. Un pas encourageant, mais qui concerne davantage
SCÈNES DE SEXE les comportements à proscrire au sein de l’école que l’instauration
de cours consacrés au traitement des scènes intimes. Selon Natha-
DEVRAIT-IL lie Chéron, directrice de casting et présidente de l’Association des
APPAUVRIR responsables de distribution artistique, « dans ces écoles, on
apprend la lumière, le cadrage, la technique, mais pas la direction
LE GESTE d’acteurs. La plupart des réalisateurs en sortent en sachant fabri-
ARTISTIQUE ? quer un film mais ils ignorent comment fonctionne un comédien ».

Du côté des réalisateurs (masculins) plus aguerris,


I R I S B R E Y, A U T E U R E des institutions qui les représentent comme la Société des réalisa-
teurs de films, ou des producteurs que nous avons contactés,
certains ne semblaient pas connaître la profession ou n’ont pas
donné suite à nos demandes d’interview, preuve sans doute d’un
certain désintérêt pour la question, voire de résistance feutrée.
« On a tellement l’habitude de filmer les scènes de sexe de la
même manière, qu’on n’interroge plus ce geste-là, nous expliquait
l’auteure Iris Brey lors de la sortie de son livre “Le Regard féminin.
Une révolution à l’écran” (Éd.de l’Olivier). Depuis des décennies,
cela fait partie de l’inconscient patriarcal de filmer des positions
du missionnaire, des femmes qui n’ont pas d’orgasme, des hommes
qui prennent du plaisir en prenant des femmes, les corps des
actrices bien plus que ceux des acteurs. En quoi réfléchir
à la manière dont on filme les scènes de sexe devrait-il appauvrir
le geste artistique ? » Repenser les représentations de l’intime et
non les censurer, c’est peut-être là le véritable enjeu de ce nouveau
métier. Pour Anna Cazenave Cambet, « avoir recours à un coordi-
nateur ne signifie pas tourner des scènes mièvres ou trop lisses. On
peut faire des choses très sensuelles et même hard avec le consen-
tement explicite des acteurs ». Loin de toute tentation puritaine.
DR

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suivante : CMI Publishing – 3-9 avenue André Malraux 92300 LEVALLOIS-PERRET – 01 75 33 70 35 ou par email elle@jemabonne.fr. Voir notre Charte données
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À l’Olympic Ballroom,
64
à Dublin, en 1988.
20 AOÛT 2021
ELLE MAG / STORY

SINÉAD O’CONNOR

NOTHING
COMPARES
TO HER ELLE A VENDU DES MILLIONS D’ALBUMS
ET DÉCHIRÉ UNE PHOTO DU PAPE
EN DIRECT À LA TÉLÉVISION. DE SON
sible chagrin, raconte-t-elle dans ses Mémoires
ENFANCE FRACASSÉE AUX VIOLENCES (non traduits en français) sortis en juin*, il faut les
trouver dans les dernières lignes de la chanson.
DU STAR-SYSTÈME, LA CHANTEUSE « Toutes les fleurs que tu as plantées, Maman,
dans ton jardin/Sont mortes lorsque tu es par-
IRLANDAISE À L’ICONIQUE CRÀNE RASÉ tie. » À 19 ans, O’Connor a perdu dans un acci-
SE CONFIE DANS UN LIVRE. dent de voiture sa mère, qui était aussi son bour-
reau. Les banales paroles de rupture du
PAR FLORENCE TRÉDEZ morceau ont pris pour elle un sens particulier.
Son enfance fracassée, elle la porte à même
INDEPENDENT NEWS AND MEDIA/COLLECTION HULTON ARCHIVES/GETTY IMAGES

la peau, comme le tatouage qu’elle arbore,


à 54 ans, dans le cou : « All Things Must

S
Pass. » Mais celle qui fut internée pendant six
ans en hôpital psychiatrique et vit désormais
inéad O’Connor, c’est d’abord un regard. Celui, en solitaire dans un village irlandais est aussi une femme debout,
d’une tristesse insondable, qu’elle lance à la caméra dans prête à sortir un nouvel album et à repartir en tournée en 2022,
le clip de « Nothing Compares 2 U » avant de laisser, pen- après avoir subi une hystérectomie, suivie d’une dépression, en
dant vingt secondes inoubliables, les larmes couler de ses 2015. Son autobiographie, pleine d’un cocasse humour noir,
yeux de faon traqué. En 1990, lorsque la chanteuse irlan- tombe à pic pour redorer le blason d’une femme que les médias et
daise, alors âgée de 24 ans, reprend sur son deuxième l’industrie musicale avaient blacklistée ou reléguée au rang de
album cette chanson écrite par Prince, déjà sortie mais passée inaper- « folle » de la pop. Avant Amy Winehouse ou Britney Spears, elle
çue, la ferveur qu’elle met dans son interprétation et sa voix boulever- a souffert du regard condescendant, voire réprobateur, réservé
sante en font un tube instantané. Numéro un des charts un peu partout aux artistes féminines. Dans un chapitre, elle brosse même un por-
dans le monde, le titre lui assure une renommée internationale et trait toxique de Prince, grand seigneur qui l’invita en son incroyable
booste les ventes de son album « I Do Not Want What I Haven’t Got », demeure pour la tancer (« Je n’aime pas que tu jures dans tes inter-
qui s’écoule à sept millions d’exemplaires. Les raisons de son irrépres- views », dit-il. Réponse de Sinéad : « Je ne travaille pas

E L L E .FR 65
20 AOÛT 2021
2

pour toi, va te faire voir. ») avant de tenter de la frapper et 1. La jeune star


de la poursuivre en voiture. Activiste-née, la chanteuse s’est battue en 2010.
seule contre tout un système. 2. Le 3 octobre
Car Sinéad O’Connor, c’est aussi une boule à zéro iconique, que cette 1992, en direct
ex-catholique convertie à l’islam, ayant pris le nom de Shuhada’ Sada- lors de l’émission
qat, dissimule aujourd’hui sous un hijab. À 18 ans, lorsqu’elle décroche, « Saturday
Night Live ».
grâce à son talent d’écriture et à sa voix exceptionnels, un contrat avec
une maison de disques londonienne, le patron de son label lui conseille
de s’habiller plus féminine et de se laisser
pousser les cheveux. Il n’en faut pas plus
pour qu’elle pousse la porte d’un barbier
réprobateur (« Que va dire ton père ? » lui
dit-il) et se fasse tondre. « Je ressemblais à un JE NE SUIS PAS
alien. […] J’étais enfin moi-même », écrit-elle.
Elle refusera également de se faire avorter UNE POP STAR,
par un médecin conseillé par sa maison de JE SUIS BIEN
disques lorsqu’elle se retrouvera enceinte
juste avant la sortie de son premier album.
TROP PERTURBÉE,
Sinéad O’Connor, c’est enfin un geste qui POUR ÇA Awards ou que soit joué l’hymne américain avant
marquera les années 1990 comme l’affaire
du Nipplegate de Janet Jackson ou le
IL FAUT ses concerts aux États-Unis. « Beaucoup de gens pensent
que déchirer la photo du pape a fait dérailler ma carrière,
ÊTRE UNE
RONALD GRANT/MARY EVANS, WENN/SIPA ; PRESSE ; GAMMA.

rasage de tête de Britney Spears auront écrit-elle. Mais c’est avoir un morceau numéro un qui a fait
marqué la décennie 2000. Le 3 octobre BONNE FILLE. dérailler ma carrière et déchirer la photo du pape qui l’a
1992, la chanteuse déchire en direct lors remise sur les rails. Je ne suis pas une pop star, je suis bien
de l’émission « Saturday Night Live » trop perturbée, pour ça il faut être une bonne fille. Je suis une
la photo du pape Jean-Paul II pour protes- SIN ÉAD O’CO N N O R “protest singer”. […] Je ne veux pas être célèbre. Je veux faire
ter contre les viols et les abus sexuels dont ce que j’aime. Étre imparfaite. Étre folle, même. »
sont victimes les enfants irlandais dans
l’Église catholique romaine. Le scandale Un discours sur la santé mentale qui sonne
est énorme. Bannie à vie de la chaîne NBC, elle se fait traiter d’idiote étrangement moderne. Celle qui a eu quatre enfants de
par Frank Sinatra (qui se propose de lui botter les fesses), est moquée pères différents et s’est mariée quatre fois (avec l’un d’entre eux
par Madonna, huée par le public lors d’un concert-hommage à Bob et trois autres hommes) aurait été diagnostiquée agoraphobe, bipo-
Dylan, son idole, au Madison Square Garden. Sa carrière est bri- laire et borderline. Ceux qui souffrent de ce trouble sont « des per-
sée ? C’est oublier qu’elle avait déjà refusé de se rendre aux Grammy sonnes hypersensibles et très impulsives, envahies par des peurs

