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JAN 2020
N°205

MENSUEL - BELGIQUE 7,50 € - SUISSE 11 CHF - CANADA 11.50 $ - LUX. 7,50 €

P.04
P.06
LE SAMPLER
COURRIER DES LECTEURS
P.08 LE PURGATOIRE : ACCEPT
P.10 I LIKE TO MOVIE, MOVIE :
ROYAL REPUBLIC
P.12 TELEX : L’ACTU MÉTALLIQUE
P.16 REFERENDUM DE LA REDACTION
P.18 TOUTE PREMIERE FOIS : CLUTCH
QUE JUSTICE SOIT FAITE
Fin 1996, alors qu’il venait de décrocher son premier
Disque d’Or en France (pas un mince exploit pour un
groupe de thrash !) et qu’il était en train de s’affirmer
comme le futur Grand de demain, Sepultura annonçait
son split. Max Cavalera d’un côté, son frère Igor,
Andreas Kisser et Paulo Jr. de l’autre. Probablement
l’un des plus grands gâchis dans l’univers du metal, qui
en avait pourtant connu d’autres… A l’époque, je me
souviens qu’il ne se passait pas un mois (ou quasiment)

DR
sans que l’un des deux « camps » ne nous contacte
P.20 DIX COMMANDEMENTS : BENIGHTED directement, histoire de donner des nouvelles afin de préparer le terrain
P.22 DE + EN + NET pour la suite. Kramer contre Kramer, ou plutôt, en l’occurrence, Cavalera
contre Cavalera. Franchement, en tant que journalistes, nous avions le
LES INTERVIEWS : sentiment d’être pris en otages, comme les gamins d’un couple divorcé,
toutes proportions gardées, évidemment. Et puis, Sepultura a continué
P.24 SEPULTURA avec Derrick Green au chant, tandis que Max montait Soulfly, avant, bien
P.30 IDLE HANDS des années plus tard, de se rabibocher avec son frère et de former Cavalera
Conspiracy en 2007. Aujourd’hui, les deux frangins basent leur nouvelle
P.32 GOD DETHRONED tournée sur les vieux albums de Sepultura que sont Beneath The Remains
P.34 MAGNUM (1989) et Arise (1991), ainsi qu’ils l’ont déjà fait en rejouant le classique
Roots (1996) en 2016 et 2017. De son côté, Sepultura choisit de ne pas
P.36 LORDI jouer la « carte nostalgie », préférant aller de l’avant en continuant d’innover
P.38 APOCALYPTICA et de prendre des risques, ainsi que le prouve, une fois encore, son superbe
nouvel album Quadra. Line-up de « ouf », concerts sérieux et décapants,
P.41 DEWOLFF refus d’initier une inutile « guerre des mots », disques de qualité, etc.,
Andreas Kisser & Co. se portent bien, merci pour eux ! En 1997, alors que
P.44 SUIVEZ LE GUIDE ! les deux partis s’entredéchiraient, j’avais surpris une conversation ahurissante
FOREIGNER entre décideurs américains du label Roadrunner, dont il se dégageait en
substance que la maison de disques hollandaise – qui abritait pourtant
P.46 RAGE Soulfly comme Sepultura – avait choisi de privilégier le premier, Max étant
P.48 JUDAS PRIEST alors jugé plus « bankable » car plus charismatique, au détriment du
second. Le Choix de Sophie, en quelque sorte, mais sans les maux de tête
P.52 BLOOD et la monstrueuse culpabilité qui va avec. A l’aube de 2020, il n’est pas si
INCANTATION évident que Roadrunner ait eu raison d’avantager aussi ouvertement l’un
de ses deux fils. Du moins, artistiquement. Car si, depuis plus de trois ans,
P.54 SVART CROWN les frères Cavalera se la jouent passéistes, quand bien même ils le font
P.56 SONS OF APOLLO correctement selon certains observateurs, c’est bien Sepultura – groupe
auquel, hélas, très peu ont donné sa chance depuis 1997 en dépit des
P.59 WOLF JAW évidentes qualités exposées plus haut – qui tire le débat vers le haut. C’est
P.60 7WEEKS pourquoi cette rédaction, qui avait confié sa première couverture française
au Sepultura de Derrick fin 1998, est positivement ravie de la lui consacrer
P.62 BRITISH LION 22 ans plus tard. Une histoire de « justice », tout simplement…
P.66 BROTHERS OF Pourvu que ce soit là le maître-mot de cette année 2020 qui débute et que
METAL nous espérons belle, pour vous comme pour ce magazine !
P.68 ADX PHILIPPE LAGEAT & LA REDACTION
P.70 JINJER
P.73 MERCHANDISING
39, rue Santos Dumont - 75015 Paris
P.74 GIGS YOUR ASS ! Tél : 01.40.28.43.41 - Fax : 01.40.43.02.98
Gwar + Amon Amarth Directeur de la publication : Marc Villalonga (marc@rockhard.fr)
Rédacteur en chef : Philippe Lageat (phil@rockhard.fr)
+ Sacred Reich + Jinjer Rédacteur en chef adjoint : Morgan Rivalin (morgan@rockhard.fr)
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Julien Monsenego, Guillaume Fleury - Photographes : Marc Villalonga, Nidhal Marzouk
+ Marillion Directrice artistique : Vanessa Girth (vanessa.rhmag@gmail.com)
Publicité : Vanessa Girth (vanessa.rhmag@gmail.com)
P.80 KRONIKS CDs Courrier & dates de concerts : redaction@rockhard.fr
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Ce numéro contient un CD qui ne peut être vendu.
Calendrier des concerts La rédaction n’est pas responsable des textes, illustrations, dessins et photos publiés qui engagent la seule responsabilité de leurs
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P.96 ANCIENS NUMÉROS

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CONCERTS • Vous ne savez pas où trouver Rock Hard près de chez vous ? Jetez un œil sur :
www.trouverlapresse.com qui vous indiquera l’adresse des revendeurs les plus proches.
 Sur chaque sampler figure un morceau extrait de la démo d’un groupe francophone non signé.
Espérons que ce petit « coup de pouce » attire l’attention des labels et autres maisons de disques
et débouche sur des signatures. Jeunes combos, n’hésitez donc pas à nous envoyer vos démos
(CDs uniquement) agrémentées d’une bio complète et d’une photo à l’adresse suivante :
Rock Hard/Strass - Démos Sampler - 39, rue Santos Dumont - 75015 Paris. Bonne chance !
1 - FIVE FINGER DEATH PUNCH
« Inside Out »
Huitième album du bulldozer américain Five Finger
Death Punch, F8 (à prononcer « Fate », « Destin » en
français) est introduit par ce premier extrait aux
allures de « mise aux poings » dans lequel le chanteur
Ivan Moody parle de ses (anciennes) addictions. Pour
les fans de FFDP, le 28/02 sera un « jour de Fate » !
2 - BRITISH LION
« The Burning »
Beaucoup ne voyaient en British Lion qu’un projet
sans lendemain. Steve Harris, le bassiste et leader
incontesté d’Iron Maiden, ici entouré d’une bande
d’amis de toujours, répond aujourd’hui aux sceptiques
en publiant The Burning, qui déboule huit ans après
un premier opus éponyme. Sortie le 17/01.
3 - KREATOR
« Satan Is Real » (Live)
Filmé et enregistré le 16 décembre 2018 à la Roundhouse
de Londres, London Apocalypticon – Live At The
Roundhouse, le nouveau live de Kreator est l’ultime
témoignage du groupe allemand avec le bassiste
Speesy, depuis remplacé par notre compatriote et ami
Fred Leclercq, ex-Dragonforce. En bacs le 14/02.
4 - SONS OF APOLLO « Goodbye Divinity » (Edit)
Nulle part et partout, le batteur stakhanoviste Mike
Portnoy défend bec et ongles ce deuxième opus studio
de Sons Of Appolo, le supergroup au sein duquel il
joue avec Ron Thal, Derek Sherinian, Billy Sheehan et
Jeff Scott Soto. Intitulé MMXX, au cas où vous auriez
oublié le passage à la nouvelle année, il sera
disponible le 17/01.
5 - ADX
« Au–Dessus Des Croix Noires »
Onzième album d’ADX, Bestial est la première œuvre
des Français depuis le départ du guitariste « historique »
Betov, depuis remplacé par Neo. Un changement
n’arrivant jamais seul, il paraît sur le label du groupe,
Ultim’ Records. Sa pochette est l’œuvre de notre ami
Stan W. Decker, décidément très sollicité.
6 - MAGNUM
« House Of Kings »
Fort d’un nouveau line-up au sein duquel le producteur
américain Dennis Ward (ex-Pink Cream 69, Unisonic,
Place Vendome) tient désormais la basse, Magnum,
toujours mené par les indéboulonnables Bob Catley et
Tony Clarkin, sort l’air de rien son 21ème album studio.
The Serpent Rings, en bacs le 17/01.
7 MARKO HIETALA
« Stones »
Ne l’appelez plus « Marco », mais « Marko ». Marko
Hietala, le bassiste/chanteur de Nightwish, retrouve le
« k » de son prénom de naissance à l’occasion de la
sortie de son album solo, originellement chanté en
finnois. C’est le 24/01 que débarquera sa version
anglophone, Pyre Of The Black Heart.
8 - SVART CROWN
« Thermageddon »
Après une période troublée, Svart Crown fera son
grand retour le 7/02 avec Wolves Among The Ashes.
On y découvrira la nouvelle mouture du combo
black/death, JB Le Bail étant désormais entouré de
deux « revenants », Clément Flandrois et Ranko, mais
aussi du nouveau bassiste Julien Negro.
4 sera en kiosqu
9 - SERENITY
« Set The World On Fire » (Feat. Herbie Langhans)
L’Histoire avec un grand H « inspiré » est toujours aussi
chère au cœur du chanteur Georg Neuhauser, le frontman
de Serenity. Sur The Last Knight (sortie le 31/01), les
Tyroliens nous parlent notamment de l’empereur romain
Maximilien d’Autriche, un « sacré loustic » qu’ils ont très
bien connu...
10 - GOD DETHRONED
« Illuminati »
Avec Illuminati, sur lequel les fans de black/death
mélodique se jetteront dès le 7/02, les Néerlandais de
God Dethroned proposent « un disque à l’ambiance
fascinante, hanté par la présence d’entités secrètes et
pétri d’obsessions franc-maçonnes » © Emmanuel
Hennequin. Voilà qui donne envie !
11 - BRKN LOVE
« Shot Down »
Malgré un nom de famille indéniablement rigolo, Justin
Benlolo est un musicien canadien à prendre au sérieux.
Signé par Spinefarm, il sortira le premier album de Brkn
Love le 14/02, pile à temps pour la Saint Valentin. Oui, il
manque des lettres à « Broken Love »... Le clavier de M.
Benlolo est cassé.
12 - DISBELIEF
« The Waiting »
Revigoré par The Symbol Of Death (2017), leur premier
album depuis 2010, les irréductibles Teutons de Disbelief,
actifs depuis 1990, relancent la machine à baffes avec
The Ground Collapses. C’est le 28/02 que sortira ce
nouveau méfait fomenté par des amoureux du death
pour des amoureux du death.
13 - GODSTICKS
« Denigrate » (Feat. Daniel Tompkins)
C’est le 7/02 que sortira Inescapable, le nouvel effort
des maître gallois du metal progressif. Un album sur
lequel vous retrouverez ce « Denigrate » saupoudré
d’harmonies vocales haut perchées de Daniel Tompkins,
l’impressionnant chanteur de Tesseract.
DÉCOUVERTE DU MOIS :
14 - TANKRUST
« Another Blank Page »
Ton rappel de tétanos est à jour ? Bien. Ce dernier est indispensable pour
profiter tranquillement du dernier méfait en date de Tankrust, gang
parisien qui affirme « décaper la rouille » depuis treize ans en brassant
joyeusement death, thrash et autres hardcore. Notez que le quintet
vous recommande chaudement de découvrir Opposite Terror sur scène,
le domaine où il veut mettre tout le monde d’accord. D’accord ?!
Extrait de l’album Opposite Terror
Web : facebook.com/tankrust
Mail : almostfamouslabel@gmail.com
éro de
Le prochain num février 2020
u7
e aux alentours d

Salut,
18 ans ! 18 ans que je suis abonné ! 18 ans
que je vis Noël tous les mois en recevant mon
petit paquet dans ma boîte aux lettres ! Quel
bonheur ! Alors merci, oui, je vous remercie
très sincèrement pour tout ce plaisir, toutes
ces années. Par contre, mes amis vous détes-
tent car, à chaque déménagement, ce qui
demande le plus de travail est ma collection
de Rock Hard (et Hard Rock Mag avant vous !)
Depuis le numéro 1 avec AC/DC en couv,
suivi le mois d’après par le Tattoo The Planet
et son Kerry King jeté à la face de la presse
française… Justement, si je vous écris
aujourd’hui (et ce, pour la première fois),
c’est pour vous raconter vite fait la soirée du
30 novembre dernier au Forum de Los
Angeles. N’importe quel vieux thrasher sait
ce qui s’y est passé ! Slayer y a donné son
dernier concert (oui, pour moi, c’est son
dernier, pas envie de polémiquer sur ça). J’ai
eu la chance d’y assister et, croyez-moi, j’en
ai pris plein mon... Je vous passe les prix
prohibitifs habituels aux USA (45$ le t-shirt,
30$ le parking, 15$ la bière...) et nous voilà
dans le Forum, salle mythique californienne
équivalente, en termes de taille, à un Bercy
parisien. Pour les premières parties, le gros
Phil Anselmo mou du genou (sauvé par les
excellents morceaux de Pantera), Ministry
égal à lui-même (quelle setlist !) et Primus
(mais qu’est-ce qu’ils font là ?). Puis vient le
compte à rebours de cinq minutes sur les écrans
géants, images d’archives, commentaires de
fans… La pression monte, les gens hurlent, et
c’est parti pour l’intro de South Of Heaven...
Et presque deux heures de bourrinage.
Interprétation quasi parfaite, tout le monde a
le pied au plancher, et Tom Araya laisse très
peu chanter le public (comme il a pu le faire
dans le passé) pour vociférer lui-même les
pires insanités. Un plaisir ! Le son est très bon
pour une salle de cette taille et les gens sont
possédés ! La fin du concert est marquée par
la traditionnelle photo du groupe, puis du
crew, devant la scène, dos à la fosse. S’en
vient ensuite un long au revoir des membres
(Kerry King fait symboliquement tomber ses
fameuses chaînes au sol) pour qu’il ne reste
plus que Tom, dévisageant tout le monde
pendant de longues minutes avant de prendre
rapidement la parole pour nous remercier
d’avoir pris part à une grande partie de sa
vie… Séquence émotion. Les plus : l’attitude,
le son, la setlist (pas originale, mais une
bonne partie de leurs meilleurs morceaux
était présente), la scène, le côté culte du
concert. Les moins : il y avait énormément
de guests dans la salle, on pouvait rêver de
featurings légendaires sur certains morceaux,
ce fut un concert presque « normal » de
Slayer. Voilà pour mes impressions sur cette
bien belle soirée à Los Angeles… Merci à
eux, qui, au même titre que vous (eh oui !!!),
m’ont apporté beaucoup de bonheur et de
bons moments pendant toutes ces années !
La retraite est méritée, alors profitez les
gars ! Et comme l’a dit à juste titre Mr Araya
ce soir-là, « le temps est précieux, merci de
m’en avoir consacré ! » Tchouu !
Nubowsky
Cher Nubowsky,
Merci d’avoir « pris le temps » de rédiger ce
petit compte-rendu. Et merci pour ta fidélité
qui nous touche au plus haut point.
Nombreux sont les lecteurs (et membres de
notre équipe, d’ailleurs) qui auraient adoré
être à tes côtés en ce fameux 30 novembre !
Cher Rock Hard,
J’ai lu avec intérêt, dans le numéro de
décembre, l’interview du « Metal God »,
notre ami Robert Halford à la voix d’or. Il
envisage, pour l’année prochaine, une tournée
mondiale pour les 50 ans du Priest. Mais en
tant que grand fan de Judas, cela m’interpelle
6
Faites couiner vos souris en nous e-mailant directement vos messages à :
à plusieurs niveaux. Adolescent boutonneux,
j’ai découvert Priest en 1990/91, à la sortie
du Painkiller. A cette époque que de bonnes
choses à se mettre sous les esgourdes : le
Black Album de Metallica, F.U.C.K. de Van
Halen, A Little Ain’t Enough de David Lee
Roth, Recycler de ZZ Top, No More Tears
d’Ozzy, Slave To The Grind de Skid Row, et
Use Your Illusion de Guns N’ Roses. Très vite,
Priest va tenir une place à part dans mon
cœur de rockeur en devenir. Même si la face
A de la cassette que j’écoutais à l’époque est
très agressive, je me retrouve totalement
dans la face B avec « Night Crawler »,
« Between The Hammer And The Anvil », etc.
Les années suivantes, je vais remonter le
temps et me plonger dans la discographie de
Priest, avec Screaming For Vengeance (1982),
qui me met une claque monumentale (dont je
ne me suis probablement jamais remis),
Defenders Of The Faith (1984), British Steel
(1980), le très commercial et très controversé
« Top Gunnien » Turbo (1986), puis les années
70 avec Stained Class (1978), Killing Machine
(1979, Hell Bent For Leather pour le pressage
US), et l’autre grosse claque Sad Wings Of
Destiny (1976). En 1993 j’ai appris avec beau-
coup de tristesse, comme beaucoup de fans
à cette époque, que Rob avait choisi de partir
pour d’autres horizons. J’ai suivi son parcours
dans Fight qui, malgré un excellent premier
album très Panteresque, ne m’a pas convaincu
outre mesure. Je n’ai pas écouté Two, peut-
être à tort. Quant à la nouvelle mouture du
Priest avec un immense vocaliste en la personne
de Tim « Ripper » Owens, elle m’a fait une
impression mitigée... Dans le genre « Tiens,
c’est la mode du metal extrême, on va sortir
un disque plus violent que Painkiller... » (un
peu comme Turbo en 1986, quand c’était la
mode du FM). Bof, bof, le Jugulator ne m’a
pas séduit malgré quelques bonnes idées, et
j’ai encore moins apprécié son successeur,
Demolition (2001). Par contre, quel plaisir de
retrouver les classiques du groupe sur le Grand
Live Meltdown ‘98. C’est comme de redécouvrir
son plat préféré, mais cuisiné différemment.
Guitares acérées sous-accordées, production
ultra moderne, prestation impeccable de
Ripper, rythmique implacable, on avait à
cette époque tous les ingrédients pour une
incarnation du Priest 2.0, mais la sauce n’a
pas pris.... Dommage, la faute peut-être à la
direction musicale choisie, comme je le disais
plus haut ? Quelques années plus tard, nous
voici en 2005, (15 ans déjà), Robert revient.
Tous les espoirs sont permis. Hélas, l’album
de la réunification, Angel Of Retribution, est
loin de la grand’messe de Maiden avec son
Brave New World de haute volée. Je pardonne
à mes héros en me disant qu’ils feront mieux
la prochaine fois. Au moins sont-ils tous
revenus à un style musical qui leur sied mieux
que le metal extrême. Chacun son métier.
2008, Nostradamus arrive dans les bacs, et
malgré un concept-album audacieux et
quelques bons titres, je ne comprends pas la
motivation du groupe à proposer un album
entier de deux disques sur ce thème, plutôt
qu’un ou deux titres. L’époque des concepts-
albums progressifs des années 70 est révolue,
et les fans de Priest attendaient un disque
d’envergure. Je les ai vus d’ailleurs au Zénith
sur cette tournée, en mars 2009, en compagnie
de Megadeth. Quelle souffrance de voir un
Rob Halford diminué vocalement ! Sur certains
titres, il n’y arrivait plus, tout simplement.
Autant sa voix est magnifique dans les
médiums, son timbre unique a toujours de
quoi émouvoir, mais je me suis dit que c’en
était fini des prouesses de « Savage » et
autres « Devil’s Child ». En 2011, j’appris avec
douleur le départ de Ken alias « KK »
Downing, fondateur du groupe avec Ian Hill à
la basse. Au départ, je n’ai pas compris ses
motivations. Il m’a fallu lire son livre paru
cette année pour y voir plus clair. Exit Ken,
redaction@rockhard.fr
enter Richie... Tiens il y a un petit air de
ressemblance. On dirait même KK en 1977
en train de taper le solo sur « Sinner ». Assez
dubitatif, j’achète le Redeemer Of Souls à sa
sortie en 2014 et en voilà une bonne surprise.
Je me dit finalement que ce sang neuf fera
peut-être du bien au Grand Judas. Enfin,
nous voici en 2018, l’album d’envergure que
j’attendais est enfin là : Firepower déglingue
tout. Prod’ énorme, guitares tonitruantes. Ça
sent bon la Flying V ‘67 bourrée d’effets.
Double pédale et cris sur aigus sont au rendez-
vous. Je me dis que Rob, du moins en studio,
a retrouvé sa superbe. La pochette fait étran-
gement penser à celle de Screaming passée à
la moulinette et plus actuelle. Une réussite
elle aussi. Le travail d’Andy Sneap est une
véritable réussite. Son palmarès parle pour
lui. Mais.... J’apprends que notre ami Glenn
Tipton souffre d’une grave maladie et qu’il ne
pourra pas faire la tournée. Voilà Priest privé
de ses deux duellistes six-cordistes. Voici
donc le Boeing 747 du Priest privé de deux
de ses moteurs.... La machine commencerait-
elle à perdre de l’altitude ? J’ai malgré tout
assisté au concert de la tournée au Zénith de
Paris, en janvier dernier. J’ai pu constater que
Rob avait retrouvé une partie de ses capacités
vocales. Il n’a plus vingt ans, et tel Ian Gillan,
il n’arrive plus à monter dans les extrêmes
aigus, mais sa prestation est tout à fait hono-
rable. Richie Faulkner fait le show et Andy
Sneap me prouve qu’en plus d’être un ingé-
son de talent, il est un excellent gratteux. Ian
Hill est toujours là, l’homme en noir, le beau-
frère de Rob’ matraque sa Spector noire près
des amplis. Et Scott Travis, dont la virtuosité
n’est plus à démontrer, martèle les fûts
comme au bon vieux temps de Painkiller, qui
a déjà presque 30 ans. De surcroît, la setlist
est vraiment excellente, revisitant l’ensemble
de la carrière du Priest. Alors, maintenant ?
« So what? », comme dirait l’ami James... Rob
a clairement pris les commandes de la
machine Judas Priest. Et veut très profession-
nellement la faire durer le plus longtemps
possible. Tels AC/DC, Deep Purple ou Ozzy,
on ne prend pas facilement sa retraite dans le
metal. Ici, pas d’âge pivot, ni de décote, ni
régimes spéciaux. Juste la passion de la musique
et certainement des factures à payer dans un
monde où tout est produit, marketing et
marchés. Mais une tournée des cinquante
ans ? Pourquoi maintenant ? D’abord, c’est
un peu prématuré. Priest n’aura 50 ans qu’en
2024 car Rocka Rolla est sorti en 1974. A la
limite 2022, si on parle des premières moutures
avec Alan Atkins au chant et Chris « Congo »
Campbell à la batterie. Ensuite, pourquoi ne
pas faire revenir KK qui a repris le chemin des
planches en compagnie de Les Binks et de
Dave Ellefson de Megadeth ? Il faut croire,
encore une fois, à la lumière de son livre, que
le torchon brûle entre Rob et lui. Il aurait écrit
une lettre pas piquée des vers lors de sa
retraite éclair en 2011... Quant à Glenn, on
ne peut que lui souhaiter de remonter sur les
planches le plus tôt possible, mais la maladie
est un facteur malheureusement imprévisible.
Bref, tout cela pour dire, dans un cri d’amour
au Grand Judas, que s’il fête ses 50 ans en
fanfare, autant le faire à fond : comme
Helloween avec le Pumkins United Tour,
Scorpions sur sa tournée 2006 avec Michael
Schenker et Herman Rarebell en guests, et
enfin, comme en son temps, l’immense Thin
Lizzy sur son Live Life épitaphe (1983) qui a
vu tous ses ex-membres monter sur scène
pour un « The Rocker » d’anthologie à sept
guitares. Musicalement,
Axel (Reims)
Cher Axel,
Nombreux sommes-nous, au sein de cette
rédaction, à partager ton admiration pour
Firepower. Qui, dans les anciennes gloires
des années 70 ou 80, peut se targuer d’avoir
publié un album aux allures de future
classique avec une réelle agressivité et une
telle qualité d’écriture ? Nous sommes
d’accord, parler de « demi-siècle » semble un
peu prématuré dans le cas de Judas Priest.
Mais nul doute que cette tournée anniver-
saire réservera de belles surprises aux fans
que nous sommes !
Bonjour Rock Hard,
Suivant la bonne vieille règle du « do it your-
self », je prends la plume pour parler d’un
concert que j’aurais souhaité voir chroniqué
dans l’un des numéros de mon magazine
musical favori : celui de Limp Bizkit à
l’Olympia le 6 juillet dernier. J’ai une trop
haute opinion de vous pour suspecter que
vous avez snobé un groupe qui est souvent
pris de haut par une bonne partie des « vrais »
amateurs de metal, et je crois plutôt qu’avec
la très riche offre de concerts estivaux, vous
n’avez tout simplement pas pu y assister. Le
concert fut tout bonnement incroyable, la
salle était pleine à craquer et j’ai rarement vu
une telle énergie dans un public (j’avais
pourtant vu Slipknot quelques semaines
auparavant). Certes, le groupe a joué à peine
1h15 malgré les acclamations de la foule qui
ne quittait littéralement pas la salle, tant et si
bien que Fred Durst est remonté sur scène
faire un dernier tour de piste tandis que les
roadies démontaient déjà tout. Certes, la set-
list était prévisible (avec quelques surprises
toutefois, dont un avant-goût exclusif du nou-
vel album qu’on attend depuis longtemps).
Certes, Wes Borland semblait dans une autre
galaxie, à peine présent. Mais bon sang, plus
de 2.800 fans qui viennent blinder une salle
pour voir un groupe qui n’a pas d’actualité
discographique depuis 2011 ! Tous ces énervés
qui sont venus mettre un bordel monstre à
l’Olympia, les pogos s’étendant du premier
rang jusqu’au fond de la fosse sous les balcons.
Un public qui, faisant fi des dictats du bon
goût et des artistes « tendances » qu’il est
de bon ton d’admirer, était au rendez-vous
pour voir l’un des piliers d’un genre musical
aujourd’hui passé de mode (quoique, entre neo
metal et metalcore, il n’y a souvent qu’une
différence d’appellation). Contrairement à
beaucoup d’autres, LB est impeccable en live
et j’ai senti Fred Durst sincèrement impres-
sionné par son public ce soir-là, malgré son
air de branleur qui en a vu d’autres. Lorsque
je suis sorti de la fosse, j’étais trempé comme
si je sortais d’une piscine. Les gens autour de
moi avaient la banane. En nous éparpillant
dans la nuit parisienne, nous avions vécu le
petit miracle d’un bon concert de rock.
PS : Pour le reste, continuez le bon travail, le
CD sampler est toujours très apprécié, et
l’idée d’un lecteur concernant une rubrique
des concerts mythiques est prometteuse !
Juste une idée/question : pourquoi ne pas
inclure les hors-séries (Metallica, Maiden,
Hellfest, etc.) dans votre offre d’abonne-
ment/réabonnement ? Bon courage !
Pierre-Olivier
Cher Pierre-Olivier,
Merci pour cette chronique. Effectivement,
l’offre pléthorique de concerts a fait que
nous n’avons pu assister à celui-ci. Pour ce
qui est des hors-séries, la réponse est toute
simple : tous nos lecteurs n’ont pas les
mêmes goûts et si un numéro « ordinaire »
de Rock Hard s’efforce de balayer une
grande part de l’actualité hard rock et metal,
ces hors-série ponctuels, eux, ne s’adressent
qu’aux fans d’un groupe ou d’un événement
– dans le cadre du Hellfest – précis. Nous ne
voulons tout simplement pas vous « forcer la
main » ! Qui plus est, nous ne savons pas
forcément, en début d’année, combien de
HS nous allons publier.
 Ponctuellement, nous revenons sur un
album « décrié », un peu à part dans la
discographie d’un groupe. Un « mal aimé »,
en quelque sorte. Par certains critiques,
certains fans, et, parfois, par ses
géniteurs eux-mêmes. Un album qui,
pourtant, vaut le détour et mérite qu’on
le réhabilite sans plus attendre.
L’autopsie d’un « échec » qui n’en est
pas vraiment un, l’idée étant de faire
parler les musiciens « à froid », plusieurs
années après la sortie de ce disque, afin
de mieux comprendre ce qui, à l’époque,
n’a pas collé. Pourquoi les étoiles n’étaient
pas alignées. Ce mois-ci, Phil
Lageat revient sur Eat The Heat
d’Accept paru en 1989.
Eat The Heat (1989) est le disque d’Accept qu’il
fait bon détester. Et pour cause. Tout comme
l’opus éponyme de Mötley Crüe, paru en 1994
et chanté par le nouveau venu John Corabi et
non le frontman historique Vince Neil, il ose le
crime de lèse-majesté. Il s’agit en effet du
premier album du combo allemand sur lequel
le chanteur Udo Dirkschneider n’apparaît pas.
On le sait, se priver d’un membre charismatique
à la voix aussi particulière est souvent voué à
l’échec (demandez ce qu’il en pense à Blaze
Bayley). Les élus (on pense, entre autres, à
Bruce Dickinson, Brian Johnson et Ronnie
James Dio) sont rares.
Lorsque Dirkschneider quitte Accept en 1987
afin de voler de ses propres ailes, Wolf
Hoffmann & Co. décident de l’aider en
lui offrant, en guise de cadeau d’adieu,
les morceaux qui, quelques mois plus tard,
apparaissent sur Animal House (1987),
le premier album de leur ex-chanteur.
Rien d’étonnant, donc, que ce disque plutôt
convaincant séduise les fidèles du gnome
hurlant tout comme ceux de son ancien
groupe. Du côté d’Accept, il en va hélas tout
autrement. Déjà, Eat The Heat ne sort que fin mai 1989,
deux ans après un Animal House auquel Udo, qui
occupe le terrain avec malice, a déjà donné un
successeur (Mean Machine/1989). Et puis, sa pochette
bâclée ne fait rien pour rassurer les fans, le groupe s’y
montrant plus « poseur » que d’habitude, à commencer
par son nouveau chanteur, David Reece (ex-Dare Force),
un Américain permanenté qui, visuellement, ne pourrait
être plus éloigné de Dirkschneider. Comme si ça ne
suffisait pas, ce cliché révèle que le guitariste Jörg
Fisher a de nouveau quitté le groupe et est désormais
remplacé par l’Anglais Jim Stacey (qui n’a toutefois pas
pris part à l’enregistrement de l’album). Il n’y a donc
plus que trois Allemands dans Accept…
A sa sortie, Eat The Heat se fait étriller, tant par la
critique que par les fans, certains n’allant pas plus loin
que le premier titre, « X-T-C ». Pourtant produit par
Dieter Dierks (qui a déjà bossé sur Balls To The
Wall/1983 et Metal Heart/1985), ce disque pâtit d’une
mise en son caverneuse, notamment au niveau de la
batterie, et d’un virage stylistique lorgnant vers un
heavy US classique, calibré et dopé aux gros chœurs.
Un comble pour des Teutons !
David Reece : Je pense que le groupe n’est pas prêt
à franchir ce pas, mais il est clairement en quête de
reconnaissance aux Etats-Unis où il est prêt à tout pour
avoir le même succès qu’en Europe. Ses musiciens
veulent plus d’argent, une reconnaissance
internationale, conquérir les USA. Je crois qu’ils ne
8
réalisent pas à quel point Udo fait partie de leur ADN
aux yeux des fans.
Avec le recul, le guitariste Wolf Hoffmann ne dit pas
autre chose.
Wolf Hoffmann : Quand nous engageons David, nous
voulons changer le son d’Accept et explorer une autre
direction. Il faut bien comprendre qu’à la fin des années
80, tous les groupes qui cartonnent ont une approche
assez radiophonique, assez « tubesque », des choses.
C’est l’époque de Bon Jovi, Cinderella, des groupes
qui passent en boucle sur MTV. Les autres meurent
de faim ! Alors, nous écrivons volontairement des
morceaux plus commerciaux et recrutons David
Reece pour placer Accept dans cette mouvance.
Effectivement, Eat The Heat renferme des chansons qui,
à l’évidence, cherchent à décrocher la timbale sur les
ondes US. Et c’est probablement cette envie plus ou
moins assumée qui déstabilise les fans, à commencer
par les Européens qui se demandent, au regard du
succès enviable d’Accept sur le Vieux Continent et
au Japon, pourquoi ce dernier ne s’en satisfait pas.
Aujourd’hui, ils taxeraient carrément le groupe de
« vendu ». Et ils n’auraient pas tort car, ici, le combo
allemand revoit considérablement sa recette en se
pliant à certains « standards » du business : chœurs
féminins (« Love Sensation »), synthés tournants
(« Hellhammer »), claviers, disparition du côté militaire
carré façon « char d’assaut » pour aller lorgner du côté
du Judas Priest de Turbo (1986) ou du Jean Beauvoir de
« Feel The Heat », etc. En un mot comme en cent,
Accept est devenu… américain ! On pense ici
davantage à Q5, à Helix, au Gary Moore le plus
commercial (celui de « Out In The Fields »), bref,
à du hard FM, couillu certes, mais FM tout de même
(« Prisoner »). Il n’en demeure pas moins que si le nom
d’Accept n’apparaissait pas sur la pochette de ce
disque, nombreux le trouveraient plutôt réussi. Il suffit
d’écouter la power ballad « Mistreated » pour s’en
persuader, Wolf Hoffmann y décochant certainement
deux des plus beaux soli de sa carrière, alors que la
voix de Reece, puissante et lyrique, brille de mille feux.
A vrai dire, on pensait Accept incapable d’une telle
sensibilité, même celui de « The King » (1980). Tout
amateur de bon heavy US calibré aux bons gros refrains
puissants (« Chain Reaction », « Turn The Wheel »,
« Prisoner », « Hellhammer »), de sucre glace sur ses
boulons, ne peut qu’aimer. Et même si la fanbase
d’Accept n’a pas franchement accroché à l’époque,
Reece en reste fier et ne crache pas dans la soupe :
David Reece : Au début, les fans m’ont détesté pour
ce disque, mais aujourd’hui, il tend à être réhabilité.
Je l’ai réécouté l’autre jour et je me suis dit que, pour
un premier album ensemble, c’était plutôt convaincant.
J’en reste fier. Ok, soyons honnêtes, ce n’est pas du
Accept, mais il contient de bonnes choses. Ça n’a
pas fonctionné, mais je pense sincèrement que Wolf
Hoffmann y délivre de superbes parties de guitare,
comme sur « Generation Clash » où il se la joue David
Gilmour (Pink Floyd).
Wolf, quant à lui, dit tout et son contraire quand on
l’interroge à ce propos, selon qu’il s’est levé
du pied gauche ou du droit.
Wolf Hoffmann : Ce line-up du groupe était
maudit dès le départ. Nous avons mis le
doigt dans le mauvais engrenage et n’avons
pas été ensuite en mesure de le retirer.
C’était trop tard, pas moyen de faire
marche arrière. Ce n’est qu’au fil du temps
que nous avons réalisé que nos caractères
et celui de David étaient incompatibles.
Nous avons néanmoins continué à avancer,
en croisant les doigts pour que la qualité
des chansons se suffise à elle-même.
Malheureusement, ce n’était pas le cas.
Pourtant, les compositeurs étaient les
mêmes qu’avant. C’est juste que nous
avions un nouveau chanteur… Tout bien
considéré, j’en arrive à penser que tout cela
était contre-nature et n’aurait pas dû
arriver.
Ce jugement amer et aigri n’est que le
reflet des tensions qui, peu à peu, ont
gangrené ce line-up à partir du moment où
le guitariste a compris, chiffres de ventes à
l’appui, que Eat The Heat ne serait pas le
succès escompté. Dès lors, Wolf, pas
vraiment élégant, n’a eu de cesse de faire
porter le chapeau à un Reece qui n’en demandait pas
tant et qui, répétons-le, s’en sort avec les honneurs sur
ces compos dont la musique – là aussi, il faut le redire –
n’a pas été écrite par lui, « simple » exécutant aux
allures de parfait bouc émissaire. Mieux vaut donc, pour
la paix des ménages, rester sur ce qu’un Hoffmann
mieux luné nous confiait en 2017 :
Wolf Hoffmann : Quitte à surprendre nos fans, je pense
que Eat The Heat (1989) est bien meilleur que beaucoup
ne le pensent. Oui, il lui manque une ligne directrice
claire, et il y a des choix de production un peu
étranges, mais ce disque renferme aussi de très bonnes
choses. Nous n’y sommes jamais revenus car cette
période nous évoque surtout de mauvais souvenirs,
mais je vous assure que si ces chansons étaient
réarrangées et réenregistrées dans de bonnes conditions,
nos fans seraient très agréablement surpris. Y
Track-listing de l’album original :
1/ X-T-C – 2/ Generation Clash – 3/ Chain Reaction –
4/ Love Sensation – 5/ Turn The Wheel – 6/ Hellhammer –
7/ Prisoner – 8/ I Can’t Believe In You – 9/ Mistreated –
10/ Stand 4 What U R – 11/ Break The Ice – 12/ D-Train
Producteur :
Dieter Dierks (Scorpions)
Line-up d’époque :
David Reece (chant) – Wolf Hoffmann (guitare) – Peter Baltes
(basse) – Jim Stacey (guitare) – Stefan Kaufmann (batterie).
 Propos recueillis par Morgan Rivalin
Entretien téléphonique réalisé le 10 décembre 2019
A l'occasion de la récente tournée française
de Royal Republic, groupe suédois haut
en couleur dont le dernier album, Club
Majesty, a tourné en boucle chez plusieurs
membres de cette rédaction, le batteur Per
Andreasson a lâché ses baguettes pour
parler ciné. Car après tout, « he likes to
movie, movie »…
Rock Hard : Quels sont tes cinq films
préférés ?
Per Andreasson : Les Dents de la
Mer (1975) de Steven Spielberg,
qu’on ne présente plus. Je suis un
immense fan de making of. Celui-ci
nous apprend que c’est parce que
l’équipe technique avait le plus grand
mal à faire fonctionner le faux requin
animé qu’on ne le voit qu’à la fin. Ça
a donné une scène légendaire filmée du point de vue du
requin qui n’aurait jamais pu exister si tout s’était passé
comme prévu !
Alien, le Huitième Passager (1979) de
Ridley Scott. Sans me lancer dans une
analyse freudienne à deux balles, je
pense avoir été assez fasciné par le
côté phallique des créatures. En
découvrant ce film, puis ceux qui ont
suivi, je n’ai vu qu’un long cortège de
vagins et de bites ! (rires) Depuis,
différents making of m’ont rassuré :
c’était intentionnel. Ouf !
Piège de Cristal (1988) de John
McTiernan. Difficile de faire plus
intense, divertissant et riche en
suspense que ce long-métrage
figurant au panthéon des films
d’action. John McLane, le personnage
de flic campé par Bruce Willis, est
doté d’un humour ravageur qui me
parle tout particulièrement. C’est
vraiment le meilleur film de Noël !
Forrest Gump (1994) de Robert
Zemeckis. Cette comédie dramatique
nous plonge dans une partie de
l’histoire récente des Etats-Unis, vue
au travers de ce personnage de
« héros malgré lui », magnifiquement
interprété par Tom Hanks. Ce n’est pas
par hasard si Forrest Gump a récolté
autant de prix (Ndlr : six Oscars,
notamment). Un chef d’œuvre ? Oui.
Housebound (2014), un film
d’épouvante réalisé
par le Néo-zélandais Gerard
Johnstone. C’est l’histoire d’une
femme qui va en prison, qui rentre à
son domicile avec un bracelet
électronique à la cheville, et qui se
retrouve prisonnière d’un endroit
beaucoup, beaucoup plus terrifiant
que la prison... Il y a de nombreux
revirements de situation, alors moins
on en sait, mieux c’est ! (sourire)
Ta Bande Originale de film
préférée ?
J’aime beaucoup le travail
d’Angelo Badalamenti,
un compositeur qui a
notamment collaboré avec
David Lynch (Ndlr : ou
10
encore avec Jean-Pierre Jeunet), mais je vais opter pour
une B.O. de l’incontournable John Williams. J’aime toutes
ses bandes originales, mais ma préférée est sans doute
celle d’E.T., l’Extra-terrestre (1982). Notez le clin d’œil au
thème de Yoda de la B.O. de L’Empire Contre-attaque
(1980) dans « The Magic Of Halloween » !
Ton réalisateur préféré ?
Je pense à Steven Spielberg,
mais c’est un choix évident...
Je vais donc opter pour un autre
choix tout aussi évident ! (rires)
James Cameron. Avec la saga
Terminator, avec Aliens, Le
Retour (1986), Titanic (1997),
True Lies (1994) ou encore
J. Cameron Avatar (2009), la qualité de sa
filmographie est indéniable,
mais je suis surtout attiré par son côté inventeur. Il rêve
toujours de plans impossibles et se met en tête de
fabriquer ce qui lui permettra d’y parvenir. Cet homme
est une sorte de génie.
Ton affiche de film préférée ?
Sans hésitation, l’affiche de
Commando (1985). Elle a le
mérite de bien résumer le film !
(rires) On y voit simplement
Arnold Schwarzenegger dans
son uniforme militaire duquel
débordent ses incroyables
muscles. Il existe deux
versions : une dans laquelle il
empoigne une grenade et
une autre qui le voit arborer
une énorme mitraillette. C’est cette
dernière qui trônait sur les murs de ma chambre d’enfant.
Ton acteur préféré ?
Allez, soyons fous : Arnold
Schwarzenegger ! Il était vraiment
mon héros quand j’étais jeune et
sa carrière est tout de même
incroyable. Il ne parlait pas un mot
d’anglais quand il a débarqué aux
USA. Personne ne le prenait au
sérieux. Il était « l’imbécile
débarqué d’Autriche avec des
biceps gonflés à l’hélium », mais
A. Schwarzenegger
s’est imposé à Hollywood, puis en
politique. Il est contre la peine de mort, pour un
encadrement des armes, pour une consommation
raisonnable de viande... Pour un imbécile, il n’est quand
même pas si con ! (rires)
Ton actrice préférée ?
Emma Stone. Je l’adore ! J’ai aimé
beaucoup de ses films, mais je crois
que je l’apprécie encore plus quand
je la vois ailleurs qu’au cinéma. Elle
me donne toujours le sourire et
semble être une fille très fun qui
aime s’amuser et qui n’a pas peur
de jouer avec son image. En résumé,
je pourrais très bien tomber
amoureux d’elle dans une autre vie.
E. Stone
Note pour ma compagne : chérie, j’ai bien précisé
au monsieur de Rock Hard que ce serait « dans
une autre vie » !
Ta série préférée ?
Mindhunter (diffusé depuis 2017), sur Netflix. J’ai une
fascination morbide pour les tueurs en série... D’une
façon saine, je précise ! (rires) Je ne suis pas un gros
consommateur de séries. J’aime bien The Walking Dead
(diffusé depuis 2010) ou encore
Breaking Bad (2008/2013), mais j’ai
tout de même eu du mal au bout de
trois saisons. C’est trop long...
J’aime surtout les séries dans
lesquelles chaque « saison » ou
partie raconte une histoire, avec un
début et une fin.
Ton film d’animation préféré ?
Là-haut (2009). Ce long métrage
d’animation est un chef d’œuvre
empli de poésie. Le début du film
est particulièrement touchant.
On y découvre un couple qui se
rencontre, tombe amoureux et
vit dans une maison jusqu’à la
mort de la femme. Son mari se
retrouve alors seul dans la
maison... Si vous me dites que je
suis le seul à avoir eu la larme à
l’œil, je ne vous croirai pas !
Le dernier
film que tu as vu ?
Je voudrais aller voir le nouveau
Rambo par pure nostalgie car je ne
m’attends pas à un très grand film,
mais je trouve difficilement le
temps d’aller au cinoche. Le
dernier film que j’ai vu, ou plutôt
revu, a été Hôtel Transylvanie
(2012), un bon film d’animation
qui met en scène le comte Dracula
en proprio d’un hôtel où les monstres peuvent se
reposer, avec la garantie de ne pas y croiser d’humains.
Et bien sûr, vous vous en doutez, un humain déboule !
Ton documentaire préféré ?
Mes docus préférés sont ceux
qui, alors qu’ils sont en train de
raconter une histoire, ont un
impact et modifient en cours de
route l’histoire qu’ils sont en
train de raconter. C’est, par
exemple, le cas de The Jinx
(2015), une mini-série HBO en
six épisodes qui s’intéresse à
Robert Durst. Cet homme
d’affaires américain, fils d’un
magnat de l’immobilier, est suspecté d’avoir commis
plusieurs meurtres dans son entourage, et lors du
tournage de cette série, un événement absolument
incroyable se produit. Je n’en dis pas plus.
Ton méchant de cinéma préféré ?
Le Joker interprété par Heath Ledger dans The Dark
Knight, Le Chevalier Noir (2008). J’aime toujours ce que
Jack Nicholson a fait de ce personnage d’ennemi juré de
Batman, mais la prestation de Ledger est encore plus
dérangeante. Il est allé la puiser très loin, peut-être un
peu trop loin (Ndlr : Heath Ledger est décédé d’une
overdose médicamenteuse huit mois avant la sortie du
film). Le Joker est vraiment le méchant ultime. J’aime
qu’on ne sache pas d’où il vient, qui il est et comment
il est devenu ce
qu’il est. Enfin,
visiblement, ceux
qui ont vu Joker
(2019) avec
Joaquin Phoenix
en savent plus à
son sujet, mais ce
n’est pas encore
mon cas ! Y
 Le Monde… du Metal
19ème ANNÉE - N°205
LE CHIFFRE
25
Le 9 décembre dernier,
le mythique Back In Black
d’AC/DC paru en 1980 a été
certifié Disque de Platine pour
la 25ème fois par la RIAA (Ndlr :
l’équivalent américain de notre
SACEM). Ce chiffre incroyable
signifie que le premier album
du groupe chanté par Brian
Johnson s’est écoulé à pas moins
de 25 millions d’exemplaires…
rien qu’aux Etats-Unis ! Il s’agit
du quatrième disque le plus
vendu aux USA et du deuxième
au niveau mondial. Il fêtera ses
40 ans cette année.
LA PHRASE DU MOIS
• « Ceux qui filment un peu ne
me dérangent pas, mais si vous
filmez l’intégralité d’un show,
c’est juste triste pour vous car vous
ne communiquez pas… Certaines
personnes pensent qu’elles sont
devant leur écran de télé à regarder
Netflix et qu’elles n’ont donc plus
à interagir avec moi. C’est une
sorte de maladie sociale, vraiment ».
(Daniel « Chewy » Mongrain,
guitariste de Voivod, au micro de The
Metal Gods Meltdown, se plaignant
des gens filmant les concerts de
Voivod avec leur téléphone)
DR
NOUVELLES DU FRONT
6 Le chanteur de Saxon, Biff
Byford, se lancera dans sa
première tournée en solitaire
en avril prochain. Pour
l’instant, seules des dates
anglais sont confirmées. Son
premier album solo, School
Of Hard Knocks, est attendu
pour le 21 février 2020. 6 Forever Gone est
le titre du nouvel album solo de Scott
« Wino » Weinrich (Saint Vitus, The
Obsessed). Il sera entièrement acoustique
12
100% INDÉPENDANT
DEMONS & WIZARDS JAMAIS DEUX SANS TROIS !
Hansi Kürsch est la
preuve vivante qu’il ne
faut jamais désespérer :
après avoir mis fin à une
arlésienne de plus de
vingt ans en publiant, le 8
novembre dernier, Legacy
Of The Dark Lands,
l’album symphonique de
Blind Guardian, voilà que
le chanteur remet le
couvert avec Demons &
Wizards, duo complété par le
guitariste Jon Schaffer (Iced Earth),
dont le deuxième album studio,
Touched By The Crimson King,
remonte tout de même à… 2005 !
Accompagné de membres de Blind
Guardian et Iced Earth (ainsi que du
producteur et claviériste Jooest Van
Den Broek/Star One, ex-After
Forever), le duo a déjà réalisé son
grand retour scénique l’an dernier,
participant à de nombreux festivals
européens (dont notre Hellfest
national) et montant sa propre tournée
aux Etats-Unis, avec Tyr et Lizzy
Borden en première partie. Beaucoup
HOMMAGE
SLAYER DE DIRE AU REVOIR !
Le 30 novembre dernier, Slayer a
donné, au Forum d’Inglewood, ce
qu’il a lui-même annoncé comme son
dernier show. Pour l’occasion, ceux
qui attendaient des invités de marque
sur scène ont été déçus, le groupe se
contentant de dérouler son set habituel
(ce qui est déjà largement suffisant,
diront certains) quand bien même
de nombreux VIP (Kirk Hammett,
Robert Trujillo, etc.) assistaient à
l’événement. A l’issue du concert,
le chanteur/bassiste Tom Araya
(clairement celui qui, dans le groupe,
a poussé pour ce départ à la
« retraite »), visiblement ému, a
longuement salué les fans : « Merci
beaucoup ! Je veux vous remercier
d’avoir partagé tout ce temps avec
nous. Le temps est précieux (…)
et devrait voir le jour très
rapidement. 6 Le Not In This
Lifetime Tour de Guns N’
Roses fera de nouveau halte
en Europe en mai et juin pro-
chain. On ignore si une date
française sera ajoutée aux
treize déjà annoncées. 6
Halestorm a récemment confié
avoir enregistré un nouvel EP
en compagnie du producteur
Nick Raskulinecz. On parle
d’un mini-album composé de
reprises, mais le groupe reste
mystérieux à ce sujet. 6 C’est
PHOTOS : M.VILLALONGA
de fans espéraient
avoir droit à un avant-
goût du troisième
album tant attendu sur
ces dates, mais le duo
ne l’entendait pas de
cette oreille : « Nous
préférions nous
concentrer sur nos
deux premiers albums
plutôt que de présenter
nos nouveaux titres
dans des conditions inadéquates », a
expliqué Hansi. Sobrement intitulé III,
ce nouvel opus bénéficie de la
collaboration d’amis fidèles de
Schaffer (Ruben Drake, qui était déjà
intervenu à la basse sur l’album de
Sons Of Liberty, l’ex-Iced Earth Jim
Morris, guitariste qui officiait sur
Touched By The Crimson King), ainsi
que de la participation d’actuels
membres d’Iced Earth (le guitariste
Jake Dreyer et le batteur Brent
Smedley). S’il s’inscrit dans la lignée
des albums précédents sur le plan
musical, III se montre plus ambitieux,
ce disque ayant notamment bénéficié
Vous allez me manquer, les mecs !
Mais le plus important pour moi est
de vous remercier d’avoir été une
partie de ma vie. Merci. Bonne nuit.
Prenez soin de vous ! ». Que va-t-il
désormais advenir de l’autre membre
fondateur du groupe, Kerry King,
qui n’a jamais parlé d’arrêter ?
Récemment, la rumeur nous est venue
aux oreilles que le guitariste projetait
de s’associer à Phil Anselmo au sein
d’un nouveau projet, mais l’idée aurait
hélas fait long feu. Ce qui reste à
confirmer… Pour sa part, ainsi qu’on
pouvait s’y attendre, le guitariste Gary
Holt (qui, depuis 2011, remplaçait le
regretté Jeff Hannemann pour qui nous
avons une pensée aujourd’hui) a
annoncé, sur son compte Instagram,
son retour au sein de son groupe
le 6 mars, chez Century Media,
que sortira Carnivore, le très
attendu méfait de Body Count.
6 Nous avons hâte de découvrir
Telemark, le premier des deux
EPs qu’Ihsahn prévoit de
publier cette année. Celui-ci, le
plus heavy des deux faux
jumeaux, renferma cinq titres,
dont des reprises de « Rock
And Roll Is Dead » (Lenny
Kravitz) et « Wrathchild » (Iron
Maiden). 6 C’est officiel !
Jimmy D’Anda, Lonnie Vincent,
Marq Torien et Lonnie Vencent
de la participation d’un chœur
classique. Le 13 décembre dernier,
nous avons bravé le froid (et les
grèves !) pour nous rendre à Berlin
afin de retrouver Kürsch et Schaffer,
pas peu fiers de leur nouveau bébé
dont le premier single « Diabolic »
a d’ores et déjà été mis en ligne.
Pour fêter cette sortie événementielle,
le label Century Media a réédité les
deux premiers opus du duo
(remasterisés pour l’occasion) et
propose de nombreuses éditions
collector de III qui voient notamment
la pochette de l’album déclinée dans
différentes tonalités de couleurs. En
attendant de découvrir l’interview du
duo dans nos pages le mois prochain,
nous vous livrons déjà le track-listing
dudit album, qui sortira le 21 février et
se compose de onze titres pour 65
minutes de musique : « Diabolic »,
« Invincible », « Wolves In Winter »,
« Final Warning », « Timeless Spirit »,
« Dark Side Of Her Majesty »,
« Midas Disease », « New Dawn »,
« Universal Truth », « Split » et
« Children Of Cain ».
de cœur, Exodus :
« A tous les boys
d’Exodus, vous êtes
ma famille, et le fils
égaré revient à la
maison ! Le nouvel
DRExodus va détruire
le monde. On se
voit en Europe en février ! ». La
question, aujourd’hui, est de savoir si
Slayer parviendra à résister au chant
des sirènes lorsque les producteurs
feront la queue pour signer une
tournée de reformation qui, selon
Ayesha King, la femme de Kerry, « n’a
pas la moindre chance d’arriver ». Wait
and see. D’ici là, Messieurs, merci
beaucoup pour tout le plaisir que vous
nous avez donné et l’ensemble de
votre carrière !!! Respect.
viennent de reformer le line-up originel de
Bulletboys. Un premier concert a eu lieu le
30 décembre dernier au Whisky A Go Go
de Los Angeles. 6 Le 28 février 2020,
Eagle Rock Entertainment
publiera That Little Ol’ Band
From Texas, documentaire
consacré à ZZ Top par
Banger Films, au format
DVD et Blu-Ray, mais aussi en
digital. Interviews, images
d’archives et raretés live
devraient être au rendez-
vous. 6 A en croire Rob Halford, Judas Priest
devrait s’atteler à l’écriture d’un nouvel
LIVRES

