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ROBERT GOFFIN

AUX FRONTIÈRES
.DU JAZZ
Préface de PIERRE MAc ÜRLAN

CINQUIÈME ÉDITION
illustrée de 60 photographies.

"LES DOCUMENTAIRES"
EDITIONS DU SAGITTAIRE
(ANCIENNES ÉDITIONS KRA)

20, Rue Henri-Regnault, 20


- - - PARIS-XIV• - - -
ROBERT GOFFIN

AUX FRONTIÈRES
DU JAZZ
Préface de PIERRE MAc ÛRLAN

CINQUIÈME ÉDITION
illustrée de 60 photographies •

.. LES DOCUMENTAIRES ..
Copyril!ht by International Music ComPany, Rue du Fossé-aux-Loups, 35, Bruxelles.
Droits de reproduction et de traduction réservé1 pour toua paya y compri1 la Suède ÉDITIONS DU SAGITTAIRE
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1 volume • • • • • • • 16.50

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LE 25 MAI 1932 GEORGES CHARENSOL
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Couverture brevetée S. G. D. G.

13 9
AUX FRONTIERES DU J A Z Z

sa " Création du monde ". J'aurais pu examiner une


certaine forme de jazz qui a beaucoup de prétention et
que je n'aime pas malgré que des musicologues s'y
soient raccrochés et aient considéré le "Rapsody in
Blue" comme la plus belle extériorisation que le jazz
nous ait donnée, J'aurais pu parler de la bêtise abrutis-
sante de certains critiques de jazz dont l'un déclarait
il n'y a pas longtemps qu'il préférait le Saint-Louis TABLE DES MATIÈRES
Blues de Ted Lewis à celui d'Armstrong, j'aurais pu
parler de certaines individualités à qui je donne toute
mon amitié et dire par exemple que Jacques Ganzo est
peut-être le plus pur saxophoniste européen, Ouwerx Pages.
le pianiste ,d ont la personnalité puisse être le mieux PRÉFACE ... ... ... ... ... ... ... ... 7
comparée à celle de Earl Hines, Gus Deloof une des CHAPITRE I. - Préliminaires .. . .. . .. . 11
trompettes " hot " les plus solides. CHAPITRE II. - Premiers airs . . . . . . . .. 21
CHAPITRE III. - Premiers Jazz en Europe 29
Hélas! j'aurais eu encore tant de choses à dire que CHAPITRE IV. - Origine du Jazz 39
je préfère ne pas effleurer tous ces chapitres d'un livre CHAPITRE V. - Les instruments 49
dont la plus belle part est celle que je n'ai pas écrite. CHAPITRE VI. - Spirituals . .. .. . . .. 59
CHAPITRE VII. - Essai d'orchestre ... 67
CHAPITRE VIII. - Dancing .. . . . . . .. 75
CHAPITRE IX. - Découverte du Hot ... 83
CHAPITRE X. - Le Jazz Straigbt et Hot .. . 93
CHAPITRE XI. - Souvenirs de Jazz ... .. . 101
CHAPITRE XII. - Les classiques du Hot .. . 113
New-Orleans Rhythm Kings 113
Californi.a Ramblers . . . . . . . .. 115
Cotton Pickers ... ... ... ... .. . ll8
Fred Elizalde et quelques autres .. . 121
Original Dixieland Jazz Band 123
Original W olverines 124
Memphis Five ... ... ... . .. 124
Bucktown Five .. . . . . . . . .. . 124
Roger Wolfe Kahn's Orchestra 124
] ean Goldkette .. . 125
Don V oorhees .. . 125
Red Heads ..... . 125
Mound City Blue Bwwers 126
Tampa Blue ........ . 126
- - - - - - - - - 256 - - - - - - - - -
Pages. Pages.
Ray Millers's Band ... . .. 126 Adrian Rollini . . . . .. 209
Miff Mole ... ... . .. 210
Goofus Five . . . . . . . .. 126
Hennie Pollock's Band ... 126 Earl Hines ... ... . .. 211
Charley Straight's Orchestra ... 126 « Duke » Ellington ... 212
Goofus W ashboards . . . . . . . ..
CHAPITRE XIII. - Les Jazz célèbres ...
126
131
f Eugène P. Sedric
CHAPITRE XVIII. - Les Compositeurs
217
221
Paul Whiteman ... ... ... . .. 131 Irving Berlin 221
Ted Lewis .............. . 138 Georges Gershwin 221
Hal Kemp and his Carolinians 144 W. C. Handy 223
Jack Hylton . . . . . . . .. 146 Thomas Waller 224
CHAPITRE - XIV. - Les grands orchestres blancs 155 Robert Stolz 224
Red Nichols and his Five Pennies 157 Peter Packay 225
Dorsey Brothers and Orchestra 158 David Bee ... 225
Frankie T'rumbauer' s Orchestra 159 CHAPITRE XIX. - Chœurs et Chanteurs 229
Goofus W ashboards . . . . .. 159 229
Miff Mole's Molers ... . .. . .. 160 Rflvellers
Rhythm Boys ... . .. 230
Ed Lang and his Orchestra ... 160 231
Joe Venuti's Blue Four ... . .. 160 Roswell Sisters . . . . ..
Layton et J ohnstone ... 233
Jack Pettis ans his Orchestra 160 234
Bix B eiderbecke and his Orchestra 160 Jack Smith ... . ..
V aughn De Leath 234
Mac Kenzie and Condon's Chicagoans 161 234
Casa.Loma Orchestra 162 Florence Mills ...
Josephine Baker 234
CHAPITRE XV. - Nuits de Jazz à Harlem 163 Ethel Waters 234
Mills Brothers . . . . . . . . . . .. 163 Rosa Henderson 234
CHAPITRE XVI. - Les grands Jazz nègres 175 Dudley... ... ... . .. 234
Louis Armstrong . . . .. . . . . . . . . .. 177 Sophie Tucker .. . 235
Fletcher H enderson ani/J his Orchestra 179 CHAPITRE XX. - Le Jazz actuel en Eùrope 237
Duke Ellington and his Orchestra 181
Luis Russel and his Orchestra 183 ANGLETERRE 238
Mac Kinney's Cotton Pickers .. . 184 Spike Hughes and his Orchestra ... 239
Chick Webb and his Orchestra .. . 185 242
King Oliver and his Orchestra, .. . 186 FRANCE ........... .
Cab Calloways and his Missourians 191 Gregor et ses Grégoriens 243
Sam W ooding et Noble Sissle ... 192 Berson's Europa Ramblers 243
W illie Lewis and his Entertainers 193 Girard and his Band 243
195 Ray Ventura 244
Don Redman ........ . 244
Blue Rhythm Boys ... ... ... . .. 195 Lud Gluskin
CHAPITRE XVII. - Les Individualités du Hot 197 ALLEMAGNE 247
Louis Armstrong 197 249
BELGIQUE
Red Nichols 200 251
Bix Beiderbecke 201 Gus Deloof and his Racketeers
]immy Dorsey ... 203 CHAPITRE XXI. - Coda 253
Frankie Trumbauer ... 206 TABLE DES MATIÈRES
257
AUX FRONTIERES DU J A Z Z

