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CARNAVAL

DUNKERQUOIS
L'édition originale de cet ouvrage,
imprimée sur papier couché de luxe,
est constituée de
500 exemplaires numérotés
de 1 à 500
et de 50 exemplaires hors commerce
numérotés de I à L

@W e s t h o e k - E d i t i o n s 1984
Toute reproduction même partielle interdite sans autorisation de l'éditeur.
J e a n ��, DENISE

CARNAVAL
DUNKERQUOIS
Reportage photographique de Jean-Charles Bayon

Collection « Mémoire Collective »


WESTHOEK-ÉDITIONS
Editions des Beffrois
Lapocalypse du «rigodon final», ronde infernale qué Çtf£fronri@_un nuage de vapeur. [PhotoJ.-C. Bayon].
Avant-propos

Dunkerque, un nom qui claque au vent comme une oriflamme ! Ville gagnée
sur la mer, vieux nid de corsaires, enjeu de furieuses batailles du passé entre
Espagnols, Français, Anglais et Allemands, Dunkerque a retrouvé la paix. Grand
port industriel de l'Europe du Nord, immense chantier en perpétuel devenir,
ruban d'usines déroulé le long du littoral, cité aux rues rectilignes bordées
d'immeubles stricts de l'après-guerre, Dunkerque, c'est le bout de la Flandre, le
« Westhoek », presque le bout du monde ! Pourtant, une fois l'an, le vent qui
chasse dans le ciel du Plat-Pays ses vagues de nuages venus de la mer devient
vent de folie, et pousse à travers toute l'agglomération, de Rosendael à
Saint-Pol-sur-Mer, des nuées de masques et des forêts de parapluies...
Le carnaval dunkerquois, c'est avant tout la bande des pêcheurs, la
« visschersbende », masse compacte et disparate, compression de rangs cahoti-
ques, cohortes improvisées formant un inquiétant kaléidoscope prêt à tout
balayer sur son passage. Dans cette fantastique fête brueghelienne se côtoient de
superbes nègres emplumés brandissant les reliefs de leurs festins cannibales, des
pêcheurs d'un temps révolu, des cosaques, des corsaires, des écoliers aux tabliers
de vichy, des « sauvages » de toutes les parties du monde, des moines, des
Chinois, des explorateurs, des femmes déguisées en hommes, des militaires d'une
autre époque, un fier Viking coiffé d'un moulin à légumes en guise de casque, des
bébés en barboteuses mâchonnant d'énormes tétines, des Gaulois ou des Goths
parés de cornes puissantes, et puis, surtout, toute une foule de personnes aux
ingénieux costumes tirés d'oripeaux dérisoires. Çà et là, de provoquantes
créatures au maquillage outré et aux appâts rebondis, inondées de parfums
agressifs, dévoilent sans pudeur leurs dessous affriolants et le galbe gracieux de
leurs jambes poilues aux muscles de lutteurs. Chez nous, pas de défilés de chars,
mais la participation massive de la population ; pas de batailles de fleurs mais un
engagement physique complet dans un gigantesque chahut collectif ; pas de
costumes somptueux mais la fantasmagorie des déguisements de la plus haute
fantaisie et l'exubérance des couleurs vives dont sont grimés les visages ; pas de
service d'ordre mais une ville entière livrée à la déraison ! Dans l'air flotte l'odeur
douceâtre de la bière et de la sueur que le fumet généreux du poisson sec ne
parvient pas à masquer. A l'appel magique et stridulant des fifres, au roulement
guerrier du tambour battant le rigodon, répondent la cacophonie des choeurs
époumonnés et le joyeux tintamarre d'une fanfare aux ordres d'un tambour-
major de parodie. En marge de la « bande » règne « l'intrigue » : des groupes aux
masques grimaçants s'en prennent aux spectateurs auxquels ils dévoilent
publiquement des vérités qui ne sont pas toujours bonnes à dire, tandis que,
solitaire, le « figueman » promène imperturbablement son hareng-saur .suspendu
par une ficelle au bout d'une perche...
A la tombée de la nuit, la lame de fond vient se briser dans l'apocalypse d'un
« rigodon final », ronde infernale que couronne un nuage de vapeur. Le calme ne
revient que lorsque retentissent les premières mesures de la « Cantate à Jean
Bart » : alors tout un peuple, à genoux, les yeux brillants d'émotion et les bras
tendus vers le ciel, clame un dernier hommage au corsaire statufié pendant que
Reuze, le géant d'osier, contemple d'un œil débonnaire l'agitation des parapluies
qui marquent la cadence d'une immense ovation païenne.
Pour se reposer d'avoir sauté, couru, chahuté, hurlé toute une après-midi, les
« masques », précédés de musiciens plus ou moins chevronnés, envahissent les
cafés et les maisons amies, histoire d'attendre le début du bal qui durera toute la
nuit ! Le lendemain, encore, il est courant de rencontrer, au hasard des rues, des
groupes hagards, hirsutes, décolorés, insolites vestiges de l'immense fête tribale
qui chaque année rassemble dans son « melting-pot » les rondes initiatiques et
barbares des Dunkerquois de souche ou d'adoption venus des quatre coins du
monde.
Arrivé à Dunkerque en 1967, j'ai d'emblée été conquis par l'étrange et
violente beauté de cette fête retrouvée dans un monde qui en a perdu le sens. De
« bandes » en bals, mes amis dunkerquois m'ont initié et m'ont fait comprendre
que la massive participation de la population aux débordements carnavalesques
ne doit rien au hasard. J'ai peu à peu découvert que le carnaval dunkerquois
trouve sa vitalité dans de profondes racines qui le rattachent à une très ancienne
tradition : la truculence du parler, l'abolition momentanée mais presque totale
(quoique quelque peu ambiguë) des barrières sociales et des interdits, les excès
de toutes sortes, la dérision des costumes, le rituel des chahuts et la richesse du
répertoire carnavalesque n'en sont que la résurgence. J'ai voulu faire partager ma
passion.
Au printemps 1977, avec R o c h Vandromme, un vieil ami de la bande, qui
de son côté avait commencé une ébauche de lexique du parler dunkerquois, j'ai
décidé de tenter l'aventure de publier un livre sur les chansons du carnaval. Pour
que l'entreprise ait quelque chance de succès, il fallait renforcer l'équipe par de
vrais carnavaleux, dunkerquois de souche, qui par leurs témoignages permet-
traient d'éclairer le sujet sous toutes ses faces. Ce fut d'abord J e a n C h a t r o u s s a t
qui, depuis des décennies, notait sur un petit carnet les mots dunkerquois
entendus dans son magasin de fruits et légumes de la Place de la République et
qui possèdait un répertoire de chansons locales dans lequel nous avons largement
puisé. Ce fut ensuite S e r g e Blanckaert, journaliste à « La Voix du Nord » de
Dunkerque et qui a « couvert » tous les carnavals de la région pendant de
nombreuses années. J e a n Wispelaere, le musicien,, eut la redoutable tâche de
retranscrire toutes les partitions musicales des chansons que nous collections dans
les endroits les plus divers. Et puis, enfin, il y avait Michel Heyden, une des
grandes « figures » du carnaval de l'après-guerre et qui nous a quittés trop tôt ; lui
qui disait : « le carnaval, ça ne se raconte pas, ça se fait », n'en finissait pas de
raconter, et nous l'écoutions. L'association carnavalesque et philanthropique
« Les Corsaires Dunkerquois » nous apporta sa caution pour le financement et
neuf mois plus tard, « Les Enfants de J e a n B a r t » étaient en librairie, donnant
naissance à Westhoek-Editions, mais ça, c'est une autre histoire...
De nouveau épuisé après quatre rééditions, le livre commençait à dater un
peu et j'ai pensé qu'il avait besoin d'une bonne réactualisation. La partie
historique a été reprise, complétée, réécrite et illustrée des meilleurs documents
historiques connus. J'ai demandé à. J e a n - C h a r l e s B a y o n , photographe à « La
Voix du Nord », qui a suivi avec moi presque toutes les manifestations
carnavalesques de la région dunkerquoise en 1982, 1983 et 1984, d'en recréer
l'ambiance par l'image. Le répertoire de chansons carnavalesques a été revu et
mis à jour et je n'ai pas omis d'y intégrer les « créations » apparues au cours de ces
sept dernières années. Enfin, le lexique du parler dunkerquois a été corrigé et
présenté de façon plus vivante...
« Carnaval Dunkerquois » se veut le livre de fête de toute une population, je
suis persuadé qu'elle s'y retrouvera !
Il se veut aussi un livre d'histoire, pas d'histoire avec un grand H, mais
d'histoire populaire, de celle dont les archives ne livrent que quelques mots, et
encore, du bout de lèvres dédaigneuses ! « Un peuple sans histoire est un peuple
sans avenir » dit-on, eh bien ! Le peuple du carnaval n'a pas de souci à se faire,
son histoire existe, que ponctuent les noms de ses héros : Marie-Patate, l'oncle
Cô, Manootje, Mietje Kattoen, Crote Mion ou autre Henrit'che Barboil...
Enfin, à l'heure où le carnaval dunkerquois est devenu un événement
d'importance nationale, ce livre voudrait en être l'ambassadeur souriant.
J. DENISE

Visschersbende de Saint-Pol-sur-Mer, 1983. [Photo Jean-Charles Bayon].


Résurrection de la « bande de la citadelle » en 1983. [Photo Jean-Charles Bayon].
I partie

HISTOIRE
DU CARNAVAL
DUNKERQUOIS
par Jean Denise
Les douze verres de genièvre

DE TWAELF GLAZEN.

'k Nemen uyt het glazeken een : Twee om een,


Een is geen ; E e n is g e e n ;
J a n domme ! laet me drinken uyt J a n d o m m e ! laet m e drinken uyt
Me glazeken alleen. Me g l a z e k e n alleen.