66 E L L E .FR
ELLE MAG / STORY
Lors d’un
concert
à Dublin
en 2019.

En 1990, année QUAND


de la sortie J’AVAIS PEUR,
de « Nothing
Compares JE ME METTAIS
2 U ». À ÉCRIRE,
CAR JE N’AVAIS
PAS LE DROIT DE
longs jours de torture qui l’attendent, et prétend
DIRE QUE J’ÉTAIS avoir perdu sa crosse de hockey sur gazon pour
EN COLÈRE. éviter que sa mère ne l’utilise pour la frapper. Un
week-end où elle devait partir avec elle chez des
amis, sa mère se ravise, la bat en la forçant à se
SIN ÉAD O’CO N N O R mettre nue puis l’enferme dans sa chambre avant de
dévisser l’ampoule du plafonnier. La jeune fille reste
deux jours, seule, dans l’obscurité, sans manger, se
abandonniques, explique le psychiatre Jean-Victor Blanc, auteur de soulageant sur le sol de sa chambre. « Quand j’avais peur, je me met-
“Pop & Psy” (éd. Plon). Très souvent, les personnalités borderline tais à écrire, car je n’avais pas le droit de dire que j’étais en colère
suscitent le rejet de l’entourage par leur crainte même d’être rejetées. contre ma mère », raconte-t-elle. Pour éviter que sa tortionnaire ne
Dans leur parcours de vie, on trouve souvent des violences sexuelles, tombe sur ces pages, elle les fourre dans sa bouche et les mange.
de l’inceste ou de la maltraitance ». À lire ses Mémoires, le cas de Kleptomane, Marie montre le mauvais exemple à sa fille en subtilisant
Sinéad O’Connor ne ferait pas exception. En 1975, lorsque son père, vêtements et livres dans les magasins, ou de l’argent en se faisant passer
ingénieur en bâtiment à Dublin, quitte sa mère, avec qui il a eu quatre pour membre d’associations de charité. À partir de l’âge de 13 ans,
enfants, c’est le début d’une longue descente aux enfers. À 6 ans, devenue voleuse compulsive, Sinéad passera trois ans dans un centre
déjà, la petite fille avait pris l’habitude d’aller sonner en pleurant aux de redressement pour jeunes filles, avant de finir sa scolarité en pen-
portes des maisons de son quartier pour demander aux familles sion. Entre-temps, elle aura dû faire interner sa mère après que celle-ci
voisines de l’adopter. Chaque fois, celles-ci ramènent l’enfant chez aura volontairement percuté – Sinéad assise à la place du mort – un
elle, s’imaginant, écrit-elle, que sa mère « est une mère comme les véhicule qui arrivait face à elle (une tactique de chantage pour obliger
autres ». Marie, sa mère, est loin du compte. Elle a perdu la garde de son fils fugueur à revenir à la maison). On n’échappe pas facilement à
ses enfants le jour où son mari est parti et où elle a ordonné à sa progé- une emprise aussi nocive. La carrière de la chanteuse restera marquée
niture de dormir dans la cabane en bois qu’il avait construite dans le par les sévices maternels. Cette photo du pape déchirée en direct
jardin. « Si vous l’aimez tant que ça, vous n’avez qu’à rester dans à la télévision n’en est-elle pas un exemple ?
sa cabane », dit-elle, leur interdisant l’accès au domicile familial. « Lorsque ma mère est morte, j’ai pris cette
En manque désespéré d’amour, Sinéad et son frère cadet John photo qui était sur son mur, écrit-elle. Elle
demandent pourtant à revenir vivre avec elle. De 9 à 13 ans, la future représente des années et des années
chanteuse y subira les coups, les insultes, les humiliations. « Ma mère d’abus et de mensonges. » Que l’artiste en
avait une obsession : détruire mon utérus en me frappant le ventre. » colère a dénoncés en clamant sa vérité.
Elle l’oblige à se déshabiller entièrement, à s’allonger sur le sol de la Pasionaria visionnaire, Sinéad O’Connor
cuisine ou du salon, puis à écarter bras et jambes pour s’acharner sur mérite qu’on l’honore à nouveau. ■
ses parties intimes à coups de balai. Lorsque arrive le dernier jour * « REMEMBERINGS », de Sinéad O’Connor
d’école avant les vacances, la fillette sanglote d’effroi à l’idée des (éd. Penguin).

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Robe, BALENCIAGA.
Sur la tête, foulard,
HERMÈS. Boucle
d’oreille, CHRISTIAN
DIOR. Bracelet,
GIVENCHY. Bottines,
PHILOSOPHY DI
LORENZO SERAFINI.
Veste, pull et
pantalon, VERSACE.
Foulards,
CHRISTIAN DIOR,
PATOU et HERMÈS.
Boucles d’oreilles,
BALENCIAGA et
CHRISTIAN DIOR.
Chaussures,
CHURCH’S.

LEGENDE CREDITS
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Trench, veste,
blouson, pantalon
et boots, LOUIS
VUITTON.
Foulards,
CHRISTIAN DIOR.
Boucles d’oreilles,
BALENCIAGA et
CHRISTIAN DIOR.
Trench, veste,
chemise, jupe
et bottines,
CHRISTIAN DIOR.
Foulards, PATOU
et HERMÈS.
Boucles d’oreilles,
BALENCIAGA
et CHRISTIAN
DIOR. Bracelet,
GIVENCHY.
Veste, pantalon
et brassière, DOLCE
& GABBANA. Col
roulé, SPORTMAX.
Foulards, CHRISTIAN
DIOR. Boucles
d’oreilles,
BALENCIAGA et
CHRISTIAN DIOR.
Chaussures,
CHURCH’S.
JAN WELTERS
Chemise, pantalon
avec chaussures
intégrées et ceinture,
SAINT LAURENT
PAR ANTHONY
JAN WELTERS

VACCARELLO.
Foulards, CHRISTIAN
DIOR et HERMÈS.
Boucles d’oreilles,
BALENCIAGA et
CHRISTIAN DIOR.
Hoodie, VALENTINO.
Foulards, CHRISTIAN
DIOR et ICICLE.
Boucles d’oreilles,
BALENCIAGA et
CHRISTIAN DIOR.
JAN WELTERS

Manteau,
collant et bottes,
CHANEL. Foulard,
CHRISTIAN DIOR.
Boucle d’oreille,
BALENCIAGA.
Veste, veston,
pantalon et chemise,
GUCCI. Foulards,
CHRISTIAN DIOR
et HERMÉS.
Boucles d’oreilles,
BALENCIAGA et
CHRISTIAN DIOR.
Mules, LOUIS
VUITTON.

Juliet Ingleby est


représentée par
l’agence Paparazzi
Model Management.

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Angloma.
COIFFURE
Christoph Hasenbein
@wiseandtalented

ASSISTANT STYLISME
Benoît Paquet.
Manteau, MAX MARA.
Chemise, ASKET.
Boucles d’oreilles,
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HERMÈS.
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SYMPHONIE
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COLS AJUSTÉS, PANTALONS
À PINCES, ÉPAULETTES
IMPECCABLES… L’ÉLÉGANCE
JOUE SA PARTITION EN
NOIR ET BLANC.
PHOTOGRAPHE ALEX WALTL
RÉALISATION PIA LÉONIE KNOLL
MANNEQUIN ANNA MILA GUYENZ
Top avec col,
VALENTINO.
Robe, DOLCE
& GABBANA.
Boucle d’oreille,
NINA KASTENS.
ALEX WALTL

Veste et pull, LOUIS VUITTON.


Robe, LONGCHAMP.
Montre « Calatrava »
en or blanc et diamants,
PATEK PHILIPPE.
ALEX WALTL

Robe avec doublure


intégrée, chemise
et mi-bas, PRADA.
Montre « Calatrava »
en or blanc et diamants,
PATEK PHILIPPE.
Pull et jupe,
CHANEL. Boucle
d’oreille, NINA
KASTENS. Montre
« Calatrava » en or
blanc et diamants,
PATEK PHILIPPE.
Blazer, chemise, jupe
et cuissardes, DIOR.
Montre « Calatrava »
en or blanc et diamants,
PATEK PHILIPPE.

Anna Mila Guyenz est


représentée par l’agence
Pars Management.
ASSISTANTE STYLISME
Tinka Valérie Knoll.
MAQUILLAGE
ET COIFFURE
Linda Sigg.
ALEX WALTL
ELLE BEAUTƒ

LE LINER
ART & CRAFT
Pour rendre un œil de biche
moins dramatique sans lui
ôter son mystère, on joue
sur les matières. On appuie
doucement du bout de
l’index sur la paupière
supérieure afin de faciliter
l’application en pointillé
d’un liner au fini glossy entre
les cils pour donner
une illusion d’épaisseur.
Puis, dans le prolongement
de l’œil en remontant vers
la queue du sourcil, on trace
un trait épais de liner. Enfin,
on superpose au-dessus des
cils un « patch » de velours
en forme de lune en le faisant
adhérer avec une pointe
de crème riche pour les yeux.
Maquillage Guerlain par Violette,
avec le mascara Mad Eyes
Mad Black, l’eye-liner Mad Eyes
Intense Liner Glossy Black,
le blush Rose aux Joues Chic Pink,
le Rouge G Velvet Milky Beige.
LA BOUCHE
BI-GOÛT
Comment twister un rouge
mat, élégant mais sans
surprise ? On lui associe
une touche de paillettes.
« On peut appliquer son
lipstick au raisin si sa
pointe est précise comme
celle du Rouge G.
On commence par colorer
la partie inférieure de
la bouche, plus charnue,
on pince les lèvres pour
répartir la couleur, puis on
précise le contour de la
lèvre supérieure en
repassant le raisin sur
l’extérieur de la ligne »,
conseille Violette. Touche
finale, on passe un
pinceau fin enduit de colle
à paillettes sur l’arc
de Cupidon, avant de
tapoter les lèvres avec
des paillettes rouges.
Maquillage Guerlain
par Violette, avec le mascara
Mad Eyes Mad Black,
le Rouge G Velvet Flame Red.
(PAGE DE GAUCHE : ROBE GUCCI, BOUCLE D’OREILLE PRADA. CI-CONTRE : ROBE AZ FACTORY PAR ALBER ELBAZ, BOUCLE D’OREILLE CHANEL.)