a réussi ce tour de force de ne pas se répéter en restant


néanmoins toujours elle-même.
Certains airs ont été creusés à jamais par son ima-
gination débordante et toute nouvelle interprétation
doit nous paraître fade. " Some of these days " fut un
de ses plus chaleureux cris de mélancolie tandis que
le " Yid,dish Momma" était extériorisé avec cette poi- CHAPITRE XX
gnante sobriété que seule une juive sentimentale pou-
vait nous donner.
Elle a trop enregistré pour qu'on puisse citer tous Le Jazz actuel en Europe
ses succès. Parmi cette longue liste d'airs vibrants,
elle-même préfère les titres suivants : "Louisville
. ,t sh e sweet " , " 1 s t z·zz L ove you " , " L ovin
L 01u ,, , .. A. m
Sam", "Some o1 the se days ", " The song is ended ", C'est maintenant qu'il s'agit de faire le point pour
"Be you Happy", "0 you have no lde,a ", ••My Pet" ce qui concerne notre continent. J'ai entendu si sou-
et " The man 1 love ". vent chez les amateurs de jazz des propos nationalistes
que j'en suis à me demander exactement si la musique
syncopée européenne est assez émancipée pour échap-
per à la tutelle américaine.
Honnêtement, je ne le crois pasj le meilleur orches-
tre que nous ayons eu est incontestablement celui de
Fred Elizalde et nous avons vu que son armature était
composée d'éléments américains.
Depuis cette époque, le jazz a conquis intégrale-
ment le marché et la musique hot est devenue 1' apa-
nage de l'élite qui s'intéresse au jazz, au point que
les excellentes revues anglaises •• Mêl1o dy Make,r" et
" Rhyf hm " ne conçoivent le bon jazz que sur ce plan
trépidant et qu'on sent avec quelle neutralité, avec
quelle tiédeur, elles parlent des orchestres anglais qui
ont plus de réputation populaire que de talent véri-
table.
Cette même initiative qui participe même de l'exclu-