2. 'k Nemen uyt het glazeken twee :


Twee om een,
Een is geen ;
J a n domme ! enz.
LES DOUZE VERRES.
3. 'k Nemen uyt het glazeken drie :
Drie om twee, 1. J e p r e n d s d ' a b o r d u n v e r r e . U n n ' e s t rien. J e a n d l , - M , ! laisse-
moi v i d e r ce v e r r e .
Twee om een ;
J a n domme ! enz. 2. J e p r e n d s le d e u x i è m e v e r r e . D e u x p o u r u n ; u n n ' e s t rien ;
J e a n domme ! e t c .
4. 'k Nemen uyt het glazeken vier :
Vier is me manier, 3. J e p r e n d s le t r o i s i è m e v e r r e . T r o i s p o u r d e u x ; d e u x p o u r un ;
nn n ' e s t r i e n ; J e a n domme ! e t c .
Drie om twee ;
J a n domme ! enz. 4. J e p r e n d s le q u a t r i è m e v e r r e . Q u a t r e , c'est m o n h a b i t u d e ; t r o i s
pour deux, etc.
5. 'k Nemen uyt het glazeken vyf : • 5. J e p r e n d s le c i n q u i è m e v e r r e . C i n q me f o n t h é s i t e r ; q u a t r e ,
Vyf doe me blyv'n, c'est m o n h a b i t u d e ; t r o i s , etc.
Vier is me manier ;
6. J e p r e n d s le s i x i è m e v e r r e . Six d e m a n d e n t u n effort ; c i n q me
J a n domme ! enz. font h é s i t e r ; q u a t r e , e t c .
7. J e p r e n d s le s e p t i è m e v e r r e . S e p t m e f o n t v i v r e ; six d e m a n d e n t
6. 'k Nemen uyt het glazeken zes : u n effort ; c i n q , etc.
Zes, 'k doe me best,
8. J e p r e n d s le h u i t i è m e v e r r e . H u i t é p r o u v e n t mes forces ; s e p t
Vyf dae me blyv'n ; me f o n t v i v r e ; six, etc.
Jan domme ! enz.
9. J e p r e n d s le n e u v i è m e v e r r e ; n e u f m e f o n t t r e m b l e r ; h u i t
é p r o u v e n t m e s forces ; s e p t , etc.
7. 'k Nemen uyt het glazeken zeven :
Zeven is me leven, 10. J e p r e n d s le d i x i è m e v e r r e . D i x , il f a u t v o i r ; n e u f m e font
Zes 'k doe myn best ; t r e m b l e r ; h u i t , etc.
Jan domme ! enz. 11. J e p r e n d , le o n z i è m e verre. O n z e p a s s e n t e n c o r e ; d i x . il f a u t
,-.ir, etc.
8. 'k Nemen uyt het glazeken acht : 12. J e p r e n d s le d o u z i è m e v e r r e . D o u z e m e r é p u g n e ; onze pas-
Acht geeft me magt, sent e n c o r e ; d i x , il f a u t v o i r ; n e u f m e f o n t t r e m b l e r ; h u i t é p r o u -
Zeven is myn leven ; v e n t mes forces ; s e p t m e f o n t v i v r e ; six d e m a n d e n t un effort ; cinq
Jan domme ! enz. me f o n t h é s i t e r ; q u a t r e , c ' e s t m o n h a b i t u d e ; trois p o u r d e u x ; d e u x
p o u r 1111 : u n n ' e s t rien ; J e a n domme ! laisse-moi v i d e r ce veir,».
9. 'k Nemen uyt het glazeken negen :
Negen doen me beven,
Acht geeft my magt ;
Jan domme ! enz.

10. 'k Nemen uyt het glazeken tien : Cette chanson célèbre les excès d'alcool,
Tien, 't is om te zien,
Negen dae me beven ;
courants dans le monde maritime du XVIIIe
Jan domme ! enz. siècle.
II. 'k Nemen uyt het glazeken elf : Elle a été collectée à Dunkerque dans la
Elf, 'k drink het zelv,
Tien 't is om te zien ;
première moitié du XIXe siècle par l'ethno-
Jan domme ! enz. musicologue Edmond de Coussemaker qui
12. 'k Nemen uyt het glazeken twolf :
la publia en 1856 sous le n° 119 dans ses
Twolf, 'k moet het wolgen, « Chants populaires des Flamands de Fran-
Elf, 'k drink het zelv, ce ».
Tien, 't is om te zien,
Negen doe me beven, Elle a été enregistrée dans le disque
Acht geeft me magt,
Zeven is me leven,
« Chants des marins des côtes de Flandre et
Zes, 'k doe me best, des Pays-Bas » [Disque co-produit par Westhoek-
Vyf doe me blyven,
Vier is me manier, Editions », Dunkerque et « Le Chasse-Marée », Lo-
Drie om twee, rient].
Chapitre 1

Retour aux sources

Au temps de la « foye » :
le départ des pêcheurs d'Islande au début du XVIIIe siècle
A D u n k e r q u e , les j o u r s g r a s s o n t m a r q u é s d e p u i s l o n g t e m p s p a r d e s m a n i f e s t a t i o n s
c a r n a v a l e s q u e s . L a m e n t i o n la p l u s a n c i e n n e qui ait é t é r e t r o u v é e à c e j o u r est u n e o r d o n n a n c e d u
Magistrat (1) ainsi libellée : « l ' o n d é f e n d p a r ces p r é s e n t e s d e la p a r t d e s bailly, b o u r g m e s t r e e t
é c h e v i n s d e c e t t e ville a v e c c o m m u n i c a t i o n et o r d r e s d e M o n s i e u r d e B o n n a r c o m m a n d a n t à t o u s
les b o u r g e o i s et h a b i t a n s d e cette ville qui p r é t e n d e n t d ' a l l e r e n m a s q u e , qu'ils n e s ' a d v a n c e n t d e
ce f a i r e s a n s p r é a l a b l e c o m m u n i c a t i o n d e M o n s i e u r le C o m m a n d a n t afin q u e q u e l q u ' u n d e l e u r
b a n d e r e s p o n d d e c e qui p o u r r a i t arriver e t s e f a s s e n t c o n n a i s t r e à M o n s i e u r le C o m m a n d a n t , fait
le 16me j a n v i e r 1 6 7 6 » (2). L e registre d e s c a p i t a t i o n s p o u r l ' a n n é e 1 7 0 9 fait é t a t d ' u n l o u e u r d e
c o s t u m e s et d e m a s q u e s n o m m é L a f o n d ; il était établi p l a c e R o y a l e (3) e t p a y a i t 4 livres d ' i m p ô t s .
C ' e s t v e r s cette é p o q u e é g a l e m e n t q u e s o n t m e n t i o n n é e s p o u r la p r e m i è r e fois les « f o y e s » d e s
p ê c h e u r s d ' I s l a n d e : e n s e t r a n s f o r m a n t e n « v i s s c h e r s b e n d e s » (4), c e s o n t elles qui o n t d o n n é a u
c a r v a v a l d u n k e r q u o i s le c a r a c t è r e m a r i t i m e qu'il a g a r d é d e p u i s .
D a n s la p r e m i è r e moitié d u XVIIIe siècle, D u n k e r q u e c o m p t e à p e i n e 1 5 0 0 0 â m e s (6), et s a
p o p u l a t i o n d e « g e n s d e m e r s » oscille e n t r e 1 0 0 0 et 2 0 0 0 p e r s o n n e s divisées e n d e u x classes très
distinctes : les m a t e l o t s et les p ê c h e u r s . L e s p r e m i e r s , attirés à D u n k e r q u e p a r la n a v i g a t i o n d e
c o m m e r c e e n t e m p s d e p a i x et p a r l ' e m b a r q u e m e n t s u r les n a v i r e s c o r s a i r e s e n t e m p s d e g u e r r e ,
f o r m e n t u n e n s e m b l e u n e n s e m b l e instable c o m p r e n a n t u n i m p o r t a n t c o n t i n g e n t d ' é t r a n g e r s
v e n u s n o n s e u l e m e n t d e H o l l a n d e et d e s P a y s - B a s a u t r i c h i e n s ( n é e r l a n d o p h o n e s c o m m e l'était
D u n k e r q u e à cette é p o q u e ) m a i s aussi d e s h o r i z o n s les p l u s divers : V e n i s e , G è n e s , C a t a l o g n e ,
Portugal, Irlande e t m ê m e Angleterre. L e s p ê c h e u r s , a u contraire, s o n t a u t o c h t o n e s e t f o r m e n t
u n e c o m m u n a u t é stable e t h o m o g è n e : h a b i t a n t à p r o x i m i t é i m m é d i a t e d e la halle a u p o i s s o n
m a l g r é les a g r a n d i s s e m e n t s successifs d e la ville, ils r e s t e n t fidèles à l e u r m é t i e r qu'ils e x e r c e n t d e
p è r e e n fils, s e m a r i e n t a v e c d e s D u n k e r q u o i s e s issues d e leur milieu e t d e m e u r e n t t r è s a t t a c h é s à
leurs traditions et à la l a n g u e f l a m a n d e qu'ils s e r o n t p a r m i les d e r n i e r s à p r a t i q u e r (7).
B e a u c o u p d e ces p ê c h e u r s c o m b i n e n t la p ê c h e a u h a r e n g (en a u t o m n e e t e n hiver) e t la
p ê c h e à la m o r u e (au p r i n t e m p s et e n été). C e t t e d e r n i è r e qui s ' e s t d é v e l o p p é e t a r d i v e m e n t à
D u n k e r q u e (à partir d e 1 5 5 0 v e r s le D o g g e r - B a n k (8)) p r e n d u n e i m p o r t a n c e c o n s i d é r a b l e a u
XVIIIe siècle, et, à la différence d e s a u t r e s p o r t s français, elle est dirigée e s s e n t i e l l e m e n t v e r s
l'Islande (9). L e b a t e a u m o r u t i e r d e l ' é p o q u e est le « d o g r e » (10), m a u v a i s m a r c h e u r m a i s t e n a n t
b i e n la c a p e , qualité essentielle p o u r la p ê c h e e n I s l a n d e ; j a u g e a n t 7 5 à 1 2 0 t o n n e a u x , il e s t
m o n t é p a r u n é q u i p a g e d e 12 à 15 h o m m e s .
A la fin d u XVIIIe siècle, ce s o n t e n m o y e n n e 6 5 à 8 0 d e ces d o g r e s qui a p p a r e i l l e n t c h a q u e
a n n é e à la fin m a r s , e m p o r t a n t a v e c e u x 1 0 0 0 à 1 2 0 0 p ê c h e u r s d u n k e r q u o i s . M a l g r é c e d é p a r t
tardif (au siècle suivant, les d é p a r t s a u r o n t lieu u n m o i s et m ê m e parfois d e u x m o i s p l u s tôt), le
v o y a g e s ' e f f e c t u e d a n s d e s c o n d i t i o n s p a r t i c u l i è r e m e n t difficiles. L a m e r est s o u v e n t g r o s s e , les
c o u p s d e v e n t imprévisibles s o n t m e u r t r i e r s et le froid est si i n t e n s e q u e les voiles, les c o r d a g e s d e
m a n œ u v r e et le p o n t s o n t c o u v e r t s d e glace qu'il faut e n l e v e r à intervalles réguliers p o u r c o n s e r v e r
a u b a t e a u s a liberté d e m a n o e u v r e . L e s b o u r r a s q u e s d e neige, les b r o u i l l a r d s givrants r e n d e n t la
n a v i g a t i o n p a r t i c u l i è r e m e n t d a n g e r e u s e a u x a b o r d s d e l'Islande o ù la r e n c o n t r e d ' u n i c e b e r g n ' e s t
p a s rare. A p r è s d e u x à trois s e m a i n e s d e n a v i g a t i o n (11), la p ê c h e c o m m e n c e alors q u e les
brillantes clartés d e s a u r o r e s b o r é a l e s c è d e n t p e u à p e u la p l a c e a u j o u r p e r p é t u e l : d e m a i à juillet,
il n ' y a p a s d e nuit e n Islande et, « l o r s q u e le p o i s s o n d o n n e , les h o m m e s n ' o n t parfois, d a n s les
p r e m i e r s mois, q u ' u n r e p o s d e 3 h e u r e s s u r 2 4 . L e s d i m a n c h e s e t f ê t e s s o n t i n c o n n u s »...
La pêche dunkerquoise à la morue par la chanson populaire