LA REINE, DE LA MUSIQUE ET
DU VIN !
En ce début d’année 2020, saluons la sortie
deux livres réalisés par des amis de ce journal.
Le premier est l’œuvre du journaliste
Manuel Rabasse (qui a notamment écrit
pour Best, Rolling Stone, Rage et Hard N’
Heavy) que nous avions longuement
interviewé dans notre numéro 142 et dont
nous avions chroniqué, en 2017, le très
instructif Anarchy In The UK – Le Punk Au
Royaume-Uni. Connu pour son abominable
penchant pour le metal extrême, Manuel n’a
pour autant jamais caché son amour avéré
de Queen, groupe dont il est tombé raide dingue en 1975 alors qu’il n’avait
que onze ans. Rien d’étonnant, donc, que dans son nouveau livre, Queen –
The Show Must Go On, il s’attache avec un sérieux et un enthousiasme
jamais remis en question à soulever « le voile pour mettre en lumière les
zones d’ombre peu ou mal éclairées par le long-métrage », le Bohemian
Rhapsody du réalisateur Brian Synger salué par la critique ne l’ayant que
moyennement convaincu. Pour ce faire, aidé par une iconographie de
premier choix et l’impressionnante collection du comique Thomas VDB
(également ami de longue date cette rédaction), grand fan de la Reine
devant l’éternel, Manuel Rabasse remet les points sur les « i » en retraçant
la « vraie » histoire du groupe, sans faire de raccourcis et sans jamais
tomber dans le piège de l’hagiographie. Une discographie sélective et le CD
Queen In Nuce (en fait, un bootleg italien originellement paru en 1995),
renfermant huit raretés (reprise de Gerry Goffin et Carole King par Larry
Lurex – projet de Freddie Mercury –, inédits de Smile, groupe pré-Queen de
Roger Taylor et Brian May, version originale du « Mad The Swine » de
Queen, etc.) achèvent de faire de cet ouvrage élégant un incontournable.
(Ed. GM Editions, 216 pages, 45 €)

A ceux qui aiment le bon vin et la bonne

musique, nous recommandons chaudement
Accords Majeurs, beau livre de 154 pages
écrit par Frédéric Durand-Bazin (Le Figaro)
et superbement mis en images par Nidhal
Marzouk, notre photographe « maison ».
Vous y lirez avec délectation le portrait
de 22 vignerons issus de la plupart des
régions viticoles (Champagne, Bourgogne
& Beaujolais, Jura, Vallée du Rhône,
Languedoc, Bordeaux et Loire) qui,
parallèlement à leur amour du vin, pratiquent
eux-mêmes un instrument (guitare, clarinette,
orgue, batterie, synthé, basse, contrebasse,
piano, etc.) et se révèlent d’authentiques
passionnés de musique. Ou plutôt de musique(s), les goûts de ces derniers
allant du classique au jazz, en passant par le rock, le punk et le metal.
Led Zeppelin, Sex Pistols, Queen, Gary Moore, Joe Satriani, Steve Vai,
Van Halen, Red Hot Chili Peppers, The Clash, et bien d’autres encore hantent
donc les pages de ce livre et les caves de ces vignerons qui racontent leur
passion du vin et du son et dressent, en sus, une playlist de cinq chansons
à écouter en dégustant leurs cuvées. Et puis, il y a cette anecdote magique
de Fred Chauffray visitant Londres avec Lemmy Kilmister pour guide !
Un « roadtrip musical et bachique » original et passionnant.
(Ed. Le Particulier, 154 pages, 24,90 €)

album studio en début devrait être mis en boîte

d’année 2020. 6 Après un avant le 1er juillet prochain,
simulacre de concert à date à laquelle les
Buenos Aires (Argentine), Allemands se lanceront
Abbath a annoncé son dans une résidence d’un
intention de suivre une mois à Las Vegas. Sortie
cure de désintoxication. prévue pour l’automne
Nous lui souhaitons un prochain. 6 Helloween
prompt rétablissement. 6 Deep Purple a s’est récemment enfermé
révélé avoir achevé l’enregistrement d’un aux H.O.M.E. Studios
nouvel opus studio qui devrait voir le jour d’Hambourg afin de com-
dans le courant du premier semestre 2020. poser son nouvel album
6 Greg Fidelman (Metallica, Slayer, Slipknot) studio attendu pour fin
produira le prochain album de Scorpions août/début septembre
dont l’écriture est quasiment achevée et qui 2020. Il sera évidemment
 LA PLAYLIST DES PROS
PEAVY WAGNER (RAGE)
1. ALCEST – Spiritual Instinct
2. OPETH – In Cauda Venenum
3. THE VAPORS – New Clear Days
4. THE BEATLES – Abbey Road (2019 Super Deluxe
Edition)
5. HELLSONGS – Hymns In The Key Of 666
MIKE PORTNOY
(SONS OF APOLLO)
1. DEVIN TOWNSEND – Empath
2. OPETH – In Cauda Venenum (version suédoise)
3. TOOL – Fear Inoculum
4. TAYLOR HAWKINS & THE COATTAILS RIDERS – Get
The Money
5. JINJER – Macro
HENRI SATTLER
(GOD DETHRONED)
1. INFERNÄL MÄJESTY – None Shall Defy
2. IRON MAIDEN – Somewhere In Time
3. PINK FLOYD – The Division Bell
4. HYPOCRISY – Fourth Dimension
5. BOLT THROWER – Those Once Loyal
DOG (ADX)
1. SLAYER – The Repentless Killogy
2. ALDIOUS – Unlimited Diffusion
3. ANNIHILATOR – Alice In Hell
4. IRON MAIDEN – The Number Of The Beast
5. JUDAS PRIEST – Unleashed In The East
ISAAC FAULK
(BLOOD INCANTATION)
1. KING CRIMSON – Red
2. BOSTON – Boston
3. DEAD CAN DANCE – Dionysus
4. GENTLE GIANT – Acquiring The Taste
5. METALLICA – Ride The Lightning
PABLO VAN DE POEL
(DEWOLFF)
1. THEO LAWRENCE – Sauce Piquante
2. TOWNES VAN ZANDT – Our Mother The Mountain
3. GRAM PARSONS – GP
4. JIM FORD – Harlan County
5. LED ZEPPELIN – Live At The Royal Albert Hall 1970
JB LE BAIL (SVART CROWN)
1. NEUROSIS – Through Silver In Blood
2. MASSIVE ATTACK – Mezzanine
3. SEPULTURA – Arise
4. DEAD CONGREGATION – Promulgation Of The Fall
5. DOOL – Hear Now, There Then
DARRAN CHARLES
(GODSTICKS)
1. TOOL – Fear Inoculum
2. RAGE AGAINST THE MACHINE – Renegades
3. PRIMUS – Sailing The Seas Of Cheese
4. FLEET FOXES – Fleet Foxes
5. KENDRICK LAMAR – DAMN.
HANSI KÜRSCH
(BLIND GUARDIAN)
1. DEEP PURPLE – Purpendicular
2. DIRE STRAITS – Love Over Gold
3. LED ZEPPELIN – III
4. SUPERTRAMP – Crime Of The Century
5. DEAD KENNEDYS – Fresh Fruit For Rotting Vegetables
JOAKIM LINDBÄCK ERIKSSON
(BROTHERS OF METAL)
1. ALEX CAMERON – Forced Witness
2. THE HIVES – The Black And White Album
3. HAMMERFALL – Legacy Of Kings
4. MASTERPLAN – Masterplan
5. MISFITS – Famous Monsters
JON SCHAFFER (ICED EARTH)
1. THE WHITE BUFFALO – Hogtied Revisited
2. LIZZY BORDEN – Love You To Pieces
3. PINK FLOYD – Tout !
4. KISS – Alive!
5. DEMONS & WIZARDS – III
l’œuvre du line-up « Pumpkins United ». 6 Le
14 février verra la sortie, chez InsideOut, de
The God-Shaped Void, premier album du line-
up originel de Psychotic Waltz depuis 23
ans ! 6 Tobias Forge a révélé avoir enregistré
de nouvelles démos de Ghost au cours de
l’été dernier et prévoit, dans le courant du
mois de janvier, d’enregistrer un nouveau titre
et de se lancer pleinement dans l’écriture du
successeur de Prequelle (2018). 6 Enfin !
Audrey Horne, groupe de scène par excellence,
publiera son premier album live, Waiting For
The Night, le 28 février. Enregistré en 2018 à
14
ROCK HARD IL Y A 10 ANS...
En janvier 2010, la une du Rock Hard #95
(par Philippe Lageat)
2009 » de cette rédaction, le « gros
est trustée par Fear Factory. Ou, du moins, morceau » de ce numéro n’est autre que
ce qu’il en reste, puisque si le chanteur Burton l’émouvant hommage que rend Phil
C. Bell et le guitariste Dino Cazares se sont Anselmo au regretté Dimebag Darrell cinq
enfin rabibochés, Christian Olde Wolbers ans après l’assassinat de ce dernier sur
et Raymond Herrera, désormais remplacés scène. Pepper Keenan (Down, Corrosion
par Byron Stroud et Gene Hoglan (deux Of Conformity) en profite également
ex-Strapping Young Lad), ne sont pas de la pour raconter quelques-unes de ses pires
partie sur Mechanize, le nouvel album du beuveries avec le Dime (qui en connaissait
combo futuriste. Dont, soi-dit, en passant un rayon en matière de déconne !), tandis
nous n’entendons plus parler dix ans plus que de nombreux musiciens se pressent
tard… Tom Araya (Slayer) se prête au petit au portillon pour saluer l’Homme qu’il
jeu des « Premières Fois », tandis que, par était (Evan Seinfeld, Rob Zombie, Dave
ailleurs, Rage, Overkill, Paperback Freud, McClain, Max Cavalera, John Bush, Jamey
Imperium Dekadenz, Trust, Ihsahn, Mustach, Jasta, Kirk Windstein, Charlie Benante,
Orphaned Land, The Murder Of My Sweet, Chi Cheng, etc.) et que l’ex-bassiste de
Magma, Clover Seeds, Dommin, et Foreigner Pantera, Rex Brown, en profite pour
répondent à nos questions. Nous sommes commenter la musculeuse discographie
également allés à Hambourg, en studio, du groupe. Quinze ans déjà que ce mec
découvrir le nouveau Gamma Ray et avons sensass nous a quittés. Mon Dieu, que
passé un excellent moment avec Lips, le le temps file !
chanteur/guitariste d’Anvil, et le réalisateur
Sacha Gervasi à disséquer le superbe film Top Albums de la Rédaction RH95 :
The Story Of Anvil qui défraye la chronique le calendrier 2010 offert avec ce numéro • AMERICAN DOG – Mean (B. Bages)
et remet le groupe canadien sur le devant en relisant, avec la satisfaction du devoir • FEAR FACTORY – Mechanize
de la scène. « A mon sens, j’ai réussi, accompli, le dossier « Hard Rock & Moto » (M. Rivalin)
nous confie alors le musicien, on se fout qu’il a amoureusement concocté et qui • IHSAHN – After (E. Hennequin)
de combien de pognon un groupe peut renferme, entre autres, une interview de • MUSTACH – Mustach (L. Reymond)
brasser. Ce qui compte vraiment, au bout Rikki Rockett (Poison) et la compile du • ORPHANED LAND (Djul & P. Lageat)
du compte, c’est ton art ! ». L’ami Bruno biker, « une sélection à écouter entre deux • OVERKILL – Ironbound (Benji)
Bages, bien calé sur sa Norton, casque bol vidanges ». Et si le Black Gives Way To • WIG WAM – Non Stop Rock’n’Roll
vissé sur le crâne, feuillette négligemment Blue d’Alice In Chains est élu « Album (S. Biard)
INTERNET
LES INSOLITES DU WEB
Envoyez-nous vos liens à l’adresse insolites@rockhard.fr !
• « Ivre, Abbath livre l’un des pires concerts de l’Histoire ! ». Ainsi pourrait-on
résumer le « show » de même pas deux morceaux (!) donné par l’ex-frontman
d’Immortal à Buenos Aires, le 13 novembre dernier. Les Argentins n’en ayant pas
eu pour leur argent, tout s’est fini en semi émeute… et une entrée en désintox.
http://bit.ly/buenosabbath
• Ce n’est pas le froid qui a causé les frissons
ressentis au Palais Montcalm, le 21 novembre.
Avec l’Orchestre Symphonique de la ville de Québec,
Bruce Dickinson y a rendu hommage au regretté Jon Lord en interprétant plusieurs
titres de Deep Purple. Ce court extrait donne envie d’en entendre davantage...
http://bit.ly/lordbruce
• You wanted « insolite », you got « insolite » !
On le sait, un paquet de requins gravitent autour du show business. Pour une fois,
il y en avait aussi dans le public de ce mini concert donné par Kiss (sans Paul
Stanley, alité) sur un bateau pour de vrais requins, en Australie. De quoi rendre un
requin complètement marteau !
http://bit.ly/sharkdiamond
• « Je ne me souviens pas de la moitié des
concerts que j’ai donnés, mais je n’oublierai
jamais celui-ci. Merci ! ». C’est avec ces mots qu’Alexi Laiho a introduit
« Downfall », le dernier morceau jamais joué par Children Of Bodom, du moins
dans sa forme actuelle. C’était le 15 décembre
dernier, à Helsinki. http://bit.ly/bodownfall
• « Angel of death !!! » Le 30 novembre dernier, au mythique Forum de Los Angeles,
c’est avec ce morceau de Jeff Hanneman que Slayer a actionné le clap de fin venu
mettre un terme à sa carrière... Cette vidéo permet de vivre les quinze dernières
minutes du concert comme si vous étiez accroché à la barrière.
http://bit.ly/slayerforum
Bergen (Norvège) à l’occasion chain. Il contiendra 24 titres, deux qu’il prendrait part à la prochaine
de deux concerts, il renfermera documentaires filmés durant les der- tournée de Down afin de célébrer le
seize titres et sera accompa- nières tournées américaine et euro- 25ème anniversaire de l’album Nola
gné d’un DVD qu’on annonce péennes du groupe, mais aussi les paru en 1995. Son retour serait per-
gavé de raretés et d’extraits clips extraits de The Great Adventure manent et non ponctuel. 6 Les fans de
live captés en 2014 et 2018. (2019). 6 Matt Sorum (ex-The Cult, Gary Moore seront ravis d’apprendre
Vite ! 6 Disponible dans un Guns N’ Roses, Velvet Revolver) qu’un album live du regretté chan-
digipak renfermant deux CDs publiera son autobiographie, Double teur/guitariste irlandais (décédé le 6
et deux Blu-ray, le nouvel Talkin’ Jive, en avril 2020. La préface février 2011) sortira le 31 janvier sur le
album live du Neal Morse sera l’œuvre de Billy Gibbons (ZZ Top). label Mascot. Intitulé Live From
Band, The Great Adventour – 6 Le guitariste Kirk Windstein, qui London, il renfermera treize titres cap-
Live In Brno 2019, atterrira avait quitté Down en 2013 pour se tés le 2 décembre 2009 à la Islington
dans les bacs le 6 mars pro- concentrer sur Crowbar, a confirmé Academy de Londres. 6
 L’OEIL DE VERRE
Gary Rossington (The Rossington Band/
Lynyrd Skynyrd), Uniondale, Nassau
Veterans Memorial Coliseum,
le 09 octobre 1987.
Cette photo a été prise dans les loges du
Nassau Coliseum d’Uniondale, avant le
concert d’un Lynyrd Skynyrd récemment
reformé. The Rossington Band en assurait
la première partie. J’avais demandé une
accréditation pour ce concert historique et
je trainais dans les loges. Gary étant arrivé
avant les autres membres de Lynyrd
Skynyrd, il m’accorda une rapide session-
photo dans sa loge. Il était ravi de voir
qu’un photographe français avait fait le
déplacement uniquement pour ce concert.

Tous les mois, une photo « plein pot » extraite des archives de Marc Villalonga et commentée par le photographe himself…
 Hé oui, c’est déjà l’heure du petit bilan annuel ! Pour ce millésime 2019, nous avons décidé – les membres de notre rédaction
étant disséminés aux six coins de l’Hexagone et ne pouvant tous, par exemple, voir les mêmes concerts – de faire les choses
plus simplement en ne nous attardant que sur la substantifique moelle. Et c’est bien volontiers que les gaillards se sont, une fois
encore, soulagés dans les urnes. Résultats du scrutin.
CHARLELIE ARNAUD
ALBUMS 2019
01. 24-7 SPYZ – The Soundtrack To The Innermost Galaxy
02. VLTIMAS – Something Wicked Marches In
03. ROYAL REPUBLIC – Club Majesty
04. OPETH – In Cauda Venenum
05. SAPIENS – Projet Sapiens
06. SLIPKNOT – We Are Not Your Kind
07. ETRANGE – Etrange
08. UNDEAD PROPHECIES – Sempiternal Void
09. EXHORDER – Mourn The Southern Skies
10. ABBATH – Outsrider
DVD 2019 : KING DIAMOND – Songs For The Dead
CONCERT 2019 : TREPALIUM – Clisson, Hellfest, 22.06.2019
REVELATION 2019 : BESTA
BENJI
ALBUMS 2019
1. BLACK STAR RIDERS – Another State Of Grace
2. AVATARIUM – The Fire I Long For
3. ANGEL WITCH – Angel Of Light
4. WAYWARD SONS – The Truth Ain't What It Used To Be
5. THE DARKNESS – Easter Is Cancelled
6. RIVAL SONS – Feral Roots
7. DIAMOND HEAD – The Coffin Train
8. CANDLEMASS – The Door To Doom
9. DEATH ANGEL – Humanicide
10. WHITESNAKE – Flesh & Blood
DVD : HELLOWEEN – United Alive
CONCERT : SLAYER – Clisson, Hellfest, 23.06.2019
REVELATION 2019 : AARON BUCHANAN & THE CULT CLASSICS
16
STEPHANE AUZILLEAU
ALBUMS 2019
01. ARCH/MATHEOS – Winter Ethereal
02. THE NEAL MORSE BAND – The Great Adventure
03. WELCOME X – Welcome X
04. HELLOWEEN – United Alive In Madrid
05. GALAAD – Frater
06. LEPROUS – Pitfalls
07. FLYING COLORS – Third Degree
08. DREAM THEATER – Distance Over Time
09. LAST TEMPTATION – Last Temptation
10. MYRATH – Shehili
DVD 2019 : SONS OF APOLLO – Live With The Plovdiv Psychotic Symphony
CONCERT 2019 : SKUNK ANANSIE – Paris, Cigale, 17.07.2019
REVELATION 2019 : WELCOME X
FRANÇOIS BLANC
ALBUMS 2019
01. IDLE HANDS – Mana
02. MYRATH – Shehili
03. ATLANTEAN KODEX – The Course Of Empire
04. SABATON – The Great War
05. BLIND GUARDIAN TWILIGHT ORCHESTRA – Legacy Of The Dark Lands
06. OPETH – In Cauda Venenum
07. BORKNAGAR – True North
08. KLONE – Le Grand Voyage
09. CANDLEMASS – The Door To Doom
10. BEAST IN BLACK – From Hell With Love
DVD 2019 : HELLOWEEN – United Alive
CONCERT 2019 : MYRATH – Festival International d’Hammamet, Tunisie, 18.07.2019
REVELATION 2019 : IDLE HANDS
 DJUL
ALBUMS 2019
01. ALCEST – Spiritual Instinct
02. TOOL – Fear Inoculum
03. LEPROUS – Pitfalls
04. MAGMA – Zëss
05. PORT NOIR – The New Routine
06. GOLD – Why Aren’t You Laughing ?
07. DREAM THEATER – Distance Over Time
08. OPETH – In Cauda Venenum
09. NO-MAN – Love You To Bits
10. PALEHØRSE – Palehørse
DVD 2019 : SONS OF APOLLO – Live With The
Plovdiv Psychotic Symphony
CONCERT 2019 : PHILIP H. ANSELMO & THE
ILLEGALS – Clisson, Hellfest, 23.06.2019
REVELATION 2019 : BRUTUS
EMMANUEL HENNEQUIN
ALBUMS 2019
01. GAAHLS WYRD – GastiR Ghosts Invited
02. CULT OF LUNA – A Dawn To Fear
03. BLUT AUS NORD – Hallucinogen
04. KLONE – Le Grand Voyage
05. YERÛŠELEM – The Sublime
06. OCTOBER TIDE – In Splendor Below
07. TOOL – Fear Inoculum
08. MAYHEM – Daemon
09. VLTIMAS – Something Wicked Marches In
10. S.U.P. – Dissymmetry
DVD 2019 : JONAS AKERLUND – Lords Of Chaos
CONCERT 2019 : REFUSED - Clisson, Hellfest,
23.06.2019
REVELATION 2019 : YERÛŠELEM
GUILLAUME FLEURY
ALBUMS 2019
01. HYPNO5E – A Distant (Dark) Source
02. OPETH – In Cauda Venenum
03. MARS RED SKY – The Task Eternal
04. CELLAR DARLING – The Spell
05. BLIND GUARDIAN TWILIGHT ORCHESTRA –
Legacy Of The Dark Lands
06. RAMMSTEIN – Rammstein
07. KAMPFAR – Ofidians Manifest
08. WAYLANDER – Eriu’s Wheel
09. ABIGAIL WILLIAMS – Walk Beyond The Dark
10. BARONESS – Gold And Grey
DVD 2019 : JONAS AKERLUND – Lords Of Chaos
CONCERT 2019 : PHILIP H. ANSELMO & THE
ILLEGALS – Clisson, Hellfest, 23.06.2019
REVELATION 2019 : VEHEMENCE
PHILIPPE LAGEAT
ALBUMS 2019
01. RIVAL SONS – Feral Roots
02. WORKSHED – Workshed
03. KLONE – Le Grand Voyage
04. D-A-D – A Prayer For The Loud
05. CANDLEMASS – The Door To Doom
06. DEWOLFF – Live & Outta Sight II
07. BARONESS – Gold & Grey
08. OPETH – In Cauda Venenum
08. RAMMSTEIN – Rammstein
09. DIAMOND HEAD – The Coffin
10. DEVIN TOWNSEND – Empath
DVD 2019 : HELLOWEN – United Alive
CONCERT 2019 : GOJIRA – Clisson, Hellfest,
21.06.2019
REVELATION 2019 : DEWOLFF
VANESSA GIR TH
ALBUMS 2019
01. KLONE – Le Grand Voyage
02. RIVAL SONS – Feral Roots
03. THE PICTUREBOOKS – The Hands Of Time
04. TOOL – Fear Inoculum
05. LOFOFORA – Vanités
06. THE MAGPIE SALUTE – High Water II
07. BARONESS – Gold & Grey
08. ROSALIE CUNNINGHAM – Rosalie Cunningham
09. CANDLEMASS – The Door To Doom
10. AARON BUCHANAN & THE CULT CLASSICS – The
Man With Stars On His Knees
DVD 2019 : MASS HYSTERIA – Hellfest XXI VI
MMXIX
CONCERT 2019 : MAD SIN – Clisson, Hellfest,
22.06.2019
REVELATION 2019 : DOOL
MORGAN RIVALIN
ALBUMS 2019
01. JINJER – Macro
02. WALKWAYS – Bleed Out, Heal Out
03. ROYAL TUSK – Tusk II
04. KLONE – Le Grand Voyage
05. RIVAL SONS – Feral Roots
06. RAMMSTEIN – Rammstein
07. SOEN – Lotus
08. ROYAL REPUBLIC – Club Majesty
09. FEVER 333 – Strength In Numb333rs
10. MARK MORTON – Anesthetic
DVD 2019 : MYRATH – Live At Sweden Rock 2019
(inclus dans le RH202/Tellement fier !)
CONCERT 2019 : SLAYER – Clisson, Hellfest,
23.06.2019
REVELATION 2019 : WALKWAYS
17

Propos recueillis par Benji
Photo : DR
Interview réalisée le 15 décembre 2019 à Bordeaux
Nous avons profité des dates
hivernales de Clutch en
France pour coincer le très
sympathique vocaliste Neil
Fallon afin qu’il nous dévoile
ses « premières fois ».
Rock Hard : Ton premier héros musical ?
Neil Fallon : Je dirais Bob Dylan car il
s’agit de la première personne que j’ai
perçue comme une rockstar. Je ne
l’écoutais pas spécialement, mais mon
père possédait pas mal de ses disques.
Par la suite, j’ai appris à l’apprécier par
moi-même, et il m’a influencé.
Le premier disque rock que tu as
écouté ?
Probablement Rubber Soul (1965) de The
Beatles. Toujours issu de la collection de
disques de mon père ! J’ai écouté The
Beatles en fond sonore tant de fois étant
gamin qu’inconsciemment, ça m’a
énormément marqué. Je n’ai jamais cherché
à les imiter, mais je suis persuadé que tout
ce que tu écoutes dans ton plus jeune âge
va t’influencer si, plus tard, tu deviens
musicien. Et ce, quoi que tu fasses.
Le premier disque acheté avec ton
argent de poche ?
Il s’agit de la cassette d’Eliminator (1983)
de ZZ Top. Je devais avoir treize ans.
Je me souviens qu’à Noël, on m’avait offert
un walkman Sony. Mes parents m’ont
donné 10$ de plus et m’ont dit : « Achète-
toi la cassette que tu veux ! » J’ai hésité entre
1984 (1984) de Van Halen et Eliminator !
Le premier concert auquel tu as
assisté ?
Il s’agit de celui d’une chanteuse américaine
country nommée Juice Newton, que mon
père m’a amené voir à l’auditorium de mon
collège. Après, le premier très grand
concert auquel j’ai assisté fut celui de U2
sur la tournée The Joshua Tree (Ndlr :
probablement celui du 20 septembre 1987
à Washington, au Kennedy Memorial
Stadium). Enfin, l’un des premiers shows
de rock dur que j’ai vu a été un show des
Bad Brains au 930 Club de Washington
D.C. en 1988. Des « premières » très
différentes !
Ton premier concert ?
Au collège, je faisais partie d’un groupe
avec Jean-Paul (Gaster/batterie) et Dan
(Maines/basse). Nous avons essayé de
participer à un concours de jeunes talents
avec, à la clé, un concert à l’auditorium de
l’école, mais nous avons été recalés. On
nous a dit que nous étions trop mauvais :
ils avaient sûrement raison ! Alors, mon
18
premier concert a eu lieu dans un club
de Washington D.C., le Grog And Tankard.
C’était en 1991 et il s’agissait des membres
de Clutch, ni plus ni moins ! Au départ,
le groupe se nommait Glut Trip, et Jean-
Paul, Dan et Tim (Sult/guitare) jouaient
avec un autre chanteur, Roger Smalls,
qui ne pouvait pas donner ce concert.
Ils m’ont donc demandé de le remplacer
au pied levé, ce que j’ai fait. Depuis, je
continue de le remplacer ! (rires)
Ton premier tour-bus ?
En 1993, lors de notre première tournée
européenne en première partie de
Biohazard. Nous avons d’ailleurs donné
pas mal de concerts en France sur cette
tournée. Nous disposions d’un seul bus
pour les deux groupes. Avec l’équipe
technique, nous étions 21 à l’intérieur !
Sans climatisation, en plein été. Nous
n’avions aucun point de repère, alors
nous pensions que c’était normal ! Avec
le recul, il s’agissait d’une introduction
très extrême au « luxe » des tour-bus.
La première fois que tu t’es senti idiot
sur scène ?
Hier soir, à Bilbao, j’ai merdé sur les
paroles d’un morceau. Ça me rend
dingue, même si personne ne s’en
aperçoit vraiment. C’est mon boulot,
ce n’est pas le job le plus difficile du
monde, et quand je me plante comme ça,
je m’en veux toujours car je me dis que,
des gens payant pour me voir, je me dois
d’être irréprochable. Sinon, j’ai bien dû
avoir le pantalon qui tombe durant un
concert, mais c’est trop typique pour être
mentionné ! Ou m’être trompé de nom de
ville lorsque je m’adressais au public : en
général, les gens n’aiment vraiment pas
ça ! (rires)
Ta première groupie ?
Lors de notre toute première tournée
américaine, nous ouvrions pour un autre
groupe. Et il y avait cette nana qui
traînait avec les « vedettes » pendant
deux ou trois jours… sans nous adresser
la parole une seule fois. Et puis, je ne
sais pas ce qui s’est passé, mais elle a
cessé de leur parler et a commencé à
devenir sympa avec nous… Tout ça pour
que nous la prenions dans notre van pour
l’amener dans la ville suivante. Nous lui
avons simplement dit : « non » ! Je suppose
qu’on peut qualifier ce genre de fille de
« groupie classique ». Aucun intérêt pour
la musique ou même le groupe, juste la
possibilité pour elle de se balader un peu,
et plus si affinités… Nous étions de vrais
boyscouts, très prudes, et ce genre de truc
nous passait complètement par-dessus la
tête. Mais on ne rencontre pas que des
mauvaises filles sur la route : la preuve,
en 1994, lors de notre tournée avec
Sepultura et Fear Factory, j’ai rencontré
une demoiselle à Tijuana, au Mexique…
qui est devenue ma femme ! Y

Propos recueillis par Charlélie Arnaud
Entretien téléphonique réalisé le 17 décembre 2019
Le « docteur ès gruik » de la scène metal
française est aussi et surtout un vrai
fan qui, au fil du temps, est passé du
moshpit à la scène. Nous avons trié ses
disques avec lui et parlé des dix albums
qui ont eu un impact sur la vision
musicale du chanteur de Benighted.
Accrochez-vous à vos chaussettes !
1. CANNIBAL CORPSE –
Butchered At Birth (1991)
Julien Truchan : C’est ma
passion pour les films d’horreur
qui m’a fait acheter cet album
en cassette, à cause de sa
pochette. Je ne connaissais pas
du tout le groupe ! Quand je l’ai
écouté la première fois, je me suis dit : « Mais
qu’est-ce que c’est que cette merde ? » (rires) C’est
à force de faire écouter ça à mes potes en leur
disant que j’avais acheté un truc immonde que
j’ai fini par rentrer dedans, et que j’ai ensuite
essayé de reproduire ce type de voix. Cannibal
Corpse est donc à l’origine de ma vocation !
2. MACHINE HEAD – Burn My
Eyes (1994)
C’est mon meilleur ami qui m’a
fait découvrir cet album à l’école.
Pour le coup, c’était plus facile
à appréhender que Cannibal
Corpse pour mes oreilles de
néophyte ! (rires) Je l’ai acheté
immédiatement et je n’ai écouté que ça durant
plusieurs semaines. Aujourd’hui encore, je
pense qu’on n’a toujours rien fait de mieux
en termes d’efficacité, notamment sur les
refrains. Comme je suis venu au metal sur le
tard – avant, j’étais à fond dans le cinéma et
le rugby –, j’ai découvert ça avant de connaître
les « grands classiques », comme le thrash de
la fin des années 80.
3. THE GATHERING –
Nighttime Birds (1997)
A l’époque, je suis allé voir
Moonspell en concert, et The
Gathering ouvrait pour eux.
Je suis tombé instantanément
amoureux de la voix d’Anneke
van Giersbergen. C’était la toute première fois
qu’en concert, un groupe parvenait à me faire
ressentir autant d’émotions, j’ai été totalement
transporté ! J’ai acheté l’album au stand de
merchandising ce soir-là, et depuis, je suis devenu
un fan hardcore de tout ce que fait Anneke.
4. DEVOURMENT – Molesting
The Decapitated (1999)
J’adore le son de cet album,
même si, objectivement, on ne
peut pas dire qu’il soit bon.
C’est tellement gras ! Tout est
gras, du son des guitares
jusqu’au chant qui est ici
utilisé comme un instrument rythmique.
C’était aussi la première fois que j’entendais
du gravity blast (Ndlr : technique de caisse claire
qui permet de jouer à des vitesses astronomiques).
20
En bien des points, Devourment a été un précurseur,
et c’est, je pense, ce qui lui confère aujourd’hui son
statut de groupe culte au sein de la scène extrême.
5. MARDUK – Panzer Division
Marduk (1999)
J’aime bien le black metal. Dark
Funeral, Immortal et Marduk sont des
groupes que j’adore. Panzer Division m’a
scotché à sa sortie : un album de trente
minutes qui ne débande pas une seule
seconde, pour moi, c’était du jamais vu
puisque je n’ai pas connu Reign In Blood (Slayer) à
sa sortie. J’écoute très souvent cet album, je crois
que je le connais même par cœur ! Nous avons
d’ailleurs repris « Christraping Black Metal » qui
est mon titre favori. Nous sommes plusieurs au sein
de Benighted à considérer Marduk comme un
groupe majeur de la scène black. Je trouve ça
complètement dingue qu’il parvienne à reproduire
des titres aussi intenses sur scène.
6. HATEBREED – Perseverance (2002)
L’album qui m’a fait aimer le hardcore !
Ce côté répétitif, asséné, est hyper
efficace : tu écoutes un titre et tu le
connais, c’est un vrai marteau-piqueur
qui te rentre dans le crâne. Et puis, j’ai
toujours adoré la voix de Jamey Jasta.
7. ABORTED – Goremaggeddon : The
Saw And The Carnage Done (2003)
J’ai découvert Aborted avec cet album
et j’ai pris une baffe monumentale !
L’imagerie très gore du groupe,
l’intensité de la musique, et surtout ces
deux voix incroyables si complémentaires
que Sven sait faire m’ont accroché
immédiatement ! Aborted a toujours été une grosse
influence pour le groupe et pour moi. Ça me fait
marrer de me dire qu’aujourd’hui Sven (Ndlr : De
Caluwé, chanteur d’Aborted) est l’un de mes plus
proches amis.
8. SICK OF IT ALL – Death To
Tyrants (2006)
J’ai vraiment découvert le groupe avec
cet album alors que nous partagions
l’affiche sur un festival et leur show m’a
scotché ! Une présence et une énergie de
malades sur scène, des morceaux hyper
accrocheurs… J’ai immédiatement acheté le CD qui
contient un florilège de hits à se faire péter la nuque !
9. SHINING – V - Halmstad (Niklas
angående Niklas) (2007)
Toute la noirceur et le mal-être dépressif
dans une entité black metal parfaite !
Le son met parfaitement en relief ce
concentré d’émotions négatives et
torturées qui vous emmène directement
dans la folie de Niklas... C’est de loin
mon album préféré dans ce style musical.
Indétrônable !
10. CATTLE DECAPITATION –
Monolith Of Inhumanity (2012)
J’avais entendu parler de ce groupe
et on m’a fait écouter cet album qui a
directement placé ce dernier dans mon
Top 3 du brutal death ! Travis (Ryan/chant)
a une voix monstrueuse et peut la faire
évoluer sur de nombreux registres.
Celle-ci, associée à une musique à la fois intense et
accrocheuse, fait qu’on ne voit pas passer l’album !
Et puis, ils ont une imagerie et un concept super
cohérents, ce qui est important pour un groupe à
mes yeux. Y
 La rubrique qui te donnerait tous les bateaux, tous les oiseaux, par Charlélie Arnaud.
Un groupe français émergent s'est récemment vu proposer de jouer trente minutes en ouverture d'un combo
américain de passage en France pour deux dates. Pas des mégastars à la Guns N'Roses, non, juste un groupe
assez connu qui joue dans des salles de taille moyenne. « Participation » demandée par le management US :
2000€ pour les deux concerts. Je vous laisse réfléchir au nombre de tee-shirts qu'il faut vendre pour
recouper une telle somme, sans même mentionner les retombées proches de zéro que cela aurait pu avoir sur • A l’évocation du nom d’ALEISTER, on se
retrouve immédiatement propulsé au siècle
la carrière des Français (qui ont gentiment décliné « l'invitation » à base de : « C'est gentil, mais on ne paye
dernier : le combo du Territoire de Belfort n’a
pas pour jouer chez nous ! »). Le public a très souvent l'impression de se faire enfler (Cf. l'édito du en effet rien produit depuis le confidentiel
mois dernier), mais qu’il se rassure, les jeunes groupes ne sont pas en reste. Support the underground album Tribal Tech en 1992 et un titre sur la
et retrouvez nos découvertes sur Deezer : http://bit.ly/plusenplusnet compilation Brutale Génération en 1995.
C’est donc une très bonne surprise de le voir
de retour avec No Way Out, un gros EP 6
Titres au packaging soigné. Essentiellement
rythmique, le thrash mid-tempo des revenants
bénéficie d’une production punchy qui fait
honneur à des riffs très carrés rappelant parfois
Prong (« Straighten Up », « I Feel Myself »). En
dépit d’un chant qui gagnerait vraiment à être
plus varié, Aleister livre une copie simple mais
efficace qui rappelle les 90’s sans pour autant
être outrageusement passéiste. Messieurs,
welcome back !
https://www.facebook.com/aleisteroldschool-
thrash.metal

SEKHMET
Le Havre
Heavy metal
Sekhmet est un cas d’école. Le quintette
havrais concède des influences très
variées telles que Wishbone Ash, Iron
Maiden, Edguy, Trivium ou encore In
Flames... Difficile d’imaginer un tel mix.
Et pourtant, pas de doute : le quintette,
lui, y parvient haut la main, tout en
restant cohérent et en se payant le luxe
de pondre un album truffé de titres qui
ont des gueules de classiques dès la
première écoute ! Tant et si bien qu’on
en vient à retourner la pochette dans
tous les sens pour trouver le nom du
label, mais il n’y en a pas. Ce son énorme
« plus pro que pro », ces arrangements
luxuriants, ces refrains dorés à l’or fin
(« The Land », un hit en puissance), cette
ballade sublime (le bijou « White Swan »),
ces soli volubiles et enflammés et ce
chant trois étoiles (Michael Rouat est
bluffant) sont tous bel et bien issus d’un
album autoproduit par un combo bien
de chez nous. Les douze titres de
Reminiscence font très, très fort !
Assénant, en guise de « garantie
fraîcheur », quelques passages gueulés
a bien évidemment eu une empreinte
marquante sur la musique du groupe (son
chant sur « Nihil Sacrum Est » relève de la
performance), mais l’identité de Cult Of
Erinyes n’est nullement dénaturée pour
autant : à mille lieues du brutal black,
du black thrash ou du post black, tous
très hype, nous sommes ici en présence
d’une bourrasque désincarnée et
dissonante (« Nothing Is Owed To The
Void », d’abord funèbre à souhait avant
de tomber dans l’hystérie, ne met pas
l’auditeur à l’aise). Les riffs semblent
parfois n’être que des restes d’échos
lointains sur lesquels d’autres guitares
à la limite du metalcore, le groupe reste
cependant toujours mélodique, et c’est
bel et bien ce sens aigu du riff et de la
ligne de chant catchy qu’on retient à
l’issue de l’album. Quelque part entre
Dream Evil, Europe, Tremonti et le
susnommé Trivium, Sekhmet réunit les
chapelles avec un talent insolent (la paire
de guitaristes Charles Demoulin/Loïc
Grancher est redoutable) et une qualité
d’écriture qu’on rencontre rarement à • Un crochet par Chicago, histoire de se crêper
ce niveau (« Embers »). Une sacrée baffe, le chignon avec les très méchants CRUSADIST
et un groupe qui intègre directement le dont l’album The Unholy Grail déboîte la
comité de direction ! mâchoire des plus solides rien qu’avec le « For
https://sekhmetofficial.bandcamp.com Blood And Conquest » d’ouverture. Si les titres
des morceaux fleurent bon le « battle metal »
de l’école Manowar/Amon Amarth, le propos
musical des Yankees s’oriente plutôt vers un
thrash/death bavard en guitares à rapprocher
des premiers Revocation, en un peu moins
détraquées viendraient grincer des technique. Une sacrée machine à headbanguer
mélodies qui rendent fou : « habité » en tout cas (« The Hammer At Dawn »), dopée
est probablement le terme qui convient par un son digne des meilleurs albums du
le mieux à Aestivation. Soulignons genre et exempte de remplissage. Carton !
http://crusadist.bandcamp.com
l’arrivée, au sein du line-up, du très
courtisé batteur Ahephaïm (Humanitas
Error Est, ex-Enthroned, entre autres)
qui laisse augurer d’une sacrée puissance
de feu en live. Si Cult Of Erinyes parvient
à restituer sur scène l’ambiance délétère
des 36 minutes de cet album, le voyage
ne sera pas confortable, mais vaudra
assurément le coup d’œil.
https://www.facebook.com/cult.erinyes

CULT OF ERINYES
Bruxelles (Belgique)
• Avec, à son bord, deux ex-Affliction Gate et
un ex-Catacomb, NOX IRAE (de la région
Black metal PACA) connaît la musique – en tout cas, celle
Cult Of Erinyes n’est pas un caneton qui tabasse. Here The Dead Live, son premier
sorti de l’œuf puisque le projet fête EP, lui a même valu une signature sur le très
cette année son dixième anniversaire. actif label indien Transcending Obscurity (qui
Néanmoins, la parution du brillant a, dans son écurie, plus de 80 groupes du
Aestivation nous donne l’occasion de monde entier !). Un deal bien mérité tant le
remettre un coup de projo sur le black death/thrash souvent écrasant du quartette
metal du combo bruxellois. L’adjonction sudiste se montre convaincant sans toutefois
de Déhà (chanteur, multi-instrumentiste s’embarrasser d’artifices : nous sommes ici
et producteur bien connu sur la scène dans l’agression à coups de bêche, pas dans la
black) au poste de vocaliste depuis 2017 manipulation mentale. Si vous préférez Bolt
Thrower à Cynic, venez donc voir ce qui se
trame de beau au pays des cigales !
http://noxiraedeath.bandcamp.com
22
 Propos recueillis par Morgan Rivalin - Entretien téléphonique réalisé le 12 décembre 2019
Sepultura va bientôt sortir Quadra, son quinzième album studio. Fin novembre, le groupe brésilien était de passage à Paris
pour présenter son rejeton à des médias venus des quatre coins de l’Europe, mais aussi pour donner un concert privé à
l’occasion de l’annonce de l’affiche du Hellfest 2020, la... quinzième édition du festival auquel, bien sûr, Sepultura participera.
Si le quinze nous entoure, lorsque nous devisons avec le guitariste Andreas Kisser pour en apprendre (beaucoup) plus au sujet
de ce Quadra conceptuel, exploration des racines musicales du groupe et démonstration éclatante de sa créativité, un autre
nombre revient constamment... Merci à Mister Kisser d’avoir joué « quatre sur table » avec nous.
Rock Hard : Qu’as-tu pensé du binaire, ces algorithmes dont on autres, et notamment de l’importance alors... (rires) J’aime toujours
concert privé que vous avez donné entend tant parler et qui ont un gros qu’il y a à se focaliser sur le présent. regarder le foot, bien sûr, mais je
à la Maroquinerie le 26 novembre impact sur notre vie quotidienne, Nous avons toujours respecté le passé suis aussi le basket ou encore le
dans le cadre de l’annonce de etc. Je m’y suis beaucoup intéressé de Sepultura, mais nous avons football américain, et je suis
l’affiche du Hellfest 2020 ? (Cf. quand l’actualité s’est focalisée sur toujours voulu regarder droit devant également très branché rugby. De
encadré) Facebook et l’impact que le réseau nous, pas dans le rétroviseur. plus en plus, je dois dire. L’équipe
Andreas Kisser : J’ai beaucoup social a pu avoir sur l’élection nationale brésilienne s’est beaucoup
aimé ce concert. Nous sommes américaine... On peut expliquer Le chiffre quatre est omniprésent améliorée et le pays s’y intéresse
très honorés d’y avoir participé ! le monde au travers des dans Quadra, mais ce n’est pas ce plus que jamais. J’ai la chance
Le Hellfest est l’un des meilleurs mathématiques et des sciences que signifie son titre, n’est-ce pas ? immense de voyager dans le monde
festivals qui existent. Chaque année, physiques. C’est assez passionnant. Effectivement. En portugais, il entier depuis plus de trente ans.
j’ai l’impression que tous les groupes Ça m’intéresse bien plus aujourd’hui signifie « court », ou « terrain de Pas moins de 80 pays différents !
du monde y sont ! (rires) Il y a que lorsque j’étais sur les bancs de jeu ». Le titre est donc intimement Plus tu voyages et plus tu réalises
toujours des têtes d’affiche qui ont l’école en tout cas ! (rires) En lié à la géométrie, l’une des sciences que le sport et les arts sont vraiment
de la gueule, mais aussi et surtout préparant ce disque, j’ai eu la du quadrivium. J’associe ce court, les choses qui unissent les Hommes.
tout un tas de formations que tu sensation d’être constamment doté de quatre coins, à quelque Ma fibre artistique et ma passion
rêverais de voir rassemblées au entouré par le chiffre quatre. chose qui délimite notre culture et pour le sport n’en ont été que
même endroit un jour. Nous avons Il est omniprésent dans l’histoire nos valeurs, autant de choses qui renforcées.
déjà eu la chance d’y jouer deux fois du monde, mais aussi dans ma vie. nous définissent. Le pays où nous
(Ndlr : en 2010 et en 2014) et je ne Il y a les quatre saisons, les quatre avons grandi, l’école où nous Lors de votre récent concert à
doute pas que le festival s’est Paris, tu as été acclamé lorsque tu
encore métamorphosé et amélioré as rappelé que Derrick Green était
depuis notre dernier show là-bas. NOUS AVONS TOUJOURS RESPECTÉ votre chanteur depuis 1998. Ça
Nous avons extrêmement hâte d’y fera bientôt 22 ans, ce qui ne
rejouer en 2020 ! LE PASSÉ DE SEPULTURA, MAIS NOUS nous rajeunit pas (Il se marre).
C’est absolument génial que le
Quadra est un album conceptuel AVONS TOUJOURS VOULU REGARDER premier chanteur que vous ayez
lié au livre Quadrivium de John recruté après le départ de Max
North, c’est bien ça ? DROIT DEVANT NOUS, PAS DANS LE Cavalera ait été la bonne personne.
Plus ou moins... Pas tant que ça, Vous avez eu de la chance !
à vrai dire ! (rires) Au moment où RÉTROVISEUR (ANDREAS KISSER) Oui, j’en suis totalement conscient.
j’aborde un nouvel album, j’aime Pour plein de raisons, nous avons
avoir une sorte de concept, un fil éléments, les quatre Cavaliers de sommes allés, les choses en lesquelles vite senti que ça pourrait le faire
directeur. Ça m’aide. J’ai commencé l’Apocalypse, etc. Accessoirement, nous croyons, notre religion, notre avec Derrick, mais tu ne sais jamais
à y penser il y a plus d’un an, il y a quatre membres dans rapport aux autres, etc. : je place comment une relation va évoluer
notamment parce que j’avais trouvé Sepultura… C’est alors que le tout ça à l’intérieur des points dans la durée. Avec Derrick, ça
que nous n’avions pas eu assez de chiffre quatre m’a mené au livre cardinaux de Quadra. Et il y a un s’est toujours extrêmement bien
temps pour préparer Machine Quadrivium qui désigne l’ensemble lien avec le sport : les règles à passé. C’est notre chanteur, mais
Messiah (2017). J’aime toujours des quatre sciences mathématiques, respecter, les objectifs qu’on se c’est aussi un partenaire, quelqu’un
autant ce disque et je suis heureux dans la théorie antique : l’arithmétique, fixe ou encore comment on apprend de très loyal. Il a beaucoup évolué
qu’il ait été bien accueilli, mais la géométrie, l’astronomie et la à s’adapter aux autres et à les au cours de ces deux décennies,
j’aurais aimé avoir davantage de musique. A en croire le quadrivium, écouter. C’est une histoire en tant que personne et en tant
temps que les quatre ou cinq mois la définition du chiffre quatre est d’harmonie et de rythme, comme que musicien. Aujourd’hui, il chante
que nous avons consacré à sa « la manifestation ». En résumé, en musique ! C’est sans doute pour mieux que jamais et écrit ses
préparation. A chaque fois que je ce serait le chiffre quatre qui nous cette raison, pour ce lien évident meilleurs textes. Nous parlons
pensais à ce qui allait devenir fait passer à l’acte. Ça m’a semblé avec la musique, que je suis autant beaucoup des concepts à aborder et
Quadra, je tombais toujours sur totalement raccord avec ma vision attiré par le sport. des films et documentaires que nous
des chiffres. Ils sont partout : du groupe. Tout ça est indirectement avons vus et qui nous inspirent,
les ordinateurs, qui sont faits de lié aux messages que nous avons Le foot en particulier, non ? dans le but d’accumuler des idées
logiciels qui fonctionnent de façon fait passer, sur Kairos (2011) entre Oui, bien sûr ! Je suis Brésilien, de paroles ou de titres de chansons,
mais c’est Derrick qui rassemble
. Under A Pale Grey Sky (live – 2002) tout ça. Nous nous amusons
GENRE SITE INTERNET . ARTICLES RH
Revolusongs (reprises – 2003)
. Thrash/death/groove metal . Roorback (2003) vraiment bien ensemble, ce n’est
http://sepultura.com.br . RH N°22, 53, 84, 112, 136, 148,
Live In Sao Paulo (live – 2005) 172 & 205 pas quelque chose de feint. Nous ne
LE GROUPE . Dante XXI (2006)
ALBUMS . A-Lex (2009) faisons pas semblant de nous éclater
. Derrick Green
(chant, guitare live) . Morbid Visions (1986) . Kairos (2011) sur scène avant de rentrer dans les
. Schizophrenia (1987) . The Mediator Between Head And Hands
. Andreas Kisser (guitare) . Must Be The Heart (2013)
loges sans nous adresser un mot…
Beneath The Remains (1989)
. Arise (1991) . Metal Veins – Alive At Rock In Rio (live Nous aimons vraiment passer du
. Paulo Jr. (basse) . avec les Tambours du Bronx – 2014)
.
Chaos A.D. (1993)
. Machine Messiah (2017) temps ensemble. Heureusement,
. Eloy Casagrande (batterie) Roots (1996)
. Quadra (7 février 2020) d’ailleurs ! Quand tu passes autant
. Against (1998)
. Nation (2001) de temps sur les routes enfermés

