L Officiel Paris - 04 2019 Compressed

РЕЛИЗ ПОДГОТОВИЛА ГРУППА "What's News" VK.
COM/WSNWS
N° 1033 AVRIL 2019

WWW.LOFFICIEL.COM
Kiernan
Shipka
L’actrice
qui ensorcelle
Hollywood
THE NEW
POWER
GENERATION
ISSN 0030.0403 Kiernan Shipka en Fendi
РЕЛИЗ ПОДГОТОВИЛА ГРУППА "What's News" VK.COM/WSNWS
N° 1033 AVRIL 2019
WWW.LOFFICIEL.COM
Esther
McGregor
La force
est avec elle
THE NEW
POWER
GENERATION
Esther McGregor en Giorgio Armani ISSN 0030.0403
Photographie retouchée
#CHANELhandbagStories
Printemps/Été 2019
Adèle et Angèle
Marseille
no 1033 – avril 2019 Édito Cecil Beaton, le magnifique

page 20 page 38
Contributeurs Desert trip à Palm Springs

page 22 page 40
PRÉLUDE Cartier, un peu plus

près des étoiles
Anatomie d’un sac : page 42
le “Medium Kate” de Saint Laurent
page 24 News bijoux : mise en forme
page 44
Marina Rinaldi, le goût du défi
page 26 Tendance bijoux
page 45
Plan C, histoire de famille
page 28 Tendance montres
page 46
Tomo Koizumi, le fou du volant
page 30 Anatomie d’une montre :
la “Tambour Spin Time Air”
Retour aux sources de Louis Vuitton
page 32 page 47
Les fantômes de Laurie Anderson Anatomie d’un bijou : la bague

page 33 “B.zero1” de Bulgari
page 48
Pinko, une femme italienne
page 34 News bijoux : jardin secret
page 49
Weyes Blood, sang chaud
page 36
Photos Danny Lowe, Walter Pierre, Marine Billet, DR
PAGE 24
PAGE 30
10
MODE MAGAZINE
Kiernan Shipka Emplacement réservé

page 52 à Karl Lagerfeld
page 134
Esther McGregor
page 64 Peter Pan a encore frappé
page 140
Teddy Quinlivan
page 80 Gia Carangi, modèle déposé
page 148
Casual couture
page 92 Les nouveaux stratèges
de la mode digitale
Oslo Grace page 152
page 108
Miami stories au Surf Lodge
Haute joaillerie, page 156
the color of spring
page 126 BE WELL
Hit beauté :
la palette Shimmer Rush All‑Over
d’Yves Saint Laurent Beauté
page 160
Parfums, mythes et légendes

page 162
PAGE 108 Le spa du palace Es Saadi,

temple du bien-être à Marrakech
page 166
Intimissimi, douce
comme de la soie
page 168
oOumm, parfums de lumière

page 169
Train d’enfer à L’Usine Saint-Lazare

page 170
Nuriss, I’ve got you under my skin

page 171
Horoscope
page 175
Photos Danny Lowe, Rokas Darulis
Dernières volontés
page 176
PAGE 92
14
n° 1033 – avril 2019
Directrice de la publication et de la rédaction

Marie-José Susskind-Jalou
Rédactrice en chef mode Directeur de création Rédactrice en chef magazine

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Tél. 01 53 01 10 30 Iconographe Julien Roux
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Rédactrice parfum Joshua Glasgow Correspondante Rome
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ÉDITO
Par delphine valloire
L’icône rock Joan Jett affirmait dans les années 1980 : “Certains
m’appelleront une rebelle, mais j’ai juste l’impression de vivre ma
vie et de faire ce que je veux faire. Parfois, les gens appellent cela
de la rébellion, surtout lorsque vous êtes une femme.” Les étoiles
de demain de ce numéro se “rebellent” toutes à leur manière pour
avancer. Kiernan Shipka, actrice prodige dans “Mad Men” puis
sorcière féministe dans “Les Nouvelles aventures de Sabrina”,
passe la frontière de l’état d’enfant star à une carrière d’adulte.
Esther McGregor, fille du Jedi Ewan, va, elle, se battre contre
l’étiquette “fille de” pour faire ses preuves sur grand ou petit
écran. Du côté de la mode, Teddy Quinlivan, superbe mannequin
transgenre, a eu le courage de faire son coming out en 2017 et,
depuis, impose son allure hiératique sur les podiums. Tandis
que le modèle californien Oslo Grace revendique haut et fort son
genre non-binaire, ni homme ni femme. Des tops précurseurs de
la génération Z qui n’hésitent pas à braver les idées préconçues
pour imposer des beautés multiples, inclusives, sans limites.
© 2018 Harry Winston SA
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CANNES, 29 BOULEVARD DE LA CROISETTE, +33 4 20 10 07 66
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HARRYWINSTON.COM
L’OFFICIEL CONTRIBUTEURS
ROKAS DARULIS
Photographe
À 15 ans, Rokas Darulis
emprunte à son grand-père
un appareil photo. Le “mal”
était fait… De sa Lituanie
natale, ses voyages initia-
tiques le mènent ensuite à
1 Chicago, Dublin, avant un
crochet par Londres où il
décroche un bachelor of arts
ROBERTO JOHNSON en photo. Le jeune homme,
Styliste portraitiste de talent, assis-
Aujourd’hui installé à tera dans la foulée Ben Toms
New York, ce styliste origi- et Matt Irwin avant de se lan-
naire de La Ceiba, ville por- cer en solitaire pour The Last
tuaire du Honduras, exprime Magazine, Harper’s Bazaar et
son amour des atmosphères ES Magazine. Ruta, son pre-
chatoyantes : “Pour ma série mier film documentaire dédié
avec Esther McGregor, j’ai à la nageuse championne
voulu brosser un tableau ins- olympique Ruta Meilutytė,
piré de ma ville natale, de ses est ainsi sorti en salles l’an
couleurs vives, en l’associant dernier. (2)
à une vision et à un style très
urbains.” Parallèlement à ses WALTER PIERRE
2 travaux pour les magazines Photographe
W ou Paper, Roberto Johnson Metal Magazine, Odda,
travaille actuellement sur son Contributor…, la presse indé
premier “beau livre”, à quatre s’arrache ce photographe
mains avec le photographe à la patte brutaliste : “Pour
Evan Browning. (1) moi, rien ne traduit aussi
bien les images que j’ai dans
ma tête que la photographie
argentique. Elle dégage une
certaine intimité, un engage-
ment envers le sujet que j’ap-
précie.” En osmose avec la
nouvelle génération de créa-
teurs – surtout les disciples
de Phoebe Philo –, son œil
a capté le mystère Esther
McGregor en couverture de
ce numéro de L’Officiel. Ori-
ginaire d’Afrique du Sud,
Photos DR
3 Walter Pierre vit et œuvre à

Amsterdam. (3)
22
L’OFFICIEL ANATOMIE D’UN SAC
Le “Medium Kate” Chic versatile
de Saint Laurent Créé pour la collection

printemps-été 2019 par le
designer Anthony Vaccarello,
il a pour aîné le légendaire
La nouvelle version de cet accessoire sac “Kate”. Cet été, l’acces-
déjà icônique confère féminité soire prend donc de nouvelles
et sensualité aux looks boyish et allures, tantôt sobre et clas-
seventies signés Anthony Vaccarello. sique, tantôt pop et décalée.
Disponible dans deux tailles,
Par Léa TrichTer-ParienTe il est décliné dans différentes
Photographie Marine BiLLeT versions, notamment en cuir
métallisé, à motifs multico-
lores, effet vieilli, en velours
brodé de fil doré ou de patchs
étoilés.
Un accessoire magnétique
Porté à l’épaule, agrémenté
d’une chaîne gourmette, il
présente, avec ses initiales
YSL en métal, une élégance
vintage intemporelle. Il
s’insère ainsi parfaitement
dans l’esprit de la collection
printemps-été imaginée par
Anthony Vaccarello dont
chaque look est l’expression
d’une individualité affirmée et
dynamique qui mixe des élé-
ments de différentes époques.
Sophistiqué et androgyne
Brillant, velouté ou étoilé, il
est le prolongement direct de
cette collection qui twiste et
déride ce vestiaire grand soir
dont l’allure masculin-fémi-
nin est un hommage à Helmut
Newton.
Sac “medium kate” en Suède, Saint

laurent par anthony vaccarello.
24
meherkakalia.com
L’OFFICIEL MODE
Le goût du défi
La maison Marina Rinaldi s’impose
à travers plusieurs collections, celle
du printemps-été bien sûr, mais
aussi deux capsules, l’une signée de
leur égérie Ashley Graham, l’autre
du designer Fausto Puglisi. Focus.
Par Laure Ambroise
Depuis son lancement en trop sophistiquée. Cela ne l’a Lui a imaginé une série de
1980, Marina Rinaldi a relevé cependant pas empêchée de se robes, caftans et pantalons à
le défi d’habiller élégamment remettre en question en invi- motifs d’inspiration moyen-
les femmes “plus size”, une tant des créateurs à la revisiter. orientale (afin de célébrer
révolution dans l’histoire de la Ainsi, après Tsumori Chisato l’ouverture du concept-store
mode puisqu’aucune marque et Stella Jean, c’est au tour du Marina Rinaldi à Dubai) ; elle
ne s’y était essayée avant elle. designer italien Fausto Puglisi s’est laissée aller vers les seven-
Quatre décennies plus tard, et du mannequin américain ties avec des jeans taille haute
Ashley Graham la marque italienne est deve- et influenceuse Ashley Gra- au délavage super-disco, des
dans un look
nue la reine du genre avec des ham de proposer leur vision blazers à double boutonnage
Photo DR
de la collection
printemps-été de
Marina Rinaldi. collections élégantes sans être depuis plusieurs saisons. et des robes seconde peau.
26
L’OFFICIEL STYLE
Quel est votre premier est-ce que je le porterais ?

souvenir lié à la mode ? J’aime mixer des pièces de
Carolina Castiglioni : J’ai manière inattendue. Les
grandi au milieu des tissus modèles de cette collection
et des vêtements dans les sont assez loose mais on
bureaux de Ciwifurs et de peut les ceinturer pour les
Marni. Les moments les plus féminiser.
excitants étaient pour moi les Quelle est votre silhouette
coulisses des défilés. favorite ?
Comment vous est venue Mon look préféré est
l’idée de Plan C ? un tailleur veste-short en
Il y a un an, deux ans pied-de-poule.
après avoir quitté Marni, on Quel est l’esprit de cette
a commencé à en parler avec collection ?
mon père et mon frère. On Le mélange, des matières
s’est dit que c’était vraiment et surtout des couleurs. Cette
dommage de laisser tout confrontation crée une image
Histoire
notre savoir derrière nous. unique.
On a eu envie de réaliser Combien y a-t-il de pièces
de famille
quelque chose de nouveau dans cette collection ?
avec nos propres règles. Un Environ deux-cents. J’ai
business familial, responsable utilisé beaucoup de coton
et organique. japonais et italien.
Pour sa nouvelle griffe, Plan C, Avez-vous toujours rêvé Comment définiriez-vous
Carolina Castiglioni, la fille de d’être designer ? cette collection ?
Consuelo Castiglioni avec qui J’ai fait des études de Personnelle, indépendante
elle travaillait chez Marni, s’est business de mode à l’Institut et non-conventionnelle.
entourée de son père, Gianni, et Marangoni, mais je suis une
de son frère, Giovanni. Rencontre. créative dans l’âme. J’ai suivi
des cours d’art au lycée. Je
Par Léa TrichTer-ParienTe suis intéressée par le gra-
phisme, l’art, les motifs, les
couleurs…
C’est Via Visconti di Où avez-vous fait vos SES FAVORIS
Modrone à Milan, où l’ar- armes ? Jamais un été sans…
rière-grand-mère de Carolina J’ai travaillé treize ans un week-end à Formentera.
Castiglioni a lancé son com- pour Marni où j’ai fait beau- Jamais un hiver sans…
merce de fourrure, Ciwifurs, coup de choses différentes, skier.
au début des années 1960, du commercial à la vente Vos villes de prédilection ?
que grandit l’histoire de en passant par les projets Milan et Venise.
famille Plan C. Aux com- spéciaux. J’y ai aussi appris à Votre plat favori ?
mandes, Carolina a décidé réaliser une collection. Des pâtes à la tomate avec
de présenter deux collec- Qui vous a donné envie de beaucoup de basilic.
tions par an, comprenant du suivre cette direction ? Votre livre préféré ?
prêt-à-porter, des tricots et Ma mère m’a toujours “L’Artista” de Barbara
des accessoires. Silhouettes conseillé de suivre mon ins- A. Shapiro.
dépouillées et sculpturales tinct et de ne pas trop écouter Une chanson ?
mêlant matières innovantes, les autres. “Le storie vere” de Jovanotti.
volumes oversized et élé- Comment décririez-vous Votre film culte ?
ments masculin-féminin, l’ADN de Plan C ? “Marrakech Express”
cette première collection Cette marque est le reflet de Gabriele Salvatores.
Page de droite, printemps-été 2019 sera dis- de qui je suis. Lorsqu’on Le mouvement artistique
une silhouette
ponible sur My Theresa et au réalise un modèle, je me que vous préférez ?
Photo DR
de la collection
printemps-été de
Plan C. Bon Marché à Paris. pose simplement la question : Le dadaïsme.
28
L’OFFICIEL EN VUE
Le fou du volant sommes en janvier : Katie

lui propose de défiler en
février. Un coup de fil à Marc
Avec Tomo Koizumi, créateur Jacobs plus tard, d’autres au
japonais repéré par Katie Grand coiffeur Guido Palau, à la
et porté par Bella Hadid ou make-up artist Pat McGrath
Gwendoline Christie, la mode et quelques appels du pied
aurait‑elle trouvé son nouveau génie ? à Rowan Blanchard, Emily
Ratajkowski, Bella Hadid
Par Mathilde Berthier et Gwendoline Christie…
Le sort en est jeté : le défilé
aura lieu à la boutique Marc
Nuage de chantilly tutti Jacobs de Madison Avenue le
frutti, bourgeon de fleur 8 février. L’évènement, large-
électro : dans le monde de ment relayé par les invités sur
Koizumi, le ruché a remplacé les réseaux sociaux, triplera le
la crème fleurette, le volant nombre d’abonnés du compte
d’organza japonais, le pétale Instagram @ tomokoizumi,
de rose. Entre 50 à 80 mètres fera l’unanimité parmi la
de tissu sont nécessaires pour critique… et de l’œil aux
la création d’une silhouette. acheteurs prestigieux – dont
En moyenne, puisque la robe, Dover Street Market et
que dis-je, la pièce maîtresse Net-a-porter.
portée par Gwendoline Costumier de formation,
Christie lors du final du Tomo Koizumi a lancé
premier défilé de Koizumi, à sa marque en 2012 tout
New York en février dernier, en poursuivant ses activi-
compte 200 mètres d’organza tés dans l’entertainment à
rose bonbon, menthe à l’eau Tokyo. En 2016, il habillait
ou jaune poussin. On ne Lady Gaga d’une robe de
dissertera pas sur les heures ballet déstructurée (la diva a
de travail que celle-ci a souvent du nez). Son tra-
engendrées mais plutôt sur vail représente à merveille
la méticulosité de son savoir- le nouveau maximalisme,
faire : les bandes de volants cette mouvance – en opposi-
sont créées une à une à partir tion au monachisme formel
d’un nuancier de 400 colo- des années 2010 – qui avait
ris, avant d’être assemblées commencé à sourdre à
à la machine à coudre selon Londres, il y a deux, quand
le patron – plus ou moins Molly Goddard en met-
mégalo – choisi. tait plein les yeux avec ses
Onirique, opératique, robes en tulle pour raveuses
tendant manifestement vers naïves. Tendance qui s’était
la couture, le travail de Tomo affirmée avec les premières
Koizumi est révélé grâce au collections du virtuose de la
flair infaillible de la styliste Central Saint Martins Matty
Katie Grand. Celle-ci, aiguil- Bovan (lui-aussi un protégé
lonnée par son ami Giles de Katie Grand), et celles du
Deacon, a découvert le créa- Suisse adepte de l’upcycling
teur sur Instagram. L’évo- déluré Kevin Germanier.
lution éclair de Koizumi, Avec ces créateurs, Tomo
Page de droite,
le défilé Tomo vers des pièces toujours plus Koizumi partage le même
Koizumi
spectaculaires incite Grand souci de redéfinir par le
Photo DR
présenté à
New York en
février dernier. à doper le phénomène. Nous “pop” la femme conquérante.
30
L’OFFICIEL TENDANCE
Woodstock une caricature

d’elle-même, délocalisée à
Coachella et pétrie d’idéaux
capitalistes. Une mise au point
s’imposait donc. Bienvenue à
l’ère néo-hippie, soit l’apologie
d’une beatnik d’avant les
shorts en jean couture, les
Ray-Ban dorées et la cigarette
électronique. Cette fille-là est
insensible au bling et son style
s’en ressent : les matières sont
organiques, assemblées
artisanalement. Ainsi chez
Missoni, cet été, Angela
insiste sur l’idée de vêtement
en puissance plus qu’en acte,
voué à être une pièce unique :
poncho, combinaison,
chemisier sur sarouel…, les
formes épurées – voire
ascétiques – croisent des
imprimés géométriques
travaillés sur l’ensemble de la
silhouette. Chatoyante dans
l’austérité, l’allure évoque la
Germanopratine plus que la
Californienne, Loulou de la
Falaise plus qu’Alessandra
Ambrosio… Chez Chloé par
Natacha Ramsay-Levi,
Vetements ou encore Paco
Rabanne par Julien Dossena,
Une silhouette
du défilé Chloé cette attitude va au-delà de la
printemps-été
2019. référence nostalgique. Elle
signe une adhésion à des
idéaux bien d’aujourd’hui : la
Retour aux sources Nul doute que, dans la mode durable qu’on chine ici,
grande famille des idées fixes ailleurs, et souvent qu’on fait
de la mode, la baba cool des main. La totale liberté de
années 1960/70 tient la pole mouvements – littérale et
Son cœur balance entre Woodstock position : on ne s’en lasse pas. imagée – d’une fille qui
et la Rive Gauche. Aussi bien De la pâquerette, du patte quitterait bien la ville pour la
arty qu’organique, la baba cool d’éph’, des lunettes mouche campagne. Rurbaine, donc,
Photo Marcio Madeira
2019 est-elle nouvelle au point sur fond d’idéaux peace & insoumise à la surenchère de
de mériter la particule “néo” ? love… Ces cinquante tendances… Cette néo-hippie
dernières années auront fait aurait, enfin, recouvré sa
Par Mathilde Berthier de la festivalière de dimension engagée.
32
CINÉMA L’OFFICIEL
Les fantômes O Superman. Une “voix de la airs ou les nouvelles menaces

conscience” pour elle. De fait, terroristes. Elle convie à ce flot
de Laurie tout est incroyablement person- de pensées en vrac ses albums

nel dans le journal intime filmé de famille, une vidéo très lol de
Heart of a Dog avec, la plupart la petite Lolabelle qui joue du
du temps, une caméra elle- piano, Julian Schnabel, Goya,
Dans “Heart of a Dog”, Laurie même subjective, à hauteur de le philosophe Wittgenstein,
Anderson rend un vibrant hommage chien, près du bitume new-yor- les pyramides d’Égypte ou
à ses bien-aimés disparus : son mari kais ou dans les hautes herbes encore son ami l’artiste améri-
Lou Reed et sa chienne Lolabelle. de la côte ouest. Pionnière de la cain Gordon Matta-Clark qui
musique électronique, Laurie coupait les maisons en deux.
Par Virginie Beaulieu Anderson, musicienne/compo- Plus qu’au bouddhisme, c’est
sitrice/artiste multimédia/poète/ au chamanisme qu’on songe
activiste, a été la compagne de ici : cette pratique qui permet
La voix off hypnotique fait Lou Reed depuis 1992 jusqu’à d’accompagner les âmes des
défiler les souvenirs comme sa mort en 2013 ; elle vient tout morts et de communiquer avec
des rêves, parfois un peu flous, juste de remporter un Grammy les esprits de la nature par le
parfois nimbés de pluie ou de pour son album Landfall. moyen de rêves ou de visions.
neige. Le premier souvenir, La petite musique qu’elle En tant qu’artiste et surtout en
dessiné, est d’ailleurs celui compose ici tourne autour de tant que poète, Laurie Ander-
d’un cauchemar de Laurie sa chienne adorée Lolabelle son fait le lien entre tous ces
Anderson où elle “accouche” mais aussi, en filigrane, sur la esprits flottants avec amour.
de sa chienne Lolabelle. C’est disparition de Lou Reed, qui Elle cite d’ailleurs comme ins-
mignon et touchant, puis légè- apparaît dans une séquence piration la phrase de l’écrivain
rement inquiétant avant d’être fugace de bonheur sur une disparu David Foster Wallace :
carrément angoissant. Pour plage. Laurie Anderson, “Chaque histoire d’amour est
raconter cela, la musicienne et bouddhiste, explique le bardo, une histoire entre fantômes.”
artiste d’avant-garde utilise son sorte de limbes décrites dans Dans ces ombres, elle trouve
fameux voice filter, une voix Le Livre tibétain des morts, mais une lumière universelle.
déformée électroniquement, partage aussi ses pensées sur
avec un léger écho qui a fait les images mentales, le cloud,
Photo DR
“Heart of a Dog”, de Laurie Ander-