REYS NAER ISLAND.


6. Matroozen, schept couragie, En wy zeylen metter spoed
Ja, met half equipagie, Naer den Rooden Hoek gezogt,
En toen nog
Knuver en stagsel in, De Blauw' Bogt
Dat gaet naer ons gewin. Heeft veel kabeljauw gebrogt.
Als de maend Mey is verschint,
Wachten wy den westewint. 9. Ougstmaend komt aengedreven,
Wy vischten met goeden moed, Elk wenscht zyn lief geprezen.
Alzoo zoet, Wy loopen langst de Suyd,
En met spoed, Alsdan is 't kollen 1 uyt.
Tot wy krygen den wind goed. Als den vyftienden dag draeyt,
En de wind van noorden waeyt,
7. De bogt en geeft geen visch meer ; Elk denkt op zyn lief matress.
Het is voor ons een hertzeer. 't Dient al best
Wy loopen van daer voort Voor een les.
Tôt den hoek van Direfiort.
De vischerie voortaen Elk zegt : adieu, Langenes.
Is nu aen de. west gedaen ; 10. Zoo laet het nu maer loopen
Wy zeylen van daer weêr voort En voor de winden stroopen,
Met akkoord, Het groot marszeyl in top.
Zoo 't behoort, Schipper, brengt de bottel op !
I. In 't jaer zeventien hondert, Tôt wy komen tôt Kaep Noord. Men roept : stierman, aen bakboord,
Gy moet niet zyn verwondert, 8. De maend July geprezen, Ziet de haven van Kieupoort.
Wy gaen al naer Nieupoort, Die komt dan ingetreden. Dan loopen wy weder voort,
Om te slaen een akkoord. Met een woord,
Wy zeylen van daer voort,
Het is in de maend van maert Zoo 't behoort,
Zeggende adieu Kaep Noord.
Dat men 't klaer maekt tôt den vaert ; Wy loopen Grim in 't gemoed, Langst de kust tôt Duynkerk voort.
Als 't klaer maken was gedaen,
Wilt verstaen,
't Zal wel gaen, 1. Kollen, hameçons. - Ce m o t m a r q u e ici l'action de jeter les hameçons.
Moet'n wy naer de foye gaen.
2. Elk met zyn lief geprezen
Moet in de foye wezen ;
Speelman, al tôt besluyt,
Speelt dat matlotjen uyt.
VOYAGE EN ISLANDE.
Daer wierd al zoo menig meyd
Dezen nacht adieu gezeyd. 1. En l'an dix-sept cent, n'en soyez pas surpris, nous allons tous
Als de foye was gedaen, à Nieuport pour prendre un engagement . C'est dans le mois de mars
Wilt verstaen, qu'on se prépare pour le voyage, quand tous les préparatifs sont faits ;
nous faisons foye , cela va sans dire.
't Zal wel gaen,
2. Chacun doit s'y trouver avec sa bien aimée ; ménétrier, pour
Moeten wy dan zeylen gaen. finir, joue nous encore cette matelotte 3. Plus d'un couple se dit adieu
cette nuit. Quand la foye est terminée, nous devons, bien entendu,
3. Vooreerst moesten, wy zeylen mettre à la voile.
Dry hondert zestig mylen ; 3. D'abord nous devons faire trois cent soixante milles pour passer
Zoo passeeren wy 't zand, le banc de sable que nous évitons joyeusement. Nous allons par le
Lustig, geestig, plaisant. petit détroit ; nous voguons sans crainte jusqu'à ce que Fayrel
Onze coers is 't Kleyngat deui, se présente à notre vue. Nous fuyons rapidement l'île Fulo.
En wy loopen zonder getreur ; 4. L'Océan, sachez-Ie bien, n'a pas de fond. Nous continuons notre
Wy krygen Fayerelle in 't zigt, voyage laissant Féroé à tribord ; et nous poussons notre course droit
't Is 1 iet sligt. aux îles Westermans. Nous voguons avec courage et gaîté, jusqu'à
ce que nous saluions le mont Hécla.
G'heele ligt,
Dat men 't eyland Fulot zwigt. 5. Puis ce sont les îles de mauves ; là le froid se fait sentir ; ne le
craignez pas. Regardez le mont Jokel se dresser devant nous. Nous
poussons ensuite jusqu'à la pointe de Bredefiort ; larguez les voiles,
4. D'Oceaensche zee, wilt weten, et s'il y a chance, commencez à pêcher.
Daer is geen grond te meten.
6. Matelots, prenez courage ! que l'équipage se divise en deux ;
Wy zeylen dan weêr voort rentrez le foc et la voile d'été ; nous avons du succès. Quand apparaît
En laten Feroe aen stierboord ; le mois de mai, nous attendons le vent d'ouest ; jusqu'à ce qu'il se
En zetten ons coers alsdan fasse sentir, nous pêchons avec bon courage.
Regte naer de Westermans.
7. La baie ne donne plus de poisson ; cela nous chagrine. Nous vo-
Dan zeylen wy metter spoed, guons de là vers la pointe de Direfiort ; la pêche est désormais ter-
Met gemoed minée à l'ouest. Nous mettons de nouveau à la voile et, d'un commun
Alzoo zoet, accord, nous arrivons au Cap Nord.
Tôt men den berg Hecla groet. 8. Vient le mois de juillet t a n t désiré ; alors nous faisons voile pour
partir, disant : adieu, Cap Nord. Nous rencontrons avec bonheur
5. Toen by de Vogelscharen l'ile de Grimsey et nous voguons en hâte vers la pointe rouge ; et
De koude is men geware ; de là, à la baie bleue qui nous donne beaucoup de cabillaud.
En weest toch niet belaên, 9. Le mois d'août arrive ensuite ; chacun songe à sa bien-aimée ;
Ziet voor u den Jokel staen. nous courons vers le sud, la pêche est tinie. Quand le quinzième jour
Wy varen wederom voort approche et que le vent souffle du nord, chacun de nous, pour qui
Naer den hoek van Bredefiort. l'absence a été une leçon d'amour, dit : adieu, Langucnesse.

Haelt op u karegador, 10. Laissez donc aller le navire ; qu'il fasse écumer les vagues ;
Met een woord, déployez le hunier. lJ'atelot, apporte-nous la bouteille ! Pilote, à
bâbord ! regarde, voilà Nieuport. Puis, d'un commun accord, nous
Zoo 't behoort, tenons la côte jusqu'à Dunkerque.
Haelt den visch maer binnen boord.
VERTREK NAER ISLAND. Ces deux chansons dunkerquoises relatives
à la pêche à la morue en Islande semblent
dater du XVIIIe siècle et sont restées long-
temps très populaires à Dunkerque. Elles y
ont été collectées au début du XIXe siècle par
l'ethnomusicologue Edmond de Coussema-
ker qui les a publiées sous les numéros LXIV
et LXV dans son recueil de « Chants Popu-
laires des Flamands de France » (1856).

Ce sont les premiers « documents » qui


fassent mention des « foyes » qui marquaient
le départ des Islandais.