24
De g. à d. : Eloy Casagrande, Paulo Jr., Derrick Green & Andreas Kisser
26
dans un tour-bus, mieux vaut apprécier
les personnes avec lesquelles tu
joues. C’est une sorte de famille.
Mon lien avec Paulo (Paulo Jr./basse)
est un peu différent parce que je
joue avec lui depuis 1987, la date
de mon arrivée dans Sepultura
(Ndlr : le groupe a été fondé en 1984
par Igor Cavalera), mais Derrick est
quelqu’un de très important dans
ma vie. Il est aussi très important
pour Sepultura. C’est un frontman
charismatique qui délivre notre
message de la meilleure des façons.
Je suis ravi d’avoir fait le bon choix.
Nous avons été si critiqués à
l’époque... On s’en est vraiment pris
plein la gueule !!! Les comparaisons
étaient légion, mais le temps s’est
chargé d’aplanir tout ça. Le temps,
et le travail !
SI MOZART VIVAIT À NOTRE ÉPOQUE, IL JOUERAIT
DU METAL ! (ANDREAS KISSER)
Personnellement, j’associerai
toujours l’arrivée de Derrick
Green a une période euphorique,
puisqu’elle s’est faite dans le
prolongement de la victoire de
la France à la Coupe du Monde
1998...
Ah, c’est génial ça ! Bon, forcément,
du côté brésilien, nous n’avons pas
vécu la même euphorie ! (rires) Mais
ça me fait très plaisir que le début
de cette nouvelle ère du groupe soit
associée à cette période pour toi, et
sans doute pour d’autres Français.
La France a toujours eu une place
à part dans le cœur de Sepultura.
Je pense que nous nous comprenons
bien.
Et tant que la France sera meilleure
que le Brésil, tout se passera
encore mieux entre nous ! (rires)
Ah, tu remues le couteau ! C’est pas
bien ! (rires)
En parlant de « performances
sportives », votre batteur, Eloy
Casagrande, est vraiment très
impressionnant. Il fait partie de
Sepultura depuis 2011, mais à
chaque concert, de nouvelles
personnes le découvrent et
réalisent à quel point son jeu est
monstrueux. Qu’apporte-t-il à
Sepultura selon toi ?
C’est une décharge d’énergie pure !
Tu as raison, beaucoup découvrent
encore à quel point Eloy est doué.
Je ne suis pas objectif, mais pour
moi, il est sans doute le meilleur
batteur en activité. Son rôle est
crucial, parce que la batterie a
toujours occupé une place très
importante dans Sepultura. Igor
Cavalera (Ndlr : en poste de 1984 à
2006) a créé un style, ce mélange
personnel de thrash, de groove et de
racines musicales brésiliennes qui a
fait école. A son départ, Jean Delabella
(Ndlr : dans le groupe de 2006 à
2011) a repris le flambeau et a fait
du très bon boulot. Eloy, c’est dur
de décrire son style. Il faut vraiment
le voir jouer pour saisir ce qu’il fait.
Je dirais juste que tous ceux qui ont
eu la chance de le voir jouer de
près, qu’il s’agisse des différents
producteurs avec lesquels nous
avons collaboré, ou encore de
batteurs très réputés, tous ont
halluciné. Qu’il s’agisse de Dave
Lombardo, Gene Hoglan ou encore
de Lars Ulrich, dont nous avons
croisé la route à un moment donné,
tous ont marqué un temps d’arrêt
pour ne pas perdre une miette de ce
qu’il était en train de faire. Quelle
que soit l’expérience de ces différents
musiciens et professionnels de la
musique, tous ceux qui le croisent
sont interpellés par son talent.
C’est un fait. C’est un gars très
inspirant, en premier lieu pour nous
SEPULTURA
qui jouons avec lui. Avoir quelqu’un LE 26 NOVEMBRE 2019 A PARIS
comme lui, qui est clairement plus (MAROQUINERIE)
jeune, dans nos rangs nous pousse
La rumeur circulait depuis quelque temps,
à bosser nos instruments encore
mais beaucoup restaient incrédules.
plus. Nous sommes toujours en train
« Sepultura en concert à Paris, à la
d’apprendre, en plus d’être toujours
Maroquinerie ? Mais oui, bien sûr ! ».
passionnés par ce que nous faisons.
Et pourtant ! Le 26 novembre, jour que
le Hellfest a choisi pour dévoiler la
C’est effectivement l’impression
programmation de son édition 2020 – la
que vous donnez autour de vous...
quinzième –, le célèbre groupe brésilien
Parce que c’est vrai, sans doute !
investit bel et bien cette salle de moins
Je suis conscient que ça fait des
de 500 places dans laquelle il n’a encore
années que je dis « actuellement,
jamais joué. Devant un public d’invités,
nous vivons la meilleure période de
parmi lesquels on trouve des gagnants
l’histoire de Sepultura », mais je
de concours ou encore des membres du
persiste et signe : actuellement, nous
Hellfest Cult, le fan-club officiel du festival,
vivons vraiment la meilleure période
mais aussi devant les caméras d’Arte
de l’histoire de Sepultura !!! (rires)
Concert qui diffuse le tout en direct sur le
Net, Sepultura donne un concert privé qui
le change radicalement du gigantesque
Rock In Rio, lieu de son dernier show en
date, le 4 octobre dernier. Propice à une
acclamation en bonne et due forme
Sepultura de l’imposant Derrick Green, en place
cArise depuis 21 ans, « Choke » nous replonge
cTerritory dans l’été indien 1998. Un fan du
cKairos premier rang a droit à une charmante
cPhantom Self
cChoke
cResistant Parasites
cSlaves Of Pain
(extrait)/Inner Self
cPolícia (Titãs)
cSlave New World
cIsolation
cRefuse/Resist
cRatamahatta
cRoots Bloody Roots attention de la part d’Andreas Kisser :
le guitariste joue un (petit) bout du
riff de « Slaves Of Pain », titre plus
entendu sur la scène de Sepultura depuis
1992, puis propulse « Inner Self », son
petit camarade de Beneath The Remains
(1989). Voilà un fan comblé ! Puisque la
sortie de Quadra approche (elle est prévue
le 7 février), les quatre compères jouent
« Isolation », un nouveau titre interprété
pour la deuxième fois seulement et qui
agite bien une fosse remplie de pois
sauteurs. Branchez-vous sur le site
www.arte.tv pour voir ou pour revivre
cette heure ultra intense. Très bien mise
en son et en images, la captation met
parfaitement en valeur la prestation
ultra puissante d’un Eloy Casagrande
qui a encore « musclé son jeu ». Sacré
As-tu découvert Eloy Casagrande
batteur !!!
quand il jouait dans le groupe solo
de ton compatriote, le regretté
Andre Matos (Ndlr : ex-chanteur
d’Angra et de Shaman, décédé le
8 juin 2019) ?
Je l’ai vu jouer avec Andre Matos,
oui, mais je le connaissais déjà. En
fait, c’est Igor Cavalera qui me l’a
fait connaître ! Les enfants d’Igor
prenaient des cours dans la même
école de batterie qu’Eloy, à Sao
Paulo. Eloy, qui n’était âgé que arriver. Il est fait pour Sepultura,
de sept ou huit ans, était déjà la et vice versa. J’entends par là qu’il
star de l’école tant son niveau possède son propre style. Puisqu’il
était hallucinant. Dans l’intervalle, est totalement libre d’incorporer ses
j’ai gardé un œil sur lui, dans les idées à la musique du groupe, elles
différents groupes brésiliens dans l’enrichissent. C’est pour ça que
lesquels il est passé, et dans le Sepultura est encore bien vivant
groupe d’Andre Matos, bien sûr. aujourd’hui, parce que nous ne nous
Je n’aurais jamais imaginé que, sommes jamais mis en tête de copier
des années et des années plus tard, Max ou Igor Cavalera, ou qui que ce
cet enfant de sept ans rejoindrait soit. Quand j’ai rejoint Sepultura en
Sepultura, mais c’est arrivé. Ça devait 1987, je n’ai copié personne. C’est
27
 pour ça que Morbid Visions (1986)
et Schizophrenia (1987) sont si
différents l’un de l’autre. Nous ne
sommes pas là pour recopier une
formule. Nous sommes là pour
inventer Sepultura, jour après jour.
En octobre dernier, sur la scène
du Rock In Rio, vous avez joué
un bout du « Carry On » d’Angra
en hommage à Andre Matos.
Le connaissais-tu bien ?
Pas si bien que ça, non, mais nous
nous sommes tout de même souvent
croisés. Je connaissais en tout cas
l’artiste, que je respectais beaucoup.
Pour moi, Andre Matos a toujours
été du niveau d’un Bruce Dickinson,
un chanteur de metal comme il y en
a très peu. C’était quelqu’un de
toujours très cordial avec moi et qui
me semblait avoir la tête sur les
épaules. J’ai été très attristé
d’apprendre sa disparition. Il était
vraiment trop jeune...
On retrouve, sur Quadra, de la
guitare acoustique, voire flamenco,
qui évoque ce que tu avais proposé
sur ton album solo Hubris I & II
(2009). Avais-tu composé ces
passages pour un nouveau disque
solo ?
Non, ils ont été écrits spécialement
pour Quadra, mais il est vrai qu’ils
auraient pu trouver leur place sur
un album solo. Je compose tout le
temps, que ce soit pour Sepultura,
pour De La Tierra (Ndlr : supergroup
composé de musiciens célèbres en
Amérique Latine) ou pour d’éventuels
albums solo. Et bien souvent, je
compose en acoustique car une
guitare ne se trouve jamais loin de
moi. J’adore l’acoustique et j’adore
la guitare classique. Je me suis
vraiment plongé dans cet univers
quand, avec mes camarades du
groupe, j’ai emménagé aux USA
en 1992/93. Nous vivions tous à
Phoenix, en Arizona, là où était
basée notre manager, Gloria (Ndlr :
Gloria Cavalera, la femme de Max),
mais aussi pas mal de membres
de notre équipe technique. Ces
années passées aux USA ont
coïncidé avec la naissance d’une
passion pour la théorie musicale
et un approfondissement de mon
intérêt pour la musique classique.
Ça étonnerait plus d’un amateur
de musique classique, mais on dit
pourtant que les profils des fans
de metal et de classique ont de
nombreux points communs...
J’en suis convaincu ! Nous, les fans
de metal et de rock’n’roll au sens
large, nous savons à quel point le
classique a influencé énormément
d’artistes rock et hard rock. Deep
Purple, Rick Wakeman, Yngwie
Malmsteen, etc. : la liste est longue.
Je sais que Gary Holt (Exodus,
Slayer) est féru de classique, par
exemple, et personnellement, la
musique classique fait partie de moi
depuis mon enfance. Tu as raison,
ça en étonnerait plus d’un alors que,
pourtant, quand on y réfléchit, les
compositeurs de musique classique
qui, forcément, n’étaient pas du tout
28
considérés « classiques » par leurs
contemporains, étaient des punks !
Ils enfreignaient les règles et
repoussaient les frontières pour
créer des choses nouvelles, et bien
souvent, pour dire « fuck you » à
l’establishment. Je suis persuadé
que si Mozart vivait à notre époque,
il jouerait du metal ! (rires)
SEPULTURA EST ENCORE BIEN
VIVANT AUJOURD'HUI PARCE QUE
NOUS NE NOUS SOMMES JAMAIS MIS
EN TÊTE DE COPIER MAX OU IGOR
CAVALERA, OU QUI QUE CE SOIT
(ANDREAS KISSER)
Après ton arrivée dans Sepultura
en 1987, la musique du groupe est
devenue bien plus influencée par
le thrash. Ça s’entend encore
aujourd’hui sur Quadra. Dirais-tu
que c’est toi qui as apporté cet
élément à Sepultura ?
Je le pense, oui. Max et Igor avaient
toujours été plus branchés death
metal, hardcore et punk, des choses
assez « brutes » de décoffrage. De
mon côté, j’ai toujours été attiré par
des groupes et par des styles de
musique plus techniques, comme
Judas Priest, Ozzy Osbourne, Dio,
Randy Rhoads, etc. Mon arrivée
dans le groupe a permis un brassage
d’influences, Paulo étant lui aussi
fan de groupes différents, comme
Kiss ou encore Iron Maiden. C’est
pour ça que Schizophrenia (1987)
est si différent, aussi bien sur le
plan musical que des textes, puisque
j’ai écrit les paroles de morceaux
comme « From The Past Comes The
Storms » (sic) ou encore « Escape To
The Void ». J’ai pu m’exprimer dans
le groupe dès mon arrivée, et comme
je le disais, c’est encore l’état d’esprit
qui prévaut dans les rangs de
Sepultura aujourd’hui.
Max et Igor Cavalera rejouent
des albums de Sepultura lors de
tournées qui leur sont consacrées
(Ndlr : Roots en entier en 2016
et des extraits de Beneath The
Remains et Arise en ce mois de
décembre 2019). Vous, vous vous
consacrez vraiment au présent.
Ce genre d’exercice ne te branche
pas ?
Non, c’est une perte de temps. Ça ne
m’intéresse pas ou, en tout cas, pas
sous cette forme. Donner un concert
spécial pour rendre hommage à un
disque à l’occasion de l’anniversaire
de sa sortie, pourquoi pas ? Nous
l’avons d’ailleurs déjà fait au Brésil.
Mais une tournée entière serait
vraiment ennuyeuse. A la limite,
j’aimerais jouer plus de « très vieux »
titres sur scène, de Schizophrenia et
de Beneath The Remains (1989)
notamment, mais je trouve que
plusieurs morceaux de Quadra leur
sont très similaires dans l’esprit et
je préférerais jouer ces nouveautés.
Ça concerne particulièrement le
début de l’album, la face « A » de
l’édition double vinyle qui est donc
divisée en quatre parties. Encore le
chiffre quatre, hé oui ! (sourire) Le
concept de Quadra ayant été décidé
tôt, ça nous a permis de rassembler
les morceaux, comme si chaque face
de vinyle incarnait une facette de la
carrière de Sepultura. La face « A »,
c’est le thrash et notre côté le plus
agressif, la face « B » présente
notre visage plus groovy et notre
amour des percussions, la face « C »
se focalise sur notre univers
instrumental, et la dernière, la face
« D », est plus en lien avec Machine
Messiah (2017) et la reprise du
« Angel » de Massive Attack que
nous avions sortie sur l’EP
Revolusongs en 2003. Ça aussi,
c’est une vraie facette de Sepultura
que nous avons développée sur le
dernier titre de Quadra, « Fear Pain
Chaos Suffering ».
Ce morceau est une grande première
puisqu’il s’agit d’un duo avec une
chanteuse. De qui s’agit-il ?
Elle se nomme Emmily Barreto.
C’est la chanteuse du groupe stoner
brésilien Far From Alaska qui
commence à faire parler de lui à
l’international (Ndlr : il a notamment
joué au Download Festival français
en 2017). Nous voulions enregistrer
un duo avec une chanteuse depuis
longtemps. Tous les groupes que
nous adorons l’ont fait et,
généralement, le résultat a été
hyper cool. Dans le cas présent,
puisque ce morceau parle des
migrants, nous trouvions intéressant
d’ajouter une voix supplémentaire,
comme pour ajouter à la chanson
un point de vue, voire une âme.
Mais voilà, il faut trouver la bonne
personne. Far From Alaska est une
formation très créative que j’ai
rencontrée à l’occasion d’une
émission de télé à laquelle j’étais
également invité. Quelques
semaines plus tard, nous bossions
sur « Fear Pain Chaos Suffering »,
l’un des derniers titres écrits pour
Quadra. J’ai tout de suite pensé à
Emmily et elle a fait du super
boulot. Nous avons eu beaucoup
de chance de pouvoir travailler
avec une artiste comme elle.
Une rencontre comme on les
aime ! Y
ENCORE PLUS « GREEN »
Il y a quelques mois, nous avions
entendu parler d’une publicité
Mastercard « Black » dans laquelle
Derrick Green avait tourné, au Brésil.
Ce n’était pas la première fois que le
chanteur américain et ses camarades
de Sepultura se retrouvaient sollicités
par les publicitaires dans le pays de
naissance du combo. « Au Brésil, nous
avons tourné des pubs pour Volkswagen
ou encore pour Pepsi. C’est une bonne
chose pour la notoriété et pour l’image
du groupe, d’autant qu’à chaque fois,
les idées des publicitaires en question
ont été vraiment sympas, à mille lieues
de ce que nous aurions éventuellement
pu craindre », nous confie Derrick
Green à Paris. Le géant ajoute qu’il
vient encore de passer derrière la
caméra, mais dans un autre
contexte : le tournage d’une série
documentaire dont le thème est cher
à son cœur. Intitulée Highway To
Health (bien vu !), elle parle
« d’alimentation saine basée sur le
végétal ». « L’idée est de combattre les
idées préconçues en nous mettant en
scène, ma camarade musicienne Tanya
O’Callaghan (Ndlr : bassiste qui a
notamment joué avec Dee Snider ou
encore Steven Adler) et moi-même,
nous confie le grand Derrick. Nous
voulons montrer que nous réussissons
à rester végétariens, voire végétaliens,
en tournée, où que nous nous trouvons
dans le monde. Nous allons montrer
pourquoi il est important d’envisager
de changer d’alimentation en parlant
concrètement des dégâts causés à
l’environnement, mais aussi en évoquant
en profondeur l’aspect santé. Nous
interviewons des musiciens, bien sûr,
mais surtout des médecins, des sportifs,
etc. Nous ne parlons pas qu’aux
végétaliens, nous recueillons des
points de vue divers et débattons avec
des gens venus de différents horizons.
Nous voulons avant tout piquer la
curiosité du téléspectateur et lui
donner envie d’essayer des alternatives.
Personnellement, je n’ai pas mangé de
viande depuis 33 ans. Je suis sans
doute la preuve vivante que ceux qui,
par exemple, pensent qu’ils ne pourront
pas trouver assez de protéines dans un
régime alimentaire végétal se trompent.
Ou plutôt, qu’ils sont victimes du
lobbying et du marketing qu’on leur
impose ! On me dit souvent ‘ah, tu es
devenu vegan !’, comme si je venais
de m’y mettre, mais non. Je n’en ai pas
vraiment parlé avant, mais je pense que
l’heure est venue d’apporter ma modeste
contribution à ce sujet qui, plus que
jamais, est... sur la table, si j’ose dire !
(rires) »

29
 Propos recueillis par François Blanc - Entretien téléphonique réalisé le 22 novembre 2019
Nous ne pouvions décemment pas entamer cette année 2020 sans mettre un coup de projecteur sur Mana, premier album
bluffant d’efficacité (le plus gros coup de cœur 2019 de votre serviteur !) confectionné avec le plus grand soin par les
jeunes Américains de Idle Hands, déjà passés maîtres dans l’art de mélanger rock gothique et heavy metal à l’ancienne.
Difficile à joindre (le quintet assure actuellement la première partie de King Diamond aux Etats-Unis), le compositeur et
chanteur Gabriel Franco a fini par trouver un moment pour répondre à nos nombreuses questions.
Rock Hard : Idle Hands est né des Fire à Ventura, en Californie. Nous avril 2017, notre chanteur, sur un coup D’où vient ce nom, et pourquoi l’avoir
cendres de Spellcaster, formation de avions investi près de mille dollars de tête, s’est barré de notre salle de choisi ?
heavy/speed dans laquelle tu tenais la dans la création de t-shirts et autres répétitions en disant qu’il quittait le J’ai dû abandonner mes deux premières
basse. Pourquoi le groupe s’est-il goodies à vendre sur notre stand de groupe. A ce stade, il était clair pour idées de noms, « Mana » et « Aria »,
dissous ? merch, qui est resté ouvert du midi au tout le monde que nous n’allions nulle car elles étaient déjà prises ! « Idle
Gabriel Franco : En dépit de ses sept soir, et n’avons fait que… cent dollars part. Nous avons donc monté une hands » sont les premiers mots d’une
ans d’existence et de très nombreuses de recette (rire amer). Je crois que ça a nouvelle formation, Silver Talon, mais expression anglaise qu’on pourrait
tournées, Spellcaster n’a jamais été la goutte d’eau qui a fait déborder l’un des guitaristes et moi n’étions traduire par : « les mains oisives sont
décollé. Au contraire, notre fanbase le vase. Nous avons assuré une dernière d’accord sur rien. Alors, j’ai discuté les jouets du diable ». En substance,
s’est progressivement étiolée ! Les petite tournée aux Etats-Unis – qui avec Sebastian Silva, guitariste qui cela signifie que si tu gaspilles ton
choses ont atteint un point critique lors s’est bien passée, mais n’a absolument avait déjà dépanné Spellcaster, et nous temps, tu perds le contrôle de ta
de l’édition 2016 du festival Frost & rien changé à notre situation – et en avons fondé Idle Hands. propre vie. C’est une sorte d’assertion

30

De g. à d. : Brandon Hill, Cory Boyd, Gabriel
Franco, Colin Vranizan & Sebastian Silva
philosophique : prends les choses en
main et fais en sorte d’orienter ton
chemin de vie dans la bonne direction.
Il n’existe rien de plus précieux que le
temps.
Sorti en juin 2018, le premier EP
du groupe s’intitule Don’t Waste
Your Time (Ndlr : littéralement
GENRE SITE INTERNET
. Heavy metal/rock gothique
www.facebook.com/
idlehandspdx
LE GROUPE
. Gabriel Franco (chant) ALBUMS
. Sebastian Silva (guitare) . Don’t Waste Your Time
. (EP – 2018)
Cory Boyd (guitare) . Mana (2019)
. Brandon Hill (basse)
ARTICLE RH
. Colin Vranizan (batterie)
RH N°205
« ne gâche pas ton temps »). Il s’agit
donc de ta devise ?
Oui ! J’ai le sentiment d’avoir perdu
beaucoup trop de temps avec
Spellcaster. D’un autre côté, cela n’a
pas été en vain car cette expérience
s’est avérée très instructive. Je sais
maintenant ce qu’il ne faut pas faire,
et j’ai réalisé que rien n’était
totalement immuable. Et puis, ces
sept années m’ont permis d’accumuler
des contacts qui m’ont été très utiles
au moment de démarrer Idle Hands.
J’ai aussi appris qu’il ne servait à rien
de donner trop de « secondes chances »
aux gens. Maintenant, c’est terminé !
Si l’attitude de quelqu’un me pose un
problème, je le lui dis en face. Ainsi,
ce n’est plus ma responsabilité et
chacun s’occupe de régler ses problèmes.
C’est ce qui s’est passé avec notre
premier bassiste, David Kimbro.
C’est un mec très gentil, que j’apprécie
beaucoup sur le plan humain, mais
qui ne fait aucun effort pour bosser
son instrument. Je l’ai mis en garde à
maintes reprises, mais n’ai constaté
aucun progrès dans son jeu. J’ai donc
pris la décision qui s’imposait. Nous
avions de grosses tournées à accomplir
et j’avais vraiment besoin de quelqu’un
de fiable.
Vous avez débuté à quatre, puis un
deuxième guitariste (et ancien
Spellcaster) vous a rejoints…
Oui, j’ai recruté Cory Boyd afin de
pouvoir me concentrer exclusivement
sur le chant. Avant qu’il ne nous
rejoigne, je me sentais prisonnier
derrière mon pied de micro. Je ne
pouvais rien faire sur scène !
Actuellement, j’ai une bonne équipe
à mes côtés et tout se déroule bien.
Tout le monde comprend et respecte
le fait que Idle Hands soit mon bébé.
Chacun assure ses parties du mieux
qu’il peut et nous bossons tous
ensemble, en équipe. Nous avons
tous suffisamment d’expérience
pour pouvoir nous entraider. Il n’y a
pas d’égoïsme et, dans l’absolu,
je rencontre beaucoup moins de
problèmes qu’au sein des groupes au
sein desquels je suis passé auparavant.
Parlons un peu musique. Comment
t’est venue l’idée de combiner heavy
metal et rock gothique ?
A vrai dire, cela n’a jamais été mon
intention. Je tenais à assurer le chant
car j’avais une vision très précise de
ce que je voulais, et je ne voulais pas
prendre le risque de déléguer mes
mélodies à quelqu’un qui risquait de les
massacrer ou de trahir mon intention
première. A un moment donné, j’en ai
vraiment eu marre de devoir compter
sur les autres pour tout. J’ai donc
décidé de prendre le micro, mais il se
trouve je suis incapable de chanter
haut. J’ai donc cherché à m’exprimer de
la façon la plus authentique et sincère
possible, et voilà ce qui en est sorti.
C’est une sorte d’accident heureux !
Beaucoup de gens ont comparé ma
voix à celle de Robert Smith, mais en
réalité, je ne connaissais que très peu
The Cure. C’est en voyant que ce nom
revenait sans cesse dans les chroniques
de nos travaux que j’ai décidé d’écouter
la discographie du groupe, qui est
excellente. Cette comparaison est très
flatteuse ! Le fait d’être classé dans la
catégorie « rock gothique » ne me pose
aucun problème car j’aime ce genre de
musique, mais nous ne ferons rien pour
nous conformer à cette étiquette que
nous n’avons jamais revendiquée.
L’une des choses qui frappe d’entrée
de jeu est l’unicité du format de vos
chansons, qui ne dépassent jamais les
quatre minutes. Pourquoi ce choix ?
Je déteste le remplissage. J’ai passé
des années dans un groupe qui adorait
faire des introductions à rallonge.
Il fallait parfois attendre une bonne
minute trente avant qu’un morceau
ne démarre. Pourquoi faire ça ? Si le
passage sert à instaurer une ambiance,
d’accord, mais trop de groupes délayent
et rallongent la sauce à outrance.
Ils se justifient en évoquant une
pseudo-raison artistique, mais ce sont
des conneries ; la vérité, c’est qu’ils
n’ont pas assez bossé leurs morceaux
et répètent les riffs en boucle pour
masquer leur manque d’inspiration.
Je ne parviens pas à comprendre cette
démarche. Mon but personnel est d’en
dire le plus possible dans un canevas
JE DÉTESTE LE REMPLISSAGE. AVEC
NOUS, PAS D’INTERLUDES INUTILES.
SI TU N’AIMES PAS UN TITRE, PASSE
AU SUIVANT ! (GABRIEL FRANCO)
restreint. Chaque morceau doit être
capable de dire des milliers de choses
en un instant, comme un tableau.
Trop de musiciens oublient d’écrire
des « chansons », avec des structures
simples et de vraies intentions. Avec
nous, pas d’interludes inutiles. Si tu
n’aimes pas un titre, passe au suivant !
Idle Hands a réussi à générer beaucoup
d’attention et à tourner en Europe à
deux reprises alors qu’il n’avait qu’un
EP à son actif. Comment t’expliques-
tu ce démarrage en trombe ?
Il n’y a pas de recette miracle : il faut
du travail acharné, de la persévérance,
et une petite pincée de chance. Dès la
sortie de notre EP, j’ai dit à un ami
promoteur que j’étais prêt à me frotter
aux scènes européennes et à tourner
pendant cent jours d’affilée. Au début,
nous avons ouvert pour Haunt dans des
clubs minuscules, mais ensuite, nous
avons rejoint la tournée de Gaahl’s
Wyrd et Tribulation. C’était
complètement dingue !
Vous êtes actuellement en tournée
avec King Diamond. Comment les
choses se déroulent-elles ?
Très bien. Rien à voir avec l’angoisse
que j’avais ressentie au moment de
rejoindre Tribulation. A l’époque,
Idle Hands n’avait donné que treize
concerts en tout et pour tout !
Désormais, nous avons plus
d’expérience. J’étais tout de même très
nerveux au moment du concert de
Dallas, qui ouvrait la tournée, mais
King Diamond lui-même est venu dans
nos loges pour nous rassurer et nous
dire qu’il adorait notre musique, qu’il
était ravi de nous avoir en première
partie et que tout irait bien. C’était très
cool de sa part ! Au départ, son équipe
nous observait avec un peu de
méfiance, ce qui est plutôt
compréhensible. Je pense qu’elle se
demandait : « Qui est ce tout petit
groupe ? Est-ce que les mecs vont boire
comme des trous et mettre le bordel en
coulisses ? Peut-on leur faire confiance ? »
Heureusement, avec Idle Hands,
« professionnalisme » est le maître-mot.
La musique passe toujours avant tout le
reste. Maintenant, tout le monde nous
connait et tout fonctionne à merveille.
Il nous a simplement fallu prouver à
ces mecs que nous méritions leur
confiance.
Quelles sont les nouvelles du
successeur de Mana ?
Je dispose de onze chansons,
auxquelles ne manquent que les
paroles. Je suis capable d’écrire un
morceau assez rapidement, mais la
rédaction des textes me prend toujours
un temps fou ! Je pense que nous
entrerons en studio en juin prochain
et publierons l’album en début d’année
2021. A vrai dire, je ne veux pas trop
m’avancer sur ce point car il y a des
chances que nous changions de label.
Les négociations sont en cours et
nous nous adapterons au programme
de la maison de disques qui nous
signera. Dans tous les cas, nous allons
aussi passer beaucoup de temps sur
les routes l’année prochaine. Nous
donnerons au moins un concert en
France, qui sera bientôt annoncé et
qui se déroulera, si mes souvenirs sont
exacts, en août.
Penses-tu changer de direction
musicale avec ce deuxième recueil ?
Oui… Et non ! (rires) Ce sera toujours
du Idle Hands, mais la production ne
sera pas la même. Les paroles seront
différentes et plus agressives que celles
de Mana car je ne suis déjà plus tout à
fait la même personne que lorsque j’ai
composé cet album. La batterie sera
également plus présente et offensive,
et les parties de chant plus expressives
que jamais. Ceux qui n’aimaient pas
mes « cris » sur le premier album en
seront pour leurs frais ! Les morceaux
seront toujours courts et efficaces,
mais plus riches et orchestrés. Il y aura
des guitares claires, mais aussi du
piano de temps à autre. Ça va être
cool ! Je sais que mon opinion est
biaisée, mais je suis très exigeant
envers moi-même et pousse très loin
l’auto-analyse. Et je peux vous dire
que j’adore vraiment le matériel dont
je dispose à ce stade ! Y
31
 Propos recueillis par Emmanuel Hennequin - Interview via Skype réalisée le 5 décembre 2019
La maison du chanteur/guitariste Henri Sattler, qui dit « vivre au milieu de nulle part », héberge désormais son propre
studio. C’est ici qu’a été pensé et enregistré (hors les batteries) le nouvel opus des Néerlandais de God Dethroned, au
moins aussi beau en son que l’est sa formidable pochette signée d’un vieux fan du groupe : Michał « Xaay » Loranc.
Illuminati est un disque à l’ambiance fascinante, hanté par la présence d’entités secrètes et pétri d’obsessions franc-
maçonnes. Suivez notre regard. Sattler, plus qu’affable, parle à Rock Hard.
Rock Hard : Que représentent les qui a représenté une forme de liberté Non, parce que Dave nous a rejoints avant la tournée, alors qu’il avait
Illuminati pour toi ? en Allemagne il y a plusieurs siècles : après la fin des enregistrements connaissance de ce projet depuis trois
Henri Sattler : Je m’intéresse résistance et liberté face à l’oppression principaux d’Illuminati. Mike Ferguson mois. Ce n’était pas une attitude très
profondément à la franc-maçonnerie de l’Eglise. Je m’y reconnais, c’est en était avec nous depuis début 2015. professionnelle. Nous avons donc dû
et aux travaux d’Aleister Crowley. ligne avec ce qu’est le groupe. Nous avons fait l’album avec lui ; il a trouver un guitariste de remplacement
Ce que j’aime chez les Illuminati, d’ailleurs eu de grandes idées, mais pour le live… et ça a été Dave. Un
c’est surtout ce qui les entoure : le Dave Meester, ex-Apophys, est lorsque nous avons eu l’opportunité de excellent musicien, agréable en
halo de mystère. Personne ne sait qui le nouveau guitariste de God tourner avec Suffocation et Belphegor, tournée. Lui proposer le poste a été
ils étaient ou s’ils existent encore, Dethroned. Cela a-t-il créé un il n’a pas montré d’intérêt : il n’aimait logique. Il était peu probable que
alors j’ai évidemment fait des recherches contexte différent de celui que tu pas trop les groupes, disait ne pas Mike se redécouvre l’envie de tourner
sur eux. C’est un ancien ordre, et plus connaissais auparavant en termes éprouver un réel plaisir à tourner... dans le futur, et nous ne voulons plus
que de la simple franc-maçonnerie, de composition ? et il nous annonce ça trois semaines prendre les gens pour de la prestation

32

De g. à d. : Michiel Van Der Plicht,
Dave Meester, Jeroen Pomper & Henri Sattler
temporaire. Permuter les musiciens
est épuisant et nous préférons
impliquer nos partenaires jusqu’au
bout. Heureusement pour Dave,
l’album n’était pas totalement achevé,
et il était encore temps d’enregistrer
GENRE
. Melodic black/death metal
LE GROUPE
. Henri Sattler (chant, guitare)
. Mike Ferguson
(guitare studio)
. Dave Meester (guitare)
. Jeroen Pomper (basse)
. Michiel Van Der Plicht
(batterie)
des soli de guitare, entre autres. Il a
demandé s’il pouvait poser les siens,
et je suis heureux qu’il l’ait fait. Il a
mis un peu de sa vie dans Illuminati,
c’est le début de notre union.
La relative dégradation des rapports
avec Mike n’a donc pas nui à la
conservation de ses parties
principales pour l’album ? On a pu
voir cela arriver pour d’autres
groupes, faisant réenregistrer les
parties d’un démissionnaire par un
nouveau venu…
Non, il n’y a jamais eu de problèmes
sur ce plan. Lorsque je lui ai dit
« Pardonne-moi Mike, c’est juste
terminé », il l’avait senti venir. Et il l’a
accepté facilement – trop, à mon goût
(sourire attristé). Ça ne devrait pas être
si facile que ça. Si ça l’est, c’est que
la personne n’est pas aussi heureuse
que tu l’espères. Alors, quand une
relation d’amour ou de travail se
termine et que cette fin est le fruit
de la décision de quelqu’un d’autre,
tes émotions doivent trouver un
endroit où se poser. Mais je ne suis
pas négatif à propos de Mike. C’est
un excellent guitariste, un mec cool.
Cela dit, si tu as un guitariste et que
tu dois en plus en trouver un autre
pour tourner à chaque opportunité de
tournée, ça ne peut pas marcher.
J’espère qu’il acceptera au final que
c’était la meilleure décision à prendre
pour que le groupe ait une chance de
continuer. Notre différend ne concerne
que la manière de prolonger les
affaires pour God Dethroned. Tu sais,
un groupe a une constitution fragile.
Tout y est basé sur l’émotion, les
musiciens sont des êtres émotionnels.
Il faut remercier Mike pour la qualité
de ce qu’il a fait sur ce disque. Tous
les crédits lui sont portés, et ce n’est
que justice.
Il faut une certaine sagesse pour
parler comme tu le fais…
Je suis dans le business depuis trente
ans.
La sagesse est donc possible dans
le metal (Ndlr : il sourit) Mais
revenons à Illuminati. C’est l’un des
disques présentés comme les plus
« ouverts » de God Dethroned. Est-
ce que ce besoin d’ouvrir et de
mélodie s’est ressenti dès le début
du travail, ou les choses se sont-
elles posées ainsi ?
Pour être honnête, il n’y a jamais
de grand plan dans God Dethroned.
Le cycle se répète : nous jouons live
parce que nous aimons ça. Arrivés à
un certain point, quelqu’un nous dit
que nous avons besoin d’un album :
notre label, notre manager, notre
. The World Ablaze (2017)
SITE INTERNET . Illuminati (2020)
www.facebook.com/
goddethronedofficial/ ARTICLES RH
RH N°21, 38, 61, 104, 176 & 205
ALBUMS
. The Christhunt (1992)
. The Grand Grimoire (1997)
. Bloody Blasphemy (1999)
. comme « Satan Spawn ». C’est un
Ancient Ones (demos – 2000)
. Ravenous (2001)
. Into The Lungs of Hell (2003)
. The Lair Of The White Worm (2004)
. The Toxic Touch (2006)
. Passiondale (Passchendaele) (2009)
. Under The Sign Of The Iron Cross
(2010)
agent. Dixit ce dernier : « Les festivals
de l’année prochaine arrivent. Il serait
bon de faire celui-ci ou celui-là, mais
sans nouvel album, ça va être compliqué.
Ce serait une bonne idée de retourner en
studio ! ». Et là, tu te retrouves avec
une date butoir fixée à quelques mois.
Mais nous le faisons. Et à la différence
d’une certaine période, sur les dernières
années, les autres membres participent
beaucoup. Ça a été le cas de Mike sur
Illuminati, mais Jeroen Pomper, notre
bassiste, apporte lui aussi de plus en
plus d’idées. Je me retrouve avec des
choix à faire entre les miennes et
celles des autres, et cette matière
nous permet de créer nombre de
mélodies fortes, sur une période
courte. La mélodie a toujours été
importante pour moi. J’écoute du rock
depuis mes treize ans : j’ai commencé
par Golden Earring avant de me
plonger dans Kiss, Metallica, Slayer,
et puis le death metal avec Entombed,
Bolt Thrower, Death… Mais si mon
écriture s’est ancrée dans ces choses
extrêmes, je ne peux me défaire de la
mélodie : une donnée fondamentale
en musique pour moi, un critère
qualitatif. Il y a donc des éléments
typiques de notre style sur le nouvel
album, mais aussi pas mal de nouveautés.
Les claviers, par exemple, marquent
davantage Illuminati ; ils créent une
LES MUSICIENS SONT DES ÊTRES
ÉMOTIONNELS (HENRI SATTLER)
atmosphère. Il y a aussi plus de
diversité dans l’approche de la voix,
du chant clean au grunt.
C’est ce qu’on ressent lors des
premières écoutes : un côté très
détaillé.
100% d’accord. Et plus tu écoutes
l’album, plus tu découvres de détails.
Il y a beaucoup de couches dans le
son.
The Stooges n’auraient jamais
procédé de la sorte, je te le dis !
(Rires) Pour leur bien comme pour le
nôtre !
Et vous avez fait tout ça sur un
temps très ramassé, en plus. Vis-tu
la pression comme une contrainte ?
Oui et non, elle fait plutôt partie du
jeu. Je ne pourrais pas travailler sans
pression. La deadline nous force à
finir… mais à quel prix ! A la fin,
je me sentais presque mort. Si on
m’avait dit « tu vas crever la semaine
prochaine », je crois bien que je
l’aurais cru ! La pression te force à
concentrer l’énergie, surtout si tu
veux ouvrir le champ. Aimes-tu les
morceaux plus lents autant que les
autres ?
Oui. On sent la dimension
cinématographique de l’album.
Il y a un flux à l’intérieur du disque,
perturbé par quelques secousses
univers.
Je te rejoins complètement et cela
découle de la manière dont nous
avons construit le track-listing, en
nous mettant à la place de l’auditeur.
Nous voulions le plonger dans une
tension aléatoire, qui lui raconte
quelque chose et, j’espère, crée un
désir. C’est un voyage.
En France, le mystère social autour
de la franc-maçonnerie s’est dilué :
on peut apprendre qu’untel ou untel
est franc-maçon sans qu’il le
revendique publiquement. Pour
autant, difficile de pénétrer la
réalité franc-maçonne. L’ambiance
d’Illuminati projette-t-elle ton seul
imaginaire ou prend-elle source
dans des discussions que tu aurais
eues avec des membres de ces
groupes secrets ?
Les nouveaux contenus sont nés de
mon intérêt personnel pour la franc-
maçonnerie, les Illuminati et tout
cela. J’ai pensé moi-même devenir
franc-maçon. Plusieurs sociétés
secrètes existent dans les environs de
ma demeure. Ce qui peut s’y passer
est un socle de mon imaginaire. Or,
j’ai besoin de rester créatif. Je ne sais
pas si le fait de devenir membre de la
maçonnerie serait bénéfique à ma vie,
et je le ferais peut-être si j’en étais
sûr… Pour l’heure, c’est juste que son
mystère provoque mon intérêt : je me
fais mon propre film et je le formalise
en musique.
Cette musique peut avoir un côté
cryptique. Tes textes aussi, parfois.
Sans doute – mais si certains les
trouvent vagues, ils doivent lire entre
les lignes. S’y cache, par exemple,
une ferme opposition à toute stratégie
d’abus. Les abus de pouvoir et les
abus sexuels commis par l’Eglise ne
sont qu’un exemple. Je n’ai rien
contre les croyances, ni contre ceux
qui croient – c’est une dimension
personnelle de la vie – mais j’ai tout
contre les manipulations et les
horreurs que produisent les abus de
pouvoir. Certains hommes de Dieu
s’avèrent paradoxalement être des
porteurs de malheur.
Henri, tu es luthier et tu as monté
la compagnie Serpent King Guitars.
Utilises-tu toujours des modèles
de ta fabrication sur tes
enregistrements ?
Henri Sattler : Oui car c’est là
cohérent : si je ne suis pas capable
de fabriquer des guitares pour moi,
je ne le serai certainement pas pour
les autres (sourire). Je fais ça depuis
toujours et j’amène aussi de nouveaux
instruments sur scène avec moi.
Parmi ceux qui me contactent,
on compte beaucoup de musiciens
heavy, ce qui fait sens là encore.
Récemment, Frank Blackfire de
Sodom m’a demandé un modèle et a
joué avec au Knotfest, au Costa Rica.
Il avait l’air heureux ! Mais d’autres
scènes musicales lorgnent aussi sur
mes modèles : des musiciens issus
du rock, du blues. Je suis réellement
honoré par la qualité de cette
demande. Y
33
 Propos recueillis par Benji - Entretien téléphonique réalisé le 04 décembre 2019
Bien que malmené, ces trois dernières années, par des changements de line-up à répétition, Magnum et ses deux piliers,
le chanteur Bob Catley et le guitariste Tony Clarkin, ne semblent pas du tout prêts à raccrocher les gants, comme en
témoigne The Serpent Rings, leur 21ème album. Rien que ça ! L’occasion de donner une nouvelle fois la parole à Monsieur
Clarkin, principal compositeur et âme du groupe. Et ce, même si la France n’est une nouvelle fois pas au menu des 44
concerts européens du combo prévus entre mars et mai 2020…
Rock Hard : Le bassiste Al Barrow a il n’y a absolument aucun problème Je l’aime beaucoup, mais c’est sa premier membre non britannique du
quitté Magnum en juin dernier. Pour entre nous. D’ailleurs, il est toujours décision. Il n’y a rien à faire ou dire groupe, n’est-ce pas ?
quelles raisons ? impliqué au sein du groupe, puisqu’il contre ça. (Il réfléchit) Euh, oui, tu as raison, en
Tony Clarkin : Al vit aux USA depuis s’occupe de gérer nos médias sociaux. effet !
des années, et le fait de tourner et Son successeur est loin d’être un
d’enregistrer avec nous, principalement Al et toi avez joué pas moins de 22 inconnu, puisqu’il s’agit de Dennis Dennis a été impliqué en tant que
en Europe, avait pour conséquence ans ensemble, tant au sein de Magnum Ward (ex-Pink Cream 69, Unisonic, guitariste, bassiste et producteur sur
qu’il était trop souvent loin de sa que de Hard Rain, le groupe que tu Place Vendome, et producteur, entre Immortal, l’album solo que Bob
femme. Alors, il nous a dit qu’à avais formé entre 1996 et 2000, autres, d’Angra, Krokus, Silent Catley (Ndlr : chanteur de Magnum)
présent, il aspirait à passer plus de après la séparation momentanée de Force, Sinner…). Il est basé en a publié en 2008. Est-ce ce dernier
temps auprès d’elle. Il nous a prévenus Magnum… Allemagne depuis plus de 35 ans, qui a suggéré de recruter Dennis ?
à l’avance, de façon propre et posée, C’est tout à fait exact. Un sacré bail ! mais est américain. Il s’agit du Non, ça ne s’est pas passé ainsi. Nous

34
 groupe en général. Nous lui avons
demandé si, par hasard, il connaissait
quelqu’un qui pouvait convenir, et,
quasi immédiatement, il nous a
recommandé Dennis. Nous avons donc
pris contact avec ce dernier qui, très
vite, nous a dit qu’il serait honoré de
jouer avec nous. Après, c’est assez
particulier : je n’avais jamais rencontré
Dennis. Comme d’habitude, nous avons
débuté l’enregistrement du nouvel
album en Angleterre, dans mon home-
studio, avant d’investir un studio
professionnel. Les guitares, les
claviers, la batterie et le chant ont été
captés là-bas, puis nous avons envoyé
le tout à Dennis, qui a travaillé et
enregistré ses parties de basse et de
chant chez lui, en Allemagne. A
réception de son boulot, nous avons
mixé et masterisé tout ça. Il a fallu
attendre que nous soyons réunis pour
les nouvelles sessions-photos pour que
nous nous rencontrions enfin ! (rires)
C’était un risque de procéder ainsi !
Imagine que, lors de cette première
rencontre, tu te sois aperçu
qu’humainement, ça ne le faisait
pas du tout !
Il y avait un peu de ça, c’est vrai. Bon,
musicalement, j’avais un peu étudié ce
qu’il avait fait par le passé avant même
de lui proposer le poste. Alors, de ce
J’AI JUSTE PEUR, AVEC L’INFLUENCE ET LE POUVOIR
QU’ONT LES RÉSEAUX SOCIAUX DE NOS JOURS, QUE DES
GAMINS SE FASSENT EMBOBINER PAR LE MÊME TYPE DE
CINGLÉS QUE DAVID KORESH (TONY CLARKIN)
côté-là, je n’étais pas inquiet car
j’aimais tant son jeu de basse que son
chant. Après, nous avons bien
évidemment été en contact par e-mails
interposés à de nombreuses reprises
durant la gestation de l’album, et lors
de ces sessions personnelles. J’avais
donc déjà une idée de son caractère.
Et heureusement, cette impression
positive s’est confirmée lorsque nous
avons enfin pu passer du temps
ensemble. Mais c’est vraiment la
première fois que ça se passe ainsi
dans ma carrière !
Dennis est un producteur confirmé.
Tu t’es chargé de la production d’une
De g. à d. : Lee Morris, Rick Benton, majorité des albums de Magnum, et
Tony Clarkin, Dennis Ward & Bob Catley c’est encore le cas avec The Serpent
Rings. Néanmoins, Dennis a-t-il émis
un avis à ce sujet ou soumis des
cherchions un bassiste compétent, bien idées que tu as retenues ?
sûr, mais aussi un gars qui soit capable Il n’a pas été impliqué de façon directe. péri dans l’incendie de leur résidence de
de chanter les chœurs, en studio comme Je sais qu’il est très expérimenté en
sur scène. Nous avions quelqu’un en la matière, mais j’imagine que si
vue, mais ça n’a pas fonctionné. Tobias quelqu’un sait comment Magnum
Sammet (Edguy, Avantasia) est, comme doit sonner, c’est moi. Après, j’écoute
tu le sais, un grand ami de Bob et du toujours l’avis des musiciens en ce qui
. Rock Art (1994)
GENRE SITE INTERNET . Breath Of Life (2002)
. Hard rock mélodique www.magnumonline.co.uk . Brand New Morning (2004)
. Princess Alice And The Broken
LE GROUPE Arrow (2007)
ALBUMS . Into The Valley Of The
. Bob Catley (chant)
. Kingdom Of Madness (1978) Moonking (2009)
. Tony Clarkin (guitare) . Magnum II (1979) . The Visitation (2011)
. Marauder (live – 1980) . On The 13h Day (2012)
. Dennis Ward . Chase The Dragon (1981) . Escape From The Shadow
(basse, choeurs) . The Eleventh Hour 1983) Garden (2014)
. Rick Benton (claviers) . On A Storyteller's Night (1985) . Sacred Blood Divine Lies
. Vigilante (1986) (2016)
. Lee Morris (batterie) . Wings Of Heaven (1988) . Lost On The Road To Eternity
. Goodnight L.A. (1990) (2018)
. Sleepwalking (1992) .
The Serpent Rings (2020)
concerne des détails qui pourraient
m’échapper, ou même les conseils ou
« petits trucs » des producteurs soi-
disant experts (Ndlr : Tony fait
probablement allusion à Keith Olsen, avec
qui il avait collaboré sur Goodnight L.A.
en 1990) Chaque musicien a sa propre
idée de la façon dont il doit sonner et
n’hésite pas à faire entendre ses idées,
mais au final, il faut bien que
quelqu’un prenne les décisions. Et
dans le cas de Magnum, il s’agit de
moi. Si cinq gars donnent leurs avis et
que personne n’est désigné pour
trancher, c’est toujours le bazar.
The Serpent Rings est votre 21ème
album studio. Tu as écrit presque
100% des musiques et des textes de
ces albums. Est-ce difficile pour toi
de te renouveler, de ne pas te copier ?
Ce n’est pas évident, en effet. Je demande
toujours à Bob de me dire s’il trouve
qu’une mélodie ou qu’un riff ressemble
trop à quelque chose que j’ai pu pondre
dans le passé. Bob ayant une très
bonne oreille musicale, il est capable
de se souvenir de trucs que j’ai oubliés
depuis belle lurette. Sheena Sear, l’une
des ingénieurs du son des M2 Studios,
où nos albums sont enregistrés depuis
bien longtemps, a aussi une incroyable
facilité à se souvenir de nos vieux
titres, et elle n’hésite jamais à me
dire si elle trouve que ce que je
propose lui rappelle un vieux morceau,
une ancienne mélodie. Evidemment,
dans ce cas de figure, je change le
passage en question ! Ces deux-là sont
en quelque sorte mes garde-fous à ce
sujet.
L’un des titres de ce disque,
« Madman Or Messiah », fait
référence aux soi-disant « gourous »
et à leur influence néfaste sur des
gens crédules ou en position de
faiblesse… Mais peut-il être aussi
appliqué à certains politiciens ?
Hum, non, pas vraiment. Ce n’était pas
ce que j’avais à l’esprit. Je pensais
plutôt à des gars comme David Koresh,
le leader du « groupe religieux » des
Davidiens, et à l’issue horrible qu’on
connaît (Ndlr : le 19 avril 1993, Koresh
et 82 membres de sa communauté ont
Waco, au Texas, suite à un assaut donné
par le FBI. La thèse d’un suicide collectif
a été maintenue par ces derniers…)
J’ai récemment regardé un très bon
reportage à ce propos nommé Waco :
Madman Or Messiah
(2018). C’est né
ARTICLES RH
RH N°65, 90, 106, 124, 141, d’une simple question
162, 183 & 205 que lui a posée un
journaliste, lui
demandant s’il se
considérait comme
un messie. Il a d’abord
répondu ne pas
savoir… avant de
s’autoproclamer plus
tard comme « le
messie ». J’ai juste peur, avec
l’influence et le pouvoir qu’ont les
réseaux sociaux de nos jours, que des
gamins se fassent embobiner par le
même genre de cinglé.
La première partie d’« House Of
Kings » est quant à elle une des plus
agressives de votre répertoire, Bob
y chante avec une rage qui ne lui
ressemble pas, alors que la deuxième
partie est bien plus légère, avec des
parties de piano et de trompette !
C’est un morceau vraiment spécial…
Au départ, j’envisageais ce morceau
dans une veine plutôt blues-rock, avec
une inspiration venant de Muddy
Waters. C’est une chanson assez
simple qui a évolué de façon un peu
bizarre, c’est vrai. Et en effet, Bob y
délivre une de ses prestations les plus
dures, ce qui est parfait pour
l’ambiance.
La pochette de The Serpent Rings
a une nouvelle fois été confiée à
l’artiste Rodney Matthews, avec
lequel vous collaborez depuis de très
nombreuses années. Elle est truffée
de petits détails rappelant votre
passé, comme souvent avec ses
fresques. Nous avons noté sur les
4 piliers qui se trouvent derrière
le personnage principal des signes
qui s’apparentent à des lettres…
Peux-tu nous en dire plus ?
En réalité, si tu regardes bien, il y
a non pas 4, mais 5 lettres sur la
pochette, 4 sur les piliers, et une juste
devant le personnage, par terre. Elles
désignent chacune un élément : terre,
eau, feu, air et éther (Ndt : earth, water,
fire, air, aether).
Un sujet un peu sensible pour finir :
tu n’es pas sans savoir que depuis
peu, Mark Stanway, votre ancien
claviériste avec lequel vous vous êtes
séparés en 2017 avec une certaine
animosité, a fondé un groupe nommé
Kingdom Of Madness, du titre de
votre premier album (1978), sur
lequel il ne joue pas. Outre Mark,
il est partiellement constitué de
plusieurs anciens membres de
Magnum, et en live, ils ne jouent que
des titres de Magnum. Qu’as-tu à
dire à ce sujet ?
Au tout départ, j’avoue que ça m’a
agacé. Mais aujourd’hui, je m’en fous.
Il ne joue que dans de petits lieux, ça
ne me dérange pas… Le seul truc qui
m’a ennuyé, c’est qu’il y a quelque
temps de ça, Mark s’est fendu d’un
long message sur sa page Facebook,
disant que j’avais écrit des textes sur
notre album précédent (Lost On The
Road To Eternity/2018) à son sujet.
Franchement ! J’ai des choses bien plus
intéressantes à faire que d’écrire des
morceaux sur lui ! C’est vraiment
ridicule. Ceci dit, il me semble que déjà
trois des membres du « groupe » aient
quitté le navire, alors… Y
35
 GENRE
. Heavy rock
LE GROUPE
. Mr. Lordi (chant)
. Amen (guitare)
. Hiisi (basse)
. Hella (claviers)
. Mana (batterie)
SITE INTERNET
www.lordi.fi
ALBUMS
. Get Heavy (2002)
. The Monsterican Dream
(2004)
. The Arockalypse (2006)
. Deadache (2008)
. Babez For Breakfast (2010)
. To Beast Or Not To Beast
(2013)
. Scare Force One (2014)
. Monstereophonic (Theaterror
vs. Demonarchy) (2016)
. Sexorcism (2018)
. Recordead Live – Sextourcism
in Z7 (live – 2019)
. Killection (A Fictional
Compilation Album) (2020)
ARTICLES RH
RH N°40, 57, 82, 102, 130,
148, 188 & 205

De g. à d. : en haut : Mana, Mr. Lordi & Amen.

