JANVIER 2018

N°183

MENSUEL - BELGIQUE 9,50 € - SUISSE 13,50 FS - CANADA 14,00 $ - LUX. 10,00 €

P.04 LE SAMPLER LES MAINS PROPRES
P.06 COURRIER
P.08 LE PURGATOIRE : VULCAIN
« Bonjour Rock Hard, nous écrit l’ami lecteur Julien Garnier, je

P.10 TELEX : L’actu métallique

voulais saluer toute la rédaction et partager une expérience avec vous.
Ma compagne et moi sommes fans de Five Finger Death Punch. J’ai

P.14 DE + EN + NET
donc voulu lui faire une surprise en l’invitant à aller voir le groupe à
L’Olympia le 04 décembre. J’ai également acheté le pack Meet & Greet

P.16 LES DIX COMMANDEMENTS :

permettant de rencontrer le groupe, de faire des photos, de visiter les

© Marc Villalonga
coulisses, d’avoir divers cadeaux et d’être dans la salle avant l’ouverture

ERIK DANIELSSON (WATAIN))

des portes. Il y en avait pour 417€ par personne, une belle somme

P.18 I LIKE TO MOVIE, MOVIE :

sachant que nous venons du Var (train, hôtel, etc.). Le jour dit,
nous avons rendez-vous à 17h15 et sommes pris en charge par une

ULF THEODOR SCHWADORF (EMPYRIUM)

personne qui nous remet un pass. Nous avons le sentiment de vivre
un moment extraordinaire : voir de l’intérieur tous les préparatifs

P.20 TOUTE PREMIERE FOIS :

d’un concert, toute cette effervescence... Tout se passe bien, le responsable de la sécurité nous offre
des médiators et nous sommes invités à pénétrer dans les entrailles de L’Olympia pour visiter les

JOHN GALLAGHER (RAVEN)

coulisses et voir tout le matériel. Mais – parce qu’il y a un « mais » – tout me paraît aller bien

LES INTERVIEWS :
vite. C’est un peu expéditif tout ça, pour ne pas dire aseptisé. Bon, nous allons voir les guitares,
bien rangées sur le bord de la scène, nous visitons l’arrière-scène, puis on nous place dans la salle.

P.22 MACHINE HEAD

Et là, nous attendons sagement. On nous indique qu’il y a du retard... L’heure avance, l’ouverture
des portes est proche. Finalement, le groupe se pointe, sans le chanteur Ivan Moody. La personne

P.30 LOUDNESS
qui nous prend en charge ne sait pas où il est... Nous prenons des photos avec les musiciens, mais

P.32 CORROSION OF
c’est très rapide puisque nous n’avons même pas la possibilité de discuter avec eux. En fait, nous ne
faisons que les croiser. Nous pouvons tout de même leur serrer la main, mais ils ne sont pas encore

CONFORMITY
partis que l’attachée s’empresse de leur tendre du gel hydro-alcoolique. Incroyable ! C’est d’autant
plus décevant que, plus tard, d’autres fans ont rencontré In Flames – qui partageait l’affiche avec

P.34 PHIL ANSELMO

FFDP – et nous ont raconté qu’ils avaient bu un verre et discuté un bon quart d’heure avec la
bande à Anders Friden. Pour couronner le tout, la taille de L’Olympia n’a pas permis au groupe

P.38 SUIVEZ LE GUIDE !

américain de monter tous ses décors (alors que In Flames avait du sacré matos, avec écrans géants,

METALLICA
etc.) et ce dernier n’a joué qu’une toute petite heure (contre 1h30 pour In Flames !). Quand je vois
les Guns N’Roses jouer plus de trois heures, ça fait râler d’avoir un show aussi court de la part de

P.40 THERION
gars bien plus jeunes. Vous l’aurez compris, ça a été une grande déception, car payer autant pour
voir des gars se barrer vite fait en se lavant les mains, ça craint ! ».

P.44 HAMFERD
Nous ne saurions mieux dire, Julien ! Drôles de gaillards, effectivement, que ces Five Finger

P.46 CLASS OF 1987

Death Punch qui, lorsque nous les avions accueillis à notre stand au Hellfest 2015, nous avaient

P.56 AUDREY HORNE

pour le moins étonnés puisque, comme tu le dis, ils semblaient dégoûtés de serrer les pognes
que leur tendaient leurs fans, profitant du moindre temps mort pour se nettoyer les mains à

P.58 ORPHANED LAND

grandes rasades de gel bactérien !!! Si, si, on vous jure ! Vachement rock’n’roll, les mecs !
Une attitude pitoyable qui ne peut évidemment se justifier tant il semble peu probable

P.62 REFERENDUM 2017

(invraisemblable ?) que tous les musiciens du groupe soient hypocondriaques… Une rectification
toutefois, 5FDP et In Flames ont bénéficié du même temps de jeu (1 heure). Nous sommes

DE LA REDACTION
assurément désolés pour ta compagne et toi car il n’est pas grand-chose de pire que d’être

P.66 MAGNUM
déçu par ses héros. Alors, un bon conseil, en ce début d’année, à tous ceux, parmi vous, qui
souhaiteraient rencontrer leur groupe fétiche en achetant (généralement à prix d’or) l’un de

P.62 ALMANAC
ces fameux sésames que sont les Meet & Greet : interrogez, via les réseaux sociaux notamment,
d’autres fans qui ont rencontré les musiciens sur des dates précédentes pour savoir ce qu’ils

P.68 TRIBULATION
ont pensé de l’expérience. Ça pourra vous éviter de sacrés désagréments et de bouffer des

P.72 BLACK LABEL

pâtes tous les jours.

SOCIETY
En espérant que vous vous êtes soigneusement lavé les mains durant les fêtes afin d’éviter la
gastro malveillante, nous vous souhaitons une excellente année 2018 !

P.76 GEORGE YOUNG

PHIL LAGEAT & LA REDACTION

P.79 OF MICE AND MEN

PS : Rejoignez-nous sur notre page Facebook (www.facebook.com/rockhardfr) ! Vous y trouverez toutes

P.80 JOE SATRIANI

les news sur votre mag préféré, ainsi que des concours pour rafler des CDs, des bouquins, des abonnements,
des places de concerts, et bien d’autres choses encore. Vous êtes déjà plus de 57.000 ! Merci !!!

P.84 GIGS YOUR ASS !

Testament + Eluveitie
39, rue Santos Dumont - 75015 Paris
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Bryant + Mastodon + The

Rédacteur en chef : Philippe Lageat (phil@rockhard.fr)

Darkness + Alice Cooper

Rédacteur en chef adjoint : Morgan Rivalin (morgan@rockhard.fr)
Rédaction : Charlélie Arnaud, Benji, François Blanc, Emmanuel Hennequin, Julien Monsenego,

+ Night Flight Orchestra

Guillaume Fleury - Photographes : Marc Villalonga, Nidhal Marzouk
Directrice artistique : Vanessa Girth (vanessa.rhmag@gmail.com)

+ Dirkschneider + Extreme
Publicité « musique » : Vanessa Girth / e-mail : vanessa.rhmag@gmail.com

P.94 KRONIKS CDs

Courrier : redaction@rockhard.fr
Rock Hard est une publication de : GRANDS MALADES EDITIONS SARL de presse au capital de 320

P.102 ABONNEMENT CDS

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P.108 MERCHANDISING
Commission paritaire : 0921 K 81345 - N° ISSN : 1630 - 8204
Ce numéro contient un CD qui ne peut être vendu.

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La rédaction n’est pas responsable des textes, illustrations, dessins et photos publiés qui engagent la seule responsabilité de leurs
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www.trouverlapresse.com qui vous indiquera l’adresse des revendeurs les plus proches.
 Sur chaque sampler figure un morceau extrait de la démo d’un groupe francophone non signé.
Espérons que ce petit « coup de pouce » attire l’attention des labels et autres maisons de disques
et débouche sur des signatures. Jeunes combos, n’hésitez donc pas à nous envoyer vos démos
(CDs uniquement) agrémentées d’une bio complète et d’une photo à l’adresse suivante :
Rock Hard/Strass - Démos Sampler - 60, rue Brancion - 75015 Paris. Bonne chance !
1 - SAXON
« Thunderbolt »
« 22, v’là Saxon ! » C’est en effet le 02/02 que le 22ème
album du groupe britannique atterrira dans les bacs tel
un aigle d’acier. Thunderbolt, c’est son titre, a été
réalisé par Mister Andy Sneap, le producteur du
prochain Judas Priest, groupe avec lequel Saxon
2 - MICHAEL SCHENKER FEST
tournera en mars... aux USA. Snif...
« Warrior » (Edit)
Nous vous en parlions le mois dernier : Michael
Schenker publiera le 02/03 un Resurrection qui fera
vibrer tout fan de MSG qui se respecte, puisqu’on y
trouvera notamment les voix de Gary Barden, Robin
MacAuley et Graham Bonnet. Ajoutez-y un featuring de
3 - ORPHANED LAND
Kirk Hammett et vous obtenez une sacrée fête !
« Like Orpheus » (Feat. Hansi Kürsch)
Steve Hackett (ex-Genesis), Tomas Lindberg (At The
Gates) ou encore Hansi Kürsch (Blind Guardian) sont
invités sur Unsung Prophets & Dead Messiahs, album
conceptuel d’Orphaned Land attendu le 26/01 et
preuve éclatante que, pour le groupe israélien, il y a une
4 - BLACK LABEL SOCIETY
vie après le départ de Yossi Sassi.
« Room Of Nightmares »
Si l’intimidant Zakk Wylde passe pour un garçon très
sérieux, le géant de la six-cordes est un sacré blagueur.
Quand vous saurez que « Room Of Nightmares » fait
référence à une journée « noire » suivant un repas
mexicain, vous ne l’écouterez plus de la même façon !
5 - THERION
Grimmest Hits arrivera dès le 19/01.
« Temple Of New Jerusalem »
Therion n’est jamais là où l’attend. A l’heure où les
groupes parlent de plus en plus de singles et d’EPs, le
groupe metal symphonique suédois sort un opéra rock
de plus de trois heures gravé sur pas moins de trois
CDs ! En chantier depuis le début des années 2000,
6 - LOUDNESS
Beloved Antichrist sortira enfin le 02/02.
« I’m Still Alive »
Loudness, vraie légende du heavy metal japonais,
reviendra avec un 27ème album studio dès le 26/01. Si
vous êtes du genre à vous demander « Loudness ?
Késako ?! », Samsara Flight, une compilation de 13
titres réenregistrés par les Nippons, est jointe à ce
7 - PHIL CAMPBELL AND THE BASTARD SONS
nouvel opus. Rise To Glory est son petit nom.
« Welcome To Hell »
Composé, enregistré et mixé au Pays de Galles,
l’origine de The Age Of Absurdity (sortie le 26/01) est
100% garantie. Il s’agit aussi d’une affaire de famille,
puisque l’ancien guitariste de Motörhead Phil Campbell
y a travaillé avec ses trois fils, mais aussi en compagnie
8 - TRIBULATION
du chanteur Neil Starr.
« Lady Death »
(A chanter sur l’air de « Lady Lay », pour ceux qui
connaissent) « La-dy, la-dy, laaa-dy, la-dy, la-dy, la-dy
death ! » Sur Down Below (sortie le 26/01), Tribulation
ne rend pas spécialement hommage à Pierre Groscolas
et… c’est très bien comme ça. A voir live avec Arch
Enemy dès ce mois-ci ! (Cf. Agenda)
4
9 - MANIGANCE
« Ennemi »
Un jeu de mots s’est caché dans le titre du nouvel album
de Manigance. Sauras-tu le trouver ? Manigance publiera
Machine Nation le 02/02. Dans la foulée, le groupe palois
de power progressif partira en tournée en Europe au mois
de mars avec Myrath (Cf. Agenda). A ne pas rater ! Ce ne
10 - CORROSION OF CONFORMITY
serait pas de... Pau. Ouarf !
« Cast The First Stone »
Onze ans plus tard, « Pépère » Keenan est de retour au
bercail. Le grand Pepper, très occupé avec Down dans
l’intervalle, chante et joue de la guitare sur No Cross No
Crown, nouveau Corrosion Of Conformity produit par
l’incontournable John Custer. Les amateurs ont rendez-
11 - MYLES KENNEDY
vous en juin au Hellfest !
« Year Of The Tiger »
Chanteur versatile dont le talent a aussi bien été mis en
valeur avec Alter Bridge qu’avec Slash et ses Conspirators,
Myles Kennedy dévoilera une nouvelle facette de sa
personnalité sur Year Of The Tiger, premier album solo du
vocaliste aux relents d’americana et aux sonorités bluesy.
12 - POP EVIL
Sortie le 09/03.
« Waking Lions » (Radio edit)
Encore trop méconnu dans nos contrées, Pop Evil est, aux
USA, un « poids lourd » des radios rock qui ne se privent
pas de diffuser ses hits aux guitares plombées. Ceux
d’entre vous qui (au hasard) aiment Nickelback feraient
bien de se pencher sur Waking Lions, quatrième album du
13 - HARDCORE SUPERSTAR
combo attendu le 16/02.
« Have Mercy On Me »
Bien que You Can’t Kill My Rock’N’Roll, leur 11ème album
studio, ne sorte pas avant le mois de mars, les Suédois de
Hardcore Superstar fêtent leur récente tournée
européenne avec Fozzy en publiant « Have Mercy On Me »,
nouvel hymne sleaze über catchy. Vite, pousse les meubles
14 - HOGJAW
et appelle des amis !
« Brown Water »
Originaire de l’Arizona, Hogjaw ne donne pas dans un
desert rock que les environs auraient pu lui inspirer, mais
dans un southern rock des familles. Les aficionados de
Molly Hatchet seraient bien inspirés d’écouter Way Down
Yonder, le sixième opus du quatuor, et en particulier ce
DECOUVERTE DU MOIS : 15 - THE FRE3 BASTARDS
« Brown Water ».
« Rust And Dust »
Né en 2014 à Belfort, ce trio aime le heavy rock joué FORT. Les pionniers
Black Sabbath et Led Zeppelin, mais aussi des formations plus récentes
comme Clutch, Red Fang ou encore Danko Jones, inspirent les lascars de The
Fre3 Bastards dont le premier jet, In Our World Of Bastards, ne se veut
certainement pas un « coup d’EP dans l’eau ». A trois, vous n’aurez plus qu’à
headbanger. Un, deux...
Extrait du EP In Our World Of Bastards
Web : facebook.com/thefreebastards
Mail : thefreebastards@gmail.com
éro de
Le prochain num février 2018
u8
e aux alentours d
sera en kiosqu

Bonjour M’sieur Lageat,
J’espère que vous allez bien. J’ai lu avec beaucoup
d’émotion votre édito dans le dernier numéro de
Rock Hard avec le grand Malcom en couv’ (beau
portrait d’ailleurs). Par cet email, je vous envoie
un petit dessin que j’ai fait à main levée d’après
une photo. Bon, ce n’était pas évident et le résultat
n’est pas nickel nickel, mais bon, j’espère que
vous apprécierez. Je vous souhaite une belle et
bonne semaine !
Stéphanie.
PS : Et dites à M. Villalonga que j’adooooore
vraiment la rubrique L’Œil de Verre. Il y a vraiment
de superbes clichés. Celui de Cronos (Venom)
avec les Metallica Ulrich et Hetfield est vraiment
excellente (Cf. RH n°144) ! Même s’il n’y a que
Cronos qui mate le photographe, elle dégage un
truc énorme ! Je fais de la photo de concerts, ai
réalisé quelques portraits et j’adore ce genre
d’images « roots ».
Chère Stéphanie,
Merci pour ce petit hommage et le dessin qui
l’accompagne. Concernant L’Œil de Verre, tu n’as
encore rien vu ! Marc Villalonga a encore de
sacrés trésors dans ses archives…
Cher mensuel préféré,
Tout d’abord, merci pour la couverture du n°182
(Malcolm) et pour la qualité du boulot que vous
abattez mois après mois. C’est parce que je
pense que le témoignage de vieux baroudeurs
comme moi peut être utile (même si tellement
futile) que je me permets de vous adresser ce
courriel. Dans le Top 10 des cadeaux métalliques,
vous consacrez un article élogieux à la réédition
(à 104,99 € !) du News Of The World de Queen.
Ça m’énerve ! Quand j’étais gamin, j’étais un fan
invétéré du groupe. J’ai longtemps vécu avec
seulement deux t-shirts : l’un des Stones et l’autre
de Queen. J’ai adoré Queen II (1974), Sheer
Heart Attack (1974), A Night At The Opera (1975)
et A Day At The Races (1976), surtout. Cet album
précis figure définitivement dans mon Top 10,
probablement pour toujours. La chance aidant
(j’avais décroché un travail de pigiste pour un
mensuel rock), j’ai vu plusieurs concerts du
groupe et j’ai absolument adoré. Puis, il y a eu le
single annonciateur de l’album suivant (procédé
habituel du groupe) : « We Will Rock You » et
« We Are The Champions ». J’ai usé ce 45 Tours
jusqu’à la corde en attendant l’album... Et l’album
est venu, avec cette pochette fabuleuse et
mystérieuse qui trouvait sa source dans la
science-fiction classique. La déception a été à la
mesure de l’attente : monstrueuse. Si j’excepte
les deux morceaux du single, aucun titre ne m’a
jamais passionné sur ce disque. Par ailleurs, aucun
titre ne figure sur les compilations et aucun titre
n’a jamais été joué en live à ma connaissance.
Objectivement, j’ai été atterré par les composi-
tions et par l’absence de production. Il est vrai
que j’étais peut-être trop habitué aux délires de
Roy Thomas Baker. Mais le « brut de décoffrage »
6
Faites couiner vos souris en nous e-mailant directement
vos messages à : redaction@rockhard.fr
était vraiment peu seyant pour un groupe comme
Queen... A l’exception (peut-être) de « My
Melancholy Blues » qui torture les limites du
second degré. C’est pour ça que je n’aime pas lire
l’adjectif « génial » dans un article consacré à ce
disque. Surtout que l’original ne m’avait coûté que
8,50 euros et que j’avais déjà trouvé ce montant
fort cher pour le contenu... Times are passing by !
Bises de Belgique !
Daniel Joris-Vertommen
Cher Daniel,
Ah, les coûts et les douleurs ! Tu n’aimes pas
News Of The World ? C’est ton droit le plus strict
! Il serait dommage, pour autant, de vouloir en
dégoûter les autres. Notre rédac’ chef, par
exemple, ne jure que par ce disque à la
« pochette fabuleuse et mystérieuse » qui, avant
même qu’il ne découvre AC/DC – c’est tout dire !
– a été sa première initiation au hard rock. « We
Will Rock » et « We Are The Champions » – tu ne
nous démentiras pas sur ce point, toi qui les
aimes tant – justifient à eux seuls l’achat de ce
disque paru en 1977… et qui recèle bien d’autres
pépites : « Sheer Heart Attack », « All Dead, All
Dead », « Spread Your Wings », « Get Down
Make Love », « My Melancholy Blues »… « Aucun
titre, dis-tu, ne figure sur les compilations et
aucun titre n’a jamais été joué en live à ma
connaissance ». Ouch ! Tout fan invétéré que tu
sois, cette affirmation est fausse, ô combien. A
titre d’exemple, et pour ne citer que celui-là
parmi des centaines d’autres, Queen a interprété
pas moins de sept (!!!) des douze titres de ce
disque lors de son concert parisien du 24 avril
1978. News Of The World est rien moins que
l’album « génial » qui a lancé la carrière de
Queen en France. Visiblement pas en Belgique…
Salut à tous,
Pourtant fan de hard rock, je voulais juste vous
dire que je pleurais la mort de Johnny Hallyday.
Ne riez pas par pitié, ne vous moquez pas ! J’ai
connu Johnny en 1970, j’avais douze ans et je
découvrais le rock. Lui faisait du rock hard (oui !)
avec les géniaux Tommy Brown et Mick Jones
(depuis chef opérateur chez Foreigner) et ça
envoyait du lourd, du très lourd. Ces gars-là lui
composaient des titres en béton servis par un
groupe de rock anglais qui lui donnaient l’occasion
de faire des concerts où la démesure et la folie
animale, sur scène et dans le public, emportaient
tout sur leur passage. C’était vraiment rock et
vraiment génial. Hystérique ! Je crois qu’il a vraiment
amorcé un mouvement chez nous qui a amené à
tous les Triangle, Dynastie Crisis, Variations...
Aujourd’hui, je suis triste. Je pleure sur mon
adolescence définitivement perdue. Merci pour
tout Johnny, et un jour, bientôt, je te rejoindrai et
on tapera le bœuf ensemble. Et là, les murs en
trembleront ! Adieu, « rock’n’roll man ». Que je
t’aime.
Alain
PS : Un grand merci pour votre hommage à
Malcolm. Un grand merci aussi de ne pas avoir
oublié Jon Lord dans nos chers disparus.
Cher Alain,
Quelques lecteurs taquins s’étonnaient, sur notre
page Facebook, de ne pas trouver d’hommage à
Johnny dans le dernier Rock Hard : grâce à toi,
c’est désormais chose faite ! Qu’on apprécie ou
non sa musique, il faut bien reconnaître qu’il
s’agissait d’un grand chanteur et d’une figure de
la musique française. Et que M. Smet savait
s’entourer ! Qui d’autre pouvait se prévaloir
d’avoir bossé et enregistré avec Jimi Hendrix,
Peter Frampton, Jimmy Page, Norbert « Nono »
Krief, Thibault Abrial, Yarol Poupaud, etc. ? Rien
que pour ça, nous sommes prêts à oublier sa
version française du « Sweet Home Alabama » de
Lynyrd Skynyrd (« Carte Postale D’Alabama »), à
redécouvrir, mais à vos risques et périls !
Bonjour à toute l’équipe de Rock Hard,
Cela fait maintenant une semaine que Malcolm
Young est parti et on commence juste à recouvrer
nos esprits et prendre un peu de recul après
l’émotion suscitée par cette annonce. En ce qui
me concerne, je sens, cette fois-ci, une différence
par rapport aux autres grands noms du rock ou
du metal qui nous ont quittés et qui semblent
tomber comme des mouches ces dernières
années. La mort de Dio m’avait donné l’envie de
me replonger dans certains de ses classiques et je
n’ai également jamais autant écouté de Pantera
qu’après la mort de Dimebag Darrel. Là, il n’en
est rien ; il m’a fallu de longues journées pour ne
serait-ce qu’accepter d’écouter à nouveau du
AC/DC, comme si c’était plus que la simple dispa-
rition d’un artiste dont j’étais fan. Comme si,
cette fois-ci, il s’agissait d’une perte qui me tou-
chait directement et que la musique d’AC/DC
résonnait dorénavant comme un rappel de cette
funeste nouvelle. AC/DC est le groupe le plus
important de ma vie, peut-être pas celui que
j’écoute toujours le plus aujourd’hui – car nombreux
sont les groupes à sortir des albums marquants –
mais AC/DC est à l’origine de tout ça. Je n’aurais
sans doute jamais mis les pieds au Hellfest, si
étant gamin (il y a, en gros, 25 ans), je n’avais pas
croisé la route (vers l’enfer) d’AC/DC. Angus
Young en est sans nul doute l’icône, mais Malcolm
Young, en plus d’être le fondateur et le capitaine
du navire, en était avant tout l’âme. Et il n’y a
aucun excès à le dire quand on connait vraiment
ce groupe car, pour rappel à toute personne qui
aime AC/DC : le débat (sans fin, mais c’est là son
charme) du meilleur album d’AC/DC n’est pas
juste entre Highway To Hell (1979) et Back In
Black (1980). Toute personne en désaccord avec
ce que je viens de dire est d’ailleurs invitée à se
munir de toute urgence de Powerage (1978). Cet
album est sans doute l’un des meilleurs témoi-
gnages du feeling de la guitare de Malcolm
Young. N’oublions pas que le génie des soli
d’Angus était magnifié par la rythmique de son
frère. La guitare de Malcolm était un véritable
socle sur lequel Angus s’appuyait pour embraser
les foules comme peu l’ont fait. N’en déplaise à
notre rédac chef préféré, je trouve qu’il suffisait
d’écouter le certes très honorable Rock Or Bust
(toujours noté 9/10 avec du recul ?) pour sentir
que quelque chose (ou quelqu’un) manquait. Tout
ça pour dire que, sans Malcolm, AC/DC n’est plus
tout à fait AC/DC. Je ne veux même pas rentrer
dans le débat sur qui tiendra le micro dans le
futur car je trouve qu’après la mort de Malcolm
Young cela parait presque secondaire. Non,
AC/DC n’est plus tout à fait AC/DC parce que, de
toute manière, Malcolm n’est définitivement plus
là. Certes, ce n’était plus un secret pour personne
que son état de santé ne lui permettrait plus de
jouer au sein du groupe, mais Malcolm était toujours
parmi nous. Le monde du rock est en deuil, tout
simplement parce qu’il vient de perdre l’un de
ses plus brillants compositeurs. Une pensée,
également, pour Angus Young qui vient de perdre
ses deux frères, Georges et Malcolm, en l’espace
de quelques semaines.
Fx
P.S. Ma seule consolation, c’est que, s’il y a
quelque chose après la mort, Malcolm doit être
en train d’écouter des vieux vinyles de blues usés
jusqu’à la corde avec son pote Bon Scott et une
bonne bouteille de bourbon.
Cher Fx,
Nous comprenons ton ressenti, et les nombreux
courriers que nous continuons de recevoir à propos
de Malcolm vont également dans ce sens. Au-delà
de l’importance du groupe et de la grandeur de son
œuvre, il y a ce petit truc unique, presqu’intime,
que chaque fan partage avec sa formation préférée,
les artistes « de cœur » qui marquent sa décou-
verte avec le monde du rock au sens large. Et
cela, on ne l’oublie jamais ! Les compositeurs
continuent de vivre à travers la musique qu’ils
nous ont laissée et qui sera toujours là.
Cher Phil,
Permets-moi de t’appeler ainsi car ça fait tellement
longtemps que je te lis que t’es presque devenu
un pote épistolaire – je ne suis pas d’accord. Mais
alors ; pas du tout. On a certainement le même
âge, le même vécu musical et les mêmes frissons
de hardos, et en plus on fait le même boulot (eh
oui, je suis journaleux dans un petit canard de
province), mais comment peux-tu laisser croire que
la prestation de Trust au Hellfest, le 17 juin dernier,
à l’heure de l’apéro, fut « convaincante » ?!
J’avais déjà remarqué la complaisance polie de
Charlélie Arnaud dans son live-report du hors-série
de l’été dernier, mais ta chronique que je viens de
dévorer en écoutant l’objet du délit me fait sortir
de mes gonds. C’est vrai qu’en ce moment, j’ai un
peu les nerfs à vif, mais ce live est quand même une
vaste escroquerie de la Warner. Trust fait partie
de mes groupes préférés. Et ce show, je l’attendais
avec tant d’impatience et d’envie. Trust au
Hellfest pour moi, c’était THE moment à ne pas
manquer. Surtout qu’en ce samedi radieux, la
température n’a fait que monter entre Ultra
Vomit, Phil Campbell, la nuée de « boobs » sur
Steel Panther (n’y vois là aucun argument pour
encourager le harcèlement sexuel), un Dee Snider
qui nous avait bien chauffé la voix et le dieu soleil
qui nous avait cramés tout l’après-midi. Il a d’ailleurs
dû provoquer une bonne insolation à notre Bernie
national. Passe son look tout droit sorti du Club
Med, mais jamais au cours du set il n’a su se
montrer à la hauteur de l’événement. Même sur
« Antisocial », on ne sentait pas la fameuse
communion qu’on attendait tous. La faute à qui ?
La faute à quoi ? Je ne sais pas. Bernie tête baissée
pendant les quatre premières chansons, une setlist
pas vraiment en adéquation avec l’événement, et
un public certes ravi de retrouver ses héros d’un
autre temps, mais je m’attendais à mieux, à
beaucoup mieux. Je ne vais pas te faire le chapitre
de Dagoba en 2014 ou de Mass Hysteria en
2016, voire même de Tagada Jones cette année ;
Clisson transcende les Frenchies, tellement heureux
de pouvoir partager avec ce public de passionnés.
Y avait-il trop de pression sur les épaules de
Nono et compagnie ? C’est possible et c’est
dommage car il ne s’est rien passé pendant une
heure. Pas même sur « L’Elite » et « Antisocial »
où Bernie est obligé d’haranguer les foules pour
que ça bouge un peu. D’ailleurs, on le sent et
on l’entend sur ce live inutile : public bien
calme, relances non convaincantes de Bernie.
Heureusement que les musicos ont assuré, sinon
c’était la cata ! Beaucoup de ceux qui ont assisté
à cette prestation plus que moyenne ont eu le
même sentiment de gâchis, de manque, de
frustration, d’autant que la tournée en cours fait
un carton. J’aurais mieux fait d’aller voir Turisas !
PS : Contrairement à ce que nous a dit Bernie en
fin de set, je ne veux pas rester en colère. Je
reste sur le souvenir impérissable de ce dimanche
5 octobre 1980 où, après le concert de Trust au
Palais Des Sports du Touquet, on s’est retrouvés
avec des potes dans le bistrot où mangeait le
groupe. Inoubliable ! Bernie, Vivi, Nono, Nico,
autographes, bières et discussions jusqu’à plus
d’heure. Je crois que je vais quand même prendre
un billet à Lille, à Longuenesse ou Forges Les
Eaux. Mais putain, Trust au Hellfest, c’est non,
non et non ! Même pas en CD ou en DVD, même
si on voit ma tronche. Voilà, c’est mon sentiment
et mon ressenti (…) Arrivederci grand maître de
la secte du poil et des cornes. « I salute you ! »
Luc
Cher Luc,
Comme Philippe Lageat – qui aime bien (adore)
le groupe, mais l’a parfois bien châtié, se
montrant moins compréhensif qu’avec ce
CD/DVD du Hellfest – l’a mentionné à plusieurs
reprises, Trust continue d’attiser les passions et à
diviser autant qu’il séduit. Nous respectons tous
les avis bien argumentés, comme l’atteste cette
publication de ton courrier ; Un courrier avec
lequel nous sommes en partie d’accord : Phil
Lageat, lui aussi, s’attendait à mieux au Hellfest,
à plus ; notamment à une setlist plus « télépho-
née », mais qui aurait à coup sûr mis le feu. Oui,
Trust s’est contenté de faire bien, quand il aurait
pu (dû) tout casser à Clisson. Et cette manie
qu’il a de se planter un couteau dans le pied à la
première occasion est frustrant. Mais si tu as
assisté aux concerts parisiens du groupe donnés
en 2006 et 2007, tu devrais aussi te réjouir de
voir que Trust tient actuellement bien plus la
forme qu’il y a dix ans. Toujours ça de pris…
Comme on dit : « A défaut de grives, on mange
des merles ! ». Appelle « complaisance » si ça te
plait ce que nous voyons tout au plus comme un
« pis-aller »…
 Ponctuellement, nous revenons sur un
album « décrié », un peu à part dans la
discographie d’un groupe. Un « mal aimé »,
en quelque sorte. Par certains critiques,
certains fans, et, parfois, par ses
géniteurs eux-mêmes. Un album qui,
pourtant, vaut le détour et mérite
qu’on le réhabilite sans plus attendre.
L’autopsie d’un « échec » qui n’en est
pas vraiment un, l’idée étant de faire
parler les musiciens « à froid »,
plusieurs années après la sortie de ce
disque, afin de mieux comprendre ce
qui, à l’époque, n’a pas collé. Pourquoi
les étoiles n’étaient pas alignées. Ce
mois-ci, Benji revient sur Transition de
Vulcain paru en 1990.
Trois ans et demi se sont écoulés entre la sortie de
Big Brothers en décembre 1986 et celle de Transition,
le 05 mars 1990. Certes, Live Force, album en concert
gravé à La Locomotive de Paris, est édité dans
l’intervalle, en novembre 1987, mais pour les
fans, l’attente semble durer une éternité. C’est
que les écueils ne manquent pas durant cette
période trouble, comme nous l’ont précisé, les
12 et 13 décembre dernier, deux des quatre
musiciens – toujours en poste de nos jours –
impliqués dans la conception de cet album.
Daniel Puzio (guitare, chant) : Tout d’abord,
nous nous sommes séparés de Didier Lohezic,
notre guitariste sur les trois premiers albums et
le live. Nous avons cherché un gratteux qui avait
des compétences techniques bien différentes
des nôtres car nous voulions évoluer dans un
autre style musical. Van Halen et David Lee Roth,
qui venait d’enregistrer deux albums avec Steve
Vai, nous plaisaient beaucoup, et l’idée était un
peu de mélanger leurs univers avec celui de
Motörhead. De mon côté, je voulais me débarrasser
des soli de guitare et me consacrer à la rythmique
et au chant. Il nous fallait donc un gars pointu,
qui maîtrisait le tapping et le vibrato. Franck
Pilant fut l’homme de la situation, mais il a fallu
que l’on s’adapte de part et d’autre, et ça aussi
ça a pris du temps. Nous avons également connu
des déboires d’ordres juridique avec notre précé-
dente maison de disques, ce qui nous a bloqués
durant une longue période car nous devions nous
libérer de ce contrat avant de publier autre chose.
Marc Varez (batterie) : Il a fallu restructurer tout le
business du groupe, retrouver un label, et puis, bien
sûr, intégrer ce nouveau guitariste. Un évènement
symbolique fut aussi à prendre en compte : nous
allions entrer dans une nouvelle décennie. En France,
lorsque tu t’appelles AC/DC ou Metallica et que tu as
trente ans de carrière, tu es une légende, mais si tu
fais partie d’un groupe français qui a plus de dix ans,
tu commences à être un loser ! (rires) Nous nous
posions donc pas mal de questions, et cette vague de
guitaristes très modernes, à la Satriani ou Vai, nous
interpellait. Nous avions l’impression qu’avec notre
« petit rock’n’roll pur et sauvage », les gens ne s’inté-
ressaient plus à nous. Il nous fallait rebondir. Alors,
nous sommes partis en quête d’un « tricoteur ».
Revenons un instant sur le départ de Didier Lohezic,
guitariste depuis les débuts du groupe et membre
assurément aimé des fans du gang…
Daniel Puzio : Nous n’avions plus le bon feeling avec
lui. Il ne faisait plus vraiment avancer le groupe dans
8
la direction que nous souhaitions. Ajoutons à cela des
problèmes de la vie courante… Lorsque nous avons
enregistré Rock’n’Roll Secours (1984), nous aurions pu
graver Desperados (1985) simultanément car tous les
titres existaient déjà. Mais nous avons eu du mal à
achever l’écriture de l’album suivant, Big Brothers. Je
savais donc que j’aurais besoin d’aide pour le suivant.
Marc Varez : Didier avait des problèmes personnels
qu’il lui fallait régler et qui freinaient sa progression
en tant que musicien. Ça commençait à se ressentir dans
le groupe : bon, nous n’étions pas des saints, et tout
le monde faisait ce qu’il voulait, mais lorsqu’il fallait
assurer, nous répondions présent. Et parfois, ça n’était
plus le cas de Didier. Ce dernier le ressentait lui aussi.
Il valait donc mieux qu’il nous quitte.
Franck Pilant rejoint alors Vulcain, fort d’un bagage
technique impressionnant en dépit de son jeune âge
et revendiquant des influences bien différentes de son
prédécesseur.
Daniel Puzio : C’était un copain d’un gars que je
connaissais, un motard. Je faisais beaucoup de moto à
l’époque. Il me l’a présenté comme un surdoué de la
guitare, et ça a tout de suite pris !
Ce nouveau style et ce son différent, bien plus léché,
laissent à penser que Vulcain souhaite s’ouvrir à un
autre public, au-delà de ses fans assez « extrêmes »
qui le suivent depuis 1983…
Daniel Puzio : C’était exactement la démarche. Encore
une fois, j’écoutais beaucoup Van Halen et David Lee
Roth, et c’est ce vers quoi je voulais tendre : un
mélange de folie et de mélodies. Ma voix a également
évolué. Je dirais que c’est venu naturellement avec
la musique. Je ne me suis pas posé beaucoup de
questions. C’est ainsi que je sentais qu’il fallait
chanter ces nouveaux titres.
L’enregistrement se fait aux studios Mactari, au
cœur de Paris, avec l’ingénieur du son Jean Guy
Véran et le producteur Antoine Essertier, un technicien
venant de la variété. Transition est ensuite mixé aux
studios Guillaume Tell, à Suresnes, un lieu où de très
nombreuses stars françaises et internationales ont
travaillé. D’évidence, Vulcain se donne les moyens
de ses ambitions…
Daniel Puzio : Antoine était une connaissance de Franck,
qui nous l’a « mis dans les pattes », et le courant est
tout de suite passé. Il a fait du bon boulot et s’est
vraiment investi. D’ailleurs, il est toujours dans le
milieu puisqu’il bosse actuellement avec Vianney. Tant
Antoine que Jean Guy ne venaient pas du tout du
milieu rock, mais ils ont adoré ce projet, tout comme
nous avons aimé l’échange que nous avons eu avec eux.
Marc Varez : Il faut aussi citer un autre ingénieur du
son qui, me semble-t-il, a mixé deux titres. Il s’agit de
Bruno Mylonas, qui a produit notre album suivant,
Big Bang (1992). Franck Pilant est arrivé avec des
idées neuves, ce dont nous avions besoin. Il nous a
fait rencontrer quelques personnes, dont Antoine qui
était intéressé pour élargir encore l’éventail de ses
productions. Grâce à lui, nous avons essayé des tas
d’options au niveau du son et sommes allées au bout
de notre démarche en glissant ci et là un peu de synthé,
en programmant des parties de batterie, etc. Des trucs
qui font peur aux rockeurs ! (rires) Nous voulions un
peu couper avec cette image de Motörhead français,
et donc, à partir de là, tout était libre. Ce disque, ce
fut plus qu’une transition…
L’album est plutôt bien reçu par la presse
hexagonale, mais le public du groupe se divise
quelque peu, le « choc » étant un peu difficile à
encaisser pour certains…
Daniel Puzio : Je dirais que Transition a été reçu
de façon moins positive que nos autres disques.
Bon, ça n’a pas non plus été une catastrophe,
nos concerts marchant plutôt bien sur cette
tournée, mais les ventes de l’album n’ont pas
suivi. Elles ont été clairement en deçà de celles
de nos trois premiers opus. Même le single
« Sophie » n’a pas connu le succès escompté.
Marc Varez : Les « puristes » ont crié au scandale
rien qu’en entendant le mot « claviers ». D’autres
n’ont simplement pas accepté cette évolution
artistique et musicale. Dans une certaine mesure,
je peux le comprendre, car c’était sûrement un
peu violent, mais bon…
Avec le recul, néanmoins, les musiciens ne
regrettent rien de cette transition en quelque
sorte obligatoire…
Daniel Puzio : J’écoute toujours cet album avec plaisir.
Je déplore que nous ne puissions en jouer plus de
morceaux aujourd’hui car nous ne sommes plus que
trois à présent et je n’ai pas le niveau de Franck en
solo. Ceci dit, il nous arrive encore, à l’occasion, de
jouer « Partir » et « Derrière Les Cartes », qui fut
d’ailleurs composé et maquetté alors que Didier était
encore avec nous.
Marc Varez : J’adore ce disque. Je ne réécoute pas
souvent les albums de Vulcain, mais j’aime beaucoup
celui-ci car il contient d’excellents titres. La façon
dont il a été conçu, la rencontre avec plein de gens
venant d’un autre domaine et qui nous ont ouvert à
d’autres univers, le fait de bosser dans des studios
prestigieux… En tant que musicien, j’en garde un
excellent souvenir. Y
Track-listing de l’album original :
1/ Derrière Les Cartes - 2/ Sophie - 3/ Rockin' Chair - 4/
Limousine - 5/ Partir - 6/ Surfing In Hawaï - 7/ Give It Up
- 8/ Rock’n’Roll Star - 9/ Les Loups - 10/ Lady Blue
Producteur : Antoine Essertier
Line-up d’époque :
Daniel Puzio (chant, guitare) - Vincent Puzio (basse) -
Franck Pilant (guitare) - Marc Varez (batterie)
 Le Monde… du Metal
LE CHIFFRE
FAREWELL WARREL...
17ème ANNÉE - N°183 100% INDÉPENDANT PHOTOS : M.VILLALONGA

3
Trois nouveaux microbes identifiés
La fin de l’année 2017 ne nous en aura pas
fait voir de toutes les couleurs : juste du noir.
dans des intestins de termites ont Le 13 décembre, aux alentours de midi,
été baptisés en l’honneur des nous apprenions le décès de Warrel Dane,
membres de Rush par les chanteur de Sanctuary et ex-frontman de
chercheurs de l’université de Nevermore, des suites d’un infarctus du
Colombie Britannique. Pourquoi myocarde. Le vocaliste s’est éteint au Brésil
donc ? Parce que les microscopes alors qu’il était en plein travail sur son
ont révélé que ces microbes deuxième album solo. Son guitariste Johnny
semblaient avoir « les cheveux Moraes explique : « Il est mort durant la
longs » et qu’ils bougeaient en nuit. J’ai essayé de lui pratiquer un massage
rythme à la manière des membres cardiaque et j’ai immédiatement appelé le
du trio canadien. Leurs noms SAMU, mais il était déjà décédé à l’arrivée
scientifiques, « P. leei », « P. des secours ». Dane, de son vrai nom Warrel
lifesoni » et « P. pearti » font G. Baker, était âgé de 56 ans. Il a commencé
donc référence à Geddy Lee, très tôt à chanter, suivant dès son jeune
Alex Lifeson et Neil Peart. A âge une formation de chanteur d’opéra. Il
l’annonce de cette nouvelle, Rush travaille son chant sans relâche, jusqu’à ses
a dit sur Twitter qu’il s’agissait d’un premiers pas dans le heavy metal en 1983,
« immense tout petit honneur » ! avec Serpent’s Knight qui lui permet
d’enregistrer son premier album, Released
From The Crypt (1983), et qu’il quitte

LA PHRASE DU MOIS
en 1985. C’est en 1988 que les choses
décollent réellement pour lui : Dave
• « Les discussions ont été rom- Mustaine s’entiche de son groupe Sanctuary
pues car Lars (Ulrich) voulait et décide de produire son premier album,
être crédité sur deux morceaux Refuge Denied (1988). Son style lyrique,
dont j’avais écrit paroles et aigu et puissant n’est pas sans rappeler ceux
musiques. Alors, j’ai refusé. » de Geoff Tate (Queensrÿche) et Midnight
(Dave Mustaine sur Twitter à (Crimson Glory), déjà bien installés, mais la
propos de la réédition de la musique du groupe de Seattle, heavy à
démo No Life ‘Til Leather de l’enrobage plus thrash, lui permet de se
Metallica. Cette dernière, différencier. En 1992, après des problèmes
initialement prévue avant celle internes, une partie du combo quitte le
de Kill ‘Em All, a finalement été navire pour former Nevermore qui recueille
« reportée ». D’après Mustaine, rapidement tous les suffrages. Chapeauté par
elle devait comporter pas moins la paire Jeff Loomis (guitare/aujourd’hui
de 27 titres) membre d’Arch Enemy)/Warrel Dane,
Nevermore récolte un vrai succès avec des
albums restés emblématiques tels que ses
trois derniers : Enemies Of Reality (2003),
This Godless Endeavor (2005) et The Obsidian Conspiracy (2010). En 2008 paraît également le premier opus solo de
Dane, Praises To The War Machine, écrit par Peter Wichers (Soilwork) et sur lequel le batteur n’est autre que Dirk
Verbeuren (Scarve, Soilwork, Megadeth). Warrel s’apprêtait à lui donner un successeur en 2018, déjà nommé Shadow
Work et enregistré avec un backing band brésilien. Après le split de Nevermore en 2011, Dane reforme Sanctuary qui
sort un album en 2014 : The Year The Sun Died. Depuis de nombreuses années, il se battait contre un alcoolisme
chronique qui avait engendré plusieurs complications telles que le diabète, et en parlait sans détours en interview. Un
temps abstinent durant la fin des années 2000, il avait malheureusement replongé il y a quelques années et s’en trouvait
considérablement affaibli. Une fois de plus, le heavy metal perd un très grand artiste. Rock Hard s’associe à la douleur
de ses proches.

NOUVELLES DU FRONT
Histoire de nous mettre en
appétit, Dimmu Borgir
publiera un vinyle intitulé
Interdimensional Summit le
23 février. Vous y trouverez
deux morceaux : le titre en
question et une version live
de « Puritania ». Le nouvel
album du groupe black metal symphonique
norvégien est quant à lui attendu au début
du mois de mai. Nous vous en reparlerons
bientôt. 6 Le nouvel album studio de Trust
pourrait voir le jour à la fin du mois de mars.
Il a été mixé par le légendaire Mike Fraser
(AC/DC, Metallica). 6 AmeriKKKant de
Ministry sortira le 09 mars chez Nuclear
Blast. 6 C’est le 16 mars que ressortiront
deux albums de Paradise
Lost (trop) mésestimés :
Host (1999), remasterisé,
et Believe In Nothing
(2001), remixé et remasteri-
sé pour l’occasion. 6 L’ex-
Svart Crown Kevin Paradis
est le nouveau batteur de
Benighted. 6 Gabriel Keyes est le quatrième
chanteur de Crashdïet. Le groupe sleaze
suédois vient de sortir un nouveau single
intitulé « We Are The Legion ».6 Un DVD
live d’Anthrax intitulé Kings Among
Scotland verra le jour le 27
avril. Il a été capté en février
dernier à Glasgow. Au pro-
gramme : deux heures de
show comprenant l’intégrali-
té du référentiel Among The
Living (1987), ainsi que
d’autres classiques et des
titres récents, sans oublier quelques vidéos
bonus. 6 Un nouvel EP de Venom vient de
sortir. Son titre ? 100 Miles To Hell. 6
Graveyard qui, en janvier 2017, avait annon-
cé son retour quatre mois
seulement après l’annonce de
sa séparation, est en studio.
Le batteur Alex Sjöberg
n’est pas de la partie. 6 Le
09 mars, Suicidal Tendencies
publiera un EP intitulé Get
Your Fight On!. Comme sur
World Gone Mad (2016), c’est Dave
Lombardo (ex-Slayer) qui est à la batterie. 6
Un « nouvel album » du toujours très proli-
fique Jimi Hendrix intitulé Both Sides Of The
Sky sortira le 09 mars. Vas-y Jimi, ne lâche
rien !!! 6 A cause de récents « problèmes » et
d’une « blessure » non spécifiée, Katatonia a

10
RICK PARFITT L’HOMMAGE POSTHUME…
ALBUM SOLO

Quasiment un an jour pour jour après

le décès de Rick Parfitt, le jour du
réveillon de Noël 2016, sa famille a
dévoilé sur le Net un premier extrait
de Over And Out, le premier album
solo sur lequel travaillait le guitariste
de Status Quo au moment de sa
disparition à l’âge de 68 ans.
« Without You », une ballade rehaussée
de piano et de cordes, et bien évidem-
ment traversée par le son de guitare
emblématique du musicien, donne un
avant-goût de ce disque annoncé par
le label earMUSIC comme un travail
« réalisé avec amour montrant la face
la plus douce de Rick Parfitt », « loin
du maelstrom sonore du Quo et le
rock’n’roll le plus pur de ses premiers
efforts ». Quasiment finalisé au
moment de la disparition de Rick Parfitt,
Over And Out a été achevé par Brian May (Queen) et Chris Wolstenholme
(Muse), deux amis proches qui savaient à quel point la publication de cet
album était chère au cœur du musicien. Deux versions, celle finalisée en
studio par les musiciens et le producteur Jo Webb, et celle inachevée, plus
« brute de décoffrage », seront disponibles dans une édition collector de Over
And Out qui atterrira dès le 23 mars prochain dans les bacs.

GUITARES DE LEGENDE !
LIVRE

Guitars And Heroes est l’œuvre du

très sympathique et compétent Julien
Bitoun. Dans ce livre de 240 pages
édité par Gründ, le guitariste, journaliste
et enseignant « explore la dynamique
entre l’artiste et son instrument au travers
de 96 couples », commençant par
Robert Johnson pour s’arrêter à Jack
White. Evidemment, blues du Delta,
rockabilly, blues de Chicago, jazz,
British blues boom, surf, garage, psyché,
new wave et alternative rock sont ici
mis à l’honneur, mais les chapitres
« Naissance du Hard Rock », « Arena
Rock, Shred et New Wave », « Grunge
et Alternative Rock », « Du Metal au
Djent » et « Guitar Heroes du Futur »
intéresseront plus encore les lecteurs
de ce magazine qui y croiseront de
nombreuses pointures (Page, Allman, Iommi, Blackmore, May, Nugent, les
frères Young, Van Halen, Gibbons, Slash, Malmsteen, Rhoads, Satriani,
Cantrell, Morello, Darrell, Vai, Hetfield, Wylde, Buckethead, etc.), ainsi
que leurs guitares fétiches. Bien écrit et documenté, ce livre recommande
également des albums « références » et se lit avec plaisir au fil de mini-
chapitres bonus instructifs (« 5 films où la guitare est à l’honneur », « 5
albums de hard rock indispensables », « 5 pédales qui ont changé le monde »,
etc.). Pour 29,95€, c’est donné !

annoncé qu’il marquera seur de Grand Morbid Funeral (2014). C’est

une « pause provisoire »
afin de « réévaluer l’avenir
du groupe »... 6 Bon Jovi
va être intronisé au très
américain Rock And Roll
Hall Of Fame. En revanche,
Judas Priest, qui était
nommé pour la première fois cette année,
n’a pas été retenu. Ne sont éligibles que des
groupes ayant sorti leur premier album il y a
au moins 25 ans. Avant d’être accepté cette
année, Bon Jovi avait été nommé tous les
ans depuis 2008, sans succès. 6 Bloodbath
vient de débuter l’enregistrement du succes-
une nouvelle fois Nick Holmes (Paradise
Lost) qui est au micro du
supergroup death metal. 6
Le procès des membres de
Decapitated débutera le 16
janvier dans l’état de
Washington, aux USA. Les
musiciens polonais sont
accusés de viol en réunion
par une fan montée dans leur tour-bus après
un de leurs concerts. 6 Les Suédois de The
Crown publieront leur nouvel album en mars
chez Metal Blade. Un single apéritif intitulé
« Iron Crown » sortira en vinyle le 12 janvier.
 LA PLAYLIST DES PROS
JOE SATRIANI
1. THE JIMI HENDRIX EXPERIENCE – Are You
Experienced
ROCK HARD IL Y A 10 ANS...
Alors que nous refermons l’année 2017 en
(par Philippe Lageat)
Airtime (le projet de Rik Emmett, guitariste
saluant le To The Bone de Steven Wilson et de Triumph), Glyder, Fight, Danko Jones,
2. THE JIMI HENDRIX EXPERIENCE – Axis: Bold As Love

en accordant notre une à Machine Head, un Benedictum, V8 Wankers, Necromantia,

3. THE JIMI HENDRIX EXPERIENCE – Electric Ladyland

coup d’œil dans le rétro et sur notre référendum Black Rainbows, Shining, Asesino et
4. THE ROLLING STONES – Exile On Main St.

2007 permet d’observer que notre rédaction Meshuggah. Les goûts musicaux, par
5. THE BEATLES – Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band

n’est pas du genre changeante. Il y a dix ailleurs, c’est comme les blagues : chacun a
ans, en effet, elle élisait déjà Steven les siens, ainsi que le prouve un nouveau
MINORU NIIHARA

Wilson « musicien de l’année » et le The volet de La Metalthèque Idéale consacré

(LOUDNESS)

Blackening de Machine Head « album de aux « Inclassables (Part. 1) » et dans lequel

1. THE BEATLES – Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band
2. LED ZEPPELIN – IV

l’année ». Comme dit Robb Flynn dans on retrouve des hurluberlus qui n’ont pas
3. VAN HALEN – I

« Struck A Nerve » : « The more things froid aux yeux comme Saigon Kick,
4. RUSH – 2112

change, the more they stay the same… ». Hawkwind, Waltari, Tribe After Tribe et
5. DIO – The Last In Line

S’il est une autre chose qui n’évolue pas, c’est Warrior Soul, entre autres. Histoire de finir
bien cet humour « au ras des pâquerettes » sur une note plus sérieuse, la news de ce
ZAKK WYLDE
qui nous caractérise et que vous aimez tant RH73, c’est que Led Zeppelin a joué, le 10
(BLACK LABEL SOCIETY)

(comment ça, « non » ?!!). Le vilain jeu de décembre 2007, à l’O2 Arena de Londres.
1. ELTON JOHN – Goodbye Yellow Brick Road

mots de notre une de ce mois (« En garde, C’était son premier concert depuis 17 ans.
2. CHRIS CORNELL – Higher Truth

Robb ! ») ne vous a certainement pas échappé. Dix ans plus tard, il demeure le dernier à ce
3. BLACK SABBATH – Vol. 4

C’est toutefois à se demander si celui qui jour.

4. LED ZEPPELIN – The Song Remains The Same
5. FRANK MARINO – Mahogany Rush

ornait la couv Avantasia de ce numéro 73

(« Tobi or not Tobi ») de janvier 2008, à Top Albums de la Rédaction RH73 :
TONY CLARKIN (MAGNUM)
l’occasion de la sortie de l’album The • AYREON – 01011001 (S. Auzilleau)
1. THE DON ELLIS ORCHESTRA – Electric Bath

Scarecrow, n’était pas encore pire. Ce qui que leur nouvel album est le meilleur qu’ils • BRAINSTORM – Downburst (Benji)
2. BUDDY HOLLY – Buddy Holly

n’est pas peu dire… Niveau blagounettes aient jamais fait. Ce sont des menteurs, mais • FAIR TO MIDLAND – Fables From A
3. BUDDY HOLLY – That’ll Be The Day

désopilantes, Tobias Sammet n’avait rien à nous, c’est vrai ! ». Humour, quand tu Mayfly… (P. Lageat)
4. STEELY DAN – Greatest Hits

nous envier puisqu’il n’hésitait pas, alors, à nous tiens ! Hreidmarr, le chanteur de The • ISOLE – Bliss Of Solitude (B. Bages)
5. THE PIRATES – Live At Dingwalls

affirmer mordicus : « Avantasia restera CNK, comprend qu’en matière d’humour, • THE MARS VOLTA – The Bedlam In
toujours un side-project ». Y’en a quand justement, chacun a le sien : « Je suis sidéré Goliath (M. Rivalin)
VALENTINO ARTEAGA

même qu’ont pas froid aux yeux ! Autre • ROTTEN SOUND – Cycles (I. Le
(OF MICE & MEN)
de constater que certaines personnes nous
1. OCEAN GROVE – The Rhapsody Tapes

exemple parlant, dans ce même numéro, prennent encore au premier degré ». Les Maguet)
2. SEVENDUST – Kill The Flaw

celui du chanteur de Brainstorm, Andy B. autres groupes au sommaire sont The Ocean, • THE SOLUTION – Will Not Be Televised
3. $UICIDE BOY$ - Kill Yourself Saga

Franck : « En général, les groupes disent Electric Wizard, Ayreon, Holophonics, (S. Kowalik)
4. GLASSJAW – Material Control

LES INSOLITES DU WEB

5. KUBLAI KHAN – Nomad

JON ALDARA (HAMFERD)

1. ELECTRIC LIGHT ORCHESTRA – Time INTERNET
2. ROTTING CHRIST – Sanctus Diavolos

Envoyez-nous vos liens à l’adresse insolites@rockhard.fr !

3. ANATHEMA – The Silent Enigma
4. IRON MAIDEN – Somewhere In Time

• Lors de son dernier voyage diplomatique en Indonésie, le premier ministre danois, Lars Lokke,
5. YES – Relayer

a offert au président Joko Widodo, bien connu pour être un fan de rock et de metal, un
superbe coffret collector Master Of Puppets signé par le batteur de Metallica, Lars Ulrich !
ANNEKE VAN GIERSBERGEN
(VUUR)

Ah, ça c’est un cadeau utile ! http://bit.ly/larsindo

1. PINK FLOYD – The Dark Side Of The Moon

• Foreigner, et particulièrement son chanteur Kelly

2. MASTODON – Emperor Of Sand

Hansen, a bravé le froid pour cette vidéo de saison dont

3. DEVIN TOWNSEND PROJECT – Epicloud
4. DIANA ROSS – Anthology

le but avoué est d’assurer la promotion de la tournée

5. GOJIRA – Magma

américaine Juke Box Heroes de février. Whitesnake et le

Jason Bonham’s Led Zeppelin Evening seront
JEN MAJURA (EVANESCENCE)
1. STEVE VAI – Passion And Warfare

également de la fête, excusez du peu !

2. GUNS N’ROSES – Appetite For Destruction

http://bit.ly/forjuke
3. AC/DC – If You Want Blood

• Douze ans après l’éviction de Tarja Turunen de

4. EXTREME – Pornograffiti
5. LAMB OF GOD – Ashes Of The Wake

Nightwish, la chanteuse et le bassiste du groupe, Marco Hietala, ont rejoué

ensemble sur scène. Ces retrouvailles musicales ont eu lieu dans le cadre du
PHIL ANSELMO

Raskasta Joulua (Ndt : « Heavy Noël »), un concert réunissant de nombreux

1. DAVID ESSEX – Rock On

musiciens finlandais. http://bit.ly/tarhiet

2. JAMES GANG – Rides Again
3. CHICAGO – Best Of

• Le 1er décembre, les millions de téléspecta-

4. STEVIE WONDER – Innervisions

teurs regardant le tirage au sort de la Coupe du Monde de

5. DARKTHRONE – A Blaze In The Northern Sky

foot 2018 (qui aura lieu en Russie) ont eu droit, juste après
VICTOR SMOLSKI (ALMANAC)

un speech de Vladimir Poutine au Kremlin, à ce playback de

1. EVERGREY – The Storm Within

la popstar Alsou, mais aussi à un solo du guitariste

2. AYREON – The Source

d’Extreme, Nuno Bettencourt ! http://bit.ly/alsnuno

3. LAMB OF GOD – VII : Sturm Und Drang
4. ALTER BRIDGE – The Last Hero

• Le 09 décembre, lors d’un concert à Los Angeles, Josh

5. TRIVIUM – Silence In The Snow

Homme a envoyé aux urgences une photographe nommée

Chelsea Lauren en lui assénant un coup de pied dans la tête. Après avoir nié l’agression, le leader
JACK STARR

de Queens Of The Stone Age a reconnu ses torts quand le mauvais buzz l’a submergé. Un peu tard,
(BURNING STARR)
1. LED ZEPPELIN – I

Josh... http://bit.ly/homchel
2. DEEP PURPLE – Machine Head
3. VIRGIN STEELE – Guardians Of The Flame
4. ALBERT KING/STEVIE RAY VAUGHAN – In Session
5. QUEEN – A Night At The Opera

6 Kamelot finalise actuel-
lement le successeur de
Haven (2015) avec Sascha
Paeth (Epica, Avantasia). A
suivre ! 6 Le onzième album
de Monster Magnet se
nomme Mindfucker. Sortie
le 23 mars chez Napalm
Records. Une tournée européenne est calée
en mai et juin, mais au moment du bouclage
de ce numéro, aucune date française n’avait
été annoncée. 6 Legend Of The Seagullmen
publiera son premier album éponyme le 09
février prochain. On trouve notamment dans
les rangs de ce groupe de « rock psyché/ciné-
matique » Brent Hinds, chanteur/guitariste
de Mastodon, et Danny Carey, le batteur de
Tool. 6 Le récent concert d’Alice Cooper à
l’Olympia a été filmé en vue d’une sortie en
DVD/Blu-ray. 6 Angra publiera Omni le 16
février. Ce concept-album
flirtant avec la science-fiction
fait référence à d’autres opus
du groupe brésilien comme
Holy Land (1996), Rebirth
(2001) ou encore Temple Of
Shadows (2004). Ce neuvième
album d’Angra est le premier
enregistré avec le guitariste
Marcelo Barbosa, le rempla-
çant choisi par Kiko Loureiro
(Megadeth). 6 Turbonegro
publiera RockNRoll Machine
le 02 février. En juin, les
Norvégiens se produiront au Download ET au
Hellfest. 6 Les ex-membres de Crucified
Barbara, sauf la chanteuse/guitariste Mia
Coldheart, Jonas Kangur (Deathstars/guitare)
et la chanteuse Pepper Potemkin forment
The Heard. Un premier single du groupe
suédois intitulé « White Lightning » est
disponible. 6 The Dead Daisies peaufine
actuellement le successeur de Make Some
Noise (2016). Le supergroup notamment
constitué de John Corabi (ex-
Mötley Crüe) et Doug Aldrich
(ex-Whitesnake) sera de
passage en France en mai en
compagnie de The New Roses
(Cf. Agenda). Des marguerites
et des roses… C’est le bou-
quet ! Désolé... 6

12
 L’OEIL DE VERRE
Malcolm Young (AC/DC), Yokohama Arena,
Yokohama (Japon), le 20 février 2001.
AC/DC a été le premier groupe que j’ai vu sur
scène en 1979 et c’est le chouchou de Phil
Lageat. Alors, quand nous avons lancé Rock
Hard en 2001, l’idée d’un numéro spécial s’est
imposée à nous pour fêter sa venue au Stade de
France. En amont, nous avons donc réalisé un
reportage sur la tournée japonaise du groupe,
dont cette photo est tirée. En concert, Malcolm
était difficile à shooter : toujours en fond de
scène, il s’avançait rarement… pour se coller au
micro et repartir en arrière dans la seconde.
J’aime vraiment ce cliché car il le montre en
action, collé à ses amplis…
En hommage à ce grand guitariste.

Tous les mois, une photo « plein pot » extraite des archives de Marc Villalonga et commentée par le photographe himself…

Notre musique de prédilection serait-elle le dernier rempart contre la bien-pensance qui sévit de toutes
parts à l'heure actuelle ? On est en droit de l'imaginer, tant toutes les autres sphères semblent désormais
vérolées par une armée de Schtroumpfs à lunettes toujours prompte à venir nous les meuler avec des avis
définitifs sur ce qui se fait ou pas. La ridicule « affaire » Griezmann en est l'exemple le plus édifiant :
nous sommes en plein surréalisme. Profitons donc à fond de notre dernier espace de liberté. Un grand
penseur contemporain a dit : « Le rock'n'roll ne rend pas sage ». Ainsi soit-il ! Support the underground,
et que 2018 nous prodigue autant de fous rires politiquement incorrects qu'il y a de notes dans un solo
de Malmsteen !
BAD TRIPES
Marseille
Shock rock
Nous avions déjà évoqué ensemble le cas
à part de ce groupe étonnant qu’est Bad
Tripes. Haut en couleurs et armé d’une
très forte tolérance au mauvais goût
assumé, le quartette phocéen revient
avec un nouvel album absolument réjouis-
sant intitulé Les Contes De La Tripe. La
recette musicale est simple : du rock/hard
rock bigarré aux relents keupons, qui
tabasse rudement bien et sait s’acoquiner
d’accents « horror » du plus bel effet : ça
tombe d’ailleurs rudement bien, puisque
SILVER MACHINE
Jonzac
Metal polymorphe
Un groupe qui cite parmi ses influences
Rainbow, AC/DC, Thin Lizzy, Darkthrone,
Dodheimsgard, Primordial et Lynyrd
Skynyrd (entre autres) a forcément droit au
respect immédiat et absolu. Curieusement,
aucune trace de Rush dans cette liste non
exhaustive, et c’est d’autant plus étonnant
que, dès les premières notes de « Bite The
Blade », la basse sautillante de Julien et la
voix très mélodique de Brice rappellent
immédiatement au bon souvenir de Geddy
Lee. Mais nous ne sommes pas ici pour
14
La rubrique qui te secoue les grelots, par Charlélie Arnaud.
tout le visuel ainsi que les textes tournent
autour du cinéma d’horreur de bazar,
kitsch comme on l’aime et dégoulinant de
faux sang de porc. La grande prêtresse de
la troupe (façon de parler, puisqu’elle est
toute petite) s’appelle Hikiko Mori et – ne
nous mentons pas – phagocyte l’attention
avec sa voix d’enfant très encline à
chanter les pires horreurs (« Fuck Me
Freddy »), mais aussi à brailler comme une
gamine hystérique qui se serait assise
par mégarde sur sa Barbie. Les textes
chercher des ressemblances, d’autant
que le quintette a su se forger une
personnalité propre avec ce metal qui
réunit de très nombreux ingrédients issus
de différentes chapelles, tout en restant
systématiquement dans la mélodie. Le son
volontairement traité en mode 80’s (voire
70’s) sort des mains de Neb Xort du
Drudenhaus Studio (Anorexia Nervosa,
Ultra Vomit…), ce qui n’est pas le moindre
gage de qualité. Cet EP, IV – Gamma
Geminorum, est court (moins de vingt
minutes), mais riche. Les huit minutes de
ce fameux « Bite The Blade » permettent,
• Vous nous connaissez un petit peu : plus un
projet semble surprenant, plus nous avons un
petit filet de bave au coin de la bouche en le
découvrant. C’est sans conteste le cas avec VALSA
PINTURA, un one man band de Bordeaux, et pas
n’importe lequel. Né de l’imagination fertile de
Bastien Jez, à la fois musicien et illustrateur, le
en français, très joliment troussés, sont concept a de quoi étonner : Chaque titre publié
sur la page Bandcamp du projet aura son propre
définitivement l’un des points forts de artwork dédié, et à la vue de celui qui a été réalisé
l’album. Nonobstant un contenu parfois par Jez pour le titre « The Emulsion » (que
scabreux, on prend un grand plaisir à se vous voyez ici), il est clair qu’on n’a pas affaire
délecter des vers érudits de la petite à un rigolo. Musicalement, ça ne plaisante pas
Mori comme sur « Dame Eléphant », davantage puisque Valsa Pintura donne dans le
« L’Ogre de Barbarie » et surtout « Car death metal ultra technique qui aurait copulé avec
Nous Sommes Nombreux », superbement Django Reinhardt (du jazz manouche, donc). La
production manque encore de finesse, mais le
écrit dans un style qui n’est pas sans principe est en place et tient carrément la route.
rappeler ceux de Xavier Malemort Vivement la suite. Les curieux se ruent déjà sur :
(Malemort) et El Worm (Wormfood). http://valsapintura.bandcamp.com
Notons que, pour soutenir la sortie de
cet album, le groupe
a déjà mis en ligne
trois clips très réus-
sis esthétiquement
(« Hansel », « Gretel »
et « La Bouchère de
Hanovre ») qui per-
mettent de s’immer-
ger dans l’univers
décalé du combo.
Un vrai petit tour
de train fantôme
direction Marseille. • Il n’y a pas que le metal dans la vie, et YVAN
Et décidément, pour GUILLEVIC (guitariste de hard rock au sein du
le coup, Marseille projet PYG déjà chroniqué en ces pages) l’a bien
s’acharne. Comme compris. Il s’est donc allié à la chanteuse ANNE
sa gare. Je me com- SORGUES pour sortir ce Do It Your Way de toute
prends. beauté afin d’y laisser transpirer des influences
www.badtripes.fr
blues (certains soli crient leur amour pour Gary
Moore – entre autres), mais également soul. A
l’arrivée, l’album s’avère être un petit bijou à
savourer dans un fauteuil club au coin du feu lors
d’un dimanche après-midi d’hiver (chat sur les
genoux non fourni). Anne Sorgues s’inscrit dans la
grande tradition des égéries du catalogue de la
Motown, et lorsqu’elle, Guillevic, et leurs
il est vrai, d’ouvrir un paquet de tiroirs musiciens se frottent à un petit shuffle sur le titre
éponyme (qui rappelle étonnamment le groupe
afin de montrer tout ce qu’il y a en stock Masters Of Reality), l’état de grâce n’est pas loin.
(notamment du blastbeat – à peine Le disque-cocooning de l’hiver, à n’en pas douter.
étonnant de la part d’un groupe dont la Et une excellente occasion de se rincer les oreilles.
moitié des membres est importée du www.yvanguillevic-annesorgues.com
metal extrême). « Resistance » surprend
quant à lui avec son groove presque
new wave qui se termine sur une
rythmique de guitare imparable digne de
Jake E. Lee (pé-
riode Ozzy), tandis
que « Mebsuta »
plie les gaules sur
une note acous-
tique de toute
élégance. Tout cela
est beau, très beau
même, mais fran-
chement frustrant : • Quand Davide Tiso (Ephel Duath) décide de se
devant tant de frotter au death technique progressif, il ne rigole
talent(s), nous au- pas du tout. Donc, il va recruter dans ce qui se fait
rions bien aimé en de mieux : Hannes Grossmann (batterie/ex-
Obscura), Jason McMaster (chant/ex-Watchtower)
reprendre encore Bruce Lamont (saxophone/Yakuza) ou encore
un petit bout Kevin Hufnagel (guitare/Gorguts, Dysrhytmia), et
(genre le triple). il appelle le rejeton HOWLING SYCAMORE. Le
Il ne nous reste résultat, sans surprise, pète les deux genoux. Plus
plus qu’à croiser digeste que Watchtower, mais assez comparable
les doigts pour que Silver Machine sorte stylistiquement, Howling Sycamore rappelle
bien vite un album digne de ce nom en surtout tout le Control Denied de feu Chuck
Schuldiner auquel on aurait greffé un sax
termes de durée. Nul doute qu’il squattera
hystérique qui fait toute la différence. Le chant de
pour un bon moment le haut de la pile. McMaster, très heavy et lyrique avec des aigus
www.silvermachine.fr impressionnants, ne sera assurément pas du goût
de tous. Reste un album de virtuoses dont on
espère qu’il ne sera pas sans suite.
http://howlingsycamore.bandcamp.com
 Propos recueillis : Guillaume Fleury
Photo : DR
Interview réalisée le 15 novembre 2017 à Paris
Chaque mois, un musicien évoque
les dix albums qui ont changé sa
vie, ses « Dix Commandements ».
Sans la moindre surprise, nous
retrouvons davantage de black metal
que de musette dans celle d’Erik
Danielsson, leader de Watain !
1. DISSECTION – Reinkaos (2006)
Erik Danielsson : Le satanisme,
le meurtre et le metal, joués
par l’élite. Le dernier album à
avoir vraiment secoué mon
être jusqu’au plus profond !
Dissection n’a jamais été égalé
car personne n’est capable de
surpasser un tel aboutissement.
Je suppose qu’on peut dire la même chose
dans beaucoup de styles de musique : les Sex
Pistols, par exemple, ont maintes fois été copiés,
mais jamais aucun groupe n’est parvenu à se
hisser au même niveau.
2. METALLICA – Ride The
Lightning (1984)
L’un des albums de heavy metal
les plus sombres qui soient. Et la
bande originale de ma vie… Ma
première expérience musicale a
eu lieu alors que je n’étais âgé
que de cinq ans : tandis que les
autres gamins jouaient au football ou à d’autres
activités inutiles du même genre, je découvrais
les Beatles et les Rolling Stones par l’inter-
médiaire d’une cassette que je passais en
boucle, encore et encore. Mais c’est quelques
années plus tard, vers l’âge de neuf ou dix ans,
quand j’ai découvert Metallica par l’intermé-
diaire d’un camarade de classe, que la révélation
a vraiment pris forme. A partir de là, j’étais
foutu pour toujours ! (rires) Je n’étais qu’un
gamin qui ne comprenait pas encore que
d’autres groupes de metal existaient, mais les
choses sont arrivées graduellement à partir de
là : j’ai découvert des formes alternatives de
musique, acheté des magazines, échangé des
cassettes et enregistré des concerts à la télé,
sur des VHS. C’est Metallica qui m’a ouvert
un nouveau monde musical varié...
3. FIELDS OF THE NEPHILIM
– Elizium (1990)
Transcendantal et unique. Une
musique venue d’un autre
monde et que je juge simplement
incroyable… La musique gothique,
par l’intermédiaire de Fields Of
The Nephilim ou The Sisters Of
Mercy, a posé les fondations de mes intérêts
musicaux. Tout comme le punk...
4. DARKTHRONE – Under A
Funeral Moon (1993)
Ma véritable première intro-
duction au culte du black metal.
Un coup de poignard en plein
cœur, qui a changé ma vie à
jamais ! Cet album a été le
déclencheur majeur de ma
découverte de l’aspect vraiement sombre de la
musique. J’étais encore très jeune, je devais
avoir 12 ou 13 ans… Storm Of The Light’s Bane
de Dissection est sorti deux ans plus tard, et
16
cette musique est alors devenue une obsession pour
moi. Cette époque fut celle de nombreuses découvertes
et d’expériences énormes...
5. TORMENTOR – Anno Domini (1988)
Une putain de pure perfection black
metal ! Un album réalisé dans le
secret et le confinement, derrière le
rideau de fer (Ndlr : Tormentor est un
groupe hongrois qui a compté en ses
rangs Attila Csihar, futur chanteur de
Mayhem). Nous avons repris le titre
« Beyond » qui sera disponible sur le 45 Tours de
« Nuclear Alchemy »...
6. BATHORY – Under The Sign Of
The Black Mark (1987)
Tous les albums de Bathory jusqu’à
Twilight Of The Gods (1991) inclus
mériteraient d’être cités dans cette
liste. Mais j’ai choisi celui-ci car il
représente la vaste étendue du talent
de Quorthon, son génie parvenu à son
plus haut niveau...
7. NIFELHEIM – Servants Of
Darkness (2000)
Un classique du black metal moderne.
Et une inspiration cruciale pour la
musique de Watain… Selon moi, le
black metal doit toujours conserver
son aspect « in your face ». Mon cœur,
à ce sujet, est très traditionnel et je ne
suis pas franchement intéressé par la façon dont de
nouveaux groupes tentent de prolonger le voyage
vers d’autres rives. C’est probablement une bonne
chose qu’ils le fassent, et je suis persuadé qu’un jour
l’un d’entre eux apportera quelque chose de vraiment
intéressant, mais selon ma vision personnelle du
black metal, les meilleures choses sont survenues
entre 1981 et 1992 ! (rires)
8. MAYHEM – De Mysteriis Dom
Sathanas (1994)
Le premier, le dernier, pour toujours,
tout simplement ! La scène black est
aujourd’hui très différente de ce
qu’elle était à l’époque. En ce temps-
là, les gens ne pouvaient pas se
cacher derrière un ordinateur. Si tu
avais de profondes convictions, il te fallait te tenir
debout et te battre pour elles. C’était également un
mouvement auréolé de secrets et de mystère, tout
comme le death metal des débuts. Cet environnement
isolé et confiné est, selon moi, parfait pour ce genre
de musique, mais Internet a ruiné beaucoup de
choses sur ce point-là...
9. IN SOLITUDE – Sister (2013)
Un autre classique moderne après
Nifelheim, mais il s’agit cette fois
d’une musique non liée au black
metal. In Solitude est d’abord parti
d’un heavy metal pur avant d’aboutir
à ce chef d’œuvre d’album totalement
unique. Puis, une fois chose faite, il a
tout simplement choisi d’arrêter.
10. DEAD CAN DANCE – Towards
The Within (1994)
La bande originale de presque toutes
les tournées auxquelles j’ai pu prendre
part dans ma vie. Je peux sentir le
sang et l’excitation de l’aventure à
chaque fois que je l’écoute ! Y
 Propos recueillis par François Blanc
Interview réalisée le 16 novembre 2017
Chaque mois, un musicien revient sur les
films de sa vie, ses grands moments sur
grand (et petit) écran. Cette fois-ci, c’est le
ténébreux chanteur Ulf Theodor Schwadorf
qui s’y colle. Car après tout, « he likes to
movie, movie »…
Rock Hard : Quels sont tes cinq films
préférés ?
Ulf Theodor Schwadorf :
Fog (1980). Le plus grand chef
d’œuvre de John Carpenter. Tout y
est parfait : le rythme
inhabituellement lent, l’intrigue, la
bande originale, l’atmosphère… Bien
plus qu’une « simple » histoire de
fantôme aux réminiscences
G. Del Toro
lovecraftiennes, c’est un film
d’horreur parfaitement construit que
je ne peux que chaudement recommander.
The Witch (2015) L’un des meilleurs
films de ces vingt dernières années.
L’image est d’une qualité remarquable !
On se sent réellement transporté dans
les forêts de la Nouvelle-Angleterre du
XVIème siècle. De plus, la chute est tout
sauf prévisible. On se croit immergé
dans un drame familial, et puis on
bascule habilement dans le
fantastique ! La magie n’est pas gâchée
par une explication
cartésienne, et c’est très bien ainsi.
À Couteaux Tirés (1997) Ce film narre
le périple d’un groupe de riches
citoyens dont l’avion s’écrase en
pleine nature sauvage et qui se voit
pourchassé par un énorme grizzly.
Encore une fois, les scènes de nature
et la bande originale sont très
réussies, mais cette œuvre vaut
surtout pour son analyse très fine des
réactions de l’homme lorsqu’il est
confronté à des situations extrêmes. On découvre
rapidement qui est – ou non – une bonne personne !
Nosferatu Le Vampire (1922). Son âge
très avancé donne à ce film une
certaine crédibilité, comme s’il
témoignait d’événements qui se
seraient réellement produits dans un
passé lointain. J’adore ça, ainsi que les
théories fantasques et les légendes qui
circulent au sujet de Max Schreck,
l’acteur principal du film. Certains fans
se demandent sincèrement s’il n’était
pas un vampire lui-même !
Le Seigneur des Anneaux : La
Communauté de l’Anneau (2001).
J’aurais pu citer Le 13ème Guerrier
(1999), mais ce premier volet de la
trilogie me plaît énormément. Peter
Jackson a réussi à consigner sur
bandes les images qui me traversaient
l’esprit en lisant l’œuvre de Tolkien.
C’est très beau, l’atmosphère et les
dialogues sont très soignés. J’aurais
aimé que les suivants soient du même
acabit…. Le troisième, particulièrement, abuse des images
de synthèse et tombe parfois dans le kitsch.
Ta Bande Originale de film préférée ?
Après mûre réflexion, je pense qu’il s’agit de celle du
Dracula (1992) de Francis Ford Coppola. Je l’ai
18
découverte au moment où
Empyrium débutait sa
carrière, et elle m’a
énormément inspiré. Les
thèmes musicaux sont si
bons qu’on peut
parfaitement les savourer
sans les images. Je peux
d’ailleurs affirmer avec
certitude que les musiciens de Carpathian Full Moon et de
Cradle Of Filth partagent mon enthousiasme.
Ton réalisateur préféré ?
Guillermo Del Toro, l’un des meilleurs
réalisateurs contemporains dans les
domaines de l’horrifique et du
fantastique. J’aurais pu citer John
Carpenter, bien sûr, mais Del Toro
dispose d’un extraordinaire talent de
conteur. C’est après avoir visionné Le
Labyrinthe de Pan (2006) que j’ai
réalisé à quel point cet homme était
talentueux. Je ne supporte pas de voir ce film trop
souvent. L’histoire est si déchirante qu’elle me met les
larmes aux yeux !
Ton affiche de film préférée ?
J’ai affiché celle d’Une Messe
Pour Dracula (1970) juste au-
dessus de la console de mixage
de mon studio (Ndlr : le
Klangschmiede Studio E). Je l’ai
donc sous les yeux tous les
jours ! C’est un très bon film
d’horreur, très représentatif de
ce que faisait la Hammer à
l’époque. L’expression de
Christopher Lee sur ce poster
est franchement saisissante !
Ton acteur préféré ?
Anthony Hopkins. Quand je tombe
par hasard sur un film dans lequel il
joue, j’interromps immédiatement
mes activités pour le regarder.
Son jeu me captive ! Il a une
présence inouïe à l’écran et est
d’une crédibilité confondante.
Il incarne ses personnages à la
A. Hopkins
perfection et joue dans beaucoup
de mes films préférés. Sa performance dans A Couteaux
Tirés est digne de tous les éloges !
Ton actrice préférée ?
Eva Green. Cette femme est
capable de jouer la folie et
l’obsession de façon très
convaincante, très dramatique.
Son jeu me touche
particulièrement, je la trouve
brillante et particulièrement
expressive ! Elle n’hésite pas à Eva Green
s’enlaidir considérablement si un
rôle le nécessite, ce que je trouve génial, surtout quand
on voit à quel point elle est belle au naturel. J’aimerais
beaucoup la voir sur la scène d’un théâtre. Je suis sûr que
je serais bluffé une fois encore !
Ta série préférée ?
J’ai visionné et aimé tant de séries
ces deux dernières années que j’ai du
mal à choisir ! J’ai adoré Mad Men,
Dexter, Stranger Things…
Cependant, si je devais choisir,
j’opterais pour la première saison de
Penny Dreadful (2014). Eva Green
était faite pour jouer
le rôle de Vanessa Ives. Sa performance est à couper
le souffle et certains épisodes sont tout bonnement
fantastiques ! Cette saison, calme et poétique, possède un
charme victorien indéfinissable qui s’est complètement
évaporé par la suite. J’estime que la série a pris une
mauvaise direction les saisons suivantes, et je le déplore.
Ton film d’animation préféré ?
Je n’en regarde jamais, sauf
lorsque j’accompagne mes
enfants au cinéma ! J’admets
avoir passé un très bon moment
devant Raiponce (2010). J’étais
impressionné et admiratif
devant la qualité de l’animation
3D. Avec nos lunettes sur les
yeux, nous avions vraiment
l’impression d’être projetés à
l’intérieur du film qui, par
ailleurs, est plutôt amusant et
bien mené. C’est une jolie histoire ! Ma fille, en pleine
période « princesse », adore particulièrement Raiponce…
Le dernier film que tu as vu ?
The Green Inferno (2013), une
sorte de remake de Cannibal
Holocaust (1980) réalisé par Eli
Roth. Ce n’est pas un mauvais film,
mais j’admets avoir été un peu
déçu. Dans les années 80, les films
de cannibales ou de zombies
avaient toujours un ton
irrévérencieux, un second degré et
une critique sous-jacente de la
société, et je n’ai pas retrouvé ces éléments, qui sont pour
moi très importants. En revanche, certains passages où les
cannibales dévorent sauvagement les gens sont vraiment
très gore !
Ton documentaire préféré ?
En tant que fan inconditionnel de
black metal, je me vois dans
l’obligation de choisir Until The Light
Takes Us (2009). J’adore regarder des
documentaires sur la nature, mais ce
témoignage vidéo délivre beaucoup
d’informations sur les débuts de la
scène norvégienne qui me fascinait
au plus haut point lorsque j’étais
adolescent. A l’époque, une aura
proprement mystique entourait ses musiciens,
c’était vraiment incroyable ! J’éprouve beaucoup de
nostalgie en visionnant ces images.
Ton « méchant de cinéma » préféré ?
Je ne sais pas si l’on peut
effectivement le qualifier de
« méchant », mais j’opte tout de
même pour le personnage de Blake
dans The Fog, interprété par l’acteur
Rob Bottin. J’adore les histoires de
vengeance, particulièrement d’outre-
tombe ! (rires) Nous avons tous été
trahis un jour ou l’autre, et il est donc facile de s’identifier
à ces personnages qui cherchent à prendre leur revanche
par tous les moyens. Y