MAKE-UP

FUNNY FACE
LÈVRES VERMILLON, REGARD SMOKY, LOOK NUDE…
VIOLETTE, DIRECTRICE DE LA CRÉATION MAQUILLAGE
CHEZ GUERLAIN, RÉINTERPRÈTE LES CLASSIQUES
ET LEUR DONNE UN JOLI COUP DE FRAIS. DÉMONSTRATION.
PAR ALICE ELIA PHOTOGRAPHE STEVEN PAN RÉALISATION HORTENSE MANGA
GLOSS
ESPIÈGLE
Pour rééquilibrer le caractère
girly d’une bouche glossée,
on mise sur des sourcils
un peu masculins et un blush
qui contraste. « J’aime
mélanger un lipstick mat
rouge orangé avec du gloss
translucide pour créer cette

PHOTO STEVEN PAN. (CHEMISE PRUNE GOLDSCHMIDT, BOUCLE D’OREILLE VAN CLEEF & ARPELS.)
matière façon sirop qui
nappe les lèvres et leur
donne un aspect pomme
d’amour, explique Violette.
Pour contrebalancer,
j’associe à cette bouche
laquée des sourcils un peu
touffus – étoffés, si besoin,
avec un peu de crayon
ou de gel brun – et un fard
à joues rose à peine bleuté
qui rafraîchit le look
et le rend moins attendu. »
Maquillage Guerlain par
Violette, avec le mascara
Mad Eyes Mad Black,
la poudre Terracotta Matte
Medium, le blush Rose aux
Joues Chic Pink, le Rouge G
Velvet Flame Red.
ELLE BEAUTÉ
ELLE BEAUTƒ

PHOTOS STEVEN PAN. MANNEQUIN ALYSSA MORELLE/ELITE. ASSISTANT STYLISME BENOÎT PAQUET. (CI-CONTRE : SERRE-TÊTE GIAMBATTISTA VALLI, BOUCLES D’OREILLES LOUIS VUITTON. PAGE DE DROITE : TRENCH ISABEL MARANT, BOUCLE D’OREILLE FENDI.)
LE SMOKY
OPTIMISƒ
Pour adoucir ce must du
maquillage, souvent répliqué
dans des nuances sombres
et sans tenir compte de
la forme des yeux, Violette,
au lieu de juxtaposer les fards
à la verticale, du coin interne
vers la tempe, les a travaillés
horizontalement, comme
un arc-en-ciel, en privilégiant
le rose, qui apporte de
la fraîcheur : « J’ai appliqué
un premier fard irisé au
ras des cils, un deuxième,
couleur chocolat, dans
le creux de la paupière,
et un troisième sur l’arcade
sourcilière [des nouveaux
fards issus de la collection
Guerlain qui sortira en 2022,
ndlr], en veillant à fondre
chaque nuance dans celle
du dessus. Et pour créer
un point de lumière, j’ai ajouté
au centre une touche
d’ombre rose métallisé. »
Maquillage Guerlain par Violette,
avec l’Enlumineur Effet Rajeunissant
Precious Light Rose Clair,
le mascara Mad Eyes Mad Black,
le gel à sourcils Mad Eyes Brow
Framer Brunette, le blush Rose aux
Joues Pink Me Up, le rouge
KissKiss Tender Matte Lovely Nude.
LE NUDE
MAGIQUE
Rien de tel que des paillettes
pour enchanter un look très
naturel. Sur un teint unifié
avec un peu de correcteur,
on réchauffe les joues
avec de la terre de soleil,
puis on applique une touche
de gloss beige en guise
d’ombre à paupières,
une couche de mascara
et un peu de baume à lèvres.
On dépose ensuite des
petites paillettes dorées (de
préférence biodégradables)
au creux de sa main et on
les diffuse vers le visage
à l’aide d’un sèche-cheveux.
Pour plus d’efficacité,
« il faut littéralement entrer
dans ce nuage scintillant »,
recommande Violette.
Maquillage Guerlain par
Violette, avec l’Enlumineur Effet
Rajeunissant Precious Light
Rose Clair, la poudre Terracotta
Originale Moyen Doré,
le mascara Mad Eyes Mad
Black, le rouge KissKiss
Shine Bloom My Kiss Glow
en fard à paupières, le Rouge G
Velvet Rosewood Beige.
Coiffure Seb Bascle.
Manucure Elsa Deslande.
ELLE VIE PRIVÉE / LIFESTYLE

LES
MARCHANDS
DE
COULEUR
DU ROSE BAISER,
DE L’ORANGE
SPRITZ, DU JAUNE
COUP DE SOLEIL,
OU DU BLEU
ÉLECTRIQUE, LE
CONCEPT STORE
CLUB COULEUR
PRATIQUE
BRILLAMMENT
LA GAMME
CHROMATIQUE.
VISITE GUIDÉE.
PAR DELPHINE GAUTHERIN

92 E L L E .FR
Entourés de leurs amis, les créateurs de génie
Irène (en jaune) et Thomas Cohen (en caramel),
qui, après avoir fondé Bonton, se lancent
dans ce nouveau concept store ultra-ludique.

Vous reprendrez bien un shot de cou-


leur ? Bonne nouvelle, Club Couleur est le nou-
veau concept store qui fait le choix des teintes pop
pour ensoleiller notre quotidien. « Vecteur émotion-
nel fort, évoquant un sentiment et donnant le ton de
nos humeurs, la couleur est partout autour de
nous. Et on a tous un crush couleur de cœur qu’on
porte sur ou chez soi, et forcément une qu’on rat-
tache à l’autre », explique Irène Cohen. Amou-
reuse de la couleur et consciente de son pouvoir
sur notre bien-être, elle fait le pari avec son mari,
Thomas, avec qui elle a fondé et dirigé Bonton,
d’en faire le fil rouge de leur nouveau cabinet de
curiosités, scénarisé par teintes. Parce qu’ils sont
convaincus du « trouble obsessionnel chroma-
tique » de chacun, ils définissent dans leur petit
marché de la couleur une gamme de sept tons
percutants qui évoluera au gré des envies, de la
mode, des saisons. Soucieux aussi de renouer
avec l’ustensile du quotidien, pratique et utile, ils
sourcent, dans la couleur, des pièces cool, au juste
prix (fringues, beauté, déco, vaisselle, papeterie…),
qui n’ont pas oublié d’être ludiques pour faire
vibrer chaque tribu food, déco, cosméto (chaus-
Le principe du Club ? Redonner un coup
settes tie and dye Fruit of the Loom, accessoires
de couleur à des vêtements recyclés,
MELINA FAGET

Bookman, la référence pour le vélo en Suède, la it


comme des chaussettes tie and dye et des
pantalons de survêt Fruit of the Loom ! mayo espagnole Espicy, sextoys…) jusqu’à ne plus
savoir où donner de la tête.

E L L E .FR 93
ELLE VIE PRIVÉE / LIFESTYLE
Les obsédés de la chromatique
jaune flashy trouveront leur bonheur.