le succès en 1981 de son tube les datas qui flottent dans les son, en salles le 27 mars.
33
Une femme Pinko s’est toujours entourée de

noms nouveaux, de
italienne personnalités, d’esprits

indépendants comme
Alessandro dell’Acqua, Mark
Fast (jeune créateur anglais),
Fondée à la fin des années 1980 par Alessandra Facchinetti
le couple Pietro Negra et Cristina (Valentino, Gucci), Anna Dello
Rubini, Pinko est devenue une Russo (icône mode) ou Viviana
marque engagée auprès des femmes Volpicella (styliste et
et de l’environnement. Rencontre consultante) pour ne citer
avec sa directrice artistique, qu’eux, maîtrisant la notion de
Caterina Negra, fille des fondateurs, produit allié à la créativité. Je
à qui l’on doit cette évolution. suis la directrice artistique de la
marque depuis 2011.
Par Laure ambroise Quel a été votre parcours ? Si vous deviez décrire Pinko
Caterina Negra : Après mon en quelques mots, lesquels
diplôme au Liceo Artistico de seraient-ils ?
Ci-dessus, des
looks de la Parme, je suis entrée dans Rock, sensuel, sophistiqué et
collaboration
entre Pinko et l’entreprise familiale, qui a contemporain.
Stella Jean.
Le portrait de toujours été ma deuxième Le point de départ de votre
Caterina Negra.
Page de droite, maison, en commençant par le collection printemps-été ?
de haut en bas,
backstage du département marketing. Après Nous voulions célébrer le
défilé Pinko
printemps- deux ans, je suis passée au courage et l’indépendance
été 2019.
Jerry Hall et merchandising, puis au style où des femmes d’aujourd’hui.
Mick Jagger à la
Barbade en 1987. j’ai vécu une expérience unique. Le résultat est un hommage
STYLE L’OFFICIEL
à leur esprit éclectique et culturelles. Finalement, la seule

dynamique, qui a également règle est peut-être de ne pas en
inspiré la collection très avoir.
urbaine et sensuelle. Avec, par Le top Martha Hunt est
exemple, le costume masculin, l’égérie de votre nouvelle
uniforme quotidien de notre campagne, parlez-nous de
safari urbain emprunt d’un cette rencontre…
esprit seventies rock’n’roll. La personnalité de Martha
Nous avons aussi revisité est en adéquation avec les
la féminité audacieuse des valeurs de la nouvelle
années 1980 avec des imprimés collection : féminine, sensuelle,
asymétriques. Les pièces inattendue, confiante et tournée
phares de cette collection vers l’avenir. Cette saison, nous
sont les vestes de smoking, avons imaginé une garde-robe
les robes fourreau, les jupes éclectique et sophistiquée, faite
portefeuilles brodées de de vêtements à porter avec
sequins et les robes de bal, aisance et à mélanger avec
une ode à l’élégance et la joie audace, destinée à une femme
de vivre de la femme Pinko. élégante et spontanée, tout
Que peut-on voir sur votre comme Martha.
moodboard ? Qui est la femme Pinko ?
Des photos iconiques, des Elle est à l’image de son
coupures de journaux, des temps : engagée, informée,
images de voyage et de nature, curieuse, intelligente, ironique,
toutes sortes d’échantillons. Je consciente et confiante,
garde tout ce qui attire mon profondément libre. Elle est
attention et m’inspire pour indépendante et confiante mais
raconter une nouvelle histoire ne craint pas de montrer ses
chaque saison. émotions.
Si vous déviez choisir la pièce Quels sont vos projets et
mode qui définit Pinko, collaborations dans un futur
laquelle serait-elle ? proche ?
La combinaison. C’est un Au cours de la fashion week
vêtement polyvalent qui allie les automne-hiver 2019/20, nous
styles urbain et sportif. avons présenté notre
Qui est la muse de cette collaboration avec la créatrice
collection et pourquoi ? Stella Jean baptisée
Jerry Hall pour sa beauté, #StellaJeanPINKOtreedom.
son style et sa personnalité, une Cette capsule composée de cinq
icône du glamour rock. T-shirts s’inscrit dans notre
Quel est votre monde partenariat à long terme avec
créatif ? l’association Treedom et célèbre
Ce que je préfère dans mon les solutions de durabilité
travail, c’est de pouvoir raconter environnementale et sociale qui
de nouvelles histoires, saison nous sont chères. Par exemple,
après saison. Mon monde avec Treedom, nous nous
Photos Georges De Keerle/Getty Images, DR
créatif est en constante sommes engagés à créer Pinko

évolution. Je n’ai pas de Forest au Kenya, une plantation
références récurrentes. L’unité d’environ dix mille arbres
des collections vient des valeurs fruitiers. Ce grand poumon vert
de la marque auxquelles nous sera confié aux populations
croyons. Nous vivons dans un locales pour le protéger, le
monde où se mélangent des cultiver, et il servira à nourrir
références stylistiques et la communauté.
35
Photo Brett Stanley

MUSIQUE L’OFFICIEL
Sang chaud de Titanic Rising, le message

de Natalie est aussi intime que
n’est pas une activiste, juste
une jeune femme consciente
politisé. D’abord parce qu’elle des enjeux de son temps. Y
Mélodiste surdouée, féministe évoque ses histoires d’amour compris le féminisme. Après
affirmée, artiste concernée par avec une sincérité sans fards les années lycée, Natalie a
l’environnement… Avec son qui convoque l’écriture d’une navigué de groupes en groupes,
quatrième album, “Titanic Rising”, autre grande songwriteuse, entre Portland et Los Angeles,
Natalie Mering, alias Weyes Blood, Joni Mitchell. “J’ai toujours où elle vit désormais, et a fait
confirme son prodigieux talent. voulu faire un album plus grand ses armes sur d’innombrables
que mes ressentis car j’ai ten- scènes. Très vite, elle a compris
Par Sophie RoSemont dance à avoir des sentiments qu’elle devait s’imposer, surtout
intenses pour le monde entier, dans une industrie majoritai-
sourit-elle. Écrire me permet de rement masculine. “J’ai dû en
Cardigan en mohair rose, canaliser mes peurs existentielles.” surmonter des traumas et des
pantalon jaune poussin, longs Lorsqu’on lui demande si elle doutes, confie-t-elle. Lors de
cheveux bruns et lisses, visage a déjà essayé la psychanalyse, ma première tournée, un mec de
de poupée énigmatique : Nata- elle répond malicieusement : mon équipe, que je pensais être un
lie Mering ne laisse personne “J’ai vu des thérapeutes mais je ami, m’a harcelée pour coucher
indifférent. Au même titre que n’ai jamais été analysée. Je serais avec moi. Il me répétait que si je
sa pop indie à l’aura quasi litur- très curieuse de le faire, car j’ai ne cédais pas, ce serait la ‘tour-
gique. C’est pour cette raison des rêves un peu fous.” Ceux-ci née de l’enfer’ ! Mon père était si
qu’à Paris, en ce jour où elle doivent se retrouver dans ses respectueux des femmes que j’ai
passe en coup de vent pour par- chansons à l’ambiance oni- abordé ma vie professionnelle avec
ler de son nouvel album, toutes rique, néanmoins habitées par une naïveté qui m’a joué bien
les demandes d’interviews n’ont son regard de trentenaire sur des tours. Depuis, je suis mieux
pu être satisfaites. L’heure de le monde à la fois euphorisant entourée et, surtout, je repère plus
la consécration semble enfin par ses constantes évolutions, vite les machos abusifs, quitte à
être arrivée pour Weyes Blood. et terrifiant par son processus ce qu’ils fassent courir le bruit
Née il y a 31 ans en Cali- de décomposition écologique : que je suis une ‘crazy bitch’ !”
fornie, Natalie grandit en “D’après moi, l’être humain a Comme Los Angeles abritait
Pennsylvanie au son de la une capacité de survie dans des jadis des cercles d’amis for-
musique religieuse qu’écoutent circonstances extrêmes, épidémies més par Linda Ronstadt, Neil
ses parents. Tous deux appar- de peste ou guerres mondiales, et Young, Joni Mitchell, Frank
tiennent au courant Born peut réussir à retrouver le sourire. Zappa ou Graham Nash, Nata-
Again Christians, et encou- Si j’ai un jour des enfants, leur lie évolue aujourd’hui dans une
ragent leur fille à chanter dans environnement sera tellement… galaxie californienne où gra-
les chorales. L’adolescence atomique !” D’ailleurs, si Natalie vitent Jonathan Wilson, Dru-
venue, elle enregistre ses a baptisé son disque Titanic gdealer, Ariel Pink ou encore
premiers morceaux et choisit Rising, c’est non seulement Foxygen – dont le cofondateur,
un nom de scène en référence en référence au film de James Jonathan Rado, a produit Tita-
au titre d’un des romans de Cameron qui l’enchantait nic Rising. Et si elle n’avait pas
l’écrivaine sudiste Flannery petite, mais également parce été musicienne ? “J’aurais sans
O’Connor, Wise Blood. Parce qu’elle voit dans ce célèbre doute choisi un métier bizarre,
qu’en plus d’être multi-instru- naufrage un parallèle avec réalisatrice ou biologiste marine,
mentiste, Natalie s’intéresse notre situation actuelle. “C’est pour passer ma vie à nettoyer les
à peu près à tout. Au théâtre tellement ironique qu’un Titanic océans.” Nous, on la préfère
absurde, à l’art expérimental ou ait été anéanti par un iceberg, sur terre, Natalie, même si sa
à la peinture, qu’elle considère et que nous fassions aujourd’hui voix nous transporte aussi bien
comme “l’alter ego de la musique fondre la calotte glaciaire… dans les contrées célestes qu’au
car elle peut être abstraite ou Dans les deux cas, ce sont les fond des eaux profondes.
impressionniste et parfois mélange plus pauvres d’entre nous qui
tout en même temps”. Au-delà seront submergés par les eaux.” “TiTanic Rising”, de Weyes Blood,
des grandes envolées lyriques Qu’on ne se méprenne pas (suB PoP). en conceRT le 2 mai à
et de l’orchestration luxuriante cependant : Natalie Mering la maRoquineRie, à PaRis.
37
L’OFFICIEL CULTURE
Le magnifique Porté par une dévotion pro- au légendaire et décadent

fonde pour la beauté telle qu’il groupe des Bright Young
la fantasmait, Cecil Beaton s’est Things aux côtés de Stephen
Photographe mais aussi écrivain, tracé une vie de rêve et symbo- Tennant (l’oncle de Stella).
peintre, designer et même reporter, lise aujourd’hui l’esthète queer Après un vrai succès en tant
Cecil Beaton marque le xxe siècle à l’anglaise, quelque part entre que photographe de mode,
par son esthétique fascinante, Oscar Wilde et Boy George. Il Hollywood devient son terrain
tout en exauçant (presque) a immortalisé avec brio tout ce de jeu dans les années 1930
tous ses rêves les plus fous. que le siècle a compté comme jusqu’à ce qu’un dessin avec
superstars : de Gary Cooper une annotation antisémite
Par Virginie Beaulieu à Marilyn Monroe en passant lui ferme toutes les portes en
par Coco Chanel, Marlene 1938 : une bêtise inacceptable
Dietrich ou Marlon Brando, qui tient aussi de l’acte man-
jusqu’à Greta Garbo dont il qué autodestructeur. Beaton
tomba follement amoureux se rachète avec fougue en
malgré son inclination indubi- tant que reporter de guerre
table pour des hommes charis- dès 1939 : son incroyable
matiques qui, eux, l’aimaient portrait d’une petite fille
peu en retour. On lui doit aussi avec un bandage sur la tête
Audrey Hepburn sublimée serrant son ours en peluche
en Eliza Doolittle dans My pendant le Blitz de Londres,
Fair Lady : sa direction artis- réalisé pour Life, aurait aidé à
tique (costumes et décors) a l’entrée des États-Unis dans
fait du film de George Cukor, la guerre aux côtés des alliés.
en 1964, un classique. Viennent ensuite les
Après s’être penchée sur années Buckingham
Diana Vreeland et Peggy Palace – il devient le portrai-
Guggenheim, la réalisatrice tiste attitré d’Élisabeth II et
Lisa Immordino Vreeland de sa famille – puis c’est le
trouve donc un autre “bon Swinging London qui l’ins-
client” avec Beaton, et réussit pire (il shoote même Mick
dans le documentaire “Love, Jagger), avec cette nouvelle
Cecil” à raconter cette vie vague dont il est l’idole
avec un montage très fluide, (comme le prouve le docu-
des archives fantastiques, une mentaire de David Bailey
voix off de Rupert Everett de 1971, Beaton by Bailey).
Photos Cecil Beaton/Condé Nast via Getty Images, Hulton-Deutsch Collection/Corbis via Getty Images
(un choix plus que parfait !) Lisa Immordino Vreeland
et un défilé de personnalités peine tout de même à rendre
qui témoignent de leur adora- son sujet sympathique mal-
tion pour cet artiste atypique : gré les drames amoureux
Manolo Blahnik, Hamish qui ont obscurci sa vie, sans
Bowles bien sûr, Penelope Tree doute à cause de cette réserve
et le peintre David Hockney. si anglaise dont fait preuve
Ces archives nous cette “old queen”, selon le
emmènent de son enfance au mot de Hockney. Reste le
sein d’une petite bourgeoisie mystère de la fameuse touche
anglaise qui le frustre – lui qui Beaton, du style de ce dandy
aurait voulu naître dans une hors pair qui a transcendé
caste d’aristocrates excen- le réel à coups de jeux de
triques – à ses études à Cam- lumière et de robes de rêves.
bridge où il zappe les cours
pour éblouir son public au club “Love, Cecil”, un documentaire
de théâtre par ses costumes et de Lisa Immordino Vreeland.
ses décors avant de s’intégrer Sortie le 27 mars.
38
Sir Cecil Beaton

arborant un de
ses costumes
pour le théâtre,
dans les
années 1930.
Page de gauche,
le mannequin
Andrea Johnson
par Beaton,
pour le “Vogue”
américain
en 1945.
L’OFFICIEL ART
À l’ère de l’activisme paysage – champ d’éoliennes,

culturel et de la diversité dans mer agonisante de Salton –
le monde des arts, l’intré- en animations oniriques
pide équipe de commissaires sur l’écran. L’objectif : éli-
d’exposition a choisi des miner toute trace humaine
artistes mixtes et engagés. Le sur l’environnement à l’ère
directeur artistique Neville de la crise climatique.
Wakefield, connu pour ses “Des pancartes de Cara
projets avec Calvin Klein, Romero au Western Flag de
Nike et la biennale Eleva- John Gerrard en passant par
tion 1049 à Gstaad, a opté l’installation de Superflex, qui
pour des œuvres radicales, expose les problèmes de réchauf-
en fusion avec l’environne- fement climatique et de l’éven-
Desert trip
ment. Ses collègues, les jeunes tuelle submersion du désert, les
Amanda Hunt, Matthew problèmes de l’environnement
Schum et Jenny Gil, ont fait sont omniprésents dans cette
appel à de jeunes artistes d’un biennale, explique Wakefield.
Dans le désert de Coachella, peu partout pour créer des Mais c’est Nancy Baker Cahill,
dressées entre les oasis et la installations in situ sur une avec son expérience AR/VR, qui
mer artificielle de Salton, les zone de plus de 85 kilomètres. aborde le plus clairement l’idée
installations de la biennale “Le land art des années 1960 de l’art sans trace. Comme les
Desert X entraînent les visiteurs et 70 reposait sur les idées de ‘hyperobjets’ de Timothy Mor-
dans une aventure esthétique destins singuliers, explique ton, les installations sont vastes,
et historique en plein soleil. Wakefield. On fétichisait ce qui impossibles à saisir. Elles sont à
était unique et isolé, les œuvres la fois virtuelles et immuables.
Par Shirine Saad étaient exécutées surtout par Ce sont des expériences qui
des hommes blancs d’âge moyen appartiennent à la terre sans
qui, grâce à des outils colossaux, forcer son occupation.”
Ce fut jadis la terre des marquaient la surface de la terre Si certaines œuvres incitent
Indiens Cahuilla. À l’âge comme on trace un territoire. à la réflexion, à la méditation,
d’or de Hollywood, le désert Un demi-siècle plus tard, on d’autres, candides, invitent au
de Coachella, à moins de est davantage conscients de jeu. Lover’s Rainbow, l’arc-en-
deux heures de Los Angeles, l’histoire ancienne des terres ciel en acier de la jeune Mexi-
se transforme en villégia- indigènes et des colonisateurs caine Pia Camil, est une ode
ture scintillante pour les qui volèrent ces territoires joyeuse aux liens multicultu-
stars. L’on y érige maisons pour le réinvestir. Desert X rels, un affront à la politique
modernistes et palmeraies imagine ce que le land art et au mur de Donald Trump.
majestueuses ; une économie pourrait devenir aujourd’hui Le tout aussi jeune artiste
touristique se développe. en réaction à l’exploitation colombien Ivan Argote a
Avec le lancement du festival culturelle, sociale et minérale.” sculpté une série d’escaliers en
Coachella, l’ouverture de l’Ace Au bord d’une auto- béton qui donnent sur la mer
Hotel et de plusieurs adresses route, l’énorme monolithe artificielle de Salton, évoquant
festives ceintes par les arides orange fluo du sculpteur les structures pyramidales des
montagnes, une nouvelle Sterling Ruby émerge d’une civilisations précolombiennes.
faune, plus jeune, redécouvre dune, comme tombé du ciel Sur un réservoir d’eau aban-
Palm Springs et ses étranges (en photo). Plus loin, une série donné non loin, le peintre
paysages. La deuxième édi- d’images de l’artiste indigène Armando Lerma a imprimé
tion de la biennale Desert X, Cara Romero immortalise les d’énormes hiéroglyphes aux
juste avant le festival de Indiens de la région. Nancy couleurs vives : un singe, un
Photo Lance Gerber/Desert X
musique, invite dix-neuf Baker Cahill a imaginé une loup, un coquillage et autres
artistes à imaginer des ins- incroyable application AR/ figures mythiques des peuples
tallations de land art, entre VR (réalité augmentée/réa- originels de l’Amérique.
la Salton Sea et la réserve lité virtuelle) qui transforme
naturelle de Whitewater. les éléments symboliques du www.desertx.org
40
“Specter” (2019),
l’installation de
Sterling Ruby
pour Desert X.
L’OFFICIEL JOAILLERIE
A priori, sur le papier, il et numérotée. Une collection

n’y a aucun point commun expérimentale, dans tous
entre un collier “tutti frutti”, les sens du terme, divisée
un bracelet “panthère”, une en quatre univers créatifs
broche Art déco et une bague reliés à l’espace. Le cosmos,
“clou”. Sur le papier seule- un territoire inexploré par le
ment. Car un bijou Cartier, joaillier. Ici, ce qui compte,
quelle que soit la fantaisie ce n’est visiblement pas la
de sa forme, quel que soit destination à atteindre, mais
Un peu plus le prisme de couleurs qu’il le voyage à parcourir. Fût-il