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FRONTIERES DU J A Z Z
AUX FRONTIERES DU J A Z Z AUX

déjà relevé le gant et sont en train de battre Jack sur


~_ivism~ ~.e f~it jo1;11" dans les revues "Jazz-T.ango" et son propre terrain. Ils ont en effet appliqué les prin-
Music . L avenir est au hot et le temps n'est pas cipes de méthode du maître en y ajoutant un peu d'ini-
éloig!1é où le recul sera suffisant pour que le grand tiative, un peu de piment, un peu de jeunesse.
public absorbe sans réaction des musiques qu'il eût Faut-il citer Jack Payne, Bert Ambrose, Arthur
considérées avec effroi voici quelques années. Lally dont les orchestres ont leur moisson quotidi;nne
Il faut d'ailleurs louer les marques de disques qui d'admiration. Voici quel était, il y a quelques m01s, le
n'ont pas sacrifié exclusivement au commerce et qui, classement des orchestres britanniques après une com-
comme Parlophone~ Brunswick et Odéon, ne regardent
pétition organisée par le " Melody Miaker ".
pas seulement vers le passé mais tirent des traites
musicales sur l'avenir. 1° Fred Elizalde and his Savoy Music.
His Masters Voice vient d'ailleurs de se joindre à 2° Bert Ambrose and his May Fair Hotel Orchestra.
l~ danse en nous donnant quelques très beaux disques 3° Savoy Orpheans.
d avant-garde. Nous n'attendons plus que l'adhésion 4° Jack Payne and his B. B. C. Orchestra.
~e Columbia dont la firme américaine sort des disques 5° Ray Starita and his Ambassadors Club Band.
etonn.ants de Fletcher Henderson, King Oliver et 6° Jay Whidden and his Carlton Hotel Dance Band.
Benme Carter que nous espérons entendre bientôt en 7° Al Starita and his Picca.dilly Players.
Europe. 8° Alfredo and his New Princes Orchestra.
Le jazz a considérablement évolué dans quelques 9° Marius B. Winter and his Hotel Cecil Orchestra.
pays d'Europe où le voisinage d'orchestres Yankees, la 10° George Fisher and his Kit Cat aBnd.
gr~ve leçon des disques a incité les musiciens à mieux Tous ces orchestres sont bons, sans grande origina-
faire. Il faut surtout envisag,e r l'état actuel en Angle- lité jouant des airs où le hot se marie à la mélodie de
terre, en France, en Allemagne et en Belgique. faç~n à contenter tout le monde. D'ailleurs on trouve
en Angleterre des musiciens qui sont capables de jouer
ANGLETERRE à la perfection selon la meilleure formule américaine :
Jackson et Norman Payne sont des trompettes excel-
L~ .f?rmule ~nglaise n'est pas encore complètement
lentes, Joe Crossman est considéré comme le roi bri-
mod1fiee; les vieux orchestres gardent leur réputation
tannique du saxophone, et Lew Davis, Ben Frankel
e~ bénéficient de la considération qui va à un nom glo-
rieux. et Tiny Stock peuvent tenir la comparaison avec les
Je pense qu'au point de vue artistique l'influence de meilleurs.
Mais pour finir, je dois parler de l'orchestre q';1i est
Jack Hylton est périmée, il a élevé le jazz à la hauteur
considéré par l~s vrais amateurs comme le meilleur
d'une administration et ses musiciens sombrent dans
le fonctionnarisme. D'autres outsiders ont d'ailleurs du moment : c'est celui de Spike Hughes.