« Passionné du Pantone, autant


l’être en respectant la planète », confie
Irène. C’est pourquoi l’« obsession chroma-
tique de leurs palettes » passe inévitable-
ment par un sourcing patrimonial qui favo-
rise les marques françaises (vernis green
Manucurist, lotions pour les mains Kerzon,
coutellerie Opinel…). Mais, conscients que
tout ne peut pas être bio, écoresponsable,
ni made in France, ils s’engagent à s’en rap-
procher le plus possible en identifiant avec
transparence l’origine de leurs produits et
en affichant leur engagement solidaire et/
ou écologique (Plastic Soup Fondation…).
On déniche Enfin, défenseurs de l’artisanat d’exception
aussi les du monde entier, ils garantissent des pro-
vernis green duits bons pour la planète, en soutenant
Manucurist, un savoir-faire historique, comme parfois
les lotions sur plusieurs générations avec la ligne de
pour les vaisselle turque en émail Elifle…
mains Cinquante nuances de couleurs,
Kerzon, oui, mais pas n’importe comment.
et d’autres « Rien ne se perd mais tout se récupère »,
produits clame le concept store. Comment ? En sui-
de beauté, vant une démarche qui favorise l’upcycling,
ici déclinés
évidemment par la couleur ! C’est sous le
en bleu.
prisme des pigments de leur partenaire his-
torique, la teinturerie Bonnin (Nantes), qui
maîtrise le savoir-faire du surteint, qu’ils
réhabilitent, artisanalement, des pièces qui
ne méritent pas d’être oubliées. En les fai-
JENNIFER SATH ; MELINA FAGET.

sant plonger dans des chaudrons où les


pigments sont infusés longtemps naturelle-
ment, ces alchimistes 3.0 offrent une
Les sweats Fruit of the
seconde vie, dans des tons qui claquent, à
Loom retrouvent une nouvelle
vie en version purple.
des vestes et des pantalons de peintre.
L’assurance d’un look unique et pointu qui

94 E L L E .FR
sied à toutes les silhouettes, quels que soient
le sexe et l’âge. Sont aussi ressuscités des
objets désuets (sacs à pain, sacs à bouteilles,
filets à provisions…), qui retrouvent une utilité
à l’heure du zéro plastique, et rajeunis des
draps, torchons et serviettes d’hôtel dormant
dans des stocks. Autres pièces fortes, les
bons basiques (T-shirts et joggings Fruit of the
Loom, 501 vintage, chemises hawaïennes...),
qui, reboostés par la teinture, dégainent une
allure à faire pâlir n’importe quel influenceur.
L’étape d’après ? Faire prendre des bains de
couleur aux fonds de placard qu’on aime Torchon, sac
mais qu’on ne met plus mais qu’on rêve de à pain, filet
porter de nouveau. Un modèle d’économie à provisions…
circulaire enthousiasmant, pile dans l’air du de l’art de
temps et vert-ueux. ■ rendre joyeux
À partir du 4 septembre, corner aux Galeries le quotidien.
Lafayette Haussmann (3e étage), Paris-9e, et
Les amoureux du rose poudré seront ravis. à partir de mi-octobre à la Galerie Imaginaire du
Bon Marché Rive Gauche, Paris-7e. clubcouleur.fr

Vestes, combinaisons, sweats passés


aux pigments de la teinturerie Bonnin…
vive le rose baiser !
ELLE VIE PRIVÉE / SORTIR

20 AOÙT 2021
WRITERS
ON THE
ROCKSPLUS ORIGINAL QUE
LE BANAL MOJITO, ET SI ON
S’INSPIRAIT DES COCKTAILS
PRÉFÉRÉS DES MAÌTRES DU
POLAR ? À VOS SHAKERS !
PAR SANDRINE GOEYVAERTS

LE CYANURE
D’AGATHA CHRISTIE
Reine du roman policier, Agatha Christie
a souvent utilisé le poison : la strychnine,
la morphine et, bien sûr, le cyanure. Dans « À
l’hôtel Bertram », le barman très chic propose
une mixture intitulée « Cyanure », bien moins Préparation 10 cl de porto ruby, 1 jaune Préparation 10 cl de vodka, 2 cl de
dangereuse que l’originale, rassurez-vous. d’œuf, 1 cuil. à soupe de sucre. Battez le liqueur de melon, 5 cl de jus d’ananas.
Préparation 7 cl de curaçao bleu, 7 cl jaune d’œuf avec le sucre dans le verre Versez la vodka et la liqueur de melon dans
de vodka, 5 cl de Cointreau, 1 cl de jus jusqu’à blanchiment, ajoutez des glaçons un verre haut et étroit. Ajoutez de la glace
de citron. Mélangez tous les ingrédients puis versez le porto dessus. pilée puis le jus d’ananas.
au shaker avec beaucoup de glaçons,
filtrez et servez dans un verre à pied. LE BACARDI LE DAIQUIRI
DE RAYMOND CHANDLER DE GRAHAM GREENE
LE ZOMBIE Adapté au cinéma, « Le Grand Sommeil », Dans « Notre agent à La Havane », Jim Wor-
DE STEPHEN KING le classique culte de Raymond Chandler, mold, un loser devenu par hasard agent
Passé maître dans l’art de distiller le sus- a inspiré « The Big Lebowski », des frères secret, passe son temps à siffler des daiqui-
pense, Stephen King offre dans « Shining » Coen. Avec une différence notable : si le ris, un cocktail cubain très populaire.
un des huis clos les plus angoissants Dude se délecte de White Russian, Mar- Préparation 4 cl de rhum, 2 cl de jus de
de la littérature. À (re)lire avec ce cocktail lowe avoue, lui, un faible pour le Bacardi. citron vert, 1 cl de sirop de sucre de canne.
qui pourrait réveiller un mort ! Préparation 1 citron vert non traité, 6 cl de Mélangez tous les ingrédients au shaker et
Préparation 6 cl de jus d’ananas, 5 cl rhum blanc, 1 cl de grenadine. Pour la déco- servez dans un verre bien pourvu en glaçons.
de rhum ambré, 5 cl de rhum blanc, 2 cl de ration : 1 cuil. à soupe de sucre, 1 cuil. à café PHOTO JEROEN VAN DER SPEK. STYLISME KOORMAN MAAIKE/LEK JESSICA.

liqueur d’abricot, 2 cl de jus de citron vert, 1 cl de grenadine. Mettez le verre à rafraîchir. LE VESPER
de grenadine. Mélangez les deux rhums, la Pressez le citron. Remplissez à moitié le sha- DE IAN FLEMING
liqueur d’abricot et les jus de fruits au shaker. ker de glace pilée, ajoutez le jus de citron, Si James Bond a rendu célèbre le Martini
Versez au fond du verre la grenadine, ajou- le rhum et la grenadine. Givrez le verre mélangé au shaker, l’Americano et le Vesper
tez de la glace puis le contenu du shaker. avec le sucre arrosé de grenadine. ont aussi les faveurs du héros de Ian Fleming.
Préparation 6 cl de gin, 4 cl de vodka, 2 cl
LE PORTO FLIP LE PEARL HARBOR de Lillet blanc, un zeste de citron. Mélangez
DE FRED VARGAS DE JOHN GRISHAM les alcools au shaker avec des glaçons.
Des meurtres avec un trident : il faut avoir le « Les Partenaires », de John Grisham, s’ouvre Filtrez et servez dans un verre à Martini
cœur bien accroché dans « Sous les vents de sur une scène d’anthologie : l’avocat David avec le zeste de citron. ■
Neptune », de Fred Vargas. C’est sans doute Zinc passe la journée dans un bar à réfléchir À lire (et à savourer) : « Mortels cocktails »,
pour ça que le commissaire Adamsberg, au sens de la vie en enquillant les cocktails. d’Anne Martinetti (Éditions du Masque), où l’on peut
chargé de l’enquête, a besoin d’un remontant. Notamment, ce pseudo « sirop pour la toux ». retrouver cinq de ces recettes et beaucoup d’autres.

96 E L L E .FR
ELLE VIE PRIVÉE / BIEN-ÊTRE

20 AOÛT 2021
s’opère, on se sent plus léger, on revient aux
sources de soi-même comme si notre nature
profonde refaisait surface. Le regard s’ouvre
sur la nature, et sur les autres, on voit plus clair
et l’on accède à une deuxième phase de la
connaissance de soi. Ensuite, c’est comme si
on avait rechargé le corps, le cœur, l’esprit, et
on est prêt à imaginer la suite, désencombré,
et, je dois dire, avec une certaine joie. La
marche remet en route, redonne un élan, mais
chacun fait sa propre expérience, et personne
ne va vivre exactement la même chose.

ELLE. Quels conseils donneriez-vous


à qui aimerait se lancer ?
J.C. Marcher à son rythme et, surtout, ne pas
se laisser entraîner par l’exaltation du pre-
mier jour, où l’on est dopé, sans conscience
que la blessure ou la douleur (ampoule, pro-
blème d’articulation…) peut arriver très vite.

LE CHEMIN
Moi qui ai toujours été dans une culture de
la performance, je me suis fait mal dès
le départ. Car si on n’est pas aligné sur
la cadence de son corps, il se charge