En bas : Hiisi & Hella
36

Concept saugrenu et génial que celui de Lordi pour son Killection : proposer une fausse compilation de morceaux,
tous enregistrés dans les conditions qui étaient celles que proposaient les studios des années 70, 80 et 90, comme
si le groupe avait réellement traversé ces époques. « J’ai passé la journée à répondre à des interviews et je suis
encore à l’heure, alors que d’habitude mon planning est rapidement chamboulé ! » nous confie Mr. Lordi, néanmoins
aussi bavard qu’à son habitude.
Rock Hard : Chaque fois que je
t’interviewe, je te demande quand
sortira ce fameux morceau
originellement intitulé « Cut Off
My Head » et composé avec Bruce
Kulick (Ndlr : guitariste de Kiss
de 1985 à 1997) ?
Mr. Lordi : (Rires) Je ne sais toujours
pas ! Mais je te dois te dire que j’y ai
pensé lorsque nous bossions sur ce
nouvel album. Il aurait pu y trouver
sa place, mais son tempo est trop
lent. Ce n’est pas une ballade, mais
un morceau assez heavy (il chantonne
son riff). Or, j’étais à la recherche de
titres plus rentre-dedans.
En fait, je te posais cette question
car j’étais presque sûr qu’il s’agissait
du nouveau morceau « Like A Bee
To The Honey », qui est très proche
de Kiss…
Non ! Mais sache que cette chanson
est la première de l’histoire de Lordi
qui n’a pas été écrite ou co-écrite par
moi ou un autre membre du groupe !
Il s’agit en effet d’un titre composé
par Paul Stanley (Kiss) et Jean
Beauvoir (Ndlr: musicien et compositeur
américain qui a travaillé avec Kiss à
plusieurs reprises) ! Ce morceau sonne
comme s’il avait été écrit dans les
années 80 car c’est précisément le
cas ! Il n’a pas été directement
composé pour un album de Kiss, Paul
et Jean l’ont conçu entre Crazy Nights
(1987) et Hot In The Shade (1989),
mais il aurait très bien pu figurer sur
ces derniers. Il faut savoir que ce
titre fait partie des très rares que
Paul Stanley n’a jamais sortis, de
quelque manière que ce soit. Aucun
fan de Kiss, ou presque, ne l’a entendu
auparavant. Alors, imagine l’état dans
lequel je suis, moi qui suis fan du
groupe et qui ai eu, en plus, la chance
de l’enregistrer et de le sortir ! C’est
carrément incroyable ! Nous avons
vraiment essayé d’être aussi fidèles
que possible à l’original afin que
notre version sonne vraiment comme
si nous étions en 1988 ou 1989 : les
claviers sont très proches de ceux de
la démo, la seule différence étant ma
voix, forcément ! (rires) J’ai simplement
changé l’accordage car je ne suis pas
capable de chanter aussi haut que
Paul. Pour le reste, même le solo de
saxophone est rigoureusement
identique à celui de la démo. Sur
notre album, il est joué par Michael
Monroe (Hanoï Rocks) !
Comment avez-vous réussi ce tour
de force ?
Notre guitariste, Amen, est un bon
ami de Jean, depuis des années. Cela
faisait un moment qu’ils voulaient
écrire quelque chose ensemble.
En février ou mars dernier, Jean a
contacté Amen pour lui dire qu’il
venait bientôt en Finlande dans le
cadre d’une expo consacrée à Kiss.
Amen m’a proposé que nous nous
Propos recueillis par Guillaume Fleury - Entretien téléphonique réalisé le 16 décembre 2019
rencontrions et que nous écrivions
quelques morceaux ensemble. Nous
en avons composé sept en un jour et
demi ! J’ai expliqué le concept de
notre nouvel album à Jean, l’idée de
tenter un truc qui semblerait issu des
80s. Il m’a répondu : « Pourquoi ne
pas plutôt prendre quelque chose qui a
VRAIMENT été écrit à l’époque ? »
Et il a contacté Paul Stanley… qui
lui a donné son accord. Quelle
surprise de la part de ces deux
gentlemen ! Des sept morceaux que
nous avons composés ensemble, un
seul a terminé sur l’album. Il s’agit
de « Scream Demon », une sorte de
rencontre entre Alice Cooper et le
« Wild Boys » de Duran Duran. Les six
autres étaient trop dans le même style,
ce qui ne collait pas avec le concept
initial consistant à proposer des titres
différents les uns des autres.
Le concept de l’album est en effet
original et amusant, surtout quand
on sait que Lordi puise régulièrement
dans de vieilles démos qui ont
parfois vingt ans. Plusieurs idées
censées dater des années 90
NOUS SOMMES PLUS OU MOINS
PRISONNIERS DE NOTRE PROPRE CAGE
(MR. LORDI)
viennent-elles vraiment de cette
époque ?
Le piano et tout ce qui ouvre
« Apollyon » – avant le premier
couplet –, ainsi que son refrain,
sont des choses que j’ai écrites avant
que Lordi n’existe, en 1992 ou 1993.
J’expérimentais des choses dans la
veine des musiques de films ou
d’albums comme Music From The
Elder (1981) de Kiss. Je n’y ai rien
changé, tout est exactement comme
je l’ai écrit alors que j’avais moins de
vingt ans. C’est probablement le truc
le plus ancien que nous ayons jamais
utilisé avec l’outro de Deadache
(2008) qui datait de 1986. Sinon,
l’intitulé « I Dug A Hole In The Yard
For You » et la mélodie de ces mots
sur le refrain datent de l’époque The
Monsterican Dream (2004), le reste de
la chanson étant totalement différent.
En parlant des débuts de Lordi,
je n’avais encore jamais écouté les
démos du groupe et j’ai été très
surpris par « Inferno » (Ndlr : présent
sur la démo Napalm Market de
1993) car ce titre est fortement
influencé, en termes de guitares et
de chant, par… Pantera !
Oui ! C’est amusant quand on y pense :
toutes les démos enregistrées avant
notre premier album contenaient
beaucoup de matériel qui sonnait
ainsi et se rapprochait d’ailleurs un
peu de « Shake The Baby Silent » qui
figure sur le nouvel album. Il y avait
là beaucoup de White Zombie, Rob
Zombie, Pantera et King Diamond.
Je n’étais pas uniquement influencé
par le hard rock mélodique de Kiss,
Twisted Sister et Alice Cooper.
Mais, lorsque Get Heavy est sorti en
2002, notre label et nous en avons
sélectionné les morceaux afin de
proposer quelque chose de frais, un
nouveau gimmick. C’est ce qui a
scellé le style de Lordi, plus sauvage
et flashy que ce que nous pouvions
parfois faire avant. A l’époque de The
Monsterican Dream (2004), j’ai essayé
d’insérer des éléments différents
dans notre musique, mais notre label
a refusé : « Restons-en aux années
80 ! ». Les années passant, nous nous
sommes enfermés dans ce style. Nous
sommes plus ou moins prisonniers de
notre propre cage. Nous avons créé
une image musicale heavy rock qui
me plaît, car c’est ma favorite, mais
cela ne signifie pas que nous n’avons
jamais rien fait d’autre. J’aimais aussi
beaucoup le côté théâtral de King
Diamond. Quant à Pantera, ce groupe
a toujours été l’un de mes favoris,
dans mon Top 10, clairement ! Cela
ne surprend pas mes proches, mais
nos fans, qui nous suivent depuis le
premier album, peuvent parfois être
décontenancés. Il faut bien savoir que
tout ce qui termine sur l’un de nos
disques a été sélectionné soit par le
groupe, soit par son label, ou poussé
par le public. Cet état de fait est
d’ailleurs l’une des principales
raisons d’être de notre nouvel effort :
j’étais si frustré de disposer à chaque
fois de trente ou quarante chansons
par album, et qu’au moins l’une
d’entre elles – voire deux ou trois –
que tout le monde trouvait géniale,
parfois même la meilleure de nos
démos, soit mise de côté car elle ne
collait pas avec le son arrêté ! Ça a
vraiment commencé à me gonfler !
Les chansons ne devraient jamais
être esclaves du son, ce devrait être
l’inverse : on sélectionne les
meilleurs titres, puis on travaille la
production pour les servir. Ce fut une
révélation pour moi et je sais qu’il
me sera difficile, à l’avenir, de
recommencer à travailler comme
nous l’avons toujours fait jusqu’à ce
dixième album. Je veux pouvoir faire
une chanson 70s, une 80s, un titre
disco. Cette fois-ci, j’ai pu faire
autant de morceaux différents que
je le souhaitais, dans les styles que
j’adore bien sûr. Certaines personnes
me demandent pourquoi je n’ai pas
carrément poussé vers des trucs du
genre bossa nova ou hip-hop : tout
simplement parce que je trouve que
c’est de la merde ! (rires)
Un morceau possède vraiment,
à mes yeux, une touche très
finlandaise : il s’agit de « Evil »...
Bravo, monsieur ! C’est absolument
vrai ! (rires) Ce titre est inspiré du
groupe finlandais Stone, dont le
premier album remonte à 1988 et le
dernier date de 1991, et qui fut le
premier et le plus gros groupe de
speed mélodique chez nous. J’enjoins
chaque personne qui lit cette
interview et ne connaîtrait pas ce
groupe à l’écouter ! C’est vraiment
unique ! Il y a une mélancolie toute
finlandaise dans les guitares, qui a
été une grosse influence pour de
nombreuses formations de chez nous,
à commencer par Children Of Bodom.
Le détail curieux, c’est que Mikko
Karmila, qui a enregistré et mixé
« Evil », est également celui qui a
enregistré et mixé tous les albums de
Stone ! Lorsque je lui ai fait écouter
ma démo, il a immédiatement deviné :
« Oh ! Putain, ça sonne comme Stone ! »
Bien sûr, quelques petits détails
diffèrent de la façon dont procédait
ce groupe, mais la structure est
vraiment très proche des siennes.
L’intro de l’album est hilarante
avec ces imitations de groupes
cultes qui jouent des morceaux
de Lordi avec leur son. Mais si
j’ai reconnu AC/DC, Judas Priest,
Ozzy Osbourne, King Diamond et
Guns N’ Roses, j’ai buté sur le
cinquième, celui qui reprend « It
Snows In Hell »…
C’est Venom ! Imagine Cronos chanter
ça ! (il l’imite) (rires) J’ai essayé de
coller au son du « Nightmare » de
Venom. Je joue de tous les instruments
sur cette intro que j’ai pris beaucoup
de plaisir à réaliser. Nous avons bossé
cela avec mon coach vocal, qui n’y
croyait pas trop au début. Moi, j’étais
sûr que ça marcherait. J’ai donc
réarrangé plusieurs morceaux de
Lordi, à l’instar de « This Is Heavy
Metal », par exemple, dans le style
du « Painkiller » de Judas Priest.
Je n’ai rien changé aux morceaux si
ce n’est, parfois, les accordages.
La meilleure partie des chants est
celle de mon ami Kari Kilgast, qui
fait des imitations incroyables.
Il avait déjà singé l’acteur Vincent
Price sur la chanson « The House Of
10000 Eyes » du groupe Domination
Black, sur laquelle je faisais une
apparition en tant qu’invité. J’ai
envoyé cette intro à notre ingé-son
live en lui disant que c’était ce qu’il
allait entendre durant les deux
prochaines années ! Il m’a répondu
deux heures plus tard : « Je ne peux
pas m’arrêter d’écouter, j’en pleure de
rire ! ». Mission accomplie ! (rires) Y
37

Après avoir tourné pendant près de trois ans pour célébrer les vingt ans de leur premier opus studio, les violoncellistes finlandais
d’Apocalyptica reviennent aux affaires avec Cell-0, neuvième disque entièrement instrumental. Nous avons retrouvé Perttu
Kivilaakso, interlocuteur chaleureux et prolixe, qui s’est fait une joie de nous présenter l’album en question, dont nous
découvrirons certainement un ou deux extraits sur scène lors du prochain concert parisien du groupe en ouverture de Sabaton
au Zénith de Paris le 7 février prochain.
Rock Hard : Lors de notre
précédent entretien, en février
2015, Eicca Topinen avait
chaleureusement vanté les mérites
de votre nouvelle recrue, le
chanteur Franky Perez (Deadland
Ritual, ex-Scars On Broadway).
Nous sommes donc étonnés de
vous voir revenir à une musique
exclusivement instrumentale avec
votre nouvel album…
Perttu Kivilaakso : Shadowmaker
(2015) était une étape dans notre
carrière. A l’époque, nous voulions
découvrir par nous-mêmes ce que ça
ferait d’avoir à nos côtés un seul et
unique chanteur, avec lequel nous
pourrions enregistrer et tourner,
plutôt que d’avoir recours aux
services de multiples invités.
L’expérience s’est avérée très
gratifiante. Franky nous a
accompagnés de 2014 à 2016,
jusqu’au début de la tournée-
anniversaire des vingt ans de notre
premier album, Plays Metallica By
Four Cellos (1996), un opus
entièrement instrumental, et nous
nous sommes quittés en très bons
termes. D’ailleurs, Franky chantera
sur l’intégralité de notre prochaine
tournée américaine, en mai
prochain. Peut-être les choses
n’étaient-elles pas très claires pour
le public, mais de notre côté, nous
avions pleinement conscience
qu’Apocalyptica finirait par
redevenir un quatuor.
Tu évoques les vingt ans de
votre premier opus. Qui a été
à l’initiative de cette tournée
anniversaire ?
Eicca (Topinen/violoncelle) et moi
avons émis l’idée de donner une
dizaine de shows durant lesquels
nous jouerions cet album en
intégralité. Nous avons dit à notre
manager que nous nous verrions
GENRE
. Metal au violoncelle
LE GROUPE
. . Cult (2000)
Eicca Topinen (violoncelle)
. Paavo Lötjönen (violoncelle)
. Perttu Kivilaakso (violoncelle)
. . Wagner Reloaded (live – 2013)
Mikko Siren (batterie)
SITE INTERNET
www.apocalyptica.com
38
bien, par exemple, faire étape dans
chaque capitale européenne, rien de
plus. Mais à notre grande surprise,
les promoteurs et les fans ont
manifesté beaucoup d’intérêt pour
ce projet : avant même que nous ne
donnions le premier show, cinquante
dates étaient bookées ! Finalement,
cette tournée qui ne devait pas
dépasser les deux semaines nous a
tenus occupés pendant deux ans et
demi, pour un total de concerts
dépassant les 250 ! C’était une joie
pour nous de sentir le public si
enthousiaste ; la majorité des salles
a affiché complet…
N’est-ce pas frustrant, après vingt
ans de carrière, de devoir passer
autant de temps à interpréter des
APOCALYPTICA EST ALLERGIQUE À
TOUTE FORME DE STAGNATION ET SE
REMET CONSTAMMENT EN QUESTION
(PERTTU KIVILAAKSO)
compositions qui ne sont pas
les vôtres ?
Sincèrement ? Non ! Il y a bien
longtemps que nous avons accepté
et intégré le fait que beaucoup
de gens ne verraient jamais
Apocalyptica autrement que
comme « le groupe qui fait du
Metallica au violoncelle ! ». Mais en
même temps, sans cette passion
pour Metallica et cette volonté de
reprendre ses chansons à notre
sauce, le groupe n’existerait même
pas. C’était assez génial de nous
produire dans des salles
magnifiques qui n’accueillent
généralement que des concerts
classiques, et de nous retrouver
devant des parterres de métalleux
ALBUMS ARTICLES RH
. Plays Metallica By Four Cellos
RH N°41, 69, 101, 137, 153 &
(1996) 205
. Inquisition Symphony (1998)
. Reflections (2003)
. Apocalyptica (2005)
. Worlds Collide (2007)
. 7th Symphony (2010)
. Shadowmaker (2015)
. Plays Metallica By Four Cellos - A
Live Performance (live – 2018)
. Cell-0 (2020)
Propos recueillis par François Blanc - Interview réalisée le 27 novembre 2019 à Paris
se retenant pour ne pas bondir
de leur siège ! (rires) Bizarrement,
jouer les riffs de James Hetfield
me ramène à l’essence même
d’Apocalyptica. J’ai renoué avec
mes impressions d’adolescent !
Finalement, au sortir de cette
tournée, nous sommes plus proches
que nous ne l’avons été depuis de
nombreuses années. Cela s’entend
sur Cell-0, qui nous voit retrouver
la liberté musicale de nos débuts.
C’est donc le succès de cette
expérience qui vous a poussés à
revenir à de la musique
entièrement instrumentale ?
Oui, cette tournée nous a donné la
confiance nécessaire pour revenir
aux origines. Il y a une époque où,
avant de commencer à écrire
pour un album, nous commencions
d’abord par réfléchir aux personnes
que nous pourrions inviter. Ça
manquait de spontanéité et ce
n’était pas la bonne façon de
procéder. Heureusement,
Apocalyptica est allergique à
toute forme de stagnation et se
remet constamment en question.
Avec Cell-0, nous avons eu toute
latitude. Hors de question de faire
des titres de 3’30 simplement pour
tenter de nous conformer aux
exigences des radios ! Nous avons
suivi nos envies sans nous inquiéter
de la complexité des structures ou
du caractère imprévisible des
morceaux, et ce fut une expérience
magnifique. C’est aussi pour cela
que nous n’avons pas eu recours
aux services d’un producteur ; j’ose
croire que nous sommes capables
de faire preuve de recul sur nous-
mêmes et notre travail… Cell-0 est
un opus qui conjugue fraîcheur et
nostalgie, ce que je trouve très cool.
Son contenu est très moderne et
plus progressif que ce que nous
avons écrit jusqu’ici, mais on
retrouve aussi des aspects et
sentiments familiers qui ramènent à
l’époque de Cult (2000) ou Reflections
(2003). Je ne sais pas comment le
public va recevoir cet album, mais
notre base de fan était très excitée
par ce côté « retour dans le passé »,
et les premiers titres dévoilés ont
été reçus avec le même enthousiasme.
Il semble que nous soyons sur le bon
chemin ! Peut-être publierons-nous
désormais des albums exclusivement
instrumentaux et garderons les
collaborations avec des chanteurs
pour des singles à part. Nous
verrons !
Vous n’avez donc reçu aucun invité
sur Cell-0 ?
Si, un seul. Il se trouve que je suis
un très grand fan de fantasy et que
je voulais écrire un titre qui rende,
en quelque sorte, hommage à
l’excellente série Game Of Thrones.
C’est dans cet esprit que j’ai conçu
« Fire & Ice », et nous avons proposé
à Troy Donockley de Nightwish de
venir jouer des cornemuses pour
en renforcer l’atmosphère celtique
et médiévale. J’aime le fait que ce
morceau évolue ensuite vers une
partie thrash metal particulièrement
folle et complexe, avec des
rythmiques progressives. C’est un
peu comme sur « En Route To
Mayhem », qui débute de façon très
sensuelle avant de s’énerver avec
un solo échevelé… Nous aimons
les contrastes marqués, et nous
surprendre nous-mêmes ! (sourire)
Même s’il s’agit de musique
instrumentale, il semble qu’un
concept sous-tende l’album… Que
signifie son titre mystérieux ?
« Cell-0 » est effectivement un jeu
de mot (Ndlr : entre « cello »,
violoncelle en anglais, et « cell 0 »,
littéralement la « cellule zéro »).
C’est une sorte de réflexion sur
l’état du monde. De nos jours,
quand on allume la télévision pour
regarder les informations, il faut se
préparer à éprouver de la tristesse,
du dégoût et de l’anxiété. La
« cellule 0 » est une particule
hypothétique qui ferait partie de
notre corps ou de notre âme et qui
permettrait à l’Homme de changer
son comportement, de se montrer
plus respectueux de lui-même et du
monde qui l’entoure. Le fait que
De g. à d. : Mikko Siren, Eicca Toppinen,
Paavo Lötjönen & Perttu Kivilaakso
 personne ne sache exactement ce
qu’est cette cellule ou comment la
chercher explique que nous soyons
tous si ignorants et cruels... Mais
il y a toujours l’espoir de trouver
cette cellule, qui pourrait constituer
la base d’une humanité meilleure.
Les images que nous tentons
d’évoquer dans nos chansons
viennent des choses qui nous
émeuvent ou nous choquent. Je me
souviens avoir récemment vu à la
télévision une baleine morte,
échouée sur un rivage. Quand on lui
a ouvert le ventre, on a découvert
qu’elle était morte de faim ; elle ne
pouvait plus s’alimenter car son
estomac était rempli de… plus de
quarante kilos de plastique ! Ça m’a
paru tellement stupide ! En tant
qu’individu, on se sent impuissant à
endiguer ce genre de catastrophe :
quel que soit mon malaise ou mon
inquiétude, je prends l’avion pour
me rendre à des concerts, je
consomme de l’électricité… C’est
le paradoxe du monde moderne.
Peu importe ce que tu fais, cela
paraîtra toujours insuffisant et
insignifiant à l’échelle de la planète,
qui a pourtant grandement besoin
d’aide. Si nous voulions nous la
jouer « super metal », nous pourrions
carrément dire que le titre de
l’album fait référence à l’Homme,
cellule cancéreuse de la planète
qu’il serait préférable de voir
balayée de la surface de la Terre...
« Ashes Of The Modern World », le
premier titre, évoque une ambiance
de ruines, de paysage brûlé. Les
morceaux suivants évoquent une
forme de renaissance, une sorte
d’évolution recommencée, où
l’homme aurait la prescience de ses
erreurs passées et parviendrait à ne
40
pas les reproduire. Nous ne sommes
pas là pour faire passer un message
ou promouvoir des idées car je n’ai
moi-même aucune putain d’idée
quant aux solutions qu’il faudrait
apporter aux problèmes d’ordre
environnemental. Mais si quelqu’un
se pose des questions ou commence
à réfléchir après avoir écouté notre
musique, c’est parfait. Je n’en
demande pas plus ! « Beyond The
Stars », le morceau conclusif,
évoque l’épitaphe de l’humanité.
C’est, en quelque sorte, le cri de
détresse de la planète, qui nous
donnerait peut-être une autre
chance si nous cessions de la ruiner.
La narration est un message lancé à
l’aveugle à travers l’espace, qui ne
sera peut-être jamais découvert. Un
peu à la manière de la sonde
Voyager, lancée dans les années 70,
qui contient des morceaux de
musique et des textes de
philosophes. Cela m’a toujours fait
rêver !
Le 1er mai 2019, Apocalyptica a
publié une reprise du « Fields Of
Verdun » de Sabaton… deux jours
avant que le groupe ne présente ce
morceau au public. A qui doit-on
cette curieuse idée ?
Pär Sundström, le bassiste du
groupe. Il connaît et apprécie notre
musique depuis très longtemps et
est venu nous trouver après l’un de
nos concerts à Madrid, voici déjà
quelques années. Pär sait ce qu’il
veut et s’était adressé à nous très
clairement : « J’aimerais que nous
fassions quelque chose ensemble,
mais qui irait plus loin qu’un simple
featuring que les gens oublieraient
après deux semaines ! » Il espérait
déjà que nous puissions créer du
contenu, que nous montions une
tournée ensemble, que nous
participions à leurs concerts…
Nous avons été impressionnés par
sa vision et toutes ses bonnes idées.
Il voulait commencer en fanfare
avec cette idée déroutante de
révéler notre reprise de « Fields
Of Verdun » avant que Sabaton
ne présente la version originale
du morceau ! C’est excitant de
bosser avec eux car ils sont
particulièrement gentils et
agréables, et sont excellents
sur scène. Lors de notre tournée
européenne, nous jouerons cinq à
six chansons avec eux chaque soir,
tandis qu’Elize d’Amaranthe, groupe
qui passe avant nous, viendra
chanter deux chansons avec
Apocalyptica. C’est assez génial de
voir naître toutes ces collaborations.
Et comme vous le découvrirez
bientôt, notre travail en compagnie
de Sabaton ne va pas s’arrêter en si
bon chemin ! (sourire plein de sous-
entendus)
L’année 2020 s’annonce très
chargée pour Apocalyptica. Sitôt
votre tournée en première partie
de Sabaton achevée, vous
repartirez pour les Etats-Unis,
avant de revenir en Europe à
l’automne. Après vingt ans, ressens-
tu toujours la même excitation au
moment de reprendre la route ?
Oui, mais il n’en a pas toujours
été ainsi. Actuellement, le groupe
traverse une très bonne période.
Nous sommes tous dans un
excellent état d’esprit et je n’ai
qu’une hâte, empoigner mon
violoncelle et aller m’éclater sur
scène pour présenter les nouveaux
morceaux au public ! Je me souviens
cependant d’épisodes où je souffrais
de ne pas être plus souvent à la
maison, à tel point que ma
motivation en pâtissait. Le groupe a
connu des moments difficiles,
notamment au tournant du
millénaire, avec des changements de
line-up. Personnellement, mes pires
souvenirs remontent à la période
2004/2005. A cette époque, j’étais
une épave et je croulais sous les
problèmes. Je ne sais pas ce qui se
serait passé si je n’avais pas réussi
à arrêter l’alcool ! Les mecs ne
pouvaient plus compter sur moi. Ils
ne savaient pas si j’allais tenir mes
engagements, me pointer à temps
aux enregistrements ou pour le
début de la tournée… J’étais tout
simplement sur une autre planète,
et maintenir une relation de travail
avec moi devait être pour le moins
ardu ! De nos jours, les choses sont
totalement différentes ; il m’arrive
encore de me conduire comme une
épouvantable prima donna lorsque
quelque chose me contrarie, mais la
plupart du temps, je sais prendre
sur moi. Si je m’emmerde parce que
je suis coincé dans un aéroport
pendant des heures, il y a des
chances que ce soit aussi le cas de
mes comparses ! En tournée, quand
on dort mal, qu’on mange mal, qu’il
fait toujours trop chaud, qu’il y a
toujours du monde autour de vous, il
est facile de perdre son calme. Mais
mieux vaut essayer de survivre
ensemble que de s’entretuer ! (rires)
Votre longévité laisse entendre
que, depuis le temps, vous avez
appris à composer avec ces
contraintes…
Nos personnalités et relations, bien
sûr, ont évolué. On plaisante
toujours sur le fait que faire partie
d’un groupe est comme être marié à
trois ou quatre mecs. Et bien
évidemment, ce ne sont que les
mauvais côtés du mariage :
beaucoup de disputes et vraiment
très, très peu de sexe ! Il y a
quelque chose de pas net dans cette
relation !!! (rires) Plus sérieusement,
il nous a fallu travailler pour en
arriver là où nous en sommes
aujourd’hui. En fin de compte,
l’amitié et l’alchimie entre les
membres du groupe est ce qu’il y a
de plus important. Nous devons nous
concentrer là-dessus : prendre soin
les uns des autres et apprécier la
compagnie de chacun. Sans cela,
nous ne serions plus un groupe,
mais juste une bande de types qui
jouent ensemble. Quel intérêt ? Nous
avons fait énormément d’efforts
dans nos relations personnelles et
avons surmonté les problèmes que
nous avons rencontrés. Nous
sommes dans le même état d’esprit
qu’à nos débuts : jusqu’où pouvons-
nous aller ? Même si nous avons
tous dépassé les quarante ans, nous
avons l’impression d’être encore
adolescents. Je ne sais pas si c’est
« mignon » ou pathétique ! (rires)
Quoiqu’il en soit, le fait d’être
toujours présent après toutes ces
années est à mes yeux le plus beau
des accomplissements. Y
 Propos recueillis par Philippe Lageat - Entretien téléphonique réalisé le 12 décembre 2019
« Coup de cœur » de cette rédaction lors du dernier Raismes Fest (Cf. RH203) qui nous avait vu parler d’expérience « quasi
spirituelle » pour qualifier sa prestation, DeWolff est un trio qu’il vous faut absolument écouter, mais aussi voir en concert.
Toujours prêts à explorer de nouvelles voies, les Hollandais, en véritables artistes qu’ils sont, ont enregistré leur nouvel opus,
Tascam Tapes (un mix de rock 70’s, de soul, de blues et de funk) sur la route, sur la banquette arrière de leur van et les loges
qu’ils ont visitées, avec un enregistreur à cassettes ! Le résultat est à leur image : sincère, flamboyant et passionné.

avons la sensation aujourd’hui de

proposer une musique personnelle
qui est notre forme d’expression
ultime.

Ton frère et toi étiez très jeunes

lorsque vous avez débuté. Avez-
vous grandi dans un environnement
musical ?
J’avais seize ans, et mon frère
treize, lorsque nous avons formé
DeWolff. Notre père chantait dans
un groupe de rock alternatif qui
faisait des reprises de standards
des années 90 et 2000. Bref, pas
vraiment le genre de musique qu’on
associe spontanément à DeWolff…
Mais notre père n’est âgé que de
cinquante ans, alors, à la maison,
mon frère et moi avons été biberonnés
à Pearl Jam, Nirvana, The Black
Crowes, etc. Etonnamment, c’est
moi qui, à l’âge de treize ans, lui ai
fait écouter Jimi Hendrix – qu’il a
trouvé très cool – et qui suis tombé
dans la marmite du rock des 60’s et
des 70’s. Le monde à l’envers, en
quelque sorte ! (rires)

Votre premier album est sorti en

2008, mais ce n’est vraiment qu’à
partir de 2016 et la sortie de
Rock Hard : S’agissant de la durant des heures. Nous écoutions de ce moment-là que DeWolff est Roux-Ga-Roux que vous avez
première interview de DeWolff religieusement Led Zeppelin, Deep vraiment devenu un groupe à part commencé à avoir un début de
dans les pages de Rock Hard, Purple, Jimi Hendrix, Cream, The entière. Par la suite, c’est au fil reconnaissance par-delà les Pays-
peux-tu nous raconter comment le Doors, Pink Floyd, ce genre de de nos jams que, de 2008 à 2011, Bas. Durant toutes ces années,
groupe a vu le jour et faire un groupes. Alors, logiquement, ce que nous avons mis en boîte nos trois où avez-vous trouvé la force de
petit résumé de sa carrière ? nous faisions à l’époque était très premiers albums. En prenant de continuer ?
Pablo van de Poel : DeWolff a été influencé par ces artistes. Après l’âge, nous avons découvert d’autres Dans l’amour de la musique, tout
formé en 2007 par mon frère Luka plusieurs jam-sessions, nous avons musiques comme le southern rock, simplement. Je sais que ça fait
(van de Poel/batterie, chant), notre fini par donner un premier concert la soul et la vieille country, qui sont cliché de dire ça, mais c’est la
ami Robin Piso (claviers, basse) et et, à notre grande surprise, nous à leur tour venues alimenter notre stricte vérité : nous prenons un
moi-même. Au début, il ne s’agissait avons reçu un excellent accueil. propos de façon très naturelle. panard incroyable à jouer ensemble.
pas d’un groupe à proprement parler, D’autres personnes que nous aimaient D’autres albums ont vu le jour, Alors, peu nous importait que,
nous nous contentions de jammer ce que nous faisions ! C’est à partir mais avec Roux-Ga-Roux (2016), durant des années, nous nous
nous avons commencé à composer produisions essentiellement dans
GENRE ALBUMS ARTICLE RH des titres plus directs, plus orientés de petites salles. Il n’empêche
. Rock . Dewolff (2008) « chansons ». Le fait que j’enregistre qu’après huit ans, nous nous
RH205
. Strange Fruits And Undiscovered et que je produise de plus en plus sommes effectivement demandé
LE GROUPE Plants (2009)
. Pablo van de Poel . Orchards/Lupine (2011) de groupes dans mon studio (Ndlr : où tout cela allait nous mener.
(chant, guitare) . Letter God – A Few Words On l’Electrosaurus Southern Sound Studio) Nous savions que nous étions un
Ssychedelica (2011)
. Luka van de Poel . DeWolff IV (2012) m’a également fait de progresser en bon groupe, ou, tout du moins, un
(batterie, chant) . Grand Southern Electric (2014) tant que producteur et ingénieur du groupe honorable, alors, de temps
. Robin Piso (claviers, basse) . Live & Outta Sight (live – 2015)
. Roux-Ga-Roux (2016) son. Cette expérience nous a permis en temps, la question surgissait
. Thrust (2018) de signer avec Mascot Records qui a dans nos esprits : « Pourquoi ne
SITE INTERNET . Live & Outta Sight II (live – 2019)
. Tascam Tapes (2020) publié l’album Thrust en 2018. Tout parvenons-nous pas à avoir plus de
www.dewolff.nu ce chemin parcouru fait que nous succès ? ». L’un des problèmes était

41
 De g. à d. : Luka van de Poel,
Robin Piso & Pablo van de Poel
42
que notre manager, qui était aussi
notre agent, faisait de son mieux,
mais n’avait pas les contacts
adéquats pour nous faire atteindre
de nouveaux paliers. Lorsque Roux-
Ga-Roux est sorti sur notre propre
label (Ndlr : Electrosaurus Records),
nous avons donc bossé avec un
nouveau manager, et à partir de là,
nous avons commencé à tourner
plus intensivement en Allemagne,
en France, mais aussi en Espagne.
Avant, nous devions nous contenter
de shows épisodiques dans ces
pays, alors que, désormais, nous y
réalisons de vraies tournées.
Evidemment, la signature avec
Mascot, pour la sortie de Thrust,
deux ans plus tard, a encore
accéléré les choses.
D’où vous est venue l’idée de
confier les parties de basse à
Robin alors que, par ailleurs, il
était déjà en charge des claviers ?
Nous avons essayé cette façon de
faire après avoir assisté à un
concert du groupe de rock garage
hollandais Green Hornet. Comme
nous, il s’agissait d’un trio guitare/
claviers/batterie, la basse étant
assurée par l’organiste, ce que nous
avons trouvé cool. Alors, dès la
répétition suivante, Robin s’est mis
à jouer les parties de basse sur son
orgue, avec sa main droite. Et ça l’a
fait immédiatement ! Qui plus est, il
y a une connexion entre nous trois
qu’il nous serait impossible de
retrouver à quatre. Ceci dit, sur
album, nous avons souvent recours
à un « vrai » bassiste, qu’il s’agisse
d’amis ou de moi, car nous adorons
cet instrument, sa dynamique et son
groove. Mais en concert, nous jouons
systématiquement à trois, rien ne
pouvant remplacer la complicité que
nous avons tissée en douze ans.
En concert, vous avez tendance à
allonger vos morceaux. Les « duels »
guitare/orgue qui t’opposent alors
à Robin font penser aux anciennes
passes d’armes entre Ritchie
Blackmore et Jon Lord au sein
de Deep Purple…
Blackmore est l’un de mes héros.
Ce qu’il fait est totalement dingue,
j’ai toujours la chair de poule en
l’écoutant ! Sur scène, il est
carrément imprévisible, dans son
monde. J’adore ! Et même si Jon
Lord et lui n’étaient pas les
meilleurs amis du monde, leur
complémentarité sur scène était
ahurissante. Nous ne leur arrivons
pas à la cheville… Je nous revois
tous les trois, avec des potes,
squatter la maison des parents de
Robin qui s’étaient absentés, et
fumer et picoler jusqu’au petit matin
en écoutant religieusement Made In
Japan (1972) de Deep Purple. C’était
si bon que nous en étions bouche bée !
Depuis quelques années déjà,
on assiste à une vague de « retro
rock » menée par de jeunes
groupes qui s’avèrent souvent être
de simples copies de Led Zeppelin
(suivez mon regard…), Black
Sabbath ou Deep Purple. Ce n’est
pas votre cas car votre musique
est infiniment plus personnelle
puisqu’elle s’abreuve à différentes
sources (rock 70’s, soul, funk,
country, southern rock, blues, etc.)
pour aboutir à une combinaison
unique. Ce n’est pas la moindre
de vos qualités !
Merci beaucoup ! Ce qui fait que
les groupes que tu as cités étaient
uniques, c’est qu’au moment où ils
sont arrivés, tout restait à inventer
en matière de rock. Robert Plant,
par exemple, était fan d’Elvis
Presley, de blues, de soul et de
country. Led Zeppelin a absorbé
toutes ces influences et les a
« électrifiées » pour créer quelque
chose de fondamentalement
nouveau. Profond aussi. Mais
ses individualités s’exprimaient
également au travers de leurs
instruments. C’est pour cette raison
qu’il est impossible de recréer ces
vibrations. Tenter de les copier, c’est
courir à l’échec. Nous sommes fans
de tous ces groupes (Led Zeppelin
me parle vraiment), mais aussi de
ceux qui les ont inspirés : Sam
Cooke, Otis Redding, Muddy Waters,
Howlin’ Wolf, etc. Nous les aimons
tant qu’ils font partie de notre ADN.
NOUS N’AVONS JAMAIS ÉTÉ DU
GENRE À NOUS POSER LA QUESTION
DE SAVOIR SI TEL OU TEL TITRE
PLAIRA OU PAS. NOUS NE NOUS
CENSURONS PAS. SI J’AI ENVIE
D’ÉCRIRE UNE BALLADE, JE LE FAIS
(PABLO VAN DE POEL)
Lorsque nous jouons, nous ne
cherchons pas à copier quiconque,
nous laissons la musique et nos
émotions nous porter.
Ta voix peut faire penser à celle
du regretté Leon Russell (Ndlr :
immense musicien hélas décédé
en 2016, notamment connu pour
ses sessions avec Joe Cocker,
The Beach Boys, The Rolling
Stones, etc.).
C’est marrant que tu dises ça car,
la première fois que j’ai écouté
Leon Russell, je me suis dit : « Oh,
chouette, ce gars sonne un peu comme
moi ! ». Et ça m’a mis en confiance
car, avant cela, je n’étais pas très à
l’aise avec ma voix, je ne savais pas
vraiment quoi en faire. C’est donc
Leon Russell qui m’a montré la
voie… et la voix. Bonne pioche ! (rires)
Votre musique est « vraie » et
honnête. Pourquoi avoir ressenti
l’envie de la dépouiller plus encore
et de la réduire à sa plus simple
expression (voir chronique en ces
pages) sur votre nouvel album,
Tascam Tapes ?
Après Thrust, sur lequel nous avions
tout donné, j’ai eu envie de faire
autre chose, un truc différent, un
peu original. Finalement, nous avons
décidé de faire un album sur la route
avec le matériel le plus basique
qui soit. Originellement, il était
également question que nous
enregistrions dix nouvelles compos
durant cette tournée et que nous les
incluions également sur un double
disque, mais ça ne s’est pas fait.
Nous avons donc profité des
nombreuses pauses qui émaillaient
notre dernière tournée pour jammer,
écrire des chansons et les mettre
en boîte dans notre van ou dans nos
loges, avec un petit enregistreur
Tascam à cassette 4 Pistes des
années 80. Ne pouvant pas monter
un kit de batterie sur le siège
arrière de notre van, j’ai décidé
d’avoir recours à des samples de
vieux albums de soul et de funk,
et de m’en servir comme fondations.
Nous avons ensuite calé deux haut-
parleurs sous les sièges du van,
desquels la musique s’échappait
à très haut volume. Les samples,
le synthé de Robin et ma guitare
passaient directement par le
Tascam, nous n’utilisions pas
d’amplis. Nous jammions, et dès
que nous trouvions un bon riff,
nous écrivions des paroles sur le
tas et enregistrions le morceau.
Un titre comme « It Ain’t Easy » a
littéralement été écrit et enregistré
en dix minutes, d’autres en une
demi journée.
Cet album « sans filet » sonne
de façon très différente de ses
prédécesseurs, et pour cause…
Vous prenez des risques !
Ça ne nous dérange pas. Nous
n’avons jamais été du genre à
nous poser la question de savoir si
tel ou tel titre plaira ou pas. Nous
ne nous censurons pas. Si j’ai envie
d’écrire une ballade, je le fais.
Avec l’orgue Hammond de Robin,
ma voix et celle de Luka, notre son
de guitare et de batterie, tout ce que
nous faisons, peu importe le style,
sonne comme du DeWolff.
Vous prétendez que cet album a
été enregistré sur la route pour
moins de cinquante dollars. J’ai
tenté d’acheter un Tascam sur le
net, et ceux que j’ai vus coûtaient
bien plus cher que ça. Vous êtes
de sacrés mythos ! (rires)
(Rires) Crois-le ou pas, j’ai acheté
le mien il y a huit ans pour 35
euros ! Bon, il tombe en panne
très régulièrement, c’est vrai.
Généralement, nous le réparons
avec quelques bouts de scotch…
Si souvent que ça a commencé à
nous prendre la tête et que nous
avons décidé d’en acheter un autre
alors que nous étions à mi-tournée.
Cette fois, nous avons dû débourser
250 euros, un prix indécent !
Lorsque nous l’avons reçu, il était
défectueux, alors, bon gré mal gré,
nous ne nous sommes servis que du
premier qu’il nous a fallu réparer
encore et encore ! L’un dans l’autre,
nous n’avons donc pas menti ! (rires)
Comment retranscrirez-vous ça
sur scène ?
Nous répétons en ce moment-même
les morceaux de ce nouvel album
pour les transposer en live, sans
aucun sample, et le résultat est
vraiment cool. Ces chansons qui,
pour la plupart, durent deux ou trois
minutes sur le disque seront deux
ou trois fois plus longues en concert
et sensiblement différentes. Leur
structure originelle n’est pas si
éloignée de ce que nous faisons
habituellement. C’est davantage
leur son sur le disque qui peut
surprendre, même si cela n’a rien
d’étonnant au regard de la méthode
d’enregistrement évoquée plus haut.
Cet album est-il une expérience
sans lendemain ou pensez-vous
rééditer l’exploit ?
Je pense que, lorsque nous repartirons
en tournée, nous embarquerons de
nouveau le Tascam avec nous.
Pour autant, je crois que nous ne
l’utiliserons que pour enregistrer
des idées ou des démos. J’ai adoré
la façon dont cet album a été réalisé,
de A à Z. En tout et pour tout, nous
l’avons conçu en deux mois. C’est
vraiment un instantané de ce que
nous étions à ce moment précis.
Et je crois que ça doit rester ainsi.
Le refaire ôterait beaucoup de fun
à l’expérience.
Pas très originale cette question,
mais est-ce facile de travailler
au sein d’un même groupe avec
son frère ? Dis-tu les choses
franchement à Luka ou cherches-
tu, parfois, à le préserver ?
Non, rien de tout ça ! C’est cool de
bosser avec lui car il est posé et
raisonnable, ce qui est loin d’être
toujours mon cas ! (rires) Je suis du
genre à ne pas tenir en place alors
que lui affiche toujours un calme
olympien. C’est le « vieux sage » du
groupe ! Nous nous complétons et
nous entendons bien.
Sur vos photos promotionnelles
et dans vos clips, vous faites
souvent preuve d’un grand humour,
voire même d’un sens rare de
l’autodérision. C’est important ?
Oui, définitivement ! Ce devrait être
le cas de tous les groupes. Pour moi,
DeWolff doit être le prolongement de
ce que nous sommes musicalement,
mais aussi humainement. Et si
l’humour n’entre pas dans l’équation,
mieux vaut faire autre chose.
Aujourd’hui, il y a bien trop de
monde – musiciens y compris – qui
se prend au sérieux pour que nous
nous y mettions à notre tour ! Y
43
 puisque qu’il s’en écoule sept
millions rien qu’aux USA ! Foreigner,
loin de n’être qu’un feu de paille,
s’impose comme un poids lourd du
genre en moins de temps qu’il n’en
faut pour dire « Hot Blooded » !
Ce premier 45 Tours musclé est suivi
par le tout aussi nerveux « Double
Vision » et le plus nuancé « Blue
Morning, Blue Day ». Mais si ces
singles cartonnent à tout va et
assurent à Foreigner un succès
radio indispensable pour décrocher
le jackpot dans les 70’s, cela ne
signifie en aucun cas que le reste
de Double Vision (coproduit de main
de maître par Keith Olsen, Jones et
McDonald) se traîne. En témoignent
une nouvelle ballade très réussie,
« You’re All I Am », le groovy
« Love Has Taken Its Toll », le bel
instrumental « Tramontane », un
« Lonely Children » taillé pour les
stades ou encore le semi-acoustique
« I Have Waited For So Long » chanté
par Jones et au feeling lorgnant
furieusement sur The Beatles.
Mais si Mick s’avère un vocaliste
honnête et sensible, il ne fait aucun
doute que l’organe de Gramm,
caméléon capable de rugir pour faire
lever les poings des mâles comme
de susurrer de belles et romantiques
promesses aux oreilles de la gent
féminine, est pour beaucoup dans le
charme de cet Etranger qui remplit
à présent les stades US sur son seul
nom.

4
(Atlantic, 1981)
Juste après la sortie de Head Games,
Ian McDonald et Al Greenwood sont
sommés de quitter le sextet, ces
deux derniers voulant s’impliquer
DR

dans la composition plus que

Hunter, et le multi-instrumentiste et ex-King Crimson ne le souhaite Mick Jones…
Chaque mois, l’un de nos journalistes, Le guitariste réduit alors le
pétri de bonnes intentions mais flanqué Ian McDonald) et trois Américains (le bassiste Ed
Gagliardi, le claviériste Al Greenwood et le chanteur groupe à un quartet (Jones,
d’une incroyable mauvaise foi, extrait la Gramm, Wills et Elliott) et
Lou Gramm). L’expérience et le talent de compositeur
substantifique moelle de la carrière d’un s’entoure d’une ribambelle
de Jones couplés à l’enthousiasme de Gramm et
groupe afin de proposer un « guide l’expertise des autres musiciens font de ce coup de session-men de haut niveau
d’achat » qui n’est, bien évidemment, d’essai un coup de maître. Foreigner, boosté par (Thomas Dolby aux synthés,
que le reflet de ses goûts douteux. Dans trois singles imparables, « Feels Like The First Hugh McCracken à la guitare
ce numéro, c’est Foreigner qui est passé Time », « Cold As Ice » et « Long, Long Way From slide et le saxophoniste Junior
au crible par Benji. Home », est un succès immédiat aux USA où il Walker) pour accoucher du
s’arrache à cinq millions de copies. Ajoutez à cela un mythique 4. Habitué des producteurs au caractère
« Starrider » spatial chanté par Jones, les plus durs bien trempé, Foreigner jette cette fois-ci son dévolu
« Headknocker » et « At War With The World », ainsi sur Robert John « Mutt » Lange qui, fort de ses gros
LES INCONTOURNABLES que la jolie ballade « Fool For You Anyway », et vous succès avec AC/DC les deux années précédentes (il
s’imposera définitivement comme un sorcier des
obtenez un album incontournable pour tout fan de
hard rock léché. consoles avec Def Leppard, Bryan Adams et Shania
FOREIGNER Twain), dote le groupe d’un son puissant, mais assez
(Atlantic, 1977) léché afin de ne pas effrayer les toutes puissantes
Après une quinzaine DOUBLE VISION radios américaines. Résultat ? Carton plein avec une
d’années passées à (Atlantic, 1978) succession invraisemblable de hits (« Urgent » et son
enregistrer des sessions en Comme il est de coutume solo de saxo légendaire, le prophétique « Juke Box
studio ou à accompagner dans les 70’s, pas de repos Hero », le slow « Waiting For A Girl Like You » ou
et composer pour divers pour les guerriers. C’est encore « Break It Up »), et de morceaux de premier
artistes (à commencer par donc un an tout juste après choix (un « Luanne » poppy qui aurait lui aussi mérité
Johnny Hallyday !), le la sortie du premier album de faire une belle carrière dans les charts, le heavy
guitariste anglais Mick éponyme que Double « I’m Gonna Win » et le mélodique « Girl On The
Jones, las de jouer « pour Vision arrive dans les bacs Moon »). Définitif !
les autres », s’installe aux des disquaires. Et ces
USA et monte un groupe tout neuf composé de trois derniers ont plutôt intérêt
Anglais (Jones, Dennis Elliott, ex-batteur de Ian à bien gérer leurs stocks

44
 définitive en 2005 et qui,
EGALEMENT RECOMMANDÉS DÉCONSEILLÉ s’il n’a pour l’instant eu
que peu l’occasion de
briller en studio avec le
HEAD GAMES INSIDE INFORMATION groupe (un seul « vrai »
(Atlantic, 1979) (Atlantic, 1987) album à se mettre sous
Il ne faut encore qu’une Pour cette catégorie, la dent depuis son
petite année pour donner il eut été facile de retenir arrivée, l’honnête mais
un successeur à Double Unusual Heat (1991), pas transcendant Can’t
Vision. C’est ce Head l’unique et mal-aimé Slow Down/2009), a en revanche su, à bien des
Games, avec sa pochette album enregistré avec le reprises, nous convaincre que Jones avait tiré le bon
coquine, qui assure un chanteur Johnny Edwards numéro pour faire le job en live, avec une certaine
troisième Disque multi- en lieu et place d’un Lou classe. 40 est donc un bon compromis entre grands
Platine (cinq millions de Gramm ayant claqué la classiques et titres moins célèbres mais plus que valables,
ventes pour celui-ci !) porte de Foreigner en et renferme même deux inédits récents. En somme,
consécutif à un Foreigner 1990. Mais si l’on passe une vraie compilation et non un soi-disant best of.
en feu. Coproduit par Jones, McDonald et Roy outre le côté affectif de la chose, force est de
Thomas Baker (Queen, Journey, The Cars), cet opus se constater que Unusual Heat est loin d’être un mauvais
hisse à la cinquième place des charts américains grâce opus et s’avère finalement bien plus hard que ses LE COFFRET
à deux nouveaux irrésistibles simples, le très direct deux prédécesseurs, Edwards s’avérant un vocaliste
« Dirty White Boy » et « Head Games », une pièce tout à fait compétent à défaut de dégager une
d’orfèvrerie à la mélodie entêtante. Un cran en-deçà personnalité hors-normes. C’est lors de la gestation THE COMPLETE ATLANTIC STUDIO ALBUMS
de ses deux prédécesseurs et d’un 4 qui va tout d’Inside Information que le torchon, déjà bien cramé 1977-1991
casser, Head Games renferme néanmoins une belle après Agent Provocateur, brûle carrément entre Jones (Atlantic, 2014)
série d’autres titres, certes moins célèbres, mais qui et Gramm. Pourtant mieux équilibré que ce dernier et En l’absence d’un véritable
méritent toute notre attention. A commencer par fort d’un Jones un peu plus concerné avec une guitare coffret digne de ce nom,
« Women », surprenant rock’n’roll sautillant, le léger dans les mains que devant des claviers (« Counting rabattons-nous sur cette
mais très agréable « The Modern Day » (chanté par Every Minute »), Inside Information n’est pas à alternative allant à
Jones), le bien plus ambitieux « Blinded By Science » proprement parler un disque raté, le nerveux « Heart l’essentiel. Tous les albums
porté par une remarquable prestation de Lou Gramm, Turns To Stone » et surtout « Say You Will » valant studio des années Atlantic
ou encore le rock convaincant qu’est « Rev On The particulièrement le détour. Hélas, le reste de cette y sont proposés, rehaussés
Red Line ». A noter l’arrivée de l’Anglais Rick Wills livraison réalisée dans un climat tendu demeure trop des quelques titres bonus
à la basse, dont le CV est déjà bien chargé (Peter moyen (pour les standards de Foreigner) ou prévisible déjà présents sur les
Frampton, Roxy Music, The Small Faces, David pour entrer dans le panthéon des grandes réussites du rééditions des quatre
Gilmour), en lieu et place d’un Ed Gagliardi remercié groupe. premiers opus parues en 2002. Pour les collectionneurs,
par le groupe avant l’enregistrement. pas de quoi se rouler par terre (quelques démos, live
et un vrai inédit, « Zalia » issu des sessions de Head
LE LIVE Games), mais l’occasion de s’offrir les sept premiers
AGENT PROVOCATEUR albums de la formation à un tout petit prix. Une très
(Atlantic, 1984) bonne affaire !
Ok, on ne se fait aucune CLASSIC HITS LIVE
illusion : le choix de cet (Atlantic, 1993)
album dans cette sélection Contrairement à bon LE DVD
va probablement diviser nombre de ses pairs,
les fans du groupe, tout Foreigner n’a jamais édité
autant qu’il les a divisés de live durant son âge LIVE AT THE RAINBOW ‘78
à sa sortie. Car il s’agit d’or, préférant se focaliser (Eagle Vision, 2019)
du disque marquant la sur ses albums studio. En attendant une
scission entre Lou Gramm, Ce n’est qu’en 1993 que éventuelle sortie officielle
qui souhaite continuer Classic Hits Live voit le des concerts donnés par
dans la voie mélodique mais foncièrement rock jour. Avec ses 14 titres le groupe le 19 décembre
adoptée sur les quatre premiers opus du combo, enregistrés dans neuf 1981 à Dortmund (filmés
et Mick Jones qui ne cache pas son désir d’adoucir lieux différents entre 1977 et 1985, voici un excellent par l’émission de télé
encore le propos et, surtout, d’orienter le son du document qui, malgré les différences de périodes, allemande RockPop) ou
groupe en privilégiant les claviers (et les batteries salles et line-up, ne souffre pas d’une grande disparité ses prestations des 10 et
électroniques) par rapport aux guitares. A l’écoute de son qui aurait pu s’avérer désagréable. Et si, 11 août 1985 à Tokyo lors
de cet agent pas franchement provocateur, si ce comme le suggère son titre, tous les hits (ou presque) du massif festival Super
n’est à l’égard des fans de la première heure, il faut sont au rendez-vous, deux reprises inédites sont aussi Rock In Japan ’85, savourons cette perle tout
vraiment tendre l’oreille pour se délecter des riffs de au menu : « Not Fade Away » de Buddy Holly (déjà récemment éditée par Eagle Vision. Restées inédites
Jones, dont les derniers spécimens résident en « Tooth repris par les Rolling Stones et Rush) et « Love pendant une quarantaine d’années, ces images d’une
And Nail », « Reaction To Action » et « Stranger In My Maker » (dont le titre original est « Let Me Be Your incroyable qualité, captées le 27 avril 1978 lors de la
Own House », ces deux derniers étant par ailleurs Lovemaker », aussi revisité par Humble Pie) de Betty première tournée européenne du groupe dans le
assez moyens. Alors, c’est vrai, les deux plus gros Wright. cadre prestigieux du Rainbow Theater de Londres,
hits issus de ce disque usent de grosses ficelles pour nous présentent la formation originale d’un gang aux
parvenir à leurs fins. Néanmoins, difficile de résister dents longues pour lequel tout, ou presque, reste à
à « That Was Yesterday », que Gramm interprète LA COMPILATION faire. Cela se voit et s’entend au cours de ce concert
magistralement. Et puis, aussi mielleux qu’il soit, certes déjà très professionnel, mais fort énergique,
« I Want To Know What Love Is » s’avère de facto où l’intégralité de Foreigner (et sa dantesque version
un incontournable de Foreigner, qui signe avec cette 40 de « Starrider ») et deux extraits fumants de l’opus
ritournelle aux entournures gospel son plus gros (Rhino, 2017) à venir (« Double Vision » et « Hot Blooded ») sont
hit des deux côtés de l’Atlantique… Certes, « ventes Il existe au bas mot une bonne vingtaine de offerts en pâture à un public anglais connaisseur et
phénoménales » ne rime pas toujours avec « excellence », compilations dédiées à Foreigner. Alors, pourquoi qui ne fait aucun cadeau. L’ovation qui accompagne
et certains préfèreront, par exemple, Mr Moonlight ce double CD plutôt qu’un autre ? Tout d’abord, les dernières notes de « Headknocker » ne trompe
(1994) à cet Agent Provocateur, mais il ne fait aucun parce qu’il puise dans tous les albums du groupe, pas : nous sommes ici en présence d’un futur grand.
doute qu’historiquement, cet opus revêt d’une sans exception. Mais aussi car il permet de mettre Un document aussi jouissif qu’inespéré ! Y
importance capitale dans la carrière du groupe. en lumière les talents du chanteur Kelly Hansen
Pour le meilleur, et parfois le pire… (ex-Hurricane), qui a remplacé Lou Gramm de façon