réfracte, quelle que soit la thé- intérieur. L’alignement des
près des étoiles matique qui anime sa concep- planètes est figuré par une
tion, ou l’audace qui préside rotation joaillière de perles
à sa conception, il est immé- de Tahiti dont les nuances
diatement reconnaissable. moirées, les couleurs vert
L’esprit pionnier du plus célèbre Par tous. Un rapide coup bronze, les teintes aile de
joaillier du monde se manifeste d’œil sur l’histoire du joaillier mouche s’épanouissent à
dans “Les Galaxies de Cartier”, une montre que celui-ci ne s’est travers le design sculptural
nouvelle collection surprenante et rien interdit. Cela ne signi- de deux bracelets-cages en or
hypnotique qui explore le cosmos. fie pas que Cartier s’est tout gris. Des diamants, montés
autorisé : l’imposant volume en serti vibrant et ostensible-
Par Hervé Dewintre de dessins (pourtant remar- ment détournés de leur rôle
Photographie julien roux quables) rejetés en son temps traditionnel, scintillent dans
par Pierre Cartier le prouve. un dôme évidé de cristal de
Mais enfin, reconnaissons roche reposant sur un socle
tout de même que l’imaginaire en métaquartzite. L’ensemble
Cartier ne se résume pas si est une métaphore de la
facilement. Alors comment, théorie de la relativité qui
dans ces conditions, réussir à rechercherait son Big Bang
définir un style si universel- sur une bague ou un bracelet.
lement reconnaissable ? Pour Un bracelet et un pendentif
Pierre Rainero, la réponse aux volumes démesurés déve-
est pourtant simple : “Le loppent des sensations iné-
style Cartier est un langage.” dites, aussi bien visuelles que
Pour éclairer cette singulière tactiles – mais aussi sonores –
assertion, le directeur image, en représentant la Terre vue
style et patrimoine du joaillier depuis la nuit spatiale par
précise : “Le langage, c’est la le biais d’une hypersphère
capacité de raconter des histoires constellée d’une myriade de
comprises par tous, quels que points multicolores : montés
soient l’humeur, la culture et sur rail, disposés en chute,
l’environnement des uns ou des frémissant lors de leur dépla-
autres. Le style Cartier est un cement, les saphirs jaunes
langage d’autant plus admirable et bleus, les opales de feu et
qu’il évolue avec son temps et les les diamants élargissent ici
modes de vie, grâce à l’éten- le champ vibratoire du bijou.
due d’un vocabulaire toujours “Le plaisir que nous donne un
enrichi et la force d’une gram- artiste, écrivait Proust, est de
maire solidement établie.” Une nous faire découvrir un univers
langue vivante. de plus.” Il est bien là le secret
“Les Galaxies de Cartier”, du style, du goût Cartier : ce
c’est le nom d’une nouvelle n’est pas une technique ni
collection de pièces de joail- même un enjolivement, c’est
lerie éditée en série limitée une qualité de vision.
42
Bracelet en or
jaune, diamants,
saphirs jaunes,
saphirs bleus et
opales de feu,
collection “Les
Galaxies de
Cartier”, Cartier.
L’OFFICIEL NEWS BIJOUX
Mise en forme
Goût du dépouillement, soif de
verticalité, la joaillerie assigne
à ses créations l’esthétisme de
la radicalité pour imaginer
des bijoux géométriques au
caractère bien trempé.
Par hervé dewintre
Belle Africa
Gaia Repossi affi rme
dans sa nouvelle collection
“Blast” la constance de ses
engouements. Inspirée des
bijoux tribaux africains et de
leurs empilements caractéris-
Photos DR
tiques, la créatrice conjugue
accumulation de diamants 1
flottants (sa signature) et
travail de la matière pure.
Graphique et raffi né. (1)
Vers l’infi ni et au-delà

Coup de cœur pour les
joyaux de la créatrice londo-
nienne Jo Hayes Ward qui
sublime son obsession pour
l’infi niment grand et l’infi ni-
ment petit le long des lignes
claires de ses bijoux archi-
tecturaux, dont la beauté se
révèle pleinement une fois
qu’ils sont portés. (2)
Bonheur à l’état brut 2

Repérée par le Bon Marché,
la marque de joaillerie
américaine créée par
Michal Kadar séduit par la
vitalité de ses propositions
créatives où percent
minimalisme spirituel et
réminiscence de l’art japonais.
Le tout exalté par la parfaite
harmonie des proportions,
par la vigueur de l’exécution
(les ateliers sont new-yorkais
et italiens) et par le choix
judicieux de l’or jaune. À
suivre de très près. (3) 3
44
BIJOUX L’OFFICIEL
En solitaire
Il y a un temps où il est bon
de se recentrer sur l’essentiel,
l’intemporel, l’unique.
Réalisation emily minchella
2
1. DE BEERS
Bague en platine et 1
diamant taille émeraude.
2. PIAGET
Bague “Passion solitaire”
en platine serti de
diamants taille brillant.
3. REPOSSI
Bague “Serti sur vide 3
module” en or blanc
et diamants, solitaire
taille poire.
4. DAVID MORRIS
Bague en or blanc serti
de diamants blancs taille
brillant, et d’un diamant
blanc taille émeraude.
5. HARRY WINSTON
Bague “Classique
Winston” en platine 4 5
serti de diamants taille
baguette et d’un diamant
taille émeraude.
6. TIFFANY & CO.

Bague “Tiffany True”
en platine serti d’un
diamant.
7. MESSIKA 6
de diamants et d’un
diamant taille poire.
8. CHOPARD
de diamants et d’un
diamant taille poire.
Photos DR
7
45
L’OFFICIEL HORLOGERIE
All black 1. BULGARI 5. AUDEMARS

Montre “Bvlgari PIGUET
Bvlgari”, boîtier Montre “Royal Oak
Radicalité chromatique pour en acier, bracelet tourbillon extra-Plat”,
ces montres qui conjuguent en caoutchouc. boîte en céramique,
élégance et performance. cadran à motif
2. CHANEL “Tapisserie évolutive”,
Réalisation Emily Minchella HORLOGERIE bracelet en
Montre “Monsieur céramique.
édition noire”,
boîtier et cadran en 6. LOUIS VUITTON
céramique, bracelet Montre “Tambour
en alligator. Édition All Black” petite
limitée à 55 pièces. seconde, boîte en
acier inoxydable avec
3. OMEGA revêtement PVD,
1
Montre “Speedmaster bracelet en alligator.
Dark Side of the Moon
Black”, boîtier en 7. JAQUET DROZ
céramique, bracelet Montre “Grande
en nylon. seconde Off-Centered
Onyx”, boîte en acier,
4. CARTIER cadran en onyx,
Montre “Ballon bleu” bracelet en alligator.
en acier, bracelet
en cuir. 8. HUBLOT
Montre “Classic
Fusion Tourbillon
2 3
Orlinski”, boîtier
et lunette en
céramique, bracelet
en caoutchouc.
4 5
6 7 8
Photos DR
46
ANATOMIE D’UNE MONTRE L’OFFICIEL
prouvait avec le calibre exclu-

sif “Spin Time” l’excellence
de son savoir-faire et la perti-
nence de sa signature.
Déclic
Michel Navas est l’un des
meilleurs spécialistes des
complications horlogères. Ce
virtuose de l’horlogerie déve-
loppe sa vision et dispense son
talent au cœur de la Fabrique
du Temps – la manufacture
de Louis Vuitton dressée dans
le canton de Genève. C’est lui
qui imagina le mouvement
“Spin Time” : “Je voulais une
lecture du temps totalement
nouvelle, en phase avec l’art du
mouvement de la maison.” Le
succès de la première “Tam-
bour Spin Time GMT” fut
éclatant. Il n’a pas été démenti
depuis.
Savoir-faire
Constituée de sept
modèles – dont quatre fémi-
nins –, la nouvelle collection,
baptisée “Tambour Spin
Time Air”, met en lumière
un calibre délicieusement
aérien (d’où son nom) qui
semble faire léviter les cubes
dédiés à l’affichage des
La “Tambour heures. La face cachée de ces

satellites espiègles, ainsi que
Spin Time Air” la masse oscillante appa-

raissent par transparence
de Louis Vuitton Mythe

au verso de ce garde-temps
conçu comme un concentré
C’était en 2009. Louis de plaisir.
Vuitton confondait d’admi-
Plus aérien que jamais, le calibre ration les puristes du cénacle Montre “Tambour Spin Time Air”,
“Spin Time” continue de créer horloger avec la présentation boîte en or blanc avec cornes
la surprise dix ans après son d’une complication pleine serties de diamants, mouvement
apparition, et achève de placer de panache et d’esprit : des mécanique à remontage
La Fabrique du Temps de la maison heures sautantes matérialisées automatique, cadran avec fleurs
française au premier plan des par douze petits cubes rota- de Monogram en laque et serti
manufactures horlogères. tifs. Toutes les 60 minutes, neige de diamants blancs et
de façon instantanée, deux noirs, bracelet en taurillon,
Par Hervé Dewintre d’entre eux tournaient sur boucle ardillon en or blanc,
Photographie julien roux eux-mêmes. La maison Louis Vuitton.
47
L’OFFICIEL ANATOMIE D’UN BIJOU
La bague “B.zero1” Mythe
de Bulgari Le dessein de tout grand

joaillier est d’imaginer un
bijou qui raconte son histoire,
et d’y graver sa philosophie
Pour célébrer avec éclat le de manière irréfutable et
20e anniversaire de sa collection universelle. Bulgari a atteint
inspirée du Colisée, le joaillier ce Graal en 1999 avec la créa-
italien réédite la bague originelle tion de la bague “B.zero1”
à cinq bandes et imagine de qui capture l’essence de l’art
nouveaux bracelets redessinés de vivre romain en injectant
pour un port plus léger. la géométrie fluide du Coli-
sée dans les spirales singu-
Par Hervé Dewintre lières de ce bijou au design
Photographie julien roux saisissant.
Origine
Pour imprimer sa signa-
ture tout en s’affranchissant
des conventions, Bulgari a
conjugué savoir-faire inédit et
figure mythique. Créée dans
les années 1960, la fameuse
technique “Tubogas” – qui
évoque les conduites de gaz
– développe ici ses spirales
généreuses et charnues avec
un cœur cylindrique creux
pour constituer un bijou de
caractère, plein de force et de
sensualité.
Savoir-faire
Pour cette collection
anniversaire, les longs rubans
d’or de la spirale “B.zero1”
s’enroulent et s’imbriquent
sans soudure pour former
cinq bandes couronnées, en
haut et en bas de la bague,
d’anneaux plats ornés du
logo bvlgari bvlgari. Ce
logo se détache également sur
de voluptueux bracelets à la
structure fine qui facilite les
empilements. Un “xx Anni-
versary” gravé sur l’anneau
intérieur des bagues cinq
bandes rappelle qu’il s’agit ici
d’articles de collection.
NEWS BIJOUX L’OFFICIEL
Jardin secret
1
Corolles endiamantées, baies

précieuses, fleurs scintillantes :
la joaillerie cultive son amour
de la flore à travers des bijoux
bucoliques chatoyants.
Par hervé dewintre
Camélia forever chrysoprase, lapis-lazuli, onyx 2

Les ateliers Chanel cap- et perle akoya. Au sommet de
turent l’essence de la fleur ces baies gourmandes, une
préférée de Mademoiselle fleur aux pétales de brillants
dans une collection de et au cœur de saphirs rappelle
haute joaillerie exclusive- la fugacité de la floraison. (2)
ment consacrée au camélia.
Cinquante pièces excep- Robes fleurs
tionnelles aux noms évoca- On ne présente plus la
teurs – “Perles désinvoltes”, montre “Dior Grand Bal”
“Cristal illusion”, “Rouge avec son célèbre calibre
tentation” – qui portent en inversé. Il sera désormais pos-
elles le secret d’une allure sible de créer ce garde-temps
inimitable. (1) sur mesure en fonction de vos
goûts. Accompagnée d’un
Fruits des bois designer du studio, vous choi-
Le joaillier anglais sissez le boîtier, la lunette, les
David Morris agrémente aiguilles, le bracelet et même
sa collection “Berry” de la masse oscillante. 200 mil-
Photos DR
nouvelles pièces montées lions de possibilités pour une

sur or rose et déclinées en création unique : la vôtre. (3) 3
49
Mode
THE NEW
POWER
GENERATION
L’OFFICIEL COVER-GIRL
Kiernan
Shipka
PHOTOGRAPHIE DANNY LOWE
STYLISME VANESSA BELLUGEON

TEXTE JULIEN WELTER
Manteau et short en
coton, boucle d’oreille
et choker en métal et
52 résine, FENDI.
Élevée à Hollywood, Kiernan Shipka a échappé à la malédiction

de l’enfant star grâce à des choix judicieux et de beaux scénarios.
Un équilibre intellectuel et sexy qui lui permet, à 19 ans, d’être aussi à l’aise sur
une séance photo pour Fendi qu’en sorcière vedette du phénomène teen Netflix,
“Les Nouvelles Aventures de Sabrina”.
Créateur de Mad Men, Matthew de prendre la grosse tête. Matt Weiner

Weiner a récemment songé à donner rallongeait les scènes dans lesquelles
une suite à son chef-d’œuvre en décla- elle figurait, et Kiernan se forge une
rant : “La seule raison, c’est de voir ce qui réputation en or qui lui permet de durer
est arrivé à Sally Draper. Ça, je le dois à Hollywood, et d’être aujourd’hui la
à Kiernan, elle est le cœur de cette série.” star des Nouvelles Aventures de Sabrina.
En incarnant, de 2007 à 2015, Sally, la Seconde adaptation télé, cette fois assez
fille impertinente du publicitaire Don sombre, parfois horrifique, d’un comics
Draper, Kiernan Shipka l’a effective- ultra-populaire, après celle, très kitsch,
ment rendue inoubliable. Son secret : des années 1990, cette version Netflix
jouer cette petite privilégiée comme une est une relecture moderne du person-
rebelle, tout en montrant qu’elle reste nage de Sabrina, qui doit choisir entre
un pur produit de son environnement deux mondes incompatibles : celui des
conservateur. Mad Men fut aussi l’occa- mortels et celui des sorciers. Tours de
sion pour la comédienne d’affirmer son magie, mots d’esprit sur le féminisme
style. Grâce à la garde-robe de Sally intersectionnel, voire sur l’autoritarisme
Draper, son interprète, d’origine irlando- patriarcal de Satan… Kiernan éblouit
slovaque, née à Chicago de parents tota- les fans de Sabrina. “Parfois, il faut une
lement étrangers au milieu du cinéma et icône pour jouer une autre icône”, résume
de la mode, a rendu jalouses les filles en Roberto Aguirre‑Sacasa, le showrunner Blouson en cuir nappa
vue de Hollywood, sans avoir le temps de la série. perforé au laser, boucle
d’oreille en métal et
54 résine, FENDI.
Vous incarnez Sabrina, mi-sorcière, Mais je garde en tête que Sabrina est
mi-humaine. C’est facile ? une formidable source d’inspiration pour
Kiernan Shipka : Le vrai défi, c’est les kids : partagée entre deux mondes,
quatorze heures de tournage chaque elle trace finalement sa propre voie, et
jour : rire à gorge déployée lors d’une j’espère qu’elle incitera ses fans à être
prise, combattre un démon dans la eux-mêmes.
suivante, puis piquer un sprint, écla- Passer votre vie dans l’œil du public
ter en larmes et résoudre un mystère a donc un avantage ?
en récitant deux pages de latin. Sans J’ai longtemps été la seule enfant sur
oublier de donner la réplique à Salem, le le plateau, mais je ne me suis jamais sen-
chat noir auquel je suis allergique. Dans tie en danger. C’est inestimable, d’autant
ces moments-là, j’aurais bien besoin des qu’à mon âge, les expériences sont
superpouvoirs de Sabrina. toujours nouvelles. Mais mon entourage
Vous sentez-vous vulnérable ? veille à ce que je garde la tête sur les
Je vis depuis longtemps dans le milieu épaules.
du cinéma. En grandissant, j’ai heureu- Votre collaboration avec Fendi en est
sement réussi à le considérer comme une ?
un métier. Ce recul m’a permis de me La grande variété de leurs vêtements
demander : “Est-ce que je veux en faire me touche : avec Fendi, je peux être
ma vie ?” C’est révélateur du besoin séductrice, fun, fashion ou edgy. Quant
d’organiser mon existence. D’ailleurs, aux lunettes, je ne peux plus m’en
j’adore faire des listes de projets ! passer.
Quel est le meilleur conseil qu’on Vous êtes active sur les réseaux
vous ait donné ? sociaux, et pourtant, votre ascension
Trouver l’équilibre entre fun et médiatique vous a préservée des
professionnalisme ! campagnes de dénigrement. Com-
La personnalité de Sally Draper ment expliquer ce miracle ?
a-t-elle déteint sur vous ? Si vous creusez dans les tréfonds
Le temps de la série, oui, j’ai été d’internet, vous trouverez des photos de
fashion addict comme elle. Puis j’ai eu moi à 7 et 19 ans, avec ce commentaire :
une période de sevrage où j’ai réussi à “La taille des seins est identique.” Alors,
cultiver ma fascination pour la mode je ne me google jamais. Je gère seule-
tout en trouvant mon propre style ment mon compte Instagram et je touche Brassière en Néoprène
vestimentaire. du bois pour le préserver des trolls. Je avec motif en 3D
Et Sabrina, ne prend-elle pas aussi préférerais que Wes Anderson et Sofia thermosoudé, jupe en
beaucoup de place dans votre vie ? Coppola le remarquent, car je rêve de mohair plissée, ceinture
Son fan-club est tel que je suis deve- tourner avec eux. en cuir à poches, montre
nue l’objet d’une immense attention. “Forever Fendi” en acier
et diamants, sandales en
56 filet technique, FENDI.
Pull en maille à
découpes, pantalon cargo
en toile, sac “Baguette”
rebrodé de perles motif
floral, sandales en filet
technique, FENDI.
Blouson transparent avec

motif “FF” et finitions en
cuir, short en Néoprène
avec motif en 3D
thermosoudé, FENDI.
Brassière en Néoprène
avec motif en 3D
thermosoudé, jupe en
mohair plissée, lunettes
en métal et émail, montre
“Forever Fendi” en acier
et diamants, ceinture en
cuir à poches, FENDI.
“J’ai longtemps été la

seule enfant sur le
plateau, mais je ne me
suis jamais sentie en
danger. C’est inesti-
mable, d’autant qu’à
mon âge, les expériences
Blouson en cuir nappa

perforé au laser, boucle
résine, ceinture en cuir à
poches, montre “Forever
Fendi” en acier et
diamants, sac et minisac
“Baguette” en cuir avec
motif monogramme en
relief, sandales en filet
technique, FENDI.
Coiffure :
Massimo Serini
Maquillage :
Luigi Rizzello
Assistant photo :
Stefano Moiraghi
Assistante stylisme :
Gabriela Cambero
Chemise en georgette
de soie imprimée, boucle
résine, FENDI.
PHOTOGRAPHIE WALTER PIERRE
Esther
McGregor
STYLISME ROBERTO JOHNSON
TEXTE SHIRINE SAAD
Costume et veste en
jacquard de soie,
GIORGIO ARMANI.
Collant en nylon
imprimé, MULBERRY.
Chaussures à
plateformes en polyester,
64 NICHOLAS KIRKWOOD.
Elle chante, joue la comédie, prend la pose, surfe et s’engage…

Bien plus qu’une “fille de”, Esther McGregor est
l’incarnation d’une jeunesse brillamment touche-à-tout.
Par un matin ensoleillé, Esther intéressante, c’est plus excitant. Quand je

McGregor, 17 ans, arrive au studio avec viens à New York tout change, et ce que je
sa grande sœur, Clara. Elle est venue de ne parviens pas à faire à L.A., j’arrive à le
Los Angeles assister à la fashion week faire ici, comme écrire mes chansons… Les
new-yorkaise et le défilé de la créatrice paroles viennent alors plus naturellement.”
Batsheva, pour lequel elle doit défiler et Esther poste ses chansons sur son
chanter. Elle rêve de vivre un jour dans compte Instagram, des ballades folk
cette ville essoufflante, comme Clara. très personnelles, amalgames attachants
Mais elle doit d’abord finir l’école, surfer de voix et de guitare. “L’art, c’est ce qui
encore et encore, travailler ses cours de provoque des émotions profondes, déclare-
théâtre, écrire des chansons et faire du t-elle. Si je suis en colère et que j’éprouve
baby-sitting. Mannequin à ses moments l’envie d’écrire une chanson un peu disso-
perdus, Esther aime bien la mode mais nante, c’est parce que je veux toucher les
préfère à son dressing le cinéma et ses autres. Je veux que ma musique inspire la
playlists avec, en tête, Nirvana (parce réflexion, l’évolution.”
que c’est dark), Radiohead, Bob Dylan Sous les projecteurs de L’Officiel,
et David Lynch (pour la même raison). Esther aime les jeux de rôles, la sen-
Le reste du temps, elle lit. Activiste en sualité exaltée, le romantisme créatif,
herbe, elle aime aussi participer à des les imaginaires fous d’une adolescence
mouvements féministes. entêtante. Le jeu, l’humour, c’est un
Sous les coups de pinceau à make- état d’esprit naturel pour elle. “Depuis
up et de fer à lisser, Esther reste cool, que je suis née, je suis actrice. J’ai toujours
souriante, drôle, impassible. Elle me voulu être actrice, ce qui est assez effrayant,
montre la vague tatouée sur son poignet, raconte-t-elle. Le théâtre, le cinéma sont
marque de son amour pour le surf et les bases de ma passion pour tout le reste,
l’océan, et parle un français impeccable, l’art, la musique. J’ai découvert tant d’uni-
avec une touche d’accent américain. Elle vers grâce à cette passion. Mon désir est
a grandi en vadrouille avec sa famille qui d’écrire de belles histoires et des scripts. Je
suivait les tournages de son père, Ewan veux travailler avec de grands metteurs en
McGregor, a vécu à Londres puis à Los scène qui propulsent les gens, déstabilisent
Angeles. “À L.A., je ressens une certaine les esprits, vous font réfléchir à de nouvelles
pression, mais nous vivons de manière choses. J’adore les films d’art et les belles
très confortable, dit-elle. À New York, il images. Je veux voir la beauté et aussi les
y a davantage d’énergie, la mode est plus horreurs du monde.”
66
Blouson et jupe en coton,

MATTHEW ADAMS
DOLAN. Cardigan en
satin, INTIMISSIMI.
Collant en nylon
imprimé, MULBERRY.
Pull-over en cachemire
et coton, boucles
d’oreilles en métal
et strass, CHANEL.
Veste en cuir de
poney, BRANDON
BLACKWOOD. Robe
en coton imprimé
et robe en tulle,
VERSACE. Sac en cuir,
LE TANNEUR. Collant
en nylon, CALZEDONIA.
Bottes en cuir, MM6
MAISON MARGIELA.
Col roulé en polyester,

COLLINA STRADA.
Pull en cachemire,
PRABAL GURUNG. Jean
en coton, AMERICAN
VINTAGE. Boucles
d’oreilles en argent,
JENNIFER FISHER.
Sac en cuir, BOYY.
Pull en maille, MSGM.