« Reys naer Island » donne une foule de


1. Alle die willen naer Island gaen, renseignements sur l'ensemble de la cam-
Om kabeljauw te vangen
En te visschen met verlangen.
pagne. L'engagement se fait à Nieuport tout
Naer Iseland (bis), naer Iseland toe ; simplement parce que les armateurs dunker-
Tot- driendertig reyzen zy zyn nog niet moê. quois possédaient souvent une double natio-
2. Als den tyd van de foye komt aen, nalité, et suivant la « conjoncture » (les états
Wy dansen met behagen de guerre en particulier), faisaient naviguer
En me weten van geen klagen.
Maer komt den tyd (bis) van naer zee te gaen,
leurs dogres tantôt sous pavillon autrichien,
Iedereen is al met een zoo zwaer hoofd belaên. tantôt sous pavillon français. Le départ a lieu
en mars, probablement par vent de secteur
3. Alser de wind van het noorden waeyt,
Wy gaen naer de herberge Ouest, ce qui permet au dogre qui remonte
En wy drinken zonder erge. mal au vent de partir au largue, par la Mer du
Wy drinken daer (bis) al op ons gemak
Tot dat den lesten stuyver is uyt onzen zak.
Nord ; après avoir évité le Dogger-bank ici
appelé « banc de sable », le navire longe la
4. Alser de wind van het oosten waeyt,
Den schipper, bly van herten,
côte britannique est ; au Nord de l'Ecosse, il
Zegt : « Wat willen wy laveren ? change de cap vers le Nord-Est en passant
't Zal beter zyn (bis), ja 't zal beter zyn entre les îles Shetland et les îles Orcades par
Te loopen voor de wind regt de canele in. »
le « petit détroit » en direction des îles Férroé
5 ■ Langs de Leezaers en de Schorels voorby ; qu'il laisse au Nord. L'Islande est en vue, le
Van daer al naer Cap Claire, froid se fait sentir, l'équipage se divise en
Die niet weet, hy zal wel leeren.
Toen komter by (bis) onzen stiereman, deux bordées et la pêche commence. Le
En hy geeft ons de coers regte naer Iseland. bateau se déplace en suivant la migration des
cabillauds, jusqu'à ce que le mois d'août
6. Dan loopen wy 't eyland Rookol voorby ;
Al naer de Vogelscharen vienne donner le signal du retour vers
Dan kan ieder openbaren, Dunkerque.
En van daer naer (bis) den hoek Bredefiort
Daer smeten wy de kollen al buyten bord.
« Vertrek naer Island » est de la même
inspiration, mais, après la foye, le vent du
DÉPART POUR ISLANDE.
Nord contrarie le départ et les hommes tuent
1. Tous ceux qui veulent prendre des cabillauds et faire bonne pê- le temps à l'auberge en buvant « tant qu'il
che, s'en vont en Islande ; oui, en Islande, en Islande ! après trente-
trois voyages, ils en se sont pas encore fatigués. reste de l'argent dans le gousset ». Finale-
2. Quand vient le moment de faire la foye , on danse et l'on s'a- ment, pour éviter de louvoyer, le bateau part
muse ; persônne ne se plaint. Mais vienne le moment de s'embar-
quer, alors chacun se sent la tête lourde. vers l'Ouest et navigue au largue jusqu'au
3. Si le vent souffle du nord, nous allons au cabaret pour y boire cap Lizard, double les îles Scilly et laisse
sans souci. Nous buvons à loisir tant qu'il reste de l'argent dans le
gousset. l'Irlande à l'Est en passant le cap Clear...
4. Dès que le vent tourne à l'est, le marin, d'un air joyeux, dit :
pourquoi louvoyer ? mieux vaut aller droit avec le vent par la Man-
che. Ces deux chansons ont fait l'objet de
5. Nous doublons le cap Lézard et les îles Sorlin5ues ; de là nous
marchons au cap Clare. Ceux qui ignorent la route apprendront à
plusieurs enregistrements en particulier
la connaître. Vient alors le pilote qui nous dirige droit à Isla:lde. « Chants des marins des côtes de Flandre et
6. Puis nous doublons l'île Rokcl et l'île des mauves. De là nous des Pays-Bas » co-produit par « Westhoek-
entrons dans le Bredefiort où nous jetons les hameçons. Editions » et le « Chasse-Marée ».
« Comment les hommes peuvent-ils fournir pareille somme de travail ? La nature est parfois plus
forte que leur volonté et il arrive que les pêcheurs tombent endormis sur leurs lignes » (12). La
température extérieure dépasse rarement 7 à 8° C et les mains sont crevassées de gercures qui ne
guérissent pas. Les vêtements ne sèchent pas et les hommes dorment tout habillés sur une étroite
couchette qu'ils partagent avec un pêcheur d'une autre bordée. L'habitacle exigu, enfumé par un
fourneau à charbon, est vaguement éclairé par la pâle lueur fuligineuse d'une lampe à huile de
poisson. Même au XIXe siècle, dans les goélettes plus spacieuses, Henri Durin décrit le logement
de l'équipage comme « un trou infect, manquant de lumière, le plus souvent humide » (13). La
faible quantité d'eau embarquée (750 litres/homme/mois en 1817), est presqu'exclusivement
réservée aux besoins de la cuisine et les conditions d'hygiène sont pour le moins précaires. A
l'odeur dûe à la promiscuité viennent s'ajouter les relents écœurants provenant de la salaison des
morues et des foies stockés dans des tonnes où ils se décomposent en une huile épaisse. Les vivres
embarqués avec parcimonie sont souvent épuisés ou gâtés avant la fin de la campagne et les
hommes se nourrissent presqu'exclusivement de poisson. Il faut avoir une constitution solide pour
résister à la moindre maladie : en cas de coup de froid, les soins se limitent à des frictions et à des
sudorifiques, le bol de vin chaud constituant un remède exceptionnel réservé aux cas désespérés...

Dogre dunkerquois. [Musée de Dunkerque, photo Grafic Foto].

Les conditions de vie à bord, la dureté du climat ne sont peut-être que peu de chose en
comparaison de l'isolement moral dans lequel vivent ces hommes qui restent six mois sans
nouvelles de leur famille : ce n'est qu'à la fin du XVIIIe siècle et surtout au XIXe siècle qu'un peu de
courrier commence à circuler de manière très sporadique lors du va-et-vient des « navires
chasseurs » (14). Pendant toute la campagne, il est formellement interdit aux dogres de stationner
en baie et, à plus forte raison d'aborder dans l'île, sauf cas de force majeure pour lesquels les
capitaines doivent rédiger un rapport circonstancié. Au cours de ces escales exceptionnelles,
l'équipage n'est pas autorisé à descendre à terre. Vie cloîtrée, monotone, que rythment seuls les
chants de relève, les prières récitées en commun et les repas pris par bordée, dans la crainte du
prochain coup de vent : « on sait avec quelle rapidité se forment les tempêtes dans les parages
d'Islande. A la mer la plus calme au soleil le plus radieux, succèdent le plus terrible coup de vent, la
brume la plus opaque. Des tourbillons de neige obscurcissent en quelques instants l'atmosphère.
Des rafales furieuses, des lames énormes entraînent vers les brisants les navires qui se sont laissé
surprendre... » (15). Dans ces cas désespérés, il ne reste souvent aux pêcheurs qu'à faire brûler un
cierge béni à la « Petite Chapelle » le jour de la Chandeleur et à demander l'intercession de
« Notre-Dame des Dunes », la vierge salvatrice dont personne à bord n'a manqué d'emporter une
statuette protectrice ; à leur retour qui s'échelonne entre le 20 août et le 2 septembre, tous
participeront à la neuvaine de la Petite Chapelle, remerciant la Madone dunkerquoise de les avoir
protégés « au milieu des dangers ».
La peur du naufrage, l'isolement moral, une vie très dure sont difficilement supportés et
beaucoup d'hommes cherchent l'oubli dans l'alcool. Outre la petite bière, boisson quotidienne
distribuée à raison d'un pot (2,2 litres) par homme et par jour, la consommation de genièvre est
impressionnante : pour la durée de la campagne (moins de 180 jours) chaque dogre emporte
officiellement 40 litres de cet alcool par membre d'équipage qui en reçoit environ 1/4 litre par jour.
En réalité, les quantités consommées sont bien supérieures : avec la complicité des capitaines,
beaucoup de genièvre est embarqué à la place d'autres provisions de bord lors de l'armement du
navire ou encore clandestinement en rade de Dunkerque. Les abus d'alcool, courants dans le
monde maritime de cette époque, ont inspiré la célèbre chanson dunkerquoise « De twaelf
glazen » (les douze verres de genièvre) reproduite page 12. Ils ont été à l'origine de nombreuses
catastrophes en Islande, et il ne manque pas de récits de capitaines qui ont perdu ou endommagé
leurs navires parce que les marins n'étaient plus en état d'effectuer les manoeuvres. Aussi, sous la
pression des armateurs et de leurs compagnies d'assurance, la quantité de genièvre destinée aux
hommes d'équipage embarqués pour l'Islande a constamment diminué, passant de 0,25 1par jour
au XVIIIe siècle à 0,04 1 en 1935. De plus, la majeure partie de l'alcool n'était plus distribuée à
l'état pur mais diluée dans de l'eau bouillante ou du café chaud, pour fabriquer un breuvage
portant le nom de « gloria » : « à la première heure du jour, chaque homme reçoit sa ration d'eau
de vie. Il en absorbe aussitôt la valeur d'un petit verre. Le reste sert à composer les « glorias » et ce
soin est laissé aux hommes de poste » (16).
Les six mois passés à bord des dogres armés pour la pêche à la morue en Islande dans la
crainte de laisser une veuve et des orphelins sans aucune ressource en cas de disparition en mer
n'encourageaient pas les pêcheurs dunkerquois à s'embarquer de gaieté de cœur pour de telles
campagnes qui d'ailleurs tournaient parfois à la mutinerie (17). Aussi, les armateurs étaient-ils
contraints de verser une partie du salaire à titre d'avance pour pouvoir recruter leurs
équipages (18). A cette avance s'ajoutait la « foye », transcription phonétique du mot flamand
«fooy » qui signifie « festin » ou « fête ». Cette foye était organisée dans une auberge appelée
« foyus » transcription phonétique du flamand « foyhuys ».
La tradition rapporte qu'à l'origine, la foye était destinée à renforcer les liens qui devaient unir
les marins pendant des mois de vie commune. Ce sont deux vieilles chansons dunkerquoises
relatives à la pêche à la morue en Islande, « Reys naer Island » (voyage en Islande) et « Vertrek
naer Island » (départ pour l'Islande) qui, les premières, font allusion à ces « foyes ». Collectées
dans la première moitié du XIXe siècle par l'ethnomusicologue flamand Edmond de
Coussemaker (19), elles sont d'ailleurs intéressantes à plus d'un titre (voir pages 14 et 15). Dans
leurs premiers couplets, elles décrivent les préparatifs du départ et font mention de la foye qui
semble consister en un repas bien arrosé au cours duquel les pêcheurs et leurs compagnes dansent
au son du violon : « quand vient le moment de faire foye, on danse et on s'amuse ; personne ne se
plaint. Mais vienne le moment de s'embarquer, alors chacun se sent la tête lourde » [Vertrek naer
Island]. « Quand tous les préparatifs sont faits, nous faisons «foye » cela va sans dire. Chacun doit
s'y trouver avec sa bien-aimée ; ménétrier, joue-nous encore cette « matelotte ». Plus d'un couple
se dit adieu cette nuit. Quand la foye est terminée, nous devons bien entendu, mettre à la voile »
[Reys ner Island].
Raymond de Bertrand décrit cette foye comme une « sorte de fête que se procurent les
navires de pêche quelques jours avant leur départ vers l'Islande. Tous les marins auxquels se
joignent leurs femmes entendent simultanément la messe. Le midi, ils se réunissent de nouveau
dans quelque auberge pour y prendre un repas en commun, et, le soir, ils se livrent à des danses
au son du violon. L'armateur fait les frais de la journée pour une somme fixe, et l'équipage qui ne
sait pas toujours se borner dans ses amusements en supporte le reste. On se livre assez
fréquemment à des excès, dans ces réunions dans ces réunions où la bière et les spiritueux coulent
à grands flots, et comme la mésintelligence dans un équipage est une chose fâcheuse, les
armateurs ont fait tout ce qu'ils ont pu pour abolir cette fête. Quelques-uns ont réussi et paient
pour en faire un meilleur usage, à chaque homme, lors de la liquidation des avances, une certaine
somme à titre de folhuys » (20). « Le dimanche qui précède le jour du départ, le Rosendael reçoit
toutes'les familles, c'est comme une ducasse : on rit, on chante, on danse, on boit » (21). « Le
fooihuys est dépensé dans un établissement ou cabaret fixé d'avance. Les hommes s'y rendent
accompagnés de leurs femmes : la boisson préférée est le « gloria » composé d'eau chaude, de
rhum et de sucre » (22). Il semble bien que le « Rosendael » comme on disait alors ait été un des
lieux de prédilection pour la foye des Islandais. Ainsi Henri Durin cite un départ de nuit décidé à
l'improviste par les capitaines qui voulaient profiter d'un vent favorable : « à minuit, la plupart de
nos jeunes marins étaient encore tout à la danse et à leur joyeux ébats à Rosendael, au « Retour de
la pêche », quand, et quelle ne fut pas leur douleur, arrivèrent plusieurs patrons pour les prévenir
qu'il fallait partir. Tous suivirent, à part un petit nombre d'attardés qui durent s'embarquer tout
endimanchés » (23).

