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M Le magazine du Monde no 350. Supplément au Monde no 22826/2000 C 81975 — SaMedi 2 juin 2018.
ne peut être vendu séparément. disponible en France métropolitaine, Belgique et Luxembourg.

cv, entretiens,

leur vie après


bilans de compétences

la politique

Dossier tourisme comptoirs méditerranéens


Photographie retouchée

L’Ame du Voyage
louisvuitton.com
7

carte blanche aux

Rencontres d’Arles.
Depuis sa création, en 1970, ce festival est un renDez-vous incontournable De
la photographie monDiale. plusieurs Dizaines D’artistes prestigieux seront,
cette année encore, à l’honneur De la 49e éDition, Du 2 juillet au 23 septembre.
sam stourDzé, Directeur De l’événement, livre à “m” sa sélection.
Collection Fotostiftung Schweiz, Winterthour. Propriété de la Confédération suisse, Office fédéral de la culture, Berne

robert frank, “arbre et chaise”, paris, 1949.


Cette image quasiment inconnue est signée d’un des photographes
les plus célèbres du xxe siècle: Robert Frank. Avant de se rendre
aux États-Unis, où il réalisera la série Les Américains, qui connaîtra
un succès mondial à sa publication en 1958, l’artiste suisse a beaucoup
photographié Paris. Et notamment les chaises du jardin du
Luxembourg, des images « vides d’individus, mais remplies d’une
poésie et d’une tristesse tellement humaines », estime Sam Stourdzé.
« Robert Frank, Sidelines », Espace Van Gogh. Du 2 juillet au 23 septembre.
www.rencontres-arles.com

2 juin 2018 — M Le magazine du Monde


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Il seraIt abusIf de consIdérer cela comme une InformatIon mais, tout de même, cela a fait
l’objet d’une brève dans un journal de France Inter, un matin : Nathalie Kosciusko-Morizet a quitté
la vie politique et s’installe à New York pour travailler chez Capgemini. Un peu plus tôt, on avait
appris, toujours par une brève, que Najat Vallaud-Belkacem devenait directrice de collection dans
une maison d’édition. Et un jour, à la radio, c’est Malek Boutih que l’on présentait ainsi : «Bonjour
Malek Boutih, vous avez quitté la vie politique… » L’ensemble init par constituer un phénomène : la
vague macronienne de 2017 a poussé un nombre inédit d’hommes et de femmes politiques hors
de leur sphère. Certains ont perdu leur ministère. D’autres ont été battus, souvent sèchement. Et
la loi qui interdit le cumul des mandats les laisse, pour la plupart d’entre eux, sans aucun point de
chute… « Ce fut comme un plan social », dit un des protagonistes de la longue enquête qu’a menée
Vanessa Schneider pour ce numéro de M Le magazine du Monde. Elle, pour qui les coulisses de la
politique n’ont pas de secret, s’est toujours intéressée autant à ce qui pousse des hommes et
(quelques) femmes à l’action politique qu’aux jeux tacticiens, s’interrogeant aussi sur ce qui se
passe quand on en est privé, quand on doit imaginer une vie sans cet objet du désir, sans ce moteur.
Vanessa Schneider constate ici que l’on est passé, avec l’avènement de La République en marche,
à une étape nouvelle. Avec l’effondrement promis du vieux monde, la question de la vie d’après
s’est doublée d’un discrédit inédit vis-à-vis du personnel politique… Ceux dont on recherchait
autrefois l’expertise et le carnet d’adresses sont aujourd’hui totalement démonétisés. La journa-
Illustration Satoshi Hashimoto pour M Le magazine du Monde

liste a même eu du mal à recueillir certains témoignages : beaucoup craignaient qu’on les accuse
de se plaindre, eux, les honnis. Alors qu’elle voulait simplement raconter le parcours, banal et
dificile, de ceux qui doivent rebondir, chercher du travail, réinventer leur vie. Ceux qu’elle
évoque dans ce sujet doivent se colleter avec un facteur aggravant : ils viennent d’un des secteurs
désormais les plus déconsidérés des sociétés démocratiques, la politique.
Dans ce numéro, une autre personne quitte la vie publique : le collectionneur Antoine de Galbert,
l’âme de la Maison rouge, à Paris. Mais lui se retire de sa propre initiative. En pleine gloire,
serait-on tenté d’écrire, même si cette expression convient mal à ce discret, ce sensible, ce tai-
seux, dont Pascale Nivelle dresse ici le portrait. La nouvelle de son départ a ému le milieu de
l’art mais aussi les nombreux idèles de ce lieu singulier, loin des sentiers battus. De fait, alors
que les fondations se multiplient en France, la in de la Maison rouge est à contre-courant.
À rebours d’un phénomène. Mais Galbert ne veut pas banaliser son propos et souhaite s’alléger
de ce qui est aussi une charge. Il a donc choisi de retourner au silencieux dialogue avec sa
collection. Sa passion. Marie-Pierre LanneLongue

2 juin 2018 — M Le magazine du Monde


2 juin 2018

La semaine Les chroniques Le magazine Le portfolio Le style


15 18 31 46 55
Le terminus qui laisse Il est comme ça… Post politicum, Terreur de jeunesse. Corners d’abondance.
les quartiers nord Sergio Mattarella. animal triste. Pour son projet 57
de Marseille en rade. 20 Il y a un an, le raz de “American Origami”, Posts et postures
22 Le grand déilé marée Macron balayait le photographe Andres #iconic.
Mais qui a vraiment Benjamin Biolay. la classe politique. Gonzalez s’est intéressé 58
dénoncé Anne Frank ? 24 Si certains ex-députés et aux tueries qui frappent Librement inspiré
23 Il fallait oser ministres ont vite rebondi, les écoles américaines. Au théâtre, ce soir.
L’histoire se répète Larmes de haut niveau. d’autres peinent 59
Chefs à plume. 28 à trouver leur place. Fétiche
26 J’y étais 38 Jeu de cartes.
Lhomme qui lit Smart faune. Hors collection. 60
Philip Roth Avec la Maison rouge, à Variations

Illustration Satoshi Hashimoto pour M Le magazine du Monde. Andres Gonzalez. Edmond Baudoin, Troub’s/Humains/L’Association/Lyon BD Festival
à livre ouvert. Paris, le mécène Antoine Jardin créole.
de Galbert avait imposé 61
un lieu singulier en marge Réédition
du marché de l’art. Pieds d’égalité.
Au faîte de la gloire, 62
le collectionneur a décidé Ma vie en images

Couverture : d’après photos Philippe Huguen/AFP. Jacques Demarthon/AFP. Aurelien Meunier/Getty (x2). Jean Catuffe/Getty
de fermer, après une Jacques
ultime exposition. Cavallier-Belletrud.
42 64
46
Le septième art Ligne de mire
et la Grande Muette. Faux pas.
Comme le Pentagone, 65
l’armée française épaule à l’origine
désormais réalisateurs Bananes lambantes.
et scénaristes. Une colla- 66
boration dont a bénéicié Un peu de tenues
“Volontaire” d’Hélène Le denim.
Fillières, en salle le 6 juin. 72
Visite guidée
Têtes modernes.
74
Fil conducteur
La Nouvelle-Orléans,
port altier.
76
Garden-party
Roses en majesté.
77
Une affaire de goût
L’amie des blettes.
78
Dessous de table
Droit au Buttes.
79
Frais de bouche
À croc et à cru.
13

Président du directoire, directeur de la publication : Louis Dreyfus


Directeur du “Monde”, directeur délégué de la publication, membre du directoire :
Jérôme Fenoglio
Directeur de la rédaction : Luc Bronner
Directrice déléguée à l’organisation des rédactions : Françoise Tovo
Direction adjointe de la rédaction : Philippe Broussard, Alexis Delcambre,
Benoît Hopquin, Franck Johannès, Caroline Monnot, Cécile Prieur
Secrétaire générale du groupe : Marguerite Moleux
Secrétaire générale de la rédaction : Christine Laget

directrice adjointe de la rédaction — Marie-Pierre Lannelongue


La culture directeur de la création — Jean-Baptiste Talbourdet-Napoleone
directrice de la mode — Suzanne Koller
rédactrice en chef du magazine — Camille Seeuws
80
rédaction en chef adjointe — Agnès Gautheron, Pierre Jaxel-Truer
L’exposition “Réfugiés”
au festival Lyon BD. rédaction
Et aussi : danse, cinéma, Carine Bizet, Samuel Blumenfeld, Philippe Ridet, Laurent Telo,
musique, théâtre. Vanessa Schneider, Zineb Dryef.
88 Style-mode — Chloé Aeberhardt (chef adjointe Style),
Vicky Chahine (chef adjointe Mode), Fiona Khalifa (coordinatrice Mode),
Le DVD avec Maud Gabrielson, Laëtitia Leporcq, et Ray Tetauira (assistant direction Mode)
de Samuel Blumenfeld Culture — Clément Ghys (chef adjoint), Émilie Grangeray
“Deux hommes en Chroniqueurs — Marc Beaugé, Guillemette Faure,
fuite”, de Joseph Losey. Jean-Michel Normand, Philippe Ridet, François Simon
91 Assistante — Christine Doreau
Dossier tourisme Rédaction numérique — Marlène Duretz, François Bostnavaron, Thomas Doustaly,
Une odyssée Pascale Krémer, Véronique Lorelle, Jean-Michel Normand, Catherine Rollot
en Méditerranée. Assistante — Marie-France Willaume
104 département visuel
Les jeux Photo — Lucy Conticello et Laurence Lagrange (direction),
106 La photo de couverture Hélène Bénard-Chizari, Federica Rossi. Avec Fériel Naoura
a été réalisée par
Le totem Mike McQuade pour M
Graphisme — Audrey Ravelli (chef de studio), Marielle Vandamme (adjointe).
La chaîne de Lomepal. Le magazine du Monde. Avec Aurélie Bert et Helena Kadji
Assistante — Françoise Dutech
Photogravure — Fadi Fayed, Philippe Laure

80 édition
Anne Hazard (chef d’édition), avec Stéphanie Grin, Julien Guintard (adjoints)
et Paula Ravaux (adjointe numérique). Et Boris Bastide, Béatrice Boisserie,
Nadir Chougar, Agnès Rastouil. Avec Clara Saer.
Thouria Adouani, Valérie Lépine-Henarejos, Maud Obels (édition numérique).
Avec Caroline André.
Révision — Ninon Rosell (chef de section) et Adélaïde Ducreux-Picon.
Avec Claire Diot et Jean-Luc Favreau
Documentation : Sébastien De l’étranger (33) 1-76-26-32-89 Courriel des lecteurs :
Carganico (chef de service), Muriel Promotion et communication : mediateur@lemonde.fr
Godeau et Vincent Nouvet Brigitte Billiard, Marianne Courriel des abonnements :
Infographie : Le Monde Bredard, Marlène Godet abojournalpapier@lemonde.fr
Directeur de la diffusion et de la et Élisabeth Tretiack
production : Hervé Bonnaud Directeur des produits dérivés : M Le magazine du Monde est
Fabrication : Éric Carle (directeur Hervé Lavergne édité par la Société éditrice du
industriel), Jean-Marc Moreau Responsable de la logistique : Monde (SA). Imprimé en France :
(chef de fabrication), Alex Monnet Philippe Basmaison Maury imprimeur SA, 45330
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le monde interactif:Édouard Andrieu pour marchands de journaux :
Directeur informatique groupe : José 0 805 05 01 47 Origine du papier : Italie.
Bolufer Taux de ibres recyclées : 0%.
Responsable informatique m pu blicité Ce magazine est imprimé chez
éditoriale : Emmanuel Griveau Présidente : Maury certiié PEFC.
Informatique éditoriale : Samy Laurence Bonicalzi Bridier Eutrophisation : PTot = 0.018kg/
Chérii, Christian Clerc, Directrices déléguées : Michaëlle tonne de papier. Dépôt légal à
Emmanuel De Matos, Igor Goffaux, Tél. 01-57-28-38-98 parution. ISSN 0395-2037
Flamain, Pascal Riguel (michaëlle.goffaux @mpublicite. Commission paritaire
fr) et Valérie Lafont, 0712C81975. Agrément CPPAP :
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France international : Directeur délégué - activités Dans ce numéro, un encart
Sabine Gude digitales opérations « Relance abonnement » destiné à
Responsable commercial spéciales : Vincent Salini la vente au numéro France
Coordonnées de la série Un peu de tenues « Le denim », p. 66. international : métropolitaine.
APC : www.apc.fr — Calvin Klein : www.calvinklein.fr — Coach 1941 : fr.coach.com Saveria Colosimo Morin 80, bd Auguste-Blanqui, 75707
— Comptoir des Cotonniers : www.comptoirdescotonniers.com — Hilfiger Directrice des abonnements : Paris Cedex 13
Collection : fr.tommy.com — Kenzo : www.kenzo.com — Levi’s : www.levi.com — Pascale Latour Tél. : 01-57-28-20-00/25-61
MM6 Maison Margiela : www.maisonmargiela.com — Off-White × Jimmy Choo : Abonnements : abojournalpapier@
row.jimmychoo.com — Off-White × Virgile Abloh : www.off-white.com — Proenza lemonde.fr; De France, 32-89
Schouler - PSWL : www.proenzaschouler.com (0,30 €/min + prix appel) ;

2 juin 2018 — M Le magazine du Monde


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Ils ont participé à ce numéro.


Journaliste — Photographe — Illustrateur
Styliste — Chroniqueur — Grand reporter

Vanessa schneider est grand Mike McQUade, g r a p h i s t e pascale niVelle, journaliste et


reporter à M. Cette semaine, elle s’est américain, a illustré l’article sur la vie auteure, a poussé la porte de la Maison
intéressée à la reconversion des d’après des personnalités politiques. rouge pour dresser le portrait de son fon-
politiques après le grand chamboule- « J’ai cherché à communiquer un senti- dateur, Antoine de Galbert, héritier,
tout de 2017. « En 2001, j’avais écrit ment de challenge et de chamboulement mécène hors norme et collectionneur
un livre à ce sujet, La Déprime des poli- qu’implique le passage de la vie publique addictif. « Sa fondation pour l’art
tiques (Seuil). Aujourd’hui, la situation au secteur privé. Ces compositions sont contemporain, sortie de nulle part
a totalement changé. Avec la limitation pareilles à un travail en cours, un peu en 2004 et devenue un modèle original,
du cumul des mandats notamment, les comme la carrière de ses anciens poli- fermera en décembre. Lassé par le milieu
politiques, quand ils sont battus, sont tiques. » Il publie régulièrement dans le parisien, Antoine de Galbert rêve de
contraints de changer radicalement de New York Times, le New Yorker, le Wall “s’alléger” et de retrouver le calme de sa
vie et leur image s’est tellement dégradée Street Journal, Variety ou encore la mai- collection. Il s’apprête à prendre son
qu’il est de plus en plus dificile de reve- son d’édition Penguins Book. (p. 31) “Envol”, titre de l’ultime expo de la Mai-
nir sur le marché du travail. » (p. 31) son rouge qui débutera le 16 juin.» (p. 38)

Illustration Satoshi Hashimoto pour M Le magazine du Monde. M Le magazine du Monde.


Mike McQuade. Pascale Nivelle. Jonas Unger. Maroussia Dubreuil. Nicolas Guerin
Jonas Unger, photographe MaroUssia dUbreUil, journaliste benJaMin schMUck, photographe
allemand basé à Paris, est un habitué des indépendante, collabore régulièrement français, travaille notamment pour M et
pages de M. Son travail est également au Monde. À l’occasion de la sortie de Libération. Il vient de lancer la revue
plébiscité par des magazines de mode Volontaire, d’Hélène Fillières, tourné Entorse, publication consacrée à l’uni-
tels que Vogue ou W, ainsi que par de dans le milieu des fusiliers marins, elle a vers du basket-ball et porte également
grandes marque de luxe. Spécialiste du passé les portiques de l’Hexagone beaucoup d’intérêt à la gastronomie.
portrait, il a tiré pour ce numéro celui du Balard pour visiter la Mission cinéma Pour M Le magazine du Monde,
mécène Antoine de Galbert. « Sans la des armées. « Je me suis demandé Benjamin a assisté à la projection du ilm
moindre hésitation ou inquiétude, il comment la Délégation à l’information Volontaire, d’Hélène Fillières, qui
m’a ouvert grand ses portes et m’a et à la communication de la Défense illustre les intérêts communs unissant
entraîné dans sa réserve, où il entrepose (Dicod), inaugurée en février 2017, a depuis peu le septième art et la Grande
son immense collection d’art. » (p. 38) su renforcer les liens entre deux mondes Muette. (p. 42)
en apparence si éloignés, les armées et le
cinéma ? » (p. 42)

M Le magazine du Monde — 2 juin 2018


Programmée
pour 2014,
l’ouverture de
la station
Capitaine-Gèze
est prévue pour
septembre 2019.

1 — Le terminus qui ligne 2 du métro de Marseille, dont elle programmée pour 2014, puis pour
est censée devenir le nouveau terminus. juillet 2016, son ouverture est depuis sans
laisse les quartiers nord Mais, dans cet ambitieux « pôle de cesse repoussée, en raison d’une litanie
de Marseille en rade. transport multimodal » (parking-relais
de 630 places, zones de recharge pour
de problèmes techniques. Elle n’ouvrira
inalement pas ses portes avant sep-
C’est un grand bâtiment de trois étages, voitures électriques et parc à vélos), ne tembre 2019 vient d’annoncer Jean-Pierre
flambant neuf, qui semble prêt à l’emploi circulent toujours que des courants d’air. Serrus, le vice-président de la métropole
depuis deux ans. Une immense cathédrale L’histoire de la station Capitaine-Gèze est Aix-Marseille-Provence, chargée du
de béton traversée par les rails de la celle d’un incroyable iasco. Initialement projet. Et encore… Cette date, précise •••

Photos Yohanne Lamoulère/Tendance loue pour M Le magazine du Monde


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••• l’élu, « est un objectif, pas une certi- a mis en joue des policiers et des habi- « Prochain métro dans… » sont sous ten-
tude ». Il plaide, pour sa défense, « la com- tants dans la cité de la Busserine (14e arr.). sion. Voilà une station fantôme à 108 mil-
plexité technique » du dossier. Puis deux hommes ont été abattus à la lions d’euros, entourée de palissades et
Cette histoire pourrait prêter à sourire kalachnikov dans le siège d’une amicale gardée jour et nuit pour une facture sup-
et trouver sa place dans l’ordinaire sportive à l’Estaque (16e). Autant d’événe- plémentaire de 10 000 euros par mois.
de la chronique des ratages industriels, ments violents auxquels le maire n’a pas Une bulle de silence surréaliste à trois pas
si elle n’était aussi lourdement symbo- réagi, alimentant le sentiment d‘abandon. de l’hyperactif marché aux puces de
lique. Car la station Capitaine-Gèze, Le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, Marseille, de ses bus bondés et de ses
depuis sa conception, se veut bien plus s’est déplacé jusqu’à la Busserine. Pas embouteillages quotidiens.
qu’une simple station de métro ou même Jean-Claude Gaudin. Dans un éditorial Qu’est-ce Qui cloche, alors ? Le poste
qu’un « pôle de transport multimodal ». cinglant, paru le 23 mai, le quotidien de signalisation électronique, qui régule
C’est aussi une promesse politique : La Provence accuse même l’élu d’avoir fait et sécurise le traic. Un local technique
celle du début du désenclavement un choix : « Reléguer les plaies de ces bâti lors de la mise en service du métro
des fameux quartiers nord de Marseille, quartiers nord au rang de cadet de ses de Marseille, il y a quarante ans, et
relégués sur le plan social, comme dans soucis. » « On se demande s’il est le maire que l’autorité de transports a décidé de
le domaine économique. de tous les Marseillais », s’interroge, en conserver pour accueillir les équipements
L’élu a beau promettre que « rien dans ce écho, Samy Johsua, élu Front de gauche du nouveau tronçon. Un espace de qua-
dossier ne relève de la mauvaise volonté », du 7e secteur. « Dans un autre arrondisse- rante mètres carrés, dont l’aménagement
le iasco exacerbe la grogne des habitants ment, le problème de la station Gèze n’a pas coûté grand-chose à l’échelle du
de cette partie de la ville où la précarité, aurait déjà trouvé une solution, mais ici chantier – 2,5 millions d’euros –, mais dont
la violence liée au traic de stupéiants tout le monde s’en fout, appuie Jean-Marc le dysfonctionnement plante la mise
et le sous-équipement en infrastructures Coppola, conseiller municipal commu- en service. « Deux pour cent du budget,
publiques plombent le quotidien. « Ces niste. C’est méprisant quand on sait que, mais 90 % de nos ennuis », concède Jean-
quartiers sont abandonnés depuis des dans ces quartiers, il y a une concentration Pierre Serrus, dépité. « A posteriori, c’est
décennies. Jean-Claude Gaudin a hérité de gens qui n’ont ni permis de conduire ni facile à dire, mais il aurait été plus simple
de Gaston Deferre en la matière, mais véhicule et que, pour eux, le premier obs- de créer un nouveau poste de contrôle »,
il n’a pas fait mieux. Le manque de tacle à l’emploi est le transport. » reconnaît Bertrand Robin, directeur de la
transports publics est une pièce du puzzle La gare a exceptionnellement ouvert mission métro-tramway à AMP.
qui provoque le mal-vivre », pointe ses portes, le 25 mai, pour une « visite Depuis quelques mois, les comités d’inté-
Gérard Marletti, président de la fédération pédagogique » de déminage, à destination rêt de quartier des 14e, 15e et 16e arrondis-
des comités d’intérêt de quartier (CIQ) de la presse. Tout semble prêt. Les éclai- sements manifestent leur écœurement.
du 15e arrondissement, qui habite là rages fonctionnent, les rails attendent les Le 24 mai, ils se sont retrouvés devant
depuis soixante-treize ans. Ici, l’actualité rames, les escaliers mécaniques guettent l’hôpital Nord, 900 lits mais aucune
récente a été brutale. Un commando armé leurs passagers. Même les panneaux desserte par un transport public en site
propre. Une semaine plus tôt, ils étaient
face à la station Gèze. « C’est de l’incom-
pétence et un manque de volonté poli-
tique de faire remonter ces quartiers »,
dénonce Gérard Marletti. Dans la même
semaine, il a également appris que l’ou-
verture du tronçon nord de la voie
rapide L2, dont les travaux éventrent les
quartiers, pourrait aussi être retardée.
Sur le quai de la station Capitaine-Gèze,
Jean-Pierre Serrus se refuse à désigner
des responsables : « Il y a forcément eu
des erreurs d’appréciation… Des fautes,
sûrement pas. La priorité, pour nous, est
de terminer ce chantier et d’ouvrir la
station. » Ironie cruelle, en attendant
cet épilogue qu’ils n’espèrent plus,
les habitants des quartiers nord subissent
une nouvelle contrainte. Depuis le 14 mai,
les nouveaux travaux sur la ligne 2
entraînent la fermeture dès 20 h 30 de
l’actuel terminus, la station Bougainville,
un kilomètre en aval de la station
Le chantier du futur terminus Capitaine-Gèze. Cette double peine,
de la ligne 2 est terminé.
Le poste de signalisation aux faux airs de couvre-feu, se prolongera
électronique, qui régule « le temps nécessaire », fait savoir
et sécurise le trafic,
pose encore problème. la métropole. Gilles Rof

Photos Yohanne Lamoulère/Tendance loue pour M Le magazine du Monde — 2 juin 2018


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En refusant d’avaliser
le choix d’un ministre de
l’économie eurosceptique,
le président de la
République italienne a
renvoyé la Ligue du Nord
et le Mouvement 5 étoiles
à leur médiocrité.
Nord et aux populistes du Mouvement
5 étoiles qui ont pourtant remporté les
élections italiennes du 4 mars. En refusant
d’avaliser leur choix de nommer un ministre
de l’économie eurosceptique, il les a déiés
en s’asseyant (il n’y a pas d’autre mot) sur
le résultat du scrutin. « On peut avoir numé-
riquement raison et politiquement tort », leur
a-t-il dit. Comme surgissant du crétacé
inférieur (au moins) tant son style et ses com-
pétences paraissent appartenir à des temps
très anciens, il a fait mesurer la distance sidé-
rale qui le sépare de ses adversaires : Matteo
Salvini, leader de la Ligue, qui parle comme
un tifosi du stade San Siro de Milan où il a ses
habitudes, et Luigi Di Maio, tête de gondole
et de premier communiant du Mouvement
5 étoiles. En usant de ses prérogatives prési-
dentielles, Mattarella les a renvoyés à leur
médiocrité. A star is born.
D’un long séjour en Italie (2008-2016), nous
étions revenu un peu amer et persuadé que
les Italiens, à force de jouer avec le feu,
méritaient inalement tout ce qui leur arrive.
Mais alors que le pire est peut-être certain,
et que les deux apprentis sorciers appellent
à des manifestations contre Sergio Mattarella,
il est comme ça… le 2 juin, jour de la fête de la République

Sergio Mattarella.
(pourquoi pas une marche sur Rome tant
qu’on y est ?), on voudrait que quelqu’un les
2— protège. Pourquoi pas lui, ce vieil homme
chevronné, ministre et ils de ministre dont
la carrière politique a commencé dans les
p a r philippe ridet — i l l u s t r a t i o n damien Cuypers
rangs de la Démocratie chrétienne en 1983,
soit trois ans après avoir recueilli le dernier
Pour tout vous dire, nous n’aurions jamais ima- 19 mots). Bref pas assez italien. Ou alors de soufle de son frère, Piersanti, criblé de balles
giné voir sergio mattarella accéder à notre ceux, plus nombreux qu’on le croit, qui ne la sur le corso della Libertà à Palerme ? Nous
Petit « hall of fame » hebdomadaire. Rien de ramènent pas, qui ne jouent pas de mando- revient en mémoire qu’au début des
personnel, Sergio, mais pour la hype, faudra line, qui répugnent à se complaire dans les années 1990 il démissionna de son poste de
repasser.Trop vieux (76 ans), trop normal (a des clichés qui les désignent. Mais heureusement, ministre de l’instruction pour protester contre
cheveux blancs comme neige), trop démodé tout le monde a sa chance dans « Il/Elle est la mainmise accordée par l’État à Silvio Ber-
(porte des pardessus!), trop triste (veuf), trop comme ça… ». Tel qui pense être tricard lusconi sur l’audiovisuel. Un résistant ? Un
modeste (prend des avions de ligne pour se la veille se retrouve au pinacle le lendemain. visionnaire camoulé sous les dehors d’un qui-
rendre à Palerme sur la tombe de son épouse et Ça tient à pas grand-chose. dam ordinaire perdu dans ce grand palais du
de son frère assassiné par la Maia en 1980), Cette fois, les sunlights de l’actualité ont Quirinal? Un homme tranquille pour la tem-
trop taiseux (son premier discours après son attrapé dans leur halo Sergio Mattarella et ses pête à venir ? Si seulement… C’est à des
élection comme 12e président de la Répu- costumes bleus, l’homme qui a dit «no grazie» choses comme ça qu’on se raccroche quand on
blique en février 2015 ne comportait que aux provocations des fachos de la Ligue du sent approcher le désastre.

M Le magazine du Monde — 2 juin 2018


20

le grand défilé

3— Benjamin Biolay.
Un dUo avec le danois M.i.l.K., Un aUtre bientôt avec
Melvil PoUPaUd, en ce MoMent, le chanteUr cherche son style.
par marc beaugé

II
2011, blacklIsté.
six ans plus tard, benjamin biolay continue de plaire.
son disque La Superbe, paru en 2009, lui a même
permis de décrocher un double disque de platine,
d’obtenir deux victoires de la musique, d’enchaîner
avec une tournée triomphale et, Graal ultime, d’accéder
au front row d’un déilé dior homme. en vrai, la vie
sourit tellement à benjamin qu’on lui pardonne même
d’avoir enfreint la sacro-sainte règle selon laquelle
seuls les aveugles et Prince ont le droit de garder leurs
lunettes de soleil à l’intérieur. et la règle sur le port
des chemises noires, aussi (jamais de chemise noire !).

I
2005, amérIcanIsé.
né à villefranche-sur-saône, formé au conservatoire,
benjamin biolay est arrivé à Paris dans les années 1990 et
s’est rapidement fait remarquer en collaborant avec Keren

Illustration Satoshi Hashimoto pour M Le magazine du Monde. Foc Kan/WireImage/Getty Images. Michel Dufour/WireImage/Getty Images.
ann ou henri salvador. Puis il a sorti ses propres albums
et est devenu une vedette, capable de vendre des disques
sans perdre le soutien de la critique. Moralité? chanter en
français, cela paie. Plus que s’habiller en américain, à en
juger par l’improbable allure que dessine ce haut inspiré
des maillots des joueurs de hockey sur glace de la nhl.