Robe en coton mélangé,
ALTUZARRA. Collant
en nylon imprimé,
MULBERRY. Mules
en cuir et broderies,
MEHER KAKALIA.
Top et pantalon
en jacquard et
coton imprimés,
LOUIS VUITTON. Boucles
d’oreilles en argent,
JENNIFER FISHER.
Collant en nylon imprimé,
MULBERRY. Chaussures
à plateformes en polyester,
NICHOLAS KIRKWOOD.
Pull asymétrique
en cachemire,
ERIC BOMPARD.
Top en polyester, MSGM.
Bague en or, saphir et
diamant, MARMORRI.
Body en maille jacquard,

top en soie et jupe
en soie imprimée,
PRADA. Bague en
or, saphir et diamant,
MARMORRI. Collant
en nylon imprimé,
MULBERRY. Chaussures
à plateformes en polyester,
NICHOLAS KIRKWOOD.
Manteau en cachemire
et laine, MAX &
MOI. Top en viscose,
AMERICAN VINTAGE.
Top en polyester, MSGM.
Pantalon en laine et
soie, ESCADA. Lunettes
de soleil en métal,
DRIES VAN NOTEN X
LINDA FARROW.
Manteau en nylon
et viscose, DRIES
VAN NOTEN. Body
en coton brodé,
INTIMISSIMI. Pantalon
en coton, POLO RALPH
LAUREN. Chaussures à
plateformes en polyester,
NICHOLAS KIRKWOOD.
Gilet en satin, pantalon

et bottes en cuir, MM6
MAISON MARGIELA.
T-shirt en coton,
COLLINA STRADA.
Bague en or, saphir et
diamant, MARMORRI.
“Depuis que je suis née,
je suis actrice. J’ai tou-

jours voulu être actrice, ce
qui est assez effrayant. Le
théâtre, le cinéma sont les
bases de ma passion pour
tout le reste, l’art, la mu-
sique. J’ai découvert tant
d’univers grâce à cette
passion.”
Robe couture en soie

compressée et débardeur
en coton imprimé,
CALVIN KLEIN
205W39NYC.
Coiffure :
Moiz Alladina
Maquillage :
Jaleesa Jaikaran
Assistant photo :
Andrew Espinal
Gabriela Cambero
Teddy Quinlivan,
the leader of the pack
PHOTOGRAPHIE JESSE LAITINEN
STYLISME CHRISTINA AHLBERG
TEXTE SOFIA CELESTE
80
Robe plissée en cuir,

VALENTINO.
L’OFFICIEL RENCONTRE
Mannequin, transsexuelle, activiste,

Teddy Quinlivan parle ouvertement de sa condition de transgenre
et dénonce le harcèlement si répandu dans le milieu de la mode.
Elle vit aujourd’hui à Paris et rêve de journalisme.
Teddy Quinlivan utilise les podiums traiter des questions de genre, une vague en couverture de magazines en échange de
comme une nouvelle plate-forme pour populiste gagne certains pays, comme le relations sexuelles, ou qu’un styliste puisse
soutenir la communauté LGBT contre Brésil, où le nombre de violences contre me mettre la main aux fesses lors d’une
ses détracteurs. En 2015, Teddy est les transsexuels ne cesse de croître. Aux séance photo ou même qu’un photographe me
découverte par Nicolas Ghesquière, États-Unis également, la politique de pince le sein”, écrit-elle dans un message,
directeur de la création de Louis Vuit- Donald Trump stigmatise la commu- après la tempête #metoo, “les femmes ne se
ton, une révélation qui la propulse dans nauté LGBT. Dans ce contexte, Teddy sentent pas en confiance dans cette industrie.
le monde de la mode, où elle défile pour s’engage. Nous avons besoin d’un changement. Mais
les plus belles maisons. À ses débuts, Élevée à Worcester, une petite ville rien ne se passera si les gens qui travaillent
personne ne réalise qu’elle est un modèle près de Boston, Teddy a connu très tôt ce dans cette industrie n’en finissent pas avec
transgenre. En 2017, elle décide de le que sont la haine et l’ignorance. Encore l’indifférence.”
revendiquer en signe de respect pour la dans la peau d’un garçon, elle a pratiqué À ce moment de notre entretien, Teddy
communauté LGBT et déclare être trans- le snowboard en compétition dans les semble détendue, très amicale. Elle finit
sexuelle dans une interview pour CNN. montagnes du Vermont. C’était un moyen de manger sa salade en cette belle après-
Un acte de courage qui met en péril les d’échapper aux mauvais traitements dont midi dans le quartier du Marais, à Paris,
relations établies avec certaines maisons elle était victime à l’école. Teddy com- son nouveau chez-elle. “Il y a un autre air
de mode. “Beaucoup n’étaient pas d’ac- mence son traitement hormonal à l’ado- à Paris. Quand je vivais aux États-Unis,
cord, ils n’étaient pas sûrs que ce soit le bon lescence. Elle convainc ses parents qu’elle je me sentais acceptée par la communauté
moment pour être représenté par une activiste est fondamentalement une femme et ils LGBT, mais pas par la communauté hétéro.
transsexuelle. Et moi, en même temps, je ne finissent par l’envoyer dans un internat Ici, je me sens acceptée par tous.” Elle
me sentais pas à l’aise de travailler avec eux. pour filles. À 17 ans, elle commence sa convient que pour le moment, la mode est
Un peu comme quand ton petit ami, à ton carrière de mannequin en s’installant à la bonne plateforme pour faire entendre
insu, te trahit puis te quitte”, confie-t-elle. New York, où elle affronte le côté sombre sa voix. “Quand j’étais jeune, je voulais être
Sa présence sur les couvertures des de l’industrie. un espion et travailler pour la CIA parce que
magazines et dans les plus prestigieux En avril dernier, elle utilise son compte j’aime les cas difficiles à résoudre. Mainte-
défilés, aux côtés d’autres modèles trans- Instagram pour dévoiler les harcèlements nant, je me passionne pour le journalisme.
genres ou non genrés comme Valentina sexuels dont elle a été la victime de la part J’ai commencé à comprendre son potentiel en
Sampaio, Andreja Pejic ou Oslo Grace, de certains photographes et directeurs cette ère de fake news, avec Trump au pou-
est la preuve que la beauté n’a pas de de casting. “Je ne m’attendais pas à ce que, voir.” Teddy n’a pas fini de s’engager.
sexe. Mais tandis que la mode et les lors de ma première saison, un directeur
médias sont de plus en plus à l’aise pour de casting puisse me proposer de me mettre Traduction Géraldine Trole
82
Veste en cuir, pantalon en

tissu technique, ceinture
en cuir, GIVENCHY.
Robe ajourée en nylon,

top en Lycra, jupe filet
en cuir, culotte en
Lycra, DIOR.
Bustier en soie,
EMPORIO ARMANI.
Pantalon en laine,
MAISON MARGIELA.
Chapeau en plumes
et ceinture en cuir,
VALENTINO. Escarpins
en cuir, FRANCESCO
RUSSO.
Chemise asymétrique
en vinyle, pantalon en
gabardine de laine,
escarpins en cuir,
MAX MARA.
Mini-robe en cuir,
ceinture et escarpins
en cuir, MIU MIU.
Chaussettes en
nylon, PRADA.
Salopette et sandales
en cuir, SALAVATORE
FERRAGAMO.
Robe en soie imprimée,

body en Néoprène,
bottines en gomme,
CALVIN KLEIN
205W39NYC.
Coiffure :
Christos Vourlis
Maquillage :
Mayumi Oda
Assistant photo :
Adrien Nicolay
Casual couture
PHOTOGRAPHIE ROKAS DARULIS
STYLISME VANESSA BELLUGEON
92
Robe boule en polyester

à pois, bibi à voilette,
CELINE PAR HEDI
SLIMANE. Boucles
d’oreilles créoles twistées
en cristal et laiton,
HÉLÈNE ZUBELDIA.
Robe en lurex de soie,

GUCCI. Bibi à voilette,
CELINE PAR HEDI
SLIMANE. Boucles
d’oreilles en bronze et
strass, BEGÜM KHAN
chez Karry Gallery.
Ceinture en cuir vintage.
Gants en cuir, AGNELLE.
Sandales en cuir verni,
MICHEL VIVIEN.
Corset en satin,
ELISABETTA FRANCHI.
Serre-tête en satin
et métal, PRADA.
Bague vintage en or,
diamants et perle,
chez Karry Gallery.
Robe longue à pois

en viscose mélangé,
REDEMPTION.
Serre-tête en velours
personnel. Boucles
HÉLÈNE ZUBELDIA.
diamants et perle, chez
Karry Gallery.
Robe en organza
de soie, ERMANNO
SCERVINO. Chapeau
en paille et viscose,
BENOÎT MISSOLIN.
Robe en lin, KENZO.

Chapeau en coton,
HERMÈS. Boucle
d’oreille en organza et
strass, FORTE FORTE.
Mules en raphia,
CLERGERIE.
Body en maille,
BALMAIN. Jupe
en cuir de veau,
BOTTEGA VENETA.
Serre-tête en velours
personnel. Boucles
HÉLÈNE ZUBELDIA.
Karry Gallery. Sandales
en cuir, MANGO.
Combinaison en
sequins, PINKO.
Chemise tissée à volants,
ZUHAIR MURAD.
Foulard en voile,
FORTE FORTE. Boucle
d’oreille vintage.
diamants et perle,
chez Karry Gallery.
Boots en cuir laminé,
LAURENCE DACADE.
Robe en taffetas de
coton et soie, MICHAEL
KORS COLLECTION.
Chapeau en raphia,
BENOÎT MISSOLIN.
Mules en cuir,
STUART WEITZMAN.
Bustier en satin et
ceinture en faux cuir,
ELISABETTA FRANCHI.
Pantalon en chiffon
de soie lurex,
FORTE FORTE.
Boucle d’oreille vintage.
Karry Gallery. Sandales
en cuir métallisé,
JIMMY CHOO.
Robe en crêpe, bandes

de plastique et organza
brillant, VILLALBA.
Col roulé en cachemire,
BOTTEGA VENETA.
Chapeau en feutre
de lapin avec
boucle en métal,
MAISON MICHEL.
Escarpins en tissu et
lurex, CHRISTIAN
LOUBOUTIN.
Robe en mousseline
de soie à volants,
VALENTINO. Boucle
d’oreille en perles,
cristaux et laiton
doré, CHABAUX.
Karry Gallery.
Veste en viscose
et lin, VIVIENNE
WESTWOOD. Col roulé
en coton, ALL SAINTS.
Pantalon court en velours
et satin, DUNDAS.
Chapeau en raphia,
BENOÎT MISSOLIN.
Boucles d’oreilles
en bronze,
KARRY BERREBY
chez Karry Gallery.
Karry Gallery.
Chemise en taffetas,
CARMEN MARCH.
Pantalon en mélange
de soie tissée et de
maille, KRISTINA
FIDELSKAYA. Serre-tête
en velours et ceinture
en cuir personnels.
diamants et perle,
chez Karry Gallery.
Sac en métal, MANGO.
Sandales en cuir laminé,
LAURENCE DACADE.
Modèle :
Alexis Sundman
chez Next
Maquillage :
Anna Payne
Coiffure :
Roku Roppongi
pour Kérastase
Assistants photo :
Edgar Chudoba
et Neil Payne
Gabriela Cambero
Oslo Grace,
masculin féminin
PHOTOGRAPHIE DANNY LOWE
STYLISME MAGALI MARTIN ET ROMAIN VALLOS
TEXTE MATHILDE BERTHIER
Veste et pantalon de tailleur en laine vierge et débardeur en maille brodé, SAINT LAURENT PAR ANTHONY VACCARELLO.
Bottines en alligator, CARVIL.
Porte-étendard de la non-binarité,
le mannequin californien Oslo Grace, 22 ans, ne se revendique d’aucun
sexe quand il défile pour Gucci, Moschino ou Kenzo. Rencontre sans contrefaçon.
Veste en fibres mélangées, YS. Chemise en satin, ELISABETTA FRANCHI.

RENCONTRE L’OFFICIEL
Je me souviens très bien du défilé de la “fille”. Je ne les blâme pas pour ça. mes anciennes photos. Je ne voulais pas
Gucci, en février 2018 à Milan. Vous Ils n’avaient eu, jusque-là, que des de rupture entre ma vie d’avant la mode
portiez dans vos bras un dragon garçons, j’étais le seul de leurs enfants né et ma vie d’après. J’ai toujours pris
cyborg… fille… Assez tôt, vers 6 ou 7 ans, j’ai beaucoup de photos, surtout de paysages.
Oslo Grace : C’était insensé. Avant de commencé à me différencier dans mon Si mes souvenirs sont bons, j’ai dû poster
l’avoir dans mes bras, je ne savais même comportement. Ces aspirations, plus une seule photo de moi avant de devenir
pas que j’allais porter ce petit dragon… propres à un “garçon”, allaient devenir mannequin, n’est-ce pas ? Ma vie a
Au moment du casting, Alessandro une source de tiraillement, puisque mes considérablement changé depuis.
Michele nous avait présenté son projet parents voulaient qu’il en soit autrement. La binarité est profondément ancrée
avec Makinarium, la boîte d’effets Finalement, bien des années plus tard, ils dans notre société. L’affirmation
spéciaux, de manière à ménager le m’ont largement soutenu quand j’ai fait d’un troisième sexe, un sexe neutre,
suspens. Les têtes coupées, les mon coming out. Être à l’écoute de ses est-elle nécessaire ?
animaux… Nous savions tous que ces enfants, c’est un travail de longue haleine. Théoriquement, chacun naît fille,
artefacts étaient une idée de génie, sans Comment êtes-vous devenu modèle ? garçon ou intersexué. Dans certains pays,
savoir comment ils allaient être reçus. Enfant, on attendait de moi que je sois on commence à parler de la
Ce passage vous a valu le surnom de quelqu’un de féminin… et je détestais reconnaissance d’un sexe neutre à l’état
“Mother of dragons”… tout ce qui était girly. La mode en faisait civil mais c’est sujet à controverse… Pour
Je suis fan de Game of Thrones. J’ai partie. “Habille-toi en robe, mets du rouge à ma part, je demande simplement aux
effectivement posté sur Instagram, après lèvres, et laisse-toi photographier pour que le gens d’ouvrir les yeux et de reconnaître
le défilé, une photo de moi portant le monde entier te voie.” Ça résonnait comme que tous les hommes ne sont pas des
dragon. Dans la foulée, mes abonnés ont une torture pour moi ! Mais la vie en a archétypes de masculinité. Et que toutes
commencé à taguer Emilia Clarke, qui décidé ainsi… Au lycée, j’ai eu un sévère les femmes ne sont pas des archétypes
joue Daenerys Targaryen dans la série… accident de rugby, dont ma mémoire à de féminité. Oui, on peut naître femme,
Êtes-vous geek, ou même nerd ? court terme a d’ailleurs gardé quelques comme moi, homme, comme d’autres,
Je regarde assez peu de séries TV, séquelles. Il m’a fallu trouver un hobby mais s’identifier à un autre sexe que le
finalement. Mes amis me perçoivent autre que le sport. J’habitais près de sien. Ça ne se borne pas à la biologie.
définitivement plus comme “dingo” que New York, j’avais du temps libre, je me Comment voyez-vous votre avenir ?
comme nerd. suis donc essayé au mannequinat. Cela a J’aimerais garder contact avec les gens
Quid de votre famille ? J’ai lu que pris une tournure inattendue. que j’ai rencontrés dans la mode, mais
vous aviez grandi avec sept frères… Vous en avez fait un moyen je ne pense pas y rester éternellement.
J’ai grandi avec deux frères biologiques d’affirmation de soi… À long terme, je souhaite développer
mais, en 2012, ma famille a pris en charge Le mannequinat aide à comprendre, mon activité militante et finir ce que
cinq autres garçons. Certains vivent de manière accélérée, des choses sur j’avais commencé à l’école, la biologie
encore à la maison, d’autres ont soi-même. À apprendre de ses erreurs, à et les études vétérinaires… Étant très
déménagé… Je me suis construit dans développer des compétences en attiré par l’est de l’Asie, je m’imagine
une atmosphère insensée, chaotique, mais conséquence. Vous voyez des photos de bien construire quelque chose là-bas,
je n’échangerais ça pour rien au monde. vous, certaines que vous aimez, d’autres pourquoi pas dans l’environnement
Comment vous ont élevé vos parents, non… On vous confronte à ce que vous et la conservation animale.
vous qui, aujourd’hui, vous projetez vraiment, ce qui n’est pas Un rêve de gosse ?
revendiquez “transgender non- forcément ce à quoi vous aspirez. Cette La construction d’un conservatoire
binary”, c’est-à-dire ni femme ni tension entre l’être et le vouloir être, je l’ai d’espèces animales et végétales le plus
homme ? prise comme un combat. grand, le plus indépendant et le plus
D’une façon complètement binaire. Votre compte Instagram reflète cette écologique qui soit. Ça, c’est mon rêve.
Dans la première moitié de ma vie, ils ont évolution… Je ne sais pas si ça arrivera un jour, mais
voulu que je me conforme à l’archétype C’est drôle, c’est vrai, j’ai gardé toutes c’est bien de rêver.
111
Smoking en cupro et soie, GIORGIO ARMANI. Chemise en popeline de coton à col classique français, CHARVET.
Sneakers en cuir, SAINT LAURENT PAR ANTHONY VACCARELLO.
Page de droite : veste et pantalon en laine, col roulé en jersey et mocassins en cuir glacé, PRADA.
Veste croisée en toile de laine et mohair, débardeur côtelé transparent en jersey technique, pantalon large à taille haute en toile et mohair,
ceinture en cuir, collection homme, DIOR.
Page de gauche : veste à carreaux en laine et soie, chemise en coton et mocassins en cuir, GUCCI.
Pantalon de smoking en coton, MARTIN MARGIELA. Ceinture en cuir, A.P.C.
Trench-coat en coton mélangé, UNIQLO X J.W. ANDERSON. T-shirt à manches longues en satin, DROME.
Pantalon en coton et lin, INTMISSIMI. Chaussettes en coton, CALZEDONIA. Sandales en veau velours, PIERRE HARDY.
Page de droite : costume en laine, VERSACE. T-shirt à manches longues en polyester, SANKUANZ.
Manteau en laine et lin mélangés, HALLIE SARA. Ensemble en viscose, MICHAEL MICHAEL KORS. Derbys en veau ciré, ADIEU.
Page de droite : spencer en gabardine de laine, chemise en popeline de coton, pantalon en cuir d’agneau, derbys en suède et strass, CELINE
PAR HEDI SLIMANE. Ceinture en cuir, A.P.C.
Veste longue et pantalon en fibres et coton mélangés, WEILL. Cravate en soir, HUGO BOSS. Derbys en veau ciré, ADIEU.
Boucles d’oreilles vintage.
Page de droite : veste et jupe en cuir et chaussettes en coton, MIU MIU. Soutien-gorge en tulle stretch, ERES.
Boucles d’oreilles vintage. Sandales en cuir, STUART WEITZMAN.
Trench-coat en cuir, BOTTEGA VENETA. Veste en lin mélangé, GOLDEN GOOSE DELUXE BRAND. Jean en denim, GNDR.
Boucles d’oreilles en Plexiglas, GIORGIO ARMANI. Ceinture en cuir, MAISON BOINET. Mules en cuir, STUART WEITZMAN.
Page de droite : chemise en coton, JACOB COHËN. Collant en lurex, OROBLÙ. Boucle d’oreille vintage.
Veste en denim, AMERICAN VINTAGE.