Le carnaval à Dunkerque au XVIIIe siècle :


de la foye à la visschersbende.
Il n'est pas difficile d'imaginer le tapageuse animation créée par le rassemblement de 600 à
1200 marins en goguette avant leur départ vers l'Islande ! On peut supposer qu'un jour leur
« foye » a coïncidé avec les jours gras et que les participants ont eu l'idée de se masquer : la
visschersbende était née. Aucun document ne permet de préciser exactement la date à laquelle le
phénomène s'est produit. Il est cependant certain que dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, il
existait à Dunkerque un carnaval des rues fréquenté par les gens de mer se déplaçant « par
troupe ?, comme le relate le «journal» d'Henri Verbecke, avocat et échevin de la ville de
Dunkerque (24) : « Les 26 et 27 février 1759, jours du camaval, il y eut des masques et des bals
publics à l'ordinaire. On avait délibéré au Magistrat (1) si on défendrait aux masques de courir par
les rues, mais la chose avait paru très difficile et même impossible, attendu le nombre de matelots
et de gens de mer appartenant aux frégates qui étaient dans le bassin et qui, étant sur le départ,
avaient reçu une partie de leurs gages. Quelques-uns des magistrats étaient d'avis de demander
main forte à M. du Barail (25), mais on représenta que les masques allant par troupes pourraient, la
tête échauffée, vouloir résister aux patrouilles qui prétendraient les empêcher et cela pourrait
occasionner des attroupements et même des séditions populaires ; que d'ailleurs les prisons
n'étaient pas grandes assez pour y mettre les masques dans le cas qu'on voulut les forcer par la
prison. On laissa donc subsister l'ancien usage ».
Ce texte mérite une attention toute particulière. Ecrit pendant la guerre de Sept Ans, il fait
essentiellement allusion à des marins embarqués sur des navires de guerre. En effet, tout comme
les pêcheurs, « les matelots, dès qu'ils étaient enrolés touchaient des avances. Et lorsque tout était
prêt pour l'appareillage, tous se réunissaient aux frais de l'armateur en une auberge où se donnait
une fête de départ appelée folhuys ou foyus. Après un repas pris en commun, la danse
commençait au son du violon. Le plus souvent, les boissons coulaient à flot et une bonne partie
des avances passait dans la caisse du cabaretier, car l'armateur ne s'avançait que jusqu'à
concurrence d'une certaine somme et les matelots, une fois entraînés, dépassaient les limites
autorisées. Après les libations, il était difficile de les rassembler » (26). Le terme « frégate » semble
corroborer ce fait. Il est pourtant intéressant de remarquer que Henri Verbecke distingue les
« matelots » des « gens de mer », ces derniers devant probablement être des pêcheurs. S'agirait-il
de la première description d'une manifestation proche de la visschersbende, coutume qui aurait
existé depuis déjà un certain temps puisqu'on laissa « subsister l'ancien usage » ?.
Les masques continuèrent donc à courir par les rues sans hésiter à entrer partout où ils le
pouvaient au point que le 7 février 1782, la loge maçonnique « Amitié et Fraternité » est fermée
pendant les jours gras pour éviter le scandale que les masques étrangers pourraient y causer (27).
Le carnaval fut toléré pendant les premières années de la Révolution comme le confirme le
registre des délibérations municipales : « L'an deuxième de la République »... « Le quatre février,
la Municipalité assemblée, a été arrêté de faire une proclamation pour permettre les Mascarades,
sans armes ni bâtons à peine d'emprisonnement et de cinquante livres d'amende » (28). L'année
suivante, la Terreur interdit toute manifestation carnavalesque et le conseil de la commune de
Dunkerque rappelle « qu'il ne sera donné aucune permission pendant le temps que l'on appelait
anciennement camaual , en remplacement les citoyens sont invités à « prendre part aux
divertissements qui auront lieu décadi prochain sous l'arbre de la liberté » (29). Cette interdiction
provoqua des troubles qu'il fallut apaiser en faisant appel à l'armée.
A la mort de Robespierre, une fièvre de plaisir s'empare de toutes les classes de la société qui
semblent vouloir regagner le temps perdu. Le carnaval n'en demeure pas moins interdit à
Dunkerque comme le rappelle un arrêté départemental du treize pluviose An VII (1er février 1799)
qui charge l'Administration Municipale de « défendre à tout individu de se montrer masqué ou
travesti dans les rues, places ou lieux publics, de faire arrêter les contrevenants comme
perturbateurs du repos public, de les traduire au tribunal de Police Municipale ». Cet arrêté
départemental rend de plus l'Administration Municipale « responsable des rixes, des troubles et
des attentats qui seront commis par des individus masqués à la sûreté des personnes et des
propriétés » (30). L'affaire est assez grave pour que l'Administration Municipale, provisoirement
présidée par le « citoyen Thélu, officier municipal », se réunisse en séance extraordinaire le 14
Pluviose, et décide de s'opposer au pouvoir départemental : « Considérant que par lettre écrite à
l'administration centrale le sept de ce mois, elle l'avoit prévenue qu'elle n'avoit pas cru devoir
défendre la mascarade pendant les trois jours des cydevant carnavals, parce que cet amusement
est celui de la classe la moins fortunée du peuple, qu'il n'avoit d'ailleurs aucune analogie avec le
fanatisme religieux puisque les prêtres ont constamment proscrit ce genre de plaisir, et que sous le
rapport de la Police et de la tranquillité publique il n'y avoit point d'inconvénient de le tolérer,
l'expérience aiant prouvé qu'il n'en était jamais résulté de désordre.
Considérant que l'exécution de cet arrêté peut produire un effet contraire par le
mécontentement que cette mesure trop retardée occasionneroit parmi les ouvriers et marins, qui
déjà avoient fait tous les frais et qui n'aiant annuellement que cet amusement se retireraient dans
les cabarets et par suite se livreraient à des excès, parce que cet arrêté leur paraitroit blesser
l'Egalité, puisque les personnes aisées ont depuis le commencement de l'hiver jouis de tous les
plaisirs que cette saison offre ordinairement, tels que redoutes, bals de nuit, repas splendides et
que les craintes paraissent d'autant plus fondées que l'arrêté susdit n'étant arrivé que ce jour, et
nos administrés ne connaissant de loi qui ait interdit ces travestissements pendant les cydevant
jours gras, tous ont de confiance fait leurs dispositions et des frais : d'une part, les foumisseurs
d'habillement de masque ont comme d'usage, fait confectionner depuis le commencement de
l'hiver une quantité considérable de déguisements qui les ont constitués dans des dépenses
énormes, et»... « se trouveraient ruinés, de l'autre les personnes qui s'adonnent à ce genre de
plaisir, ont depuis plus de deux décades réuni des habillements sur lesquels ils ont donné des arres,
qu'ils voudraient se faire rendre par voie de fait, d'où il résulteroit inévitablement du désordre. Il en
est de même à l'égard de ceux qui ont loué des locaux pour les bals masqués, ainsi que pour
l'hospice qui a perçu à l'avance le droit qui lui est attribué et qu'il ne pourroit rendre attendu que le
montant de ces recettes est déjà dépensé. Considérant que la même défense a existé au
commencement de la Révolution et que loin d'avoir concouru au maintien de la tranquillité, elle a
au contraire excité un désordre qu'il n'a été possible d'apaiser qu'en opposant une grande masse
de troupes qui se trouvoient alors en gamison dans cette place, que maintenant où la force armée
ne consiste pour ainsi dire que dans la garde nationale l'on peut d'autant moins compter sur son
appui pour l'exécution dudit arrêté que la plupart des citoyens qui la composent se livrent à ce
plaisir, et que ce serait d'ailleurs opposer le citoyen au citoyen et souvent même le parent au
parent d'où il s'ensuivrait que l'autorité serait méconnue par la multitude malgré tous les efforts.
L'administration d'après les motifs et considérations cy-dessus détaillés, arrête à l'unanimité,
qu'il sera surcit à la publication de l'arrêté... » (30).
Le « citoyen Thélu » a bien mérité du carnaval ! Il est vrai qu'il ne courait guère le risque de
voir la manifestation dégénérer. Tous les témoignages concordent pour affirmer qu'il existait déjà à
cette époque une autodiscipline remarquable que confirme un observateur anonyme : « Je saisis
l'occasion qui se présente ici de rendre aux Dunkerquois la justice qui leur est due. Ils aiment à se
réjouir, à s'amuser à certaines époques de l'année, mais toujours sans troubler l'ordre public.
Les étrangers ont pris leur esprit paisible, se sont divertis avec eux les jours de kermesse et
masqués avec eux dans les jours gras, sans qu'il soit rien arrivé qui méritât une punition un peu
sévère » (31).
Le « Furet », lougre corsaire commandé par Gaspard Malo.
[Musée de Dunkerque, photo Grafic Foto].
Chapitre 2