----------------238---------------- - - - - - - - - - 239 - - - - - - - - -
FRONTIERES DU J A Z Z
AUX FRONTIERES DU J A Z Z AUX

therstonhaugh (saxophones); Eddie Carroi (piano);


Spike Hughes est un tout jeune chef au regard trou-
ble avec une mèche de cheveux dans le coin de l'œil Lee Smith (guitare) ; Bill Harty (batterie).
Dans les combinaisons subséquentes, nous trouvons
droit, des chemises américaines et une volonté irréfra-
les noms de Phil Cardew, Allen Ferguson, Bobby Da-
gable de sortir de l'ornière. vis, Jack Jackson et de la trompette belge Gus Deloof
Au début de 1930, personne ne le connaissait et à que les lois prohibitives empêchèrent de continuer son
l'apparition de son premier disque "Kalu1a ", il avait
ga~né la partie! était considéré comme le chef qui
engagement en Angleterre.
Je pense que cet orchestre jeune, plein d'initiative,
arrive et devenait la grande vedette des disques "Dec- doté d'un courage et d'un grand sens musical fera par-
ca ", où il a donné des airs d'une jeunesse capiteuse : ler de lui avant peu. C'est d'ailleurs 1' opinion de Jim-
:· ~· ~~gie ", "Poor Bulterfly ", :: Bessie Coul.dn 't help my Dorsey qui a enregistré " St-Louis Blues" et " Ti-
zt , The man lrom the South , etc., sans oublier son ger Rag" avec Spike Hughes and his three Blind
11

premier disque chez H. M. V. " Whispering ·" et "Al-


l;a h 's Holyday ". Mice ".
Et maintenant pour donner un aperçu de la valeur
Le st~le .de Spike Hughes qui dirige, arrange les mor- des individualités britanniques je pense bien faire en
ceaux, ecrit probablement les hot et joue de la contre- donnant le résultat d'une compétition organisée par le
basse est absolument parrallèle à celui des grands " Mélody M,aker" (avril 1930) qui avait pour but de
orchestres américains. Chacun des musiciens de l'or-
chestre est une individualité qui extériorise sa sensi- former l'orchestre idéal.
bilité en la subordonnant heureusement à l'allure Voici quelles sont les musiciens qui furent choisis
générale. aux différents instruments :
Le team de Spike Hughes n'est pas une formation ter saxo,p hone alto : Joe Crossman.
du~able, un orchestre constitué; le chef qui, jusqu'à 2e Pogson.
maintenant, n'a joué que pour la radio, le disque ou 2" s.a xophone 1alto : Laurie Payne.
le co~cert, recrute son personnel parmi les as déjà 2e Arthur Lally.
enga~es par les autres orchestres. C'est ce qui explique Sax.aphone ténor : Joe Jeanette.
les différences dans telle interprétation d'instruments 2e Buddy Featherstonaugh.
ou même dans l'exposé d'ensemble qui peut varier 1er viol.on : Eric Siday.
Hugo Rignold.
selon les hommes au pupitre. f 2e vio·l.on :
3e violon : Jean Pougnet.
Voici quelle était la formation première : George l Jre trompette : Max Goldberg.
Hurley, Ben Frankel, Stan Andrews (violons); Nor- ze Jack Jackson.
man PaY:ne (trompette); Jack Fleming (trombone)· Je Jack Rayne.
Harry Hmes (clarinette); Filip Buchel, Buddy Fea:
240--~~~~~--~ ----------------241----------------
AUX FRONTIERES DU J A Z Z

2e trompette Norman Payne.


Tramb.one : Lew Davis.
Piano : Arthur Young.
Banjo: Len Fillis.
Batterie : Max Bacon.
2e Bill Harty.
Contrebasse : Spike Hughes.
Arnangeur : Lew Stones.