45
 GENRE
. Heavy metal
LE GROUPE
. Peter « Peavy » Wagner
(chant, basse)
. Marcos Rodriguez (guitare)
. Vassilios « Lucky »
Maniatopoulos (batterie)
SITE INTERNET
www.rage-official.com
ALBUMS
. Reign Of Fear (1986)
. Execution Guaranteed (1987)
. Perfect Man (1988)
. Secrets In A Weird World
(1989)
. Reflections Of A Shadow (1990)
. Trapped! (1992)
. The Missing Link (1993)
. 10 Years In Rage: The
Anniversary Album (1994)
. Black In Mind (1995)
. Lingua Mortis (1996)
. End Of All Days (1996)
. XIII (1998)
. Ghosts (1999)
. Welcome To The Other Side
(2001)
. Unity (2002)
. Soundchaser (2003)
. From The Cradle To The Stage :
20th Anniversary (live – 2004)
. Speak Of The Dead (2006)
. Full Moon In St. Petersburg
(live – 2008)
. Carved In Stone (2008)
. Strings To A Web (2010)
. 21 (2012)
. The Devil Strikes Again (2016)
. Seasons Of The Black (2017)
. Wings Of Rage (2020)
+ une multitude d’EPs

ARTICLES RH
RH N°11, 26, 39, 53, 75, 95,
118, 166, 177, 178, 204 & 205

De g. à d. : Marcos Rodriguez, Peter « Peavy » Wagner

& Vassilios « Lucky » Maniatopoulos
46

« Du travail de pro ». Ainsi peut être sous-titrée la « deutsch qualität » chère aux cœurs de nos cousins germains de
Rage. Dans la Ruhr, berceau sidérurgique de nos voisins teutons, on n’est clairement pas rouillé. Wings Of Rage, le
25ème (!) album studio du groupe de l’inoxydable Peavy Wagner le prouve. Nous avons passé un coup de fil à ce dernier.
Rock Hard : Commençons d’emblée
par LA question importante : Kevin
Crew est-il remercié dans le livret
du nouvel album ? (Cf. RH178)
Peavy Wagner : (Grand éclat de rires)
Merde ! On a oublié Kevin Crew !!!
La honte ! (rires) Je vais essayer de
rattraper le coup… Et si on a la
place, j’ajouterai son pote, Kevin
Klein ! (rires)
Quand avez-vous commencé à
travailler sur Wings Of Rage ?
En fait, nous n’arrêtons quasiment
jamais. Ce nouvel album s’est en
quelque sorte inscrit dans la
continuité du précédent. Le premier
morceau sur lequel nous avons
bossé est aussi le premier titre
du disque. Il s’agit de « True »,
une chanson qui était dans les
tuyaux avant le début de la tournée
Seasons Of The Black (2017). Nous
travaillons tout le temps sur de
nouveaux titres, y compris sur la
route. Marcos (Rodriguez/guitare)
emmène toujours un mini home-
studio avec lui, histoire d’être
réactif quand nous avons une idée.
Ceci étant dit, nous avons tout de
même procédé un peu différemment
cette fois-ci. Nous ne voulions
vraiment pas nous précipiter.
Ça s’est traduit par de multiples
versions de chaque chanson, alors
que, ces dernières années, nous
avions eu tendance à privilégier les
premières prises. Nous voulions être
sûrs que chaque morceau atteigne
son potentiel à 110%. Chacune des
compos qu’on trouve sur ce nouvel
album a été arrangée et réarrangée,
et ses paroles ou son refrain ont été
modifiés pour gagner en qualité et
en efficacité. Ce disque nous a pris
plus de temps, mais ça en valait la
peine.
Rage, qui est un trio, aime garder
une approche live de sa musique
studio. Plus on passe du temps à
réarranger des morceaux, plus il
est facile de s’éloigner du feeling
live, non ?
C’est un piège, c’est vrai, et il faut
en être parfaitement conscient.
Je pense que c’est notre cas. Nous
voulons effectivement pouvoir
restituer nos morceaux studio de
façon fidèle sur scène. Réarranger
une chanson ne veut pas forcément
dire « ajouter des couches sonores »
encore et encore. Dans notre cas,
ça s’est même parfois traduit par un
déshabillage, une simplification du
propos, dans l’intérêt du morceau.
A force d’empiler des pistes de
guitare, il m’est déjà arrivé de ne
plus reconnaître une compo. C’était
le cas sur « Tomorrow ». Quand ça
arrive, c’est qu’il est temps de faire
machine arrière.
Propos recueillis par Morgan Rivalin - Entretien téléphonique réalisé le 22 novembre 2019
Sur vos albums, on trouve
régulièrement des titres issus de
démos « ressorties des cartons ».
Est-ce encore une fois le cas ?
Oui, c’est le cas de « A Nameless
Grave ». J’ai composé la version
originale de ce titre pour l’album
Ghosts (1999) en 1998. Pendant
vingt ans, j’ai régulièrement essayé
d’en faire quelque chose car j’étais
convaincu de son potentiel. Cette fois
encore, j’ai bien failli abandonner.
Il a fallu trois versions différentes
avant de mettre le doigt sur celle
qui apparaît sur Wings Of Rage,
jouée sur une guitare sept cordes
accordée de façon plus grave. Au fil
du temps, tout a été modifié, sauf
l’idée de base. Remarque, je ne sais
pas si quelqu’un reconnaîtrait ce
morceau en écoutant sa démo
d’origine. Tiens, ce serait une
expérience intéressante !
Pour ce nouvel album, vous avez
réenregistré votre classique
« Higher Than The Sky » (End
Of All Days/1996) sous le nom
« HTTS 2.0 ». Pourquoi donc ?
JE SUIS UN ENFANT D'IMMIGRÉS.
JE NE L'OUBLIE PAS
(PEAVY WAGNER)
Oh, c’est parti d’un petit délire.
Il y a quelque temps, j’ai entendu
« Here I Go Again » de Whitesnake
à la radio. Or, la version diffusée
tout le temps, tirée de l’album 1987
(1987), est aussi un remake,
puisque l’originale est sortie sur
Saints & Sinners en 1982. Il existe
même une troisième version, un
« mix radio » qui a été plébiscité
par de nombreuses stations qui,
parfois, le diffusent encore. Grâce à
ces nouvelles versions, ce morceau
est finalement devenu le tube qu’on
connaît. Ça m’a donné envie de
piocher dans notre discographie
pour dépoussiérer l’un de nos
« hits ». « Higher Than The Sky »
s’est tout de suite imposé car s’il
est adoré en concert par nos fans,
sa version studio ne bénéficie pas
du son qu’elle mérite. Marcos et
moi avons donc concocté cette
relecture « 2.0 » en nous demandant
à quoi cette chanson ressemblerait
si elle était écrite aujourd’hui.
C’était vraiment juste pour la
blague, une simple expérience.
Pour la petite histoire, au départ,
Lucky (Vassilios Maniatopoulos/
batterie) n’a pas reconnu ce
morceau. Il pensait que c’était une
nouveauté : « Sympa, cette compo !
Il faut qu’on l’enregistre ! » (rires).
Ça nous a bien fait marrer ! Bon,
je rassure tout le monde, Lucky a
quand même reconnu « Higher
Than The Sky » au moment de son
refrain... (rires) « HTTS 2.0 » ne
devait être qu’un titre bonus, mais
puisque notre maison de disques l’a
beaucoup aimé, nous l’avons placé
au milieu de nos chansons actuelles
sur l’album car il est vrai qu’il
sonne de la même façon.
On peut donc dire qu’il y a une
reprise sur l’album...
(Rires) Exact ! Mais « ça reste dans
la famille », comme on dit !
Ce n’est pas si éloigné de ce que
vous aviez fait sur Seasons Of
The Black, en accompagnant le
nouvel album de réenregistrements
d’Avenger, la première incarnation
de Rage...
Oui, ce n’est pas faux, même si,
dans le cas d’Avenger, il s’agissait
de vieilleries complètement
inconnues de l’immense majorité
de nos fans. Enfin, Marcos les
connaissait toutes, mais c’est un
dingue du groupe. Il a grandi en
écoutant tout ce qui a été sorti par
Rage et par Avenger. Pauvre garçon
! (rires)
Il ne doit pas être désagréable
d’être entouré de fans de ses
propres créations, non ?
Bien sûr, c’est très agréable !
Même la pochette de Wings Of Rage
est l’œuvre d’un fan, un illustrateur
de grand talent que tu connais sans
doute puisqu’il est français…
Stan W. Decker ? Bien sûr !
(Ndlr : cet illustrateur surdoué
a collaboré avec Megadeth
ou encore DragonForce et a
également signé une couverture
et de beaux t-shirts Rock Hard/
Hellfest pour cet auguste
magazine)
C’était la première fois que nous
bossions avec lui, mais ce n’est
certainement pas la dernière. C’est
Marcos qui est entré en contact
avec lui et m’a recommandé ses
travaux. Quand Marcos me
recommande un fan de Rage, je sais
que je peux le croire sur parole !
J’ai de la chance d’être aussi bien
entouré, c’est vrai. Récemment,
j’ai rencontré un fan du groupe
qui est avocat. Je lui ai dit : « Je
garde tes coordonnées bien au chaud.
Ça peut servir ! » (rires)
On entend un clin d’œil au
générique de La Quatrième
Dimension dans « Chasing The
Twilight Zone ». Ce dernier a-t-il
été inspiré par cette série culte ?
Pas du tout, mais puisque les mots
« the twilight zone » (Ndlr : nom
original de la série) se trouvaient
dans les paroles, Marcos a trouvé
qu’un clin d’œil à la série serait le
bienvenu. Contrairement à lui, je
ne suis pas très cinéphile. Enfin,
comprenez-moi bien, je ne suis pas
non plus le seul gars sur Terre qui
déteste le Septième Art (rires), mais
je n’y consacre pas beaucoup de
temps. Même chose pour les séries.
C’est beaucoup trop chronophage !
Je suis conscient de ça et c’est la
raison pour laquelle je me tiens
éloigné des Netflix et consorts.
C’est sans doute ce qui explique
pourquoi je suis si productif. Si le
prochain Rage met cinq ans à voir
le jour, ce sera peut-être parce que
je suis « tombé » dans Netflix ! (rires)
Comme la suite « The Tragedy Of
Man » de votre album précédent,
« Let Them Rest In Peace » a-t-il
été inspiré par le terrorisme qui
secoue l’Europe ces dernières
années ?
Il s’agit avant tout d’une chanson
anti-guerre qui s’intéresse aux
victimes collatérales des conflits
armés. On ne parle quasiment
jamais de ces personnes, ces civils
qui sont nés au mauvais endroit
et qui se trouvaient là au mauvais
moment... Ça m’inspire un profond
dégoût. Je pense qu’il est bon de
garder ces personnes à l’esprit
lorsqu’on pense aux migrants qui
tentent désespérément de rejoindre
nos côtes. Que ferions-nous si nous
étions entourés par la mort chez
nous ? N’essayerions-nous pas de
sauver nos vies, ainsi que celles
de nos enfants ? Je suis un enfant
d’immigrés. Je ne l’oublie pas. A la
fin de la Seconde Guerre Mondiale,
ma mère et sa famille ont été
expulsés d’une région qui
appartient aujourd’hui à la Pologne.
Ils sont partis avec rien. On ne leur
a donné que quelques heures pour
foutre le camp dans une remorque
à bestiaux. Lors de cet exode forcé,
des enfants du convoi sont morts
de faim et de froid. Je suis de la
génération arrivée juste après.
Tout ça, ce qui nous semble si vieux
et si loin de nous aujourd’hui, c’était
hier. En Allemagne aujourd’hui,
comme dans de nombreux autres
pays, énormément de gens qui sont
des descendants directs de
l’immigration font semblant de
l’oublier parce que ça les arrange.
Le « qu’ils restent chez eux » ne sera
jamais la solution. Jamais ! Y
47
 De g. à d. : Glenn Tipton, Ian Hill,
Rob Halford, Les Binks & K.K. Downing
48
48
 Propos recueillis par Benji - Entretien téléphonique réalisé le 14 mars 2019
Si la carrière de Judas Priest est plutôt bien documentée depuis son véritable décollage commercial à la sortie de l’album
British Steel (1980), la longue période d’apprentissage et la pose des fondations précédant ce grand classique restent moins
détaillées. Il y a presque 17 ans déjà (Cf. RH08), nous consacrions un volet de notre rubrique « Naissance d’une Légende » à
ce monstre du heavy metal en retraçant la genèse du gang de ses humbles débuts jusqu’à la sortie de Sad Wings Of Destiny
(1976). Grâce à la mémoire intacte de Les Binks, le batteur irlandais qui a rejoint le groupe sur la tournée assurant la
promotion de l’album suivant, Sin After Sin (1977), voici maintenant la suite de la saga du Prêtre. Et ce, jusqu’à l’enregistrement
du mythique live Unleashed In The East (1979). Ses propos sont parfois emprunts d’une certaine amertume, compréhensible
comme vous pourrez le constater vous-mêmes… A l’aube de la tournée fêtant les cinquante ans de Judas Priest, qui fera halte au
Hellfest, replongeons dans son glorieux passé !
Rock Hard : Tu es né en Irlande que moi, était déjà un habitué de ce groupe, notamment la ville de San nous avons édité Something To
du Nord en 1951. Tu y as appris à genre de sessions. A la demande de Antonio qui nous a toujours accueillis Remember (1975) sur notre nouveau
jouer de la batterie avec un certain Roger Glover, il a joué sur Sin After à bras ouverts. Mais je garde surtout label, Arista, le lancement de cet
nombre de petits groupes avant de Sin (1977) de Judas Priest car Roger un grand souvenir de nos deux dates album a été fait au Ronnie Scott’s,
t’établir à Londres en 1972 pour y produisait ce disque. Je connaissais en ouverture de Led Zeppelin à un fameux club de jazz londonien.
bosser en tant que musicien de également ce dernier, puisque j’avais l’Oakland Coliseum, dans le cadre du Lors de cette soirée, j’ai utilisé une
studio… joué sur The Butterfly Ball And The festival Day On The Green. C’était la double grosse caisse. A l’époque,
Les Binks : J’ai commencé à jouer Grasshopper’s Feast (1974), son première fois que je voyais Jimmy si tu utilisais deux grosses caisses,
tout jeune, vers l’âge de neuf ans. premier album solo (Ndlr : sur lequel Page & Co. sur scène. J’ai été surpris tu devais vraiment les utiliser toutes
Six ans plus tard environ, j’ai rejoint figure le hit « Love Is All » chanté par par la durée de leur concert : ils ont les deux, avec une pédale sur
un groupe local, puis j’ai changé de Ronnie James Dio). Sin After Sin était joué presque trois heures ! J’ai profité chacun des éléments. Au début des
formation à quelques reprises avant le premier album de Judas Priest à de cette opportunité pour me placer années 80, Tama a mis au point ces
de m’établir, à 19 ans au sein d’un sortir sur une major company, CBS sur le côté de la scène et admirer le pédales qui te permettaient de jouer
combo professionnel : Derrik & The en Europe et Columbia aux USA. travail de Monsieur John Bonham à des parties de double sur une seule
Sounds. Il s’agissait de ce qu’on C’était une chance car le punk était la batterie. J’ai adoré ! Ce qui est grosse caisse, avec un système à
appelait un showband : nous jouions sur toutes les lèvres, et les deux dingue, c’est que ces deux concerts deux battes. Mais moi, je n’avais
dans des salles municipales qui premiers opus de Judas Priest sortis des 23 et 24 juillet 1977 ont été les pas ça ! Lorsque le management de
servaient de « dancings » durant les sur Gull Records n’avaient que très derniers shows américains de Led Judas Priest m’a envoyé une copie
week-ends et nous interprétions les peu marché. Alan Moore, le Zeppelin car le fils de Robert Plant de Sin After Sin, je me suis rendu
hits du moment. Le bassiste Richard précédent batteur, avait quitté le étant décédé (Ndlr : Karac Plant, compte que Simon y jouait pas mal
McCracken et le batteur John groupe (Ndlr : il semble qu’il ait été âgé de cinq ans, est en effet mort le de double grosse caisse. Alors, j’ai
Wilson, la précédente section remercié car il n’avait pas les capacités 26 juillet 1977 d’une infection de su, dès le départ, que je devrais
rythmique de ce groupe, s’en étaient nécessaires pour enregistrer les nouveaux l’estomac), ils ont annulé les sept l’utiliser régulièrement avec ce
allés former Taste avec Rory titres), alors Simon a joué sur dernières dates de la tournée. Et ne groupe.
Gallagher. Je suis resté environ neuf l’album. Pour autant, il lui était sont plus jamais retournés aux USA.
mois avec Derrik & The Sounds, impossible de suivre le groupe en Sur Stained Class figure « Beyond
mais en 1970, les « troubles » en tournée puisqu’il s’était déjà engagé Vous êtes ensuite entrés en studio The Realms Of Death », chanson
Irlande du Nord ont commencé à avec le Jack Bruce Band (Ndlr : Jack en octobre 1977 pour graver Stained que tu as composée avec Rob
devenir de plus en plus sérieux, Halford. Te souviens-tu des
ce qui a beaucoup affecté l’industrie
du divertissement. Il devenait LE TITRE « EXCITER » A circonstances dans lesquelles tu
as coécrit ce titre légendaire ?
difficile d’être en sécurité où que
ce soit. Par conséquent, donner des PARTICULIÈREMENT MARQUÉ LES A l’époque, je faisais souvent des
allers-retours entre Londres et
concerts représentait un risque.
Je me souviens avoir joué au ESPRITS CAR C’ÉTAIT, AVEC LE RECUL, Birmingham car tous les autres
membres du groupe y résidaient.
Dungannon Town Hall. En plein
milieu du concert, des soldats UN MORCEAU PRÉCURSEUR DU SPEED Ils y connaissaient un ami qui
disposait d’un petit studio situé non
britanniques ont débarqué, sont
montés sur scène et nous ont METAL (LES BINKS) loin de chez eux, un lieu où tu
faisais de la pré-production, des
ordonné d’arrêter immédiatement démos… Ça nous a permis de bien
le show car il y avait une menace fut le bassiste/chanteur de Cream avant Class, le premier album sur lequel nous préparer avant notre entrée en
d’explosion : ils ont demandé à tout d’entamer une fructueuse carrière solo. apparaissait l’iconique logo du studio pour enregistrer Stained Class,
le monde d’évacuer les lieux pour Il est décédé le 25 octobre 2014). groupe. Album sorti le 10 février mais aussi de pouvoir remettre une
s’assurer qu’il n’y avait pas une Roger a alors proposé mes services 1978… cassette à notre producteur afin
bombe cachée quelque part. C’était à Judas Priest. Il était au départ En effet. Nous l’avons enregistré aux qu’il découvre nos morceaux et se
la panique, même si, au final, il prévu que je ne fasse que la tournée, Chipping Norton Studios, à Cotswold, fasse une idée du son que nous
s’agissait d’un canular de mauvais mais les choses ont évolué, et je suis dans l’Oxfordshire. Un endroit recherchions. Un jour, je suis rentré
goût… Mais ce genre de situation finalement resté bien plus longtemps minuscule ! Nous restions sur place sur Londres en me disant que tous
n’était pas rare. Alors, je me suis avec le groupe. car il y avait de quoi loger les les titres qui allaient figurer sur
dit qu’il me fallait quitter cet groupes. Dennis McKay a produit ce l’album étaient assez rapides. A mon
environnement, et je me suis rendu à Tu es donc parti sur la route avec disque. Il avait une expérience avec sens, il manquait un morceau plus
Londres qui était bien sûr l’épicentre le groupe au Royaume Uni en avril de nombreux musiciens de jazz, lent, plus mélodique, qui permettrait,
de la musique au Royaume Uni, là où et mai 1977, puis aux USA en mais aussi quelques gros groupes tant sur le disque qu’en concert, de
il fallait être pour avancer. J’ai donc juin et juillet de la même année. pour lesquels il avait bossé en tant changer de dynamique. Alors, j’ai
quitté le groupe et j’ai emménagé à Il s’agissait de la première tournée qu’ingénieur du son (David Bowie, pris une guitare acoustique : je n’ai
Londres. J’y ai rapidement dégoté américaine du Priest… Supertramp, Jeff Beck, Pat Travers, jamais vraiment joué de guitare
des sessions studio et j’ai beaucoup C’est exact. Mais ce n’était pas mon Tommy Bolin, etc.), notamment sérieusement, mais pour une raison
aimé cette période de ma vie. Avec cas, puisque j’y avais déjà joué avec aux Trident Studios de Londres, que je ne m’explique pas, je joue
les showbands, tu apprenais à jouer Fancy. Nous avions décroché un hit dont la réputation n’était plus à faire. de la main gauche sur une guitare
des styles très différents car il te aux USA avec une reprise du « Wild Je pense que ces sessions n’ont pas de droitier. Je la mets à l’envers !
fallait satisfaire le plus grand Thing » des Troggs qui figurait sur duré plus de deux semaines. Je laissais les cordes installées comme
nombre de personnes. C’était un notre premier album éponyme paru pour un droitier, je me sentais plus
peu pareil en tant que musicien de en 1974. J’étais donc le seul à avoir L’une des tes caractéristiques à l’aise ainsi. Bref, j’ai trouvé ces
studio : tu n’as aucune idée du genre une petite connaissance de ce que était de jouer de la double grosse premières notes, j’ai développé la
de musique qu’on va te demander c’était que de tourner aux USA. caisse, une particularité encore chanson petit à petit, et j’ai ensuite
d’interpréter avant d’arriver sur Avec Judas Priest, nous y avons peu commune en 1977. Quand demandé à un ami guitariste, Steve
place ! Alors, tu as intérêt à assurer, donné pas mal de concerts en as-tu développé cette technique ? Mann, qui joue en ce moment avec
mais aussi à savoir lire la musique. première partie de Reo Speedwagon, Avec Fancy, sur la fin de notre Michael Schenker, d’y apposer un
J’aimais le fait de travailler avec Foreigner, Foghat, UFO et Ted carrière. J’en jouais en concert, mais solo électrique, chez moi. Lorsque je
différents artistes. Simon Phillips, Nugent. Dès le début, le Texas s’est nous n’avons rien enregistré en suis retourné à Birmingham, j’ai fait
qui avait pourtant six ans de moins avéré un état très important pour le studio avec ce type de kit. Lorsque écouter cette démo aux membres de

49
50
Priest, puis je leur ai montré les
accords, en jouant de la même façon,
avec la guitare à l’envers : ils me
regardaient bizarrement, mais ils
ont aimé ! Je n’avais pas de paroles.
A vrai dire, je n’avais même pas
essayé d’en écrire car Rob se
chargeait de tous les textes et
possédait un style très particulier
que je n’aurais pu imiter. Alors, ce
dernier a bien écouté le morceau,
puis est revenu quelque temps après
avec ces magnifiques paroles et ce
titre marquant. C’est ainsi qu’est né
« Beyond The Realms Of Death » !
Avec le recul, que penses-tu de
Stained Class ?
C’est amusant car, ces dix ou quinze
dernières années, j’ai lu de nombreux
commentaires sur Internet de fans
disant qu’ils considéraient cet album
comme l’un des plus grands de la
carrière de Judas Priest, et même
du heavy metal. Le titre « Exciter »
a particulièrement marqué les
esprits car c’était, avec le recul,
un morceau précurseur du speed
metal. Le fait que tant de gens
estiment qu’il s’agit d’un des
meilleurs disques du groupe et
qu’il ait influencé des tas de
musiciens me fait évidemment très
plaisir, mais à l’époque, il était
impossible d’avoir le recul
nécessaire pour s’imaginer ce
genre de choses.
Après la sortie de l’album,
vous avez de nouveau tourné au
Royaume Uni, puis aux USA,
en particulier en première partie
de Foghat. J’ai lu ci-et-là que ces
derniers n’avaient pas été très
corrects vis-à-vis de vous lors de
ces dates…
Ça arrivait souvent à l’époque,
lorsque la tête d’affiche avait un ego
un peu démesuré. Son seul but était
juste de ne pas se faire « manger »
par la première partie. Alors, les
règles étaient simples : un volume
sonore limité, des lumières quasi
inexistantes… Tous les groupes
n’étaient pas comme ça, loin de là,
mais quand même… Je me souviens
d’une date avec Rush, qui s’était
très bien passée. C’était la première
fois que je les voyais en concert. Ils
avaient cet impressionnant mur de
Marshall, mais sur le côté de scène,
je me suis aperçu qu’en réalité,
leur guitariste (Ndlr : Alex Lifeson)
n’était branché que sur un petit
ampli Fender Twin Reveb caché
derrière les Marshall !
Fin juillet/début août 78, vous
vous êtes pour la première fois
rendus au Japon. Ça a dû être
un choc culturel pour tout le
groupe…
En effet. Je n’y avais jamais été
auparavant et j’ai adoré ! Un autre
monde, vraiment. Ce qui m’a frappé,
c’était la propreté des rues. Pas un
seul graffiti sur les murs… De plus,
tu avais l’impression que la sécurité
était à son maximum, qu’il ne
pouvait rien t’arriver de déplaisant.
Et puis, les gens étaient d’une
politesse rare. Nous avons été traités
comme des rois.
Après cette première tournée
japonaise de mi-78, vous êtes très
rapidement retournés en studio
pour enregistrer Killing Machine,
avec le producteur James Guthrie
(Pink Floyd, Queensrÿche, Toto).
Je ne sais pas pourquoi James a
été choisi pour produire cet album.
A l’époque, nous n’avions pas
vraiment le choix. Le fait est que
nous avions déjà travaillé avec lui
sur Stained Class, puisqu’il avait
produit le titre « Better By You,
Better Than Me », une reprise de
Spooky Tooth qui avait été enregistrée
en dernière minute, dans un studio
différent de celui dans lequel nous
avions gravé le reste de Stained
Class. Killing Machine a été, quant
à lui, enregistré dans trois lieux
différents : les Utopia Studios, les
Basing Street Studios et les CBS
Studios. Queen venait de signer un
hit avec « We Will Rock You », et
Glenn Tipton (guitare) voulait inclure
un titre percussif du même genre sur
Killing Machine. Il m’a demandé de
lui proposer un rythme de batterie
spécifique, qui a servi de base à
« Take On The World ». Il n’y a pas
de basse sur ce titre, juste des
guitares et la batterie. Ces parties
ont été enregistrées aux CBS Studios
DES MENOTTES, DES FOUETS, DES
BRACELETS CLOUTÉS… ROB ÉTAIT
FASCINÉ PAR CES ACCESSOIRES. IL EN
A ACHETÉ TOUT UN TAS QUE, PETIT À
PETIT, IL A COMMENCÉ À PORTER SUR
SCÈNE. IL RESSEMBLAIT À UN MEMBRE
DE VILLAGE PEOPLE, MAIS ÇA AVAIT
DE LA GUEULE ! (LES BINKS)
qui disposaient d’une grande pièce
idéale pour obtenir ce type de son.
Nous avons tout joué à plusieurs
reprises et avons mixé les pistes
ensemble pour donner l’impression
que cinq ou six batteries jouaient en
même temps. Aux USA, Killing
Machine a été rebaptisé Hell Bent For
Leather car il me semble que, peu de
temps avant sa sortie, un Américain
a tué des gamins dans une école lors
d’une fusillade. Sortir un disque
intitulé « Machine à Tuer » n’aurait
pas eu bonne presse, forcément…
Alors, Columbia a décidé de changer
de titre.
C’est aussi à partir de cet album
que le look cuir/clous de Judas
Priest a vraiment commencé à
prendre forme. Te sentais-tu à
l’aise dans ce nouveau contexte
visuel ?
A l’époque de Stained Class, il est
vrai que le look du groupe était plus
passe-partout, mais Rob avait déjà
ce côté flamboyant et portait des
costumes aux couleurs vives…
Tout le monde au sein du groupe
et du management savait qu’il était
gay, mais il avait été convenu de
garder ça pour nous car nous
craignions que certains fans ne
le prennent mal… Je me souviens
qu’un jour, à Los Angeles, lors de
notre premier passage là-bas, un
gars de notre maison de disques
avait invité Rob à se rendre dans
un sex-shop vendant des tas
d’articles à tendance sado-masochiste.
Des menottes, des fouets, des
bracelets cloutés… Rob était fasciné
par ces accessoires. Il en a acheté
tout un tas que, petit à petit, il a
commencé, à porter sur scène. Il
ressemblait à un membre de Village
People, mais ça avait de la gueule !
(rires) Alors, à notre retour sur
Londres, il a été décidé, pour une
session-photos, que nous porterions
tous des fringues en cuir et des
ceintures cloutées, ce genre de
choses… Comme c’était visuellement
puissant, ce look est devenu un
élément indissociable du groupe.
Vous êtes ensuite retournés au
Japon…
Oui, en février 1979, après la sortie
de Killing Machine. C’est durant la
préparation du premier concert de
cette tournée que je me suis aperçu
que des techniciens tiraient des
câbles vers un studio mobile garé à
l’extérieur de la salle. J’ai compris
que ce show allait être enregistré,
alors que je n’avais été prévenu de
rien. J’ai donc demandé à notre
manager s’il était prévu que nous
sortions un disque live. Il m’a
répondu : « Non, non, ne t’inquiète
pas, c’est juste pour la maison de
disque japonaise, il n’est pas question
de l’utiliser… » Ces bandes ont donné
naissance à Unleashed In The East,
sans que j’en ai la moindre idée. Ça
reste encore un sujet tendu… Judas
Priest avait, jusqu’ à mon arrivée,
enregistré trois albums avec trois
batteurs différents. Lorsqu’il m’a
embauché, je me suis demandé
combien de temps j’allais durer !
(rires) Je n’avais pas de contrat avec
CBS car le groupe avait déjà signé
avec eux avant mon arrivée. J’ai
donc toujours été payé comme un
musicien de studio ou musicien de
tournée, ne touchant aucune royaltie
sur les ventes d’albums. Je négociais
un certain montant pour mes
sessions studio, c’était clair. Mais
ils ne m’avaient jamais parlé d’un
album live. Après ces dates
japonaises, nous avons fait une
nouvelle tournée américaine en
première partie d’UFO et de Pat
Travers, puis des dates anglaises
qui ont connu un grand succès
(Ndlr : le dernier concert de Judas
Priest avec Les Binks remonte au
1erjuillet 1979 au Dalymont Park de
Dublin, en première partie de Status
Quo). La réputation du groupe enflait
sérieusement. Nous allions faire un
break, alors, le temps que le groupe
se mette à travailler sur un autre
album, j’ai rappelé mes contacts sur
la scène londonienne pour faire des
sessions. Puis j’ai reçu un appel du
management me demandant de venir
le voir pour discuter des futurs plans
du groupe. Là, on m’a expliqué que
les autres membres du groupe
étaient en train de travailler sur
un disque live à partir des bandes
enregistrées au Japon. Il y avait de
la demande pour un album « en
concert » de Judas Priest, et cet
enregistrement pouvait bien faire
l’affaire. J’ai répondu « ok, pas de
problème », même si j’ai trouvé
bizarre qu’on ne m’ait pas invité
à écouter ces bandes. Mais le
management a ajouté : « Le groupe a
pas mal de dettes à éponger. Il est dans
le rouge. Ce serait un beau geste de ta
part si tu pouvais renoncer à ton salaire
pour cet enregistrement ! » En clair, ils
voulaient sortir ce live sur lequel je
jouais sans me verser un centime
pour ma performance. Ça a été la
goutte d’eau qui a fait déborder le
vase. Comment pouvaient-ils avoir
l’audace de faire ça ? J’ai bien sûr
refusé leur « proposition » et je me
suis battu pour obtenir un salaire
pour ma participation à ce disque.
Comme ils ne pouvaient pas sortir
cet album sans ma signature,
puisque je n’étais pas sous contrat
avec CBS, il a bien fallu qu’ils me
payent, même si ça a été loin d’être
aussi satisfaisant que ce que j’étais
en droit d’espérer et que ça a été un
vrai combat pour l’obtenir. Durant
tout ce temps, je n’ai pas eu un seul
membre du groupe au téléphone ou
même en face de moi. Rappelle-toi
qu’à l’époque, tu ne pouvais joindre
les gens que sur leur téléphone fixe.
J’ai donc décidé de stopper ma
collaboration avec eux et de
reprendre mes activités de session-
man. Plus tard, j’ai lu des magazines
dans lesquels ils donnaient des
interviews en parlant de mon départ,
donnant des tas d’excuses bidons…
Ils ont engagé Dave Holland, qui
était un batteur plus direct, moins
technique que moi. L’explication
était donc toute trouvée : « Nous
avons décidé de changer de direction
musicale et nous voulions que Les joue
plus simplement ! » Cette soi-disant
« conversation » entre eux et moi à
ce propos n’a jamais eu lieu !
Evidemment, il fallait bien qu’ils
trouvent autre chose à dire que
« Les est parti parce que nous ne
voulions pas lui verser un salaire pour
sa performance sur Unleashed In
The East » ! Ça n’aurait sûrement
pas été très bien perçu par les fans !
J’ai aussi lu d’autres théories à
propos de mon départ. Toutes sont
fausses. La réalité est très terre-à-
terre : ils ne voulaient pas me payer
pour mon travail. Y
51
 GENRE
. Death metal progressif
LE GROUPE
. Paul Riedl (chant, guitare)
. Morris Kolontyrsky
(guitare)
. Jeff Barrett (basse)
. Isaac Faulk (batterie)

SITE INTERNET
www.facebook.com/
astralnecrosis
ALBUMS
. Starspawn (2016)
. Live Vitrification (live – 2018)
. Hidden History Of The Human
Race (2019)
ARTICLE RH
RH N°205

De g. à d. : Isaac Faulk, Morris Kolontyrsky,

Jeff Barrett & Paul Riedl
52

Il n'aura fallu que deux albums studio et un live (celui-ci uniquement disponible en musicassette), pour que Blood
Incantation devienne « le groupe qu'il faut absolument avoir écouté ». Tout cela ressemblerait bien à un effet de
mode si le combo du Colorado ne mélangeait pas death metal old-school et ambiances psychédéliques (deux styles assez
peu dans le vent). Isaac Faulk, batteur du groupe, nous en a dit plus sur l'étonnant Hidden History Of The Human
Race, un album où se côtoient blastbeats et entités extraterrestres.
Rock Hard : La musique de Blood
Incantation est pour le moins
complexe. J’imagine que l’écriture
de tels titres prend pas mal de
temps.
Isaac Faulk : En fait, la composition
de notre dernier album s’est étalée
sur plusieurs années. « The Giza
Power Plant » date de 2013, nous la
jouons d’ailleurs en concert depuis
lors. « Awakening From The Dream Of
Existence To The Multidimensional
Nature Of Our Reality (Mirror Of The
Soul) » a été quant à elle écrite sur
plusieurs années (Ndlr : comme son
titre, peut-être ?). J’ai commencé à la
composer en 2017 et elle est passée
par plusieurs phases jusqu’à devenir
cette longue pièce de 18 minutes.
L’enregistrement, en comparaison,
a été assez court : nous avons passé
dix jours en studio au mois de juin et
c’était dans la boîte. Le plus long a
été le mixage, comme d’habitude.
Es-tu le compositeur principal du
groupe ?
Non, chaque titre a sa propre histoire.
Paul (Riedl/chant, guitare) a écrit
« The Giza Power Plant », j’ai écrit
« Awakening... », mais la fin acoustique
est de Morris (Kolontyrsky/guitare).
Les deux autres titres de l’album sont
des créations collectives, pour la
plupart issues de jams.
On a du mal à imaginer un ensemble
aussi alambiqué être le résultat de
jams tellement tout ce que vous
faites sonne comme de la musique
« écrite »...
C’est pourtant le cas ! Nous jammons
et, pendant ce temps, le magnéto
tourne. Chacun réécoute alors les
bandes de son côté, puis nous
décidons d’un commun accord quels
passages conserver et comment les
mettre en forme, ou quel riff
enchaîner avec quel autre, etc. Cela
a le mérite d’emmener parfois une
compo vers des chemins étonnants
qu’elle n’aurait jamais empruntés si
elle avait dû être l’œuvre d’une seule
et même personne. Le couplet assez
groovy de « Inner Paths (To Outer
Space) » en est un très bon exemple :
si l’un de nous avait composé ce titre,
il ne serait jamais parti de façon
réfléchie sur ce genre de rythme.
Seule la spontanéité de
l’improvisation pouvait nous faire
tomber là-dessus par hasard. Et
quand bien même l’un de nous
s’attaque à l’écriture d’un morceau,
même s’il est l’auteur des riffs
principaux, le résultat final est
toujours empreint de la marque des
trois autres. Chacun va amener sa
pierre à l’édifice, qui par un
arrangement, qui par un solo...
Votre son 100% analogique semble
anachronique dans le paysage
musical extrême actuel. Vous
donnez l’impression de le porter
comme un étendard, presque comme
une revendication...
Oui, il y a un peu de ça. C’est
important pour nous car nous
estimons que cela donne une chaleur
à l’enregistrement dont manquent
cruellement bien des productions
aujourd’hui. Pour être honnête,
nous écoutons assez peu de musique
utilisant les techniques de son
actuelles : nos goûts nous portent
plus vers le vieux rock progressif, le
rock psychédélique, la new age des
années 60 et 70, et, bien évidemment,
tous les grands classiques du death
metal du début des années 90. Le
dénominateur commun de tout cela
est l’analogique, et j’estime que c’est
ce type de son humain qui convient le
mieux à l’oreille humaine. D’ailleurs,
je ne m’avancerais jamais à prédire
la façon dont le groupe évoluera en
termes de musique dans les années
qui viennent, mais je peux en
revanche te garantir que le son
analogique restera une sorte de
signature pour Blood Incantation.
Nous garderons cette caractéristique
LA TECHNIQUE N'EST POUR NOUS
QU'UN VECTEUR DESTINÉ À FAIRE
PASSER DES ÉMOTIONS PLUS
COMPLEXES (ISAAC FAULK)
qui fait intégralement partie de notre
vision de la musique.
Finalement, en termes d’état d’esprit,
vous êtes bien plus proches des années
70 que de toute la vague brutal death
ultra technique en vogue aujourd’hui.
C’est un style qui te touche ?
Je ne veux manquer de respect à
personne car chacun mène sa barque
comme il l’entend, mais j’avoue que
je ne suis pas friand de cette scène,
non. Pour moi, toute cette vague est
à comparer à l’athlétisme plus qu’à la
musique. Tu entraînes ton corps à
atteindre un certain niveau de
capacités, tout comme un coureur
ou un haltérophile. Jouer à une telle
vitesse est un pur entraînement
physique. Je ne nie pas que cela
représente beaucoup de travail, mais
pour moi, il n’y a pas d’art là-dedans.
Cela n’a rien à voir avec peindre un
tableau, tu vois ce que je veux dire ?
Alors certes, c’est très impressionnant,
mais ça ne m’apporte rien de ce que
j’attends de l’art. Je ne ressens
aucune émotion là-dedans, il n’y a
aucune profondeur, ni même
l’expression de quoi que ce soit. Il
s’agit de préparation physique, c’est
tout. Certains groupes très techniques
parviennent à ménager une certaine
émotion, je pense par exemple à
Gorguts ou Obscura, qui expriment
des choses à travers leur musique et
Propos recueillis par Charlélie Arnaud - Entretien réalisé via Skype le 4 décembre 2019
ne se bornent pas à montrer ce
qu’il est possible de faire avec un
instrument. J’ose espérer que nous
sommes également perçus de cette
façon. La technique n’est pour nous
qu’un vecteur destiné à faire passer
des émotions plus complexes, et
elle nous vient de groupes comme
Yes et King Crimson qui utilisent
des signatures rythmiques très
particulières afin d’installer une
ambiance, plutôt que de groupes
metal très techniques comme
Suffocation chez qui toute cette
complexité est mise au service de
la brutalité pure.
En écoutant ton jeu de batterie,
je me demandais si le jazz faisait
partie de tes influences...
J’ai pris des cours de batterie étant
plus jeune et, forcément, on m’y a
enseigné quelques techniques, mais
pour être tout-à-fait honnête, je suis
un piètre batteur de jazz (petit rire
gêné). Ce n’est vraiment pas ma
spécialité, mais je suis en revanche
très influencé par de nombreux
batteurs qui sont férus de jazz. Alors,
peut-être qu’indirectement cela se
ressent dans mon jeu.
Tu parlais des années 70... Vous
avez depuis très peu de temps une
page Facebook, mais avez fui
durant des années toute forme de
communication via Internet ou les
réseaux sociaux. Comment se fait-il ?
Nous avons effectivement sauté le
pas très récemment. Cela ne nous
intéressait pas car... comment te
dire... (il cherche longuement ses mots).
J’ai l’impression que les réseaux
sociaux, par rapport à la scène
musicale, ne sont pas basés sur une
forme d’échange sincère, honnête,
voire réel. Lorsque j’étais plus jeune,
j’ai découvert des tas de groupes en
lisant des interviews comme celle que
nous sommes en train de faire tous les
deux, en regardant les tee-shirts que
portaient mes musiciens préférés, en
épluchant les crédits sur les pochettes
d’albums, etc. Les médias sociaux ont
en partie tué ce genre d’expérience et
je trouve ça moche. Ça brade l’identité
d’un groupe. Je n’ai pas envie de voir
des photos de mon guitariste préféré
dans sa vie de famille ou sur un lit
d’hôpital quand on le soigne pour des
hémorroïdes (rires). Nous avons
maintenant une page Facebook parce
que quelqu’un avait créé une fanpage
du groupe et que pas mal d’infos peu
fiables y figuraient. Nous avons donc
voulu reprendre le contrôle de la
situation et le fan qui avait créé la
page nous l’a très gentiment cédée
pour qu’elle devienne notre page
officielle. C’est très pratique pour y
annoncer nos dates de concerts,
mais ne vous attendez pas à ce que
nous commentions vos « likes » ou que
nous répondions aux messages privés
(sourire). Nous n’aimons toujours pas
beaucoup cela.
Les paroles de vos chansons
tournent toutes autour des
civilisations perdues et de la
possibilité d’une vie extraterrestre
bien antérieure à l’apparition de
l’homme. Je crois savoir que ça va
bien plus loin qu’un simple concept
pour vous, c’est une véritable
passion ?
Absolument. Toute l’esthétique du
groupe repose sur ces propos. C’est
une dimension importante de Blood
Incantation, nous ne serions pas le
même groupe sans ce concept. Nos
textes sont une façon pour nous
d’attirer l’attention des auditeurs sur
des sujets auxquels ils n’ont peut-être
jamais pensé, de leur inspirer une
réflexion ou, le cas échéant, de les
amener à approfondir celle-ci. Je
pense que les paroles de notre dernier
album sont également une bonne
source de méditation dont la lecture
peut aider au voyage astral, à
ressentir le pouvoir de ces lieux vers
lesquels notre musique est elle aussi
censée t’aider à te rendre. La vie
extraterrestre est l’une des facettes
importantes de nos textes, mais
encore faut-il la définir. Beaucoup de
gens rejettent ce débat d’entrée de
jeu et l’on passe invariablement pour
un illuminé lorsqu’on aborde le sujet
(rires), mais notre conception d’une
forme de vie venant d’ailleurs n’a rien
à voir avec les petits hommes verts
qui se déplacent en soucoupe volante
(rires). Cela tient plutôt à l’existence
d’êtres multidimensionnels qui vivent
peut-être parmi nous au quotidien et
que nous ne pouvons pas forcément
voir. Notre but avoué est d’amener les
gens à se questionner eux aussi sur
ces sujets qui nous fascinent tous au
sein du groupe. Nous ne sommes pas
spécialement dingues de science-
fiction, mais la présence d’êtres
extraterrestres nous pose question.
Nous sommes d’ailleurs plus
intéressés par « l’aventure intérieure »
que par l’espace en tant que
« cosmos ». Que se passe-t-il dans
l’esprit humain et sommes-nous
influencés sans le savoir par des êtres
que nous ne percevons pas ? Peut-être
sont-ce eux que nous appelons « nos
démons » ? Autant de pistes que nous
livrons sans pour autant prétendre
détenir une vérité quelconque ou
l’ombre d’une réponse empreinte de
certitude. Juste une ouverture à la
réflexion... Y
53
 Propos recueillis par Morgan Rivalin - Interview réalisée le 03 décembre 2019 à Paris
Fièrement incarné par une pochette très réussie aux allures de compression de César passée à la moulinette biomécanique
chère à H.R. Giger, Wolves Among The Ashes illustre un certain renouveau pour Svart Crown, remis d'équerre après une
période de turbulences. Retrouvé à Paris sur une banquette du Hellfest Corner, JB Le Bail, le chanteur/guitariste du
combo black/death hexagonal, vous en parle sans langue de bois.

Rock Hard : Il y a trois ans, tu nous
avais décrit des tournées pour le moins
chaotiques (Cf. RH174). Ça a encore
une fois été assez mouvementé, non ?
JB Le Bail : Oui, c’est la vie d’un
groupe ! En tournée, ce n’est jamais
tout blanc ou tout noir. Il y a des
choses qui se passent plus ou moins
bien. Personnellement, je ne sais pas
mentir, alors je le dis très franchement :
oui, il y a eu des problèmes
relationnels au cours de la tournée
Abreaction (2017). Des frustrations ont
été accumulées et les tensions nées
lors de l’enregistrement de l’album
nous ont menées tout droit vers le
point de rupture. Certains membres du
groupe ont donc quitté le navire.
C’est une simple histoire de
personnes ?
C’est ça. Une « connexion » ne s’est
pas faite avec certains membres,
notamment avec Kevin Paradis
(Agressor, Benighted). Il ne s’en est
pas caché, alors je ne m’en cache pas
non plus… (sourire) Il est parti moins
d’un an après la sortie d’Abreaction,
mais c’était latent. Trouver un
remplaçant n’a pas été aisé et ça a
quelque peu cassé l’élan que nous
avions à ce moment-là. Ces problèmes
de personnes nous ont parfois
empêchés de profiter à fond de certains
moments qui, pourtant, auraient dû
être vécus comme de superbes
réussites. Je pense notamment à la
tournée européenne de Rotting Christ :
27 dates en Europe – pas moins de
quatre en France – dont 21 affichant
complet. C’est l’une des meilleures
tournées auxquelles nous avons pris
part depuis la création du groupe,
surtout en termes d’affluence aux
concerts. Pourtant, nous n’en avons
pas profité car quelque chose clochait.
Quand je suis rentré à la maison, je
n’étais pas heureux des semaines que

54

De g. à d. : Clément Flandrois,
Nicolas « Ranko » Muller, JB Le Bail
& Julien Negro
nous venions de passer sur les routes.
Après cette tournée, je me suis posé
plein de questions. Je me suis demandé
si j’avais encore envie de continuer
avec Svart Crown, voire de jouer ce
style de musique. Ce fut une période
déprimante. Pas de batteur fixe, pas
GENRE
. Black/death metal
LE GROUPE
. JB Le Bail (chant, guitare)
. Clément Flandrois (guitare)
. Julien Negro (basse)
. ARTICLES RH
Nicolas « Ranko » Muller
(batterie)
SITE INTERNET
http://svartcrown.bandcamp.com
d’idées, pas de vision de comment
pérenniser la chose... D’autres départs
sont donc survenus. C’était la suite
logique.
Il y a également eu des arrivées,
comme celle du bassiste Julien
Negro, plutôt connu dans les sphères
progressives avec Anthropia et Lord
Of Mushrooms...
Ah, mais Julien est aussi un grand
amateur de death metal ! Il jouait
dans Kabbal, un excellent groupe de
death bien connu dans le Sud de la
France et ailleurs. Avec Svart Crown,
il revient donc à ses premières amours.
Nous devons nous connaître depuis
au moins une quinzaine d’années,
mais nous sommes entrés en contact
assez récemment, il y a un an ou deux.
Il connaît bien Ranko (Nicolas
Muller/batterie). Après le retour de
ce dernier (Ndlr : il avait quitté Svart
Crown en 2014), son recrutement était
évident. Julien nous apporte quelque
chose de nouveau dans sa façon de
jouer. Il a également participé à
l’écriture des textes et a chanté sur
l’album, au même titre que Ranko, à
notre grande surprise. Ce dernier nous
avait toujours dit qu’il pouvait aider
dans le domaine du chant. C’était vrai !
(sourire) Il a également supervisé
l’enregistrement des lignes de voix
dans son studio. Nous avons un peu
manqué de temps à Paris, chez
Francis Caste (Hangman’s Chair,
Klone). Nous nous sommes concentrés
sur l’enregistrement de la musique et
avons décidé de mettre en boîte le
chant par la suite, sans pression, lors
de l’été dernier. Quand nous sommes
arrivés à Paris, je n’avais pas fini mes
textes. Je ne me sentais pas encore
prêt... Enregistrer avec mes camarades
plutôt qu’avec notre producteur n’a
pas forcément été facile pour moi.
Il m’a fallu me « mettre à nu » devant
mes potes. A certains moments,
ce fut assez compliqué. J’avais
l’impression d’être disséqué en
public… J’appréhendais le jugement,
d’autant que, sur ce disque, j’ai essayé
de nouvelles choses. Mais nous en
sommes venus à bout ! (sourire)
Le mélodieux et ambiancé « Road To
Nowhere » est sans doute le meilleur
exemple de ces expérimentations.
Comment est-il né ?
C’est un morceau que j’avais en tête
depuis très longtemps. J’avais sa
structure et ses lignes de chant, mais
une fois arrivé en studio chez Francis,
je n’y arrivais pas. Quelque chose ne
passait pas. J’ai tout retouché, paroles,
structures, placements, harmonies...
Rien à faire. J’ai donc demandé à
Clément et à Ranko si, eux, ils y
arrivaient. Leurs deux versions étant
bonnes, je les ai en quelque sorte
ALBUMS
.
Ages Of Decay (2008)
. Witnessing The Fall (2010)
. Profane (2013)
. Abreaction (2017)
. Wolves Among The Ashes
(07 février 2020)
RH N°105, 174 & 205
mélangées. Ce morceau incarne
l’expérimentation, mais aussi une
collaboration plus collégiale que jamais
dans ce nouveau chapitre de l’histoire
du groupe.
Qu’est-ce qui a convaincu Ranko et
Clément de revenir au bercail ?
Déjà, s’ils sont effectivement partis,
ils n’ont jamais été très loin. Ils sont
restés dans le sillage du groupe. Ce
sont des personnes importantes, des
amis. Ils ont fait leur bout de chemin
séparément, parce qu’ils en avaient
besoin. Svart Crown, lui, a suivi sa
voie, mais j’ai toujours su que je
pouvais compter sur eux. Quand Kevin
Paradis est parti, Ranko m’a dit que
si j’avais besoin d’un batteur pour
l’enregistrement du prochain album,
il serait là. Puis il nous a dépannés
pour un concert, puis pour un
deuxième, et voilà. C’est plus ou
moins la même chose qui s’est produite
avec Clément. C’est un ami d’enfance,
quelqu’un de très proche de moi.
Nous avons grandi ensemble, comme
deux frères qui font de la musique.
Son départ avait été une énorme
déchirure pour moi, je ne le cache pas.
Les choses se sont faites naturellement.
Ce petit break nous a tous permis
JE ME SUIS DEMANDÉ SI J'AVAIS
ENCORE ENVIE DE CONTINUER AVEC
SVART CROWN, VOIRE DE JOUER CE
STYLE DE MUSIQUE. C'ÉTAIT UNE
PÉRIODE DÉPRIMANTE (JB LE BAIL)
d’évoluer et de mettre un petit peu
d’eau dans notre vin. Nos relations
me semblent beaucoup plus saines
aujourd’hui.
Généralement, les départs sont liés
à des problèmes on ne peut plus
concrets : la disponibilité, la famille,
le travail...
Oui, c’est exactement ça. Vous savez,
Svart Crown demande énormément,
mais donne peu. Nous ne sommes pas
un groupe super vendeur qui vit de sa
musique. Chaque chose que nous
accomplissons nous prend du temps,
et puisque nous aimons faire de notre
mieux, nous abordons tout à la manière
d’un groupe pro, alors que ce n’est
pourtant pas notre cas. C’est un choix
de vie compliqué à assumer. Dans la
vie de tous les jours, il faut trouver le
bon dosage, laisser le groupe à la place
qui est la sienne. C’est en partie ce qui
avait causé les départs de Ranko et de
Clément, parce qu’ils n’arrivaient pas à
trouver le bon dosage, celui qui permet
de ne pas pénaliser ta vie perso et pro,
ni celle du groupe.
Si je te dis que j’entends toujours
du Sepultura dans certains riffs,
ça t’étonne ?
(Rires) Non, bien sûr. Ça restera
toujours l’une de mes influences.
Je ne suis pas étonné qu’on retrouve
un peu de cette « chaleur », voire
un côté quasi tribal. Quand je suis
vraiment devenu accro au metal,
Max Cavalera était l’une de mes
références en termes de frontman,
aux côtés de Jon Nödtveidt (Dissection)
ou encore de James Hetfield, période
...And Justice For All (1988)/Black
Album (1991). Arise (1991) et Chaos
A.D. (1993) feront toujours partie de
mes albums préférés. J’ai également
usé jusqu’à la corde ma VHS de Under
Siege (Live In Barcelona) (1991) !
Quel rôle tient aujourd’hui Francis
Caste dans le monde de Svart Crown ?
C’est notre producteur, mais c’est
aussi un ami. Il s’agit de notre
quatrième collaboration et nous
sommes toujours autant en symbiose.
En tant que gros fan du death metal
de Floride, j’ai déjà envisagé
d’enregistrer ou de faire mixer là-bas,
mais la qualité du travail de Francis
et de la relation qui est la nôtre font
que nous n’avons pas besoin de
chercher ailleurs. Il assure tellement
que le fait qu’il collabore avec un
groupe de metal extrême comme le
nôtre, ou encore qu’il enregistre
Kickback et Arkhon Infaustus, a
sans doute donné des idées à d’autres.
Je ne me vante pas, c’est lui qu’il
nous l’a dit ! Ça a donné des idées
à Loudblast, The Great Old Ones,
Regarde Les Hommes Tomber, etc.,
et c’est très bien comme ça. Il mérite
son succès !
Pour finir, parle-nous de ce qui a
en partie inspiré le contenu de ce
nouvel album, cet incroyable
champ de gaz naturel situé au
Turkménistan. Pratique pour griller
ses merguez en vacances !
(Rires) Je n’y suis pas allé en vacances,
mais je m’y rendrai un jour, c’est
certain. J’ai effectivement découvert
ce cratère rempli de gaz situé au
milieu d’un désert à Darvaza, au
Turkménistan, qu’on surnomme la
Porte de l’Enfer. Difficile de faire
plus metal que ça ! Il en sort
continuellement d’énormes flammes,
alimentées par le gigantesque stock
de gaz naturel situé sous terre.
C’est assez hallucinant ! Cette vision
d’une nature destructrice et
surpuissante face à l’Homme m’a suivi
tout au long de l’écriture de l’album,
notamment lors de treks dans lesquels
j’aime me lancer seul. Ce sont des
moments de recueillement et de
communion qui sont très importants
à mon équilibre. Je vis dans le Sud,
dans une région riche en contrastes
où la nature se déchaîne régulièrement.
Le vent, le feu et la pluie viennent
souvent nous rappeler « qui est le
patron ». C’est violent, mais ça a le
mérite de remettre les idées en place,
et l’Homme à sa place. La vraie
Apocalypse, c’est celle induite par
le dérèglement climatique. Y
55
 GENRE
. Hard rock progressif
LE GROUPE
. Jeff Scott Soto (chant)
. Ron « Bumblefoot » Thal
(guitare)
. Derek Sherinian (claviers)
. Mike Portnoy (batterie)
. Billy Sheehan (basse)
56
SITE INTERNET
www.sonsofapollo.com
ALBUMS
. Psychotic Symphony (2017)
. Live With The Plovdiv Psychotic
Symphony (live – 2019)
. MMXX (2020)
ARTICLES RH
RH N°180 & 205 De g. à d. : Billy Sheehan, Jeff Scott Soto,
Ron « Bumblefoot » Thal, Mike Portnoy
& Derek Sherinian
 Propos recueillis par Djul - Entretien téléphonique réalisé le 4 décembre 2019
Tout comme il serait inconcevable que la décennie débute sans un album faisant figurer le stakhanoviste batteur à l’affiche,
Mike Portnoy se devait également d’être dans nos pages pour le numéro de janvier 2020 ! Nous avions pourtant essayé, histoire
de changer, de donner la parole à son compère guitariste Ron Thal, mais ce dernier était indisponible ! Le très bavard New-yorkais
décroche donc, prêt à assurer la promotion du deuxième et excellent album de Sons Of Apollo, son énième super groupe qui
s’ancre définitivement sur le long terme avec ce splendide 2020. Bénéficiant d’un peu de rab sur notre créneau d’interview,
nous en venons également à aborder les autres projets du percussionniste, mais aussi la petite pique lancée récemment au
chanteur de son « ex-groupe de toujours » Dream Theater, qui a fait couler un peu d’encre, mais qu’il relativise avec tact.
De l’art de manier la parole comme les baguettes, en quelque sorte !