Page de gauche : chemise en coton, ESCADA. Chemise manches longues en nylon, ACNE STUDIOS. Short crêpe stretch, CHANEL.
Bas en tulle à pois, CALZEDONIA. Derbys en cuir, A.P.C.
Coiffure et maquillage : Louise Garnier. Assistant photo : Julien Hardy. Assistante stylisme : Claire Rumeau.
The color of spring

PHOTOGRAPHIE JULIEN ROUX
RÉALISATION EMILY MINCHELLA
Ci-dessus : collier en or blanc et or jaune gravés et diamants, boucle d’oreille en or blanc et or jaune gravés, diamants et perles baroques, BUCCELLATI.
Page de droite : bagues en or jaune, or blanc, diamants blancs et diamants jaunes, boucles d’oreilles en or jaune et diamants jaunes, GRAFF.
128
Ci-dessus : clip “Gerbéra” en or blanc, or rose, platine, émeraudes, tsavorites et diamants, VAN CLEEF & ARPELS.
Page de gauche : bracelet “Lion protecteur” et bague “Lion rugissant” en or blanc et diamants, CHANEL JOAILLERIE.
Ci-dessus : collier en saphir violet taille coussin, diamants tailles poire et brillant et platine, HARRY WINSTON.
Page de droite : collier “Joséphine aigrette impériale” en or blanc serti d’un saphir taille poire et de diamants tailles poire et brillant,
bague “Joséphine aigrette impériale” en platine serti d’un saphir taille poire et de diamants taille brillant, CHAUMET.
Ci-dessus : collier “Plaisir champêtre diamant” en ors jaune, blanc et rose, grenats tsavorites et spessartites, émeraudes, diamants jaunes, saphirs
roses, violets et jaunes, turquoise, bracelet “Tresse rubis” en platine, ors rose et jaune, diamants, rubis, saphirs violets et roses, DIOR JOAILLERIE.
Page de droite : collier haute joaillerie en or gris, diamants et émeraude, bracelet haute joaillerie en or gris, émeraude, cristal de roche, onyx
et diamants, CARTIER.
L’OFFICIEL HOMMAGE
EMPLACEMENT
RÉSERVÉ
À KARL LAGERFELD
Disparu le 19 février dernier, le Kaiser de la mode accède
instantanément au statut d’immortel. C’est à travers
sa discipline de fer, sa force de travail colossale et sa soif
inassouvie de culture qu’il faut comprendre la stature
de ce talent à nul autre pareil.
Par Patrick cabasset
Si la mode est un miroir de la société, lui… Car contrairement à la plupart des

Karl Lagerfeld en a été le cadre le plus créatifs de sa trempe et de sa génération,
étincelant. S’adaptant à chaque époque Karl était seul et unique : “Ce que j’ai le
et multipliant les styles durant sept plus souvent remarqué chez les légendes de
décennies, il n’est pas l’homme d’une mode, c’est qu’il faut être deux pour danser
robe mais de centaines de styles. Des le tango : une force créative et un partenaire
années 1950 à aujourd’hui, il aura habillé plus discret côté business, affirme le
des millions de femmes, parfois même à journaliste et réalisateur américain Matt
leur insu car ses créations ont été Tyrnauer. Pensez Valentino et Giancarlo
réalisées pour d’autres griffes. Au-delà Giammetti, Saint Laurent et Pierre Bergé.
de l’homme de culture, du mondain Karl était davantage un loup solitaire, un
souvent mordant, du photographe homme-orchestre capable de faire vivre sa
passionné et du créateur de mode légende, de nourrir le business et de
virtuose, ce que l’histoire retiendra de maintenir un flot de créativité débordante
cette force de la nature, c’est son sens du pour des générations, en une seule action. Il
travail : “Je ne me vois pas comme une était aussi l’un des plus spirituels et
célébrité globale, déclarait-il à la série attachants sujets que j’ai jamais
documentaire 7 Jours de Netflix, à interviewés.”
l’occasion de son défilé de haute couture
printemps-été 2018, je suis juste de la D’UNE TENDANCE À L’AUTRE
classe des travailleurs.” Et puis, Formé à l’École de la chambre syndicale
légèrement narquois : “Vous savez, de la couture parisienne au début des
travailler c’est classe !” Avant de redevenir années 1950, Karl Lagerfeld n’aura pas eu
sérieux : “J’ai le souci du travail.” la chance de son camarade de classe Karl Lagerfeld
à son bureau en
Personne d’autre ne pouvait l’avoir pour d’alors, Yves Mathieu-Saint-Laurent. Pas 1979.
134
Photo Roland Witschel/Picture Alliance via Getty Images
L’OFFICIEL HOMMAGE
d’engagement chez Dior pour lui, pas de en font le collaborateur le plus fidèle de
direction de la couture à la suite de certaines marques : il restera vingt ans
Monsieur Dior, pas de maison de haute chez Chloé (puis y reviendra de 1992 à
couture à son nom dans un monde où 96), plus de cinquante ans chez Fendi,
habiller les belles dames riches était la plus de trente-cinq ans chez Chanel
norme, le sommet de la pyramide de la enfin. Un surhomme. Quant à sa
mode de l’après-guerre. marque propre, il la fera revivre
Cette “malchance”, Karl Lagerfeld la plusieurs fois contre vents et marées
retournera en avantage. Comprenant sous divers noms (KL, Lagerfeld
très vite que ce monde classique était en Gallery, Karl Lagerfeld). Sans
train de changer, il va se consacrer au s’aventurer sur l’immense terrain de ses
tout nouveau “prêt-à-porter”. Mieux, il innombrables collaborations
devinera son avenir et en peaufinera le exceptionnelles, il suffit de remarquer
concept rudimentaire, né aux États-Unis que celle avec H&M définira l’essence
au début des années 1950 et à peine même du “masstige”, cette mode de
pratiqué en France par quelques prestige pensée pour le plus grand
marques aventureuses. Il en fixera les nombre. Alors que nombre de créateurs
règles par une pratique constante du souffrent de surmenage, pas étonnant
dessin, une ascèse des essayages et un qu’il se soit adapté mieux que d’autres
tournoiement décapant des idées, au rythme effréné des nouvelles
passant d’une tendance à l’autre sans état collections, lignes capsules, pré-
d’âme. Son goût naturel le pousse vers collections, etc., envahissantes et
l’exploration du xviiie siècle classique ou chronophages. Ceci à un âge où la
plus baroque, puis vers l’Art déco ou plupart des gens envisagent depuis
encore le style Memphis. Mais tous les longtemps la retraite !
styles l’intéressent. Il les retravaille à sa
façon, savamment, méthodiquement, OUVERT À TOUT ET À TOUS
régulièrement. Personnage public impressionnant, il
Sa curiosité et sa discipline de fer joue instinctivement avec les médias.
seront très vite couronnées de succès. C’est un “bon client” en interview
Chez Chloé dès 1964, il impose ce comme sur les plateaux de télévision
savoir-faire inédit, dessinant sans cesse grâce à un sens de la repartie inimitable.
des collections changeantes, Il n’est d’ailleurs pas moins
surprenantes, inimaginables la veille. impressionnant au travail. Si tous
Avant cela, après son passage chez Jean reconnaissent son respect des employés
Patou (de 1958 à 1963), il avait collaboré qui l’entourent et de ses proches
avec un faisceau de marques naissantes : collaborateurs, son aura au sein du studio
Timwear, Krizia, Ballantine, Cadette, Chanel reste inoubliable pour ceux qui
Charles Jourdan, Mario Valentino, etc. l’ont approché : “Inès (de La Fressange),
S’il reste chez Chloé jusqu’en 1984, il Karl et Gilles (Dufour) dans le studio
enchaîne immédiatement d’autres Chanel… Mon premier travail, c’était dans
collaborations et commence à travailler cette pièce, se souvient Olympia Le-Tan.
pour les sœurs Fendi à Rome en 1965. C’était terrifiant, mais aussi très amusant et
Dormant peu, ce stakhanoviste du j’ai appris beaucoup plus que dans n’importe
dessin de mode réalise collections sur quelle école de mode.”
collections, sans faillir, avec un aplomb Passionné par la modernité, il laisse
si juste qu’il fait à tous les coups le entrer dans son univers des profils
succès commercial des maisons qui atypiques : “La première fois que j’ai
De haut en bas,
l’emploient. Avant même l’invention du rencontré Karl, j’étais très jeune, raconte le Karl Lagerfeld et
Claudia Schiffer
mot styliste, ce métier de créatif qui top-modèle Devon Aoki, petite selon les au défilé Chanel
automne-hiver
s’apprend aujourd’hui dans les écoles de normes d’alors, inhabituelle selon les critères 1992/93.
Séance
mode industrielle coulait dans ses veines de race et avec un portfolio qui n’était pas d’essayage
avec Inès de La
semble-t-il. Mieux, sa résilience et le exactement rempli de publicités pour des Fressange au
studio Chloé, à
renouvellement permanent de ses idées marques de référence. Je me souviens avoir Paris en 1983.
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Photos Bertrand Rindoff Petroff/Getty Images, Pierre Vauthey/Sygma/Sygma via Getty Images
Photo Hendrik Ballhausen/Picture Alliance via Getty Images
“Il a changé ma vie, il a cru en moi quand

tant d’autres n’y croyaient pas, moi incluse.”
Cara Delevingne
HOMMAGE L’OFFICIEL
pris rendez-vous pour le show Chanel rue musique avec moi et qu’il aimait ça. Il
Cambon en étant persuadée que ce serait ressemblait à Peter Pan, à un garçon
une courte visite. Dernière d’une fratrie de de 14 ans. Il aimait écouter tout si fort
sept enfants, je n’avais vraiment rien de joli que vous ne pouviez pas parler.”
à porter. Ado fanatique de punk rock j’avais
les cheveux verts, des patchs sur mon sac à LA MODERNITÉ INCARNÉE
dos et des Dr. Martens aux pieds… Mais il Boulimique de travail, de livres, de
y avait une totale liberté dans ce que faisait photos, de design, son emploi du temps
Karl, il n’était pas limité par les semble être dix fois plus rempli que celui
conventions. M’apercevant à travers de ses contemporains. Avant même
l’embrasure d’une porte, il m’a l’invention des réseaux sociaux, son
immédiatement fait entrer et m’a cerveau semble fonctionner de façon
transformée en quelque chose de très instantanée. Ses décisions sont ultra-
différent de ce que je pensais pouvoir être. rapides et souvent sans appel, que ce soit
J’ai été peinte en or, des orteils aux lobes des pour la création de produits, le choix
oreilles. Il suffisait de le côtoyer pour sentir d’un mannequin ou celui de ses proches.
sa force, ses convictions et sa douceur.” Un L’instinct est chez lui une autre forme
sentiment partagé par Cara Delevingne : d’intelligence. C’est sans doute pourquoi,
“Il a changé ma vie, il a cru en moi quand derrière des apparences proustiennes,
tant d’autres n’y croyaient pas, moi son mode de vie étincelant définissait si
incluse.” Idem pour Claudia Schiffer : bien la modernité.
“Karl était ma poudre magique : il m’a Côté presse et édition, si l’on ne devait
transformée de jeune Allemande en top- garder qu’une seule trace de sa créativité
modèle. Il m’a appris la mode, le style et la sans limites, ce serait peut-être cette
survie dans le monde de la mode. Ce que publicité d’un magazine Façade des
Warhol était à l’art, il l’était à la mode.” années 1980. Une double page blanche
Au-delà de sa propre carrière, il avec juste en son centre un bristol
reste également attentif à celle des contrasté : “Emplacement réservé à Karl
autres. Il s’intéresse aux évolutions de Lagerfeld”. Un comble du snobisme, de
la mode, à ses acteurs et ses créateurs. la nonchalance et de l’efficacité qui fait
Au lendemain de sa disparition, Marc que, près de quarante ans plus tard cette
Jacobs témoigne : “Le plus significatif annonce reste gravée dans bien des têtes,
et le plus extraordinaire des souvenirs comme le symbole d’une époque.
que j’ai de lui m’est parvenu avant On ne peut pas résumer la vie d’un
même d’avoir rencontré Karl. C’est un créatif aussi prolifique et multiforme en
télégramme de sa part me félicitant d’avoir quelques concepts réducteurs, et on
été nommé directeur de la création chez constate que derrière ses éventails, ses
Perry Ellis, il y a plus de trente ans. bons mots, ses lunettes noires mais aussi
Dans le télégramme, il m’a dit combien derrière la caricature de lui-même qu’il
il avait de respect pour Perry et comment revendiquait, amusé, se cachait un autre
il le connaissait et le considérait… Il a Karl. Le styliste, photographe, éditeur,
été l’un des rares à montrer son soutien collectionneur, esthète, dandy et touche-
à ce gosse inconnu que j’étais.” à-tout génial n’aura finalement cultivé
Même les plus récents talents de la qu’une seule philosophie, celle du
mode le fascinent. Ainsi, le designer travail. Pas celui accompli, celui en
Alessandro Michele, qui avait travaillé devenir. “Ce que j’ai fait ne compte pas,
pour lui comme designer d’accessoires déclarait-il récemment au Figaro. C’est
chez Fendi dans les années 1990, bien d’avoir fait, mais c’est mieux encore de
déclarait après son dernier show Gucci : faire. Je ne suis jamais content de moi, je
“Il était un bel exemple pour moi, pas pratique une sorte d’auto-fascisme et je vais
seulement dans la mode, mais dans la mourir d’insatisfaction… Je ne suis fier de
Cara Delevingne
et Karl Lagerfeld vie. Il m’a montré comment vivre. Quand rien, surpris tout au plus.” Une morale du
pendant le fina
du défilé Chanel nous travaillions ensemble, il me traitait travail hors norme qu’il aura pratiquée
automne-hiver
2014/15. de DJ parce que j’avais toujours de la tout au long de sa vie.
139
L’OFFICIEL PHÉNOMÈNE
PETER PAN
A ENCORE FRAPPÉ
Le syndrome de la jeunesse éternelle touche à nouveau
les créateurs cette saison : les filles rêvent de s’habiller comme
des princesses modernes (voir les derniers défilés Molly
Goddard, Rodarte, Marc Jacobs ou Valentino). La pop culture,
elle, se plonge dans un grand bain de jouvence à coups
d’esthétique Barbie et de vedettes issues de la génération Z.
Au cinéma, Disney revisite “pour de vrai” tous ses classiques,
de “Dumbo” au “Roi Lion”. Ne manque plus que la Fée Clochette
pour nous embarquer au pays de Neverland…
140
Photo Marka/Alamy Stock Photo
Une image de
“Peter Pan”,
le chef-
d’œuvre signé
Walt Disney en
1953, adapté de
l’auteur écossais
J.M. Barrie.
Photo Marcio Madeira
Défilé Marc
Jacobs automne-
hiver 2019/20.
PHÉNOMÈNE L’OFFICIEL
MOI, GRANDE ? JAMAIS