FRANCE

Le jazz français fut longtemps dans le marasme. Il


n'y avait pas de groupement qui püt établir, dès le dé-.
but, une supériorité sur ses collègues. Aucun grand chef
n'est intervenu pour contrôler, pondérer, étouffer les
éléments intéressants; c'est ce qui a permis à des indi-
vidualités de se développer et de se former complète-
ment pour le plus grand bien de l'orchestre de Jack
Hylton qui a cette théorie contradictoire et incompré-
hensible de ne recruter à prix d'or que des musiciens
hot pour les assoupir dans un orchestre mélodique. Les
trois meilleurs hommes de Jack Hylton furent fran-
çais : Vauchant au trombone, Brun à la trompette et
Ekyan au saxophone.
De nombreux autres éléments français valent ces
trois as et cette floraison n'est explicable que par le
besoin de personnalité, le travail individuel, l'insou-
mission bohême qui a permis à la plupart de ceux qui
ont des possibilités de se cultiver eux-mêmes à l'ombre
des méthodes, des conservatoires et des grands chefs
qui sont le plus souvent des parasites inintelligents de
la réputation que leur ont faite leurs musiciens.

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AUX FRONTIERES DU J A Z Z

Parmi les orchestres de premier plan j'ai déjà parlé


de celui de " Léo-Pol " à côté de qui il faut présenter
les " Berson 's Europa Ramblers ", ." Gir.ard .a nd his
biand " et naturellement ces différents ensembles ne
valent que par les personnalités françaises du hot qui
y participent : Paquinet et Ferrari (trombones); Re-
nard, Lapeyronnie (trompettes) ; Fishach, Char les,
Berson (saxophones) ; Mougin, Romans (pianistes).
Il faut actuellement mettre hors pair l'orchestre
" Gregor et ses Grégoriens ,, qui était à la tête des
groupes européens et apporta en France un sens du
rythme américain fondu dans une puissante musicalité
latine. Ses hot étaient étonnants d'entrain, d'allant, de
plénitude et il y a lieu c!'ajouter que pour le concert,
Grégor était bien le chef le plus spectaculaire qui soit.
Je l'ai écouté religieusement à plusieurs reprises; je
sens qu'il est servi par une volonté inébranlable et une
nette compréhension du but à atteindre; il laisse à ses
hommes assez d'initiative pour ne pas les figer et des
morceaux comme "Tiger Rag ", "Harlem Madness ",
"Puttin on the Ritz" dépassaient tous les potentiels hot
de l'Angleterre et rejoignaient directement les grands
courants syncopés d'Outre-Atlantique.
Voici la composition des Grégoriens aujourd'hui
dispersés : R. Allan (batterie), E. Cohanier, Fisbach,
C. Lisée (saxophones), Grapelli, G. Schmidt, L. Vein-
troub (violons), Lapeyronnie, A. Pico (trompettes),
Paquinet (trombone), Vandernotte (contrebasse), Dud-
ley (chanteur), Moraweck et Michel Emer (pianistes).
Grégor et ses hommes ont passé toute une saison en
Amérique du Sud et dès· leur retour un long engage-
ment les a retenus à l'Olympia avant qu'ils ne rejoi-

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14
AUX FRONTIERES DU J A Z Z AUX FRONTIERES DU J A Z Z

gnent leurs quartiers d'hiver, le fameux Palais de la ALLEMAGNE


Méditerranée à Nice.
A .différentes reprises, P. Achard a constaté que le
On dit actuellement le plus grand bien de "R ay Ven-
1