Rock Hard : Juste avant notre
première interview pour le groupe,
en 2017, je me rappelle avoir
surpris Derek (Sherinian/claviers)
insister auprès de toi sur le fait de
faire place libre dans l’agenda de
tous les membres pour que Sons
Of Apollo dispose de l’exposition
la plus importante possible. Deux
ans après, est-ce que ce pari te
semble relevé ?
Mike Portnoy : Oui, me semble-t-il !
Nous avons tous investi beaucoup de
temps, chacun de nous cinq, sur la
quasi-totalité de l’année 2018. Nous
avons beaucoup tourné : deux fois
aux Etats-Unis, deux fois en Europe,
ainsi qu’en Amérique du Sud et au
Japon. Alors, je dirais que nous y
avons mis du nôtre ! Le premier
album s’est bien vendu et notre
maison de disques est contente des
chiffres atteints, même s’il faut du
temps pour développer un groupe
en partant de zéro. Quand bien
même il y a des musiciens connus
en son sein, il faut faire connaître
son nom, faire sa place… Ça se
développe en commençant dans de
petits clubs pour aller dans de plus
grandes salles, et c’est exactement
ce qui s’est passé pour nous. Le DVD
Live With The Plovdiv Psychotic
Symphony (2019) donne une bonne
idée de la taille du public devant
lequel nous jouions vers la fin de
la tournée, ce qui est très
satisfaisant après un seul album.
Tu ne commences pas en affichant
complet au Zénith de Paris ! (rires)
Depuis neuf ans et mon départ de
Dream Theater, j’ai connu de très
nombreuses situations similaires,
que ce soit avec The Winery Dogs
ou Flying Colors… Je m’y suis
habitué et je me suis même
spécialisé en la matière ! Ça se
construit au fil du temps, et c’est
ce qui fait la différence entre les
petits garçons et les hommes ! (rires)
En parlant de ce DVD, il a pu
surprendre en arrivant si tôt
dans votre carrière, mais j’imagine
que la disponibilité de l’orchestre
sur cette date et le fait que vous
jouiez de nombreuses reprises ont
créé l’opportunité d'immortaliser
ce concert ?
C’est précisément ces deux points
qui ont justifié notre décision.
J’avais vu ce qu’Opeth ou encore
Devin Townsend avaient réalisé à
Plovdiv (Bulgarie) avec le même
orchestre et cette chorale, et je
connaissais aussi cette scène. Alors,
je savais que les conditions seraient
idéales. De plus, le manager de ces
deux groupes, Andy Farrow, était en
charge de notre tournée et avait
programmé cette date en ayant déjà
cette opportunité en tête. Quant aux
reprises, nous avions effectivement
intercalé, dans notre setlist, tous
ces morceaux issus de nos passés
respectifs et d’autres groupes.
Des titres qui ne réapparaitront pas
dans le futur car nous ne voulons
plus jouer que nos compositions
originales… Enfin, j’adore pouvoir
documenter chaque tournée que je
réalise, quel que soit le groupe dans
lequel je joue : cela clôt un chapitre,
un cycle, en quelque sorte. Si je ne
m’abuse, il n’y a qu’avec Adrenaline
Mob et Metal Allegiance que je n’en
ai pas encore eu l’occasion. Bref,
tout était réuni pour une soirée
parfaite et ce fut le cas, même s’il
y a eu d’autres grands moments sur
la tournée, comme, par exemple, le
Hellfest en 2018, qui est un festival
que j’adore ! Je me désole d’ailleurs
de ne pas y retourner avec le groupe
cette année ! (rires)
J’ASSUME PARFAITEMENT LE LIEN
ENTRE LE DREAM THEATER DU MILIEU
DES ANNÉES 90 ET CE QUE PROPOSE
AUJOURD’HUI SONS OF APOLLO !
(MIKE PORTNOY)
En 2017, Derek avait été très clair
sur le fait qu’il y aurait une suite
et qu’il avait déjà des idées pour
un deuxième album. Des idées
qui semblent développées sur
« Desolate July » et « King Of
Delusion ». Le premier titre est
assez surprenant avec ses airs
de power ballad…
Je commencerai déjà par préciser
que si Derek, d’autres et moi-même
avions déjà mis des idées de côté,
il ne s’agissait en rien de morceaux
complets ou même de démos. Le vrai
travail de composition n’a débuté
qu’au début de l’année 2019, pas
avant. Mais en effet, « Desolate
July » a fait partie de ces premières
idées, et c’est effectivement un
morceau différent, avec un ton
très sombre. Son titre de travail
était d’ailleurs « Sabbath », en
référence à ses climats très lourds
à la « Children Of The Sea ». Ses
paroles évoquent la disparition de
David Z, le bassiste d’Adrenaline
Mob (Ndlr : décédé lors d’un accident
de la route en pleine tournée, le 14
juillet 2017, en Floride), un ami que
j’avais en commun avec Jeff (Scott
Soto/chant). Dave était aussi le
bassiste de Jeff lorsque ce dernier
tournait en solo et ils travaillaient
ensemble avec le Trans-Siberian
Orchestra. Il était très proche de
nous. Sa perte est une tragédie.
Sur « King Of Delusion », Derek
et toi formez un étonnant duo
piano/batterie : comment vous
est venue cette idée ?
Tout a commencé par l’introduction
de pur piano de Derek. Quand je
l’ai découverte, cela m’a surpris car
je n’étais pas habitué à entendre
Derek dans ce type de répertoire,
mais j’ai trouvé cela génial. Nous
avons donc retravaillé ces parties en
les revisitant en milieu de morceau,
en y ajoutant des orchestrations,
et en les mêlant avec mes parties de
batterie. Par ailleurs, je dois avouer
avoir fait un emprunt à un morceau
de la carrière solo de Derek, « Black
Utopia » (Ndlr : morceau-titre de l’album
du même nom paru en 2003) : nous
avons en effet repris le même groove
et une partie des riffs. Il me détesterait
s’il savait que je venais de le révéler !
(rires)
En parlant d’emprunt, à l’écoute
de « Resurrection Day », difficile
de ne pas penser au « Just Let
Me Breathe » de Falling Into
Infinity (Ndlr : album de Dream
Theater paru en 1997). Derek
et toi apparaissant sur ce disque,
difficile de passer cette référence
sous silence…
Cela va te surprendre, mais c’est
Ron (Thal/guitare) qui a écrit ces
parties ! (rires) Mais comme tu le
dis, ce lien est inévitable et on ne
va pas s’en cacher ! Nous avons une
forme de signature dans notre style
de composition. Or, Falling Into
Infinity avait été majoritairement
écrit par John Petrucci (Ndlr :
guitariste de Dream Theater), Derek
et moi, alors, forcément, on retrouve
un peu de ce style chez Sons Of
Apollo ! Au début de « Goodbye
Divinity », il y a ce feeling qui
rappelle clairement « New Millenium »
parce que les tonalités et les
sonorités employées par Derek sont
les mêmes. Idem pour la manière
dont j’ai arrangé mes parties de
batterie. Alors, j’assume parfaitement
le lien entre le Dream Theater du
milieu des années 90 et ce que
propose aujourd’hui Sons Of Apollo !
Ron semble encore plus au centre
des débats sur ce deuxième album.
Est-ce parce qu’il a gagné en
confiance et vous connait mieux
désormais ?
Je relèverai tout d’abord qu’il a
beaucoup contribué à Psychotic
Symphony (2017) et que cet apport
n’est donc pas nouveau. Mais après
plus de 80 concerts donnés ensemble,
il est évident que nous nous
connaissons mieux et qu’il sait
comment s’intégrer au duo que je
forme avec Derek. En tout cas, cette
alchimie ayant bien fonctionné en
2017, nous avons justement cherché
à la répliquer en 2019. Nous avons
donc procédé exactement de la
même manière, en composant à
trois, chez moi, dans mon studio,
durant trois semaines, avant que
Derek et moi n’allions à Los
Angeles enregistrer nos parties
respectives.
« New World Today » est l’un des
temps forts du disque, du haut de
ses seize minutes. Comment avez-
vous construit ce titre qui passe
allègrement du pur prog’ au
thrash ?
C’est le dernier titre que nous avons
composé. Or, nous avions plusieurs
idées diverses et variées, d’où ces
changements de styles que tu
évoques. Le démarrage de ce titre
se fait dans la grande tradition
progressive. Ça me fait penser à UK.
Il s’agit de parties de claviers de
Derek. Ron avait aussi quelques
riffs un peu fous instrumentalement.
Nous avons donc décidé de les
rassembler, un peu comme sur
« Opus Maximus », du premier
album, mais sans qu’il s’agisse
cette fois d’un instrumental. Il
fallait que ce soit toujours aussi fou
techniquement, mais nous l’avons
arrangé pour qu’il soit chanté,
comme nous l’avions déjà fait dans
le passé avec « Labyrinth ». Et nous
sommes arrivés à la fin de ce
processus avec un titre géant de
seize minutes. Un autre point
intéressant sur ce titre sont ces
paroles de Jeff, que j’adore. Elles
sont assez subtiles, assez cyniques,
et traitent avec sarcasme du monde
d’aujourd’hui…
Qu’attendre de la tournée à venir ?
Déjà, que je puisse annoncer les
deux dates françaises de la tournée

57
 européenne du mois de mars !
(rires) (Ndlr : deux concerts sont pour
l’instant prévus : l’un à Marseille, le
17 mars, et l’autre le lendemain, à
Paris) Le promoteur met du temps
à nous renvoyer les papiers signés,
alors je suis bloqué, mais ça va se
faire, c’est une certitude ! C’est très
français, sans doute ! (rires) Blague
à part, je suis rassuré qu’il y ait
ces deux dates françaises car, la
semaine prochaine, j’embarque pour
l’Europe avec Flying Colors et, à mon
grand regret, il n’y a pas de date
prévue en France : j’ai fait tout mon
possible pour que ce soit le cas, mais
les offres faites ne couvraient même
pas nos frais de déplacement. C’était
donc tout simplement impossible.
Heureusement, je pourrai me rattraper
avec Sons Of Apollo ! Pour revenir
à ta question, nos concerts seront
intégralement focalisés sur nos
deux albums. Nous avons désormais
largement assez de matière pour ne
pas jouer de reprises. Comme ce fut
le cas avec The Winery Dogs et
Flying Colors en leur temps, nous
allons donc pouvoir nous concentrer
dès le deuxième album sur nos
propres morceaux.
Puisque nous avons un peu de
temps, parlons de tes autres projets,
à commencer par le retour aux
affaires de Transatlantic. Que
peux-tu nous dire sans trahir le
mystère qui entoure ce comeback ?
Pas grand-chose ! (rires) ! Je peux te
confirmer que nous avons mis en
58
boîte un nouvel album en Suède, avec
tous les membres du groupe, et qu’il
est en cours de mixage au moment
où nous nous parlons ! Mais la raison
pour laquelle nous gardons le secret
s’explique surtout par le fait que ce
nouvel opus ne sortira pas avant la
fin de l’année 2020, du fait des
agendas des uns et des autres…
Alors, inutile de faire monter
l’excitation des fans ! Je peux te
dire également que nous espérons
pouvoir tourner en 2021, une fois,
notamment, que Pete (Trewavas/
basse) aura assuré ses engagements
de concerts avec Marillion.
Et sur tous tes autres fronts ?
Tellement de choses ! (rires)
Concernant The Winery Dogs,
nous attendons la prochaine fenêtre
de tir commune pour écrire un
nouvel album, mais la dernière
tournée a été si plaisante que
nous allons tout faire pour nous
y remettre au plus vite. Cet été,
j’espère ! Cela se fera sans doute
une fois que Richie (Kotzen/guitare)
aura terminé ses concerts solo.
Et on peut espérer là-encore une
tournée en 2021. Quant à Metal
Allegiance, nous allons donner notre
concert annuel au NAMM (Ndlr :
célèbre salon professionnel de
l’industrie musicale qui se tient à
Anaheim en Californie) en janvier
prochain. Pour l’occasion, nous
aurons une équipe exceptionnelle,
en particulier un quatuor all star de
guitaristes composé d’Alex Skolnick
(Testament), Gary Holt (ex-Slayer,
Exodus), Andreas Kisser (Sepultura)
et Phil Demmel (ex-Machine Head).
C’est vraiment impossible de rêver
mieux. A cela viendront s’ajouter au
chant Bobby Blitz (Overkill), John
Bush (Armored Saint, ex-Anthrax),
Chuck Billy (Testament), Alissa
White-Gluz (Arch Enemy), et j’en
passe… Sans en faire des caisses,
avec un line-up pareil, je pense qu’il
s’agira de l’évènement metal de
l’année. J’adorerais pouvoir amener
Metal Allegiance en Europe, mais
cela relève de l’impossible : il y a
trop d’agendas à aligner pour que
nous donnions plus d’un concert
dans l’année, a fortiori hors des
Etats-Unis ! Enfin, j’ajoute à ma
liste un futur DVD avec Neal Morse,
et deux autres as dans ma manche !
(rires) Il s’agit de deux albums
différents sur lesquels j’ai travaillé
ces derniers mois et à propos
desquels je n’ai pas du tout
communiqué.
Une dernière question, libre à toi
d’y répondre : il y a quelques
semaines, lors d’un show radio
brésilien, tu as été filmé déclarant,
à propos de James LaBrie (Ndlr :
chanteur de Dream Theater),
que ton projet instrumental avec
d’autres membres de Dream
Theater et Liquid Tension
Experiment sonnait comme du
« Dream Theater sans le chant
agaçant ». Ce qui n’a évidemment
pas manqué de faire couler
beaucoup d’encre. Souhaites-tu
clarifier ta position ?
Aucun souci là-dessus, même si je
suis bien conscient que, comme à
chaque fois, mes propos seront
déformés, repris en partie, et que
cela va se transformer en gros titres
racoleurs ! (rires) Ce commentaire,
réalisé en off, était une blague.
J’ignorais que j’étais filmé ou
enregistré, alors j’ai fait cette petite
blague stupide que je regrette.
Je ne veux pas que cela soit mal
interprété ou pris au sérieux :
depuis plusieurs années, j’ai une
excellente relation personnelle avec
John Petrucci, et je compte bien la
préserver. D’ailleurs, dans deux
semaines, nous dînons ensemble
avec nos familles respectives. Idem
concernant ma relation avec Jordan
Rudess (Ndlr : claviériste de Dream
Theater), avec qui j’ai renoué des
liens plus récemment. Tout se passe
au mieux, de manière paisible et
harmonieuse, et je m’en veux
d’avoir été stupide et de me
retrouver dans cette position
inconfortable où l’on va m’opposer
à James, à Dream Theater, etc.
Je déteste cette négativité, et c’est
exactement ce que j’ai cherché à
éviter depuis j’ai quitté le groupe.
J’ai passé ces neuf dernières années
à faire très attention à tout ce que
je disais à ce sujet et à peser mes
mots… J’espère tout simplement
ne pas avoir ruiné ces efforts et
je souhaite passer ce message à
chaque membre de Dream Theater. Y
 Tom Leighton & Karl Selickis
De g. à d. : Dale Tonks,
Propos recueillis par Guillaume Fleury - Entretien téléphonique réalisé le 14 décembre 2019
D’abord formé sous le patronyme The Badflowers, sous lequel il avait publié un premier album nommé Starting Gun (2018), le
trio anglais constitué de Tom Leighton (guitare, chant), Dale Tonks (basse, chant) et Karl Selickis (batterie) revient sous le
nom Wolf Jaw. La différence ? Un hard rock aujourd’hui davantage boosté au stoner et plus heavy et sombre que jamais.
Rock Hard : Penses-tu que le souhaitons proposer quelque chose en conditions live car le studio était surprise ! Il nous a cités dans deux
public a bien saisi que vous êtes de neuf. Nous avons fait appel au très petit, mais c’est une chose que interviews différentes, alors qu’on
les anciens The Badflowers ? même producteur que pour notre nous voulons absolument faire à lui demandait quels jeunes groupes
Tom Leighton : Je pense ! Il y a eu premier album, Adam Beddow, qui l’avenir. lui plaisaient. Nous le remercions
quelques confusions au départ, mais a notamment bossé avec Diamond chaleureusement car beaucoup de
à présent, un an après, je pense que Head. Il est basé près de chez Vous avez joué pas moins de gens nous ont découverts grâce à
tout est clair et que les gens nous nous et il est vraiment très facile trois sets lors du dernier festival cela. Je trouve ça vraiment cool
ont suivis avec le nouveau groupe, de travailler avec lui. Il nous a Download anglais. Comment qu’il puisse nous permettre de nous
constitué des mêmes mecs, qui proposé de nombreuses idées qui est-ce arrivé ? faire connaître. Nous allons jouer
font la même musique. Plusieurs ont superbement fonctionné... On nous a d’abord proposé de sur la même affiche que Judas
formations avaient un nom très jouer au Download, ce qui était Priest en festival l’an prochain.
proche de celui-là, et nous Votre plus grande force, selon une énorme opportunité pour nous ! J’espère pouvoir le rencontrer à
ambitionnions également de sonner moi, est à chercher du côté de Ce festival est proche de chez nous cette occasion car je ne l’ai encore
plus heavy. Je pense d’ailleurs que vos refrains, très accrocheurs. et nous y sommes souvent allés voir jamais croisé !
nous allons évoluer vers un son Est-ce le résultat de jams ou, d’autres groupes. Cette offre était
encore plus lourd à l’avenir. Notre au contraire, écrivez-vous un donc déjà incroyable. Mais, deux Quel est le déclic qui t’a poussé
nouveau nom colle donc mieux à maximum votre musique en mois plus tard, les organisateurs à vouloir devenir musicien ?
notre musique actuelle. De plus, nos amont du studio ? nous ont rappelés pour nous Cela va sonner un peu cliché,
paroles sont à présent plus sombres. Nous écrivons très rarement quoi proposer de jouer sur une autre mais je me souviens que, lorsque
Tout cela nous a offert davantage de que ce soit ! (rires) Nous apportons scène un autre jour. « Euh…Ok ! » j’apprenais la guitare – en dilettante
liberté car nous avons fait comme si quelques idées que nous essayons Puis, deux jours plus tard, tombait –, j’ai un jour trouvé une cassette
nous repartions à zéro... dans notre local de répétitions. l’offre de donner un set acoustique audio, qui appartenait sûrement à
Nous partons toujours d’un refrain sur une troisième scène ! Nous mon père, sur laquelle figuraient
Au contraire de nombreux groupes et construisons le reste autour, nous sommes donc produits trois plusieurs morceaux live. Notamment
de votre mouvance qui ne jurent mais la base de notre écriture est fois en quatre jours. Incroyable, une superbe version du « Stairway
que par du matériel des années 60 de toujours penser au rendu live. mais vraiment cool ! Je crois qu’un To Heaven » de Led Zeppelin. Au
ou 70, votre son est très C’est notre principale préoccupation : seul autre groupe a eu cette chance début, je n’étais pas emballé par
moderne... les performances live, les concerts. avant nous. Nous n’avions joué ce son un peu daté, et puis la
Ça a toujours été notre objectif. Nous essayons de capturer cette qu’une fois ou deux en acoustique batterie et la guitare électrique
Nous n’essayons pas de revenir en énergie sur album. Nous n’avons auparavant, à la radio notamment, sont arrivées, et là, je me suis dit :
arrière, de sonner vintage, mais malheureusement pas pu enregistrer mais j’aime remanier nos morceaux « Oh mon Dieu ! C’est exactement ce
de cette façon en en modifiant les que je veux faire ! Ok ! Je vais faire
GENRE SITE INTERNET structures, le style, le tempo. partie d’un groupe ! » Depuis, je joue
. Hard rock Comme je compose généralement de la guitare tous les jours ! (rires)
www.thisiswolfjaw.com
à l’aide d’une guitare acoustique, J’en veux un peu au film Wayne’s World
LE GROUPE ALBUM il n’est pas très difficile pour moi et à sa blague sur l’interdiction
. Tom Leighton
(guitare, chant) . The Heart Won’t Listen (2019) de les réarranger de cette manière… de jouer ce morceau car il reste
. Dale Tonks (basse, chant) incroyable, surtout dans sa version
ARTICLE RH Rob Halford (Judas Priest) vous a live ! Ces mecs sont les seuls à
. Karl Selickis (batterie) RH N°205 lui aussi fait une belle publicité ! atteindre un tel groove ! C’est
(Rires) Oui ! Ce fut vraiment une complètement dément ! Y

59
 GENRE
. Rock
LE GROUPE
. Julien Bernard
(chant, guitare, basse)
De g. à d. : Jérémy Cantin-Gaucher, . Fred Mariolle (guitare)
Julien Bernard, Fred Mariolle & PH Marin . PH Marin (claviers, guitare)
. Jérémy Cantin-Gaucher (batterie)
60
SITE INTERNET ARTICLES RH
www.7weeks.fr RH N°92, 130, 148, 172 & 205
ALBUMS
. All Channels Off (2009)
. 7 Weeks Plays Dead Of Night (2011)
. Carnivora (2013)
. A Farewell To Dawn (2016)
. Sisyphus (2020)

Le parcours est semé d’embûches, mais 7 Weeks a su traverser les mauvaises passes. Le groupe français offre aujourd’hui,
avec Sisyphus, un ensemble de compositions aux mélodies bien finies et mues par de nouvelles ambitions esthétiques.
Le son reste mélodique, puissant, mais s’est aéré et a gagné une cohésion nouvelle avec l’arrivée aux guitares du
nouveau membre – et vieille connaissance – Fred Mariolle. Les premiers concerts du groupe donnés fin 2019 ont saisi
l’auditoire, et 2020 se dessine sous les meilleures auspices. Entretien avec le fondateur Julien Bernard (basse/chant).
Rock Hard : Derrière un titre
comme « Gone », il y a l’idée du
renouveau, de la résilience peut-
être. Qu’est-ce qui amène à composer
un morceau comme celui-ci ?
Julien Bernard : « Gone » est,
comme beaucoup de morceaux de
l’album, lié à la symbolique de
Sisyphe, tant mythologique que
Camusienne, et aborde donc, plus que
la résilience, l’idée d’avancer en
acceptant les limites. D’où son titre
qui évoque, en anglais, autant la
mort que le fait d’être parti au sens
propre. A Farewell To Dawn (2016)
était l’adieu à une période de 7
Weeks, à son insouciance. C’était
très sombre. Avec Sisyphus, nous
allons de l’avant, même si nous
savons qu’après les hauts reviennent
toujours les bas. Musicalement,
nous sommes sur un groove et une
construction cyclique avec des
changements de dynamiques et de
textures plutôt que de structures,
comme nous aurions pu le faire
auparavant.
C’est une période de renouveau
pour vous. Comment s’est déroulée
l’intégration du guitariste Fred
Mariolle, et à quel point s’est-il
impliqué dans l’écriture ou le
travail d’arrangement sur les
nouveaux titres ?
On se connaît avec Fred depuis All
Channels Off (Ndlr : le premier album,
sorti en 2009) puisqu’il était au studio
Destruction Inc. où nous l’avions
enregistré. C’est lui qui nous a proposé
d’intégrer le groupe. Un fait inédit
pour nous et… plutôt rassurant !
(rires) Fin 2018, nous avons donc
joué ensemble quelques titres de
7 Weeks, et il y a tout de suite eu
un son entre nous. Nous avons donc
jammé sur de nouveaux morceaux et,
quelques jours plus tard, nous lui
avons proposé de travailler sur la
finalisation de l’album, la plupart
des titres étant déjà écrits. Fred a
donc amené un son, quelques
arrangements et sa patte, notamment
sur les soli. Et puis, surtout, nous
avons pu enregistrer pas mal de
titres en conditions live, ce à quoi
nous tenions absolument.
Quelle est la spécificité de l’album
concernant l’approche du son par
rapport à d’autres enregistrements
antérieurs ?
La principale différence, c’est que
chaque instrument joue aujourd’hui
une partie complémentaire aux autres,
là où nous faisions pas mal d’unisson
auparavant. Finalement, le son reste
aussi massif, mais plus ouvert, ce qui
laisse plus de place au chant. Dans
cette même logique, nous avons ôté
beaucoup de « gonflage » au son, de
gain sur les distorsions. Le groupe
avait l’habitude, sur ses précédents
Propos recueillis par Emmanuel Hennequin - Entretien téléphonique réalisé le 16 décembre 2019
albums, de penser la guitare heavy
alors que Fred est plus rock. Pascal
Mondaz, avec qui nous avions déjà
travaillé sur deux disques, attendait
ça depuis longtemps. Il est donc allé
à fond dans cette direction. Le son
reste massif, car nous écrivons
comme ça et la section basse-batterie
y contribue énormément, mais il
s’avère plus aérien, notamment avec
la mise en avant des claviers. Les
instruments sont libérés, et cela
permet à la production d’être
puissante et claire. Le pressage
vinyle est un régal !
Le morceau « Idols » se rapporte au
deuil de ceux qui ont compté. Nous
sommes éventuellement témoins de
leur fin et cette chanson se conclut
là-dessus. Qu’est-ce qui a pu vous
gêner dans l’exposé public que font
certains du deuil de leurs idoles ?
(Silence) C’est délicat d’en parler
parce que je pense que pas mal de
gens peuvent s’y reconnaître et que
c’est avant tout un sentiment que je
mets en chanson. Je vais prendre
L’ŒUVRE A MOINS D’IMPORTANCE
QUE L’ÉPREUVE. NOUS EN AVONS PRIS
CONSCIENCE ET CELA NOUS PERMET
DE MIEUX ÉCRIRE (JULIEN BERNARD)
Lemmy (Motörhead) et Chris Cornell
(Soundgarden), deux exemples très
marquants car ils illustrent le fameux
« j’espère mourir sur scène », ces deux
personnages jouant encore quelques
jours avant leur mort. Voire la veille
pour Cornell. Concernant Lemmy
dont je suis fan (et comme tout fan,
un peu jaloux), je n’oublie pas qu’à
une époque pas si lointaine, Motörhead
était avant tout, dans la tête de
beaucoup de gens, un groupe pour
« beaufs », un peu comme AC/DC.
Moi, j’ai grandi avec Lemmy.
Motörhead est l’une des bandes-son
de ma vie. Mais j’ai eu du mal avec
les dix dernières années du groupe et
toute cette médiatisation autour de
la « légende », qui sort aujourd’hui
encore des produits dérivés, etc.
Putain, vers la fin c’était parfois
pathétique, courageux certes mais
pathétique, de voir Lemmy comme
ça. SAUF si l’on était aux concerts
car là, il y avait un sens à aller rendre
hommage à cet homme incroyable.
Mais voilà : les hommages sur les
réseaux sociaux, tout le monde y
allant de sa petite anecdote, les images
relayées où on le voyait totalement
aux fraises sur scène, ça m’a un peu
écœuré. Pour Chris Cornell, là, c’était
carrément indécent : certains ont relayé
les images de son dernier concert,
disant en substance : « Ah, il avait
l’air en forme, je comprends pas »…
Putain, c’est morbide à souhait !
Déjà, moi, honnêtement, je ne trouve
pas qu’il avait l’air en forme. Et puis,
que sa mort soit un accident ou pas,
peu importe. On n’est pas à France
Dimanche, là ! On est normalement là
pour dire « quel titre que « Burden In
My Hand », non ? « Sa voix sur « Bones
Of Birds » qui se mélange à la gratte,
quel timbre ! ». Bref, se rappeler ce
qui est bon dans la musique, et non
jouer les paparazzis. C’est pour cette
raison que je commence le morceau
par « I won’t cry for you ». Ces gens
ont fait des choses incroyables,
gardons les comme telles à l’esprit.
Bowie avait prévu ça, il a su l’éviter ;
mais Bowie est un calculateur, un
avant-gardiste. Lemmy et Cornell
étaient des rockeurs, des bisons qui
foncent droit vers l’abîme…
Le morceau « Sisyphus » célèbre
le potentiel de l’acte créatif : la
distance que son accomplissement
donne vis-à-vis des pesanteurs de
la vie quotidienne. Plusieurs
morceaux évoquent d’ailleurs l’idée
d’un dépassement... Qu’est-ce qui,
dans votre histoire en tant que
groupe ou êtres humains, pourrait
expliquer la prégnance de cette
tendance thématique dans l’album ?
« Sisyphus » parle d’un échange entre
deux personnes ou deux facettes
d’une même personne, l’une disant à
l’autre : « Si tu as besoin de moi, je
suis là, mais ne compte pas sur moi
pour tout faire ! » Il y a la notion
d’abnégation et de repartir une fois
tes blessures pansées. Forcément,
c’est lié à notre histoire. En 2018,
nous avons fait un break et nous
nous sommes posé pas mal de
questions sur le groupe, sur notre
motivation à le faire, notre condition
de musiciens, etc. Le Mythe de
Sisyphe d’Albert Camus apportait la
réponse à tous les doutes et à toutes
les questions que nous nous posions.
« La création est un effort tenace contre
sa condition » et est « l’occasion de
vaincre ses fantômes ». L’œuvre a
moins d’importance que l’épreuve,
nous en avons pris conscience et
cela nous permet de mieux écrire,
je crois. Et, surtout, de pouvoir
toucher vraiment du doigt le fond
des choses à une époque où beaucoup
s’accordent à préférer la forme,
plus rassurante car normalisée et
plus attirante.
Derrière le morceau de clôture de
l’album, « 667-Off », il y a aussi
l’idée d’un renouveau : qu’est-ce que
7 Weeks renouvelle aujourd’hui,
pour lui-même et par rapport à
son histoire passée ?
Ce titre est littéralement notre
histoire, c’était le postulat de
départ : monter une pièce quasi
progressive qui raconte toutes les
époques du groupe et en faire un seul
et même morceau. Le dernier refrain
exprime le renouveau car il correspond
à la période actuelle : celle où l’on
arrive en haut de la colline avec le
rocher ! (rires)
Mais alors, le « fond du gouffre »,
pour vous, qu’est-ce que c’est ?
C’est clairement le moment où nous
avons songé à arrêter 7 Weeks du
fait d’une usure provoquée par des
galères de business, de line-up, etc.
Et puis, nous avons réalisé que
toutes ces difficultés étaient une
source d’inspiration ; que nous
pouvions les transformer en
motivation et repartir.
Le visuel de l’album est fantastique.
A quel niveau de connaissance
des contenus sonores était Gilles
Estines au moment de réaliser la
pochette de Sisyphus ?
Il avait l’album définitif à disposition,
ainsi que des indications sur les
textes. Après quelques essais axés
sur le côté mythologique de Sisyphe,
je lui ai parlé du bison que j’imaginais
très bien aller avec les symboliques
de l’album, et je trouve que ça nous
représente bien. Quelques jours
après, il nous sortait ce visuel
magnifique.
La suite pour 7 Weeks, c’est
forcément les concerts, et puis
reviendra un jour le temps de
penser création. Votre condition le
veut. Mais lorsqu’on est un groupe
français œuvrant dans un registre
rock, original et évoluant dans une
forme d’indépendance, peut-on se
projeter au-delà du court terme ?
Nous sommes nos propres producteurs :
nous nous autofinançons, cherchons
des dates de concerts, etc. Alors,
nous sommes toujours obligés de
nous projeter mais la création est
constamment en tête. Elle se nourrit
du quotidien du groupe, de ses
voyages, de ses échanges à la pause,
du moindre test de son en répétitions.
De tout. Nous nous nourrissons de
notre parcours, en fait. Mais oui, la
suite, ce sont les concerts. Il nous
tarde d’aller jouer les nouveaux
morceaux sur scène, très fort (rires).
Nous avons déjà pu les tester en
conditions live et ils sont taillés pour.
C’est là, finalement, que les choses
se passent pour de vrai. Y
61

Originellement présenté comme projet solo du bassiste Steve Harris, British Lion se revendique aujourd’hui comme un groupe à
part entière, fort de nombreuses tournées et de deux albums, l’éponyme de 2012 et le nouveau intitulé The Burning. La tête
pensante d’Iron Maiden est d’humeur joviale quand vient le moment de nous en dire plus sur ce projet, certes « tranquille »,
mais pour lequel il a consenti beaucoup d’efforts.
Rock Hard : Le premier album
de British Lion a déjà sept ans.
Qu’en penses-tu avec le recul ?
Steve Harris : J’ai encore du mal à
croire que cela fait déjà sept ans !
Je dirais que ce disque sonne comme
il était censé sonner à l’époque...
Il faut dire qu’il avait été assez
difficile de le mettre en boîte car il
nous avait fallu enregistrer dans
plusieurs studios différents. Cette
fois, nous avons tout fait au même
endroit. Heureusement, Tony
Newton, notre ingé-son connaît
bien son métier, et nos musiciens
maîtrisent mieux leur son. Ce fut
donc plus rapide et facile. Et puis,
la conception de ce deuxième album
a davantage correspondu à ce que
nous recherchions, à savoir un effort
vraiment collectif. Ce qui fait une
grosse différence. Ce disque est
également plus représentatif de ce
qu’est le groupe, notamment en live.
Il y a de superbes morceaux sur le
premier album, et c’est la raison
pour laquelle je souhaitais sortir
un live de notre dernière tournée.
Mais je n’ai pas eu le temps de me
concentrer là-dessus et il faudra
être encore patient...
Plusieurs morceaux de The
Burning ont déjà été joués,
notamment à Paris en 2013.
Le fait de pouvoir les tester sur
scène a-t-il marqué une différence ?
Oui, je le pense ! Logiquement,
le public ne devrait pas découvrir
ces titres sur scène en premier lieu,
mais les rôder nous a permis de
savoir exactement ce que nous
faisions une fois en studio et de
ne pas flipper pour ce qui est des
arrangements. Nous sommes
simplement allés les jouer ! (rires)
Quant au reste du matériel encore
inédit, il nous a ensuite fallu nous
assurer qu’il sonnerait de manière
aussi proche que possible de son
GENRE
. Hard rock
LE GROUPE
. Steve Harris (basse) . British Lion (2012)
. Simon Dawson (batterie) . The Burning (2020)
. Grahame Leslie (guitare)
. David Hawkins (guitare)
. Richard Taylor (chant)
62
Propos recueillis par Guillaume Fleury - Entretien téléphonique réalisé le 27 novembre 2019
rendu live. C’est une chose qui a été
facilitée par le fait que nous avons
travaillé dans une atmosphère très
live...
Vous avez beaucoup composé sur
la route, pendant vos tournées...
En effet. Lorsque je voyage avec
Iron Maiden, je n’aime pas vraiment
écrire sur la route, même si j’ai
toujours beaucoup d’idées qui me
viennent. Mais avec British Lion,
je n’ai simplement pas le choix !
Nous n’avons en effet pas beaucoup
de temps pour travailler. J’adorerais
enregistrer nos albums comme je
le fais avec Iron Maiden, pouvoir
prendre autant de temps, mais ce
n’est pas possible. Il nous faut donc
essayer de faire au mieux. Ce nouvel
album est néanmoins un pas dans la
bonne direction car nous avons eu
JE N’AI PAS VRAIMENT DE GRANDS
RÊVES DE CONQUÊTE DU MONDE :
JE L’AI DÉJÀ FAIT AVEC IRON MAIDEN !
(STEVE HARRIS)
recours à des techniques plus proches
de ce à quoi je suis habitué...
Vous tournez beaucoup et il doit
être plaisant d’observer que
beaucoup de gens se déplacent
vraiment pour voir le groupe, et
pas seulement pour « le bassiste
d’iron Maiden »...
C’est très vrai ! Je pense que notre
public est composé de gens qui ont
vraiment aimé l’album. J’en suis
certain car ils connaissent les
paroles par cœur ! (rires) C’est
vraiment génial. L’année dernière,
nous avons joué au Canada, en
Amérique du Sud et au Japon, et,
partout, les fans connaissaient
SITE INTERNET
www.britishlionuk.com
ALBUMS
ARTICLES RH
RH N°124 & 205
toujours les morceaux. Ils les
connaissaient VRAIMENT ! (rires)
Le premier disque était présenté
comme un album solo de Steve
Harris, mais les choses ont changé
depuis. Même le site web du groupe
a supprimé ton nom de son intitulé...
Je n’ai jamais été très à l’aise avec
l’idée que British Lion soit considéré
comme un projet solo. C’était
originellement un projet parallèle,
mais pas solo, et ce dernier a évolué
comme un véritable groupe par la
suite. Nous avons beaucoup joué live
ces sept dernières années et nous
sentons vraiment que nous sommes
devenus un groupe...
Plusieurs morceaux du premier
album étaient issus d’une vieille
cassette de démos des années 90
datant d’avant ton intégration.
Y en a-t-il encore sur ce nouvel
album ?
« Last Chance », que tu as déjà
entendu live et qui est un super
morceau, est plus ancien, même si
ses textes et ses arrangements sont
différents. « Land Of The Perfect
People » est également un vieux
titre. Par contre, tout le reste est
nouveau et a été composé ces
dernières années, depuis que le
groupe s’est réellement formé...
Tu sens que le fait de beaucoup
tourner a vu le groupe évoluer
dans sa manière d’aborder la
composition ?
Oui, de manière très plaisante.
Nous sommes devenus un vrai
groupe soudé et avons passé du bon
temps sur la route. Ces musiciens
sont vraiment de bons gars. Avec
Iron Maiden, je joue dans des
endroits différents des clubs dans
lesquels se produit British Lion.
Alors, si les mecs découvrent des
villes, pays ou lieux qu’ils n’ont
jamais visités auparavant, je vis
également une expérience nouvelle
lorsque nous investissons des salles
que je n’ai jamais connues, comme,
par exemple, le Melkweg à Amsterdam,
dans lequel je n’avais jamais joué
auparavant. Avec Maiden, notre
carrière a décollé si vite que nous
sommes rapidement passés dans des
salles de capacité supérieure...
Pourrais-tu imaginer ouvrir pour
Iron Maiden avec British Lion ?
(Rires) Je l’ai déjà suggéré aux
autres membres sur le ton de la
blague, mais je ne pense pas que je
le ferais. Ce ne serait pas une bonne
chose. Pas le même jour que Maiden,
en tout cas. Mais en festival, sur
deux jours, oui. Au Download 2020
anglais, par exemple, nous sommes
programmés la veille d’Iron Maiden,
et ce sera aussi le cas sur d’autres
affiches. Mais jouer au même
endroit le même jour que Maiden…
Je suis suffisamment en forme pour
enchaîner deux sets car je fais
beaucoup de football, même avant
les concerts. Ce n’est donc vraiment
pas une question de santé, mais je
sens que les fans d’Iron Maiden
risqueraient d’avoir des attentes me
mettant en avant par rapport au
reste du groupe, et je ne pense pas
que ce soit une bonne chose...
Allez-vous réitérer l’expérience
consistant à jouer sur scène des
morceaux encore inédits ?
Ça pourrait arriver, mais pas sur
la prochaine tournée. Nous avons à
présent de quoi faire un set complet
avec nos propres compositions déjà
publiées. En réalité, nous avons
déjà quelques titres de côté pour le
troisième album, qui ne sont pas
terminés – ou, du moins, pas
enregistrés – mais nous sommes
encore loin de les publier.
As-tu de grandes aspirations
pour British Lion ou préfères-tu
voir ce projet rester une sorte de
récréation ?
Je vois ce que tu veux dire. Je n’ai
pas vraiment de grands rêves de
conquête du monde : je l’ai déjà fait
avec Iron Maiden ! (rires) Je voulais
juste publier un album, tourner,
partager notre musique avec les
gens. Conquérir le monde demande
trop de temps et je n’ai pas assez
De g. à d. : Simon Dawson, Graham Leslie,
Steve Harris, Richard Taylor & David Hawkins
 d’années devant moi pour cela. Je
préfère prendre du plaisir à jouer
live, tout comme mes camarades qui
adorent ça. J’aime les voir découvrir
des choses pour la première fois,
moi qui suis très rôdé à cet univers.
C’est vraiment cool ! Ils ont la chance
de profiter de ce que j’ai pu connaître
avant eux et ils le méritent car ce
sont, selon moi, des musiciens
talentueux !
Ces dernières années, beaucoup
de jeunes fans redécouvrent les
classiques des Seventies.
Remarques-tu cette évolution dans
le public lorsque vous jouez ?
Oui, les choses se répètent de
manière cyclique. Je suis moi-même
toujours influencé par les groupes
que j’écoutais étant jeune, durant
les années 70, pas vraiment par ce
qui sort de nos jours. Il y a eu un
bouillonnement de créativité
fantastique durant les Seventies,
pour tant de groupes différents, et je
me sens vraiment chanceux d’avoir
pu grandir à cette époque. Beaucoup
de jeunes redécouvrent tout cela
aujourd’hui et ça me fait plaisir car
c’est la musique que j’adore. British
64
Lion est influencé par des choses
old-school comme UFO, Thin Lizzy,
Wishbone Ash. Iron Maiden également,
mais nous y avons aussi ajouté des
éléments progressifs. Reste que tout
ce que font mes groupes vient de là.
Bien sûr, j’adore des formations plus
récentes comme Nightwish, Within
Temptation – qui sont, selon moi,
dans le haut du panier actuellement
– ou encore The Raven Age (Ndlr :
Steve nous place l’air de rien le groupe
de son fils, George) qui pourrait vraiment
percer. Il est très ardu d’y parvenir
de nos jours pour un jeune groupe.
Beaucoup de gens prétendent que,
grâce à Internet, tu peux toucher
beaucoup plus de monde, sauf que…
beaucoup plus de monde fait de la
musique ! Mais c’est une bonne
chose : s’il était trop simple d’y
arriver, il n’y aurait plus aucun
intérêt à le faire !
Il n’y a néanmoins plus de grosses
têtes d’affiche qui font l’unanimité,
comme Iron Maiden ou Metallica...
Certains grossissent encore. Je
parlais de Nightwish et Within
Temptation : ils sont aujourd’hui
plus importants qu’il y a quelques
années et continuent de grandir.
C’est juste que les choses prennent
beaucoup de temps, surtout dans ce
genre de musique où les groupes
n’ont pas vraiment d’aide extérieure
et doivent tout construire eux-mêmes,
en tournant beaucoup, car c’est tout
ce qu’ils peuvent faire...
Affirmes-tu encore, avec The
Burning, ta fierté d’être un
« sujet de Sa Majesté » ?
Pas tant que ce qu’on peut croire,
en vérité. Je pense que tout le
monde est fier de ses origines – en
tout cas, pour moi, nous devrions
l’être – mais je ne suis pas non plus
quelqu’un qui va mettre cela en
avant outre mesure… même si je
peux comprendre que tu le penses
en observant notre nouvelle
pochette. Je crois que le football est
un bon indicateur du fait que les
gens, partout en Europe, sont très
fiers de leur pays, de leur ville, et
entretiennent une rivalité qui est
habituellement saine. Comme je le
disais, je pense qu’il est bon d’être
fier d’où l’on vient, mais certains
poussent cela un peu trop loin…
Il ne faut juste pas se prendre trop
au sérieux et conserver un minimum
son sens de l’humour...
La culture anglaise est plus
forte que jamais en France : un
comédien comme Ricky Gervais se
produit dans sa langue natale à
l’Olympia, une série télé comme
Doctor Who, pourtant très
« british », connaît un large
succès chez nous...
(Amusé) Oui, mais chaque pays
conserve sa culture, et c’est
vraiment intéressant. C’est pour
cela que j’aime voyager. Si nous
trouvions les mêmes choses partout,
ce serait ennuyeux ! (rires) Bien sûr,
beaucoup de gens parlent anglais
partout dans le monde, ce qui est
cool pour moi. Mais cela vient
beaucoup des films sous-titrés.
En France et en Allemagne, vous
doublez les longs-métrages, mais
en Scandinavie, par exemple, tout
est en anglais sous-titré. Beaucoup
de gens apprennent ainsi notre
langue, ce qui renforce l’impact de
la culture anglaise. Mais il faut
reconnaître qu’il y a davantage de
films anglais diffusés en France que
l’inverse ! (rires)
Dans le dossier de presse, tu es
mentionné comme producteur de
l’album...
En vérité, je souhaitais qu’il sonne
plus live que son prédécesseur.
J’ai donc participé, même si de
manière infime, au processus
d’enregistrement et de mixage,
mais je ne suis pas ingénieur du
son. J’ai simplement apporté mon
aide sur certaines choses. Tout le
mérite revient à Tony qui a fait le
plus gros du travail. C’est juste mon
opinion, mais je pense que le terme
« producteur » est parfois un peu
surévalué, même si je comprends
que certains groupes aient besoin
de producteurs pour les aider. Avec
Iron Maiden, nous n’avons jamais
ressenti ce besoin. Il nous faut
plutôt de très bons ingénieurs du
son qui capturent l’essence du
groupe. Nous avons toujours su dans
quelle direction nous voulions aller,
là où certains groupes ne savent pas
vraiment ce qu’ils veulent. C’est
pour cela qu’ils prennent quelqu’un
pour les guider. C’est une bonne
chose, mais nous n’avons jamais eu
besoin de ça… ou, en tout cas,
jamais voulu ! (rires) Les méthodes
d’enregistrement de British Lion
et Iron Maiden sont très similaires,
en termes de principes. De nos jours,
tout le monde a tendance à se prendre
rapidement pour un producteur,
mais tu dois surtout être convaincu
de ce que tu fais. C’est pour cela,
je pense, que mes deux groupes
possèdent leur propre son...
Pourrais-tu imaginer te consacrer
à la production un jour ?
Je pense que je me concentrerais
plus sur l’écriture et
l’enregistrement que sur la
production à proprement parler.
Lorsque tu es producteur, tu ne
peux pas bosser que sur ce qui te
plaît : il te faut prendre part à des
projets qui ne t’intéressent pas
forcément. Je ne pourrais pas faire
ça. En revanche, je peux donner des
conseils à ceux qui en demandent,
même s’il devient de plus en plus
facile d’enregistrer de nos jours.
On peut même aboutir à quelque
chose d’honnête avec un ordinateur
portable, c’est dire ! (rires) Mais
en termes d’écriture, dans le
sens « comment structurer un morceau,
façonner un titre, créer des
dynamiques », si des gens étaient
intéressés, je pourrais me voir faire
cela. Plus tard, peut-être… Je veux
d’abord tourner aussi longtemps que
je le pourrai ! Etre joué sur scène
est littéralement la raison d’être de
tout morceau. J’adore jouer live,
mais il faut de bons titres à
défendre. Tu ne peux pas commencer
à jouer si tes compositions ne sont
pas suffisamment bonnes. Cela peut
paraître simpliste, les gens le savent
déjà, mais c’est vraiment le but
ultime… Chaque chanson d’un
album doit être solide. Même celle
que tu considères comme la plus
faible doit être bonne ! (rires) Bien
sûr, une fois sorti, ton album sera
apprécié ou pas selon les auditeurs,
mais cela ne compte pas vraiment
tant que ceux qui produisent le
disque l’aiment et ont la profonde
conviction qu’il est bon. Si c’est le
cas, le public qui l’écoute le
ressentira aussi. C’est ma
philosophie, aussi bien avec Iron
Maiden que British Lion. Nous
aimons ce que nous jouons et je
pense qu’on peut le sentir. Les gens
qui viennent nous voir comprennent
que nous prenons notre pied. Ils ne
sont pas stupides : il est très facile
de deviner quand des choses sont
feintes...
Tu as aujourd’hui deux groupes.
Mais imagine-tu développer un
jour un troisième style auquel tu
ne te serais encore jamais frotté ?
(Rires) C’est amusant que tu me
poses cette question car David
Hawkins (guitare) m’a dit, il y a
trois semaines : « On bosse tellement
bien ensemble, il faut qu’on sorte
encore un autre truc, toi et moi ! ».
Je lui ai répondu en riant que je
n’avais simplement pas le temps !
Néanmoins, il ne faut jamais dire
« jamais ». Quant au style, j’aime le
rock et le metal en général, et ces
deux genres sont déjà très larges.
A l’époque où j’ai grandi, le groupe
le plus extrême était Black Sabbath,
et le plus soft The Moody Blues,
et j’aimais tout ce qu’il y avait
entre les deux sur ce large spectre.
Il y avait tant de qualité à l’époque.
Ce n’est plus aussi profond et
diversifié en termes de qualité
aujourd’hui, mais ce n’est que
mon opinion... Y
65
 Propos recueillis par François Blanc - Interview réalisée le 29 novembre 2019 à Paris
Contrairement à ce que laisse penser son patronyme, Brothers Of Metal n’est ni un groupe hommage à Manowar, ni
constitué d’une fratrie particulièrement nombreuse (nos interlocuteurs du jour n’ont pas de lien de parenté). Il s’agit
simplement de huit potes qui ont monté un groupe pour le plaisir et qui, ayant vu leur popularité décoller sur le net
(certaines de leurs vidéos ayant dépassé les trois millions de vues), ont décidé de faire les choses en grand. Avant que les
Suédois ne donnent leur premier concert parisien le 14 janvier prochain à la Maroquinerie, nous nous sommes entretenus
avec deux des trois vocalistes du groupe, avenants et chaleureux, mais encore inexpérimentés à de nombreux égards.
Rock Hard : Comment les choses ont- similaire au « Warriors Of The World Ylva Eriksson : Assez rapidement, suffisamment de matériel pour remplir
elles débuté pour Brothers Of Metal ? United » de Manowar. C’est ainsi qu’est les garçons se sont dit qu’il serait un album. Alors, pourquoi ne pas en
Joakim Lindbäck Eriksson : Tout a né notre premier morceau, « Sons Of intéressant d’ajouter des parties de enregistrer un ? Et, une fois celui-ci
commencé il y a une petite dizaine Odin ». Satisfaits par le résultat, nous voix plus douces. C’est là que je suis achevé, pourquoi ne pas l’éditer nous-
d’années chez notre guitariste Michael avons décidé d’écrire d’autres titres intervenue ! Nous avons intégré notre mêmes et mettre quelques morceaux en
(Fehrm). Quelques amis de longue date dans la même veine. Rapidement, nous batteur Johan (Johansson) en 2012, et ligne ? Nous n’avions rien prévu de plus
et moi avions pour habitude de nous réunir avons achevé « Yggdrasil » et « Fire, depuis, notre line-up n’a plus bougé. et n’avons fait aucune promotion en
pour faire de la musique et, parfois, Blood And Steel », et avons décidé Au départ, nous ne nous percevions dehors de notre page Facebook, mais le
descendre quelques bières. Ce soir-là, de conserver ce thème « viking ». même pas comme un véritable groupe, bouche à oreille a fait son affaire et les
l’un d’entre nous a suggéré que nous La naissance du groupe repose donc mais à force de composer de façon choses ont, en quelque sorte, « explosé ».
composions une chanson dans un esprit sur une sorte d’accident heureux ! régulière, nous avons accumulé Et voilà où nous en sommes aujourd’hui !