III IV
2013, métallIsé. 2017, sélectIonné

Pascal Le Segretain/WireImage/Getty Images. Venturelli/WireImage/Getty Images. Dave Winter/Icon Sport


après avoir sorti son sixième album, Vengeance, en fait, non. Quatre ans après, benjamin biolay
benjamin biolay se diversiie. il vient de produire a renoncé au metal, mais pas au cinéma. l’artiste
le nouvel album de vanessa Paradis et multiplie est même à cannes, venu chanter à la cérémonie
désormais les apparitions au cinéma. et nous ne sommes d’ouverture du Festival, mais aussi donner une leçon
peut-être pas au bout de nos surprises. de fait, de style aux autres garçons présents sur la croisette.
cette veste en jeans aux manches coupées, usuelle en efet, si sa veste n’était pas trop pincée à la taille,
chez les amateurs de heavy metal, laisse penser que si son pantalon n’était pas si taille basse, et
benjamin s’apprête à négocier un tonitruant virage s’il n’avait pas oublié la fameuse ceinture cummerbund
musical. Mais pas avant de s’être fait une petite projo qui aurait permis de cacher le triangle blanc apparu
du dessin animé Monstres Academy ! au niveau de l’estomac, benjamin serait parfait,
absolument parfait, en smoking.

V
2018, ballonné.
après avoir bouclé une grosse tournée et éclaboussé
de sa verve le jury de « la nouvelle star », benjamin
biolay signe un featuring avec le danois M.i.l.K.
et assure quelques dates en duo avec Melvil Poupaud.
Mais, au vu de cette photo, il revient surtout avec
une question existentielle : était-ce vraiment une bonne
idée de faire comme tous les cadres sup’ à scooter
et d’eniler, sous son manteau, une mini-doudoune
sans manches ? benjamin, ne cherchez plus, la réponse
est non. Même pour aller au Parc des Princes.

M Le magazine du Monde — 2 juin 2018


« POTAAAABLE !
POTAAAABLE ! »
Si Justine crie cela, c’est parce qu’elle est alternante chez Veolia. Et quand on
travaille chez Veolia et qu’on sert 1 Français sur 3 en eau potable, forcément
on place le mot « potable » au-dessus de tout.
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#potable

Ressourcer le monde
22

Un livre récemment paru accuse plusieurs membres de sa propre famille, après


Ans van Dijk, une juive néerlandaise
(ci-dessous, à son procès en 1947), avoir été arrêtée et « retournée », en 1943, par le
d’avoir révélé aux nazis qu’Anne Frank Sicherheitsdienst, le service de renseignement de
et sa famille se cachaient au
263, Prinsengracht (ci-contre). la SS. Gerard Kremer airme que son père, concierge
d’un bâtiment proche de l’Annexe occupé en partie
par les nazis, aurait vu plusieurs fois la jeune femme
dans ces locaux, et qu’il aurait saisi une conversation
entre elle et des oiciers allemands au sujet de la
cache des Frank et de leurs amis.
La Fondation Anne-Frank, qui a elle-même diligenté
une enquête, est sceptique, estimant que les preuves
sont insuisantes. Elle semble compter davantage sur
les investigations menées par Vince Pankoke, un agent
retraité du FBI, qui utilise les techniques les plus
modernes et espère aboutir l’an prochain, à l’occasion
des commémorations marquant le 75e anniversaire
de l’arrestation d’« Annelein » (petite Anne) – le surnom
de la jeune ille – et de ses proches.
Une aUtre éventUalité est qUe les Frank aient été dénoncés
par nelly voskUijl. Celle-ci était la sœur de Bep Voskuijl,
une amie de la famille, qu’elle aida tout au long de
la guerre. Décrite comme jalouse, égoïste, Nelly aurait
prévenu les nazis, thèse en partie conirmée par

Mais qui a
l’oicier SS Karl Josef Silberbauer, qui procéda à
4— l’arrestation. Il a évoqué le rôle d’une femme, sans être
toutefois capable de l’identiier formellement.

vraiment dénoncé Si elle aboutit un jour à une conclusion – c’est peu


probable, selon l’expert et historien David Barnouw,

Anne Frank ?
qui a longtemps travaillé sur le dossier –, l’enquête
apaisera au moins, une fois pour toutes, un pays
et une famille. Celle de Miep Gies, la secrétaire
sept décennies de recherche poUr répondre à la qUestion de l’entreprise Opekta, qui sauva le manuscrit
qUi taraUde toUjoUrs les pays-Bas et Une piste, encore Une. d’Anne et permit à ce texte irremplaçable d’acquérir
Beaucoup d’hypothèses, anciennes et récentes, ont une renommée planétaire.
circulé sur l’identité de celui ou celle qui a livré la jeune Décédée en 2010 à presque 101 ans, cette petite
Anne Frank et sa famille, cachée avec ses parents, sa dame souriante, reconnue « Juste parmi les nations »,
sœur et des amis au 263 Prinsengracht, à Amsterdam, dut pourtant jusqu’au bout de sa vie justiier de son
à l’occupant allemand. Mais le mystère demeure entier. innocence. Elle fut en efet accusée d’être la dénoncia-
Gerard Kremer, ils d’un ancien résistant qui fut voisin trice alors qu’elle fut de ceux qui, de juillet 1942 à
des Frank, a œuvré pendant cinq ans pour élucider le l’été 1944, aidèrent à dissimuler la présence des Frank.
mystère et pense y être parvenu. Dans un livre, De son vrai nom Hermine Santrouschitz, émigrée
De achtertuin van het Achterhuis (« le jardin arrière à l’âge de 13 ans pour fuir la famine qui sévissait en
de l’Annexe », non traduit), le septuagénaire airme Autriche et une intégration forcée dans une
que c’est une femme juive, Ans van Dijk, exécutée organisation hitlérienne, elle fut rebaptisée Miep par

Ben van Meerendonk/IISG/AHF. Granger NYC/Rue des Archives


en 1948 pour avoir collaboré avec les nazis, qui aurait sa famille d’accueil, les Frank. Elle trouva et protégea
livré des informations, entraînant, en août 1944, le Journal d’Anne, avant de s’attacher à le défendre
l’arrestation et la déportation des occupants de la contre les attaques des milieux révisionnistes ou
célèbre « Annexe ». Il s’agissait en fait de pièces situées d’intellectuels qui lui reprochaient son prétendu
au-dessus et à l’arrière des bureaux de l’entreprise excès de sentimentalisme. « On dirait que nous ne
Opekta d’Otto Frank, le père d’Anne. C’est là qu’est sommes jamais loin des pensées de Miep », écrivit
abrité aujourd’hui le Musée Anne-Frank. la jeune Anne pour témoigner de son attachement
Les occupants, cachés durant deux ans, sont devenus à cette femme qu’elle adorait. Jean-Pierre Stroobants
des victimes emblématiques de la Shoah. Ils sont tous
morts dans les camps, sauf Otto. Anne a succombé
au typhus à 15 ans à Bergen-Belsen. Son journal
a été miraculeusement sauvegardé et est devenu
l’un des ouvrages les plus vendus au monde.
Il y a des années que les soupçons pesaient sur
Ans van Dijk, qui a livré au total 145 personnes, dont

M Le magazine du Monde — 2 juin 2018


l’histoire se répète

5— Chefs à plume.
à l’image de Bill Clinton, dont le premier roman, “the president
is missing”, sort déBut Juin, nomBreux sont les anCiens présidents
à s’être essayés à la littérature. aVeC plus ou moins de Bonheur…
par Clémentine Goldszal

i ii iii

iV V

i ii iii iV V
DR. Frederick M. Brown/Getty Images/AFP. Joël Saget/AFP. Gérard Fouet/AFP. AFP

Juin 2018, le thriller 2003, la saga 2000, le Conte 1994, le réCit de 1945, le reCueil de poésie
de Bill Clinton de Jimmy Carter de saddam hussein Valéry gisCard d’estaing de léopold sédar senghor
Alors que la campagne Il fut le premier Publié anonymement, À la sortie du Passage, Premier président du
pour les élections de président américain Zabiba et le Roi, premier l’ancien président Sénégal (1960-1980),
mi-mandat bat son plein à publier un roman. Près roman de Saddam primo-romancier premier Africain élu à
aux États-Unis, l’ancien de vingt-trois ans après Hussein, fut écrit déclarait humblement l’Académie française,
président Bill Clinton avoir quitté le bureau en 2000, traduit en à L’Express : « J’aimerais Senghor a publié
sort le 4 juin son tout Ovale, le démocrate français en 2003 et simplement que des lec- son premier recueil de
premier roman : The de 79 ans sort The réédité en 2012 sous le teurs aiment mon livre. » poésie en 1945. Son
President is Missing, Hornet’s Nest (« Le nid nom du dictateur. Trois Pas découragé par un œuvre est sœur de celle
coécrit avec l’écrivain de frelons »), une saga autres livres suivirent, accueil plus que tiède, d’Aimé Césaire, au côté
James Patterson. historique sur la guerre laconiquement signés VGE, académicien duquel il développe
La promesse ? Le pays de l’Indépendance « par celui qui l’a écrit ». depuis 2003, récidive en le concept de « négri-
est sous le coup d’une située dans le Sud, dont On raconte même 2009 avec La Princesse tude », soit « l’ensemble
terrible menace quand Carter est originaire. Le que Saddam Hussein et le Président. Arrivent des valeurs culturelles
le président disparaît… livre reçoit à sa sortie termina son dernier ensuite un roman de l’Afrique noire ».
La chaîne Showtime des critiques mitigées, ouvrage, Begone, historique, en 2010, Une idéologie artistique
a déjà acquis les droits et n’a pas, pour l’heure, Demons, la veille de l’in- et Mathilda, en 2011, qu’il appliquera dans
de ce thriller pour une marqué l’histoire tervention américaine qu’il dédie à « l’Afrique, sa carrière politique.
adaptation en série télé. de la littérature. en Irak, en mars 2003. le continent maternel ».

2 juin 2018 — M Le magazine du Monde


24

La première fois que


“Le Monde” a écrit…
Serge DaSSault. l’héritier d’un empire
industriel qu’il a su faire grandir, un vrai
passionné d’aéronautique, un roublard
volontiers cynique, aussi, dans ses autres
activités de patron de presse et d’homme
politique… tout, ou presque, a été rappelé,
après sa mort, le 28 mai. Dans les colonnes
du Monde, c’est pourtant dans la rubrique
des faits divers que Serge Dassault apparaît
pour la première fois, dans l’édition datée
25 mai 1964, dans une afaire qui provoque
« une très vive émotion dans les milieux
politiques » : l’enlèvement par une bande
de malfaiteurs de sa mère Madeleine, parée
de quelques-uns de ses plus beaux bijoux,
au retour d’un dîner mondain, peu après
minuit. Cette nuit-là, le ils du couple, qui
ne s’était pas encore fait un prénom, a mul-
tiplié les coups de il pour sonner le tocsin.
les Dassault étaient déjà les Dassault et le
tout-Paris s’est très vite agité : le ministre
de l’intérieur, roger Frey, ou encore le
préfet de police, un certain Maurice Papon.
la traque n’a duré que trente-six heures,
les malfaiteurs ont été arrêtés et l’otage
libérée. le cerveau du rapt était un ancien
garçon de bureau de Jours de France, le
magazine « people » de la famille Dassault.
la vie d’un héritier est, aussi, un parcours
il fallait oser initiatique. Où l’on apprend vite à se méier

Larmes de haut niveau.


de tout le monde.
6—
par jean-michel normand

La Coupe du monde arrive, préparez vos mouchoirs ! L’homme moderne


n’ayant plus honte de pleurer, le joueur de football use et abuse de cette nou-
velle conquête. On veut bien admettre que les ins de saison sont propices aux
1 ChiFFre
effusions et que, pour un sportif de très haut niveau, perdre en inale ou se
3 POSSibilitéS.
blesser (voire les deux) équivaut à un désastre. En attendant, la cote d’alerte
lacrymale est atteinte, et on va bientôt pouvoir le vériier. Dernier exemple :

1000000
lors de la inale de la Ligue des champions Real Madrid-Liverpool, ça chialait
à gros bouillons, chez les vainqueurs comme chez les vaincus. Il n’y eut guère
que le défenseur madrilène Sergio Ramos, le Dark Vador de la Ligue des
champions, à rester l’œil sec sur la pelouse du stade de Kiev, quasi détrempée

Illustrations Satoshi Hashimoto pour M Le magazine du Monde


par tous ces débordements. La télé, qui adore le dieu du stade en sanglots et 1 — C’eSt le nOMbre De PerSOnneS qui ont
le zoom sur la grappe de supporteurs éplorés, magniie ces élans. Comme les arrêté de fumer tous les jours, en un an,
joueurs se mouchent dans leur maillot, cela donne des ins de rencontre assez d’après le dernier Baromètre santé.
peu ragoûtantes. Kleenex va bientôt devenir le sponsor naturel de ce sport; le
2 — C’eSt la SOMMe, en eurOS, que va débour-
marché est énorme car, visiblement, les émotions que procure le foot ne sufi-
ser la ville de Liège, en Belgique, pour créer
sent plus. Désormais, on en rajoute dans les grandes séquences émotion du
une salle de consommation de drogue.
ballon rond. L’aicionado, que la simple évocation du France -Allemagne de
Séville, en 1982, ou du France-Brésil de 1998 sufit à plonger dans une extrême 3 — C’eSt le MOntant, en eurOS, récolté par
agitation, n’en demande pas tant. Tout cela nous renvoie au masochisme le chocolatier Pierre Marcolini, sur une
consubstantiel au supporteur, ce petit être sensible qui, dans un même élan, plate-forme de inancement participatif,
vibre et souffre lorsque joue son équipe, passe des larmes (de joie) aux pleurs pour développer son réseau de boutiques.
(de désespoir) mais, toujours, en redemande. À l’orée d’un Mondial qui se
déroulera en Russie, le football va pouvoir cultiver son âme slave.

M Le magazine du Monde — 2 juin 2018


« UNE ŒUVRE BOULEVERSANTE,
À HAUTEUR D’HOMME »
LE FIGARO
26

un goy de l’Oklahoma écrirait-il l’histoire de ma vie ? »,


lance l’auteur de Portnoy et son complexe lors de
l’entretien d’embauche. « J’ai bien raconté celle de
Cheever sans être moi-même un bisexuel alcoolique
issu d’une famille puritaine », rétorque le candidat.
Bailey propose au plus grand romancier américain
vivant le même marché qu’aux héritiers de ses trois
précédents sujets : écrire toute la vérité et rien que la
vérité – il s’engage à laisser Roth ou ses ayants droit
rectiier toute erreur factuelle – en échange d’un accès
exclusif et illimité à son entourage et à ses papiers.
Une entreprise « follement colossale », estime le bio-
graphe, qui remettra son manuscrit en novembre 2019,
sept ans après la signature d’un contrat chez l’éditeur
le plus ofrant (Norton). Depuis, il a interrogé 140 per-
sonnes, dont le principal intéressé, qui lui a accordé
une centaine d’heures d’interviews au il des années,
sans compter leurs conversations informelles, et les
50 cassettes d’entretiens héritées de son prédéces-
seur. Les archives du romancier – 33 mètres linéaires
à la Bibliothèque du Congrès – sont actuellement
empilées « jusqu’au plafond » dans le bureau de Bailey
en Virginie : correspondances, dossiers médicaux,
jugements de divorce, agendas, brouillons, coupures
de presse, photographies, et jusqu’aux cahiers d’éco-
lier – un par an – où Roth consignait les tâches à
accomplir dans sa propriété du Connecticut. Jusqu’en
2050, seul le biographe y aura accès.
retraité de l’éCriture depuis 2012, roth s’était mis, Ces
Biographe de
l’écrivain américain dernières années, “au serviCe de blake bailey”, comme
décédé le 22 mai,
Blake Bailey (ici il le dit lui-même dans un documentaire de la BBC.
en 2013) remettra Outre d’innombrables mémos, il lui laisse une
son manuscrit
l’année prochaine. chronologie des « événements importants » de sa vie

L’homme
(300 pages dactylographiées recto verso), le compte
7— rendu détaillé d’une trahison amicale (500 pages),
et un épais document, intitulé « Notes pour mon

qui lit Philip Roth biographe », réfutant « syllabe par syllabe » les
Mémoires de Claire Bloom, son ex-femme. Selon

à livre ouvert.
Blake Bailey, le romancier a été « anéanti » par le livre
(Leaving a Doll’s House: A Memoir, 1996, non traduit),
dans lequel l’actrice britannique l’accuse, entre autres,
Comment devient-on le biographe de philip roth ? de cruauté envers la ille qu’elle a eue de son premier
on lui envoie une lettre de Candidature spontanée, puis mariage. « C’est un homme tendre, vulnérable,
l’on se présente au rendez-vous qu’il vous propose, terriblement incompris, plaide le biographe, qui parle
chez lui, dans l’Upper West Side de Manhattan, à encore de Roth au présent. Quel autre écrivain a été
New York. Nous sommes au printemps 2012, et Blake aussi attaqué ? On l’a traité de juif antisémite, de
Bailey vient d’apprendre par la rumeur que le géant des misogyne, d’obsédé. » Les opinions du romancier sur
lettres américaines – mort le 22 mai, à 85 ans – s’est les rapports entre les sexes sont « un peu archaïques »,
séparé de Ross Miller, le biographe qu’il s’était choisi en admet-il, mais une ribambelle d’« ex-petites amies
2004. Spécialisé jusque-là dans les écrivains disparus, de tous âges – dont une en déambulateur – sont
voire oubliés – il a canonisé John Cheever et contribué à venues lui dire au revoir à l’hôpital ». Quel misogyne
la redécouverte posthume de Charles Jackson et meurt entouré de tant de femmes ?
Richard Yates, l’auteur de Revolutionary Road, adapté Blake Bailey sait que l’exercice de la biographie dite
au cinéma sous le titre Noces rebelles –, Bailey n’avait «déinitive» peut provoquer des overdoses. «À la in,
jamais approché un romancier vivant, encore moins un Carlos Baker détestait Ernest Hemingway, Mark Schorer
tel monument. « Nous avons eu une conversation méprisait Sinclair Lewis, et Zachary Leader en a eu marre
Allen J. Schaben/Contour by Getty Images

joyeuse, où il n’a pas été question de sa biographie, se de Saul Bellow. Ce sont les risques du métier.» Jusqu’à
souvient-il. Philip avait connu Cheever, il m’a raconté des présent, il a su choisir des sujets dont il ne s’est jamais
anecdotes à son sujet. Il a dit : “Revenez dans deux fatigué, se réjouit-il. Même ce control freak de Roth n’a
jours.” Je suis revenu, il m’a interviewé. Et j’ai eu le job. » pas réussi à l’irriter. «Je n’avais pas tellement envie d’un
Blake Bailey, 54 ans, a grandi à Oklahoma City, dans sujet qui regarde constamment par-dessus mon épaule,
l’une de ces familles de la classe moyenne supérieure mais Philip Roth s’est révélé parfaitement raisonnable,
qu’il est aujourd’hui convenu d’appeler dysfonction- poursuit Bailey. Il n’a jamais interféré dans mon travail,
nelles – le genre de famille qui peuple justement les et nous avons développé une chaleureuse amitié.» Le
œuvres de Cheever et de Yates, deux observateurs 22 mai, c’est lui qui a annoncé sur Twitter la mort de cet
désenchantés de l’Amérique suburbaine. « Pourquoi «homme adorable» et controversé. Stéphanie Chayet

M Le magazine du Monde — 2 juin 2018


28

j’y étais

Smart faune.
par Guillemette Faure

Samedi 26 mai, au Salon ViVatech, culture», «Google pour les associations à but non lucratif». Nulle part
Porte de VerSailleS, à PariS «Google pour avaler vos concurrents tout cru».Pourquoi se faire du souci
Mais si, l’intelligence artiicielle est encore très loin derrière la nôtre! d’ailleurs? Le salon se tient après Tech for Good, le sommet des acteurs
Certes, on peut entraîner des machines à reconnaître des visages, jouer de la high-tech pour le bien commun, organisé à l’Élysée. Porte de Ver-
aux échecs ou identiier des tumeurs, mais pour ce qui est du bon sens, sailles,aux côtés de gens portant des tote bags «Give more than you take»
pardon, elles ont encore beaucoup de chemin à faire… C’est Yann (donnez plus que ce que vous prenez), on croise des employés aux tee-
LeCun qui nous l’assure. On est à VivaTech, le salon des nouvelles shirts «Positive banking» sur le stand de la BNP. D’autres, en tee-shirt
technologies, et, lors d’une des multiples conférences qui se tiennent «Building a better working world», construisent un monde meilleur sur
simultanément, le directeur de la division intelligence artiicielle de le site d’EY, le géant de l’audit et du conseil en stratégie et en optimisa-
Facebook nous remonte la « self-esteem ». Il observe que nous, les tion iscale.Les personnes qui travaillent chez Emmaüs n’ont pas besoin
humains, on arrive à apprendre à conduire en une vingtaine d’heures, de tee-shirt «Abbé Pierre for good».
sans jeter des voitures dans un ravin des milliers de fois pour tester des C’est ce qui rend la navigation dans ce genre de grands raouts dificile,
hypothèses et apprendre à l’éviter, comme dans un process de machine on ne peut jamais se ier à ce qu’on lit. Les conférences sur la diversité
learning, ou que, si un bébé de 8 mois est intrigué par un objet qui et l’inclusion comptent le plus de sièges vides. Partout, on aperçoit tant
vole, c’est parce qu’il a déjà compris les lois de la gravité. « Quand vous de gens parler dans des micros qu’on ne les entend plus, dans une par-
pensez à tout ce qu’un chat ou un rat est capable de faire, l’intelligence faite métaphore d’un secteur qui turbine aux effets d’annonce.Plusieurs
artiicielle est encore loin… » stands font tourner des robots pour prouver à quel point ils sont vision-
Franchement, il faut être dirigeant chez Facebook pour ne pas céder à naires. Sur celui d’Engie, c’est Erik Orsenna que l’on trouve assis, les
la grande excitation suscitée par le pouvoir des machines.C’est d’ailleurs yeux dans le vague entre d’autres intervenants. Les vieux sont contents
le principe de la communication, dans le secteur des nouvelles techno- qu’il y ait des jeunes, ça prouve qu’ils sont dans l’époque. Les jeunes
logies. Les huiles des très gros groupes se croient toujours obligées sont contents qu’il y ait des vieux, ils pourront être pris au sérieux.
de minimiser, de dire qu’il ne faut rien exagérer, tandis que les petites Sur la scène«Stage One», Yann LeCun nous assure toujours qu’il n’y
entreprises, dont on ignorait le nom au moment de se faire remettre son a pas de raison de craindre la super-intelligence artiicielle qui permet-

Illustration Satoshi Hashimoto pour M Le magazine du Monde


badge de presse, promettent des révolutions. Les gros veulent avoir l’air tra aux machines de nous faire disparaître. « On surestime le court
petit et jouent les start-up le plus longtemps possible pour éviter les nou- terme et on sous-estime le long terme parce qu’on ne peut pas prévoir
velles réglementations en promettant qu’il ne va rien se passer de grave. les percées. Je ne crois pas que les machines vont gouverner l’huma-
Les petits veulent avoir l’air important et annoncent de la disruption à nité. Les orangs-outans sont presque aussi intelligents que nous et ils
gogo.Prenez Eric Schmidt,PDG de Google pendant une décennie,dans n’ont pas de désir de domination. Construisons des orangs-outans
le programme du jour : il est présenté comme «conseiller technique» de plus intelligents pour nous aider à amplifier notre intelligence ,
l’entreprise, tandis que n’importe quel type qui monte sa start-up dans explique-t-il. Il n’y a pas de corrélation entre l’intelligence et le désir
sa cuisine distribue des cartes de «CEO & founder», PDG fondateur. de dominer. Certains politiciens prouvent même l’inverse. » Et là, tout
Les différents îlots du stand Google portent des signaux«Google pour la le monde applaudit, parce qu’on a tous été capables de comprendre.

M Le magazine du Monde — 2 juin 2018


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31

Emmanuelle
Cosse (à
gauche) et
Myriam
El Khomri.

Post politicum, animal triste.


Il y a un an, comme n’importe quel Français, ils se sont retrouvés sur le marché du travail,
éjectés par la vague macronienne. Plus qu’une défaite, cet énorme bataillon d’anciens
ministres et députés a vécu la fin d’une époque. Celle où l’on pouvait faire toute
D’après Stephane de Sakutin/AFP

sa carrière en politique. Celle où un carnet d’adresses et une aura d’ancien serviteur


de la République leur assuraient un repli dans le public ou le privé. Peu désirés
par les employeurs, détestés par l’opinion, la plupart de ces déchus ont néanmoins
rebondi. D’autres pointent encore à Pôle emploi. Mais tous doivent se réinventer
dans ce nouveau monde dont les règles ont changé. Vanessa schneider
par — Mike McQuade
illustrations

2 juin 2018 — M Le magazine du Monde


’était il y a seulement un an. un an, pour certains, qui ressemble
à un siècle. ils étaient alors des dirigeants politiques de premier
plan, des ministres avec Légion d’honneur à la boutonnière, les
espoirs de leur camp, ceux auxquels on promettait de fabuleux
destins. Ils ont été balayés par la vague Macron, le plus grand
séisme que la Ve République ait jamais enregistré. Ils ont tout
perdu ou presque en quelques jours, leurs positions, un mandat,

Pages suivantes : D’après Jasper Juinen/Getty. Chesnot/Getty.