peuple ·allemand avait le génie de la musique. Je


tura anid his twenty CoUegians "; ceux-ci formèrent, il m' ét~is longtemps demandé si le vaste courant qui va
y a quelques jours à peine, un orchestre amateur qui de Beethoven à Strauss avait pu un moment bifurquer
vient de mettre les voiles pour un solide profession- vers le jazz et s'y arrêter avec des chances de succès.
nalisme. Attendons-les à l'épreuve et espérons que le Cette opinion semblait pour moi une quasi certitude,
chef réalisera un programme que sa conception a idéa- d'autant plus qu'une large influence dans la musique
lisé depuis longtemps. syncopée américaine elle-même est due à des musi-
Je ne sais si c'est en France qu'il faut domicilier Lud ciens allemands qui ont vite absorbé l'atmosphère
Gluskin. Son orchestre est ~e toute première force, et d'outre-atlantique au point de s'adapter étroitement
organisé selon les dernières formules américaines. Lud à la formule américaine et de projeter parfois des sen-
est d'ailleurs lui-même un Yankee qui a mis longtemps sations musicales qui ne sont_pas sans grandeur.
la main à la batterie et qui connaît son métier. Je m'attendais à trouver à Berlin des orchestres for~
Les disques qu'il a donnés à Polydor prouvent de midables et je me disais en moi-même qu'à côté des
manière irrécusable qu'il y a moyen de réaliser de la grands groupements semi-officiels, comme Marek W e·
bonne musique syncopée en Europe. Les éléments de ber, Dajos Béla, Bernard Etté, Dobbri, Barnabas von
Lud sont d'ailleurs triés sur le volet puisqu'on compte G~czy ou Otto Fritz, il devait y avoir pas mal de teams
parmi eux : Christian, l'ancien trombone des " Original ' pour qui la tradition américaine était une sauvegarde
Dixie Land", J. Kelly (batterie), Jean Prendergast contre l'empiètement doucereux des valses viennoises.
(saxophone), Howard Kennedy (banjo). Spencer Je me suis trompé cruellement. J'ai couru à travers
Clarke un des meilleurs saxophones basses après Rol- l'Allemagne et si les quelques nuits de Berlin gonflent
lini. encore mes souvenirs, ce n'est pas que l'envoûtement
Aux dernières nouvelles, Leo Vauchant et Weiss soit dû à la qualité du jazz.
vont remplacer Christian et Spencer Clarke. Il est cer- J'ai entendu l'orchestre de !'Esplanade qui ne m'a pas
tain que l'ancien trombone de Jack Hylton est la meil- paru transcendant, à l'Eden, ce fameux dancing du
leure recrue européenne que Lu.cl Gluskin pouvait trou- huitième étage où un ascenseur express vous jette dans
ver, aussi attendons-nous avec joie ce nouveau mariage les bras respectueux des larbins, Ni-kish venait de
qui va enfin permettre au grand as du trombone de partir et un orchestre passable gouvernait la piste. Un
donner toute sa mesure. air hot pour quatre fox-trots où l'on sent encore des
r~lents de schottish et des fadeurs de fanfares puis

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AUX FRONTIERES DU J A Z Z
AUX FRONTIERES DU J A Z Z
deux valses qui font se pamer èt soupirer tous les d'immenses boîtes avec plusieurs salles qui constituent
11
cœurs bien germaniques. Au Femina ", au "Casa-
chacune un dancing symbolisant un pays et une mu-
nova", au "Konigin" exactement même état d'âme.
sique.
les couples ne se délient et n'entrent en état d'exalta-
On peut passer la soirée en débutant à la Terrasse
tion qu'aux moments des airs nationaux à la mode
sur le Rhin pour continuer par le Far-West, la guin-
" Mein Liebeslied muss ein waltz.er sein " ou le guette viennoise, la salle des Palmiers, le bar espagnol,
"Kleine gar1cle offizier" que tout le monde reprend et d'autres atmosphères où les foules viennent goûter
en chœur. la joie et déguster des boissons appropriées et écouter
11
Je fais une . mention toute spéciale au jazz de La les flonflons des différents orchestres.
Cascade" où un saxophone américain s'évertuait à Je conclus en pensant que le tempérament allemand
dégeler le public. ne s'est pas adapté au jazz spécifiquement américain;
J'ai continué ma randonnée par cette ville déli- le potentiel musical de cette race était trop formé pour
cieuse de Dresde où le "Régina" et le "Rialto" m'ont subir sans contrôle des airs d'exportation.
confirmé la constatation que j'avais faite dans la Les compositeurs et les orchestres s'en sont rendu
capitale. compte. Robert Stolz donne actuellement à Berlin une
A Leipzig, même impression, c'est à peine si on opérette "lm weissen Rossi" où toute la musique est
joue des airs américains et il m'a fallu attendre jus- d'esprit germanique. L'Allemagne a donné droit de cité
qu'à Francfort pour entendre le meilleur jazz de mon aux airs américains mais elle les a modifiés et transfor-
voyage. Julian Fuhss opérait en digne "Kiape.ZZmeister"; més selon la consommation nationale et il me semble
des arrangements d'un hot plus que digestible après certain que ce grand pays est en train d'aller vers une
le jeûne des premières nuits; un ou deux bons exécu- musique de danse essentiellement autochtone, et qui se
tants notamment une trompette et la clarinette, des sépare peu à peu du jazz dont elle s'est inspirée assez
airs excellents parmi lesquels " N obody' s Sweetheart ", pour le regretter, trop peu pour le rappeler.
" Tiger R,ag ", " Somebody stole my g,a[ " mais par
équilibre, l'orchestre offre au public de longs inter-
mèdes où la sensibilité germanique retrouve son plein BELGIQUE
compte.
J'ai beaucoup hésité avant de parler du jazz belge
Il ne m'est pas possible de clore cette chronique sans
mais je pense vraiment, qu'à tous les points de vue,
parler de la dernière conception allemande qui tend à
notre petit pays peut être fier. J'ai déjà dit que
centraliser les plaisirs nocturnes dans un vaste trust
Bruxelles avait été la première capitale du hot. Il faut
du dancing. Le " Haus Vaterland " et le " Wunder-
remonter aux jazz de Billy Smith et aux différentes
land " ont inauguré dans des coins différents de Berlin
combinaisons de Remue et de Compère pour se rendre
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AUX FRO~TIERES DU J A Z Z
AUX FRONTIERES Du · J A Z Z