DE LA LIBERTÉ
de nous le signaler ! Il faut donc être à son
écoute et se ménager, en commençant par
un petit nombre de kilomètres les premiers
jours et en l’augmentant petit à petit. Il est
LE THÉRAPEUTE JULIEN CHARLES NOUS RACONTE COMMENT nécessaire également de s’ouvrir aux autres,
LA LONGUE MARCHE VERS COMPOSTELLE LUI A PERMIS aux commerçants, aux villageois, aux
marcheurs que l’on croise, c’est le meilleur
DE SE RÉINVENTER. EN ROUTE ! PAR SOLINE DELOS moyen de se rencontrer soi-même. Aucune
des rencontres que j’ai faites, même quand
ELLE. Pourquoi être parti sur le chemin avec les souvenirs douloureux qui refont sur- je n’y étais pas forcément disposé, ne m’a
de Saint-Jacques-de-Compostelle ? face, tout ce qui a encombré notre existence, laissé indifférent, toutes m’ont ouvert une
JULIEN CHARLES. Je voulais changer de avec les émotions qu’ils ont générées, la porte et, d’une certaine manière, transformé.
mode de vie, je m’ennuyais dans un job où culpabilité, la colère, la frustration… C’est le Côté matériel, il ne faut pas dépasser les
je restais pour le confort. J’étais en quête début d’un face-à-face avec soi-même, sans 10 kilos dans son sac à dos, et partir avec des
de sens, et je ne trouvais de réponses ni dans aucune distraction pour y échapper, aucun bâtons. Les genoux portent trois ou quatre fois
mon travail ni dans ma vie privée. À un subterfuge à portée de main pour endormir le poids du sac, mais marcher avec des
moment, j’ai ressenti une urgence à m’extraire ses émotions. Et puis, comme un processus bâtons allège considérablement ce poids.
de ce quotidien qui m’alourdissait. Mais chan- naturel, les choses décantent, un nettoyage Ne pas oublier non plus la cape de pluie. Je
ger n’est jamais facile, il faut une certaine force conseille par ailleurs de prendre un cahier
pour dépasser cette impression d’être face à pour noter ses pensées. Il se passe beau-
une montagne. Par un concours de circons- TOUT SUR coup de choses pendant le voyage. Enfin
tances, faire ce chemin s’est imposé comme le COMPOSTELLE il faut impérativement lâcher le
moyen de reprendre cette force qui me man- Indispensable, le guide ou l’application portable. Bien sûr, la solitude
quait. Ça m’a donné un nouvel élan. « Miam Miam Dodo », entièrement est un défi, mais peu à peu
consacrés au chemin de Compostelle, l’esprit s’y fait, et c’est une des
ELLE. Pouvez-vous nous parler des trois avec des conseils pour préparer conditions pour que le regard
temps que vous avez pu observer sur le voyage, une cartographie ultra- puisse s’ouvrir encore plus
DAVID PRADO STOCKY

ce chemin ? précise, le kilométrage des distances, à cette nature qui émerveille,


J.C. Je suis parti sept semaines en tout, et j’ai la difficulté des parcours, la liste des aux autres et à soi. n
effectivement constaté trois phases diffé- hébergements… (Éd. du Vieux Crayon.) À lire : « COMPOSTELLE THERAPY »,
rentes. Il y a d’abord celle de la dépollution, de Julien Charles (éd. Larousse).

98 E L L E .FR
COMMUNIQUÉ

présente :

TOUT SAVOIR POUR NE PAS SE TROMPER


DANS LE TRI DES PAPIERS
Vous êtes le premier acteur du recyclage grâce à votre geste de tri des papiers.
Tout savoir pour ne pas se tromper.

1. TOUS LES PAPIERS DU QUOTIDIEN


SE RECYCLENT.
2. ATTENTION, IL EXISTE DES FAUX-AMIS
Certains papiers portent le nom de papier mais
Feuilles de papier, enveloppes, cahiers, journaux, ne se recyclent pas. Par exemple tous les papiers
magazines... sont parfaitement recyclables. Même d’hygiène ou certains papiers cadeaux qui sont
avec des agrafes, spirales ou avec des éléments en en plastique. D’autres « papiers » comme le papier
plastique… Lors du recyclage le papier est traité photo ou le papier peint ont des traitements
en plusieurs étapes de nettoyage et filtrage qui les (plastification, résistance à la lumière, colle...) qui
éliminent. altèrent leur capacité de recyclage. Ils sont donc
destinés au bac des ordures ménagères.

Attention aux faux


amis qui vont dans le
bac à ordures

n o u v elle
Une
i e à nos
v
s
papier

3. LES CONSIGNES DE TRI PEUVENT VARIER SELON LES COMMUNES


Vous l’aurez peut-être remarqué, on ne trie pas de la même façon partout
en France, parfois tous les emballages et les papiers vont dans le même bac,
parfois il faut les séparer. Peu importe le dispositif de collecte de nos papiers,
ils sont traités pour être recyclés.

gez
ier, téléchar
Po ur bien tr d u tr i
l’appli G ui de
te
ou s sur le si
ou rendez-v
ner.f r
triercestdon
© Getty/Citeo
ELLE VIE PRIVÉE

C’EST MON HISTOIRE

J’ÉCHANGE, MAIS
J’EMBRASSE PAS
MARIÉE ET MÈRE DE FAMILLE, LUCILE, 35 ANS, EST PARTIE S’INSTALLER AU VERT POUR
TROUVER LE CALME… ELLE S’Y EST PRODIGIEUSEMENT ENNUYÉE. MAIS SON PASSÉ LA
RATTRAPE ET DES ENVIES QU’ELLE CROYAIT OUBLIÉES REFONT SURFACE.
PROPOS RECUEILLIS PAR SARAH BOULEAU ILLUSTRATION ANNABEL BRIENS

Pelotonnée dans le peignoir de Martin, je colle mon démonté : « J’en ai longtemps bu… Et puis plus. Du tout. Mais tu sais
front à la baie vitrée. La buée qui s’échappe de ma tasse de quoi ? On profite beaucoup plus quand on est sobre. » Il m’a scot-
thé épaissit la brume, qui, ce matin, enveloppe le lac à mes pieds. chée. Revendiquer sa sobriété en plein festoche, voilà, ça, c’était
J’aime ce silence, j’aime ce calme, j’aime cette vue… Et là, soudain, punk… Martin et moi ne nous sommes plus quittés. Jamais. Avec lui,
je pouffe : les souvenirs de ma nuit s’invitent entre le lac et moi, lézar- j’ai découvert le jour, moi qui ne vivais que la nuit. Et son aile m’est
dant ce vernis bourgeois dont je polis ma vie depuis quelques apparue bien plus protectrice que tout ce que j’avais pu mettre entre
années. Une vie qui, à son tour, vient joyeusement pulvériser mes le monde et moi – l’alcool, la drogue, les amant(e)s de passage…
rêveries : le pot à couverts tombe dans l’évier, les céréales sub- Ça n’a pas été simple, mais j’ai fini
mergent le sol, ma fille déboule dans la cuisine. « Mamaaaan !!! par être clean. Alors j’ai eu des rêves
Elles sont où, mes céréales ???!! » me demande Rosalie, 8 ans – et de robe blanche, de maison en meu-
moi je me demande si je ne lui aurais pas refilé mes vieux gènes punk. lière, et de bébés. Alors Martin a fait
Martin, son père, est un lève-tard. Ces petits déjeuners sont, depuis en sorte que ce soit possible. Notre
MARTIN S’EST
toujours, nos tête-à-tête et je les goûte. Pas longtemps, ce matin, déménagement en était la consé- MIS À ME PARLER
parce que : « Ben tonton Richard, t’as dormi ici ? » L’un de nos plus quence logique. Sauf qu’on est arri- LIBERTINAGE,
vieux amis vient de faire irruption dans la cuisine, le cheveu pas moins vés au bord du lac à quelques
hirsute que le mien. Il bredouille un vague mensonge à base de pneu semaines du premier confinement, PLAN À TROIS,
crevé et de retour à l’hôtel impossible, à Rosalie, qui le croit sur en 2020. Déjà qu’on ne connaissait ÉCHANGISME…
parole et en déduit que Zoé, la nouvelle fiancée de Richard, a dormi personne dans la région, animer mes
là aussi. Bingo. Elle est ravie. Moi aussi, mais pas tout à fait pour les journées de chômeuse relevait du
J’AI RESSENTI
mêmes raisons : j’ai toujours trouvé Zoé extrêmement désirable et, il défi quotidien. Au bout de quelques CE BON VIEUX
y a quelques heures à peine, je m’endormais, nue dans ses bras.
Nous venions de faire l’amour toutes les deux… Tous les trois… Tous
semaines, une voix que je connais-
sais bien s’est remise à me fredonner
FRISSON DE
les quatre. Et c’était prodigieux. C’était, surtout, vraiment moi. à l’oreille… C’était le goût de l’aven- L’EXCITATION.
ture qui, malgré mon profond bon-
DES RÊVES DE ROBE BLANCHE heur conjugal et familial, ne passait
À l’âge de Rosalie, j’écopais de mes premières heures de colle. À pas. J’ai commencé à surfer sur des
12 ans, je me perçais la narine toute seule pour y fixer un strass. Trois sites coquins. Assez rapidement, j’étais accro. Évidemment, Martin
ans plus tard, je ne comptais plus les cigarettes fumées dans les toi- a fini par le découvrir. Je retenais mon souffle, mais le sourire mali-
lettes du collège. Parallèlement à mon goût pour la transgression, cieux qui se dessinait sur ses lèvres m’a fait bondir dans ses bras : cet
une libido bouillonnante s’était mise à couler dans mes veines ado- homme était vraiment l’homme de ma vie ! Cette fois, c’était moi le
lescentes. J’ai tout essayé : les filles comme les garçons, les nuits guide, mais il se laissait faire. Nous qui avions toujours eu une vie
éphémères comme les passions dévorantes… Résultat, à 20 ans, sexuelle aussi jolie que sage commencions à mettre le pied dans
j’avais déjà l’impression d’être une vieille personne. Partie pour la des routes moins balisées… Les premiers temps, notre exploration se
route des festivals, comme tous les étés, avec ma bande de potes, limitait aux murs de la maison : on regardait des films X et on achetait
je suis tombée un soir sur Martin, accoudé au comptoir d’une des sextoys en ligne. Mais Martin a voulu élargir le cercle : un soir,
buvette. Il a commandé un Coca et j’ai éclaté de rire : ici, on est il s’est mis à me parler libertinage, plan à trois, échangisme… J’ai
plutôt bière – moi la première. Martin a souri, mais ne s’est pas ressenti ce bon vieux frisson de l’excitation, mais sans donner suite.