Propos recueillis par François Blanc
Photo : Marc Villalonga
Interview réalisée le 13 décembre 2017 à Paris
Quelques heures après avoir
donné un concert énergique
en première partie de
Dirkschneider, le chanteur et
bassiste de Raven, John
Gallagher, nous a conté ses
première fois.
Rock Hard : Ton premier héros musical ?
John Gallagher : Jim Lea, le bassiste de
Slade. C’est l’un des premiers à avoir utilisé
une grosse distorsion sur sa basse. Il a un
style de jeu unique, dont j’admets m’être
copieusement inspiré.
Le premier album acheté avec ton argent
de poche ?
En 1973, mon frère Mark (guitare) et moi
avons assisté à un concert de Slade à
Newcastle. J’ai adoré au plus haut point et
acheté Slade Alive (1972) dans la foulée.
J’ai usé ce disque jusqu’à la corde et le
connais absolument par cœur !
Ton premier instrument ?
En 1972, Mark et moi partagions une guitare
acoustique achetée en Espagne. Je la sous-
accordais pour qu’elle sonne comme une
basse. Quelques mois plus tard, j’ai enfin eu
ma propre basse, une Ibanez. J’ai fini par la
revendre à un camarade de classe, décision
que j’ai amèrement regrettée par la suite.
Ton premier groupe ?
Un jour, Paul (Bowen/guitare) et mon frère
sont venus me trouver et m’ont dit : « Nous
allons former un groupe et tu en seras le
bassiste ! ». Raven était né ! Le but était
clair : interpréter les titres les plus rapides
et excitants de nos groupes préférés,
« Highway Star » de Deep Purple et « Sheer
Heart Attack » de Queen en tête.
Ton premier concert ?
En décembre 1975, nous avons joué lors
d’une soirée organisée par l’école. Nous
alternions compositions et reprises :
« Stealin’ » de Uriah Heep, « Caroline » de
Status Quo, « Now I’m Here » de Queen, etc.
J’étais si nerveux qu’en montant sur scène,
je me suis gamellé sur les marches. Paul,
lui, est carrément tombé dans le public ! Une
fois le show achevé, nous avons violemment
jeté nos instruments au sol, ce qui, plus
tard, est devenu l’une de nos traditions.
Les professeurs étaient bouche bée ! (rires)
Ta première tournée ?
Nous avons accompagné Ozzy Osbourne sur
quatre dates en septembre 1980. Son équipe
technique était odieuse, mais les membres
20
du groupe étaient très sympas avec nous.
Nos premières dates en tête d’affiche ont
eu lieu en 1981. Nous avions un roadie et
nous entassions dans un camion, qui a
roulé de Newcastle jusqu’à Milan, avant
que nous ne partions sillonner la Hollande
et la Belgique. C’était dingue !
Ton premier tour-bus ?
C’était en 1983, lorsque nous parcourions
les Etats-Unis avec Metallica. Nous
étions 17 à l’intérieur d’un Motorhome
Winnebago que nous avons complètement
niqué en seulement trois jours ! (rires) Nous
avons préféré passer le reste de la tournée
à l’arrière d’un camion. Les conditions
d’hygiène y étaient plus acceptables !
Ta première cuite ?
Lors de mon premier mariage, un ami
polonais m’a fait tester différentes sortes
de vodkas. Au bout d’une heure, j’ai eu
l’impression que ma vue se rétrécissait et
j’ai vomi comme jamais ! Cette expérience
m’a vacciné de l’alcool pour les quinze
années qui ont suivi. Aujourd’hui encore,
je ne fume pas et ne boit quasiment
jamais.
Ton premier manager ?
C’était un conducteur de bus surnommé
Irish John, qui présentait Raven en disant :
« Ces mecs sont tarés sur scène. Ils sautent
comme des fous et donnent des concerts
d’enfer ! » Il ne nous a dégoté qu’un seul
concert en 1976, dans un club qui appar-
tenait au gérant de la compagnie de bus !
(rires) Un jour, il a poussé Mark et Paul à
goûter sa gnole maison : ils n’avaient pas
l’impression d’être ivres, mais étaient cloués
au sol. Leurs jambes ne répondaient plus !
La première fois où tu t’es senti idiot
sur scène ?
Je me souviens d’un moment mémorable
survenu en 1987 à Cleveland, dans l’Ohio,
alors que nous tournions avec W.A.S.P. et
Slayer. Je portais un pantalon de parachu-
tiste en nylon dont la fermeture éclair
venait de céder. Mon roadie insistait pour
essayer de boucher l’ouverture avec du
ruban adhésif pendant que je jouais, mais
ça n’arrêtait pas de se décoller. Dès que je
bougeais ma basse, tout le monde pouvait
voir mon « bazar » ! Je me sentais vraiment
stupide ! (rires)
Ta première groupie ?
Je ne veux pas donner de détails car c’est
aujourd’hui l’une de mes meilleures
amies ! En 1983, quelques minutes avant
que je ne monte sur scène, j’ai senti qu’on
me pinçait les fesses. C’était une superbe
nana, à laquelle j’ai pincé les fesses en
retour. Une seconde plus tard, nous étions
backstage pour un petit « moment de
détente »… C’est un souvenir que je
chérirai toujours ! Y
De g. à d. : Jared MacEachern, Robb Flynn, Dave McClain
& Phil Demmel
DR
 Propos recueillis par Philippe Lageat & Morgan Rivalin - Photos Marc Villalonga - Interview réalisée le 24 octobre 2017 à Paris
Robb Flynn a l’œil gourmand. Dans la suite du palace parisien qui nous accueille, le chanteur de Machine Head savoure un
cappuccino : « Il n’y a qu’à Paris qu’ils sont aussi bons ! ». A l’heure d’assurer la promotion de son nouvel album, Catharsis,
le gaillard affiche une forme insolente, un enthousiasme contagieux, mais aussi une confiance inébranlable qu’on ne lui a pas toujours
connue. Au point que, durant l’heure qui suit, il va nous parler de The Beatles, Bruce Springsteen, Grandmaster Flash, Coldplay,
Fiona Apple et George Michael. Mais pas que…

Rock Hard : Revenons, un instant,
sur votre précédent album,
Bloodstone & Diamonds (2014).
S’est-il agi d’une bonne période
pour Machine Head ?
Robb Flynn : Oh oui, absolument !
Cet album nous a permis de réexaminer
et de revoir notre façon de faire les
choses. Comme une sorte de renais-
sance pour le groupe, du moins au
niveau interne. Un exemple parmi
tant d’autres : nous avons décidé de
ne plus faire de festivals et de nous
concentrer exclusivement sur des
dates en tête d’affiche, des « evenings
with » (Ndlr : « une soirée avec », un
concept qui voit un groupe se produire
sans première partie afin de proposer
des sets plus longs à ses fans). Pas
d’invités, rien que nous pendant deux
heures et demi ou trois heures. Cette
décision n’a pas été facile à prendre.
Il nous a fallu peser le pour et le
contre : « Faisons-nous le bon choix ? ».
Mais il faut bien se rendre à l’évidence :
les festivals, ça ne nous apportait
rien. Après nous y être produits, nous
ne vendions pas plus d’albums ou de
merchandising, il n’y avait pas plus
de monde à nos concerts, nous ne
Vous avez donné environ 250
concerts dans cette configuration
« An evening with ». Des shows,
tu l’as dit, qui pouvaient durer
trois heures. Physiquement, ça a dû
s’avérer exténuant !
La première tournée américaine « An
evening with » s’est en effet avérée
extrêmement brutale au niveau
physique car il nous est arrivé de
donner jusqu’à neuf concerts en
neuf jours, des sets de 150 à 180
minutes… Un jour de repos, enfin,
puis cinq nouveaux shows consécutifs.
Je me souviens d’une série de quatorze
dates en quinze jours ! Je ne sais pas
comment nous en sommes venus à
bout. J’avais littéralement la gorge
en feu et mon corps n’était que
souffrance. Pour tenir le coup, il
nous a donc fallu apprendre à nous
adapter. Avant, lorsque nous donnions
des concerts de 50 minutes en festivals
ou au sein d’une affiche fournie, en
aligner neuf en neuf jours n’était
évidemment pas un problème pour
moi. Mais là, nous avons beaucoup
appris. J’ai notamment arrêté de
boire après les concerts car je n’avais
pas d’autres choix : boire ou chanter,
avons beaucoup de chance d’être
encore là, j’en suis conscient. Tout
comme je sais la chance qui est la
mienne d’être aujourd’hui en France
pour parler de nos nouveaux morceaux.
A ce propos, ce nouvel album est-il
totalement achevé (Rappel : interview
réalisée le 24 octobre 2017) ?
Oui, oui, il est bel et bien fini. Lorsque
nous avons envoyé une version promo
de ce disque aux médias, il était déjà
quasiment terminé, exception faite
du mastering.
Après un creux de la vague, surtout
aux Etats-Unis, et depuis la sortie
du très bon The Blackening (2007),
dirais-tu que la trajectoire du groupe
est en perpétuelle ascension ?
Absolument ! Mais vous savez, nous
avons toujours joui d’une cote de
popularité conséquente, même s’il
n’est pas rare qu’on me dise : « Avec
Supercharger (2001), pas mal de vos
fans vous ont tourné le dos ! ». Ils
oublient qu’à cette époque, à Paris
par exemple, nous nous produisions
au Zénith ! (Ndlr : pas vraiment, puisque
le groupe, en décembre 2001, jouait à
fleuve tranquille. Mais, comme je le
disais, nous sommes encore là et nous
savourons notre chance. A chaque
fois, nous fouillons profondément en
nous pour nous renouveler et surprendre
notre public, en bien ou en mal. Nous
avons besoin de nous imposer de
nouveaux défis en permanence car
c’est, à mes yeux, ce qui fait l’intérêt
de la chose. Parfois, je me sens pri-
sonnier du metal, et ça me fait un
peu flipper. Toutes ces règles, ces
restrictions et ces limites à ne pas
dépasser, ces trucs que tu as le droit
ou pas de faire, le droit ou pas de
dire, ça me gave… Fuck, laissez-moi
faire tout ce dont j’ai envie ! C’est ma
musique après tout ! Bien sûr, j’ai été
biberonné au metal puisqu’en tant
qu’adolescent originaire de la Bay
Area, j’ai assisté à la naissance du
thrash. J’ai vu Metallica ouvrir pour
Raven devant 250 personnes au
Keystone de Berkeley (Ndlr : le 2
septembre 1983). Cette soirée a, pour
moi, été une épiphanie, probablement
au même titre que l’apparition des
Beatles au Ed Sullivan Show (Ndlr :
le 9 février 1964, la première télé
américaine du groupe, suivie par 73

Toutes ces règles, ces restrictions et ces limites à ne pas dépasser,

ces trucs qu’on a soi-disant le droit ou pas de faire, le droit ou pas
de dire, ça me gave... Fuck, laissez-moi faire tout ce dont j’ai envie !
C’est ma musique, après tout ! (Robb Flynn)
gagnions rien en retour… J’ai fini
par me sentir totalement déconnecté
de ces festivals, mais aussi de ces
tournées en salles présentant des
affiches ultra fournies. Pas que nous
ne puissions pas sortir notre épingle
du jeu – Machine Head est tout à fait
capable de tuer un festival – mais…
Je n’ai rien contre les festivals, mais
la plupart du temps, tu te produis
devant un paquet de mecs bourrés ou
défoncés qui se moquent bien de
savoir quel groupe est sur scène.
Nous, nous voulions avoir affaire à
NOTRE public, sentir ce lien très
fort qui nous unit. D’où cette idée
de ne nous concentrer que sur des
« evenings with », comme le font sur-
tout les groupes hippies ou Bruce
Springsteen. Il ne viendrait à personne
l’idée saugrenue de demander : « Qui
ouvre ce soir pour Springsteen ? » (rires)
Voilà quel était notre nouvel état
d’esprit. Et nous avons pris un pied
terrible ! Ces concerts ont eu un très
grand succès et nos fans ont adoré !
Qui plus est, le fait de donner des
concerts aussi longs a fait de nous
de meilleurs musiciens, mais nous
a aussi permis de dépoussiérer
quelques vieux titres, dont certains
que nous n’avions plus joués depuis
quinze ans, voire jamais joués.
Vraiment, nous avons kiffé comme
jamais !
il faut choisir ! (rires) Faire les deux
de front était juste impensable…
J’essayais également de parler le
moins possible, ce qui est plutôt
étrange quand, comme moi, tu es une
vraie pipelette ! (rires) Il m’a bien
fallu me faire une raison, penser au
show suivant, mais petit à petit, c’est
devenu plus facile, un nouveau mode
de fonctionnement. Il nous a aussi fallu
adapter nos setlists en insérant par
endroits des plages plus ambiancées
comme « Descend The Shades Of
Night », « Darkness Within » ou « The
Burning Red » qui permettaient au
public, mais aussi à nous, de souffler
un peu. C’est évidemment très différent
de ces concerts de 45 minutes que tu
donnes en première partie et durant
lesquels tu ne dégaines que tes titres
les plus rentre-dedans.
Ces concerts aux allures de marathons
vous ont-ils permis de trouver défi-
nitivement vos marques avec Jared
MacEachern (Ndlr : bassiste qui a
remplacé Adam Duce en 2013) ?
C’était déjà le cas… Il s’est intégré
immédiatement. Sa voix et la mienne
se complètent parfaitement, mais
surtout, il a une attitude hyper
positive, est toujours partant, très
enthousiaste et absolument pas
blasé. Ça tombe bien parce que c’est
ce que nous ressentons tous. Nous
l’Elysée Montmartre). Tout n’allait donc millions de téléspectateurs). C’est
pas aussi mal que ça pour Machine clairement ce qui m’a donné envie de
Head… Même aux Etats-Unis, nous monter un groupe et de faire du
avions joué à guichets fermés dans thrash. Pour autant, j’ai toujours
des salles comme le Fillmore de San aimé le punk rock – D.R.I. est le
Francisco, l’Irving Plaza de New deuxième groupe que j’ai vu en
York, le Vic Theatre de Chicago… Les concert –, mais aussi le rap, la
médias ont perçu les choses diffé- musique gothique dépressive façon
remment, mais pour nous, il n’y avait The Cure, le hardcore… Toutes ces
pas là matière à s’inquiéter. Notre influences, aussi variées soient-elles,
popularité restait la même (Ndlr : rejaillissent d’une façon ou d’une
Robb a tendance, sur ce coup, à réécrire autre dans la musique de Machine
l’histoire. Il ne faut pas oublier qu’à Head. Et ce sera toujours le cas. Ça
l’issue de la tournée Supercharger, le ne correspond pas toujours à ce que
groupe, lâché par Roadrunner US, était la communauté metal attend de
boudé par la quasi-totalité des labels nous. En 1994, dans le clip de
américains). Je ne nie pas qu’à l’époque, « Davidian », je portais des tresses
certains fans étaient mécontents, plaquées façon hip hop. Pour moi,
mais tous les groupes connaissent alors que notre premier album venait
ça, passent par des hauts et des de sortir, c’était déjà une façon de
bas… Ça fait plus de 25 ans que nous dire : « Hé non, les gars, nous ne sommes
sommes là, alors, forcément, notre pas le groupe de metal typique ! ». C’est
parcours n’a pas toujours été un long une chose dont je suis fier et que
GENRE ALBUMS ARTICLES RH
. Thrash metal groovy . Burn My Eyes (1994) RH N°4, 6, 21, 26, 37, 62, 64, 65,
. The More Things Change... (1997) 82, 90, 114, 148 & 183
LE GROUPE . The Burning Red (1999)
. Robb Flynn (chant, guitare) . Supercharger (2001)
. Through The Ashes Of Empires
. Phil Demmel (guitare) (2003)
. . Hellalive (live – 2003)
Jared MacEachern (basse) . The Blackening (2007)
. Dave McClain (batterie) . Unto The Locust (2011)
. Machine Fucking Head Live
(live – 2012)
SITE INTERNET . Bloodstone & Diamonds (2014)
www.machinehead1.com . Catharsis (2018)

24
nous continuons de cultiver afin de
surprendre en proposant de nouvelles
combinaisons. Les gens se font
chier rapidement, moi aussi. Si tu ne
parviens plus à susciter l’intérêt, tu
peux rapidement disparaître, enseveli
en un instant sous le sable du temps.
L’idée est donc de ne pas sortir
deux fois le même album ?
Absolument. Beaucoup de groupes le
font car il existe, en matière de
musique, deux courants de pensée :
sortir toujours la même chose en
refusant d’évoluer ou faire comme
les Beatles qui, en l’espace de dix
ans, ont probablement plus évolué
que n’importe quel autre groupe
dans l’histoire du rock. Pour moi, ce
dernier exemple demeure incroyable.
Je ne pense pas que Machine Head
puisse évoluer de la sorte, car nous
ne pouvons tout simplement pas,
mais j’espère que ça peut nous servir
de guide.
Est-ce pour parvenir à ce but que
vous avez porté, pour la première
fois, votre dévolu sur le producteur
Zack Ohren (Fallujah, All Shall
Perish) ?
Oui, entre autres. J’ai produit nos cinq
albums précédents, mais avant cela,
nous changions assez régulièrement
de producteur. Cela amène, je crois,
un peu d’air frais, une nouvelle dyna-
mique, ce dont tu penses avoir besoin
Je joue dans un groupe depuis l’âge de seize ans, j’ai commencé à faire
des tournées à 19 ans… Je ne connais pas d’autre vie que celle-ci. Je
suis pathétiquement non qualifié pour faire autre chose ! (Robb Flynn)
à ce moment précis. Je suis pote avec
les mecs de All Shall Perish et j’ai
toujours adoré le son de l’album
Awaken The Dreamers (2008). Durant
les sessions de Unto The Locust (2011),
nous avions bossé sur ce morceau,
« Damage Inside », qui a finalement
atterri sur l’album suivant, Bloodstone
& Diamonds (2014). On y trouvait
originellement du piano, c’était assez
horrible, un truc à la Coldplay ! (rires)
Mais je tenais à l’enregistrer, à le
transformer en un truc qui fonctionne.
J’ai rencontré Zack Ohren à Fremont
et j’ai travaillé sur les parties vocales
de ce titre en sa compagnie. Il s’est
montré super cool et j’ai adoré le
résultat, même si nous l’avons gardé
de côté afin d’avoir le temps d’en
peaufiner les arrangements pour
l’album suivant. Toujours est-il que
j’ai apprécié cette expérience avec
Zack, même si, les années qui ont
suivi, nous ne nous sommes plus
donné signe de vie : aucun texto,
aucun e-mail, aucun coup de fil, rien !
(rires) A vrai dire, je l’avais totalement
zappé… Mais au moment d’entrer en
studio pour enregistrer Catharsis, j’ai
pensé que ce serait une bonne chose
de travailler avec un autre ingénieur
du son, toujours dans cette optique
de proposer quelque chose de différent.
Et soudain, j’ai repensé à Zack. Je
l’ai donc contacté et il m’a répondu :
« Je répète actuellement aux studios
Sharkbite, à Oakland ! ». Depuis trois
ans, il se trouvait à quelques mètres
de moi, mais dans une autre aile du
bâtiment dans laquelle je ne me
rends quasiment jamais ! (rires) Je
l’ai donc rencontré dans la foulée, je
lui ai fait part de nos projets, et il
s’est montré très intéressé.
All Shall Perish est un groupe
originaire d’Oakland qui donne
dans le deathcore, un genre très
codifié. Est-ce là un style que tu
affectionnes ?
A vrai dire, je n’en écoute pas beau-
coup. J’aime All Shall Perish, mais
l’album que je mentionnais plus tôt
date de neuf ans déjà. Par ailleurs, je
ne suis pas vraiment ce mouvement.
Hé les mecs, j’ai eu cinquante balais
cet été ! (rires) Plus sérieusement,
j’aime ce groupe et le type de produc-
tion qu’il affectionne. Si nous avons
décidé de bosser avec Zack, c’est avant
tout parce que je pensais qu’il pouvait
nous amener quelque chose de cool.
Il joue dans un groupe de pop et n’est
donc pas, contrairement à ce qu’on
pourrait croire, un musicien de death
brutal. Bien sûr, il connaît le style, il
l’aime par ailleurs et le produit avec
la maestria qu’on sait, mais en ce
moment, il est batteur d’une formation
hyper poppy. Il y a donc, dans ce qu’il
fait, une étonnante dichotomie.
Vous avez enregistré à Oakland pour
des raisons purement pratiques,
afin de rester proches de vos
familles ?
Oui. Et puis, nous connaissons bien
les lieux car nous y avons enregistré
Through The Ashes Of Empires (2003)
et The Blackening (2007). C’est un
chouette studio doté d’un très bon
équipement et d’un son fantastique.
La pièce dans laquelle on enregistre
la batterie, notamment, est géniale !
Et puis, comme vous l’avez dit, enre-
gistrer à Oakland était plus facile,
très pratique, ne serait-ce que pour
trimballer tout notre équipement.
Nous avons néanmoins procédé de
façon différente cette fois-ci : au lieu
de composer comme des tarés et de tout
enregistrer ensuite d’un seul tenant,
nous avons décidé de fonctionner
par blocs de trois chansons. Dès que
nous disposions de trois nouveaux
morceaux, nous allions les mettre en
boîte très rapidement, puis nous
remettions à écrire, et ainsi de suite.
L’idée était de ne pas surproduire ces
chansons. Et si jamais, lorsque nous
étions en studio, une idée ou un riff
nous venait, nous l’enregistrions
également, sans même savoir si nous
nous en servirions un jour. Procéder
de la sorte nous a beaucoup plu. Ce
qui est génial sur ce disque, c’est que
certaines chansons qui y figurent
proviennent du premier jour d’enre-
gistrement, du premier jour où nous
les avons jouées ensemble en studio !
Certaines parties de chant résultent
de premières prises. Je chantais ces
textes pour la première fois… Pas
tout, certes, mais plusieurs parties
disséminées ci et là. « Triple Beam »,
par exemple, est l’un de ces morceaux
que nous avons capturés hyper
rapidement et desquels émane une
putain d’énergie de dingue. Vous faites
ce boulot depuis suffisamment de
temps pour savoir que les premières
démos de Metallica et de Slayer
étaient géniales et qu’il s’en dégageait
quelque chose de magique qu’on ne
retrouve pas nécessairement sur les
albums qui sont ensuite sortis.
Lorsque Machine Head a débuté,
nous faisions beaucoup de démos,
mais donnions également des tonnes
de concerts. Nous jouions avec tous
les groupes possibles et imaginables,
alors, dès que nous composions un
nouveau titre, il ne se passait pas
quinze jours sans que nous le testions
sur scène afin de recueillir le sentiment
instantané du public. Il me serait
impossible de vous dire combien de fois
j’ai modifié un morceau en fonction
des réactions qu’il avait suscitées
en concert, auprès de nos fans. La
première fois que nous avons joué
« Davidian », par exemple, je n’avais
que trois lignes de texte ! C’est vous
dire à quel point cette chanson était
embryonnaire. Et puis, elle a évolué
au fil du temps et des shows. Par la
suite, notre label n’a eu de cesse de
nous répéter de ne pas jouer nos
nouveaux morceaux en concert : « Ne
les dévoilez pas, gardez les pour votre
prochain album ! ». Et très franchement,
cette réaction immédiate du public
me manque… C’est pourquoi, cette
fois-ci, nous avons tout fait pour
préserver l’urgence de nos démos en
enregistrant rapidement en studio de
sorte de ne faire aucun calcul et de
préserver leur spontanéité.
Quels sont les trois premiers titres
que vous avez ainsi composés ?
« Screaming At The Sun », « Beyond
The Pale » et « California Bleeding ».
A l’époque, nous disposions aussi
d’un petit bout de « Heavy Lies The
Crown » et il me semble que nous
avions joué le riff de « Kaleidoscope »
une seule fois, la veille d’entrer en
studio pour enregistrer ces trois
premiers morceaux. Nous avons
finalisé ce dernier en studio, de
même que « Triple Beam ».
Que signifie le titre de l’album,
Catharsis ?
Une ligne de cette chanson dit : « The
only thing keeping me sane, the music
in my veins, and if these words are my
fists, can you feel my catharsis ? » (Ndt :
« La seule chose qui m’empêche de
devenir fou est la musique qui coule
dans mes veines, et si ces mots sont mes
poings, peux-tu sentir ma catharsis ? »).
Avant même que je ne fasse partie
d’un groupe, la musique a toujours
eu pour moi un rôle cathartique
libérateur. Aller aux concerts, par
exemple. Jouer dans un groupe a
aussi cet effet là sur moi. Nous avons
écrit ce morceau au milieu des sessions,
sans réaliser qu’il allait donner son
titre à l’album. Mais au fil du temps,
cette compo prenant sa forme défini-
tive, elle m’a semblé symboliser ce
qu’était ce nouveau disque très
éclectique. On y trouve, d’un côté,
des commentaires sociaux, voire
politiques, et de l’autre, des chansons
pour faire la fête, qui parlent d’éclate
et de baise ! (rires) Il y a là de la
beauté, de la laideur, de la colère,
de la douleur, de la frustration. De
l’autodestruction aussi… Pour moi,
le mot « Catharsis » englobe tout ça.
Question « bateau », mais dirais-tu
que, d’une façon ou d’une autre, la
musique t’a sauvé la vie ?
C’est un cliché éculé, mais… Ça fait
si longtemps que je fais ça que je n’ai
jamais pensé en ces termes. Je joue
dans un groupe depuis l’âge de seize
ans, j’ai commencé à faire des tournées
à 19 ans… Je ne connais pas d’autre
vie que celle-ci. Je suis pathétiquement
non qualifié pour faire autre chose !
(rires) C’est ainsi… Peut-être, un
jour, en repensant à ma vie, je dirais
effectivement que la musique m’a
sauvé, mais c’est surtout que je n’ai
toujours fait que ça.
Parle-nous de la pochette de l’album,
sanglante pour le moins ?
Nous la surnommons « le mec nu »
(rires). Nous avions deux/trois idées
différentes, et nous avons essayé
plusieurs artistes, mais ce qu’on
nous proposait était souvent banal.
Et puis, un jour, alors que je surfais
sur le net, je suis tombé sur cette
photo du jeune artiste anglais Seanen
Middleton que j’ai trouvé extrême-
ment puissante : à la fois belle, barrée,
terriblement dérangeante et très
provocatrice. Je lui ai donc demandé
s’il était intéressé à l’idée de créer,
spécialement pour nous, une photo
du même style, mais il m’a répondu
que nous pouvions tout simplement
utiliser ce cliché si nous le souhaitions.
Du coup, je lui ai également proposé
de concevoir l’ensemble du packaging
de l’album, et notamment le livret 24
pages de la version CD. Je tenais
vraiment à convier notre auditoire à
un voyage, pas simplement à ce qu’il
y trouve les textes et une liste de
remerciements. Quand les fans
ouvriront ce livret, j’espère qu’ils
pénétreront avec nous dans une
autre dimension. Et je veux que ce
monde soit en adéquation avec l’idée
qu’ils s’en seront faite en découvrant
pochette et livret. Seanen n’a que 24
ans, il est incroyablement doué.
« Catharsis » est également le premier
titre à faire l’objet d’un clip. Un choix
évident pour vous ?
Oui, oui ! Ce morceau est très ciné-
matique, il a tout d’un film. Avant
que nous ne tournions ce clip, je
devais avoir au moins sept idées de
script en tête ! (rires) Nous avons
finalement opté pour la première
d’entre elles. Je perçois l’album tout
27
 entier de la même façon, comme un
film, avec sa scène de meurtre en
ouverture, son traître, ses rebondis-
sements… L’album renferme quinze
chansons pour 75 minutes de
musique. C’est long. Presqu’aussi
long que Le Seigneur des Anneaux !
(rires) Autrement dit, il faut se
concentrer… Il y a là des morceaux
auxquels les gens peuvent instanta-
nément accrocher et d’autres qui
demandent plus d’efforts. Il y a eu
de longues discussions au sein du
groupe et avec le label au niveau du
track-listing, pour savoir notamment
s’il fallait conserver « Bastards » ou
pas (sourire). De façon étrange, et
plus encore que « Imperium » ou
« Davidian » en leur temps, ce morceau
est devenu la plaque tournante du
nouvel album, qu’il cristallise d’une
certaine façon. Nous nous en pas-
sions, et c’est le scénario du film qui
s’écroulait car tout n’est ici qu’une
question d’équilibre. Un album ne doit
pas être qu’une simple collection de
chansons, c’est un tout indissociable.
Un tout indissociable, c’est vrai,
mais très varié néanmoins…
Absolument. Je pense que c’est notre
album le plus varié à ce jour.
Quel est ce son au début de
« Catharsis » ? Un didgeridoo ?
Haha, non ! Nous avons essayé plusieurs
J’étais vraiment accro au speed, à tel point que j’ai
perdu plus d’une vingtaine de kilos. Je commençais à
perdre totalement le contrôle… (Robb Flynn)
choses pour, au final, retenir ces
étranges sonorités électroniques
résultant d’un bidouillage en studio.
Tu l’as dit, tu as eu cinquante ans
cet été. Sachant cela, on peut se
demander où tu puises cette colère
impressionnante qui éclabousse
certaines de tes parties vocales.
Justement dans le fait que je viens
d’avoir cinquante balais !!! (rires)
Non, à vrai dire, ce n’est pas si
difficile d’ouvrir les vannes. C’est là,
enfoui en moi en permanence. La
vraie question, sur cet album, était
de savoir comment canaliser cette
colère, cette violence, afin d’en faire
de bonnes chansons qui aient un
sens. C’est marrant que vous me
posiez la question parce qu’il y a eu
un moment, après l’enregistrement
des deux premiers titres, durant
lequel j’ai été totalement incapable
de faire ressortir ma colère. Tout ce
que j’écrivais ressemblait à une
putain de ballade de Fiona Apple !
(rires) C’en était arrivé à un point où
j’en plaisantais même avec les gars
du groupe. Et puis, à un moment
donné, cette colère est revenue et a
fini par rejaillir. L’angoisse de la page
blanche est toujours un truc qui me
fait flipper. La peur du manque de
colère également. Mais ça finit toujours
par remonter à la surface, et là, c’est
couper le robinet qui soudain s’avère
ardu ! (rires)
Avant d’enregistrer, de déverser
cette colère, cette violence, as-tu
28
un petit rituel pour te mettre en
condition ?
Non. En fait, je ne sais jamais vraiment
quand ça va sortir. Comme je le disais,
on peut m’entendre, sur le nouvel
album, chanter certains de ces titres
pour la première ou la deuxième
fois. Pas plus. Je ne sais pas d’où ça
vient, ni pourquoi, ni comment. J’ai
écrit le morceau qui ouvre le disque,
« Volatile », le jour du meurtre de
Charlottesville (Ndlr : située dans le
Sud conservateur des Etats-Unis,
cette ville a, le 12 août 2017, été le
théâtre d’une manifestation rassemblant
l’extrême-droite américaine, néo-nazis
et membres du Ku Klux Klan. L’un des
membres de ces mouvances racistes a
foncé dans une foule d’opposants, tuant
l’un d’entre eux). Je regardais la télé
au studio, ça venait tout juste de
passer. Putain de bordel de merde !
J’ai écrit ce texte en l’espace de vingt
minutes, puis je l’ai chanté dans la
foulée. C’est précisément ce qu’on
entend sur l’album, ni plus, ni moins.
Juste le résultat de pure colère et de
frustration…
Y a-t-il d’autres chanson sur
Catharsis qui traitent du même
sujet : ce racisme, cette haine de
l’autre ? « Bastards » semble avant
tout inspiré par Donald Trump…
Oui, comme à peu près tous les
morceaux de l’album (rires). Aux
Etats-Unis, nous vivons des moments
assez surréalistes, et ceux-ci, tout
naturellement, nous affectent. En tant
qu’artiste, nous sommes émotionnels
par nature et donc particulièrement
affectés par toute cette merde qui
s’abat sur les USA, et par extension
sur le monde entier.
Pourquoi as-tu décidé, en novembre
2016, de rendre publique une version
acoustique de « Bastards » ?
Cette chanson est née d’une conver-
sation que j’ai eue avec mes deux
enfants. Ces derniers savent à quel
point mon implication dans « l’affaire
White Power » (Ndlr : le 22 janvier
2016, lors du Dimebash annuel, le
chanteur Phil Anselmo a fait un salut
nazi en hurlant « white power ! », ce
qui n’a pas manqué de provoquer un
tollé, à commencer par une mise au
point de Flynn visant Anselmo. Depuis,
Robb et sa famille ont fait l’objet de
menaces de suprémacistes blancs). Ma
femme et moi avons évoqué le sujet
avec eux, même si nous n’avons
pas souhaité nous étendre. Ils sont
jeunes et ont bien mieux à faire que
d’être exposés à toute cette merde !
Après l’élection de Trump, nous leur
avons néanmoins confié pourquoi
nous étions soucieux car ils étaient
flippés en voyant que nous ne prenions
pas la nouvelle avec philosophie.
C’est ce dont parle « Bastards » :
« Yesterday I told my sons, sometimes
the bad guys win » (Ndt : « Hier, j’ai
dit à mes fils, il arrive parfois que
les méchants l’emportent »). Cette
conversation avec mes fistons m’a
tellement bouleversé que, le lendemain,
j’ai ressenti le besoin impérieux
d’écrire cette chanson. Pour moi,
c’est un morceau folk. Quatre accords
qui ont été joués des millions de fois,
mais c’est encore la meilleure façon
de raconter une histoire… J’en ai
parlé aux autres membres du groupe,
j’ai posté une version acoustique de
ce titre sur le net, et basta. Pour moi,
l’affaire était entendue. Et puis, au fil
des sessions d’écriture et d’enregis-
trement, je me suis dit qu’il pourrait
être intéressant d’en proposer une
version plus couillue, en électrique.
Il m’a fallu user d’un peu de persua-
sion pour convaincre mes partenaires,
mais nous avons essayé et, comme je
le disais, ce titre est devenu le noyau
dur du disque.
Il a des accents folks, c’est vrai,
mais punk également…
Oui, absolument. Le punk, au même
titre que le hip hop, a eu une impor-
tance énorme sur ma vie. On me dit
que je rappe sur certains titres ?
Mais absolument ! Et ça me plaît !
Tu sembles être plus que jamais à
l’aise avec ton chant clair.
Sur l’album Burn My Eyes (1994) et
le titre « Ten Ton Hammer » (1997),
je lâchais déjà quelques menues
parties de chant clair, mais très vite,
je revenais à un chant plus brutal. Il
faut dire que je pensais ne pas être
très doué pour ça. Et c’est encore le
cas aujourd’hui (sourire). Au fil du
temps, j’ai continué à le faire, de
façon ponctuelle, sur The Burning
Red (1999), Supercharger (2001), tant
et si bien qu’au moment où Through
The Ashes Of Empires (2003) est
paru, ce chant clair était de plus en
plus présent dans notre musique.
Puis, en 2008, nous avons enregistré
« Hallowed Be Thy Name », une
reprise d’Iron Maiden, pour une
compilation hommage de l’hebdoma-
daire anglais Kerrang. A vrai dire, je
n’étais pas persuadé d’être capable
de venir à bout d’un tel titre, mais j’y
suis parvenu. Alors, je me suis dit :
« Hé, je peux le faire ! ». Je me suis
surpris moi-même, ce qui m’a donné
davantage confiance en mes capacités.
J’ai donc décidé de laisser libre cours
à mes envies en poursuivant dans
cette voie, et je pense aujourd’hui
avoir atteint une certaine maturité.
Tu as pris des cours de chant ?
Non, non, pas du tout ! (rires) Comme
je l’ai dit, je me suis frotté au chant
clair de plus en plus régulièrement,
et c’est venu petit à petit. Sur le titre
« Behind A Mask », qui figure sur le
nouvel album, c’est la première fois
que je chante uniquement en voix
claire, sur fond de guitare acoustique,
sans aucun passage heavy. Encore
une fois, j’en reviens aux Beatles car
c’est un peu ma madeleine de Proust.
C’est la première musique à laquelle
j’ai été exposé. Mes parents me
laissaient écouter les chansons des
« gentils » Beatles, mais pas celles
des Beatles « hippies ». « I Want To
Hold Your Hand », « Help », etc., c’est
de la pop, au vrai sens du terme, « de
la musique populaire », mais de la
grande musique populaire, avec des
mélodies vocales incroyables. Ça m’a
beaucoup influencé. Quand Machine
Head s’attaque à des passages vraiment
mélodiques, j’en reviens toujours
aux Beatles. Toutes les harmonies
vocales de ces derniers mêlaient les
voix de Paul McCartney et de John
Lennon, 50/50. Deux voix différentes.
C’est précisément ce que nous avons
tenté de faire sur « Behind A Mask »
et ça fonctionne bien. Je le clame
d’ailleurs haut et fort, y compris à
l’attention des fans : si vous attendez
de ce disque qu’il ne soit que pur
heavy, revoyez vos attentes à la
baisse car il est très mélodique et
groovy ! C’est probablement notre
disque le moins thrashy depuis un
long moment. Et ça me plaît. Il n’y a
aucune arrière-pensée derrière ça,
un plan ou je ne sais quoi… C’est
tout simplement ce que nous avions
envie de faire.
Il nous a fallu regarder dans le
dictionnaire ce qu’était un « Triple
Beam » ! (rires)
Hahaha ! C’est la balance avec
laquelle les dealers pèsent leur
came. Plus jeune, j’ai été dealer.
C’est ce dont parle cette chanson. Et
je pesais la drogue à l’aide d’une
« triple beam ».
Il s’agit donc d’une histoire vraie ?
Absolument… J’ai eu une vie assez
étonnante, pas vraiment ordinaire.
Durant deux ans, après que j’ai
quitté Vio-lence et avant que Machine
Head ne commence à marcher (Ndlr :
vraisemblablement en 1992/93), c’est
ainsi que j’ai gagné ma vie. C’est
dingue parce que j’étais vraiment
accro au speed, à tel point que j’ai
perdu plus d’une vingtaine de kilos.
Je commençais à perdre totalement
le contrôle… Alors, j’ai pris la décision
d’arrêter le speed, et pour moi, la
seule façon d’y parvenir était d’en
vendre. Car si j’en vendais, alors je
ne pouvais pas me permettre de me
défoncer avec mon propre stock. Je
sais, on n’a rarement vu raisonnement
plus stupide, mais à l’époque, ça me
semblait logique. En tant que dealer,
j’étais assez doué et je me faisais pas
mal de pognon. Disons que ce furent
des moments plutôt intenses… Mais
là encore, je me suis dit que ça ne
pouvait durer éternellement, que ce
n’avait jamais été ce que j’avais
voulu faire de ma vie. Moi, tout ce qui
m’intéressait, c’était de faire de la
musique. Je n’ai donc eu d’autre
alternative que de faire tout ce qui
était en mon pouvoir pour que
Machine Head finisse par percer.
Tu nous disais plus tôt aimer le hip
hop. Ce morceau, « Triple Beam »,
sur lequel tu rappes plus que tu ne
chantes, traduit-il cette influence ?
Je crois que ça a toujours été présent
dans notre musique. Je reviens sur le
clip de « Davidian ». Pour moi, c’est
une vidéo de rap, ni plus ni moins. On
nous y voit avec des pitbulls,
je porte ces tresses plaquées
sur le crâne, nous sommes
tous totalement défoncés. A
l’époque, nous étions vraiment
dingues. Nous nous sommes
faits bannir de trois salles
d’Oakland car nous nous
battions en permanence ! Cet
élément hip hop est là depuis
le premier jour. Mon amour du
genre remonte à Grandmaster
Flash And The Furious Five
(Ndlr : pionnier du hip hop dont
le premier album est paru en
1982). Cette influence est
d’ailleurs prédominante sur des
albums comme The Burning
Red et Supercharger, mais elle
était déjà là sur Burn My Eyes
en 1994. Je ne sais pas si le
public réalise à quel point le
groove et le flow d’un titre
comme « Fuck It All » (Ndlr :
une démo qui est plus tard
devenue « Block ») étaient
empruntés au hip hop… En cela,
nous marchions bien plus dans
les traces d’un Biohazard que
de cette vague « nu metal »
dont je n’ai entendu parler
pour la première fois qu’en
si vous attendez de ce
disque qu’il ne soit que
pur heavy, revoyez vos
attentes à la baisse car
il est très mélodique et
groovy ! (Robb Flynn)
1996 ou 1997. Alors, avec
« Triple Beam », nous avons
voulu dire que c’était une
partie de notre passé, dont
nous n’avions pas à rougir. Et
si ça ne plaît pas à certains,
qu’ils aillent se faire foutre !
(rires) Il y a une touche « skip »
sur toute platine CD. Vous
n’aimez pas, passez au morceau
suivant ! A titre personnel,
c’est l’un de mes morceaux
préférés de Catharsis.
Nous l’avons déjà vicieuse-
ment évoqué, mais tu as eu
cinquante ans l’été dernier.
Chaque année, pour fêter ton
anniversaire, tu invites tes
potes à une grande chouille à
Oakland. Raconte-nous celle
de tes cinquante balais, qui a
eu lieu le 22 juillet dernier !
Nous avons joué pas moins de
trois heures ! Avec le recul,
j’aurais adoré que nous filmions
l’intégralité de la soirée.
Un coup d’œil sur la liste des
titres joués à cette occasion
permet de mieux cerner tes
goûts et tes influences (« TNT »
d’AC/DC, « Birthday » des
Beatles, « Gin And Juice » de
Snoop Dogg, « Head Like A
Hole » de Nine Inch Nails,
etc., la liste est longue
comme le bras !). Parmi les
reprises interprétées ce soir-
là, nous avons noté le « In
The End » de Linkin Park.
Quand tu avais assuré la
promotion de Through The
Ashes Of Empires à Paris,
tu en avais profité pour
assister au concert de Linkin
Park à Bercy (Ndlr : le 6
septembre 2003). Tu nous
avais alors confié aimer
beaucoup ce groupe…
Je me souviens parfaitement
de ce concert que j’avais
trouvé génial ! C’était dingue !
Le lendemain, mes oreilles
saignaient à cause des cris
suraigus de toutes ces nanas qui
avaient hurlé en permanence !
(rires) Chester Bennington
(Linkin Park) nous a quittés
le 20 juillet dernier, deux jours
avant ma fête d’anniversaire.
C’est pourquoi nous avons
tenu à lui rendre hommage en
interprétant « In The End ».
Nous avons aussi salué la
mémoire de Chris Cornell
(Soundgarden), qui s’est lui
aussi suicidé cette année. Sa
disparition m’a vraiment touché.
Cornell demeure l’un de mes
chanteurs préférés de tous
les temps. Je ne chante pas
du tout comme lui, mais il
n’en demeure pas moins une
grande influence. Temple Of
The Dog (Ndlr : superbe album
paru en 1991 en hommage à
Andrew Wood, chanteur de
Mother Love Bone), notamment,
est un chef d’œuvre. Alors,
quand j’ai appris, alors que
nous répétions un extrait de
ce disque (« Hunger Strike »)
que Chester venait de se donner
la mort, le jour de l’anniver-
saire de Chris Cornell, je n’en
ai pas cru mes oreilles… What
the fuck ???
Il y a eu des moments plus
drôles durant cette soirée…
Oui, notamment une version
reggae du « Careless Whisper »
de George Michael ! (rires) Tout
le monde fumait de l’herbe et
picolait, j’vous raconte pas !
Ce qui est génial, c’est que, lors
de ces soirées, nous sommes
entre potes. Il n’y a aucune
pression. Si nous merdons tel
ou tel passage de tel ou tel
titre, peu importe.
Vous répétez ces reprises ?
Le pire, c’est que, oui, nous
répétons comme des dingues !
(rires) Hé, les gars, nous prenons
ça très au sérieux ! Y
29
 GENRE
. Hard rock
LE GROUPE
. Minoru Niihara (chant)
. Akira Takasaki (guitare)
. Masayoshi Yamashita
(basse)
. Masayuki Suzuki (batterie)

SITE INTERNET
www.loudnessjp.com
ALBUMS
. The Birthday Eve (1981)
. Devil Soldier (1982)
. The Law Of Devil's Land (1983)
. Disillusion (1984)
. Thunder In The East (1985)
. Lightning Strikes (1986)
. Hurricane Eyes (1987)
. Soldier Of Fortune (1989)
. On The Prowl (1991)
. Loudness (1992)
. Heavy Metal Hippies (1994)
. Ghetto Machine (1997)
. Dragon (1998)
. Engine (1999)
. Spiritual Canoe (2001)
. Pandemonium (2001)
. Biosphere (2002)
. Terror (2004)
. Racing (2004)
. Breaking The Taboo (2006)
. Metal Mad (2008)
. The Everlasting (2009)
. King Of Pain (2010)
. Eve To Dawn (2011)
. 2012 (2012)
. The Sun Will Rise Again (2014)
. Rise To Glory (2018)
+ 3 EP, 8 live et 18 compilations
ARTICLE RH
RH N°183

De g. à d. : Masayoshi Yamashita, Minoru

Niihara, Masayuki Suzuki & Akira Takasaki
30

36 ans d’existence, 27 albums studio : une carrière bien remplie, c’est le moins qu’on puisse dire ! L’exploit est d’autant
plus notoire que Loudness est né au Japon, une nation dont l’amour pour le hard rock ne s’est jamais démenti depuis les
débuts de ce mouvement, mais dont les groupes ont toujours eu le plus grand mal à s’imposer à l’international. Armé d’un
nouvel album et d’un contrat discographique digne de ce nom, Loudness est de retour. C’est Minoru Niihara, son vocaliste,
qui nous a appelés pour nous en dire plus sur Rise To Glory et revenir, au passage, sur son riche passé.
Rock Hard : Rise To Glory est déjà
le 27ème album studio de Loudness !
Raconte-nous la genèse de ce disque ?
Minoru Niihara : Cet album a été
enregistré en divers lieux entre avril et
juillet 2017. Nous travaillons dans nos
propres studios, mais nous utilisons
aussi d’autres commodités. Akira
Takasaki, notre guitariste, a bossé à
Osaka, où il réside. Mes voix ont été
captées dans mon propre studio. Quant
à la basse et la batterie, elles ont été
gravées à Tokyo, dans d’autres studios
professionnels. Akira a écrit une très
grosse partie de la musique, comme
toujours, et il a également beaucoup
bossé sur les mélodies vocales que
vous pouvez trouver sur Rise To Glory.
Il s’agit d’un album assez varié, tant au
niveau des tempi que des ambiances…
C’est assez logique car tous les membres
du groupe ont des sensibilités musicales
et des influences différentes. Et nous
n’avons pas peur d’aller dans différentes
directions, tant que ça nous plaît.
Il est clair que, musicalement, nous
sommes globalement assez loin du
son et du style de vos albums les plus
populaires du milieu des années 80,
même si vous restez définitivement
un groupe de metal. Vous ne cherchez
pas à copier ou retrouver ces années-
là…
Quoique tu fasses, il est tout simplement
impossible de recréer ce qui a déjà été
fait en 1984 ou 1985. L’ambiance est
différente, nous avons tous évolués en
tant que musiciens. La seule façon
d’être honnête envers nous-mêmes et
nos fans est donc de jouer une musique
qui nous ressemble aujourd’hui.
Rise To Glory va être publié au Japon,
bien entendu, mais aussi en Europe
et aux USA. Cela fait une éternité
qu’un album de Loudness n’avait pas
connu une telle exposition…
En effet, et c’est un merveilleux
sentiment ! Cela récompense tous les
efforts qui ont été faits pour réaliser ce
disque. Nous sommes particulièrement
fiers des morceaux qui y figurent et
sommes vraiment impatients que les
fans du monde entier puissent l’écouter.
Et bien sûr, il nous tarde tout autant
de pouvoir les interpréter en concert
car, avec ce nouveau contrat discogra-
phique, nous allons vraiment tout
mettre en œuvre pour donner bien
plus de concerts que précédemment,
en particulier en Europe.
Les versions européennes et améri-
caines de l’album renfermeront un CD
bonus intitulé Samsara Flight. Il
s’agit d’un album initialement sorti
au Japon en 2016, sur lequel vous
avez réenregistré treize extraits de
vos trois premiers albums parus
entre 1981 et 1983. Pourquoi raison
avoir revisité ces anciens titres ?
Ces morceaux, comme tu viens de le
signaler, sont très anciens. The
Birthday Eve (1981), Devil Soldier
(1982) et The Law Of Devil’s Land
(1983) sont aujourd’hui quasiment
introuvables, et la jeune génération qui
a découvert Loudness bien plus tard
n’a pas forcément été exposée à ces
chansons. Nous souhaitions donc
réenregistrer ces titres afin de les
présenter à notre public le plus récent.
Et en profitant pour les réactualiser
avec notre son actuel et la technique
instrumentale qui est la nôtre
aujourd’hui. Il faut se souvenir que
nous n’avions que vingt ans à l’époque
de la sortie de notre premier album, et
que j’en ai à présent 57 !
L’anglais n’est pas ta langue mater-
nelle et demeure une langue très
peu parlée dans ton pays d’origine.
Lorsque tu écris tes textes, les
rédiges-tu d’abord en japonais avant
de les adapter en anglais, ou, avec
l’expérience, t’arrive-t-il d’écrire
directement en anglais ?
Cela dépend. En règle générale, je
dirais que mes textes sont d’abord
écrits en japonais, pour environ 80%
d’entre eux. Ensuite, je travaille l’adap-
tation et la traduction de ces textes
avec des Japonais qui ont une parfaite
La seule façon d’être honnêtes envers
nous-mêmes et nos fans est donc de
jouer une musique qui nous ressemble
aujourd’hui (Minoru Niihara)
maîtrise de l’anglais. Néanmoins, en
certaines occasions, il m’arrive de
rédiger des paroles directement en
anglais.
Entre 1989 et 2001, tu ne faisais
plus partie du groupe. Il se dit
qu’en 1989, tu as été viré afin de
laisser place au chanteur américain
Michael Vescera (Obsession, futur
Yngwie Malmsteen), Loudness tentant
d’obtenir plus de succès à l’interna-
tional. Est-ce exact ?
Hélas, c’est précisément ce qui s’est
passé !
Le retour de bâton a été dur pour
Loudness car les deux albums
enregistrés avec Vescera n’ont pas
vraiment marché, et la popularité du
groupe, plutôt que de progresser, a
décliné, tant en Europe qu’aux USA.
Au final, les fans ont clairement
montré qu’ils n’envisageaient pas le
groupe sans toi, Akira et toi étant,
aux yeux du public, le visage et
l’esprit de Loudness…
Je te remercie de cette remarque qui
me touche beaucoup, je suis très flatté.
Durant cette période d’un peu plus de
dix ans, Loudness a en effet eu un
chanteur américain, puis un autre
chanteur japonais (Ndlr : Masaki
Yamada, ex-EZO), ainsi qu’un batteur
et un bassiste différents. Je crois néan-
moins qu’il s’est agi d’expériences
Propos recueillis par Benji - Entretien téléphonique réalisé le 06 décembre 2017
intéressantes pour le groupe, qui a
traversé diverses épreuves durant
cette période. Tout ceci a, d’une certaine
façon, fait grandir Loudness.
La formation originale de Loudness
s’est finalement réunie en 2001,
année où vous avez sorti l’album
Spiritual Canoe. Quel a été le
déclencheur de ce retour ?
La principale raison était de célébrer
les vingt ans du groupe. Akira souhaitait
vraiment marquer le coup et proposer
quelque chose de spécial aux fans à
cette occasion. Initialement, cela ne
devait guère durer qu’une année, nous
n’avions vraiment pas prévu d’aller
plus loin. Mais tout s’est si merveilleu-
sement passé qu’à l’unanimité, nous
avons décidé de poursuivre l’aventure
un peu plus longtemps. Et nous sommes
toujours là en 2018 !
2008 fut une année bien triste pour
Loudness puisque, le 30 novembre,
Munetaka Higuchi, le batteur originel
qui était lui aussi de retour au sein
du groupe depuis 2001, est décédé à
l’âge de 49 ans. Tu as quasiment joué
avec lui toute ta carrière, avec
Loudness bien sûr, mais aussi avec
Sly, un groupe que vous avez formé
ensemble de 1994 à 1998. As-tu
un moment envisagé d’arrêter la
musique après son décès ?
Il est vrai qu’il y a eu un moment de
flottement dans le groupe lorsqu’il
nous a quittés et que nous nous
sommes sérieusement posé la question
de savoir si nous devions continuer ou
pas. Mais nous en avons parlé entre
nous et nous avons décidé d’aller de
l’avant car c’est ce que Munetaka
souhaitait de son vivant. Il nous disait
toujours qu’il n’avait pas encore atteint
son but final et qu’il voulait que nous
continuions pour y parvenir. Lorsque
j’ai rejoint Loudness en 1981, j’arrivais
d’Osaka. Lors de mes premiers mois à
Tokyo, où était basé le groupe, j’ai
résidé chez Munetaka. Je n’aurais
pas pu mieux tomber car c’était une
personne en or, toujours prête à aider.
Mais dans un contexte professionnel, il
était inflexible et bossait très dur. Je
l’ai toujours considéré comme une
sorte de grand frère.
Loudness a été le premier groupe de
metal japonais à connaître une vraie
popularité en dehors du Japon. Vous
êtes notamment célèbres pour avoir
été la première formation nippone à
se produire au Madison Square
Garden de New York (Ndlr : le 14
août 1985). Vous ouvriez pour
Mötley Crüe, alors en tournée pour
promouvoir l’album Theater Of
Pain…
C’est exact. Nous jouions tous les
soirs devant 15.000 à 20.000 personnes,
c’était incroyable ! Tout le monde
parlait de Mötley Crüe comme d’un
groupe ne pensant qu’à faire la fête,
mais la réalité, c’est que c’était aussi
une organisation incroyable, une vraie
machine. Tout était très professionnel
et les membres du Crüe prenaient les
concerts avec beaucoup de sérieux.
Nous avons énormément appris durant
ces dates avec eux : comment une
tournée d’une telle ampleur fonctionnait,
comment parvenir à capter l’attention
de si grandes salles, etc. Quant à cette
date à New York, on nous avait dit que
la « coutume » était que les groupes
qui jouaient au Garden se devaient d’y
arriver dans de grosses limousines :
nous ne sommes pas faits prier pour
jouer le jeu ! Il y avait aussi bon
nombre de célébrités du rock dans
les loges, ce qui, bien sûr, nous impres-
sionnait. Et lors de ce concert en
particulier, les fans nous ont vraiment
soutenus. J’en garde un magnifique
souvenir.
Vous avez donné vos premiers
concerts en Europe en 1983 et 84,
mais il a fallu attendre 1986 pour
vous voir enfin en France. C’était dans
le cadre d’une tournée en première
partie de Saxon, qui vous a permis de
jouer au Zénith de Paris le 02
novembre 1986. Ça fait une éternité,
mais gardes-tu des souvenirs précis
de cette date ?
Oui ! Tout d’abord, je me souviens avoir
mangé une soupe à l’oignon, que j’ai
adorée ! Il me semble que nous ne
jouions pas la veille de ce concert et
que nous sommes donc arrivés à Paris
la veille de ce show au Zénith, tard
dans la nuit. Malheureusement, le
lendemain, je n’ai eu le temps de visiter
la ville, ce que je regrette beaucoup.
Comme il s’agissait de la dernière date
de cette tournée avec Saxon, nous
sommes repartis pour Tokyo dès le
lendemain matin. Mais je me souviens
avoir vraiment apprécié ce concert. Le
public français m’a beaucoup surpris par
son grand enthousiasme. Car sincèrement,
je ne pensais pas qu’il y avait autant de
fans de metal dans votre pays !
Aussi fou que ça puisse paraître,
vous n’avez plus rejoué en France
jusqu’au Hellfest… en juin 2016 !
Qu’as-tu pensé de ce festival ?
Je dois dire que je me posais pas mal de
questions avant de monter sur scène
au Hellfest. Ça faisait trente ans que nous
n’étions plus venus, je me demandais
donc légitimement si les gens ne nous
avaient pas oubliés. Mais le public a,
semble-t-il, beaucoup aimé car sa
réaction à notre égard a vraiment
été positive. Le concert fut excellent,
le festival superbement organisé,
l’ambiance géniale. Bref, ce fut un
superbe retour ! Y
31
 . IX (2014)
GENRE ALBUMS . No Cross No Crown (2018)
. Stoner/sludge . Eye For An Eye (1984)
. Animosity (1985) ARTICLES RH
LE GROUPE . Technocracy (EP – 1987)
. Pepper Keenan (chant, guitare) . Six Songs With Mike Singing 1985 (EP - RH N°43, 118, 145 & 183
1989)
. Woody Weatherman (guitare) . Blind (1991)
. . Deliverance (1994)
Mike Dean (basse) . Wiseblood (1996)
. Reed Mullin (batterie) . America's Volume Dealer (2000)
. Live Volume (live – 2001)
. In The Arms Of God (2005)
SITE INTERNET . Your Tomorrow Parts 1 & 2 (EP – 2010)
De g. à d. : Reed Mullin, Woody Weatherman, www.coc.com . Corrosion Of Conformity (2012)
Pepper Keenan & Mike Dean . Megalodon (EP – 2012)

32

Onze ans plus tard, Corrosion Of Conformity retrouve « sa » voix. Pepper Keenan, très occupé avec Down dans l’intervalle,
est en effet de retour au bercail. Nous avons joint le chanteur/guitariste et aurions bien aimé qu’il soit (un peu) plus
bavard, histoire d'en apprendre davantage encore au sujet de ce retour et de No Cross No Crown, nouveau COC attendu
le 26 janvier. Mais bien que nous ne l'ayons pas cueilli au chant du coq, peut-être Mister Keenan était-il mal réveillé…
Rock Hard : Tu as quitté Corrosion Of
Conformity en 2006 et ton retour s’est
fait en plusieurs étapes : des jams,
puis plusieurs participations à des
tournées depuis 2014. Qu’est-ce qui
t’a motivé à revenir dans COC ?
Pepper Keenan : Oh, il fallait surtout
que j’ai le temps ! Pour la première fois
depuis bien longtemps, Down m’a donné
du temps libre. Phil (Anselmo) s’est
consacré à Superjoint Ritual, entre autres.
Au départ, j’ai recommencé à donner des
concerts avec COC un peu par curiosité,
histoire de voir ce que ça donnait après
toutes ces années. J’ai vite réalisé que
l’alchimie était toujours là !
Vous avez en effet multiplié les tournées,
notamment en Europe...
Oui, nous avons commencé par jouer
ensemble en Europe où nous avons
donné quelques concerts. Puis d’autres
ont été programmés et, au final, nous y
sommes revenus à quatre reprises au
cours de la même année, pour des shows
donnés en salles ou sur des festivals.
Nous n’avons également pas oublié les USA,
où l’accueil s’est avéré tout aussi bon.
De fil en aiguille, nous avons commencé
à évoquer l’écriture de notre premier
album ensemble depuis 2005. Et quand
Nuclear Blast nous a fait une offre, nous
avons tout de suite dit « oui ». C’est
Nuclear Blast, tout de même ! Nous avons
donc redonné quelques concerts et n’avons
plus tardé à entrer en studio. C’était au
début de cette année. Au total, je crois que
nous avons tourné durant un an et demi.
Avez-vous composé l’album en studio ?
Oui. A l’exception de deux idées anciennes
que nous avons entièrement retravaillées,
nous y sommes entrés avec une page
blanche. Nous avons laissé libre cours à
nos idées. C’était quasiment de l’écriture
automatique : nous jammions et allions
là où l’inspiration nous portait. Nous
avons sciemment essayé de ne pas trop
contrôler tout ça.
COC est un groupe qui possède plusieurs
facettes et qui a beaucoup évolué au
cours de sa carrière. Un album vous a-
t-il plus servi de boussole qu’un autre ?
Oui : In The Arms Of God (2005), sans
l’ombre d’un doute. J’en ai toujours été
très fier. Pour moi, c’est vraiment un
album qui tient la route. C’est le dernier
que j’avais enregistré avec COC. Il était
somme toute logique que nous reprenions
notre histoire commune là où elle s’était
arrêtée.
A l’époque, tu semblais si satisfait par
In The Arms Of God que ton départ de
COC pouvait signifier « je ne pourrais
jamais faire mieux, alors je referme
un chapitre ». Avec le recul, comment
l’interprètes-tu ?
Je pense surtout que l’ouragan Katrina a
eu un très gros impact sur ma décision
(Ndlr : en 2005, cet ouragan, l’un des plus
violents de tous les temps, a tué plus de
1.800 personnes. Il a particulièrement
ravagé la ville de Pepper Keenan, la
Nouvelle Orléans). Ça a mis un bazar
incroyable par ici. J’ai dû annuler ma
participation à une tournée européenne
avec Motörhead, ce que je regrette
Propos recueillis par Morgan Rivalin - Entretien téléphonique réalisé le 16 novembre 2017
encore aujourd’hui et que je regretterai
toujours. Mais bon, je n’avais pas le
choix ! Et puis, le label sur lequel nous
étions signés à l’époque a commencé à
battre de l’aile. Nous lui posions des
questions et n’avions pas de réponses...
Ça sentait mauvais et, effectivement, il n’a
pas tardé à bouffer la grenouille ! (Ndlr :
Sanctuary Records a cessé ses activités en
2007)
Tes camarades et toi n’avez jamais été
fâchés ?
Non, non, pas du tout. Je dirais juste que
ces événements nous ont simplement un
peu éloignés les uns des autres... Mais
quand les gars ont relancé la machine
(Ndlr : en 2010), j’ai toujours été heureux
de les croiser sur un festival auquel
Down participait également, et même
parfois de jammer avec eux. Je crois
d’ailleurs que c’est ce que nous avions
fait au Hellfest, non ?
Oui, en 2011 : tu avais rejoint COC en
toute fin de concert sur « Vote With A
Bullet ».
Ah oui, voilà. C’est bien ce qu’il me
semblait ! (rires)
Ces jams avaient un goût de trop peu.
Les fans ont commencé à en vouloir
davantage...
Je ne voulais surtout pas que
ce disque sonne comme l'album
d'une reformation, le retour de vieux
gars finis tentant un come-back
(Pepper Keenan)
Même chose en ce qui nous concerne !
Chaque jam m’a rapproché du groupe. Je
ne voulais juste pas trop me mettre la
pression. Mes camarades pensaient la
même chose. Notre attitude était la
suivante : « Quand ça devra arriver, ça
arrivera », point barre ! Je pense que nous
avons bien fait de procéder de cette
façon…
En 2014, tu as commencé par participer
à un morceau de IX : « Tarquinius
Superbus »...
Ça incarne bien notre approche : des
concerts, l’écriture d’un morceau
ensemble... Puis un album entier : No
Cross No Crown. Personnellement, c’est
vraiment ce que je voulais. C’est ce qui
me convenait. Je n’avais pas chanté en
studio depuis un bout de temps... Enfin,
je n’avais en tout cas pas enregistré
d’album entier, avec la pression qui va
avec.
Quel regard poses-tu sur ces sessions
menées par John Custer ? (Ndlr : pro-
ducteur attitré de Corrosion Of
Conformity depuis Blind, en 1991)
Je suis très heureux d’avoir une nouvelle
fois travaillé avec John. Il sait me pousser
dans mes retranchements et, surtout,
j’ai confiance en son jugement. Bien
souvent, je ne sais pas si une prise de
chant est valable ou non. Si John me dit
qu’elle est bonne, je le crois. Nous avons
avancé par étapes : lentement, mais
sûrement. Nous avons abordé chaque
chanson individuellement, parce que
chaque chanson a besoin d’une approche
qui lui convient. Je parle là du chant,
mais aussi de la musique. Nous n’avons
pas enregistré toutes les batteries, puis
toutes les guitares, etc. : nous avons
enregistré chaque morceau en entier
avant de passer au suivant.
Tu as donc multiplié les aller-retours
en Caroline du Nord ?
Oui, j’y suis allé à plusieurs reprises au
cours d’une année environ. J’y passais
quatre ou cinq jours durant lesquels
nous composions et enregistrions, puis
je rentrais à la maison, et ainsi de suite.
J’aime beaucoup cette approche. Ça te
permet d’avoir du recul sur ce que tu
crées. Quand tu réécoutes les morceaux
que tu as déjà en ta possession, tu sens
ce qui manque à l’album. Tu te dis : « Il
me faudrait un morceau plus calme », etc.
C’est plus ou moins ce que nous faisons
depuis Deliverance (1994) (Ndlr : l’album
de COC sur lequel Pepper Keenan est devenu
son chanteur attitré) et ça fonctionne bien
pour nous. Au final, ça donne un album
vraiment riche. Pour le moment, le
public n’a écouté que « Cast The First
Stone » (Rappel : interview réalisée le 16
novembre dernier), mais l’album est vraiment
varié.
Il possède un réel côté live. C’est
voulu, voire travaillé, j’imagine ?
Oui, c’est voulu, bien sûr ! C’est ce que nous
cherchons. Il y a une façon « moderne »,
ou plutôt actuelle de produire les disques.
Et il y a l’ancienne façon. Nous lorgnons
plutôt du côté de cette dernière…
Tu parlais de pression à l’instant. As-
tu ressenti beaucoup de pression, ou
peut-être, en tant que perfectionniste,
es-tu du genre à te mettre la pression ?
Il y avait de la pression, oui, mais bon,
je fais quand même ça depuis un bout de
temps ! Et puis, quand tu y penses, ce
n’est que de l’art. Tu dois avant tout
t’efforcer d’être créatif. Il y a une seule
chose que je ne voulais surtout pas : que
ce disque sonne comme l’album d’une
reformation, le retour de vieux gars
finis tentant un come-back ! Tout le
monde s’en fout ! Tout ça s’est fait de
façon naturelle. Ce n’est pas une refor-
mation orchestrée par des managers ou
une autre connerie du genre. C’est juste
l’histoire de quatre gars qui, après des
années, ont recommencé à donner des
concerts ensemble et à enregistrer des
chansons dans un local de Caroline du
Nord avec leur pote John Custer. Et c’est
tout.
Comment dirais-tu que vous avez
évolué, tous les quatre ?
Nous sommes surtout plus vieux ! Un peu
plus sages, aussi... Mais pas beaucoup !
Nous sommes toujours ces quatre gars
qui aiment déconner ensemble, boire
des bières et écouter Judas Priest. Le
temps passe, mais certaines choses ne
changeront jamais !
Quelle est l’origine du titre de l’album,
No Cross No Crown ?
Ça nous est venu en Angleterre. Nous
avons joué dans une vieille église
désacralisée reconvertie en salle de
concerts (Ndlr : le Colchester Arts
Center de Colchester, très certainement. Le
groupe y a joué le 12 mars 2015). Même
si elle n’accueille plus de messes, on y
trouve encore ses vitraux d’époque. Sur
l’un deux était représenté un homme en
mauvaise posture. Ce vitrail se nommait
« no cross, no crown » (Traduction : « Pas de
croix, pas de chocolat ! » Ou plutôt « Pas de
croix, pas de couronne ! »). Ça nous a servi
de fil rouge. C’est un thème qui revient
dans plusieurs morceaux de l’album…
En 2016, vous avez tourné aux USA
avec Lamb Of God et Clutch. Comment
le public de Lamb Of God a-t-il réagi à
votre set ?
Très bien ! Mais tu sais, nous avons
tourné avec tout un tas de groupes très
différents depuis nos débuts. Ça ne nous
effraie jamais. Ces dernières années,
nous avons même joué dans un festival
typiquement death metal organisé par
Obituary, en Floride. Et encore une fois,
ça s’est très bien passé pour nous.
Trouble était également de la partie.
Super souvenir !
Sur cette tournée, Reed Mullin (batterie)
a connu quelques pépins de santé qui
l’ont éloigné de COC durant seulement
quelques jours (Ndlr : Jean-Paul
Gaster de Clutch et Chris Adler de
LOG sont venus à la rescousse),
mais Mike Dean (basse) a suscité
l’émoi des fans en écrivant sur
Facebook que vous ne le laisseriez
pas « se tuer à petit feu »... Comment
va Reed aujourd’hui ?
(Un brin agacé) Hé bien, quand tu écoutes
l’album, tu entends qu’il joue mieux que
jamais, n’est-ce pas ? Reed est en
forme. Il a eu quelques soucis, c’est
vrai, mais tout va bien aujourd’hui.
C’est ça qui compte !
OK... Pour finir, il y a des années, un
lecteur de Rock Hard nous a dit qu’il
était sûr de t’avoir croisé à plusieurs
reprises à Saint Malo, il y a bien long-
temps. Tu y aurais même vécu ?
Absolument ! Plus jeune, j’ai passé du
temps à Paris et à Saint Malo, c’est vrai.
Ce fut une super période de ma vie !
J’avais besoin de partir à la découverte
du monde, de réaliser à quel point il est
vaste. Cette tranche de vie m’a construit.
A Saint Malo, qui est un endroit extraor-
dinaire, je vivais dans la vieille ville,
derrière les remparts, mais je plantais
régulièrement ma tente sur Petit Bé et
Grand Bé pour y passer la nuit. Je n’y
suis jamais retourné, mais un jour, je le
ferai ! Y
33
 Propos recueillis par Charlélie Arnaud - Entretien téléphonique réalisé le 08 décembre 2017
Apparemment, il n'aura pas été facile à Phil Anselmo de décrocher son téléphone en ce vendredi après-midi de décembre afin de
répondre à nos questions. Très embrumé, visiblement éreinté, son débit lent et malhabile ferait presque passer Ozzy pour le
professeur de diction de Fabrice Luchini. Une apathie qui contraste singulièrement avec l'album Choosing Mental Illness As A
Virtue, très énervé, qu'il sort ce mois avec ses camarades The Illegals. Malgré cette « grosse fatigue », le célèbre chanteur sait se
montrer courtois et réserver toujours – comme à son habitude – l'une ou l'autre sortie dont il a le secret, notamment à propos des
soucis médiatiques qui lui ont un peu pourri la vie ces derniers mois. Causons !
ou comme exutoire. Je crois que j’en
arrive à un stade dans la vie où j’ai
été le frontman de différents groupes
et projets, du plus petit au plus gros,
et j’ai acquis une sorte de droit
légitime à n’en faire qu’à ma tête. Et
c’est ce qui peut donner un disque
comme Choosing Mental Illness As A
Virtue, qui est produit de façon hyper
minimaliste, dépouillée, crûe… Tu
tombes juste en me parlant d’un
feeling black metal puisque, sur ce
disque, figurent beaucoup de riffs
que j’avais écrits en 1996 et 1997 et
que je n’avais pas encore utilisés. Or,
à l’époque, je venais de sortir l’album
de Christ Inversion. J’étais à fond sur
Necrophagia, alors il est logique que
le côté black ressorte. Je m’étais
toujours dit que ces riffs étaient trop
bons pour finir au rebut, et voilà :
nous avons fini par en faire quelque
chose, même si, bien entendu, nous y
avons ajouté de nombreuses nouvelles
parties. Je tiens d’ailleurs à mettre
en avant l’importance du travail de
groupe sur cet album, et notamment
l’investissement de Mike DeLeon
(guitare), Walter Howard IV (basse),
et Jose Gonzales, le batteur qui joue
avec moi depuis ses 19 ans et qui
aujourd’hui en a 25. J’ai beau avoir le
double de son âge, nous apprenons
tous les jours les uns des autres au
sein du groupe, mais tous les yeux
sont toujours rivés sur Stephen
Taylor (guitare). Il devrait être obli-
gatoire d’avoir un gars comme lui dans
J'irai toujours là où j'ai envie d'aller sans tenir chaque groupe. Il est en permanence
concentré sur la façon dont les choses
compte de ce qu'on attend de moi (Phil Anselmo) doivent sonner, sur la recherche de
l’efficacité maximale, et je peux te
Rock Hard : Comment vas-tu ? l’ambiance, l’esthétique… Et puis, black metal. Avais-tu quelque chose dire, sans exagérer, que c’est l’une
Phil Anselmo : Bien. Je regarde par Noël donne l’occasion de retomber en à expurger pour que le résultat soit des personnes les plus exceptionnelles
la fenêtre et nous sommes entièrement enfance, ça rappelle des souvenirs, aussi méchant ? avec qui j’ai pu collaborer musicalement.
entourés de neige, c’est blanc partout. des odeurs, des sentiments, des C’est difficile à dire. Je ne me sers Bref, nous sommes tous allés dans le
J’adore, c’est si rare là où je vis (Ndlr : émotions... Il n’y a pas assez de pas de la musique comme catharsis même sens, à la recherche de la plus
à la Nouvelle Orléans, en Louisiane) personnes qui profitent de cela, on
d’avoir de la neige ! Je suis ravi, entend trop de gens dire : « Vivement GENRE SITE INTERNET
j’adore le temps froid et sec, ce qui que ça se termine ! ». La vie n’est pas . Sludge extrême www.facebook.com/
tombe assez mal puisqu’ici, toute toujours rose, alors autant profiter LE GROUPE
Philipillegals
l’année, le temps est super humide et d’un peu de légèreté lorsque c’est . Philip H. Anselmo (chant) ALBUMS
c’est une vraie fournaise. possible, dans une ambiance simple, . Stephen « Schteve » Taylor . Walk Through Exits Only
festive et chaleureuse. (guitare) (2013)
Tu ne fais donc pas partie de ces . Choosing Mental Illness As
. Mike DeLeon (guitare) A Virtue (2018)
gens qui détestent la période de Parlons musique ! Ce nouvel album . Walter Howard IV (basse)
Noël ? est extrêmement brutal, bourré de ARTICLE RH
. Jose « Blue » Gonzales
Oh que non, j’adore ça ! J’aime tout : blastbeats, avec presque un feeling (batterie) RH N°183