rope même en tenant compte des anglais Featliersto-


compte exactement de l'atmosphère bouillante qui naugh et Joë Jeannette.
règne en Belgique depuis 1925. Saxophone basse : nul en Europe ne peut être com-
Actuellement, je pense .qu'aucun pays ne puisse paré à Jean Robert.
comparer ses individualités avec celles de chez nous. Piano : Ouwerx est le plus up-to-date et peut
Je sais très bien que l'Angleterre et la France ont être mis à côté de n'importe quel pianiste de jazz fran-
quelques grands as que l'on considère habituellement çais ou anglais. Constant Brenders le suit de très près.
comme supérieurs aux nôtres qui ne sont pas connus Trompette : Gus Deloof est un grand as qui peut
et j'avoue ingénument que je sombrais dans le même 'être classé très près de Brun ou de Norman Payne.
travers. Après lui, il faut retenir De Kers, Compère.
Un petit événement vient de me rappeler à la juste Trombone : notre meilleur homme Brin.khuysen suivi
notion des réalités. Je considérais depuis longtemps de Testaert et Breyere, vient loin après Vauchant, Lew
F eatherstonaugh comme le meilleur ténor Européen Davis, Ferrari ou même Paquinet.
quand voici quelques jours je fis entendre quelques Batterie : nos deux meilleurs hommes sont Aerts et
disques de Spike Hughes au célèbre ténor de couleur Serluppens.
Eugène Sedric. Et lorsque je lui fis part de ma consi- Banjo : Reg Denys est le plus apprécié.
dération pour le ténor anglais, Sedric de se récrier Contrebasse : Notons Peeters et Léonard.
et de proclamer qu'il était indubitable que Jean Robert Voilà donc tout un lot de bons musiciens qui ne
lui était beaucoup supérieur à tous les points de vue. peuvent malheureusement être employés selon leur
Il serait difficile de dresser un palmarès de nos talent. Les marques de disques ne sont pas belges
musiciens de jazz, il faut cependant citer quelques hélas et nous sommes si loin de Paris et de Londres.
noms qui le méritent bien. La firme Pathé vient cependant de rendre hommage
Saxophone alto : le plus pur qu'il m'ait été donné à une formation hot en enregistrant des disques de
d'entendre était Jacques Ganzo, un amateur qui a
11
Gus Deloof and his Racketeers ". Il faut bien dire
actuellement abandonné le jazz depuis un an mais que cette réalisation se classe à côté de celles d'Eli-
dont la place a été reprise par un jeune homme de zalde et de Spike Hugues. Ce n'est d'ailleurs pas
18 ans, Jean Omer, qui est d'une personnalité et d'une étonnant car voici la formation de l'orchestre :
pétulance qui ne le classent pas loin d 'Ekyan et, à Gus Deloof et L. Devroye (trompettes) j J. Breyere
mon sens, avant Crossman. II ne faut pas oublier non (trombone); Jean Omer, Jean Robert, Saguet (saxo-
plus Remue, Van Bellinghen, David Bee. phones); J. Ouwerx (piano); J. Aerts (batterie); C. ·•
Saxophone ténor : deux exécutants tiennent la Peeters (basse); R. Denys (guitare).
palme : Jean Robert et F. Candrix, qui peuvent être
avec David Bee considérés comme les meilleurs d'Eu-
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