66

De g. à d. : Johan Johansson, Pähr Nilsson, Dawid
Grahn, Emil Wärmedal, Ylva Eriksson, Mikael
Fehrm, Mats Nilsson & Joakim Lindbäck Eriksson
Vous faisiez partie d’autres groupes
auparavant…
Ma principale source de revenus est
actuellement mon « autre » projet, Good
Harvest, qui n’a rien à voir avec le
metal. C’est une sorte de musique folk
indépendante avec des accents pop et
country. J’y assure la guitare en plus du
chant.
GENRE
. Heavy/viking metal
LE GROUPE
. Ylva Eriksson (chant)
. Joakim Lindbäck Eriksson
(chant)
. Mats Nilsson (chant)
. Dawid Grahn (guitare)
. Prophecies Of Ragnarök (2017)
. Pähr Nilsson (guitare) . Emblas Saga (2020)
Joakim Lindbäck Eriksson : Quatre
d’entre nous faisaient partie d’un
groupe de death metal mélodique
nommé Tempory, mais nous avons
abandonné ce projet pour nous
consacrer à Brothers Of Metal…
… dont le succès est venu de façon
plutôt soudaine.
Oui, c’est le moins qu’on puisse dire.
Nous avons halluciné en découvrant
l’engouement que suscitaient nos
chansons et nos clips ! A chaque fois
que nous mettons une vidéo en ligne
sur YouTube, nous réalisons, en lisant
les commentaires, que nous avons des
fans partout dans le monde. C’est
formidable !
Ylva Eriksson : Nous n’avions
absolument rien planifié ! Il arrive
encore que nous nous écrivions les uns
aux autres en disant : « Est-ce que tu as
vu ces chiffres ? Qu’est-ce qui se passe,
je n’y comprends rien ! » On se sent très
humble en découvrant à quel point la
musique peut toucher et rassembler les
gens.
Il est assez rare de tomber sur une
formation de huit membres, dont
trois chanteurs !
Ça aussi, c’est un accident heureux !
Ce n’était pas prémédité, cela s’est
simplement trouvé. Au départ, Joakim
et moi étions les seuls tenants du
poste, mais Mats a un tel talent qu’il
aurait été triste de ne pas le recruter.
C’est un peu le « narrateur » du groupe.
Son esprit est très vif, il est capable
d’improviser en toutes circonstances et,
surtout, de faire des choses avec sa
voix qui nous sont impossibles. Lors
des concerts, c’est lui qui s’occupe de
la trame narrative et présente les
chansons, ce qui renforce l’ambiance.
C’est particulièrement utile pour les
contes issus de la mythologie nordique.
D’autant qu’il parvient à faire sonner
sa voix comme Smaug, le dragon du
Hobbit ! (rires)
Joakim Lindbäck Eriksson : Faire
partie d’un groupe avec sept autres
personnes peut s’avérer un défi. Je ne
te dis pas le courage que cela demande
pour caler une réunion sur Skype !
Il est arrivé que seulement deux
d’entre nous se présentent lors de nos
répétitions et que je me retrouve seul
avec le batteur. Nous bossons quand
même, mais le résultat n’est pas beau
à entendre ! (rires)
La majorité des textes de vos deux
albums se base sur les mythes et
légendes scandinaves, thème déjà
largement exploité dans votre genre
musical…
Ylva Eriksson : C’est vrai, mais je
comprends pourquoi. La mythologie
nordique tient à la fois de l’Histoire
et de la fantasy. Se plonger dans ces
contes nous donne l’occasion de
découvrir une culture qui n’existe plus,
mais aussi de comprendre la façon dont
. Mikael Fehrm (guitare)
ARTICLE RH
. Emil Wärmedal (basse)
RH N° 205
. Johan Johansson (batterie)
SITE INTERNET
www.facebook.com/
brothersofmetalofficial
ALBUMS
nos ancêtres percevaient leurs dieux.
Je trouve fascinante la façon dont leurs
croyances cimentaient leurs vies
quotidiennes. Leurs dieux, par bien
des aspects, étaient particulièrement
« humains » ! C’est un support rêvé
pour l’imaginaire. Nous vivons une
époque bien sombre et, parfois, on a
besoin de tout lâcher pour rejoindre un
univers alternatif, un monde de fantasy.
Nous sommes là pour apporter cette
joie à nos auditeurs et partager notre
passion pour la musique. En fin de
compte, beaucoup de chansons
abordent des thèmes universels ; la
façon dont nous nous connectons les
uns aux autres, et en quoi cela affecte
notre développement personnel.
Joakim Lindbäck Eriksson : Il arrive
que nous restions fidèles aux légendes,
ou que nous en donnions notre
interprétation. Après, certaines de
nos chansons se contentent d’exalter
la puissance du metal…
Ylva Eriksson : …ou celle de la
bière !!! (rires)
Avec un tel nom de groupe, j’imagine
avoir affaire à d’immenses fans de
Manowar. Qui est à l’origine de ce
patronyme ?
Joakim Lindbäck Eriksson :
« Immenses » est un terme fort, mais
nous les aimons beaucoup. Ce sont des
légendes auxquelles nous sommes
FAIRE PARTIE D’UN GROUPE AVEC
SEPT AUTRES PERSONNES PEUT
S’AVÉRER UN DÉFI
(JOAKIM LINDBÄCK ERIKSSON)
heureux de rendre hommage ! En
revanche, je ne me souviens plus du
moment ou des circonstances dans
lesquelles nous avons choisi ce nom…
Ylva Eriksson : Il est souvent arrivé
qu’on nous prenne pour un groupe
tribute à Manowar, surtout à nos
débuts ! (rires) A un moment donné,
nous sommes sérieusement demandé
si ça ne vaudrait pas le coup de
changer, mais comme nous avions déjà
commencé à gagner en popularité, nous
avons préféré laisser tomber. De plus,
le mot anglais « sieblings » (Ndlr : qui
désigne les membres d’une fratrie
indépendamment de leur sexe) n’est pas
aussi cool que son équivalent suédois !
Par ailleurs, cela rejoint ce que nous
disions plus tôt : peu importe ton
origine et ton histoire personnelle,
tu peux toujours, si tu le souhaites,
reconstituer une communauté liée
par son amour de la musique. C’est
particulièrement vrai avec le metal !
Joakim Lindbäck Eriksson : Tant
que Joey DeMaio (Manowar) ne nous
intente pas de procès, nous resterons
donc les « frères du metal » ! (rires)
L’existence officielle du groupe
remonte à 2012. Comment se fait-il
que vous n’ayez que très peu de
concerts à votre actif ?
Ylva Eriksson : Ça ne fait pas
longtemps que nous envisageons de
nous lancer pour de bon. A la base,
ce projet n’était qu’une récréation, un
moment agréable entre amis. De plus,
nous avons tous des boulots plus ou
moins contraignants, et trois d’entre
nous sont également parents. Avant de
nous investir dans le groupe, il nous
fallait donc être sûrs qu’il en
ressortirait quelque chose. De plus,
nous n’avons pas eu énormément
d’opportunités jusqu’ici. La perspective
d’avoir huit personnes sur scène n’est
pas très motivante pour les promoteurs
et organisateurs !
Pour vous non plus, cela ne doit pas
être facile d’être huit musiciens sur
de petites scènes !
Exact ! Je me souviens que lors de
notre premier concert, qui s’est déroulé
à Falun, en Suède, en 2013, je me suis
pris un gros coup de tête de basse en
pleines dents ! (rires) Sans parler de
nos cheveux qui se prenaient dans les
cordes des guitares dès que nous
commencions à headbanguer…
Joakim Lindbäck Eriksson : La scène
était si petite qu’au bout d’une
chanson, j’ai décidé d’en descendre
et de chanter depuis la fosse.
Ylva Eriksson : Petit à petit, nous
apprenons à coordonner nos
déplacements, mais il y a encore du
boulot. Lors de notre dernier concert,
je me tenais derrière Joakim, qui ne
m’a pas vu et m’a donné un grand coup
de micro dans l’estomac ! J’allais
commencer à chanter et je me suis
retrouvée le souffle coupé ! (rires)
Je ne finis jamais un concert de
Brothers Of Metal sans avoir des
bleus... Et souvent, je ne me souviens
pas comment ils sont arrivés là !
Joakim Lindbäck Eriksson : Si on
ne gère pas nos déplacements et qu’on
ne synchronise pas nos mouvements,
le rendu peut être assez chaotique.
Nous faisons actuellement des tests
pour améliorer la dimension visuelle
de nos spectacles.
Ylva Eriksson : Si notre budget
augmente, ce sera notre priorité.
J’aspire à essayer toutes sortes de
choses. Pour l’instant, la priorité est
de nous faire connaître, mais j’espère
que le reste viendra en temps voulu !
Votre façon de vous présenter sur
scène, avec vos costumes, flirte avec
la parodie. Cela n’est pas du goût de
ceux qui prennent le metal plus au
sérieux…
(Soupire) Quoique tu fasses dans ta
vie, tu finis inévitablement par
contrarier quelqu’un. Nous prenons
notre musique et notre groupe au
sérieux, et c’est pour moi l’essentiel.
Je pense qu’il faut être en mesure de
prendre la distance avec ce qu’on fait.
Et puis, nos costumes nous aident à
faire abstraction de la réalité, à rentrer
dans nos « personnages ». Cela fait
partie du jeu !
Joakim Lindbäck Eriksson : Vu nos
tenues, de toute façon, il serait
vraiment idiot de se la jouer « super
true » sur scène. On nous prendrait
encore moins au sérieux ! (rires) Y
67
 Propos recueillis par Charlélie Arnaud - Photo Olivier L. / Olan Live Pics - Entretien téléphonique réalisé le 5 décembre 2019
Et de onze ! Depuis son retour aux affaires en 2008, ADX sort ses albums avec une régularité qu'on ne retrouve plus que
chez quelques horlogers suisses. Bestial, sa onzième offrande, fait suite à quelques changements de personnel (line-up,
label), mais reste fidèle à ce heavy speed de tradition que le groupe professe depuis... 1982 ! Excusez du peu. Dernier
membre fondateur avec le chanteur Phil, le batteur Dog, fidèle à son franc parler, a fait avec nous un petit bilan de la
situation de son quintette plus remonté que jamais.
Rock Hard : Bestial est un peu réellement en être une. Je pense que ça fallu repousser, comme l’enregistrement n’aimait pas vraiment ces nouveaux
particulier puisqu’il est votre couvait dans sa tête depuis quelque de ce nouvel album qui aurait dû paraître morceaux. Je pense sincèrement qu’il
premier album depuis le départ de temps déjà. Nous sentions bien qu’il un an plus tôt. en avait un peu ras-le-bol de ce type
Betov, guitariste historique du n’était plus vraiment « parmi nous », de metal en général car ça fait déjà
groupe, qui a énormément composé qu’il se recroquevillait un peu sur lui- A-t-il participé à la composition quelques années qu’il est attiré par
pour vous par le passé (Ndlr : le même et n’était plus dans le même état de Bestial ? des choses plus progressives. Chacun
seul album d’ADX sur lequel il d’esprit que le reste du groupe. Pour Non. La majorité des titres était en voit midi à sa porte : on ne peut bien
n’apparaît pas est Résurrection autant, l’annonce de son départ nous a chantier, voire terminée, lorsqu’il sûr pas en vouloir à quelqu’un parce
paru en 1998). Peux-tu nous en tout de même pris au dépourvu et nous est parti, mais il n’a pas pris part à que ses goûts ont évolué ou parce
dire davantage sur cette séparation ? a même un peu mis en galère puisque l’écriture. Il était déjà ailleurs dans qu’il n’a plus envie de jouer le même
Dog : Ça a été une surprise, sans nous avions prévu des choses qu’il a sa tête. D’ailleurs, il nous a dit qu’il type de musique qu’il y a 35 ans !

68
 Avez-vous, comme lors des précédents
changements de line-up, reçu beaucoup
de candidatures au poste de
guitariste ?
Oui, pas mal de personnes se sont
présentées pour jouer avec nous.
Nous avons même reçu un Anglais qui
est venu spécialement du Royaume-Uni
pour auditionner ! La plupart des
personnes que nous avons vues avaient
un bon niveau, il faut bien le reconnaître.
Neo, lui, ne s’est pas déplacé : il nous
a envoyé des vidéos (rires) et nous
avons tout simplement halluciné sur
ses capacités. Il nous a envoyé un,
puis deux, puis trois clips, et nous
avons vite réalisé qu’il maîtrisait sur
le bout des doigts douze ou treize
morceaux d’ADX, dont certains qu’on
ne lui avait même pas demandé de
travailler. Le délire ! Et puis, il nous
a aussi envoyé des trucs qu’il bossait
pour lui-même et qui étaient
complètement dingues. Bref, nous
avons vraiment été très impressionnés.
Avoir le niveau est une chose, mais je
sais bien que l’aspect humain est un
facteur capital au sein du groupe...
J’allais y venir. Il est évident que, chez
nous, il y a un certain état d’esprit à
avoir et que cette dimension est aussi
importante, sinon plus, que les qualités
techniques requises. Heureusement,
quand nous avons rencontré Neo pour
la première fois, nous avons pu nous
apercevoir qu’il était un peu...
JE N'AIMAIS PAS VRAIMENT L'IDÉE DU CROWDFUNDING.
J'AVAIS PEUR QU'ON PASSE POUR DES NAZEBROQUES (DOG)
« foufou » (sourire téléphonique), comme
nous pouvons l’être nous-mêmes. Nous
aimons bien traîner avec des gens un
peu tarés... Ça a donc immédiatement
collé humainement, et musicalement,
je n’en parle même pas... L’affaire a été
conclue rapidement.
C’est votre deuxième album avec
Francis Caste derrière les manettes.
Auriez-vous enfin trouvé chaussure à
votre pied en termes de production ?
Oui, je crois bien. Déjà, c’est un mec en
or, et le courant passe super bien entre
nous, et puis, il sait de quoi il cause, il a
un sacré CV. Tu te pointes, il te demande
ce que tu veux comme son, tu lui dis ce
que tu as en tête, et c’est ce que tu
De g. à d. : Neo, Nicklaus, Julien, Phil & Dog obtiens. C’est pas très compliqué (rires) !
Il n’hésite pas non plus à nous faire
C’est Julien (basse) et moi qui avons des propositions qui, souvent, s’avèrent
composé cet album. Julien a déjà judicieuses, comme seuls les vrais
beaucoup écrit pour le groupe depuis bons producteurs le font. Il n’appuie
son arrivée en 2013 : il est donc rompu pas juste sur le bouton « Rec ».
à l’exercice, et ce qu’il compose est
du pur ADX. Cet album paraît sur le label Ultim’
GENRE
ALBUMS ARTICLES RH
. Speed metal
. Exécution (1985) RH N°63, 72, 77, 115, 140, 166
. La Terreur (1986) & 205
LE GROUPE . Suprématie (1987)
. Phil (chant) . Exécution Publique
(live – 1988)
. Nicklaus (guitare) . Weird Visions (1990)
. . Résurrection (1998)
Neo (guitare) . VIII Sentence (live – 2001)
. . Division Blindée (2008)
Julien (basse)
. Terreurs (2010)
. Dog (batterie) . Immortel (2011)
. conneries du même acabit, mais l’idée
Ultimatum (2014)
SITE INTERNET . Non Serviam (2016)
. Bestial (2019)
www.facebook.com/ADXband
Records, une structure que vous avez
fondée vous-mêmes à la suite d’un
crowdfunding lancé il y a quelques
mois. Depuis votre retour en 2008
avec Division Blindée, pas un seul
de vos disques n’est sorti sur le même
label. En avez-vous définitivement
terminé avec les maisons de disques ?
Et si oui, pour quelle raison ?
Nous avons accumulé les déceptions
au fil des ans, et au moment où nous
pensions être enfin tirés d’affaire en
signant avec Verycords (Ndlr : label de
Mass Hysteria et Ultra Vomit, entre
autres), qui est une grosse boîte
présentant a priori toutes les
garanties, nous nous sommes aperçus
qu’ils ne foutaient absolument rien
pour le groupe. Ils bossent pour des
gros trucs qui marchent bien, alors le
heavy speed metal... Ils ont pris ça
par-dessus la jambe. Nous avons donc
sérieusement commencé à discuter
entre nous et sommes arrivés à la
conclusion que nous ferions mieux
de faire cela par nous-mêmes, en
autoproduction. Nous n’avions besoin
que d’un distributeur et Season Of Mist
fait cela très bien, donc tout roulait.
En revanche, je n’aimais pas vraiment
l’idée du crowdfunding... Je pensais que
ça risquait de ternir l’image du groupe,
un peu genre « ADX, ils ont plus une
thune ». J’avais peur qu’on passe pour
des nazebroques. Il a vraiment fallu
que les autres me rassurent en
m’expliquant que le système était
devenu très courant et qu’il s’agissait
ni plus ni moins de précommandes.
C’est vrai que, vu sous cet angle, le
principe m’est apparu plus naturel,
ce qui m’a un peu détendu.
Avez-vous atteint l’objectif que vous
vous étiez fixé en termes de
financement ?
Oui, nous l’avons même dépassé, mais
chaque Euro va être investi dans le groupe,
notamment pour de la promo et du
merchandising. Il ne faut surtout pas
que les gens s’imaginent qu’avec leur
argent nous allons faire la fête ou boire
des coups avec des voitures de sport (rires).
Vos textes sont toujours empreints
de faits historiques, de légendes, de
mythes... Sur la fin de Bestial, on
trouve une sorte de « mini-concept »
qui donne son titre à l’album et qui
s’articule sur les trois dernières
chansons du disque. Raconte !
Tout est parti d’un concert que nous
sommes allés donner à Perpignan. En
remontant, nous sommes passés non
loin de l’ancien Gévaudan (Ndlr : ancienne
province française devenue en bonne
partie l’actuel département de la Lozère)
connu pour sa fameuse « bête » censée
avoir attaqué et tué une centaine de
villageois durant plusieurs années, au
XVIIIème siècle. Alors, bien évidemment,
nous sommes partis en mode « déconne »
à base de « j’ai vos dents ! » et autres
a fait son chemin et nous avons eu envie
d’écrire sur cette histoire qui a donné
lieu à de nombreuses interprétations.
C’est ce qui est devenu le triptyque
« Bestial » dans lequel nous ne citons
jamais ouvertement la bête du Gévaudan,
mais qui y fait référence. Comme à
chaque fois que nous abordons un thème,
nous avons au préalable fait de
nombreuses recherches avant de
procéder à l’écriture. Nous lisons et
nous nous documentons toujours
beaucoup sur les sujets que nous traitons.
Il est étonnant que vous n’ayez
jamais succombé à la tentation d’un
concept album !
Nous y avons déjà pensé... A l’époque
d’Ultimatum (2014), nous étions
presque décidés, mais c’est trop de
boulot de mise en place, d’articulation
du track-listing et des ambiances des
titres autour de l’histoire. C’est
vraiment très contraignant, si bien que
nous avons lâché l’affaire. Mais là, sur
trois titres, l’idée nous plaisait et ça
reste beaucoup plus facile à gérer.
Depuis quelques années, ADX s’est
produit à de nombreuses reprises à
l’étranger : Grèce, Québec, Suède,
Allemagne... L’international semble
devenir un « deuxième marché » pour
vous !
Oui, c’est une bonne surprise de voir
que le chant en français ne pose pas de
problèmes aux gens et que la popularité
du groupe hors de nos frontières est
étonnante ! Pour ne citer qu’une seule
anecdote, nous avons été accueillis
comme des rois en Suède (Ndlr : ADX
était l’une des têtes d’affiche du festival
Muskelrock le 31 mai dernier). J’étais
très étonné de voir plusieurs personnes
du public tendre des baguettes de pain
à bout de bras lorsque nous sommes
montés sur scène, puis on m’a expliqué
que c’était pour nous rendre hommage
parce que nous venions de France (rires).
On est à fond dans le bon vieux cliché,
mais c’était vraiment fait pour nous
honorer !
Ce regain d’intérêt pour la musique et
le merchandising estampillés « 80’s »
livré avec son lot de reformations plus
ou moins heureuses, ça t’inspire quoi ?
J’en pense que c’est très bien lorsque
tu n’as pas l’impression de voir débarquer
sur scène des grabataires qui ne
ressemblent à rien, savent à peine jouer
leurs titres, et qu’on a peur de voir
s’écrouler à tout moment (rires). Je ne
citerai personne, mais certains groupes
feraient mieux de garder leur légende
intacte. En revanche, lorsque les
musiciens sont en forme et toujours au
top de leur capacités, c’est cool. Comme
le public n’est pas uniquement constitué
de « vieux » fans de mon âge, toute la
nouvelle génération qui a craqué sur la
musique de l’époque a l’opportunité de
voir certains « vieux de la vieille » en
concert. Tout le monde est content.
Mais à titre personnel, le jour où je
verrai que je ne suis plus capable de
jouer notre musique correctement,
j’arrêterai aussi sec. Dieu merci, ce
n’est pas le cas, nous sommes vraiment
plus en forme que jamais. Y
69
 GENRE
. Metalcore progressif/djent
LE GROUPE
. Tatiana Shmailyuk (chant)
. Roman Ibramkhalilov
(guitare)
. Eugene Abdukhanov
(basse)
. Vladislav Ulasevich
(batterie)
SITE INTERNET
www.jinjer-metal.com
ALBUMS
. Objects In Mirror Are Closer
Than They Appear (EP – 2010)
. Inhale, Do Not Breathe
(EP – 2012)
. Cloud Factory (2014)
. King Of Everything (2016)
. Cloud Factory (réédition – 2018)
. Micro (EP – 2019)
. Macro (2019)

ARTICLE RH
RH N° 205

De g. à d. : Roman Ibramkhalilov, Tatiana Shmailyuk,

Vladislav Ulasevich & Eugene Abdukhanov
70

Jinjer : voilà un groupe dont vous n’avez pas fini d’entendre parler. Ce quatuor ukrainien a en effet connu une année 2019 ultra
productive lors de laquelle il a sorti un EP, Micro, et un album, Macro, couronnés par la critique et par le public. A l’occasion
de sa venue à Paris, dans une Machine du Moulin Rouge archi complète, et avant de retrouver le groupe au Hellfest, nous avons
interrogé le « bassiste 2.0 » Eugene Abdukhanov pour conclure 2019, cette annus mirabilis lors de laquelle Jinjer a fait son trou.
Rock Hard : Tout semble s’accélérer
autour de Jinjer depuis le début
de l’année. Le ressens-tu ainsi ?
Eugene Abdukhanov : Je ne pense
pas que le rythme s’accélère, mais
plutôt qu’en termes de popularité,
nous avons atteint un nouveau
palier. De mon point de vue, nous
avons franchi toutes les étapes petit
à petit. Notre progression a même
souvent été trop lente à notre goût !
(sourire) Si nous commençons à
récolter les fruits de notre travail,
c’est... parce que nous avons
beaucoup bossé ! Nous avons
travaillé très dur, et nous continuons
à le faire. Jinjer est né il y a une
dizaine d’années et a déjà publié
trois albums et trois EPs. Nous ne
comptons plus les concerts et
tournées dans lesquelles nous nous
sommes lancés. Ce qui est vrai
aujourd’hui, c’est que les choses
ne sont plus tout à fait pareilles
puisque nous parvenons à remplir
des salles sur notre seul nom.
Ce soir, le concert affiche complet
depuis longtemps. Mieux :
l’organisateur l’a déplacé dans une
salle plus grande (Ndlr : la Machine
du Moulin Rouge, ex-Locomotive,
choisie par le tourneur Veryshow en
lieu et place de la Maroquinerie).
C’est un beau symbole pour nous !
Lors de notre dernier passage à
Paris, dans cet espèce de chapiteau
(Ndlr : le Cabaret Sauvage) en
compagnie d’Amorphis et de
Soilwork, quelque chose s’est passé
avec le public. Quel concert de
dingue !
Que ressens-tu maintenant que
le groupe est courtisé par les
organisateurs de concerts et de
festivals, mais aussi par un paquet
de maisons de disques réputées ?
(Grand sourire) Je me dis qu’ils nous
prennent enfin au sérieux, mais
qu’ils sont à la bourre ! Nos fans,
eux, nous prennent au sérieux
depuis un moment déjà. Nous
possédons une vraie base de fans
hyper dévoués que nous ne pouvons
d’ailleurs que remercier. Ce sont eux
qui ont fait passer le mot et nous
ont permis d’accéder à ce niveau de
popularité. En tout cas, il est vrai
qu’en ce moment, nous sommes de
plus en plus courtisés. Ça m’inspire
la réflexion suivante : « Merci, mais...
c’est un peu tard ! ». Enfin, il n’est
pas trop tard pour travailler avec
certaines personnes, mais en ce qui
concerne notre maison de disques,
nous sommes très bien chez Napalm
Records. En 2015, personne ou
presque ne s’intéressait à nous.
Seuls Napalm et Rise Records nous
ont fait parvenir des offres et nous
avons choisi Napalm. Depuis, nous
faisons ce bout de chemin ensemble.
J’ai contacté tous les labels –
Earache, Nuclear Blast, Century
Media, Sumerian, etc. –, mais en
dehors des deux que je viens de
citer, personne n’a témoigné le
moindre intérêt pour nous. Je n’en
garde aucune espèce de rancœur,
IL Y AURA EU UN AVANT ET
UN APRÈS MACRO
(EUGENE ABDUKHANOV)
je dis juste que nous sommes bien là
où nous sommes, avec les agents et
le label qui nous ont fait confiance
quand quasiment personne ne
s’intéressait à Jinjer.
Vous venez d’Ukraine, un pays très
peu représenté sur la scène metal
internationale. As-tu malgré tout
l’impression que le traitement
auquel vous avez fait face est
symptomatique du fonctionnement
de l’industrie musicale ?
Oui, je sais très bien que ça se passe
de la même façon pour un jeune
groupe allemand ou français, par
exemple. Le nœud du problème est
que l’industrie de la musique n’aime
pas prendre de risques. Tout le
monde aimerait continuer à bosser
avec les « vieux » groupes et à
gagner du pognon sans avoir à
investir dans la nouveauté. Personne
ne veut perdre de l’argent, c’est
évident, mais en procédant de la
sorte, on scie la branche sur laquelle
on est assis. Pourquoi ? Parce que
tous ces groupes de référence, aussi
bons soient-ils, ne seront pas là
éternellement. Ils vont s’en aller et
laisser tout le monde orphelin.
Propos recueillis par Morgan Rivalin - Interview réalisée le 06 décembre 2019 à Paris
Pourtant, personne ne semble
préoccupé par cette réalité.
Je trouve ça assez dingue ! Slayer
vient de prendre sa retraite. Slayer !
Sincèrement, vous pensiez que ça
arriverait aussi vite ? Et voilà,
c’est arrivé. Bon, j’ai entendu des
rumeurs laissant entrevoir que,
contrairement à ce qui a été
annoncé, ce ne serait peut-être pas
vraiment la fin du groupe, et ça m’a
un peu déçu... Je pense que quand
on dit à tout le monde qu’on arrête,
hé bien, on arrête, point. Regarde
Scorpions : depuis l’annonce de leur
retraite (Ndlr : en 2010), ils ont déjà
dû rejouer quinze fois en Ukraine !
(rires) Ils sont venus chez nous, à
Donetsk, et ont juré que c’était leur
dernier concert avant de relancer la
machine comme si de rien n’était.
C’est honteux ! Dans le cas de
Slayer, en annonçant sa retraite,
le groupe vient d’augmenter
énormément sa valeur marchande.
C’est un fait…
Et bien sûr, si le groupe revient,
comme tant d’autres l’ont fait
avant lui, ses fans seront heureux
de le revoir...
Oui, ils ne lui en voudront sans
doute pas. En tout cas, pas au point
de le boycotter. Mais ça, je pense
que c’est vraiment un problème lié
à notre société de consommation.
Désolé d’employer ce mot à propos
de musique, mais pourtant, c’est ça.
Tant que les gens accepteront d’être
menés par le bout du nez et d’avaler
des couleuvres, rien ne changera.
Le consommateur détient toujours
la solution. Il a toujours le choix.
Malheureusement, l’Homme n’est
jamais rassasié. Nous en voulons
toujours plus, encore et encore.
Pourtant, dans le domaine de la
musique, l’inspiration est limitée.
Le public en veut toujours plus,
de nouveaux albums, de nouveaux
concerts, encore et encore, mais il
ne se rend pas compte qu’avec le
temps, ce sera forcément moins bien,
que le groupe en question aura déjà
tout dit depuis belle lurette et que ce
que les spectateurs verront viendra
certainement ternir les souvenirs de
ce qui, effectivement, était l’âge d’or
de ces musiciens. Des musiciens
qui, eux aussi, en veulent toujours
plus ! (rires) Pourtant, sur le plan
artistique, tous les grands groupes
atteignent un jour le sommet, puis
un plateau… avant d’entamer une
phase de déclin. L’idéal serait que
les musiciens en soient conscients
et qu’ils arrêtent d’eux-mêmes au
sommet, quand ils sentent qu’ils ont
fait le tour de la question. D’autant
que, dans le cas des grands groupes
qui ont tout dominé depuis des
décennies, on parle de musiciens
ultra riches qui n’ont plus besoin de
continuer et n’ont vraiment plus
rien à prouver.
Dans le cas de Jinjer, penses-tu
que Macro, votre troisième album,
représente le sommet de ce que le
groupe est capable de proposer ou
avez-vous encore beaucoup de
choses à dire ?
Nous avons encore quelques disques
devant nous car nous n’avons pas
encore tout essayé. Macro est
clairement la meilleure chose que
nous ayons jamais créée, et je suis
vraiment heureux que le public s’y
intéresse car, pour la première fois,
nous sommes tous satisfaits d’un
disque à 100%. Je précise que je ne
dirai jamais que chacun de nos
albums sera forcément meilleur que
le précédent car c’est impossible.
En tout cas, il est clair qu’il y aura
eu un avant et un après Macro, qui
représente un énorme pas et même
un bond en avant pour nous.
Pourquoi avez-vous décidé de
sortir un EP, Micro (2019), suivi
par un album, Macro, quelques
mois après ? Y a-t-il une sorte de
concept derrière ce choix ?
Non, ça s’est imposé à nous par la
force des choses. Au départ, nous
devions passer la fin de l’année 2018
à travailler sur notre nouvel album.
Mais entre temps, une tournée
américaine avec Cradle Of Filth est
71
 passée par là. Elle a rencontré
beaucoup de succès et nous avons
senti que le public US s’intéressait
de plus en plus à nous. Notre
manager nous a conseillé d’y
retourner dès que possible pour
enfoncer le clou, et il a eu raison
(Ndlr : cette année, Jinjer a décroché
plusieurs couvertures de magazines
américains, dont celle de Revolver).
Puisque nous n’avions pas envie de
repartir en tournée sans nouveaux
morceaux à présenter, nous avons
choisi de composer un EP, Micro,
en partant d’une page blanche. En
finalisant le master dudit EP pour
Napalm, nous avons senti que nous
pouvions écrire davantage. Après
cette nouvelle tournée américaine,
et après nos dates européennes avec
Amorphis et Soilwork, nous avons
JE RÊVE DE JOUER AU HELLFEST DEPUIS DES ANNÉES
(EUGENE ABDUKHANOV)
donc passé le printemps à écrire ce
qui, dans le courant de l’été, allait
devenir Macro. Rien n’était planifié,
ça s’est passé « comme ça ». En
février, nous n’avions vraiment rien
du tout. Nous sommes une nouvelle
fois partis d’une page blanche et,
trois mois plus tard, nous avions
Macro.
Si tu devais identifier l’ingrédient
principal de votre « réussite »
jusqu’à présent, lequel choisirais-
tu ?
Le live. Nous tournons quasiment
non-stop depuis 2013. Six ans à
manger des dates, à tourner sans
relâche. Bon, nous n’avons pas
vraiment eu le choix car la situation
en Ukraine est très instable. Nous
sommes comme des « réfugiés »,
pour ainsi dire... Tourner quasiment
72
en permanence est ce qui nous
assure des revenus, et c’est
également ce qui nous a permis
d’imposer Jinjer. Si je devais donner
un seul conseil à un jeune musicien,
ce serait de jouer live, encore et
encore. Même si seulement trente
personnes viennent te voir, c’est
déjà ça. Si tu les impressionnes,
elles te resteront fidèles et parleront
de toi autour d’elles. Au fil des
concerts, on se retrouve à jouer
devant plus de monde et on devient
un meilleur musicien. Jouer live
signifie aussi qu’on accroît sa
présence en ligne grâce aux
contenus postés par les fans ou par
le groupe lui-même, puisque chaque
concert est une nouvelle opportunité
de filmer ou de photographier du
contenu pour alimenter les réseaux
sociaux. Enfin, donner des concerts
signifie qu’on peut gagner un peu
d’argent avec les t-shirts, les CDs,
etc. Au début, on ne gagne
quasiment rien en termes de cachet,
mais ça évolue petit à petit. Et puis,
même si on ne vend que quinze t-
shirts, on gagne de quoi manger
et aller jusqu’à la date suivante.
Bien sûr, on gagne aussi quinze
personnes qui portent le logo du
groupe et qui lui font de la publicité.
Bref. C’est une décision difficile à
prendre, mais c’est un cercle
vertueux. Je pense que c’est de
toute façon indispensable si l’on
veut vraiment essayer d’y arriver.
En France, l’exemple de Gojira qui
a tourné sans relâche et a sillonné
les moindres recoins du pays est
bien connu...
(Situé non loin de là dans le tour-bus,
le guitariste Roman Ibramkhalilov
nous dit que Gojira est leur groupe
préféré) Oui, Gojira est certainement
le groupe qui fait le plus l’unanimité
au sein de Jinjer. Nous adorons ces
gars, aussi bien musicalement que
pour toutes les valeurs qu’ils
défendent. Nous aussi, nous avons
joué dans un paquet d’endroits où
personne ne passe, parce que nous
étions convaincus que ça avait du
sens. Ça me fait rudement plaisir
de voir que nous avons ce point
commun !
Vos clips sont très soignés. C’est
également un ingrédient important
de la « recette » Jinjer, n’est-ce pas ?
Bien sûr. Nous y accordons
effectivement beaucoup d’attention,
parce que la puissance de
recommandation de YouTube est
sans commune mesure. Il faut
amorcer la pompe, c’est-à-dire avoir
suffisamment de monde intéressé
par la vidéo pour que l’algorithme
de YouTube la mette en avant chez
d’autres personnes susceptibles de
l’aimer, mais une fois que c’est
parti, ça fait boule de neige. En
2012, notre premier clip, celui de
« Exposed As A Liar », a rencontré
un succès surprise qui nous a ouvert
des portes. Chaque nouveau palier a
été atteint grâce au précédent :
nous avons toujours placé le lien de
notre nouveau clip à l’intérieur de la
vidéo précédente, etc. Ca a créé une
réaction en chaîne.
Mais c’est la version live en studio
de « Pisces » qui, en 2017, vous a
vraiment propulsés dans une autre
division, non ?
Oui, c’est avec ce clip que nous
avons fait notre percée, c’est
indéniable. Il accumule aujourd’hui
plus de trente millions de vues.
Pour un groupe comme le nôtre,
c’est gigantesque ! Nous ne
l’aurions jamais imaginé… C’est une
histoire de chance, de se trouver au
bon endroit au bon moment, avec la
bonne proposition.
En matière de clips comme de
musique, vous aimez surprendre et
mélanger les genres. On trouve
chez vous des touches de reggae et
même de bossa nova. Les lignes
vocales de Tatiana font également
parfois penser à du System Of A
Down. Tout ça, c’est l’ADN musical
de Jinjer ?
Oui, c’est vraiment ça. Tatiana adore
System Of A Down, et tu n’es pas le
premier à faire le rapprochement
entre certaines de ses lignes de
chant et celles de Serj Tankian.
Elle a grandi en l’écoutant et
reconnaîtrait sûrement ces points
communs, comme il est possible que
Serj Tankian reconnaisse l’influence
qu’a eu Mike Patton sur lui…
Ou Jello Biafra (Dead Kennedys) !
Voilà ! (rires) Personnellement,
j’adore le jeu de basse de Ryan
Martinie (Mudvayne) et je sais que
ça s’entend…
Au même titre que votre amour
d’Opeth, même si cette influence
est moins évidente sur Macro...
Oui, c’était effectivement plus
évident par le passé, mais je
pourrais quand même te dire quels
passages de Macro ressemblent à du
Opeth... Héhé ! L’essentiel est de
créer quelque chose de personnel
sur cette base d’influences. Et
comme tu viens de le dire, nous
aimons effectivement surprendre
en insérant dans notre musique des
ingrédients un peu « décalés », ou
perçus comme tels.
Une musique que vous appelleriez
d’ailleurs comment ? Du metal
progressif ?
« Progressif » je prends, mais je
n’emploierais pas le mot « metal ».
Je dirais que nous jouons une
musique extrême et progressive.
Le mot « extrême » est celui qui
convient le mieux à Jinjer à mon
avis, car tout ce que nous faisons
est basé sur le contraste, ce
mélange de musique extrêmement
douce et « violente ». Il y a du metal
dans notre musique, mais pas assez
pour qu’on la qualifie de metal « pur
jus », à mon sens...
Vous étiez vraiment faits pour
jouer au Hellfest, qui ne se définit
pas comme un événement metal,
mais comme un festival de
« musiques extrêmes ».
Je le sais car je suis ce festival
depuis un bout de temps. Je rêve de
jouer au Hellfest depuis des années.
C’est vraiment LA date que j’attends
de pied ferme ! Y
RH205
 GWAR
Gwar
cThe Salaminizer
cKrak Down
– VOIVOD – DOWNCAST COLLISION
cI’ll Be Your Monster
cBring Back The Bomb
LE 23 NOVEMBRE 2019 A VAURÉAL (FORUM)
cBlack And Huge
cI, Bonesnapper
cMaggots
cHave You Seen Me ?
cMetal Metal Land
cHam On The Bone
cThe Private Pain Of
Techno Destructo
cBeat You To Death
cFuck This Place
Rappel :
cGwar Theme
cSick Of You
La dernière fois que Gwar a joué en région parisienne,
c’était le 20 mars 2007, à La Locomotive. Et la fois d’avant,
en 1999. Les experts en calcul mental sont donc là, ce soir,
dans ce Forum « plein comme un caouin » pour assister à
l’unique étape française du Use Your Collusion Tour (encore
une exclusivité de cette chouette salle du Val d’Oise à la
programmation soignée !). En ouverture, les Bataves de
Downcast Collision ne marquent les esprits que parce que
leur chanteuse/bassiste, Monica Janssen, porte de grandes
ailes d’ange noires dans le dos. La détermination y est,
certes, l’intérêt de ce death mélodique insipide pas
vraiment. Il en va bien sûr tout autrement avec Voïvod
qu’on a vu pour la dernière fois dans le coin, à Eragny, il y
a quatre ans déjà. C’est toujours un plaisir de retrouver le
combo canadien, pour sa musique unique, bien sûr, mais
aussi pour la gentillesse de ses membres, souriants et
abordables. Ce soir, le groupe de Jonquière délivre un set
d’une heure environ, équitablement réparti entre vieilleries
bienvenues (« Psychic Vacuum », « Overreaction », « Fix My
Heart », etc.) et nouveautés issues de l’EP Post Society
(« Post Society », qui ouvre le set, « Fall ») et de son dernier
album en date, le remarquable The Wake paru en 2018
(« Obsolete Beings », un « Orb Confusion » qu’on croirait
tout droit échappé d’un vieux Killing Joke, le complexe et
pesant « The End Of Dormancy »). Le chanteur Denis
« Snake » Bélanger, qui arbore un magnifique t-shirt Night
Of The Living Dead, peut décontenancer avec son allure
de guingois, ses pas de danse sautillants et ses blagues,
mais impossible de prendre en défaut ces musiciens qui
s’écartent des schémas classiques pour proposer une
mixture improbable de Rush et de thrash barré. Il faut voir
Michel « Away » Langevin faire corps avec son kit sur « The
Unknown Knows », et la dernière recrue, Dominique
« Rocky » Laroche, reprendre impeccablement les lignes
de basse de Blacky pour s’en persuader, si besoin est. Mais
74
ce soir, celui qui fait le show n’est autre que le guitariste
Daniel « Chewy » Mongrain, au four et au moulin, qui abat
un boulot phénoménal tant en lead qu’en rythmique,
occupant à lui seul un espace considérable. Là-haut, le
regretté Piggy doit lui aussi halluciner sur l’apparente
aisance de son successeur, d’autant que ce dernier, façon
Eddie Van Halen, a toujours le sourire aux lèvres. Se mettant
le public dans la poche au fil des minutes, les Québécois
se retirent sous les applaudissements nourris après un
« Voivod » préhistorique issu de leur premier album, War
And Pain (1984) et repris en chœur par un Forum sous le
charme qui, dans son immense majorité, a trouvé le temps
court et en aurait bien repris une ou deux louchées.
Avec Gwar, le propos est évidemment tout autre, même
si, là encore, le public a le sourire aux lèvres. Il faut dire
qu’il faudrait être un sacré cul-pincé pour ne pas se fendre
la poire en compagnie de pareils énergumènes. La
première prouesse du groupe américain est de parvenir à
se produire dans un espace aussi restreint, à l’instar du
chanteur Blothar, sorte de minotaure obèse qui « remplace »
Oderus Orungus (décédé en mars 2014) et affublé
d’immenses bois de cerf. A ses côtés, les membres
historiques que sont Balzac The Jaws Of Death (guitare),
Jizmak Da Gusha (batterie), Beefcake The Mighty (basse),
eux aussi engoncés dans des costumes pour le moins
encombrants, tiennent la baraque avec une aisance qui
force le respect au regard de la chaleur. Au fil du set, les
saynètes se succèdent, jamais fines, toujours gore, un flic
se faisant empaler dès le deuxième morceau (« Krak
Down »). Une fille enceinte débarque sur scène et
s’adresse à Blothar : « Tu ne te souviens pas ? Nous nous
sommes rencontrés la dernière fois que vous étiez là. J’ai
une surprise pour toi. Tu vas être père ! ». « Quoi, tu es
enceinte depuis douze ans ?! What the fuck ! » répond le
chanteur alors que la demoiselle accouche, dans un bain
de sang, d’un petit Balzac affreux comme tout (« Black And
Huge »). C’est évidemment au lézard Bonesnapper que
revient le droit de chanter « I, Bonesnapper », titre
pourfendu par un flow rap hilarant (« Je ne suis pas une
tortue, pourquoi me regardez-vous comme ça ? Ce n’est
pas facile d’avoir la peau verte ! »). Sur scène, un roadie
déguisé en singe chasse les slammers récidivistes. Après
un « Maggots » repris par la salle toute entière, Blothar
prévient le public : « Je veux vous mettre en garde pour
ce qui va suivre. Là, ça va devenir vraiment dégueu ! ». Et
tandis que deux poupées d’enfants n’ayant que la peau sur
les eaux font mine de lui tailler une pipe (le bougre a un
double pénis monstrueux !), il persiste et signe : « Ils sont
déjà morts, alors c’est de la nécrophilie, pas de la
pédophilie ! ». Le voilà maintenant qui jumpe sur « Metal
Metal Land » (vu son costume, fou rire garanti !) avant que
Bonesnapper n’arrose la foule à l’aide d’un horrible canon
à eau (à sang, plutôt) en forme de chien (« Ham On The
Bone ») ! L’arrosage continue de plus belle durant « The
Private Pain Of Techno Destructo », Sawborg Destructo
déboulant sur scène le bras prolongé d’une effrayante scie
circulaire qui crache des litres de sang. Plus tard, il faut voir
le Forum reprendre comme un seul homme « Fuck This
Place » le temps d’une nouvelle séquence improbable.
Durant les rappels, un Donald Trump éventré éclabousse
la salle toute entière (« Gwar Theme »), Blothar finissant le
travail en arrosant inlassablement un public qui ne
demande que ça sur l’impayable « Sick Of You ». Aurélie,
directrice du Forum, nous avait prévenus (« ils vont
balancer 200 litres de faux sang »), mais drôle de
sensation, alors que certains fans quittent la salle trempés
jusqu’aux os, que ce sol copieusement imbibé de fausse
hémoglobine. Une soirée sang pour sang réussie.
PHILIPPE LAGEAT
Photo : Henri Seguin
 Qui aurait cru, à l’époque où Amon Amarth se produisait

AMON AMARTH
dans de modestes festivals itinérants à la fin des années 90,

- ARCH ENEMY – HYPOCRISY que le quintet finirait par remplir notre Zénith parisien ?
Certes, la scène est avancée et les gradins latéraux bâchés,

Arch Enemy LE 25 NOVEMBRE 2019 A PARIS (ZENITH) mais cet engouement témoigne tout de même de la grande
popularité des Scandinaves, dont la musique se fait plus
mélodique à chaque nouvelle sortie. La présence de deux
cThe World Is Yours
cWar Eternal
Amon Amarth autres piliers du death mélodique suédois en première partie
n’est pas pour rien dans le succès du jour, même si, dès le
cMy Apocalypse cRaven’s Flight début des hostilités, il apparaît clairement que la grande
cRavenous cRunes To My Memory
cUnder Black Flags
majorité du public n’éprouve qu’un intérêt limité pour
cDeath In Fire
We March Hypocrisy et sa prestation. Il faut dire que le trio (accompagné
cDeceiver Of The Gods
cThe Eagle Flies Alone cFirst Kill
par le fidèle guitariste Tomas Elofsson) ne lui facilite pas la
cFirst Day In Hell cFafner’s Gold tâche : non seulement son set, version raccourcie de celui de
cAs The Pages Burn cCrack The Sky la dernière édition du Motocultor, puise avant tout dans du
cNo Gods, No Masters cThe Way Of Vikings matériel assez ancien (aucun titre de l’après Virus/2005 n’est
cDead Bury Their cPrediction Of Warfare interprété), mais en plus, il évolue dans d’impénétrables
Dead cShield Wall nuages de fumée qui masquent le décor… Voire les musiciens
cNemesis cGuardians Of Asgaard eux-mêmes ! Pour couronner le tout, le son manque de
cRaise Your Horns clarté, les mélodies de guitares s’avérant parfois difficiles à
Rappel : distinguer (dommage pour des titres aussi efficaces que
cThe Pursuit Of Vikings « Eraser » et « Fractured Millenium ») et la grosse caisse du
cTwilight Of The Thunder cogneur Horgh (Immortal) prenant beaucoup trop d’espace.
God Le chanteur/guitariste Peter Tägtgren a beau s’efforcer de
motiver les spectateurs (dont la moyenne d’âge ne doit
guère dépasser les vingt ans), la sauce refuse de prendre.
Bilan mitigé donc… Sans surprise, Arch Enemy reçoit instan-
tanément un tout autre accueil. Passée la petite introduction
« Set Flame To The Night », le quintet fait bondir la fosse
avec « The World Is Yours », titre éponyme de son dernier
disque (2017). Surélevé, le kit de batterie paraît presque
encastré dans le gigantesque backdrop qui présente une
main décharnée ornée d’un œil. Oscillant majoritairement
entre les rouges et les gris, les lumières balaient la scène,
s’arrêtant ponctuellement sur la paire de gratteux Michael
Amott/Jeff Loomis ou sur l’incroyable frontwoman Alissa
White-Gluz, dont le chant caverneux n’est pas aussi puissant
que de coutume. On ne saurait dire s’il s’agit d’un problème
de son ou si la chanteuse, qui alterne toujours le français et
l’anglais (avec un délicieux petit accent québécois), a demandé
à être mixée plus bas pour palier une petite faiblesse passa-
gère… Quoiqu’il en soi, le quintet suédois fait toujours office
de machine de guerre sur scène et propose une prestation
redoutable d’efficacité (le groovy et inquiétant « My Apoca-
lypse », les classiques que sont « Ravenous » et « Nemesis »,
tout indiqués pour faire crier et bondir le public).
Un rideau noir cache à l’audience la scénographie soigneu-
sement préparée par Amon Amarth. La première moitié
du célèbre « Run To The Hills » d’Iron Maiden, influence
incontournable du gang de Stockholm, permet aux fans de
s’échauffer les cordes vocales avant que les musiciens ne se
révèlent dans un décor remarquable. Exit le drakkar des
tournées précédentes, le batteur Jocke Wallgren trône
désormais sur un gigantesque casque viking dont les yeux
sont constitués d’écrans qui offrent des animations différentes
à chaque morceau. On aperçoit aussi deux grandes runes qui
symbolisent la lettre « A » et qui prennent feu dès le
deuxième titre, « Runes To My Memory ». L’assistance, en
liesse, mange dans la main des guerriers, visiblement ravis
par l’accueil qui leur est réservé. En matière de mise en
scène, le combo a réellement passé un cap ; si certaines
animations s’avèrent assez kitsch (l’étrange personnage
costumé qui arpente la scène sur « Deceiver Of The Gods »,
les énormes yeux bleus sur l’écran), d’autres tiennent parfai-
tement leur rôle. Il est notamment assez fendard de voir
s’élever des statues de baudruche de douze mètres de haut
sur « Guardians Of Asgard » ou d’assister au combat entre
le vocaliste Johan Hegg et le gigantesque serpent (gonflable)
Jörmungand sur l’imparable « Twilight Of The Thunder
God » ! Un véritable divertissement, complété par un dispositif
pyrotechnique remarquable (« Death In Fire ») ! Du côté stric-
tement musical, en revanche, on ne peut s’empêcher de
noter que le guitariste et compositeur Olavi Mikkonen est
en petite forme, le bougre massacrant carrément l’introduction
de « Fafner’s Gold » en se trompant de corde, et faisant de
Hypocrisy nombreux pains durant la prestation. Heureusement, le reste
cFractured Millennium de l’équipe compense ces erreurs, et c’est un plaisir de
cAdjusting The Sun sentir les titres (trop) mélodiques des derniers recueils studio
cFire In The Sky retrouver un peu d’énergie et de hargne une fois joués
cEraser sur scène. Très bonne soirée qui, au vu de toutes les mines
cWar-Path réjouies qui nous entourent, a parfaitement satisfait les fans
cThe Final Chapter de death mélodique suédois !
cRoswell 47 FRANÇOIS BLANC
Photo : Nidhal Marzouk