34
Philip H. Anselmo
 grande âpreté, avec des titres aux
textes bruts et bien ancrés dans le
réel. Pas des putains de métaphores,
ou que sais-je.
Ta notoriété fait que tu es évidem-
ment bien plus mis en avant qu’eux
dans cette aventure. Est-ce toujours
facile pour eux d’être le « backing
band » du « grand Anselmo » ?
Ça ne pose jamais de problème, c’est
même quelque chose dont nous rions
fréquemment. Et puis, pour être
honnête, ici, chez moi, je ne suis
jamais qu’un des musiciens de la
ville, au même titre que n’importe
qui. La semaine dernière, nous avons
organisé notre quatrième jam session
avec des potes. Tous les groupes du
coin y sont les bienvenus, quelle que
soit leur notoriété, chacun joue avec
chacun, il n’y a pas de « untel est
connu » qui tienne. Et je n’ai pas une
attitude de putain de rock star : ma
Toutes les semaines, il faut un mauvais élève pour
satisfaire les gens qui passent leur vie devant un
écran afin qu'ils puissent s'offusquer (Phil Anselmo)
vie rêvée est plutôt de pouvoir me
barrer faire des concerts n’importe
où et n’importe quand, d’être un mec
libre, de poser mon cul dans un van
et d’aller envoyer la sauce. Et fuck
les tour-bus et les hôtels de standing,
je n’en ai strictement rien à foutre !
Avoir été le leader d’une grosse
machine comme Pantera est-il parfois
lourd à porter lorsque, justement,
on revient à des choses plus fonda-
mentalement underground ?
Evidemment. Parce que, lorsque tu
as été le chanteur d’un groupe très
connu, tu te mets à dos pour le
restant de tes jours la partie du
public qui n’aime pas ce que tu as fait
et qui d’office ne t’écoutera plus
36
jamais, quoi que tu fasses. Tu te mets
aussi à dos les gars avec qui tu as
grandi parce que tu es devenu trop
connu, alors, pour un petit esprit,
c’est sûrement parce que tu es une
pute. Et puis, des années plus tard,
tu te mets à dos les fans de Pantera
qui voudraient que tu fasses la même
chose toute ta vie et qui ne compren-
nent rien à tes nouveaux projets.
Mon seul et unique message à tous ces
gens est que je suis un explorateur,
un agent libre, qui n’en fera toujours
qu’à sa tête et qui ne sacrifierait
cette liberté pour rien au monde. Je
fuis la starification comme la peste
car je sais qu’elle n’est qu’un miroir
aux alouettes. Je fais ma petite
tambouille dans mon coin, j’aide
deux ou trois groupes à se faire
connaître dans la limite de mes
moyens, et c’est tout. Parce que c’est
ce qui me rend heureux et que je
pense que c’est la bonne chose à
faire. Mais attention, je tiens à être
très clair sur un point : les fans de
Pantera, tout comme les fans de
Down par exemple, méritent tout
mon respect. Je ne cracherai jamais
sur ces gens. Simplement, ces deux
groupes ne représentent qu’une
partie de ma vie et une facette de
mes aspirations, et j’irai toujours là
où j’ai envie d’aller sans tenir compte
de ce qu’on attend de moi.
Durant toute ta carrière, tu as
quasiment passé en revue tous les
sous-styles du metal, du hair metal
de tes débuts avec Pantera qui est
ensuite devenu un groupe très
heavy, flirtant même parfois avec le
thrash, mais tu t’es aussi illustré
dans le black metal, le stoner, le
sludge… Es-tu fan du style à ce
point que tu cherches à t’accomplir
dans chacune de ses chapelles ?
Non, pas du tout. Il faut plutôt envi-
sager chaque disque comme une
sorte de capsule temporelle, un
instantané du moment, une envie. En
tout début d’année, je vais sortir un
autre album avec un groupe qui
s’appelle En Minor et qui va très
probablement faire hausser pas mal
de sourcils (Ndlr : le groupe est
influencé par la scène gothic rock des
années 80). Ça n’a rien de metal, et
c’est un disque composé de titres que
j’ai écrits il y a très longtemps, qui
m’ont quasiment suivi toute ma vie,
depuis que j’ai eu ma toute première
guitare à l’âge de neuf ans. Il y a
beaucoup d’instruments acoustiques,
de guitares non saturées… Je n’ai
aucun besoin de m’essayer à tous les
genres de metal. J’ai déjà couvert
une bonne partie du spectre, c’est
vrai, mais je ne tente pas de battre
un record. De plus, aujourd’hui, tout
ou presque a été déjà dit et, quoi
que tu fasses, est systématiquement
sujet à comparaison avec un groupe
X ou Y. Et je n’aime pas qu’on me
mette dans une boîte. D’ailleurs, ce
serait compliqué puisque, rien qu’en
2018, il y aura cet album des
Illegals, le disque d’En Minor dont je
te parlais à l’instant et celui d’un
autre projet qui date de 2014 et
donne dans le horror death metal.
Tu as aussi un projet nommé
Scour. De quoi s’agit-il ?
Ça sonne très early black metal, un
peu comme les débuts d’Emperor ou,
plus généralement, de la scène
norvégienne. Tu fais bien de m’en
parler, j’avais perdu ça de vue !
(rires) Ça paraît très con de dire ça,
mais ce sont des choses que je fais
plutôt facilement. Ça me vient assez
naturellement, ça ne prend pas beau-
coup de temps, et à chaque fois que je
sors un nouveau projet il semble y
avoir toujours quelques personnes
pour trouver ça cool, alors je me laisse
rapidement prendre au jeu.
Le black metal revient assez souvent
dans tes différents groupes. Comment
as-tu découvert ce style ?
Je pense que ce doit être via une
compilation de Darkthrone qui avait
été sortie par Peaceville. J’avais trouvé
ça incroyable et, à l’époque, je trainais
souvent avec les gars de Soilent
Green dont le chanteur était très fan
de black. Il m’a fait découvrir des
groupes que j’ai adorés, comme
Impaled Nazarene, et puis, une fois
que tu en as découvert un, c’est
l’arbre qui cache la forêt : tu t’aperçois
qu’il y en a des centaines d’autres
derrière. Alors, je me suis passionné
pour tous ces groupes : Immortal,
Mayhem… De Mysteriis Dom Sathanas
(1994) est un album que je connais
par cœur. J’aurais d’ailleurs tellement
voulu que Dead (Ndlr : précédent
chanteur de Mayhem qui s’est suicidé en
1991) chante sur cet album…
C’est ce qui est amusant chez toi,
c’est qu’en plus d’être un artiste
important sur la scène metal, tu es
aussi, et peut-être même avant
tout, un fan ! On se souvient t’avoir
vu, lors de certains Hellfest, sur le
côté de la scène, chanter par cœur
des titres entiers pendant des
concerts d’autres groupes. Je
pense, par exemple, à Ghost,
Accept ou encore Voïvod.
Oui, c’est vrai, je suis un putain de
fan, mais ce n’est pas exclusivement
valable pour la scène metal : j’écoute
des milliers de groupes dans des
styles très différents : je peux passer
du black au hardcore, puis écouter
Devo, The Cure, Echo & The
Bunnymen, Porcupine Tree – et en
règle générale, tout ce que fait
Steven Wilson ou encore Chelsea
Wolfe, dont je suis complètement
dingue… La musique est la musique.
Il n’y en a pas de bonne ou de
mauvaise. Il y a juste celle qui te
touche ou pas.
Quelle est ton activité exacte au
sein de ton label Housecore
Records ?
J’ai principalement monté ce label
pour sortir mes propres groupes et
pour rester propriétaire de mes
bandes, mais comme tu t’en doutes,
je suis submergé de demandes, d’e-
mails, de propositions… J’écoute ce
qui me semble intéressant, et effecti-
vement, je pense que j’ajouterai
quelques groupes prochainement,
mais cela prend du temps pour faire
les choses correctement et je n’ai pas
envie de signer à tours de bras des
groupes dont je n’aurais pas le temps
de m’occuper. Et puis, surtout, je n’ai
pas envie d’aller là où est l’argent : je
tiens à garder l’esprit underground. Je
n’ai aucune envie de débusquer le
prochain Guns N’Roses ou une merde
de ce genre (rires)… Je serais plutôt
dans la démarche inverse, à savoir
sortir des trucs vraiment obscurs et
qui « choquent » l’auditeur.
Monter ton propre label était-il
consécutif à des problèmes antérieurs
LA MUSIQUE EST LA MUSIQUE. Il n’y en a pas de bonne
ou de mauvaise. Il y a juste celle qui te touche ou pas
(Phil Anselmo)
avec le music business ?
J’ai toujours pensé que les gros
labels savaient exactement ce qu’ils
faisaient en signant un groupe pour
sept putains d’albums. A l’époque
de Pantera, j’en ai bouffé de leurs
soi-disant contrats standards épais
comme des dictionnaires… Tout ce
qu’ils veulent lorsqu’ils dénichent la
poule aux œufs d’or, c’est s’assurer
d’avoir la mainmise sur l’entièreté de
sa carrière, pas juste quatre ou cinq
disques. Ils en veulent sept ! Et ils te
traitent comme de la merde, mais ils
s’en foutent car tu es sous contrat,
autrement dit pris au piège. C’est
de l’exploitation pure et simple,
quasiment une forme d’esclavagisme.
Tu verrais le contrat de mon label
(rires)… Il tient sur une feuille.
Aujourd’hui, le fait que des sites de
news metal s’intéressent davantage
à ce que Vinnie Paul pense de toi, à
ta brouille avec Scott Ian (Anthrax)
ou à ce genre de détail doit être
parfois lourd à supporter ?
Je ne m’intéresse absolument pas à
ce genre de conneries people écrites
par des gens dont le seul but dans la
vie est de générer du clic. Je vis très
bien sans eux, je n’ai pas besoin de
ces histoires pour qu’on parle de
mon actualité, et ces saloperies
éternellement rabâchées, redondantes,
régurgitées peuvent rester là où elles
sont. Car, au bout du compte, qui va
de l’avant ? Qui fait quelque chose de
sa vie ? Qui se regarde dans le miroir
le matin sans honte ? Pas les gars
qui torchent ce genre d’article, qui
ne sont que de misérables fiottes
bonnes à remuer une merde qui n’est
plus de première fraîcheur. Nous
vivons une nouvelle époque de chasse
aux sorcières. Le politiquement
correct est partout : « Ça, c’est bien,
ça, ce n’est pas bien, ça, ce n’est pas
vertueux... » Toutes les semaines,
il faut un nouveau mauvais élève
pour satisfaire les gens qui passent
leur vie devant un écran afin qu’ils
puissent s’offusquer et avoir leur
divertissement hebdomadaire. J’ai
juste envie de leur conseiller de
s’occuper des soucis qu’ils ont dans
leur propre vie.
Ça devient plus ennuyeux lorsqu’un
musicien connu – Scott Ian en
l’occurrence – commence lui aussi à
jouer le jeu des journalistes people
et se lance à son tour dans cette
sorte de cabale contre toi…
(Ndlr : le 22 janvier 2016, Anselmo –
pas frais du tout – a fait le salut nazi
et crié « White power ! » sur scène
lors d’un show tribute à Dimebag
Darrell. La vidéo a fait le tour du Net
et a été largement commentée par des
centaines de personnes, anonymes ou
non. Anselmo s’est longuement excusé
de cet incident à mettre sur le compte de
l’alcool et d’une private joke destinée à
des amis restés en coulisses). Là, on
touche simplement au fin fond de
l’hypocrisie. Il existe des tas de
photos de ce gars faisant lui aussi
le salut nazi « pour rire ». Il se dit
mon ami, mais il est d’une hypocrisie
totale. Je rappelle, au passage, que
ce genre de critique vient tout de
même de la part d’un mec qui, en
1985, a écrit l’album Speak English
Or Die, de S.O.D., qui renferme une
chanson intitulée « Fuck The Middle
East ». C’est vraiment se donner
beaucoup d’importance et de crédi-
bilité que de venir me donner des
leçons par presse interposée. Il sait
que je sais, et je sais qu’il sait,
qu’il aurait mieux fait de la mettre
en veilleuse. Toute personne qui me
connaît sait pertinemment que je
n’ai absolument aucune forme de
sympathie pour l’extrême droite ou la
mouvance néo-nazie. Mais nous
vivons dans un monde où il est bien
plus vendeur de parler du négatif et
de mettre quelqu’un au ban plutôt
que d’essayer de valoriser ce que
certaines personnes font de bien et
de positif. Y
37

© Marc Villalonga
Chaque mois, l’un de nos journalistes, de Cliff Burton, la batterie explosive de Lars Ulrich et
pétri de bonnes intentions mais flanqué l’ombre encore planante d’un certain Dave Mustaine
d’une incroyable mauvaise foi, extrait (viré peu de temps avant l’enregistrement de l’album),
la substantifique moelle de la carrière la formation, alors chapeautée par Jon Zazula, patron
d’un groupe afin de proposer un « guide de Megaforce Records, assomme avec ce qu’on
d’achat » qui n’est, bien évidemment, nomme alors « speed metal » tout ceux pour qui la
violence ultime se nommait jusque-là Motörhead
que le reflet de ses goûts douteux. Dans
(influence majeure du combo). Près de 35 ans plus
ce numéro, c’est Metallica qui est passé tard, restent des hits incontournables en concert
au crible par Guillaume Fleury. (« Seek And Destroy »), des brûlots à l’écriture
soufflante (« The Four Horsemen », « Hit The Lights »)
et un solo de basse aujourd’hui encore disséqué
LES INCONTOURNABLES en laboratoire (« (Anesthesia) Pulling Teeth »).
Une entrée en matière aux allures de révolution,
qui change considérablement la face du monde
KILL’EM ALL métallique. Classé au patrimoine historique.
(Megaforce, 1983)
Plus rapide, plus violent,
plus dangereux, plus tout ! RIDE THE LIGHTNING
Celui qui était à l’origine (Megaforce, 1984)
censé s’intituler Metal Up L’écriture de ce second
Your Ass! (Ndt : du metal album porte l’influence
plein ton cul!) et arborer majeure du bassiste Cliff
une pochette figurant une Burton. Ses goûts en
dague sortant d’une matière de musique
cuvette de chiotte, porte classique confèrent en
néanmoins très bien son effet à Metallica un surplus
nom officiel. Entre la hargne juvénile de James d’identité qui se
Hetfield (guitare, chant), les soli diluviens d’un Kirk poursuivra sur l’effort
Hammett fraîchement embauché, la basse galopante suivant. Plus sombre, plus
38
mystique, plus mélodique,
Ride The Lightning déploie une
impressionnante palette d’émotions.
De la rage jouissive du morceau-titre
à la beauté mélancolique de la
power ballade « Fade To Black »,
en passant par un instrumental
glaçant (« The Call Of Ktulu »),
ce second album atteint son pinacle
sur l’incroyable « Creeping Death »,
véritable leçon d’écriture dont le
combi riffs/mélodies est tout
simplement parmi les meilleurs du
style. Ajoutez à cela un Kirk qui
affine son jeu, un James au poignet
droit infaillible et davantage versatile
derrière son micro (ses textes sont
par ailleurs plus profonds et
engagés, comme sur un « Ride The
Lightning » traitant de la peine de
mort), ainsi qu’une production
supérieure signée Flemming
Rasmussen, et vous obtenez l’un
des meilleurs efforts de Metallica
de l’aveu de nombreux fans. Tout
cela en dépit du vilain petit canard
« Escape » composé pour draguer
les ondes radio et rapidement renié
par le groupe !
MASTER OF PUPPETS
(Elektra Records, 1986)
Déjà porté aux nues avec Ride The
Lightning, Metallica affine ici son
style. Point de révolution, mais une
reprise de la formule précédente,
la maturité et l’expérience en plus.
L’alchimie entre les quatre cavaliers
est telle qu’ils accouchent en
dernière minute, au studio, d’un
« The Thing That Should Not Be »
pesant et inquiétant.
Du pont frissonnant du
morceau-titre au break
iconique de l’instrumental
« Orion », Master Of
Puppets recèle tout ce qui
fait la qualité mélodique
et rythmique hors norme
des Américains. Toujours
engagé (« Leper Messiah »
se moque des télévangélistes, tandis que « Disposable
Heroes » déploie un constat grinçant sur l’absurdité
de la guerre), James maîtrise mieux sa voix qui a
désormais mué. Lars est dépositaire d’une inventivité
remarquable derrière sa batterie, créant de nombreux
patterns aujourd’hui référentiels (« Master Of
Puppets »). Enfin, Cliff et son sens du groove font
merveille avec, en point d’orgue, un « Orion » d’une
profondeur remarquable. Il sera impossible pour
Metallica, une fois la mort venue faucher ce prodige
de la quatre-cordes un putain de 27 septembre 1986,
d’aborder son art de la même manière que sur ce
troisième effort aux allures d’apogée. Ce qui renforce
un peu plus son aura légendaire...
 EGALEMENT RECOMMANDÉS
...AND JUSTICE FOR ALL
(Elektra Records, 1988)
Deuxième étape du deuil
après le déni : la colère.
Refusant l’injustice venue
frapper leur ascension
fulgurante avec la mort
tragique de Cliff, les
trois survivants (et le
« newbie » Jason
Newsted, dont la basse
est totalement étouffée,
comme pour laisser libre l’espace qui aurait dû revenir
à Burton) font montre d’une agressivité teintée de
mélancolie nouvelle. Rêche, paré d’une production
aride sur laquelle guitare et batterie se déchirent pour
dominer l’espace, à l’image de leurs maîtres en studio,
...And Justice For All, effort le plus sombre de
Metallica, naît dans la douleur. Néanmoins, le talent
d’écriture est ici soufflant de profondeur, d’un
« Blackened » au riff imparable à un « To Live Is To
Die », instrumental poignant né des dernières idées
de Cliff, sans oublier un morceau-titre progressif au
texte remarquable. Si l’Histoire retient avant tout
l’exceptionnel « One » (et son clip), tout ici dévoile un
Metallica à la maturité d’écriture impressionnante et
en pleine possession de ses capacités techniques (Kirk
délivre ici parmi les meilleurs soli de sa carrière). Sans
oublier la plus belle pochette de sa discographie.
METALLICA
(Elektra Records, 1991)
Déjà célébré dans le
milieu des initiés, reste
à un Metallica mort de
faim l’ambition de
conquérir le monde.
Bob Rock, connu pour
ses productions glam
(Mötley Crue, Bon Jovi),
est l’homme de la
situation pour une
formation qui se voit régulièrement reprocher de ne
pas bénéficier de la même puissance sonore sur album
qu’en conditions live. De loin l’effort le plus facile
d’accès des Four Horsemen, ce « black album » épuré,
ciselé, poli, affiné à la perfection, recèle un nombre
impressionnant de riffs devenus cultes (« Enter
Sandman », « Sad But True », « My Friend Of
Misery »), de soli exceptionnels, de mélodies
imparables (Kirk et sa pédale wah qu’il ne quittera
plus jamais) et même de vraies ballades (« Nothing
Else Matters », « The Unforgiven »). S’il est aujourd’hui
de bon ton de critiquer ce disque « commercial »,
reste que Metallica voit James Hetfield (qui a pris
des cours de chant) atteindre son apogée vocale et
l’ensemble du groupe faire montre d’une qualité
d’écriture et d’une soif de vaincre foutrement
efficaces. L’album le plus heavy des Californiens
et le pic de leur ascension artistique et critique.
Difficile d’aller plus haut...
DÉCONSEILLÉ
RELOAD
(Elektra Records, 1997)
Si St. Anger (2003) est souvent cité comme le plus
gros « plantage » de Metallica, au moins ce dernier
déployait-il une envie de se renouveler et de prendre
certains risques. Ce n’est pas le cas d’un Reload aux
allures de disque bonus de son prédécesseur, un Load
(1996) de très bonne
facture malgré l’accueil
plus que mitigé qui lui
fut réservé à sa sortie.
De l’aveu même du
groupe, Reload est une
compilation des idées
non retenues pour Load
et retravaillées afin
d’apparaître potables…
Si cela fonctionne en plusieurs occasions (« The
Memory Remains », « Low Man’s Lyric », voire « Fuel »,
même si ce dernier est une sorte de réchauffé de
« Ain’t My Bitch »), difficile de sauver des ratés
comme « Slither » ou « Prince Charming » qui se
traînent assez lourdement et sur lesquels le groupe
semble totalement rincé en termes d’inspiration.
Si James est toujours pourvoyeur de très bons riffs
(« Bad Seed »), ceux-ci sont péniblement assemblés
en une mixture qui ne prend pas. 76 minutes de
chutes studio, c’est beaucoup. Beaucoup trop !
Hetfield, encore lui, a récemment reconnu qu’il ne
s’était pas du tout senti à l’aise à cette époque,
laissant les clés à ses comparses. Et ça s’entend...
LE LIVE
LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ, METALLICA !
(Blackened Recordings, 2016)
Metallica n’ayant que peu
de live officiels à son actif
(et le Live Shit étant
logiquement à l’honneur
de la rubrique « Coffret »),
c’est vers ce concert
donné au Bataclan lors du
mémorable marathon de
2003 (trois shows assurés
le 11 juin dans trois clubs
parisiens pour la promo de St Anger) que nous,
Français, pouvons nous tourner avec émotion. Publié
en 2016 afin de rendre hommage aux victimes des
attentats du 13 novembre 2015 (les bénéfices des
ventes sont reversés aux familles), il dévoile un groupe
revenu des limbes après la défection de Jason
Newsted et la cure de désintox de James Hetfield.
Une sorte de résurrection couronnée par un set
bouillant truffé de hits (rien moins que des pépites
comme « The Four Horsemen », « Leper Messiah »,
« No Remorse », « Ride The Lightning » et « Damage
Inc. » dégainées dans une salle de 1.500 places
chauffée à blanc en plein mois de juin !). Doté d’un son
puissant mais fidèle à la réalité scénique, à savoir non
retouché abusivement, ce Liberté, Egalité, Fraternité,
Metallica! est tout simplement un document historique
de très grande valeur. Même le décrié « Frantic »
envoie sec en dépit d’un Hetfield un peu émoussé !
LA COMPILATION
GARAGE INC.
(Vertigo, 1998)
Metallica s’étant toujours
refusé à publier un best of
officiel (c’est tout à son
honneur de ne pas céder à
la facilité), Garage Inc.
demeure sa compilation la
plus intéressante. Devant
la difficulté pour ses fans
de se procurer l’EP The
$5.98 Garage Days Re-
Revisited (1987) à un prix décent, le groupe décide de
concocter un double album dont le second disque
reprend l’intégralité dudit EP et diverses reprises
enregistrées au fil des ans, tandis que le premier
propose de nouvelles covers inédites. Si l’ensemble du
second disque s’avère le plus passionnant (notamment
les géniales reprises de « Am I Evil ? » de Diamond
Head, « Blitzkrieg » de Blitzkrieg et « Breadfan » de
Budgie, toutes trois souvent interprétées live), le
premier renferme lui aussi son lot de titres qui en
disent long sur les influences des Californiens et se
voient dotés d’une excellente production signée Bob
Rock. « Die, Die, My Darling » (Misfits), « Loverman »
(Nick Cave & The Bad Seeds) et « Astronomy » (Blue
Öyster Cult) trahissent notamment le plaisir pris par la
bande. Un plaisir communicatif car Metallica excelle
généralement dans l’art de la reprise !
LE COFFRET
LIVE SHIT : BINGE & PURGE
(Elektra Records, 1993)
Les qualificatifs manquent presque pour décrire ce
coffret gargantuesque alliant un visuel génial
(l’apparence d’un flightcase du groupe) et un contenu
incontournable : pas moins de trois CDs et trois VHS
(2 DVDs lors de sa réédition, en 2002, dans un format
plus classique), ainsi que d’un livre de photos, un
pochoir et une réplique du pass Snakepit (la fameuse
fosse VIP creusée dans la scène). Si les captations
audio (Mexico 1993) et vidéo (San Diego 1992), deux
concerts de l’ère Black Album, sont en tous points
remarquables, c’est bel et bien le show vidéo de
Seattle, enregistré en 1989 durant la tournée Damage
Justice Tour, qui remporte tous les suffrages en
témoignant pour l’éternité d’un groupe au faîte de
son charisme scénique et de sa maîtrise technique !
Toute l’essence de ce qui fait de Metallica une
formation iconique est ici présente, portée par une
setlist imparable, un son dantesque de puissance et
une mise en scène ébouriffante (la fameuse statue de
Doris qui s’écroule). Un must have absolu !
LE DVD
SOME KIND OF MONSTER
(Paramount, 2005)
Originellement conçu
comme un documentaire
sur la conception de l’album
St. Anger, Some Kind Of
Monster va se transformer,
par la force des événements,
en psychanalyse publique
hors du commun. C’est un
Metallica éreinté, englouti
par l’énorme machine qu’il
est devenu et au bord du
split, que les caméras de
Joe Berlinger et Bruce
Sinofsky dévoilent à des fans jusqu’ici habitués à
la discrétion de leurs héros. Des héros souvent
pathétiques qui en prennent un coup, éternels ados
qui n’ont pas vraiment eu le temps de grandir, mais
qui se veulent néanmoins touchants dans leur rapport
passionné à l’œuvre de leur vie. Un éclairage édifiant
et incontournable. Y
39

Si l’album orchestral de Blind Guardian continue de se faire attendre, Therion, autre ténor du metal symphonique, publie le 2
février prochain une œuvre ambitieuse, spectaculaire et longuement espérée : Beloved Antichrist, son opéra rock, dont les prémices
remontent à 2002. Pour nous présenter ce triple album qui a nécessité la participation de quinze chanteurs, comptabilise plus de
trois heures de musique originale et dont les coûts d’enregistrement se sont élevés à plus de 100.000 euros, nous avons fait appel
au maestro Christofer Johnsson lui-même, visiblement soulagé d’en avoir terminé avec ces nombreuses heures de travail acharné.
Nous attendons maintenant avec impatience de voir si le compositeur parviendra à atteindre son ultime objectif : monter Beloved
Antichrist sur les planches à la manière d’un véritable opéra classique !
Thomas Vikström
Rock Hard : Avec le recul, quel regard
portes-tu sur Les Fleurs Du Mal
(2012), opus hautement déstabilisant
car exclusivement constitué de
reprises de chansons françaises de
la fin des années 60 passées à la
« sauce Therion » ?
Christofer Johnsson : Ce disque a
vraiment été très amusant à concevoir.
En vérité, nous avons presque « trop »
bien fait notre boulot de réarrangement
et de transformation : si les Français
ont bien compris qu’il s’agissait d’un
album de reprises, beaucoup d’auditeurs
disséminés à travers le monde continuent
à penser qu’il s’agit de compositions
originales que, pour une raison bizarre,
nous avons choisi d’interpréter en
français ! (rires) La moitié de notre
auditoire a détesté cet album, mais
l’autre l’a trouvé absolument génial. Et
honnêtement, pour un disque de reprises,
ce n’est pas si mal ! Franchement,
est-ce que tu entends encore souvent
parler du The Spaghetti Incident?
(1993) de Guns N’Roses ou du
Undisputed Attitude (1996) de Slayer ?
Non ! Même les fans de ces groupes-là
40
Propos recueillis par François Blanc - Entretien téléphonique réalisé le 06 décembre 2017
plus personne ! Je me suis donc dit
que la meilleure chose à faire serait
de proposer quelque chose de bien
plus ambitieux au public, comme mon
opéra rock. Seulement, la complétion
d’un projet pareil nécessite des
années de travail et je ne voulais pas
mettre Therion en sommeil pendant si
longtemps. Je me suis donc décidé à
célébrer notre 25ème anniversaire avec
un objet spécial, susceptible de faire
du bruit. Si personne ne parle de toi,
tu n’existes plus ! Je pense avoir réussi
mon coup et pris la bonne décision :
tout le monde connaît l’existence des
Fleurs Du Mal et a un avis sur la
question, qu’il soit positif ou négatif.
Therion a toujours été un groupe en
avance sur son temps. Beaucoup de
nos choix ont été jugés spectaculaires
à l’époque où ils ont été faits. Lorsque
nous avons publié Beyond Sanctorum
en 1992, nous étions parmi les premiers
à intégrer des claviers à du death
metal. Sur l’album suivant, nous avons
incorporé des sonorités orientales et
des influences heavy. Ensuite, à partir
de Theli (1996), nous avons figuré
parmi les pionniers du metal sympho-
nique et nous sommes distingués par
un usage prédominant de chœurs
s’en contrefichent. Obtenir 50% de sorti, j’ai remarqué que notre musique dans notre musique. Même un disque
retours positifs avec une œuvre aussi commençait à sérieusement passer de moins novateur comme Gothic Kabbalah
particulière que Les Fleurs Du Mal est mode. La sortie de l’album n’a généré (2007) anticipait une certaine approche
donc très satisfaisant. que très peu d’intérêt. Il fallait se du progressif qui se généraliserait
par la suite. Mais inévitablement, le
Therion a toujours été un groupe temps finit par te rattraper. Sitra Ahra
est le premier album de Therion à
en avance sur son temps m’avoir donné l’impression que notre
démarche n’avait plus rien de révolu-
(Christofer Johnsson) tionnaire. Les gens étaient habitués à
toutes sortes de mélanges musicaux !
Indéniablement, cette galette a bien rendre à l’évidence : jouer du metal 2012 était donc le moment parfait
fait parler d’elle et a généré beaucoup symphonique en 2010, c’était un peu pour sortir des clous et faire quelque
d’attention ! comme faire du heavy metal traditionnel chose d’inattendu, comme le groupe
Oui, et c’était exactement ce que je au début des années 90 ou du grunge au l’a toujours fait. Et effectivement,
voulais. Lorsque Sitra Ahra (2010) est tournant de l’an 2000. Cela n’intéressait personne n’avait vu venir Les Fleurs
. Deggial (2000)
GENRE SITE INTERNET . Secrets Of The Runes (2001)
. Metal symphonique . Live In Midgard (live – 2002)
www.megatherion.com .
Lemuria (2004)
LE GROUPE . Sirius B (2004)
ALBUMS . Celebrators Of Becoming
. Lori Lewis (chant)
. Of Darkness… (1991) (DVD – 2006)
. Thomas Vikström (chant) . Beyond Sanctorum (1992) . Gothic Kabbalah (2007)
. Symphony Masses: Ho Drakon Ho . Sitra Ahra (2010)
. Christofer Johnsson Megas (1993) . Les Fleurs Du Mal (reprises – 2012)
(guitare, claviers) . Lepaca Kliffoth (1995) . Les Épaves (EP – 2016)
. Christian Vidal (guitare) . Theli (1996)
. A’arab Zaraq – Lucid Dreaming (1997) ARTICLES RH
. Nalle Pahlsson (basse) . Vovin (1998)
. Crowning Of Atlantis (1999) RH N°5, 17, 34, 62, 103, 126, 127
. Sami Karppinen (batterie) & 183
Christofer Johnsson
 Du Mal ! L’album s’est écoulé à plus
de 17.000 copies rien qu’en Europe,
ce qui est plutôt impressionnant dans
la mesure où la promotion a été assez
réduite. Nous nous sommes contentés
de réaliser plusieurs clips à très petit
budget. Seul celui de « Initials B.B. »,
très ambitieux, a coûté cher, mais
c’est le seul à avoir été financé grâce
aux ventes de l’opus…
Justement, nous aimerions obtenir
quelques éclaircissements quant au
message véhiculé par ce clip très
barré, où l’on voit défiler de jolies
filles en tenue militaire tous seins
dehors…
C’est très simple : ce clip est une mise
en pratique de tout ce que j’ai appris
en termes de promotion durant mes
25 années passées dans le music
business. On en revient toujours à la
même question : comment faire parler
les gens ? Réponse, en exploitant
des choses provocantes. C’est une
technique qu’ont très bien intégrée
des combos comme Marilyn Manson
et Rammstein. Quand Rammstein a
publié son premier album, le public
était effaré : « Oh mon dieu, ce mec
chante comme Hitler, et en allemand !
Avez-vous entendu ça ? » Et dix ans
plus tôt, le groupe Laibach avait fait
scandale en exploitant une esthétique
soviétique ou, plus généralement,
inspirée de régimes totalitaires. Dans
notre clip, nous avons repris ces
éléments et ajouté une dimension
esthétique : qui pourrait dire non à de
belles poitrines fièrement exposées
par des femmes en vestes militaires ?
De plus, je savais que YouTube interdi-
rait ce clip aux moins de 18 ans, ce qui
pousserait de nombreux adolescents à
tout faire afin de pouvoir le visionner.
Enfin, il s’agit d’un pied de nez adressé
aux formes extrêmes de féminisme
actuellement répandues en Suède, qui
prennent des proportions inquiétantes.
Je ne crois pas que ce soit le cas en
France ou dans le reste de l’Europe,
mais chez nous, l’effet de cette tendance
est désastreux car cela fait beaucoup
de tort aux femmes. Le féminisme
devrait promouvoir une réelle égalité
des sexes en termes de droits, de
salaires, d’obligations, et non la haine
des hommes !
Sur un tout autre sujet, peux-tu nous
donner des nouvelles de ta santé ?
En début d’année, tu évoquais sur
Facebook les vives douleurs que tu
éprouvais au dos et au niveau du
cou, à tel point que tu redoutais que
le show de Therion sur la croisière
70.000 Tons Of Metal ne soit le
dernier de ta carrière !
Effectivement, j’allais si mal en janvier
qu’il m’était impossible de savoir de quoi
l’avenir serait fait. Heureusement, j’ai
été très bien pris en charge et je vais
désormais bien mieux. Je suis actuel-
lement une physiothérapie. Je sais que
je ne guérirai jamais à 100%, ne pourrai
plus jamais headbanguer ou porter de
lourdes charges, mais en dehors de
cela, je ne m’en tire pas trop mal.
Certains jours sont pénibles, mais la
plupart du temps, je ne souffre pas du
tout. Je dois simplement faire très
attention à mon cou. A ma grande
satisfaction, je peux de nouveau prati-
quer la guitare tout à fait normalement.
42
En janvier, mes douleurs au cou s’éten-
daient dans les nerfs et je ne pouvais
plus utiliser mon bras droit. Pas
même pour manger ou me brosser les
dents ! J’essayais de jouer « Lemuria »,
le morceau le plus facile que nous
ayons écrit, mais arrivé au premier
tiers, la douleur était si forte que je ne
pouvais même plus remuer mon
médiator. Par chance, je suis têtu,
obstiné et combattif. Mes problèmes
finissent généralement par s’arranger !
Si personne ne parle de toi,
tu n’existes plus !
(Christofer Johnsson)
Parlons de Beloved Antichrist. Cela
fait des années que tu planches sur
ce fameux « opéra rock »…
J’avais d’abord dans l’idée d’écrire un
opéra classique, mais il faut croire
que le rock m’a « vrillé le cerveau ». Je
ne veux pas me reposer sur de longs
récitatifs qui permettent à l’action de
progresser plus vite, j’ai constamment
besoin qu’il se passe quelque chose
d’intéressant et d’exaltant ! (rires) J’ai
commencé à composer au début des
années 2000 et ai rapidement écrit les
moments les plus forts de mon opéra,
mais je ne parvenais pas à les lier, à
les intégrer à un édifice plus vaste. Au
bout de neuf ou dix ans, j’ai fini par
éprouver un certain découragement.
A l’évidence, je me sentais contraint
par le carcan imposé par la création
d’une œuvre classique et je n’allais
nulle part. Alors, pourquoi ne pas
transformer le matériel dont je
disposais en chansons de Therion et
écrire un grand opéra rock plutôt
qu’un opéra tout court ?
Ton œuvre s’inspire d’une nouvelle
intitulée Court Récit Sur L’Antéchrist
(1899), écrite par le romancier et
mystique russe Vladimir Soloviev.
Pourquoi ce choix ?
Lorsque j’ai décidé de me lancer dans
l’écriture d’un opéra, j’ai d’abord
envisagé d’adapter Le Maître Et
Marguerite (publié en 1941) de Mikhaïl
Boulgakov, avant de réaliser que
l’histoire était vraiment très longue.
Il me faudrait au moins écrire une
tétralogie, comme l’avait fait Wagner
avec L’Anneau Des Nibelung (1876),
pour pouvoir la raconter dignement !
De plus, il s’agit d’un des meilleurs
livres jamais écrits, et si je m’étais
loupé, je n’aurais plus jamais osé
remettre les pieds en Russie ! J’ai
donc choisi une autre œuvre très sombre
appartenant à la littérature classique.
Ce texte parle de l’Antéchrist, ce qui –
et cela ne surprendra personne – n’est
pas un thème très répandu dans la
littérature de cette époque. C’est une
histoire fascinante et assez courte, où
tout se déroule très vite et qui se dévore
en quarante minutes. Cependant, j’ai
toujours estimé que la fin était fran-
chement mauvaise. Non seulement
l’Antéchrist subit une défaite, mais en
plus, elle arrive très abruptement,
comme si l’auteur n’avait plus de
papier ou de temps pour écrire !
J’étais donc déterminé à réécrire et à
améliorer cette fin décevante.
Peux-tu résumer l’intrigue de ton
opéra ?
L’histoire se déroule dans le futur,
dans un monde où il n’y a plus d’élec-
tricité. A la suite d’une violente
tempête solaire, tous les appareils
électroniques ont cessé de fonctionner
et la société est progressivement
revenue à un mode de fonctionnement
comparable à celui qu’elle connaissait
avant les révolutions industrielles. Le
contexte évoque un peu Jules Verne,
et le décor se rapproche de l’univers
steampunk. Nous suivons le destin de
Seth, un homme très dévot qui parvient à
discuter avec Dieu et se considère
comme un messie supérieur à Jésus.
Un jour, Dieu cesse de lui parler. Seth
en conçoit tant de détresse qu’il déci-
de de se suicider en se jetant du haut
d’une falaise. Il s’élance dans le vide,
mais une force mystique le saisit et le
repose délicatement à terre. C’est le
Diable qui s’adresse à lui : « Tu es mon
fils et non celui de « l’autre ». Accepte
mon présent et je ferai tout pour toi ! »
Seth s’ouvre tout entier à Satan et son
esprit se trouve métamorphosé. Il est
désormais l’incarnation de l’Antéchrist.
Une fois rentré chez lui, il passe la
nuit à écrire un livre qui traite à la
fois de religion, de politique et de
philosophie et qui apporte toutes les
solutions aux problèmes qui se posent
à cette civilisation qui commence tout
juste à se développer. Le livre provoque
un grand émoi à travers toute
l’Europe, et finit par atterrir entre les
mains du Président des Etats-Unis
d’Europe, qui comprend immédiatement
que Seth est un véritable phénomène.
Les évènements se succèdent et la
popularité du jeune homme croît
énormément, à tel point qu’il finit par
être proclamé César, c’est-à-dire
« empereur », et par devenir un
immense leader politique et religieux.
Cependant, une secte religieuse entiè-
rement féminine menée par une
certaine Johanna se méfie de lui.
Chose très commune dans les opéras,
Seth est marié à la sœur de Johanna,
ce qui complique les rapports entre
les deux protagonistes. Le temps
passe et le héros résout tous les
problèmes : il n’y a plus de guerre, de
famine ou de pollution. L’Antéchrist
réunit tous les principaux leaders
religieux dans son palais, le temple
de Jérusalem, qu’il a lui-même fait
reconstruire. Son triomphe semble
total, jusqu’au moment où le Pape,
figure d’autorité pour les catholiques,
décide de prendre la parole et, après
l’avoir remercié pour ses largesses,
lui fait remarquer qu’il ne l’a jamais

vu prier ou proclamer que Dieu était
son maître. L’empereur se met alors
dans une colère noire et insulte la
foule en les traitant d’ingrats. Il finit
sa diatribe en disant qu’il est le véri-
table messie, ce qui est un grand
blasphème. Le Pape reconnaît en lui
l’Antéchrist. Plusieurs groupes se
forment, et ce qui se produit est alors
très intéressant : bien que
nous soyons dans une société
très religieuse, les gens
s’interrogent sur ce qu’il y a
de plus important. La moitié
de la population pense qu’en
tant que fils du démon, Seth
doit être destitué et abattu.
L’autre moitié estime au
contraire qu’il n’est pas
indispensable de savoir d’où
vient la main qui prodigue
toutes les richesses dont le
monde bénéficie et s’appuie
sur les bienfaits que
l’Antéchrist a apportés pour
prouver son point de vue.
Une guerre primitive éclate
alors, menée férocement avec
des armes rudimentaires.
Les deux camps s’entretuent
sans qu’il y ait de gagnant
et Johanna et l’Antéchrist
décèdent. Au moment d’expi-
rer, chacun réfléchit à ses
actions passées : Johanna a
réussi la mission qu’elle s’était fixée,
mais réalise tardivement que la
situation des humains n’était pas
franchement enviable avant l’arrivée
de Seth. Et l’Antéchrist, lui, regrette
d’avoir laissé détruire tout son empire
pour une question de fierté et parce
qu’il n’avait pas voulu s’agenouiller
devant le Christ.
Nalle Pahlsson
C’est assez tragique !
En tant que compositeur de metal, je
me suis trouvé confronté à un dilemme.
J’aimerais faire jouer cet opéra et le
présenter au grand public. Je ne
pouvais donc décemment pas faire
triompher l’Antéchrist ! Sinon, les
gens diraient : « Ah, ces putains de
métalleux. Ils ne peuvent s’empêcher
d’inciter à l’adoration du diable, même
lorsqu’ils écrivent un opéra. C’est de la
merde ! » Mais bien sûr, nous ne
voulions pas non plus nous mettre nos
fans à dos ! Si nous faisions perdre
l’Antéchrist, ils nous détesteraient :
« Cette bande de fiottes a laissé les
chrétiens gagner ! » La meilleure
solution est donc de laisser tout le
monde mourir. Ainsi, tout le monde
est équitablement malheureux ! Oui, je
suis quelqu’un de très pragmatique !
(rires)
Parlons maintenant de l’enregis-
trement, qui a dû s’avérer une
sacrée gageure…
Oui, ne serait-ce qu’à cause de la
quantité de musique à mettre sur
bandes ! Nous disposions initialement
de 3h30 au total, mais j’ai estimé que
cela faisait trop et ait effectué 25
minutes de coupes. Mais trois heures
de musique, ça reste énorme : c’est
comme si nous travaillions sur quatre
albums en même temps ! Déjà qu’une
écoute attentive des prises de batterie
de dix chansons est fatigante, imagine
le faire pour 46 ! Il faut tout écouter à
part, et le faire aussi pour la basse,
puis pour la guitare… C’est sans fin.
Beloved Antichrist sera joué sur
scène. Cela arrivera, j’en suis sûr
à 100%, dussé-je me tuer à la
tâche ! (Christofer Johnsson)
De plus, j’ai réalisé que pour obtenir
le son de guitare exact que je voulais,
il fallait faire énormément d’overdubs.
On enregistre avec très peu de distor-
sion, puis on réitère l’exercice sur
trois amplis différents de 18 façons
différentes, et on choisit ensuite. Et
bien sûr, je ne parle ici que des prises
suffisamment bonnes pour être
exploitées. Chaque ligne de guitare de
ce putain de disque a donc été enre-
gistrée une bonne cinquantaine de fois !
Christian (Vidal) et moi ne pouvions
pas en venir à bout et avons donc fait
appel à Nalle (Pahlsson), notre bassiste,
qui a joué un grand nombre de lignes
de guitare pour nous venir en aide. Et
lorsque Christian ou Nalle enregistrait,
je devais écouter et tenir le rôle
d’ingénieur du son. C’était tout sim-
plement épuisant ! Sans compter les
prises de chant à superviser : quinze
chanteurs pour 29 rôles différents.
Quand les gens me demandent comment
je me sens actuellement, je n’ai qu’une
seule chose à répondre : soulagé !!!
(rires) Ce disque est de loin celui qui
m’a demandé le plus de travail de ma
carrière, incontestablement. Sans
compter que j’ai été malade durant
cette même période, et que j’avais
aussi accepté d’assurer l’arrangement
de douze compositions de Sabaton
pour sa prestation des Masters Of
Rock en juillet avec un orchestre
symphonique…
Finissons avec la question que
tout le monde se pose actuellement :
comment vas-tu faire pour porter
ton opéra sur les planches ?
Pour l’instant, j’espère naïvement que la
musique et l’histoire sont suffisamment
excitantes pour qu’un producteur de
comédies musicales s’empare du
projet et m’aide à monter le spectacle.
Si cela ne devait pas arriver, j’aurais
recours au crowdfunding pour le faire moi-
même. C’est pour ça que la prochaine
tournée sera aussi longue et dense :
nous y jouerons des extraits de l’opéra,
comme s’il s’agissait d’un album
ordinaire de Therion, et ce sera
l’occasion de rencontrer les fans et de
recueillir directement leur participa-
tion financière, sans passer par des
compagnies qui prennent des pourcen-
tages élevés sur chaque don. Et une
fois la tournée achevée, j’utiliserais
tout mon temps libre à essayer de
monter Beloved Antichrist sur scène.
L’aspect logistique est effarant car je
n’ai jamais préparé des pièces de
théâtre. Je ne m’y connais ni en choré-
graphie, ni en dramaturgie… De plus,
il faudra des lumières qui
suivent les personnages
principaux sur scène, des
costumes, des décors éla-
borés qu’on puisse changer
pendant que les chanteurs
jouent… Il faudra que je
trouve les bonnes person-
nes pour m’entourer et
m’aider à évaluer le budget.
Une fois que ce sera fait,
nous le porterons sur
scène. Cela arrivera, j’en
suis sûr à 100%, dussé-je
me tuer à la tâche ! Nous
allons au moins donner
quelques représentations
spéciales. Je ne sais pas
encore s’il y aura un
orchestre avec nous, mais
j’espère réussir à attirer le
grand public, comme le fait
la comédie musicale Jesus
Christ Superstar. J’imagine
même donner des représen-
tations sans le groupe, qui
risquerait de toute façon de faire
tâche dans le décor, dans la mesure
où l’action et l’aventure se déroulent
sur scène et sont jouées en direct. Je
suis même prêt à me lancer dans des
productions théâtrales plus modestes.
Bref, tout ce que je souhaite, c’est que
cet opéra aboutisse sur les planches
et soit joué le plus possible. Y
43
 GENRE SITE INTERNET
. Funeral doom www.facebook.com/pg/
Hamferd
LE GROUPE
. Jón Aldará (chant) ALBUMS
. John Áki Egholm (guitare) . Vilst Er Síðsta Fet (2010)
. Evst (2013)
. Theodor Kapnas (guitare) . Támsins Likam (2017)
. Esmar Joensen (claviers)
. ARTICLE RH
Ísak Petersen (basse)
. RH N°183
Remi Kofoed Johannesen
(batterie)
De g. à d. : Remi Kofoed Johannesen, Theodor Kapnas,
Ísak Petersen, Jón Aldará, John Áki Egholm & Esmar Joensen
44

Des 18 îlots qui forment les îles Féroé (Royaume du Danemark), l’une abrite l’existence de Jón Aldará, chanteur d’Hamferd
et Barren Earth : Borðoy, au nord de l’archipel. Jón vit ici, dans un minuscule village de 80 âmes. Il y construit ces
histoires dramatiques que baignent les atmosphères doom et sépulcrales d’un groupe qui, d’album en album, sidère par
son esthétique et sa puissance évocatoire. Le nouvel opus d’Hamferd, Támsins Likam, ne déroge pas à la règle et Aldará,
aimable autant qu’affable, a donné à Rock Hard quelques clefs de compréhension.
Rock Hard : Depuis les débuts
d’Hamferd, le public a compris que tu
élaborais des histoires à l’intérieur
des albums. Qu’en est-il cette fois-ci ?
Jón Aldará : C’est de nouveau le cas.
Támsins Likam est une continuation
des deux enregistrements déjà publiés
par Hamferd. En l’occurrence, c’est
un retour en arrière. Avec le premier
EP, nous avions initié un concept
autour de la mort pour en venir à une
question sur la vie que nous menons
et à notre manière de gérer le regret.
Les chansons abordaient ces thèmes à
travers un personnage. Le premier
album, Evst (1013), a développé sa
personnalité et dit ce qui l’amène à ce
point de réflexion et pourquoi il fait
face au regret. Ce nouveau disque est
une préquelle : il explique les origines
de l’histoire, d’où vient ce personnage,
etc. L’histoire se passe dans les îles
Féroé, dans un environnement indé-
terminé : une île où la vie est difficile,
où il est compliqué de survivre, à l’image
de ce qu’étaient les îles il y a cinquante
ans ; et pour remonter plus en arrière,
au premier millénaire, époque à
laquelle l’humain est arrivé ici. C’était
très difficile à l’époque, comparé à
aujourd’hui, où tout semble plus simple
et commun à ce qui se passe dans tout
pays développé. Támsins Likam conte
une histoire dans ce contexte ancien
et inclut un fond mythologique. L’idée
forte est la perte d’un proche : le père,
l’ami, le voisin, l’enfant… Les parents
dont il est ici question perdent leur
enfant de maladie au début de l’histoire.
Là commence le parcours erratique
de l’homme, incapable de gérer ses
émotions, sa douleur : il abandonne sa
femme au lieu d’avancer avec elle. Il
la laisse seule, et cette dernière entre
en désespérance. Abandonnée à son
sort, elle croise cette mystérieuse
figure, dépeinte sur la pochette : le
corps de brume (Ndlr : body of mist) –
une entité intangible, comme un
brouillard. Cette présence trouve sa
source dans les contes et le folklore
nordique présent dans les îles Féroé,
mais aussi en Suède ou en Islande. La
mythologie est très présente dans
notre culture et nous retrouvons ses
personnages dans ce que nous faisons.
Bref. Cette femme rencontre la créatu-
re et cette dernière la console, l’aide.
S’ensuit un antagonisme entre la
créature et l’homme. La suite, c’est la
confrontation et une issue mêlant la
mort et la compassion.
Cette dose de mythologie injectée
dans ce que vous faites, est-ce une
manière de donner un relief plus
profond à une situation psycholo-
gique ou sociale qui touche les
personnages ?
Peut-être, oui. L’histoire, en l’occur-
rence, se déroule à travers les yeux de
l’homme et de la femme, du moins
jusqu’à la mort de cette dernière. La
rencontre de la femme avec la créature,
et l’histoire donnée de son point de
Propos recueillis par Emmanuel Hennequin - Interview réalisée via Skype le 08 décembre 2017
vue à elle, donne un angle féminin, si
ce n’est féministe, au récit. C’est
inconscient de ma part au moment où
je l’écris, je ne le réalise que par la
suite.
Votre musique contient tes histoires.
Le son influence-t-il tes textes ou
est-ce l’inverse ? Ton histoire a-t-elle
une longueur d’avance sur la
musique ?
Jusqu’à présent, nous avions une
histoire d’avance car je voulais me
projeter à travers ce récit, ce qui me
faisait nourrir l’écriture à plusieurs
niveaux. Je n’avais pas forcément
conscience, au départ, que je main-
tiendrais cette histoire sur trois
enregistrements. C’est quelque chose
qui s’est produit naturellement.
Ensuite, un enjeu de théâtralité naît
dans la correspondance entre mots et
musique. Nous essayons d’unifier ces
deux aspects, c’est une combinaison.
J’essaie d’informer le plus tôt possible
les autres des idées principales
concernant le récit, de manière à ce
qu’ils comprennent ce que je veux
évoquer. La musique elle-même,
Je n’avais pas forcément conscience
au départ que je maintiendrais cette
histoire sur trois enregistrements
(Jón Aldará)
lorsqu’elle m’est présentée par les
autres, peut apporter une surprise
qui chahute l’un de mes éléments
narratifs. Tu vois, il se passe toujours
quelque chose dans ce que nous
faisons ! Il faut aussi se dire qu’une
histoire peut être contée sur un
rythme aléatoire, avec des passages
en creux, des pics dramatiques…
Mais un album durant à peu près une
heure, il faut donner forme à un
ensemble limité par le temps. Ceci
implique de ne pas perdre l’auditeur,
de le garder en éveil.
Ton collègue Theodor s’est exprimé
il y a sept ou huit ans sur la force de
la scène metal des îles Féroé. Existe-
t-elle toujours et au même niveau ?
La scène existe toujours oui, même si
nombre de groupes ont disparu
depuis. Nous, nous sommes toujours
là, mais certains des groupes actifs
n’ont que quatre ans d’existence
derrière eux. Les styles abordés sont
divers : mathcore, thrash... Il y a de
très bonnes choses, même si certaines
productions restent pour l’heure
discrètes.
Hamferd a toujours cultivé cette
apparence smart et funéraire, très
sobre. Ce faisant, vous cassez des
codes metal. Te rappelles-tu ce qui
vous amenés à faire ce choix de
présentation ?
Nous avons opéré ainsi depuis notre
tout premier show, en 2008.
L’esthétique funéraire est quelque
chose qui cimente notre art, c’est à
sa source. Les costumes noirs, les
chemises blanches, cela accompagne
l’atmosphère que nous créons sur
scène. Quelque chose nous incite à
rester dans cette présentation.
Parfois, les gens nous demandent si
nous comptons changer, mais il semble
que cela fasse partie de ce que nous
sommes. C’est aussi une manière pour
nous d’être clairs en intention. En
même temps, nous présentons les
choses sobrement, comme tu dis.
À l’époque d’Evst, Theodor expliquait
que son investissement personnel
dans l’enregistrement lui avait posé
un problème de fatigue et de maintien
de la perspective sur le travail en
cours… Cette difficulté s’est-elle
reproduite pour le nouvel enregistre-
ment ?
Támsins Likam nous a pris beaucoup
de temps. Rien que la phase d’écriture
a été chronophage, mais au final, je le
pense bien plus réussi qu’Evst. Il a
une dimension plus symphonique, si
nous partons du principe que nous
avions une ambition pareille pour lui.
La mise en perspective, je trouve, a
gagné en profondeur et Theodor a
effectivement donné beaucoup, encore
une fois. Mais il s’est produit des
interruptions dans notre avancement,
car des tragédies ont touché certains
membres du groupe. Un fait est notable,
cette fois, dans notre manière de
travailler : Theodor ayant choisi de
ne pas faire l’album tout seul, nous
avons recouru aux services de Daniel
Bergstrand. Lors de sa présence dans
les îles, Theodor et lui sont devenus
amis, et il s’est rendu en Suède pour
travailler avec Daniel sur l’album. Je
pense que leur collaboration nous a
facilité les choses. Nous avions certes
enregistré sur une période de temps
prolongée, mais le mix réalisé avec
Daniel n’a pas pris plus d’une semaine.
Les musiciens parlent souvent de
l’implication technique de Daniel,
mais aussi de sa neutralité : il ne se
prononce pas sur le plan artistique,
ne donne pas de perspective. Il fait
sonner, point. Theodor, qui avait
craint de perdre cette perspective
sur Evst, en espérait-il une, même
petite, de la part de Daniel ?
Peut-être. Je ne sais pas si les gens
l’entendront comme nous, mais… Il y
a un grand écart, dans le son, qui s’est
produit avec ce nouvel album. Et ça,
c’est le résultat de l’implication de
Daniel Bergstrand. Quand tu enregistres
tes démos, tu finis par avoir la tête
dans le guidon, à t’habituer au son
que tu as donné, et tu n’imagines
plus autre chose, parce que, justement,
tu t’es habitué à ce son. Bergstrand,
lui, voulait nous sortir de certaines
habitudes. Le moment de la découverte
des premiers mixes de Daniel a été
effrayant. Nous n’étions pas préparés
à ça, habitués que nous étions à
sonner d’une certaine manière. Et
avec le recul, ce moment littéralement
suffocant a été très important pour
nous. Tu te rends compte alors que tu
es capable d’autre chose, que tu
peux dépasser ce que tu as fait précé-
demment si quelqu’un t’y amène.
Aujourd’hui, nous avons tous acquis
cette certitude que Támsins Likam est
la meilleure chose que nous ayons
faite. Elle est en tout cas bien meilleure
que si nous étions restés sur notre
mode opératoire antérieur.
Hamferd, le mot, en réfère à ces
récits de personnes qui disent avoir
vu des fantômes de gens qui leur
sont proches, dans un temps précé-
dant leur mort. Le fait que vous
ayez choisi ce nom suppose-t-il que
certains d’entre vous ont vécu cette
expérience de la « présence fanto-
matique » avant la disparition d’un
proche ?
Non. Nous sommes juste inspirés par
toutes ces histoires et par notre
environnement, à une époque où j’ai
l’impression que les gens ne prennent
plus le temps de se poser, de se
questionner sur les choses. Ces histoires
de fantômes sont de vieilles légendes,
des histoires d’un autre temps : une
époque où les gens observaient et
s’imprégnaient de leur environnement.
Il semble que certains continuent
aujourd’hui de percevoir ces présences
fantomatiques et d’avoir ces expé-
riences que je qualifierais de surnatu-
relles, mais je n’en connais aucune
directement.
Considères-tu ta propre inspiration
comme dominée par le surnaturel ou
le quotidien ?
C’est une combinaison des deux,
connectés. La mythologie, chez nous,
trouve ses sources dans la nature.
Les gens perçoivent des choses au
crépuscule, au retour du travail ou en
allant voir un voisin, le soir. La nature
dessine ou suggère des formes, et
nous ne savons pas toujours ce
qu’elles sont. Alors les gens scénari-
sent autour de ces formes ou présen-
ces : ils interprètent les mouvements
de la nature, aimeraient savoir ce
qui se cache derrière. Et ce qui fascine,
c’est que nous ne savons pas réelle-
ment ce qui se terre derrière les
images que nous voyons. Alors, nous
n’irons pas plonger dans la mer car
nous avons peur de cette créature
qui s’y trouve peut-être et qui nous
attend. Y
45
 Une sélection collégiale de la rédaction - Photos : Marc Villalonga
Après « Class of 1985 » (RH160) et « Class of 1986 » (RH163), le compteur de notre DeLorean s’est arrêté sur 1987, une
année particulièrement riche en matière de sorties metal, et notamment marquée par l’avènement de nouveaux héros. Notre
équipe a vérifié ça sur pièces en sélectionnant, de façon collégiale et donc totalement subjective, 50 albums - bons, moyens
ou décevants - résumant cette « Class of 1987 » et sur lesquels elle s’est de nouveau penchée avec la mauvaise foi qui la
caractérise. Tops et flops, ils sont tous dans l’état des lieux qui suit…
AEROSMITH
Permanent Vacation
(Geffen)
Hard rock
Produit par : Bruce Fairbairn
Si l’album Done With Mirrors (1985) n’a pas,
en termes de ventes, été le succès escompté,
la géniale relecture, en 1986, de « Walk This
Way » (qui figurait originellement sur Toys In
The Attic paru en 1975) par Run-D.M.C. a
replacé Aerosmith sous le feu des projecteurs. Sur les conseils de leur label,
Geffen, qui veut battre le fer tant qu’il est chaud et saisir l’opportunité de
relancer leur carrière, les Bostoniens acceptent, pour la première fois, de
se faire prêter main forte par des compositeurs extérieurs. Ces derniers –
Holly Knight (Pat Benatar, Tina Turner), Jim Vallance (Kiss, Bryan Adams)
et l’inévitable Desmond Child (Kiss, Bon Jovi) – ne sont pas là pour faire
de la figuration et vendre des casquettes car ils signent plus de la moitié
des titres de ce Permanent Vacation. Ce n’est pas forcément une
mauvaise chose, le trio cosignant tous les hits de l’album (« Rag Doll »,
« Dude (Looks Like A Lady) », « Angel »). Le groupe seul se contente de
composer quatre morceaux et de reprendre, une fois encore, un titre de
ces Beatles qu’il aime tant (« I’m Down »). Aidé, certes, mais regonflé à
bloc, Aerosmith signe ici son retour en grâce. Et ce n’est qu’un début,
Pump se préparant à suivre deux ans plus tard…
A écouter en priorité : « Dude (Looks Like A Lady) », « Rag Doll », « Angel ».
ALICE COOPER
Raise Your Fist And Yell
(MCA)
Heavy metal
Produit par : Michael Wagener
Alice Cooper a souvent fonctionné par
cycles. Ce Raise Your Fist And Yell arrive à
peine un an après Constrictor, l’album qui a
relancé la carrière d’un Cooper enfin devenu
sobre et reprenant sa vie en main. Ces deux
opus nous présentent le maître du shock rock dans sa version la plus
heavy metal, RYFAY s’avérant encore plus bétonné que son prédécesseur.
Ce n’est un secret pour personne, Alice, à l’instar d’Ozzy Osbourne, a
toujours su excellemment s’entourer pour parvenir à ses fins : un
producteur parfaitement rôdé à ce genre de son (Michael Wagener),
une section rythmique d’une solidité exemplaire (Kip Winger à la basse et
Ken Mary à la batterie) et, surtout, un guitariste taillé (dans tous les sens
du terme !) pour ce style ! En effet, Kane Roberts signe ici sa deuxième
apparition aux côtés du parrain, et le Rambo de la guitare (comme il a
souvent été surnommé) fait encore des siennes sur « Freedom », le
terrifiant « Step On You », « Prince Of Darkness » et « Roses On White
Lace ». Glauque au possible, « Gail », sorte de « Steven » des années 80,
s’avère la seule respiration (ou apnée ?) de ce disque sur lequel Robert
« Freddy Krueger » Englund fait une narration sur le titre « Lock Me Up » !
A écouter en priorité : « Freedom », « Step On You », « Prince Of
Darkness ».
THE ANGELS
Liveline
(Mushroom)
Hard rock
Produit par : The Angels
The Angels, membre du triumvirat royal australien (avec AC/DC et Rose
46
Tattoo), n’ayant publié qu’un EP live 4 Titres
en 1981 (intitulé Never So Live), inutile de
préciser que les fans sont ravis lorsque sort
ce double album roboratif composé de 24
titres. Même si ces derniers, capté lors de
concerts donnés à Sydney, Melbourne et
Narara entre 1981 et 1987, proviennent de
plusieurs sources et ont été enregistrés par
différents line-up, cette somme,
paradoxalement mais c’est heureux, n’en
souffre pas le moins du monde. Piochant,
avec un égal bonheur, dans tous les albums du groupe parus entre 1977
et 1986, elle a tout du best of puisqu’elle réunit la substantifique moelle
du catalogue de Doc Neeson et des frères Brewster (« Shadow Boxer »,
« Face The Day », « Be With You », « Mr Damage », « Fashion & Fame »,
on en passe et des meilleurs), ainsi que quelques curiosités comme « Back
On You » (la face B de « Into The Heat » paru en 1981) et « Small Talk »,
un subside des sessions Night Attack. Voilà, autrement dit, un parfait
raccourci pour les retardataires qui ne connaissent pas encore ce groupe
racé et brillant et un rêve humide (éveillé !) pour les amoureux transis
d’excellent hard rock « à l’australienne ».
A écouter en priorité : « Take A Long Line », « Marseilles », « Am I Ever
Gonna See Your Face Again ».
ANTHRAX
Among The Living
(Megaforce/Island)
Thrash Metal
Produit par : Eddie Kramer
Avec ce troisième album de sa carrière,
Anthrax vit un rêve éveillé : travailler avec
Eddie Kramer, le producteur de Kiss, l’un
des groupes préférés des membres du
quintet new yorkais. Et le moins qu’on
puisse dire, c’est que le vétéran n’a pas fait le déplacement pour rien :
doté d’un son « coup de boule », Among The Living marque de son
empreinte cette année 87 et expédie directement Anthrax dans le wagon
de tête des cadors du genre. Dépositaires d’une image forte et décalée
(peu de groupes de thrash osent monter sur scène en shorts de plage !),
jouant avec l’imaginaire des kids (mise en musique du personnage de
comics anglais Judge Dredd avec « I Am The Law »), prenant position sur
le cas du peuple indien avec le bien-nommé « Indians », Scott « Not » Ian
et ses comparses frappent un très grand coup avec ce disque référence.
Aucun titre à jeter, un Joey Belladonna s’imposant comme l’un des
meilleurs chanteurs du genre, des soli ébouriffants signés Dan Spitz, une
rythmique infatigable, un visuel accrocheur, des hymnes irrésistibles, etc.
Bref, un véritable sans faute. Incontournable !
A écouter en priorité : « Caught In A Mosh » « I Am The Law », « Indians ».
BATHORY
Under The Sign Of The Black Mark
(Under One Flag)
Black metal
Produit par : Boss
Après avoir frappé les auditeurs
d’épouvante et de stupeur avec deux
albums d’une rare bestialité, Bathory
clôture la trilogie black metal qui ouvre sa
carrière sur son premier chef d’œuvre. Bien
 plus mature et soigné que ses prédécesseurs, Under The Sign Of The
Black Mark témoigne des grandes qualités de composition de Quorthon,
chanteur, guitariste et unique leader du groupe, et atteste de son talent
de pourvoyeur d’ambiances. Précurseur, ce disque alterne judicieusement
entre accès de rage primitive (« Massacre » et « Equimanthorn », futures
références pour la scène black metal scandinave) et atmosphères lugubres
et saisissantes (« Call From The Grave », qui s’ouvre sur le bruit d’un
cercueil gratté de l’intérieur et dont le solo emprunte la mélodie de la
« Marche Funèbre » de Chopin, le lent et majestueux « Enter The Eternal
Fire »). La modestie de sa production (signée Boss, le père de Quorthon)
et l’univers évoqué par sa pochette contribuent à renforcer l’aura noire
et sulfureuse de ce disque précurseur, dont les années n’ont pas
altéré l’odeur méphitique.
A écouter en priorité : « Woman Of Dark Desire », « Equimanthorn »,
« Enter The Eternal Fire ».
BLACK SABBATH
The Eternal Idol
(Vertigo)
Heavy metal
Produit par : Jeff Glixman, Vic Coppersmith-
Heaven & Chris Tsangarides
Débutée en 1986 aux Caraïbes avec Jeff
Glixman (Eric Clapton, Kiss, déjà aux
manettes sur Seventh Star de Sabbath,
initialement pensé comme disque solo du
guitariste Tony Iommi), la production de l’album s’achève l’année suivante
à Londres en compagnie de Chris Tsangarides (Thin Lizzy, Judas Priest).
Dans l’intervalle, le manager du groupe, Patrick Meehan a été viré, tandis
que Ray Gillen (chant), Eric Singer (batterie) et Dave Spitz (basse) ont
quitté un navire rejoint par le vocaliste Tony Martin (et Bob Daisley
venu dépanner à la basse), qui réenregistre toutes les parties de Gillen.
Alors que le thrash et le death metal commencent à prendre le pouvoir,
les héros du heavy sont fatigués et, jugé ringard, l’album est boudé par
le public et tancé par la critique. Pourtant, The Eternal Idol, malgré une
production certes un peu convenue et un chanteur qui a du mal à se
défaire de l’ombre de Dio, est très loin d’être un mauvais disque car le
talent d’écriture de Iommi est bel et bien intact. Une sorte de synthèse
des deux périodes historiques des Anglais.
A écouter en priorité : « The Shining », « Eternal Idol », « Nightmare ».
CANDLEMASS
Nightfall
(Axis)
Doom metal
Produit par : Candlemass
Dire que ce Nightfall marque une
étape-charnière dans la carrière de
Candlemass est un doux
euphémisme. Après Epicus
Doomicus Metallicus (1986), un
premier album génial mais qui s’est
peu vendu, le combo de doom
suédois, viré par Black Dragon,
signe avec un nouveau label, Axis. Il repense également son line-up dans
les grandes largeurs, Leif Edling (basse) et Mats Björkman (guitare
rythmique) étant les uniques rescapés de la première mouture. Le
guitariste Lars Johansson rejoint le groupe, tandis que le batteur Jan
Lindh remplace Mats Ekström. Le changement le plus important est
cependant l’arrivée du « moine » Messiah Marcolin, qui module
merveilleusement, au poste de chanteur en lieu et place du limité Johan
Längqvist. Candlemass tient enfin sa formation idéale, et cela s’entend sur
ce Nightfall parfait qui n’a rien à envier à son cultissime prédécesseur. Pas
un mince exploit ! Dopé par quatre instrumentaux noirs de suie (« Black
Candles », « Codex Gigas », la « Marche Funèbre » de Frédéric Chopin qui
servira d’intro en concert, mais aussi « Gothic Stone » qui aurait dû
donner son titre à l’album et ne dépareillerait dans un film d’horreur de la
Hammer), ce deuxième disque ne renferme par ailleurs que des classiques
du doom, voire du heavy tout court : « The Wells Of Souls », « At The
Gallows End », « Samarithan », « Dark Are The Veils Of Death »,
« Bewitched », etc. N’en jetez plus, la coupe (de ciguë) est pleine ! Un
temple du sombre, du lourd et du dramatique qu’il faut savourer dans sa
réédition de 2001 avec un CD bonus gavé de démos, prises alternatives,
titres live, etc. Classic metal !
A écouter en priorité : Tous !
CELTIC FROST
Into The Pandemonium
(Noise International)
Dark thrash avant-gardiste
Produit par : Celtic Frost
Si l’influence des débuts de Celtic Frost
(et de sa première incarnation, Hellhammer)
sur la future scène black metal est
indéniable, le trio, en 1987, jette un pavé
dans la mare avec élégance et génie. Rien
que par son ouverture sur une reprise du groupe new wave Wall Of
Voodoo (« Mexican Radio »), le trio suisse annonce la couleur. Rien ici
ne répond aux conventions : qu’il s’agisse de la voix plaintive de Tom G.
Warrior (« Mesmeriezd », « Sorrows Of The Moon »), de la débauche
d’instruments classiques qui accompagne le voyage, du beat électro
dance de « One In Their Pride » ou des chœurs féminins du groovy « I
Won’t Dance », Celtic Frost innove à tours de bras, pulvérise les barrières
et s’impose comme une formation visionnaire aux ressources artistiques
illimitées. Pour autant, l’aspect metal de la chose ne fait aucun doute,
comme en témoignent notamment « Inner Sanctum » et « Caress Into
Oblivion ». Trente ans plus tard, le croirez-vous, Into The Pandemonium
a toujours une longueur d’avance. L’apanage des œuvres rares qui font
date dans l’histoire d’une musique.
A écouter en priorité : « Mesmerized », « Sorrows Of The Moon », « Rex
Irae (Requiem) ».
CORONER
R.I.P.
(Noise)
Techno thrash
Produit par : Coroner & Harris Johns
Les premières notes de R.I.P., sur cette
« Intro » majestueuse, suffisent à
comprendre qu’on a ici affaire à un groupe à
part. Et la cavalcade thrash qui suit, le
classique « Reborn Through Hate », ne fait
que le confirmer. Coroner n’a jamais rien fait comme les autres : trop de
talent et trop de singularité combinés chez ces trois Helvètes pour céder
à la simplicité. Donnant parfois l’impression de vouloir jouer une
symphonie avec des instruments rock (une ambition partagée avec leurs
contemporains de Mekong Delta), ils se permettent un « Nosferatu »
instrumental, véritable claque pour bien des musiciens de l’époque (à
commencer par leurs compatriotes de Celtic Frost) et écrin pour les soli
majestueux et néo-classiques de Tommy Vetterli. Idem pour le chant
rageur de Ron « Royce » Broder et la frappe épileptique de Marky
« Marquis » Edelmann, qui ne font pas dans la dentelle, à l’image du
quasi-incontrôlable « Suicide Command », mais savent aussi varier les
plaisirs (« R.I.P. »). Mal produit, parfois encore pataud dans son
expression, R.I.P. pose pourtant les bases de la formule unique de
Coroner et fait office d’ovni dans le paysage musical de l’époque.
A écouter en priorité : « Reborn Through Hate », « Nosferatu », « R.I.P. ».
THE CULT
Electric
(Beggars Banquet)
Hard rock
Produit par : Rick Rubin
Fort de l’énorme succès de Love,
publié en 1985 et qui reste
aujourd’hui un album référentiel
de rock gothique, The Cult décide
de prendre tout le monde à
contrepied en travaillant sur des
compositions plus directes et
fondamentalement rock, « à la
AC/DC ». D’abord, sous la houlette de Steve Brown, producteur de son
précédent opus. Mais insatisfaite du résultat (qui existe sous le titre
Manor Sessions), la bande à Ian Astbury (chant) et Billy Duffy (guitare)
décide de faire appel au jeune Rick Rubin, producteur venu du hip hop
qui vient de collaborer avec Slayer, pour retravailler ses morceaux et en
composer d’autres. Grand bien lui en prend car, sur ce bien nommé
Electric, il n’y a pas une seule seconde à jeter, depuis l’imparable « Fire
Woman » en ouverture jusqu’à la reprise du « Born To Be Wild » de
Steppenwolf, en passant par le stonien « Love Removal Machine » et ses
faux airs de « Start Me Up ». Même les (rares) titres moins connus sont
47
 savoureux, à l’instar de « Aphrodisiac Jacket ». Tout est juste,
parfaitement en place, via des riffs somptueux et un chant habité.
La très grande classe !
A écouter en priorité : « Fire Woman », « Lil Devil », « Love Removal
Machine ».
DEATH
Scream Bloody Gore
(Combat Records)
Death metal
Produit par : Randy Burns
& Chuck Schuldiner
Album culte. Le groupe s’appelle Death et
l’étude du genre en question, le death
metal, le range parmi ses précurseurs.
Comme à l’ère précédente des démos, qui
touchent un public averti, Chuck Schuldiner (leadership) affirme son emprise
sur le projet. En 1987, l’Américain pose toutes les instrumentations… en
dehors d’une percussion assurée, cette fois, par un homme qui fera parler
de lui, Chris Reifert, déjà là sur la démo Mutilation. L’accouchement n’est
pas facile : le premier mix floridien foire et le groupe doit réenregistrer
Scream Bloody Gore. Il le fait en Californie. Randy Burns produit alors la
version finale d’un album épais et qui présente l’agression primaire et
technique de Death. Les soli sont de pure déflagrations (« Mutilation »,
« Evil Dead »). Le cinéma gore est une donnée culturelle chez Schuldiner
et le duo installe au long cours un son extrême, lourd et horrifique : sens
du riff plus que souci de la mélodie (« Regurgitated Guts »), esprit
rythmique punk nourri de technicité et de speed (« Torn To Pieces »).
En 1987, Death pose les bases d’un genre nouveau.
C’est une référence historique.
A écouter en priorité : « Baptized In Blood », « Zombie Ritual »
DEATH ANGEL
The Ultra-Violence
(Enigma)
Thrash metal
Produit par : Death Angel & Davy Vain
Alors que le thrash « soon to be cult »
de la Bay Area en est à ses
balbutiements, quatre cousins
musiciens, tous d’origine philippine,
forment Death Angel en compagnie
d’un ami chanteur. Cinq ans et une
démo plus tard, le très jeune gang
(Andy Galeon, le batteur, n’a alors que 14 ans !) sort son premier album :
The Ultra-Violence (en référence au film Orange Mécanique de Kubrick).
Et la chose porte rudement bien son titre, tout comme sa pochette
représentant un champ de ruines. « Thrashers », « Evil Priest » et « Kill
As One » prouvent les talents du guitariste Rob Cavestany (principal
compositeur) dont les riffs sont imparables et les soli étonnants de
maturité (l’instrumental « The Ultra-Violence »). Le grand vainqueur est
cependant le chanteur Mark Osegueda, mélodique mais toujours rageur
et capable de gueulantes aigües faites pour décimer du tympan. Si la
production de l’album peut paraître légère avec le recul, l’essentiel est
bien là : The Ultra-Violence est l’un des albums marquants du thrash
« made in Frisco » et demeure une référence du genre aujourd’hui encore,
aux côtés de Bonded By Blood et Kill ‘Em All.
A écouter en priorité : « Thrashers », « Voracious Souls », « Kill As One ».
DEF LEPPARD
Hysteria
(Phonogram)
Hard rock
Produit par : Robert John « Mutt » Lange
Le quatrième album de Def Leppard,
l’Arlésienne Hysteria, sort quatre ans après
un Pyromania (1983) qui s’est écoulé à
plusieurs millions d’exemplaires aux USA. A
l’époque, une éternité ! Il faut dire que le
destin s’est acharné sur Def Leppard qui a multiplié les producteurs (Jim
Steinman et Nigel Green en ont fait les frais), avant que le magicien
Robert « John » Mutt Lange, indisponible dans un premier temps, ne
prenne enfin le groupe de Sheffield sous son aile, cosignant au passage
tous les titres. Pire, le 31 décembre 1983, un mois après l’entrée du
48
combo en studio, le batteur Rick Allen a dû être amputé d’un bras après
un grave accident de voiture. La chance finit enfin par tourner lorsque
sort cet album sur lequel Def Leppard transforme son hard rock acédécien
en un rock millimétré, dopé au (très) gros son et donc idéalement calibré
pour les radios américaines (et les autres). Porté par pas moins de sept
singles (!!!), Hysteria pulvérise les chiffres de ventes de son prédécesseur
(on parle aujourd’hui de plus de 20 millions d’albums vendus) et
s’impose comme un incontournable, même si on peut – certains
ne s’en privent pas – lui préférer ses trois grands frères pour leur
côté moins policé et plus spontané.
A écouter en priorité : « Gods Of War », « Animal », « Rocket ».
DIO
Dream Evil
(Vertigo)
Heavy metal
Produit par : Ronnie James Dio
Après un Sacred Heart (1985) de
très bonne facture, mais moins
tonitruant que la doublette Holy
Diver/The Last In Line, Dio voit
son guitariste Vivian Campbell
(qui va bientôt rejoindre
Whitesnake) remplacé par
le talentueux Craig Goldy
(Giuffria), pourvoyeur de riffs
accrocheurs et mélodiques qui ne sont pas sans ramener parfois au
souvenir de Rainbow. Particulièrement ancré dans son époque, avec une
production correcte respectant tous les codes, de la batterie claquante
aux nappes de claviers, Dream Evil, s’il ne renoue pas avec le niveau
supérieur des premières offrandes du lutin à la voix d’or, se pose
néanmoins comme un bon cru. Le vocaliste déploie toujours des lignes
vocales soufflantes de maîtrise et sait s’entourer pour donner corps à
son propos. Simplement, même si Dio en souffre moins que son ancien
comparse Tony Iommi avec Black Sabbath, les temps sont au renouveau
et le heavy metal « traditionnel » (qui lorgne néanmoins vers les sonorités
à la mode) se voit un peu boudé.
A écouter en priorité : « Dream Evil », « Night People », « All The Fools
Sailed Away ».
D.R.I.
Crossover
(Metal Blade)
Thrash crossover
Produit par : Spike Cassidy & Bill Metoyer
Le punk/hardcore thrashy de D.R.I. (pour
« Dirty Rotten Imbeciles ») séduit vite le
public texan qui s’intéresse au Dirty Rotten
EP (1982) : 22 titres pour 18 minutes de
musique (!). Adoubés par les Dead
Kennedys, les compères multiplient les concerts (Dealing With It!/1985) et
attirent métalleux, punks et autres skins qui tous détestent un certain
Reagan. Ce melting pot inspire le quatuor qui, en 1987, publie le bien
nommé Crossover (« Croisement »). D.R.I. y frappe plus vite et plus fort en
lorgnant encore plus du côté du thrash et même du speed metal.
D’emblée, le féroce « The Five Year Plan » met le point sur le « i » de
D.R.I. en révélant un Spike Cassidy (guitare) désormais très intéressé par
les soli. Au micro, le pitbull Kurt Brecht ferait presque passer Ozzy pour
Pavarotti, mais l’important est cette incroyable énergie distillée tout au
long de ces 39 minutes bourrées de changements de rythmes bien sentis
(« Decisions »). « Incroyable ! » est d’ailleurs l’adjectif dégoupillé par Dave
Lombardo de Slayer sur le sticker collé sur Crossover, un album qui finira
carrément par donner son nom à tout un style.
A écouter en priorité : « The Five Year Plan », « Hooked », « A Coffin ».
EXODUS
Pleasures Of The Flesh
(Combat)
Thrash metal
Produit par : Exodus, Marc Senesac
& Mark Whitaker
Après la tornade Bonded By Blood parue
deux ans plus tôt, Exodus remet le couvert
avec un nouveau chanteur : Paul Baloff
s’étant embourbé dans des problèmes d’addiction, c’est Steve « Zetro »
Souza (ex-Legacy, première mouture de Testament) qui le remplace au
micro. Bien sûr, la différence est de taille. Souza est moins « possédé »
que Baloff, mais son registre est plus étendu. Seule faiblesse évidente de
cet album dès la première écoute : une production bien plus brouillonne
et étouffée que celle de son prédécesseur. Pas de quoi bouder son plaisir
cependant, puisque « Deranged » reprend les choses là où Exodus les
avait laissées : dans la violence pure d’un thrash débridé, garnie de riffs
qui sont autant d’exemples du genre et de fill-ins de batterie monstrueux
signés Tom Hunting (l’un des batteurs les plus sous-estimés du style).
Malgré trois titres plus mitigés (« Til Death Do Us Part », « Brain Dead » et
le court instrumental « 30 Seconds »), l’album s’avère le digne successeur
de son glorieux aîné, surtout dans ses compos les plus rapides.
A écouter en priorité : « Deranged », « Faster Than You’ll Ever Live To
Be », « Choose Your Weapon ».
FAITH NO MORE
Introduce Yourself
(Slash Records)
Fusion
Produit par : Matt Wallace et Steve Berlin
Ce deuxième album de Faith No More est le
dernier du groupe avec Chuck Mosley (le
chanteur est décédé le mois dernier, R.I.P)
avant que la tornade Mike Patton ne le
remplace, propulsant alors le combo dans
une autre dimension. La signature musicale de Faith No More, à savoir un
mélange de fusion aérienne et de rythmiques de plomb, est déjà bien
présente, mettant notamment en relief l’extraordinaire jeu de basse de
Bill Gould. On sent d’autant mieux sur ce deuxième effort que le point
faible reste les vocaux, détachés, parfois même faux (« Blood »). Pourtant,
ce Introduce Yourself, dont le court (1’30) titre éponyme préfigure la
suite, possède un certain charme, charriant par moments une mélancolie
rare chez Faith No More (« The Crab Song »). Son premier album étant
largement épuisé, le quintette réenregistre « We Care A Lot », titre qui a
toujours figuré dans ses setlists depuis ses débuts. Il se passe quelque
chose sur ce disque… Quelque chose que The Real Thing va magnifier
deux ans plus tard.
A écouter en priorité : « Chinese Arithmetic », « We Care A Lot ».
GREAT WHITE
Once Bitten
(Capitol)
Hard rock
Produit par : Alan Niven, Mark Kendall
& Michael Lardie
Si le nom de Great White a déjà commencé
par se répandre aux USA à la grâce de son
précédent et deuxième album Shot In The
Dark (et sa belle reprise du « Face The Day »
de The Angels), c’est bien avec Once Bitten qu’il connaît son premier
gros succès, atteignant la 23ème place des charts américains et l’album
s’y écoulant à plus d’un million d’exemplaire. Et ce n’est que justice,
Jack Russell et sa voix bluesy chargée en émotion (qui distingue
immédiatement le groupe de la vague hair metal, à laquelle il refuse
d’être assimilé), le duo de guitaristes Mark Kendall/Michael Lardie et
l’efficace section rythmique Lorne Black/Audie Desbrow se montrant
particulièrement inspirés. Qu’il s’agisse du brillant « Rock Me » qui
s’étend sur plus de sept minutes, des plus directs « Lady Red Light »
et « Fast Road », d’un « All Over Now » au refrain irrésistible, du très
rock’n’roll « Mistreater », du mélodique « Never Change Heart » ou
encore de l’indispensable ballade « Save Your Love », fort réussie et
portée par un grand Russell, il n’y a pas grand-chose à jeter sur cet
opus qui annonce le raz de marée Twice Shy, deux ans plus tard.
A écouter en priorité : « Rock Me », « All Over Now », « Save Your Love ».
GUNS N’ROSES
Appetite For Destruction
(Geffen)
Hard rock
Produit par : Mike Clink
Un an plus tôt, l’EP Live?!*@ Like A Suicide,
première réalisation de Guns N’Roses, est
sorti dans une relative indifférence. Mais au
début de l’été 1987, le Maxi 45 Tours « It’s So Easy », avec « Mr
Brownstone » et deux titres live ébouriffants en guise de face B (« Move
To The City », « Shadow Of Your Love »), met la puce à l’oreille des plus
avertis. Ce que confirme, peu de temps après, un Appetite Of Destruction
remarquable qui suite l’authenticité et l’urgence par tous les pores. Sorte
de Rolling Stones ingérable, vicieux et plus foncièrement méchant, Guns
N’Roses aligne ici les futurs classiques en remettant le rock’n’roll, le vrai,
sur la carte, et ce, même lorsqu’il se fait un tantinet plus tendre (« Sweet
Child O’Mine »). Bassiste fan de punk, paire de guitaristes pistoleros
(Slash et Izzy Stradlin), chanteur miaulant comme un chat en panique
qu’on aurait jeté dans la baignoire, textes salaces et anti-establishment de
Bad Boys en goguette (la groupie en chaleur qui couine sur « Rocket
Queen » en est le meilleur exemple) et production soignée mais pas
clinique, etc., tous les ingrédients sont ici réunis pour faire un ogre de cet
Appétit Pour La Destruction qui porte bien son nom. Rarement le credo
« sex, drugs and rock’n’roll » n’aura été mis en oeuvre aussi
consciencieusement. S’il ne vous faut qu’un disque de cette année 1987,
c’est très vraisemblablement celui-là. Un monstre est né !
A écouter en priorité : « Paradise City », « It’s So Easy »,
« Welcome To The Jungle ».
HELLOWEEN
Keeper Of The Seven Keys
Part 1
(Noise Records)
Heavy metal
Produit par : Tommy Hansen
Si Walls Of Jericho (1985), premier
album de très bonne facture, a déjà
permis à la formation d’Hambourg
de faire parler d’elle, ce n’est rien à
côté du véritable raz-de-marée que
provoque la sortie de ce Keeper Of
The Seven Keys, premier du nom.
Lassé d’assumer conjointement le chant et la guitare, Kai Hansen a eu
l’excellente idée de recruter Michael Kiske, prodige de 18 ans encore
inconnu du public. Considéré comme l’héritier de Bruce Dickinson,
capable de montées aigues ahurissantes, le chanteur porte au niveau
supérieur des compositions déjà remarquablement accrocheuses, truffées
d’arrangements soignés (« Halloween », énorme pièce épique de treize
minutes), de lignes de basses créatives (« Twilight Of The Gods ») et de
mélodies joyeuses et fédératrices (« Future World »). Souvent considéré
comme l’acte de naissance du power metal, ce Keeper Part. 1 et son
successeur direct représentent l’apogée artistique et commerciale
d’Helloween, alors au panthéon de sa carrière. Un authentique classique
et l’un des plus gros phénomènes musicaux de 1987 !
A écouter en priorité : « Future World », « I’m Alive », « Halloween ».
IQ
Nomzamo
(Vertigo)
Rock progressif
Produit par : Ken Thomas
Rares sont les groupes de néo-
progressif à avoir pu décrocher
un deal sur une major au milieu
des années 80. IQ en fait partie,
avec Marillion et Pallas. Son
charismatique chanteur Peter
Nicholls ayant quitté le groupe
en 1986, ce dernier doit
ressentir un peu de stress au
moment de composer et d’enregistrer ce premier album pour Vertigo
avec son remplaçant Paul Menel. L’orientation est clairement plus
commerciale, ainsi qu’en témoignent des tubes en puissance comme
« Promises » et « Passing Strangers », ce qui n’empêche pas IQ de nous
offrir parmi ses plus belles pièces progressives : « Human Nature », le
bouleversant « Common Ground » (dont le texte traite de la bataille de la
Somme en 1916), incroyable morceau, ou encore « Nomzamo » avec son
côté ethnique donné par des percussions du plus bel effet. Décrié à sa
sortie par les fans ultras qui le jugent « trop commercial », ce disque
passe pourtant bien le test du temps ; il est désormais considéré comme
l’une des pépites de la discographie d’IQ. En bonus sur le CD, une version
piano/voix de « No Love Lost » à pleurer. Frissons garantis !
A écouter en priorité : « Promises », « Common Ground ».
49