AU TEMPS DES PIERLALAS


Le carnaval dunkerquois
au début du XIX siècle

Au siècle dernier, l'activité économique de Dunkerque est dominée par l'expansion


considérable de la pêche à la morue qui atteint son apogée en 1861 : la flottille, désarmée durant
la Révolution, compte 131 goélettes et 5 « petits bateaux » qui amènent 2135 hommes en
Islande (32). Dunkerque arme alors bien plus de navires pour la pêche à la morue que tous les
autres ports de France réunis, suprématie qu'elle conserve jusqu'à l'aube du XXe siècle. Outre les
pêcheurs et les armateurs, la pêche en Islande fait vivre bon nombre d'autres métiers :
charpentiers de navires, voiliers, cordiers, tonneliers, repaqueurs...
Dans un tel contexte, le caractère maritime du carnaval dunkerquois ne pouvait que s'affirmer
et, dès le début du XIXe siècle, la visschersbende conquiert ses lettres de noblesse, rassemblant
dans ses rangs désordonnés toutes les classes sociales dans un « pêle-mêle grouillant de vieilles
défroques disparates, dans un fouillis sans nom d'oripeaux frippés » (33). La bande des pêcheurs
évolue alors à l'image de la pêche en Islande dont elle suit les vicissitudes : dans les périodes de
forte activité et de prix soutenus (donc de bons salaires), les visschersbendes réunissent des milliers
de masques et, durant les trois jours de carnaval, la bière et le genièvre coulent à flot ; les grandes
catastrophes, en particulier celles des années 1835-1839 au cours desquelles périssent plus de 400
marins, déclenchent de nombreux élans de solidarité et, en temps de carnaval, on organise des
bals de bienfaisance et des quêtes sur le parcours de la bande des pêcheurs ; la fin du siècle,
marqué par le déclin de la pêche dunkerquoise à la morue, menace de provoquer la disparition de
la visschersbende.

'n N e u z e n uyt !
On ne sait que peu de choses du carnaval dunkerquois sous l'Empire. Des bals parés et
masqués sont organisés dans la salle de spectacle, mais les temps sont durs à Dunkerque où le port
a été totalement délaissé au profit d'Anvers. Les avis que publient les loueurs de costumes reflètent
bien le malaise économique (voir page 34).
C'est à cette époque qu'aurait eu lieu un exploit extraordinaire attribué au capitaine corsaire
dunkerquois Gaspard Malo (34). Dans la nuit du mardi gras au mercredi des cendres 1809, après
le carnaval, il fait embarquer ses vingt quatre hommes d'équipage encore masqués et déguisés à
bord du « Furet », un lougre armé de quatre canons. Dans la matinée, le navire corsaire qui croise
à 15 miles de Dunkerque rencontre une galiote hollandaise qu'il décide de capturer. Le « Furet »
qui navigue sous pavillon neutre se rapproche facilement du bateau convoité. Gaspard Malo
commande alors à son équipage « 'n neuzen uyt » ce qui, en flamand, signifie « les masques
dehors » (35). L'équipage dunkerquois monte aussitôt sur le pont et les marins se mettent à
chahuter et à danser en chantant à tue-tête les chansons de carnaval de l'époque. Confiant, le
bateau hollandais se laisse si bien approcher qu'il se fait grappiner et aborder avant d'avoir réagi et
que les corsaires carnavaleux s'en emparent sans coup férir.
En 1814, sous la pression de la 6e coalition, Napoléon évacue la Hollande laissant Dunkerque
sans défense, ce qui oblige à « tendre l'inondation » (36). La situation est alors si critique que le
maire interdit toute manifestation carnavalesque, décision qui n'est prise que dans les cas
extrêmes (37).
Les bals masqués
Le carnaval dunkerquois a déjà pris sa forme définitive et se divise en deux groupes d'activités
bien distincts : les bals masqués et les défilés dans la rue.
Les bals masqués sont marqués par une très importante discrimination sociale comme le
montre clairement le témoignage laissé par G. Fleury (38). Au Bal de Sainte Cécile, il a respiré
« avec délices le parfum du musc et de l'essence de rose » et son beau domino de satin chamaré
n'y a été taché que par quelques traces de poudre laissées par de « jeunes et belles marquises »
dont il a effleuré les fraîches toilettes. Organisé dans un but charitable, le bal de Sainte-Cécile n'est
fréquenté que par la bourgeoisie huppée « réunie pour le plaisir et la bienfaisance » et il manque
quelque peu de chaleur. Au « Bal du Spectacle » ou « Bal de l'Opéra », il y a foule et les galantes
rencontres dans les troisièmes et les loges grillées alimentent « les caquets et les médisances »... Au
cabaret du « Papier Lanteern », c'est la bande des pêcheurs qui déferle : « c'est au Pampieren
Lanteeren (39) que va se reposer en dansant toute la nuit, cette troupe de pêcheurs qui, tout le
jour, a roulé dans la rue comme une avalanche. Singulière manière de se reposer, n'est-ce pas ?
C'est au Pampieren Lanteeren qu'éclate la grosse joie, l'ivresse bruyante du peuple marin. C'est
au Pampieren Lanteeren que la pêcheuse de grenades (40) danse la Pastourelle avec le pêcheur
de morue, que la marchande de poisson galope avec le déchargeur du port. Vous diriez une grosse
charge de cavalerie, tant ces messieurs et ces dames y mettent d'abandon et de laisser-aller.
Effacez-vous promptement, collez-vous à la muraille pour faire place au tourbillon, ou vous courez
le risque d'être renversé et foulé aux pieds, l'escadron entier vous passera sur le corps, car je doute
qu'il y ait force humaine qui puisse l'arrêter lorsqu'il galope »... « Et bien ! les pêcheurs et les
pêcheuses s'amusent dans cette galère mieux peut-être que nous au bal de Sainte-Cécile ». Ici, pas.
de doux propos murmurés à l'oreille des danseuses, pas de préciosités, mais des invitations
galantes formulée dans le langage le plus cru... Ne croirait-on pas lire une description de nos
actuels bals d'après-bande ? Tout y est, même le « parfum irritant de bière, de poisson sec et de
tabac qui saisit à la gorge ». Que diable G. Fleury allait-il faire dans cette galère ? Son beau domino
à peine poudré au bal de Sainte-Cécile, se retrouva fariné par un « maître paillasse » au bal de
l'Opéra et acheva sa vie au Papier Lanteern.

Dans la rue
« Il y a foule, chacun veut payer son tribut au carnaval : c'est une contagion, cela se
gagne » (38). « A neuf heures du matin, le dimanche de la quinquagésime, on voit déjà de jeunes
mioches travestis circuler dans les rues, et, à l'issue de la grand'messe, « agter d'hooghe misse »,
ainsi qu'on le disait autrefois, on entend les tambours et le fifre de la bande des pêcheurs, « de
Visschersbende », qui font leur première tournée pour faire des recrues » (41).
Le dimanche gras est le jour d'un fantastique cortège au milieu duquel s'avance le Reuze :
revêtu d'un ancien costume militaire aux couleurs vives, coiffé d'un bicorne à cocarde tricolore
armé d'un large cimeterre, il a vraiment fière allure ! Son passage est annoncé par le « keerd uw
eens om » joué à la cornemuse, au fifre et au tambour par un groupe de musiciens en costume du
XVIIIe siècle. Il est escorté par les « macabres », personnages en forme de boule multicolore qui
sont chargés d'écarter la foule sur son passage.
A la tête du cortège, les « Pierlala » (prononcer « Pirlala ») ou « polichinelles-vampires »
personnages légendaires du carnaval de Dunkerque se livrent aux pires excentricités et cherchent
à choquer les bourgeois par leur saleté et leur grossiéreté grivoise. « Le Pierlala, c'est le bossu,
mais le bossu qui a passé ses nuits de carnaval en orgies, qui est tombé dans le ruisseau en
cherchant sa porte, et qui a pris un vieux chapeau de sa femme pour le sien tant il était ivre » (38).
Leurs costumes sont souillés par la boue du ruisseau dans laquelle ils se roulent volontiers avant
d'aller frotter leurs bosses déformées sur ceux qui, par malheur, se trouvent sur leur passage :
« Quel plaisir ! Rencontrions-nous dans la rue un de nos camarades non travesti, nous
l'entourions ; nos bosses se serrant en cercle, l'enfermaient, le serraient jusqu'à le faire crier et lui
ôter sa respiration ! Alors, nous ébranlant en cadence, nous sautions à qui mieux mieux et nous le
forcions à suivre cet irrésistible exemple ! Plus d'une fois, feignant de faire un faux-pas, l'un de
nous se laissait choir dans l'eau de quelque ruisseau... Alors il menaçait de ses embrassades
compromettantes les amis, les inconnus qu'il rencontrait. Les dames mêmes n'étaient pas à l'abri
de ces témérités ! Quel plaisir de voir fuir devant vous les plus jolies personnes de la ville ! de les
Le carnaval de Dunkerque sous la Restauration, aquarelle publiée par Henri Durin. [Ex. «Dunkerque à travers les siècles », collection René Dehaene].