Le monde de l’enfance inspire depuis longtemps la mode
à renfort de détournements de la pop culture, de robes
contes de fées et, plus récemment, de casting juvénile.
Retour sur les raisons de ce phénomène.
Par Laure Ambroise
Le syndrome de Peter Pan est très répandu dans le monde de obsession pour le look teenager. Ainsi, Miu Miu, pour sa
la mode, notamment chez les designers. Quand on parle de gran- collection prefall 2019, s’inspire de Lady Diana dans les
dir, la liste est longue de ceux qui s’y refusent. Rester un enfant années 1980, lors d’un voyage imaginaire dans le Tyrol, et mixe
est tellement plus tentant… Pourquoi les designers sont-ils davan- avec brio chemisiers volantés à des pulls d’écoliers tyroliens,
tage concernés ? Plusieurs raisons peuvent expliquer le phéno- corset en cuir doré et culotte taille haute vert loden comme les
mène, comme le besoin d’aborder la mode avec plus de légèreté, la enfants dans La Mélodie du bonheur. De son côté, Virgil Abloh
rendre moins cérébrale, plus abordable avec des références cultu- pour Off-White se remémore ses années lycée avec sa collection
relles populaires, qui touchent tout le monde. Arrêtons d’enfermer “Do You Cheer ?” composée de chandails de fratrie à logo, sur-
les marques avec des cibles, elles veulent s’adresser à toutes les vêtements, jupes plissées de pom-pom girls, pyjamas d’internat
générations, CSP++ mais aussi millennial et génération Z. et sacs graffitis, le tout porté par un casting de la génération Z.
Facile donc de se rendre compte de l’étendue du phéno- Quant à Alessandro Michele pour Gucci, plus qu’une
mène avec les collaborations Disney qui ne s’arrêtent jamais et mode – même si son pantalon taille haute imprimé “fraises” et
que personne ne refuse. D’hier à aujourd’hui, il y a eu Stella son sac “Mickey” sont hautement régressifs –, il s’est follement
McCartney et Batsheva avec Alice du pays des merveilles, amusé dans sa dernière collection prefall où les mannequins
Givenchy époque Riccardo Tisci avec Bambi, Jean-Charles de prennent la pause de jeunes filles en fleurs ultra-lookées tenant
Castelbajac, Lacoste, Rag&Bone ou Shiatzy Chen avec Mickey des ballons de fête foraine à la main.
Mouse, Christian Louboutin avec Cendrillon, Alber Elbaz
avec Minnie. Plus récemment, c’est la marque américaine DÉFILÉS PARADES
Coach et son directeur artistique Stuart Vevers, qui voue un Ainsi, le syndrome Peter Pan ne quitte pas les podiums, il
culte à Dumbo (comme Tim Burton qui va sortir sa version au persiste et signe même, comme on l’a vu lors les collections
cinéma), avec Les Aristochats cette saison, alors qu’hier c’était automne-hiver 2019/20 à New York avec des icônes de contes
avec Blanche-Neige et les sept nains. de fées revisitées par Rodarte et ses robes phénoménales ornées
de volants oversized et de manches ballons plus que théâtrales.
BOB, DIANA, MICKEY ET LES AUTRES Mais c’est Marc Jacobs et son monde enchanté, mélange de
Les personnages de Disney ne sont pas les seuls à inspirer Cendrillon, Bernard et Bianca et La Belle au bois dormant, qui
les créateurs de mode. Ainsi, depuis 2013, Jeremy Scott pour remporte la palme avec des robes du soir brodées de plumes
Moschino anime la fashion week milanaise en détournant des noires, beaucoup de crinolines et de capes, de grands volumes,
figures de la pop culture telles que Bob l’Éponge, Barbie ou des manches plus que ballons… Notre préférée : une robe
Mon Petit Poney qu’il utilise en toile de fond pour ses collec- portée par Rianne Van Rompaey réincarnation de Catherine
tions ; un monde enfantin qui se frotte à l’univers transgressif Deneuve dans Peau d’âne (en photo). Un défilé magique qui a
du designer haut en couleur. Et c’est sans parler des Simpson marqué un tournant pour le designer.
dans ses collections dédiées. Le luxe aime bousculer ses propres règles et cherche à
Mais le syndrome de Peter Pan ne s’arrête pas là. Les séduire toujours plus. Il n’est plus question de nostalgie mais de
créateurs font transparaître leur refus de grandir avec leur nouveaux défis.
143
Photo Oliver Pearch
Le groupe
londonien
Honey Hahs.
QUAND LA POP
RETOMBE EN ENFANCE
Musique, make-up, style… L’angoisse ou le refus de devenir
un adulte semble avoir atteint tout le monde. Tour d’horizon
de ces tendances qui nous replongent dans l’âge le plus
tendre. Celui d’avant Tinder et le réchauffement climatique.
Par Violaine Schütz
La scène a lieu au (Pardon), bar éphémère parisien de la rue jouer à la console et goûter devant un dessin animé avant de faire
Oberkampf, ouvert par le webzine intellol Brain en février dernier. la sieste constituaient notre to-do list. L’âge où les réseaux sociaux
Après avoir franchi la devanture dans laquelle se trouve une pou- n’étaient qu’une utopie et où le monde semblait moins compliqué
pée à l’effigie d’un des chanteurs du boys band 2B3 et des dessins (on ne connaissait pas encore la signification des mots travail et
d’enfants, une foule de kidults (contraction de kid et adult) danse chagrin d’amour). La bande-son correspondant à ce syndrome
au son de titres des Spice Girls et d’Aqua. Un couple retient parti- Peter Pan généralisé ? Des musiques qui rassurent, à l’image de
culièrement l’attention. Le garçon porte un jean délavé court, des Stop Him, l’hymne juvénile anti-Trump signé des Honey Hahs,
chaussettes Snoopy et des bretelles, tandis que la fille sautille sur groupe londonien formé de trois sœurs âgées de 16, 13 et 11 ans et
le dancefloor avec ses couettes roses et son minisac à dos en Plexi- produit par Steve Mackey de Pulp. Le succès des vidéos ASMR
glas. De quoi rappeler les boums de notre pré-adolescence, quand (autonomous sensory meridian response) montre aussi à quel point
on ne buvait que du Capri-Sun (boisson qui fait son grand retour on a besoin pour se relaxer de sons régressifs : ces courtes vidéos
chez les rappeurs). Depuis quelques mois, dans la capitale et dans de musique créées à partir d’objets du quotidien, de voix douce-
le reste de l’Hexagone, les fêtes où l’on retombe en petite enfance reuses et de jouets comptent des millions de vues sur YouTube ;
sont légion. Ainsi, les soirées dédiées aux années 1990 Trilogie même Cardi B en a réalisé une avec les joujoux de sa fille, Kul-
du Samedi du Supersonic, bar/club hype rock parisien, attirent ture. De vraies berceuses pour la génération Snapchat.
des millennials qui n’avaient qu’une dizaine de printemps quand
Oasis trustait les charts. Au Chair de Poule, rue Saint-Maur, qui GRANDES FILLES
attire une faune de néo-hipsters fans de garage, des tournois de Le label anglais PC Music, à travers l’un de ses fleurons, Han-
ping-pong et des blind-tests sont organisés, tout comme à la Sta- nah Diamond, fait dans l’image et le son rose bonbon. Comme si
tion, porte d’Aubervilliers, où l’esprit friche berlinoise se mâtine Barbie avait grandi et qu’elle portait un treillis de raveuse. Enfin,
de tables de jeux. Les jeunes adultes de 2019, surtout ceux qui l’imagerie kinderwhore (mélange de cols Claudine et de sexyness
veulent rester dans le coup, semblent refuser de grandir et de se débridé) des années 1990 promue par Courtney Love et ses
mettre aux aftwerworks guindés. copines Riot Grrrl se voit célébrée par l’univers de la mode cette
année comme jamais auparavant. Batsheva lui a rendu hommage
TOUT DOUX lors de son dernier défilé à Los Angeles. Quant à Molly Goddard,
Céréales arc-en-ciel, coquillettes au jambon au déjeuner et elle invente une nouvelle silhouette de grande fille inadaptée pour
soirée karaoké, maquillage Crayola par Clinique, palette de fards affronter les affres de l’âge adulte. “Je suis in, inadaptée”, chantait
aux airs d’accessoires de poupées chez Too Faced, collab’ Coach en 1968 une autre grande enfant, l’inénarrable Brigitte Fontaine
x Disney sur le dos : on aime tout ce qui nous rappelle le temps où (de jouvence).
145
Une scène du
film “Dumbo”, de
Photo Disney
Tim Burton, avec

Colin Farrell,
Nico Parker et
Finley Hobbins.
UN ÉLÉPHANT QUI VOLE,

POUR DE VRAI ?
“Live-action adaptation” : voilà la dernière recette Disney
pour réjouir les foules, des versions “réelles” de ses célèbres
dessins animés, pensées autant pour les grands que pour
leur progéniture. “Dumbo” par Tim Burton poursuit cette
série de résurrections de classiques de notre enfance…
Par Delphine Valloire
Il a d’immenses yeux bleu pervenche, des oreilles démesu- les franchises Marvel et DC Comics ou même avec les Star
rées, il a perdu sa maman, sait voler et a le pouvoir de faire pleu- Wars déjà dans le giron Disney. Et même si le remake de Mary
rer les foules. Dumbo, le petit éléphant dessiné par Walt Disney Poppins fin 2018 a reçu un accueil mitigé, les superproduc-
en 1941, revient sur les écrans “pour de vrai” grâce à des effets tions vont s’enchaîner toute l’année à venir. En mai, c’est Guy
spéciaux fabuleux – personne ne saura résister à son expression Ritchie qui revisite Aladdin avec Will Smith en génie bleu, et
si triste lorsqu’il est peinturluré en clown – et au savoir-faire deux jeunes stars Naomi Scott et Mena Massoud dans les rôles
du réalisateur Tim Burton. La bande-annonce compte déjà principaux. En juillet, ce sera la déferlante du Roi Lion réalisé
10 millions de vues sur la chaîne YouTube Disney et le casting par Jon Favreau avec un casting plus que royal : Donald Glover
a, lui, son comptant de superstars : Eva Green en trapéziste, en Simba et l’icône Beyoncé en Nala. En 2020, ce sera au tour
Colin Farrell en directeur de cirque, mais aussi Michael Keaton de Mulan, avec un budget pharaonique et un casting asiatique
et Danny de Vito ainsi qu’une adorable nouvelle venue, Nico parfait : la jeune révélation Liu Yifei dans le rôle principal ainsi
Parker, la fille de Thandie Newton. On peut imaginer ce qui a que Jet Li et Gong Li. Dans les starting-blocks des préproduc-
attiré Tim Burton dans cette fable : l’univers cruel et fantaisiste tions, on trouve aussi en vrac un projet de Cruella avec Emma
du cirque qu’il avait déjà un peu effleuré dans Big Fish et le per- Stone, La Belle et le Clochard, La Petite Sirène, Pinocchio et
sonnage touchant de ce petit outsider, handicapé par cette appa- Blanche-Neige. Tout le catalogue risque d’y passer.
rence qui fait de lui un petit “monstre” avec ses oreilles géantes
qui, tel l’albatros de Baudelaire “l’empêchent de marcher” mais lui QUAND LA MAGIE DEVIENT RÉELLE
permettent de voler. On compte sur Tim Burton pour mettre en Quelle est la valeur ajoutée ? Parfois un bon réalisateur
valeur le côté inquiétant de ce monde imaginaire, qui déjà avec comme Tim Burton ou Jon Favreau, et aussi une dimension
Disney en 1941 avait combiné sur le public l’effet crève-cœur et de prouesse technique. La bande-annonce du Roi Lion, somp-
l’effet merveilleux. tueuse, donne le frisson et se termine avec un mot à double
sens : “remember” (souvenez-vous). On est de fait dans le
REMEMBER… registre de la petite madeleine de Proust, plus celle de tante
Pourquoi une telle stratégie de la part de Disney ? Si le che- Léonie mais celle de l’oncle Walt qui a structuré nos enfances
min a été pavé par quelques précédents, dont Cendrillon, réalisé depuis 1937 avec Blanche-Neige et les 7 nains. On y ajoute-
par ce bon vieux shakespearien de Kenneth Branagh en 2015 rait un ingrédient qui fait la différence : une soi-disant réalité
(avec Cate Blanchett et Lily James, un succès honnête au box- filmée, ironique quand on pense que les gens sont de plus en
office avec une recette de plus de 500 millions de dollars), et plus accros au virtuel et aux fake news. En 2019, il n’y plus ou
Le Livre de la jungle de Jon Favreau en 2016 (avec Bill Murray, presque de barrières techniques : 3D, matte painting, les effets
Scarlett Johansson, Idris Elba et Lupita Nyong’o pour un résul- spéciaux ont fait des progrès fulgurants pour des budgets pas
tat de 960 millions), c’est La Belle et la Bête qui a boosté l’effet impossibles à tenir. Tous les décors, tous les personnages, tous
live-action adaptation. En 2017, le film a explosé tous les records les mouvements sont possibles. C’est l’imagination d’hier au
et a récolté 1,2 milliard de dollars. Pourtant il s’agissait là pouvoir ; Disney rend donc la magie réelle. Et les producteurs
d’une version très (trop) sage calquée, presque plan pour plan, reçoivent des montagnes de pièces d’or comme s’ils en avaient
costume pour costume, sur la version animée de 1991, avec fait le souhait auprès du bon génie de la lampe, des sommes
deux stars très british : Emma Watson (l’Hermione d’Harry à faire s’évanouir l’oncle Picsou. Conte de fées, vous avez dit
Potter) et Dan Stevens (Downton Abbey). Ce succès dément a conte de fées ?
dopé leur politique de revisiter les classiques Disney en images
réelles, pour rivaliser tout en haut du box-office mondial avec “Dumbo”, de Tim Burton, Sortie le 27 mars.
147
L’OFFICIEL SAGA
GIA CARANGI,
MODÈLE DÉPOSÉ
Sorte de “James Dean de la mode”, le top-modèle a eu une
carrière éclair de trois ans à la fin des années 1970, avant de
mourir du sida en 1986. Sa beauté rebelle et androgyne continue
de faire bruisser Instagram et ses héritières sont légion…
Par Virginie Beaulieu
Si vous tapez son nom dans Google, gueule, ses excès d’enthousiasme ou de
vous obtiendrez près de 400 000 résultats, colère la rendent immédiatement
sans compter 22 000 publications sur légendaire dans l’univers compassé de la
Instagram, 9 000 sur YouTube ou des couture qui déambule entre Milan, Paris et
dizaines de fanpages sur Facebook. C’est New York. Il faut dire que respecter
pourtant entre 1978 et 1981 que l’autorité n’a jamais été son fort.
Gia Carangi, un des premiers Née en 1960 dans une banlieue aisée de
supermodèles, a connu une gloire aussi Philadelphie, Gia grandit sans filet entre
sidérante qu’éphémère, figée à jamais sur un père absent et une mère qui a déserté le
papier glacé. “Too beautiful to die, too wild to foyer familial avant de se remarier. Pas
live” (trop belle pour mourir, trop sauvage vraiment surveillée, elle ne connaît pas de
pour vivre), comme le dit le slogan du film limites imposées, entre les concerts de
HBO Gia réalisé en 1998 et inspiré de sa David Bowie, l’école buissonnière, ses
vie, qui vaudra à la presque inconnue coups de cœur incessants pour les jolies
Angelina Jolie, qui l’interprète, son filles et les fêtes sous Quaalude.
deuxième golden globe. Comme celle de
James Dean au cinéma, la trajectoire de UN PEU BUTCH, UN PEU PIN-UP
Gia dans la mode, coupée net par la Sur le conseil d’un photographe local,
drogue, n’en finit pas de fasciner un public elle débarque à New York à 18 ans
épris de pop culture vintage. Toutefois, il y directement devant le bureau de
a quelque chose de puissamment moderne Wilhelmina Cooper, qui dirige une
dans son tempérament, comme dans celui fameuse agence de mannequins : elle signe
de James Dean : une androgynie, un côté à cette jolie punk, un peu butch, un peu
sauvage, urbain, unisexe et garçon manqué pin-up, un contrat dans l’heure. À contre-
pour celle qui emprunte sa panoplie courant des autres filles, très blondes, très
“T-shirt-jean-Converse” au vestiaire saines, comme Patti Hansen ou Jerry Hall,
Photo Andrea Blanch/Getty Images
masculin avant tout le monde. Elle exsude Gia la provocante incarne toute une
le danger, l’interdit, et pour cause. Avec un population de brunes mal représentées par
culot dingue, Gia n’hésite pas à envoyer la mode. En 1979, elle travaille dur, aligne
sur les roses des photographes célèbres ou, les covers plus vite que son ombre, du
Page de droite, au contraire, à poser nue spontanément Cosmopolitan américain à tous les Vogue
Gia Carangi
en 1982. quand elle se sent à l’aise. Ses coups de (US, anglais et français), et pose pour le
148
L’OFFICIEL SAGA
gratin des photographes de mode : Richard mérite pas tout ce qui lui arrive. Un
Avedon, Chris von Wangenheim, Helmut syndrome carabiné d’imposture mine cette
Newton, Arthur Elgort ou encore fille qui n’a pas fait d’études mais rêve de
Francesco Scavullo. L’illustrateur Joe Eula devenir chef opératrice de cinéma. En
la fait poser aussi pour ses dessins de 1980, la mort subite de Wilhelmina, son
mode ; il se souvient dans une biographie modèle, sa mère de substitution, la fait
signée Stephen Fried d’un modèle déraper : Gia se laisse glisser dans des
extraordinaire : “Gia adoptait la bonne paradis artificiels de plus en plus
attitude pour ressentir ce luxe inouï autour destructeurs, s’injectant l’héroïne fournie
d’elle. C’était une vraie actrice, vraiment une par des dealers de luxe, puis dans
star en face de moi, portant des merdes à 5 ou d’insalubres galeries de shoots du Lower
10 dollars et vous donnant l’impression que East Side. C’est la dégringolade, et
c’étaient les plus beaux vêtements depuis personne ne s’en soucie jusqu’au moment
l’invention de la couture.” Le photographe où des marques pas très photogéniques
Scavullo l’adore, même s’il lui est apparaissent sur ses bras, où sa beauté se
impossible de la diriger : “Vous aviez ces fane et où ses retards deviennent des
photos prises sur le vif et elles étaient divines… absences. C’est le moment où, dans l’une
Elle avait le corps parfait pour poser : des yeux, de ses rares apparitions à la télévision, elle
bouche, cheveux parfaits et pour moi, et la murmure, le regard perdu après deux
parfaite attitude ‘je me fous de tout’.” En 1980, heures de coiffure-maquillage : “Et nous
il l’appelle pour qu’elle prête son jean voilà au pays des faux-semblants, pas vrai ?
déchiré-juste-ce-qu’il-faut à Diana Ross Du fantasme.” En 1981, elle disparaît des
pour la pochette de son album mythique radars. Ruinée et au bout du rouleau, elle
Diana. Sur la photo, la star du disco a est retournée en douce chez sa mère et
emprunté non seulement le jean mais aussi galère entre désintox et petits boulots. Une
la dégaine de Gia : cheveux mouillés, sans rechute en 1985 tourne mal : elle attrape la
make-up, braguette ouverte et T-shirt blanc maladie qui vient de tuer Rock Hudson et
roulé aux manches. Son fameux “bouton commence à décimer le monde de la mode.
de pantalon ouvert” est aussi Gia décède en 1986, première femme
immédiatement copié par les stylistes de célèbre victime du sida. Cette année-là,
mode. À force de naturel, cette fan de une brune qui lui ressemble beaucoup, plus
Blondie lance le “street chic”. mainstream et moins subversive, signe avec
l’agence Elite à New York : Cindy Crawford
AU PAYS DES FAUX-SEMBLANTS sera longtemps surnommée “Baby Gia”.
Souvent incontrôlable dans sa vie Aujourd’hui, c’est la fille de Cindy
professionnelle – elle plante des clients, Crawford, Kaia Gerber, portant en elle ce
mange des cuisses de poulet en robe Yves “Gia factor”, qui enflamme les podiums
Saint Laurent Couture ou s’enfuit par la (plus sagement). De Gia, restent d’un côté
fenêtre des toilettes au milieu d’un shooting les images glamour de von Wangenheim et
Versace avec Avedon –, Gia n’arrive pas consorts qui circulent à l’infini sur Pinterest
mieux à gérer sa vie sentimentale. Elle ou Tumblr, de l’autre sa biographie, plus
tombe amoureuse de nouvelles filles chaque âpre mais non moins extraordinaire, écrite
semaine et s’accroche à des hétéros qu’elle par le journaliste Stephen Fried, qui retrace
essaie de séduire en leur envoyant des sa vie autant qu’une époque et un milieu.
brassées de roses, comme la belle Ses héritières spirituelles, boyish,
Photo Sasha Borodulin/The Borodulin Collection
maquilleuse Sandy Linter, avec qui elle vit spontanées et subversives se nomment
une liaison houleuse entre deux sorties au Cara Delevingne et Kristen Stewart, des
Studio 54. Comme l’exprime si bien wild girls portées aux nues, mais bien mieux
l’écrivain Stig Dagerman parlant de la armées qu’elle pour ne pas tomber dans le
condition humaine : “Notre besoin de piège du miroir aux alouettes.
Page de droite, consolation est impossible à rassasier.” Et Gia
Gia Carangi et
Sandy Linter parvient mal à masquer sa colère, cette folle À lire, la biographie de Stephen Fried :
au Mudd Club,
à New York insécurité créée par l’abandon de sa mère, “Thing of Beauty, the Tragedy of Supermodel Gia”
au début des
années 1980. ou à se débarrasser de l’idée qu’elle ne (Pocket Books, 2011).
150
L’OFFICIEL POWER PLAYERS
LES NOUVEAUX
STRATÈGES DE LA
MODE DIGITALE
Dans notre industrie, les dynamiques de pouvoir ont changé.
C’est maintenant sur les réseaux sociaux que tout se joue,
y compris les places les plus chères pour les professionnels
les plus aguerris. Présentation de quelques éminences grises.
Par Claire Beghin
Ils sont “manager des stratégies de qu’une marque doit réussir à produire le post
contenus”, “responsable des partenariats sur lequel on s’arrêtera quand on scrollera
mode” ou les premiers lanceurs d’alerte l’application. Tout repose sur cet instant, très
du milieu, et ils font la pluie et le beau bref, entre le moment où un post provoque
temps dans l’industrie de la mode. Alors une émotion, et celui où cette émotion déclen-
que plus de 90 % des achats de luxe sont chera l’action qu’on veut engendrer, que ce
aujourd’hui influencés par les interactions soit chercher à en savoir plus, s’abonner au
digitales, qui pour beaucoup prennent compte de la marque ou acheter une paire de
racine sur Instagram, c’est dans ce sec- chaussures.”
teur que gravitent les nouvelles éminences
grises, grâce à un flair indéniable et des MAÎTRISER LES CODES
carnets d’adresses longs comme le tapis Produire ce type d’émotion sur le digi-
rouge du Met Gala. tal est devenu un métier à part entière,
“Tout est une question d’émotion”, à la croisée d’une création éditoriale
observe Raven Smith. Ce directeur inspirante et de la pure stratégie mar-
créatif free-lance est également chro- keting. Pour occuper ces fonctions clés,
niqueur pour le Vogue anglais, où il Facebook, Instagram ou YouTube font
décrypte chaque semaine l’actualité de appel à des personnalités qui connaissent
la mode et de la pop culture avec un par cœur le milieu de la mode et ses
humour au troisième degré brillant. Ses ramifications. Alors que les ventes en
posts Instagram, où il met en scène son ligne de l’industrie du luxe devraient
quotidien de façon hilarante, lui ont atteindre 87 milliards de dollars en 2025
rapporté plusieurs dizaines de milliers (selon le cabinet de conseil McKinsey &
de followers. Un temps Commissioning Company), ces personnes doivent à la fois
director chez Nowness, la plate-forme de maîtriser les codes de la communication
vidéos artistiques de LVMH, il conseille digitale, avoir une vision pertinente des
aujourd’hui les marques sur la bonne consommateurs, et un réseau assez vaste
stratégie digitale à adopter pour toucher pour mettre à contribution des personna-
leur cible. “Aujourd’hui, on s’informe et on lités qui ont une influence directe sur les
consomme sur Instagram, poursuit-il. On actes d’achat : les top-modèles, les créa-
absorbe tellement de contenu en une journée teurs stars comme Virgil Abloh ou Olivier
152
Photo David M. Benett/Dave Benett/Getty Images for Chaos
Raven Smith
le maestro
d’Instagram
qui influence
aussi bien les
marques que les
influenceuses.
C’est le premier conseil que donne Eva Chen Si l’on en croit son Instagram,
aux créateurs : montrer ce qui se passe Derek Blasberg est partout, absolument
backstage, envoyer des selfies, se montrer partout. À Los Angeles avec Miley Cyrus
Photos Christian Vierig/Getty Images, Taylor Hill/FilmMagic
accessible plutôt que de cultiver une image ou Katie Perry, à Paris avec Zendaya, à
trop figée. Et poster, poster, poster… Londres avec David et Victoria Beckham.
POWER PLAYERS L’OFFICIEL
Rousteing et, bien sûr, les influenceurs, partenariats mode de la plate-forme