Marlene Awaad/Getty. Nicolas Tucat/AFP. Serge Tenani/AFP
mais aussi leur futur. C’était il y a un an et ils ont dû se rendre à
l’évidence : la politique ne voulait plus d’eux, il fallait aller D’après Eric Feferberg/AFP. Stephane de Sakutin/AFP

ailleurs, se réinventer. Les élus de la région Île-de-France s’en


souviennent comme si c’était hier. Quelques jours après les
législatives de juin 2017, ils se sont retrouvés à l’occasion d’une
réunion au conseil régional. « On s’est regardés les uns et les
autres. Autour de la table, on avait tous été battus pour la dépu-
tation, tous : socialistes, écologistes, républicains, centristes. Pas
un rescapé. On s’est réconfortés mutuellement, on en plaisantait
même, il y avait quelque chose d’irréel», raconte Emmanuelle
Cosse (Europe Écologie-Les Verts), 43 ans, ancienne ministre
du logement, éliminée à Paris dès le premier tour. Pour parler
de ce qu’il leur est arrivé, ils rivalisent de terribles métaphores :
« tsunami », « raz de marée », « claque intersidérale »… Alors
33

qu’approche le premier anniversaire de leur déroute, ils ne peu-


vent désormais que le constater : ils ont vécu en accéléré la in
d’une époque. Celle où l’on pouvait s’imaginer consacrer une
vie entière à la politique, où, les soirs de défaite, il était possible
de s’endormir en pensant à des lendemains plus doux. Un
temps où un solide carnet d’adresses constituait un sésame
sufisant pour envisager sereinement l’avenir. Un passé, si loin,
si proche, où un politique d’envergure nationale ne concevait
pas de discuter avec un conseiller de Pôle emploi autrement
qu’à l’occasion d’une campagne électorale.
L’an passé, ce sont des centaines d’hommes et de femmes poli-
tiques qui se sont retrouvés du jour au lendemain, vulgum pecus,
sur le marché du travail. Un gros bataillon d’indésirables, ves-
tiges encombrants du vieux monde. En trente ans de métier, le
chasseur de têtes Philippe Nowicki n’avait jamais vu ça : «Au
moins une douzaine de poids lourds de la politique sont venus “Beaucoup jubilent
de nous voir
me voir alors qu’à chaque alternance j’en avais seulement un ou
deux. 2017 restera une charnière. » Paradoxalement, après la
débâcle, la fameuse déprime post-défaite électorale qui fait son
lot de victimes à chaque scrutin a plutôt épargné ces perdants-là.
Ils étaient trop nombreux sur le carreau pour s’offrir le luxe de dans la merde.
Il y a une vraie
s’apitoyer sur leur sort. «C’est comme un plan social, ce qui s’est
passé, résume Alexis Bachelay, 44 ans, ancien député socialiste
frondeur,toujours conseiller municipal d’opposition à Colombes.
C’est tellement massif qu’on est moins culpabilisé par l’échec.»
Partir en vacances, se reposer, c’est la première chose qu’ont jouissance à nous
voir galérer.”
faite tous les battus. Comme un cadre qui s’offre un voyage
pour digérer son licenciement. Mais le temps passe vite. Les
ministres sortants bénéicient de trois mois de traitement, puis
plus rien. Les ex-députés, eux, ont droit au chômage. De quoi Une ex-ministre
voir venir, mais insufisamment pour s’endormir sous les coco-
tiers. Les uns et les autres ont compris qu’il fallait rapidement
rebondir. «Ce n’est pas évident, car tant qu’on est dans l’action,
on n’anticipe rien, explique Emmanuelle Cosse. Ma priorité
était de subvenir aux besoins de ma famille et de faire un métier
qui me plaisait.» La conseillère régionale d’île-de-France a eu
le malheur, in août 2017, d’évoquer publiquement sa situation.
Elle s’est prise en retour une volée d’injures sur les réseaux
sociaux. «J’ai décrit une complexité et ça a été compris comme
une plainte, alors que je suis contente de ma vie!» Les politiques
l’ont compris : par les temps qui courent, ils n’espèrent aucune
compassion du côté de l’opinion. «Beaucoup jubilent de nous
voir dans la merde, lâche sans ambages une autre ex-ministre,
qui ne veut pas être citée de crainte d’être clouée au pilori. Il y
a une vraie jouissance à nous voir galérer.» La plupart tentent
Benoist donc d’aficher leur meilleur proil. Ce vieil axiome de la poli- souci. François Fillon, malgré le «Penelopegate» et son échec
Apparu et
Najat Vallaud- tique est aussi celui des chercheurs d’emploi : mieux vaut faire cinglant à la présidentielle, a décroché une place lucrative dans
Belkacem. envie. « Je n’ai pas eu de coup de blues, de sentiment de vide, la société de gestion d’actifs Tikehau Capital; Nicolas Sarkozy,
assure ainsi l’ancienne ministre du travail socialiste, toujours en dépit de ses multiples mises en examen, émarge depuis
conseillère de Paris, Myriam El Khomri. Je considère que j’ai eu février 2017 au conseil d’administration du groupe AccorHo-
une vraie chance de servir mon pays.» tels, présidé par son ami Sébastien Bazin ; Nathalie
Dans la mémoire socialiste, on se souvient du traumatisme Kosciusko-Morizet a été recrutée par l’entreprise de service
de 1993, seul cataclysme d’une ampleur équivalente : un parti du numérique Capgemini; Bernard Cazeneuve a récupéré sa
en miettes, une gauche assommée par le suicide de Pierre place dans le prestigieux cabinet d’avocats August Debouzy.
Bérégovoy, une Assemblée nationale repeinte en bleue, dans Mais exceptés ces quelques cas, pour la grande masse des
laquelle seuls 41 députés roses réussirent à sauver leur siège. anciens ministres ou députés, la sortie de la vie publique
Mais le contexte a radicalement changé. «Avant, on se disait s’apparente à un chemin de croix.
“je rebondis dans deux ans aux européennes ou aux régionales, Beaucoup ont retrouvé une occupation, mais souvent pas à la
aux cantonales ou aux municipales”, tout ça est terminé », hauteur de leurs espérances ni de leurs prétentions salariales.
résume l’ancien ministre Les Républicains Benoist Apparu, Dans l’attente de mieux, les fonctionnaires retournent dans leur
qui,en plus de son mandat de maire de Châlons-en-Champagne, administration d’origine. Aurélie Filippetti, ancienne ministre
fait partie de ceux qui se sont rapidement remis en selle. Il est de la culture socialiste, normalienne et agrégée, conseillère
aujourd’hui directeur d’une branche du groupe Action municipale à Metz, se réjouit d’un poste d’enseignante à
logement. À l’heure de chercher un emploi, tout le monde n’a Sciences Po. Pour ceux qui ne sont pas issus de la fonction
pas été logé à la même enseigne. Les têtes d’afiche, dotées de publique, la tâche est beaucoup plus ardue. Najat
réseaux et de CV en or massif, se sont placées sans trop de Vallaud-Belkacem, ex-ministre de l’éducation nationale qui •••

2 juin 2018 — Illustrations Mike McQuade pour M Le magazine du Monde


34

••• a consacré l’essentiel de sa vie active à la politique, a de l’affaire Cahuzac,qui oblige notamment les anciens ministres
attendu janvier pour se faire embaucher : d’abord aux éditions et députés à déclarer leurs nouvelles activités auprès de la
Fayard, puis à Ipsos. Il y a une dizaine d’années, dans les Haute Autorité pour éviter les conlits d’intérêts, constitue un
entreprises, recruter un politique de premier plan était consi- frein à l’embauche. « J’ai refusé plusieurs propositions de
déré comme un plus. On les affectait aux relations publiques, boulot en septembre, car je risquais un possible conlit d’inté-
une fonction fourre-tout pour signiier que l’on achetait leur rêts avec des décisions que j’avais prises en tant que ministre,
entregent pour servir d’intermédiaire avec les pouvoirs note Emmanuelle Cosse. La Haute Autorité traque les éven-
publics. Si cette ilière fonctionne encore pour quelques-uns tuelles contreparties dont on pourrait bénéicier à travers des
– François Baroin, ancien ministre du budget et des inances, décisions prises par le passé. C’est une très bonne chose, mais
conseille la banque britannique Barclays –, elle se tarit. ça peut susciter un blocage. »
L’économie a changé. « Beaucoup d’entreprises comme les L’ex-ministre du logement aurait aimé intégrer la direction
banques étaient en partie constituées de capitaux d’État, ce d’une entreprise sur les questions de l’environnement. Elle a
qui offrait de nombreuses structures d’accueil pour les poli- inalement décidé,face aux dificultés,de se mettre à son compte
tiques en reconversion. Aujourd’hui, l’actionnariat n’est plus en créant une société de conseil pour vendre son expertise sur
le même et les places disponibles pour les élus n’existent qua- les questions de mobilité, d’aménagement de la ville, d’énergie
siment plus », constate Philippe Nowicki. et de logement. Son amie Myriam El Khomri s’essaie elle aussi
La vague Macron a également bouleversé la donne. Alors au consulting : «J’avais 39 ans, je voulais construire une carrière
qu’une nouvelle génération est aux manettes dans tous les sec-
teurs de l’État, les carnets d’adresses des politiques tradition- De gauche
nels, de droite comme de gauche, sont devenus obsolètes. Les à droite,
Nicolas
battus n’ont plus leurs entrées dans le «nouveau monde» et ils Sarkozy,
ne sont plus jugés «utiles» par les grandes entreprises. Enin, il Aurélie
Filippetti,
faut bien l’admettre, les employeurs n’aiment guère les losers. Bernard­
Cazeneuve,
«Qui veut recruter quelqu’un qui est complètement dévalorisé?, François Fillon
s’interroge le politologue Pascal Perrineau. Ce sont des perdants et Nathalie
Kosciusko­

E
et en plus des politiques que l’opinion déteste ! » « Les a priori Morizet.
nous concernant sont épouvantables, reconnaît Benoist Apparu.
À les entendre, on ne sait rien faire, on est trop individualistes,
pas assez loyaux, on ne supporte pas la hiérarchie.»

t même lorsqu’une une entreprise voit


d’un bon œil le profil de tel ou telle,
recruter un ex-ministre suscite des
inquiétudes. « Il y a toujours un
doute sur notre volonté réelle de
changer de vie », note le dernier et
éphémère ministre de l’intérieur de
l’ère Hollande, Matthias Fekl,
toujours conseiller régional de Nouvelle-Aquitaine. «Ce qui est
compliqué, c’est qu’on n’est pas “lambda”, explique Emma-
nuelle Cosse. Même si on recherche une banalité, un anonymat,
ce n’est pas si simple que ça. Aux yeux des recruteurs, on reste
“ministre”. Ils se demandent si on sera capable d’accepter
d’avoir quelqu’un au-dessus de nous. » Lors d’un entretien
informel, un grand patron lui a clairement dit : «Je ne saurais
pas quoi faire de vous. » « Les politiques ont créé pendant des
années le monde des autres, pointe Philippe Nowicki, chasseur
de têtes chez Coriance. Or, quand on entre dans une entreprise,
on entre dans un monde déterminé, il faut s’aligner sur des règles
et des coutumes qui sont de plus en plus normées et contrai-
gnantes.» Dans le privé, la culture est différente. «La question
de la rentabilité qui se pose dans l’entreprise peut être déroutante
pour nous qui avons consacré des années à l’intérêt général»,
complète Emmanuelle Cosse.
Pour répondre à la demande d’une opinion publique exaspé-
rée par les scandales qui ont émaillé ces trente dernières
années, les gouvernements successifs ont mis en place des
réformes d’assainissement de la vie publique. Limitation du
cumul, des indemnités, transparence des patrimoines et des
revenus, autant de mesures approuvées par l’ensemble des
élus mais qui ne facilitent pas la tâche de l’immense majorité
d’entre eux, qui s’engagent avec honnêteté. Ainsi, même si
tous s’en félicitent, la nouvelle loi de 2014 votée dans la foulée

Illustrations Mike McQuade pour M Le magazine du Monde — 2 juin 2018


professionnelle, l’aventure entrepreneuriale m’attirait.» Le socia- de ne pas me représenter. J’ai commencé à chercher dès janvier,
liste Alexis Bachelay suit la même voie faute d’accord avec son avant que tout le monde n’arrive sur le marché. Face à un
ancien employeur, la municipalité communiste de Nanterre, où recruteur, ce n’est pas le même discours de dire “j’ai envie de
il était fonctionnaire : «On m’a proposé des postes subalternes. faire autre chose” et “j’ai perdu, alors j’ai besoin d’un boulot”»,
J’ai compris qu’elle ne savait pas comment me gérer et ne cherchait constate-t-il. Le socialiste Matthias Fekl, lui, s’est représenté
pas à me voir revenir.» Cet ancien député aux allures d’adoles- (il a été battu au premier tour, avec 17 % des suffrages). Mais
cent en jeans et baskets s’est donc mis en disponibilité et a pris en restant lucide : il a travaillé très vite à un « plan B ». Cet
un congé parental pour s’occuper de ses deux enfants. Il se féli- ancien magistrat, qui a passé sept ans en politique, a caressé un
cite chaque jour d’avoir fait des économies pendant son mandat, temps le projet de monter un cabinet d’avocats avec Édouard
car il vit aujourd’hui avec 370 euros par mois versés par la CAF, Philippe, à une époque où ce dernier n’imaginait pas devenir
en espérant recruter rapidement des clients pour la société de le premier ministre d’Emmanuel Macron. Matthias Fekl n’a
conseil en communication qu’il a montée. pas connu pareil miracle, mais il s’est vu proposé inalement
Ceux qui s’en sortent le mieux sont souvent ceux qui ont su une place d’avocat en droit public dans le lorissant cabinet
anticiper la débâcle. Benoist Apparu a eu le nez creux en se KGA, qui a pignon sur l’avenue des Champs-Élysées. Un job
mettant en chasse avant ses collègues. «Je m’ennuyais depuis qui le ravit, dégoté grâce à un ancien professeur. «Je n’ai pas
cinq ans à l’Assemblée nationale et, à partir du moment où de hiérarchie, je ne rends de comptes à personne. Je ne veux pas à
Alain Juppé avait perdu la primaire de la droite, j’avais décidé avoir à contraindre mon expression. Personne ne reprochera •••
36

de décrocher un emploi sont minces. Elle continue à chercher,


s’occupe de ses petits-enfants, fait la cuisine pour ses amis, jar-
dine. «Je ne baisse pas les bras, mais il ne faut pas se leurrer :
personne n’attend Véronique Massonneau.»

“On dit que les politiques Tout n’est pas noir, tout de même, à l’heure de quitter la poli-
tique. Comme ses anciens collègues, Matthias Fekl goûte le

s’accrochent à leurs
plaisir «d’avoir une vie privée, de consacrer du temps aux siens».
«Pendant sept ans, je n’ai fait que ça, sept jours sur sept, ça m’a
passionné, mais c’est sain de prendre du recul», explique-t-il.

postes, mais s’il était Alexis Bachelay renoue «avec un confort moral, le plaisir de
retrouver une liberté personnelle, de passer du temps avec ses amis

plus facile de retrouver


et sa famille, qui fait passer la pilule de la perte d’une sécurité
matérielle ». Myriam El Khomri, qui se dit « usée par la vie
publique », apprécie d’aller chercher ses illes à l’école et de

du travail après, prendre le temps de se «ressourcer, de voir comment être utile


autrement». Certains aspects de leur vie passée ne leur man-

beaucoup partiraient
quent pas du tout, comme la « violence des attaques sur les
réseaux sociaux, les insultes, le soupçon permanent »,s’exclament-
ils en chœur. Benoist Apparu ne regrette pas «le côté caricatural

volontairement”. et binaire, le simplisme des postures, où il faut soutenir ou s’op-


poser par principe». Myriam El Khomri se souvient, glacée, de
la violence des attaques qu’elle a subies, les menaces sur ses
Christophe Sirugue, ex-secrétaire d’État socialiste
enfants, les inscriptions «sale Arabe» sur la boîte aux lettres de
son immeuble. Le discrédit jeté sur les politiques init par les
fatiguer. «Ils se disent : “À quoi bon s’accrocher alors que nous
sommes détestés?”», constate le politologue Pascal Perrineau.
Ils sont plusieurs, pourtant, à pointer un danger. Celui que la vie
••• jamais à un avocat d’avoir une prise de parole.» Il recon- politique finisse par n’attirer que les hauts fonctionnaires,
naît tout de même qu’il a été plus aisé pour lui, énarque de les professions libérales ou les personnes dotées de fortunes
40 ans, de retrouver une bonne situation que pour d’autres. personnelles qui peuvent prendre le risque de s’engager. «La
Pour se recaser, en réalité, mieux vaut être haut fonctionnaire République doit continuer à agréger une diversité de talents »,
que travailleur dans le privé et homme que femme. Une estime Matthias Fekl, tout en soulignant qu’il « n’y a pas de
rapide radiographie des anciens ministres de François Hol- solution miracle ». Et de poursuivre : «Il faudrait réléchir à
lande est éclairante. Pour favoriser la parité, la gauche, notam- une forme de valorisation des acquis en politique ou à la possi-
ment, a fait émerger des femmes issues du monde associatif bilité pour les grandes entreprises de faciliter les allers-retours.»
ou de l’entreprise, quand les hommes sont plus traditionnel- « On a été législateur, on a dirigé des exécutifs, ce n’est pas
lement recrutés dans les grands corps de l’État. Résultat, elles rien !, grince Christophe Sirugue. On dit que les politiques
cumulent les handicaps quand il faut s’inventer une autre vie. s’accrochent à leurs postes, mais, s’il était plus facile de
Les préjugés ont également la vie dure. Emmanuelle Cosse retrouver du travail après, beaucoup partiraient volontai-
constate qu’« on laisse moins un homme sans boulot qu’une rement. » Benoist Apparu estime que les élus devraient « béné-
femme », comme si les employeurs se disaient « une femme a icier du droit commun comme tous les Français, ni plus ni
toujours son foyer pour s’occuper ». moins. Il est scandaleux qu’un ministre qui perd son job ne
Pour ceux qui n’ont pu y couper, découvrir les joies de Pôle touche pas de chômage, mais on ne peut pas le dire. Toute
emploi a été un choc. Christophe Sirugue, 51 ans, éphémère proposition visant à améliorer le statut de l’élu sera vécue
secrétaire d’État socialiste chargé de l’industrie puis du numé- comme la recherche d’un privilège par une opinion publique
rique, avait consacré toute sa vie à la politique jusqu’à la déroute qui nous considère déjà comme des pourris et des vendus ».
de 2017. «Je n’ai pas fait de grandes écoles, je viens d’un milieu En dépit des difficultés ont-ils pour autant définitivement
modeste, je suis un pur apparatchik. Il fallait que je gagne ma vie, tourné la page, refermé cette partie de leur vie à double tour?
j’étais très inquiet. En une journée, on passe de député à rien. Et Pas une semaine ne passe sans que les uns ou les autres n’an-
à Pôle emploi, on vous dit “vous pourrez vous débrouiller tout noncent par communiqué leur nouvelle situation profession-
seul” ». Il a sollicité toutes ses connaissances : Bernard nelle. Comme s’ils avaient du mal à se résoudre à ne plus exister
Cazeneuve, François Hollande, Michel Sapin, des patrons croi- publiquement. Myriam El Khomri a participé à l’élection du
sés lors de ses fonctions, comme Louis Gallois. Le 1er mars, il a nouveau premier secrétaire du PS, mais, assure-t-elle, «comme
ini par accepter un poste de salarié chez Tilder, une société de une manière de dire au revoir». «Je l’ai vécu comme mon dernier
conseil en communication.Un job sous-dimensionné pour celui vote. Je reste engagée pour des causes qui me tiennent à cœur, mais
qui a été maire, député, président de conseil général et vice- l’énergie que j’ai, je souhaite la mettre ailleurs.» Benoist Apparu
président de l’Assemblée nationale, mais il s’estime déjà bien reste maire de sa ville pour, dit-il, «respecter [s]on contrat avec
heureux. Un an après sa défaite, l’écologiste puis socialiste [s]es électeurs». «Je n’ai pas envie de revenir à la politique natio-
Véronique Massonneau,elle,pointe toujours au chômage.Avant nale pour l’instant. J’apprends une nouvelle vie, j’y suis très bien.
de se lancer en politique, cette ancienne députée de la Vienne Je n’ai aucune arrière-pensée, mais dans dix ans… Je n’en sais
était chargée de clientèle à la Caisse d’épargne. Son employeur rien», admet-il. « Je reste engagé, je ne me dis pas “j’y retourne-
avait promis de lui proposer un poste en cas de défaite, mais ça rai”, je ne me dis pas non plus “je n’y retournerai jamais”»,
n’a pas marché. «Je pensais qu’à la Caisse d’épargne, ils étaient conie Matthias Fekl.En janvier,il a réuni ses militants,dans son
iers de mon parcours et qu’ils seraient contents de me retrouver, ancienne circonscription, lors d’une cérémonie de vœux. «Ils
mais j’ai péché par orgueil : j’étais un fardeau, quelqu’un qu’ils étaient 150, il y avait beaucoup d’amitié, d’affection. » Et son
n’avaient pas envie de revoir.» À 58 ans,elle sait que ses chances regard, à cette évocation, s’allume à nouveau.

M Le magazine du Monde — 2 juin 2018


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38

Antoine de
Galbert, le
28 avril, dans
sa réserve à
Paris, au côté
d’une hyène
naturalisée
avec des
molaires en or,
œuvre de
Nicolas Milhé.

M Le magazine du Monde — 2 juin 2018


Hors collection.
“L’Envol”, c’est le titre qu’Antoine de Galbert a choisi pour l’ultime
exposition de sa fondation, la Maison rouge, à Paris, à partir du 16 juin.
Après cela, ce collectionneur capable de craquer pour un Dubuffet
comme pour des croix de tissu haïtiennes prendra le sien. Le terme d’une
aventure singulière, menée depuis 2004, en marge des canons du marché.
Mais sans doute pas la fin de la passion dévorante pour l’art qu’éprouve
cet héritier de la grande distribution. Pascal Nivelle JoNas UNger
par — photos

C haque
antoine
Galbert
m at i n ,

vaste que la
réserve d’un musée, où un gardien veille tout
de
descend
au sous-sol de son
immeuble. Une
cave blindée et
réfrigérée aussi

le jour. Il n’y a rien à voir, juste un entrepôt


avec des centaines de cartons et de paquets
étiquetés. Lui n’a pas besoin des codes-barres,
il sait ce que cache chaque emballage. Dans le
cadre noir, c’est un Dubuffet à côté de celui,
plus petit, d’une photographie de Lucien
16 juin sera la dernière. Elle parle d’apesan-
teur, de l’éternel défi de voler, de s’évader
dans les rêves et dans les airs. Symbolisée par
une cage rouge ouverte, elle s’intitule
« L’Envol ou le rêve de voler ». C’est juste-
ment ce que s’apprête à faire Antoine de
Galbert, le fondateur de la Maison rouge. « Je
vais m’alléger », annonce-t-il. Le compte à
rebours a commencé en janvier 2017. Dans
cinq mois, les néons rouges s’éteindront,
laissant la place à des bureaux.
Sans Antoine de Galbert, il n’y aurait pas eu
de Maison rouge. Et la réciproque est sans
doute un peu vraie. « C’était un sauvage, il
disait qu’il passait plus de temps avec les
À l’époque, ce n’est pas la célébrité que
recherche l’intéressé, mais un lieu qui parle
des collectionneurs. Personne ou presque ne
sait encore qu’il en est un lui-même, mais il ne
fait pas mystère de sa passion pour ces étranges
oiseaux prisonniers de leurs obsessions. Non
pas les spéculateurs, qui « achètent à l’oreille »
et déiscalisent ensuite. Ni même les collec-
tionneurs monomaniaques, spécialiste d’un
peintre, d’une époque ou d’un type d’objet. Il
éprouve la même tendresse pour tous ses
frères d’addiction, même ceux qui accumu-
lent les moulins à café, « ils s’entourent eux
aussi d’objets qui les rassurent ». Ceux qui
l’intéressent lui ressemblent. Ce sont des
Pelen, celle d’un homme et d’une chaise qui objets qu’avec les gens », se souvient le « artistes par contumace » qui « trouvent
volent. Là, une œuvre de Gilbert et George psychanalyste et écrivain Gérard Wajcman. dans l’art ce qu’ils ne trouvent pas dans les
cohabite avec le dessin au crayon fait par un À la in des années 1990, ce passionné d’art, êtres ». Pour les nombreux artistes qu’Antoine
enfant autiste, et Christian Boltanski avec une qui venait d’écrire un livre sur les de Galbert a soutenus sans condition, il fait
biche empaillée qui parle, signée Nicolas collectionneurs, Collection (Nous, 1999), a vu partie des leurs. « Depuis toujours, il cherche
Darrot. S’il a oublié beaucoup de noms, il arriver un homme brun entre deux âges, au l’énigme », estime le plasticien Jean-Jacques
connaît «par cœur» toutes les œuvres. Ce sont regard chaleureux et inquiet. Galeriste à Lebel pour qui cela résume la vocation. « Il
celles de sa vie de collectionneur passionné, Grenoble, son métier ne l’intéressait plus, il n’a pas de production personnelle mais son
tourmenté, toujours en manque. « Chacune a avait de l’argent et envisageait d’ouvrir un goût pour la singularité est propre aux
une raison affective, politique et historique lieu autour des collections d’art. « Si vous artistes, assure son confrère Nicolas Darrot,
d’être là», conie-t-il.À 62 ans, tous les matins, avez une idée… », dit Antoine de Galbert à plusieurs fois exposé à la Maison rouge. Il y a
Antoine de Galbert va à leur contact. Wajcman. « Il était vraiment très aimable, une dimension cathartique dans sa collection,
À trois cents mètres de là, des néons rouges j’ai écrit trois pages qu’il a aussitôt approu- qui est très sombre. » Jean de Loisy, président
éclairent le boulevard de la Bastille. Une vées », raconte le psychanalyste, très surpris du Palais de Tokyo et ancien administrateur
petite foule (environ 35 000 visiteurs par qu’il fasse appel à lui, inconnu au bataillon de la Maison rouge, est marqué par l’intérêt
exposition) se presse à la Maison rouge, fon- des conservateurs, commissaires d’exposi- d’Antoine de Galbert pour « les œuvres
dation d’art qui semble avoir toujours été là.À tion et autres critiques en vue à Paris. tourmentées par l’absence et la mort ». L’art
l’entrée, le livre d’or déborde de félicitations Quinze ans après, cela ne l’étonne plus : lui permettrait de « transcrire la profonde
et, depuis peu, de prières. « N’arrêtez pas ! » « Antoine de Galbert a toujours fait preuve inquiétude de sa propre vie ».
en lettres capitales, et cette supplique laissée d’une curiosité et d’une liberté incroyables, Orphelin de père à l’âge de 3 ans, élevé par sa
en suspension : « Antoine, vous allez nous même après être devenu lui-même une igure mère et un riche beau-père, le fondateur de la
manquer… » L’exposition inaugurée le du milieu de l’art parisien. » Maison rouge s’est retrouvé à la trentaine •••
40

••• en possession d’une manne inancière. Il l’instinct du chasseur, il est à l’affût de l’objet
aurait pu décider de mener une existence de qui va faire vibrer sa sensibilité, sans considé-
rentier, vivre à la ville l’hiver et à la campagne ration pour le succès ou la cote de l’artiste, «il
l’été, et voyager quand bon lui semblait, rêve ne demande jamais conseil à quiconque et va
qui ne l’a jamais tout à fait quitté. Mais il a droit vers l’œuvre qui l’attend, sans hésiter une
écouté la petite voix intérieure qui lui avait fait seconde », témoigne son épouse, Aline Vidal,
saisir un pinceau pendant les vacances dans le galeriste à Paris. Gérard Wajcman l’a observé
château familial du Bugey, au bord du Rhône. en train d’acheter : « Un moment décisif pour
Un endroit peuplé de fantômes illustres, des lui, l’argent ne compte pas, il suit son instinct.»
généraux, des résistants, mais pas d’artistes, « Ce n’est jamais le marché qui commande, il
trop saltimbanques pour les Galbert.À 15 ans, n’écoute que son intuition », ajoute Paula
il se dit qu’il sera le premier de la lignée. Mais Aisemberg, devenue directrice de la Maison

A
la platitude de ses aquarelles a vite raison de rouge. Autodidacte et provincial, arrivé sur le
ses velléités. Il lâche ses pinceaux et entame tard, il a fait de son « illégitimité», qu’il bran-
une collection de dessins. Riche à 30 ans, il dit souvent avec modestie, une originalité.
claque la porte de la grande distribution,
ouverte par sa famille héritière des frères
Defforey, les fondateurs de Carrefour. Et c’est n to i n e d e G a l b e r t
là que tout commence. Comme on se jette à a at t e n d u l a dat e
l’eau, il se «met dans l’art», et ouvre une gale- symbolique du
rie à son nom à Grenoble. Mais les collection- dixième anniversaire
neurs ne viennent pas. Dans l’ennui de sa de sa fondation pour
boutique vide, il achète plus pour sa collection exposer sa propre col-
qu’il ne vend. L’idée d’une «maison» des col- lection. Un grand sujet de perplexité. Comme
lectionneurs à Paris lui est inspirée par ce huis une mère avec ses enfants, il était incapable
Au sous-sol de Ci-dessus, clos oppressant. En 2000, il déniche une d’établir une hiérarchie entre son œuvre de
son immeuble “Plastique
à Paris, nègre”,
ancienne friche industrielle du côté de la Fontana et les dessins naïfs de Ceija Stojka,
Antoine
de Galbert
de Raoul Bastille, à l’écart des galeries, musées et cir- artiste rom autrichienne déportée dans un
Hausmann.
conserve une En bas, un cuits oficiels de l’art. Au milieu, il y avait un camp nazi. « Toutes ces œuvres sont proches,
collection
hétéroclite,
bronze de
John Isaacs.
pavillon qu’il envisage de raser, jusqu’au jour explique-t-il, c’est moi qui les ai achetées et,
où les grands
noms côtoient
À droite, où son épouse suggère de le peindre en rouge. face au temps, elles ont la même valeur. » Un
un reliquaire
les anonymes. contenant La Maison rouge est née, il y a tout à inventer, logiciel informatique a décidé de l’ordre d’ac-
une croix
de pèlerin
de quoi engloutir son héritage. «C’est encom- crochage. Le peintre et sculpteur Lucio Fon-
de Jérusalem brant l’héritage. Au fond, c’est peut-être pour tana a ainsi rejoint dans un passage des incon-
du xviii e siècle.
m’en débarrasser que j’ai fait tout ça », dit-il nus. À l’occasion de cette exposition tardive,
aujourd’hui. Le ils de famille n’a pas été trop baptisée « Le Mur », qui a troublé plus d’un
prodigue. Bon an mal an, la Maison rouge par- critique, Antoine de Galbert a publié un cata-
vient à équilibrer son budget de trois millions logue extraordinaire, accordéon de cinquante
d’euros annuel. mètres de long dans lequel il dit tout sur l’ob-
Sa collection a fait le voyage depuis Gre- session de la collection, source de jouissance
noble. En la découvrant, Paula Aisemberg a et d’ininie frustration. En exergue du long
décidé de s’embarquer dans l’aventure de la texte qu’il n’a laissé personne écrire à sa place,
Maison rouge alors qu’elle était bien au une citation du comédien Louis Jouvet
chaud dans une célèbre galerie parisienne. semble résumer sa trajectoire : « Il faut lente-
Les trésors accumulés d’Antoine de Galbert ment devenir ce que tu es. » Pour Gérard
perçaient le masque de sa discrétion presque Wajcman le psychanalyste, la Maison rouge a
maladive. « Ce n’était pas la collection typique « socialisé » Antoine de Galbert. Il y a laissé sa
de sa génération, mais quelque chose de très peau de « sauvage ».
singulier, se souvient-elle. Il n’y avait pas Pourquoi s’interrompre en plein vol ? Ni
d’art conceptuel, pas de signatures célèbres, galerie, ni musée, ni fondation d’entreprise, la
mais de l’art brut, des pièces ethnographiques, Maison rouge, ovni et success story sans
des objets, des œuvres incarnées… On sentait précédent, a répandu dans Paris l’étrange pas-
une curiosité sur les grandes questions essen- sion de son fondateur pour les collectionneurs.
tielles de la vie et la mort. » Aujourd’hui, le Le public et la critique ont été au rendez-vous
talent de collectionneur d’Antoine de Gal- dès la première exposition, « L’Intime, le
bert n’est plus à prouver. « Il a un œil de lynx, collectionneur derrière la porte», qui montrait
libre et indiscipliné », assure depuis Lausanne les œuvres dans les intérieurs reconstitués de
l’historienne de l’art Lucienne Peiry, en leurs propriétaires. Certaines toiles de valeur
pâmoison devant sa collection d’art brut. « Il étaient présentées de dos. Ensuite, seize
existe l’oreille absolue et le nez parfait. Lui, il expositions ont été consacrées aux collection-
a l’œil intégral », ajoute Jean de Loisy dans neurs sur la cinquantaine montées à la Maison
son Palais de Tokyo. rouge, et autant de catalogues devenus eux-
Souvent, le collectionneur sait ce qu’il mêmes des objets de collection.
recherche et s’adresse à un professionnel pour En janvier, « Étranger résident, la collection
repérer ses pièces manquantes. Antoine de Marin Karmitz», a dépassé les records de fré-
Galbert préfère explorer l’inconnu. Avec quentation, plus de 50000 visiteurs. Personne