JUDAS PRIEST
Priest… Live !
(Columbia)
Heavy metal
Produit par : Tom Allom
Trente ans plus tard, nous en sommes
encore à nous demander quelle mouche a
piqué Judas Priest pour qu’il décide de
publier son deuxième live (huit ans après le
séminal Unleashed In The East) après un
disque aussi controversé que Turbo (1986). Pas que cet album soit
mauvais, loin de là, mais il reste tout de même très éloigné des canons qui
ont fait la réputation du Priest. Capté à Atlanta et Dallas en juin 1986, ce
live, pourvu d’une pochette ouvrante assez cheap et faisant la part belle
aux titres du dernier opus en date (pas moins de quatre extraits), mais
aussi à Defenders Of The Faith (1984), déçoit une partie non négligeable
des fans du quintet de Birmingham car trop « propre sur lui » et délaissant
totalement son répertoire des années 70. D’autant que, de façon
incompréhensible, quatre morceaux figurant sur la VHS sortie
simultanément ne figurent pas sur le vinyle (« Locked In », « Desert
Plains », « The Green Manalishi » et « Hell Bent For Leather »). Louons
tout de même la performance haut de gamme de Rob Halford qui
effectue, selon ses dires, sa première tournée totalement clean, et dont
les prouesses vocales s’avèrent hors normes.
A écouter en priorité : « Metal Gods », « The Sentinel », « Freewheel
Burning ».
KING DIAMOND
Abigail
(Roadrunner)
Heavy metal
Produit par : King Diamond, Robert
Falcao, Michael Denner & Mikkey Dee
Second album du Roi Diamant depuis le
split de Mercyful Fate, Abigail marque le
réel envol de sa carrière solo et le début
de quelques années d’inspiration sans
faille. Construit autour d’un concept
horrifique aux forts relents de narration cinématographique, l’album
délivre un heavy metal souvent épique, parfois flamboyant, mais toujours
sombre. Nous y faisons la connaissance de Mikkey Dee (futur cogneur de
Motörhead et Scorpions) dont la prestation est tout simplement
ébouriffante, et retrouvons le génie guitaristique de la paire Andy
LaRocque/Michael Denner qui illumine chacun des neuf titres. Les compos
sont magnifiées par la voix du King qui livre probablement ici l’une de ses
meilleures performances. Jouant avec son histoire tel un conteur fou, aux
frontières de l’hystérie ou, au contraire, glacial comme un Vincent Price, le
Danois parvient véritablement à embarquer l’auditeur dans son histoire
macabre. Cet album s’écoute donc d’une traite et mériterait presque de
se passer des silences séparant les titres. Ambitieux, captivant,
et de très haut vol !
A écouter en priorité : « The Family Ghost », « The 7th Day Of July
1777 », « Black Horsemen ».
KISS
Crazy Nights
(Mercury)
Hard rock
Produit par : Ron Nevison
Si l’on prend en compte les opus solo de
1978, 1986 est la première année sans
nouvel album de Kiss depuis le début de sa
carrière discographique (1974). Soucieux de
toujours rester dans l’air du temps et avide
de surfer sur l’énorme succès du Slippery When Wet (1986) de Bon Jovi,
le quatuor new-yorkais décide de s’associer au producteur Ron Nevison –
qui vient de s’illustrer aux côtés de Heart et Ozzy Osbourne – et s’assure
les services des « faiseurs de tubes » les plus en vue (Desmond Child,
Diane Warren, Adam Mitchell). Résultat, un album très mélodique qui
remplit parfaitement ses objectifs : le clip de « Reason To Live » tourne en
boucle sur MTV et le fédérateur « Crazy, Crazy Nights » se hisse à la
quatrième place des charts anglais ! En dépit de ses claviers prégnants et
de son manque général de mordant, et même si Gene Simmons s’y fait
inhabituellement discret (le bassiste ne cosigne que quatre chansons),
50
Crazy Nights fait honneur au talent de ses interprètes (l’ouverture de
« No, No, No » demeure l’une des plus belles démonstrations du talent
de Bruce Kulick) et demeure d’un niveau général plus que satisfaisant.
A écouter en priorité : « Crazy, Crazy Nights », « Hell Or High Water »,
« Reason To Live ».
KREATOR
Terrible Certainty
(Noise)
Thrash metal
Produit par : Roy Rowland
Alors encore un très gros espoir du
thrash mondial, et non le leader qu’il
est devenu par la suite, Kreator grave
son troisième album dans une certaine
confusion. Enregistré aux studios
allemands Horus sous la houlette du
producteur anglais Roy Rowland
(Onslaught, Rogue Male, Sabbat), ce disque connaît certaines galères
techniques, puisque Rowland, évoluant dans un environnement lui étant
inconnu, s’acharne à obtenir un son convenable avec du matériel qu’il
juge inadéquat. Les membres de Kreator, constamment sur la route,
semblent aussi ne pas avoir vraiment pris grand soin de composer des
titres accrocheurs, basant tout sur l’agression pure. Résultat, un disque en
dents de scie qui renferme tout de même quelques bombes (« Terrible
Certainty », « Toxic Trace »), mais aussi plusieurs titres dispensables
comme « As The World Burns », dernier morceau jamais chanté par le
batteur Ventor, Mille Petrozza devenant ainsi, et pour toujours, le leader
charismatique du quartet teuton… Qui va vite rebondir avec Extreme
Agression (1989), avec lequel il signera son entrée chez les grands du genre.
A écouter en priorité : « Terrible Certainty », « Toxic Trace »,
« Behind The Mirror ».
MALICE
License To Kill
(Atlantic Records)
Heavy metal
Produit par : Max Norman
Après un premier album (In The Beginning…
paru en1985) ayant reçu un succès
d’estime, Malice bénéficie de l’engouement
d’alors pour le heavy metal et se voit
allouer de gros moyens pour son deuxième
effort : License To Kill. Une promotion bien méritée tant le combo
californien se montre brillant tout au long de cet album frondeur.
Digne du meilleur de Judas Priest (« Against The Empire », « Murder »),
notamment grâce au timbre très « halfordien » de James Neal, l’album
revisite tout ce que le heavy metal peut avoir de jouissif : refrains
immédiats, mid-tempi puissants (« License To Kill », « Vigilante »), titres
enlevés propices au headbanging (« Sinister Double », « Chain Gang
Woman ») et riffs « coups de poing » qui restent en tête à vie (« Against
The Empire « , « Breathin’ Down Your Neck »). Un parfait abécédaire de
tout ce qu’il faut faire afin d’obtenir un grand disque de metal. Cerise sur
le gâteau : la production de Max Norman (Ozzy Osbourne), claire et puissante,
n’a pas pris une ride. Plusieurs membres de cette auguste rédaction tiennent
ce brûlot en très haute estime. Même si – hélas ! – pas forcément très connu,
l’un des indispensables de ce grand millésime 87, à n’en point douter.
A écouter en priorité : « Sinister Double », « Against The Empire »,
« Breathin’ Down Your Neck ».
MANOWAR
Fighting The World
(Atco)
Heavy metal
Produit par : Jason Flom
Au moment d’aborder son cinquième opus
studio, le quatuor le plus bruyant de la
planète ne semble poursuivre qu’une seule
quête : séduire le marché américain. Ses
armes ? Des mid-tempi conquérants (« Blow
Your Speakers », illustré par un clip hautement savoureux), des refrains
irrésistibles qui rentrent dans la tête dès la première écoute (« Fighting
The World », le très joyeux et presque pop « Carry On »), des
compositions heavy dévastatrices (« Violence And Bloodshed » et sa
 fameuse introduction sur fond de sirènes et de bruits d’explosions), des
visuels toujours aussi excessifs et intelligemment « américanisés » (la
pochette de l’album, qui marque le début de la collaboration entre le
combo et Ken Kelly, rappelle inévitablement le Destroyer de Kiss) et une
interprétation sans faille. Eric Adams (chant) tutoie les cieux, la frappe
lourde de Scott Columbus fait trembler la terre et la qualité des
arrangements élève encore le niveau général (remarquable narration de
l’acteur Orson Welles sur le majestueux « Defenders »). Un fabuleux
prélude au référentiel Kings Of Metal (1988) !
A écouter en priorité : « Fighting The World », « Blow Your Speakers »,
« Black Wind, Fire And Steel ».
MARILLION
Clutching At Straws
(EMI)
Rock progressif
Produit par : Chris Kimsey
Clutching At Straws tient une place à part
dans la discographie de Marillion, dans la
mesure où il sonne le glas de la
collaboration entre l’emblématique chanteur
(et poète) Fish et ses camarades de jeu.
D’ailleurs, au moment de son enregistrement, il y a déjà de l’eau dans le
gaz entre les membres du groupe. Fish se crée un personnage pour ce
disque, Torch, un écrivain confronté au syndrome de la page blanche.
A l’époque, le challenge est de donner une suite au déjà mythique
Misplaced Childhood qui a connu un succès retentissant. La tension
produisant ses effets créatifs, ce disque est magique… La trilogie
d’ouverture constituée de « Hotel Hobbies », « Warm Wet Circles » et
« That Time Of The Night » montre un groupe au sommet de son art
mélodique, tandis que le phénoménal « White Russian » est sans conteste
l’un des morceaux les plus dramatiques (peut-être même le plus
dramatique) de Marillion. « Incommunicado » a connu un certain succès en
radio, tandis que « Going Under » joue divinement sur la corde sensible
émotionnelle. En fait, c’est simple : Clutching At Straws est un chef d’œuvre !
A écouter en priorité : « Just For The Record », « White Russian », « That
Time Of The Night ».
MCAULEY
SCHENKER GROUP
Perfect Timing
(Capitol)
Hard rock
Produit par : Andy Johns
Si, en 1984, Michael Schenker jouit déjà du
statut incontesté de guitar hero absolu et
que son aura lui permet d’être une star en
Europe et au Japon, il a largement perdu du terrain aux USA depuis son
départ mouvementé d’UFO en 1978. Lassé de prendre seul toutes les
décisions, il se sépare de la totalité du groupe avec lequel il a enregistré
Built To Destroy (1984) et part en quête du vocaliste avec lequel il
pourrait prendre un nouveau départ. Robin McAuley, l’Irlandais à
l’improbable permanente qui a connu de modestes débuts avec Grand
Prix et Far Corporation, est l’heureux élu, et Schenker semble si emballé
par sa nouvelle recrue que MSG devient le McAuley Schenker Group. Plus
léché et calibré pour le marché US, ainsi qu’en témoignent les deux
premiers et très bons singles « Gimme Your Love » et « Love Is Not A
Game », Perfect Timing n’en reste pas moins fort énergique, avec
notamment les brûlants « No Time For Losers » et « Get Out ». Signalons
également la très belle ballade « Time », autre facette d’un album
complet, mais qui n’atteint pas vraiment son but premier, ne connaissant
qu’un succès modéré aux Etats-Unis.
A écouter en priorité : « Gimme Your Love », « No Time For Losers »,
« Time ».
METALLICA
The $5.98 E.P. : Garage Days
Re-Revisited
(Elektra/Vertigo)
Thrash metal
Produit par : Metallica
Un peu moins d’un an après le décès de Cliff
Burton, Metallica s’autorise un peu de fun.
Le groupe, dans lequel officie désormais le bassiste Jason Newsted (ex-
Flotsam And Jetsam), se replonge dans ses années « garage » comme ce
fils de la NWOBHM l’avait fait en reprenant Diamond Head et Blitzkrieg
sur le single Creeping Death (1984). Les « Garage Days » sont donc « Re-
Revisited » sur The $5.98 E.P., en référence au prix de vente conseillé de
sa version cassette dotée de 5 reprises (un autocollant précise : « S’ils
vous demandent plus, VOLEZ-LA ! »). Quatre groupes sur cinq sont
britanniques : Diamond Head (encore et toujours), Holocaust, Budgie
et – plus étonnant, mais réussi – Killing Joke (« The Wait », chanté par un
James Hetfield flangerisé). Un medley de « Last Caress » et « Green Hell »
(quelle accélération !) des Misfits et un clin d’œil à Iron Maiden referment
cet E.P. dont la production frontale fait des ravages. « Not very produced
by Metallica », lit-on au dos du boîtier. Pourtant, The $5.98 E.P. sonne
bien mieux que son successeur... La suite dans Class Of 1988 !
A écouter en priorité : « Helpless », « Crash Course In Brain Surgery »,
« Last Caress/Green Hell ».
GARY MOORE
Wild Frontier
(Virgin)
Hard rock
Produit par : Peter Collins, Pete
Smith & James Barton
Gary Moore a toujours été fier
de ses origines nord-irlandaises,
mais jamais, avant ce Wild
Frontier, il ne les avait mises
autant en évidence sur un album.
Enregistré sans batteur (une
boite à rythmes, au son certes un
peu clinique, mais qui ne gâche
en rien notre plaisir), mais avec le claviériste/choriste Neil Carter et le
bassiste chevronné Bob Daisley, cet album au souffle épique fait voyager
grâce à ses saveurs celtiques (« Over The Hills And Far Away »), aborde
les troubles nord-irlandais qui ont pourri la vie de tant de familles durant
trois décennies (« Wild Frontier ») et permet aussi de redécouvrir le hit
« Friday On My Mind » des Easybeats, composé en 1968 par Harry Vanda
et le regretté George Young, frère d’Angus et Malcolm (AC/DC). Un
instrumental, « The Loner », écrit par le claviériste Max Middleton et
figurant sur Over The Top (1979), le premier album solo de Cozy Powell,
est ici repris et revisité de splendide façon par un Moore au feeling
inégalable. A noter, cette dédicace discrète, toute en pudeur, apposée au
verso de la pochette : « For Philip », hommage à l’ami Phil Lynott (Thin
Lizzy) décédé l’année précédente.
A écouter en priorité : « Over The Hills And Far Away », « Wild Frontier »,
« Thunder Rising ».
VINNIE MOORE
Mind’s Eye
(Shrapnel)
Guitare
Produit par : Mike Varney & Steve
Fontano
Guitariste inspiré par Jeff Beck,
Al DiMeola, Ritchie Blackmore,
Jimmy Page ou encore Brian May,
le jeune Vinnie Moore du Delaware
voit sa vie changer après l’envoi
d’une démo au magazine Guitar
Player. Le producteur Mike Varney,
propriétaire du label Shrapnel, le prend alors sous son aile. A 21 ans,
Moore met ainsi en boîte Mind’s Eye, son premier album de guitare
instrumentale, en compagnie de rien moins que le batteur Tommy
Aldridge (ex-Gary Moore, ex-Ozzy Osbourne), du bassiste Andy West
(Dixie Dregs) et d’un protégé de Varney nommé Tony MacAlpine : un
autre virtuose de la guitare qui, ici, se trouve pourtant aux claviers.
L’ombre d’Yngwie Malmsteen, en plein boom depuis plusieurs années,
plane sur ce Mind’s Eye ô combien néoclassique, mais Vinnie Moore y
impose une patte bien plus mélodique et posée (grandiose « Shadows Of
Yesterday »). Bien que Mister Moore soit rarement crédité à la hauteur de
l’impact qu’il a eu sur de nombreux musiciens, et en particulier sur le
metal prog (« Hero Without Honor »), John Petrucci (Dream Theater) l’a
très certainement BEAUCOUP écouté !
A écouter en priorité : « Shadows Of Yesterday », « Daydream », « Hero
Without Honor ».
51

MOTLEY CRUE
Girls, Girls, Girls
(Elektra)
Glam/hard rock
Produit par : Tom Werman
Telle une Harley lancée à 200 km/h,
le quatrième album de Mötley Crüe
démarre TRÈS fort avec « Wild Side »
et « Girls, Girls, Girls » : un sacré
tandem de hits qui trustera bientôt les
setlists du groupe. « Sumthin’ For
Nothin’ », sur laquelle la slide de Mick
Mars fait merveille, ou encore « All In The Name Of... », un titre direct qui
suinte le rock’n’roll, tapent en plein dans le mille, mais le masque tombe
vite : Girls, Girls, Girls a un petit goût de panne d’inspiration maquillée à
grands renforts de piano, cuivres et autres choristes soul/r’n’b (« Dancing
On Glass »). La palme revient ici à « Five Years Dead », resucée éhontée
de « Girls, Girls, Girls » (en beaucoup moins bien). Si la facette bluesy du
disque peut surprendre (« Bad Boy Boogie »), la thématique « sex, drugs
& rock’n’roll » ramène en terrain archi connu quiconque sait que chaque
recoin de Sunset Strip porte la trace des vomis de nos quatre amis. Ses
faiblesses n’empêcheront pas Girls, Girls, Girls, dopé par LE tube de tout
strip-club qui se respecte, d’atteindre la deuxième place des charts US et
d’offrir une voie royale à un certain Dr. Feelgood (1989).
A écouter en priorité : « Wild Side », « Girls, Girls, Girls », « All In The
Name Of… ».
MOTORHEAD
Rock’n’Roll
(GWR)
Hard rock
Produit par : Motörhead & Guy Bidmead
Cet album de Motörhead est loin, de l’avis
même de son incontesté leader Lemmy,
d’être la meilleure réalisation du groupe. Il
marque néanmoins le retour au bercail du
déjanté batteur Phil « Philthy Animal »
Taylor, en lieu et place d’un Pete Gill qui commençait à porter sur les nerfs
de ses compagnons d’armes. Souvent décrié par ses propres géniteurs,
qui se sont généralement empressés d’en rejeter la faute sur Guy
Bidmead (« C’était un ingénieur du son plus qu’un véritable producteur,
nous aurions dû le savoir…»), Rock’n’Roll, pourtant, ne manque pas de
charme, et s’il ne se hisse effectivement pas dans le peloton de tête des
plus belles réalisations de Motörhead, il n’en renferme pas moins
quelques jolies cartouches comme « Traitor », « Dogs, « Eat The Rich »
(composé pour la Bande Originale du film du même nom) et la profession
de foi « Rock’n’Roll » : « I’m in love with rock’n’roll, it satisfies my soul »…
Pas si raté que ça pour un album composé à la va-vite et alors que le
guitariste Würzel (R.I.P.) traversait une sale passe...
A écouter en priorité : « Dogs », « Traitor », « Rock’n’Roll ».
NAPALM
DEATH
Scum
(Earache)
Grindcore
Produit par : Napalm Death, Unseen
Terror & Head Of David, Dig
Les légendes naissent souvent de
drôles d’histoires. Lorsqu’en août
1986, Napalm Death, alors composé
du trio Nik « Napalm » Bullen
(basse, chant), Justin Broadrick
(guitare) et Mick Harris (batterie), entre aux Rich Bitch Studios de
Birmingham pour y enregistrer, avec un budget de misère, de quoi remplir
une face de split-LP destinée à sortir avec Atavistic, le groupe ne se doute
sûrement pas que ce projet va rapidement tomber à l’eau. Encore moins
que le trio va se disloquer en moins de neuf mois, avec les départs
successifs de Nik (qui va poursuivre ses études avant de revenir bien plus
tard, à la musique) et Justin (qui s’en va former le nom moins influent
Godflesh). Lee Dorrian (chant/futur Cathedral), Jim Whitely (basse) et Bill
Steer (guitare/futur Carcass) rejoignent ainsi Mick et s’en retournent en mai
1987 aux Rich Bitch pour y graver une nouvelle salve de morceaux qui,
52
cumulés avec les douze glaviots d’août 1986, donnent naissance à Scum,
deuxième album officiel à sortir sur le label Earache. Le résultat ? Barbare,
bruyant, sale, dérangeant, novateur, unique. Ou en un mot : historique !
A écouter en priorité : « Scum », « Instinct Of Survival », « You Suffer ».
OVERKILL
Taking Over
(Megaforce/Atlantic)
Thrash metal
Produit par : Alex Perialas & Overkill
Gros espoir de la scène thrash
américaine, Overkill se doit d’enfoncer
le clou deux ans après la sortie de Feel
The Fire, un album bien accueilli mais
qui n’a pas non plus provoqué un
séisme dans les sphères metal. Taking
Over, mieux produit que son
prédécesseur et dernier opus sur lequel figure le batteur originel Rat
Skates, remet les pendules à l’heure et confirme tout le bien qu’on
pensait du quartet du New Jersey. Le groupe a haussé son niveau
d’écriture, et « Deny The Cross », « Wrecking Crew », « Fatal If
Swallowed », « Powersurge » et « Electro-Violence » prouvent que le gang
n’a de leçons à recevoir de personne en matière d’agressivité et de tempi
frénétiques. Mais il sait aussi se montrer plus fin, comme le prouve
« Overkill II (The Nightmare Continues) », titre plus léché qui clôt l’opus.
Quant à « In Union We Stand », incroyable hymne sur lequel Bobby
« Blitz » Ellsworth prend les commandes et qui continue, trente ans après,
à fédérer tous les fans du groupe autour du monde, il mérite à
lui seul l’acquisition de ce disque qui reste encore, à ce jour,
l’un des meilleurs du combo.
A écouter en priorité : « Wrecking Crew », « Fatal If Swallowed »,
« In Union We Stand ».
OZZY
OSBOURNE
Tribute
(CBS)
Hard rock/Heavy metal
Produit par : Max Norman & Ozzy
Osbourne
Cinq ans jour pour jour après
l’accident d’avion qui a coûté la vie
à Randy Rhoads (le 19 mars 1982),
Ozzy Osbourne rend un vibrant
hommage à son regretté guitariste
en publiant ce disque live dont les fans rêvaient, mais qu’ils n’espéraient
plus. Capté sur diverses dates enregistrées en 1980 (Southampton) et 81
(Cleveland et probablement Montréal), Tribute est très vraisemblablement
l’album « en concert » de cette année 1987. Il faut dire que le regretté
prodige californien y brille de mille feux, faisant montre de l’étendue de
son talent sur un large florilège des deux premiers opus solo de son
Madman de patron : les excellents Blizzard Of Ozz (1980) et Diary Of A
Madman (81). Accompagné de Rudy Sarzo (basse) et Tommy Aldridge
(batterie) sur la plupart des titres (Bob Daisley et Lee Kerslake jouent
uniquement sur « Goodbye To Romance » et « No Bone Movies »), le
couple Ozzy/Randy en profite également pour dépoussiérer trois
classiques de Black Sabbath. Rhoads ferme seul le ban avec un « Dee »
acoustique (capté en studio) tout en finesse dédié à sa mère Dolores.
Tragique, mais magique !
A écouter en priorité : « Crazy Train », « I Don’t Know », « Mr. Crowley ».
PRETTY MAIDS
Future World
(CBS)
Heavy metal
Produit par : Eddie Kramer & Chris Isca
En 1984, Red, Hot And Heavy, le premier
album des Danois de Pretty Maids, place la
barre très haut et permet à ces illustres
inconnus de devenir l’un des principaux
espoirs européens du heavy metal. Pas facile
d’enchaîner après une telle réussite. Pourtant, le duo leader des
opérations, l’excellent chanteur Ronnie Atkins et le guitariste Ken
 Hammer, surpassent ce premier brûlot grâce à ce Future World quasi
parfait. Doté d’un son hyper costaud, cet album excelle dans tous les
domaines, que ce soit le metal le plus incandescent (« Future
World », « Yellow Rain » et son intro faussement gentillette,
« We Came To Rock », « Loud’N Proud » et « Needle In The Dark »), le
hard rock aux entournures FM (« Love Games », « Rodeo »), ou l’exercice
de la ballade (« Eye Of The Storm »). Le festif « Long Way To Go »
conclut dans la liesse ce disque qui va permettre à Pretty Maids
de franchir un nouveau palier sans pour autant atteindre
les plus hautes marches du podium.
A écouter en priorité : « Future World », « Rodeo », « We Came To Rock »
RUNNING WILD
Under Jolly Roger
(Noise Records)
Heavy metal
Produit par : Dirk Steffans
Lorsque paraît ce Under Jolly Roger, les fans
du groupe teuton sont pour le moins surpris,
voire décontenancés. Le groupe y délaisse
en effet le metal noir et satanique des plus
sombres Gates To Purgatory (1984) et
Branded And Exiled (85) pour s’engouffrer dans une direction plus
originale en créant ce « pirate metal » qui va faire sa renommée. La
pochette, l’ouverture d’album sur fond de bataille navale entre galions
corsaires, et les accoutrements de la bande à Rolf « Rock’n’Rolf »
Kasparek (qui, outre le chant et la guitare, se charge également des
parties de basse) déguisée en pirates peuvent prêter à sourire, mais en
décidant de se concentrer désormais sur des titres plus mélodiques aux
allures d’hymnes, Running Wild tape dans le mille. La réaction des
critiques, surtout en Allemagne, est plus que mitigée, mais pas celle des
fans qui achètent ce troisième album en masse, incitant le groupe à
poursuivre dans cette voie et faisant de lui le plus bel espoir du pays aux
côtés d’Helloween. Lorsque, deux ans plus tard, sortira l’excellent Port
Royal (qui se vendra à presque deux millions d’exemplaires), il apparaîtra
comme une évidence que ce Under Jolly Roger, déjà convainquant en
dépit d’une production moyenne, en était le brouillon.
A écouter en priorité : Under Jolly Roger », « Raise Your Fist », « Raw Ride ».
RUSH
Hold Your Fire
(Anthem)
Rock progressif
Produit par : Peter Collins
Nous sommes dans la deuxième
partie des années 80, et Rush
achève le cycle de ses quatre
albums les plus chargés en
synthétiseurs. Un cycle de très
haute volée, qui va crescendo :
brillamment démarré avec Signals
(1982), aseptisé avec Grace Under
Pressure (1984) et sublimé avec Power Windows (1985). Hold Your Fire
s’inscrit dans la droite lignée de son prédécesseur, sans pour autant
parvenir à atteindre le même niveau d’intensité au niveau des
compositions. En effet, ce disque semble parfois un peu mou du genou
(« Tai Shan », avec sa flûte de pan, étant par ailleurs souvent considéré
comme l’un des moins bons morceaux du groupe). S’arrêter à cela serait
néanmoins dommage car il y a de très belles choses sur cet album, comme
le mid tempo « Time Stand Still », pépite magnifiée par l’intervention de
la chanteuse Aimee Mann (un duo vocal inédit dans la carrière du groupe),
l’émouvant « Mission » ou l’entraînant « Prime Mover ». Et à défaut d’être
très riche en guitare, cette galette met en revanche particulièrement bien
en relief la basse, pour notre plus grand plaisir.
A écouter en priorité : « Time Stand Still », « Turn The Page ».
SAINT VITUS
Born Too Late
(SST Records)
Doom metal
Produit par : Joe Carducci
« Né trop tard ». Difficile de faire titre plus
« raccord » lorsque résonnent les premières
notes de ce troisième effort studio signé par
l’outsider Saint Vitus. Alors que Black Sabbath tente de trouver une place
dans son époque en flirtant avec les sonorités FM, le combo américain
semble en effet vouloir reprendre là où la légende anglaise s’était arrêtée
avec Black Sabbath en 1970 ! Ce sentiment est d’ailleurs renforcé par le
timbre vocal (proche de celui d’Ozzy Osbourne) du nouveau venu, Scott
Weinrich, transfuge de The Obsessed. Réaction face aux sonorités alors
en vogue, Born Too Late est lourd, primaire, dépressif, bref, tout le
contraire de ce qui marche en cette année 1987. Cet hymne plombé au
désespoir et aux regrets dont le minimalisme total (jusqu’à cette pochette
rose) et les soli de guitare du leader Dave Chandler, typés 70’s, tranchent
avec tout ce qui « marche » alors, recueille néanmoins un petit succès
d’estime avant, le temps passant, de devenir un classique qui influencera
une bonne partie de la nouvelle vague stoner/doom des années 90.
A écouter en priorité : « Born Too Late », « Dying Inside », « The End Of
The End ».
JOE
SATRIANI
Surfing With The Alien
(Relativity)
Hard rock instrumental
Produit par : Joe Satriani & John
Cuniberti
Voici le disque qui va rendre célèbre
le « Professeur » (il a donné
quelques cours à Steve Vai ou Kirk
Hammett, entre autres) et, plus
généralement, poser les bases de
ce que doit être un album de rock instrumental. Le morceau-titre et son
fameux tapping plus rapide que le Silver Surfer lui-même reste un
incontournable absolu du répertoire de l’Américain (Il a suffi de voir la
réaction du public du Hellfest en 2016 lors de son interprétation pour s’en
convaincre). « Satch Boogie » et « Lords Of Karma » relèvent du même
shred, tandis que « Always With Me, Always With You » s’avère une
convaincante et rêveuse balade à la partie centrale merveilleuse de
sensibilité. Mais au-delà de ces classiques, l’autre succès de ce disque est
de proposer d’autres compositions moins balisées : on pense à ce
« Circles » aux parties lancinantes, aux effets employés sur « Midnight »
ou aux relents très progressifs présents sur « Echo » (vous avez dit Rush ?).
Un seul bémol sur ce classique : la production très synthétique et froide,
particulièrement sur la section rythmique. Un défaut que les multiples
rééditions de ce classique du Satch n’ont pas atténuée.
A écouter en priorité : « Surfing With The Alien », « Always With Me,
Always With You », « Satch Boogie »
SAVATAGE
Hall Of The Mountain King
(Atlantic)
Heavy metal
Produit par : Savatage & Paul
O’Neill
Ce quatrième album est celui de
l’accès à la notoriété pour les
Américains de Savatage. Un succès
commercial doublé d’un succès
critique, car Hall Of The Mountain
King pose les bases de la suite de la
carrière du groupe, à savoir une
musique bien plus sophistiquée et « théâtralisée » que par le passé. « 24
Hours Ago » propose d’emblée une ambiance emprunte d’urgence, d’où
ressortent les frères Oliva : le regretté Criss aux soli de guitare aussi
éruptifs qu’irrésistibles et Jon, au chant parfois criard, mais souvent
convaincant. Le duo signe le gros des compositions, privilégiant les
structures à tiroirs tout en sachant rester concis, sous la houlette de
l’inséparable co-producteur et co-compositeur Paul O’Neill (il nous a
quittés le 5 avril 2017) qui contribue à donner une patte plus
symphonique à l’ensemble. Le morceau-titre incarne parfaitement cette
évolution, y compris son introduction instrumentale, « Prelude To
Madness », qui reprend le thème classique d’Edvard Grieg. La seule faute
de goût qu’on peut noter est l’hilarant clip réalisé pour celui-ci, qui vaut le
détour sur Youtube, mais qui contribua à l’époque, notamment via
l’émission Headbangers Ball de MTV, au succès des Floridiens !
A écouter en priorité : « Hall Of The Mountain King », « 24 Hours Ago »,
« Legions »
53

SUICIDAL
TENDENCIES
Join The Army
(Caroline)
Thrash crossover
Produit par : Lester Claypool &
Suicidal Tendencies
Quatre ans après son premier album
éponyme, Suicidal Tendencies élargit
ses horizons et marque les esprits
avec Join The Army. Toujours
coproduit par Lester Claypool (à ne pas confondre avec Leslie « Les »
Claypool de Primus), ce deuxième opus des Californiens bénéficie des
arrivées de R.J. Herrera (batterie) et de Rocky George, guitariste dont les
soli techniques et mélodiques rivalisent avec ceux des hérauts du thrash
et du speed metal. Ces deux mamelles sont toujours vitales à S.T. qui
lorgne aussi du côté du punk à la Dead Kennedys pour étoffer son
crossover adouci par la brise du Pacifique. A Venice, on est « Possessed To
Skate », et ces titres ultra pêchus qui respirent l’insouciance et la joie de
vivre donnent (presque) envie de s’attaquer à une rampe cinq fois trop
haute pour soi. Mike Muir, qui module bien plus (au risque d’être un poil
faux), est ici le gourou charismatique qui, tel un Oncle Sam à bandana,
fédère les « Suicidal Maniacs » de cette armée bigarrée avançant au son
d’hymnes qu’il est impossible de ne pas scander.
Ça s’appelle un classique !
A écouter en priorité : « War Inside My Head », « Possessed To Skate »,
« Join The Army ».
TESTAMENT
The Legacy
(Atlantic/Megaforce)
Thrash metal
Produit par : Alex Perialas
Né en 1983 à Berkeley, non loin de San
Francisco, Legacy devient Testament en
1986. L’année suivante, le premier album de
Testament se nomme... The Legacy. Vous
suivez ? Thrash jusqu’au bout des ongles,
cet opus produit par Alex Perialas (S.O.D., Nuclear Assault) tape dans
l’œil du label Megaforce et vaut au quintet thrash californien d’être
comparé à la référence Metallica. Surprise : les vocaux de Chuck Billy,
frontman remonté comme un coucou, sont parfois étonnamment aigus
(« The Haunting », le mélodique « Alone In The Dark »), surtout pour
quelqu’un également capable de chanter de façon bien plus graaaave.
Les cavalcades en cascades (irrésistible « Raging Waters ») et ces superbes
soli le prouvent : Testament détient un sacré duo de guitaristes. Avec son
riff féroce et son solo néoclassique harmonisé, « First Strike Is Deadly »
donne un bel aperçu des capacités du tandem Eric Peterson/Alex
Skolnick. Ce dernier, qui a pris des cours avec le maître Joe Satriani,
brille déjà sur The Legacy, même si ce premier jet ne lui laisse pas encore
tout l’espace dont il a besoin pour s’exprimer.
A écouter en priorité : « Burnt Offerings », « The Haunting », « Alone In
The Dark ».
U.D.O.
Animal House
(RCA)
Heavy metal
Produit par : Mark Dodson
En 1986, Accept est au sommet de sa
carrière. Hélas, les tensions entre le
guitariste Wolf Hoffmann (épaulé par
sa femme et manager Gaby Hauke) et
le chanteur Udo Dirkschneider
s’aggravent à tel point que ce dernier
décide de quitter le groupe qui,
soucieux de maintenir la paix dans les ménages, lui offre en cadeau onze
compositions typiquement acceptiennes, taillées pour sa voix aigüe et
teigneuse. Enregistré en compagnie de deux ex-Warlock (le guitariste
Peter Szigeti et le bassiste Frank Rittel, qui fausseront compagnie à
Dirkschneider sitôt l’album achevé), de l’ex-Gravestone Mathias Dieth
(guitare) et du batteur Thomas Franke, ce premier opus très attendu fait
preuve d’une étonnante diversité (le mid-tempo « They Want War », ses
54
claviers et sa chorale d’enfants, l’accrocheur « Run For Cover » au refrain
taillé pour les stades) et place directement la carrière d’Udo sur les bons
rails. Les fans d’Accept, pour la grande majorité, se retrouveront bien
davantage sur cet Animal House (et pour cause…) que sur un Eat The
Heat (1989) moins puissant témoignant des velléités d’Hoffmann & Co de
séduire – sans succès – le marché américain.
A écouter en priorité : « Animal House », « They Want War », « In The
Darkness ».
VOIVOD
Killing Technology
(Noise International)
Thrash indus
Produit par : Voïvod & Harris Johns
Jusqu’à ce troisième album sorti en avril
1987, les Québécois de Voïvod sont surtout
réputés pour faire un sacré boucan à base
de thrash et de punk, saupoudré de
références textuelles à la science-fiction.
Killing Technology emmène le groupe bien plus loin, notamment grâce au
jeu de guitare visionnaire de Denis « Piggy » D’Amour basé sur des
accords dissonants alors peu usités dans le thrash. On peut aisément
imaginer la mine déconfite des fans qui découvrent alors cette musique
venue de nulle part avec le magnifique titre éponyme de 7 minutes 33.
Bien plus « progressif » dans son approche, flirtant avec la musique
industrielle, Voïvod se forge ici un style véritablement unique en son
genre. Le clip délicieusement kitsch (bourré d’effets vidéo très eighties)
de « Ravenous Medicine » contribue également au rayonnement de ce
disque qui marque les vrais débuts artistiques d’un futur grand groupe.
« Overreaction », « Forgotten In Space », etc., les sept titres de l’album
seraient tous à citer. Quarante minutes cultes et incontournables !
A écouter en priorité : « Killing Technology », « Ravenous Medicine »,
« Forgotten In Space ».
WARLOCK
Triumph And Agony
(Vertigo)
Heavy metal
Produit par : Joey Balin
Lorsque débute 1987, Warlock,
premier groupe mené par une
chanteuse à s’être produit aux
Monsters Of Rock de Castle
Donington (Ndlr : le 16 août
1986), est au sommet de sa
popularité. Le récent départ de
deux membres fondateurs ne
saurait décourager la charmante
Doro Pesch (l’un des sex-symbols metal de l’époque !), qui se hâte de
recruter les Américains Tommy Henriksen (basse) et Tommy Bolan
(guitare), et livre dans la foulée son meilleur album. Triumph And Agony
remplit brillamment son cahier des charges : on y retrouve, pêle-mêle, de
belles ballades (« Make Time For Love », le superbe « Für Immer », chanté
en allemand), des hymnes de stade (l’entêtant « All We Are », « I Rule The
Ruins », le mid-tempo « Metal Tango »), des accès de fureur (l’agressif
« Touch Of Evil »)… Hélas, en dépit de ses efforts, la vocaliste allemande
perd les droits sur le nom du groupe qui, sans le savoir, livre ici son chant
du cygne. Heureusement, Doro poursuivra sa carrière sous son nom et
continuera d’interpréter de très nombreux extraits de Triumph And
Agony sur les planches. Un signe qui ne trompe pas !
A écouter en priorité : « All We Are », « I Rule The Ruins », « Für Immer ».
WHITE LION
Pride
(Atlantic)
Hard mélodique
Produit par : Michael Wagener
Lorsqu’en 1982, le Danois Mike
Tramp décide de tenter sa chance
aux USA, il ne se doute sûrement
pas que son rêve américain va
devenir une réalité cinq années plus
tard. En 1983, après sa rencontre à
New York avec Vito Bratta, guitariste
virtuose tout autant que taciturne, il fonde White Lion. Fight To Survive
(1985), un premier opus recommandable, fait pourtant peu de vagues.
Pride, qui paraît en juin 1987, semble suivre le même chemin. Pourtant,
plusieurs mois après sa sortie en single, le clip de « Wait » est enfin
diffusé en boucle sur MTV et change le destin de cet album qui se hisse
alors à la onzième place des charts, la ballade acoustique « When The
Children Cry » squattant la troisième place des singles. Mais au-delà de
ces succès commerciaux, Pride regorge d’autres pépites comme
l’ambitieux « Lady Of The Valley » où le talent de Bratta est mis en
évidence, « Tell Me », « Hungry », l’enjoué « Sweet Little Loving » ou
encore « All You Need Is Rock’n’Roll ». Un chanteur talentueux qui a la
chance d’avoir une belle gueule, un guitariste hors-pair, une bonne
rythmique, etc., White Lion a tout et va en profiter. Peu de temps…
A écouter en priorité : « Wait », « Lady Of The Valley », « Tell Me ».

WHITESNAKE
1987
(Carrere)
Hard rock
Produit par : Mike Stone & Keith Olsen
En 1985, David Coverdale, s’il a déjà
largement goûté aux plaisirs des
concerts à guichets fermés et aux
albums fort bien classés dans les charts
européens et japonais, n’a toujours pas
décroché le jackpot aux USA, où,
néanmoins, la version réenregistrée et
américanisée de Slide It In (1984) a plutôt bien fonctionné. Entouré de
John Sykes à la guitare, Neil Murray à la basse et Aynsley Dunbar à la
batterie, David se lance dans l’enregistrement de son septième album
studio dans une joyeuse ambiance… qui va vite se dégrader. Opéré des
sinus et dans l’incapacité de chanter pendant six mois, David finit par virer
tout le monde, y compris le producteur Mike Stone, que Keith Olsen
remplace pour mettre en boîte les vocalises d’un Cov’ rétabli.
Miraculeusement, l’Anglais semble ne jamais avoir aussi bien chanté, et
ses exploits couplés aux compositions très inspirées de Sykes donnent
naissance à ce 1987 d’anthologie. Avec « Still Of The Night », « Give Me
All Your Love », « Bad Boys » ou la ballade qui tue, « Is This Love », des
compos imparables, mais aussi des relectures burnées de « Here I Go Anthrax
Again » et « Crying In The Rain », ce disque s’affirme en
classique absolu du genre.
A écouter en priorité : « Still Of The Night », « Bad Boys »,
« Here I Go Again ».

Joe Satriani
 GENRE
. Hard rock/heavy metal
LE GROUPE
. Torkjell « Toschie » Rod
(chant)
. Arve « Ice Dale » Isdal
(guitare)
. Thomas Tofthagen (guitare)
. Espen Lien (basse)
De g. à d. : Torkjell « Toschie » Rod, Espen Lien,
Arve « Ice Dale » Isdal, Kjetil Greve & Thomas Tofthagen . Kjetil Greve (batterie)
56
SITE INTERNET ARTICLES RH
www.audreyhornemusic.com RH N°45, 96, 128, 137, 146, 160,
176 & 183
ALBUMS
. Confessions & Alcohol
(EP – 2005)
. No Hay Banda (2005)
. Le Fol (2007)
. Audrey Horne (2010)
. Youngblood (2013)
. Pure Heavy (2014)
. Blackout (2018)

Le 20 janvier, Audrey Horne montera sur la scène du Petit Bain, une barge/salle parisienne située sur la Seine (les
Autrichiens de The New Roses seront également de la fête). Nous avons passé un coup de fil au frontman Torkjell « Toschie »
Rod pour prendre la température de l’eau et faire un point sur Blackout, nouvel album du groupe norvégien attendu une
semaine avant ce concert. Une question nous hantait : pourquoi un poulpe se figure-t-il sur sa pochette ? Réponse ci-après.
Rock Hard : Votre dernier passage en
France, en mars 2017, a eu lieu en
première partie de Danko Jones (Cf.
RH176). A l’évidence un lien s’est créé
entre eux et vous au cours de ces 17
concerts donnés dans dix pays...
Torkjell « Toschie » Rod : Oui, nous nous
sommes magnifiquement entendus. Tous
les groupes le disent tout le temps, mais
dans le cas présent, c’est « vraiment vrai » !
Au lendemain du concert parisien, en
Allemagne, les membres de Danko
Jones vous ont d’ailleurs rejoints sur
« Waiting For The Night »...
Oui, c’était super cool ! C’était le dernier
concert de la tournée. Les gars de Danko
ont bien réussi leur coup : ils ont débarqué
sur scène habillés comme moi ! (rires) Je
n’ai rien vu venir !
Il leur a fallu dégoter la bonne chemisette,
la bonne cravate... C’est du boulot !
Tu as parfaitement raison de le souligner.
C’est du boulot et ça représente aussi un
certain coût qui n’est pas négligeable. Me
ressembler n’est pas à la portée de
toutes les bourses ! (rires)
Qui a eu l’idée de la pochette de
Blackout ? Et s’il te plaît, explique-nous
pourquoi une pieuvre se trouve dans la
pochette de ta célèbre chemisette !
(Rires) C’est moi qui ai eu cette idée,
M’sieur ! Au départ, je voulais dessiner
quelque chose. Et puis, j’ai eu cette idée
de photo : un type en cravate immergé
dans l’eau, avec un poulpe dans la pochette
de sa chemise... Cette idée ne m’est pas
venue en lien avec le morceau « Blackout »,
mais de toute évidence, les deux collaient
bien ensemble (Ndlr : « blackout » peut
aussi bien signifier « panne d’électricité »
que « perte de connaissance », voire « trou
de mémoire »). Comment ce type s’est-il
retrouvé là ? Lui-même ne s’en souvient
sans doute pas !
Il n’y a pas de lien avec l’album de
Scorpions du même nom ? Sinon, tu
aurais placé ce charmant animal dans
ta pochette...
Oui, voilà ! Non, nous n’avons pas choisi
ce titre pour faire un clin d’œil à Scor-
pions, même si nous aimons beaucoup ce
groupe et que leur Blackout est un excel-
lent album, bien entendu.
Ceux qui, sur le Net, cherchent « Audrey
Horne » en lien avec la série télé Twin
Peaks (Ndlr : Audrey Horne est un
personnage féminin de cette série de
David Lynch) et qui tomberont sur cette
pochette étrange se diront peut-être
qu’elle a été photographiée par David
Lynch...
Peut-être ! Mais personnellement, je ne
pensais pas autant à Lynch qu’à Storm
Thorgerson. Il a travaillé avec Scorpions
d’ailleurs, sur Lovedrive, Crazy World
et Animal Magnetism : des pochettes gé-
niales ! Il est toutefois bien plus connu
pour ses travaux mythiques pour Pink
Floyd. J’ai toujours aimé que ses artworks
soient basés sur des photos qui, à première
vue, semblent très convenables, mais
qui, à bien y regarder, ont toujours
quelque chose de pas très net... Je suis
un immense fan de son travail.
Propos recueillis par Morgan Rivalin - Entretien téléphonique réalisé le 13 décembre 2017
Pour finir avec le sujet Twin Peaks,
cette série culte est revenue cette année
après 26 ans d’absence. As-tu regardé
cette troisième saison et l’engouement
qu’elle a suscité a-t-il attiré du monde
sur vos pages ?
Euh non, le compteur n’a pas beaucoup
augmenté !!! Je n’ai pas regardé la
nouvelle saison de Twin Peaks car je n’ai
pas encore eu le temps. Notre batteur,
Kjetil (Greve), l’a fait et a trouvé ça si
étrange qu’il a dû la regarder une deuxième
fois. C’est plutôt bon signe ! (rires)
« Audrevolution » est un morceau très
rock et très direct, assurément taillé
pour le live. L’avez-vous déjà joué sur
les planches ?
Oui, deux fois le week-end dernier. Ça
s’est bien passé, même si nous avons
quelques ajustements à faire car les
guitares du morceau sont accordées
assez bas et les fréquences graves ont
tendance à se mélanger. Mais une fois
que ce sera fait, je sais que ça le fera
grave ! Je pense que, du nouvel album,
« Audrevolution », « This Is War » et
« Midnight Man » vont être particulière-
ment efficaces en concert. Elles débordent
d’énergie et je sais que c’est ce que notre
public apprécie. Ça tombe bien : c’est ce
que nous aimons aussi !
Ces nouveaux titres débordent
d'énergie et je sais que c'est ce que
notre public apprécie. Ça tombe bien :
c'est ce que nous aimons aussi !
(Torkjell « Toschie » Rod)
T’adresses-tu à vos fans sur « Audre-
volution » ?
J’y parle de notre public, mais aussi de
nous. Nous avons des profils très similaires,
voire quasi identiques. Nous sommes
tous unis par cette musique que nous ai-
mons et sommes un peu « seuls contre le
reste du monde ». C’est ce qui ressort de
morceaux comme « Audrevolution » et
« This Is War ». L’autre jour, un journa-
liste m’a demandé ce que je voulais dire
en employant le mot « war ». Ce mot,
« guerre », est effectivement très fort.
Bien évidemment, je n’y parle pas de la
guerre et la musique ne sera jamais com-
parable à ce que vivent des soldats. C’est
juste que la passion que je décèle chez
nos fans m’inspire des choses assez
fortes. Je peux vite m’emporter, parce
que la flamme qui les anime le mérite !
Nous adorons toujours passer du temps
à discuter avec les spectateurs après nos
concerts. C’est toujours très enrichissant.
Ce lien est vital pour nous.
Ça me fait penser à une chose : vous
mettez toujours une photo du public
sur Facebook après chacun de vos
concerts, que la salle soit très remplie
ou moins, voire BIEN moins pleine,
comme cela arrive parfois. La plupart
des groupes cacheraient cela, et ils le
font très certainement, mais pas vous.
Y avez-vous déjà songé ?
Non, jamais. Je trouve que ce serait
vraiment irrespectueux. Si tu mets une
photo du public du concert donné à Paris
devant plusieurs centaines de personnes
et que tu caches qu’à Milan, quelques
jours après, il n’y en avait que vingt,
qu’est-ce que ces fans italiens doivent
penser ? Que ce n’était pas un concert
important pour nous ? Les groupes ne
diffusent pas ces photos pour ne pas don-
ner l’impression qu’ils sont tous petits
aux yeux du monde entier, mais s’il n’y a
que vingt personnes à ton concert à
Milan, alors tu ES un tout petit groupe à
Milan. C’est comme ça, rien ne sert de le
nier ! Du point de vue du « business »,
c’est sans doute une bonne idée de le ca-
cher parce que les organisateurs regar-
dent s’il y a du monde dans les salles, etc.
Mais personnellement, si nous donnons un
concert valable devant vingt personnes
qui ressortent heureuses, alors je suis
fier de ce show et je n’hésite pas à met-
tre une photo pour l’immortaliser. C’est
bien plus dur de donner un bon concert
pour vingt personnes que pour 500,
parce que l’énergie que tu reçois n’est
pas du tout la même. Mais quand ces vingt
personnes viennent me voir à la fin du
concert pour me dire que c’était super,
alors je suis heureux d’avoir bien fait
mon boulot. Chaque show est important.
Pour finir, je pense comme toi que cer-
tains groupes cachent ces petits
concerts, mais pour moi, si on fait ça, on
est un con.
Votre attitude vous honore...
Merci ! Tu sais, nous faisons vraiment
notre max pour ne pas nous comporter
comme des cons ! (rires)
Tu n’aimes généralement pas écrire de
textes trop personnels. Cette fois encore,
il s’agit bien davantage de « fictions » ?
Euh oui, plutôt…
Merci Toschie : tu viens de m’aider à
justifier le jeu de mots du titre de cette
interview !
(Rires) Mais avec plaisir ! Si je peux
aider, je le fais ! Héhé !
En parlant de jeu de mots, quand vous
l’avez joué à Paris en mars dernier, «
Rose Alley » se nommait bien « Rosalie
», en référence à Thin Lizzy ? (Ndlr :
en 1975, Thin Lizzy a repris et popu-
larisé le « Rosalie » de Bob Seger)
Affirmatif ! Nous aimons Thin Lizzy – ce
n’est pas un scoop – et quand nous avons
composé ce morceau, le nom « Rosalie »
m’est venu naturellement. Puisque ça
fait référence à un morceau de Lizzy, je
me disais que je pourrais toujours le
changer plus tard, histoire que le clin
d’œil soit moins appuyé, mais avec le
temps, nous nous y sommes habitués.
J’avais décidé de garder « Rosalie » dans
le refrain, mais de trouver un autre
titre pour la chanson quand Thomas
(Tofthagen/guitare) a trouvé le jeu de
mots « Rose Alley » que nous avons tout
de suite adoré. Voilà, vous savez tout !
On entend un public à la fin du morceau.
De qui s’agit-il ?
Nous cinq, plus quelques amis venus au
studio. Le côté estival dégagé par « Rose
Alley » m’a toujours fait penser à un mor-
ceau de Bruce Springsteen nommé
« Sherry Darling » tout au long duquel on
entend un public acclamer le groupe. Je
trouvais qu’en faisant ça sur notre chan-
son, ça la rendrait encore plus festive et
estivale. Nous avons donc ramené
quelques amis.
On entend quelques mots de norvégien
à la fin. Qu’est-ce que ça dit ?
C’est Espen (Lien/basse) « engueulant »
deux de nos potes qui ne participaient
pas au délire. Il leur dit un truc du
style « Putain ! Restez pas plantés là !!! »
(rires)
Pour ceux qui comprennent, ça conclut
vraiment le morceau et l’album sur une
note très positive !
C’est vrai ! (rires) Il y a encore deux ti-
tres bonus sur l’édition « spéciale » après
celui-ci, mais ça conclut la version nor-
male du disque, oui.
« Satellite » est un titre assez différent,
limite funky, qui tranche avec ce que
vous jouez habituellement. En avez-
vous testé différentes versions ?
Oh, tu n’as pas idée ! C’est LE morceau
que nous avons le plus retravaillé. Ce
titre était très différent et nous l’avons
jeté à la poubelle avant de n’en conserver
que la basse. Nous en avons alors fait
une version très heavy qui ne fonctionnait
pas, avant de mettre le doigt sur cette
version plus 80’s, groovy et quasi funky,
comme tu dis. Je lui trouve aussi un côté
un peu AOR et elle me fait également
penser à certains titres de Michael Jack-
son. Nous nous sommes bien amusés en la
faisant. Au moment d’entrer en studio,
nous avons dit à notre producteur, Kato
Aadland, que nous ne voulions pas trop
y toucher. Il a quand même mis sa patte
dessus, mais moins que sur d’autres titres
de l’album. Kato a été très impliqué dans
les arrangements et même dans l’écri-
ture de l’album. C’était la première fois
que nous bossions avec lui et nous ne re-
grettons vraiment pas. Il bosse habituel-
lement dans la pop où il rencontre
énormément de succès, mais c’est un
métalleux : il joue de la gratte dans un
groupe de reprises d’Iron Maiden !
Joue-t-il avec Thomas et Arve (Isdal/
guitare) quand il leur arrive de repren-
dre du Maiden sur scène pour le plaisir
ou est-il un « concurrent » ?
Non, Kato se produit avec d’autres musi-
ciens. Il y a beauuuucoup de groupes de re-
prises de Maiden en Norvège. C’est assez
fou ! Kato est donc un concurrent, mais
heureusement, en studio, les trois compères
se sont bien comportés : pas d’insultes et
aucun bourre-pif à signaler. De vrais gen-
tlemen comme on les aime ! Y
57

Kobi Farhi est un infatigable combattant de la paix. Même lorsqu’il est en tournée promotionnelle pour Orphaned Land, il en profite
pour joindre l’utile au symbolique, et visiter une mosquée à Berlin pour y rencontrer des enfants et apporter un Coran de son pays
natal : Israël. Difficile donc d’éluder les questions mêlant spirituel et politique face à un tel engagement, et alors que le titre même
du nouvel album de son groupe de toujours, Unsung Prophets & Dead Messiahs, fait référence aux prophètes oubliés et aux messies
décédés. Une discussion à bâtons (de pèlerin) rompus qui ne doit pas aussi occulter la qualité et la richesse de cette nouvelle livraison,
qui ne pourra que rassurer ceux qui craignaient les conséquences du départ du guitariste Yossi Sassi.
Rock Hard : Revenons sur Kna’an
(2016), ce disque sous forme de
projet commun avec vos compatriotes
d’Amaseffer. Un album paru en partie
sous le nom d’Orphaned Land, mais
qui a pu semer le trouble parmi vos
fans vu son contenu assez différent
du reste de votre discographie…
Kobi Farhi : C’était clairement un
projet distinct de membres d’Orphaned
Land, et pensé comme tel. Mais la
maison de disques a insisté pour que
le nom du groupe y soit associé, pour
des raisons commerciales évidentes.
Nous avons fini par céder à cette
demande, mais en essayant de ne pas
promouvoir ce disque comme un
album du groupe : il s’agit de la bande
son d’une pièce de théâtre, élaborée
en deux mois, et il est probable que
pas un morceau de celle-ci n’aurait eu
sa place sur un disque d’Orphaned
Land. J’ai enregistré ma voix en me
mettant à la place des acteurs de la
pièce, alors, artistiquement, nous
étions vraiment dans une démarche
différente. Bref, Kna’an ne fait pas
partie de notre discographie, et il a
toujours été pensé ainsi !
Abordons maintenant Unsung
Prophets & Dead Messiahs qui, lui,
en fait incontestablement partie !
(rires) Comment avez-vous abordé ce
premier disque sans votre guitariste
de toujours, Yossi Sassi, remplacé
par Idan Amsalem ?
J’ai toujours pensé, et dit, qu’Orphaned
Land était plus que la somme de ses
membres, et c’est plus vrai que
jamais. Le départ de Yossi, après 22
ans passés ensemble, a été un véritable
choc, c’est indéniable. Et bien entendu,
nous nous sommes demandé comment
faire sans lui, comment écrire désor-
mais ? Mais très rapidement, il nous
est apparu que nous n’étions pas comme
Porcupine Tree avec Steven Wilson,
ou Opeth avec Mikael Akerfeldt.
Autrement dit, nous n’avons pas un
maître à penser à bord de notre
groupe. Nous avons toujours été un
collectif, et c’est la beauté de la
chose. Alors, Uri (Zelcha/basse) et moi
nous sommes réunis et nous avons
commencé à travailler sur ce disque
comme tous les précédents, en
assemblant un puzzle sur la base du
58
concept à suivre pour l’album. La
musique doit raconter une histoire,
comme toujours avec nous. J’ai passé
beaucoup de temps avec Idan à lui
expliquer l’esprit du groupe, ce que
nous véhiculons, plutôt qu’à discuter
de styles musicaux. Et je suis fier de
pouvoir dire aujourd’hui que c’est notre
meilleur album. Pas notre meilleur
album avec ou sans Yossi : cela n’au-
rait pas eu de réelle conséquence…
L’essentiel, c’est que nous sommes
les interprètes, les véhicules, de cet
esprit que nous essayons de capturer…
Cet état d’esprit est aussi illustré
par les très nombreux musiciens
impliqués sur ce disque, ce qui en
fait le plus collaboratif de toute
votre discographie…
Absolument ! Nous avons joué avec
Platon avait écrit l’allégorie de
la cave il y a 2.500 ans, et nous y
vivons encore (Kobi Farhi)
un vrai orchestre et un chœur féminin
et masculin. C’est assez grandiose !
C’est moi qui me suis chargé de
conduire ces interventions, ainsi que
les parties de cordes. Au-delà de
cette ambition, l’autre chose dont je
suis très satisfait sur ce disque a été
notre capacité à prendre le meilleur
de notre passé : nous avons produit
des disques très conceptuels, tels que
Mabool (2004), et d’autres très acces-
sibles comme All Is One (2013), et ce
nouveau disque est vraiment une
combinaison de l’ensemble. Nous
avons gardé nos idées et notre goût
des histoires, mais nous les avons
« enrobés » dans une production et
des arrangements extraits de notre
dernier album en date. Ce nouvel
album, c’est le fruit d’un travail
acharné pendant plus d’un an ! Un an
durant lequel je ne suis plus sorti
avec des amis, un an à me réveiller en
pleine nuit, un an à prendre des notes
sous ma douche : je vis avec ces idées
et ce disque depuis un an et nous y
avons mis toute notre âme ! Je pense,
j’espère, que cela s’entend derrière
chaque note car nous sommes de
vrais perfectionnistes.
Propos recueillis par Djul - Interview réalisée le 30 novembre 2017 à Paris
Cette obsession se retrouve dans le
livret, qui s’ouvre sur une page que
tu as écrite et qui guide l’auditeur
sur les concepts abordés dans le
disque…
C’est quelque chose qui je crois est
très apprécié de nos fans, une volonté
de donner du sens à ce que nous
faisons. C’est un peu ma lettre person-
nelle à leur attention. Et soyons
honnêtes, un concept-album requiert
un peu de pédagogie et d’explications
pour être apprécié à sa juste
valeur. Je débute d’ailleurs cette note
en mentionnant qu’il m’a fallu deux
ans pour trouver ce concept. Ce
groupe existe depuis plus de 26 ans,
plus que la moitié de ma vie, et nous
avons abordé beaucoup de thèmes
durant cette période : la situation au
Moyen Orient sur Sahara (1994), les
religions sur All Is One, etc. Pour ce
disque, je me suis un peu retrouvé à
court d’inspiration, alors qu’à l’inverse,
nous avions déjà beaucoup de musique.
Une musique qui ne pouvait pas se
transformer en morceaux puisque,
comme je l’expliquais, nous concevons
nos titres en fonction de l’histoire et
des concepts abordés. Les gars me
pressaient, mais rien ne venait… Et
tout à coup, j’ai eu l’idée et, à partir de
là, tout s’est décanté instantanément :
toutes les pièces du puzzle se sont
assemblées, comme l’élaboration d’un
film.
Et le concept en question est en
filigrane dans le titre : un hommage
GENRE SITE INTERNET
. Metal oriental et progressif www.orphanedland.com
LE GROUPE
ALBUMS
. Kobi Farhi (chant)
. Sahara (1994)
. Chen Balbus (guitare, . El Norra Alila (1996)
claviers, bouzouki, saz, oud) . Mabool (2004)
. Idan Amsalem . The Never Ending Way Of The
ORWarriOR (2010)
(guitare, bouzouki) . The Road to OR-Shalem (2011)
. Uri Zelcha (basse) . All Is One (2013)
. Unsung Prophets & Dead
. Matan Shmuely (batterie) Messiahs (2017)
aux prophètes comme Platon ou
Einstein, que le monde n’a pas
voulu entendre, ou aux messies de
leur temps, de JFK à Rabin, tués en
voulant changer ce monde…
C’est tout à fait cela. Dans notre
monde moderne, nous avons toujours
des prophètes et des messies : Martin
Luther King était un messie pour le
peuple noir nord-américain. A l’époque
biblique, il aurait été Jésus Christ ou
Moïse, libérant et guidant son peuple.
Et il a été assassiné. Comme Rabin,
comme Gandhi, comme Lincoln…
Même El Sadate, le premier président
égyptien à avoir fait la paix avec
Israël… Des icônes, des révolution-
naires. Et il en va de même avec les
prophètes qui n’ont pas été entendus :
Huxley ou Orwell avaient prédit ce qui
allait se passer avec Edward Snowden
et ces multinationales et ces Etats
qui nous espionnent, avant les années
cinquante ! Platon lui-même avait écrit
l’allégorie de la cave il y a 2.500 ans,
et nous y vivons encore. C’est vraiment
cette allégorie qui sert de fil rouge au
disque, cette sortie de la cave, mais
nous y avons ajouté de nombreuses
références, plus ou moins cachées, à
toutes ces figures historiques.
Finalement, ce disque ne parle-t-il
pas de la plus grande faiblesse
humaine : ce conservatisme, ce
refus d’embrasser le changement ?
Absolument : cet album proteste avant
tout contre cela, et donc contre les
gens. Cette fois, nous ne centrons pas
notre propos sur les religions ou sur
les Etats et les hommes politiques,
mais sur nous-mêmes, les responsables
de notre situation actuelle. C’est comme
ce proverbe anglais : « Better the devil
you know » (Ndlr : qu’on pourrait vaguement
traduire par « mieux vaut un mal connu
ARTICLES RH
RH N°32, 95, 133 & 183
De g. à d. : Idan Amsalem, Matan Shmuely, Kobi Farhi,
Uri Zelcha & Chen Balbus (la demoiselle nous est inconnue)

Je crois sincèrement que nous avons fait plus pour
la paix au Moyen-Orient que Roger Waters, qui avait
pourtant les moyens de faire bien mieux que nous
(Kobi Farhi)
qu’un bien qui reste à connaître »).
Quand Moïse va voir son peuple pour
le sortir de l’esclavage en Egypte et
l’emmener en terre promise, que lui
dit-on ? « Non, nous ne voulons pas
partir. Certes, nous sommes sous l’emprise
du Pharaon, mais j’ai du jus et de quoi
me nourrir, et toi, tu me demandes de
franchir une mer coupée en deux, de
traverser le désert et, ensuite, il y aurait
une terre promise ? ». C’est exactement
ce qui se passe avec l’allégorie de la
cave de Platon : les gens vivent dans
l’ombre, ils ont peur de la lumière.
Celui qui quitte la cave veut leur
expliquer qu’ils ne voient que l’ombre
des choses, quand lui voit la vérité du
monde, mais ils le prennent pour un
fou et finissent par le tuer. Comme
Gandhi, comme Luther King. C’est
comme s’il y avait une rengaine
dans l’histoire, un cycle qui se perpé-
tue, et c’est tout l’objet de ce disque :
nous parlons des gens et de leurs
réactions. Et pourquoi ? Parce que
nous sommes trop préoccupés par ces
écrans de fumée médiatiques, par
Kim Kardashian, par Big Brother, etc.
Voilà ce que la masse consomme…
Elle s’endort par la même occasion
pendant que des choses terribles
arrivent. Evidemment que j’en veux
aux hommes politiques et aux leaders
religieux de ne pas nous extirper de
cela : mais c’est le peuple qui les a
placés là où ils sont, et nous pouvons
produire de meilleurs guides. Alors, c’est
notre faute et notre responsabilité.
Seule l’éducation nous sortira de la
cave…
60
C’est aussi le message narré qu’on
peut entendre à la fin du disque…
C’est un acteur qui lit un texte de
George Orwell : « Si vous voulez une
représentation du futur, imaginez une
botte frapper un visage, pour toujours ».
Et de conclure qu’il ne faut pas
laisser cette prophétie se réaliser.
Sur ce même titre, il y a aussi un
message d’espoir de Victor Jara, un
chanteur chilien assassiné sous la
junte de Pinochet en 1973 :
« Les chansons de bravoure
seront de nouvelles chansons,
pour toujours ». Le fait qu’il ait
bravé Pinochet et son gouver-
nement a eu un écho : il est
devenu une figure dans son
pays, et le stade dans lequel il
a été abattu porte aujourd’hui
son nom. En recyclant ses
paroles, nous en faisons en
effet une nouvelle chanson,
encore et encore…
Parle-nous de ta relation
avec Steve Hackett (ex-
Genesis), qui t’a invité à
chanter « West To East » sur
son dernier album et qui, en
retour, joue sur « Chains
Fall To Gravity »…
Steve et nous avons le même
label. Alors, quand il a parlé
de son idée d’écrire un mor-
ceau rassemblant des artistes
israéliens et arabes, Century
Media a tout de suite pensé à
moi et nous a mis en contact,
via e-mail. Steve m’a demandé
si je connaissais un chanteur arabe.
Je lui ai soumis le nom de Mira Awad,
qui a chanté sur All Is One (Ndlr :
album d’Orphaned Land paru en 2013),
que je connais bien et avec qui nous
avons donc chanté en duo sur ce
morceau de Steve. Ce fut un sacré
honneur de jouer pour ce dernier. Je
suis fan de ses premiers albums avec
Genesis, sur lesquels il a enregistré
quelques soli célestes qui resteront
éternels. Il m’a alors demandé : « Est-
ce que tu veux que je te rémunère pour
cette intervention ou que je t’enregistre
un solo dans le futur ? » (rires) Je lui ai
bien entendu répondu que tout l’argent
du monde ne pouvait pas acheter un
solo de Steve Hackett ! (rires) Mais
bien entendu, je ne lui ai pas juste
demandé de jouer des notes : comme
pour tout morceau d’Orphaned Land,
j’ai passé du temps à lui expliquer
l’histoire qui se cachait derrière, les
émotions que nous voulions véhiculer,
et il a adoré procéder ainsi. Ce morceau
intervient au moment où le héros
quitte péniblement la cave, effrayé de
se diriger vers la lumière : il a tout
compris et il nous a sorti un solo… Je
ne devrais pas dire cela, mais je
pense que c’est encore mieux que ce
qu’il joue sur ses propres disques !
(rires) Nous avons essayé d’ajouter des
parties de guitare rythmique derrière,
mais impossible : rien ne sonne mieux
que sa guitare sur un arrière-plan
aussi dénudé que possible. Et cette
idée de faire que nos invités ne soient
pas juste là pour figurer sur une jolie
liste qui donne envie d’acheter le
disque a été appliquée pour chacun
d’entre eux. Tomas (Lindberg/At The
Gates), par exemple, intervient sur
« Only The Dead Have Seen The
End Of War ». J’ai toujours été fan
de son chant, qui semble presque
douloureux à émettre. Un rendu que
je suis incapable de produire avec mes
cordes vocales… Vu que ce morceau
intervient au moment où le héros est
tué, la voix de Tomas était parfaite
pour interpréter celle d’un des leaders
lunatiques de la cave, ceux qui ne
veulent pas voir. Idem pour Hansi
Kürsch de Blind Gardian, qui chante
sur « Like Orpheus ». Ce n’est pas
un hasard car, pour moi, il est effecti-
vement « comme Orphée » : son chant
peut même séduire les pierres !
(rires) Nous avions besoin d’un chant
traduisant le héros qui sort de la cave
et découvre, galvanisé, ce monde
qu’il a ignoré pendant si longtemps.
Sa voix était parfaite pour véhiculer
cela.
Il y a un titre que vous
n’avez pas composé vous-
mêmes : « Left Behind »,
écrit par la chanteuse et
pianiste israélienne Moran
Magal…
Ce n’est pas la première fois
que nous laissons quelqu’un
d’autre composer pour nous,
même si ça reste minoritaire,
bien entendu. Moran avait
enregistré une reprise au
piano de notre titre « From
Broken Vessels », et nous
sommes devenus amis après
cela. Nous l’avons joué
ensemble ensuite sur quelques
festivals, puis elle m’a soumis
cette composition avec des
intonations orientales qu’elle
pensait parfaites pour nous.
Je ne savais pas trop quoi en
penser, mais là-encore, en
raccordant ce titre à notre
histoire, il y a un moment où
le héros, dehors, repense à
ceux qu’il a laissé derrière
lui (« Left Behind »), dans la
cave. Alors, ici encore, la pièce
du puzzle n’attendait plus qu’à
s’accorder au reste…
Sur cet album, on sent que tu
as pris un malin plaisir à
explorer tout ton spectre
vocal, par-delà celui employé
jusqu’à présent…
Tout à fait, et cela est notam-
ment dû au fait que les accords
employés par mes camarades
étaient globalement un ton au-
dessus par rapport à d’habitude.
Je leur ai même dit de changer
les tonalités et de descendre
d’un cran, mais ils ont insisté
pour poursuivre ainsi, me
poussant à m’aligner et à
chanter plus haut. C’est ce que
j’ai essayé avec Jens, et je suis
ravi du résultat.
Venons-en à la question
politique, un peu inévitable
avec Orphaned Land, groupe
à la fois israélien et engagé.
Quelle ligne de partage dres-
ses-tu entre tes idées person-
nelles et celles que le groupe peut
véhiculer ?
Je vais te dire… Je n’ai jamais voté à
une élection. C’est vraiment triste,
mais pourquoi devrais-je choisir entre
deux maux, entre deux visions qui ne
me conviennent pas ? Pourquoi
n’arrivons-nous pas à produire de
meilleurs leaders ? Pour moi, c’est
une situation si grave que je ne pense
pas forcément en ces termes : placer
une ligne rouge entre mes idées et
mon groupe. Mon objectif, et celui du
groupe, c’est d’éduquer les gens, de
leur enlever leurs aprioris sur notre
pays, sur les juifs et sur les hommes
en général. Mais nous ne sommes
pas meilleurs que les autres : c’est
justement en poursuivant cette mission
que nous sommes confrontés à la
vision d’autres personnes et que nos
opinions évoluent. L’éducation est un
processus réciproque… C’est la raison
pour laquelle j’ai demandé que mon
premier jour de promotion européenne
ait lieu à Berlin, dans une mosquée
abritée dans l’enceinte d’une… église !
Quel meilleur symbole, sans compter
qu’elle est dirigée par une femme ! Tu
imagines le courage de ces libéraux…
homosexuels, et même des Français !
(rires) Qu’ont-ils en commun ? Ils
veulent communier sur notre musique
et/ou notre message, et c’est là-
dessus qu’il faut construire. C’est
précisément là où je trouve que Roger
Waters a fait une grossière erreur
(Ndlr : l’ancien membre de Pink Floyd
milite activement pour un boycott d’Israël
et a récemment tenté de persuader, par
presse interposée, Radiohead de ne pas
s’y rendre. En vain). Qu’a-t-il gagné en
prenant une position pareille ? Rien,
aucun résultat. Il était universel et il
Un concept-album recquiert un peu de pédagogie et
d’explications pour être apprécié à sa juste valeur
(Kobi Farhi)
ne l’est plus. Ce que je ne
comprends pas, c’est qu’il
est musicien : s’il avait
quelque chose à dire, pour-
quoi ne pas sortir un album,
comme nous le faisons tous ?
Un boycott ? Faudrait-il
stopper la musique ou, plus
exactement, définir qui y
aurait droit ? Mercedes
Sosa, une artiste argentine,
chantait : « Quand on fait
taire le chanteur, la vie se
tait ». Hé bien, c’est exacte-
ment ce qu’il cherche à
faire, alors qu’il est lui-
même chanteur ! Bien
entendu qu’il se passe des
choses terribles en Israël…
Je suis le premier à les
dénoncer, mais que se
passe-t-il aux Etats-Unis,
en France ou ailleurs ? Est-
ce mieux ? Boycottons
tout le monde, alors ! Je
crois sincèrement que
nous avons fait plus pour
la paix au Moyen-Orient
que Roger Waters, qui
avait pourtant les moyens de faire
bien mieux que nous. Et j’aimerais
lui enlever ses préjugés sur le fait
que nous sommes un pays d’apar-
theid : si tu es homosexuel, le seul
endroit sûr pour vivre au Moyen-
Orient, c’est mon pays. Si tu es une
femme qui veut conduire ou apprendre
à lire, tu pourras le faire dans mon
pays, pas en Arabie Saoudite ou au
Yémen.
Revenons à des choses plus posi-
tives : lors de votre dernier concert
au Hellfest, en 2016, le public avait
entamé une hora (danse en cercle
traditionnelle). C’est le genre de
geste qui vous touche, j’imagine ?
Bien sûr, comment pourrait-il en être
autrement ? La France a toujours été
un pays à part pour nous. Au départ,
bien entendu, parce que Holy Records
nous a signés. Nous avons toujours eu
beaucoup de fans ici, avec des
concerts qui font le plein. Mais il se
passe toujours quelque chose de
spécial en France. Lors de notre
précédent concert au Hellfest, en
2011, notre danseuse du ventre
libanaise, Johayna Fakhri, et nous
avions levé les drapeaux de nos
pays respectifs sur scène. C’était un
geste fort, qui a fait parler. Obtenir
ce genre de réaction du public, voir
des drapeaux de pays arabes à nos
concerts, c’est aussi la preuve indis-
cutable que ce que nous faisons est
bien. C’est aussi une fierté pour la
communauté metal en général, ce
sens de la communion qui transcende
les religions. C’est pourquoi je me
sens si bien parmi elle, totalement à
ma place au sein de la musique que
j’aime et qui véhicule mes valeurs,
sans compromis. J’ai en tout cas
hâte de revenir, fin février (Ndlr : le
27), au Petit Bain, mais nous aurons
peut-être aussi une occasion de
revenir en juin dans le cadre d’un
festival de musiques juives : c’est en
tout cas en cours de discussion à
l’heure où nous nous parlons !
J’adorerais aussi, à un moment, faire
une plus petite tournée au cours de
laquelle nous jouerions dans des lieux
saints : une église, une synagogue,
une mosquée… Y

En quoi cette manière très partici-

pative de vous engager est contra-
dictoire avec celle d’un Aviv Geffen
(Blackfield), qui va plus directement
pointer du doigt les politiques, les
religieux ou les militaires de son
pays ?
Tu as raison, c’est une autre vision et
une autre manière de faire. Je crois
que la musique est universelle, et
notre but est de construire des ponts
entre les gens, non de les stigmatiser.
Si j’ai deux ennemis qui se font face,
je vais d’abord chercher ce qui peut
les réunir. « Tiens, les deux sont fans de
Pink Floyd, demandons-leur quel est le
meilleur solo de David Gilmour sur
The Dark Side Of The Moon ! ». Ce
genre d’approche ! La musique est le
meilleur moyen de rapprocher les
gens, c’est la première brique d’un
rapprochement. A nos concerts, tu
vois des juifs, des musulmans, des