dont le marché est évalué à un milliard Instagram, là où tout se passe. Elle
de dollars, selon une étude de l’agence n’hésite pas à documenter toute sa vie,
marketing Mediakix. de ses virées aux fashion weeks à son
Dans ce cercle très fermé, Derek Blas- quotidien avec ses enfants. Insider de la
berg est roi. L’auteur et journaliste de mode depuis ses plus jeunes années (elle
mode américain a récemment rejoint était auparavant rédactrice en chef du
YouTube en tant que Fashion and beauty magazine Lucky, puis responsable de la
director, un choix hautement stratégique beauté pour Teen Vogue), elle a compris
pour booster le volume et la qualité des que la clé pour booster son audience est
contenus mode de la plate-forme. Avec d’offrir aux gens la possibilité d’accéder
un CV qui compte le Wall Street Jour- à un monde qui les fait rêver. “La mode a
nal, CNN Style, Vanity Fair et Harper’s longtemps eu cette mentalité de ‘Tu ne peux
Bazaar, et des amitiés avec les plus pas t’asseoir avec nous’. Aujourd’hui, tout le
grands noms de l’industrie (Bella Hadid, monde peut participer. Instagram a donné
Karlie Kloss, Diane von Furstenberg…), accès aux premiers rangs des défilés à tout le
il est l’une des figures les plus connec- monde, permet de voir comment les stylistes
tées – dans tous les sens du terme – du travaillent ou comment les mannequins
milieu de la mode. Un réseau qu’il a développent leur carrière.” C’est d’ailleurs
commencé à construire il y a plus de le premier conseil qu’elle donne aux créa-
quinze ans, depuis son dortoir universi- teurs : montrer ce qui se passe backstage,
taire new-yorkais, et qu’il a peaufiné en envoyer des selfies, se montrer accessible
produisant des vidéos montrant les cou- plutôt que de cultiver une image trop
lisses des défilés et en assistant à chacune figée. Et poster, poster, poster… “Il faut
des soirées organisées par les gens les être actif, s’abonner, commenter, répondre
plus influents du milieu. Quitte à n’y pas- aux messages privés. Les gens qui consom-
ser que quelques minutes. L’important ment de la mode sur internet ouvrent
est de se montrer aimable, disponible ou, Instagram 32,5 fois par jour, et 500 millions
comme il le confiait récemment au site de personnes utilisent les ‘stories’ quoti-
Business of Fashion : “Content d’être là, et diennement.” L’une de ses plus grandes
facile au travail.” Un motto qui l’a hissé réussites a été de développer des filtres
jusque dans les bureaux de YouTube personnalisés pour les marques, comme
où “le Truman Capote de sa génération” celui qui permettait récemment d’essayer
(citation du New York Times qu’il reprend une paire de lunettes Off-White à travers
sur son site) occupe désormais l’un des son téléphone. “Mon rôle est de répondre
postes les plus influents du métier. aux besoins et aux désirs des différentes
Bien sûr, conseiller les plus grandes communautés de la mode pour les connecter
marques sur les bonnes stratégies à au monde. (…) Cela fait de moi une sorte de
adopter sur les réseaux sociaux nécessite thérapeute d’Instagram.”
d’en maîtriser soi-même tous les codes, La mode ne s’est jamais montrée aussi
et de savoir jouer avec sa propre image, stratégique pour apparaître plus authen-
au moins aussi bien que ses clients. Si l’on tique. Là est tout le paradoxe du digital,
en croit son Instagram, Derek Blas- où l’on voit également naître les premiers
berg est partout, absolument partout. lanceurs d’alerte du milieu, comme le
À Los Angeles avec Miley Cyrus ou Katie mannequin Cameron Russell qui a publié
Perry, à Paris avec Zendaya, à Londres des centaines de témoignages anonymes
avec David et Victoria Beckham, qui vient de professionnels de la mode victimes de
d’ailleurs de lancer sa chaîne YouTube. harcèlement ou d’agressions sexuelles. Ou
encore comme le fait le compte Insta-
L’ART DU STORYTELLING gram Diet Prada, qui dénonce les copies,
“Instagram est devenu comme une école l’appropriation culturelle et les marques
mondiale de la mode”, assure Eva Chen. qui s’inspirent un peu trop des collections
Cette New-Yorkaise de 39 ans sait de de jeunes créateurs. Une façon autrement
quoi elle parle, elle est responsable des pertinente de capitaliser sur l’authenticité.
155
ÉVASION L’OFFICIEL
MIAMI STORIES
Après cinq ans de rénovation, le légendaire Surf Club rouvre
ses portes à Surfside, au nord de Miami. Le club privé né en 1930
se présente à nouveau comme une spectaculaire propriété privée,
revisitée par Richard Meier. Un magnifique refuge au soleil.
Par Caroline mas
L’idée du Surf Club est précisément née sentiment de volupté absolue qui gagne le
sur le yacht de Harvey Firestone, magnat visiteur. Maîtrisés par le designer Joseph
du pneumatique, à la fin des années 1920. Dirand, les espaces reflètent
Parti explorer les côtes de Miami Beach, l’environnement océanique de l’hôtel de
Firestone et quelques amis, dont les figures façon subtile. La lumière est brillamment
locales Carl Fisher et Irving Collins, exploitée à travers les grandes baies vitrées
tombent sous le charme d’un superbe des 77 chambres et suites de l’hôtel,
terrain surplombant l’océan. L’architecte mettant en valeur leur mobilier fonctionnel
Russell T. Pancoast, maître du style raffiné. Les amateurs de cuisine pourront
Art déco de l’époque, est appelé pour se délecter d’une expérience exclusive au
donner vie au projet. Le club privé ouvrira restaurant Sirenuse – né de la collaboration
ses portes alors que la Prohibition entre Le Sirenuse Hotel de Positano et le
s’évanouira peu de temps après. groupe Four Seasons – où le chef italien
Inauguré le 31 décembre 1930, le lieu fut Antonio Mermolia sublime les essentiels de
le cadre de fêtes hors du commun, attirant la gastronomie de la côte amalfitaine dans
des personnalités exceptionnelles, tels le cadre grandiose du vaste ballroom
Frank Sinatra, Dean Martin, Elizabeth d’autrefois. La légendaire Peacock Alley,
Taylor et Winston Churchill, qui avait pièce maîtresse du Club, témoigne du style
pour habitude de peindre dans son Art déco et de l’ambiance glamour des
cabanon de plage. Autant d’anecdotes et années jazz. Autre espace au charme
d’événements incroyables qui ont contribué intemporel, le spa et son style hérité des
à faire de ce spot l’un des hauts lieux du cabanons de plage des années 1930 à 40,
glamour. un incontournable pour qui souhaite faire
Riche de son passé, le Surf Club l’expérience d’un soin d’exception face à
conjugue aujourd’hui la gloire des l’océan. Condensé d’histoire et de culture,
Années folles aux opportunités de demain, le Surf Club a su s’entourer des meilleurs
inspirées par une clientèle internationale de acteurs pour continuer d’écrire son destin
plus en plus exigeante. Cinq ans de hors norme.
rénovation auront été nécessaires pour Le dernier talent arrivé sur la propriété
rouvrir les portes de ce lieu mythique : n’est autre que l’emblématique Thomas
Photo Christian Horan/The Surf Club
étendu sur plusieurs centaines de mètres de Keller, chef américain triplement étoilé au
sable blanc, le projet ambitieux, signé de Michelin, invité à célébrer les années
l’architecte américain Richard Meier, Rat Pack dans son nouvel établissement :
domine en porte-à-faux l’initial club house, The Surf Club Restaurant, où les grands Page de gauche :
la piscine
ouvrant ainsi un dialogue entre l’ancien et classiques de la cuisine américaine sont de l’hôtel Four
Seasons at
le contemporain. À l’intérieur, c’est un délicieusement mis à l’honneur. The Surf Club.
157
L’OFFICIEL ÉVASION
De haut en bas,
fête hawaïenne
au Surf Club,
Photos Adrien Dirand/The Surf Club
en 1946.
Des élégantes,
dans les
années 1940.
Page de droite,
le bar à
champagne
du restaurant
Le Sirenuse,
situé dans
l’ancienne salle
de bal du
Surf Club.
158
BE WELL
1. DÉCOUVRIR 5. RENCONTRER
La palette bijou Yves Saint Maria Bosoni, fondatrice
Laurent Beauté de oOumm
2. SUCCOMBER 6. SUER
Douze parfums mythiques L’Usine ouvre à Saint-Lazare
3. PROFITER 7. SOIGNER
Le spa du Es Saadi Tatiana Korsakova
à Marrakech nous présente le Dr Anita
Photo Callum Toy
Sturnham
4. ADOPTER
La soie selon Intimissimi
BE WELL L’OFFICIEL
1. LE 3-EN-1 SIGLÉ YSL

Dédiée à la fois au sourire, au teint et au regard, la palette Shimmer Rush
All-Over d’Yves Saint Laurent Beauté ne quittera plus votre sac cette saison.
Par Mélanie Mendelewitsch
Photographie Marine Billet
I
nspiré par la belle saison, le maestro flamboyance, avec des teintes scintillantes. et le teint à l’approche des beaux jours.
Tom Pecheux imagine un tout-en-un Six teintes complémentaires. Caramel Un ADN rock et coloré. Incarnée par la
radieux pour les lèvres, le teint et doré, violet intense et cuivre ardent : sensuelle Staz Lindes, la campagne
les paupières. Must-have annoncé de la ce camaïeu opalin évoque de lointains printanière de la marque donne à voir
saison des festivals, ce concentré d’éclat paysages exotiques. Intensément l’égérie dans son quotidien, sur scène,
contenu dans un boîtier bijou translucide pigmentées, les teintes irisées illuminent dans la moiteur d’un festival endiablé où
met à l’honneur à la fois la sobriété, le regard, tandis que les deux roses elle apparaît sur fond de soleil couchant
à travers des couleurs pastel, et la gourmands viennent rehausser les lèvres hypnotique.
161
L’OFFICIEL BE WELL
2. MYTHES ET LÉGENDES
Quelques parfums ont marqué leur époque et sont devenus
des classiques. Des jalons historiques à (re)découvrir.
Par Antigone Schilling
Photographie MArine Billet
De gauche à droite, First de Van Cleef & Arpels paix. À un premier flacon soleil succéda le flacon métallique. Un flacon carré, la sobre élégance d’un
(1976), le précieux. Premier parfum pour une mythique de 1951, tourbillon de cristal sur lequel étui noir et blanc, le choix d’un chiffre fétiche, la
marque de joaillerie, First devait être “un parfum sont juchées deux colombes enlacées. Floral épicé, légende de Marilyn… ces éléments composent le
qui ait l’air d’un bijou et qui sente comme un le parfum se dessine avec légèreté autour d’un parfum le plus célèbre du monde.
joyau”. Composition de Jean-Claude Ellena, First opulent bouquet d’œillet, rose, gardénia, jasmin, Shalimar de Guerlain (1925), le légendaire.
joue l’opulence d’un grand bouquet autour du iris sur fond santal. Élu flacon du siècle en 1999. Sur la route enchantée de l’Inde, une belle histoire
jasmin et de l’hédione. Un festival de matières No 5 de Chanel (1921), l’archétypal. “Parfum de d’amour à l’ombre du Taj Mahal et la naissance
avec plus d’une centaine d’ingrédients. femme à odeur de femme”, le No 5 a été créé par d’un magnifique oriental. Un cœur floral se
L’Air du Temps de Nina Ricci (1948), l’icône. Ernest Beaux avec les plus belles matières florales pose sur l’opulence d’un fond sensuel à base
Après la guerre, on célèbre une nouvelle ère de (rose, jasmin…) et une touche d’aldéhydes un brin d’opoponax, tonka et une surdose magistrale
162
d’éthylvanilline. Le flacon, une vasque surmontée amphore en cristal, Diorissimo a ensuite eu pour des égéries magnifiques contribuèrent à la réussite
d’un bouchon bleu en éventail, est comme un écrin un flacon géométrique orné de l’ovale d’un grand parfum.
prologue au conte. inspiré des fauteuils médaillon. Calèche d’Hermès (1961), l’emblématique.
Diorissimo de Dior (1956), le modèle. Reflet de Trésor de Lancôme (1990), l’incontournable. Un nom évocateur de l’attelage symbolique de la
la passion du couturier pour les fleurs, Diorissimo Un nom précieux et un succès magnifique. maison et un flacon inspiré d’une forme de lampe
est un quasi-soliflore autour du muguet, fleur Création de Sophia Grojsman, surnommée signent ce parfum devenu un des Classiques
muette en parfumerie. Porte-bonheur, l’accord l’alchimiste des roses, Trésor se dessine autour Hermès. Très féminine, la fragrance pétille de
muguet recomposé est enrichi de jasmin et de d’une rose otto “aux accents miellés et épicés” notes hespéridées sur un cœur floral (ylang-ylang,
boronia, une magnifique création signée Edmond avec un délicieux côté poudré sur fond boisé rose, jasmin) relevé d’aldéhydes et iris, sur fond
Roudnitska. Après des débuts dans un flacon vanillé ambré. Un flacon pyramide à l’envers et boisé de vétiver et santal.
De gauche à droite, Opium d’Yves Saint Laurent oriental de transgression. un flacon étoile. Le dernier des mythes.
(1977), le mythique. Fasciné par l’Extrême- Angel de Mugler (1992), l’éclatant. Ovni dans Calandre de Paco Rabanne (1969), l’avant-
Orient, Yves Saint Laurent rêvait d’un parfum la parfumerie à son lancement, Angel est gardiste. “Le métallurgiste”, comme le
pour une impératrice de Chine avec un nom devenu le chef de file d’une très grande famille. surnommait Coco Chanel, aimait jouer avec
sulfureux évoquant l’addiction. Dans un flacon Puissamment gourmande, la création d’Olivier les matières et les matériaux. Ode au métal, le
en forme d’inro à effet de laque rouge, Opium se Cresp répondait à la perfection au souhait de flacon de Calandre s’inspire de la forme d’un
dévoile à travers une bulle de verre. Parfum au Thierry Mugler. Un côté fruits rouges, praline avec radiateur de voiture et s’orne d’un pourtour vif-
sillage puissant (très concentré), il magnifie un l’audace de l’éthyl-maltol sur un fond vanille et argent. Floral vert et métallique avec ses notes
cœur floral épicé à base de girofle et de cannelle, patchouli à très haute dose. Pour sertir ce parfum d’aldéhydes, il pose son bouquet sur un fond
sur un fond opulent, sensuel. Un magnifique brûlant, un froid galactique incarné par le bleu et boisé avec la première utilisation de l’evernyl
164
(mousse de chêne). Un parfum futuriste en cannelle, girofle), le tout sur un fond boisé. Ode
réponse à l’idée d’une étreinte torride dans une à la nouvelle épouse de Marcel Rochas, la belle
voiture ! Hélène, Femme demeure un grand floral.
Femme de Rochas (1945), le sublime. Arpège de Lanvin (1927), l’éternel. Jeanne
La quintessence de la féminité dans un Lanvin fit créer Arpège en l’honneur de sa fille
flacon amphore aux courbes opulentes, et le Marie-Blanche, musicienne émérite. Muguet,
souvenir de Mae West (dentelle dans l’étui). lilas et une soixantaine d’ingrédients composent
Edmond Roudnitska eut l’idée d’agrémenter cette partition olfactive. Boule noire, le flacon
sa composition chyprée d’une puissante note est illustré du dessin doré d’Iribe représentant
fruitée de prune sans oublier des épices (cumin, Jeanne Lanvin veillant sur sa fille.
3. RITUELS DE LUXE DANS LA MÉDINA

En quête d’une parenthèse ensoleillée bienfaisante ? Cap sur le spa du palace
Es Saadi, temple du bien-être à Marrakech.
L
e spa du palace Es Saadi est douches à expériences aux jets et aux locaux que sont la rose, le miel et l’huile
l’un des QG du bien-être de la températures variables ; sans oublier la d’argan. Musts absolus, les massages
ville rouge, passage obligé des fontaine à glace aux sublimes zelliges signature sur mesure sont autant de
beautistas locales ou en visite. Étendu de Fez, qui met l’artisanat marocain à chorégraphies rythmées qui alternent
sur 3 000 mètres carrés, cet endroit l’honneur. Entre deux brasses et un soin, les mouvements raffermissants pour les
d’exception est notamment célèbre pour on s’attable à l’extérieur, sur le solarium tissus, et apaisent les moindres tensions.
sa piscine intérieure baignée de lumière, de mille mètres carrés où l’on savoure Mention spéciale au Bienheureux, ballet
instagrammable au possible. Doté d’un des mets healthy tout en faisant le plein exquis à quatre mains agrémenté de
Dior Institut et d’un vaste salon de la de vitamine D. ballons d’eau chaudes, véritable festival
marque de soins capillaires végétaux On y teste quoi ? Pour commencer en de sensations.
Phyto, le spa est aussi réputé pour son beauté, on renoue avec les fondamentaux Enfin, on expérimente les protocoles
parcours Oriental Thermae, parenthèse en s’initiant au rituel incontournable du iconiques du Dior Institut que sont
régénérante d’exception, qui combine hammam où s’enchaînent gommages, le soin miracle l’Or de vie ou le rituel
savoir-faire ancestral et innovations enveloppements et modelages aux huiles d’exception Dior Prestige, échappées
haute technologie dernier cri. Au essentielles, à la sauce typiquement belles planantes qui fusionnent anti-âge
programme, la cabine de bain herbal bio marrakchi ou agrémenté de touches et détente totale.
“du bled”, qui ouvre les pores et booste indiennes et japonaises, selon l’humeur. Le luxe ultime ? Le Spa Suite, saint des
le métabolisme ; un sauna finlandais pour Vient ensuite le choix cornélien du saints ultra-exclusif comprenant vestiaires
stimuler la circulation sanguine et la soin : les traitements visage puisent leur et salon de repos indépendants, hammam
récupération musculaire ; un laconium, inspiration dans les secrets de beauté privatif, balnéothérapie duo et deux tables
Photos DR
un bain de vapeur musical à la lavande ancestraux des Marocaines, et mettent à de massage, idéal pour une parenthèse
ou axé sur la chromothérapie ; des profit les bienfaits infinis des ingrédients délassante en couple ou entre amies.
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4. DOUCE COMME DE LA SOIE