Photos Jonas Unger pour M Le magazine du Monde — 2 juin 2018


ne l’aurait prédit quinze ans plus tôt, et encore après lui, qui s’occupera des centaines d’ano-
moins qu’Antoine de Galbert déciderait de la nymes qu’il couve du même amour? Dificile
fermeture en pleine gloire, décision longue- de s’alléger quand on a charge d’artistes. Déjà,
ment mûrie selon son épouse, Aline. « J’étais il a donné sa collection de cinq cents coiffes au
là au tout début, et je n’avais pas imaginé Musée des Conluences de Lyon. Ces plumes
que ce ne serait pas pérenne », raconte au bord indiennes, masques africains et heaumes en
des larmes la directrice Paula Aisemberg. Elle perles dénichés dans le monde entier n’ont en
n’avait pas imaginé non plus que le public commun que d’avoir été posés sur des têtes
allait s’affliger, les critiques protester, les humaines et d’avoir attiré l’œil d’Antoine de
historiens de l’art se lamenter, les artistes s’af- Galbert. « D’autres vont s’en occuper » ,
foler. « Sans le savoir, en suivant son instinct, afirme-t-il, soulagé. Affable et insaisissable,
il a créé un modèle », dit-elle, pleine d’espoir les mains toujours à portée d’une cigarette, il
qu’il fasse école un jour. Nicolas Darrot, dont semble déjà flotter dans ses projets futurs.
Antoine de Galbert adore les automates ani- Après sa démonstration convaincante sur les
maliers, poétiques et émouvants, a vécu des tourments du collectionneur et l’insoutenable
années inoubliables. « Tout était possible à la pesanteur de la possession, il s’arrête devant
Maison rouge, c’était un lieu de défrichage une dizaine de croix alignées sur une console.
unique en son genre, où régnait une absence de Une croix en perles mexicaine, une croix en
mesure exceptionnelle. » L’artiste Jean-Jacques poupée de chiffon haïtienne, une croix
Lebel, bientôt 82 ans, s’est réjoui pendant d’Annette Messager… « Dans dix ans, j’en
quinze ans en voyant Antoine de Galbert, aurai peut-être cent… Cela n’a aucun sens. »
« tellement timide », secouer les institutions Le virus est toujours actif.
parisiennes. « Il a inventé un lieu à l’exact “L’Envol”, à la Maison rouge, 10, boulevard
opposé du marché de l’art, qui est complète- de la Bastille, Paris 12e. Jusqu’au 28 octobre.
ment corrompu ! » Et maintenant, il s’in-
quiète : « Qui pour prendre la relève ? » Cri-

Antoine de Galbert veut


tique d’art à France Culture, Corinne
Rondeau annonce un vide l’an prochain : « La
Maison rouge a montré la passion de la col-
lection en dehors du prisme de l’argent, et le
public a adoré. Quand tout ça disparaîtra, il “arrêter quand tout va bien”,
fermer la boutique avant
restera Vuitton, Pinault et Lafayette. » Le
« patron », comme elle surnomme ce « mécène
d’un autre temps, d’avant la déiscalisation
des œuvres d’art », va manquer.
Antoine de Galbert sourit, insensible aux qu’elle devienne une banale
institution et laisser la trace
complaintes autant qu’aux compliments. Pour
lui, tout est simple. En décembre, La Maison
rouge s’arrêtera, mais pas la Fondation
Antoine-de-Galbert, qui gardera le fonds de
dotation et continuera de soutenir les artistes
au coup par coup, mais sans disposer d’un lieu
légère d’un “passeur”.
d’exposition. Sur la vingtaine d’employés,
dont onze salariés, il n’en restera que deux ou
trois. S’alléger inancièrement fait aussi partie
de ses projets. Il veut « arrêter quand tout va
bien » , fermer la boutique avant qu’elle
devienne une banale institution et laisser la
trace légère d’un « passeur ». Libéré de la ges-
tion de l’entreprise, du quotidien qui l’ennuie,
et du milieu de l’art contemporain qui l’a tou-
jours agacé. « Il y est entré par ricochet et ne
s’y est jamais épanoui, assure Aline Vidal. Ce
qu’il aime, c’est contempler un paysage, se
balader dans un souk, aller où les autres ne
vont pas. » Le mécène voudrait aussi éviter
de léguer sa coûteuse passion à ses quatre
enfants, qui n’ont rien demandé.
Devant ses œuvres embaumées, il conie son
rêve ultime, se « délester de tout ça » pour ne
garder que sa « collection imaginaire », biblio-
thèque de monographies qui couvre un mur
de sa maison. « Mais je ne sais pas si je vais y
arriver », doute-t-il, inquiet pour ses « œuvres
orphelines » , sans valeur marchande. Le
Boltanski trouvera toujours preneur. Mais
Le 17 mai, Volontaire,
d’Hélène Fillières
(à droite), dont l’action
se déroule chez
les fusiliers marins,
était projeté à
l’amphithéâtre Foch
de l’école militaire,
à Paris.
43

Le septième art et la Grande Muette.


Accès aux camps d’entraînement, embarquement sur des porte-avions, conseils
de gradés… Réalisateurs et scénaristes bénéficient de plus en plus souvent de
l’aide des militaires, comme pour “Volontaire”, d’Hélène Fillières, en salle le 6 juin.
Une collaboration gagnant-gagnant pour le ministère des armées, qui a mis sur pied
une mission spéciale. Conscient du formidable vecteur de communication que

U
représente le cinéma. maroussia dubreuil
par — benjamin schmuck
photos

ne jeune recrue de la marine nationale se


tient à l’écart dans la salle de projection
de la société Gaumont, à Neuilly-sur-
Seine. Dans quelques minutes, ce 9 avril,
elle découvrira le second ilm de l’actrice-
réalisatrice Hélène Fillières, Volontaire
(en salle le 6 juin). « Tous les big boss de la
marine sont là ce soir. Je ne sais vraiment
pas pourquoi j’ai été invitée », murmure
la jeune femme, avant de prendre place à quelques rangées de l’invité
d’honneur de la soirée, l’amiral Christophe Prazuck, chef d’état-major
de la marine nationale. Hélène Fillières prend le micro : « Volontaire,
c’est l’histoire d’une rencontre entre une jeune ille, Laure, et une
institution, la marine nationale. Plus particulièrement, les fusiliers
marins. » Le ilm démarre et, à l’écran, apparaît la façade monumen-
tale de l’École navale, à Brest.
Une heure et quarante et une minutes plus tard, le générique de in
dévoile les noms des marins – tous grades confondus – qui ont parti-
cipé à l’aventure. La salle est silencieuse. Hélène Fillières et son
producteur, Matthieu Tarot, ont la gorge serrée. C’est la première fois
qu’ils montrent le ilm. La passion qui unit le capitaine de frégate
Rivière (Lambert Wilson) à sa subordonnée, l’aspirant Baer (la jeune
Diane Rouxel), a-t-elle froissé ce public plus habitué aux ilms de
guerre ? L’amiral Prazuck se redresse. « Faut-il que je donne le signal
pour que tout le monde se lève ? », plaisante-t-il. Disciplinée, la salle
le suit. « Je souhaite que le métier de marin militaire attire des jeunes
femmes, lance-t-il, fermant les yeux sur la relation transgressive qui
unit les deux protagonistes. La place des femmes dans la marine est
un sujet très important pour moi, mais je ne peux que l’argumenter.
Ce ilm, lui, a le mérite de l’illustrer. »
En 2017, Volontaire a bénéicié du soutien de la marine nationale :
repérages à l’École navale, à Brest, et à l’École des fusiliers marins,
à Lorient, conseils d’un ancien oficier des commandos marine sur
le scénario, préparation physique des comédiens, réglage de détails
vestimentaires, tel le port du béret… Autant de conseils qui rendent
le ilm vraisemblable.
Hélène Fillières n’est pas une exception. Des réalisateurs ou scé-
naristes, cornaqués par le ministère des armées, enchaînent les
immersions ou reçoivent des conseils de professionnels. Une
dizaine de projets importants sont en cours de production, dont
deux ilms embarqués dans des sous-marins nucléaires, Le Chant
du loup, d’Antonin Baudry, avec Omar Sy et Mathieu Kassovitz, le
plus gros budget du cinéma français de l’année 2018, et Kursk, de
Thomas Vinterberg, sur le naufrage, en 2000, du bâtiment de la
lotte russe K-141 Koursk. C’est un vrai colonel, Olivier Celo, qui
a dirigé la scène de survol des quais de Bercy par un hélicoptère
Caracal aux côtés de Tom Cruise pendant le tournage de Mission
impossible 6 (en salle le 1 er août). Les séries, de plus en plus
nombreuses, passent aussi régulièrement les portiques de sécurité
de Balard, siège du ministère des armées : quatre sont en •••

2 juin 2018 — M Le magazine du Monde


••• développement, lancées par des sociétés de production d’en-
vergure, telles que The Oligarchs et Federation Entertainment
(Le Bureau des légendes) et Son et Lumière (Engrenages).
Derrière ce mariage entre iction et armée, une initiative ministérielle :
la Mission cinéma, dont la création a été annoncée, en mai 2016, par
Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la défense, lors de la présentation,
à l’Hexagone Balard, de la deuxième saison du Bureau des légendes,
d’Éric Rochant. Cette mission, conseillée dans un premier temps par
Éric Garandeau, ancien président du Centre national du cinéma, et
inaugurée, en février 2017, au sein de la délégation à l’information et à
la communication de la défense (Dicod), est chargée de faciliter le déve-
loppement d’œuvres de iction liées au monde militaire. Elle vient
enrichir le travail accompli depuis 2007 par le Bureau de la politique
d’accueil des tournages, qui met à disposition des lieux emblématiques
du ministère des armées. La Mission cinéma s’autoinance grâce à la
location des lieux. Mais il ne s’agit plus seulement d’autorisation et
d’accès. En septembre 2017, un accord a été conclu avec la Guilde
française des scénaristes, le syndicat de la profession, pour répondre aux
besoins en matière « de recherche et de documentation en amont de
l’écriture», selon la ministre des armées, Florence Parly.
L’inspiration est américaine. Le Pentagone dispose depuis 1989 d’un
Monsieur Cinéma, Philip M. Strub, ancien militaire de l’US Navy, qui
propose aux scénaristes de partir en immersion. « La guerre se fait
aujourd’hui avec les images. Or, jusqu’à présent, nous n’étions pas
sufisamment impliqués dans le domaine de la iction, explique son
homologue français, Olivier-René Veillon, chef de la Mission cinéma
et ancien directeur de la Commission du ilm d’Île-de-France. Nous
n’avions pas de Clint Eastwood ! »
« Il s’agit aussi d’expliquer aux citoyens ce qu’on fait de leur argent,
puisque la loi de programmation militaire prévoit de consacrer à la
défense 395 milliards d’euros jusqu’en 2025 », ajoute Valérie

“Lorsqu’on voit un
Cette politique de communication trouve un écho chez les cinéastes
qui veulent investir le milieu militaire. Le scénariste David Defendi,
qui est en train d’écrire la série R91 (le nom de code du porte-avions

bandeau sur BFM-TV Charles-de-Gaulle), esquisse l’idée que, « du temps de la guerre


froide, les communistes étaient les ennemis. L’armée avait peur des

qui indique douze


gauchos du cinéma, et le cinéma imaginait que les militaires étaient des
fachos. Depuis le Bataclan, on est tous dans le même bateau». Pour
bénéicier de l’aide des armées, le principe est simple : les scénaristes

morts en Afghanistan, envoient un pitch ou un scénario à la Mission cinéma. « On répond à


tous les projets à partir du moment où ils ont un producteur. Même

c’est abstrait. Qui


quand nous ne nous sommes pas séduits d’emblée, on préfère être associés
de manière à ce qu’ils soient le plus réalistes possible et qu’ils véhiculent
les valeurs militaires. Évidemment, on s’investira toujours plus dans

sont ces gens derrière les projets auxquels on croit. Imaginez La Septième Compagnie
aujourd’hui, on n’aurait rien à lui apporter!», explique Olivier-René

les uniformes?
Veillon. Ensuite, un « avis d’opportunité » déinit le degré d’implica-
tion des corps armés, qui ne sont pas toujours faciles à convaincre.
« Le cinéma et la télévision ne sont pas une priorité absolue pour les

C’est la question que militaires, qui sont engagés en opération à des niveaux rarement atteints
depuis la guerre d’Algérie», plaide Valérie Lecasble. En 2011, Nicolas

nous nous posons.”


Sarkozy n’avait pas réussi à convaincre les armées d’épauler L’Ordre
et la Morale, le ilm de Mathieu Kassovitz sur la prise d’assaut des
militaires de la grotte d’Ouvéa (Nouvelle-Calédonie) en 1988 qui avait
Vincent Garenq, scénariste fait polémique. Le conseil interministériel organisé pour l’occasion
s’était clôturé par un refus ferme de la défense (sans doute échaudée
Lecasble, ancienne journaliste, aujourd’hui directrice de la Dicod et par la réputation du cinéaste). Le réalisateur avait dû se contenter
porte-parole du ministère des armées. Sans compter que le cinéma d’une maquette en bois de l’hélicoptère Puma.
peut faire naître des vocations – l’armée recrute 22 000 jeunes Les scénaristes Olivier Lorelle (coauteur d’Indigènes) et Vincent
chaque année. Le nombre de candidats à l’espionnage a d’ores et Garenq travaillent sur une nouvelle série, dont ils ne dévoilent pas le
déjà augmenté de 400 % depuis la diffusion, en 2015, de la première titre. « Lorsqu’on voit un bandeau sur BFM-TV qui indique douze
saison du Bureau des légendes, consacrée à la direction générale de morts en Afghanistan, c’est abstrait, souligne Vincent Garenq. Qui sont
la sécurité extérieure (DGSE), selon la Dicod. ces gens derrière les uniformes? C’est la question que nous nous posons. »
45

Page de gauche et ci-contre,


lors de la projection de Volontaire,
à l’école militaire, en mai.

base militaire : « Je me suis rendu compte que les armées avaient pris
conscience du problème bien avant moi, en créant, en 2014, la cellule
Thémis contre les violences sexuelles », conie-t-elle. Et David Defendi
a arpenté à sa guise les coursives du porte-avions. « Alors que les
chaînes de télévision françaises ne veulent jamais parler de religion sous
prétexte que c’est trop clivant, j’ai très vite compris que la marine
n’avait pas de tabou, reconnaît-il. Il y a une mosquée à bord. Et de
nombreux postes de haut niveau sont occupés par des femmes. »
Depuis la création de la Mission cinéma, les marins se révèlent les plus
cinéphiles des armées, accompagnant la majorité des projets cinémato-
graphiques. «Je suis convaincu que la marine partage avec le cinéma une
part de rêve et d’aventure, déclare le capitaine de vaisseau Bertrand
Dumoulin, chef du Sirpa marine et ancien commandant du sous-marin
nucléaire lanceur d’engins Le Terrible, en 2011. Même si le scénario peut
être parfois rocambolesque, je suis heureux de voir nos valeurs, telles que
la cohésion, représentées au cinéma. Sur un bateau, la tempête touche
aussi bien le commandant que les matelots.»
Si les armées accompagnent les projets de iction dès les prémisses
d’un scénario, elles agissent aussi plus en amont. Le 10 avril, le lieu-
tenant-colonel Anthony Pfau, chef du bureau communication à la
direction du renseignement militaire (DRM), donnait une confé-
rence à une vingtaine de scénaristes. Entouré de sept spécialistes,
qui avaient pour consigne de ne dévoiler que leur prénom, l’homme
a mis à proit son expérience du renseignement au sein d’un état-
major de brigade blindée au Kosovo. « Mon but est de faire connaître
une palette de nos actions : la recherche cybernétique, dont l’effectif a
été multiplié par trois depuis 2016, le métier de linguiste ou la
recherche et l’analyse d’images, conie-t-il à voix basse dans un café

A
face au Palais-Bourbon. Je voulais aussi sortir du mythe. Nous ne
Pour y répondre, le duo enchaîne depuis six mois des immersions. Ils sommes pas un service secret mais un service discret. Nous n’avons
ont déjà vu le cockpit d’un drone Reaper, sont montés à l’arrière d’un pas besoin d’aller percer un coffre-fort avec des cagoules ! »
Caracal et se sont rendus au centre d’entraînement aux actions en
zone urbaine (Cenzub) de Sissonne, dans l’Aisne, où ils ont passé la
nuit pour 30 euros chacun. Quelle est réellement la liberté offerte aux lors que la création de la dGse remonte à la
scénaristes ? La formule de Florence Parly – « votre imagination est seconde Guerre mondiale (sous le nom de ser-
notre seule limite » – est-elle vraiment appliquée ? « Il y aura des vice de documentation extérieure et de
salopards et des lâches. Pas question qu’on me bride », avait averti la contre-espionnage), la DRM, âgée de seule-
scénariste du téléilm Peur sur la base, Alexandra Deman, lorsqu’elle ment vingt-six ans, cherche à se faire
avait rencontré les représentants du Sirpa (Service d’information et de connaître. Elle peut d’ores et déjà compter sur
relations publiques des armées) de la marine. Une crainte partagée par un ambassadeur de prestige. The Oligarchs, la société de production
le scénariste David Defendi, pour la série R91 : « Je ne suis pas là pour d’Alex Berger, développe actuellement la série Furtifs autour des opé-
faire votre propagande en mode Corée du Nord », avait-il lancé au rations spéciales. Dans son bureau au sein de la Cité du cinéma, pôle
pacha, le commandant du porte-avions Charles-de-Gaulle, sur lequel cinématographique créé par Luc Besson à Saint-Denis, Alex Berger a
il allait passer dix jours dans le cadre de l’opération « Chammal » mis sous verre une lettre d’Emmanuel Macron qui le remercie de lui
contre l’organisation État islamique, in 2016. avoir envoyé le coffret de la troisième saison du Bureau des légendes,
Pour éviter que les militaires ne se braquent à la première lecture « cette remarquable série qui renouvelle la vision portée sur nos ser-
du scénario, le directeur de la Mission cinéma n’hésite pas à mener vices de renseignement », selon le président. Le plan de travail de la
un travail de pédagogie en dispensant des leçons de cinéma aux quatrième saison, en tournage dans un studio au rez-de-chaussée, fait
différents Sirpa. Il leur explique, par exemple, qu’un soldat trop face à un tableau Velleda géant où sont déjà inscrites en lettres majus-
parfait ne ferait pas un bon personnage. « Mais il y a encore du che- cules les premières bases de Furtifs : « Les hommes et femmes du
min à parcourir… Je me souviens de séances de travail mémorables Commandement des opérations spéciales sont là pour assurer les nou-
sur Volontaire. La marine faisait un certain nombre de remarques sur veaux conlits de la France dans le monde. » « La guerre a changé.
la vraisemblance des situations lorsqu’elle s’est arrêtée sur une scène C’est une guerre de spécialistes qui conduit les forces spéciales à agir
d’amour. “Ça n’arrive jamais sur les bases”, a-t-elle dit. On a donc dans le cadre de missions précises. C’est cette chirurgie-là qui m’inté-
découvert que les marins n’avaient pas de sexualité, ironise Veillon, resse », explique Alex Berger, dont la collaboration avec les armées a
qui fut assez pédagogue pour sauver la séquence. On mène un tra- débuté en 2013, lors de la préparation du Bureau des légendes, avec
vail au petit point auprès des militaires pour leur expliquer qu’une le coup de il d’un certain M. Nicolas. « Il m’a expliqué que la DGSE
iction n’est pas un documentaire ! » ne communiquait pas mais qu’elle nous connaissait. Ça fait bizarre! »
Du côté des gens de cinéma, aussi, il y a des préjugés à dépasser.Ainsi, Pour cause : Les Patriotes (1994), d’Éric Rochant, est projeté aux
Alexandra Deman a imaginé une intrigue autour du meurtre d’un futurs agents de la DGSE dans le cadre de leur formation. Comme
fusilier marin et a abordé la question du harcèlement sexuel sur une quoi les armées apprennent aussi du cinéma.

2 juin 2018 — Photos Benjamin Schmuck pour M Le magazine du Monde


46

Terreur
de jeunesse.
C’est une sinistre litanie qui n’a ni début ni fin. Trois mois après la fusillade de
Parkland, en Floride, un lycée texan a été à son tour le théâtre, le 18 mai à Santa Fe,
d’une tuerie. Avant cela, il y en avait eu bien d’autres. Pendant près de cinq ans,
le photographe Andres Gonzalez a sillonné des écoles américaines touchées
par des “mass shootings”. De Colombine à Sandy Hook, il a compilé les traces
laissées par ces tragédies dans l’espace comme dans les corps. Son livre
“American Origami” interroge le rapport de son pays à la violence.
photos andres gonzalez — texte stéphanie le bars

Andres Gonzalez a également


rassemblé des articles de journaux
sur les fusillades. Ici, une photo
tirée de l’Observer-Reporter
de Pennsylvanie, après la tuerie
de Virginia Tech, à Blacksburg,
en Virginie, le 16 avril 2007.

M Le magazine du Monde — 2 juin 2018


48

M Le magazine du Monde — 2 juin 2018


Page de gauche, après chaque Ci-dessous, Peter a perdu sa fille, Jody était archiviste de la Red Lake
massacre, des milliers d’objets et Mary, à Virginia Tech le 16 avril 2007. Nation, une communauté indienne,
de messages adressés aux victimes Julie a été gravement blessée lors dans le Minnesota, quand eut lieu
ou à leurs proches sont déposés de la fusillade de Roseburg, dans la tuerie de Red Lake High School,
sur le lieu du drame. l’Oregon, le 1 er octobre 2015. le 21 mars 2005.

L
a matière qu’a choisie de traiter le photographe andres de survivants, de témoins ou de proches de victimes. Le photographe
gonzalez semble, malheureusement, inépuisable. livre de ces entretiens des portraits en noir et blanc, témoins d’une
La fusillade responsable de la mort de dix personnes douleur intacte mais aussi d’une forme de résilience.
dans un lycée de Santa Fe, au Texas, le 18 mai, vient Avec Kristina Anderson, blessée lors de la fusillade de Virginia Tech,
encore de le rappeler. En cinq ans, cet artiste en 2007, on comprend que l’empathie et les condoléances ne sufisent
originaire de Californie, a effectué un sinistre road- pas. Ces objets se transforment peu à peu en un fardeau pour les
trip. D’école en école, il a parcouru l’Amérique rescapés et les familles des victimes. Selon elle, ces attentions servent
meurtrie par les mass shootings. Depuis 1999 et le davantage ceux qui les envoient, et l’opinion publique en général, que
massacre de Columbine, plus d’une centaine d’élèves, d’étudiants et les victimes. Kristina Anderson dit clairement qu’elle préférerait voir
de professeurs ont péri sous les balles. arriver « de l’argent » pour inancer les années de thérapie et de soins
Loin de l’émotion brute des premières images qui jaillissent des télévi- qui s’ouvrent pour les personnes frappées par de tels drames.
seurs après chaque tragédie, loin de la violence sans nom de ces tueries, À Sandy Hook, où vingt enfants de 6 ans furent tués en 2012, l’émotion
le regard de Gonzalez s’attarde sur les détails et sur l’après. Sur ces devint même une forme d’embarras.Au total, la ville a reçu 65000 ours
milliers de lettres, de messages, de dessins, de photos, de coupures de en peluche et un demi-million de lettres venues du monde entier.
presse ou de peluches déferlant inévitablement sur les lieux du drame Débordée par cet élan, incapable de stocker la totalité des hommages,
dans les heures et les jours qui suivent. Et sur les origamis, ces pliages la municipalité en a gardé une partie et fait brûler le reste avant de
colorés en forme d’oiseau, que l’on retrouve en nombre sur chaque conserver les cendres dans des boîtes, désormais «sacrées». Gonzalez
mémorial.Ces frêles offrandes donnent son titre à l’ouvrage de Gonzalez, reconnaît lui-même avoir été assailli par cette ambivalence entre
American Origami, retenu cette année dans la liste du prix Mack, qui « histoire et mémoire, rationnel et irrationnel, faits et sentiments ».
récompense un livre de photographies. Ils renvoient au sort de Sadako Mais tous ces objets demeurent à ses yeux les « traces viscérales de
Sasaki, une illette Japonaise d’Hiroshima, qui s’était juré de réaliser nos tragédies », les cicatrices d’un pays tout entier, inlassablement
1000 pliages avant de mourir, en 1955, à l’âge de 12 ans, d’une leucémie. blessé. « Peut-être, un jour, ces reliques seront-elles considérées comme
La légende voulait que celui qui y parvînt vît ses désirs exaucés. Ce des objets de réconciliation, le moyen par lequel nous avons tenté de
récit fut repris dans un conte pour enfants. Une histoire racontée à des pardonner la violence commise contre nous, et par nous. »
générations de petits Américains. Andres Gonzalez s’est rendu ces derniers jours à Parkland, en Floride,
Au-delà de la quête d’émotion garantie par ces objets conservés dans lieu de la fusillade qui a fait dix-sept morts en février.Alors qu’il pensait
des archives, des caves ou des musées, l’œuvre de Gonzalez relate la en avoir ini avec ce sujet, la réaction atypique des lycéens, à l’origine
Andres Gonzalez

dificulté de vivre un deuil collectif – surtout lorsque les morts sont d’un mouvement anti-armes, l’a incité à aller à leur contact. Pour tenter,
des enfants et des adolescents – et la manière dont chacun s’efforce à nouveau, de comprendre «le rapport de [son] pays à la violence».
de surmonter un tel traumatisme. Sa « tristesse, puis [sa] colère » face
à l’inaction politique l’ont incité à aller à la rencontre d’une douzaine American Origami, Andres Gonzalez, First Edition, 2018
51

Page de gauche, une photo Ci-dessus (de gauche à droite


prise à la Columbine High School, et de haut en bas), Red Lake,
deux semaines avant le massacre Minnesota. Northern Illinois
du 20 avril 1999, regroupe University, Illinois. Newtown,
les deux tueurs (en haut à gauche, Connecticut (vue de l’emplacement
Eric Harris, avec une casquette de la maison du tueur,
noire, et Dylan Klebold, à sa droite, Adam Lanza ; la propriété fut
avec des lunettes de soleil) et achetée par la mairie puis rasée).
certaines de leurs victimes. Blacksburg, Virginie.
Andres Gonzalez

2 juin 2018 — M Le magazine du Monde


52

Page de gauche, un extrait du journal Hook, les communes de Newtown elles durent être brûlées, à l’excep-
de Dylan Klebold, l’un des deux et de Sandy Hook, Connecticut, ont tion d’une sélection, conservée à la
tueurs de la Columbine High School. reçu plus de 65 000 ours en peluche bibliothèque. Les cendres recueillies
Page de droite, après la fusillade et plus de 500 000 lettres. sont aujourd’hui considérées
de l’école élémentaire de Sandy Faute de place pour les conserver, comme « terre sacrée ».

Andres Gonzalez

M Le magazine du Monde — 2 juin 2018


Place de la Libération — Vitry-sur-Seine
Musée d’art contemporain du Val-de-Marne
macval.fr
Attia
Kader Attia, Oil and Sugar, 2007. Vidéo, couleur, son, durée 4'30". Avec

Kader l’aimable autorisation de l’artiste et de la Galerie Nagel Draxler. Collection


Tate Modern, Londres et ICA Institute for Contemporary Art Boston.
© Adagp, Paris 2018.
Les racines poussent aussi dans le béton
MAC VAL Exposition 14 avril —16 sept. 2018
55

La Felicit,
restaurant
géant, vient
d’ouvrir à Paris.