61
 Par Stéphane Auzilleau - Photos : Marc Villalonga
Ce qu'il y a de vivifiant au sein de la rédaction de ce magazine, c’est qu’il y a toujours du débat. Et c’est bon signe, car le débat, c’est la
passion, c’est la vie ! Et cette année, avec une Faucheuse qui n’a pas épargné – c’est un euphémisme – les musiciens de rock, il est
d’autant plus nécessaire de se sentir vivants… Le dernier débat, donc, portait sur la nécessité et surtout le sens de faire et de publier un
référendum collectif. Certains considérant que cela n’apporte pas grand-chose, tandis que d’autres, sans doute le cerveau encore rempli des
CHARLELIE ARNAUD
MES 10 ALBUMS 2017
01. AKERCOCKE – Renaissance In Extremis
02. LENG TCH’E – Razorgrind
03. FLESH KILLER – Awaken
04. KARTIKEYA – Samudra
05. MISANTHROPE – XΩ (Le Magistère De l’Abnégation)
06. PRONG – Zero Days
07. BENIGHTED – Necrobreed
08. THE ERKONAUTS – I Shall Forgive
09. IGORRR – Savage Sinusoid
10. ATROX – Monocle
MES 10 CONCERTS 2017
01. IGORRR – Clisson, Hellfest, 16.06.2017
02. BENIGHTED – St Nolff, Motocultor, 18.08.2017
03. EMPEROR – Clisson, Hellfest, 18.06.2017
04. KREATOR – St Nolff, Motocultor, 19.08.2017
05. PUTRID OFFAL – Clisson, Hellfest, 16.06.2017
06. THE INSPECTOR CLUZO – Rousson, Rocktambules,
04.08.2017
07. GNÔ – Alès, Antrepote, 20.10.2017
08. PRONG – Clisson, Hellfest, 18.06.2017
09. BLUE ÖYSTER CULT – Clisson, Hellfest, 18.06.2017
10. BATTLE BEAST – St Nolff, Motocultor, 20.08.2017
MES 5 DVDs 2017
01. SLIPKNOT – Day Of The Gusano : Live in Mexico
02. LOUDBLAST – III Decades Live Ceremony
03. ALICE COOPER – Welcome To My Nightmare Special
Edition
04. BLACK SABBATH – The End
05. ACCEPT – Restless And Live
DECOUVERTE 2017 : KARTIKEYA & MOLYBARON
ESPOIR 2018 : Quelques belles nouveautés très
attendues (VOÏVOD, NAPALM DEATH…)
SATISFACTION 2017 : Avoir épousé mon double
afin qu’elle soit ma moitié.
DECEPTION 2017 : Les gens.
EMMANUEL HENNEQUIN
MES 10 ALBUMS 2017 :
01. BLUT AUS NORD – Deus Salutis Meæ
02. ULVER – The Assassination Of Julius Caesar
03. CHELSEA WOLFE – Hiss Spun
04. MYRKUR – Mareridt
05. SATYRICON – Deep Calleth Upon Deep
06. STEVEN WILSON – To The Bone
07. NICOLE SABOUNE – Miman
08. SUFFOCATION – … Of The Dark Light
09. IMMOLATION – Atonement
10. ROBERT PLANT – Carry Fire
MES 10 CONCERTS 2017 :
01. MAGMA – Tulle, Des Lendemains Qui Chantent,
16.03.2017
02. SWANS – Angoulême, Nef, 06.06.2017
03. 7 WEEKS – Tulle, Des Lendemains Qui Chantent,
03.03.2017
04. WOLVES IN THE THRONE ROOM – Limoges, CCM
John Lennon, 09.12.2017
05. KLONE – Limoges, Poudrier, 14.04.2017
06. THE INSPECTOR CLUZO – Tulle, Des Lendemains Qui
Chantent, 03.03.2017
07. WE INSIST! – Limoges, El Doggo, 17.11.2017
08. GODSPEED YOU! BLACK EMPEROR – Mérignac,
Krakatoa, 17.10.2017
09. RAMMSTEIN – Nîmes, Arènes, 11.07.2017
10. INES HENNEQUIN – Limoges, Conservatoire
Régional, 10.06.2017
LES 5 DVDs 2017 :
1. BLACK SABBATH – The End
2. RAMMSTEIN – Paris
3. LOUDBLAST – III Decades Live Ceremony
4. DAVID GILMOUR – Live At Pompeii
5. ARCH ENEMY – As The Stages Burn!
DECOUVERTE 2017 : THE INSPECTOR CLUZO
ESPOIR 2018 : Un nouveau A PERFECT CIRCLE
SATISFACTION 2017 : Avoir pu raconter des
blagues à Morgan Rivalin via Skype – c’est quand même
vachement mieux que par téléphone.
DECEPTION 2017 : Ne pas avoir compris Kim Jong-un
autant que Kim Wilde.
62
STEPHANE AUZILLEAU
MES 10 ALBUMS 2017 :
01. PAIN OF SALVATION – In The Passing Light Of Day
02. LINKIN PARK – One More Light
03. GRETA VAN FLEET – From The Fires
04. KXM – Scatterbrain
05. STEVEN WILSON – To The Bone
06. BLACKTOP MOJO – Burn The Ships
07. FOO FIGHTERS – Concrete And Gold
08. BLACK COUNTRY COMMUNION – BCC IV
09. ICED EARTH – Incorruptible
10. EZOO – Feeding The Beast
MES 10 CONCERTS 2017 :
01. PAIN OF SALVATION – Clisson, Hellfest, 18.06.2017
02. DEE SNIDER – Clisson, Hellfest, 17.06.2017
03. GRAHAM BONNET BAND + THE BRINK – Londres
(UK), Underworld, 29.11.2017
04. LEPROUS + AGENT FRESCO – Bordeaux, Rocher de
Palmer, 08.11.2017
05. SKUNK ANANSIE – Paris, Bataclan, 06.02.2017
06. LINKIN PARK – Clisson, Hellfest, 18.06.2017
07. DREAM THEATER – Paris, Zénith, 12.02.2017
08. NEAL MORSE BAND – Paris, Divan du Monde,
05.04.2017
09. RIVAL SONS – Bordeaux, Rocher de Palmer,
08.02.2017
10. MICHAEL SCHENKER FEST – Pampelune (Espagne),
Auditorio de Burlada, 28.10.2017
MES 5 DVDs 2017 :
01. CAMEL – Ichigo Ichie - Live in Japan 2016
02. BLUES PILLS – Lady In Gold Live In Paris
03. MARILLION – Marbles In The Park
04. BLACK SABBATH – The End
05. DAVID GILMOUR – Live At Pompeii
DECOUVERTE 2017 : GRETA VAN FLEET
ESPOIR 2018 : THE BRINK
SATISFACTION 2017 : De magnifiques concerts et
des découvertes partagées.
DECEPTION 2017 : Trop d’artistes et de belles
personnes partis trop tôt.
PHILIPPE LAGEAT
MES 10 ALBUMS 2017 :
01. MASTODON – Emperor Of Sand
02. STEVEN WILSON – To The Bone
03. CARPENTER BRUT – carpenterbrutlive
04. ANATHEMA – The Optimist
05. LIFE OF AGONY – A Place Where There’s No More
Pain
06. ROBERT PLANT – Carry Fire
07. KLONE – Unplugged
08. JOHN GARCIA – The Coyote Who Spoke In Tongues
09. AVATARIUM – Hurricanes And Halos
10. TYLER BRYANT & THE SHAKEDOWN – Tyler Bryant &
The Shakedown
MES 10 CONCERTS 2017 :
01. HELLOWEEN – Paris, Zénith, 15.11.2017
02. PROPHETS OF RAGE – Clisson, Hellfest, 18.06.2017
03. BLUE ÖYSTER CULT – Clisson, Hellfest, 18.06.2017
04. MASTODON – Paris, Elysée Montmartre, 29.11.2017
05. MARILLION – Paris, Zénith, 07.10.2017
06. METALLICA – Paris, AccorHotels Arena, 08.09.2017
07. GLENN HUGHES – Vauréal, Forum, 04.02.2017
08. PENTAGRAM – Clisson, Hellfest, 18.06.2017
09. PHIL RUDD – Savigny Le Temple, Empreinte,
21.04.2017
10. GUNS N’ROSES – Saint Denis, Stade de France,
07.07.2017
MES 5 DVDs 2017 :
01. BLOOD + THUNDER – The Sound Of Alberts
02. BLACK SABBATH – The End
03. JEFF BECK – Live At The Hollywood Bowl
04. ALICE COOPER – Welcome To My Nightmare Special
Edition
05. ANNIHILATOR – Triple Threat
DECOUVERTE 2017 : RUSSIAN CIRCLES
SATISFACTION 2017 : Le 70.000 TONS OF METAL
ESPOIR 2018 : Un enfant pour le couple Morgan/Benji en très bonne compagnie (l’ami Benji).
SATISFACTION 2017 : Plus de 4.500 bornes à
vélo…
DECEPTION 2017 : Les disparitions de GEORGE &
MALCOLM YOUNG
BENJI
MES 10 ALBUMS 2017 :
01. THE NIGHT FLIGHT ORCHESTRA – Amber Galactic
02. AVATARIUM – Hurricanes And Halos
03. BODY COUNT – Bloodlust
04. HORIZONT – About Time
05. BLACK STAR RIDERS – Heavy Fire
06. BLACK COUNTRY COMMUNION – BCC IV
07. EUROPE – Walk The Earth
08. KREATOR – Gods Of Violence
09. ALICE COOPER – Paranormal
10. TRAVELIN JACK – Commencing Countdown
MES 10 CONCERTS 2017 :
01. BLACKBERRY SMOKE – Paris, Maroquinerie,
25.03.2017
02. HELLOWEEN – Paris, Zénith, 15.11.2017
03. MICHAEL SCHENKER FEST – Pampelune (Espagne),
Auditorio Burlada, 28.10.2017
04. AVATARIUM – 70.000 Tons Of Metal, 03.02.2017
05. BLACK STAR RIDERS – Solvesborg (Suède), Sweden
Rock, 07.06.2017
06. BLUE ÖYSTER CULT – Clisson, Hellfest, 18.06.2017
07. CORONER – Clisson, Hellfest, 18.06.2017
08. KREATOR – Toulouse, Bikini, 25.02.2017
09. KING’S X – Bordeaux, Rockschool Barbey, 22.06.2017
10. ANTHRAX – 70.000 Tons Of Metal, 03.02.2017
MES 5 DVDs 2017 :
01. BLACK SABBATH – The End
02. ALICE COOPER – Welcome To My Nightmare Special
Edition
03. ACCEPT – Restless And Live
04. LOUDBLAST – III Decades Live Ceremony
05. ANNIHILATOR – Triple Threat
DECOUVERTE 2017 : THE NIGHT FLIGHT ORCHESTRA
et TRAVELIN JACK
ESPOIR 2018 : Si la Faucheuse pouvait se calmer au
moins une année, qu’on respire un peu…
SATISFACTION 2017 : Le 70.000 TONS OF METAL
avec mon pote Morgan, et la découverte du Vietnam
avec ma famille.
DECEPTION 2017 : TRUST, une fois de plus…
MORGAN RIVALIN
MES 10 ALBUMS 2017 :
01. MASTODON – Emperor Of Sand
02. BODY COUNT – Bloodlust
03. ARCH ENEMY – Will To Power
04. BEAST IN BLACK – Berserker
05. KREATOR – Gods Of Violence
06. STONE SOUR – Hydrograd
07. IN SEARCH OF SUN – Virgin Funk Mother
08. EUROPE – Walk The Earth
09. AVATARIUM – Hurricanes And Halos
10. STEVEN WILSON – To The Bone
MES 10 CONCERTS 2017 :
01. THE DILLINGER ESCAPE PLAN – Clisson, Hellfest,
18.06.2017
02. MASTODON – Paris, Elysée Montmartre, 29.11.2017
03. AVATARIUM – 70.000 Tons Of Metal, 03.02.2017
04. METALLICA – Paris, AccorHotels Arena, 08.09.2017
05. PROPHETS OF RAGE – Clisson, Hellfest, 18.06.2017
06. GOJIRA – Paris, Olympia, 02.04.2017
07. DISTURBED – Paris, AccorHotels Arena, 02.03.2017
08. GHOST – Paris, Olympia, 11.04.2017
09. DEFTONES – Paris, Olympia, 03.05.2017
10. AUDREY HORNE – Paris, Maroquinerie, 30.03.2017
LES 5 DVDs 2017 :
1. ARCH ENEMY – As The Stages Burn!
2. BLACK SABBATH – The End
3. SLIPKNOT – Day Of The Gusano : Live in Mexico
4. ACCEPT – Restless And Live
5. ANNIHILATOR – Triple Threat
DECOUVERTE 2017 : IN SEARCH OF SUN
ESPOIR 2018 : Un nouvel album de GHOST aussi
bon que Meliora.
DECEPTION 2017 : Benji dort dans le plus simple
appareil...
FRANÇOIS BLANC
MES 10 ALBUMS 2017 :
01. WOLVES IN THE THRONE ROOM – Thrice Woven
02. NOKTURNAL MORTUM – Verity
03. IXION – Return
04. BEAST IN BLACK – Berserker
05. ALESTORM – No Grave But The Sea
06. KELDIAN – Darkness And Light
07. KREATOR – Gods Of Violence
08. SVART CROWN – Abreaction
09. DIE APOKALYPTISCHEN REITER – Der Rote Reiter
10. VULTURE INDUSTRIES – Stranger Times
MES 10 CONCERTS 2017 :
01. KISS – Londres (UK), O2 Arena, 31.05.2017
02. SABATON – Paris, Olympia, 16.01.2017
03. KLONE – Paris, L’Antenne, 11.03.2017
04. SKALMÖLD – Nantes, Ferrailleur, 30.10.2017
05. EMPEROR – Clisson, Hellfest, 18.06.2017
06. SKEPTICISM – Clisson, Hellfest, 17.06.2017
07. POWERWOLF – Paris, Zénith, 04.02.2017
08. HELLOWEEN – Paris, Zénith, 15.11.2017
09. THE CHRIS SLADE TIMELINE – Puyméras, Fire In
Puyméras, 23.07.2017
10. SYSTEM OF A DOWN – Brétigny-sur-Orge,
Download, 10.06.2017
MES 5 DVDs 2017 :
01. BLACK SABBATH – The End
02. DIMMU BORGIR – Forces Of The Northern Night
03. ARCH ENEMY – As The Stages Burn!
04. DELAIN – A Decade Of Delain – Live At Paradiso
05. ACCEPT – Restless And Live
DECOUVERTE 2017 : HÄLLAS
ESPOIR 2018 : Que GENE SIMMONS se décide enfin
à éditer sa Vault à un tarif acceptable…
SATISFACTION 2017 : Mon mariage !
DECEPTION 2017 : Trop d’artistes majeurs nous ont
quittés cette année…
MARC VILLALONGA
MES 10 ALBUMS 2017 :
01. LIFE OF AGONY – A Place Where There’s No More pain
02. DANKO JONES – Wild Cats
03. JOHN GARCIA – The Coyote Who Spoke In Tongues
04. QUEENS OF THE STONE AGE – Villains
05. ROSE TATTOO – Live In Brunswick At The Bombay
Bicycle Club 1982
06. AT THE DRIVE IN – In.ter a.li.a
07. PARADISE LOST – Medusa
08. UNSANE – Sterilize
09. ROBERT PLANT – Carry Fire
10. KADAVAR – Rough Times
MES 10 CONCERTS 2017 :
01. CLUTCH – Clisson, Hellfest, 18.06.2017
02. MONSTER MAGNET – Clisson, Hellfest, 16.06.2017
03. DANKO JONES – Paris, Maroquinerie, 30.03.2017
04. SUICIDAL TENDENCIES – Clisson, Hellfest,
17.06.2017
05. AIRBOURNE – Paris, Olympia, 10.10.2017
06. SLO-BURN – Clisson, Hellfest, 17.06.2017
07. QUEENS OF THE STONE AGE – Paris, AccorHotels
Arena, 07.11.2017
08. STEEL PANTHER – Clisson, Hellfest, 17.06.2017
09. DEE SNIDER – Clisson, Hellfest, 17.06.2017
10. RED FANG – Paris, Elysée Montmartre, 29.11.2017
MES 5 DVDs 2017 :
01. BLACK SABBATH – The End
02. BLUES PILLS – Lady In Gold Live In Paris
03. ALICE COOPER – Welcome To My Nightmare Special
Edition
04. DAVID GILMOUR – Live At Pompeii
05. RAMMSTEIN – Paris
DECOUVERTE 2017 : Aucune.
ESPOIR 2018 : TRIBULATION
SATISFACTION 2017 : Le retour en grande forme
de LIFE OF AGONY et de MINA CAPUTO.
DECEPTION 2017 : La disparition de MALCOLM
YOUNG.
souvenirs de leur jeunesse, lorsqu’ils prenaient connaissance avec intérêt des préférences annuelles des
journalistes qui les guidaient dans leurs découvertes du metal, n’y renonceraient pour rien au monde. La
conclusion de tout cela, c’est que ce référendum de la rédaction doit juste être pris pour ce qu’il est, à
savoir l’expression de nos coups de cœur, que nous partageons avec plaisir avec vous. Ni plus, ni moins.
DJUL
MES 10 ALBUMS 2017 :
01. STEVEN WILSON – To The Bone
02. PAIN OF SALVATION – In The Passing Light Of Day
03. AYREON – The Source
04. BENT KNEE – Land Animal
05. CALIGULA’S HORSE – In Contact
06. VON HERTZEN BROTHERS – War Is Over
07. LEPROUS – Malina
08. VUUR – In This Moment We Are Free - Cities
09. DIABLO SWING ORCHESTRA – Pacifisticuffs
10. GIZMODROME – Gizmodrome
MES 10 CONCERTS 2017 :
01. ANATHEMA + ALCEST – Paris, Bataclan, 04.10.2017
02. METALLICA – Paris, AccorHotels Arena, 10.09.2017
03. BIFFY CLYRO – Paris, Olympia, 30.01.2017
04. PAIN OF SALVATION – Paris, Divan du Monde,
11.04.2017
05. MARILLION – Paris, Zénith, 07.10.2017
06. CORONER – Clisson, Hellfest, 18.06.2017
07. SUICIDAL TENDENCIES – Clisson, Hellfest, 17.06.2017
08. JOHN ZORN – Paris, Pyramide du Louvre, 01.04.2017
09. THE PINEAPPLE THIEF – Paris, Divan du Monde,
01.02.2017
10. LEPROUS + AGENT FRESCO – Paris, Trabendo,
06.11.2017
MES 5 DVDs 2017 :
01. THE PINEAPPLE THIEF – Where We Stood
02. DAVID GILMOUR – Live At Pompeii
03. ANGLAGAARD – Live : Made In Norway
04. MARILLION – Marbles In The Park
05. BLUES PILLS – Lady In Gold Live In Paris
DECOUVERTE 2017 : FRANK CARTER AND THE
RATTLESNAKES
ESPOIR 2018 : Eviter d’accompagner ma fille voir
LOUANE au Trianon. Probabilité de succès : 0,0001%.
SATISFACTION 2017 : De très bons concerts grand
public, en salle (Metallica, U2…) ou en festival
(Lollapalooza) cette année.
DECEPTION 2017 : La reformation de GUNS
N’ROSES, pas aussi aboutie qu’espérée…
Steven Wilson
DR
GUILLAUME FLEURY
MES 10 ALBUMS 2017 :
01. VULTURE INDUSTRIES – Stranger Times
02. ELECTRIC WIZARD – Wizard Bloody Wizard
03. BODY COUNT – Bloodlust
04. ICED EARTH – Incorruptible
05. DARKENHOLD – Memoria Sylvarum
06. VAMPIRE – With Primeval Force
07. ROBERT PLANT – Carry Fire
08. WOLVES IN THE THRONE ROOM – Thrice Woven
09. DREAD SOVEREIGN – For Doom The Bell Tolls
10. LUNAR SHADOW – Far From Light
MES 10 CONCERTS 2017 :
01. EMPEROR – Clisson, Hellfest, 18.06.2017
02. VULTURE INDUSTRIES – Paris, Backstage, 11.10.2017
03. HYPNO5E – Brétigny-Sur-Orge, Download, 10.06.2017
04. ELECTRIC WIZARD – Clisson, Hellfest, 16.06.2017
05. THE VINTAGE CARAVAN – Clisson, Hellfest,
18.06.2017
06. BLOOD CEREMONY – Clisson, Hellfest, 17.06.2017
07. WARDRUNA – Clisson, Hellfest, 17.06.2017
08. BLUES PILLS - Brétigny-sur-Orge, Download,
10.06.2017
09. FRANK CARTER AND THE RATTLESNAKES – Clisson,
Hellfest, 17.06.2017
10. ME AND THAT MAN - Paris, Etoiles, 29.03.2017
LES 5 DVDs 2017 :
01. BLACK SABBATH – The End
02. X JAPAN – We Are X
03. BLUES PILLS – Lady In Gold Live In Paris
04. ALICE COOPER – Welcome To My Nightmare Special
Edition
05. ACCEPT – Restless And Live
DECOUVERTE 2017 : OPPROBRE
ESPOIR 2018 : Les nouveaux HYPNO5E et PRIMORDIAL
SATISFACTION 2017 : L’enregistrement d’un album
qui me tient à coeur.
DECEPTION 2017 : Même les légendes sont mortelles…
VANESSA GIRTH
MES 10 ALBUMS 2017 :
01. STEVEN WILSON – To The Bone
02. ANATHEMA – The Optimist
03. MASTODON – Emperor Of Sand
04. KLONE – Unplugged
05. BLACK COUNTRY COMMUNION – BCC IV
06. BODY COUNT – Bloodlust
07. ALICE COOPER – Paranormal
08. ROBERT PLANT – Carry Fire
09. PRONG – Zero Days
10. JARED JAMES NICHOLS – Black Magic
MES 10 CONCERTS 2017 :
01. PROPHETS OF RAGE – Clisson, Hellfest, 18.06.2017
02. MINISTRY – Clisson, Hellfest, 16.06.2017
03. METALLICA – Paris, AccorHotels Arena, 08.09.2017
04. THE CHRIS SLADE TIMELINE – Vauréal, Forum,
10.11.2017
05. CORONER – Clisson, Hellfest, 18.06.2017
06. JARED JAMES NICHOLS – Clisson, Hellfest,
17.06.2017
07. DANKO JONES + AUDREY HORNE – Paris,
Maroquinerie, 30.03.2017
08. GHOST – Paris, Olympia, 11.04.2017
09. DEVIN TOWNSEND – Clisson, Hellfest, 16.06.2017
10. SUICIDAL TENDENCIES – Clisson, Hellfest, 17.06.2017
MES 5 DVDs 2017 :
01. ALICE COOPER – Welcome To My Nightmare Special
Edition
02. BLACK SABBATH – The End
03. RAMMSTEIN – Paris
04. BLUES PILLS – Lady In Gold Live In Paris
05. SLIPKNOT – Day Of The Gusano : Live in Mexico
DECOUVERTE 2017 : CARPENTER BRUT
ESPOIR 2018 : La sortie d’un nouvel album de
CORONER
SATISFACTION 2017 : Retrouver toute l’équipe de
Rock Hard au Hellfest !
DECEPTION 2017 : La disparition de MALCOLM
YOUNG
LES ALBUMS 2017
DE LA REDAC
01. STEVEN WILSON – To The Bone
02. BODY COUNT – Bloodlust
03. ROBERT PLANT – Carry Fire
04. MASTODON – Emperor Of Sand
05. BLACK COUNTRY COMMUNION – BCC IV
06. AVATARIUM – Hurricanes And Halos
07. KREATOR – Gods Of Violence
08. PAIN OF SALVATION – In The Passing
Light Of Day
09. ANATHEMA – The Optimist
10. LIFE OF AGONY – A Place Where
There’s No More Pain
To The Bone de Steven Wilson, album de
l’année ? Hé bien, oui… Inattendu dans
l’absolu, mais mérité au regard de la qualité
constante des productions de ce musicien
intègre qui ne nous a jamais déçus, en solo
ces dernières années tout comme avec
Porcupine Tree précédemment (le Deadwing
de ce dernier atteignait en 2007 la
deuxième place de notre referendum, tandis
que l’album de Blackfield, son duo avec
Aviv Geffen, montait sur la troisième marche
de notre podium la même année - un bon
présage). Pas foncièrement hard rock, cet
album possède une âme, exactement
comme le Carry Fire de Robert Plant. Un
disque profond, inspiré, sur lequel celui qui
restera à jamais la voix de Led Zeppelin fait
merveille. Oui, le métalleux a un cœur sensible.
Entre ces deux albums peu metal, Body
63
 Il y a finalement des choses qui changent LES CONCERTS 2017 Hellfest, Donald « Buck Dharma » Roeser et
assez peu, et la capacité de Metallica à DE LA REDAC sa bande ont assuré le show qu’on espérait
nous faire vibrer sur scène en fait partie. secrètement. Décidément, l’édition 2017 du
En effet, comme à leur habitude, les Four 01. METALLICA festival clissonnais a marqué nos esprits,
Horsemen ont tout déchiré lors de leur 02. PROPHETS OF RAGE puisque nous avons pu y croiser un Coroner
dernière tournée. Mention toute spéciale, 03. EMPEROR toujours aussi tranchant et efficace, et un
par ailleurs, à Prophets Of Rage, qui a 04. HELLOWEEN Pain Of Salvation sûr de son dernier album,
soulevé plus de poussière que n’importe 05. CORONER malgré le départ d’un membre qui y avait
quel autre groupe lors de cette remarquable largement contribué. On salue avec un
06. BLUE ÖYSTER CULT
édition 2017 du Hellfest, pour un concert enthousiasme non feint le retour aux sources
07. SUICIDAL TENDENCIES
qui a mis tout le monde d’accord. Il aurait d’un très grand groupe, Helloween. Car si
sans doute mérité une place tout en haut 08. PAIN OF SALVATION certaines réformations sont uniquement
du classement. Mais les tauliers étaient là. 09. MASTODON mues par des intérêts financiers, le retour au
« Obey Your Master ! ». On retrouve, 10. AVATARIUM sein du gang des citrouilles métalliques de
dans cette sélection, d’autres valeurs ses deux membres emblématiques que sont
sûres, comme Emperor, constant dans sa capacité à nous Kai Hansen et Michael Kiske fleure bon l’amour de la musique,
émouvoir avec son black metal clinique qui demeure plus que et les fans en ont eu pour leur argent avec un show particuliè-
jamais une référence, ou encore Suicidal Tendencies, qui a mis rement complet. Mastodon est toujours en forme, et la
Count glisse son excellent Bloodlust qui, de son côté, dépote le feu à la Warzone du Hellfest, emmené par un Mike Muir qui dextérité de ses musiciens, le batteur/chanteur pieuvre Brann
sévère. C’est finalement Ice T lui-même, en introduction du titre semble plus en forme que jamais et toujours aussi fan du Dailor en tête, n’est plus à démontrer ou à apprécier. Quant à
« Raining In Blood/Postmortem 2017 », qui définit le mieux la public français. Nous aurions moins parié sur le retour de Blue Avatarium, le groupe confirme sur scène sa progression sur
recette de Body Count : une musique qui permet à son guitariste Öyster Cult, dont certaines prestations récentes nous avaient album, s’imposant désormais comme un incontournable de la
Ernie C de s’exprimer, inspirée des trois référence majeures que paru un peu molles. Mais, là encore, dans le contexte du scène metal.
sont Black Sabbath, Suicidal Tendencies et Slayer. Indispensable !
Vivement la scène, et le Hellfest 2018 sur une MainStage !
Mastodon est un habitué de nos référendums, ayant déjà placé
deux de ses albums à la plus haute place en 2011 et 2014. Il rate
la passe de trois de peu. Il faut dire que son heavy à tendance
progressive est suffisamment puissant et travaillé pour ratisser
large. Idem avec Black Country Communion : comment résister
à l’énergie déployée sur ce quatrième opus qui propose un
classic rock pur sucre, formidablement
interprété par des musiciens au sommet
de leur forme, Glenn Hughes en tête ?
The Voice Of Rock montre qu’il faut
encore compter avec lui, et nous, on
adore ça ! Si Leif Edling (Candlemass)
n’est plus présent physiquement au
sein d’Avatarium, il continue à marquer
de son empreinte ce combo qui parvient,
entre autres choses, à rendre le doom
accessible. Ce Hurricanes And Halos,
troisième opus du combo, est sans
conteste sa plus grande réussite et laisse
entrevoir encore de belles choses.
Saluons le retour en très grande forme
des thrashers de Kreator. Comme
nous titrions en couverture de notre
numéro de janvier 2017, avec le bien
nommé Gods Of Violence, le combo a
mis « en plein dans la Mille ». Ce qu’il a
confirmé ensuite sur scène, notamment
via une prestation décoiffante au Metallica
Hellfest… Autre retour en très grande
forme, celui de Pain Of Salvation. Finies Prophets Of Rage Emperor
les expérimentations mollassonnes dans
le sillage des Beatles qui l’avaient
mené dans une impasse artistique.
Depuis la guérison de son leader
Daniel Gildenlöw, le groupe est revenu
à ce en quoi il excelle, à savoir un metal
progressif puissant et particulièrement
intense en émotions. Les frères
Cavannagh sont eux aussi inspirés, et la
dernière livraison studio d’Anathema,
The Optimist, est un petit bijou de
musique progressive, navigant entre
rock et pop, et au sein de laquelle la
voix envoûtante de la chanteuse Lee
Douglas prend de plus en plus de
place. Et gros frissons sur scène, il y a
quelques mois… Keith Caputo a beau
être devenu Mina, le talent ne s’est pas
égaré en chemin, et après douze ans
d’absence, Life Of Agony n’a rien
perdu de son sens du riff et du refrain
rock qui fait mouche, le tout avec une
énergie hardcore... Un peu comme si le
temps avait suspendu son vol pour
attendre que le groupe soit prêt à nous
livrer le digne successeur de Broken
Valley. Il y a donc de la grande qualité
et beaucoup de variété dans ce Top 10.

64
 LES DVDs 2017 DE LA REDAC
01. BLACK SABBATH – The End
02. ALICE COOPER – Welcome To My Nightmare Special Edition
03. ACCEPT – Restless And Live
04. BLUES PILLS – Lady In Gold
Helloween 05. DAVID GILMOUR – Live At Pompeii

Coroner Si l’on peut effectivement regretter

que ce soit vraisemblablement la fin
de Black Sabbath, ces derniers ont la
classe de nous offrir un très beau
témoignage de cette dernière tournée
qui mérite de truster la première
place de ce classement. Plus de
quarante ans après avoir été filmé, le
concert de la tournée Welcome To
Pain Of Salvation My Nightmare (1976) d’Alice Cooper
reste une petite merveille, d’autant
qu’il est ici accompagné du très
bon documentaire réalisé l’année
précédente par la chaîne ABC,
Alice Cooper : The Nightmare. Une
manière remarquable de replonger
dans l’oeuvre majeure de ce grand
artiste. Accept passe lui aussi très
bien le test du temps, et c’est avec
bonheur qu’on savoure ce concert en
forme de best of filmé devant un
public enthousiaste. Blues Pills nous
Blue Öyster Cult a fait l’honneur d’enregistrer son
DVD live chez nous, au Trianon de
Paris. On l’en remercie car ce groupe
a vraiment quelque chose de
magique. Son mélange de hard rock
et de blues est juste incroyable et
prend une dimension particulière sur
scène. Enfin, au rayon progressif, le
retour de Davild Gilmour à Pompeii
en 2016, c’est-à-dire 44 après que
son groupe Pink Floyd y ait enregistré
un film mythique, dans un amphithéâtre
vide, a une saveur particulière.
L’ensemble est bien plus coloré et la
musique de ces géants est toujours
aussi savoureuse et émouvante.

CONCLUSION
Indéniablement, si l’on ne prend pas
en compte les trop nombreux
Suicidal Tendencies décès, parfois dans des conditions
dramatiques, de musiciens majeurs
Avatarium qui sont intervenus ces douze derniers
mois, 2017 a été une très belle année
en termes d’albums et de concerts,
dans tous les styles. La vitalité de la grande famille hard rock au sens
large est indéniable, et l’on constate tant la forme des géants du
genre que l’appétit des nouveaux venus. Le très grand nombre de
groupes cités ici témoigne qu’il y en a vraiment pour tous les goûts
et nous ne pouvons que vous inciter à piocher dans cette sélection
pour réaliser quelques découvertes. C’est ça le partage !

Et vous, quels ont été vos coups de cœur

en 2017 ? N’hésitez pas à nous en faire part
© Morgan Rivalin

à l’adresse redaction@rockhard.fr !
A vous de jouer maintenant !

Mastodon
65
 . Magnum II (1979) . Escape From The Shadow Garden Live
GENRE . Marauder (live – 1980) 2014 (live – 2015)
. Classic rock . Chase The Dragon (1982) . Sacred Blood « Divine » Lies (2016)
. The Eleventh Hour (1983) . Lost On The Road To Eternity (2018)
LE GROUPE . On a Storyteller's Night (1985)
. . Vigilante (1986) ARTICLES RH
Bob Catley (chant) . Wings Of Heaven (1988)
. Tony Clarkin (guitare) . Goodnight L.A. (1990) RH N°65, 90, 106, 124, 141, 162 & 183
. The Spirit (live – 1991)
. Al Barrow (basse) . Sleepwalking (1992)
. . Keeping The Nite Light Burning (1993)
Rick Benton (claviers) . Rock Art (1994)
. Lee Morris (batterie) . The Last Dance (live – 1996)
. Breath Of Life (2002)
. Brand New Morning (2004)
SITE INTERNET . Princess Alice And The Broken Arrow (2007)
www.magnumonline.co.uk . Wings Of Heaven Live (live – 2008)
. IntoThe Valley Of The Moonking (2009)
. The Visitation (2011)
ALBUMS . On The 13th Day (2012)
Tony Clarkin . Kingdom of Madness (1978) . Escape From The Shadow Garden (2014)

66

S’il a dû faire face à deux départs successifs qui auraient sûrement mis à terre plus d’un groupe de sa génération, Magnum
se refuse à raccrocher les gants, et même s’il se dit « perdu sur sa route », semble vouloir rester avec nous pour l’éternité.
Tony Clarkin, son leader spirituel et musical, nous dit tout sur Lost On The Road To Eternity, son vingtième album
studio, et en profite pour régler quelques comptes…
Rock Hard : Commençons par un
sujet un peu sensible, le départ de
Mark Stanway, début décembre 2016.
Cette nouvelle a totalement surpris
les fans, Mark étant le claviériste de
Magnum depuis 1980. Pourquoi a t’il
quitté le groupe après tant d’années ?
Tony Clarkin : Je pense que ça couvait
depuis déjà quelque temps… Il ne
s’entendait pas vraiment avec… Bon,
disons qu’il ne s’entendait pas avec
grand-monde pour être honnête. Avec
notre équipe technique, certains
membres du groupe… Je pense qu’il
était très frustré. Du coup, je ne peux
pas dire que j’ai été surpris lorsque
c’est arrivé. J’avais le sentiment que
ça pouvait se passer à n’importe quel
moment. Il nous a quittés en plein
milieu d’une série de cinq concerts
prévus de longue date. Après le
deuxième show, il a disparu. Nous
avions, par chance, un jour de repos
avant le prochain concert à Dublin.
Nous avons beaucoup parlé entre nous
et passé quelques coups de téléphone
pour trouver une solution afin d’assurer
les trois derniers shows. Nous sommes
finalement entrés en contact avec
Rick Benton. Il sait lire et écrire la
musique, a une très grande connaissance
de son instrument, alors nous lui
avons demandé : « Penses-tu qu’il soit
possible d’apprendre nos seize titres
pour demain ? » (rires) Il s’est rendu
dans un studio d’enregistrement, a
bien écouté notre set, a pris des notes
pour tous les morceaux, et le surlende-
main, il était prêt pour notre date à
Wolverhampton !
Revenons à Mark une seconde : il
s’agissait bien sûr d’une figure
familière pour les fans de Magnum et
il a été, quoiqu’il arrive, un membre
important du groupe. Est-ce que la
situation s’est avérée inconfortable à
gérer ?
Pas vraiment, en ce qui me concerne.
Je dirais même que j’étais assez excité
par la nouveauté. Je savais que nous
pouvions nous adapter. Relever ce
genre de défi m’a vraiment motivé. J’ai
dit à Bob (Catley/chant) : « Prends ça
comme un challenge excitant. Si ça
fonctionne, c’est comme le début d’une
nouvelle aventure ! » Ce premier concert
avec Rick a été une réussite, et je dois
dire que ça m’a vraiment soulagé, tout
comme Bob.
Avant ce premier show avec Rick,
vous avez joué à quatre à Dublin, avec
des claviers programmés. Vous avez
dû ressentir d’étranges sensations !
Pas tant que ça. Il nous arrivait fréquem-
ment de répéter à quatre car Mark
n’était pas toujours présent. Et nous
apprenions à jouer nos morceaux
avec des claviers préenregistrés.
Alors, d’une certaine façon, nous
étions habitués à cette configuration,
même si nous n’avions jamais
donné de concert sous cette forme.
Le show fut plutôt bon malgré ce
désagrément.
Qui vous a mis en relation avec Rick
Benton ?
J’avais déjà rencontré Rick mais, pour
être franc, je ne m’en souvenais pas !
Notre ingénieur du son live, Mark Stuart,
qui travaille également aux Mad Hat
Studios de Wolverhampton, là où nous
enregistrons tous nos albums depuis
des années, connaissait Rick. Ayant
déjà bossé avec ce dernier, il pensait
qu’il s’agissait du candidat idéal. Il l’a
donc contacté pour lui proposer de nous
dépanner. Dans un premier temps,
pour ces deux concerts. Alors, je me
suis dit : « Essayons. De toute façon, que
pouvons-nous faire d’autre ? » (rires)
Un autre changement de musicien a
eu lieu en mai 2017, suite au départ
du batteur Harry James. Il semble
que, dans son cas, les raisons aient
été très terre à terre : faisant aussi
partie de Thunder et Snakecharmer,
il ne pouvait plus jongler entre les
différentes obligations de ses trois
groupes…
C’est exactement ça. Harry reste un
très bon ami, vraiment. Mais nous
voulons que Magnum soit encore plus
actif, tant en studio que sur scène, et
Thunder est aussi un groupe qui tourne
pas mal. Il y avait trop de conflits au
niveau des dates entre ces deux groupes.
Or, originellement, Harry est un membre
Mark Stanway n’avait jamais rien à
proposer, alors que Rick Benton
déborde d’idées (Tony Clarkin)
de Thunder. Je lui ai donc dit : « Harry,
nous ne pouvons plus gérer ça de la même
façon aujourd’hui. Il vaut mieux que tu te
concentres sur Thunder et que nous
trouvions un batteur qui s’implique à
100% avec Magnum. » Harry l’a très
bien pris, même s’il m’a avoué être
déchiré par cette décision. Mais c’est
un professionnel, il comprend notre
point de vue. C’est quelque chose que
j’ai détesté faire, mais il le fallait afin
que nous puissions aller de l’avant.
Votre nouveau batteur est Lee
Morris, un nom qui ne nous est pas
inconnu puisqu’il fut membre de
Paradise Lost de 1995 à 2004. Ce
groupe évoluant dans un style bien
différent de Magnum, ce choix nous a
quelque peu surpris…
Je comprends, mais je dirais tout
simplement que Lee est un bon batteur.
Nous avons eu de la chance de tomber
sur lui. Harry est un batteur tout en
puissance. Lee l’est également, mais
je dirais qu’il possède aussi une
grosse technique. Je n’en avais pas
conscience jusqu’à ce que nous
commencions à répéter avec lui. Je
connaissais certains disques sur
lesquels il avait joué, et je mentirais
en disant que ça m’avait scotché. Mais
lorsque nous avons commencé à jouer
ensemble… Lors de notre premier
Propos recueillis par Benji - Entretien téléphonique réalisé le 1er décembre 2017
concert commun, je me souviens que
Bob m’a dit : « Nous avons une sacrée
chance : d’abord Rick, puis Lee… Ils
sont juste super ! » Et en studio, Lee a
joué bien au-delà de mes espérances.
Il m’a avoué qu’il s’agissait de l’enre-
gistrement le plus relax auquel il ait
participé, ce qui est une bonne chose,
je suppose.
Parlons donc de Lost On The Road
To Eternity ! Nous savons que tu
écris constamment, sans nécessai-
rement attendre d’être au pied du
mur et de « devoir » composer un
album. Comment as-tu géré les choses
cette fois-ci ?
De la même façon ! J’ai commencé à
écrire alors que Sacred Blood Divine
Lies (2016) venait de sortir. J’ai
composé six morceaux avant même de
partir en tournée en avril 2016. Nous
avons donné une trentaine de concerts
et, lorsque je suis revenu, j’ai réécouté
ces titres, pensant qu’ils étaient
sûrement bons à jeter à la poubelle.
Mais à ma grande surprise, je me
suis dit : « Finalement, ce n’est pas si
mal que ça ! » J’ai ensuite continué à
bosser dans la même direction avant
que nous ne donnions quelques autres
concerts durant l’été. J’étais confiant
car je pensais avoir trouvé la voie à
suivre.
Rick sait comment s’y prendre pour
composer. A-t-il participé à l’écriture
des morceaux ou as-tu, comme toujours,
tout géré, y compris les textes ?
Nous avons procédé comme d’habitude.
La différence a tout de même été
notoire dans le sens où j’ai soumis
les morceaux déjà construits à Rick,
mais avec plusieurs espaces que je
pensais adaptés à des passages de
claviers. Je lui ai laissé carte blanche
et il a toujours trouvé le bon arran-
gement, le solo qu’il fallait, l’ambiance
qui convenait. Je joue un peu de claviers,
mais je ne suis pas capable de com-
poser de vraies parties. Pour lui, c’est
naturel ! Et ça me change car, durant
toutes ces années, je devais aussi
trouver les lignes de claviers et les
mélodies, que Mark se contentait de
copier et jouer. Ce qui est clair, c’est
que Rick a vraiment mis sa patte
sur ce disque. Et c’est vraiment ce
que je souhaite avec ce groupe, plutôt
que tout le monde se contente de
suivre mes directives et mes idées. Je
n’ai jamais forcé les gens à jouer
quoique ce soit. J’arrive avec une
chanson structurée et je demande
aux gars de jouer ce qu’ils veulent,
tout en respectant l’idée initiale.
Mark Stanway n’avait jamais rien à
proposer, alors que Rick déborde
d’idées. Trop, parfois !
Lost On The Road To Eternity est
votre vingtième album studio. Est-ce
que ça revêt d’une importance parti-
culière à tes yeux, comme une sorte
d’accomplissement, ou ne s’agit-il
que d’un chiffre ?
Je n’y portais pas grande attention
avant que quelqu’un, comme toi, ne me
parle de ça. Au départ, je n’y ai pas
accordé plus d’importance que ça, et
bizarrement, ça a fait son chemin
dans mon esprit : « Vingt albums, ça fait
beaucoup ! » (rires) Ça me fait surtout
réaliser que ça représente beaucoup
d’années de travail. Alors, je dirais
qu’aujourd’hui, je me rends compte
qu’il s’agit plus que d’un simple
chiffre.
Tobias Sammet (Edguy, Avantasia)
fait un duo avec Bob sur le titre
éponyme. Nous savons que Bob a
participé à plusieurs albums et
tournées d’Avantasia, mais en
revanche, c’est la première fois que
Tobias chante sur un disque de
Magnum. Comment-est-ce arrivé ?
Il me semble que je suis à l’origine de
cette idée. Tu sais sûrement que
Tobias est fan du groupe. Il a d’ailleurs
repris l’un de nos morceaux il y a
quelques années (Ndlr : « The Spirit »
sur l’EP Superheroes paru en 2005).
J’avais écrit ce morceau et il me semblait
parfait pour que Bob y fasse un duo
avec Toby. Bob a trouvé l’idée sympa.
Jouant à la même affiche qu’Avantasia
sur un festival, nous avons évoqué
cette possible collaboration avec Toby,
et il a accepté sur le champ, disant
même que c’était un véritable honneur
pour lui.
La pochette de l’album, une nouvelle
fois réalisée par votre fidèle illus-
trateur Rodney Matthews, a une
véritable couleur progressive 70’s !
Le vois-tu comme ça également ?
Oui, je suis assez d’accord. D’ailleurs,
lorsque j’ai soumis cette pochette à
Olly Hahn (Ndlr : l’un des responsables
du label SPV), il m’a dit : « Il me semble
qu’entre la pochette et la musique de cet
album, vous soyez revenus à vos racines
progressives ! » (rires) Je dois dire que je
n’ai jamais pensé à ça. Je ne sais même
pas vraiment ce que ça veut dire. Pour
moi, c’est juste de la musique.
De nombreux personnages sont
représentés sur cette pochette. On y
retrouve notamment Princess Alice.
A ton sens, quels autres personnages
sont importants afin de « comprendre »
cette pochette ?
Oh, ce n’était qu’une idée visuelle.
Il y a aussi ce gamin, avec son sac
d’écolier, qu’on retrouve sur plusieurs
de nos anciennes pochettes et qui
apparaît ici de dos. Je voulais simple-
ment que tous ces personnages se
retrouvent à un endroit précis et
qu’ils soient « perdus sur la route de
l’éternité ». On y croise aussi un ange,
le Faucheur. Mais il n’y a pas de sens
plus profond derrière tout ça… Y
67

Tribulation a considérablement marqué les esprits avec l’excellent The Children Of The Night, il y a déjà trois ans. Attendus au
tournant, les Suédois ont redoublé d’efforts pour aboutir à un Down Below venu renforcer leur personnalité hors du commun, entre
metal extrême et rock progressif. C’est Jonathan Hultén, guitariste mais également dépositaire de l’univers visuel des vampires,
qui nous présente, avec une franche sympathie et une indéniable passion, ce quatrième album à l’aura mystique et à la dynamique
imparable.
DR
Mon inspiration ne vient pas du metal,
elle en devient ! (Jonathan Hultén)
Rock Hard : Commençons en abordant
la pochette du nouvel album, puisque
tu en es l’auteur. Sa gargouille
m’évoque le travail de l’architecte
Viollet Le Duc, notamment sur
Notre Dame de Paris. Est-ce là une
influence ?
Jonathan Hultén : Je ne connais pas
cet artiste. Néanmoins, Notre Dame a
pu me venir à l’esprit car cette peinture
est directement inspirée des gargouilles
de style gothique qu’on peut y trouver.
La raison pour laquelle je me suis
orienté vers cette gargouille est liée
au fait que nous avons ressenti le
besoin de représenter une œuvre faite
de pierre. Là où nous considérons
notre album précédent comme une
ville en ruines et notre deuxième opus
comme plus forestier, ce nouvel effort
68
Propos recueillis par Guillaume Fleury - Photos Marc Villalonga - Entretien téléphonique réalisé le 08 décembre 2017
De g. à d. : Adam Zaars, Jonathan Hultén, Oscar Leander & Johannes Andersson
prend selon nous place dans un
endroit imaginaire proche d’une
cathédrale. C’est dans un espace
comme celui-ci que nous le situons
géographiquement ! (rires)
Est-ce une sensation que tu as eue
avant même d’aborder l’écriture, ou
est-ce la musique une fois terminée
qui a imposé ce lieu ?
Les deux ! Nous débutons par un
mélange d’émotions et de pensées
sur la manière dont nous envisageons
l’album à venir, avant même d’écrire
ou de réunir nos idées. C’est une
imagination collective qui nous voit
beaucoup travailler avec les couleurs,
les descriptions de lieux, puis nous
arrêtons notre choix. A l’origine,
nous pensions à une sorte de manoir
vieux de plusieurs siècles, abandonné.
Puis, plus nous avancions sur les
morceaux, plus ce sentiment d’album
« en pierre » nous apparaissait fort.
Nous avons donc abouti à cette idée et
notre maison fantôme s’est convertie
en cathédrale. C’était un choix plus
approprié, qui collait mieux à notre
esthétique...
GENRE
. Black death metal progressif
LE GROUPE
. Johannes Andersson
(basse, chant) . The Horror (2009)
. The Formulas Of Death (2013)
. Adam Zaars (guitare) . The Children Of The Night (2015)
. Jonathan Hultén (guitare) . Down Below (2018)
. Oscar Leander (batterie)
Cette gargouille a beau être en pierre,
elle semble vraiment vivante !
(Rires) C’est amusant comme remarque
car je me suis inspiré d’une chauve-
souris pour la réaliser. Ainsi, certaines
sinuosités, son squelette, permettent
de voir ses muscles. Même si j’ai voulu
m’assurer qu’elle reste de pierre, elle
a effectivement un aspect vivant...
Le rapport entre le titre Down
Below (Ndt : « En Bas ») et cette
gargouille lui donne un aspect de
gardienne de la cité figurée au loin...
C’est une belle manière de la voir !
Je pense que l’interprétation reste
ouverte, notamment parce que nous
avons voulu que les significations
soient multiples, même pour nous, au
sein du groupe, et pour moi, à titre
personnel. La gargouille semble
redoutable, sinistre, flippante, mais
également protectrice, capable d’en-
velopper tout l’espace. Si tu fais bien
attention aux contours de son cou, tu
y verras le portrait discret d’une
femme : une madone. Il est possible
d’envisager que la gargouille protège
cette figure. L’idée générale est celle
des deux faces d’une même chose,
l’une sombre et l’autre plus lumineuse.
Elle mêle douceur et peur, comme
deux faces d’une même pièce...
C’est une bonne définition de votre
musique : sombre, mais avec ce
semblant permanent de lumière
malgré tout...
Absolument ! Notre musique est sombre,
mais la lumière occasionnelle lui offre
plus de dynamique. La beauté peut éga-
lement être sombre et inquiétante. L’idée
d’une certaine forme de grâce a toujours
été très importante pour le groupe...
La nostalgie est toujours là également.
Nostalgie d’un passé qui n’a peut-
SITE INTERNET
www.tribulation.se
ALBUMS
ARTICLES RH
RH N°183
 être jamais vraiment existé ?
J’en ai conscience, oui ! Je sens aussi
cet aspect des choses, une mélancolie
plus profonde. Je me demande encore
aujourd’hui comment la définir, mais
c’est une chose très inspirante pour
nous !
Tu as également pris le parti de
changer le logo du groupe à chaque
nouvel effort. Est-ce là une façon
d’exprimer que la musique ne sera
jamais la même, album après
album ?
Je pense effectivement que ce change-
ment de logo a un sens symbolique.
Chaque disque représente une sorte
d’ère qui nous voit composer des titres,
répéter encore et encore nos idées
durant une période spécifique de nos
vies, dictée par les circonstances
autour de nous. Puis nous partons en
tournée, et une fois celle-ci terminée,
nous refermons ce chapitre, de la
même manière que nous le ferions
pour un livre. Il m’apparaît donc
approprié de modifier le logo pour
chaque album. Mais cela peut également
symboliser le fait que notre musique
évolue de manière plus ou moins
continuelle...
Ne crains-tu pas de « perdre » cer-
tains auditeurs avec ce changement
constant de référence visuelle ?
Je ne pense pas que cela soit si grave !
Il y a tant de groupes qui n’ont pas
vraiment de logo ou en ont souvent
changé, comme les Beatles, par
exemple. Il est certes pratique de
conserver le même visuel, mais tout
artiste essaie de le modifier à un
moment ou un autre, et cela devient
une part de la « marque de fabrique »
du groupe, si on peut nommer les
choses ainsi. Et puis, tu peux toujours
reconnaître l’essence de notre logo,
qui est toujours inspirée par le style
gothique – sauf pour notre premier
album qui était typiquement death
metal. Hormis ce dernier, tous nos
logos ont quelque chose à voir les
uns avec les autres, au niveau des
formes. Le nouveau contient de
nombreux ornements et est très
inspiré de l’Art Nouveau. Tous nos
logos collent avec nos goûts en matière
d’art et d’esthétique.
Tu réalises des pochettes pour
d’autres groupes, comme Enforcer
ou Vampire. Sens-tu une grosse
différence dans ton rapport à ton
travail lorsque tu le fais pour les
autres ?
Oui, bien sûr ! La différence n’est pas
vraiment liée à mon investissement,
mais plutôt au résultat final, qui est
bien plus personnel avec Tribulation,
plus connecté avec l’art qui me
parle, puisque je suis impliqué dans
l’enregistrement de la musique. Je ne
donnerais pas de valeur différente aux
deux aspects de ce travail car il y a
aussi des inconvénients dans le fait de
bosser pour soi. Ce n’est pas plus
simple que de produire quelque chose
pour un autre. Je ne dirais pas que je
me mets plus de pression lorsque cela
concerne mon groupe, mais j’aborde
clairement les choses de manière
différente. Dans les deux cas, il est
très important que je puisse assumer
tout ce que j’ai produit !
70
Entre ces deux formes d’expression
que sont le dessin et la musique, l’une
des deux a-t-elle ta préférence ?
Je pense que la musique est la fondation
de toute ma vie créative. Un ami m’a
un jour déclaré : « L’architecture, c’est
comme de la musique gelée dans le
temps ». J’ai trouvé cela vraiment très
beau et descriptif. Ça s’applique à
l’art en général, la peinture, et même
les films. Toute expression est une
autre forme de musique, tu peux voir
de la musique dans tout ! C’est comme
le squelette de l’existence ! (rires)
Il faut dire que tu es tombé dans la
marmite très jeune...
Oui ! Mon père était prof de guitare.
Tu peux presque comparer la
composition au fait d’être
très excité sexuellement !
(Jonathan Hultén)
J’ai eu ma première guitare à l’âge
de dix ans et il m’a enseigné son
apprentissage les premières années.
J’ai lancé un groupe presque immédia-
tement, au sein duquel je jouais en
compagnie de Jonas Wikstrand, actuel
batteur d’Enforcer. Nous formions la
paire batteur/guitariste de l’école de
musique ! (rires) Plus tard, j’ai fondé
Hazard en compagnie d’Adam et
Johannes (Ndlr : respectivement Zaars et
Andersson, guitariste et bassiste/chanteur
de Tribulation), avant d’être rejoints
par Jonas. Une partie du groupe nous
a quittés et est devenue Enforcer,
quelques années plus tard, tandis que
nous changions notre nom en Tribulation.
Nous avons en quelque sorte partagé
l’enfance de nos carrières ! (rires)
C’est amusant car le titre Down
Below me semble faire écho au From
Beyond (Ndt : au-delà) du même
Enforcer !
(Il semble réaliser) Hum ! Alors ça,
c’est très intéressant ! (rires)
Lorsque tu as lancé ton apprentissage
de la guitare, aspirais-tu déjà à
devenir musicien professionnel ?
Je ne pense pas que je l’aurais exprimé
de cette manière à l’époque, mais oui !
Mes deux parents étant profs de musique,
il semblait naturel d’évoluer vers cette
profession, et je n’ai jamais envisagé
la possibilité d’arrêter car c’était vraiment
ce que je voulais faire. (Il réfléchit) Je
n’avais jamais vraiment pensé à cela
jusqu’à maintenant, mais je dois dire
que mes parents ont sûrement joué un
grand rôle là-dedans ! (rires)
Suivent-ils ta carrière ? Te donnent-
ils des conseils ?
Non, pas vraiment ! Ils se sont mis en
retrait une fois mon éducation achevée.
Et puis, eux ont suivi un parcours
classique, puis ont fondé une famille,
là où je vis l’opposé : je n’ai pas étudié
la musique au-delà du lycée. A la place,
j’ai directement commencé à enregistrer
des albums et à tourner. Je suppose
que c’est un peu moins confortable
comme situation ! (rires) Mais c’est
peut-être plus gratifiant au final !
Tu as commencé la musique directe-
ment avec le heavy metal ?
Oui ! J’étais fan de The Offspring à
l’époque, qui était très populaire. Ils
m’ont vraiment donné la passion. Puis
Iron Maiden a pris le relais quelques
années plus tard. Je me suis retrouvé
là-dedans très jeune...
Et qu’en est-il du metal extrême ?
Il a représenté une grosse part de
moi-même dans la manière dont je
m’exprimais musicalement, de même
que pour le reste du groupe, mais je
me sens de moins en moins attiré par
ce style. Je trouve mon inspiration
ailleurs, n’importe où, et je concocte
un breuvage dans lequel j’intègre
cette inspiration de manière à créer une
musique metal. Mais mon inspiration
ne vient pas du metal, elle en devient !
J’aime toujours cette musique, je suis
immense fan de nombreux groupes,
mais je ne me sens plus autant impliqué
dans cette scène que je l’étais il y a
dix ans, alors que j’étais encore un
adolescent...
Plus de dix ans après la fondation
du groupe, penses-tu que vous
commencez à atteindre le son que
vous recherchiez. Ou n’aviez-vous
aucune ambition précise ?
Nous n’avons effectivement jamais eu
de but concret. Nous ne voulions pas
réaliser un plan précis, puis nous en
satisfaire une fois chose faite. Nous
sommes constamment en mouvement.
La manière dont nous voyons le groupe,
notre ambition, n’est pas simplement
liée à l’idée de créer la meilleure et la
plus inspirante musique qui soit. Nous
souhaitons étendre nos capacités,
exprimer cette inspiration qui nous
vient d’ailleurs, la matérialiser avec
quelque chose de créatif. Ce besoin de
créativité est tout ce qui a toujours
fait avancer le groupe, tout comme
moi sur un plan plus personnel...
T’est-il difficile de juger ta propre
musique, même des mois après l’avoir
enregistrée ?
Ça commence à être plus clair à présent,
mais tout de suite après l’enregistrement,
je suis trop proche dans l’espace et le
temps, trop concentré sur les choses
que nous aurions pu faire différemment.
Aujourd’hui, deux mois après la mise
en boîte du disque, je commence à
pouvoir l’écouter comme de la
musique, sans simplement entendre
toutes ses faiblesses et erreurs ! (rires)
La distance est vraiment importante,
bien sûr ! Le rapport à la musique est
vraiment fait de hauts et de bas : en
général, juste après avoir mis un
morceau en boîte, nous sommes
surexcités : « C’est tellement bon ! ». Et
puis, une fois l’album terminé : « Oh
non ! C’est si mauvais ! » (rires) Nous
commençons à comprendre que plus
nous prenons de distance, mieux nous
sentons les choses !
Entrez-vous en studio avec des
démos complètes ou laissez-vous de
la place à l’improvisation ?
Nous laissons beaucoup de place à
l’impro, même sur les morceaux
terminés avant d’entrer en studio !
Chacun d’entre eux est encore beau-
coup retravaillé, surtout lorsque vient
le moment d’écrire les paroles. Nous
nous asseyons toujours pour écouter
chaque phrasé, voir ce que nous
devrions couper ou ce qui rendrait la
composition meilleure. Nous abordons
toujours cette étape tous ensemble.
Concernant la musique, certaines
parties sont complètes et prêtes à
être enregistrées, d’autres ne sont
pas terminées du tout et il nous faut
les gérer directement en studio. C’est
à ce moment que notre producteur
(Ndlr: Martin Ehrencrona, qui a notamment
bossé avec In Solitude et Vampire) inter-
vient et nous aide beaucoup. Il nous
dit ce qu’il juge bon ou pas, ce que
nous devrions essayer. Nous n’avions
pas encore travaillé de cette manière
auparavant et cela a vraiment repré-
senté une aide, de la part de quelqu’un
qui a un œil extérieur sur notre
musique et est capable de trouver un
moyen de résoudre nos problèmes...
Adam compose systématiquement
ses morceaux en partant d’idées qui
lui viennent d’abord en tête et non
en pratiquant la guitare. En va-t-il
de même te concernant ?
Les choses commencent toujours
comme une émotion, très abstraite au
départ. Une sorte d’excitation créative,
une évocation qui te fait sentir que
quelque chose arrive. Je dois alors
exprimer cette émotion d’une manière
ou d’une autre, la traduire en une
mélodie, un riff ou un rythme de
batterie. Après cela seulement, je
prends ma guitare et rends cette idée
plus concrète, avant de la matérialiser
sous la forme d’une démo que je fais
ensuite écouter aux autres. C’est une
chose très intime, qu’on peut presque
comparer au fait d’être très excité
sexuellement ! (rires)
Ce sont des chants de moines qu’on
entend sur « Lacrimosa » ?
Oui... enregistrés par nos soins ! Nous
avions au départ envisagé de recourir
à un sample, mais nous avons choisi de
chanter nous-mêmes une fois les paroles
trouvées et avons enregistré dans notre
local. Le résultat est meilleur et je suis
content que nous l’ayons fait ! (rires)
Vos morceaux sont très progressifs.
T’arrive-t-il de mixer tes idées avec
celles d’Adam dans un même titre ?
Nous avions l’habitude de faire cela
sur les albums précédents, en particulier
sur le premier. Cette fois, pas du tout.
Nous avons travaillé séparément,
notamment parce que nous n’avions
pas assez de temps pour nous retrouver
et jammer dans notre local. Nous
devions travailler sur le moment.
C’est le processus le plus rapide que
nous ayions jamais connu ! (rires) Peu
importe le niveau de la force créative
qui était la nôtre, il fallait qu’elle soit
constamment poussée au maximum
afin de sortir !
Ressens-tu le besoin de contrôler les
textes des morceaux que tu as toi-
même composés ?
Les paroles et les morceaux sont plus
ou moins construits ensemble. Les
textes sont vraiment connectés au
message que traduit la musique. Je
prends l’exemple de « Nightbound »,
qui est un titre très aventureux,
comme un long voyage, avec beaucoup
de rebondissements, jusqu’à revenir à
un certain point. Au final, ce voyage
t’a pour ainsi dire enseigné quelque
chose qui t’a permis d’en tirer une
conclusion. Cela se retrouve dans la
Nous voulons personnaliser notre
musique et l’atmosphère qui s’en
dégage à l’aide de nos gestuelles,
nos maquillages, nos vêtements
(Jonathan Hultén)
tournure du texte. S’il y a une certaine
dramaturgie dans la musique, il faut
pouvoir la ressentir aussi dans les
paroles. Les deux s’influencent en
une sorte de symbiose...
Y a-t-il un message religieux ou
mystique dans les textes de
Tribulation ?
Oui ! Nous aimons en quelque sorte
dissimuler ces choses. Notre imagerie
n’est pas forcément évidente, précise
et claire. Nous laissons toujours la
porte ouverte à l’interprétation car
c’est une chose très importante pour
nous, encore plus aujourd’hui que
nous avons sorti plusieurs albums.
Je prends l’exemple du titre « The
World » : c’est à ce jour notre morceau
contenant le moins de texte, ce qui est
déjà en soi assez intéressant ! (rires)
Mais tous les mots ont un sens précis
au sein du morceau. Tu peux découper
celui-ci en trois sections différentes,
comme trois phases d’un processus
ouvert à interprétation. Ce processus
débute avec l’angoisse, la tristesse
de l’être humain, qu’il s’agisse d’une
tristesse personnelle ou collective, un
sens du désespoir. La seconde étape,
figurée par le second couplet, montre
une manière possible de changer cet
état des choses afin de vivre une
transformation. Enfin, la troisième
partie montre le fait de retirer de
cette expérience acquise durant tout
le processus de quoi faire grandir le
monde et le soigner. L’idée du chemi-
nement complet serait de trouver une
manière différente de se voir soi-même,
ainsi que les gens autour de soi, et,
encore plus important, le monde
entier qui nous entoure. Le thème de
ce morceau porte sur l’ensemble, la
finalité du tout, tous les symboles
réunis en un seul afin de mieux
comprendre le monde. Voilà qui n’était
pas facile à exprimer en mots ! (rires)
Pas facile, mais intéressant !
Discute-tu parfois avec vos fans de
la manière dont ils interprètent vos
textes ?
Oui, c’est très intéressant. J’aimerais
le faire davantage, même si je n’aime
pas l’idée de devoir moi-même apporter
un sens définitif qui limiterait la
vision des autres. Il devrait toujours y
avoir plusieurs possibilités. Plus ces
choses sont infinies, plus elles restent
vivantes dans nos esprits...
Ressens-tu parfois le besoin de lire
les réactions des fans ou journalistes,
ou préfères-tu garder du recul ?
Je lis quelques trucs, mais pas assez
pour me sentir touché. Il est devenu
vraiment important pour moi de
mettre de la distance entre moi et la
manière dont les gens jugent ce que
nous faisons, qu’ils aiment ou pas.
Trop m’y attacher m’effraierait car
j’aurais peur que cela affecte mes
décisions. Je veux garder le contrôle
de ce que je fais et ne voudrais pas
être tenté d’essayer de plaire à quel-
qu’un d’autre. Nous y perdrions en
authenticité et je ne pense pas que
quiconque serait satisfait au final !
(rires) Il est bien sûr inutile de préciser
que je lis parfois des choses horribles
à notre sujet. Mais je sens que je n’ai
pas besoin de cela, ni des critiques, ni
des éloges. Je veux juste faire ce qui
me plaît, quoiqu’il arrive. Il est plus
facile de se sentir touché par une
insulte, alors mieux vaut s’en tenir
éloigné ! (rires)
L’aspect visuel est très important
dans votre approche de la scène. A
la manière de vos idoles de jeunesse,
Iron Maiden ou Kiss, vous envisagez
Tribulation comme une œuvre au
sens large, pas seulement à travers
la musique...
Oui, c’est très vrai ! Le côté visuel et
shock rock de Kiss ne date pas d’hier,
mais il est vrai que ce genre de chose
revient aujourd’hui. C’est un aspect
très important en ce qui nous concerne,
pour plusieurs raisons. C’est venu
graduellement car nous étions un groupe
davantage orienté punk à nos débuts
sur scène. Puis, notre musique est
devenue de plus en plus introspective.
Nous souhaitions vraiment exprimer
ce que nous avions au fond de nous,
l’aspect sombre de notre musique
devait ressortir de manière plus
tangible, et pas seulement via la
musique. C’est devenu un tout car
nous voulons personnaliser notre
musique et l’atmosphère qui s’en
dégage à l’aide de nos gestuelles, nos
maquillages, nos vêtements. C’est un
tout, ça n’a pas juste à voir avec le
maquillage… Tous ces éléments simples
se fondent dans un ensemble. Y
71
 Propos recueillis par Morgan Rivalin - Interview réalisée le 1er décembre 2017 à Londres (UK)

Le Grim Reaper et sa faux ont inspiré Grimmest Hits, le nouvel album de Black Label Society attendu le 19 janvier. A Londres,
nous n’avons pas croisé la Faucheuse, mais sommes tombés nez-à-nez avec Zakk Wylde, géant barbu qui, tel un Père Noël remonté
à bloc (ah, la caféine !), a vidé sa hotte pour nous couvrir de cadeaux : infos, blagues et autres bons mots. Le guitariste d’Ozzy
Osbourne en a également profité pour nous parler de son futur resto, une sorte de... « Buffalo Grim » ! Allez, c’est parti. Accrochez-
vous au traîneau !

c’est bon, je passe au morceau suivant.
On peut vraiment voir ça comme de la
cuisine, ou comme la construction
d’une maison. Tu prends ton ciment,
tes parpaings, de l’isolant, des tuiles
(NdMR : je pense que vous aviez déjà
compris !) et tu montes tes murs, ta
charpente, et ainsi de suite. C’est
vraiment comme ça que j’aborde mes
compos et nos albums. Je commence
seul, puis mes potos me rejoignent et
nous mettons tous la main à la pâte.
Jeff arrive, il écoute, fait de l’air batterie
sur mes démos pour me montrer ce
qu’il veut faire, on en discute et il
enregistre. En cinq jours, c’était plié.
Et puis, les gars s’en vont et je bosse
mes guitares. J’enregistre seul les
guitares et le chant, et les soli arrivent
en dernier. C’est la dernière touche
apportée au plat. C’est l’assaisonnement,
en quelque sorte : ni trop peu, ni pas
Through The Out Door (1979) en 1973. Ils
n’étaient pas encore prêts. Mentalement,
je veux dire. Ce disque représente leur
vie à ce moment précis. De même,
Black Sabbath n’aurait jamais pu
écrire « Snowblind » sur son premier
album. Il lui a fallu vivre, grandir et
évoluer pour en arriver là. AC/DC
n’aurait pas pu composer Back In
Black (1980) avant Highway To Hell
(1979), etc. etc. C’est ce que j’adore
chez tous mes groupes préférés :
observer leur évolution, prendre du
recul et voir quand a eu lieu tel déclic,
tel tournant, etc.
Réécoutes-tu régulièrement tes
anciens albums ?
De temps en temps. Ça procure toujours
une sensation étrange ! Je me souviens
où j’étais quand j’ai écrit telle chanson,
ce qui se passait dans ma vie, quel âge

Black Label jouera jusqu'à ce

De g. à d. : Zakk Wylde, Jeff Fabb,
John DeServio & Dario Lorina
Rock Hard : Selon toi, ton album
solo Book Of Shadows II (2016) a-
t-il eu un quelconque impact sur le
contenu du nouveau Black Label
Society ?
Zakk Wylde : Sans doute, même si cet
album était un projet à part. Book Of
Shadows II représente vraiment ma
facette la plus calme. Black Label
Society est bien plus... agité ? (sourire)
Si Book... a eu un impact, c’est en
rendant certains de ces nouveaux
titres encore plus heavy. Certaines
idées proviennent des balances des
concerts de la tournée Book… à
laquelle mes camarades de BLS ont
participé. Jouer des titres bien plus
calmes finit par te donner envie de
faire parler la poudre ! Mais je me
suis surtout attelé à l’écriture de ces
nouvelles compos après les dates de
Zakk Sabbath (Ndlr : tribute-band à
Black Sabbath dans lequel officie Blasko,
le bassiste d’Ozzy, et l’ex-batteur de
QOTSA Joey Castillo). J’avais très
exactement trois semaines de repos à
ma disposition, que j’ai mises à profit
pour composer le nouveau BLS. Trois
semaines et pas un jour de plus ! Une
fois ces trois semaines écoulées, mes
camarades du groupe m’ont rejoint au
studio et nous avons enregistré
Grimmest Hits dans la foulée. Et voilà,
ça donne le nouvel album !
Dit comme ça, ça semble facile !
(Rires) C’est de la cuisine : je réunis
mes ingrédients dans le désordre et
les assemble au fur et à mesure. J’ai
mon steak, mes patates, mes légumes,
ma soupe, mon dessert, etc. Je rassemble
tout, je mélange, je goûte, et quand
qu'on le mette six pieds sous
terre ! Tu nous files un billet de
cent et on raboule ! (Zakk Wylde)
assez. Et basta ! Chaque album de avaient mes enfants à l’époque, et
BLS est abordé de la même façon : je ainsi de suite. C’est un instantané,
m’octroie un laps de temps assez c’est comme une photo. Réécouter tes
court pour écrire et je pars d’une page albums est aussi intéressant que de
blanche. Je rassemble mes ingrédients regarder de vieilles photos du lycée.
et je fais ma tambouille en fonction de Ou de mater de vieilles photos
l’inspiration du jour. Je ne sais jamais d’Ozzy, quand il avait une tignasse
ce que je vais écrire, et c’est ce qui est pas possible ! (rires) Ça, c’est vraiment
super là-dedans. Je pars toujours de TRÈS intéressant !
rien et arrive ce qui doit arriver.
Point. Je m’y suis repris à deux fois en
découvrant le titre de ce nouvel
C’est vraiment un instantané de... album. On peut facilement lire
(Coupant la question) C’est ce que Greatest Hits !
chaque album doit être : la représen- (Rires) C’est vrai ! On s’est vraiment
tation d’un moment précis. Led marrés en choisissant ce titre. Tout
Zeppelin n’aurait pas pu écrire In est parti du dessin de la Faucheuse
GENRE ALBUMS ARTICLES RH
. Heavy/groove metal . Sonic Brew (1998) RH N°9, 42, 57, 102, 141 & 183
. Stronger Than Death (2000)
LE GROUPE . Alcohol Fueled Brewtality Live!!
. Zakk Wylde (chant, guitare) +5 (live – 2001)
. 1919 Eternal (2002)
. Dario Lorina (guitare) . The Blessed Hellride (2003)
. . Hangover Music Vol. VI (2004)
John DeServio (basse) . Mafia (2005)
. Jeff Fabb (batterie) . Shot To Hell (2006)
. Order Of The Black (2010)
. Unblackened (live – 2013)
SITE INTERNET . Catacombs Of The Black Vatican
www.blacklabelsociety.com (2014)
. Grimmest Hits (2018)

72
 (Ndlr : « grim reaper », en anglais) qu’on
trouve sur la pochette. Nous avons
commencé à délirer autour du mot
« grim », et tout à coup, ça m’est venu :
« Grimmest Hits » ! (rires) (Ndtraduction :
« les hits les plus sombres ») A partir de
ce moment, nous avons décliné la
Mort en différentes illustrations : la
Mort qui tond sa pelouse, la Mort en
panne de bagnole, qui fait sa lessive,
etc. Un jour normal dans la vie de la
Mort, en somme ! (sourire) C’est de
l’humour Black Label typique : nous
sommes des crétins qui assumons
pleinement nos blagues ! Une fois que
j’avais trouvé ce titre, Grimmest Hits,
je ne pouvais plus envisager autre
chose. Franchement, quand tu écoutes
l’album, tu te dis : la musique est
Réécouter tes albums est aussi intéressant que
de regarder de vieilles photos du lycée. Ou de
mater de vieilles photos d'Ozzy, quand il avait une
tignasse pas possible ! (rires) Ca c'est vraiment
TRÈS intéressant ! (Zakk Wylde)
sombre, c’est vrai, mais y’a aucun
hit ??? (rires)
Pas encore ! L’album n’est pas sorti !
(Rires) Tu sais, je préfère de toute
façon ne pas viser trop haut. Si tu la
ramènes trop et si tes attentes sont
démesurées, tu vas forcément décevoir
et être déçu. Alors que si tu fais profil
bas, tu peux avoir une bonne surprise
! Les gens peuvent aussi se dire : « Oh,
ce groupe n’est pas si mauvais, en fait.
Y’a largement pire ! » (rires) Je préfère ça.
Et certains auditeurs plus jeunes
qui ne vous connaîtraient pas encore
- il y en a forcément - pourraient
également être tentés de découvrir
BLS avec ce disque, en se disant :
« Je vais commencer avec le
‘Grimmest Hits’ ! »
74
(Rires) Putain mec, ce serait excellent !
« Je vais commencer avec le ‘Grimmest
Hits’ » ! (NdMR : attention, rire digne de
Fantômas) MOUAHAHAHAHAHAHA !!!
Excellent ! Moi, tout ce que j’espère,
c’est que l’album plaira autant qu’il
me plaît. Durant l’enregistrement,
nous avons écarté certains titres
pour être sûrs d’être tous à fond sur
chacun de ces titres.
Un événement particulier t’a-t-il
inspiré le mélancolique et touchant
« The Day Heaven Had Gone Away » ?
Oui, bien sûr. Chaque bout de texte
fait référence à quelque chose que j’ai
vécu ou qu’un ami a vécu. Ensuite,
j’emploie des métaphores pour prendre
un peu de distance avec le sujet. En
tant qu’auditeur, j’aime imaginer le
sujet abordé par telle chanson. C’est
toute la beauté de la chose. Et person-
nellement, j’aime autant écrire des
textes que de bosser sur le solo de
guitare d’un morceau. Ces derniers
temps, j’ai parfois été inspiré par
l’actualité, le titre d’un article que j’ai
lu dans la presse, etc. Mais je ne
préfère pas dire « ce morceau parle de
ça et de rien d’autre » parce qu’en tant
qu’auditeur, je n’aime pas qu’on
m’empêche de me faire ma propre
interprétation. Tu sais, il y a beaucoup
de gens qui passent « Stairway To
Heaven » aux enterrements et je sais
que Robert Plant a toujours dit que,
même s’il n’avait jamais envisagé ça,
il respecte totalement cette interpré-
tation et cette utilisation de la chanson.
A partir du moment où tu diffuses une
chanson, elle appartient à quiconque
veut bien se l’approprier.
Tu aimes toujours glisser des
références à tes héros musicaux. Il y
a le clin d’œil à Jimi Hendrix avec le
« kiss the sky » de « Trampled
Down Below » ?
(Surpris) « Kiss the sky » ??? Ah non, je
ne dis pas ça du tout dans ce morceau !
Ah, mes oreilles de Français me
trahissent ! Mais justement, dans
« Purple Haze », beaucoup avaient
entendu « kiss this guy » au lieu de
« kiss the sky », alors bon...
(Rires) C’est tout à fait vrai, et ça a
d’ailleurs fait tout un ramdam à
l’époque qu’un type chante qu’il
veuille embrasser un mec ! Les gens
avaient juste mal compris ce que Jimi
disait. Mais j’en reviens à ce que je
disais à l’instant : tout ça fait partie
de la beauté de la musique. Les gens
interprètent les sujets que tu abordes
et, parfois, en entendant mal ce que tu
dis ! (rires) Personnellement, j’adore
ça !
Un bon album de Black Label
Society doit-il être très varié ?
Varié et équilibré, oui. Il faut des
titres heavy, des morceaux plus calmes,
et ainsi de suite. J’aime qu’il incarne
un peu tout ce que j’aime en matière
de musique. C’est un repas complet :
y’a le steak, les légumes, les patates,
etc. (rires) J’en reviens toujours à
cette comparaison, mais elle décrit
vraiment ce que je pense. J’ajoute
aussi l’apéritif, l’entrée et, pour finir
en beauté, le massage des pieds !
(rires) Je suis DINGUE de massage
des pieds ! C’est d’ailleurs ce que je
proposerai dans mon propre restaurant :
les gens pourront se faire masser les
pieds après, et même PENDANT qu’ils
seront en train de manger !
Tu es sérieux ?!
Oui ! Je vais ouvrir un Black Label
Steakhouse. Tu te fais péter le bide
ET tu te fais masser. C’est pas beau,
ça ??? C’est ma vision du paradis !
(rires) Nous allons le faire. Nous avons
déjà du café Black Label et la sauce
piquante aux couleurs du groupe. La
prochaine étape est ce resto avec les
masseuses qui vont bien. Je pense que
tu en entendras parler !
Si des masseuses s’occupent des
orteils des clients pendant qu’ils
mangent leur bavette, je pense
effectivement que ça ne passera pas
inaperçu !
(Ndlr : le retour de Fantômas) MOUA-
HAHAHAHAHAHAHA !!! C’est clair !
La fille s’affairera sur tes pieds sous
la table pendant que tu bouffes ton
steak ! Les gens feront même la queue
sous la pluie pour y manger ! (rires)
(Ndlr : même si Zakk Wylde semblait
très motivé par ce projet improbable, il
est tout de même possible qu’il soit avant
tout à mettre sur le compte de son 22ème
café de la matinée)
Dans un registre tout aussi « fun »,
le clip de « Room Of Nightmares » ne
se prend clairement pas au sérieux !
C’est sûr ! J’ai adoré le tourner. On me
demande tout le temps : « Mais pour-
quoi t’es-tu déguisé en gorille ? » Ça me
semblait évident : sur scène, je passe
mon temps à battre mon torse. Au
sein du groupe, on m’appelle « le
gorille », ou encore The Ultimate
Warrior (Ndlr : célèbre catcheur américain
décédé en 2014). C’était évident. C’est
mon hommage à ce bon vieux King
Kong ! Un gars bien, avec un cœur
gros comme ça ! (sourire) L’idée du
clip était de tourner en dérision le
déclin de l’industrie du disque.
Puisque les albums ne se vendent
plus, il faut compenser en jouant
partout où on veut bien de nous : les
anniversaires des gamins, les bar
mitzvahs, les mariages, etc. On
prend tout ! Les baptêmes, les enter-
rements... (rires) Black Label jouera
jusqu’à ce qu’on le mette six pieds
sous terre ! Tu nous files un billet de
cent et on raboule ! (rires)
Attention à ce que tu dis : tu vas
crouler sous les demandes !
Hé, un sou est un sou ! (Désignant les
nombreux cafés qu’il a déjà ingurgités)
Ça nous paye notre dose de caféine !
Je sens que nous allons recevoir des
mails : « J’aimerais payer Zakk
Wylde pour qu’il vienne jouer à
mon anniversaire. Pouvez-vous
transmettre ? »
(Rires) C’est bien possible !!!
Plus sérieusement, tu n’aurais pas
vraiment le temps : entre les
concerts d’Ozzy Osbourne et ceux
de BLS, ton année va être très
chargée. Aux USA, tu vas d’ailleurs
bientôt tourner avec Corrosion Of
Conformity et Red Fang. Jolie affiche !
Tu oublies aussi Eyehategod : un
groupe de parfaits catholiques ! (rires)
Oui, c’est une très belle affiche. Je
suis vraiment ravi de retrouver COC et
mon pote Pepper (Keenan). C’est un
bon ami. Super guitariste, super
chanteur et super compositeur ! Je
suis très enthousiaste.
Ces groupes ne seront toutefois
pas de la partie sur votre tournée
européenne, qui passera à Toulouse
et à Paris, au Bataclan...
(Coupant la question) Mec, laisse-moi
te dire que j’ai adoré notre dernier
concert au Bataclan (Ndlr : le 26 février
2015/Cf. RH153). Ce final avec la
salle remplie de confettis, j’ai adoré
ça ! J’en garde précieusement une
vidéo que je regarde de temps en
temps. Je trouve ça super que la salle
ait réouvert rapidement en hommage
à tous ceux qui y ont péri. Je trouve
qu’il est extrêmement important d’y
célébrer la musique et la vie. Nous
avons vraiment hâte d’y jouer.
Tu n’as pas hésité un seul instant ?
Non, pas du tout. Si tu ne joues pas au
Bataclan parce qu’il y a eu un attentat,
alors les terroristes ont gagné. En
jouant là-bas ou en allant y voir des
concerts, tu célèbres la vie. C’est le
triomphe ultime !
Pour en revenir aux clins d’œil que
tu glisses dans tes morceaux, il y a
bien une référence à « Iron Man »
(Black Sabbath) dans « Disbelief »,
non ?
La note que je tords au début du
morceau ? (Il fredonne ce passage) Oui,
oui, c’est un vrai clin d’œil à « Iron
Man », je ne le cache pas. Tu sais, je
mets toujours une bonne dose de Black
Sabbath dans toute recette de Black
Label… (sourire) C’est un ingrédient
puissant qui donne toujours du goût ! Et
en plus, c’est très bon pour la santé.
C’est bourré d’antioxydants ! (rires)
Si tu ne joues pas au Bataclan parce qu'il y a eu un attentat, alors les
terroristes ont gagné. En jouant là-bas ou en allant y voir des
concerts, tu célèbres la vie. C'est le triomphe ultime ! (Zakk Wylde)
C’est Ozzy qui t’a dit ça ?
Oui ! Ça lui réussit ! (rires)
En parlant d’Ozzy Osbourne, tu
rejoues avec lui depuis cet été
(Ndlr : ses derniers concerts avec
le Madman remontaient à 2009).
Comment se sont-ils déroulés ?
Parfaitement bien ! Ozzy, Sharon
(Osbourne) et moi, c’est une très
longue histoire. Quand Sharon m’a
demandé si j’étais partant pour
revenir au bercail, je n’ai pas hésité.
C’est la famille ! Ozzy est d’ailleurs le
parrain d’un de mes fils. Tout s’est
extrêmement bien passé. J’ai pris mon
pied !
Le 21 août, vous avez donné un
concert mémorable lors du
Moonstock, un festival américain
organisé le jour de l’éclipse solaire.
Raconte-nous...
C’était géant ! Le timing était parfait :
tout avait été calculé pour que l’éclipse
débute quelques instants après le
début de « Bark At The Moon ». A 13
heures et quelques, on aurait dit qu’il
était minuit ! C’était vraiment super
cool. Assez déstabilisant aussi car, ce
jour-là il devait faire pas loin de 40
degrés. Quand la Lune a fini de passer
devant le Soleil, c’était comme si
quelqu’un venait de rouvrir la porte
du four ! (rires) Ce fut une expérience
à part, même si, de tous les spectateurs
présents, nous avons été les seuls à
ne pas avoir réellement vu l’éclipse.
Elle avait lieu derrière nous ! (rires)
La cohabitation du planning de BLS
avec celui d’Ozzy ne va-t-il pas être
compliqué ?
Non, tout est bien planifié. Je vais
passer sept mois avec BLS avant de
partir en tournée avec Ozzy. Et quand
le Boss fera un break, nous repartirons
sur les routes avec BLS. Ça va être
chargé, mais je sais que tout va bien
se goupiller. De toute façon, je préfère
largement ça. J’adore que mon planning
soit chargé. Ça me donne une raison
de sortir du lit le matin !
Tu as toujours appelé Ozzy le
« Boss », n’est-ce pas ?
Toujours ! C’est naturel et, dans ma
bouche, c’est une marque de respect.
Je le respecte et je l’aime. C’est soit
« le Boss » ou... « The Prince Of
Dafness » ! (rires) (Ndlr : mélange du
« Darkness » de « Prince Of Darkness » et
de « Deafness », qui veut dire « surdité »)
C’est Ozzy qui se surnomme comme ça !
C’est l’homme qui a le plus d’autodé-
rision au monde. Je l’ai déjà dit, mais
c’est vrai : c’est un miracle que
nous arrivions à bosser ne serait-ce
que cinq minutes tant il déconne en
permanence. Avec lui, tu es toujours
mort de rire. Tu vois ce magazine ? (Il
désigne un mag metal anglais sur la
table) Si Ozzy était là, il le prendrait et
se mettrait à imiter tous les mecs qui
y sont en photo. Il est extraordinaire !
C’est le meilleur.
Tu considères les fans de BLS de
chaque pays, et même de chaque
ville, comme des membres de clubs
locaux que tu nommes les chapters.
Quelle est leur origine ?
Mon voisin Scotty faisait partie des
Deadheads (Ndlr : surnom donné aux
fans du Grateful Dead). Les autres fans
du coin se retrouvaient chez lui, dans
le New Jersey, et ils partaient en
convoi pour voir les concerts donnés à
New York, Boston, etc. Ils partaient
parfois jusqu’à Cleveland en bus (Ndlr :
les Deadheads se cotisaient pour racheter
d’anciens bus de ramassage scolaire)
pour voir le Dead et retrouvaient les
autres chapters en cours de route. J’ai
toujours trouvé ça génial : le point
commun qu’ils avaient était leur
passion pour ce groupe, mais à force
de se fréquenter, ils devenaient aussi
de vrais amis. Porter les couleurs des
Deadheads permettait également de
sympathiser dans un bar, dans sa ville
ou même à l’autre bout du monde. Je
m’en suis inspiré pour les chapters de
BLS. Ca finit parfois, et même très
souvent en meilleurs amis du monde,
en témoins de mariage et même en
mariages. Je ne compte plus le nombre
de fans qui m’ont dit : « J’ai rencontré
ma future femme parce qu’elle portait un
t-shirt Black Label ». C’est génial ! Ces
chapters dépassent largement ma petite
personne ou le groupe : ils forment
une communauté à part entière.
Quand tu vas dans une ville, tu sais
que tu peux compter sur untel ou
untel. C’est super cool !
C’est un vrai réseau social, au sens
propre du terme...
Exactement : « un VRAI réseau
social » ! C’est la famille. Une famille
de Berserkers ! (Ndtraduction : de
« déchaînés », en gros)
Qu’entends-tu par « Berserker » ?
Faut juste comprendre que ce mot
incarne la maxime : « Quoi que tu fasses,
vis ta vie à fond ! ». Par exemple, si
tu regardes un film porno, fais-le en
t’éclatant les burnes comme jamais
!!! (rires) Donne-toi à fond ! Essaye
même d’atteindre le plafond !!! (rires)
(A l’attachée de presse anglaise
présente dans la pièce) Je m’excuse
de sa part !
MOUAHAHAHAHAHAHAHAHAHA-
HAHAHA !!! (NdMR : la demoiselle
nous explique que c’est loin d’être la pire
chose à laquelle elle a eu droit depuis la
veille. Visiblement, Zakk Wylde a
notamment évoqué un problème gastrique
« gratiné », suite à un déjeuner dans
un restaurant mexicain, pour expliquer
l’origine des paroles de « Room Of
Nightmares ». Après ce déjeuner, chaque
pièce dans laquelle il passait devenait un
« lieu cauchemardesque » pour quiconque
s’y trouvait !)
Tout ça m’évoque le nouveau DVD
Dimevision qui vient de sortir et
dans lequel on te voit notamment
boire des verres avec Dimebag
Darrell à plusieurs reprises...
Ah, c’est génial ! C’était de sacrés
bons moments. Ça me fera super
plaisir de découvrir tout ça car je ne
l’ai pas encore vu. Rita (Ndlr : Rita
Haney, la compagne de Dimebag) m’a
dit que je serais dedans. Elle va m’en
envoyer un exemplaire. Je lui ai dit
que je voulais garder la surprise, alors
elle ne m’en a pas dit davantage. J’ai
très hâte de voir le DVD. Je sais que je
vais me poiler ! Y
75