100 E L L E .FR
20 AOÛT 2021

Je crois que j’avais plus peur de perdre mon mec qu’envie de gagner Martin, je n’ai plus jamais goûté au corps d’une femme, et cette nuit-
un amant… Et puis ces digues-là aussi ont fini par se fissurer : l’été là me rappelle à quel point c’est délicieux. Impossible de me souve-
suivant, nous nous sommes inscrits sur un forum naturiste, option nir combien de temps ces étreintes ont duré, mais quand, au petit
« pour adultes ». Or, le 14 juillet, on nous y promettait « un feu d’arti- matin, Martin et moi quittons les lieux, main dans la main, nous nous
fice, dans un spa 5 étoiles ». Martin me lance : « On y va ? » Je ne jurons de recommencer. À partir de là, tout est possible : nous pou-
réfléchis même pas : « Chiche ! » vons passer des semaines rien que tous les deux – voire des nuits
sans faire l’amour… Et, tout à coup, nous connecter à des sites échan-
DES ÉTREINTES JUSQU’AU PETIT MATIN gistes plusieurs soirs d’affilée. Parfois, des échanges un peu élec-
Au soleil couchant, nous mettons les pieds sur ces lattes en teck qui triques nous suffisent. Parfois, on se rencontre, on se plaît, on se le dit
bordent une dizaine de Jacuzzi. Bulles de champagne, bains mous- et on le vit. La seule règle qu’on s’est fixée, tous les deux, c’est qu’on
sants, musique à fond : tout y est pour qu’on oublie vite, très vite, notre n’embrasse pas : ça, ça nous est réservé. Pour être tout à fait hon-
quotidien. Je saute (de joie) dans l’un des bassins. Martin me suit, nêtes, nous avions, Martin et moi, une autre limite tacite : toujours
totalement nu. Je regarde mon mec, je le trouve beau… Et je ne suis avec des inconnus, pour ne pas prendre le risque qu’ils s’installent
pas la seule. Une grande blonde, d’une quarantaine d’années, le dans nos vies. Mais Zoé est passée par là, et Zoé est très, très jolie…
reluque de haut en bas. Ça ne me gêne pas : je la trouve très belle Ce matin-là, je ne le regrette pas. Mes trois camarades de jeu non
moi aussi. La blonde sourit à Martin, qui me sourit, et je souris à la plus. Avec Rosalie dans les parages, impossible de débriefer sur
blonde. Quelques minutes plus tard, son mec nous rejoint. Pas tout à l’instant. Mais nos sourires nous suffisent. Et si les limites n’étaient là
fait ma came, mais je m’en moque : c’est elle que je veux. Depuis que pour être franchies ?
VOUS AVEZ ENVIE DE RACONTER VOTRE HISTOIRE ? NOS JOURNALISTES PEUVENT RECUEILLIR
VOTRE TÉMOIGNAGE. ÉCRIVEZ-NOUS À CMH@CMIMEDIA.FR

E L L E .FR 101
ELLE VIE PRIVÉE /L’INVITÉE

20 AOÛT 2021
… APPRENDRE
CHAQUE JOUR
« Je n’ai pas fait de longues études
car il a fallu que je travaille jeune
pour payer mon loyer. J’ai bossé
dans le mannequinat dès 18 ans,
mais aussi chez Colette avant d’en-
chaîner plein de petits boulots. En
parallèle, j’ai commencé à mixer SA MARQUE
avec mon meilleur pote Vladimir « AVEC LAURA
MARCIANO, ON A
Charles, assistant de Michel Gau- CONÇU CHAPEL COMME
bert (illustrateur sonore des défilés), UN LABEL MINIMALISTE
ET DE QUALITÉ. »
un peu partout dans le monde, chapelparis.com
notamment pour les soirées d’ouver-
ture de l’exposition Chanel “La
Petite Veste Noire”. J’ai donc beau-
coup de choses à découvrir, de AGATHE MOUGIN
compétences à développer. J’ai la
chance d’apprendre sur le tas avec
des gens passionnés, de photo, de
mode, de musique… Je viens d’une
AIME...
famille liée au cinéma. »
LA MANNEQUIN-D.J. LANCE SON ANIMAL
SA MARQUE UNISEXE, CHAPEL, QU’ELLE « LE REQUIN. JE M’EN
SUIS FAIT TATOUER
UN. J’AI ÉTÉ MARQUÉE
… IMAGINER UNE DÉCLINE ÉGALEMENT EN VERSION PAR “SHARKWATER”,
MODE ÉTHIQUE ENFANT. ON PLONGE DANS
DE ROB STEWART,
UN DOCUMENTAIRE
« Avec mon amie Laura Marciano, SAISISSANT SUR CETTE
on a lancé Chapel, notre marque de SON UNIVERS, SOPHISTIQUÉ ET STYLISÉ. ESPÈCE EN DANGER. »

mode responsable. Durant les confi- PAR JULIA DION


nements, mes activités étaient à l’ar-
rêt, j’ai eu le temps de réfléchir à ce
que j’avais envie de faire. La réponse : de la mode, … JOUER AVEC
mais différemment ! Nous avons donc imaginé LA MUSIQUE
seulement deux silhouettes, l’une extra-large, l’autre « En ce moment, évidemment, je mixe moins dans les
extra-slim, confectionnées dans de beaux tissus fêtes ou les événements, mais je continue à repérer
du Sentier ou récupérés. Des mini-collections que les nouveautés côté musique électro et disco sur
l’on mixe à l’envi. Tout est made in France. » beatport.com ou https://soundcloud.com. J’aime
aussi écouter les “classiques” comme “Die a Little SES LECTURES
… VOYAGER, EXPLORER, Bit”, de Tinashe, “For the Night”, de Pop Smoke, « “MÉMOIRES FLOUS”, DE
JIM CARREY, “LE MARIN DE
ME PERDRE “Ode to the Mets”, des Strokes, “Sounds Like a GIBRALTAR”, DE MARGUERITE
Melody”, d’Alphaville. Et puis je me repasse les DURAS, ET “LA NUIT REMUE”,
« Quand j’ai envie de prendre l’air, je m’envole pour D’HENRI MICHAUX, SONT
Ibiza, une île est étonnante qui offre 1001 facettes. bandes originales d’Ennio Morricone, j’admets MES TROIS LIVRES DE L’ÉTÉ. »
VICTORIA E. PATERNO ; LINDSAY_IMAGERY ISTOCK ; PRESSE.

Une de mes adresses préférées ? El Chiringuito, que c’est un peu solennel, mais ça me met étrange-
restaurant version cabane chic où l’on déguste un ment en joie. »
bar en croûte de sel, les pieds dans le sable et
l’humeur vagabonde. J’aime aussi L.A. pour son … ROULER
côté “ville surgissant d’une nature foisonnante”. « Je fais beaucoup de moto alors que je n’ai même
J’admire les maisons dessinées par l’architecte pas le permis voiture ! Je me prends pour Steve
John Lautner, “Les Lautner houses”. J’aime aussi McQueen ! J’ai toujours été sportive, j’aime les acti-
me balader et me baigner à Point Dume vités un peu dynamiques comme l’escalade. J’ai SES ACCESSOIRES
(Malibu), jouer au billard au Brickyard Pub. pratiqué le handball pendant douze ans, le tennis MODE
« MES CEINTURES DEBORAH
J’adore manger chez Sushi Park puis aller au cinq ans, l’escrime trois ans... Partir pour un road trip DRATTELL ET MON BANDANA
GÂCHETTE PARIS. »
Rose Bowl Flea Market pour y dénicher des sur ma grosse cylindrée ne me fait pas peur du tout.
pièces vintage. Les voyages me manquent. » Au contraire, j’en rêve ! » ■

102 E L L E .FR
SPÉCIAL
PETITS ESPACES

26
180 PAGES D’IDÉES,
D’ASTUCES
& D’INSPIRATION NUMÉROS
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LA SEMAINE
PROCHAINE
DANS

E L L E

MODE
SPÉCIAL BJORN IOOS
HOROSCOPE SOLAIRE SEMAINE DU 20 AU 26 AOÛT 2021
PAR JEAN-YVES ESPIÉ ILLUSTRATION ASIA PIETRZYK

BÉLIER
21 MARS - 20 AVRIL
TAUREAU
21 AVRIL - 21 MAI
GÉMEAUX
22 MAI - 21 JUIN
Animée par ce bel élan vital qui vous caractérise, L’arrivée de l’astre solaire dans un signe com- Un climat tonifiant stimule le besoin d’échanges
vous vous concentrez sur les objectifs à atteindre plice (le 23) va vous permettre de retrouver de et de contacts. C’est le moment de prendre des
et cela porte ses fruits. Évitez de vous disperser l’énergie et de l’assurance. Il vous sera plus facile initiatives en y mettant ce petit supplément de
en vous concentrant avant tout sur l’essentiel et de composer avec souplesse lorsque cela sera savoir-faire relationnel pour donner envie d’aller
laissez à ceux qui sont plus lents la chance de nécessaire. Globalement, évitez le sujet financier plus loin. Sur le plan relationnel, vous savez vous
finaliser ce que vous aurez judicieusement initié. et concentrez-vous sur les bons moments à parta- y prendre pour obtenir ce que vous voulez. Le
Sur le plan relationnel, ne prenez pas à la légère ger. Le plus important ? Adaptez-vous face aux passage de Vénus dans un signe complice faci-
les incertitudes de ceux que vous aimez. Soyez situations inattendues sans craindre de boulever- lite vos échanges et vous plaisez à tous. Ce qui
davantage à l’écoute pour les rassurer. ser le rythme de vos habitudes. favorisera vos négociations sur tous les plans.