Corners d’abondance.
cuisines africaine, danoise, italienne, mexicaine à une seule adresse…
les “foodcourts” débarquent en france. à la fois comptoirs gourmets
et événements culturels, ces lieux festifs s’inspirent du concept eataly
ou de dinerama à londres. et changent les codes de la restauration.
par Léo Bourdin — photos LoLa Hakimian

2 juin 2018 — M Le magazine du Monde


D epUis le 26 mai,
cinq cUisines,
Une boUlange-
rie, Une “caffe-
teria” et trois
bars tournent à plein régime
pour abreuver et nourrir les
2 000 clients de La Felicità,
le nouveau restaurant géant
Control, qui a ouvert en février
dans une friche de la SNCF à
proximité de la gare de Lyon,
le Parisian Omnivore District,
dans la cour du BHV Homme,
ou encore le Food Market, un
« marché à dîner » itinérant sur
Lyon et Paris. Leur point com-
mun ? Regrouper sur un même
comme bon nous semble ; on
passe commande au comptoir
et on ile la consommer assis,
debout, devant un concert,
entre deux verres, ou au milieu
d’une performance artistique.
À La Felicità, les clients proi-
tent ainsi de concerts, d’expo-
sitions, de projections et de
(un studio radio, une galerie
photo ou encore un vidéo-
drome), des épiceries et des
îlots de restauration auto-
nomes : une sélection de
12 restaurants de poche aux
cuisines éclectiques – ita-
lienne, africaine, danoise,
syrienne ou encore mexicaine.
installé à la Station F, incuba- site en libre accès plusieurs gigantesques apéros. Dès lors Tous ont été choisis par
teur de start-up, sous la halle comptoirs de restauration qu’il n’est plus seulement une direction artistique, une
Freyssinet, dans le treizième rapide – et de qualité. question de gastronomie mais démarche habituelle aux festi-
arrondissement de Paris. Avec Nés dans les travées des aussi de divertissement, com- vals de musique ou aux bien-
son immense terrasse et ses centres commerciaux améri- ment déinir ces zones d’ali- nales : « On a mis plus d’un an
4 500 mètres carrés d’attrac- cains et asiatiques au milieu mentation ? « Les nouveaux et demi à boucler le casting ; on
tions culinaires, le lieu fait des années 1970, les food food courts ne prennent sens voulait créer une famille, bosser
déjà igure de Disneyland courts ont d’abord été canton- que par l’environnement dans avec des gens qui ont choisi
de la restauration – Mickey nés à leur fonction première lequel ils sont intégrés. Leur la restauration parce qu’ils
en moins, les pizzas en plus. – nourrir un maximum de succès vient du fait qu’ils pro- veulent vraiment faire décou-
« On voulait rendre l’acte d’aller bouches en un minimum de posent une ofre culturelle vrir leur cuisine », précise
au restaurant moins compliqué temps. Popularisés par le suc- large et qu’ils appréhendent la Mathilde Girault, responsable
et plus festif : ici, on vient cès du Time Out Market à question de l’alimentation de éditoriale du lieu.
pour manger un bout, boire un Lisbonne, du concept transal- manière plus qualitative que Un concept de “restaUration
verre, écouter un concert sur pin Eataly (qui a essaimé dans quantitative », analyse Pierre cUltUrelle” qui séduit parce
une grosse sono, ou pour le monde) ou encore de Dine- Rafard, docteur en géogra- qu’elle porte la promesse de
les trois à la fois », explique rama à Londres, ils sont deve- phie et codirecteur du donner plus de sens à ce que
Victor Lugger, cofondateur nus des lieux de restauration à Food 2.0 LAB, un collectif de l’on mange, au moment où on
du groupe de restauration part entière, où l’on ne vient chercheurs et d’universitaires le mange. À Lyon, le food
italienne Big Mamma, à plus seulement pour se susten- qui s’intéressent à l’alimenta- court La Commune se pré-
l’origine du projet. ter, mais aussi pour se divertir. tion de demain. sente « comme une coloc’
Ce « food and teuf market » Exit, donc, les réservations, le Le Ground Control chamboule géante dans laquelle on par-
vient ajouter un peu de piment serveur qui vous tient la jambe, encore plus les codes de la tage la bonne humeur avec
dans la compétition à laquelle les plats aux intitulés à ral- restauration traditionnelle. une tribu improbable autour
se livrent actuellement les longe… Dans les food courts, Dans ce grand hangar, on d’une cuisine de chefs inspi-
food courts parisiens déjà en on débarque à n’importe déambule entre des ateliers rés ». Une extension de plus du
place, comme le Ground quelle heure pour manger d’expérimentations culturelles domaine de la gastronomie.

À Ground Control (à gauche) ou au POD – Parisian Omnivore District


(ci-dessous) –, le principe reste le même : une diversité d’offres
culinaires en un lieu unique où chacun peut déambuler.

carnet pratique
Felicità, Place Grace Murray HoPPer, Paris 13 e
Ground control, 81, rue du cHarolais, Paris 12e
www.GroundcontrolParis.coM
Parisian omnivore district, 14, rue du teMPle, Paris 4e
www.bHv.fr/actus/Pod-le-PreMier-food-court-Parisien
le Food market, dans les rues de Paris et lyon
www.lefoodMarket.fr
la commune, 3, rue Pré-Gaudry, lyon
lacoMMune.co

Photos Lola Hakimian pour M Le magazine du Monde


57

esprit des lieux

Poupées de sire.
par laëTiTia leporcq
posts et postures

#iconic.
les accros des réseaux sociaux ne cessent de
mettre en scène leur vie à coups de hashtags
et de selfies, lançant la tendance (ou pas).
cette semaine, le fourre-tout idolâtre.
par carine bizeT — illustration aline zalko

Le 2 juin 1953, Elizabeth II était


couronnée reine d’Angleterre.

le monde s’est transformé sous


l’effet des réseaux sociaux en un catalo-
gue d’images en expansion perpétuelle.
Certaines ont un statut particulier: cen-
sées faire référence pour le plus grand
nombre, elles ont droit au hashtag iconic.
Sous ce label, on trouve à peu près tous les
clichés imaginables: de Marilyn Monroe
la robe.
Modèle Zinaida, en jacquard, à la 2 CV, en passant par le jambon que
Erdem, 2 410 €. erdem.com
Mamie mettait dans nos sandwichs pour
partir en classe verte. Cette culture nostal-
gique et sans originalité n’est pas très
réjouissante. En revanche, il est plus amu-
sant d’essayer de deviner ce que cachent
les chaussures.
les adorations quasi religieuses de chacun.
Salomés Baya en chèvre Ceux qui vénèrent des objets (montres,
velours, Repetto, 265 €.
www.repetto.com sacs à mains, bijoux, voitures…) ont sans
doute une grosse tendance matérialiste
ascendant consumériste. Biberonnés à la
publicité à haute dose, ils ont troqué le
Xanax contre la griffe. Posséder véritable-
ment ces objets est, au fond, accessoire: ce
la Tasse.
Motif couronnement qui compte, c’est d’avoir leur doudou vir-
d’Elizabeth II, en céramique,
Etsy, à partir de 15 €.
tuel en image, à adorer comme une icône
www.etsy.com religieuse. Leur ferveur provoque des
TOC (cette manie d’acheter le même
jean en quatre exemplaires, au cas où la
production s’arrêterait) ou les pousse à
lancer des pétitions pour le retour du
Tubble Gum ou des tartelettes Diego (les
les écussons. gens de goût se reconnaîtront). Pour s’en naturellement masochiste, il vénère des
Couronnes brodées de
il doré, Amazon, 4,30 €.
débarrasser (en cas de rupture amou- personnalités #iconic qui sont tout son
amazon.fr reuse, par exemple), il suffit de leur contraire. Les illes à petits ventres mous
montrer le diable: des pâtes premier prix, adorent Britney, Miley et leurs abdos en
même pas #iconic. béton; les types aux yeux marron et voix
Les adeptes du #iconic culturel (livres, de crécelle adulent Frank Sinatra. C’est
musées, lieux, tableaux…) ont quelque mathématique et il y a sûrement un théo-
chose d’intimidant (et de snob aussi). rème pour ça. L’autolagellation perma-
Mais il faut bien comprendre une chose, nente est garantie, avec option passage
Keystone/Getty Images

90 % du temps, ils sont comme tout le chez le psy pour expliquer que « Papa
monde: en train de boulotter des chips en adorait Marilyn, donc j’ai essayé de me teindre
pyjama devant des rediffusions de Friends, en blonde ». Toxique, l’#iconic? Cela res-
habités par le dieu de la flemme du semble bien au nouvel opium virtuel du
dimanche. Comme l’être humain est peuple à smartphones en tout cas.

2 juin 2018 — M Le magazine du Monde


librement inspiré

Au théâtre,
ce soir. vu sur le net
PoUr Créer Les qUatre boUgies
qUi évoqUent La maison de moLière, Mur végétal.
La ParfUmeUse oLivia giaCobetti
est aLLée hUmer Les CoULisses L’herbier, cette collection
de La Comédie-française. de plantes séchées
conservées entre deux
par Claire Dhouailly
feuilles de papier, aurait
été inventé au xvie siècle
par l’italien Luca ghini.
auparavant, la transmis-
sion du savoir sur les
plantes se faisait par le
dessin. avec Herbarium,
les sœurs marion et
Pauline ruilhat, qui ont
abandonné leurs
emplois dans la inance
et dans la mode pour
De la Comédie-Française, les réserves et le fauteuil chapeaux, chandeliers, fusils, monter ce projet,
cette institution fondée en de Molière. « Pour la bougie plumes, perruques…) est « un mêlent graphisme et
1680 par la réunion de deux Réserves, je suis restée des subtil mélange d’osier, de bois botanique en créant de
troupes de théâtre (dont celle heures dans les ateliers de sec, de jute, de papier et de véritables tableaux à
de Molière, mort huit ans plus Sarcelles à sentir les éléments poudre de riz ». La parfumeuse l’aide de feuilles et de
tôt), on connaît les arcades de décor cachés sous les a cherché à reproduire idèle- leurs. elles les mettent,
du Palais-Royal, le répertoire bâches en toile à beurre. » Les ment la senteur de cet fraîches, sous presse
classique, et le nom des bustes, panneaux et meubles immense cabinet de curiosi- pendant plusieurs
comédiens les plus célèbres. en bois ont une odeur « très tés. « J’ai isolé et reconstitué semaines avant de les
Pour créer les quatre bougies apaisante, à la fois fraîche et séparément les odeurs les plus assembler à la main
inspirées de cette illustre sèche, un mélange de pous- marquantes. » Puis elle les a et de les encadrer.
maison, Olivia Giacobetti s’est sière de bois, de plâtre et de assemblées comme un décor. Chaque pièce est unique,

Gaston Paris/Roger-Viollet. Un soir à l’Opéra, Daria Nelson. Helena Kadji/M Le magazine du Monde. Clark Franklyn
intéressée à l’envers du décor : toile ». La senteur des malles Bougie Réserves, Comédie-Française, réalisée selon l’inspira-
la blanchisserie, les coulisses, et des accessoires (boîtes à 39 €. www.comedie-francaise.com tion. Une façon originale
et poétique de faire
entrer la nature dans
son habitat, et qui ne
nécessite pas d’avoir
la main verte. C.Dh.
www.herbarium.fr
Pages : 255 — Poids : 1,7 kg lecture de salon

Hauts de gamme.
dimensions : 24 x 30 cm
Palette graphique :

C’est l’un des paradoxes de nos sociétés urbaines et hyper-


connectées : les cabanes, ces habitats exigus jadis réservés
aux gardes forestiers, aux chasseurs et aux enfants lecteurs
de Copain des bois, sont devenues l’ofre hôtelière la plus
désirable. Les 70 huttes et cabines référencées dans ce livre
en font l’exemplaire démonstration. Un nid en bambou per-
ché dans les arbres sur une plage mexicaine, une chambre
de verre perdue dans la campagne suédoise, un lit double
posé à même le sol à 2 000 mètres d’altitude dans les mon-
tagnes suisses… À feuilleter pour organiser ses prochaines
vacances, ou juste pour rêver. C. Ae.
Hideouts. Grand Vacations in Tiny Getaways. Gelstaten, 39,90 €.
59

fétiche

Jeu de cartes.
Il y a quelque chose de réducteur dans l’usage
qui est fait des applications de cartographie,
utilisées pour connaître le chemin le plus court
d’un point à un autre. Se plonger dans une vraie
carte permet de prendre du recul – au sens
propre comme au iguré – et d’appréhender
la ville dans son ensemble. Consacré au voyage,
l’éditeur italien Palomar l’a bien compris.
À rebours du tout-digital, il commercialise
des objets touristiques (boule de neige de
bâtiments contemporains iconiques, radio por-
tative, minitélescope…). Sa spécialité demeure
les cartes, qu’il livre dans une version froissable,
indéchirable, ultralégère et imperméable. Ce
qui permet de les emporter au fond d’un sac,
de les sortir sous la pluie, de les laisser tomber
ou de les oublier sur un coin de table. Bref,
tout ce qu’un smartphone ne tolère pas. M. Go.
Carte indéChirable « Crumpled City », d’emanuele
pizzolorusso, palomar, 12 €. www.palomarweb.Com

2 juin 2018 — Photo Sebastian Lager pour M Le magazine du Monde. Stylisme Laëtitia Leporcq
60

variations

Jardin créole.
Selon les archéologues ayant découvert les trésors cachés des tombes royales d’Ur,
en Mésopotamie, l’origine des boucles d’oreilles taillées en cercle remonterait aussi
loin que 2 500 ans avant Jésus-Christ. Bien plus près de nous, ce sont les années 1980,
festives et colorées, qui ont mis en lumière les créoles, avec un penchant pour les
modèles XXL. Les créateurs d’aujourd’hui optent quant à eux pour des propositions
plus discrètes mais pas moins inspirées : le Libanais Rabih Kayrouz mixe or et cuivre
sur un modèle gonlé et l’Anglaise Rosh Mahtani, fondatrice du label Alighieri,
donne une forme quasi mouvante à sa création. Comptoir des Cotonniers, avec
sa paire transpercée d’une épingle à nourrice, revisite les années punk, tandis
que Kym Ellery évoque les crustacés des plages australiennes. M.Ga.
De gauche à Droite, Boucles D’oreilles en cuivre recouvert D’or, Maison raBih Kayrouz,
340 €. www.MaisonraBihKayrouz.coM
Boucles D’oreilles the FractureD clouD en plaqué or, alighieri, 380 €. www.alighieri.co.uK
Boucles D’oreilles en plaqué or, ellery, 355 €. www.ellery.coM
Boucles D’oreilles épingle à nourrice en laiton, coMptoir Des cotonniers, 45 €.
www.coMptoirDescotonniers.coM

Photo Sebastian Lager pour M Le magazine du Monde. Stylisme Laëtitia Leporcq — 2 juin 2018
Chaussé
de Converse
Chuck noires,
l’Américain
Bill Russell
s’élance balle
en mains,
lors du dernier
match de la
finale de la NBA,
le 18 avril 1962,
à Los Angeles.

réédition

Pieds d’égalité.
Trente points et quarante rebonds : l’histoire de la ligue nord-américaine
le 18 avril 1962, lors du dernier match (11 bagues de champion) sont de
de la inale de la NBa, Bill russell stu- retour dans leur format original. la
péfait le public en décrochant ces sta- nouveauté tient dans un rectangle
tistiques phénoménales. les celtics de tissu, sur l’intérieur de la languette,
de Boston, dont il occupe le poste de qui vient rappeler les statistiques et
pivot, font ainsi plier les lakers de los la date historique. cette réédition fait
angeles (4-3). À ses pieds, une paire partie d’une gamme consacrée aux
de converse chuck noires qui décolle pointures du basket-ball qui s’étend
du sol lorsqu’il tente de marquer un jusqu’en juin. Successivement rever-
panier. l’équipementier Nike (proprié- ront le jour les converse montantes
taire de converse depuis 2003) res- vert gazon chaussées en 1984 par
suscite cette saison ce modèle de Kevin Mchale, les Nike last Shot
champion. Structure basse, toile et portées par Michael Jordan en 1998
cuir, lacets blancs, étoile mordorée ou la paire blanche futuriste aux pieds
rivets or et plaque miniature gravée de Kevin Durant en 2014. V. Pe.
« 1962 » : les baskets que portait celui Converse Chuck 70 Ox « 30 and 40 », Nike, 90 €.
qui deviendra le joueur le plus titré de En vente depuis le 3 mai. www.nike.com

le théorème

Pièces rapportées.
Walter Looss Jr./Getty Images. Nike. NT. CSAO. CSAO x Tila March.

Tila March cSaO effeT wax


Lancé en 2006 par la rédactrice de La Compagnie du Sénégal et de Les sacs en coton sont dopés à
mode Tamara Taichman, ce label de l’Afrique de l’Ouest, fondée par l’imprimé wax. Les bénéices de cette
maroquinerie conçoit des collections Valérie Schlumberger en 1995, dif- collaboration sont reversés à l’ASAO,
aux lignes épurées. Sa signature : une fuse l’artisanat sénégalais en Europe. l’association de la CSAO qui aide
attention apportée aux fermoirs de Ondine Saglio, sa ille, en est la direc- les femmes du Sénégal par le travail
ses modèles. Des chaussures sans trice artistique. Elle imagine des et les enfants par l’éducation. M. Ga.
ioritures complètent cette panoplie. pièces avec l’aide d’artisans locaux. Sacs à partir de 195 €. www.tilamarch.fr
62

MA VIE EN IMAGES

Jacques
Cavallier-
Belletrud.
Ce maître parfumeur grassois
signe la première collection pour
4 homme de la maison Louis Vuitton.
Cinq fragrances qui invitent au voyage.
PROPOS RECUEILLIS PAR CLAIRE DHOUAILLY

5
5 - «Ce tableau de Dalí, La
Persistance de la mémoire,
m’a toujours marqué. Il est une
métaphore du temps qui passe,
de ce qui s’efface avec les années.
6
Chaque créateur porte en lui
cette fragilité des choses. Que
va-t-il rester de ce que l’on crée?
Picasso me touche aussi beau-
coup. Ces artistes sont les phares
du monde, ils éclairent la vie.»
1 - «Acquises par Louis Vuitton 3 - «Avant de devenir parfu-
en 2013, les Fontaines Parfu- meur, mon père, Jean, était 6 - «C’est du jasmin de mon

Jacques Cavallier-Belletrud x6. AKG-Images/Salvador Dalí, Fundació Gala-Salvador Dali/ADAGP, Paris 2018
mées, à Grasse, se consacrent au ingénieur chimiste. Il m’a appris jardin, à Cabris. Le jasmin de
parfum depuis le XVIIe siècle. à évoluer entre la rationalité Grasse est exceptionnel, c’est un
Enfant, j’allais à l’école à côté, et l’émotionnel, l’intuition. romanée-conti. Il donne à un
et cette bastide me paraissait L’acte créatif a besoin des deux, jus une sensualité inégalable.
mystérieuse. Aujourd’hui, j’y ai faire intervenir la raison permet Quand j’étais enfant, ma mère
mon bureau et mon atelier. Je de construire ses idées. J’aime déposait quelques leurs sur ma
travaille en direct avec nos par- cette photo qui incarne aussi la table de chevet, le parfum pou-
tenaires locaux, je peux façonner solitude du parfumeur, comme vait me réveiller la nuit. Mon
mes essences à la carte. Chaque de tout artiste.» père, lui, nous emmenait, mon
jour, je mesure ma chance.» frère et moi, sentir les champs de
4 - «À 13 ans, mon père m’a jasmin à 5 heures du matin. Ce
2 - «Il s’agit d’un des trois dit cette phrase: “Il va falloir sont des sensations déterminantes
volcans qui entourent la ville que tu oses.” Je n’en ai compris dans ma vie de parfumeur.»
d’Antigua, au Guatemala. Je ne le sens qu’en découvrant New
voyage pas uniquement pour York sept ans plus tard. Oser 7 - «Ma ille Camille est élève
rencontrer les fabricants de se mettre à nu en tant qu’artiste, aux Fontaines Parfumées. Elle
matières premières, mais aussi ne pas s’imposer de limites. Les a la chance d’avoir accès à mes
pour comprendre la culture Américains ont cette ouverture secrets, comme mon père m’a
d’un pays. Pour Nouveau d’esprit, un émerveillement transmis son expérience, elle-
7
Monde, je me suis inspiré du presque enfantin.» même issue de celle de son père et
choc olfactif et gustatif que m’a de son grand-père. Elle traverse
procuré le chocolat épicé maya. les doutes de “ille de” que j’ai
Sur la Route renferme du connus moi-même : quand j’ai
baume du Pérou, qui igure lancé mon premier parfum, on
dans la pharmacopée locale.» a dit qu’il était de mon père.»

M Le magazine du Monde — 2 juin 2018


Made in Maquis
Jean Alber t LIEVRE

Cosmétiques
Biologiques Aux Huiles Essentielles Corses

Parfums • Joaillier Créateur • Bougies

Ajaccio . Bastia . Calvi . Porto Vecchio . Aix-en-Provence • Le Bon Marché Rive Gauche

WWW .C A SANERA.CORSIC A
64

ligne de mire

Faux pas.
par jean-michel tixier

Illustration Jean-Michel Tixier/Talkie Walkie pour M Le magazine du Monde

M Le magazine du Monde — 2 juin 2018


Sac banane en Nylon et coton,
2 Monoprix, 19,99 €, www.monoprix.fr (1).
Sac banane en Nylon imprimé et cuir,
Tory Burch, 255 €, www.toryburch.fr (2).
Sac ceinture en cuir, Wandler, 525 €,
www.wandler.com (3).
1 Sac ceinture Kriss, cuir grainé,
See by Chloé, 235 €. www.chloe.com (4).
Sac ceinture en cuir, COS, 59 €,
www.cosstores.com (5).

libres avec quelques efets personnels.


Dans les années 1980, des sacs banane en
matière synthétique font leur apparition
avec les tenues de sport aux couleurs
criardes pour arpenter les rues les mains
dans les poches. Ils deviennent des acces-
soires du quotidien la décennie suivante.
à l’origine Tom Ford, le provocant directeur artis-

Bananes lambantes.
tique de Gucci d’alors, en propose une
version monogrammée, répondant aux
aspirations hédonistes d’une nouvelle
4 clientèle. Miuccia Prada, pionnière du
TouTes les Tendances onT une hisToire.
minimalisme, le décline, pour sa part, en
Pour “M”, serge carreira, enseignanT
simple Nylon noir. Il disparaît emporté
5 à sciences Po eT sPécialisTe de la Mode,
par le cycle de la nouveauté. Kim Jones,
en reMonTe le fil. ceTTe seMaine,
directeur artistique des collections
le sac banane.
homme de Louis Vuitton jusqu’en janvier
photos Joaquin Laguinge dernier, a contribué à son récent retour :
la banane rouge, cosignée par la marque
urbaine new-yorkaise Supreme et le
Les aventurières psychédéliques de luxueux malletier pour l’hiver 2017, est
Marc Jacobs du déilé printemps-été 2018 devenue l’une des pièces-phares de cette
arboraient, nonchalamment, à la ceinture collaboration iconoclaste. Depuis, ce sac
des sacs multicolores tout droit sortis des est réinterprété par toutes les grifes. Il est
séries télé des années 1990. Dénommée adopté massivement par les jeunes et les
« banane » en raison de sa forme en inluenceurs. Porté à la taille ou en ban-
croissant de lune rappelant le fruit, cette doulière, il se sophistique en se parant
sacoche a été associée, pendant près de de cuir et de détails rainés. Aussi, pour
deux décennies, au cliché – peu glamour – cet été, Maria Grazia Chiuri pour Dior,
du touriste en bermuda, appareil photo Karl Lagerfeld pour Chanel ou Anthony
autour du cou et tongs aux pieds. On peut Vaccarello pour Saint Laurent l’imaginent
également rapprocher cette besace des comme un minisac attaché à la ceinture.
aumônières médiévales ou des châtelaines Les marques de sport ressortent leurs
du xixe siècle. Ces bourses richement versions techniques. Malgré son aspect
ornementées, accrochées à la taille, vintage, ce sac est bel et bien l’accessoire
permettaient de se déplacer les mains d’aujourd’hui : libre et nomade.

Stylisme Laëtitia Leporcq pour M Le magazine du Monde


67
page de gauche,
Veste en jean et
jean en coton
imprimé, Hilfiger
ColleCtion.
Boots en cuir,
off-WHite ×
Jimmy CHoo.

ci-contre, Veste
en jean, levi’s.

un peu de tenues

Le denim.

en veste à lacets, robe patchwork ou jupe brodée,


le jean ne joue pas la toile de fond.
photos Jeremy everett — stylisme DelpHine DanHier

2 juin 2018 — M Le magazine du Monde


68

ci-contre,
chemise en denim,
Off-White ×
Virgil AblOh.
Jean en coton
à bandes
latérales,
COmptOir des
COtOnniers.

ci-dessus, Jean
en coton imprimé,
hilfiger COlleC-
tiOn. boots en
cuir, Off-White ×
Jimmy ChOO.

page de droite,
robe en
patchwork de
denim et boots
en cuir, mm6
mAisOn mArgielA.
pantalon en
denim, COmptOir
des COtOnniers.

M Le magazine du Monde — 2 juin 2018


71
page de gauche,
Veste en jean à
lacets en coton,
PSWL Proenza
SchouLer.
jupe en denim
à patchworks
brodés,
coach 1941.

ci-dessous,
Veste en jean,
Levi’S. jupe
en jean, a.P.c.

ci-contre,
chapeau en
jean réVersible,
Kenzo, La coLLec-
tion MeMento n°2.
manteau et
chemise en jean,
caLvin KLein.
pantalon en
denim, coMPtoir
deS cotonnierS.
boots en cuir,
MM6 MaiSon
MargieLa.

manneQuin : runa neuwirth


directeur de casting : ben grimes
assistantes stYlistes : kinseY lewis et Felicia malone
maQuillage : john mckaY
coiFFure : tamara mcnaughton
production : rep

2 juin 2018 — M Le magazine du Monde


72

VISITE GUIDÉE 1

Têtes
modernes.
2 — GÉOMÉTRIQUE
«En 1910, alors que la France sort à
peine du style Napoléon III, Francis
Jourdain, le premier moderne
français, signe un véritable manifeste
LE MODERNISME S’IMPOSE EN FRANCE,
en dessinant ce tapis aux formes
DÈS LES ANNÉES 1920, GRÂCE AUX PIONNIERS
géométriques, avec des couleurs
DU MOUVEMENT UAM. UNE AVENTURE RETRACÉE
brutes traitées en à-plats.»
AU CENTRE POMPIDOU. LES COMMISSAIRES
Tapis de Francis Jourdain.
FRÉDÉRIC MIGAYROU ET OLIVIER CINQUALBRE
COMMENTENT CINQ PIÈCES EMBLÉMATIQUES.
3 — PLASTIQUE
PAR MARIE GODFRAIN
«En 1937, Paris accueille l’Exposition
internationale des arts et des
techniques dans laquelle l’Union
des artistes modernes (UAM) érige
2 3
un pavillon. Parmi les meubles
présentés, un fauteuil de Jean
Prouvé en plastique coloré (un
matériau nouveau pour l’époque)
avec une forme en courbe et

Adagp, Paris, 2018. RMN/Grand Palais/Musée Fernand Léger/Adrien Didierjean/Adagp, Paris, 2018. MAD, Paris/Luc Boegly/Fondation Lurçat/Adagp, Paris, 2018
une économie de matière mariée

Djo Bourgeois/La Cinémathèque Française. Musée d’art et d’histoire – Saint-Denis/Irène Andréani/Adagp, Paris, 2018. Vitra Design Museum/Jürgen Hans/
à de la tôle pliée, qui est la marque
de fabrique de Prouvé.»
Fauteuil de Jean Prouvé.

4 — THÉRAPEUTIQUE
«L’hôpital de Saint-Lô (Manche) a
été reconstruit après la guerre. Son
architecte Paul Nelson souhaitait
employer la couleur dans tout l’éta-
blissement pour ses vertus théra-
peutiques. Pour réaliser cette œuvre
4 d’art total, il fait appel à Fernand
Léger. Seule cette mosaïque apposée
sur la façade sera retenue, pour célé-
brer l’amitié franco-américaine, mais
le travail de recherche a fait date.»
Fresque de Fernand Léger.

5 1 — GRAPHIQUE 5 — ÉLECTRIQUE
«En 1923, le réalisateur Marcel «Pierre Chareau expose ce bureau-
L’Herbier multiplie les innovations bibliothèque lors de l’Exposition
techniques et esthétiques pour son internationale de 1925, consacrée
film L’Inhumaine. Il convie notam- aux arts décoratifs et industriels
ment Léger, Mallet-Stevens, Chareau modernes. Il est composé d’une
et Delaunay à dessiner les décors. paroi coulissante qui peut se fermer
Cette aiche de Djo-Bourgeois complètement et d’un plafond
synthétise tous les codes graphiques éclairé grâce à un système de source
(géométrie, à-plats de couleurs, lumineuse dissimulée, imaginé par
abstraction) des artistes moder- un ingénieur éclairagiste. Une
nistes qui ont travaillé sur ce film.» première technique et esthétique.»
Afiche de L’Inhumaine de Djo-Bourgeois. Bureau-bibliothèque de Pierre Chareau.