George Young, le père d’AC/DC, Rose Tattoo et The Angels,
s’est éteint le 22 octobre 2017 à l’âge de 70 ans. Peu le
savent, mais le grand frère d’Angus et Malcolm a joué un
rôle considérable dans le succès d’AC/DC, y tenant tour à
tour le rôle de producteur, conseiller artistique, bassiste,
batteur et même chanteur : « Un soir de 1974/75, Bon
Scott étant malade, j’ai dû prendre sa place le temps
d’un concert. Mais Je chante très mal, vous savez. Le
public a aimé le groupe, mais pas le chanteur ! » me
confiait-il en 1992. Humilité et discrétion sont souvent
l’apanage des grands. George Young, petit par la taille,
immense par le talent, était de ceux-là.
76
EASY WRITER
George Redburn voit le jour le 6
novembre 1946 à Glasgow (Ecosse).
En mai 1963, ses parents William et
Margaret, à la tête d’une famille
nombreuse, s’envolent pour l’Australie
en quête d’un nouvel Eldorado. A
Sydney, ils déchantent rapidement
lorsqu’ils se voient parqués dans de
simples baraquements au Villawood
Migrant Hostel. George, du haut de ses
17 ans et passionné de guitare, voit les
Un hommage de Philippe Lageat
choses d’un autre œil et profite de ce
« nouveau départ » pour se faire des
copains au sein même du village et
dans ses environs. Les principaux
sont le guitariste hollandais Johannes
Hendrikus Jacob van den Berg (alias
Harry Vanda), le bassiste hollandais
Dingeman Vandersluys (alias Dick
Diamonde) et le chanteur Stevie Wright,
un Anglais originaire de Leeds. C’est à
la fin 1964 que ces quatre-là, bientôt
rejoints par le batteur liverpuldien
Gordon « Snowy » Fleet, forment
The Easybeats. Le groupe est repéré,
De g. à d. : Malcolm Young, Bon Scott,
Angus Young & George (Sydney 02.1979)
auditionné puis signé par Ted Albert,
un jeune de 25 ans fan de rock’n’roll
qui, inspiré par les Beatles qui viennent
de tourner dans le pays, veut créer
une vague australienne en soutenant
des artistes locaux via son label Albert
Productions. Après un premier single,
« For My Woman », c’est en mai
1965, avec « She’s So Fine », que les
Easybeats décrochent la troisième
place des charts australiens. Très vite,
le succès du groupe devient colossal :
l’Angleterre succombe à la Beatlemania,
l’Australie à la Easyfever. Un après-
midi, le cadet de la famille Young, un
certain Angus McKinnon (31.03.1955),
rentre de l’école et tombe nez à nez
avec des dizaines de groupies
hystériques qui essaient de
pénétrer dans sa maison,
l’adresse de George ayant été
révélée par un magazine.
Angus se souvient : « J’ai vu
tous ces flics, ces barrières
qu’ils avaient installées dans
la rue pour empêcher les gens
de passer, alors je me suis
approché d’un policier et j’ai
essayé de lui expliquer : « Puis-
je passer ? Je vis dans
cette maison ! » Et le flic m’a
répondu : « Fiston, tout le monde
me dit la même chose ! »
Hahaha ! ». C’est très vrai-
semblablement la notoriété
grandissante de George qui
incite Angus et un autre
frère, Malcolm Mitchell
(06.01.1953), à quitter rapi-
dement les bancs de l’école
pour trouver du travail et,
surtout, pratiquer la guitare
afin de tenter leur chance
eux aussi. Le 10 juillet
1966, après avoir publié les
albums Easy et It’s 2 Easy,
les Easybeats débarquent à
Londres pour tenter de s’im-
poser à l’échelle internationale.
Volume 3, un troisième LP que
les gaillards ont enregistré
peu de temps avant, sort le 3
novembre 1966 et truste les
charts, mais c’est grâce au
lumineux single « Friday On
My Mind », produit par Shel
Talmy (The Kinks, The Who),
enregistré en une seule prise
et publié dans la foulée, que
les Easybeats décrochent la
timbale : 1er en Australie, 6ème
au Royaume Uni, 16ème aux
USA, dans le Top 10 en
France, cet irrésistible 45
Tours (qui, en 1973, sera
repris par David Bowie sur
Pin Ups, puis, plus tard, par
une avalanche d’artistes parmi
lesquels Bruce Springsteen,
Blue Öyster Cult et Gary
Moore avant, en 2001, d’être
élu « meilleure chanson austra-
lienne de tous les temps » !)
permet à George et ses
compères de tourner en pre-
mière partie de Cream, mais
aussi des Rolling Stones.
© P. Morris / Dalle
Hélas, mal conseillé et managé,
en proie à une pression énor-
me, le jeune combo se fait de
plus en plus sophistiqué et
ne parvient pas à rééditer
l’exploit en dépit de deux
nouveaux albums, Good
Friday (1967) et Vigil (1968). Ce dernier
renferme pourtant le superbe « Good
Times » dont il se dit que quand Paul
McCartney (The Beatles) l’a entendu
pour la première fois, il a garé sa
voiture et a téléphoné à la station radio
pour demander qu’elle le repasse !
Pour info, ce morceau a également été
repris par Inxs & Jimmy Barnes dans
une superbe version en 1986 (pour les
besoins du film The Lost Boys), mais
aussi par Meat Loaf en 1995. En
octobre 1969, un mois environ après
une courte tournée européenne et cinq
semaines de dates australiennes, The
Easybeats annonce son split. Le line-up
originel se reformera 17 ans plus tard,
en 1986, le temps d’un ultime baroud
d’honneur australien.
INVITÉS
DE MARCUS
Depuis la fin 1967, George Young et
son inséparable partenaire d’écriture
Harry Vanda, prévoyants, ont commencé
à composer pour d’autres, dans tous
styles. De 1969 à 1973, les deux
guitaristes, qui ont installé leur QG dans
un appartement londonien transformé
en studio 4 Pistes, écrivent sans relâche,
produisent également. En juin et
novembre 1972, ils enregistrent deux
sessions aux mythiques Abbey Road
sous la houlette du producteur Alan
« Wally » Waller (ex-bassiste de The
Pretty Things) et en compagnie d’Alex
Young (saxophone), l’un des grands
frères de George, du batteur Freddie
Smith (ex-Easybeats) et du bassiste
Ian Campbell. Avant la sortie d’un
premier 45 Tours, « Natural Man », le
groupe, qui a pour nom The Jay Jays,
décide d’opter pour le patronyme
Marcus Hook Roll Band. En juillet et
août 1973, alors que George et Harry
s’en sont retournés en Australie pour
devenir les producteurs attitrés des
nouveaux studios de Ted Albert (« Il
nous a fait une offre qu’on ne pouvait pas
refuser ! » dira Vanda), Wally retrouve
le tandem aux EMI Studios de Sydney
pour mettre en boîte des morceaux
supplémentaires en vue de la sortie
d’un album. Harry est à la guitare lead
et ponctuellement au chant, tandis que
George tient la guitare rythmique et la
basse. Il lui arrive aussi de passer
derrière le micro et le piano. Malcolm
Young, âgé d’à peine vingt ans, est
présent, à la demande de George,
évidemment. Wally se souvient :
« Trouvant Malcolm vraiment doué, tant
en lead qu’en rythmique, j’ai dit à
George : « Dis donc, il assure ton petit
frangin ! ». Il m’a répondu en se marrant :
« J’en ai un autre à la maison, qui
s’appelle Angus. Il est encore plus
jeune ! Il faut le voir pour le croire ! ».
Alors, je lui ai dit : « N’hésite pas à
nous le ramener la prochaine fois ! ».
On voyait que Malcolm avait déjà un
certain métier car il semblait très à l’aise
en studio, mais Angus, lui, était très, très
jeune. Et je crois que George a voulu
profiter de ces sessions pour l’initier un
peu au travail en studio ». Il ajoute, à
propos de George : « Il traitait ses frères
en égaux. En aucun cas, il ne se posait en
patron. Bien sûr, quand il avait un truc à
dire, il ne s’en privait pas, mais il était
très respectueux envers eux. (…) En cela,
George accordait à chacun l’espace
nécessaire pour qu’il puisse pleinement
s’exprimer, y compris à ses frangins. Il
n’exigeait rien d’eux, se contentant à
l’occasion de leur donner quelques
conseils si cela lui semblait nécessaire. Il
ne se posait pas en grand frère, mais tout
simplement en frère. Tout le monde savait
que c’était lui le patron et cela lui suffisait
amplement, il n’en abusait pas. Après
tout, s’il avait amené Angus et Malcolm
en studio, c’est avant tout parce qu’il
savait qu’ils avaient le niveau requis et
qu’il voulait les plonger dans le grand
bain ». Le Tales Of Old Grand-Daddy du
Marcus Hook Roll Band, qui sort en
1973, est donc le premier album sur
lequel, couvés par un George bien-
veillant, Angus et Malcolm Young ont
fourbi leurs premières armes en studio.
Nous ne saurions trop conseiller ce
disque (sur lequel jouent donc quatre
frères Young), réédité en juin 2014, aux
amoureux d’AC/DC qui y découvriront
les fondations de leur groupe de cœur
(« Quick Reaction » est un « T.N.T »
avant l’heure…).
LE
MARIONNETTISTE
Lorsque, fin 1973, Malcolm Young
(guitare rythmique) forme AC/DC en
recrutant Dave Evans (chant), Larry
Van Kriedt (basse), Colin Burgess
(batterie) et son petit frère Angus
(guitare lead), George est déjà présent,
prompt à distribuer les conseils et à
filer un coup de main bienvenu, ainsi
que nous le confie Dave Evans : « C’est
déjà une légende vivante. Il vient nous
voir répéter une semaine après que le
groupe se soit formé, craque et promet de
nous faire enregistrer très rapidement un
premier 45 Tours. Je n’en crois pas mes
oreilles ! Il devient notre mentor, il a
tant d’expérience… Rien que le fait d’être
dans la même pièce que lui est pour moi
un honneur incroyable ! Vu ses accointances
avec le label Albert Productions, il tient
rapidement parole puisque, dès janvier
1974, il nous apprend que nous allons
entrer en studio sous sa houlette ! ». C’est
donc George qui intercède auprès de
Ted Albert pour permettre à un AC/DC
balbutiant de dénicher son premier
label. En studio, ce sont Vanda et lui
qui produisent ce premier single, « Can
I Sit Next To You Girl/Rockin’ In The
Parlour ». « Je ne connais aucune de
ces deux chansons, avoue Evans. Jamais
entendues ! On me confie les paroles que
je dois chanter, et George ou Malcolm me
les fredonne pour m’indiquer la marche à
suivre. Je n’ai pas grand-chose à dire,
alors je suis les directives et j’ouvre
grands les yeux et les oreilles (…) Me
retrouver en studio avec George Young et
Harry Vanda est purement fascinant ! ».
Non content d’aider ses jeunes frères à
peaufiner ces compos et à en sortir la
substantifique moelle, George en
réenregistre les parties de basse (un
instrument qu’il maîtrise à la perfec-
tion, parmi de nombreux autres !) de
Van Kriedt. Homme à tout faire, il lui
arrive également, dans les mois qui
suivent et à l’occasion de concerts, de
remplacer au pied levé le batteur Colin
Burgess ou les bassistes qui se succè-
dent. La presse nationale, d’ailleurs,
ne s’y trompe pas, voyant en AC/DC le
protégé de l’ex-Easybeats. Lorsque
sort « Can I Sit Next To You Girl », le
fanzine rock Who Put The Bomb écrit :
« AC/DC n’est très probablement rien d’autre
que le tandem Harry Vanda/George Young
entouré de requins de studio. Mais s’il
s’agit d’un vrai groupe, sa ressemblance
avec les Easybeats des débuts est étonnante.
Les Easybeats étaient bien sûr connus
pour leurs dynamiques surpuissantes (…)
et ce 45 Tours est une évolution moderne
de ce son classique, avec des riffs et des
thèmes heavy 70’s. Comme si The Sweet
avait écouté en boucle « Friday On My
Mind », « Sorry » et « Easy As Can Be »
durant une semaine, puis tenté de faire
mieux ». Dès le départ, les observateurs
77
 au parfum comprennent que, et de réenregistrer les parties
tout doués que soient Malcolm de chant de Brian Johnson.
et Angus Young, c’est, dans Toujours aidé par Vanda,
l’ombre, George qui tire les c’est lui qui permet à un
ficelles en évitant à ses protégés AC/DC essoufflé de sortir la
de tomber dans les mêmes tête de l’eau en produisant
pièges que lui. Le 15 août 1974, notamment le hit « Who
par exemple, alors qu’AC/DC Made Who » (1986) et l’album
ouvre pour Lou Reed, l’homme Blow Up Your Video (1988).
se déplace jusqu’à Melbourne Obligé de laisser la place à
afin de s’assurer que ses petits Bruce Fairbairn sur The
frères, sabotés deux jours plus Razors Edge (1990) à cause
tôt à Sydney, bénéficient d’un de problèmes familiaux, il
son correct et suffisamment sort de sa retraite pour
puissant. C’est qu’on ne déconne épauler une dernière fois ses
pas avec George Young… Le cadets en studio, seul cette
25 janvier 1975, alors qu’AC/DC fois-ci (Stiff Upper Lip/2000).
doit succéder à Deep Purple Et puis, n’oublions pas :
sur la scène du Sunbury Pop George Young, c’est aussi
Festival, à Victoria, Bon Scott celui qui a donné sa chance à
(chant) et Phil Rudd (batterie), Rose Tattoo et The Angels,
qui n’ont rejoint le groupe que les deux autres perles du
très récemment, comprennent hard rock australien, en les
rapidement qui est le « marion- signant et en produisant leurs
nettiste », ainsi que nous premiers et indispensables
l’explique Malcolm Young : De g. à d. : LP’s : Rose Tattoo (1978),
« Lorsque nous arrivons sur le Malcolm, George Assault & Battery (81),
site, on nous apprend que Deep & Angus (2012) Scarred For Life (82) pour les
Purple, qui a failli annuler sa premiers, The Angels (1977)
participation les jours précédents, est bien personne de bon conseil. C’est le type le pour les seconds. Le Rock & Roll
présent et que nous allons donc devoir L’ANGE plus futé qu’il m’est arrivé de croiser Women (1982) du tandem féminin
jouer après son set, vers une heure du dans le business. C’est un excellent Cheetah ? C’est encore lui !
matin. A l’heure dite, alors que nous nous GARDIEN compositeur, un producteur et un musicien
préparons à monter sur scène, l’équipe hors-pair, il comprend le rock’n’roll Rock Hard oblige, nous n’avons abordé
technique de Purple commence à démonter Sur ce premier LP publié le 17 février mieux que personne. Je pense sincèrement ici que le visage « hard rock » de ce
le matériel du groupe sous nos yeux : 1975, toujours produit par le tandem que, sans les Easybeats, AC/DC n’aurait visionnaire, mais on lui doit, par
amplis, rampes de lights, etc. Nous Vanda/Young, George tient encore la jamais vu le jour. Angus et Malcolm ailleurs, de très nombreux hits
sommes furieux car cela signifie qu’il va basse sur de nombreux titres, en sont très largement inspirés par le succès comme « Black Eyed Bruiser », du pur
nous falloir patienter jusqu’à quatre heures lieu et place d’un Rob Bailey dont il a que leur grand frère a connu avec les AC/DC, et « Evie » (Stevie Wright),
du matin pour pouvoir jouer. Ce qui est réenregistré la plupart des parties Easybeats. Je crois qu’ils veulent rééditer « Walking In The Rain », « Waiting For
hors de question. Nos roadies montent mais qui est pourtant crédité. En l’exploit à leur façon, en imitant leur A Train » et « Ayla » de Flash And
donc sur scène comme si de rien n’était 1992, il s’en confie à l’auteur de ces aîné (…) J’apprends beaucoup à l’époque The Pan (projet pop avec Vanda), ou
afin de brancher nos instruments. lignes : « C’est vrai, il y a deux bassistes et je suis très reconnaissant de ce qu’un encore le giga tube « Love In The Air »
Evidemment, le crew de Purple se met à sur cet album, Rob et moi. Je me souviens producteur comme George peut m’inculquer. chanté par John Paul Young. Et ce
gueuler et à virer ces derniers comme des notamment avoir joué sur le titre « High C’est passionnant de travailler en studio n’est là que la partie visible de « l’ice-
malpropres. Alors, nous nous y mettons à Voltage ». Le groupe était très occupé à avec un tel génie ! Il est brillant ». C’est berg George Young », homme orchestre
notre tour, jusqu’au moment où George, l’époque. Il jouait partout, et Dieu sait si ce génie qui a la merveilleuse idée d’exception, visionnaire, producteur
qui a fort à faire avec Bruce Payne, le l’Australie est un grand pays. Aussi, de la cornemuse sur « It’s A Long Way de génie (« Mon problème n’est pas de
manager de Deep Purple, très méprisant quand il revenait à Sydney, il n’avait pas To The Top », par exemple. Le reste savoir si le son est parfait, du moment
et qui ne veut rien entendre, balance une beaucoup de temps pour rester en studio. fait partie de l’histoire : de 1975 à que le feeling est présent, m’avait-il confié
pêche à ce dernier. Baston générale sur Ensuite, il se rendait à Brisbane ou à 1978, George place AC/DC sur les bons un jour, à Londres) et compositeur
scène, devant 16000 spectateurs ! (rires) Melbourne, et je restais seul avec les rails en produisant T.N.T. (1975) – et d’exception sur l’œuvre duquel nous
Harry Vanda, George, les roadies, tout le bandes masters. La basse étant parfois par extension le High Voltage européen ne saurions trop vous conseiller de
monde s’écharpe ! Au final, nous ne un peu faible, je refaisais certaines parties (76) – Dirty Deeds Done Dirt Cheap vous pencher plus avant. « George nous
jouons pas et quittons le site furax. Le moi-même ». Le mois suivant, avec (76), Let There Be Rock (77), Powerage a appris à faire avec ce que nous avions,
lendemain, dans les journaux, on ne parle l’arrivée de Mark Evans, AC/DC se (78) et If You Want Blood (78). Rien à sortir le meilleur de nos instruments »,
que de ça : « Un jeune groupe australien stabilise enfin. Le jeune bassiste est que ça… En 1983, alors qu’Angus et résumait Angus Young en 2000. A vrai
résiste au géant Deep Purple ! ». L’air lui aussi impressionné par George, Malcolm s’autoproduisent pour la dire, l’ange gardien d’AC/DC a fait
de rien, ça nous fait une bonne pub, comme il nous le confie : « Je ne dirais première fois, c’est lui qui vient à la bien plus que ça… Y
d’autant que notre premier album, High pas qu’il agit en patron, mais il est rescousse afin de superviser, à New
Voltage, n’est pas encore sorti ! ». pour nous une sorte de mentor, une York, le mixage de Flick Of The Switch

GEORGE YOUNG : AC/DC THE ANGELS CHEETAH

• It’s A Long Way To • Am I Ever Gonna • Rock’n’Roll Woman
LA COMPILE The Top • Live Wire • See Your Face Again • Bang Bang
Une sélection pour (re)découvrir T.N.T. • High Voltage •
le talent du grand frère. Dirty Deeds Done Dirt ROSE TATTOO FLASH AND THE
Cheap • Let There Be • Rock’n’Roll Outlaw PAN
THE EASYBEATS Rock • Whole Lotta • Nice Boys • Butcher • Money Don’t Lie •
• She’s So Fine • Sorry Rosie • Bad Boy Boogie And Fast Eddy • Bad Hey, St. Peter •
• Friday On My Mind • • Riff Raff • Gone Boy For Love • One Waiting For A Train
Good Times • St. Louis Shootin’ • Gimme A Of The Boys • Out Of • Ayla
• Rock And Roll Boogie Bullet • Up To My This Place • Scarred
Neck In You • Down For Life • Rock’n’Roll
THE MARCUS HOOK Payment Blues • Guns Is King •
ROLL BAND For Hire • Who Made
• Quick Reaction • Who • That’s The Way RAY ARNOTT
Natural Man • Can’t I Wanna Rock’n’Roll • • On The Run •
Stand The Heat Two’s Up • Heatseeker Rock’n’Roll Girl
• Stiff Upper Lip •
STEVIE WRIGHT House Of Jazz • Satellite JOHN PAUL YOUNG
• Black Eyed Bruiser • Blues • Can’t Stand • Yesterday’s Hero •
Evie • Hard Road Still Love Is In The Air

78
 De g. à d. : Alan Ashby, Valentino Arteaga,
Aaron Pauley & Phil Manansala
Propos recueillis par Morgan Rivalin - Interview réalisée le 04 décembre 2017 à Paris
Survivre au départ d'Austin Carlile, son fondateur et frontman charismatique ? Of Mice & Men relève le défi avec Defy. Nous avons
interrogé le batteur Valentino Arteaga à l'occasion du concert du groupe donné avec Five Finger Death Punch et In Flames, à
l'Olympia.
Rock Hard : Defy incarne bien les syndrome de Marfan, une maladie Pauley (basse) endossant le rôle de nous avons tout enregistré en une
messages qui sont chers à Of Mice génétique qui touche l’ensemble des frontman. Un choix évident ? seule journée.
& Men depuis ses débuts : dépasser organes du corps humain). Nous avons Oui, vraiment. Il était évident de
ses limites, relever les challenges, etc. annulé une tournée européenne l’an continuer car ce groupe et ses Vous avez tourné en Europe avec
Valentino Arteaga : Exactement. dernier parce que les médecins fans le méritent, et il était tout Linkin Park en 2014 et connaissiez
Defy est notre cinquième album et il avaient formellement interdit à aussi clair qu’Aaron était la bonne bien Chester Bennington. Etiez-
a été abordé dans un contexte très Austin de monter sur scène. Il a personne. Nos concerts donnés à vous en train de travailler sur Defy
particulier. Nous avons voulu qu’il alors accepté de se reposer, ce que quatre, comme nous l’avons fait au quand on vous a annoncé sa mort,
parle de motivation, de challenges et nous avons tous salué. Quand il nous Hellfest cet été, nous ont prouvé le 20 juillet ?
d’espoir, parce que c’est vraiment ce a dit qu’il quittait le groupe, nous que nous avions raison. En studio, Nous n’étions pas en studio ce jour-
dont nous avions besoin à ce moment avons parfaitement compris. Howard Benson (P.O.D., Papa là. Aaron venait de composer un
précis. Roach) nous l’a également confirmé. morceau et nous étions tous réunis
Austin a écrit sur le Net que vous Il a adoré travailler avec Aaron ! Il chez lui – nous étions voisins à l’époque
Il y a quasiment un an, Austin étiez en désaccord sur vos nouvelles n’arrêtait pas de dire : « Je n’arrive – pour l’écouter quand la nouvelle
Carlile annonçait son départ du compos... pas à croire qu’il arrive à chanter ça ! est tombée... (Il marque une pause)
groupe pour raisons de santé. Quel J’ai lu ça comme toi, mais je ne sais Ce mec est doué !!! » (rires) Aaron, Mec, ça nous est tombé dessus
impact sa décision a-t-elle eu sur pas à quoi ça fait référence car nous qui vient du conservatoire, a vraiment comme un mur de briques ! Chester
vous et sur cet album ? n’avions pas encore commencé à une maîtrise incroyable de sa voix. était un bon ami. C’est con de dire
Son départ a eu un gros impact sur composer Defy ! Ce n’est vraiment Même moi, qui joue pourtant avec ça, mais nous l’avions vu moins d’un
la création de l’album et sur le groupe, pas fondé. Quand il a quitté le lui depuis 2012, j’ai halluciné ! Il en mois plus tôt et, pour cette raison, la
bien sûr. Nous savions qu’il risquait groupe, Austin nous a recommandé faut beaucoup pour impressionner nouvelle nous a semblé encore plus
de survenir un jour et Austin avait des noms de remplaçants potentiels un producteur du calibre d’Howard incroyable. Nous nous étions vus au
d’ailleurs déjà quitté Of Mice & Men à contacter pour lui succéder. Il a Benson, et c’est ce qu’Aaron a fait Hellfest où nous avions pris près d’une
à plusieurs reprises par le passé. Ce toujours été dans un excellent état chaque jour. Je lui tire un grand coup heure dans la salle du restaurant
ne fut pas une énorme surprise, d’esprit et d’ailleurs, je l’en remercie. de chapeau ! artistes pour discuter et prendre des
principalement parce que sa maladie nouvelles car ça faisait un bail que
est grave et qu’elle a de réelles consé- Vous avez finalement décidé de Qui a eu l’idée de reprendre nous ne nous étions pas vus. Je
quences sur sa forme au quotidien ne pas recruter qui que ce soit et « Money » de Pink Floyd ? savais qu’il était rongé par des
(Ndlr : Austin Carlile est atteint du de continuer à quatre, Aaron Howard Benson a proposé de démons dont il n’arrivait pas à se
tenter une reprise, mais c’est débarrasser, parce qu’il en parlait
GENRE Aaron qui a pensé à « Money ». dans ses chansons, mais ce n’était
SITE INTERNET ARTICLE RH
. Metalcore/metal alternatif J’étais assez dubitatif... « Pink pas le genre de sujets qu’il abordait
www.ofmiceandmenofficial.com RH N°183 Floyd, vraiment ?! On ne s’attaque pas avec ses amis, en privé. De ça, il ne
LE GROUPE à une icône... ». Et Howard, qui est nous parlait jamais. C’était quelqu’un
ALBUMS
. Aaron Pauley (chant, basse) toujours très volontaire, m’a rétor- de très jovial et d’infiniment drôle.
. Of Mice & Men (2010)
. Alan Ashby (guitare) . The Flood (2011) qué : « Voilà qui donne une bonne J’ai toujours trouvé Chester brillant
. Restoring Force (2014)
. raison de le tenter ! » (rires) Il avait et pétillant... C’est l’image de lui que
je garderai. Y
Phil Manansala (guitare) . Live At Brixton (live – 2016)
. Valentino Arteaga (batterie) . Cold World (2016) raison ! Ce fut tellement fun que
. Defy (2018)

79
 Propos recueillis par Benji - Entretien téléphonique réalisé le 19 décembre 2017
Quelle carrière que celle de Joe Satriani ! Homme de l’ombre durant des années dans sa Bay Area d’adoption, durant lesquelles il
donna des cours à des élèves qui allaient faire parler d’eux (Steve Vai, Kirk Hammett, Alex Skolnick, Andy Timmons et Larry
Lalonde, pour ne citer que les plus célèbres), il prend son envol avec Not Of This Earth, et surtout Surfing With The Alien, en
1987. Classique absolu de la guitare instrumentale rock et hard rock, balance parfaite entre technique époustouflante et feeling,
cet album installe immédiatement Satriani au panthéon des guitaristes mondiaux. Trente ans plus tard, après un passage éclair
au sein de Deep Purple, une tournée aux côtés de Mick Jagger, la création du concept G3, deux albums avec le super-groupe
Chickenfoot, Joe est de retour avec son seizième opus, What Happens Next. Plus rock et direct que ses récents prédécesseurs, ce
disque voit le guitar hero épaulé par une explosive section rythmique constituée de Chad Smith (Red Hot Chili Peppers,
Chickenfoot) à la batterie et Glenn Hughes (Deep Purple, Black Country Communion) à la basse. A quelques mois d’une nouvelle
tournée du G3 qui passera par six villes françaises en avril, voilà qui justifiait pleinement qu’on passe un long moment en compagnie
du maestro afin qu’il nous présente ce nouvel opus.

Rock Hard : What Happens Next « Faisons-le ! » Il m’a donné le numéro
est le premier album que tu enre- de Glenn, qu’il connaît très bien
gistres avec Glenn Hughes à la depuis des années, et à qui j’ai fait la
basse et Chad Smith à la batterie. même proposition : il était aussi très
Tu connais bien Chad, pour avoir enthousiasmé par cette idée. Tout
enregistré avec lui les deux albums est parti de là. Il nous a alors fallu
de Chickenfoot, mais c’est la pre- trouver le lieu et le bon moment pour
mière fois que tu travailles avec parvenir à nos fins, mais une fois que
Glenn. Comment ont-ils tous deux tout a été calé, tout s’est enchaîné
atterri sur cet album ? très rapidement.
Joe Satriani : Pendant ma dernière
tournée, pour l’album Shockwave Il s’agit du premier album de la
Supernova (2015), j’ai donné deux carrière de Glenn sur lequel il ne
concerts avec Chickenfoot, qui furent fait que jouer de la basse et ne
très spontanés. Cela m’a rappelé à chante pas. Nous avons toujours
quel point je prenais aussi mon pensé que Glenn était sous-estimé
pied en jouant dans ce cadre-là et la pour ses qualités de bassiste car
relation toute particulière que j’entre- les gens ont tendance à ne voir en
tenais avec Chad lorsque nous lui que The Voice Of Rock. Penses-
jouions ce type de rock direct. Je me
suis donc mis à penser que, si pour
une raison quelconque, Chickenfoot « Quel est le bassiste avec lequel
venait à ne plus exister, j’aimerais
continuer de jouer avec Chad d’une je n’ai jamais joué, et dont je suis
façon ou d’une autre. Et je me suis
dit que, tout simplement, Chad super fan ? » Glenn était tout en
aimerait peut-être enregistrer un
disque instrumental avec moi. J’ai haut de ma liste (Joe Satriani)
alors pensé avec qui il apprécierait de
jouer, quel bassiste lui conviendrait. tu que certains vont enfin se rendre
Mais j’ai pris le problème autrement, compte à quel point il est excellent
en me demandant : « Quel est le bassiste ?
bassiste avec qui je n’ai jamais joué et (Rires) Je l’espère ! De mon côté, je
dont je suis super fan ? » Glenn était l’avais toujours bien intégré. Que ce
tout en haut de ma liste. Alors, j’ai soit avec son premier groupe (Ndlr :
envoyé un message à Chad en lui Trapeze) ou avec Deep Purple, j’ai
disant que j’avais cette idée un peu toujours trouvé qu’il s’agissait d’un
dingue et que je voyais bien Glenn, bassiste phénoménal. Et je l’ai vu
lui et moi faire un disque instrumental, plusieurs fois sur scène : c’est là que
uniquement basé sur du rock et de la tu te rends compte à quel point c’est
soul, et que l’enregistrement ne lui un musicien complet. Sa voix, son jeu
prendrait qu’une semaine de sa vie. de basse, son charisme… Je n’avais
Il m’a répondu immédiatement : pas pensé au fait que c’était le premier
. Dreaming #11 (EP – 1988)
GENRE . ARTICLES RH
Flying In A Blue Dream (1989)
. Rock instrumental . The Extremist (1992) RH N°13, 33 & 183
. Time Machine (1993)
LE GROUPE . Joe Satriani (1995)
. Joe Satriani (guitare) . Crystal Planet (1998)
. Engines Of Creation (2000)
. Glenn Hughes (basse) . Strange Beautiful Music (2002)
. Is There Love in Space ? (2004)
. Chad Smith (batterie) . Super Colossal (2006)
. Professor Satchafunkilus And
The Musterion Of Rock (2008)
SITE INTERNET
. Black Swans And Wormhole
www.satriani.com Wizards (2010)
. Unstoppable Momentum
ALBUMS (2013)
. Shockwave Supernova (2015)
. Not Of This Earth (1986) . What Happens Next (2018)
. Surfing With The Alien (1987)
disque sur lequel il jouait uniquement
de la basse, c’est lui qui me l’a signalé
durant les sessions. J’ai trouvé ça
vraiment drôle ! Je pense que ça nous
donne une nouvelle démonstration de
son incroyable talent. Je me suis dit :
« Tout le monde devrait faire appel à lui
pour jouer de la basse ! » (rires) Mais
j’imagine que personne n’y a jamais
vraiment pensé car, comme tu le dis,
les gens le voient en premier lieu
comme un chanteur. De mon côté, je
ne peux dissocier l’un de l’autre :
pour moi, le chant et la basse font la
paire.
Tout le monde sait que tu as donné
un coup de main à Deep Purple en
1993 et 1994, quand, sur deux
tournées japonaises et européennes,
tu as remplacé Ritchie Blackmore
qui avait une nouvelle fois quitté le
navire… Il est amusant de constater
que ta connexion avec Purple revient
une nouvelle fois à la surface via
cette collaboration avec Glenn.
C’est inhabituel, n’est-ce pas ? Mais
ce fut purement par accident que j’ai
eu cette chance incroyable de jouer
avec ce groupe génial. Nous restons
bons amis et, en effet, je suis à présent
devenu proche de Glenn, qui a aussi
passé un temps non négligeable avec
Deep Purple. Je pense que ça prouve
que Deep Purple est plus qu’un
groupe, qu’il a une sorte de pouvoir
unique et une place spéciale dans
l’histoire du rock, qu’il a généré plus
que des albums et des concerts : il a
créé une grande famille.
Vous avez enregistré aux Sunset
Sound Recording Studios de Los
Angeles, des studios légendaires
où ont été gravés de nombreux
classiques depuis le milieu des
années 60. La grande majorité de
tes albums ont été enregistrés à
San Francisco ou dans sa proche
périphérie. Pourquoi Los Angeles,
cette fois-ci ? Peut-être parce que
Glenn et Chad y habitent ?
A l’origine, nous devions bosser aux
Skywalker Sound Studios, dans le
nord de la Californie, pas très loin
d’où je réside à San Francisco, mais
c’est tombé à l’eau. Nous avons alors
voulu nous rabattre sur les studios
de Sammy Hagar (Ndlr : The Foot
Locker, autrefois appelés Red Rocker),
qui sont situés dans le même coin.
Mais les disponibilités de Chad ont
pris une toute autre tournure car les
Red Hot Chili Peppers ont booké des
dates plus ou moins au dernier
moment. Il m’a alors confié ne plus
pouvoir prendre part au projet, à
moins qu’on enregistre un mois avant
et à Los Angeles. Comme j’étais sur
le point de finir ma tournée, je me
suis dit que je pouvais bien passer
une semaine supplémentaire où que
ce soit, du moment que ça lui facilitait
la tâche. Comme tu l’as dit, Glenn
et lui habitent à L.A., ce qui leur
permettait de rentrer chez eux
chaque soir et, éventuellement, de
gérer d’autres choses. Du coup, nous
avons dû trouver en urgence un lieu
disponible à L.A. et avons eu la
chance inouïe que le Sunset Sound
soit libre à cette période. Je n’y avais
jamais mis les pieds, mais je le
connaissais de réputation car The
Doors, Led Zeppelin, Van Halen et
les Rolling Stones, entre autres, y
ont enregistré certains de leurs
meilleurs disques. J’avais déjà bossé
à L.A. pour The Extremist (1993), et
ça n’est pas si inhabituel pour moi
que de vivre dans un hôtel quelques
jours pendant l’enregistrement d’un
album. Mon assistant ingénieur du
son, Eric Caudieux, habite aussi à
L.A., et mon producteur, Mike Fraser,
devait se déplacer depuis le Canada.
Alors que nous enregistrions à L.A.
ou Frisco, ça ne faisait aucune diffé-
rence. Finalement, tout s’est parfai-
tement mis en place ! Et au-delà de
ça, le studio est vraiment chouette.
Nous enregistrions dans le Studio B,
qui est de taille moyenne et que j’ai
trouvé parfait pour bosser sur un

80
 disque de rock. Lorsque les lieux
sont trop vastes, tu ne peux pas
« sentir » les autres musiciens. J’aime
bien qu’on ne soit pas trop éloignés
les uns des autres, ça permet de
conserver un contact quasi physique,
et je trouve que la communication
musicale entre nous devient naturelle.
Parfois, on a beau mettre plusieurs
musiciens de grand talent dans une
même pièce, l’alchimie ne se fait pas.
Comment as-tu vécu la complicité
en studio avec Chad et Glenn ?
Le courant entre Chad et moi est
toujours passé, et les gens ont eu
l’occasion de s’en rendre compte à
de nombreuses reprises à travers
Chickenfoot, que ce soit sur nos
albums ou en live. Nous adorons nous
éclater sur des morceaux qui nous
ramènent à nos racines musicales.
C’est toujours aussi fun de jouer avec
lui et c’est très facile de se remettre
dans le bain lorsque nous sommes
ensemble. En ce qui concerne Glenn,
je n’avais jamais joué avec lui, certes,
mais lorsque j’ai eu l’occasion de le
rencontrer à quelques reprises, j’ai
senti que nous avions beaucoup en
commun et qu’il ne nous serait pas
difficile de nous entendre. Il n’y a eu
aucune gêne, pas de phase d’appren-
tissage entre nous. Nous avons juste
commencé à jouer et ça sonnait
d’enfer ! Juste trois mecs jouant du
82
rock ensemble en y prenant du plaisir.
Mais je vois très bien ce que tu veux
dire. Parfois, des gens fort talentueux
n’arrivent à rien lorsqu’ils sont
ensemble, et il n’y a rien que tu
puisses y faire. Ça ne fut pas le cas
entre nous.
« Energy », le premier titre de
l’album, porte bien son nom. On
ressent vraiment l’excitation du
trio sur ce morceau. Ce devait être
le titre d’ouverture !
Absolument, et ce fut d’ailleurs le
premier morceau que nous avons
enregistré. Alors, il semblait logique
qu’il soit placé au début de What
Happens Next.
« Righteous » n’était pas censé
apparaître sur l’un de tes disques
solo. Peux-tu nous expliquer le
« voyage » de ce morceau ?
Lorsque je l’ai initialement composé,
j’ai trouvé qu’il y avait assez d’espace
pour que, finalement, ce morceau
puisse être chanté. Mais je ne savais
pas vraiment si la mélodie vocale
devait être totalement différente de
Un troisième album de Chickenfoot ?
Oui, je vais faire en sorte de me
libérer pour ça ! (Joe Satriani)
ma ligne de guitare. J’ai proposé ce
titre à Bryan Adams qui, comme
tout le monde le sait, est un brillant
compositeur. Nous connaissions bien
Bryan car il nous a photographiés
pour les visuels du premier album de
Chickenfoot. Il est de plus le proprié-
taire du studio où j’ai enregistré des
tas de fois depuis des années : The
Warehouse Studio à Vancouver, où
Mike Fraser travaille de façon très
régulière. J’ai donc envoyé ce morceau
à Bryan en lui demandant : « Qu’est-
ce que tu penses de ça ? » Il a bossé
dessus un certain temps sans arriver
à trouver quelque chose de concret,
et m’a simplement dit qu’il le trouvait
beau comme il était. Il est donc
revenu dans mon « domaine » et je me
suis dit : « Peut-être que je ne vois
pas le potentiel du truc depuis le
début ? » Je l’ai donc réarrangé, j’ai
changé certains éléments, et Chad a
proposé un tempo différent. Quant à
Glenn, il a posé une ligne de basse
différente de celle que j’avais en tête.
Au final, ce morceau a beaucoup
évolué et il sonne bien mieux que ma
version originale. Il est devenu ce
qu’il devait être, une sorte de chanson
super positive qui va te coller un
sourire sur le visage.
Tu as toi-même chanté plusieurs
fois sur tes disques solo, et l’on
peut dire que tu disposais d’un
chanteur très doué avec toi en
studio (Ndlr : il se marre !). As-tu
pensé une minute que Glenn
pourrait faire l’affaire sur ce
morceau en particulier ?
C’est vrai que, lorsque tu es en studio
avec Glenn, tu te dis qu’il pourrait
chanter sur tout car c’est vraiment
l’un de ces mecs pour qui les mélodies
vocales viennent en un éclair. Il n’y a
rien de plus naturel chez lui. Mais
chanter est une chose, mettre les
bons mots sur une chanson en est
une autre. Et lorsque tu as toi-même
écrit des paroles pour tes propres
chansons, tu sais bien qu’il te faut un
minimum de temps pour écrire des
choses intéressantes. Je ne crois pas
que tu puisses proposer un truc de
qualité « comme ça ». Un titre instru-
mental a un avantage extraordinaire
par rapport à un morceau chanté : il
ne force pas l’auditeur à accepter
l’histoire que le vocaliste va lui
proposer. Lorsqu’il ne s’agit que
d’une mélodie de guitare, l’auditeur
peut décider s’il y voit le soleil briller
ou les étoiles, s’il s’agit d’une
chanson qui va le rendre heureux ou
triste… Glenn et moi étions conscients
que nous avions très probablement
un futur commun qui nous amènerait
à composer des chansons avec des
paroles, alors nous avons dit :
« Contentons-nous de bosser sur quelque
chose de totalement instrumental pour
l’instant ! » Nous nous sommes serré
la main et promis que nous ferions un
disque chanté un jour ou l’autre.
puis, ça nous permet surtout de
passer du temps ensemble. Ça se
passe toujours dans une ambiance
très positive.
Le G3 va donner six concerts en
France, dans de grandes salles.
Depuis ta première tournée euro-
péenne en 1988, tu as toujours
des contrats avec diverses chaînes
câblées aux USA et en Amérique
du Sud pour la diffusion de ce docu-
mentaire en 2018, et nous espérons
décrocher le même type de contrats
en Europe. Il n’est pas exclu non plus
qu’il soit mis à la disposition du
public sur Netflix et Amazon Video. Ce
fut une expérience fantastique,
Sans même compter tes nombreuses
collaborations, tu as sorti 16
albums solo en 32 ans de carrière.
Des disques de guitare rock instru-
mentale, un style pas spécialement
populaire et grand public.
Pourtant, tu es toujours là, tu
connais une popularité qui ne s’est
jamais démentie, et tu ne sembles

« Forever And Ever », qui conclut

l’album, a un petit côté Jimi
Hendrix. On pense furtivement à
« Little Wing », par exemple. Le
ressens-tu ainsi ?
Absolument. Au départ, l’ambiance
était bien différente, ça tendait plus
vers une sorte de Van Halen, un son
tout à fait opposé. Mais j’ai changé
certains éléments de la rythmique,
ce qui, du coup, a permis à des
mélodies contrastées de s’installer
au début du morceau. Et juste avant
de présenter les démos de ce titre au
groupe, j’ai tout revu et décidé de
rejouer tous les accords de façon
presque « opposée » à la version origi-
nale. J’ai alors retravaillé ces parties
en pensant à Curtis Mayfield ou
Jimi Hendrix. Mais j’ai néanmoins
proposé à mes deux collègues les
deux versions : ils n’ont pas hésité une
seconde et ont préféré la « version
Jimi ».

Tu seras en concert en Europe très

bientôt avec le G3 qui, cette année,
comprend John Petrucci (Dream
Theater) et Uli Jon Roth. Aux USA,
c’est Phil Collen (Def Leppard) qui
remplace Uli. Lorsque tu tournes en
solo, tu joues entre 20 et 22 titres.
Lors d’un concert du G3, tu proposes
huit ou neuf titres, puis tu jammes
avec les deux autres guitaristes sur
trois titres. Comment abordes-tu
ces contextes différents ?

GLENN ET MOI NOUS SOMMES SERRé LA MAIN ET PROMIS QUE NOUS FERIONS UN
DISQUE CHANTé UN JOUR OU L’AUTRE (Joe Satriani)
D’évidence, comme tu le soulignes, je
joue bien plus longtemps lorsque je
suis en tête d’affiche. Ça varie entre
2h00 et 2h30, c’est beaucoup ! Il faut
alors penser à articuler le concert de
façon logique. Tu peux te permettre
de glisser plus de variété dans ton
show car tu es le seul artiste de la
soirée. Avec le G3, les titres sont en
général les plus rapides. Si tu viens
de sortir un nouvel album, tu dois
prendre soin d’en proposer les
meilleurs extraits, et pour le reste, tu
pioches parmi tes plus gros classiques,
ceux que tout le monde veut entendre.
Le niveau d’énergie est donc toujours
assez élevé car chaque guitariste
dispose d’un temps plus limité que
lorsqu’il se produit seul ou avec son
propre groupe. Puis, en effet, nous
nous retrouvons tous les trois pour
jouer, ensemble, trois ou quatre titres
lors d’un rappel commun. J’adore ça !
C’est assez unique. Et puis, tu
apprends tellement en regardant
jouer ces autres guitaristes qui font
des trucs que toi-même tu ne sais
pas faire. Je les observe toujours ! Et
donné beaucoup de concerts en
France, ne te contentant pas de
jouer à Paris. De ce fait, la France
est l’un des pays où tu t’es le plus
souvent produit. Quel rapport
entretiens-tu avec le public français ?
Il est merveilleux ! J’ai toujours pris
grand plaisir à venir jouer chez
vous. Je me souviens que lors de mes
premiers concerts, vous m’aviez déjà
accueilli de façon extraordinaire.
J’en étais même choqué !
Ton fils ZZ a réalisé un film/docu-
mentaire intitulé Beyond The
Supernova, pour lequel il t’a suivi
durant la tournée mondiale en
support à Shockwave Supernova.
Ce film a été présenté pour la
première fois en octobre dans un
festival de cinéma américain, à Mill
Valley, en Californie. Peux-tu m’en
dire plus sur ce projet et pourra-t-
on bientôt le visionner sous la
forme d’un DVD/Blu Ray ?
Mon fils a en effet filmé et monté
Beyond The Supernova. Pour l’instant,
nous sommes en train de finaliser
cathartique, et il a vraiment capturé
mon processus artistique d’une façon
qui lui est propre, non seulement
parce qu’il est mon fils, mais aussi
parce qu’il a su mettre le doigt sur
les moments clés de cette tournée. Il
me tarde que le public puisse voir ce
documentaire car je pense qu’il va
me permettre de me rapprocher enco-
re un peu plus de mes fans.
Sammy Hagar a récemment déclaré
qu’il serait ravi qu’à la fin de ta
tournée, aux alentours du mois de
juin 2018, tu puisses te libérer
pour bosser sur un troisième album
de Chickenfoot. Alors, tu seras
libre ?
Oui, je vais faire en sorte de me libérer
pour ça ! J’en ai déjà parlé avec
Sammy, bien sûr. On va vraiment
tout faire pour arriver à se retrouver
en 2018 et enregistrer ce disque. Sam
est dans une phase créative intense,
il est en quelque sorte en « vacan-
ces » en ce moment, et je suis sûr
qu’il va revenir avec des idées plein
la tête. Bref, ça s’annonce très bien !
pas prêt à ralentir le rythme ! Est-
ce que lorsque tu as débuté tes
activités solo après plusieurs
années passées à donner des cours,
tu t’imaginais toujours faire ce
métier en 2017 ?
Non ! (rires) Vraiment pas ! Je suis
choqué par la longévité de cette
carrière improbable, mais bon, ce
genre de choses arrive parfois à
certaines personnes ! Tu apprends à
surfer cette vague… Je reste surpris
par tout ça, même si longtemps
après mes débuts, mais c’est très
plaisant ! Cette aventure a commencé
avec l’exploration de ma propre
musicalité, et quelle meilleure façon
de se connecter avec un public ? Au
départ, je ne pensais pas du tout de
cette façon : je ne croyais pas que ce
que je composais chez moi, tout seul,
pour mon propre développement,
allait devenir le moyen de communi-
quer avec mes fans. Maintenant,
avec le recul, ça me semble la chose
la plus logique du monde. Mais à
l’époque, ça me paraissait la moins
évidente ! Y

83
 TESTAMENT – ANNIHILATOR – DEATH ANGEL LE 07 DECEMBRE 2017 A NANTES (STEREOLUX)
Death Angel
cFather Of Lies
cThe Dream Calls For
Blood
cClaws In So Deep
cThe Ultra-Violence/
Thrown To The Wolves
cMistress Of Pain
cThe Moth
Il est tout juste 20h00 lorsque Death Angel prend possession
de la scène du Stereolux, très sympathique salle nantaise
qui, si elle n’affiche pas complet en cette froide soirée,
s’avère tout de même copieusement garnie. Mais à l’heure
où les Californiens débutent leur set avec « Father Of
Lies », la fosse est encore clairsemée. Cela n’empêche pas
Mark Osegueda, le fougueux vocaliste du quintet, de faire
le nécessaire pour retourner le public, notamment lors de
la deuxième partie de « Thrown To The Wolves », comme
toujours introduit par le début de l’instrumental « The
Ultra-Violence » (qu’au passage, nous aimerions bien
réentendre dans son intégralité un de ces jours !). Les
musiciens, qui évoluent sous des lumières souvent très
sombres, donnent tout, même si Rob Cavestany, le
guitariste et fondateur du gang, souffre depuis plusieurs
jours du pouce de la main gauche, ce qui lui fait un mal de
chien lorsqu’il plaque ses riffs. Le sublime « The Moth »,
titre d’ouverture du non moins remarquable The Evil Divide
(2016), est introduit par un long discours d’Osegueda
prônant l’unité. Rob, qui assure la majeure partie des
chœurs, chante sur ce morceau dans une tonalité rappelant
beaucoup la voix de Robb Flynn
(Machine Head). Bon set, bien que Testament
trop court lorsqu’on est fan de ce cBrotherhood Of The
groupe trop sous-estimé. Snake
Le délicat « Crystal Ann » annonce cRise Up
l’arrivée d’Annihilator : dans la salle cThe Pale King
maintenant fort remplie, l’ambiance cMore Than Meets
monte d’un cran avec un départ pied The Eye
au plancher. « One To Kill », l’un cElectric Crown
des deux brulots extraits de For The cInto The Pit
Demented, et « King Of The Kill » cSouls Of Black
mettent les pendules à l’heure : si cLow
nous étions quelque peu restés sur cStronghold
notre faim lors des deux concerts du cPractice What You
groupe sur la croisière 70.000 Tons Of Preach
Metal en février dernier, ce soir, le cThe New Order
quartet est tout simplement superbe Rappel :
de précision et d’entrain. Bon, c’est cOver The Wall
cDisciples Of The
vrai, nous regrettons toujours que Jeff
Watch
84
demande trop souvent au public de reprendre
les refrains au lieu de les chanter lui-même,
mais qu’importe : avantagé par un son parfait,
Annihilator fait plus que le job et s’assure un
gros succès. D’autant que Waters, s’il ne maîtrise
pas parfaitement la langue, s’exprime réguliè-
rement en français pour le plus grand plaisir des
fans. Le récent « Twisted Lobotomy » n’a rien à
envier aux classiques que sont « W.T.Y.D. » et
« Alison Hell », durant lequel Jeff vanne ses
supporters : « Vous voulez chanter « Alison Hell »,
la partie aigue du refrain ? Ouais, comme tous les soirs,
vous faite les malins, mais on va voir si vous allez le faire
Annihilator
cIntro (Crystal Ann)
cOne To Kill
cKing Of The Kill
cNo Way Out
cSet The World On Fire
cW.T.Y.D.
cTwisted Lobotomy
cAlison Hell
cPhantasmagoria
douze fois sans vous niquer la voix ! ». « Phantasmagoria »
conclut ce très bon show qui nous réconcilie totalement
avec Annihilator.
Le changement de plateau nous permet de découvrir le
décor massif de Testament : une immense tenture aux
couleurs de Brotherhood Of The Snake trône derrière la
batterie de Gene Hoglan surélevée sur une estrade décorée
« façon ruines de palais ». Deux boucliers ornés du crâne
apparaissant sur The Legacy (1987), des colonnes de
fumée et un éclairage soigné complètent le tableau : le
combo de la Bay Area n’a pas fait les choses à moitié. Fier
de son passé, mais bien ancré dans le présent, Testament
débute son show par quatre extraits de ses trois albums
les plus récents, notamment un « More Than
Meets The Eye » dont les « ho ho ho » sont repris
par un public en ébullition. Alex Skolnick introduit
ensuite le très mélodique « Electric Crown » par
un beau solo dans lequel il glisse quelques notes
de « La Marseillaise », mais aussi du « Foxy Lady »
de Jimi Hendrix. Certes, Alex pose pas mal, mais
bon sang, quel guitariste ! Avant « Into The Pit »,
Chuck Billy, le massif autant que sympathique
hurleur du gang, réclame « de l’action, que ça
nous rappelle nos débuts ! ». La fosse ne se fait
pas plus prier pour se lancer dans un bon gros
circle-pit, que Chuck apprécie à sa juste valeur
en glissant, hilare : « I love it !!! » « Low », plutôt
rare, fait plaisir à entendre, mais il semble
néanmoins justifié de pousser un petit coup
de gueule quant à la setlist : celle du début de
tournée comprenait pas moins de cinq titres
supplémentaires (« Centuries Of Suffering »,
« Throne Of Thorns », « Eyes Of Wrath », « First
Strike Is Deadly » et l’instrumental « Urotsuki-
doji ») qui sont absents sur les quatre dates de
cette tournée française ? Il y a tout de même de
quoi l’avoir mauvaise car le show, d’environ
1h15, est ainsi amputé de vingt bonnes minutes.
Frustrant et inexplicable, si ce n’est peut-être
par la fatigue accumulée lors de ces 26 dates
européennes… Heureusement, un final monstrueux
constitué de classiques des premières heures du
groupe (dont, il faut aussi le souligner, un « Over
The Wall » ajouté en dernière minute) nous fait
oublier cette contrariété. Dommage pour les
Frenchies, mais néanmoins, ce superbe plateau a
largement tenu ses promesses et, pour certains,
achevé cette année 2017 de la plus brutale des
façons.
BENJI
Photos : Benji
 Arrivés trop tard pour assister au concert de My Propane,

VUUR
nous sommes en revanche pile à l’heure lorsque Scar

– SCAR SYMMETRY – MY PROPANE Symmetry investit les planches du Trabendo. Le groupe

l’avait annoncé lui-même avant le début de cette mini-
tournée : celle-ci est l’occasion de mettre fin au cycle de
LE 7 DECEMBRE 2017 A PARIS (TRABENDO) concerts en promotion de The Singularity Phase 1 paru
en 2014. La formule est toujours aussi surprenante et
extrême, mélangeant à une trame franchement abrasive
typée thrash/death technique de nombreuses effusions
progressives et FM. Un cocktail servi au chalumeau, bien
entendu ! Que ce soit sur l’introductif « The Shape Of
Things To Come », issu du dernier album, ou sur « Pitch
Black Progress » de l’opus éponyme de 2006, il y a
clairement une ligne directrice avec ce duo de chanteurs,
à savoir Roberth Karlsson et ses growls, et le géant Lars
Palmqvist, au chant clair très typé heavy metal classique.
Le fondateur Per Nilsson, également membre de Kaipa
et de… Meshuggah en tournée, régale avec sa guitare
sans tête. « Vous avez l’air si heureux, et nous aussi ! »
lance Karlsson avant de lancer « Frequencyshifter » qui
met justement très bien en valeur l’alternance des
chants. Le public, dont une partie est clairement venue
pour entendre les Suédois, s’en donne à cœur joie et
est même mis à contribution sur le classique « The
Iconoclast » tiré de Dark Matter Dimensions (2009),
empruntant à Maiden. Après un tapping à deux guitares
écœurant pour tous les apprentis musiciens (« Neuro-
mancers »), le groupe dédie à ses fans « The Illusionist »,
son premier classique, avec ses claviers mis en avant, en
mode symphonique.
C’est l’heure de la tête d’affiche, et pourtant le Trabendo
ne fait pas le plein. Peut-être est-ce de la faute des
concerts provinciaux avec Epica donnés juste avant (six
dates dont Lille, Villeurbanne ou encore Marseille), ou
du fait que le disque n’ait pas convaincu tous les fans
d’Anneke van Giersbergen. Nous, ce In This Moment We
Are Free – Cities nous a bien plu et le retour à part entière
de la Miss à une musique plus typée metal était attendu
de longue date. Vuur entre donc en scène au son du
pesant « Time – Rotterdam », la Néerlandaise étant
parée d’une Gibson SG. On retrouve en grande partie
la même équipe que celle qui l’accompagnait lors des
tournées de The Gentle Storm (à l’exception de la
chanteuse Marcela Bovio et de la guitariste Merel
Bechtold, parties depuis), et les automatismes acquis à
cette occasion sont bien présents. Les accents djent sont
bien entendu plus marqués ainsi que l’illustre « My
Champion – Berlin ». Le guitariste Ferry Duijsens est
toujours aussi dynamique et rieur sur scène, contrastant
avec son acolyte, le petit nouveau et barbu Jord Otto
(également présent au sein de My Propane), qui se
charge des très nombreux soli, souvent ardus. L’excellent
Ed Warby (Gorefest, Ayreon) est aussi de la partie et sa
frappe de mule fait merveille sur « Sail Away – Santiago »,
qui voit le groupe offrir une séance de headbanging
générale. Même constat sur « The Storm », reprise de
The Gentle Storm qui permet à Anneke de gesticuler un
peu plus sur scène. « Merci d’être revenus, nous sommes
si heureux d’être à Paris ! » : ses irrépressibles fous rires
ne laissent pas trop de doute sur la véracité de son
propos ! A l’aise derrière le micro comme derrière le
téléphone pour filmer une partie de « Days Go By –
London », elle maîtrise comme toujours son sujet à la
perfection, sa voix surnageant, voire dominant, une
trame instrumentale pourtant plus que dense. Après
une reprise de son acolyte Devin Townsend (« Fallout »),
c’est déjà l’heure du final avec le lascif « Your Glorious
Vuur Light Will Shine – Helsinki » : une heure ne s’est même pas
écoulée ! Heureusement, la chanteuse revient, d’abord
cTime - Rotterdam seule, pour rappeler qu’il s’agit tout simplement du
cSail Away - Santiago premier concert en tête d’affiche de l’histoire de Vuur…
cMy Champion - Berlin et reconnaître certains fans déjà présents lors de la tournée
cThe Storm (The avec Epica. « C’est aussi la première fois que nous
Gentle Storm) jouons ce titre » termine-t-elle, non sans donner rendez-
cThe Martyr And The vous au stand de merchandising après le concert, une
Saint - Beirut habitude qui en dit long sur son accessibilité. C’est bien
cDays Go By - London entendu de « Reunite ! – Paris » dont il est question et
cFallout (Devin son démarrage intimiste est l’un des temps forts de la
Townsend Project) soirée. Un « Strange Machines » (The Gathering) joué à
cYour Glorious Light trois guitares achève de la terminer. Au final, un show
Will Shine - Helsinki
un peu trop court et, hélas, sans surprise quant aux reprises
Rappel :
sélectionnées : on attend encore plus d’une artiste qui
cReunite ! - Paris
cStrange Machines
donne pourtant toujours beaucoup !
(The Gathering)
DJUL
Photos : Tiphaine Zanutto
Scar Symmetry
85
 ELUVEITIE – AMARANTHE – THE CHARM THE FURY
LE 2 NOVEMBRE 2017 A PARIS (CABARET SAUVAGE) Eluveitie
prouesses du nouveau chanteur Nils cYour Gaulish War
Amaranthe Molin (Dynazty), mais des conflits cKing
d’emplois du temps ont amené le cNil
cMaximize bougre à se faire remplacer par cOmnos
cOn The Rocks Chris Sörbye de Smash Into Pieces, cLvgvs
cFury intérimaire que les fans connaissent cCatvrix
cDynamite
bien et dont les performances se cArtio
c100.000 Lightyears
sont nettement améliorées. Le sextet cEpona
cElectroheart
suédois met l’accent sur le récent cThousandfold
cInvincible cL'Appel Des
Maximalism (2016), mais n’en oublie
cAmaranthine Montagnes
cDigital World pas pour autant ses trois opus passés. cA Rose For Epona
c(solo batterie) Enthousiaste, la majorité du public cKingdom Come
cTrue accueille favorablement ce metal Undone
cEndlessly popisant, putassier et bardé de cTegernakô
cCall Out My Name claviers (diffusés par des bandes). c(solo batterie)
cHunger En cours de set, la souriante Elize cHavoc
cThat Song Ryd (quelles prouesses vocales sur la cHelvetios
cBoomerang ballade « Endlessly » !) réalise le Rappel :
cDrop Dead Cynical rêve d’une fan en l’invitant à monter cInis Mona
cThe Nexus sur scène pour chanter « Amaran-
thine » aux côtés du groupe dans une ambiance
détendue et chaleureuse. Une initiative très sympathique
et qu’il convient de saluer !
N’ayant pas revu Eluveitie depuis les changements de de Fabienne Erni, qui nous offre une version remarquable
line-up survenus en 2016, nous brûlons de nous faire un de l’intimiste et dépouillé « Artio ». A l’évidence, un vent
avis sur la performance des quatre « petits nouveaux ». de fraîcheur bienvenu souffle sur le combo suisse dont les
Difficile d’émettre un jugement sur le jeu de Michalina prestations commençaient à trop se ressembler. Jamais
De multiples problèmes de métro nous font louper l’inté- Malisz, dont la vielle à roue est souvent noyée dans le mix nous n’avions jamais vu le leader Chrigel Glanzmann si
gralité de la prestation de The Charm The Fury, combo de (sonoriser neuf instruments amplifiés doit être une sacrée spontané, détendu et complice avec ses partenaires, et ça
metalcore à chant féminin découvert lors de l’édition 2016 gageure !), mais pour le reste, la nouvelle mouture est fait du bien ! Ce très bon moment de folk metal (l’équipe
du Download français. Si le bassiste Johan Andreassen, qui parfaitement en place. Après un démarrage explosif qui de sécurité se bat pour récupérer tous les slammeurs
s’est fracturé le pied voici deux jours, est obligé d’assurer retourne un Cabaret déjà chauffé à blanc, le set prend une qui s’éclatent sur le tube final « Inis Mona ») nous rassure
son set depuis un tabouret, ses comparses d’Amaranthe tournure plus calme et mystique grâce à l’interprétation pleinement sur l’avenir d’Eluveitie.
nous font vite oublier cette inertie en rivalisant d’énergie de quatre extraits du récent et acoustique Evocation II. On FRANÇOIS BLANC
en avant-scène. Nous étions curieux de découvrir les profite alors pleinement de la voix chaude et expressive Photos : François Blanc

DELAIN – SERENITY – CELLAR DARLING LE 26 OCTOBRE 2017 A PARIS (ALHAMBRA)

Serenity
cUnited
cSpirit In The Flesh
cIniquity
cRust Of Coming Ages Afin de célébrer son dixième anni-
cSerenade Of Flames versaire et la sortie du DVD A Decade
cLionheart Of Delain – Live At Paradiso, Delain
cFollow Me se lance dans une brève tournée de
six dates à travers l’Europe. Cerise
sur le gâteau, ce Danse Macabre Tour bénéficie de la
présence exceptionnelle de Marco Hietala, bassiste et
chanteur de Nightwish ! La soirée débute avec les Suisses
de Cellar Darling qui prennent possession de la scène alors
que beaucoup de fans piétinent encore à l’extérieur de la
salle. En une demi-heure et sept chansons, les trois ex-Elu-
veitie et leur bassiste de sessions embarquent le public
dans leur rock atmosphérique mâtiné d’influences folk Ghosts » manque à l’appel !). Nerveuse en début de set,
(« Avalanche », l’énigmatique « Six Days »), plaisant et ef- la chanteuse confie se détendre grâce à l’accueil chaleureux
ficace. Georg Neuhauser (chant) avait raison : les ex- du public parisien. Il faut dire qu’en dépit de petits loupés
traits de Lionheart, sixième opus de Serenity, passent très bien excusables, la soirée est fort belle. Nous laissons à
bien le cap de la scène. Le groupe, ponctuellement accom- Marco le mot de la fin : « Jouer du rock avec Delain, c’est
pagné de la chanteuse Melissa Bonny (Evenmore), incite meilleur que tout. Même que le sexe !!! ».
le public à participer sans relâche et obtient quelques réac- FRANÇOIS BLANC
tions énergiques (la fosse saute en rythme sur « Spirit In Photos : Marc Villalonga
The Flesh »). Seule déception, le son limpide manque de
robustesse, l’absence d’une seconde gui-
tare se faisant cruellement ressentir. Delain
Delain soigne sa mise en scène : son
cHands Of Gold
backdrop aux couleurs de Moonbathers
cWe Are The Others
(2016) fait aussi office de toile de cinéma cThe Glory And The
sur laquelle le sextet diffuse clips, anima- Scum
tions et images diverses qui prolongent cGet The Devil Out
l’ambiance des morceaux joués. Le son Of Me
est puissant, les musiciens en forme et cDanse Macabre
les effets bien trouvés (machine à bulles cYour Body Is A
sur « We Are The Others », confettis Battleground (*)
dorés sur « Get The Devil Out Of Me », cScandal (Queen) (*)
etc.). Après cinq titres, Hietala fait enfin cThe Hurricane
son entrée (« Je ne pensais pas revoir la cScarlet
France cette année ! »). Première date cArmy Of Dolls
de la tournée, Paris essuie quelques * Here Come The
plâtres (une interprétation pour le moins Vultures
hasardeuse du « Scandal » de Queen, cFire With Fire
joué pour la première fois). Le Finlandais cNothing Left (*)
semble perdu sans sa basse et son cSing To Me (*)
cControl The Storm (*)
discours n’est pas encore rôdé... Heureu-
cSuckerpunch
sement, vocalement, le bougre connaît cNot Enough
son affaire et les duos avec Charlotte Rappel :
fonctionnent très bien (la formation joue cMother Machine
néanmoins la carte de la sécurité en ne cDon't Let Go
lui faisant quasiment chanter que des cThe Gathering (*)
titres sur lesquels il intervenait déjà en (*) = feat. Marco Hietala
studio. Dommage que « A Day For

86
 Plateau relevé que cette hydre à trois têtes se produisant dans un Elysée

MASTODON – RED FANG

Mastodon Montmartre copieusement garni ! Russian Circles, qu’on a notamment vu au
cThe Last Baron
Hellfest en 2015 et dans diverses villes françaises en mars 2017, commence
cSultan’s Curse à jouir d’une sympathique cote de popularité dans l’Hexagone. Donnant

RUSSIAN CIRCLES LE 29 NOVEMBRE 2017 cDivinations dans un post metal instrumental qui alterne savamment riffs velus et plages
cAncient Kingdom apaisées, le trio originaire de Chicago, à peine éclairé par trois loupiottes,
cEmber City va ce soir à l’essentiel. Ne s’embarrassant guère de fioritures, et encore
A PARIS (ELYSEE MONTMARTRE) cMegalodon moins de bavardages, Mike Sullivan (guitare), Dave Turncrantz (batterie) et
cAndromeda Brian Cook (basse) dégoupillent quatre titres piochés dans quatre des six
cOblivion albums d’une discographie déjà bien fournie (Cf. Setlist). Concentrés sur
cShow Yourself leur sujet, les Américains parviennent à faire voyager les spectateurs à la
cPrecious Stones grâce de séquences balayées par un souffle héroïque (« Afrika », de
cRoots Remain Guidance, dernier opus en date produit par Kurt Ballou de Converge) qui
cMother Puncher montent crescendo pour déboucher, bien souvent, sur des rythmiques
cSteambreather telluriques et tranchantes comme des coupecoupes (« Harper Lewis »).
Rappel C’est très bien fait, entraînant et planant, et le public ne s’y trompe pas car
(avec Scott Kelly) : il réserve une belle ovation aux trois hommes à l’issue d’un set convaincant
cScorpion Breath
dont on aurait aimé qu’il soit bien plus long. Retenez bien ce nom car nous
cCrystal Skull
vous en reparlerons à la première occasion. Excellente entrée en matière !
cCrack The Skye
cAqua Dementia
Connaissant Red Fang, on se dit que la partie est déjà gagnée et que
cSpectrelight l’ambiance va encore monter d’un cran. C’est que nous gardons, au hasard
cDiamond In The et pour n’en citer que des récents, des souvenirs chauds, chauds, chauds
Witch House des prestations du combo de Portland au Trabendo en octobre 2016 ou
sous la Valley de Clisson, qu’il a littéralement explosée en juin dernier.
Hélas, Red Fang, en ce mercredi, n’est pas dans un grand soir. On a du
mal à s’expliquer pourquoi, mais le groupe, qui bénéficie de très peu
d’éclairages, semble sur la réserve dès les premiers titres de son set, pas
vraiment dedans, presque contrarié. Et le public le lui rend bien car, si ça
bouge dans les trois premiers rangs, la salle est pour le reste inhabituellement
statique. C’est d’autant plus surprenant que les Américains jouent bien et
que leur setlist est quasi identique à celle qui a causé tant de dégâts l’été
dernier. Mastodon et Red Fang ayant déjà tourné ensemble, on s’attendait
à ce que les publics des deux formations ne fassent qu’un (les deux groupes
ne tournaient-ils pas déjà ensemble en 2012 ?), mais il n’en est rien. En tout
cas, pas aujourd’hui, puisqu’il faut attendre un « Prehistoric Dog » enjoué
pour voir enfin l’ensemble de l’Elysée s’exciter un peu. Red Fang, une fois,
n’est pas coutume, est passé à côté.
Clairement, la foule est là pour Mastodon. En son sein, un pourcentage
hallucinant de barbichettes bien taillées pour autant de hipsters, dont on croit
deviner qu’ils ne lisent pas tous ce magazine. Des pions interchangeables…
Mais passons, car cette soirée est un petit événement en soi, Mastodon ne
s’étant plus produit en tête d’affiche et en club dans la capitale depuis un
certain Bataclan 2012. Dès les premières minutes du set (qui débute avec
un quart d’heure d’avance), on comprend que, sur cette tournée, le groupe,
s’il met l’accent sur un Crack The Skye datant déjà de 2009 (« The Last
Baron », long d’un bon quart d’heure, « Divinations »), est surtout désireux
de défendre son nouvel album sur scène. Huit titres sur les onze que
renferme ce dernier étant ce soir joués, c’est là un choix courageux qu’il
faut saluer comme il se doit. Nous le faisons d’autant plus volontiers que
tous ces extraits d’Emperor Of Sand passent bien le test de la scène. Une
scène qui accueille par ailleurs une production léchée car, derrière le groupe,
des projections se succèdent sur sept colonnes LED : psychédéliques dans
un premier temps, ces dernières se font plus cartoonesques au fil du set,
piranha, mandrill et pieuvre (« Megalodon ») menaçants et hauts en
couleurs s’y succédant. Ces écrans, hélas, sont l’unique attraction d’un
show mettant très peu, par ailleurs, les musiciens en valeur. Ces derniers,
en effet, sont souvent noyés dans des teintes uniques (lumières bleues, par
exemple, sur « Divinations »), au point qu’on les oublie souvent pour ne
fixer son attention que les murs de LED. C’est d’autant plus gênant que les
gaillards, s’ils jouent remarquablement, sont d’un incroyable mutisme entre
les morceaux, le chanteur/bassiste Troy Sanders prenant presque sur lui
pour taxer la foule de « fucking beautiful » avant « Ancient Kingdom ». La
nouvelle acoustique, enfin, de l’endroit fraîchement rénové est digne d’une
cathédrale, à savoir gavée d’écho qui n’aide pas quiconque connait moyen-
nement la musique hyper riche des Américains. Voilà pour les petits points
négatifs car, par ailleurs, on se régale ! La setlist, on le répète, est courageuse
car elle fait l’impasse sur de nombreux classiques (« Curl Of The Burl »,
« The Motherload », « March Of The Fire Ants », etc.), boudant les très
Red Fang acclamés The Hunter (2011) et Once More ‘Round The Sun (2014) – trois
titres à eux deux !!! – pour donner leur chance à des nouveautés comme
cHank Is Dead « Show Yourself » (excellent !) et « Andromeda ». Nous assistons donc à un
cThrow Up concert très différent de celui de 2012, ce qu’on applaudit à trois mains à
cBlood Like Cream l’époque qui est la nôtre, très peu portée sur la prise de risques. La cerise
cMalverde sur le gâteau est la présence, sur les six titres qui composent le rappel, de
cCrows In Swine
Scott Kelly, chanteur/guitariste de Neurosis, qui profite de l’occasion pour
cWires
Russian Circles cFlies
interpréter avec ses potes tous les morceaux qu’il a enregistrés en studio
cDirt Wizard
avec eux depuis 2004. Le moment est magique, et le public, à fond, ne s’y
c309 trompe pas. A l’issue de cette magnifique conclusion, le batteur Brann Dailor,
cAfrika cPrehistoric Dog
conscient que Troy et les guitaristes Brent Hinds et Bill Kelliher n’ont que
cHarper Lewis
très peu parlé à leurs fans, s’empare du micro pour remercier la salle de son
cDeficit
soutien. Une initiative d’autant plus louable que ce manque de communi-
cation est aujourd’hui l’unique point faible de ce groupe hors normes.
PHILIPPE LAGEAT
Photos : Marc Villalonga