Intimissimi fait à nouveau appel au top-modèle Irina Shayk
pour incarner sa nouvelle collection capsule.
Par Laure Ambroise
O
n la voit partout, à Venise pour le y a plus de dix ans. Irina Shayk (en photo) la nouvelle collection soie. En plus du clas-
dernier film de son fiancé Bradley a commencé à travailler en tant que man- sique pyjama que portait déjà Sarah Jessica
Cooper, A Star Is Born, à Milan nequin pour la marque de lingerie avant Parker, la collection aux accents sportswear
sur le podium de Versace, en couver- de devenir son égérie pour le catalogue de luxe se complète désormais de chemises
ture des magazines et, bien sûr, dans les iconique “The Perfect Bra Book” shooté oversized, de pantalons cocooning, de
campagnes de pub de ses amis, comme par Sante D’Orazio en 2016, puis pour la caracos seconde peau, disponibles dans
Riccardo Tisci pour Burberry ou pour campagne “Insideandout” en 2017. seize coloris, sans oublier plusieurs modèles
Photo DR
Intimissimi, qui l’a découverte en Russie il Cette saison, elle reprend la pose pour de lingerie. Vivement l’été !
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5. PARFUMS DE LUMIÈRE
Rencontre avec Maria Bosoni, fondatrice de la marque parisienne
de fragrances d’intérieur et d’objets oOumm. Quand l’art de vivre
rejoint l’excellence.
Par Laure Ambroise
Q
uel est votre parcours ? mots, lesquels seraient-ils ? Quelles sont vos proposer des bougies et objets
Maria Bosoni : Je n’aime Matières, parfums, design, inspirations ? à la marge, avec un style fort
pas trop parler de moi, excellence et savoir-faire. L’une des premières, c’est et assumé. Le principal, je
je préfère laisser ma marque Quelle est la différence l’art : la sculpture, la pein- crois, c’est de creuser son
s’exprimer pour moi. Disons entre oOumm et vos ture, la recherche formelle, la propre sillon.
simplement que je suis entre- concurrents ? matière elle-même. Parallèle- oOumm s’adresse à qui ?
preneuse dans l’âme ! J’ai créé oOumm avec la ment, j’aime l’idée de travailler À une clientèle internatio-
Pouvez-vous nous expli- volonté de développer aussi autour de l’ombre et la lumière. nale, exigeante, curieuse et en
quer le concept de bien des parfums d’intérieur C’est la raison pour laquelle quête d’objets sensibles et de
oOumm ? que des objets d’exception, chacune de nos pièces porte le parfums de niche.
Avec oOumm, je vou- d’affirmer ce lien entre une nom d’une constellation ! Quelles sont vos dernières
lais donner ma vision d’une bougie parfumée de qualité et Vous êtes passionnée créations ?
marque de fragrances d’inté- des photophores pensés par par l’art contemporain, La nouveauté de ce début
rieur et d’objets s’aventurant des designers et réalisés dans avez-vous pensé oOumm d’année s’appelle “Cassio-
là où aucune autre marque de belles matières (marbre, comme une œuvre d’art ? pée”. C’est une pièce néo-
n’était allée : des fragrances laiton, bois, verre) selon des La création d’objets néces- classique en marbre et laiton
inédites portées par des objets savoir-faire traditionnels. Je site plutôt de s’interroger sur martelé. Un objet qui joue
contemporains, sculpturaux crois que cette volonté d’abor- la pertinence et la fonctionna- sur la complémentarité des
et signés. der aussi bien le contenu lité d’une pièce, de ce qu’elle matières. C’est une pièce de
Si vous deviez résumer que le contenant distingue apporte de différent. Donc, savoir-faire, artisanale… et
Photo DR
votre marque en quelques oOumm des autres marques. disons plutôt que l’idée est de forte je crois !
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6. UN TRAIN D’ENFER
Le célèbre groupe sportif L’Usine dévoile son troisième
club parisien, au cœur de la gare Saint-Lazare.
C
’est comment ? Jamais deux sans structure Eiffel XXL, sa façade (classée) permet de varier les entraînements
trois : forts du succès de leurs aux arcades majestueuses et sa hauteur en stimulant l’ensemble des groupes
spots à Opéra et Beaubourg, les sous plafond colossale, ce club de sports musculaires.
fondateurs de l’Usine, Patrick Rizzo nouvelle génération conserve l’esthétique Au deuxième étage, on découvre
et Patrick Joly, lèvent le voile sur leur industrielle d’origine, association l’espace cardio, celui de cycling à la
dernier-né, un espace de 2 000 m2 niché harmonieuse de bois, acier et béton ciré. vue panoramique sur les toits de Paris,
dans la gare Saint-Lazare. Mention spéciale aux vestiaires mais aussi le Studio, espace grandiose
Rencontre magistrale entre un site pastel instagrammables où s’accorder de 150 m2 où les 75 heures de cours
d’exception et une offre sportive ultra- une séance de sauna ou de hammam hebdomadaires sont dispensées par des
pointue, l’adresse peut aisément rivaliser après l’effort, meilleur remède pour une coachs experts.
avec les clubs Equinox, QG américains récupération optimale. Nos activités favorites ? Les sessions express
de la forme physique où se pressent les On y teste quoi ? Du running with a view “Tablettes” et “Fessiers 3D” qui sculptent
grands noms de la mode et du 7e art. sur la cour du Havre, grâce à l’alignement les abdos et l’arrière-train en trente
Oublié, les lieux bruyants aux spectaculaire de tapis de course Woodway, minutes seulement, ainsi que le cours
Photo Teddy.Bob
éclairages sinistres, L’Usine Saint- must absolu du genre, ou encore un “Train like a model” du vendredi soir,
Lazare consacre une place de choix training bootcamp musclé sur le pont pour une remise en forme façon anges
à l’architecture et au design. Avec sa Queenax – le premier en France – qui Victoria’s Secret.
170
7. I’VE GOT YOU UNDER MY SKIN

Tatiana Korsakova, créatrice de Vaara, rencontre le Dr Anita Sturnham,
experte ès épidermes et fondatrice de la clinique londonienne Nuriss. Les deux
beauty gurus décryptent les techniques de pointe pour une peau zéro défaut.
T
atiana Korsakova : En quoi d’une peau éclatante, le socle sur lequel les effets bénéfiques des facteurs de
consiste votre approche ? on va s’appuyer pour concocter des trai- croissance, des cellules-souches et des
Anita Sturnham : Dans un monde tements non invasifs high-tech et multi- peptides botaniques. Pour leur part,
parfait, une seule consultation annuelle tâches, qui vont traiter simultanément les les interventions de médecine esthé-
chez son dermatologue suffirait à mainte- rides, l’hyper-pigmentation et les signes tique évoluent, et on tend à délaisser les
nir l’éclat de l’épiderme, sans distinction de fatigue. Selon les besoins de chacune, injectables au profit de solutions comme
d’âge ou de type de peau ! Ce n’est hélas je crée une combinaison unique de lasers, la radiofréquence et les ultrasons qui
pas le cas, et un rendez-vous avec un de microneedling, d’ultrasons focalisés augmentent la production naturelle de
expert en la matière est un investissement ou encore de led. collagène et permettent de rajeunir sans
ingénieux sur le long terme. Dans ma Tatiana : Quelles sont les innovations risquer l’effet factice.
clinique, j’ai pu rencontrer beaucoup de game changers dans l’industrie de la Tatiana : Quelles sont vos astuces
patients qui dépensaient des fortunes en beauté de ces dernières années ? pour garder une peau saine même en
soins cosmétiques et mixaient différentes Anita : L’apparition des cosméceu- période de stress ?
marques sans jamais être réellement tiques a été selon moi une révolution. Anita : Notre peau reflète bien sou-
satisfaits de l’apparence de leur peau, On utilise désormais des formules haut vent notre bien-être interne. Quand nos
c’est pourquoi il est essentiel de s’entourer de gamme aux effets prouvés clinique- journées sont surchargées et qu’on dort
de professionnels chevronnés qui déter- ment, qui agissent en profondeur au peu, notre épiderme s’en fait le témoin.
minent la routine beauté la mieux adap- niveau cellulaire. Le marché du skincare C’est pourquoi j’insiste sur la nécessité
tée. C’est l’un des facteurs déterminants a commencé à se développer en utilisant de respecter sa routine matinale et du
soir, quel que soit notre emploi du temps.
Je recommande d’appliquer un masque
Anita Sturnham,
à gauche, régénérant aux acides de fruits une fois
et Tatiana
Korsakova. par semaine, et d’adopter des formules
chargées en acides lactique et glycolique.
On peut également miser sur des com-
pléments alimentaires riches en colla-
gène marin, en acide hyaluronique et en
phytocéramides pour booster la peau de
l’intérieur.
Tatiana : Pouvez-vous nous en dire
davantage sur la marque de soins que
vous avez imaginée ?
Anita : Après des années passées à étu-
dier la science cutanée et ses secrets, je
crois plus que jamais dans l’importance
d’une peau soignée avec les bons nutri-
Photo Daria Bah (Instagram @daria_bah_photo)
ments, au bon moment de la journée.

Riche de mon background médical, der-
matologique et cosmétique, j’ai imaginé
pour Nuriss une gamme de soins qui
simplifie l’approche traditionnelle qu’on
peut avoir des cosméceutiques, pour des
résultats visibles et durables sans conces-
sion sur la richesse des textures et la
qualité des packagings.
171
L’OFFICIEL ADRESSES
MODE, JOAILLERIE ET HORLOGERIE Jacob Cohën www.jacobcohen.it BE WELL ET LIFESTYLE

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SHOPPING L’OFFICIEL
2 3
MYMUESLI MARIGANCE HANA

C’est l’histoire de trois copains étudiants Fruit d’un savoir-faire exemplaire, les Hana est une marque de sandales
qui en avaient marre des müeslis fades et bourses Marigance sont réalisées à Paris solidaires confectionnée à la main.
démodés dont les goûts et combinaisons et confectionnées à la main avec les plus Chaque modèle peut être personnalisé
n’avaient rien d’excitant. Au lieu de conti- beaux cuirs et tissages français couture. au niveau de la matière et de la couleur
nuer à se plaindre, ils ont décidé de créer En collection ou personnalisables au gré et être ajusté aux mesures des clientes.
Mymuesli et de proposer une nouvelle façon de vos envies, l’univers raffiné et chic de Chaque paire vendue permet de finan-
de composer du müesli. L’idée était de Marigance se veut accessible et propose cer la scolarité d’un élève de maternelle
pouvoir composer son müesli soi-même sur aux femmes des bourses bijoux, objets à Madagascar pendant un an. Et cerise
internet : un müesli 100 % bio, sans arômes d’exception du quotidien. (2) sur le gâteau : un prix fixe de 105 € pour
ni couleurs artificiels et composé d’ingré- tous les modèles de paires de sandales,
dients provenant en majorité de fermes Découvrez le moDèle “GarDen Party” (165 €) avec la personnalisation, l’ajustement des
régionales allemandes. Pour Pâques, une ainsi que toute la collection PrintemPs-été mesures et les frais de ports offerts. (3)
nouvelle gamme est disponible en ligne. (1) 2019 sur mariGance.com.
Photos DR
DisPonible uniquement sur le site

fr.mymuesli.com hana-sanDales.fr.
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ACCESSOIRES
COMPOSANTS
CONFECTION & TRICOTAGE
ENNOBLISSEMENT
3&4
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MATIÈRES PREMIÈRES
TECHNOLOGIES CRÉATIVES AVRIL 2019
| ORGANISMES PROFESSIONNELS
| SERVICES Carreau du Temple, Paris
Horoscope
Avril 2019
Par Chrystèle Dessoy
BÉLIER (21 mars-20 avril) CANCER (22 juin-22 juillet) BALANCE (24 septembre-23 octobre) CAPRICORNE (22 décembre-20 janvier)

FORME : un cocktail de planètes FORME : un mois en dents de FORME : une vitalité un peu FORME : échappez-vous
booste votre vitalité, mais scie, vous aurez l’impression en baisse, faites une cure un peu dès que vous en avez
attention au surmenage ! de ne pas en voir le bout. de vitamines ! la possibilité.
AMOUR : vous devez faire preuve AMOUR : quelques tensions, AMOUR : si votre couple bat de AMOUR : vous avez besoin de
de patience, ménager votre isolez-vous dans un coin de l’aile, vous pourriez y mettre voir du monde, favorisez les
impulsivité. Sachez laisser le verdure pour vous ressourcer. un terme. Vous êtes sur le point échanges et les rencontres, ils
temps au temps. VIE SOCIALE : entre l’envie de prendre un virage important ; vous feront prendre du recul
VIE SOCIALE : un emploi de changer et la peur de lâcher contrairement à vos habitudes, face aux difficultés de couple.
temporaire pourrait se la proie pour l’ombre, vous ne prenez pas conseil. VIE SOCIALE : accrochages
transformer en un vrai contrat, réagissez de manière agressive VIE SOCIALE : les astres vous et contretemps vous obligent à
au prix d’une rude bataille. et déconcertez votre entourage. poussent à vous différencier et patienter pour vos projets.
MON CONSEIL : bannissez MON CONSEIL : déléguez à vous démarquer. MON CONSEIL : soyez endurante
la routine et la monotonie. davantage, c’est vital. MON CONSEIL : fiez-vous à votre et persévérante comme vous
intuition. savez l’être.
TAUREAU (21 avril-21 mai) LION (23 juillet-23 août)
FORME : un moral fragile dans FORME : olympique, tout va pour SCORPION (24 octobre-22 novembre) VERSEAU (21 janvier-19 février)
une période un peu morose, le mieux. FORME : quelques coups de FORME : vous avez de l’énergie
restez dans votre bulle. AMOUR : tout ce que vous pompe mais votre combativité à revendre.
AMOUR : vous pensez avoir souhaitez entreprendre côté ne faiblit pas. AMOUR : si vous êtes en couple,
croisé l’âme sœur, attention cœur commence à se mettre en AMOUR : si votre partenaire se l’idée de mettre un bébé en
vous pourriez vous attacher à place. Faites confiance à la vie ! lasse de la routine, mettez un route fait son chemin.
quelqu’un de décevant. VIE SOCIALE : vous donnez la peu de piment en l’invitant dans VIE SOCIALE : vous n’attendez
VIE SOCIALE : vous avez du pleine mesure de votre talent, un endroit romantique… pas que le destin frappe à
mal à changer vos habitudes on vous confie une mission qui VIE SOCIALE : la charge qui pèse votre porte, vous êtes en pleine
mais vous évitez le piège d’un requiert diplomatie et qualités sur vos épaules ne vous aide ascension et ceci grâce à votre
enracinement stérile. commerciales, vos relations pas à trouver le sommeil, faites carnet d’adresses.
MON CONSEIL : accueillez toutes deviennent passionnantes. un break ! MON CONSEIL : ayez davantage
les nouveautés en positivant. MON CONSEIL : ne fanfaronnez MON CONSEIL : exprimez le sens du détail.
pas ! vos émotions, vous somatiserez
GÉMEAUX (22 mai-21 juin) moins. POISSONS (20 février-20 mars)
FORME : vous croquez le monde VIERGE (24 août-23 septembre) FORME : prenez soin de vous et
à pleines dents ! FORME : quelques tracas et SAGITTAIRE (23 novembre-21 décembre) songez à manger équilibré.
AMOUR : vous supportez vous somatisez déjà, songez FORME : vous envisagez de faire AMOUR : vous plaisez à la terre
mal les exigences de votre à méditer… du sport ? Il vous reste à trouver entière, si vous croisez la perle
partenaire, vous clamez votre AMOUR : la pression quotidienne du temps. rare, elle succombera à votre
indépendance, veillez tout de vous empêche de prendre le AMOUR : votre tempérament de charme…
même à consacrer du temps aux temps de rêver, évadez-vous ! feu fait ressurgir une libido qui VIE SOCIALE : vous nagez en
Photo Jose A. Bernat Bacete/Getty Images
personnes qui vous sont chères. VIE SOCIALE : on vous demande s’était un peu endormie, votre eaux troubles, votre hiérarchie
VIE SOCIALE : ce n’est pas le de vous mettre en avant, mais partenaire ne s’en plaint pas. ou vos collaborateurs adoptent
meilleur moment pour signer vous préféreriez vous réfugier VIE SOCIALE : jouez davantage la une attitude qui ne vous plaît
des contrats, vos rapports avec dans un trou de souris. carte de la diplomatie. Vous avez guère, défendez votre cause avec
la loi et ne sont pas favorisés. MON CONSEIL : nuancez votre tendance à prendre trop parti ? conviction !
MON CONSEIL : jouez la carte comportement, vous éviterez Cela peut vous jouer des tours. MON CONSEIL : essayez de tendre
de la lucidité. les non-dits. MON CONSEIL : restez humble ! au maximum vers votre idéal.
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DERNIÈRES
VOLONTÉS
Par virginie beaulieu
Photos “Children’s Games” (1942), de Dorothea Tanning/DACS 2019, Marine Billet, Sébastien Tavares Gomes, Marcio Madeira, DR
5 6
1. Arborer les créoles grâce à sa rétrospective 4. Savourer l’île 6. Profiter du tea-time

acidulées issues de à la Tate Modern flottante rose de avec les biscuits
la collection “Bubble de Londres. Jean-François Piège à pistache et crème
Gum” signée de la 3. Respirer l’air de La Poule au Pot, aux de Fortnum & Mason.
Californienne Irene la forêt de Kiso avec Halles, à Paris. 7. Se prendre pour
Neuwirth. des senteurs de bois, 5. Rêvasser dans une Virginia Woolf se
2. Plonger dans de mousse, d’encens et des chambres au style rendant à une
l’inconscient troublant de cuir, avec le chalet high-tech du brillante soirée du
de l’artiste surréaliste parfum Amber Kiso nouvel hôtel Cœur de Bloomsbury Circle 7
Dorothea Tanning de D.S & Durga. Megève. avec Gucci.
L ’A B U S D ’A L C O O L E S T D A N G E R E U X P O U R L A S A N T É . À C O N S O M M E R AV E C M O D É R AT I O N.
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N° 1033 AVRIL 2019

no 1033 – avril 2019 Édito Cecil Beaton, le magnifique

Contributeurs Desert trip à Palm Springs

PRÉLUDE Cartier, un peu plus

Les fantômes de Laurie Anderson Anatomie d’un bijou : la bague

Photos Danny Lowe, Walter Pierre, Marine Billet, DR

Kiernan Shipka Emplacement réservé

Parfums, mythes et légendes

PAGE 108 Le spa du palace Es Saadi,

oOumm, parfums de lumière

Train d’enfer à L’Usine Saint-Lazare

Nuriss, I’ve got you under my skin

n° 1033 – avril 2019

Directrice de la publication et de la rédaction

Rédactrice en chef mode Directeur de création Rédactrice en chef magazine

MODE DÉPARTEMENT ARTISTIQUE MAGAZINE CONTRIBUTEURS

Market editor Consultante à la création Rédactrice en chef adjointe Photographes

LES PUBLICATIONS DES ÉDITIONS JALOU

DIRECTION PUBLICITÉ INTERNATIONAL FABRICATION

© 2018 Harry Winston SA

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Quel est votre premier est-ce que je le porterais ?

Le fou du volant sommes en janvier : Katie

Woodstock une caricature

Les fantômes O Superman. Une “voix de la airs ou les nouvelles menaces

de Laurie tout est incroyablement person- de pensées en vrac ses albums

“Heart of a Dog”, de Laurie Ander-

Une femme Pinko s’est toujours entourée de

italienne personnalités, d’esprits

à leur esprit éclectique et culturelles. Finalement, la seule

créatif est en constante sommes engagés à créer Pinko

Photo Brett Stanley

Sang chaud de Titanic Rising, le message

Le magnifique Porté par une dévotion pro- au légendaire et décadent

Sir Cecil Beaton

À l’ère de l’activisme paysage – champ d’éoliennes,

A priori, sur le papier, il et numérotée. Une collection

Un peu plus le prisme de couleurs qu’il le voyage à parcourir. Fût-il

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Vers l’infi ni et au-delà

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prouvait avec le calibre exclu-

La “Tambour heures. La face cachée de ces

Spin Time Air” la masse oscillante appa-

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no 1033 – avril 2019 Édito Cecil Beaton, le magnifique

BÉLIER (21 mars-20 avril) CANCER (22 juin-22 juillet) BALANCE (24 septembre-23 octobre) CAPRICORNE (22 décembre-20 janvier)