« UAM, une aventure moderne », Centre Pompidou, Paris 4e, jusqu’au 27 août.
www.centrepompidou.fr

M Le magazine du Monde — 2 juin 2018


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et d’une puissance strictement supérieure à 50cc, carte grise à votre nom depuis au moins 3 mois, véhicule roulant et en règle. La valeur de reprise est calculée en fonction du cours de la Cote de L’Oiciel
du Cycle, de la Moto et du Quad du jour de la reprise, applicable à la version du véhicule repris ou le cas échéant à la moyenne des cours des versions les plus proches de celui-ci, ce cours ou ladite moyenne
étant ajusté en fonction du kilométrage et des éventuels frais de remise à l’état standard et déduction faite d’un abattement de 5% pour frais et charges professionnels. Ou reprise forfaitaire de 500€ de
votre véhicule de plus de 10 ans, quelle que soit sa valeur. Ofre non cumulable, valable chez les concessionnaires participants.

PEUGEOT METROPOLIS

MOTION & EMOTION


fil conducteur

La Nouvelle-Orléans, port altier.


hier mal Famé, le quartier des entrepôts portuaires autour de Julia street a vu
ses bâtiments industriels reconvertis en galeries, musées, hôtels et restaurants.
preuve que la ville de louisiane n’est pas réservée qu’aux amateurs de Jazz.
par Béatrice Leproux — illustration L’ateLier cartographik

2 3
1

1 — le mississippi au long cours 2 — militantisme à la galerie Ferrara


C’est à l’extrémité de la rue que s’ébranlent Une vingtaine de galeries d’art occupent
les célèbres bateaux à aube qui naviguent sur les Thirteen Sisters, rangée de hautes et
le cours boueux et sinueux du Mississippi, étroites maisons mitoyennes de style victorien
large de 800 m et profond de 60. D’ici, une en brique rouge. Celle de Jonathan Ferrara a la
promenade longe le touristique French particularité de valoriser des artistes émergents
Quarter jusqu’aux clubs de concerts du fau- et engagés. L’exposition «Guns in the Hands
bourg Marigny. En 2019, ses quatre kilo- of Artists», montée pour la première fois par le
mètres atteindront le quartier Bywater, d’où galeriste en 1996, pour laquelle trente artistes
émergent restaurants et bars alternatifs entre se sont réapproprié des armes confisquées
les maisons en bois coloré et les ateliers en ville, y sera présentée à la in de l’année.
d’artistes. 400A Julia Street, de 10 heures à 17 heures.
jonathanferraragallery.com
75

carnet pratique

y aller y séjourner
Depuis Paris via Londres avec British Le Old N°77 Hotel, dont le lobby,
Airways. À réserver avec le reste du un espace immense avec coins salons
voyage chez Equinoxiales. 7 jours/5 nuits et expositions, ouvre sur un bar et
comprenant vol A/R + 5 nuits au Old 77: un restaurant savoureux
910 € par personne en chambre double. (à partir de 100 € la nuit).
Tél.: 01-77-48-81-00. equinoxiales.fr 535 Tchoupitoulas str. old77hotel.com/

3 — Distinction chez pêche 4 — tout en finesse à l’auction house market 5 — Détox chez Bikram yoga
Tartare d’huîtres du golfe du Mexique, écre- Dans une déco industrielle (béton ciré, L’établissement doit son ouverture à une
visses et capellini au piment, poisson du colonnes en bois et poutrelles métalliques), jeune population d’entrepreneurs venue
marché cuit au feu de bois, betteraves mari- l’Auction House Market, un food hall de de tout le pays après l’ouragan Katrina.
nées aux agrumes et amandes… En 2014, les 800 m², héberge une dizaine de kiosques On est prié d’apporter – ou de louer – tapis
James Beard Awards – la plus haute distinction garnis de produits ins. Après avoir fait son et serviette pour la salutation au soleil dans
gastronomique aux États-Unis – désignaient marché en piochant ici et là, on s’attable à le grand studio parqueté, chauffé à 40,6 °C et
le Louisianais Donald Link meilleur chef du l’immense bar central pour déguster sushis, chargé de 40 % d’humidité pour un travail en
sud du pays. À la carte de Pêche, sa cuisine acras, curry, salades exotiques, empanadas, profondeur et une élimination plus rapide
inspirée de l’Amérique latine et de la côte sandwiches-baguette ou huîtres, le tout des toxines. Une offre inattendue dans ce
du golfe: comptez 47€ le poisson du marché. préparé sur place. climat tropical.
800 Magazine Street. Du dimanche au jeudi 801 Magazine Street. Tous les jours de 7 heures 638 Julia Street. 8 € la séance. Tous les jours jusqu’à
de 10 heures à 22 heures. pecherestaurant.com à 22 heures. auctionhousemarket.com 23 heures. bikramyoganeworleans.com/

2 juin 2018 — M Le magazine du Monde


76

garden-party

Roses en majesté.
par John Tebbs, jardinier anglais.

J’ai l’impression d’avoir traversé, ces


douze derniers mois, un tourbillon de
roses. Ce fut un voyage hors du
commun, durant lequel j’en ai appris
plus que je n’aurais cru possible.
Et pourtant, j’ai le sentiment de n’avoir
fait qu’eleurer l’énigme de ces leurs.
Étrangement, jusqu’à récemment, je
ne les ai pas appréciées à leur juste
valeur ; je ne me suis jamais considéré
comme un admirateur de leurs charmes
épineux, d’autant que les tailler et
les débarrasser de leurs têtes fanées
peut constituer une tâche pénible.
Mais elles détiennent un secret, leurs
pétales de velours délicat et doux,
leur parfum sucré, leur beauté cachent
une nature plus rude et plus brutale…
Une dualité qui se prête bien à une
métaphore de la condition humaine.
La rose a toujours symbolisé – c’est
encore le cas aujourd’hui – l’amour, le
sexe, le pouvoir, la guerre, la richesse,
la paix, la féminité, la résistance,
la foi et la pureté… pour ne citer que
quelques thèmes. C’est une leur
aux mille visages, qui cultive ses
singularités ; elle est connue de tous,
mais échappe à la banalité.
La première loraison a eu lieu et
rien ne saurait remplacer ces leurs
fraîches de mai, dont ni la poésie,
ni la peinture, ni la littérature ne
parviennent à saisir l’évanescence.
C’est pourquoi la rose nous subju-
guera toujours et que nous continue-
rons à projeter sur cette reine des
leurs nos mythes, nos histoires et
nos symboles.
Traduction : Agnès Rastouil

Photo Derek Henderson pour M Le magazine du Monde — 2 juin 2018


l e g r at i n
de blettes
de véronique
richez-lerouge

INGRÉDIENTS
pour 4 personnes
1 grosse botte de blettes
60 g de bon beurre
6 à 8 c. à s. de farine
500 ml de lait cru
½ c. à c. de noix de muscade
Poivre de Kampot
Sel de l’île de Ré

i
Nettoyer les blettes, les
couper en tronçons de
5 cm. Blanchir les cotes
10 minutes et les feuilles
environ 5 minutes dans
l’eau bouillante. Égoutter
et étaler dans un grand
plat à gratin.

ii
Faire fondre le beurre dans
une casserole à fond épais.
Saler, poivrer. Progressive-
ment, ajouter la farine pour
faire un roux. Ajouter la
noix de muscade, puis, sur
une affaire de goût le lait cru, son parfum indisso- feu doux, ajouter le lait,

L’amie des blettes.


ciable de l’atmosphère animale, tout en fouettant. Remuer
les vaches, les prés, la nature. à petit feu, jusqu’à ce que
la béchamel soit bien prise.
J’ai compris très jeune son impor- Verser la béchamel sur les
tance dans la chaîne alimentaire. blettes, et enfourner 20 à
Ancienne communicAnte, Véronique richez- 30 minutes à 180 °C.
Des années plus tard, voir
Lerouge est deVenue miLitAnte du bien-mAnger.
attaquer le fromage au lait cru
eLLe défend Les fromAges ArtisAnAux et Le LAit
m’est devenu insupportable, c’est la lotte
cru, indispensAbLe ingrédient de LA béchAmeL aux épices
comme toucher à l’essence de la
dont eLLe Agrémente ses grAtins de Légumes.
vie. Dans les années 2000, quand INGRÉDIENTS
par camille labro — photos julie balagué j’ai vu l’hécatombe en France, pour 4 personnes
j’ai créé l’association Fromages
1 queue de lotte de 1,2 kg
de terroirs pour aider les produc- 3 gousses d’ail rose,
teurs à faire entendre leur voix, pelées et hachées
et protéger leurs trésors. 2 racines de curcuma frais,
pelé et haché
Je cuisine tous Les Jours de gens, avec cette savoureuse ceLA fAit cinq Ans que J’Ai quitté 3 étoiles de badiane
AVec ce que J’Ai sous LA mAin sauce blanche qui change tout. pAris pour habiter au bord de Poivre de Kampot
ou ce qui m’inspire. Je suis l’aînée C’est ma mère qui m’a appris à la mer, en Charente-Maritime. Sel de l’île de Ré
3 c. à s. d’huile d’olive
d’une fratrie de quatre, et j’ai faire la béchamel, j’ai toujours J’y ai trouvé l’air pur, la tranquillité 1 verre de vin blanc sec
toujours eu un appétit d’ogresse. trouvé ça magique: ça habille et surtout une sérénité qui permet
i
J’ai surtout appris de ma grand- tout de suite un plat, cela le rend de mieux travailler. Le maigre,
Préparer une décoction de
mère, que j’adorais regarder cuisi- nourrissant, élégant, conséquent. proche du bar, est le poisson local, badiane, en faisant chaufer
ner… Ma mère manquait souvent Avec du bon lait cru, du beurre mais j’afectionne la lotte. Elle est les étoiles dans un fond
d’eau frémissante, pendant
de temps, alors j’ai pris les choses fermier, une belle farine bio, et les charnue, avec peu d’arêtes, une 15 minutes. Réserver l’eau
en main à la maison. Je me suis légumes, on a tout ce qu’il faut. sorte de viande de la mer, que je de cuisson et écosser
mise aux fourneaux vers 11 ou Je préfère ne pas mettre de cuisine comme un sauté de veau. les graines de badiane.
12 ans, pour toute la famille. Ça fromage sur mes gratins. J’ai J’adore le préparer dans une ii
ne rigolait pas: je préparais des trop de respect pour ce produit. sauce aux épices, avec lesquelles Éplucher la queue de lotte.
gâteaux, des plats mijotés, des Les fromages vrais, au lait cru, les je joue toute une partition. Cur- La découper en 4 mor-
ceaux. Dans une poêle,
rôtis, de grands gratins… Je cuisi- confections artisanales issues de cuma pour la couleur et le goût faire chaufer l’huile d’olive,
nais au lieu de faire mes devoirs traditions anciennes, d’animaux un peu amer, badiane aux saveurs y faire rissoler rapidement
ou mon violon, si bien que je me bien traités et bien nourris, c’est réglissées, poivre noir du Cam- le curcuma, l’ail, les graines
de badiane. Ajouter les
couchais tard pour arriver à tout le patrimoine de notre pays, bodge, parfois du gingembre ou morceaux de lotte et faire
inir. Mes parents ne roulaient pas des produits uniques et délicieux, de la citronnelle… C’est un appel colorer sur tous les côtés.
sur l’or, et il fallait faire avec un qui racontent des tas d’histoires. du large, qui donne une dimen- Déglacer avec l’eau de
badiane, puis le vin blanc,
budget minimal et ce qu’il y avait Je me bats pour les défendre. sion nouvelle au gratin de laisser la sauce réduire
dans le frigo: le gratin de blettes Mes origines franc-comtoises blettes de ma jeunesse. légèrement, puis baisser
à la béchamel vient de là. C’est par mon père et mon enfance le feu et cuire une vingtaine
de minutes, jusqu’à ce que
une recette facile, économique et ponctuée de séjours à la ferme la lotte soit bien tendre.
roborative, qui peut nourrir plein ont éveillé en moi ce goût pour www.fromages-de-terroirs.com Poivrer, saler, et servir.
dessous de table

Droit aux Buttes.

R
par françois simon

ien de plus implacable qu’un quartier.C’est une il faut avoir l’ego humble, et ce n’est peut-être pas un hasard si
sorte de miroir, une loupe au bout d’un il. S’il est en cuisine il n’y a quasiment que des femmes. Les plats montent
rentré en lui-même, calme et cossu, vous aurez la au front avec bonté et, nous y revoilà, avec intelligence : l’œuf
paix, cuisinerez dans l’indiférence ouatée des mimosa avec ses herbes et de la frisée se balade allègrement,
plats bourgeois. S’il est furieusement à la mode, il alors que les caillettes maison déploient un joli murmure de
conviendra de tutoyer cette dernière avec les arguments du jour. thym, sous-tendu par les carottes râpées. C’est agréable, ce
Et si vous atterrissez dans le 19e arrondissement de Paris, popu- genre de musique, on tend l’oreille, et l’on ressent une cuisine de
laire, bavard et les pieds sur terre, comment dire… vous avez source. Le lieu jaune est impeccablement cuit, prononçant sa
intérêt à réaliser où vous mettez les pinceaux. Une faute de nacre avec l’intonation exacte, alors que lutinent dans un coin un
carre et vous allez illico au fossé, les banquiers aux trousses beurre monté, du chou et du céleri. C’est sur le inal que vous
et la honte à la maison. Il convient donc d’être « intelligent ». risquez d’avoir la larme à l’œil, car la crème caramel est à tomber
C’est-à-dire regarder sa clientèle, l’aimer ensuite. Lui donner (dans l’enfance). Elle est adorable, artisanale, à cuillérer dans
à manger. Ici, à deux pas des Buttes-Chaumont, là où Paris l’hypnose et le plaisir. Clientèle conquise, en revenir. Le soir,
chemine dans le pentu, Léa (en cuisine) et Louis Fleuriot paraît-il, ça chaufe un peu plus après les
(en salle), sœur et frère, pondent une cuisine proche de la ruades de la journée. C’est sans doute au
cuccina povera, où tout est d’une simplicité biblique. Pour cela, déjeuner qu’il faut cueillir cette leur de
pavé, regarder les gens vivre, patienter
avec un verre de vin blanc, respirer
le temps avec sérénité. Il y a un bar,
des journaux et, dans un imperceptible
maillage, le quartier qui a pris corps

Illustration Satoshi Hashimoto pour M Le magazine du Monde. Le Cadoret x3. François Simon. Le Cadoret. Getty Images x3
dans ce restaurant.

Installés dans
le 19 e arrondisse-
ment de Paris,
Léa et Louis
Fleuriot réalisent
une cuisine simple
(caillettes maison
au thym et carottes
râpées ;crème
caramel artisanale).

place de choix dommage à emporter p a s s a g e à l’a c t e


Au comptoir, c’est pas Un peu bruyant le soir. Le plaisir simple. Cadoret, 1, rue Pradier, Paris 19e.
mal ; en terrasse ou dans la Tél. : 01-53-21-92-13.
salle à gauche, en entrant, Fermé dimanche et lundi.
pour admirer l’équipe Décibels
en cuisine. Au déjeuner, bucolique, 75 dB ;
le soir, vitesse supérieure.
Mercure
Avec les vitrines ouvertes,
températures saisonnières.
Addition
Comptez 35 €.
Minimum syndical
Les formules du déjeuner,
à 16,50 € et 19,50 €.
Verdict
Oh, oui !
79

frais de bouche

À croc
€ 36,00 et à cru.
Cette semaine, “m” vous propose
un dîner à moins de 40 euros.
approcher l’appétit comme au il de l’eau, ne pas
l’efrayer. parfois, certains restaurants fonctionnent
de la sorte. à la surface. ils poussent le rainement
jusqu’à ne pas trop intervenir, laisser les nourritures
dans leur nudité crue, soit le credo des adeptes
de la raw food, née en Californie, pour qui moins
on intervient (lors de leur cuisson notamment),
mieux on se porte. discutable certes, mais jouable.
à l’initiative du restaurant parisien raw, William
pradeleix (également chez l’excellent Will, dans
le 12e arrondissement) vous embarque non sans
charme et réussite dans des compositions ailées,
afûtées et revigorantes à l’image de ce tartare
de bœuf-vinaigrette soja-crème trufe-mangue
verte ou encore, iodées et percutantes, les huîtres
au vinaigre de poire nashi et graines de coriandre.
ainsi, l’élan pris, il est plus que plaisant de piocher
dans les coques-rhubarbe pickles-beurre de
gingembre. manger devient presque une marelle
où le corps prend son mot, sa diction (crunchy
salad) et sa rythmique. pas mal du tout. Fr. S.
Tartare de bœuf, 13 € + coques au beurre de gingembre, 9 €
+ salade crunchy, 5 € + poire pochée citronnelle, 9 € = 36 €.
Raw, 57, rue de Turenne, Paris 3e. Tél.: 01-77-18-37-50. Fermé mardi
midi, dimanche et lundi. De 12 h à 14 h 30 et de 19 h 30 à 22 h 30.

union libre

Charbons ardents.
domaine guy mousset et Fils, domaine des Costes rouges,
Camille, Côtes-du-rhône, 2016 Clos Ferrière, marCillaC, 2015
Le temps des barbecues est Une saucisse grillée accueille
arrivé. Avec une saucisse grillée, volontiers au palais ce marcillac
ce côtes-du-rhône issu de biologique, haut et long en
syrah et grenache nés d’un sol saveurs. Implanté depuis plus
typique de galets roulés, de soixante ans, le cépage
s’impose de manière très fer servadou qui le compose
décomplexée. Avec ses notes ofre une trame quasi
élégantes de fruits rouges, ferrugineuse. Un mariage juteux
il peut même être servi un peu et généreux. L.G.
frais. Ensemble léger et joyeux. 9,50 €. Tél.: 05-65-72-83-85.
7 €. Tél.: 04-90-83-56-05.

Pages réalisées par Chloé Aeberhardt, Maud Gabrielson et Laëtitia Leporcq (stylisme). Et aussi Carine Bizet, Léo Bourdin, Claire Dhouailly,
Laure Gasparotto, Marie Godfrain, Camille Labro, Béatrice Leproux, Valentin Pérez, François Simon, John Tebbs et Jean-Michel Tixier.

2 juin 2018 — Illustrations Satoshi Hashimoto et Broll & Prascida pour M Le magazine du Monde
Alpha.
Abidjan-
gare du Nord
(2014), du
dessinateur
Stéphane-Yves
Barroux, une
des œuvres
exposées
à Lyon.
81

Témoignages à la première personne,


récits fouillés, reportages…
La bande dessinée s’est emparée
de la crise migratoire.

L’exposition
“Réfugiés”
du festival Lyon BD rend compte
Barroux et Bessora/Alpha/Gallimard/Lyon BD Festival

de la diversité de cette production.


Et souligne sa puissance: le 9e art
parvient à sortir le sujet de sa
banalisation médiatique. Par Frédéric Potet

2 juin 2018 — M Le magazine du Monde


82

Parce qu’aucun sujet d’actualité n’échaPPe désormais à sa curio-


sité, la bande dessinée a quelque chose à dire sur la crise migratoire. En
témoigne la constitution, en quelques années, d’un véritable cor-
pus sur le sujet. Et en atteste le choix du festival Lyon BD d’y
consacrer, du 5 au 10 juin, une exposition cette année, sous le titre
« Réfugiés ». En octobre 2013, le sujet avait été évoqué par le Musée
national de l’histoire de l’immigration, situé porte Dorée (Paris 12e),
qui avait, à travers 500 pièces, traité des relations entre bande des-
sinée et « mouvement migratoire », au sens large. L’accrochage
lyonnais se penche, ici, sur la façon dont le 9e art traite de la situa-
tion des réfugiés arrivés en Europe ces dernières années au péril
de leur vie, et dans des proportions jamais vues.
C’est pour contrecarrer la banalisation médiatique du phénomène,
due à la surabondance d’images télévisées dramatiquement
identiques, que Zep fut l’un des premiers à s’emparer du sujet,
en septembre 2015. Il le it au prix d’une audace inédite tenant de la
transgression artistique : mettre à mal son personnage fétiche,
Titeuf, à l’occasion d’un court récit qui transposait la guerre en Syrie
sur le sol européen. Feutre à la main, le dessinateur suisse avait Ci-dessus, Humains.
La Roya est un fleuve
alors déversé des bombes sur le quartier du jeune héros, tuant ses (2018), d’Edmond
parents, ses copains, sa maîtresse d’école, l’obligeant à fuir vers Baudoin et Troubs.
une frontière qui refuse de s’ouvrir. Publiée sur son blog (hébergé Ci-dessous,
Le Journal de
sur Le Monde.fr), cette histoire bouleversa un nombre considérable Mickey le vieux
de lecteurs. « Je n’avais pas envie de commenter la situation des (2018), du
Camerounais
réfugiés qui a été analysée par tant de spécialistes et de politolo- Mohammed
gues. Je me suis juste dit que ce serait intéressant d’avoir un témoi- Ndepe Tahar.

gnage de l’intérieur, en utilisant un personnage qu’on connaît tous,


car cela nous toucherait beaucoup plus », indiquait récemment Zep
au hors-série du Monde consacré à Titeuf, en se souvenant d’avoir
terminé ce strip vertical de 42 cases (dont la dernière est toute
noire) en tremblant, les larmes aux yeux.
Si donner la mort à son propre héros, même symboliquement, est
un moyen très fort pour dénoncer l’inacceptable, la bande dessinée
possède d’autres atouts pour y parvenir. Le recours à un style
graphique spéciique en est un. Dans Alpha. Abidjan-gare du Nord

“Les auteurs de
BD apportent

Mohamed Ndepe Tahar/Le Journal de Mickey Le Vieux/Dessins sans papiers/Lyon BD Festival


une autre lecture
des événements,
Edmond Baudoin, Troub’s/Humains/L’Association/Lyon BD Festival.
tout aussi fouillée
qu’un article ou un
docu, mais douée
d’un supplément
d’âme.”
Vincent Raymond, commissaire de l’exposition “Réfugiés”

M Le magazine du Monde — 2 juin 2018


(Gallimard, 2014, scénario de Sandrine Bessora), le dessinateur en particulier ceux qui ne maîtrisent pas suisamment la langue
Stéphane-Yves Barroux a ainsi opté pour un trait d’une grande française, de s’en emparer pour raconter leur voyage, forcément
instabilité, ain de simuler au mieux la situation d’urgence et de agité. L’association a autoédité deux récits qui relatent de l’inté-
précarité à laquelle est confronté son héros ivoirien, embarqué rieur la réalité d’une migration clandestine.
dans un périple mouvementé à travers l’Afrique et l’Europe, dans Dans le premier, Le Voyage de Haiz El Sudani, l’auteur soudanais
l’espoir de retrouver sa femme et son enfant, partis quelques Haiz Adem propose une série d’illustrations qui témoigne d’un
années avant lui. Alpha Coulibaly a un visage, certes jeté à la va- sens inné de la couleur et de la composition. Ce ils de cultivateur,
vite dans cet album, mais il en possède un. qui ne parlait pas un mot de français en arrivant, n’avait jamais
Yéti, lui, n’en a pas dans Terre d’accueil (Sarbacane, 2010), un dessiné de sa vie auparavant, sinon dans son enfance. Après avoir
album de l’Italien Alessandro Tota coédité par Amnesty Internatio- vu ses croquis, le peintre Hervé Di Rosa l’a invité en résidence dans
nal. Cette masse informe rendue expressive par la présence de son Musée international des arts modestes, à Sète.
deux seuls yeux symbolise, elle, la igure du déraciné : comment Le second ouvrage publié par Dessins sans papiers, Le Journal de
mieux dépeindre la dépersonniication des exilés autrement que Mickey le vieux, est l’œuvre d’un autre autodidacte, Mohammed
par cette absence de traits faciaux et de l’identité qui l’accom- Ndepe Tahar, de nationalité camerounaise. De la même facture
pagne ? « Les auteurs de bande dessinée ont la faculté de transi- esthétique, aux conins de l’art brut, le récit décrit une odyssée elle
gurer leur ressenti par une liberté formelle quasi illimitée, et, à la aussi dramatique : la traversée du Sahel en camion, l’esclavage au
diférence des journalistes, ils ne sont pas contraints d’obéir à des Niger, la prison en Algérie, la perte d’un ami proche au pied des
impératifs d’objectivité stricte ni au diktat de l’actualité, souligne barrières de l’enclave de Melilla… Comme Haiz Adem, Mohammed
Vincent Raymond, le commissaire de l’exposition lyonnaise (inspi- Ndepe Tahar s’est lui aussi révélé dans la pratique du dessin. Un
rée par un projet transmédia d’Arte portant le même nom, Réfu- troisième témoignage autobiographique sera bientôt publié par
giés). Grâce à leur recul, à leur sensibilité, illustrateurs et scéna- Dessins sans papiers. Signé d’un autre exilé soudanais, il racontera
ristes nous apportent une autre lecture des événements, tout aussi l’horreur de la guerre du Darfour du point de vue des civils. L’asso-
fouillée qu’un article ou un documentaire, mais douée d’un supplé- ciation s’attaquera ensuite à la réalisation d’une anthologie de des-
ment d’âme. Ils abolissent les frontières, comme ceux dont ils sins collectifs, représentant un motif qui revient souvent au cours
racontent les destins ont dû les enjamber. » ses ateliers : les leurs. Symboles de l’espérance, dit-on.
La fabrication d’images dessinées peut aussi s’avérer prémonitoire. « Réfugiés », festival Lyon BD, galerie des Terreaux,
Dans No comment (Drugstore), un album muet dénonçant 12, place des Terreaux, Lyon 1er. Du 5 au 10 juin, www.lyonbd.com
le cynisme et l’apathie de l’époque contemporaine, Ivan Brun a
représenté deux enfants mortellement échoués sur une plage
européenne devant le regard de touristes indiférents, après un
périple en bateau ressemblant fortement à celui du Radeau de la
Méduse de Géricault. L’ouvrage a été publié en 2008, soit sept ans
avant la tragédie d’Aylan, ce petit garçon syrien d’origine kurde
dont la dépouille a été retrouvée sur le littoral turc.
La pLupaRT Des conTRiBuTions gRaphiques à La ThémaTique Des
exiLés ResTenT TouTefois Des Témoignages Dessinés, RéaLisés suR Le TeR-
Rain. L’Américain Joe Sacco, pionnier de la BD-reportage, a abordé
à plusieurs reprises le thème de l’exil et de la migration forcée au
cours de ses chroniques de guerre. Accompagnée de la sociologue
Yasmine Bouagga, Lisa Mandel s’est, elle, immergée pendant une
année dans le camp de Calais, expérience dont elle tira Les Nou-
velles de la Jungle (Casterman, 2017), un journal de bord où l’hu-
ESPACE TOPPER

Photos non contractuelles.


mour vient en aide à la compréhension d’une situation aussi inex-
tricable que dramatique. Plus récemment, Edmond Baudoin et
Troubs se sont rendus dans la vallée de la Roya à la rencontre de La Grande
ces militants – Cédric Herrou en tête – venant en aide aux migrants
d’origine africaine qui tentent de passer la frontière italo-française. Bibliothèque
du 15e !
Trufé d’interviews réalisées sur place, leur ouvrage (Humains, la
Roya est un leuve, L’Association, 2018) rend tangible les tragédies
accompagnant chaque parcours migratoire par le truchement de Dans le plus grand espace mobilier composable
portraits croqués sur le vif. « Nous faisions poser les migrants en à Paris, le meilleur de la création française et
leur demandant de nous raconter leur périple, détaille Troubs. La européenne. Façades en pierre, céramique, bois
& laque. Études et devis personnalisés.
plupart avaient du mal à parler car ils étaient encore sous le choc,
certains ayant même vu mourir leurs copains en mer quelques jours
plus tôt. La pratique du dessin en direct les fascinait, et libérait les
langues. À la in, nous donnions à chacun son portrait, non sans
l’avoir photographié au préalable ain de pouvoir le reproduire de
retour à l’atelier. »
Troubs et Baudoin n’ont pas proposé à leurs modèles de prendre
le crayon pour dessiner à leur tour. Ils auraient très bien pu le faire
cependant, à l’instar des membres de Dessins sans papiers, une
association qui organise des ateliers dans les camps de réfugiés et
les centres d’hébergement de la région parisienne. Des boîtes de CANAPÉS, LITERIE, MOBILIER : 3 000 M2 D’ENVIES !
feutres sont mises à disposition des candidats à l’asile ; libre à eux, Paris 15e • 7j/7 • M° Boucicaut • P. gratuit •
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84

L’introduction du spectacle La Fiesta, mis


en scène par la star lamenca Israel Galván
et présenté l’année dernière à Avignon,
porte illico l’imagination à ébullition. Pour sa
première apparition, le danseur et chorégraphe
dégringole sur les fesses les marches du
théâtre, depuis le haut de la salle jusqu’au
plateau. Fleur dans les cheveux et silet vert
dans la bouche, il donne le ton de l’entreprise :
joueur et provocateur. Mettre
le lamenco cul par-dessus
tête, rester le plus longtemps
Le sens du détail. à quatre pattes, voilà la façon
Fête dont Galván persévère dans
sa réinvention du lamenco,
et gestes. à rebours des clichés. Dans
Par Rosita Boisseau cette Fiesta où tout, de la
danse à la musique en passant
par le costume, se lâche entre
excitation et abandon, chacun
des protagonistes se risque
dans des zones inexplorées.