87
 TYLER BRYANT & THE SHAKEDOWN
LE 29 NOVEMBRE 2017 A PARIS (MAROQUINERIE)
Cruel dilemme pour les fans de heavy
rock qui, en ce mercredi soir glacial, ont
Tyler Bryant
dû faire le choix entre le passage de cBackfire
Mastodon à L’Elysée Montmartre et ce cHeartland
concert de Tyler Bryant accompagné de cHouse On Fire
ses Shakedown à la Maroquinerie. Malgré cDowntown Tonight
cette forte concurrence, près de 400 cCriminal Imagination
personnes sont venues (re)voir celui cDon't Mind The Blood
que la France a découvert en ouverture cJealous Me
d’AC/DC à Marseille en 2016, puis, l’an cManipulate Me
dernier, en ouverture de Guns N’Roses au cThe Wayside
Stade de France. Celui, ou plutôt ceux, cEasy Target
car comme son patronyme ne l’indique cAftershock
pas forcément, Tyler Bryant & The cMojo Workin’ (Muddy
Waters)
Shakedown est bel et bien un vrai groupe
cLipstick Wonder Woman
constitué de quatre potes et non d’un cWeak & Weepin'
guitariste/chanteur accompagné d’un Rappel 1 :
simple backing band. Fort d’un sympa- cYou Wreck Me (Tom Petty)
thique nouvel album tout juste disponible cThat's All Right (Mama)
(« Album du Mois » dans notre précédent (Elvis Presley)
numéro), à la vue des réactions du public cRamblin’ Bones
présent, il est indéniable que le gang de Rappel 2 :
Nashville peut désormais compter sur cHouse That Jack Built
une solide fanbase dans notre pays. Un
public enthousiaste principalement constitué de jeunes et
non de vétérans. Comme si l’avenir du rock s’était donné
rendez-vous à la Maroq ce soir. Le groupe entame son
concert par « Backfire », son nouveau single. Trainant une
méchante crève depuis son arrivée en Europe, Tyler n’est
pas encore totalement rétabli, mais si son état altère
légèrement le grain de sa voix, il ne nuit aucunement à sa
prestation scénique. Servi par des lights impeccables pour
ce type de club, le « gamin » brille par son attitude et ses
poses résolument rock. Mais là où la plupart des guitar heroes
tenteraient d’en mettre plein la vue tout de suite, Tyler
préfère, dans un premier temps, jouer la carte de la retenue.
L’expérience acquise sur la route ces deux dernières années
THE NIGHT FLIGHT ORCHESTRA LE 16 DECEMBRE 2017 A PARIS (NOUVEAU CASINO)
88
porte ses fruits, ses premiers soli
étant courts, mais terriblement précis
et efficaces. Lentement mais sûrement,
il fait monter la pression avant de lâ-
cher les chevaux, et de quelle manière
(« Criminal Imagination », « Don’t Mind
the Blood ») ! On pense parfois à Jeff
Beck ci et là. Plus dans l’ombre, Graham
Whitford (le fils de Brad, d’Aerosmith)
assure les rythmiques (et quelques
parties lead) avec une finesse et une
posture qui frisent la timidité et ne
rendent pas hommage à ses talents.
Un peu comme Noah Denney qui,
« planté » derrière sa basse, tisse pour-
tant un captivant patchwork de sons,
comme sur le vaporeux « Manipulate
Me ». De son côté, Caleb Crosby ne
tient pas en place derrière son kit, au
point de grimper dessus, voire de venir
en devant de la scène frapper l’un de
ses fûts coincé sous le bras sous les
yeux ravis des spectateurs. Si le quatuor
lève agréablement le pied sur « Jealous
Me » et « The Wayside », c’est pour revenir
plus fort avec un « Aftershock » bien trempé et
le cinglant « Weak & Weepin’ ». Dés lors, ceux qui trouvaient dans le public interpréter une touchante version de
que Tyler bridait trop son jeu sur album en prennent pour « Ramblin’ Bones ». Cette communion fait chaud au cœur,
leur grade. Dans la plus pure tradition des groupes des y compris lorsque le groupe revient pour un second rappel
70’s, TBSD transcende ses compos en live pour en offrir non prévu balancer une version énervée de « House That
des versions plus brutes et percutantes. Sa reprise très Jack Built ». A tordre, les musiciens quittent définitivement
personnelle du « Mojo Workin’ » de Muddy Waters en est la scène mais pas leurs fans, puisque cinq minutes plus
un brillant exemple… Quel final ! Tyler délaisse sa Fender tard, ils sont parmi eux à discuter et signer tout ce qu’on
rose au profit d’une Dobro pour balancer un « Lipstick leur présente. « Vivement la prochaine fois ! », voilà ce que
Wonder Woman » tout en slide. C’est cette même guitare disent tous ceux qui étaient présents ce soir…
vintage qu’il empoigne lors du rappel où, après avoir GUILLAUME FLEURY
rendu hommage à Tom Petty et Elvis Presley, il descend Photo : Maaike Ronhaar
En toute honnêteté, même si Amber a donc de quoi faire, mais surtout, musica-
Galactic, le troisième et dernier album The Night Flight lement, quel régal ! Loin de se contenter
de The Night Flight Orchestra fait Orchestra de présenter des titres d’Amber Galactic,
partie des gros coups de cœur de cMidnight Flyer son album le mieux distribué et le plus
l’année 2017 de votre serviteur, jamais cCalifornia Morning récent, NFO dégaine de nombreux extraits
il n’aurait parié voir un Nouveau Casino cStiletto d’Internal Affairs (2012) et Skyline Whis-
si bien garni pour la venue de ce cStar Of Rio pers (2015), tels le frénétique « California
groupe encore fort peu connu. Mais cDomino Morning », le groovy « Stiletto » ou les
il faut croire que le bouche à oreille a cTransatlantic Blues fiévreux « Montreal Midnight Supply » et
particulièrement bien fonctionné ces cMontreal Midnight « Sail On », avec son refrain à hurler. On
derniers mois, puisque la salle n’est pas Supply note aussi deux grands et longs moments :
loin d’être comble lorsque résonnent cSomething Mysterious « Transatlantic Blues », avec sa délicate
les premiers riffs de « Midnight Flyer ». cSail On introduction aux claviers, son ambiance
Les musiciens du NFO aiment à se cGemini feutrée et son break très Black Sabbath, et
définir comme un équipage d’avion cThe Heather Reports « The Heather Reports », sorte de hard
qui embarque ses passagers tous les Rappel : rock progressif chiadé qui nous terrasse
soirs vers des destinations musicales cLiving For The avant le rappel. Mais avant cela, Speed,
Nighttime
lointaines et improbables. Björn « Speed » qui ne cesse de nous épater dans ce
cJosephine
Strid, le capitaine de ce long-courrier cWest Ruth Ave. rôle de vocaliste hard rock 70’s/AOR dans
et accessoirement chanteur, et son co- lequel il est totalement crédible, envoie
pilote guitariste David Andersson plusieurs « tubes » récents comme « Star
(Soilwork) sont épaulés par un personnel de bord Of Rio », « Domino », « Gemini » (avec ses soli de
imposant : Sharlee D’Angelo (Arch Enemy) à la twin-guitars) et « Something Mysterious », dont les
basse, Richard Larsson aux claviers, Jonas Källbäck refrains sont repris par la majorité du public présent.
à la batterie et Sebastian Forslund, un multi-instru- La setlist posée au sol ne prévoit pas le génial
mentiste tâtant du tambourin, des maracas ou « Josephine » au rappel… Mais Speed, ravi de
des congas et se saisissant régulièrement d’une l’accueil du public, invite finalement David à inter-
deuxième guitare en renfort d’Andersson. Ajoutons caler cette pépite mélodique entre « Living For The
à cela deux hôtesses de l’air se muant en choristes Nighttime » et son refrain entonné à l’unisson, et
le soir venu (qui, d’ailleurs, ne sont pas les mêmes un « West Ruth Ave » qui conclut dans l’allégresse
à Paris que sur le reste de la tournée, les deux ce show dont nous sortons avec un sourire béat.
titulaires habituelles ayant été retenues par d’autres Nous ne pouvions rêver meilleure fin d’année !
obligations en Suède), et l’on retrouve tout de BENJI
même huit personnes sur scène ! Visuellement, il y Photo : Benji
 Tout comme le temps où The Darkness blindait des stades au
The Darkness
THE LEDARKNESS
Royaume-Uni est révolu, celui qui, à Paris, le voyait remplir
cOpen Fire
cLove Is Only A Feeling
– BLACKFOOT GYPSIES l’Olympia est également derrière lui. Un peu moins de deux
ans après leur dernier passage dans la capitale, dans un
modeste Divan du Monde, c’est au Trabendo que se produisent
cSouthern Trains
cBlack Shuck
19 NOVEMBRE 2017 A PARIS (TRABENDO) aujourd’hui les frères Hawkins et leurs amis. Le bal est ouvert
cOne Way Ticket par Blackfoot Gypsies, un groupe originaire du Tennessee. Si
cGivin’ Up les accoutrements haut en couleur de Matthew Paige (chant,
cAll The Pretty Girls guitare) et du batteur Zack « bacchantes à la Lemmy » Murphy
cBarbarian (splendide pantalon rayé façon drapeau US !) peut laisser
cMakin’ Out imaginer une musique psychédélique, le quatuor de Nashville
cEvery Inch Of You donne avant tout dans un blues rock aux relents folk et
cStuck In A Rut/Mudslide sudistes. L’americana semble avoir été inventé pour définir le
(extrait) cocktail cher aux compères qui revendiquent de s’abreuver à
cSolid Gold la même source que le grand Led Zeppelin. Le blues du delta
cGet Your Hands Off fait battre le cœur de Blackfoot Gypsies qui compte en ses
My Woman rangs Ollie Dogg, harmoniciste qui imite aussi le chant des
cGrowing On Me oiseaux (!). Un peu trop calme pour le hardos/métalleux avide
Rappel : de sensations fortes, ce court set largement focalisé sur To The
cJapanese Prisoner
Top (2017) séduit en tout cas une partie non négligeable du
Of Love
public qui part se procurer ce LP dont la pochette semble dater
cI Believe In A
Thing Called Love
de 1977, mais qui est bel et bien sorti en avril dernier.
Débarquant au son du « Arrival » d’ABBA, The Darkness n’est
pas en reste en matière d’habits de lumière. Dans son costume
rouge satiné, le bassiste Frankie Poullain est plus élégant que
jamais, mais tous les regards se posent naturellement sur Justin
Hawkins, frontman arborant une tenue moulante à paillettes
rehaussée d’une cape. Si la guitare du chanteur est
récalcitrante sur « Open Fire » (qui fait toujours autant
furieusement penser à The Cult), son fameux chant haut perché
qui entre en action sur « Love Is Only A Feeling » ne souffre
aucun reproche. L’agité « Southern Trains », premier extrait de
Pinewood Smile (2017) au programme du soir, ne tarde pas à
confirmer que le récent album des Britanniques a bien du mal
à rivaliser avec ses aînés. Le refrain de cette diatribe anti-SNCF
anglaise est même particulièrement raté… Heureusement, les
traits d’humour du frontman font passer la pilule, comme
lorsqu’il dit aux photographes quittant le pit après leurs trois
titres réglementaires : « Merci d’avance pour ces superbes
clichés ! N’oubliez pas de faire chauffer Photoshop :
blanchissez-moi les dents et faites-moi un joli p’tit cul ! ». Le
chanteur, jamais le dernier en matière de délires en tout genre,
ne tarde plus à tenter de lancer un médiator dans les pales d’un
ventilateur du plafond de la salle. L’objectif est que des
fragments dudit médiator tombent dans les bouches de
plusieurs spectateurs préalablement désignés ! Pas si facile...
Justin Hawkins qui, comme à son habitude, s’adresse
régulièrement au public en français, finit également par se
souvenir du fameux Blondin, un spectateur une nouvelle fois
présent au premier rang qui, au Divan du Monde, avait été le
« fil rouge » du concert. « Après six mois de rééducation à
l’hosto suite à son saut raté dans le public, Blondin - qui en avait
bien besoin - a enchaîné avec six mois de désintox. Bravo à
lui ! », lance-t-il avant de lui laisser chanter un bout du refrain
de « Givin’ Up ». La frappe puissante de Rufus Tiger Taylor,
batteur et accessoirement fils de Roger Taylor de Queen, va à
ravir au très direct « All The Pretty Girls », mais l’excellent
« Barbarian », tiré du non moins réussi Last Of Our Kind (2015),
surclasse rapidement ce titre un poil « basique ». Les soli
successifs qui traversent « Makin’ Out » rappellent à notre bon
souvenir que The Darkness est doté de deux sacrés guitaristes,
Justin et Dan Hawkins étant tous deux aussi bons en rythmique
qu’en lead. Le chanteur, qui lâche la guitare sur « Stuck In A
Rut » pour plus de mobilité (il déambule avec un superbe sac à
dos Pikachu et une casquette piquée dans le public), termine
le morceau en empoignant sa Les Paul pour un solo bluesy très
réussi inspiré par « Mudslide ». L’homme ajoute à son
accoutrement un serre-tête à paillettes puis un soutien-gorge
sur « Get Your Hands Off My Woman », nouvelle démonstration
étincelante de falsetto et prélude à l’autre incontournable de
Permission To Land (2003) qu’est « Growing On Me ». Rufus
Tiger Taylor met sans doute la courte pause à profit pour
ingurgiter quelques vitamines car le batteur frappe deux fois
plus fort sur « Japanese Prisoner Of Love », premier titre d’un
rappel prenant fin au son du « tube parmi les tubes » : « I
Believe In A Thing Called Love », agrémenté ce soir d’une intro
« lounge » très sympathique. Même si le groupe n’a
Blackfoot Gypsies étonnamment pas évoqué Malcolm Young, disparu la veille, les
riffs qui ont fait vibrer le Trabendo (« Black Shuck », entre
cI’m So Blue
autres) ont résonné comme autant d’hommages au fondateur
cEverybody’s Watching
d’AC/DC. Un petit mot n’aurait en tout cas pas été de trop… Il
cPromise To Keep
cLying Through Your Teeth
n’empêche que The Darkness nous a une nouvelle fois offert
cI Had A Vision
un très bon concert.
cI Wanna Be Famous MORGAN RIVALIN
Photo : Morgan Rivalin

89
 Au Bataclan, quand la salle affiche complet, il faut toujours

EXTREME
Extreme longuement faire la queue avant d’y pénétrer. Et parfois, on

– WAXX cIt (’s A Monster)

cLi’l Jack Horny
peut rater la première partie. Waxx en l’occurrence, que nous
avions déjà largement raté en ouverture de Papa Roach, à
l’Olympia (Cf. RH181). Qu’il ne nous en veuille pas… Vous
LE 10 DECEMBRE 2017 A PARIS (BATACLAN) cGet The Funk Out
cRest In Peace nous connaissez, à Rock Hard : si plutôt que de faire la queue
cHip Today dans le froid, nous avions préféré boire un verre au bar d’à
cKid Ego côté avec les potes en attendant que ça se tasse, on vous le
cPlay With Me/(Solo de batterie) dirait ! Il faut dire que, pour votre serviteur, ce concert n’est
cHole Hearted (acoustique) pas exactement un concert comme les autres. Je ne vous
cTragic Comic (acoustique) embêterai pas avec des considérations personnelles, mais je
c(Solo de guitare/Midnight Express) tiens à profiter de ces quelques lignes pour remercier du
cCupid's Dead fond du cœur ceux qui m’ont aidé à franchir ce cap. Ils se
cAm I Ever Gonna Change reconnaîtront… C’est amusant, mais moins Extreme en fait,
cTake Us Alive plus il remplit les salles. Saudades De Rock, son dernier
cStop The World album studio, remonte à 2008, et le nouvel opus « promis »
cFlight Of The Wounded il y a plus d’un an par Nuno Bettencourt pour « le début ou
Bumblebee
le printemps 2017 » se fait attendre. Puisque le Bataclan affiche
cHe-Man Woman Hater
complet, il est évident que les fans et les fondus de musique
cDecadence Dance
Rappel :
n’avaient pas besoin de nouvelles compos pour avoir envie,
cMore Than Words voire besoin d’une bonne dose de metal fédérateur, enjoué
cPeacemaker Die et délicieusement funky. En ce dimanche soir, c’est tout ça
cWe Are The Champions (Queen) que nous offre Extreme dès les premiers instants de ce set.
Comme souvent, Pornograffitti ouvre les débats : après une
doublette ultra punchy («It (’s A Monster) » et « Li’l Jack
Horny »), l’imparable « Get The Funk Out » est repris à
gorges déployées. Le son, puissant, est particulièrement bon.
Une fois n’est pas coutume, la basse est à la fête dans le mix,
et quand c’est un musicien de la trempe de Pat Badger qui
maltraite ses quatre cordes, c’est une vraie bonne nouvelle !
N’oublions pas que la section rythmique est complétée par
le très bon Kevin Figueiredo, batteur fidèle au kit du groupe
depuis 2007. L’estrade sur laquelle il est posté permet de
profiter du spectacle et a le double avantage de permettre
au toujours très mobile Gary Cherone d’élargir son terrain de
jeu. Le chanteur n’est toujours pas un maître de la communi-
cation avec le public, mais son charisme et sa voix sont intacts.
C’est particulièrement flagrant sur « Kid Ego », gros carton
de la première moitié de ce concert qui ne tarde plus à passer
en acoustique. L’ambiance retombe un peu, mais les fans
peuvent se délecter de « Hole Hearted » et, plus encore, d’un
« Tragic Comic » très peu joué depuis la tournée III Sides To
Every Story (1992), l’album d’Extreme qui fête ses 25 ans à
son tour. Pour le mal-aimé Waiting For The Punchline (1995),
il faudra attendre 2020 (et 2033 pour Saudades… !). Même
muni d’une guitare acoustique, le virtuose Nuno Bettencourt
est écœurant de talent. Qui d’autre que lui peut jouer « Midnight
Express » avec tant de facilité ? L’homme est un guitar hero,
un vrai, au sens le plus pur et le plus noble du terme. En matière
de rareté, « Stop The World », également très peu joué
depuis 1993, vient lui aussi ravir les fans avant que Mister
Bettencourt nous adresse une nouvelle baffe : « Flight Of The
Wounded Bumblebee », solo frénétique servi sur fond de
métronome qui, comme toujours, est très – et même trop –
démonstratif. Mais n’importe quel guitariste ne peut
qu’applaudir l’exploit, d’autant que le musicien prouve tout
au long de la soirée que son jeu reste majoritairement gorgé
de mélodie(s) et de feeling. Après un « Decadence Dance »
fédérateur en diable, les tabourets sont ressortis pour le rappel.
L’incontournable « More Than Words » se profile et Nuno
Bettencourt prend la parole. Le natif des Açores dit au public
à quel point il fut difficile de suivre les attentats à distance
pour lui qui, avec ses camarades, a joué au Bataclan en 2014
et tient les fans français en si haute estime. Devant cette salle
archi pleine qui boit ses paroles, il craque en évoquant le
souvenir des victimes alors que, comme il le dit si joliment,
il s’était promis « de ne pas pleurer ». Aux côtés de Gary
Cherone, il lance alors une minute de silence rompue par les
premières notes de la chanson et les acclamations de
spectateurs unis autour d’un moment d’émotion pure. Plutôt
que « Warheads » interprété sur les dates précédentes de la
tournée, Extreme enchaîne avec une pépite plus jouée depuis
1993 : « Peacemaker Die » et son fameux extrait du « I have
a dream » de Martin Luther King, diffusé à fond dans la sono.
Comme sur chaque soir de cette tournée, le « We Are The
Champions » de Queen, influence majeure du groupe, referme
le concert en permettant à certains de chanter bras dessus
bras dessous. Longuement applaudis, les quatre musiciens
sont touchés comme rarement, et peut-être comme jamais.
Pendant de longues minutes, ils serrent les mains de celles
et ceux qui se dirigent vers eux. C’est la fin d’un très bon
concert et d’une superbe soirée placée sous le signe de la
musique live et de l’amitié.
MORGAN RIVALIN
Photo : David Wolff-Patrick / Dalle
90

DIRKSCHNEIDER
– RAVEN
LE 13 DECEMBRE 2017 A PARIS
(MACHINE DU MOULIN ROUGE)
Raven
cDestroy All Monsters
cHell Patrol
cAll For One
cHung, Drawn & Quartered
cRock Until You Drop
cFaster Than The Speed
Of Light
cOn And On
cIt's A Long Way To The Top
(AC/DC/extrait)
cCrash Bang Wallop
Ce n’est un secret pour personne : Udo Dirkschneider,
Dirkschneider chanteur d’Accept de 1976 à 1987 et de 1992 à 1997
cThe Beast Inside
* Aiming High
(ainsi que lors de la brève, mais éclatante, reformation
de 2005) a toujours clôturé les concerts de son groupe
U.D.O. par quelques bons vieux classiques piochés chez
* Bulletproof
* Midnight Mover son combo d’origine. Cependant, toutes les bonnes
* Slaves To Metal choses ont une fin : en août 2015, le vocaliste crée la
* Another Second To Be surprise en annonçant que U.D.O. se limitera désormais
* Protectors Of Terror à sa propre discographie (quinze albums parus et un
* London Leatherboys seizième annoncé pour août 2018). « Il est temps de
* Fight It Back tourner la page Accept pour de bon ! » La grande tournée
* Can't Stand The Night de Dirkschneider débutée en 2016, et dont les sets sont
* Amamos La Vida entièrement composés de reprises d’Accept, est peut-
* Stone Evil être la dernière chance d’entendre Udo entonner ces
* Breaker pièces majeures de l’histoire du metal. Et enfin, la date
* Hard Attack française tant espérée de ce Back To The Roots Tour est
* Love Child arrivée ! Ce concert fait donc figure d’évènement,
* Objection Overruled
d’autant que nous bénéficions d’une première partie
* X-T-C
prestigieuse : Raven, dont Udo avait produit l’EP Break
* Russian Roulette
Rappel :
The Chains et l’album All For One en 1983 ! Les frères
* Princess Of The Dawn Gallagher, John (chant, basse) et Mark (guitare), sont
* Metal Heart accompagnés par Mike Heller, jeune batteur de sessions.
* Fast As A Shark Le set démarre sur les chapeaux de roue et, très vite, un
* Balls To The Wall constat s’impose : les Anglais n’ont rien perdu de leur
verve et de leur proverbiale énergie ! Grâce à son micro
clipsé sur le visage, John pose et arpente la scène en
toute liberté. En grande forme physique et vocale (ces cris
aigus sur le classique « Hell Patrol » !), le frontman, lorsqu’il
ne mime pas un duel à l’épée avec son frère, littéralement
déchaîné derrière sa guitare, communique avec enthousiasme
et autodérision : « Cette chanson a été enregistrée par Udo
en... 1533 ! » dit-il en ouverture du tonitruant « Hung, Drawn
& Quartered ». Lors de chaque concert depuis le décès de
Malcolm Young, Raven interprète un extrait du « It’s A Long
Way To The Top » d’AC/DC avec une émotion manifeste. Le
show s’achève sur le galopant et efficace « Crash Bang Wallop »,
qui reçoit une ovation nourrie et bien méritée. Du heavy
metal furieux et sans fioritures délivré avec une énergie tout
bonnement stupéfiante de la part de presque sexagénaires !
Sans surprise, Dirkschneider évolue dans un décor militaire
camouflage. Sven, le fils du chanteur en treillis (qui n’a que
24 ans), s’installe derrière son énorme kit et la scène accueille
rapidement l’indéboulonnable Fitty Wienhold (basse) et les
jeunes guitaristes Andrey Smirnov et Bill Hudson. Bientôt, la
voix d’Udo se fait entendre depuis l’arrière-scène et le chanteur
apparaît enfin… Démarrer sur un morceau de l’oublié Death
Row (1994) est un choix audacieux, mais qui caractérise bien
le parti pris de cette deuxième partie de tournée qui évite
toute facilité en mettant en avant de nombreux titres oubliés.
Qui aurait pensé entendre un jour cinq (!) extraits du mésestimé
Objection Overruled (1993) ? Si les deux premiers méfaits
d’Accept sont passés sous silence, Udo balaye soigneusement
toutes les autres facettes de sa formation d’origine, poussant
même le vice jusqu’à reprendre l’inattendu « X-T-C », origi-
nellement interprété par le chanteur David Reece ! Le public,
principalement composé de nostalgiques et de connaisseurs,
semble approuver la majorité de ces choix (quel bonheur
d’entendre trois extraits du fantastique Russian Roulette,
notamment son titre éponyme dantesque inexplicablement
boudé par Accept !), mais ce sont bien évidemment les
classiques qui obtiennent l’accueil le plus fervent, les accrocheurs
« Love Child » et « Midnight Mover » en tête. On déplore
cependant le manque de puissance du son qui privilégie la
batterie au détriment des guitares et ne flatte pas autant le
chant qu’on pourrait l’espérer. C’est d’autant plus regrettable
qu’Udo est toujours aussi à l’aise, son chant criard et éraillé
si particulier n’ayant que très peu souffert des outrages du
temps. Affable et peu bavard, le leader fait tout de même
participer les fans sur les quatre classiques finaux, prévisibles
mais toujours plaisants (mais où est donc passée la mythique
introduction du furieux « Fast As A Shark » ?). En revanche,
on ne sait trop que dire de la performance des guitaristes,
indéniablement talentueux mais bien trop statiques (Bill Hudson
semble s’ennuyer ferme durant la première partie du show),
qui restituent les soli d’Hoffmann de façon quelque peu
mécanique, sans s’autoriser la moindre liberté d’interprétation.
Ces petits bémols tempèrent notre enthousiasme, mais avoir
entendu Udo entonner ces hymnes en acier trempé a de quoi
faire oublier ces quelques reproches ! Un show de deux
heures (dont trente minutes consacrées aux rappels !) et une
sacrée soirée qui, d’après les premiers témoignages recueillis
sur le vif, a comblé nombre de spectateurs.
FRANÇOIS BLANC
Photos : Tiphaine Zanutto
91
 Si Alice Cooper nous a fait l’honneur de participer à deux

ALICE COOPER
éditions du Hellfest, voilà bien six ans que l’empereur du
Alice Cooper
cBrutal Planet – REPUBLICA shock rock ne s’était plus produit dans notre capitale. L’exci-
tation est à son comble : la Salle Pleyel (qui est désormais
cNo More Mr. Nice Guy libre de programmer tout ce qu’elle veut, sauf de la musique
cUnder My Wheels
LE 3 DECEMBRE 2017 A PARIS (SALLE PLEYEL) classique) affiche complet quelques jours après la mise en
cDepartment Of Youth vente des places, et une seconde date parisienne est annoncée
cPain dans la foulée, le 7 décembre à l’Olympia ! Arrivés à Paris la
cBillion Dollar Babies veille du concert, les cinq musiciens qui composent le Alice
cThe World Needs Guts Cooper Band se produisent en outre à la Boule Noire le 2
cWoman Of Mass décembre, en compagnie de High School Motherfuckers et
Distraction Carousel Vertigo, deux fleurons du hard français. Une démarche
c(solo guitare) fort sympathique qui semble avoir ravi les fans présents ! Au
cPoison moment de pénétrer dans la salle en ce dimanche, beaucoup
cHalo Of Flies
de spectateurs ignorent encore si une première partie est
c(solo batterie)
prévue. La réponse ne se fait pas attendre : Republica,
cFeed My Frankenstein
cCold Ethyl
formation brésilienne dont nous n’avons encore jamais
cOnly Women Bleed entendu parler, fait son entrée dès 18h55. Le quintet est fier
cParanoiac Personality de présenter Brutal & Beautiful, quatrième opus produit par
cBallad Of Dwight Fry Matt Wallace (Faith No More, Deftones, 3 Doors Down) et
cKiller/I Love The Dead dont l’étrange pochette fait office de fond de scène (une tête
(extraits) de bébé en train de « couler »). Au programme, un rock simple
cI'm Eighteen et « gras », très classique mais bien écrit et interprété. Un
Rappel : peu trop statique, le chanteur Leo Belling fait l’effort de dire
cSchool's Out quelques mots en français, et des titres comme « Beautiful
Lie » et « Broken » obtiennent les faveurs du public.
Un grand rideau noir représentant les yeux du chanteur avec
des araignées en guise d’iris masque au public l’installation
du décor d’Alice Cooper. Comme de coutume, l’inquiétante
et macabre introduction « Spend The Night » rappelle aux
spectateurs qu’ils ont été choisis pour passer la nuit dans le
monde de cauchemar d’Alice… Ça promet ! Le rideau tombe,
une gerbe de lumières explose et le riff lourd de « Brutal
Planet » marque le début des hostilités. Plein de morgue et
faussement hautain, le chanteur ôte se cape et se saisit de
sa fameuse canne, tandis que les musiciens font leur entrée
en descendant les escaliers placés sur les côtés de la scène.
L’accueil est triomphal : il faut dire que le décor du « freak
show » est, comme de coutume, particulièrement soigné, que
le son général est très bon (on peine à entendre le premier solo
de l’excellent « No More Mr. Nice Guy », mais les choses
s’améliorent très rapidement) et Vincent Furnier en forme
impériale. A l’arrière, on distingue un coffre à jouets décoré
de façon morbide, dont jaillit parfois une jeune fille qui vient
aider le maître de cérémonie à changer de veste en fonction
de l’ambiance des morceaux. Point très satisfaisant, cette
nouvelle tournée donne l’occasion de réhabiliter quelques
vieux titres oubliés, qui bénéficient grandement d’une
approche sonore plus puissante et moderne. Ainsi, après
avoir exhumé « Clones (We’re All) » voici quelques années,
c’est un bonheur que d’entendre Alice chanter « Pain » (en
belle redingote rouge !), autre extrait du mésestimé Flush
The Fashion (1980). Autres raretés du jour, l’énergique « The
World Needs Guts » extrait de Constrictor (1986) et, bien sûr,
le tranquille « Paranoiac Personality », unique extrait du récent
Paranormal à avoir été jugé digne d’être porté sur les
planches. Si l’on songe, avec un brin de nostalgie, à l’époque
du Theatre Of Death Tour (2009 – 2010) sur lequel chaque
chanson faisait l’objet d’un jeu de scène particulier, certains
gimmicks sont toujours bien présents, et ce, pour notre plus
grand plaisir : l’électrocution et l’arrivée du monstre géant
sur « Feed My Frankenstein » sont spectaculaires, la canne-
épée sur laquelle sont empalés les billets à l’effigie d’Alice
est de sortie sur l’incontournable « Billion Dollar Babies », et
le fameux « Ballad Of Dwight Fry » donne l’occasion à l’infirmière
Rozetta (interprétée par la femme d’Alice, Sheryl !) de se venger
du vocaliste qui tentait de l’étrangler un moment plus tôt et
de le passer au fil de la guillotine ! Rien de bien neuf sous le
soleil, mais voir Alice chanter « I’m Eighteen » avec sa propre
tête coupée en main a toujours quelque chose de jouissif !
Et puis, si des amis nous avaient informé que plusieurs
membres d’In Flames et de Five Finger Death Punch (qui se
produisent en concert à l’Olympia le lendemain) étaient
présents dans la salle, nous ne nous attendions pas à retrouver
le guitariste Jason Hook (5FDP) sur scène pendant « School’s
Out » ! Il faut dire que le gratteux a joué avec Alice Cooper
au début des années 2000. Une véritable histoire de famille !
Portée par des prestations de haut vol (très dynamique et fort
jolie, la guitariste Nita Strauss vole la vedette à ses comparses)
et pleine d’enthousiasme contagieux, cette prestation d’Alice
aura attesté de l’excellente santé du bonhomme, dont le
spectacle continue de ravir petits et grands. Pourvu que ça dure !
FRANÇOIS BLANC
Photos : Marc Villalonga

93
 PLAYLISTS
CHARLELIE ARNAUD
1. KNOWER – Live sesh
2. HOODED MENACE – Ossuarium Silhouettes
Unhallowed
3. GHOST – Ceremony And Devotion
4. DIZZY MIZZ LIZZY – Tout
5. SILVER MACHINE – IV – Gamma Geminorum EP
STEPHANE AUZILLEAU
1. KAYAK – Seventeen
2. RUSH – A Farewell To Kings (40th
Anniversary Edition)
3. BODY COUNT – Bloodlust
4. YES – Topographic Drama
5. LINKIN PARK – One More Night Live
BENJI
1. MACHINE HEAD – Catharsis
2. MAGNUM – Lost On The Road To Eternity
3. HOGJAW – Way Down Yonder
4. AUDREY HORNE – Blackout
5. JOE SATRIANI – What Happens Next
FRANCOIS BLANC
1. THERION – Beloved Antichrist
2. AVATAR – Avatar Country
3. ARKONA – Khram
4. HEIDEVOLK – Vuur Van Verzet
5. HÄLLAS – Excerpts From A Future Past
DJUL
1. ORPHANED LAND – Unsung Prophets &
Dead Messiahs
2. PERFECT BEINGS – Vier
3. MACHINE HEAD – Catharsis
4. GOOD TIGER – We Will All Be Gone
5. CORROSION OF CONFORMITY – No Cross
No Crown
GUILLAUME FLEURY
1. TRIBULATION – Down Below
2. DÄTCHA MANDALA – Rokh
3. VISIGOTH – Conqueror’s Oath
4. LIONE CONTI – Lione Conti
5. GRAVEYARD – Lights Out
VANESSA GIRTH
1. BETH HART & JOE BONAMASSA – Black
Coffee (advance CD)
2. MACHINE HEAD – Catharsis
3. AUDREY HORNE – Blackout
4. SCORPIONS – Best Of Rock Ballads
5. CHARLOTTE GAINSBOURG – Rest
EMMANUEL HENNEQUIN
1. HAMFERD – Támsins Likam
2. MONOLITHE – Nebula System
3. BLACK SABBATH – The End
4. THE CULT – Choice Of Weapon
5. COMPILATION – Metal Blast : Metal Dau
Lemosin
PHILIPPE LAGEAT
1. MACHINE HEAD – Catharsis
2. RUSSIAN CIRCLES – Guidance
3. AUDREY HORNE – Blackout
4. AMERICAN DOG – Unfinished Business
5. RUNNING WILD – Port Royal (Deluxe
Expanded Ediition)
MORGAN RIVALIN
1. AUDREY HORNE – Blackout
2. MACHINE HEAD – Catharsis
3. CORROSION OF CONFORMITY – No Cross
No Crown
4. BLACK LABEL SOCIETY – Grimmest Hits
5. TRIBULATION – Down Below
MARC VILLALONGA
1. TRIBULATION – Down Below
2. LIFE OF AGONY – A Place Where There’s
No More Pain
3. MACHINE HEAD – Catharsis
4. QUEENS OF THE STONE AGE – Villalins
5. PROPHETS OF RAGE – Prophets Of Rage
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AMERICAN DOG
Unfinished Business
(Bad Reputation/Socadisc)
Hard rock
Sortie : déjà disponible
Afin de fêter son vingtième anniversaire en
beauté, American Dog publie ce double CD
bourré jusqu’à la gueule et dont la superbe
pochette, qu’on doit au très talentueux
Matt Dixon, justifie à elle seule l’achat. Le
groupe de Columbus propose, sur le
premier disque, un raccourci de sa féconde
carrière (sept albums studio, plusieurs EP’s
et disques live) en l’espace de 18 titres
extraits de Last Of A Dying Breed (2000),
Red, White, Black And Blue (2003), Scars-N-
Bars (2005), Hard (2007), Mean (2009),
Poison Smile (2012) et Merry Christmas
Asshole (2012). Autrement dit, la
substantifique moelle de ce toutou aux
dents longues qui, depuis deux décennies
déjà, aboie un hard’n’roll à la croisée des
chemins entre Motörhead (dont une reprise
du « Rock It », puisée dans l’album hommage
St Valentine’s Day Massacre : A Rock’n’Roll
Tribute To Motörhead de 2005, est aussi
présente), pour la musique, et Alice Cooper,
pour la voix. Evidemment, le temps passe
vite à l’écoute de ces morceaux qui vont
droit au but, sans fioritures, la truffe humide
et le poil soyeux. Du hard’n’roll entre
copains, pour faire la fête, avec quelques
packs bien frais, évidemment ! Le second
CD est néanmoins plus intéressant pour les
fans de longue date du groupe car il
contient du matériel inédit : deux
nouveautés studio (« Unfinished Business »
et « I’m Offended »), deux subsides de l’EP
Six Pack de 2001 (« Out Of The Sun » de
Motörhead et « le « Train Kept A Rollin’ »
d’Aerosmith) et, surtout, un concert
enregistré à l’été 2014 sur le Neanderthal
Tour. Captés dans la moiteur du club Route
33 Rhythm And Brews de Wapakoneta,
dans l’Ohio (American Dog étant originaire
de Columbus, le groupe joue ici à la
maison), ces treize morceaux sont, pour huit
d’entre eux, extraits du dernier album
studio des Américains, Neanderthal (ce qui
explique qu’aucun titre de ce dernier ne
figure sur le best of du premier CD) qui en
compte dix. Ce témoignage live est
d’autant plus précieux qu’il s’agit de
l’unique tournée (réalisée en compagnie de
Tesla) sur laquelle le groupe, habituellement
power trio, se produisait avec un line-up de
quatre musiciens, le guitariste Vinnie
Salvatore (ex-The Dogz) épaulant alors
Michael Hannon (chant/basse), Steve Theado
(guitare) et Michael Harris (batterie). Cela
confère bien entendu au combo une
puissance inédite qui lui sied au moins aussi
bien qu’une laisse en cuir. Neanderthal
1 - 3 = naze / 4 - 6 = moyen / 7 - 8 = bon / 9 - 10 = génial !
MON ALBUM DU MOIS par MORGAN RIVALIN
AUDREY HORNE
Blackout
(Napalm Records/Season Of Mist)
Rock hard/heavy metal
Sortie : 12.01.2018
Il ne faut pas attendre longtemps pour que
Blackout nous offre un véritable déluge de
notes de guitares : ça vous tombe dessus
dès les premiers instants de son tout
premier morceau, « This Is War » ! Ceux qui
connaissent Audrey Horne n’en seront pas
surpris outre mesure, le groupe norvégien
ayant fait de son tumultueux tandem de
guitaristes une bonne partie de sa
signature. Le successeur de Pure Heavy
(2014) prouve que Arve « Ice Dale » Isdal
(Enslaved) et Thomas Tofthagen (ex-Sahg)
sont encore et toujours en grande forme.
A l’écoute des envolées finales de
« Blackout », vous pourrez les imaginer le
pied posé sur les retours avec leur Les Paul
respective solidement calée sur la cuisse
pendant que leurs doigts tricotent sans
relâche, à la vitesse de la lumière. Sans
doute plus que jamais chez Audrey Horne,
l’ombre d’Iron Maiden plane nettement au-
dessus de plusieurs titres de Blackout :
« This Is War », « California » ou encore
« Naysayer ». On jurerait même entendre
Steve Harris sur ce dernier si nous ne
savions pas que cette basse, clairement à la
fête dans le mix, est en réalité tenue par
étant décidément à l’honneur sur cette
seconde galette, les fans en ont droit à un
neuvième extrait (« Sun Won’t Shine ») mis
en boîte durant le soundcheck de ce même
gig de Wapakoneta. Un livret costaud
blindé de photos et à l’intérieur duquel
Hannon commente chaque titre finit de
rendre indispensable cet Unfinished
Business qui porte mal son nom car, comme
vous venez de le voir, il est pour le moins
PHILIPPE LAGEAT . . . . . . . . . . . . . . .8,5
complet. Du boulot de fans pour des fans !
ANVIL
Pounding The Pavement
(SPV/Season Of Mist)
Heavy metal
Sortie : 19.01.2018
On peut gentiment charrier Anvil pour tout
un tas de raisons, mais en aucun cas, on ne
peut l’accuser de se la couler douce. Pile-
poil dix ans après la présentation au
prestigieux festival du film Sundance aux
USA du rockumentaire The Story Of Anvil,
qui nous aura autant fait rire que touchés (et
qui a donné un incroyable coup de fouet à
une carrière alors au point mort), Anvil
Espen Lien. « Et Thin Lizzy ??? », demandent
en chœur les connaisseurs. Qu’ils se
rassurent : le groupe de Lynott est toujours
une influence majeure d’Audrey Horne qui
lui adresse un bon gros clin d’œil sur « Rose
Alley » (« Rosalie », ça vous dit quelque
chose ?) ou encore sur ce « Blackout »
hyper catchy, sorte de rencontre entre le
grand Lizzy et Pat Benatar (« Hit Me With
Your Best Shot »). Et puis, parfois, Audrey
Horne singe… Audrey Horne. « Rose
Alley » n’est pas sans nous faire penser à
« Out Of The City » et « Light Your Way »
afficherait de troublantes ressemblances
avec « Straight Into Your Grave » s’il n’était
pas traversé par une expérimentation riche
en percussions évoquant le go-go de
Washington D.C. (cher à Clutch, notamment).
Oui, Blackout n’oublie tout de même pas
d’explorer de nouvelles voies. Le très
direct et très rock « Audrevolution », qui
semble porter l’influence de Danko Jones,
groupe avec lequel Audrey Horne a tourné
en mars dernier, ne ressemble à aucun
autre titre issu de ses cinq albums
précédents. Oui, même ceux qui, au début
de sa carrière, voyaient la bande lorgner
bien davantage du côté du (post) grunge
que du classic hard rock. Au rayon des
surprises, un air de blues traverse « This
Man » et « Satellite » surprendra un paquet
de fans qui écarquilleront les yeux en
découvrant ce titre quasi funky et à la
production typiquement 80’s, dont le
groove lancinant finit par avoir raison de
n’importe quel mélomane normalement
constitué. N’oublions pas Torkjell
« Toschie » Rod, chanteur dont les mélodies
entêtantes vont encore une fois donner
envie aux spectateurs des futurs concerts
du groupe de pousser la chansonnette.
C’est bon signe, bien sûr, mais que les
casseroles qui se trouveraient à Paris le 20
janvier (Petit Bain), date du prochain
concert français d’Audrey Horne, sachent
qu’elles peuvent faire semblant de chanter.
MORGAN RIVALIN . . . . . . . . . . . . . . . .8
C’est bien, aussi !
poursuit son bonhomme de chemin avec un
17ème album studio intitulé Pounding The
Pavement. « Battant le pavé » (tel que le
proclame le titre de ce disque) comme des
morts de faim durant toute l’année, le trio,
s’il n’est plus à l’affiche des plus grands
festivals comme ce fut le cas en cette année
de grâce 2010, continue néanmoins de
tourner partout autour du monde, des USA
à l’Amérique du Sud, en passant par le
Japon et l’Europe. Idem en ce qui concerne
sa production discographique, d’une
régularité exemplaire. Lips, son chanteur/
guitariste, semble avoir développé, au fil
des années, une certaine aversion pour les
nouvelles technologies qu’il fustigeait déjà,
non sans humour, en 2001 sur « Computer
Drone » (à propos de « l’addiction » aux
ordinateurs). En 2018, il s’emporte dans
« Bitch In The Box », crise de colère
contre… les voix féminines vous indiquant
le trajet à suivre sur les GPS ! Autre thème,
fort différent, « Nanook Of The North » est
basé sur un documentaire du même nom
datant de 1922 et traitant de la condition
des Inuits, peuple vivant en grande majorité
en Alaska, au Groenland et au Canada.
Musicalement, « Ego », « Black Smoke »,
« Doing What I Want », « Smash Your Face »
aux riffs nerveux de Lips et aux coups de
boutoirs typiques du batteur Robb Reiner,
s’inscrivent dans la très bonne moyenne du
répertoire fourni des Canadiens. Le titre
éponyme est en réalité un instrumental de
fort bonne facture (le groupe s’est souvent
montré doué dans ce domaine), alors que le
côté le plus rock’n’roll du trio se dévoile lors
d’un « Rock That Shit » qui n’est pas sans
rappeler un bon vieux Motörhead. Quant à
« Warming Up », il se distingue par une
rythmique alliant metal et swing propre au
jazz, dans une veine similaire à l’instrumental
« Swing Thing » sur Juggernaut Of Justice
(2011). Alors, certes, on n’échappe pas à
quelques titres tout à fait dispensables
(« Let It Go », « World Of Tomorrow » et
« Don’t Tell Me », un bonus dont nous
aurions aisément pu nous passer), mais l’on
peut affirmer sans l’ombre d’un doute que
Pounding The Pavement contentera les
BENJI . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7
(rares) fans français du combo de Toronto.
ARKONA
Khram
(Napalm Records/Season Of Mist)
Pagan black metal
Sortie : déjà disponible
En dépit de son statut de leader incontesté
de la scène folk metal russe, Arkona, projet
mené depuis déjà quinze ans par l’incroyable
compositrice et chanteuse Masha « Scream »
Arkhipova, s’avère tout sauf prévisible et
statique. Contrairement aux formations qui
privilégient la facilité, pensent leurs
morceaux en fonction des concerts ou
donnent libre cours à leurs tentations pop,
Arkona assombrit, densifie et complexifie
son propos à chaque nouvelle sortie. En
2014, Yav avait déstabilisé l’auditoire du
combo : les morceaux continuaient à
s’allonger et les claviers à prendre de
l’importance tandis que la section folk
s’amenuisait sérieusement. Yav, en outre, se
trouvait complètement dépourvu de
chansons festives de la trempe de « Yarilo »
et « Stenka Na Stenku », pourtant toujours
hautement plébiscitées sur les planches. Et,
autant le dire tout net (la pochette vous
aura certainement déjà mis sur la voie),
Khram déboise les mêmes sentiers et
pousse le bouchon plus loin encore.
Composé de sept grosses pièces (si l’on
excepte l’ouverture et la brève clôture)
pour 75 minutes de musique, ce huitième
opus studio se présente comme un
mastodonte difficile à déchiffrer de prime
abord. Maelström de riffs, enchevêtrements
mélodiques imprévisibles, alternance
perpétuelle entre voix féminines extrêmes
et mélodiques ou solennelles, arrangements
d’instruments à cordes et à vent… Et
pourtant, tout doucement, Khram se laisse
apprivoiser et révèle progressivement sa
grande richesse. Breaks mystiques issus
d’un ailleurs mystérieux (les percussions
résonnantes, synthés et voix d’enfants qui
font respirer le long « Tseluya Zhizn’ »),
claviers d’ambiance (un morceau au titre
impossible à retranscrire se trouve même
parcouru de mélodies de piano inquiétantes),
flûtes et cornemuses porteuses d’un
caractère menaçant (« Shtorm », déstabilisant
de prime abord et pourtant fidèle au style
d’Arkona), et surtout, mélodies de guitare
inextricables, tristes et pénétrantes, dont
l’écoute ne saurait laisser indifférent
(« Rebionok Bez Imeni », dont l’introduction
se rapproche très fortement de ce que
faisait Primordial au début des années
2000, « Khram »). Parfois étrangement
atmosphérique (les sonorités très synthétiques
du pourtant réussi « V Ladonyah Bogov »),
toujours plein d’impétuosité et de passion
(les lignes de chant de Masha, solennelles
ou tempétueuses, débordent d’intensité),
et d’une tonalité générale grisâtre et
charbonneuse, Khram est un opus fort et
exigeant, unique et composé avec
beaucoup d’habileté. De quoi réjouir au
plus haut point les fans de la face la plus
extrême d’Arkona, mais laisser définitivement
de côté ceux qui espéraient retrouver la
dimension festive et plus accessible de
FRANÇOIS BLANC . . . . . . . . . . . . . . . . .8
jadis. Vous voilà prévenus !
AVATAR
Avatar Country
(Century Media/Sony)
Melting pot metal
Sortie : 12.01.2018
Deux ans après Feather And Flesh, les
Suédois d’Avatar sortent un nouvel album
studio, le septième déjà depuis le début de
leur carrière discographique avec Thoughts
Of No Tomorrow en 2006. Et cet Avatar
Country a la particularité d’être un concept-
album. Le côté déjanté qui fait la force du
groupe (réputé pour ses prestations
scéniques particulièrement énergiques, à
l’instar de son set jouissif au Hellfest en
2017) dans un contexte live peut aussi
apparaître comme son talon d’Achille sur
disque. En effet, la versatilité stylistique du
quintette passe peut-être un peu moins
bien sur album que sur les planches, où
l’énergie de son chanteur, Johannes
Michael Gustaf Eckerström, emporte tout
sur son passage. A cet égard, ce nouvel
album est par instants assez désarmant. Le
titre « The King Welcomes You To Avatar
Country », qui emprunte aussi bien à AC/DC
(belle imitation de Brian Johnson au
passage !) qu’au country rock à la mode
Bayou, est la parfaite illustration des limites
de l’exercice car il peine à convaincre
pleinement. La démarche fait parfois penser
à celle de Faith No More, en particulier sur
le convaincant « King’s Harvest »,
redoutable d’efficacité avec des rythmiques
qui découpent plus de bois qu’il n’en faut
pour passer l’hiver. Mais cette pratique de
l’orgie des styles a parfois un côté un peu
plus artificiel, ou moins assumé, que celle
de Patton et son gang. Clairement, Avatar
est plus à l’aise dans le registre nu metal,
avec guitares accordées très bas (« A Statue
Of The King »), ou power metal (« Legend
Of The King » l’un des morceaux les plus
réussis), que dans tous les autres styles. Du
coup, on se dit que ce n’est pas forcément
un mal quand le combo se la joue plus
classique et envoie la sauce de manière plus
directe, car ça, il sait particulièrement bien
faire. Plus aventureux, au final, que Feather
MON ALBUM DU MOIS par EMMANUEL HENNEQUIN
And Flesh et Hail The Apocalypse, ce qu’il
HAMFERD
Támsins Likam
(Metal Blade/Sony Music)
Funeral doom
Sortie : 12.01.2018
Hamferd a conquis un public fidèle avec ses
premiers enregistrements, et notamment
l’album Evst. Que ceux qui voyaient en ce
combo originaire des îles Féroé une
promesse d’avenir pour le genre soient
confortés dans leur opinion. L’occasion de
le voir live en Europe restera forcément
exceptionnelle (la logistique de tournée en
dehors des îles, sans être insurmontable,
pose une question organisationnelle et
économique). Cela ne rendra l’expérience
que plus précieuse : si vous êtes adepte de
doom funéraire, il faudra absolument aller
voir jouer Hamferd quand un show
pointera le nez pas trop loin de chez vous.
convient de saluer et de respecter, Avatar
Country renferme néanmoins trop de
morceaux dispensables (le slam « The King
Speaks » et les deux instrumentaux en fin
de course) pour pleinement convaincre. En
effet, tout compte fait, il ne reste, sur cet
album, que six morceaux entiers chantés,
soit à peine trente minutes, ce qui fait
quand même peu et ne correspond pas à ce
à quoi cette joyeuse compagnie nous avait
habitués. Il n’en demeure pas moins que,
même sur une durée aussi réduite, Avatar
parvient souvent à nous transporter dans
son univers si particulier (« The King Wants
You »), ce qui est assurément le signe d’un
talent indéniable. A voir sans doute sur
scène pour se faire pleinement une idée de
STEPHANE AUZILLEAU . . . . . . . . . . . . .7
cet album décousu.
AZZIARD
Metempsychose
(Malpermesita Records/Season Of Mist)
Black metal
Sortie : déjà disponible
Troisième album pour Azziard qui envoie
son black metal mâtiné de death depuis
maintenant seize ans à la face d’un public
toujours plus conquis. Et il y a de quoi !
Metempsychose est en effet exemplaire en
bien des points. Dans sa mise en son, tout
d’abord, signée par le nouvel incontournable
HK Krauss au Vamacara Studio de Clisson
(Loudblast, Dagoba, Flayed, Otargos…), qui
a concocté au combo parisien une sorte de
mur sonore blindé (on pense parfois à la
production d’Emperor sur Anthems To The
Welkin At Dusk, et il y a pire comparaison).
Voilà pour l’enrobage. Mais l’écrin a beau
être clinquant, il n’aurait aucun intérêt si le
Un intérêt qui redoublera avec la sortie de
ce disque, absolument confondant. Sur
Támsins Likam, réalisé avec l’assistance
technique de l’homme de studio Daniel
Bergstrand (Meshuggah), Hamferd donne
des explications au récit qui a imprégné ses
précédents enregistrements. Le groupe
revient aux sources de l’histoire et dépeint
une situation familiale dégradée par la
mort de l’enfant. La déliquescence de la vie
des êtres composant la cellule familiale est
mise en scène par une collection de titres
d’une étonnante unité, et à laquelle le
chanteur Jón Aldará imprime un ton vocal
plus ouvertement clair. Dans sa vibration, il
y a cet accent dramatique et légèrement
théâtral qu’on retrouvait au détour de
certains vibratos de Rowan London sur
l’album blanc de Virgin Black, Elegant...
And Dying (« Tvstevndur Meldur »). Aldará,
qui a récemment travaillé sur le prochain
opus de Barren Earth (sortie programmée
pour 2018), propose sur Támsins Likam une
mixture vocale d’un niveau émotionnel, il
faut le dire, peu commun. Sa dualité de ton
(clair/guttural) rappellera certains propos
tenus par Swallow The Sun, mais avec une
tendance sensiblement plus opératique
dans les parties claires (« Stygd »). Le
décorum de guitares créé autour des voix
par le groupe fait preuve lui aussi d’une
impérieuse assurance, et il va sans dire que
ce disque et sa force narrative installent
définitivement Hamferd parmi les figures
EMMANUEL HENNEQUIN . . . . . . . . . .8
importantes et actuelles du genre.
bijou était mal dégrossi. Or, Azziard, fort
d’un line-up renouvelé, livre ici un album
riche en matière, excellemment écrit et
bougrement riffu. Si, bien sûr, le propos de
base fera immédiatement fuir les âmes
réfractaires à tout chant écorché, le contenu
musical ne souffre aucune critique. Malgré
une méchanceté de tous les instants, la
mélodie est omniprésente (« Unus
Mundus » pourrait même servir de mètre-
étalon à toute bonne compo de black) et
l’opulence des compositions – longues et à
tiroirs – garantit un plaisir de qualité et
exempt d’ennui à tout amateur du genre.
Pour une petite touche de gruik bienvenue,
Julien Truchan (Benighted) et Psycho
(Antilife) viennent même seconder au chant
A.S.A. (ex-The Negation, comme plusieurs
membres du combo). Si Azziard assure
occasionnellement l’aération de sa musique
en ménageant quelques (rares) instants de
« répit » plus lents comme sur l’intro et le
break de « Le Sacrifice », l’essentiel reste
toutefois bigrement violent et il ne
viendrait à personne l’idée d’envier la place
de la peau de caisse claire du batteur
Anderswo. Saluons au passage le label
Malpermesita Records qui signe ici sa toute
première sortie et semble avoir misé sur le
bon cheval. En tous les cas, c’est certain, sur
l’un des combos qui représentent ce que le
black metal français – qui en a vu des vertes
CHARLELIE ARNAUD . . . . . . . . . . . .7,5
et des pas mûres – sait faire de mieux.
BLACK LABEL SOCIETY
Grimmest Hits
(Spinefarm Records/Universal Music)
Heavy/groove metal
MON ALBUM DU MOIS par CHARLELIE ARNAUD
HOODED MENACE
Ossuarium Silhouettes Unhallowed
(Season Of Mist)
Doom death
Sortie : 26.01.2018
La Finlande est une contrée où il fait nuit
six mois par an et dont le taux de suicide
est l’un des plus élevés d’Europe. Voilà,
CHARLELIE ARNAUD . . . . . . . . . . . .8,5
c’est tout.
Détendez-vous, je plaisante. Il n’empêche
qu’il vaut mieux vivre dans les faubourgs
d’Helsinki qu’à Majorque lorsqu’on s’attaque
à la composition d’un disque comme
Ossuarium Silhouettes Unhallowed. Lourd
comme une enclume, noir comme un truc
très noir, mais toujours bercé de mélodies
sublimes qui vous foutent un bourdon pas
possible, ce cinquième album du combo de
doom death finlandais renoue avec
l’excellence de ses frères aînés, Fulfil The
Sortie : 19.01.2018
Même si ce jeu de mots fait littéralement
hurler de rire l’ogre Zakk Wylde, quelle
drôle d’idée de semer la confusion en
intitulant ce nouvel album Grimmest Hits.
Une fois pour toutes, mettons le point sur
le « i » de « Black Label Society » : il s’agit
bien d’un nouvel album studio constitué de
compos inédites et non d’un quelconque
greatest hits piochant dans les neuf albums
précédents du gang. Vous vous en
apercevrez en lisant l’interview en ces
pages : Zakk Wylde aime employer des
métaphores culinaires pour décrire sa
musique. Il compare ses chansons à des
plats et ses albums à des repas complets,
avec entrée, plat et dessert (voire plus, si
affinités). On peut aussi parler de
« recette » tant Grimmest Hits s’inscrit dans
la droite lignée des derniers travaux de BLS,
Catacombs Of The Black Vatican (2014) en
tête. Disons-le d’emblée : celles et ceux qui
se sont fait tatouer la maxime « SDMF » un
Curse (2008) et Never Cross The Dead
(2010). Après, c’est sûr, la recette n’évolue
aucunement : toujours pas la moindre trace
d’un break hip hop. Mais si Hooded
Menace avait quelque peu marqué le pas
sur ses deux opus précédents, un tantinet
moins passionnants, ce nouvel essai s’avère
diablement séducteur. Comment résister à
l’écrasant et majestueux « Cathedral Of
Labyrinthine Darkness » ? La réponse est
simple : ne pas y résister, bien sûr ! (c’était
un piège) Harri Kuokkanen, nouveau vocaliste
du groupe, enterre tout ce qui se fait sur le
marché en termes de grave et de gras. Son
chant profond et âpre, toujours mixé un peu
en retrait et baigné dans une réverbération
magique, se fond pernicieusement aux
mélodies vicieuses de Lasse Pyykkö (guitare
et basse) qui semble avoir été touché par
le doigt d’on ne sait quel dieu/diable pour
accoucher de mélopées aussi sublimement
funèbres. « Charnel Reflections » (si l’on
excepte son chant death) pourrait même se
faire passer pour un bonus-track du Nightfall
de Candlemass. C’est vous dire quel niveau
de qualité nous atteignons ici. Mention
spéciale au batteur de sessions Pekka
Koskelo car on ne rappelle jamais assez à
quel point il est encore plus difficile d’être
irréprochable sur un tempo pachydermique
que sur des plans rapides. Hooded Menace
commence donc rudement bien l’année
avec un disque solide, majestueux et
prenant, qui parlera inévitablement à tous
ceux qui ne se sont pas encore remis du
CHARLELIE ARNAUD . . . . . . . . . . . .8,5
split de Cathedral. Voilà, c’est tout.
 peu partout sur le corps et qui attendent de
pied ferme que le grand Zakk repasse à
l’attaque en publiant un disque aussi énervé
que Sonic Brew (1998) ou Stronger Than
Death (2000) en seront pour leurs frais.
Comme Catacombs…, Grimmest Hits
comporte en effet son lot de titres lents,
calmes, voire hyper mélodiques : la ballade
« The Only Words » rehaussée d’orgue, le
brumeux « All That Once Shined », le
désabusé « Seasons Of Falter », « Nothing
Left To Say » et sa dimension acoustique,
etc. Le lion Wylde ne rugit plus : il chante
dans sa crinière ou, plutôt, dans sa barbe...
(« Illusions Of Peace » et ses vocaux un peu
trop « enterrés ») Heureusement, quand il
le veut, Black Label Society est encore
capable de faire parler la poudre. Il le
prouve avec « Trampled Down Below », titre
sludgy sorti des marécages, juste boueux
comme il faut, bourré de vocaux planants
harmonisés qui font furieusement penser à
un certain Alice In Chains. Mais bon, dire
que Zakk Wylde aime Alice In Chains revient
à révéler que Maïté adore le cassoulet !
Rappelons qu’en 2004, Black Label Society
avait rendu hommage au regretté Layne
Staley sur l’acoustique Hangover Music Vol.
VI (« Layne »). Comme d’hab’, on entend
aussi du Black Sab’ à moult moments de ce
nouvel opus (« A Love Unreal », le clin d’œil
à « Iron Man » au début de « Disbelief »,
etc.), mais là aussi, il y a plus étonnant de la
part d’un musicien œuvrant dans un groupe
de reprises nommé Zakk Sabbath (!) et qui
côtoie le Prince Of Darkness himself (Ozzy
Osbourne) depuis pas moins de trois
décennies. Et nous prendrions bien le
temps de vous parler de l’influence
« guitaristique » d’un certain Jimi (« The Day
That Heaven Had Gone Away » et son
superbe solo) si le simple fait qu’un des trois
fils de Zakk Wylde se prénomme Hendrix
n’était pas suffisant (un autre s’appelle
Sabbath ! Véridique !). En cuisine, le chef
Zakk Wylde fait du Zakk Wylde, mais ce
repas proposé par Black Label Society est
sans doute à la fois l’un de ses plus riches ET
MORGAN RIVALIN . . . . . . . . . . . . . .7,5
l’un des plus équilibrés. Prends ça, Maïté !
CORROSION OF
CONFORMITY
No Cross No Crown
(Nuclear Blast/PIAS)
Stoner/sludge
Sortie : 12.01.2018
Retrouver le Corrosion Of Conformity
« version Pepper Keenan » en 2018, c’est un
peu comme retourner dans une maison
familiale dans laquelle rien n’a bougé.
Douze ans après le départ de Mister
Keenan de C.O.C pour se focaliser sur
Down, on retrouve en effet, à peu de
choses près, le groupe qu’on a aimé et
qu’on avait laissé sur les dernières notes de
« In The Arms Of God », morceau-titre qui
achevait l’album de 2005. Après une intro
doomy à souhait, No Cross No Crown nous
informe vite que C.O.C. est remonté
comme un coucou et que Pepper est loin de
la jouer « pépère ». Avec son riff de
bûcheron et son chant abrasif et possédé,
« The Luddite » est une superbe rampe de
lancement pour « Cast The First Stone » :
coup de pied au cul en bonne et due forme
qui ravira les nostalgiques de « King Of The
Rotten » (Wiseblood/1996). Tous les titres
de No Cross No Crown ne sont toutefois
98
pas aussi directs. Loin de là. Il faut plusieurs
écoutes pour apprivoiser cet album à la
production brute de pomme (John Custer
est fidèle au poste) et qui sonne live au
point de nous téléporter en Caroline du
Nord et de nous immerger dans le local des
quatre compères. Un titre comme « Nothing
Left To Say » sent la jam et l’instantané à
plein nez, ce qui ne surprendra pas outre
mesure les fans de Pepper Keenan qui
savent que le chanteur/guitariste ne joue
jamais un solo deux fois de la même façon
(parce qu’il n’arrive pas à s’en souvenir, dit-
il !). Très en forme, ce qui rassurera ceux qui
s’étaient inquiétés pour lui (voir interview
en ces pages), Reed Mullin est inventif
comme jamais (très bon « Wolf Named
Crow »), insufflant une belle dynamique à
ces bouts de « monolithic madness » (Cf.
« E.L.M. »), entourés d’interludes
hétéroclites qui s’inscrivent dans la plus
grande tradition C.O.C. Tout ceci nous
prépare lentement, mais sûrement, à la
doublette finale : un tandem « No Cross No
Crown »/« A Quest To Believe (A Call To The
Void) » à la dimension mystique, à écouter
les chakras grand ouverts, un bâton
d’encens enfiché dans chaque narine. Effet
ga-ran-ti ! Même si No Cross No Crown
aurait gagné à être un peu plus direct et
accrocheur, il distille ses qualités au fil des
écoutes et ne décevra pas les amateurs : les
mêmes qui, année après année, squattent la
Valley du Hellfest et qui, c’est certain,
préféreront zapper le baptême du petit
cousin, voire le mariage du copain, plutôt
que de rater C.O.C. à Clisson en juin
MORGAN RIVALIN . . . . . . . . . . . . . .7,5
prochain.
DÄTCHA MANDALA
Rokh
(MRS Red Sound)
Rock psyché
Sortie : déjà disponible
Le mot « dätcha » est inspiré des maisons
russes de l’ère soviétique, tandis que
« mandala » évoque les dessins bouddhistes
utilisés pour la méditation. L’association de
ces deux mots désigne quant à elle un trio
bordelais né en 2009, mais qui sort à
présent son premier album. En presque dix
ans, Nicolas (basse), JB (batterie) et Jeremy
(guitare) n’ont néanmoins pas chômé
puisqu’ils ont donné environ 450 concerts
un peu partout en Europe, ouvrant
notamment pour des groupes comme
Shaka Ponk, Blues Pills, et même les Insus
lors de leur passage au Stade de France.
Suite à une campagne de financement
participatif couronnée de succès, le groupe
a pu s’offrir un enregistrement 100 %
analogique en compagnie de la référence
anglaise Clive Martin (Queen, The Cure).
Autant dire que ce disque sonne sacrément
bien, lui qui semble tout droit sorti des
années 70. En effet, le groupe ne s’en cache
pas (il serait gonflé de le faire), Led
Zeppelin est probablement sa principale
influence, comme en témoigne l’entrée en
matière « Have You Seen The Light », qui
débute sur un pattern de batterie qu’on
croirait joué par John Bonham, avant un cri
de... Robert Plant ! Au moins, les choses
sont claires ! « Da Blues » propose d’ailleurs
des lignes vocales elles aussi très, très
inspirées par Plant. Mais il serait injuste de
réduire Dätcha Mandala à une vulgaire
copie car les influences du groupe sont tout
de même plus variées que cela, et son envie
de proposer un rock’n’roll sincère se ressent
clairement. En témoigne la très belle
ballade « Misery », à l’ambiance
mélancolique très convaincante et qui
évoque par instants un Muse. Par ailleurs,
« Anahatä », premier single, renferme un riff
très typé Motörhead, mais qui aurait été
passé à la sauce Led Zeppelin. Lemmy
figure d’ailleurs parmi les nombreux
portraits que présente la pochette (sur les
MON ALBUM DU MOIS par STEPHANE AUZILLEAU
KAYAK
Seventeen
(Inside Out/Sony)
Rock progressif
Sortie : 12.01.2018
Au plus fort de sa vitalité dans les années
70, le rock progressif a pu compter sur un
grand nombre de groupes de qualité,
même s’ils n’ont évidemment pas tous
connu le succès immense des Genesis et
autres Yes. Kayak fait partie de ceux-là.
Originaire de Hollande, le groupe emmené
par Ton Scherpenzeel (claviers) réjouit les
amateurs du genre depuis 1974 et n’a
jamais lâché le morceau. Seventeen est son
17ème album, trois ans après Cleopatra - The
Crown Of Isis. Et pour ce nouvel opus, Ton
a totalement renouvelé le line-up qui
l’accompagnait, un peu contraint et forcé
toutefois par le départ de ses deux
vocalistes, Edward Reekers et Cindy
Oudshoorn. Mais il a fait bonne pioche !
D’abord, en tombant sur un chanteur
incroyable, Bart Schwertmann, qui possède
un coffre phénoménal. Ensuite, en
recrutant le guitariste Marcel Signor, dont
le jeu apporte beaucoup de modernité. Ça
démarre très fort avec « Somebody », un
titre presque FM dans la veine de
Foreigner (pour ses nappes de synthés),
redoutablement efficace et sur lequel Bart
met tout de suite les choses au point. Mais
immédiatement après, on revient au
ailes du « rokh » qui donne son nom à
l’album, à savoir un oiseau tiré de la
mythologie arabe, symbole de renouveau et
d’immortalité), aux côtés notamment (sauf
erreur de notre part) de Janis Joplin,
Gandhi, Robert Plant, John Lennon ou
encore Angus Young. Si, comme c’est
souvent le cas pour nos groupes de
l’Hexagone, l’accent « frenchy » est
facilement reconnaissable, le chant du
bassiste Nicolas reste très maîtrisé et
expressif, comme en atteste l’autre ballade,
« Smiling Man ». De son côté, Jeremy
pourvoie de superbes lignes de guitare
pleines d’un feeling qui donne la sensation
de redécouvrir, dans son grenier, un vieil
effort oublié des années hippies. Enfin, que
serait un album inspiré des Seventies sans
influences orientales ? C’est là qu’intervient
notamment « Human Free », avant un
« Loot » qui dévoile en douze minutes
progressives tout ce dont la bande est
capable en termes d’atmosphère
électrique. Un premier effort très abouti et
encourageant, respirant la passion sincère
du hard rock originel et qui trahit une
maturité déjà évidente après tant d’années
monde du progressif symphonique avec
« La Peregrina », un véritable petit bijou :
douze minutes de bonheur et d’inspiration,
tantôt groovy, tantôt mélancoliques, avec
de nombreuses envolées instrumentales au
cours desquelles claviers et guitare font jeu
égal. On peut ressentir ici l’influence de
groupes comme Arena et Camel (dont Ton
a fait partie durant de longues périodes ces
trente dernières années). Le piano/voix qui
suit, « Falling », est de toute beauté,
rehaussé de chœurs superbes. Le chant, sur
cet album, est si expressif et les ruptures
stylistiques, au sein d’un même morceau ou
entre différents titres, si évidentes qu’on a
parfois l’impression d’écouter la bande-son
d’une comédie musicale survitaminée (à
l’image de l’irrésistible « God On Our Side »,
avec son instrumentation autour du banjo).
C’est l’une des grandes forces de ce disque
qui passe du très pêchu (« Feathers And
Tar ») à la mélancolie absolue (le déchirant
instrumental « Ripples On The Water » sur
lequel le maestro de Camel, Andy Latimer,
vient prêter main forte au groupe avec son
jeu de guitare inimitable). Seventeen contient
trois morceaux épiques, très réussis et
différents les uns des autres (avec des
influences plus celtiques, par exemple, sur
« Walk Through The Fire »), et neufs
compositions courtes, souvent très
dynamiques, ayant une personnalité propre
et racontant une histoire. Les parties vocales
sont divinement bien produites, tout
comme l’ensemble, de manière générale. Il
y a d’ailleurs, tout au long de cet album, un
côté Robby Valentine (une référence dans
le genre) dans la superbe des harmonies
vocales et l’agencement des chœurs, cette
impression étant renforcée par le jeu de
Marcel Signor qui n’est pas non plus sans
évoquer celui de son compatriote. Le tour
de force dans tout cela, c’est que, même en
changeant d’équipe et en étant versatile
dans son approche, Ton est parvenu à
préserver la personnalité de Kayak ! On se
régale donc avec cette galette qui vient
STEPHANE AUZILLEAU . . . . . . . . . . . . .8
enjoliver notre début d’année.
 MON ALBUM DU MOIS par PHILIPPE LAGEAT
MACHINE HEAD
Catharsis
(Nuclear Blast/PIAS)
Thrash metal/groove metal
Sortie : 26.01.2018
Le 2 septembre 2014, alors qu’il assurait la
promotion de Bloodstone & Diamonds à
Paris, Robb Flynn, chanteur/guitariste de
Machine Head, nous avait confié : « De nos
jours, plus personne ne semble écouter de
disques en entier. Et je reconnais que cet
album est long. Une fois totalement
achevé, il devrait avoisiner les 71 minutes
(…) Pour moi, Reign In Blood (Slayer) reste
un modèle. 29 minutes : juste le temps qu’il
me faut pour me rendre à notre local de
répèt’ ! Moving Pictures de Rush est un
autre cas d’école, lui qui ne doit pas
dépasser les 37 minutes. En ce qui me
concerne, j’ai du mal à rester concentré
plus longtemps (…) A moins d’être
vraiment en extase devant un disque, après
40 minutes, je commence à sauter des
pistes ou à passer à autre chose ». On peut
donc légitimement s’étonner de voir le
nouvel opus de Machine Head, Catharsis,
renfermer quinze (15 !!!) titres pour 75
minutes de musique. C’est là le vrai
défaut d’un disque qui, plus court, amputé
de trois ou quatre morceaux, se serait
certainement avéré encore plus percutant
qu’il ne l’est déjà. Dommage car, pour le
reste, cette catharsis n’est pas dénuée de
qualités. La première d’entre elles est
assurément le refus de stagner, Machine
Head n’hésitant pas – et c’est tout à son
honneur – à prendre des risques : c’est le
cas du déconcertant mais convainquant
« Bastards », chanson folk de Flynn à
l’adresse de ses fils après l’élection de
passées à polir soigneusement ces
GUILLAUME FLEURY . . . . . . . . . . . . .7,5
morceaux. A suivre avec attention, donc !
GHOST
Ceremony And Devotion
(Caroline /Universal)
Hard rock
Sortie : déjà disponible
Ainsi donc, nous y voici : il n’y avait guère
plus qu’un album live à ajouter au tableau
de chasse de Ghost. A bien y réfléchir, ce
genre de disque-pivot arrive effectivement
à point nommé dans la carrière du groupe
qui a, ces derniers mois, été secoué par de
sérieuses révolutions intestines. Sans
grande surprise, Ceremony And Devotion
ressemble à s’y méprendre à un best of sur
lequel on aurait greffé des cris de public
de la troupe, un control freak tel que Tobias
« Papa Emeritus » Forge ? En revanche,
carton plein pour le choix de la setlist qui
Trump qui est ici bien plus virulente que la
ne fait l’impasse sur aucun des tubes du
version acoustique lâchée sur le Net par le
combo – lequel, de toute façon, n’écrit que
chanteur en novembre 2016. Quand le
des tubes. « Year Zero », « Cirice », « He
morceau, à mi-parcours, se transforme en
Is », « Absolution », « Body And Blood »,
glaviot punk, on pense à des Pogues
« From The Pinnacle To The Pit »… Tout le
musculeux, façon Dropkick Murphys, les
monde est venu. Le public du Warfield de
paroles de Flynn ne cachant guère ses
San Francisco a eu droit, le 2 juillet dernier,
orientations politiques (« Give us all your
au menu gastronomique 15 services :
muslims, the so-called terrorists / We
même Opus Eponymous, de plus en plus
welcome them with open arms, put ‘em in
fréquemment contourné en concert, est ici
our mix »). « Triple Beam » étonne aussi,
représenté par « Con Clavi Con Dio » et
avec son chant rappé façon gangsta rap, ce
« Ritual ». La plus grande surprise (la
flow hip hop qui fait de ce titre l’une des
seule?) de ce live est d’entendre Papa
plus belles réussites de l’album. On pense
Emeritus III sur un « Mummy Dust » assez
également à « Behind A Mask » et sa
agressif haranguer la foule avec la
guitare sèche, une compo dénuée
véhémence d’un Dee Snider (l’imitation est
d’explosion de violence et sur laquelle
saisissante) ! Ses autres interventions sont
Robb chante en voix claire de A à Z.
en revanche bien plus anecdotiques et
Probablement une première… Enfin, dans
surtout archiconnues pour qui a déjà vu le
le genre « surprises », « Heavy Lies The
groupe en live sur ses dernières tournées
Crown » se pose là avec ses violons et
(notamment le speech interminable sur
violoncelles saupoudrés de chuchotements
l’orgasme féminin en intro de « Monstrance
de Robb qui ne diront rien qui vaille aux
Clock »). Il serait néanmoins bien idiot de
trashers, mais n’en demeure pas moins
bouder notre plaisir car Ceremony And
intéressant, au même titre que le travail sur
Devotion est une très bonne compilation
les voix de « Psychotic ». Nous, toutes ces
jouée avec application par ce nouveau line-
digressions, on aime, mais ceux qui
up : mentionnons d’ailleurs la goule
apprécient leur Machine Head plus burné
claviériste fraîchement recrutée qui s’avère
se referont avec des grandes giclées du
particulièrement efficace. Ghost clôture
calibre du speedé « Razorblade Smile », du
ainsi un cycle et offre aux néophytes un joli
groovy « Beyond The Pale », kornien en
résumé des prouesses accomplies par le
diable, ou encore d’un « Volatile » (très
groupe en un temps record (sept ans
Slipknot avec son « fuck the wooooorld !!! »)
seulement depuis son premier album !).
rehaussé d’un impressionnant duel de
Certaines formations n’auront en effet
guitares. C’est fou le bien que Phil Demmel
jamais assez d’une carrière entière pour
CHARLELIE ARNAUD . . . . . . . . . . . . . .8
a fait au groupe, incitant Flynn à élever le
composer autant de hits…
niveau lors de joutes dantesques. Cela
GOOD TIGER
s’entend, par exemple, sur « California
Dreaming », au refrain qu’on croirait, encore
une fois, chanté par Corey Taylor. Et si « Hope
Begets Hope » et « Screaming At The Sun »
s’avèrent plus passables (voilà deux We Will All Be Gone
(Metal Blade/Sony Music)
exemples-types de morceaux dispensables
Rock/djent progressif
dont l’absence aurait boosté le disque en Sortie : 09.02.2018
le rendant plus digérable), « Catharsis »,
Fondé sur les cendres du regretté The
avec son piano et ses grattes qui tricotent
Safety Fire, et avec un ancien membre de
sévère sur fond de mélodie en chant clair,
Tesseract (le chanteur Elliot Coleman),
fait oublier ces légers désagréments. A
Good Tiger est à la fois un « super groupe »
l’instar de ce dernier, voilà donc un album
du mouvement djent et un conglomérat de
hyper varié, tout en montagnes russes, qui
musiciens désireux de prendre une
souffle le chaud et le froid comme The
revanche sur leur (premier) destin. Une
Burning Red (1999) put le faire en son temps
motivation qu’on retrouvait parfaitement
et qui séduira les plus ouverts d’esprit
retranscrite sur A Head Full Of Moonlight,
comme il rebutera les frères Tapedur qui ne
PHILIPPE LAGEAT . . . . . . . . . . . . . . . . .8
un disque en forme de nouveau départ de
jurent que par la violence brute.
carrière, sur un nouveau label (Metal Blade)
et avec plusieurs tournées à la clé (dont une
avec Periphery). Un nouveau départ
entre les chansons : tout ici est stylistique également, avec une musique
irréprochable et d’une propreté telle qu’on indéniablement plus accessible et ramassée
pourrait manger par terre. Comment que par le passé, utilisant au mieux le chant
pourrait-il en être autrement avec, à la tête mélodique de Coleman et avec des
 En octobre 2014, les Editions Point Barre publiaient « AC/DC Tours de France 1976-2014 »,
un pavé monumental de 712 pages retraçant le parcours d’AC/DC dans notre pays. Depuis,
les auteurs, Philippe Lageat et Baptiste Brelet, sont retournés fouiller dans les archives et en ont
ressorti des centaines de nouvelles photos (pour la plupart totalement inédites et jamais publiées
à ce jour) prises entre 1976 et 2014. Là est le vrai trésor de ce Volume 2 qui renferme aussi
quelques interviews exclusives de personnages comme Jake Berry (production manager) et Paul
Scottie Wright (premier tour-manager européen) qui, jamais auparavant, n’avaient accepté de
raconter leurs aventures « acédéciennes ». Reste que ce Volume 2 se concentre avant tout sur les
photos et se pose, non comme la suite du premier volume, mais comme son petit frère de 304
pages, son complément idéal. La préface est l’œuvre du chanteur Brian Johnson en personne !