CANCER
22 JUIN - 22 JUILLET
LION
23 JUILLET - 22 AOÛT
VIERGE
23 AOÛT - 22 SEPTEMBRE
Un besoin de changement vous guide, posez les Le passage de Mercure dans votre secteur finan- « Plus l’homme a d’habitudes, moins il est libre et
jalons de vos projets pour les mois à venir. Passez cier fluidifie la communication et affine votre sens indépendant », écrivait Emmanuel Kant. Le pas-
à l’action sans vous laisser influencer par ceux qui de la négociation tout en rondeurs. Vous trouve- sage de Mercure, la planète de l’adaptation et
doutent et vous freinent dans vos élans. Notez rez le mot juste pour bien vous faire entendre, de l’intelligence, favorise et encourage votre
cependant qu’une sensibilité excessive vous rend sans qu’il soit nécessaire d’enfoncer le clou. Côté capacité à faire face aux situations nouvelles
perméable aux influences environnantes. Mon charme, Vénus passant actuellement dans votre sans vous déstabiliser. Il sera aussi question de
conseil ? Faites à votre idée et foncez droit secteur relationnel favorise votre sens du contact. vous débarrasser des rituels qui vous pèsent et
devant avec confiance, car de belles influences Exprimez-vous sans détour car votre chaleur des contraintes du quotidien qui appartiennent
planétaires vous protègent. bienveillante vous rend plus attachante. au passé pour gagner en liberté.

BALANCE
23 SEPTEMBRE - 23 OCTOBRE
SCORPION
24 OCTOBRE - 22 NOVEMBRE
SAGITTAIRE
23 NOVEMBRE - 21 DÉCEMBRE
C’est enfin une période de mieux être avec l’arri- « Nul ne peut atteindre l’aube sans passer par le Vous traversez un courant stimulant qui pousse à
vée de Vénus dans votre signe. Votre disposition chemin de la nuit », écrivait Khalil Gibran. Profitez sortir de votre réserve pour nouer des liens et
instinctive à créer du lien grâce au charme natu- de cette phase d’accalmie planétaire pour faire entreprendre des projets collectifs. Le besoin de
rel porte ses fruits. Profitez de ce climat idéal pour du tri et vous soulager de ce qui vous pèse sans vous sentir utile vous donne des ailes. Vous
consolider une relation qui nécessite de s’investir. regret. Ce qui appartient au passé nécessite de déployez une belle énergie positive, qui incite à
L’influence de l’astre du charme et de la chance tourner la page pour en écrire une nouvelle, plus vous faire confiance et à vous emboîter le pas.
annonce des succès plus faciles. Dissipez toute optimiste et évolutive. Le soutien de Mercure l’in- Cependant, si tout semble vous réussir, ne vous
forme de doute pour mieux prendre l’initiative tellectuel et de Mars l’actif vous fait parvenir des emballez pas. Ne gâchez pas vos chances en
permettant de changer la donne. signaux particulièrement encourageants. voulant aller trop vite.

CAPRICORNE
22 DÉCEMBRE - 20 JANVIER
VERSEAU
21 JANVIER - 18 FÉVRIER
POISSONS
19 FÉVRIER - 20 MARS
Efforcez-vous de vous fixer un cap et de vous y Vous composerez avec un environnement plané- Mettez de l’ordre dans vos affaires et faites du tri
tenir sans vous laisser freiner par les contraintes taire variable selon votre décan, compte tenu des dans vos projets pour vous concentrer sur les
sur lesquelles vous n’avez aucune prise. Le Soleil, influences à la fois tonifiantes et contraignantes. objectifs pratiques que vous pourrez concrétiser.
Mercure et Mars vous envoient des signaux bien- Premier décan : phase d’épanouissement sur le Évitez de vous engager dans du flou. Côté cœur,
veillants. Sur les plans social et professionnel, si plan affectif, grâce à l’influence de Vénus. Deu- votre capacité d’écoute vous place au diapason
vous devez donner l’estocade pour faire aboutir xième décan : marquez la pause avec Saturne, de la sensibilité de l’autre. Retenez que les pla-
un projet, allez-y ! Mettez au rebut les idées qui vous invite à faire le point. Troisième décan : nètes vous donnent de l’espoir, vous aident à mul-
démotivantes et les problèmes non résolus pour une période de chance, à faire fructifier avec le tiplier vos contacts, vous poussent à vous ouvrir
préparer l’avenir avec le cœur léger. passage de Jupiter, votre bonne étoile. pour connaître et comprendre.
Suivez l’astro de Jean-Yves Espié sur YouTube.

E L L E .FR 105
HOROSCOPE LUNAIRE SEMAINE DU 20 AU 26 AOÛT 2021
PAR JEAN-YVES ESPIÉ ILLUSTRATION ASIA PIETRZYK
Pour découvrir votre signe lunaire, rendez-vous sur elle.fr à l’adresse bit.ly/horolune

BÉLIER
Les planètes invitent aux réunions, aux rapproche-
TAUREAU
Votre ciel laisse apparaître une belle éclaircie en
GÉMEAUX
Ressentez-vous cette impression de légèreté
ments apaisés, aussi bien en famille que dans le cours de semaine avec l’arrivée de l’astre solaire dans l’air ? Si ce n’est pas le cas, il pourrait se
domaine amoureux. Évitez les sujets qui fâchent et dans un signe complice (le 23). Vous retrouvez les révéler judicieux de changer de contexte pour
allégez la pression sur ceux qui ont besoin de coudées franches pour évoluer à votre rythme vous rapprocher de ceux qui ont décidé qu’il
prendre leur temps avant de réagir. Faites comme sans subir la pression des impatients qui vous était plus intéressant de profiter du moment pré-
à votre habitude, prenez des initiatives pour don- entourent. Les planètes contrariantes semblent sent au lieu de se tracasser pour des choses qui
ner l’exemple et indiquez la marche à suivre. Les bien décidées à vous accorder une pause jusqu’en ne sont pas à l’ordre du jour. Alors faites passer
autres s’inscriront dans votre sillage. Ce qui, en octobre, ce qui vous laisse la possibilité de vous un courant d’air frais dans votre quotidien et lais-
définitive, n’est pas fait pour vous déplaire. organiser au calme pour préparer la rentrée. sez votre esprit être curieux de tout.

CANCER
Patience, attendez la semaine prochaine pour
LION
Vous allez devoir rassembler autour de vous.
VIERGE
Les planètes commencent à se réunir dans votre
vous investir et apporter du contenu à vos projets Cela n’est pas une mince affaire, car vous devrez secteur intime : cela indique une volonté de
affectifs et familiaux. Pour le moment, prenez du faire preuve de finesse et de stratégie tout en évi- reprendre les choses en main et de vous réorgani-
recul pour regarder les choses de plus haut ou de tant les passages en force. Vous disposez géné- ser en conséquence. Ne cherchez pas à tout
plus loin. Car c’est ainsi que vous en aurez une ralement d’une bonne vision d’ensemble et d’un résoudre, avancez pas à pas et ne vous polarisez
perspective plus large. Vous accordez souvent instinct très sûr lorsqu’il s’agit de prendre des pas sur ce qui nécessite du temps pour aboutir.
aux autres une grande importance dans vos décisions, ne négligez pas l’importance de la Mercure, la planète de l’intelligence, fait des
choix, mais c’est vous qui êtes au centre des communication douce pour bien vous faire merveilles dans votre secteur et dynamise votre
décisions qui se prennent et vous ne devez pas entendre. Le plus important ? Restez bien à ingéniosité. Il est grand temps de vous faire
l’oublier. l’écoute de votre entourage. davantage confiance.

BALANCE
Le passage de la planète de l’amour dans votre
SCORPION
Les planètes contrariantes sont en sommeil et les
SAGITTAIRE
L’astre solaire va quitter un signe de feu qui ne
secteur intime sera une aubaine si vous souhaitez planètes actives ne vous veulent que du bien. Que vous veut que du bien pour arriver dans un signe
faire avancer dans le bon sens vos affaires de demander de mieux ? Mettez l’accent sur la sou- de terre dont la fonction consiste à vous faire des-
cœur. Rappelons-le, Vénus partage des affinités plesse relationnelle et arrondissez les angles en cendre de votre nuage pour poser de nouveau
naturelles avec la Balance et chacune de ses surfant sur les agacements du quotidien comme un vos deux pieds sur terre. Rassurez-vous, il sera
visites s’accompagne de coups de chance ou surfeur sur une vague pleine d’élan. Jouez sur cette surtout question de concrétiser ce que vous avez
d’opportunités. Bien évidemment, rien n’arrivant élasticité teintée d’humour qui vous caractérise en tête depuis le début de l’été. Conservez pré-
tout seul, il pourrait s’avérer indispensable de lorsque vous êtes bien lunée et qui vous permet de cieusement cette belle énergie positive que vous
prendre des initiatives ou de fournir des indices. ne rien prendre trop au sérieux. avez accumulée pour en tirer le meilleur parti.