Illustration Satoshi Hashimoto pour M Le magazine du Monde. Jean-Louis Duzert


L’esprit est celui d’un carnaval,
mais la soirée glisse vite sur
le versant gueule de bois.
La liberté d’être soi loin de
tous les carcans est un risque
que Galván prend. Quitte à
y laisser son fond de pantalon.
La Fiesta, de et avec Israel Galván. Grande Halle de la Villette,
211, av Jean-Jaurès, Paris 19 e. Du 5 au 11 juin.

M Le magazine du Monde — 2 juin 2018


« Spielberg signe, ici, l’un de ses
meilleurs films » ELLE
« Un film magistral sur la presse et

©2018 Universal Studios. Tous droits réservés.


le pouvoir » LE FIGARO

« Une leçon de mise en scène engagée,


captivante et stimulante. » CINEMA TEASER
Making of.

Mental de champions.
Par Maroussia Dubreuil

Arrêté en étAt d’ivresse, MArco Montes, l’entrAîneur


Adjoint d’une équipe de bAsket professionnelle, est condamné

Visuel non contractuelle


à une peine d’intérêt général. À savoir former une équipe
composée de sportifs débutants ayant une déicience men-
tale. C’est le pitch de Champions, de Javier Fesser, comédie
espagnole arrivée en tête du box-office du pays, en salle
le 6 juin. Le ilm a été tourné avec des acteurs handicapés.
En Blu-ray™ & DVD
« Cette authenticité était d’autant plus importante pour moi
que l’équipe de basket espagnole avait été condamnée pour
avoir fait jouer des faux déicients intellectuels lors des Jeux
paralympiques de Sydney, en 2000», explique le réalisateur.
Des associations l’ont aidé à présélectionner 500 candidats
parmi lesquels il allait en choisir dix, capables notamment de
quitter leur domicile pendant quatre mois. « Avec mon scé-
nariste, David Marqués, nous avons ensuite réécrit le scéna-
rio en l’adaptant à leur vécu », indique Fesser. Sergio Olmo,
28 ans, qui travaille dans un garage, devient un as de la
conduite de scooter. Gloria Ramos, qui s’est déjà essayé à
plusieurs disciplines, joue une sportive acharnée qui tient
tête aux garçons, et Fran Fuentes, qui rêve de guérir de son
strabisme pour améliorer son élocution, a toujours le dernier
mot… même si on ne le comprend pas. Trois après-midi par
semaine, la petite équipe s’est réunie pour tâter du ballon.
L’apprentissage du texte fut, quant à lui, personnalisé. «Ceux
qui avaient le plus de difficultés à lire ont appris leurs
répliques quelques minutes avant le tournage. Parfois même
pendant le tournage », se souvient Fesser.
Les nombreuses séquences de match se sont avérées les
plus diiciles. Fesser a eu l’idée de faire jouer ses acteurs
contre des équipes de la Ligue espagnole constituées de
personnes handicapées mentales. Le réalisateur allait ainsi
bénéicier de l’aide de leurs entraîneurs. « J’ai été très ému
lors de la grande finale contre “Les Nains” [en fait, des
molosses] en entendant la foule nous soutenir dans les
gradins », avoue l’un des acteurs, Roberto Chinchilla. « C’est
assez facile en fin de compte de tourner avec des
Samantha Lopez Speranza

personnes comme elles, qui vous remercient après chaque


indication de jeu et ne recherchent pas un succès person-
nel, conclut Fesser. En fait, elles ne soufrent pas du plus
grand des handicaps : l’ego. »
Champions, de javier fesser, avec javier Gutierrez, jesus lago,
roberto sanchez… 1 h 58. en salle le 6 juin.
86

Sur Scène, Son viSage pâle Se découpe danS l’ombre. armée de Sa


guitare, accompagnée d’envoûtanteS percuSSionS et d’un Saxophone, elle
chante, dans un crescendo presque dissonant: « À l’intérieur; tu as le
temps de penser, tu as le temps de te repentir, de regretter (...)
d’avoir été un traître à la nation, de maintenir le peuple dans le noir
et de l’oppresser. » Le titre de la chanson: Camp de rééducation. Mai
Khoi and The Dissidents est un groupe de free jazz basé à Hanoï, qui
hérisse les partisans du régime vietnamien. En mars, la jeune femme
Vu du Vietnam. de 34 ans a été détenue pendant huit heures à son retour d’une tour-
née européenne. Son arrestation a fait les titres d’une partie de la

La voix de presse internationale. En revanche, pas une trace dans les médias du
pays. Le Parti communiste vietnamien (PCV), au pouvoir depuis la in
de la guerre en 1975, n’aime pas les frondeurs. Mai Khoi, interdite de

la dissidence.
concerts et de ventes de disques, doit sa survie à Internet. Pour
autant, depuis quelques mois, Hanoï ne s’embarrasse plus de bonnes
volontés démocratiques et a accéléré sa répression sur les blogueurs,
militants et voix critiques, accusés de « propagande anti-État ». Le
Par éléonore Sok-Halkovich récent lancement d’une cyberunité de 10 000 hommes chargée de
faire la guerre aux contenus indélicats n’est pas pour rassurer les
militants des droits de l’homme.
Dans ce pays de 90 millions d’habitants à l’économie lorissante, la
bande-son de la jeunesse est surtout composée de pop locale, de
K-pop, ou d’Electronic dance music. Si Mai Khoi, avec ses morceaux
contestataires, rencontre un écho, c’est qu’elle était déjà connue
depuis plus de dix ans comme star de la pop. Formée au piano par
son père, professeur de musique de la cité balnéaire de Nha Trang,
elle démarre sa carrière en 2004 dans la pure tradition de la siru-
peuse musique de karaoké : elle chantonne l’amour, dans des robes
sexy, avec ventilateur dans les cheveux. Mais, au début des
années 2010, elle devient de plus en plus téméraire. Ses détracteurs
raillent ses attitudes provocantes, son absence de port de soutien-
gorge et ses paroles osées, à l’instar de Saigon Boom Boom où elle
raconte le monde interlope de l’ex-capitale du Sud. Sa carrière bas-
cule en mai 2016, lorsque, avec un petit groupe de militants, elle
annonce sa candidature à l’Assemblée nationale. Une initiative rare
pour une personnalité non issue du giron politique et qui lui vaut un
entretien avec Barack Obama lors de sa visite d’État le même mois.

En novembre, nouveau coup


d’éclat lors de la visite de
Donald Trump. Sur le passage
de sa voiture, elle brandit une
banderole “Piss on you Trump”.
Depuis, la chanteuse engagée
est dans le viseur constant
des autorités et a été placée

Illustration Satoshi Hashimoto pour M Le magazine du Monde. AFP


sous surveillance constante.
Sur Facebook, elle n’hésite pas à difuser la vidéo des agents en civil
à sa porte qui tentent de l’embarquer. « Ils ont leurs armes et nous
avons nos perches à selie », s’amuse-t-elle. Au Vietnam, musique
rime avec politique depuis longtemps. Après la réuniication en 1976,
La chanteuse Mai Khoi lors de son dernier l’État, désireux d’éradiquer la culture du Sud, jugée « réactionnaire »,
fait d’armes, pendant la visite du président
américain à Hanoï, en novembre 2017. a pris le contrôle de l’industrie musicale, et nombre de musiciens sont
partis en exil. Ceux qui restaient étaient envoyés en camp de réédu-
cation, comme Trinh Công Son, le «Bob Dylan vietnamien». Le climat
a beau s’être quelque peu détendu après les réformes en 1986, la
musique n’est pas devenue un espace de liberté pour autant. Si Mai
Koi agace les autorités, d’autres musiciens ont dû quitter le pays.
Comme le rappeur Nah, qui s’est installé aux États-Unis. En 2015, il
s’est illustré avec un morceau au titre évocateur: F*ck Communism.

M Le magazine du Monde — 2 juin 2018


Reflexão #2,
de Raquel
Kogan (2005).

Plein les yeux. Art machine.


Par Roxana Azimi

Les robots seront-ils les été créées par ordinateur.


artistes de demain ? Ces Les plans sont gauchis et
questions sont au cœur dilatés, la perspective faussée.
de l’exposition « Artistes Un bouleversement des

DELACROIX
& Robots » organisée au sens qui a raison du sens.
Grand Palais jusqu’au 9 juillet. Une manière pour Kogler
Un thème qui a inspiré l’art de décrire les angoisses face
contemporain, mais aussi à l’idée de devenir de simples
le cinéma qui, de Blade
Runner à Matrix, a ofert
pions. Même si l’historienne
Laurence Bertrand-Dorléac, 1798-1863
une vision apocalyptique co-commissaire de l’exposition,

Eugène Delacroix, Le 28 juillet 1830. La Liberté guidant le peuple (détail) © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Michel Urtado
d’un monde régi par de cruels souligne que « l’intelligence
androïdes ou par des logiciels artiicielle forte, qui se
tout-puissants. Les artistes substituerait à l’homme,
expriment ainsi moins de n’existe pas, personne
crainte que de vertige. ne pouvant prouver
Un efet vortex que l’Autrichien qu’un robot pourra faire
Peter Kogler, exposé au tout seul des choses ».
Grand Palais, met en scène
« Artistes & Robots », Grand Palais,
avec son papier peint coloni-
3, av. du Général-Eisenhower,
sant sol et plafond, labyrinthe Paris 8 e. Jusqu’au 9 juillet.
optique dont les formes ont www.grandpalais.fr

Exposition
jusqu’au 23 juillet 2018
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Déchifrage. Diane Keaton.


Raquel Kogan / photo Nicolas Gaudelet

48 — Nombre de rôles au cinéma tournés par l’actrice américaine,


dont Le Book Club, de Bill Holderman, en salle le 6 juin, avec
Jane Fonda et Andy Garcia 8 — Nombre de ilms tournés avec
Woody Allen, qui fut son compagnon de la in des années 1960
au début des années 1970. 1 — Oscar de la meilleure actrice, pour
Annie Hall, de Woody Allen, en 1977.
88

Le DVD de Samuel Blumenfeld. “Deux hommes en fuite”.

C’est un fiLm Dont son réaLisateur, parcouru un espace considérable. Ils sont pour-
Joseph Losey, ne VouLait pas. Mais, suivis par un mystérieux hélicoptère et une armée
co m m e s o u ve n t q u a n d l e s sans nom, symbole d’un totalitarisme dont l’iden-
grands maîtres travaillent pour tité n’est, non plus, jamais divulguée. Le titre ori-
des raisons de survie, c’est l’une ginal du film, repris du livre, Figures in a Land­
de ses plus grandes réussites. scape, situe à merveille les intentions du
À la in des années 1960, Losey réalisateur de The Servant et du Messager : un
vient d’essuyer deux échecs commerciaux avec récit abstrait, des personnages se dessinant au il
Boom ! et Cérémonie secrète quand il tourne du ilm et un exercice de mise en scène expéri-
Deux hommes en fuite (1970) et touche le chèque mental et métaphysique.
le plus élevé de sa carrière. A priori, rien dans
cette adaptation du roman de Barry England
Losey inaugure ainsi
Silhouettes dans un paysage ne pouvait séduire de la plus grandiose des
le cinéaste qui avait quitté les États-Unis pour
l’Europe au début des années 1950, victime de la
manières la décennie
liste noire du maccarthysme, et donc dans l’im- 1970. Son film annonce
possibilité de poursuivre sa carrière à Hollywood.
Losey considérait comme amoral un livre mettant
le cinéma paranoïaque
en scène deux hommes pourchassés par des américain qui irriguera
Vietcongs. Le cinéaste, homme de gauche et
donc hostile à l’intervention de son pays en Asie
la décennie, et avec
du Sud-Est, jugeait la situation inverse plus cohé- lequel “Duel” (1971),
rente et plus apte à être dénoncée à l’écran : des
Américains traquant des communistes.
de Spielberg, entretient
De toute manière, le réalisateur contourne le livre une filiation directe.

Illustration Satoshi Hashimoto pour M Le magazine du Monde. Cinecrest/Cinema Center 100 Productions/BBQ_DFY/Aurimages
Robert Shaw et met le conflit vietnamien à distance : Deux Et c’est d’ailleurs celui qui est à la fois scénariste
et Malcolm
McDowell,
hommes en fuite se déroule dans un paysage et vedette de Deux hommes en fuite, Robert
deux hommes divers, changeant, inconnu, jamais nommé, à la Shaw, que Spielberg viendra chercher pour l’un
pourchassés par
un totalitarisme limite du fantastique. On passe ainsi de la chaleur des trois rôles principaux des Dents de la mer
sans nom devant la plus intense à des paysages enneigés sans que (1975). Son partenaire à l’écran est un quasi-
la caméra de
Joseph Losey. les deux hommes ne donnent l’impression d’avoir inconnu du nom de Malcolm McDowell, révélé
un peu plus tôt par If...., de Lindsay Anderson, et
que Stanley Kubrick choisira pour le rôle du délin-
quant adolescent d’Orange mécanique, après
avoir consulté Losey. « Il a une sorte de visage
clownesque extraordinaire, ce que Fellini appelle
un visage de caoutchouc, avait expliqué le réalisa-
teur américain à Kubrick dans des propos
rapportés par Michel Ciment dans son livre Kazan
Losey. Mais on trouve le mal aussi sur ce visage,
ce qui ne veut pas dire qu’il est un homme mau­
vais, bien au contraire ! »
Deux hommes en fuite (1 h 50), de Joseph Losey,
est édité en Blu-ray et en DVD par Carlotta.

Pages coordonnées par Clément Ghys,


avec émilie Grangeray

M Le magazine du Monde — 2 juin 2018


FORUM

5 & 6 JUIN 2018


ENTRÉE GRATUITE

PROGRAMME DES CONFÉRENCES


De nombreuses conférences animées par des journalistes de Courrier international

MARDI 5 JUIN 2018


SALLE 1 SALLE 2
10 h 30 - 11 h 30 : Carrières au sein de l’Union européenne 10 h 30 - 11 h 30 : S’expatrier et investir au Portugal
11 h 45 - 12 h 45 : Allemagne : se former, travailler, entreprendre 11 h 45 - 12 h 45 : Ile Maurice : venez réaliser votre rêve, vivre,
13 h 00 - 14 h 00 : Je prépare mon départ investir et prendre votre retraite

14 h 15 - 15 h 15 : Garantir sa protection sociale 13 h 00 - 14 h 00 : Bien planiier son avenir inancier au Canada


14 h 15 - 15 h 15 : Le retour d’expatriation
15 h 30 - 16 h 30 : Stratégie de carrière à l’international
16 h 45 - 17 h 45 : Prochaine destination : Barcelone 15 h 30 - 16 h 30 : Scolarité des enfants
18 h 00 - 19 h 00 : Gérer au mieux son patrimoine 16 h 45 - 17 h 45 : Tour du monde de l’emploi
19 h 15 - 20 h 15 : Entreprendre à l’étranger 18 h 00 - 19 h 00 : La place du conjoint expatrié
19 h 15 - 20 h 15 : S’expatrier au Canada

MERCREDI 6 JUIN 2018


SALLE 1 SALLE 2
10 h 30 - 11 h 30 : Faciliter et optimiser la gestion de son argent 10 h 30 - 11 h 30 : S’expatrier au Canada
11 h 45 - 12 h 45 : Vivre sa retraite à l’étranger 11 h 45 - 12 h 45 : Comment bien préparer inancièrement son projet
13 h 00 - 13 h 45 : Australie/Nouvelle-Zélande : études, emploi, d’immigration au Canada
entrepreneuriat
13 h 00 - 13 h 45 : Les grands groupes et l’expatriation
14 h 00 - 14 h 45 : S’expatrier : un projet de vie
15 h 00 - 16 h 00 : Tour du monde de l’emploi 14 h 00 - 14 h 45 : Le volontariat international : VIE et VIA

16 h 15 - 17 h 15 : S’expatrier : quelles précautions patrimoniales 15 h 00 - 16 h 00 : Prendre sa retraite au Portugal


et juridiques prendre ? 16 h 15 - 17 h 15 : Travailler et vivre en Amérique du Nord

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pA s c A l e D e s c l o s , J é r ô m e g A u T h e r e T, m A r i e g o D f r A i n e T s A n D r i n e m o r e l .

à Alaçati, en Turquie.

2 juin 2018 — Photo Furkan Temir pour M Le magazine du Monde


à Alaçati, Ayse Nur travaille avec ses tantes et de nombreuses cuisinières de la région.
à la table de son restaurant, Asma Yapraği, elle redonne vie à des classiques oubliés,
comme ces sarma, des feuilles de vigne farcies au riz, qu’elle agrémente de cerises.
93

Les goûts retrouvés


d’Anatolie.
Une jeune garde de cuisiniers turcs est en train de réveiller la gastronomie locale.
Avec une obsession simple: convoquer dans l’assiette les recettes ancestrales
et variées de la vaste Anatolie. Par Marie Aline

Dans une ancienne banque d’Istanbul, au ne soit menacée par la politique de l’actuel
cœur du quartier européen de Karaköy, le président. Emporté par son désir de recons-
musée d’art contemporain SALT Galata truire une Turquie à l’identité très airmée, le
concentre toute l’essence de la créativité nouvel homme fort du pays pourrait mettre à
turque. Mais c’est au dernier étage qu’un trésor mal le précieux melting-pot qu’évoque Maksut
culturel a été installé : Neolokal. L’une des Askar. Certains chefs, à l’instar d’artistes et
igures de proue de la nouvelle cuisine anato- d’intellectuels turcs, décident d’entrer dans une
lienne reçoit les gourmets de la ville et de bien forme de résistance paciique en assumant
plus loin, puisqu’on y parle japonais et français d’utiliser des produits locaux et de revenir
en admirant la vue – le pont de Galata qui à une cuisine traditionnelle qui s’était fait voler la
traverse la Corne d’Or. à l’horizon, les minarets vedette par des gastronomies dites plus chics :
des mosquées rayent le ciel. Des hommes l’italienne et la française. Ils font appel à des
pêchent au lancer en prenant soin d’éviter anthropologues pour retrouver des ingrédients
les lignes tendues entre les poteaux élec- oubliés, interviewent leurs aïeux pour consigner
triques. C’est la saison de l’istavrit, un petit des recettes… Un scénario hybride entre l’épo-
chinchard qui se fait de plus en plus rare à pée scandinave de Noma, le célèbre restaurant
cause de la pollution de l’eau. Tout en regret- danois de René Redzepi, et le mouvement ita-
tant que le Bosphore soit déserté par les pois- lien Slow Food, qui entend protéger les produits
sons, Maksut Askar, le chef cuisinier des lieux, alimentaires en voie de disparition.
pose une assiette sur la table : il nous livre sa Certains cuisiniers, comme Kemal Demirasal,
vision de son pays dans un moutabal. se sont, dans un premier temps, perdus en
« L’Anatolie est un melting-pot insensé. Je me chemin. Après avoir été repéré par les World’s
sers de cette richesse multiculturelle. » Pour- 50 Best Restaurants dans sa troisième adresse
quoi parle-t-il d’Anatolie et non pas de Turquie ? stambouliote (Alancha), ce jeune loup de la
« Notre cuisine ne peut pas être turque, ce serait gastronomie internationale a fait le choix de
trop réducteur. En parlant revenir dans son village natal, à Alaçati, au bord
de l’Anatolie, on fait honneur à tous les peuples de la mer Égée. L’hiver, il expérimente de nou-
qui vivent sur ce territoire. » velles recettes chez lui. Et une fois le printemps
Théoriquement simple purée d’aubergines au arrivé, il reproduit ses trouvailles dans son res-
tahini et à l’ail, le moutabal se transforme ici en taurant gastronomique, Yek. Cela donne une
une multitude de points crémeux, orangés, salade de pourpier, kaymak crémeux (fromage
violacés, jaunes, verts, ocre, rouges… Chaque local qui ressemblerait au cœur de la burrata)
couleur correspond à un ingrédient local et de et erik, des petites prunes acidulées, le tout
saison : chou rouge, betterave, pois, citrouille… assaisonné à la perfection. « Le plus dur est de
Goûtés individuellement, ils sont intenses. garder la simplicité des recettes. Mais la cuisine
Mélangés les uns aux autres, ils sont surpre- d’ici est tellement riche… Ce serait dommage
nants, progressistes. à l’image de cette de vouloir réparer quelque chose qui n’est pas
nouvelle cuisine anatolienne. cassé », dit-il en souriant.
Son essor coïncide avec l’arrivée de Recep Les jeunes Stambouliotes ne s’y trompent pas.
Tayyip Erdogan au pouvoir. Autour de 2011, Jadis complexés par la cuisine de leurs grand-
plusieurs cuisiniers craignent que leur culture mères, ils ne jurent maintenant plus que par •••

2 juin 2018 — Photos Furkan Temir pour M Le magazine du Monde


94
2

1_ Chez Neolokal, à Istanbul, le moutabal (purée d’aubergines) devient


manifeste en reproduisant les goûts et les couleurs emblématiques de l’Anatolie.
2 et 3_ Ayse Nur, ici dans son restaurant Asma Yapraği, collecte
depuis l’adolescence les recettes auprès des femmes de sa famille.

à bois, en croquant à pleines dents dans des


feuilles de romaine.
Côté européen du Bosphore, dans le quartier
moderne de Levent, d’autres cuisiniers s’afai-
rent. Le restaurant Gram est logé dans le centre
commercial Kanyon, une irruption futuriste
dans un monde levantin en pleine transition.
Esra Acar et Didem Senol se sont installées là
après le coup d’État raté de 2016. à l’époque
proche de la place Taksim (où ont eu lieu
1
d’importantes manifestations en 2013), leur res-
taurant a frôlé la faillite. Cette nouvelle cantine
attire pêle-mêle travailleurs du tertiaire, clien-
tèle chic ou bien jeunes tatoués qui déjeunent
••• Çiya Sofrasi, un restaurant kebab à Kadiköy, d’une salade accompagnée de sa protéine,
du côté asiatique du Bosphore. Musa Dagdevi- comme dans les meilleurs salad bars de New
ren y sert les plats de toute l’Anatolie dans leur York. Mais il est également possible de croquer
jus le plus strict et on murmure déjà qu’il pour- dans un beignet de courgette traditionnel ou
rait être l’un des prochains héros de se délecter de chips de foie frit avec une
de la série documentaire de Netlix sur la gas- salade d’herbes fraîches.
tronomie mondiale, Chef’s Table. Pourtant, le La principale source d’inspiration de la cuisine
décor de Çiya est simple. Tables en plastique de Gram est justement Çiya. « La seule difé-
et plats de cantine soutiennent des monuments rence est que l’on retire l’ail pour que le goût du
tels que des brochettes de viande accompa- produit se révèle davantage. Ainsi, les clients
gnée de légumes de saison, un riz « voilé » farci comprennent mieux pourquoi on ne leur
de pignons, raisins et amandes, une soupe propose que des produits de saison, explique
de tête d’agneau, un taboulé fou de persil Esra. Nous n’avons pas de mission éducative,
au zaatar frais et, en dessert, des petites mais nous devons résister pour que, dans les
aubergines conites. L’ensemble est exécuté campagnes, les agriculteurs puissent continuer
par des cuisiniers legmatiques qui jettent à bien travailler. Notre rêve serait d’avoir
les lahmacun (pizzas ines au bœuf) dans le four nos propres jardins. »

Photos Furkan Temir pour M Le magazine du Monde — 2 juin 2018


carnet
pratique
ISTANBUL ALAÇATI
Y ALLer Y ALLer
Pari-Istanbul avec Pegasus à partir d’Istanbul
Airlines, 2 vols quotidiens Se rendre en avion jusqu’à Izmir,
au départ de Paris-Orly vers puis compter une heure de
Istanbul-Sabiha Gokcen. route jusqu’à Alaçati.
Vol A/r à partir de 150 €. Vols réguliers disponibles dans
www.lypgs.com/fr les deux aéroports d’Istanbul,
Atatürk et Sabiha Gokcen.
MANger Aller simple à partir de 16 €.
Gram Kanyon Corner Jusqu’à 19 vols quotidiens dans
Au sein de cette cantine les deux sens.
moderne, on déguste www.lypgs.com/fr
des produits ultra-frais dans
des recettes traditionnelles avec MANger
pour bande-son des reprises Asma Yapraği
acoustiques de Rihanna. Une cuisine familiale et enraci-
environ 10 € par personne. née à déguster sous les vignes
Büyükdere Cad. No: 185 Kat-2. Levent. avec un verre de raki.
www.gram.ist environ 20 € par personne.
Alaçati Mahallesi, 1005 Sok. No: 50.
Neolokal +90 232 716 01 78.
L’adresse incontournable pour
découvrir la gastronomie anato- Yek
lienne dans ce qu’elle a de plus Sur les hauteurs d’Alaçati, le
authentique et de plus novateur restaurant de Kemal Demirasal
à la fois. domine la mer comme la terre.
SALT galata, Arap Cami Mahallesi, À l’image de sa cuisine dans
4 Bankalar Cad. No: 11. Beyoğlu. laquelle il exécute des plats
35 € par personne. de très haute volée.
www.neolokal.com environ 60 € par personne.
5 www.atelier-kemaldemirasal.com/yek
Çiya Sofrasi
La référence pour tous les Papazz
Un rêve qu’Ayse Nur réalise chaque jour à gourmets turcs et le lieu où l’on On goûte ici au meilleur de la
Alaçati. Ce village balnéaire, qui rappelle les comprend enin que kebab ne tradition égéenne. Fleurs de
veut pas forcément dire sand- courgettes fraîches, légèrement
îles grecques, juste en face, abrite une culture wich à la viande, mais évoque arrosées d’huile d’olive, purée
du goût brut, arrosé d’huile d’olive, plutôt que plutôt une farandole de de fèves brutes et côtes de
de beurre. Dans son paradis terrestre, qu’elle a possibilités autour de la viande. chevreau grillées, en saison.
Caferağa Mahallesi, güneşli Bahçe Sk. 15 € par personne.
nommé Asma Yapraği, Ayse Nur sert des plats No: 43. Kadıköy. 13046 sok. No: 17.
dont elle collecte les recettes depuis l’adoles- 12 € par personne. www.ciya.com.tr +90 232 716 60 62.

cence, tantôt auprès de sa tante, tantôt auprès


Yeni Lokanta DorMIr
des nombreuses cuisinières qui travaillent Civan Er, cuisinier formé sur Tas Otel
désormais avec elle. Ensemble, elles exécutent le tas pendant ses études de Havre de tranquillité aux murs
des sarma aigres-douces (feuilles de vigne inance, délivre ici une cuisine chaulés et à la piscine apaisante
élégante où chaque plat, d’ins- après un bain de mer. Au petit
farcies au riz avec, en bonus ici, des cerises), piration traditionnelle, traduit déjeuner, les börek à l’auber-
des salades d’ail frais au boulgour ou d’herbes, 4_ Le Bosphore, à Istanbul. une sophistication qui prend gine, faits maison, ajoutent une
d’artichauts et de fèves. Sur une musique 5_ Dans son restaurant d’Alaçati, aux tripes. profondeur supplémentaire à
Yek, Kemal Demirasal, propose Kumbaracı Yokuşu. No: 66. Beyoğlu. l’hospitalité naturelle de Zeynep,
mélancolique, l’indolence de la maîtresse de une salade de pourpier, kaymak 35 € par personne. notre hôte.
maison gagne l’hôte à force de verres de raki (un fromage crémeux) et erik, www.yenilokanta.com À partir de 120 € la nuit pour une
[la variante turque de l’arak] et de bons plats des petites prunes typiques chambre double. Kemalpasa Cad. 132.
de la région. DorMIr Yeni Mecidiye Mahallesi.
familiaux. Sans efort, dans son jardin potager, Soho House www.tasotel.com/en
Ayse Nur résiste, elle aussi. Elle ne veut pas On s’évade de la furie stambou-
que le patrimoine gustatif de l’Anatolie dispa- liote en logeant dans un appar-
tement en duplex. Avec son lit
raisse : « Quand je discute avec mes cuisinières, ferme, son oreiller rebondi, le
elles réalisent que leurs habitudes, leurs tradi- sommeil profond est garanti,
tions, les semences de chez elles sont très surtout si on a eu la chance de
proiter d’un moment de détente
importantes. À partir de leurs histoires et des dans le hammam au sous-sol.
miennes, on crée de nouvelles recettes, une troi- À partir de 250 € la nuit pour une

sième voie qui fait vivre notre culture. » Une phi- chambre double. evliya Çelebi Mahallesi
Meşrutiyet Cad. No: 56. Beyoğlu.
losophie qui habite les meilleurs cuisiniers
d’Anatolie et qui redonne de l’éclat à la palette
de couleurs des paysages : de l’orange vif des
leurs de courgette au vert acide des petites
prunes erik.
96

ChAMbREs à PARt
Décollage
immédiat pour…
Rivages croates. Par Pascale Desclos
Alger.
Ce balcon sur la Méditerranée
s’ouvre de plus en plus
au tourisme. Entre les ruelles
escarpées de la Casbah,
le quartier historique inscrit au
patrimoine mondial de l’Unesco,
les enclaves modernistes et
les élégantes avenues du front
de mer, la capitale algérienne
est une ville au patrimoine
très diversiié.