Ci-dessus : le livre, le dos de son étui réalisé par

Hervé Monjeaud et les trois lithographies
interventions toujours aussi tranchantes,
mais moins bavardes, de la paire de
guitaristes composée de Dery « Dez »
Nagle et Joaquin Ardiles. Ce cap est
maintenu sur We Will All Be Gone, qui
exploite exactement la même formule,
parfois un peu trop d’ailleurs. L’effet de
surprise à la découverte de son
prédécesseur s’est en tout cas estompé.
Certes, le dynamique « Float On » dispose
d’une rythmique nerveuse et voit le chant
de Coleman se faire hacher menu, en mode
dubstep. « Blueshift » s’amuse également
des sonorités électroniques sur son refrain
et permet à Alex Rüdinger de briller à la
batterie, tandis que « Nineteen Grams »
revient, mais trop brièvement, aux passes
d’armes guitaristiques de The Safety Fire,
comme poussé par le besoin de rester
accessible. « I’ll Finish This Book Later » clôt
avec élégance l’ensemble, telle une ballade
au final puissant et atonal à la Oceansize. La
mise en son est elle aussi sans reproche, et
c’est sans surprise puisque les expérimentés
Forrester Savell (Karnivool, Dead Letter
Circus) et Adam Getgood (Periphery,
Animal As Leaders) sont aux manettes,
respectivement à la production et au
mixage. Mais on arrive quand même à
trouver le temps long sur ce disque de
seulement 37 minutes et, tout aussi
surprenant, on peine à vraiment discerner
un titre de l’autre (« Such A Kind Of
Stranger », le troisième morceau, ne fait
que recycler la structure et les riffs des deux
premiers). Rentrant un peu dans le rang,
faute de se renouveler alors qu’il évolue
dans un genre que certains trouvent déjà
rébarbatif, We Will All Be Gone pêche par
manque de prise de risques et ne pourra
par définition que convaincre… les
convaincus, ce qui ne semble pas le but
DJUL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .6
affiché par ces ambitieux musiciens.
HEIDEVOLK
Vuur Van Verzet
(Napalm Records/Season Of Mist)
Folk/viking metal
Sortie : déjà disponible
Sur le papier, Heidevolk a tout pour plaire :
l’expérience héritée d’une longue carrière
(quinze années et six albums, déjà !), deux
habiles vocalistes qui combinent leurs voix
de façon plutôt originale, une identité forte
(le sextet est assurément le groupe de folk
metal le plus connu de Hollande et l’une des
formations de référence en ce qui concerne
le mélange entre metal et langue
néerlandaise), un concept intéressant
(l’exploration de l’Histoire, des légendes et
du folklore batave), une réelle présence en
live… Comment expliquer alors qu’en dépit
de tous ces arguments de poids, le combo
ne se soit toujours pas imposé plus
largement ? Vuur Van Verzet, sixième opus
qui à paraître, nous permet de fournir
quelques réponses supplémentaires à cette
interrogation, déjà formulée à la sortie de
Velua (2015). Outre le fait de manquer
d’originalité dans ses riffs et phrasés
rythmiques et d’être handicapé par la
redondance de certains gimmicks
mélodiques, Heidevolk n’a jamais disposé
d’une production digne de lui, capable de
flatter ses qualités de compositeur et
d’interprète, et de l’élever au niveau
supérieur. Ainsi, l’usage de deux voix
masculines chantant presque toujours
simultanément finit par induire une certaine
monotonie au lieu de fournir le surplus de
dynamisme que l’on serait en droit
d’attendre, et les chansons elles-mêmes
MON ALBUM DU MOIS par BENJI
MAGNUM
Lost On The Road To Eternity
(SPV/Season Of Mist)
Hard rock mélodique
Sortie : 19.01.2018
Avec le départ de Mark Stanway, le
claviériste historique du quintet, et le
« remerciement » d’Harry James, batteur
du groupe depuis 2009, nous pouvions
imaginer que Magnum, formation dont les
premiers pas remontent à 1972, aurait
toutes les peines du monde à se relever
d’un tel bouleversement. Mais il semble
qu’au contraire, ce nouveau challenge ait
motivé comme jamais ses deux derniers
membres originaux, Tony Clarkin, le
guitariste, seul compositeur et visionnaire
du groupe, et son fidèle et talentueux
vocaliste/conteur d’histoires, Bob Catley.
Disons-le tout de suite, avec l’entrain mis
par les vétérans et le coup de boost
apporté par les deux p’tits nouveaux, Lost
On The Road To Eternity s’avère une
éclatante réussite. Rick Benton s’est posé
derrière des claviers qui n’avaient plus été
aussi proéminents dans le son du groupe
depuis un bail. Comme si Clarkin avait en
quelque sorte laissé assez de champ au
nouveau venu pour marquer son territoire
et prendre le relais d’un Stanway très
apprécié des fans, mais peut-être trop en
retrait depuis quelques années. Quant à
celui qui s’est positionné derrière les futs,
il n’est pas un inconnu des lecteurs de ce
magazine, puisque Lee Morris fut le
cogneur de Paradise Lost durant une
dizaine d’années entre 1994 et 2004 (le
temps, notamment, de graver avec eux
deux classiques absolus, Draconian
Times/1995 et One Second/1997). Cet
semblent, de prime abord, d’une telle
homogénéité que l’on ressort généralement
de la première écoute d’un disque des
Bataves sans rien en retenir. Sur ce point
précis, et bien que les basses manquent
encore de puissance et que les voix soient
inexplicablement sous-mixées (alors que les
belles mélodies devraient nous exploser en
pleine face !), cette cuvée 2018 redresse la
barre, un effort de variété ayant réellement
été mis en œuvre en termes de
composition. Interlude au charme tribal
porté par des chœurs masculins d’une
grande beauté (« Yngwaz Zonen », pause
incontestablement réussie et évocatrice),
usage ponctuel et judicieux de l’anglais (« A
Wolf In My Heart », l’un des titres les plus
accrocheurs du disque), recours à des
invités de marque (Alan Nemtheanga de
Primordial qui livre une prestation crue et
album débute très fort avec « Peaches And
Cream », énergique entrée en matière,
suivi du non moins puissant « Show Me
Your Hands », durant lequel le piano et les
claviers de Benton se font violence sans
pour autant « encombrer » le spectre
sonore de Magnum, toujours basé sur les
lignes de guitares mélodiques de Clarkin.
« Storm Baby », sorte de power-ballad à la
sauce Magnum, permet à Catley de faire
vibrer sa corde sensible. Curieusement,
alors que nous avions signalé, sur les deux
précédents albums du groupe, quelques
passages où le petit vocaliste semblait
lutter pour donner à sa voix son emphase
habituelle, il apparaît ici en grande forme
du haut de ses soixante-dix ans. Comme
souvent, Clarkin laisse son bracelet-montre
à la maison et se laisse aller à des titres
épiques, tels « Welcome To The Cosmic
Cabaret » (8’08) doté d’un fort bon refrain,
d’un délicat break de claviers et d’un long
final de guitares atmosphériques, et
l’émouvant « King Of The World », mid-
tempo accrocheur qui se termine pied au
plancher et conclut de fort belle manière
cet album. « Lost On The Road To Eternity »
s’avère l’un des sommets du disque : avec
sa rythmique plombée (Lee Morris nous
rappelle d’où il vient), ce duo (une
première dans l’histoire de Magnum !) met
en lumière Bob Catley et Tobias Sammet, le
vocaliste d’Edguy et le cerveau derrière
Avantasia, le grand barnum metal auquel
Catley prend part régulièrement.
L’association des deux vocalistes ne date
donc pas d’hier, mais en revanche, elle fait
figure d’évènement dans le cadre de
Magnum. D’autant que ce titre ambitieux,
sur lequel le Bohemian Symphony
Orchestra Prague (celui qui accompagne la
tournée Rock Meets Classic depuis
plusieurs années, à laquelle ont pris part
Catley et Clarkin en 2017) signe des
orchestrations de toute beauté. Les virils
« Without Love » et « Ya Wanna Be
Somebody » font partie des autres bons
moments d’un disque complet, varié, et
dont on n’est pas prêt de se lasser. A noter,
une pochette une nouvelle fois signée
Rodney Matthews, truffée de détails qui
parleront aux fans de la première heure et
qui seront heureux d’observer le retour du
logo estampillé 1982. A apprécier au
BENJI . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .8
format LP !
habitée sur le plaisant « The Alliance »),
étoffement majeur de la section folk,
finement arrangée (les cordes discrètes de
« Britannia », le dulcimer de « The
Alliance », l’instrumental acoustique « Het
Oneindige Woud »), Vuur Van Verzet atteste
d’un réel savoir-faire, d’une inspiration
florissante et a de nombreux atouts pour
fédérer fans de folk, viking, heavy et power
metal sous sa bannière. Vraiment frustrant
qu’un tel disque, solide de bout en bout,
soit handicapé par un son général si
FRANÇOIS BLANC . . . . . . . . . . . . . . .7,5
générique et ennuyeux !
HOGJAW
Way Down Yonder
(Snakefarm/Universal)
Rock sudiste
Sortie : 26.01.2018
Hogjaw : autant vous l’avouer, cette
formation de Peoria (située à quelques
kilomètres de Phoenix/Arizona) était
jusqu’à présent passée au-delà de nos
radars. Jusqu’ici uniquement disponibles en
import, ses cinq premiers albums édités
depuis 2008 ont pourtant déjà largement
attiré l’attention des fans de rock sudiste.
Snakefarm, une filiale du label Spinefarm, a
flairé le bon coup et met aujourd’hui à
disposition du public européen le
précédent album du quartet (Rise To The
Mountains/2015), ainsi que le sixième opus
du gang, Way Down Yonder. Et à l’écoute
de ce dernier, on se dit qu’on est
franchement passés à côté de quelque
chose. Car cela faisait un petit bout de
temps qu’on n’avait pas écouté un southern
rock d’une telle qualité. Nous pensons bien
souvent à Blackfoot, celui que nous aimons
tant et qui nous a enchantés entre 1975 et
1982. Blackfoot tournant aujourd’hui avec
une version totalement remaniée qui est
loin de recevoir le soutien de tous les fans
originaux du groupe, nous ne saurions que
trop conseiller aux déçus de jeter une
oreille attentive sur ce Way Down Yonder.
Entre ses soli de guitares incendiaires, ses
passages épiques intelligemment dosés
avec des titres plus courts et rentre-dedans,
ainsi que la voix de Jonboat Jones, pleine
de feeling et polie au bourbon, nul doute
que les amateurs de Rickey Medlocke et
consorts, mais aussi des classiques habituels
du style (Lynyrd Skynyrd, The Allman
Brothers Band, Molly Hatchet…), y
trouveront leur compte. Que ce soit avec
des titres enjoués qui sentent bon le
barbecue et la bière fraîche (« Back Home
Today », « To Hell With The Rest », « Brown
Water » - qui, en l’occurrence, ferait plutôt
la promotion du whisky -, « Way Down
Yonder » et « Never Surrender » et son
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fumant solo d’introduction ), ou des
passages plus profonds et à la musicalité
domptée par des musiciens pas nés de la
dernière pluie (« North Carolina Way »,
« Dark Horse » et surtout un
« Redemption » à vous filer le frisson et au
potentiel énorme), Hogjaw ne loupe jamais
sa cible. Même « Talk About Fishin’ »,
morceau country gavé de banjo et si roots
qu’il en devient comique (dans le bon sens
du terme) judicieusement placé en toute fin
d’album, file la banane. A l’image de la
pochette de ce disque, n’hésitez donc pas à
rejoindre Hogjaw dans les marécages les
plus ténébreux de l’Amérique « profonde »
pour une purge qui vous fera le plus grand
BENJI . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .8
bien.
LIONE CONTI
Lione Conti
(Frontiers/Harmonia Mundi)
Power metal
Sortie : 26.01.2018
Le dossier de presse joint à l’album ne s’en
cache pas : l’idée derrière ce projet
Lione/Conti est de proposer une version
italienne d’un Allen/Lande (Russel et Jorn
ont, rappelons-le, sorti quatre albums entre
2005 et 2014). A notre gauche, Fabio Lione,
chanteur historique de Rhapsody, puis du
Rhapsody Of Fire mené par Alex Staropoli
(claviers) suite au départ du guitariste Luca
Turilli, parti fonder Luca Turilli’s Rhapsody
en compagnie de… Alessandro Conti,
vocaliste de Trick Or Treat, à notre droite.
La boucle est bouclée et les choses toujours
aussi simples à résumer concernant les
Transalpins ! Sur la pochette de cet album,
au demeurant très réussie, Fabio est
représenté par un lion, ce qui est somme
toute logique, tandis qu’Alessandro se voit
comparé à un phénix (c’est déjà plus subtil).
Pour mener un projet aussi atypique, il faut
tout de même un compositeur qui sache
faire honneur aux organes vocaux des deux
frontmen. Pour ce faire, c’est Simone
Mularoni (guitariste de DGM et producteur
de tous les albums de Trick Or Treat, mais
aussi du dernier effort de Vision Divine,
l’autre groupe de Fabio Lione) – et qui a par
ailleurs pris en charge la production, très
puissante, au sein de ses studios
Domination – qui s’y colle. Si ce concept a
de quoi surprendre et exciter la curiosité
des amateurs de l’un ou des deux
Rhapsody, il semble que les vocalistes n’ont
pris part au processus qu’au stade des
prises de chant, puisque Fabio déclare avoir
passé deux jours seulement en studio en
compagnie de Simone, avant qu’Alessandro
ne prenne le relais. S’il est difficile de jauger
de l’implication des deux vedettes, force
est de reconnaître que les compositions de
Mularoni sont solides, à l’instar d’un
« You’re Falling » plutôt inspiré. Bien sûr, il
y a ici un ou deux morceaux tout de même
assez convenus, à l’image de la ballade
« Somebody Else », techniquement
irréprochable néanmoins. Mais la volonté ici
est clairement de proposer une majorité de
titres rentre-dedans comme « Misbeliever ».
Et ces incartades power speed sont les plus
réussies de l’album. Un album très bien
écrit, donc, mais qui manque forcément
d’un supplément d’âme au regard du
contexte (Simone dit lui-même qu’il a
cherché à écrire dans la veine d’un
Allen/Lande avec une touche un peu plus
power). Il aurait été difficile d’exiger
davantage, puisque le but est avant tout de
mettre en avant les vocalistes, tous deux au
diapason de leurs prestations habituelles. Il
n’empêche que le guitariste se permet
quelques beaux soli et s’est attaché à offrir
de puissants arrangements à l’ensemble de
ses morceaux. Pour ce qui est de Rhapsody,
on retrouve un riff qui l’évoque légèrement
sur « Glories » (un titre au refrain efficace et
aux claviers « so 90’s »). La power ballade
« Truth » démontre également une volonté
de varier les ambiances, de même que la
couleur orientale d’un « Crosswinds ». Lione
Conti est un solide album de power metal,
porté par deux excellentes voix, fidèles à
leurs travaux passés, et une musique
plaisante et efficace, à défaut d’être
vraiment personnelle. Un projet plus
intéressant qu’on aurait pu croire et dont on
espère qu’il aura une suite (et pourquoi pas
GUILLAUME FLEURY . . . . . . . . . . . . .7,5
sur scène ?).
MON ALBUM DU MOIS par DJUL
ORPHANED LAND
Unsung Prophets & Dead Messiahs
(Century Media/Sony Music)
Metal oriental et progressif
Sortie : 26.01.2018
Entre le départ de son guitariste de
toujours, Yossi Sassi, et un projet commun
et décousu avec Amaseffer (Kna’an, paru
en 2016), Orphaned Land avait pu semer le
trouble parmi ses fans : le groupe aurait-il
la capacité de conserver son identité
unique, présente dès Sahara en 1994 et
préservée depuis lors ? La réponse prend
la forme de ce Unsung Prophets & Dead
Messiahs, et elle est cinglante. A tel point
qu’on se demande après coup comment la
question a pu se poser. Car ce disque se
veut un parfait compromis entre un All Is
One (2013) accessible et mélodique et un
The Never Ending Way Of The ORWarriOR
(2010) complexe et progressif. Tous les
membres du groupe répondent présent,
que ce soit le petit nouveau, Idan
Amsalem, dont les soli de guitare
enchanteurs et démonstratifs n’ont pas à
rougir de ceux de son prédécesseur, ou
Kobi Farhi, dont la palette vocale n’a jamais
été aussi large et qui offre ici sa plus
grande prestation. Non content de
dévoiler une capacité à monter encore plus
haut en voix claire, il est également à
l’origine du concept du disque, qu’il décrit
en détail dans l’interview de ce mois et qui
regorge de références érudites, allant des
poètes grecs aux chanteurs engagés
d’Amérique Latine. Le pire, c’est qu’il
parvient à en sortir un propos cohérent qui
LOUDNESS
Rise To Glory
(EarMusic/Warner)
Hard rock/heavy metal
Sortie : 26.01.18
Bon, inutile de se la jouer et de vous faire
croire qu’on a suivi la carrière de Loudness
dans le détail ces 25 dernières années. Une
raison majeure à cela : aucun des albums du
groupe depuis l’éponyme Loudness (1992)
n’a été distribué en dehors du Japon, à
l’exception d’un Racing (2004) de sinistre
mémoire, paru en Europe sur le label
allemand Drakkar. Impossible donc d’avoir
le recul nécessaire pour pouvoir évaluer cet
opus par rapport au reste de la
discographie du quartet. Néanmoins, le
retour du combo sur les scènes
européennes depuis trois ans nous a
amenés à nous intéresser à son précédent
opus, The Sun Will Rise Again (2014),
résonne fort dans l’actualité et, surtout, qui
respecte le message d’unité prôné, pour ne
pas dire incarné, par Orphaned Land. Et la
musique dans tout cela ? Au diapason, bien
entendu. Dès les premières notes de « The
Cave », et la voix incantatrice de la
chanteuse Shlomit Levy, on entre dans ce
conte « platonique » en trombe, submergé
par la richesse des arrangements moyen-
orientaux. Orchestre, chœurs d’une
trentaine de vocalistes, oud, darbouka,
claviers et percussions se superposent à la
trame metal le plus naturellement du
monde. Si ce propos franchement luxuriant
est souvent de mise (quel travail sur les
cordes de « In Propaganda » ! Quel
emprunt au folklore sur « Yedidi » !), on
trouve tout de même ici quelques titres
directs comme « Left Behind » et « Take My
Hand », tous deux fort mélodiques, ou
« We Do No Resist » dans un registre déjà
bien plus abrupt vocalement et
musicalement. Les invités de marque sont
utilisés de manière fort appropriée. Steve
Hackett (ex-Genesis) rend ainsi la pareille à
Farhi qu’il avait invité sur le morceau
« West To East » de son dernier album solo,
pour poser une intervention divine sur
« Chains Fall To Gravity », une longue
« ballade » aux accents d’Opeth qui se
révèle être l’un des titres les plus
émouvants du répertoire des Israéliens.
Tomas Lindberg (At The Gates, Lock Up)
contribue, quant à lui, à rendre plus brûlant
encore le violent « Only The Dead Have
Seen The End Of War », tandis que l’épique
« Like Orpheus » permet à Hansi Kürsch de
prouver qu’il n’y a pas que Blind Guardian
dans la vie. Emouvant et habité à plus d’un
titre, Unsung Prophets & Dead Messiahs
suinte le perfectionnisme et l’envie de
convaincre son auditoire, un tour de force
que peu de formations de 25 ans d’âge
peuvent se targuer d’avoir réussi. Le
monde se porterait mieux s’il existait plus
d’un Orphaned Land. Mais on doute fort
que quiconque puisse dupliquer à la fois
son talent et sa singularité. Cela n’a sans
doute aucune importance : il faut surtout
espérer qu’ils soient aussi nombreux que
possible à convoyer son message de paix
DJUL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .8,5
et d’unité.
irrégulier mais doté de plusieurs titres
enthousiasmants. Rise To Glory, 27ème
album studio bénéficiant de nouveau d’une
sortie à l’échelon mondial (un véritable
évènement dans la carrière des Japonais),
confirme ces bonnes dispositions. Clarifions
tout de suite les choses : si vous restez un
féru des débuts du groupe (et notamment
de Disillusion/1984, l’un de ses meilleurs
opus) ou de sa période dorée et
« commerciale » (avec, en point d’orgue, les
excellents Thunder In The East/1985 et
Lightning Strikes/1986), il vous sera
sûrement difficile d’adhérer à l’intégralité
de Rise To Glory. Globalement plus sombre
et « méchant » que sur ses albums à succès,
plus varié aussi, Loudness a évolué.
Néanmoins, les deux éléments qui ont fait
l’originalité et la réussite du gang au-delà
des frontières du Pays du Soleil Levant sont
toujours bien présents. Tout d’abord, la voix
caractéristique de Minoru Niihara, dont
l’anglais prononcé avec un fort accent
donne finalement toute sa saveur au son
global du groupe. Et, bien sûr, les guitares
d’Akira Takasaki, la « star » de Loudness,
résonnent avec toujours autant de brillance.
Le six-cordiste, qu’on peut qualifier de
premier (et unique ?) guitar hero japonais
de tous les temps, n’a rien perdu de sa
dextérité et de son sens du riff et du solo
qui tuent. Les exemples ne manquent pas :
« I’m Still Alive », « Until I See The Light »,
« The Voice », le très speed « Massive
Tornado », « Rise To Glory » et « Why And
For Whom » sont autant de titres devant
autant au hard rock qu’au heavy metal, et
dont les rythmiques et les soli laissent
pantois. En voici un qui est vraiment passé
à côté de quelque chose de « gros », quand
bien même sa réputation a largement
dépassé les frontières de son pays, ce qui
est déjà, en soi, un bel exploit. Quelques
curiosités sortent du lot : « Kama Sutra », un
instrumental très technique aux nombreux
changements de rythmes, ne nous accroche
pas vraiment. Tout le contraire de « Rain »,
un titre à l’intro aux faux airs de « Same Ol’
Situation (S.O.S.) » (Mötley Crüe), mais qui
s’embarque rapidement dans un registre à
la Black Sabbath/Candlemass surprenant,
très lent et heavy, avec des couplets
atmosphériques qui contrebalancent un
refrain massif. Excellente surprise qu’on
aurait bien vu conclure l’album à la place de
ce « Let’s All Rock » basique et bien trop
prévisible. Dommage que ce soit ce titre
très moyen qui mette un terme à ce Rise To
Glory dans l’ensemble plaisant et contenant
son lot d’hymnes qui trouveront toute leur
place au sein d’une setlist qu’il doit être
bien peu aisé à concocter avec autant
d’albums à son actif ! Samsara Flight, le
deuxième CD bonus, disponible depuis
103
2016 au Japon et consistant en des
relectures des principaux titres des trois
premiers albums du groupe (dont les
incontournables « In The Mirror », « The Law
Of Devil’s Land », « Loudness » et « Street
Woman »), vous permettra de parfaire vos
connaissances en la matière (ou de réviser).
Allez, un retour en France avant trente ans
(le temps qui s’était écoulé entre le premier
concert à Paris en 1986 et la prestation au
BENJI . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7
Hellfest en 2016 !), et tout sera parfait !
MONOLITHE
Nebula System
(Les Acteurs De l’Ombre)
Dark doom
Sortie : 26.01.2018
La configuration de Monolithe a largement
évolué depuis ses débuts et ses premiers
opus hors normes. A l’époque, le groupe
composait des morceaux en un seul tenant.
Depuis quelques années, Monolithe a
évolué vers une approche « collectivisée »,
certes plus classique dans ses formats ; mais
le groupe, couche des écritures restant
MON ALBUM DU MOIS par FRANÇOIS BLANC
majoritairement l’apanage de Sylvain Bégot
THERION
Beloved Antichrist
(Nuclear Blast/PIAS)
Metal symphonique
Sortie : 02.02.2018
Il faut le reconnaître, l’expression « metal
opéra » n’a plus rien de fondamentalement
novatrice aujourd’hui, des formations
comme Ayreon, Aina ou Avantasia ayant
largement défriché le terrain au cours de
ces 25 dernières années. Cependant, cette
étiquette retrouve toute sa superbe et
revêt un sens bien spécifique une fois
associée au nom de Therion, projet connu
pour sa grande liberté et ses nombreuses
inspirations classiques. Ainsi, quand le
compositeur et gourou Christofer Johnsson
parle « d’opéra », il signifie bien plus qu’un
simple concept-album où chaque chanteur
incarnerait un personnage. Annoncé depuis
plus d’une décennie, Beloved Antichrist,
résultat d’une somme de travail
proprement ahurissante et fruit d’une très
longue et pénible gestation (Cf. notre
entretien en ces pages), est un véritable
colosse totalisant 3h10 de musique
équitablement répartie sur trois galettes
qui raconte une histoire épique librement
adaptée du Court Récit Sur l’Antéchrist
rédigé par Vladimir Soloviev – mystique
russe aux idées pour le moins
anticonformistes – en 1899. La première
écoute de cette œuvre gargantuesque a de
quoi surprendre : on sort complètement de
(certaines lois demeurent, en dépit d’une
répartition de l’effort), et veut encore et
toujours se distinguer. Il a bien raison.
Plusieurs traits de caractère, exposés
ouvertement par Monolithe, donnent
intention et fermeté au nouvel opus : un
total de sept morceaux dont les tonalités
suivent la notation anglo-saxonne – à savoir
celle correspondant aux lettres A, B, C, etc.,
lettres formant elles-mêmes, et dans
l’ordre, les initiales des titres de chaque
morceau. Si ce n’est pas de l’organisation,
je ne sais pas ce que c’est. Mais surtout, ce
qui se ressent à l’écoute, c’est l’alchimie de
groupe qu’est en train de développer
Monolithe (sept personnes) et qui
s’accompagne le cas échéant d’une grave
majesté (« Delta Scuti », plein de surprises
et doté de tournures machinistes). Les
claviers soutiennent sans fard la création
d’ambiances spatiales (« Burst In The Event
Horizon »), funéraires, voire anxiogènes.
Monolithe avait déjà du cran, mais ce cru
2018 le voit prendre une épaisseur inédite.
Les guitares vous enveloppent et vous
emportent loin dans l’espace (« Fathom The
Deep », est dantesque). Alors, si vous
ressentez une présence extraterrestre, c’est
l’articulation classique d’un album supposé
associer intelligemment temps forts et
moments de répit pour maintenir l’attention
en éveil. Ici, on découvre des pièces
entièrement classiques et lentes alternant
avec des montées metal qui devraient ravir
les fans ayant été déstabilisés par les dix
dernières années discographiques des
Suédois, et cela sans que la cohérence
globale de l’œuvre n’ait à en souffrir.
Beloved Antichrist n’est pas parfait et n’a
pas vocation à être écouté dans son
intégralité (cela n’est en rien un commentaire
sur la qualité de l’interprétation, mais il faut
vraiment le vouloir pour s’envoyer trois
heures consécutives de chant lyrique !),
mais contient suffisamment de moments
forts disséminées tout au long de ses 46
chansons pour réserver des heures de
bonheur. Inutile de chercher des tubes
aussi efficaces que « Son Of The Sun » ou
« Rise Of Sodom And Gomorrah ». En
revanche, si certaines chansons s’aventurent
à la lisière du kitsch (« Temple Of New
Jerusalem »), d’autres sont prenantes et
réussies (« The Lion Roar », et la seconde
partie de l’acte deux en général), et les
excellents chanteurs que sont Thomas
Vikström et Lori Lewis s’avèrent plus à leur
place que jamais. Peut-être aurait-on désiré
une production plus massive, une pochette
moins laide ou la présence d’un thème
musical récurrent qui aurait pu donner à
l’œuvre un repère supplémentaire, mais
force est tout de même de constater que
Beloved Antichrist, extraordinairement
arrangé et d’une richesse mélodique
peu commune, contient des fulgurances
majestueuses qui ont de quoi combler les
ambitions gigantesques de son créateur.
Un véritable opéra soutenu par une section
metal puissante, une œuvre définitivement
à part, à la fois classique, lyrique et
foncièrement heavy qui mérite d’être
écoutée avec attention et persistance pour
révéler sa substantifique moelle. En
espérant voir un jour le rêve de Johnson se
réaliser et pouvoir découvrir le spectacle
FRANÇOIS BLANC . . . . . . . . . . . . . . . . .8
sur scène !
peut-être normal. Parlez-en aux musiciens,
EMMANUEL HENNEQUIN . . . . . . . .7,5
ils savent peut-être quelque chose.
OF MICE & MEN
Defy
(Rise Records/Warner Music)
Metalcore/metal alternatif
Sortie : 19.01.2018
Quatre albums studio depuis 2010, une
tournée européenne avec Linkin Park en
2014, moult concerts français dont deux
participations au Hellfest, en 2014 et 2017 :
on ne présente plus Of Mice & Men. Mais le
OM&M d’aujourd’hui n’est plus exactement
le même que celui d’hier. Il y a un an, son
chanteur/fondateur, le charismatique Austin
Carlile, a quitté le groupe pour raisons de
santé. Plutôt que de lui chercher un
remplaçant, OM&M a privilégié la solution
interne en confiant le poste à Aaron Pauley,
bassiste qui donnait régulièrement de la
voix sur les albums du combo. Le défi était
de taille pour l’ex-quintet et désormais
quatuor qui le relève néanmoins sans
sourciller sur Defy, cinquième opus du
groupe californien. Entouré en studio d’une
équipe de choc constituée du producteur
Howard Benson (Papa Roach, P.O.D.) et de
Chris Lord-Alge (Nickelback, Volbeat) au
mixage, OM&M a concocté un mélange de
metalcore et de rock/metal alternatif
évoquant la vague « modern rock » de la fin
des 90’s et du début des années 2000. Le
résultat, indéniablement personnel, est un
cocktail décapant qui donne aussi bien droit
à des titres taillés pour les circle-pits
(« Warzone », clin d’œil au Hellfest ?) que
pour séduire les radios rock US. « Instincts »
résume bien Defy avec son riff plombé, sa
fougue et ses vocaux rageurs, mais aussi
gorgés de mélodie. Ajoutez quelques soli
bien sentis et vous obtenez une belle pépite
dont les textes teintés d’urgence (« Nage
ou coule », en substance) illustrent bien ce
qu’ont vécu les musiciens. « Vertigo »,
« Back To Me » et « Unbreakable », des
tubes en puissance que ne renieraient pas
un 10 Years, illustrent bien la qualité du
chant de Pauley, véritable homme fort de
cet album dont la palette vocale a de quoi
impressionner. En réalité, seule la reprise du
« Money » de Pink Floyd est ici moins
intéressante, même si les musiciens ont au
moins le mérite d’en livrer une version
personnelle. Au final, le tour de force Defy
mérite d’être salué. Il ne fait aucun doute
que, plus que jamais, les supporters d’Of
Mice & Men auront envie de crier « Allez
MORGAN RIVALIN . . . . . . . . . . . . . .7,5
l’OM (&M) ! ».
PERFECT BEINGS
Vier
(Inside Out/Sony)
Rock progressif
Sortie : 19.01.2018
Mu par une démarche artistique qui visait,
à l’origine, à baser chacun de ses albums
autour d’un des points d’énergie (ou
chakras) du corps humain, Perfect Beings
envisageait d’entrée de jeu une série de
sept disques qui devaient au final aboutir à
l’être parfait (« Perfect Being »). Ses deux
premiers albums, simplement intitulés
Perfect Beings I (2014) et Perfect Beings II
(2015), s’inscrivaient dans cet état d’esprit.
Mais avec le départ de son bassiste et de
son batteur fin 2015, le groupe emmené
par Ryan Hurtgen (chant piano), Johannes
Luley (guitare, et désormais à la basse en
plus) et Jesse Nason (claviers) a décidé de
se lancer un autre défi, pas forcément
incompatible avec le premier : composer un
album qui sortirait en double vinyle et
contiendrait un titre sur chaque face. On
sait le groupe influencé par Yes, et l’on se
demande donc dans quelle mesure ce Vier
n’est pas une forme d’hommage au Tales
From Topographic Oceans (1973) de ce
dernier. Toujours est-il que, dès les
premières mesures de « Guedra » (morceau
subdivisé en quatre parties), l’influence de
Yes, la principale depuis les débuts, est
toujours présente, en particulier dans la
manière de superposer plusieurs couches
de vocaux et de faire sonner la basse. Pour
autant, Perfect Beings maintient l’approche
bien plus jazz de sa musique (style exploré
par ailleurs sur le récent album solo de
Luley, Qitara) présente depuis ses débuts,
mais sans doute accentuée ici. Comme sur
Perfect Beings II, on pense aussi parfois à
l’alliage de deux approches parfaites de la
pop, à savoir celles de Tears For Fears et
des Beatles (« Guedra - Patience »), mais
sans jamais se départir d’un fond de rock
progressif. Vier est censée être une
expérience cinématique. Les instruments
classiques, notamment à vent, sont très
présents sur cette galette, particulièrement
sur le deuxième titre, « The Golden Arc »
(avec quelques emprunts flagrants au
Boléro de Ravel). La voix de Hurtgen est
toujours aussi magnifique, de même que le
toucher incroyablement fluide de Johannes
Luley. Pour autant, on a le sentiment qu’en
étirant ainsi son propos, Perfect Beings a un
peu perdu en intensité. C’est toujours très
joli, vraiment, mais ça traine parfois en
longueur. Comme si le groupe était
finalement tombé dans le même piège que
celui auquel Yes n’a pas échappé avec son
double album mythique précité. En tout
cas, on ne peut pas enlever à ce groupe son
identité originale, même si elle résulte d’un
savant et très élégant dosage entre rock
progressif, jazz fusion et pop (« Anunnaki -
Lord Wind »). Mais Vier ne renoue pour
autant pas suffisamment souvent avec les
sommets atteints par les deux premiers
STEPHANE AUZILLEAU . . . . . . . . . . . . .7
albums du combo.
PHILIP H. ANSELMO
& THE ILLEGALS
Choosing Mental Illness As A Virtue
(Housecore Records/Season Of Mist)
Grinding black sludge
Sortie : 26.01.2018
Vous souvenez-vous de « Fucking Hostile »,
105
 la chanson de Pantera ? A l’époque, ce titre
pour le moins brutal passait pour un
gigantesque coup de poing dans la gueule.
Hé bien, oubliez tout ça ! Ce brave Phil
Anselmo a définitivement pété un plomb, et
Choosing Mental Illness As A Virtue est
méchant comme la féministe vegan que
vous venez de traiter de grosse truie. Mais
qu’a donc bouffé ce type, et surtout, où
peut-on en acheter en toute légalité ?
Ecoutez le second titre de l’album,
« Utopian », juste pour rigoler. Allez-y, allez-
y, c’est pour voir. Hé oui, vous ne rêvez pas :
les gars mélangent du grind et du black.
Pourquoi pas après tout ? Qui a décidé, un
beau jour, qu’on ne pouvait pas piler du
piment de Cayenne et le mélanger à de
l’acide pour ensuite masser les gencives de
bébé quand il fait ses dents ? Très proche
des débuts de Soilent Green (« The Ignorant
Point »), la mixture des excités du Bayou est
chaotique, technique et tout ce qu’on
voudra mettre comme adjectif dessus, sauf
confortable. Dans ces conditions, certains
titres qui tutoient les sept minutes comme
« Individual » ou « Mixed Lunatic Results »
relèvent du chemin de croix, même si
plusieurs écoutes permettent
d’appréhender au fur et à mesure ces
pièces foutraques qui, de prime abord,
semblaient n’avoir ni queue ni tête. Et c’est
là la force majeure de ce disque : d’abord
hermétique tant la violence qui s’en dégage
semble presque absconse, on se prend à
l’apprivoiser tout doucement et à entrer
peu à peu dans le délire, avec un gilet pare-
balles et des genouillères, bien sûr.
Personne n’est infaillible, et je peux me
tromper, mais il n’est pas exclu que, d’ici un
an, la note donnée aujourd’hui – qui n’est
évidemment pas parole d’évangile – puisse
remonter de plusieurs demi-points.
Malheureusement, à l’ère du tout jetable et
du « j’écoute-30-secondes-ah-bah-non-c’est-
de-la-merde », il y a fort à parier qu’une
partie du public ne fera pas cet effort et
passera son chemin. Et c’est dommage car
ce second effort des Illegals et de leur
frontman emblématique fait partie de ces
fameux OVNIs musicaux qui sentent très
fort le caca au début, et auxquels on finit
par trouver un petit arrière-gout de vanille
CHARLELIE ARNAUD . . . . . . . . . . . . . . .7
bourbon.
JOE SATRIANI
What Happens Next
(Legacy/Sony)
Rock instrumental
Sortie : 12.01.2018
Quoi que certains puissent penser de Joe
Satriani, il faut lui accorder le mérite d’avoir
en quelque sorte « démocratisé » le rock
106
instrumental basé sur des prouesses
guitaristiques. Ayant largement dépassé le
stade de « musicien pour musiciens », Joe
peut se targuer de posséder une fanbase
des plus vaste et contrastée, sans pour
autant avoir bradé son âme au dieu dollar.
Plus gros vendeur du genre, l’un des plus
prolifiques aussi, Joe fait ce qu’il veut, avec
qui il veut. Cette fois-ci, il a choisi
d’emmener dans ses aventures Chad Smith,
le batteur avec qui il fait les jours heureux
de Chickenfoot, et Glenn Hughes, chanteur
émérite mais aussi bassiste de folie, qui
enregistre là son premier disque sous la
seule étiquette de « bassiste », excusez du
peu ! Alors, bien sûr, la star du show, ce
n’est pas lui, mais tout de même, ce détail
qui n’en est pas un méritait d’être souligné.
Avec, à disposition, une rythmique comme
celle-ci, pas question de trop se disperser :
c’est ainsi que Joe a « vendu » le projet à
ses deux acolytes, et il tient parole car, en
effet, ça faisait longtemps que nous
n’avions plus entendu un Satriani aussi
direct. Un démarrage en trombe avec le
bien nommé « Energy » met les choses au
point d’entrée de jeu : on y retrouve le
Satriani que nous, fans de hard rock avant
tout, aimons pour ses qualités tant
mélodiques que techniques lorsqu’elles
sont mises au service d’un titre
foncièrement rock et frondeur. En voici un
qui ne saurait tarder à se frayer une place
de choix dans les futures setlists du Satch !
Dans le même ordre d’idée, le boogie
frénétique de « Headcrush » rappelle à
notre bon souvenir les descentes de
manches de « Satch Boogie », et forcément,
ça nous parle vraiment ! « Super Funky
Badass », avec sa ligne de basse sautillante,
fait aussi partie de ces titres que l’ensemble
des lecteurs de ce magazine saura apprécier
à sa juste valeur, tout comme « Forever And
Ever » qui, dans l’esprit, nous fait penser à
Jimi Hendrix (héros absolu de Joe), et plus
particulièrement au délicat « Little Wing ».
Touchant et beau. Dans le même genre,
« Righteous », très mélodique et au petit
côté mélancolique, ainsi que « Cherry
Blossoms », ballade romantique émaillée
d’un break un peu plus charpenté, et le cool
« Smooth Soul » feront vibrer la corde
sensible des amateurs de belles envolées de
six cordes. Mais Joe reste aussi un artiste
qui aime surprendre et qui ne veut surtout
pas s’enfermer dans un seul genre. Ainsi,
des titres comme « Cabot » (et sa basse
omniprésente), le complexe tout autant que
musclé « Thunder High On The Mountains »
et un « Invisible » assez technique ne seront
sûrement pas du goût de tout le monde,
mais ils ont le mérite de varier les plaisirs. Il
n’empêche que nous tenons-là un disque
qui fera certainement date dans la carrière,
MON ALBUM DU MOIS par GUILLAUME FLEURY
TRIBULATION
Down Below
(Century Media/Sony Music)
Black death metal progressif
Sortie : 26.01.2018
Après la réussite que constituait The
Children Of The Night, il y a presque trois
ans, difficile de bouder son plaisir à la
découverte de « The Lament », véritable hit
ciselé à la perfection et qui se révèle
toujours plus vénéneux au fur et à mesure
que les écoutes se succèdent. S’il est une
autre chose qui frappe dès la découverte
de Down Below, c’est bel et bien le jeu du
nouveau venu, Oscar Leander (batteur
transfuge de Deathstars), tant celui-ci
insuffle un jeu d’un dynamisme imparable
au propos de guitares toujours riches en
mélodies et arpèges. C’est que ça groove
sacrément ici ! En témoignent notamment
le déjà cité « The Lament » et « Cries From
The Underworld ». Pour le reste, les
Suédois ont toujours cette patte unique qui
est la leur depuis un petit moment déjà, à
travers un black death à la saveur psyché et
porté par ce que les musiciens eux-mêmes
aiment à qualifier de « forme de grâce »,
toute particulière et qui fait toute sa
fraîcheur. S’il est peut-être un élément qui
pourrait modérer l’enthousiasme, c’est
probablement le côté très redondant du
chant du bassiste Johannes Andersson –
par ailleurs, parfaitement maîtrisé. Son
timbre proche de celui d’un Mikael Stanne
(Dark Tranquillity) ou d’un Jon Nödtveidt
(Dissection) est puissant, mais il ne varie
jamais son expression, pour un résultat un
pourtant déjà riche en la matière, d’un Joe
Satriani qu’il nous tarde de retrouver avec
le G3 (malheureusement, sans cette section
rythmique de luxe) à travers toute la France
BENJI . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7,5
en avril prochain.
VISIGOTH
Conqueror’s Oath
(Metal Blade/Sony Music)
Heavy metal
Sortie : 09.02.2018
Avec trois ans de recul, il est désormais
possible d’affirmer sans retenue que The
Revenant King, premier effort des
Américains de Visigoth, est un excellent
album. Si celui-ci avait déjà séduit votre
serviteur à l’époque, il tourne toujours
régulièrement avec le même bonheur sur sa
platine. Autant dire que l’arrivée d’un
successeur au dit roi - doté par ailleurs
d’une superbe pochette pour qui aime
l’heroïc fantasy originelle (œuvre de Kris
poil linéaire sur la longueur. Peu importe ce
petit bémol, la grande qualité de cet album
est à trouver du côté des guitares et de
leur sens de l’accroche mélodique, d’une
basse toujours très présente et dynamique
(la section rythmique fait vraiment
merveille ici), pour une qualité d’écriture
tutoyant toujours les sommets.
« Nightbound », sa mélodie entêtante
portée par un riff simple mais ô combien
efficace, surmontant des arpèges
apportant une certaine lumière sur
l’obscurité que développe le reste des
instruments, est un bon exemple de ce qui
fait la force si particulière de Tribulation.
Cette écriture est par ailleurs tout à fait
suédoise : « Lady Death » présente, par
exemple, des idées renvoyant au
Dissection période Reinkaos ou à Opeth,
dans ce travail mélodique si typique, avant
un très bon solo presque hard. Bien sûr,
chaque morceau développe une couleur
unique, sa palette étant toujours très riche.
Ainsi « Subterranea » tisse une ambiance
de film fantastique à l’aide de son piano,
avant un solo de guitare plus typique du
metal extrême parfaitement imbriqué. Tout
ce travail de composition supérieur est en
outre produit avec beaucoup de soin, à la
grâce d’un son à la fois puissant, cristallin
et très naturel, comme en témoigne un
« Purgatorio », interlude aux allures de
boîte à musique inquiétante, qui semble
illustrer un soleil levant et intervient à mi-
parcours de l’album afin de renforcer son
atmosphère générale. Il est aisé de sentir à
quel point le groupe, profondément investi
dans son expression, pense à tout, dans les
moindres détails. Les morceaux
s’enchaînent presque comme une seule et
même longue pièce, à la manière d’une
histoire fantastique très habilement contée
(« Lacrimosa », titre le plus atmosphérique,
avec ses chants de moines et sa conclusion
prenante avant un plan de piano spectral).
Sa seconde moitié se voulant plus
atmosphérique, Down Below se pose
comme un album plus contemplatif que son
prédécesseur. Mais si l’aube a succédé à la
nuit, Tribulation confirme qu’il est bel et
bien un groupe hors du commun et sur
GUILLAUME FLEURY . . . . . . . . . . . . . . .8
lequel il faut clairement compter.
Verwimp, qui a déjà signé des artworks de
groupes comme Moonsorrow ou Arkona) –
de quoi émoustiller le plus cynique des
amateurs de heavy traditionnel ! Car
Visigoth n’est pas là pour prendre ses
auditeurs à contre-pied avec un quelconque
revirement de style. Non, Visigoth délivre
des hymnes heavy metal directement
inspirés de Judas Priest (écoutez donc « Salt
City » et « Blades In The Night » !), Iron
Maiden et, plus globalement, l’ensemble de
la NWOBHM. « Steel And Silver » reprend
donc très exactement là où les choses
s’étaient arrêtées en 2015, avec un chant
guerrier porté par le toujours convaincant
Jake Rogers (qui a également lancé en 2006
un projet solo nommé Gallowbraid). Mais si
des titres comme « Warrior Queen » sont
franchement efficaces, peut-être l’écriture
est-elle un peu en deçà de celle de The
Revenant King. Reste que le travail
accompli est une fois encore remarquable,
doté d’une production massive signée Andy
Patterson (Subrosa). Les soli de guitares

furibards sont toujours présents, de même
que des breaks mélancoliques bien sentis et
des chœurs glorieux (« Warrior Queen »,
encore). Le voyage à travers des contrées
lointaines est donc franchement plaisant,
jusqu’à la power ballade solennelle
« Traitor’s Gate », aboutissant à une
superbe cavalcade héroïque et portée par
des lignes vocales et des chœurs
habilement écrits, avant l’un des meilleurs
soli de l’album. Reste que ce second effort,
peut-être plus fièrement conquérant et
moins sombre que son grand frère,
renferme des titres un tout petit peu moins
mémorables, même si maintenant une
qualité générale remarquable (comment
résister au refrain de « Outlive The All » ?).
Il ne s’agit donc certainement pas d’une
déception, mais simplement de la
constatation que les Américains
maintiennent leur niveau là où nous aurions
espéré les voir franchir un palier en termes
d’intensité. Mais surtout pas de méprise
malgré ce petit bémol : Conqueror’s Oath
est un superbe album de heavy metal
traditionnel, et Visigoth confirme qu’il est
l’un des incontournables de cette nouvelle
vague (nettement plus intéressant, au
passage, qu’un Eternal Champion qui a
pourtant davantage « buzzé »). Longue vie
GUILLAUME FLEURY . . . . . . . . . . . . .7,5
au roi du lac salé !
YES
Topographic Drama: Live Across
America
(Rhino/warner)
Rock progressif
Sortie : déjà disponible
Une chose est claire, Yes ne brille pas par
l’originalité dont il fait preuve pour intituler
ses albums live. Il faut dire que, vu combien
il en publie depuis un bon moment, il ne lui
Android (liens ci-dessous). Cette version dématérialisée est enrichie à l'aide de liens cliquables
est pas facile de se renouveler tout en ne
perdant pas le potentiel acheteur…
Topographic Drama est donc le
témoignage, enregistré en divers endroits
des Etats-Unis, de sa dernière tournée en
date, au cours de laquelle le combo avait
décidé d’interpréter l’intégralité de Drama
(1980) et les faces 1 et 4 de Tales From
Topographic Oceans (1973). Les morceaux
de Drama, premier album avec Geoff
Downes (qui fait partie du line-up actuel du
groupe) aux claviers, mais surtout sans Ian
Anderson au chant (remplacé, à l’époque,
par Trevor Horn), avaient été bannis des
setlists du groupe dès le retour de ce
dernier, et cela durant 25 ans. Question
d’ego, sans doute, car la qualité de ces
chansons est ici éclatante, et l’on prend
quasiment gifle sur gifle. D’où notre plaisir
à l’écoute de Topographic Drama. Au chant,
Jon Davison est impérial (certains passages
de « The Revealing Science Of God »
sonnent presque mieux avec lui que
lorsqu’ils sont interprétés par Anderson).
Tandis que le bassiste Billy Sherwood, grand
ami du regretté Chris Squire qui a tenu le
poste de 1968 jusqu’à son décès en 2015
(c’était le membre de Yes le plus
« permanent »), assure cette succession
avec un talent indéniable (« Rituel (« Nous
Sommes du Soleil »)), sans pour autant
parvenir totalement à reproduire le son si
particulier et métallique du grand Chris.
L’on ne s’ennuie pas une seule seconde au
cours de ce voyage qui illustre bien les
différentes facettes du talent du groupe et
sa créativité. Les harmonies vocales sont
splendides et cela fait plaisir de sortir un
peu des sentiers battus et des classiques de
la formations, même si les « Roundabout »
et autres « Starship Trooper » sont bien
évidemment au programme. Un live tout à
STEPHANE AUZILLEAU . . . . . . . . . . .7,5
fait recommandable, donc.
Retrouvez également ROCK HARD tous les mois sur vos smartphones et tablettes Apple et
que vous pourrez ouvrir sans quitter l'application. Bonne lecture !
Apple / AppStore :
http://bit.ly/appleRH
REEDITIONS
RUNNING WILD
Gates To Purgatory
Branded And Exiled
Under Jolly Roger
Port Royal
Death Or Glory
(Noise/BMG)
Heavy metal/Pirate metal
Sortie : déjà disponible
Noise et BMG rééditent
aujourd’hui les cinq premiers
albums de Runnin Wild dans des éditions
Deluxe Expanded. Nous ne vous ferons pas
l’affront de revenir sur chacun de ces
disques qui sont, au fil du temps, devenus
des classiques. Juste préciser, à l’attention
des néophytes, que Gates To Purgatory
(1984) et Branded And Exiled (1985), les
deux premiers opus, voyaient le groupe
allemand verser dans un metal sombre aux
paroles lorgnant vers un satanisme de
pacotille. Musicalement, néanmoins, le
combo frappait déjà fort en taillant
quelques diamants noirs comme « Black
Demon », « Victims Of State Power »,
« Branded And Exiled » « Mordor » et
« Genghis Khan », s’imposant, sur ces jets
initiaux, comme l’un des plus grands espoirs
du metal teuton. En 1987, Under Jolly
Roger, comme indiqué dans le dossier
« Class Of 1987 » figurant
dans ce numéro, voyait Rolf
« Rock’n’Rolf » Kasparek et
ses hommes changer
radicalement de direction
afin de proposer un « pirate
metal » original puisant ses
influences, comme l’indiquait
son titre, dans les légendes
de corsaires et de chasses au
trésor, mais aussi l’Histoire
tout court. Le résultat, bien
que fort concluant, rebuta certains fans des
débuts, mais permit à Running Wild de
vendre des palettes de disques. Et de
s’imposer à grand échelon. Un essai
transformé dès l’année suivante avec le
sublime Port Royal (1988), mieux ficelé
encore et truffé de hits en puissance (« Port
Royal », « Raging Fire », le superbe
instrumental « Final Gates »,
« Conquistadores », etc.). Ecoulé à près de
deux millions d’exemplaires (!), cet album
est, peut-être plus encore que les autres, un
incontournable à posséder. C’est également
le cas de son successeur, l’impeccable Death
Android / Google Play :
http://bit.ly/androidRH
Or Glory (1989), qui s’inscrit dans la droite
lignée de Port Royal et renferme tout
autant de « tubes » (« Bad To The Bone »,
l’épique « Battle Of Waterloo », « Riding
The Storm », etc.). Bref, vous
l’aurez compris, voilà cinq
cartouches que nous ne
pouvons que chaudement
recommander à ceux qui ne
les auraient pas déjà. Les
fans de longue date peuvent
également être séduits par
ces rééditions car elles sont
présentées dans d’élégants
digipaks proposant, en sus,
des livrets explicatifs fournis.
Chacun de ces disques est, en outre,
rehaussé de titres bonus : extraits de
compilations d’époque (Rock From
Hell/German Metal Attack, etc.), faces B de
Maxi-45 Tours, et versions réenregistrées
et/ou retravaillées en 1991, 92 et 2003,
Under Jolly Roger et Death Or Glory étant
même flanqués d’un second CD. Alors,
moussaillons, tous à l’abordage, et que ça
saute !
PHILIPPE LAGEAT
RUSH
A Farewell To Kings – 40th
Anniversary Edition
(Island Def Jam)
Rock progressif
Sortie : déjà disponible
Après 2112 l’an dernier, c’est
au tour de A Farewell To
Kings (1977) de bénéficier
d’une réédition en format
Deluxe (vinyle et CD) et
Super Deluxe (coffret avec
vinyles, CDs et autres
articles) pour le quarantième
anniversaire de sa sortie.
Nous ne nous étendrons pas
sur l’album lui-même,
remarquable et marquant le
début de l’ère la plus progressive du trio, ce
cycle de quatre albums majestueux
comprenant par ailleurs Hemispheres
(1978), Permanent Waves (1980) et Moving
Pictures (1981). A Farewell To Kings est ici
présenté dans une version remasterisée aux
studios Abbey Road en 2015, et donc
différente de celle déjà disponible depuis
quelques années. L’édition Super Deluxe
propose également un Blu-ray audio avec le
mix 5.1 amoureusement concocté par
Steven Wilson. Ce mixage nous permet
d’apprécier plus particulièrement les
différents effets sonores, comme, par
 exemple, le fait qu’Alex Lifeson ait
originellement enregistré l’intro à la guitare
acoustique du titre éponyme en plein air, en
tournant autour du micro tout en jouant.
Les gazouillis d’oiseaux et autres ambiances
sonores bucoliques sont donc 100%
naturelles et résultent du choix du groupe
d’enregistrer cet album en résidence, en
pleine campagne au Pays de Galles. Cette
nouvelle édition comprend également
l’intégralité du concert donné à
l’Hammersmith Odeon de Londres le 20
février 1978, dont une partie seulement
était disponible sur Different Stages (1998).
Il nous permet donc de profiter,
notamment, d’une version rageuse de
« 2112 ». Enfin, toujours côté musique et
comme c’était déjà le cas sur l’édition
Deluxe de 2112, quatre reprises sont au
rendez-vous. Dream Theater propose ainsi
la tête et du portefeuille.
Cette nouvelle parution, A
Fire In The Sky, est toutefois
plus dispensable que les
« produits » précités,
souvent conçus avec un soin
qu’il faut saluer, car il ne
s’agit que d’une simple
anthologie. D’un « meilleur
de », si vous préférez. Autrement dit, ce
florilège, pour peu que vous soyez un die-
hard, n’a que peu d’intérêt, si tant est que
vous ne cherchiez un best of pratique à
écouter en voiture. Pour le néophyte, par
contre, il y a là matière à rattraper le retard
à moindre prix. Boudons volontairement la
version simple CD regroupant vingt titres
pour nous attarder sur le triple CD qui en
compte quarante. Ce dernier revient en
effet sur l’ensemble de la discographie du
Strangers », « The Battle Rages
On », « Ted The Mechanic »,
« Sometimes I Feel Like
Screaming », etc., ne sont que
18 des titres présents sur ces
trois CDs, qui en contiennent
22 autres ! Et pas des
moindres… Pour environ 22
euros, c’est limite donné et
l’assurance de passer d’excellents moments,
d’autant que deux tiers de ces chansons ont
bénéficié d’un excellent remastering de
2000 à 2016. On en deviendrait presque
jaloux de celui qui n’a aucun album du
groupe et qui va, grâce à cette collection
roborative, découvrir la large palette de
cette formation hors normes composée,
peu importe les époques, de musiciens
d’exception.
PHILIPPE LAGEAT
Ce black metal, chanté en norvégien, s’est
donc caractérisé par une recherche
d’ambiance, pour au final un son primitif
enrichi de développements dark
ambient/industriels. Le deuxième titre,
« Svartalvheims Djup », mais aussi la
coloration indus du final « Ildkrig », ont gêné
plus d’un black métalleux à la première
écoute. Certains se plaignirent de la brutale
chute de dynamique après le premier et
démonstratif « Gleipnirs Smeder ».
« Svartalvheims Djup », pur dark ambient,
précède une suite de titres qui, sans quitter
une intention BM âpre et rude, gardent
souci de l’atmosphère. Le mid-tempo
hurlant « Freke Han Renn... » est
cinématographique et éprouvant, et vous
donne l’impression (même si la grosse caisse
sonne tout petit, dommage) d’un monde qui
s’ouvre et se referme sur lui-même en

sa relecture de l’épique « Xanadu », dont
l’apport réside principalement dans une
interprétation différente mais totalement
impliquée des parties vocales (le chanteur
James La Brie est canadien et a été bercé
par Rush depuis son adolescence). Big
Wreck, groupe issu du prestigieux Berklee
College Of Music (comme la plupart des
membres fondateurs de Dream Theater),
offre une version également assez
personnelle de « Closer To The Heart »,
avec un chant résolument plus rock et un
solo de guitare rebooté en mode shred.
Décoiffant ! « Cinderella Man » est revu par
The Trews, un groupe canadien peu connu
de ce côté-ci de l’Atlantique. Il y a un petit
parfum de Foo Fighters dans cette version.
Enfin, le multi instrumentiste américain Alan
Johannes livre un « Madrigal » en version
éthérée. Il est appréciable de constater que
ces reprises, comme les précédentes, sont
très personnalisées. Sans aucun doute une
demande du groupe… Nous avons aussi
droit à un très intéressant livret replaçant
de manière documentée cet album dans son
contexte et donnant la parole aux groupes
présentant leurs reprises de Rush sur cette
nouvelle édition. Sans oublier de
magnifiques nouvelles illustrations de Hugh
Syme, spécifiquement réalisées pour cette
réédition anniversaire. Côté goodies, la
version Super Deluxe propose en sus un fac
similé du tour program de 1978, trois
lithographies et quelques autres bricoles,
en plus de quatre vinyles 180 grammes
reprenant les mêmes titres que le CD. C’est
pourquoi seuls les audiophiles bien équipés
et les collectionneurs les plus acharnés
opteront pour la version Super Deluxe
relativement onéreuse.
STEPHANE AUZILLEAU
Pourpre Profond (ou presque) en incluant au
moins un titre de chaque album paru de
Shades Of Deep Purple (1968) à Now
What?! (2013), seul le dernier opus du
groupe, Infinite (2017) n’étant pas ici
représenté. On y croise donc un paquet de
chanteurs (Rod Evans, Ian Gillan, David
Coverdale, Glenn Hughes et Joe Lynn
Turner), des guitaristes de génie (Ritchie
Blackmore, Tommy Bolin, Steve Morse), des
claviéristes impressionnants (Jon Lord, Don
Airey), plus encore de bassistes (Roger
Glover, Glenn Hughes encore, Nick Simper)
et l’indéboulonnable batteur Ian Paice :
autrement dit, la quintessence des huit
incarnations de la légende, ce qui atteste de
la grande diversité des enregistrements ici
retenus. Le choix des titres est plutôt
pertinent (même si manquent quelques –
rares – perles à l’appel), la plupart des hits
étant au rendez-vous. A vrai dire, il n’y a ici
que du bon, voire de l’excellent, qu’on ne
vous fera pas l’affront de disséquer une
énième fois. « Hush », « Black Night »,
« Speed King », « Child In Time », « Strange
Kind Of Woman », « Highway Star », « When
A Blind Man Cries », « Smoke On The
Water », « Space Truckin’ », « Woman From
Tokyo », « Burn », « Mistreated », « Soldier
Of Fortune », « Stormbringer », « Perfect
LE BOOK QUI TUE
Chaque mois, un musicien vous recommande
son livre de chevet. Puisse cette rubrique vous
donner envie, amis lecteurs, de vous plonger
(ou vous replonger) dans un bon bouquin au
son d’un chouette disque. Un plaisir rare. Dans
JOTUNSPOR
permanence. Puissant. Dans le
registre de l’ultra violence, « Sol
Mun Svartne » est aussi une
Gleipnirs Smeder démonstration. Il contient ces
(Cold Spring) voix claires dans le plus pur style
Black metal nordique, qui donnent à ce black
Sortie : déjà disponible metal une (petite) respiration. Sur
Projet formé par Kvitrafn sa globalité, ce premier opus,
(c’est-à-dire Einar Selvik enregistré et produit par Selvik
de Wardruna) et King aux studios Fimbulljod (Bergen),
(ex-Gorgoroth, God Seed), a présenté une collaboration
Jotunspor, sur son sensée et non sans style. Clarté
premier et unique album (2006), a de vision, intensité et force de musicalité
développé une vision radicale et assez d’autant plus remarquables que l’époque
originale, imprégnée de la question de la était chargée pour les deux hommes : ils
naissance du monde et de divers cultes enregistraient à la même période le premier
nordiques. Le disque est originellement une album de Sahg, et King travaillait encore sur
commande des gens du label dark ambient Gorgoroth. Même si Gleipnirs Smeder n’a
Cold Spring. Ils aimaient le travail de King et pas accouché de ce qu’espéraient ses
lui avaient demandé de composer une commanditaires, les deux protagonistes
musique orientée ambient satanic noise, son principaux ont suivi leur instinct en le faisant,
qui aurait correspondu aux canons du label. ce qui lui donne une étrange spécificité. De
Le fruit présenté par Jotunspor a davantage quoi regretter un peu plus le caractère pour
affirmé les racines BM du binôme que sa l’heure unique de cette collaboration, à
dimension ambiante. Ce contexte a engagé laquelle une suite a un temps été espérée
Cold Spring, qui tenait malgré tout à sortir par King. C’est aussi ce qui donne ce statut
le disque, vers la création d’une sous- particulier à cette réédition qui, souhaitons-
division nommé Satanas Rex. De la sorte, il le, attirera vers elle quelques collectionneurs
était évité tout risque de brouillage de supplémentaires.
l’image du label, très spécialisé il faut le dire. EMMANUEL HENNEQUIN
qualité de vie au XVIème siècle, qui sont radicalement
différentes selon votre statut, car il traite aussi
bien des mendiants que de la royauté. Il est facile
de pénétrer dans son univers car Shardlake se
retrouve confronté à toutes sortes de situations
sombres et souvent horribles. Amoureux des
livres d’histoire en général, avec un intérêt tout
particulier pour cette période, j’ai trouvé ces

DEEP PURPLE
A Fire In The Sky
(Parlophone/Rhino Records)
Hard rock
Sortie : déjà disponible
Le fan de Deep Purple le sait mieux que
quiconque : le mythe anglais publie tant de
nouvelles sorties qu’il lui faut mettre la main
à la poche une bonne dizaine de fois par an
– au bas mot – s’il est collectionneur. Car
entre concerts des différentes incarnations
du groupe, rééditions anniversaires des
albums classiques, nouveau matériel, et
réédition du nouveau matériel avec CD
bonus (le dernier album Infinite agrémenté
d’un live enregistré au Hellfest l’an passé,
par exemple), on ne sait plus où donner de
ce numéro, c’est Aaron Aedy, guitariste de
Paradise Lost, qui s’y colle.
La série Matthew Shardlake (de C. J. Sansom)
Cette série de livres est, au moment où j’écris
ces lignes, constituée des volumes Dissolution
(2004), Les Larmes du Diable (2005), Sang
Royal (2007), Prophétie (2009), Corruption
(2011) et Lamentation (2016). Elle me tient
sous son charme en m’immergeant dans
l’Angleterre des Tudor (Ndlr : de 1485 à
1603). Le héros, Shardlake, un avocat bossu
basé à Londres, est un homme bien qui a un
sens aigu du détail et est curieux de nature,
ce qui fait qu’il est très apprécié des lecteurs,
mais aussi de certains personnages du livre,
cependant que d’autres sont évidemment
moins enclins à le voir s’intéresser d’un peu
trop près à leurs affaires peu recommandables. C. J. Sansom
dresse un tableau crédible et crasseux des conditions et de la
romans intéressants et totalement immersifs.
Le fait que les personnages de Sansom évoluent
au sein d’authentiques événements historiques
et aux côtés de gens ayant réellement existé
ajoute encore à la crédibilité de ses romans.
Les situations et les acteurs de ces pages prennent
facilement vie dans l’imaginaire. J’ai lu tant de
livres qui m’ont plu qu’il s’est avéré délicat d’en
sélectionner un en particulier, mais cette série m’a
procuré beaucoup de bonheur, à tel point que je
suis surexcité lorsque j’apprends que Shardlake va
publier un nouveau bouquin… que je précommande
d’ailleurs dans la seconde. J’espère que vous
prendrez autant plaisir que moi à le lire. Je vous
recommande également chaudement les ouvrages
suivants : Une Histoire De Tout, Ou Presque (Bill
Bryson), Queen Unseen (Peter Hince), Les
Chroniques De Thomas Covenant (Stephen R.
Donaldson), Les Piliers De La Terre (Ken Follett), ainsi que la
série Giordano Bruno (S.J. Parris).

108

Ces dernières années, le vinyle revient en force,
ce qui n’est pas pour nous déplaire. Chaque mois,
dorénavant, nous vous proposons donc une sélection des
plus chouettes nouveautés. C’est parti, mon kiki !
Le mois dernier, Morgan Rivalin chroniquait
le Volume 2 de Dimevision, compilation de
vidéos réalisées par le facétieux Dimebag
Darrell avant son assassinat sur scène, le 8
décembre 2004 (treize ans déjà !). Sur ce
second chapitre figurent cinq démos (« Ain’t
No Struggle », « True », « Let’s Go »,
« Twisted » et « Whiskey Road ») qu’on
retrouve ici, gravées pour la première fois
sur vinyle à l’occasion du Record Store Day.
Intitulé The Hitz (Rhino/Warner), ce LP
posthume du regretté guitariste de Pantera
est à recommander aux fans jusqu’au-boutistes,
et à eux uniquement, car, comme précisé
par ailleurs :
1 – Ce n’est pas Pantera.
2 – Ce n’est pas Pantera.
3 – CE N’EST PAS PANTERA !
Effectivement, on en est même très loin, ce
qui ne signifie pas pour autant que ces
enregistrements n’ont aucun intérêt. Ils
permettent en effet d’entendre Dimebag
jouer de la guitare, certes, mais aussi chanter,
tenir la basse, passer derrière le kit de
batterie (« Twisted »), voire souffler dans un
trombone (« Let’s Go ») ! A l’intérieur de la
pochette, un insert propose une introduction
de Rita Haney, la veuve de Dime, les paroles
des morceaux, mais aussi des explications
de Sterling Winfield qui a enregistré et mixé
ces sessions « pour le fun ». Intrigant plus
qu’indispensable… Toujours chez Rhino/
Warner, et également à l’occasion du
Record Store Day, A Twisted Christmas de
Twisted Sister a subi un petit lifting de
circonstance puisqu’il est pour la première
fois disponible en vinyle aussi vert que le
Une rubrique de Philippe Lageat
sapin de ton salon. L’occasion ou jamais
de redécouvrir ces chants de Noël tradi-
tionnels passés à la moulinette metal par
Dee Snider & Co, « We Wish You A Merry
Christmas » devenant, par exemple, « We
Wish You A Twisted Christmas ». On
signalera également aux collectionneurs
que Lita Ford fait une apparition sur « I’ll
Be Home For Christmas ». Anecdotique,
mais distrayant. Le Record Store Day est
encore à l’honneur avec Blank Generation
(Sire/Warner) de Richard Hell & The Voidoids,
originellement paru en 1977. Les amateurs
de bon punk seront ravis d’acquérir ce double
vinyle qui fête aujourd’hui son quarantième
anniversaire. La première galette propose
les dix titres d’époque remasterisés, tandis
que la seconde est truffée de raretés :
versions alternatives de titres comme
« Love Comes In Spurts », et « Blank
Genneration », subsides de sessions (« You
Gotta Lose »), extraits de deux concerts au
légendaire CBGB (novembre 1976 et avril
1977), pub radio de 1977, etc. L’ensemble
est rehaussé d’un livret format LP de 16
pages contenant de superbes photos de
Roberta Bayley et un essai de Richard Hell.
Hautement recommandé ! Parlophone/
Warner remet au goût du jour le deuxième
album de Deep Purple, The Book Of
Taliesyn paru chez Harvest en 1968 alors
que Rod Evans était encore le chanteur du
groupe. Superbe pochette ouvrante, enre-
gistrement mono, vinyle 180 grammes, etc.,
voilà un bel objet qui enrichira la collection
déjà plus que fournie des amateurs du
Pourpre Profond. Nous vous parlions en
termes très élogieux du coffret que
Marillion a récemment consacré au chef
d’œuvre Misplaced Childhood (1985) dans
notre numéro 179. Sachez que ce concept-
album somptueux est également disponible
en vinyle 180 grammes (Parlophone/
Warner), avec pochette ouvrante (comme
l’originale), sa principale particularité étant
de proposer ici la version remastérisée en
2017 par Michael Hunter qui se veut donc
différente de l’album d’époque. A savourez
sans modération. Dans le Rock Hard 181,
nous chroniquions le Chaos A.D. (1993) de
Sepultura. Nous nous attardons aujourd’hui
sur son successeur, un Roots (1996) dont on
rappelle qu’il a si bien marché dans
l’Hexagone qu’il a permis, à Roadrunner
France, de décrocher son Premier Disque
d’Or. Comme son petit frère, Roots est
désormais disponible en double vinyle
180 grammes (Roadrunner/Warner) avec
pochette ouvrante, le premier LP contenant
l’album remastérisé en 2017 (moins deux
titres, ces derniers ouvrant l’autre disque) et
le second, douze bonus répartis entre prises
inédites (« Kaiowas »), démos (« Roots
Bloody Roots », « Untitled », « R.D.P »,
« Dusted »), instrumentaux (« Attitude »,
« Cutthroat »), les 2 Meter Sessions et une
reprise du « Procreation (Of The Wicked) »
de Celtic Frost. Costaud ! Roadrunner/
Warner met également sur le marché une
version double vinyle du Come What(ever)
May de Stone Sour sorti en 2006. L’intérêt
de la chose est qu’il s’agit de LPs de couleur
dorée marbrée, que la pochette est
gatefold et qu’elle renferme tous les textes
et un second LP de bonus : cinq inédits mis
en boîte lors des sessions de l’album
(« Suffer », « Fruitcake, « Freeze Dry Seal »,
« The Day I Let Go », « The Frozen »), deux
acoustiques (« Cardiff » et « Zzyxx Rd. ») et
trois acoustiques live enregistrés le 18 janvier
2017 à Vancouver (« Through Glass »,
« Wicked Game » de Chris Isaak et « Wild
Horses » des Rolling Stones). Un beau
bébé joufflu ! Moins fourni, certes, mais ô
combien incontournable, Van Halen, le
premier album de Van Halen qui a pris le
monde par surprise en 1978, ressort chez
Warner en vinyle 180 grammes remastérisé
à partir des bandes analogiques. Pas de
vinyle de couleur, pas de pochette ouvrante,
pas de livret gavé de photos, juste un putain
de classique (on parle tout de même de hits
comme « Eruption », « You Really Got Me »,
« Runnin’ With The Devil », « Ain’t Talkin’
‘Bout Love », etc.) ici proposé dans un
pressage à faire danser la gigue à votre
platine unijambiste. C’est dit ! Warner, déci-
dément, s’intéresse à la cire car, outre plusieurs
des autres sorties mentionnées sur cette
page, elle publie The Best Of 2005-2013, un
triple LP d’Avenged Sevenfold. Ainsi que
son titre l’indique, ce florilège regroupe les
meilleurs titres des albums City Of Evil
(2005), Avenged Sevenfold (2007),
Nightmare (2010) et Hail To The King
(2013), ainsi que plusieurs reprises (« Walk »
de Pantera, « Flash Of The Blade » d’Iron
Maiden, « Paranoid » de Black Sabbath) et
des morceaux composés pour des jeux
vidéo (« Carry On », « Not Ready To Die »).
Soit un total de 18 titres répartis sur
trois LPs insérés dans une pochette sobre,
mais élégante, à trois volets. Nuclear Blast
s’attaque pour sa part à Dimmu Borgir, dont
il réédite le For All Tid, premier album paru
en 1994, et le Death Cult Armageddon
(2003). Ces deux opus sont disponibles en
version double LP de couleur noire, mais ils
sont également trouvables, sur le site du
label allemand (nuclearblast.de), en édition
colorée limitée à 300 exemplaires (orange
pour For All Tid, argentée pour DCA, ce
dernier étant en sus agrémenté d’une
reprise du « Satan My Master » de Bathory et
de « Progenies Of The Great Apocalypse »
en version orchestrale). Attention, il n’y en
aura pas pour tout le monde ! Toujours, chez
Nuclear Blast, le Glory To The Brave
d’Hammerfall se voit réédité à l’occasion de
son vingtième anniversaire. Ce double
vinyle noir (qui existe également en vinyle
doré limité à 500 exemplaires) a une
pochette ouvrante, ainsi qu’un second LP
composé de bonus sur lequel figurent pas
moins de sept titres live enregistrés en
1998, 2012 et 2017. Enfin, Helloween signe
le retour en son sein de Michael Kiske et Kai
Hansen pour publier un nouveau morceau
enregistré à sept. Ce titre, « Pumpkins
United » (que vous avez découvert sur notre
sampler de notre numéro 181), intéressera
d’autant plus les collectionneurs qu’il est
disponible en format dix pouces de couleur
noire ou bleue. Le pressage coloré étant
limité à 500 exemplaires, on se doute qu’il
va rapidement devenir un collector prisé.
Avis aux amateurs ! Y
109

& + TRIBULATION + JINJER
ANVIL + TRANCE
25/02 - Paris, Trabendo
POEM + DAMNATIONS DAY
28/02 - Paris, Boule Noire
SILVERTRAIN + BULLRUN
16/03 - Paris, Boule Noire
PERSEFONE
24/03 - Lyon, Ninkasi Kao
31/03 - Paris, Petit Bain
& VERYSHOW
WITHIN TEMPTATION
16/11/18 - Paris, Zénith
NIGHTWISH
10/11/18 - Paris, AccorHotels Arena
ANGRA + OPERATION MINDCRIME
+ HALCYON WAY + AVELION
24/03 - Vauréal, Forum
ANNIHILATOR
28/10 - Paris, Petit Bain
A PERFECT CIRCLE
26/06 - Paris, Olympia
Partenaire favori des plus grands tourneurs français !
ARCH ENEMY + WINTERSUN
23/01 - Paris, Bataclan
AUDREY HORNE + THE NEW
ROSES
20/01 - Paris, Petit Bain
BLACK LABEL SOCIETY
08/03 - Paris, Bataclan
09/03 - Toulouse, Bikini
BLAAS OF GLORY + THE FIRELIPS MEN
13/01 - Vauréal, Forum
BLOOD AGES + BLACK MARCH
+ SUPREMACY + PRAETORIAN
24/02 - L’Isle Bouzon, Ecole des Filles
CARPENTER BRUT
+ YOUTH CODE
02/03 - Poitiers, Confort Moderne
03/03 - Toulouse, Bikini
04/03 - Montpellier, Rockstore
13/03 - Lyon, Transbordeur
17/03 - Bruxelles (BE), Ancienne Belgique
20/03 - Lille, Splendid
24/03 - Paris, Olympia
DAN REED + DANNY VAUGHN
(TYKETTO)
07/03 - Cergy, Pacific Rock
THE DEAD DAISIES
06/05 - Paris, Trabendo
DOOL (ex-membres de THE DEVIL'S
BLOOD) + HARAKIRI FOR THE SKY
05/03 - Nantes, Ferrailleur
06/03 - Paris, Backstage
07/03 - Colmar, Grillen
DOWNFALL OF GAIA + HAMFERD
15/02 - Colmar, Grillen
17/02 - Paris, Glaz’Art
DOWNLOAD
15/06 - Brétigny Sur Orge, B.A. 217 avec
OZZY OSBOURNE + GHOST + POWER-
WOLF + CONVERGE + ELUVEITIE, etc.
16/06 - Brétigny Sur Orge, B.A. 217 avec
MARILYN MANSON + THE OFFSPRING +
TURBONEGRO + MESHUGGAH + ULTRA
VOMIT, etc.
17/06 - Brétigny Sur Orge, B.A. 217 avec
FOO FIGHTERS + THE HIVES + DEAD
CROSS + SLAVES + FRANK CARTER, etc.
18/06 - Brétigny Sur Orge, B.A. 217 avec
GUNS N’ROSES, etc.
EVANESCENCE (TOURNÉE
'SYNTHESIS' AVEC ORCHESTRE)
28/03 - Paris, Grand Rex
& RADICAL & GERARD DROUOT
PRODUCTIONS
AT THE DRIVE IN
+ DEATH FROM ABOVE
28/02 - Paris, Olympia
FU MANCHU
02/03 - Paris, Trabendo STEVEN WILSON
04/02 - Marseille, Silo
G3 avec JOE SATRIANI 06/02 - Lyon, Transbordeur
+ ULI JON ROTH + JOHN 12/03 - Paris, Olympia (complet !) Indisponible
PETRUCCI en abonnement
15/04 - Lyon, Cité Internationale 13/03 - Lille, Théâtre Sébastopol
16/04 - Boulogne-Billancourt, Seine Musicale
17/04 - Bordeaux, Metropole Arena
18/04 - Toulouse, Zénith
19/04 - Nantes, Zénith
23/04 - Lille, Zénith
GRETA VAN FLEET
28/03 - Paris, Etoiles
GUNS N’ROSES
26/06 - Bordeaux, Stade Matmut
Atlantique STEEL PANTHER
28/01 - Paris, Olympia
HEAVEN SHALL BURN + AUGUST
BURNS RED + WHITECHAPEL, etc.
27/03 - Paris, Machine du Moulin Rouge
HELLFEST avec IRON MAIDEN
+ JUDAS PRIEST + AVENGED
SEVENFOLD + MEGADETH +
NIGHTWISH + HOLLYWOOD
VAMPIRES + MARILYN MANSON
+ LIMP BIZKIT + PARKWAY DRIVE EUROPE
+ BODY COUNT + STONE SOUR + 27/09 - Paris, Trianon
DEFTONES + A PERFECT CIRCLE,
etc.
22+23+24/06 - Clisson
IAN PAICE & PURPENDICULAR
27/01 - Cergy, Pacific Rock
IRON MAIDEN
24/06 - Clisson, Hellfest
05/07 - Paris, AccorHotels Arena
(complet !!!) SCORPIONS
06/07 - Paris, AccorHotels Arena 26/06 - Paris, AccorHotels Arena

Envoyez vos dates à : redaction@rockhard.fr
& & Alternative Live
GLORYHAMMER + CIVIL WAR
12/01 - Grenoble, Ampérage
16/01 - Nantes, Ferrailleur
17/01 - Paris, Petit Bain
ACCEPT + NIGHT DEMON
30/01 - St Etienne, Fil
01/02 - Paris, Elysée Montmartre
SEPTICFLESH
+ INQUISITION
13/01 - Denain, In Theatrum Demonium Festival
14/01 - Lyon, CCO Jean-Pierre Lachaize
18/01 - Toulouse, Metronum
19/01 - Angers, Chabada Mini Fest
20/01 - Paris, Machine du Moulin Rouge
CRADLE OF FILTH
+ MOONSPELL
14/02 - St Etienne, Le Fil
18/02 - Limoges, John Lennon
19/02 - Paris, Machine (Indisponible en
abonnement)
20/02 - Lile / Oignies, Métaphone
21/02 - Besançon, Rodia
CANNIBAL CORPSE
+ THE BLACK DAHLIA MURDER
01/03 - Grenoble, Belle Electrique
02/03 - Toulouse, Metronum
07/03 - St Etienne, Fil smac
08/03 - Caen, Cargo!
JARED JAMES NICHOLS
+ STONE BROKEN
16/03 - Vauréal, Forum
KING CRIMSON
15-16/11/18 -Paris, Olympia
KORPIKLAANI + ARKONA
+ HEIDEVOLK + TROLLFEST
20/02 - Paris, Elysée Montmartre
KREATOR + DAGOBA
11/01 - Lille, Splendid
12/01 - Reims, Cartonnerie
&
DROPKICK MURPHYS
+ FLOGGING MOLLY
+ GLEN MATLOCK
16 & 17/02/2018 - Paris, Zénith
13/01 - Rouen, 106
14/01 - Bordeaux, Rocher Palmer
15/01 - Lyon, Transbordeur
MACHINE HEAD
22/03 - Rouen, 106
24/03 - Paris, Bataclan
26/03 - La Rochelle, Sirène
27/03 - Bordeaux, Rocher de Palmer
08/04 - Toulouse, Bikini
09/04 - Marseille, Cabaret Aléatoire
15/04 - Lyon, Transbordeur
24/04 - Strasbourg, Laiterie
MYRATH
+ MANIGANCE
08/03 - Paris, Trabendo
24/03 - Montauban, Rio Grande
25/03 - Narbonne, DB
30/03 - Nantes, Ferrailleur
OBITUARY
14/03 - Paris, Trabendo
16/03 - Lyon, CCO Villeurbanne
17/03 - Mulhouse, Noumatrouff
ORK
19/01 - Vauréal, Forum
ORPHANED LAND
+ SUBTERRANEAN MASQUERADE
27/02 - Paris, Petit Bain + IN VAIN
+ AEVUM
28/02 - Nantes, Ferrailleur + IN VAIN
+ AEVUM
04/03 - Montpellier, Secret Place
+ IN VAIN + AEVUM
17/03 - Pagney-derrière-Barine, Chez
Paulette + ATLANTIS CHRONICLES
WHILE SHE SLEEPS
11/01 – Paris, Maroquinerie
12/01 – Bordeaux, BT59
19/01 – Marseille, Le Moulin
HED PE
25/01 – Nantes, Ferrailleur
26/01 – Ris Orangis, Plan
27/01 – Metz, Les Trinitaires
ESCAPE THE FATE
26/01 - Paris, Trabendo
MOTIONLESS IN WHITE + CANE
HILL + ICE NINE KILLS
30/01 – Paris, Petit Bain
THE FACELESS
10/02 - Backstage BTM, PARIS
11/02 - Bordeaux, BT59
14/02 – Lyon, Warmaudio
PUP + ALBATROSS
20/02 - Paris, Maroquinerie
21/02 - Lyon, Warmaudio
AS IT IS + WSTR + COURAGE MY
LOVE
05/03 – Paris, Backstage By The Mill
DANCE GAVIN DANCE
+ VEIL OF MAYA
10/03 – Paris, Backstage By The Mill
OF MICE & MEN
19/04 – Paris, Trabendo
SLEEPING WITH SIRENS
24/05 – Paris, Machine du Moulin Rouge
ASKING ALEXANDRIA
08/06 – Paris, Trabendo
PHIL CAMPBELL & THE BASTARD
SONS
19/03 - Paris, Boule Noire
23/03 - Vauréal, Forum
PLEYMO
23/03 - Paris, Trianon (complet !)
31/03 - Paris, Olympia
PRIMORDIAL + MOONSORROW
+ DER WEG EINER FREIHEIT
14/04 - Paris, Trabendo
RHAPSODY (avec Luca & Fabio
pour le 20ème anniversaire)
16/03 - Paris, Trabendo
17/03 - Toulouse, Metronum
ROCK N’METAL avec DYNASTY
+ LONEWOLF + MARC QUEE +
FATHER MERRIN + GANG + LAST
PROPHECY + THORGEN + DRAK-
KAR + ATRYSTOS + SPIRIT
05/03 - Fismes, Salle des Fêtes
ABONNEMENT
Si vous vous abonnez et que vous êtes
intéressé par une place de concert,
outre les shows proposés en page 114,
vous pouvez choisir n’importe quelle
date indiquée dans un cadre doré
en le précisant clairement sur votre
coupon.
ROTTING CHRIST + CARACH
ANGREN + SVART CROWN
04/02 - Paris, Petit Bain
05/02 - Nantes, Ferrailleur
06/02 - Lyon, CCO
12/02 - Marseille, Jas'Rod
ROSE TATTOO
14/06 - Strasbourg, Laiterie
SCORPIONS
(TOURNEE « CRAZY WORLD »)
22/03 - Nantes, Zénith
24/03 - Clermont-Ferrand, Zénith
26/03 - Limoges, Zénith
28/03 - Toulon, Zénith
30/03 - Rouen, Zénith
04/04 - Bruxelles (Belgique),
Forest National
26/06 - Paris, AccorHotels Arena
28/06 - Pérouges, Printemps de Pérouges
SEPTICFLESH + INQUISITION
13/01 - Denain, In Theatrum Demonium Fest
14/01 - Lyon, CCO Jean-Pierre Lachaize
18/01 - Toulouse, Metronum
19/01 - Angers, Chabada Mini Fest
20/01 - Paris, Machine du Moulin Rouge
SEPULTURA + OBSCURA +
GOATWHORE + FIT FOR AN AUTOPSY
20/03 - Paris, Elysée Montmartre
THE TEMPERANCE MOVEMENT
01/04 - Bordeaux, Rocher de Palmer
02/04 - Nantes, Ferrailleur
THERION + IMPERIAL AGE
+ NULL POSITIV
16/02 - Paris, Trabendo
TOTO (TOURNEE « 40 ANS »)
15/03 - Lille, Zénith
25/03 - Marseille, Dôme
26/03 - Toulouse, Zénith
27/03 - Lyon, Halle Tony Garnier
30/03 - Paris, Seine Musicale
TRIVIUM
13/04 - Paris, Bataclan
ULTRA VOMIT
13/10/18 - Paris, Olympia
WATAIN
13/01 - Paris, Maroquinerie
YES
30/03 - Paris, Olympia
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N°171 - 6,50 € avec CD N°172 - 6,50 € avec CD N°173 - 6,50 € avec CD N°174 - 6,50 € avec CD N°175 - 7,00 € avec CD N°176 - 7,00 € avec CD N°177 - 7,00 € avec CD N°178 - 9,50 € avec CD N°179 - 7,00 € avec CD

N°180 - 7,00 € avec CD N°181 - 7,00 € avec CD

HS METALTHEQUE - 8,50 € HS AC/DC - 7,00 € HS HELLFEST 2009 - 6,00 € HS HELLFEST 2010 - 6,00 € HS HELLFEST 2014 - 6,00 € HS HELLFEST 2015 - 6,00 € HS HELLFEST 2016 - 7,00 € HS HELLFEST 2017 - 7,50 €
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11 numéros + 11 CDs

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HELLFEST PASS 3 JOURS

22 numéros + 22 CDs
2 concerts au choix

22-23-24 juin / Clisson (France)

22 N° Rock Hard (valeur : 143 €)
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NIGHTWISH

STEVEN WILSON EUROPE

10/11/18 - Paris, AccorHotels Arena
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