entendre se récrier, puis revenir de plus belle avant que le danger fut passé » (42). Coiffés d ' u n
vieux chapeau de femme retourné, armés de battes, ils sèment la panique en fonçant dans la foule
massée le long du passage du cortège, ce qui leur vaut d'ailleurs parfois de cruelles mésaventures :
« un brave campagnard des environs, houspillé un p e u trop cavalièrement p a r nos bossus, se
fâcha tout rouge. C o m m e il était doué d'une force peu ordinaire, il saisit l'un d'entre eux et,
avisant un de ces crochets de fer qui se trouvent à la devanture des bouchers, il l'y suspendit p a r sa
bosse, aux applaudissements répétés des spectateurs » (41). Le « Pierlala » est l'exemple type de
l'inversion des classes sociales et de la licence des m œ u r s en temps de carnaval : ce sont les jeunes
gens des meilleures familles de la ville qui forment le gros de leurs rangs bien que « quelques
hommes d'un âge mûr trouvent toujours le moyen de s'y glisser... C'est bon genre à ce qu'on m'a
assuré » (42).
Mélangés aux Pierlalas, les bossus s'en distinguent par la fraîcheur de leur costume vert ou
rouge rehaussé de galons d'or, par leurs « deux bosses tirées au cordeau » (38), par leur grand
chapeau pointu, leur collerette en fraise, et leur visage masqué. Les bossus se recrutent également
parmi les classes les plus distinguées de la ville et leur « bande joyeuse, un petit panier à la main, se
précipite comme un torrent dévastateur et met tout en fuite sur son passage » (41).
Derrière les bossus et les « Pierlala » précédée d'un « cheval jupon » identique à ceux qui
protègent le Reuze de Cassel, s'avance une musique improvisée : bouquin, flûte, violon jouent au
rythme du tambour, des cymbales et de la grosse caisse. Les musiciens portent les mêmes
L e c a r n a v a l d e D u n k e r q u e s o u s la R e s t a u r a t i o n . [Ex. Henri Durin « Dunkerque à travers les siècles », collection René Dehaene].

costumes que ceux de la bande de masques qui les suit et que semble diriger un Polichinelle : des
Arlequins, Colombines, Dominos, Marquises, Gilles, Paillasses, magiciens et « petites vieilles » à la
cape grise, mais aussi des « Turcs » coiffés d'un turban orné d'un croissant d'or, portant une veste
et un gilet aux couleurs vives et un large pantalon serré à la cheville, des « Romains » vêtus d'une
longue robe rouge, d'un pantalon blanc et coiffés d'un cylindre sans bord planté d'un bouquet. Au
premier plan, un bossu égaré rafraîchi sa bosse dans la boue du ruisseau.
Le violon qui ferme la marche précède une bande d'enfants costumés arborant les couleurs
de Dunkerque. Derrière s'avance un groupe formé de pilotes et de bazennes (44) aux riches
costumes, de « coursiers » (corsaires) qui soufflent dans un « teutre » (45), des pêcheurs d'Islande et
des pêcheuses de « grenades » (40). La musique qui les suit est composée de musiciens de la
Garde Nationale dont certains ont revêtu le costume des pilotes et d'autres celui des marins
dunkerquois : chapeau verni de forme plate, chemise de laine rouge, pantalon bleu partiellement
recouvert par un jupon de toile.
Un esquimau sur sa périssoire précède les armes de la ville : un chevalier à la queue de
dauphin. Juste derrière, voici le bateau de Jean Bart qui semble avancer de lui-même tant les
rameurs, qui portent l'ancien costume des marins dunkerquois, y mettent d'énergie. Le Chef
d'Escadre est au gouvernail, couronné par la Victoire assise à la poupe ; devant lui, Mars se tient à
droite et Neptune à gauche.
Derrière le Reuze arrive un groupe de diables qui se tiennent par la queue. Vêtus d'un
costume de lustrine sombre agrémenté de flammes rouges, la tête revêtue d'une cagoule avec des
cornes rouges sur le front et une langue de flamme pendante, ils hurlent des grivoiseries et,
frappent à tour de bras sur les spectateurs avec une vessie gonflée. Ils descendent peut-être des
diables qui accompagnaient le cortège du Reuze lors de la fête de Saint-Jean-Baptiste au XVIIIe
siècle (voir page 106).
L e c a m a v a l d e D u n k e r q u e s o u s la R e s t a u r a t i o n . [Ex. Henri Durin « Dunkerque à travers les siècles », collection René Dehaene].

A l'arrière d u c o r t è g e o n distingue le « c h a r d e s m a s q u e s », les m u s i c i e n s a m b u l a n t s , le c h a r


d e s P a n n e k o u k e s , les A m a z o n e s s u r leurs c h e v a u x d e c a r t o n , les s t a t u e s v i v a n t e s e t d e g r a n d e s
b a n d e s d e m a s q u e s p r é c é d é e s d ' h o m m e s habillés e n f e m m e . E n m a r g e d u c o r t è g e , v ê t u s d u
c o s t u m e d e s m a r i n s D u n k e r q u o i s et m u n i s d e g r a n d e s p e r c h e s d e b é l a n d r i e r s (45), d e s q u ê t e u r s
sollicitent la charité d e s s p e c t a t e u r s p r e s s é s s u r le p a r c o u r s . . .

L e l u n d i e s t m a r q u é p a r l a s o r t i e d e l a b a n d e d e s p ê c h e u r s . C ' e s t le t r i o m p h e d e la
d é r a i s o n , d e s e x c è s d e t o u t e sorte, d e l ' é c l a t e m e n t d e la g r o s s e joie f l a m a n d e . « La bière, les
sirops, le genièvre, l ' e a u d e vie, le p u n c h p l e u v e n t p a r t o u t , et p a r t o u t , c o m m e v o u s le p e n s e z , les
t ê t e s s e m o n t e n t , les excentricités a b o n d e n t » (43). C o n t r a i r e m e n t à ce qui s e p a s s e d e n o s jours, la
v i s s c h e r s b e n d e est c o n s t i t u é e p a r « le p e t i t m o n d e , c o m m e o n dit, les p e t i t s ouvriers, les b o n n e s e t
les grisettes » (46) qui, le soir, s e r e t r o u v e d a n s les b a s t r i n g u e s R o u z e t (47) o u N e e r m a n (48) et a u
c a b a r e t d u « P a p i e r L a n t e e r n ». P o u r la b a n d e d e s p ê c h e u r s d u lundi, les m a s q u e s s o n t affublés d e
d é g u i s e m e n t s qui n ' o n t g u è r e c h a n g é d e p u i s : « d e s habits r e t o u r n é s , d e s c h a p e a u x fripés, les
a c c e s s o i r e s d e toilette les p l u s inusités s o n t p o r t é s ce j o u r - l à p a r t o u t e s s o r t e s d e p e r s o n n e s . P l u s u n
a c c o u t r e m e n t offre d e disparate, d ' i m p r é v u , d ' e x c e n t r i q u e , p l u s o n s ' e n affuble a v e c joie, p l u s o n
le r e g a r d e a v e c intérêt ! » (42). L a municipalité veille à faire r e s p e c t e r u n m i n i m u m d e b i e n s é a n c e
c o m m e le r a p p e l l e u n r è g l e m e n t qui, c h a q u e a n n é e d e p u i s 1 8 1 6 stipule q u e les m a s q u e s n e
p o u r r o n t : « p o r t e r ni é p é e , ni b â t o n , ni a u c u n e arme »... « q u e n u l n e p o u r r a p r e n d r e d e
d é g u i s e m e n t qui serait d e n a t u r e à t r o u b l e r l ' o r d r e p u b l i c et c o n t r a i r e a u x b o n n e s m œ u r s », q u ' « il
est d é f e n d u à t o u t e p e r s o n n e m a s q u é e , d é g u i s é e o u travestie, e t à t o u t a u t r e individu, d ' i n s u l t e r
qui ce soit, d e s e p e r m e t t r e à l ' o c c a s i o n d u carnaval, a u c u n e a t t a q u e o u p r o v o c a t i o n , d e
s ' i n t r o d u i r e p a r la v i o l e n c e d a n s les b o u t i q u e s o u maisons. Il est é g a l e m e n t d é f e n d u d e p r o v o q u e r
De gauche à droite : Pierlala ou polichinel
vampire, macabre, bossu.

De gauche à droite : diable, bazenne, cour-


sier.

ou insulter les personnes masquées, déguisées ou travesties » (49). De règlement en règlement,


l'interdiction faite aux masques de porter des armes ou des bâtons a été maintenue jusqu'à une
période récente (voir le règlement de 1946 page 92). Peut-être s'agit-il là d ' u n e allusion à des
attitudes très anciennes : « à la fin du XVIIe siècle, il semblerait que les habitants ne pouvaient se
rencontrer sans s'assaillir et se frapper. La chose en vint au point qu'il fut défendu de circuler, non
seulement avec des armes, mais aussi avec une simple canne » (50). En ces temps, la violence se
manifestait souvent de façon tragique et bien des différents se sont réglés au couteau m ê m e sur les
bateaux de pêche.

Que chantait-on en ce temps-là ?