CAPRICORNE VERSEAU
L’arrivée de l’astre solaire dans un signe de terre Et vive la liberté ! En toute lucidité, votre ciel
POISSONS
Jupiter a quitté votre secteur intime mais rassurez-
comme le vôtre indique que vous allez à nouveau lunaire est actuellement fréquenté par deux vous car il reviendra en fin d’année pour vous
retrousser vos manches pour finaliser un objectif poids lourds qui sont respectivement Saturne et aider à réaliser les projets que vous avez écha-
bien concret qui était dans votre ligne de mire. Les Jupiter. Si le premier vous invite à faire preuve de faudés durant l’été. Il est donc essentiel de ne pas
planètes se serrent les coudes pour vous faciliter la détachement et de rigueur, le second vous incite ranger aux oubliettes ce que vous désirez voir se
vie, et votre esprit pratique sera à la manœuvre. à voir avant tout le bon côté des choses et à trou- réaliser mais, bien au contraire, de vous organi-
Votre proverbiale efficacité n’étant plus à démon- ver des solutions à ce qui bloque avec une appa- ser pour vous donner toutes les chances de suc-
trer, il ne vous reste plus qu’à mettre au point la rente légèreté. Cependant, il s’agit d’un courant cès le moment venu. 2022 sera l’occasion de
bonne stratégie pour avancer sereinement. d’optimisme et de chance à ne pas sous-estimer. retrouver un bel équilibre sur le plan privé.

106 E L L E .FR
VELOUTÉ DE TOMATES ET MOZZARELLA CARBONARA AUX PETITS POIS

E L L E La cuisine sicilienne des Amis des Messina E L L E La cuisine sicilienne des Amis des Messina

PÂTES À LA TRAPANAISE GÂTEAU COURGETTE ET RICOTTA

E L L E La cuisine sicilienne des Amis des Messina E L L E La cuisine sicilienne des Amis des Messina
La cuisine sicilienne des Amis des Messina La cuisine sicilienne des Amis des Messina

CARBONARA AUX PETITS POIS VELOUTÉ DE TOMATES ET MOZZARELLA


« Le guanciale associé aux petits pois apporte un goût surprenant. » « Pour un bon velouté, respectez les saisons et choisissez les tomates
au cœur de l’été. »
Préparation : 30 mn 1. ÉPLUCHEZ et émincez le demi-oignon et faites-le
Cuisson : selon le temps suer dans une casserole. Ajoutez les petits pois, faites
indiqué sur le paquet Préparation : 15 mn 1. ENTAILLEZ les tomates sur le dessous et
revenir quelques minutes, recouvrez d’eau et salez. Cuisson : 2 mn
de pâtes plongez-les dans de l’eau bouillante pendant 2 mn.
Pour 4 personnes Laissez réduire jusqu’à ce que les petits pois soient Pour 2 personnes Laissez-les refroidir, puis retirez la peau.
cuits selon la texture que vous aimez.
1/2 oignon 4 tomates bien mûres 2. TAILLEZ les tomates en morceaux et mixez-les tout
2. TAILLEZ le guanciale en tranches de 0,5 cm, puis 2 cuil. à soupe d’huile
200 g de petits pois en versant l’huile d’olive, le sucre et un peu de sel, de
200 g de guanciale dei retaillez des lanières de la même largeur. Saisissez d’olive extra-vierge bio façon à obtenir un velouté.
Nebrodi (charcuterie à le guanciale dans une poêle antiadhésive avec un 1 cuil. à café de sucre
en poudre 3. VERSEZ le velouté dans des assiettes creuses.
la joue de porc) filet d’huile d’olive. Intégrez ensuite les petits pois et
Huile d’olive 2 boules de mozzarella Disposez une boule de mozzarella au centre.
éteignez le feu.
400 g de pâtes, type di bufala de 125 g Parsemez de quelques feuilles de basilic et de
3. FAITES CUIRE les pâtes dans de l’eau bouillante chacune
busiata ou spaghetti noisettes torréfiées, et poivrez. Avant de servir,
salée. Retirez-les très al dente afin qu’elles finissent de Basilic frais
4 jaunes d’œufs ajoutez quelques gouttes de citron.
Noix muscade cuire dans la sauce. Conservez l’eau de cuisson. 50 g de noisettes
100 g de pecorino frais 4. VERSEZ les pâtes dans la préparation, et faites torréfiées
râpé cuire à feu doux environ 3 mn. Si nécessaire, versez 1/2 citron
Sel, poivre un petit peu d’eau de cuisson des pâtes, puis éteignez Sel, poivre
le feu.
5. AJOUTEZ les jaunes d’œufs et un peu de muscade
râpée. Poivrez, incorporez le pecorino et mélangez.

LES FICHES -CUISINE E L L E LES FICHES -CUISINE E L L E

La cuisine sicilienne des Amis des Messina La cuisine sicilienne des Amis des Messina

GÂTEAU COURGETTE ET RICOTTA PÂTES À LA TRAPANAISE


« La légèreté de la courgette et la force de la ricotta me font penser « L’anchois donne un “goût de mer“, juste ce qu’il faut. »
à la cuisine de ma maman. »
Préparation : 30 mn 1. FAITES chauffer de l’eau salée pour la cuisson des
Préparation : 40 mn 1. PRÉPAREZ LA CRÈME. La veille, mélangez la ricotta Cuisson : selon le temps pâtes.
Cuisson : 30 mn avec le sucre et les graines de la gousse de vanille indiqué sur le paquet de 2. LAVEZ et taillez les courgettes sans les peler
Repos : 1 nuit + 2 à 3 h fendue et grattée. Réservez au frais. pâtes
Pour 6 à 8 personnes Pour 4 personnes en demi-rondelles très fines. Épluchez et taillez les
2. PRÉPAREZ LA PÂTE. Râpez les courgettes, puis gousses d’ail en fines lamelles.
mélangez-les avec 50 g de sucre et les graines de la 200 g de petites 3. FAITES chauffer la moitié de l’huile d’olive dans une
LA CRÈME
courgettes vertes
600 g de ricotta de gousse de vanille fendue et grattée. Laissez reposer grande poêle, mettez les courgettes et l’ail, et faites
2 gousses d’ail
vache 2 à 3 h à température ambiante. 10 cl d’huile d’olive dorer. Ajoutez ensuite les filets d’anchois taillés en 3
200 g de sucre en 3. BATTEZ, dans un saladier, le sucre restant avec 4 filets d’anchois ou 4 morceaux et éteignez le feu.
poudre
les œufs. Ajoutez la farine tamisée et le beurre à l’huile 4. FAITES CUIRE les pâtes, égouttez-les en réservant
1 gousse de vanille 400 g de pâtes busiata
préalablement fondu au bain-marie. Intégrez enfin la un peu d’eau de cuisson.
LA PÂTE levure et les courgettes. Mélangez. Le jus de 1/2 citron
5. AJOUTEZ les pâtes dans la préparation des
2 courgettes 50 g de poudre de
4. PRÉCHAUFFEZ le four à 180 °C. poutargue de mulet courgettes, puis l’eau de cuisson réservée, le jus de
200 g de sucre en
poudre 5. BEURREZ et farinez un moule à tarte. Versez-y la 100 g de poutargue citron, les grains de poivre écrasés et la poudre de
1 gousse de vanille pâte puis, à l’aide d’une cuillère à soupe, déposez de mulet poutargue. Mélangez quelques minutes à feu doux
3 œufs délicatement la crème, elle pénétrera au fur et à 1 cuil. à café de poivre pour bien lier l’ensemble.
200 g de farine + 10 g mesure. Enfournez pour 25 à 30 mn. Au moment de bien parfumé en grains 6. RÉPARTISSEZ les pâtes dans quatre assiettes.
pour le moule servir, décorez d’une feuille de basilic. Sel
Râpez de la poutargue de mulet sur chaque assiette
125 g de beurre + 10 g
pour le moule et arrosez du reste d’huile d’olive.
1 sachet de levure
Basilic frais

IGNAZIO MESSINA, initié très tôt à la cuisine par


sa grand-mère, est à la tête du restaurant Les Amis des
Messina, où il propose une cuisine sicilienne intime
et gourmande. Il vient de publier un livre de recettes, ELLE 3948
« Les Amis des Messina » (Éditions de La Martinière). Réalisation Ignazio Messina.
81, rue Réaumur, Paris-2e. lesamisdesmessina.com LES FICHES -CUISINE E L L E Photos Caroline Faccioli.
RCS 511 716 573

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