LE ChARME dU PARIs
hAUssMANNIEN

Lancée il y a dix ans, la


rénovation du bâti algérois a
permis de faire renaître les
façades en pierre de taille et
les balcons des immeubles
haussmanniens érigés à la in du
xixe siècle. Une architecture
directement inspirée de celle de
Paris, qui a contribué à donner
à la capitale son surnom :
Alger la blanche.

Franck Guizou/hemis.fr. Ludovic Maisant/hemis.fr. Patrick Escudero/hemis.fr. Chris Griffiths/Redux-REA


I III
L’hIstORIQUE LA PANORAMIQUE
à l’entrée de la cité fortiiée de Korcula, en Dalmatie, Perchée sur les hauteurs de la cité médiévale de L’éNERgIE COMMUNICAtIvE
dans une ruelle au calme, cette maison ancienne Hvar, cette maison blanche à l’architecture cubique dE tANgER
ofre quatre appartements indépendants rénovés abrite trois appartements épurés et spacieux, assor-
avec goût. La cathédrale Saint-Marc, les restaurants tis de terrasses avec vue sur la mer et l’archipel des Alger se présente comme
et les musées sont à deux pas. On rejoint les plages Pakleni. La plage est à deux minutes à pied. un amphithéâtre irrigué
de l’île à scooter ou, depuis le port, en bateau-taxi. de ruelles qui tombent dans
Castle Stambuk, 83 Kroz Burak, Hvar. à partir de 120 € la Méditerranée. Sa corniche et
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juillet. www.castle-stambuk-hvar.com coiffée de toits-terrasses ne sont
saison. www.apartments-stelina.com
pas les seuls points communs
avec la ville marocaine. On y
II IV ressent la même animation de
LA POétIQUE L’éCONOMIQUE cité portuaire et populaire
Sur l’îlot de Palmizana, relié à Hvar par bateau-taxi, Sur l’île de Lastovo, la famille Hropic accueille ses tournée vers l’Europe.
la famille d’artistes Meneghello a créé un jardin hôtes dans quatre studios indépendants, sur la baie M. Go.
botanique paradisiaque. Au sein de ce domaine de Zaklopatica. Chacun a sa kitchenette, sa salle de
bordé de criques turquoise ont également poussé bains, sa terrasse au bord de l’eau. On achète fruits,
quinze maisons d’été ainsi que deux restaurants bio. légumes, huile d’olive et vin à la ferme familiale.
Palmizana Meneghello, à partir de 140 € la nuit la maison Apartmani Hropic, Zaklopatica 6, Lastovo.
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Y ALLER
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Du port de Split, ferries quotidiens en été vers les îles de Hvar, Korcula et Lastovo. www.jadrolinija.hr

M Le magazine du Monde — 2 juin 2018


Comprendre la culture d’un pays,
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ICI COMMENCE L’AILLEURS


Dimanche 11 février, dans le village de Villesse,
à deux pas de la frontière slovène, trente pâtis-
siers s’étaient rassemblés pour réaliser, devant
des centaines de curieux, un tiramisu de
267 mètres de long, sur une table géante
parcourant le couloir principal du centre com-
mercial. Une excentricité parfaitement inutile,
mais dûment validée par plusieurs experts pour
entrer dans le Guide Guinness des records.
Ce tour de force aurait à peine eu droit à un
entreilet dans la presse locale, s’il n’y avait eu,

Les origines
quelques heures plus tard, l’émission d’un com-
muniqué rageur depuis la très sérieuse Confré-
rie du tiramisu, basée à Trévise (Vénétie), où
avait été enregistré le précédent record, un

tiraillées
dessert de 200 mètres de long. La missive
accusait les pâtissiers frioulans de « tricherie ».
« On nous apprend qu’à Villesse aurait été

du tiramisu.
assemblé un tiramisu de 266,90 mètres de long,
ce qui constituerait un record mondial, com-
mence le texte transmis à la presse. La Confré-
rie remarque que le dessert en question a été
fabriqué avec 400 kilos de crème (en quantité
Le célèbre dessert italien est consommé égale au mascarpone) et donc ne peut pas être
dans le monde entier. Entre la Vénétie et considéré comme un tiramisu, dessert qui ne
le Frioul-Vénétie julienne, plusieurs régions comporte pas de crème parmi ses ingrédients. »
Aussitôt les organisateurs rétorquent que les
italiennes revendiquent sa paternité.
Trévisans sont mauvais joueurs, et méconnais-
Reportage de “guerres”. Par Jérôme Gautheret sent la « recette traditionnelle » du dessert
99

italien le plus dégusté au monde. Et la presse qu’on ne pouvait pas laisser passer ça, et j’ai carnet
locale de s’enlammer : « La guerre du tiramisu appelé le correspondant du Gazzettino [le plus pratique
est repartie. » Une guerre, rien que ça ? Bien sûr, important quotidien de la région nord-est], pour
Manger un bon tiraMisu
l’expression est très exagérée, mais l’afaire est démentir. C’est ici, à Tolmezzo, que le tiramisu est à Trévise
plus sérieuse qu’il n’y paraît, car elle a soulevé né. Je le sais, car c’est ma mère, Norma Pielli, Selon la tradition locale, c’est
ces dernières années, entre la Vénétie et qui tenait l’hôtel-restaurant Roma, qui l’a inventé dans ce restaurant, à un jet
de pierre de la cathédrale de
le Frioul-Vénétie julienne, une polémique en 1952 ! » Avec d’autres igures locales, le ils Trévise, que le tiramisu a été
d’une violence insoupçonnée. de Norma Pielli entreprend de contester la inventé, à la in des années
Tout a commencé à l’été 2013, lorsque le prési- démarche vénète, et se plonge dans les archives 1960. Après un passage à vide
au début des années 2000, une
dent de la région Vénétie, Luca Zaia, annonce du restaurant familial. Il exhume un menu des fermeture et un changement
qu’il compte faire inscrire le tiramisu de Trévise années 1960, une addition et une photographie de propriétaire, le lieu a repris
parmi les spécialités traditionnelles garanties où, sous une vitrine, apparaît le dessert, bien tout son lustre en retournant
aux fondamentaux de la cuisine
(STG), au même titre que la pizza napolitaine. reconnaissable… « Au début, ma mère l’avait régionale.
Pour cette igure de la Ligue du Nord, à la tête appelé ‘‘tranche de mascarpone’’. Mais des Tries- Le Beccherie,
de la deuxième plus importante région d’Italie, tins, revenant d’une promenade en montagne, piazza Giannino Ancilotto 9.

pas de doute : comme on l’apprend partout en avaient commandé notre dessert et l’avaient Fondée il y a plus d’un siècle et
Vénétie, le dessert à base de biscuit, de café, de trouvé particulièrement revigorant. Au moment demi, en 1865, cette pâtisserie
mascarpone et de poudre de cacao a vu le jour de partir, ils nous ont dit que nous devrions l’ap- historique du centre de Trévise,
posée au pied des murs d’en-
à la in des années 1960 à la carte du restaurant peler ‘‘tirimi su’’, ce qui veut dire ‘‘il me remonte ceinte, est l’endroit idéal pour
Le Beccherie. C’est un produit identitaire, le moral’’. D’autant plus qu’il y avait un dessert qui réviser ses classiques en ma-
inventé au cœur de la plaine du Pô, au pied des s’appelait comme cela à Trieste. » tière de desserts de la Vénétie,
le tiramisu bien sûr mais aussi la
premiers contreforts des Dolomites, et qui doit Un autre tiramisu, à Trieste ? L’afaire était déjà pazientina de Padoue (une tarte
sa naissance au génie des cuisiniers de la région. complexe, elle devient franchement embrouillée. à base de génoise, de sabayon
et de cacao en poudre).
Mais voilà, cette prétention à revendiquer la Elle nous fait donc quitter les contreforts des
Antica Pasticceria Nascimben,
paternité du dessert n’est pas du goût de tous. Alpes pour aller plus au Sud, au bord de l’Adria- viale Luigi Luzzatti 15.
à une centaine de kilomètres plus à l’Est, en tique, dans l’ancien port franc de l’Autriche-
à Trieste
Frioul-Vénétie julienne, on s’indigne. « J’étais en Hongrie des Habsbourg devenu, par la décision
Une institution de la ville, non
vacances quand j’ai entendu les déclarations de des puissants, cité italienne. C’est dans les envi- loin du Grand Canal, réputée
Zaia, se souvient Mario Del Fabbro. Je me suis dit rons de cette ville, qui respire plus l’air de la Mit- pour ses poissons et pour son
très riche éventail de vins lo-
teleuropa que celui de la Méditerranée, qu’a fait caux. Sans compter un tiramisu
ses classes un enfant du pays, Mario Cosolo, classique, mais impeccable.
entré comme apprenti dans la meilleure pâtisse- Antica Trattoria Menarosti,
via del Toro 12.
rie viennoise de la ville, Pirona. Engagé comme
cuisinier sur un navire militaire, le Regia Savoia, Un peu à l’écart du bord de mer,
il invente en 1938, à l’occasion d’une visite du roi un superbe café à l’ambiance
très habsbourgeoise, qui sert
Victor-Emmanuel III, une « copa del re [coupe du ses pâtisseries à toute heure
roi] », qu’il introduit dans le restaurant familial, et abrite également une belle
LES iNGrédiENTS dE
Al Vetturino a Pieris, une fois de retour. C’est un librairie.
LA PrEMièrE rECETTE
Antico Cafè San Marco,
dE TirAMiSU, diTE soir de 1946, alors que quatre jeunes hommes via Cesare Battisti 18.
« COPPA VETTUriNO »
dE PiEriS (PrOViNCE
étaient attablés, que l’un d’entre eux lance à
dE GOriziA, ENVi- Mario Cosolo, en ixant la serveuse, que ce des- DorMir
à Trévise
rONS dE TriESTE) sert l’avait « remonté de partout ». Une allusion
Dans un magniique palazzo
Une génoise, une crème égrillarde que le pâtissier prend au vol, pour de style vénitien, situé dans
(jaunes d’œufs, sucre,
crème liquide, cacao
baptiser son dessert « tirime su », en triestin, une petite rue paisible et
arborée, à quelques minutes
amer), le tout baignant assurant du même coup à la pâtisserie, dans un à pied du centre-ville, un bed
dans un peu de marsala miracle de marketing spontané, un immense and breakfast luxueux,
et recouvert d’une
poudre de cacao amer. succès auprès des amoureux qui, bientôt, se ren- parfaitement rénové, idéal
pour rayonner dans toute la
dront en procession à cette table. Sur ce point-là région. à partir de 99 € la nuit.
LES iNGrédiENTS au moins, de Trévise à Trieste, tout le monde est Villa Oriani,
dE LA rECETTE via Alfredo Oriani 13.
OriGiNALE
d’accord : le tiramisu a des propriétés aphrodi-
dE TOLMEzzO, siaques. à Trévise, on évoque une légende locale à Trieste
EN FriOUL-VéNéTiE assurant qu’un dessert de ce genre était servi à deux pas de l’imposante
jULiENNE piazza Unità d’Italia, sur les
dans une maison close de la ville, la Casa d’Oro,
Une crème constituée bords du golfe de Trieste, cet
d’œufs, de sucre et dans les années 1930. L’anecdote est tout à fait hôtel symbolique des riches
de mascarpone. Un bis- invériiable, mais très vraisemblable, tant le tira- heures des Habsbourg est
cuit trempé dans le café, misu, aux mille variantes, appartient à l’univers parfait pour se mettre dans
le tout saupoudré le bain. à partir de 125 € la nuit.
de cacao amer. simple et inventif de la cuisine populaire, qui a Savoia Excelsior Palace,
tant fait pour le succès planétaire de la gastro- riva del Mandracchio 4.
Si la recette nomie italienne. à l’été 2017, le tiramisu a été oi-
de Tolmezzo a fait le
tour du monde, l’antique ciellement ajouté à la liste des produits agricoles
« coppa Vetturino » traditionnels de Frioul-Vénétie julienne. Mais la
est très dificile à trouver région Vénétie a annoncé son intention de faire
hors de Trieste et
de la province voisine appel de la décision, et Luca Zaia a assuré qu’il
de Gorizia. irait jusqu’au bout pour faire valoir ses droits.

2 juin 2018 — Illustration Sophie Ledesma pour M Le magazine du Monde


100

L e c a r n e t d ’a d r e ss e s

Vie d’artiste à Málaga. Par Sandrine Morel

1_ « Pablo Picasso, qui est né ici, 3_ « Cette merveilleuse galerie d’art 5_ « Lorsque je veux être au calme,
avait eu lui-même l’idée de ce mérite que l’on fasse un détour par je me rends au dernier étage de
musée, mais la dictature franquiste ce quartier bourgeois qu’est le cet hôtel, sur la terrasse. On peut
l’a empêché de le créer. Situé dans Limonar. Les œuvres exposées y prendre un bon petit déjeuner
un palais historique du xvie siècle, dans ce lieu permettent de prendre ou un café accompagné d’une
c’est l’un des plus beaux d’Espagne. le pouls de la création locale part de gâteau loin de la foule, en
En plus de la collection permanente et de découvrir le travail des jeunes regardant les toits de la vieille ville
dans laquelle on peut admirer des artistes encore peu connus. » et le clocher de l’église toute proche.
œuvres intimistes du peintre, il Galerie d’art Isabel Hurley, Comme il n’y a pas de serveurs,
accueille de superbes expositions paseo de reding, 39. il faut monter soi-même son café.
Luis Delgado est natif de cette temporaires. Un incontournable. » www.isabelhurley.com C’est peut-être pour cela que
Musée Picasso, Palacio de Buenavista, calle la terrasse est si tranquille… »
ville d’Andalousie. Médiateur San agustín, 8. www.museopicassomalaga.org 4_ « J’adore ce marché couvert, où Dulces Dreams Hostel, plaza
culturel de l’antenne locale du mes parents m’emmenaient déjà de los Mártires Ciriaco y Paula, 6.

Centre Pompidou, il nous dévoile 2_ « Les derniers thermes de la ville quand j’étais enfant. Plutôt que www.dulcesdreamshostel.com
sont situés à l’entrée du quartier de d’aller au supermarché, beaucoup
ses lieux favoris. « Málaga est en pêcheurs de Pedregalejo. Cet édiice d’habitants de Málaga continuent 6_ « C’est la place où se trouve
pleine phase de modernisation, du début du xixe siècle, avec son de faire leurs courses dans ces halles la maison natale de Picasso.
charme décati, est l’endroit que je qui datent du xixe siècle. J’aime par- C’est aussi le centre névralgique
mais elle conserve le charme
préfère pour déguster les spécialités courir les galeries éclairées par les de Málaga. Il s’y passe toujours
désuet d’une ancienne ville de de poissons grillés de la région. L’un grands vitraux et sentir l’ambiance quelque chose : un concert, une
pêcheurs, tout en proposant l’ofre des meilleurs points de vue pour de la ville. On peut même y déguster manifestation, une performance.
admirer un coucher de soleil. » des tapas. » Je m’installe sur l’une des terrasses
culturelle d’une grande cité. »
Balneario Baños del Carmen, calle Bolivia, 26. Marché atarazanas, calle atarazanas, 10. ensoleillées et je regarde la ville. »
www.elbalneariomalaga.com www.malagaturismo.com Place de la Merced.

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Illustration Sophie Ledesma pour M Le magazine du Monde — 2 juin 2018


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aussi la plus verte. Ce confetti de 22 km2, parsemé crêtes arides sur une bande longue de 20 km sur 3. port de Dapia :
de forêts et de criques turquoise, doit son visage Toute la vie se concentre sur son port, l’un des plus mobilier design, cour-
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À deux-roueS. Pas de voiture à Spetses. Mais, depuis vient rompre la tranquillité d’Hydra. Les marchan- À Hydra
le port pittoresque de Dapia, on peut iler, à vélo dises sont transportées à dos d’âne. Les ruelles Bratsera Hotel, une
ou sur un scooter loué à la journée, sur la route qui leuries de bougainvillées invitent à lâner. Depuis ancienne fabrique
d’éponges trans-
fait le tour de l’île. De là, des sentiers descendent le port, des bateaux-taxis relient les criques les plus formée en hôtel
vers de paisibles criques serties dans la pinède : isolées : Mandraki à l’est, Vlychos et Kamini à l’ouest. de charme de
25 chambres, avec
Vrelos, Paraskevi, Anargyri ou la douce Zogeria, ParadiS artY. La beauté brute d’Hydra attire les
piscine (un luxe sur
avec sa taverne au bord de l’eau. artistes. L’école des beaux-arts d’Athènes y a l’île). À partir de 157 €
Havre ariSto. Chaque été, la haute société accueilli dans son annexe des peintres moder- la chambre double
en B & B (2 nuits
athénienne prend ses quartiers à Spetses, dans nistes, comme Chagall ou Nikos Khatzikyriakos- minimum, en juin). Joerg Modrow/Laif-REA. Danil Shamkin/NurPhoto
des maisons de pêcheurs restaurées. Autres Ghikas. La Fondation Deste y propose chaque été bratserahotel.com
escales huppées dans le port de Dapia : le des expositions d’art contemporain. Leonard
Poseidonion Grand Hotel, un petit palace Belle Cohen y a composé ses plus belles chansons dans
époque bâti en 1914 sur le modèle du Negresco, à une vieille maison, achetée dans les années 1960.
Nice, ou le Orlof Resort, une ancienne demeure grandS marinS. Comme en témoignent ses histo-
patricienne devenue un refuge chic et design. riques demeures de capitaines, Hydra est une île
YaCHtmen raCéS. Chaque année en juin, l’île de marins. Dès le xviie siècle, ses armateurs com-
accueille la Spetses Classic Yacht Race. Durant merçaient jusqu’en Amérique. Durant les guerres
cette régate à l’ancienne, les goélettes égéennes napoléoniennes, ils ravitaillèrent en blé la France
croisent leurs mâts avec de luxueux yachts, asphyxiée par le blocus anglais. Leur lotte s’illus-
comme le Savannah, réplique moderne des tra aussi contre les Ottomans, dans la lutte pour
classes J des années 1930. l’indépendance grecque.

M Le magazine du Monde — 2 juin 2018


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Minorque,
Jardin d’Eden
aux Baléares
Minorque est un havre de paix en plein ©FTT Menorca

milieu de la Méditerranée occidentale.


702 kilomètres carrés de beauté insulaire
à explorer, à sentir, à aimer…

U
ne expérience surnaturelle
Ile très colorée, Minorque offre
au premier regard une gamme de
tons (bleu, vert, sable, blanc, rouge…)
et un style de vie sans hâte qui
inspirent et invitent à l’échappée-belle
sur l’île, à pied, à vélo, en bateau, ©FTT Menorca
à cheval, en canoë…
Loin du tourisme de masse, l’Île de Minorque s’impose aux
visiteurs comme un équilibre naturel né d’un cadre de vie
protégé et d’un patrimoine multiculturel, qui trouve son
apogée dans le savoir-faire artisanal « Made in Menorca »
reconnu dans le monde entier (chaussures, fromages,
charcuteries, gâteaux, vins, gins, bijoux traditionnels, bateaux).

Escale nature : Minorque, réserve de la biosphère


Ravins, plage, falaises, bois, campagnes… Minorque demeure
originelle et fête en 2018 son 25ème anniversaire de Réserve ©FTT Menorca

de la Biosphère par l’UNESCO. Ses plages vierges constituent


son essence. L’île est un des derniers lieux magiques, Escale gastronomie : Minorque créa la mayonnaise
restés intacts depuis les origines grâce à ses habitants dont Selon la légende, la mayonnaise qui se marie si bien avec
les traditions agricoles ont su pérenniser leurs terres la langouste de Minorque fut créée en 1756 par le petit-neveu
et leurs richesses locales. de Richelieu avec les deux seuls ingrédients à disposition
sur l’Île, l’œuf et l’huile, après la prise de Port-Mahon, d’où
Escale culture : Minorque, route mégalithique le nom «Mahonnaise». Ici, les plats traditionnels racontent une
Les empreintes des premiers habitants préhistoriques cuisine chargée d’histoire.
remontent à 2.300 ans avant notre ère, «à l’âge de bronze»,
jusqu’à l’arrivée des romains en 123 avant J.C. Ils lèguent Cet écrin naturel de l’archipel espagnol opère comme
d’impressionnants édiices mégalithiques formés de pierres un paradis sur terre. Minorque offre à vivre l’expérience
en T, taulas ou « table », talaiotes ou «tours de guetteurs», de l’harmonie entre l’homme et son milieu naturel préservé
également des nécropoles nichées dans les grottes des criques. depuis toujours…
104

Mots croisés g r i l l e n o 350 Sudoku n o 35 0 - expert


PhiliPPe duPuis yan georget

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15
Compléter toute
I la grille avec des
chiffres allant de 1
à 9. Chacun ne doit
II être utilisé qu’une
seule fois par ligne,
III par colonne et par
carré de neuf cases.

IV

VI

Solution de la grille
VII précédente

VIII

IX

X
Bridge n o 35 0
Fédération Française de bridge

XI

XII

XIII

XIV

XV

Horizontalement I Sa monture lui donne belle allure. A belle allure sur sa monture. II En
feront voir sur tous les tons. Chez les Grecs. III S’exprime comme une bête. Prendras en consi-
dération. Romains de Brindisi. IV Sillonnent l’Europe. À côtoyer sans les prendre au sérieux.
V Partiraient en éclats. Ne laisse pas de grands délais. VI Belle carnivore en mer mais pas au
jardin. Se laisser aller comme une madeleine. VII Fut capitale pour les Moldaves. Laisse sur
place. Cours italien. VIII En beauté. Algue brune. IX Fin et élancé. Fait mauvais ménage.
Ouvrent les stores. X Des cailloux dans les sables. Soutenues dans la défense. Point. XI Aller
sans retour. Tombe à date ixe. Pressé pour donner. XII Dame titrée. Parfois aussi dans la dé-
charge. XIII Dépassement fatal. Suit le coq au passage. XIV Planté avant de frapper. En fuite.
Préparée comme une miche. XV À ménager car elles se froissent facilement.
Verticalement 1 Approchent la réalité et facilitent les recherches. 2 Se creusa la tête. Cale à
l’atelier. Facilite le pardon. 3 Montes à la tête.Touchées à la tête. 4 Risque la folie. Suisse auteur
d’un Journal intime. Résonne avec les cris. 5 Au fond du parc. Cours d’Espagne. Arrivera sûre-
ment. 6 Producteurs d’énergie renouvelable. Interjection. Se déplace sur l’échiquier en remon-
tant. 7 Suites et dépendances. Se suivent dans l’Histoire. 8 Grand paysagiste avec ses petits
formats. Cogne durement. Tête à couper. 9 Grand lac que l’on prend pour une mer. Font leur
apparition. Appréciation. 10 En Haute-Saône sur le Durgeon. Un exploit en se féminisant.
Négation. 11 Monnaie romaine. Ouvre-boîte. Dure et fragile protection. 12 Fais des faux. Dans
le ilet. 13 Prendras les couleurs d’un arc. Suivait à distance. 14 Interjection. Alimentent les
glaciers. Naturelle. 15 Coloré bien pâle. Mises sous pression.

Solution de la grille n° 349


Horizontalement I Culpabilisation. II Araire. Ululasse. III Paveuses. Cens. IV INA. Mettre. Guru. V Lino. Fari-
neuses. VI Ledit. Martre. VII Isocèle. Grand. VIII CEE. Io. Enzo. Aie. IX Utrillo. Tête. Mn. X Liégeois. Lampai.
XI Tr. Nénette. Euta (étau). XII. Rasé. EO. Guéri. XIII Ite. CSA.Aga. Ris. XIV Centralisatrice. XV Essai. Intitulés.
Verticalement 1 Capillicultrice. 2 Uranie. Étirâtes. 3 Lavandière. Sens. 4 Pie. Ois. Igné.Ta. 5 Arum.Toilée. Cri.
6 Bésef. Colonisa. 7 Étamé. Oie. Ali. 8 Lustrale. Ste. In. 9 Il. Rirent. Toast. 10 Sucent. Zèle. Gai. 11 Ale. Ergota.
GATT. 12 Tanguer. Émeu. Ru. 13 Issus. Aa. Puéril. 14 Os. Réanimatrice. 15 Négus. Déniaisés.

M Le magazine du Monde — 2 juin 2018


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la marque lance sa nouvelle collection Printemps-Été 2018 ! Venez
LAVINIA, le célèbre caviste parisien du boulevard de la Madeleine découvrir le prêt-à-porter, les bijoux et la maroquinerie ; ils
propose la Cuvée Rosé Laurent-Perrier dans son élégante robe donneront une touche de brillance
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rosé, qui épouse parfaitement les formes verez également de la décoration
généreuses de ce lacon iconique. Cette telles que les bougies et les coussins
parure sublimera à chaque occasion, le qui feront scintiller votre salon. La
service de la Cuvée Rosé, grand vin de collection est disponible en bou-
champagne couleur framboise-cerise, aux tique et en ligne.
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* L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.
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La chaîne de Lomepal.
Le rappeur français, dont Le premier aLbum, “fLip”,
s’est écouLé à 100 000 exempLaires, part en tournée.
autour de son cou, une chaîne qui Le touche au cœur.
propos recueillis par Valentin Pérez

Pour moi, la musique va toujours elle ne m’enserre pas. C’est mon ex-copine à écouter
avec un style, c’est un tout auquel qui me l’a oferte il y a trois ans, pour Flip (idoL/pias)

je fais attention. Quand j’achète des vête- mes 23 ans. Elle coûtait une cinquantaine en concert,
ments, je me demande s’ils correspondent d’euros, pas du tout un objet précieux. Le 2 juin
au festivaL
à mon univers, je ne laisse jamais un Du plaqué doré. Banal mais beau. We Love Green
à paris ; Le 15 juin
styliste décider pour moi. Avec le temps, J’en voulais une depuis longtemps. à marseiLLe ;
j’ai trouvé ma silhouette. Simple : pyjama Ce n’était pas pour faire rappeur : les Le 16 à reims.
Le 22 à mon-
négligé sur scène, pantalon chino, grosses chaînes en or des années 2000 tendre ; Le 29
tee-shirt, hoodie, Converse… Et puis cette à la G-Unit, c’est terminé de toute façon. à saint-vuLbas ;
Le 30 à Lyon ;
chaîne, le seul accessoire que j’ai. Je la Il ne s’agissait pas non plus d’un marqueur Le 1 er juiLLet
garde même la nuit, même sous la douche. social, pour faire riche, sinon j’aurais à cLermont-
ferrand.
Je ne m’en lasse pas. C’est étrange que acheté une montre clinquante. Ça a plutôt tournée
en france
j’y sois aussi idèle car c’est l’unique bijou à voir avec l’enfance. C’était ce que jusqu’en 2019.
que j’ai jamais possédé, hormis un portaient les grands que je voyais
pendentif que j’avais fabriqué moi-même, à la piscine et à qui je voulais ressembler :
petit, et que j’avais ixé à une icelle. ils paradaient le torse nu, avec juste leur
Je ne porte ni bracelet ni bague parce que maillot de bain et une chaîne autour
je déteste la sensation d’avoir le doigt ou du cou. J’aime qu’elle soit ine et discrète.
le poignet comprimé. Rien que l’élastique Sur scène, ça m’arrive de la sortir
pour mes cheveux autour du poignet ou pour un ou deux morceaux, mais, en règle
la marque de l’extrémité de la chaussette générale, je la porte sous mon tee-shirt.
sur la peau, ça me stresse. Cette chaîne, je On la devine sur les côtés,
l’accepte parce qu’elle est large, elle lotte, comme un détail.
Lomepal

M Le magazine du Monde — 2 juin 2018


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