Au début du XIXe siècle, une partie importante de la population dunkerquoise ne parle que le
flamand (voir « la langue flamande à Dunkerque » page 30). Pourtant, à partir de 1820, le déclin
est rapide et, en 1850, le flamand n'est plus parlé que dans la rue du Nord (n'existe plus
aujourd'hui), celle des Vieux Remparts (rue Henri Terquem), dans les ruelles voisines ainsi qu'en
Basse-Ville (42). L'abandon de la langue traditionnelle explique que bien p e u de chansons de
l'ancien carnaval dunkerquois soient encore chantées aujourd'hui dans la b a n d e des pêcheurs. Ce
sont celles qui s'interprètent au fifre qui se sont le mieux maintenues et cela n ' a rien d'étonnant car
tous les témoignages concordent pour affirmer que la visschersbende défilait déjà au son des fifres
et tambours au début du XIXe siècle. Peut-être à l'origine s'agissait-il de tourner en dérision les
défilés militaires, les guerres, et surtout Napoléon dont les exploits ne soulevèrent jamais
De gauche à droite : pêcheur d'Islande, petite
vieille, pilote.

Groupe de pilotes, de Bazenne, de pêcheurs


et de coursiers.

[Ex, H. Durin, collection René Dehaene].

l'enthousiasme populaire à Dunkerque : vers 1815, les Dunkerquois chantaient à l'égard de


l'Empereur une chanson irrespectueuse dont malheureusement deux vers seulement nous sont
parvenus :
« ... is in 't kieken pot C'est lui qui «est dans la
En de kiekens zitten al marmite à soupe et les
op zynnen kop » poulets sont sur sa tête » (20).
Les costumes d'Empire de fantaisie de nos actuels tambours-majors sont très probablement
une réminiscence de la raillerie populaire à l'égard de la Grande Armée et de ses uniformes...
Tout laisse supposer qu'on jouait déjà « Mietje Kattoen » (« Ah ! sac à pain ») l'air du
« Carillon de Dunkerque » (« En geef 't kind a taje », « Cornu, cornu mon père », « Si t'as une
bonne amie » « Conscrit, tu verras ») « Kant klossen » (« Roule ta bosse »), « Le polichinelle »
(« Talire, taloure ») plusieurs airs de fifre et surtout le « Rigodon d'honneur » napoléonnien,
aujourd'hui encore particulièrement apprécié dans la bande des pêcheurs (51).

Bien d'autres chansons très populaires du carnaval de Dunkerque ont disparu du répertoire et
seraient aujourd'hui tombées dans l'oubli sans l'admirable travail effectué par Edmond de
Coussemaker dans la première moitié du XIXe siècle (19). C'est grâce à lui que de nos jours, de
nombreux « groupes folk » ont pu mettre à leur répertoire d'anciennes chansons flamandes du
carnaval dunkerquois comme « De Bazinne » (La Bazenne), « Anne marie », « 'T carillon van
Duynkerke » (Le carillon de Dunkerque), « Lire boulire », « Moeder Porret » (La mère poireau),
reproduites page 33. Toutefois le collectage d'Edmond de Coussemaker demeure incomplet. Il est
possible qu'il soit passé à côté de certains airs qu'il n'a pas entendus : c'est sans doute le cas pour
Les musiciens de la Garde Nationale ont revêtu des costumes de pêcheurs et de pilotes de Dunkerque.
[Ex. H. Durin «Dunkerque à travers les siècles», collection René Dehaene].

Le b a t e a u d e J e a n Bart. [Ex. H. Durin « Dunkerque à travers les siècles », collection René Dehaene].
L e c h a r d e s m a s q u e s et d e s diables. [Ex. H. Durin « Dunkerque à travers les siècles », collection René Dehaene].

L'arrivée de la visschersbende place Jean Bart vers le milieu du XIXe siècle.


[Ex. H. Durin, «Dunkerque à travers les siècles », collection René Dehaene].
Table des matières
Pages Pages
AVANT PROPOS 7 Chapitre 6 :
Du néant à l'apogée 1946-1984
1re partie : - Résurrection (1946-1950) 91
HISTOIRE DU CARNAVAL DUNKERQUOIS - 1950-1967 : une période difficile
par Jean Denise 11 à Dunkerque. Supprématie de Malo 92
- L'explosion (1968-1984) 98
Chapitre 1 : - En chansons 100
Retour aux sources
- Au temps de la foye : Chapitre 7 :
le départ des pêcheurs d'Islande Les géants et le carvanal dunkerquois
au début du XVIIIe siècle 13 - Une vieille famille dunkerquoise : les Reuzes 103
- Le carnaval à Dunkerque au 18e siècle : - Un géant disparu : la bazenne des halles 112
de la « foye » à la visschersbende 18 - Manootje, la géante de Saint-Pol-sur-Mer 113
- Les géants de Malo-les-Bains 114
Chapitre 2 : - Les géants de Petite-Synthe 115
Au temps des Pierlala, le carnaval dunkerquois - Le « peule »,
au début du 19e siècle géante de Coudekerque-Branche 115

- 'n Neuzen uyt ! 21 Chapitre 8 :


- Les bals masqués 22 Le carnaval de Dunkerque en 1984
- Dans la rue 22 - Le calendrier 117
- Que chantait-on en ce temps-là ? 26 - La bande des pêcheurs ou visscherbende :
vive le désordre ! 118
Chapitre 3 : - Les bals masqués 129
- Mardi-Gras 133
La grande période des Islandais 1830-1870
- Mercredi des Cendres 133
- Les catastrophes Islandaises 35
- La visscherbende continue 37 - Mi-Carême 135
- Les carnavals enfantins 135
- Des lendemains qui déchantent 41
- Carnaval en Carême 43 - Avant et après bande 136
- A travers les chroniques 44 - Les tambours majors, les fifres 137
- Les Kakestecks 141
- Masques et déguisements 141
Chapitre 4 : - Les parapluies et les plumeaux 144
Le carnaval dunkerquois à la belle époque, - L'intrigue 144
déclin et résurrection
- Les figuemans 146
- La fin de la bande des pêcheurs ? 47 - Les chapelles 147
- Création de la bande de Malo 53 - Les femmes et le carnaval 148
- C'était au temps où Dunkerque chantait 53
- Les bals masqués à la Belle Epoque 63 2e partie :
- Drôles de drames 65
LE CARNAVAL DUNKERQUOIS EN IMAGES
- Trait d'esprit 68 Reportage photographique réalisé par
Jean-Charles Bayon en 1982-1983 et 1984 153
Chapitre 5 :
Des années folles aux années noires 1920-1940 3e partie :
- Le carnaval n'est pas mort 69 LES CHANSONS
- Décadence de la visscherbende DU CARNAVAL DUNKERQUOIS
de Dunkerque 71 par Jean Denise 209
- La montée de la « bande de la Violette » 79
- Les bals masqués 82 4e partie :
- Les chansons des années folles 85 LEXIQUE DU PARLER DUNKERQUOIS
- Incidents et faits divers ................................ 87 par Jean Denise 277
- Mi-Carême 87
- Mardi gras 1939 ....................................... 88 CONCLUSION : Vers quel avenir ................... 291

Je remercie tous ceux qui m'ont aidé à réunir les documents et photos anciennes qui illustrent
cet ouvrage : Claude Baert, Claude Burnod, Jean Chatroussat, Thérèse Cléty, Christian Declerck,
Pierre Declerck, Raymond Declerck, René Dehaene, Louis Fauquembergue et la Société
Philanthropique et carnavalesque « Les Acharnés », Georges Hennebert et le Comité des
« Quat-z-arts », M. Kuhnmunch (Musée de Dunkerque), Mme Kuhnmunch-Varet (Archives
Municipales de Dunkerque), Hugues Leys, les Mairies de Dunkerque, de Coudekeraue et de
Saint-Pol-sur-Mer, Guy Messiant, Jacques Tillie, ,"'Roch Vandromme, Pierre Vaillant, Jean
Wispelaere.
Collection « Mémoire Collective »

« Au rythme des fléaux, promenade dans les cours de fermes »


(Des collines d'Artois au plat pays)
de Jean-Yves Vincent.
« Souvenir d'Artois » (Mon village au bon vieux temps)
de Jules Joly.
« A travers le plat pays » (Promenade dans le Westhoek) - Collectif.
« L'année où la France a retrouvé le Nord »
de Daniel Psenny.
« La vie légendaire et véridique de Tisje-Tasje »
de Nicolas Bourgeois.
« Souvenir de Bailleul »
de Michel Le Calvé.
« La vie calaisienne à la Belle Epoque »
de Raymond Fontaine.
« Les Boulonnais au travail et à la fête »
de Raymonde Menuge.
« Souvenir des Monts des Flandres » - Collectif.
« Mémoire des Islandais » (Les Islandais de Dunkerque et Gravelines)
de Jean Denise et Georges Dupas.
« En ce temps-là, un gamin d'Eppe-Sauvage »
d'Auguste Hanon.
« D'un kursal à l'autre »
de Hugues Leys.
« Ces saints qu'on prie en Flandre »
de Stéphane Bijan.
« Regards sur la Flandre »
de Jeanne Devos.
« Billonneux »
d'Alain Leduc et Christian Brackers d'Hugo.
« Marionnettes traditionnelles en Flandre Française de langue Picarde »
d'Andrée Leroux et Alain Guillemin.
« Le Pévèle en ce temps-là » (à paraître).
« Dix siècles de vie quotidienne à Dunkerque »
de Michel Goetghebeur et Léon Moreel.
« Contes et nouvelles à lire au coin du feu »
de Bernard Maïeu et André Pierrard.
« Promenade dans la mémoire de l'Avesnois » (tome 1 : Le cadre de vie)
de Bernard Maïeu et André Pierrard.
« Promenade dans la mémoire de l'Avesnois » (tome 2 : L'Avesnois au travail et à la fête)
d'André f'ierrard.
« La Champagne de nos grands-pères »
de Pierre Michel.
« La montagne de Reims autrefois »
de Brigitte Robert.

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