75
 SACRED REICH – NIGHT DEMON
LE 24 NOVEMBRE 2019 A LIMOGES (CCM JOHN LENNON)
Mieux vaut ne pas traîner à l’apéro en ce
dimanche soir, puisque Night Demon se Sacred Reich personne n’espérait (Awakening), 2019 apporte
présente sur les planches du CCM John
cManifest Reality
Lennon dès 19h15. Le combo de Ventura cThe American Way drivé par Phil Rind (basse/chant) et Wiley
(Californie), qui tourne énormément depuis cDivide & Conquer
quatre ans, tient la scène avec beaucoup cOne Nation
d’aplomb même si ses musiciens ont le « dés- cAwakening
avantage » de n’être que trois pour occuper cLove...Hate
l’espace. Mais le chanteur/bassiste Jarvis cFree
Leatherby et son acolyte guitariste Armand cCrimes Against
Anthony font le show, sautant depuis la petite Humanity
estrade accueillant le kit de Dusty Squires et cWho's To Blame
headbanguant à s’en démettre les vertèbres. cIgnorance
Leur heavy metal de tradition s’avère franche- cSalvation
ment speed (« Full Speed Ahead », « Heavy cIndependent
Metal Heat », dont Jarvis à le plus grand mal cKilling Machine
à faire hurler le refrain au public, ou encore cDeath Squad
« Screams In The Night »), même si le lugubre cSurf Nicaragua
« Darkness Remains » donne dans le mid-
tempo, tout comme « The Chalice ». Sur ce dernier, La
Mort elle-même surgit sur scène (bon, sûrement un
roadie déguisé et portant un masque d’Halloween,
mais dit comme ça, ça fait moins peur) pour haranguer
un public qui commence à décemment remplir les
lieux. Très bonne mise en bouche !
La prestation de Sacred Reich lors du dernier Alcatraz
Festival en Belgique (Cf. RH#202) nous ayant franche-
ment plu, il nous tardait de revoir le quartet dans
une configuration salle/tête d’affiche afin de profiter
pleinement de cette nouvelle mouture du groupe.
Car entre le retour de Dave McClain à la batterie,
l’arrivée du jeune et infatigable secoueur de crinière
76
Joey Radziwill et un nouvel album que plus
son lot de nouveautés pour le combo toujours
Arnett (guitare). Les deux vétérans ne s’en
laissent cependant pas compter, Rind se
fendant régulièrement de petits discours à
consonance sociale, voire politique, alors
qu’Arnett signe des soli absolument magni-
fiques, et d’autant plus appréciables qu’ils
sont sublimés par un son impeccable. Intelli-
gemment intercalés entre les classiques
des années 80 et 90, les morceaux extraits
d’Awakening font plus que le job (en particu-
lier « Divide & Conquer », ainsi que le titre
éponyme boosté par l’énorme frappe de
McClain). Des cinq nouveautés, seul « Killing
Machine », assez basique, nous paraît superflu
au sein de cette setlist snobant Heal (1996),
pourtant l’un des deux seuls albums sur lequel joue
McClain (un petit « Blue Suit, Brown Shirt » ou « Heal »
n’aurait pas été de refus). Mais « Killing Machine »
reste le seul point faible du répertoire de cette soirée,
« Free », le génial « Independent » et les antiques
« Death Squad » et « Surf Nicaragua » faisant par
ailleurs le bonheur des thrashers présents. Certes, on
pourrait reprocher un temps de jeu un peu léger
(1h10), mais on préfère retenir le positif, à savoir un
groupe impeccablement rôdé et un public ravi d’être
là. Déjà pas mal, non ?
BENJI
Photo : Benji
JINJER – THE AGONIST – KHROMA
SPACE OF VARIATIONS LE 06 DECEMBRE 2019
A PARIS (MACHINE DU MOULIN ROUGE)
Les grèves qui paralysent Paris et à la fois chirurgicale et groovy, glaciale
notre interview de Jinjer, réalisée The Agonist et bourrée de mélodies. Bien qu’elle
tardivement à la salle (Cf. entretien cIn Vertigo tousse quasiment entre chaque mor-
en ces pages), nous privent de cPanophobia ceau, la chanteuse Tatiana Shmailyuk
Space Of Variations et de Khroma. cGates Of Horn (qui s’est faite porter pâle l’après-
Dommage pour ces formations ukrai- And Ivory midi, annulant ses interviews) donne
niennes et finlandaises qui saupou- cThe Gift Of Silence une nouvelle leçon de versatilité et
drent leur metal « moderne » de c(Solo de batterie) d’endurance vocale. Un peu comme
touches électroniques. Nous nous cDead Ocean si Cristina Scabbia (Lacuna Coil) et
rattraperons. Notre programme du cOrphans Angela Gossow (ex-Arch Enemy)
soir débute donc avec The Agonist, cBurn It All Down étaient tout à coup prisonnières de
l’ancien combo d’Alissa White-Gluz cAs One We Survive la même enveloppe corporelle. Loin
(Arch Enemy). Pour lui succéder, les d’être aussi mobile et possédée que
Canadiens ont su dénicher une vocaliste dans le clip de « Judgment (& Punishment) »
de choix en la personne de Vicky Psarakis, qui la met en scène en sorcière, et même
Jinjer spécialiste gréco-américaine en growls si ses interventions trop téléphonées sont
profonds et vocalises haut perchées (« The vraiment à améliorer, la Wonder(front)woman
cTeacher, Teacher
cSit Stay Roll Over
Gift Of Silence »). S’il eût été encore plus jette un sort à ce public qui lui mange dans
cApe efficace sans solo de batterie (quelle idée, la main. Aux côtés du rappel contrasté
cJudgement franchement !), le set du groupe metalcore/ « Pisces », meilleure incarnation de la maîtrise
(& Punishment) melodeath le voit plutôt tirer son épingle du des virtuoses (qu’il s’agisse de la guitare, de
cI Speak Astronomy jeu, et ce dernier repart en étant bien applaudi. la basse ou de la batterie, « ça joue grave »,
cDreadful Moments Mais ce n’est rien comparé aux acclamations comme on dit) en matière de dualité et de
cWho's Gonna Be réservées à Jinjer. Très attendus, les Quatre « clair-obscur », « Perennial » de ce diable de
The One Fantastiques de Donetsk, qui devaient initia- Micro (EP/2019) est l’un des moments forts du
cRetrospection lement se produire dans une Maroquinerie concert. La Machine s’emballe au rythme de
cPerennial remplie en moins de temps qu’il n’en a fallu ce morceau frappadingue, affolant slammers
cOn The Top pour dire « shcho stalosya z Chornobyl s koyu & Co. et laissant entrevoir un sacré bordel au
cPit Of elektrostantsiyeyu ? », pénètrent dans une Hellfest le 21 juin prochain. Vous n’avez pas
Consciousness Machine du Moulin Rouge archi blindée. fini d’entendre parler de Jinjer, c’est certain.
cJust Another Avec ces lumières et projections étudiées à MORGAN RIVALIN
cWords Of Wisdom rapprocher d’un Meshuggah (en bien moins Photo : Morgan Rivalin
Rappel :
stroboscopique/épileptique, néanmoins), les
cPisces
Ukrainiens offrent un bel écrin à leur musique
 MASS HYSTERIA
HANGMAN’S CHAIR
POGO CAR CRASH CONTROL
LE 06 DECEMBRE 2019
A PARIS (ZENITH)

Mass Hysteria
cReprendre Mes Esprits
cVae Soli !
cNotre Complot
cUne Somme De Détails
cBabylone
cVector Equilibrium
cPositif A Bloc
cFailles
cMême Si J’Explose
cSe Brûler Sûrement
cNerf De Bœuf
cDerrière La Foudre
cP4
cContraddiction
cAimable A Souhait
cL’Enfer Des Dieux
Hangman’s Chair cPlus Que Du Metal
cTout Est Poison
cChiens De La Casse
Rappel :
cArômes Complexes
cKnowledge Is Power
cDonnez-Vous La Peine
cFuria

Désolé pour Pogo Car Crash Control, mais en ce vendredi
6 décembre 2019, nouveau jour de grève, c’est un exploit
de parvenir à rallier le Zénith de Paris à 20h15, dix minutes,
hélas, après la courte prestation (35 minutes) du jeune
groupe de Lésigny. C’est promis, on se rattrapera à la
première occasion. C’est étonnant de voir Hangman’s
Chair, habitué à l’intimité des clubs (qui lui sied d’ailleurs
à ravir), évoluer, une fois n’est pas coutume, sur une scène
aussi grande. Et puis, difficile de faire plus éloigné du
metal positif de Mass Hysteria que ce rock doomy qui invite
à tout, sauf à la poilade. Bref, la partie n’est pas gagnée
d’avance pour le combo parisien. Pourtant, doté d’un son
impeccable (à commencer par celui de la batterie de
Mehdi Birouk Thépegnier), le quatuor séduit et marque
des points face à un public attentif et respectueux. Alors,
peu importe que le chanteur/guitariste Cédric Toufouti ne
cherche pas à communiquer avec la foule, ce qui compte,
c’est qu’il module à merveille aux côtés du guitariste Julien
Chanut, tout aussi immobile, ou presque. Seul le bassiste
Clément Hanvic, qui arbore un t-shirt Sisters Of Mercy, se
laisse ponctuellement aller à quelques fulgurances, porté
par le groove. Durant les quarante minutes qui lui sont
allouées, le quatuor se concentre, pour l’essentiel, sur son
dernier album en date, l’excellent Banlieue Triste de 2018
(« Banlieue Triste », « Naïve », « Sleep Juice », « Negative
Male Child », « 04/09/16 »), Hope///Dope///Rope (2012)
et le récent EP Bus De Nuit ayant tout de même droit à un
extrait chacun. Un choix cohérent, même si nous n’aurions
pas craché sur un petit détour noir de suie par le remarquable
This Is Not Supposed To Be Positive (2015). L’un dans
l’autre, une prestation efficace qui donne sacrément envie
d’en voir plus.
Alors que les roadies s’empressent de faire place nette,
un énorme rideau blanc flanqué d’un logo « Mass Hysteria »
noir est hissé jusqu’aux cintres pour cacher la scène. Le
public, qui s’étoffe au fil des minutes (3.000 spectateurs
environ), prend son mal en patience, jusqu’à ce que le
« Flick Of The Switch » d’AC/DC résonne à volume trente
dans un Zénith qu’on sent prêt à se lâcher totalement. La
libération survient à 21h30, le Club des Cinq attaquant
bille en tête par un « Reprendre Mes Esprits » exténuant
qui annonce la couleur : ce soir, le groupe est surmotivé
et démonté par l’envie de bien faire. Ça se voit et ça
s’entend. Il faut dire qu’il le doit à ce public fidèle et
courageux qui a fait le déplacement malgré le froid, la pluie
et les bouchons. « Malgré les grèves, malgré Macron ! »,
comme le souligne Mouss, avant d’ajouter : « Merci d’être
arrivés jusqu’ici, il fallait vraiment en vouloir ! Il fallait vraiment
pouvoir ! ». Mass a faim ce soir, faim de rendre à ses fans
ce que ces derniers lui donnent – cest-à-dire beaucoup – à
l’image de Mouss qui, tel un Cupidon déchaîné, fait mine
de décocher des flèches sur « Notre Complot ». On apprécie
aussi la setlist partiellement remaniée, le groupe ayant
demandé à son « Armée des Ombres » de choisir cinq
morceaux non joués sur le reste de cette tournée Maniac,
parmi lesquels « Vector Equilibrium » et plus encore un
« Babylone » de circonstance, ici, à Paris. Après « Positif A
Bloc », Mouss dit, avec humour comme toujours, la fierté
du groupe de se produire enfin en tête d’affiche au Zénith
parisien après 26 ans de carrière : « La première fois que
nous avons joué ici, il y avait beaucoup moins de monde.
C’était en première partie de Limp Bizkit ! ». Le Brestois
se fait plus grave, plus émouvant aussi, lorsqu’il évoque
Charlie, un jeune fan victime d’une grave maladie, qui « est
en rémission » : « Lâche pas l’affaire ! T’es le meilleur ! ».
La pyro, à l’instar du chanteur, explose totalement sur le
bien nommé « Se Brûler Sûrement ». Plus d’une fois, on
pense, devant ce déluge de feu, à la dernière tournée de
Slayer (« L’Enfer Des Dieux » et ses faux airs de « Hell
Awaits » avec ses flammes au sol). Fred et Yann, ultra
complémentaires, tissent l’une des rythmiques les plus
carrées de l’Hexagone. Quant à Jamie, il headbangue à s’en
décrocher la tête, trop heureux que ses parents assistent
au concert. Alors que Mouss s’en va chanter dans la foule
pendant le brutal « P4 » (« Vous êtes prêts à péter les
chicots ? »), on en profite pour admirer une scène classe
dans sa sobriété avec ses backdrops « M » et « H » calés
dans les cintres aux côtés du nouveau logo du groupe (une
bouche cousue), et, postées de chaque côté du kit d’un
Rapha hyper solide, deux bâches « clin d’œil » à l’album
Contraddiction (1999). Justement, c’est « Contraddiction »
qui suit, « un temps que les moins de vingt ans ne peuvent
pas connaître ». « Ce concert, c’est comme une série limitée.
On l’a même pas filmé ! ». Hé oui, ce moment restera
dans les mémoires de « ceux qui y étaient » et qui se
souviendront du retour des percus à la « Ratamahatta »
(Sepultura) sur « Aimable A Souhait », des portables
brillants comme des lucioles en hommage à nos chers
disparus sur « L’Enfer Des Dieux », de l’orgie sensorielle
de « Chiens De La Casse », mais aussi d’un rappel imparable
mettant notamment en vedette un « Knowledge Is
Power » qui fait toujours du bien par où il passe. 23 titres,
une prestation visuelle et auditive exempte de tout reproche,
un groupe sérieux, impliqué comme jamais, et un public
au taquet. La fête, la vraie !
PHILIPPE LAGEAT
Photos : Nidhal Marzouk

77
 Après Devin Townsend (voir précédent numéro), c’est au

MARILLION
Marillion tour de Marillion de se produire Salle Pleyel, un endroit
cGaza
qui commence doucement à se transformer en salle rock
cSeasons End pour le plus grand plaisir des habitants de l’ouest parisien,
cEstonia
cFantastic Place
LE 09 DECEMBRE 2019 A PARIS (SALLE PLEYEL) surtout en ce jour de grève ! Cependant, sur cette tournée
qui le voit accompagné d’un orchestre, le groupe tient là
cThe New Kings: I. un lieu parfaitement approprié pour délivrer sa musique
Fuck Everyone And Run nouvellement arrangée. C’est en quelque sorte une étape
cThe New Kings: II. supplémentaire de franchie après qu’il ait déjà testé une
Russia’s Locked Doors telle configuration sur certains morceaux en rappel de
cThe New Kings: III. quelques dates uniques en Europe, dont l’une au Zénith
A Scary Sky de Paris le 7 octobre 2017, avec le quartet In Praise Of
cThe New Kings: IV. Why Folly. Et c’est évidemment l’occasion de promouvoir le
Is Nothing Ever True ? tout récemment paru With Friends From The Orchestra qui
cThe Sky Above The Rain reprend certains standards du combo avec ce même
cThe Great Escape quartet, auquel s’ajoutent la flutiste Emma Halnan et Sam
Rappel 1 : Morris au cor. On passera rapidement sur la performance
cAfraid Of Sunlight
de l’artiste solo Harry Pane qui a néanmoins le courage de
cSeparated Out
se présenter seul sur scène, guitare acoustique en main,
+ extraits Kashmir
(Led Zeppelin)
pour ouvrir la soirée au son de compositions originales
Rappel 2 : (« Hiding Place ») et d’une reprise assez entrainante du
cThe Space « Big Love » de Fleetwood Mac. Une musique folk agréable,
cMan Of A Thousand mais un peu hors sujet.
Faces Entre Yes et King Crimson qui nous font encore patienter,
un roadie vient parler à l’auditoire de l’usage des télé-
phones et se voit copieusement applaudi, avant que
l’orchestre ne s’installe sur fond du « Heroes » de David
Bowie. Débute alors le long « Gaza », parfaitement adapté
à ces arrangements de cordes, et qui permet à Steve
Hogarth de se saisir d’une guitare à sangle « moumoute »
et à Pete Trewavas de se permettre un passage de basse
slappée sur fond d’effluves électro délivrées par Mark
Kelly (claviers). On passe donc par tous les états durant ce
morceau, avant d’être saisis, déjà, par l’émotion sur ses
paroles finales : « It just ain’t right ». Nous ne sommes pas
les seuls car c’est déjà la standing ovation du public alors
qu’Hogarth lui répond en français : « Bonsoir mes amis, ça
va ? C’est fucking formidable d’être là ! ». Il confie même
le micro à sa violoniste pour traduire le message suivant :
« La salle est remplie d’anges, et pas que sur scène ».
Débute alors « Seasons End », aux paroles prédisant déjà
le changement climatique, magnifié avec sa mélodie jouée
au cor et son final évanescent sur tapis de cordes grattées.
« Estonia » se voit quant à elle dotée d’un pont ludique
également taillé pour l’orchestre, telle la bande son d’un
Disney imaginaire, tandis que « Fantastic Place » suit, seul
temps faible de la soirée. « The New Kings » est joué dans
son intégralité (quatre parties tout de même !) et illustré
de vidéos toujours aussi présentes et bien calées, tandis
que le mélancolique et vaporeux « The Sky Above The
Rain » permet à Steve Rothery d’essayer toutes ses pédales
d’effets et même son bottleneck. « The Great Escape »
offre à Hogarth l’occasion de s’exciter et de bouger sur
scène, comme possédé, alors qu’il incarne le personnage
central du concept-album Brave (1994). En rappel, nous
avons d’abord droit au morceau-titre de l’opus suivant,
Afraid Of Sunlight (1995) : cette fois, les arrangements
sont plus lointains, mais on s’en fiche un peu vu la qualité
du titre qui voit l’écran vidéo et le public s’enflammer.
Cintré dans un blouson en cuir ciglé « Accidental Man »,
le chanteur revient pour « Separated Out » et chauffe les
premiers rangs avant que l’orchestre ne se mette debout
pour y insérer une partie du « Kashmir » de Led Zeppelin.
Effet garanti ! « Bonne nuit et joyeux Noël ! » lâche Hogarth,
mais nous avons pourtant droit à un second rappel rehaussé
par deux paires de six choristes venues pour l’occasion.
Avec une telle puissance vocale, « The Space » est sublimé,
et après deux minutes d’applaudissements, Rothery
empoigne sa guitare acoustique pour enchaîner sur « Man
Of A Thousand Faces » dont le final chantonné se trouve
démultiplié. Les esprits chagrins pourront se lamenter sur
le fait que, sur les dates précédentes, le groupe a joué
quelques formats longs comme « Ocean Cloud » et « This
Strange Engine ». Mais il y a toujours des déçus. On se
permettra toutefois de rappeler à ces derniers qu’il y a 17
ans presque jour pour jour (le 30 novembre 2002), ce
même groupe clôturait son concert parisien sur ce dernier
morceau dans la petite salle du… Trabendo ! Soyons
donc déjà reconnaissants, fiers aussi, que Marillion s’avère
toujours aussi brillant et qu’il soit bien plus reconnu
aujourd’hui qu’au début des années 2000. Peu de groupes
peuvent en dire autant !
DJUL
Photo : Marc Villalonga
CLUTCH
Clutch
– GRAVEYARD – KAMCHATKA cPure Rock Fury
cNoble Savage
LE 15 DECEMBRE 2019 A BORDEAUX (ROCHER DE PALMER) cGhoul Wrangler
cH.B. Is In Control
cProfits Of Doom
cCypress Grove
cSpacegrass
cFirebirds !
cCrucial Velocity
cThe Regulator
cEvil (Willie Dixon)
cEmily Dickinson
cA Quick Death In Texas
cBrazenhead
cThe Wolf Man Kindly
Requests…
Rappel :
cElectric Worry
cFortunate Son
(Creedence
Clearwater Revival)

Graveyard
cWalk On
cThin Line
cFrom A Hole In The Wall
cUncomfortably Numb
cBird Of Paradise
cHard Times Lovin’
cHisingen Blues
cThe Siren

Quelques semaines après le show complet de Rival Sons,
le Rocher De Palmer affiche une nouvelle fois sold-out
pour la venue de Clutch. Très lié avec ce dernier avec qui
il a souvent joué depuis une bonne douzaine d’années,
Kamchatka ouvre les hostilités. Ce trio suédois formé du
guitariste/chanteur Thomas Juneor Andersson, du bassiste
Per Wiberg (ex-claviériste d’Opeth, Spiritual Beggars,
Candlemass) et du batteur Tobias Strandvik, s’il ne bénéficie
pas d’une grande popularité en dehors des milieux bien
informés, a déjà à son actif pas moins de sept albums
studio (parus depuis 2005). Son petit dernier, Hoodoo
Lightning, album pétri de qualités faisant assurément le
bonheur des fans de blues/hard rock vaguement psyché,
est sorti une semaine à peine avant ce show. Andersson,
s’il chante plutôt bien, se distingue surtout par son toucher
de guitare assez remarquable, ainsi qu’en témoignent ses
soli sur « TV Blues » et lors du passage bluesy d’un « No »
gorgé de feeling. Quant à Wiberg, en plus d’être lui aussi
doté d’un beau brin de voix, il s’avère un bassiste très
volubile. Cerise sur le gâteau, Jean-Paul Gaster, batteur
de Clutch, s’en vient rejoindre Andersson et Wiberg sur
« Hobo Ride », titre commun issu de l’album Mauga (2019)
de King Hobo, projet parallèle dont le premier album
éponyme est sorti en 2008. Bon esprit !
Bien plus populaire, Graveyard semble attendu par une
salle désormais pleine comme un œuf. De retour avec Peace
(2018) après l’un des splits les plus courts de l’histoire de
la musique (quatre mois entre septembre 2016 et janvier
2017 !), les Suédois entrent en scène sur un « Walk On »
baigné de lumières bleutées qui empêchent de voir la
moindre expression faciale du guitariste/chanteur Joakim
Nilsson. Parfaitement équilibrée, la setlist du soir pioche
dans les cinq albums du groupe, avec, comme on pouvait
s’y attendre, une petite préférence pour Hisingen Blues
(2011), dont trois extraits sont au menu. Entre ambiance
débridée (« Hisingen Blues », « From A Hole In The Wall »
chanté par le bassiste Truls Mörk), planante (« Hard Times
Lovin’ ») ou groovy (« Bird Of Paradise », également
chanté par Mörk), ce sont surtout les deux longues pièces
les plus célèbres qui mettent le public au tapis. Pleins de
sensibilité, « Uncomfortably Numb », dont le solo final
signé Jonatan Ramm électrise l’assistance, et « The Siren »,
qui fait vivre de véritables montagnes russes d’émotions,
achèvent un concert dont on ne ressort pas abasourdi par
le charisme des musiciens, mais avec la sensation d’avoir
vécu un moment suspendu dans le temps.
Néanmoins, lorsque Neil Fallon, vocaliste on ne peut plus
habité de Clutch, investit la scène avec l’aplomb qu’on lui
connaît et cette posture à nulle autre pareille, l’ambiance
monte de dix crans. Fidèles à leurs principes, les Américains
changent drastiquement leur setlist d’une date à l’autre,
ce qui fait qu’on ne sait jamais à quelle sauce on va être
mangé. Mais nous pouvons toujours faire confiance au bon
goût de Fallon, Tim Sult (guitare), Dan Maines (basse) et
Jean-Paul Gaster (batterie), qui gâtent invariablement
leurs fans, obsessionnels (on en voit pas mal postés dans
les premiers rangs !) comme plus occasionnels. De ses
douze albums studio, sept ont ce soir les faveurs du gang
(un terme qui ne semble pas galvaudé, la formation
n’ayant pas variée d’un iota en 29 ans !). Bien sûr, en
œuvrant de la sorte, il y aura toujours quelques déçus,
mais quel plaisir pour les amateurs ! Le début du set est
particulièrement tonique comme en témoigne ce « Pure
Rock Fury » exécuté d’entrée de jeu. Scéniquement, on
connaît la dynamique du quartet : un Fallon ultra mobile
et charismatique en diable, même si peu communicatif,
Sult et Maines extrêmement statiques et concentrés sur
leurs parties respectives, et un Gaster toujours aussi
magnétique : son kit dépouillé permettant de voir chacune
de ses grimaces et toutes les nuances de son jeu, on reste
scotché par l’un des batteurs les plus remarquables, dans
tous les sens du terme, de ces vingt dernières années.
« Spacegrass », le titre le plus ancien proposé en cette
soirée (Clutch/1995), nous fait quitter la planète durant
quelques instants avec son côté spatial qui « casse », pour
le meilleur, le rythme du concert. Mais l’intermède est de
courte durée, et « Crucial Velocity » et le tape-dur « The
Regulator », durant lequel Fallon s’empare d’une guitare
pour la première fois du set, font encore monter la
pression. « Evil », titre écrit par Willie Dixon, enregistré
par Howlin’ Wolf et repris des tonnes de fois (notamment
par Cactus), permet à Gaster de faire apprécier sa technique
et son swing inné, alors que « Brazenhead » voit monter
sur scène Per Wiberg (qui s’empare des claviers) et Laurent,
guitariste/chanteur des ovnis des Landes, The Inspector
Cluzo, avec qui Clutch a beaucoup joué (notamment aux
USA). Neil étant encore à la guitare sur ce titre, nous voici
donc avec un Clutch à trois grattes : pas banal ! Enfin, le
populaire « Electric Worry » et « Fortunate Son », reprise
de Creedence Clearwater Revival (récemment enregistrée
par le groupe en hommage à Jack Flanagan, son ancien
manager récemment décédé), concluent dans l’allégresse
un concert tout simplement somptueux. Quel groupe !
BENJI
Photo : Benji

79
 PLAYLISTS
CHARLELIE ARNAUD
1. SEPULTURA – Quadra
2. BLOOD INCANTATION – Hidden History Of
The Human Race
3. KVELERTAK – Splid (advance CD)
4. ADX – Bestial
5. THY CATAFALQUE – Naiv
STEPHANE AUZILLEAU
1. ALTESIA – Paragon Circus
2. SONS OF APOLLO – MMXX
3. YOGI LANG – A Way Out Of Here
4. ANTHRAX – Sound Of White Noise
5. THE DARKNESS – Easter In Cancelled
BENJI
1. MAGNUM – The Serpent Rings
2. THE DARKNESS – Easter In Cancelled
3. ADX – Bestial
4. GRAND SLAM – Hit The Ground
5. BRITISH LION – The Burning
FRANCOIS BLANC
1. APOCALYPTICA – Cell-0
2. OPETH – In Cauda Venenum
3. BROTHERS OF METAL – Emblas Saga
4. DEMONS & WIZARDS – III
5. THY CATAFALQUE – Naiv
DJUL
1. SONS OF APOLLO – MMXX
2. GODSTICKS – Inescapable
3. AND YOU WILL KNOW US BY THE TRAIL
OF DEAD… – X: The Godless Void And
Other Stories
4. THY CATAFALQUE – Naiv
5. NOVELISTS – C’est La Vie
GUILLAUME FLEURY
1. LORDI – Killection (A Fictional Compilation
Album)
2. HYPNO5E – A Distant (Dark) Source
3. BRITISH LION – The Burning
4. TEMPERANCE – Viridian
5. CULT OF ERYNIES – Aestivation
VANESSA GIRTH
1. DEWOLFF – Live & Outta Sight II
2. TWIN TEMPLE – Twin Temple (Bring You
Their Signature Sound.... Satanic Doo-Wop)
3. DEWOLFF – The Tascam Tapes
4. SEPULTURA – Quadra
5. ECSTATIC VISION – For The Masses
EMMANUEL HENNEQUIN
1. 7WEEKS – Sisyphus
2. GOD DETHRONED – Illuminati
3. THE YOUNG GODS – L’Eau Rouge
(réédition XXXe anniversaire)
4. STRIGOI – Abandon All faith
5. SLAYER – South Of Heaven
PHILIPPE LAGEAT
1. DEWOLFF – The Tascam Tapes
2. SEPULTURA – Quadra
3. JUDAS PRIEST – Sad Wings Of Destiny
4. EXODUS – Fabulous Disaster
5. HEAVY METAL – B.O.F.
MORGAN RIVALIN
1. SEPULTURA – Quadra
2. JINJER – Micro (EP)
3. GODSTICKS – Inescapable
4. MARKO HIETALA – Pyre Of The Black Heart
5. SONS OF APOLLO – MMXX
80
ADX
Bestial
(Ultim ‘Records/Season Of Mist)
Speed metal
Sortie : 24.01.2020
Décidément, la vie n’est pas un fleuve
tranquille pour ADX ! Comme nous l’ex-
plique le batteur Dog en ces pages, le
quintette a joué aux chaises musicales
avec les labels depuis 2008, jusqu’à en
venir à l’autoproduction pour ce
onzième album studio. Mais Bestial est
aussi et surtout le premier disque du
groupe depuis le départ de Pascal
« Betov » Collobert, guitariste historique
du combo que l’on imaginait inamovible
(à l’exception d’une courte pause en
1998, à l’occasion du dispensable
Résurrection). S’il est évident que la
sympathie et la disponibilité du bon-
homme manqueront à tous les fans du
groupe, ADX a néanmoins réussi à lui
trouver un substitut de grande valeur en
la personne de Neo, guitariste émérite
qui fait honneur à son nouvel employeur
et forme un sacré tandem avec l’excel-
lent Nicklaus Bergen. Produit une nou-
velle fois de main de maître par Francis
Caste, Bestial contient son lot de futurs
classiques du groupe. « Au-Dessus Des
Croix Noires », « Overlord » (dont le riff
d’intro semble être un gros clin d’œil à
celui de « Déesse Du Crime »),
« Collecteur De Chairs », « Du Sang Sur
Les Pierres », ou encore le tellurique
« La Traque » (ce riff !) trouvent d’entrée
de jeu leur place parmi ce que le groupe
a pu écrire de plus efficace (et Dieu sait
que ce n’est pas ce qui manque !). Les
riffs sautillent tout seuls, le son de basse
de Julien Rousseau défonce les gencives
et Phil (chant), qui module désormais
dans des tonalités un chouïa plus graves
que par le passé (ce qui est une belle
preuve d’intelligence), est toujours aussi
grandiloquent dans sa façon de vivre ses
textes. En outre, comment passer sous
silence le jeu de batterie immédiatement
identifiable du père Dog sur qui les
années semblent n’avoir aucune prise ?
Les gars sont dans une telle forme qu’ils
se fendent même, avec succès, d’un
mini-concept à propos de la Bête du
Gévaudan sur les trois derniers titres de
l’album. Bref, on l’aura compris, Bestial
est une excellente cuvée pour notre fleu-
ron du speed metal à la française. ADX,
symbole utilisé en métallurgie pour dési-
gner un type d’acier, prouve avec
panache qu’il est bel et bien inoxydable.
CHARLELIE ARNAUD . . . . . . . . . . . . . .8
1 - 3 = naze / 4 - 6 = moyen / 7 - 8 = bon / 9 - 10 = génial !
MON ALBUM DU MOIS par EMMANUEL HENNEQUIN
7WEEKS
Sisyphus
(F2M Planet/L’Autre Distribution)
Rock massif
Sortie : 31.01.2020
Le son fabriqué par Pascal Mondaz
pour 7WEEKS expose un groupe au
faîte de son essence rock. Et ce que
nous dit Julien Bernard (basse, chant,
guitares) dans l’entrevue publiée ici
même résume bien le constat et le sen-
timent nés dès nos premières écoutes :
le son reste massif, mais a gagné une
aération et sans doute une vibration
live supplémentaire avec Sisyphus.
Après une période d’incertitude pour
le combo, c’est un peu l’histoire du
phénix à laquelle nous assistons – et
l’intégration du nouveau guitariste
Fred Mariolle (entré dans le jeu fin
2018 après que 7WEEKS a composé la
majorité de ces nouveaux contenus) a
sans doute participé au retour de la
flamme. Nous en voulons pour preuve
un concert vu fin 2019, au cours duquel
la cohésion du quatuor nous a littérale-
ment saisis. L’impression était déjà
ferme, à ce moment-là, d’un collectif
totalement ressoudé et prêt à faire
face. Un sentiment que le contenu de
Sisyphus ne fait qu’accentuer : la
vigueur et la vitalité des contenus ici
AMBERIAN DAWN
Looking For You
(Napalm Records/Season Of Mist)
Pop metal symphonique
Sortie : 31.01.2020
Il y a des mois comme ça, où les disques
que nous passons au crible nous don-
nent envie de râler (Cf. la diatribe qui
ouvre la chronique du Space Ninjas
From Hell de Victorius, plus loin dans
ces pages). Après avoir remodelé son
identité et transformé le sympathique
chantre du power/folk metal Wind Rose
en « dwarf metal » (« metal de nain » ce
qui, vous en conviendrez, ne veut abso-
lument rien dire) afin d’avoir un produit
plus facile à vendre, voilà que Napalm
Records présente désormais Amberian
Dawn comme du « ABBA Metal ». Si
l’étiquette s’avère franchement restric-
tive, il faut tout de même reconnaître
qu’elle décrit plutôt bien les dix titres
qui composent ce neuvième opus, sur
présents confirment une mélodicité
forte et typée. Il y a une, non, des cul-
tures dans le son : c’est Camus, plongé
dans un bain américain. Le groupe
dénote clairement dans le paysage du
rock et du metal français, tant par le
niveau de sa musicalité que par le raffi-
nement de ses mélodies, lesquelles
rayonnent tout le long de ce bloc com-
pact de presque trente-sept minutes :
un son plus harmonisé, au détail plus
apparent et complet que sur d’autres
enregistrements, les musiciens eux-
mêmes parlant d’un retrait de l’unisson
qui a marqué le relief sonore antérieur.
Pour autant, l’effet de bloc est réel :
c’est une musique à l’évidence taillée
pour la scène (« King In The Mud », le
massif « Insomniac » ou le groove bien
roulé de « Magnificent Loser » et
« Breathe »), et sa dramaturgie n’est
pas feinte (« Sisyphus »). Tout est là,
aucun déchet. C’est un disque qui,
assurément et à divers titres, marquera
le fond de catalogue, déjà rempli avec
plus d’honneurs que la moyenne. Le
mid-tempo bluesy et assis de « The
Crying River » est un délice : une tour-
nerie hypnotique, un nerf rentré et qui
précède un final en forme de clou
ultime : « 667-Off », qui revisite l’his-
toire du groupe, est une structure aux
formes contrastées, gestion subtile de
la puissance et qui embrasse tout ce
que 7WEEKS sait faire – à savoir
exposé de puissance, speed et déve-
loppement cinématographique
ambiancé et aérien. Un grand morceau,
peut-être l’un de leurs meilleurs et de
leurs plus achevés : un regard en
arrière « bilan » avant de se tourner
vers l’horizon. « Avancer en acceptant
les limites », dit le leader en évoquant
le mythe référentiel de l’album – les
accepter, ce qui veut aussi dire conti-
nuer à les chercher. Tout reste à faire,
finalement.
EMMANUEL HENNEQUIN . . . . . . . .8,5
lequel l’aspect néoclassique typique des
premiers efforts studio du groupe a été
complètement laissé de côté au profit
de rythmiques binaires, qui garantissent
un pouvoir d’accroche immédiat et
accordent un très large espace d’ex-
pression aux nombreux arrangements
de claviers et au chant versatile et déli-
cat de Capri Virkkunen. Alors que la
majorité des groupes de metal mélo-
dique à chant féminin a progressive-
ment durci le ton (Epica, Lacuna Coil,
Tristania) et pratiquent une musique
plus agressive qu’à leurs débuts,
Amberian Dawn, depuis de nombreuses
années déjà, opte pour le chemin
inverse, préférant la mise en retrait des
guitares (rares sont les soli, discrètes
sont les rythmiques) et l’épanouisse-
ment des claviers sucrés à souhait. Si
beaucoup prendront immédiatement
leurs jambes à leur cou devant cet éta-
lage de guimauve et de douces mélo-
dies qui ne dépareilleraient pas dans un
dessin animé de Walt Disney (la ballade
« Universe ») ou un téléfilm de Noël, il
MON ALBUM DU MOIS par STEPHANE AUZILLEAU
ALTESIA
Paragon Circus
(altesia.bandcamp.com)
Metal progressif
Sortie : déjà disponible
Le travail du chroniqueur dans un
magazine de rock présente parfois des
similitudes avec celui des chercheurs
d’or d’antan, qui plongeaient inlassa-
blement leurs tamis dans le sable des
cours d’eau dans l’espoir d’y découvrir
quelques pépites. Nos rivières à nous
sont internet, dans lequel nous plon-
geons nos oreilles à l’affut de nouveau-
tés qui vont nous émouvoir. La probabi-
lité d’y trouver des pépites n’est d’ail-
leurs pas forcément plus grande que
celle de nos collègues orpailleurs de
l’époque ! Heureusement, on tombe
quand même de temps en temps sur
des disques qui nous émeuvent profon-
dément, comme ce premier album des
Bordelais d’Altesia. Paragon Circus pro-
pose une musique certes très influen-
cée par Opeth et Dream Theater, mais
avec une touche de Pink Floyd (notam-
ment dans le chant très posé) en plus
qui contribue à son charme. Et, surtout,
la sincérité et la qualité de composition
et d’interprétation forcent le respect.
Après une jolie intro acoustique,
« Reminiscence » ouvre les hostilités
dans une atmosphère très proche de
celle de l’album Scenes From Memory
(1999) de Dream Theater. Ce morceau
est tout à la fois puissant et incisif,
varié et riches en ambiances. La pro-
duction est remarquable et l’on a du
mal à imaginer que ce Paragon Circus
est une autoproduction tant Yann
Ménage (batterie) et Alexis Casanova
faut bien reconnaître que l’ouvrage est
remarquablement bien troussé et que le
compositeur et claviériste Tuomas
Seppälä connaît bien son affaire. Fidèle
à la dimension ABBA promise (on
retrouve même une reprise très fidèle
du tube « Lay All Your Love On Me »
avec des sonorités de claviers typique-
ment new wave), le quintet délaisse, le
temps de quelques titres, son apparat
symphonique afin de se vautrer allégre-
ment dans une autre forme de kitsch :
les irrésistibles « Looking For You » et
« Go For A Ride », dont les refrains ne
sortent plus de la tête une fois enten-
dus, attestent plus que jamais des vel-
(guitare lead), qui en ont assuré le mix,
parviennent à faire sonner l’ensemble.
Quel son de basse mes aïeux ! Paragon
Circus est en fait la concrétisation d’un
projet longuement muri et conçu par
Clément Darrieu (chant, guitare), qui
s’est ensuite entouré de musiciens pour
l’enfanter. En l’occurrence, il a fait
bonne pioche car tous sont excellents
dans leur registre ! Mention spéciale à
Alexis Casanova qui délivre des soli
franchement incroyables de fluidité et
d’émotion, dans une atmosphère plus
progressive que metal ; celui qu’on
peut entendre à la fin de « Cassandra’s
Prophecy » est juste à vous décrocher
la mâchoire et vous faire pleurer en
même temps ! Si « The Prison Child »
évoque particulièrement l’univers
d’Opeth (notre collègue Guillaume
Fleury, toujours aussi ronchon, criant
même au plagiat), « Hex Reverse »,
avec son chant en voix de tête, fait
quant à lui penser à Leprous, tandis
que le travail sur les chœurs rappelle
celui des Britanniques de Southern
Empire. Le chant de Clément Darrieu
privilégie le message et l’émotion à la
démonstration technique, à l’instar d’un
David Gilmour (Pink Floyd), et c’est une
bonne chose car cela contribue aussi à
conférer une véritable identité au
groupe. D’une manière générale, la
force de cet album, et ce qui le dis-
tingue des trop nombreuses produc-
tions du genre manquant de ce supplé-
ment d’âme, est la culture rock/pro-
gressif de ses géniteurs. Elle leur évite
de tomber dans le piège de vouloir en
mettre plein la vue, tant au plan tech-
nique que sonore (notamment avec ces
murs de guitare si fatigants qu’on
retrouve chez trop de groupes de
metal progressif/djent !) au détriment
de l’émotion. Pour enrichir encore sa
palette de couleurs, Altesia a égale-
ment fait appel à quelques invités,
comme Julien Desforges, pour une par-
tie de saxophone jazzy et endiablée sur
« Reminiscence », et Thibaut Malon
(Unicorn Blaster) au violon. Tout cela
fait de Paragon Circus une pépite qui
ravira les amateurs de metal progressif
élégant. Cette année pouvait difficile-
ment mieux commencer !
STEPHANE AUZILLEAU . . . . . . . . . . . . .8
léités pop et eighties du groupe (« Au
Revoir » est plus proche d’un Vangelis
pompeux et emphatique que de
Vivaldi). De l’autre côté du spectre, on
retrouve la troisième partie du
« Symphony n°1 » entamé deux albums
plus tôt (dont le thème rappelle la
« Danse Des Chevaliers » de Prokofiev),
morceau sur lequel Fabio Lione
(Rhapsody, Angra) fait une apparition
remarquée, dans un registre grave qui
lui sied très bien. En somme, Amberian
Dawn, en dépit des réserves que nous
avons formulées plus tôt, a publié un
très bon album de pop symphonique
(avec un soupçon de metal pour faire
bonne mesure) qui devrait, une fois
encore, ravir les amateurs autant que
faire fuir les détracteurs. Choisissez
votre camp !
FRANÇOIS BLANC . . . . . . . . . . . . . . . . .7
AND YOU WILL KNOW US
BY THE TRAIL OF DEAD…
X: The Godless Void And Other
Stories
(Inside Out/Sony Music)
MON ALBUM DU MOIS par FRANÇOIS BLANC
APOCALYPTICA
Cell-0
(Silver Lining/Sony)
Metal au violoncelle
Sortie : 10.01.2020
A l’époque de la sortie de
Shadowmaker, huitième album des
Finlandais d’Apocalyptica (mais premier
à bénéficier de la participation d’un
seul et unique chanteur sur la majorité
des titres), la formation avait volontai-
rement maintenu une certaine ambi-
guïté quant à ses projets futurs. Sa col-
laboration avec l’Américain Franky
Perez (Deadland Ritual, ex-Scars On
Broadway) allait-elle naturellement
prendre fin une fois le cycle de tournée
achevé, ou le vocaliste devait-il être
considéré comme un nouveau membre
à part entière ? Le vingtième anniver-
saire de Plays Metallica By Four Cello
et la très longue tournée mondiale
mise en place pour célébrer l’évène-
ment a définitivement scellé la
question : profondément désireux de
renouer avec leur style originel, souhai-
tant rompre avec les contraintes inhé-
rentes à l’adjonction de lignes vocales,
les trois violoncellistes et leur batteur
Rock indépendant et progressif
Sortie : 17.01.2020
Cinq ans sans nouvelles de And You Will
Know By The Trail Of Dead…, c’est
long. Le groupe était un peu porté dis-
paru à cause de l’exil cambodgien de
son chanteur/guitariste Conrad Keely. Il
revient et n’a pas oublié son art, proche
de la provocation, de faire dans les
titres à rallonge avec X: The Godless
Void And Other Stories. « Se faire plai-
sir », c’est sans doute ce qui a présidé à
réunir ce qui est avant tout un duo avec
ont décidé avec fermeté de revenir à
une musique 100% instrumentale sur
leur nouvel album, sobrement intitulé
Cell-0. Renouant avec les riffs et atmo-
sphères des premiers recueils ayant
assis son succès (Cult (2000) et
Reflections (2003)), Apocalyptica
accouche d’un disque puissant et éton-
namment varié, qui alterne le chaud et
le froid avec une pertinence remarqua-
ble. On passe ainsi de compositions
complexes dotées de passages agres-
sifs (les secondes parties de « En Route
To Mayhem » et « Fire & Ice ») à des
thèmes simples et forts (la mélodie
principale du riche « Cell-0 », dont les
pizzicatos évoquent, de loin, le célèbre
« Hall Of The Mountain King » de
Grieg, les très belles ritournelles de
« Rise » et l’élégance dépouillée de
« Scream For The Silent », moment fort
de l’opus) sans que la cohérence glo-
bale de l’œuvre n’en soit affectée. Très
à l’aise dans l’exercice et doté d’une
production d’une qualité optimale et
d’un mixage méticuleux signé Andrew
Scheps (Metallica, Black Sabbath, Red
Hot Chili Peppers), le combo jongle
avec les effets qui prolongent la dimen-
sion visuelle de la musique (des sirènes
de « Ashes Of The Modern World » aux
réverbérations de « Scream For The
Silent », en passant par la narration
finale de « Beyond The Stars »). Bien
qu’on puisse parfois s’y méprendre, les
Finlandais, qui n’ont plus rien à prou-
ver, n’essaient plus de faire sonner
leurs violoncelles comme des guitares
et usent de leur saturation à très bon
escient. Bel effort que ce Cell-0 ambi-
tieux, mouvementé, et qui évite l’écueil
de la facilité. Une vraie cure de jou-
vence pour Apocalyptica !
FRANÇOIS BLANC . . . . . . . . . . . . . . . . .8
son ami Jason Reece, qui tient les
mêmes instruments, ainsi, par moments,
que la batterie. Les deux compères ne
s’en cachent pas, ce disque est un
retour aux sources et à des références
« pop » plus assumées qu’auparavant.
Ils n’hésitent d’ailleurs pas à citer Talk
Talk, Killing Joke ou encore Laurie
Anderson dans leur nouvelle biogra-
phie. Certes, mais par instants, on croi-
rait plutôt entendre un Fugazi, voire
un… Oasis (quand arrivent les refrains
grandiloquents, comme sur « Gravity »)
qui ferait du progressif ! Le premier
extrait proposé, « Don’t Look Down »,
ne ment pas sur cette orientation et
prend la forme d’une ritournelle entê-
tante et entraînante, tandis que « Into
The Godless Void » se veut rageur, bat-
terie tout devant. De même pour
« Something Like This », à la basse lanci-
nante, et « Gone » qui évoquent le
gothique des années 80. La touche pro-
gressive se fait le plus souvent en fond
de scène, dans les arrangements qui
s’appuient beaucoup sur les claviers et
le piano, à l’image de l’ouverture
« Opening Crescendo », dans la grande
tradition des introductions d’albums de
TOD. Idem sur le tortueux « All Who
Wander », et ses effluves psychédé-
liques, ou les montées en puissance de
« Children Of The Sky » et « Blade Of
Wind ». Par ailleurs, toujours dans un
« esprit prog », certains liens pourront
être faits à la lecture des illustrations et
des paroles du livret, à la sortie du
disque, avec celles de Tao Of The Dead
(2011) et la nouvelle Strange News
From Another Planet en cours d’écriture
par Keely. De fait, ce disque rappelle
bien plus la rage adolescente et assez
punk des premiers albums ou de Lost
Songs (2012) que les moments les plus
épiques de leur carrière, tels que
Worlds Apart (2005) ou The Century of
Self (2009), qui restent clairement nos
favoris. Le chiffrage et la dénomination
du disque ne mentent pas : X est, sans
surprise, la continuité de IX (2014), avec
qui il partage bien des points communs,
sans en atteindre, hélas, la qualité. Un
retour en demi-teinte donc, même si on
ne doute pas que le groupe continuera
à souffler le chaud en live, et ce, dès le
9 février aux Quatre Ecluses de
Dunkerque, puis le lendemain au Petit
Bain de Paris.
DJUL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .6
BIG SCENIC NOWHERE
Vision Beyond Horizon
(Heavy Psych Records)
Stoner desert rock
Sortie : 31.01.2020
Big Scenic Nowhere est un « super-
groupe » ou plutôt un super projet initié
par deux musiciens reconnus de la
scène stoner américaine : Bob Balch
(guitare, basse) de Fu Manchu et Gary
Arce (guitare) de Yawning Man. Les
deux hommes ont composé tous les riffs
et structures de cet album, se chargeant
ensuite d’enregistrer les bases de ces
morceaux, avant qu’une multitude d’au-
tres prestigieuses figures de la scène
stoner et desert rock n’apportent leur
pierre à l’édifice. Apparaissent ici, de
manière exhaustive, Tony Reed/chant
(Mos Generator), Mario Lalli/basse
(Fatso Jetson, Yawning Man), Per
Wiberg/claviers (Spiritual Beggars, ex-
Opeth), Bill Stinson/batterie (Yawning
Man), Nick Oliveri/basse (Mondo
Generator, ex-Kyuss), Lisa Alley/chant et
Ian Graham/chant (The Well), Alain
Johannes/chant, guitare (Them Crooked
Vultures, Chris Cornell, Eleven) et
Thomas V. Jäger (Monolord). Une sorte
de vision globale de tout ce que repré-
sente la scène stoner actuelle.
L’ensemble est très intelligemment
varié, des morceaux nettement plus
atmosphériques venant régulièrement
trancher avec l’avalanche de fuzz géné-
rale. Ainsi, « Hidden Wall », « En Las
Sombras » ou encore la conclusion « The
War Years » viennent contrebalancer la
lourdeur de titres comme « The Glim »,
« The Paranoid » (le plus rapide de l’al-
bum), « Mirror Image » (l’un des plus
lourds) et « Shadows From The Altar »,
présentant tous un nombre conséquent
de riffs fort bien troussés. La passion
pour le son des deux compères est pal-
pable, tant le soin accordé aux détails
est remarquable, et la production cise-
lée à la perfection. Il est également
impressionnant de constater une telle
cohérence générale pour un projet fai-
sant intervenir autant de musiciens.
Difficile d’aller plus avant dans la des-
cription tant, ici, les choses sont
simples : Big Scenic Nowhere propose
un très bon stoner, parfaitement exé-
cuté et produit. Et… voilà ! Il n’apporte
rien de strictement unique et original,
et là n’est pas son intention. Cet album
ravira donc à coup sûr les amateurs du
genre, les musiciens sachant impecca-
blement faire sonner ce style qu’ils pra-
tiquent depuis de si longues années.
GUILLAUME FLEURY . . . . . . . . . . . . .7,5

BLAZE OF PERDITION
The Harrowing Of Hearts
(Metal Blade/Sony Music)
Black metal mélodique
Sortie : 14.02.2020
Il y a six ans, le destin de Blaze Of
Perdition a basculé à l’occasion d’un
accident de la route qui a coûté la vie
au guitariste 23 et grièvement blessé le
chanteur Sonneillon et l’ex-batteur
Viziun. Après le bien nommé Near
Death Revelations en 2015 et Conscious
Darkness en 2017, le combo polonais
revient aujourd’hui de fort belle
manière avec The Harrowing Of Hearts.
La résilience semble définitivement
avoir fait son œuvre, et Blaze Of
Perdition (que nous éviterons d’appeler
BOP pour lui conserver une crédibilité
intacte) fait ici définitivement son
coming out gothique déjà perceptible
sur son précédent effort. Même les plus
réfractaires au black metal ne risquent
pas de se boucher les oreilles à l’écoute
de titres comme « With Madman’s
Faith » et le single « Transmutation Of
Sins » : l’accent est en effet ici claire-
ment mis sur les mélodies, et sans aller
jusqu’à employer le terme « easy liste-
ning », The Harrowing Of Hearts vise
davantage les fans de feu Sentenced
que ceux de Marduk. Force est de
reconnaître que le combo a bien fait de
lâcher prise sans chercher à être le plus
« trve » et le plus méchant de la cour de
récré, comme en témoigne ce son de
guitare très peu distordu qui renforce
l’impact mélodique et rappelle parfois
les années post punk. Blaze Of
Perdition enfonce même le clou en
reprenant de fort belle manière le
« Moonchild » de Fields Of The
Nephilim (hé oui, pas celui d’Iron
Maiden !) en bonus du premier pressage
de l’album. En s’affirmant de la sorte, le
combo gagne en intérêt ce qu’il a perdu
en hargne. C’est presque un nouveau
groupe qui se présente à nous et que
nous avouons préférer à sa mouture
précédente. Une bonne surprise, en
somme.
CHARLELIE ARNAUD . . . . . . . . . . . .7,5
BRITISH LION
The Burning
(Parlophone/Warner)
Hard rock
Sortie : 17.01.2020
Lorsque Steve Harris nous présentait en
84
avant-première le premier album de
Steve Harris’ British Lion en juin 2012
(Cf. RH124) qui allait être édité en sep-
tembre de cette même année, il nous
confiait ne pas être totalement sûr de
pouvoir donner un successeur à cet
opus… Mais si tel était le cas, il assurait
qu’il ne lui faudrait pas « dix ans pour le
sortir » ! Steve a donc tenu parole,
puisqu’il ne lui a fallu qu’un peu plus
de… sept années pour en arriver à
bout ! D’évidence, sa passion de toute
une vie, Iron Maiden, s’étant montrée
particulièrement active en live (un peu
moins en studio) depuis 2012, il est par-
faitement compréhensible qu’Harris
MON AUTRE ALBUM DU MOIS
par PHILIPPE LAGEAT
DEWOLFF
The Tascam Tapes
(Mascot/Wagram)
Rock’n’roll
Sortie : 10.01.2020
« And I didn’t know it could happen to
me / But I fell in love in the first degree »
(Ndt : J’ignorais que ça pouvait m’arriver
/ Mais je suis tombé amoureux au pre-
mier degré ») chantait Bon Scott
(AC/DC) dans « Love At First Feel » en
1976. Ces quelques lignes résument
parfaitement ce qui s’est passé lorsque,
le 14 septembre dernier, j’ai vu
DeWolff sur scène pour la première
fois et que j’en suis instantanément
tombé raide dingue. Depuis, j’ai refait
mon retard en écoutant attentivement
les albums de ce trio hollandais don-
nant dans un classic rock mâtiné de
southern rock, de blues, de soul, de
funk et de country. J’ai notamment
adoré Roux-Ga-Roux (2016), Thrust
(2018), et plus encore le splendide Live
& Outta Sight II (2019), parfait résumé
de ce qu’est l’essence de ce groupe
qu’il faut avant tout découvrir en
concert, dans son élément, où il fait
subir à ses morceaux les derniers
outrages. C’est encore sous le charme
contagieux de ce live électrique que j’ai
posé une oreille sur le nouvel opus des
Hollandais, The Tascam Tapes, ce qui
n’a fait que confirmer mes premières
impressions. Le chanteur/guitariste
Pablo van Poel l’explique dans ces
pages, cet album a la particularité
d’avoir été accouché avec un simple
Tascam, enregistreur K7 4 Pistes des
n’ait pas auparavant trouvé le temps
nécessaire pour bosser efficacement sur
The Burning. Sans compter que le bas-
siste, toujours aussi avide de sensations
live, a profité des quelques breaks
accordés par Maiden pour s’en retour-
ner jouer dans des clubs avec British
Lion. Un côté « les pieds sur terre » que
nous respectons grandement de la part
de ce personnage qui, d’évidence, ne
remet pas le couvert avec cette entité
pour s’en mettre plein les fouilles, mais
par amour de la musique et pure amitié
envers les autres membres de ce
groupe qu’il connaît pour la plupart
depuis vingt ans (au bas mot). Première
années 80, alors que DeWolff était en
tournée. Des samples de vieux albums
de soul et de funk, une guitare et un
synthé directement branchés dans le
bazar en question, et roule ma poule !
Un détour par la page Facebook offi-
cielle du combo permet d’ailleurs d’ap-
prendre où chaque morceau a été mis
en boîte, que ce soit sur la route, près
de Carcassonne (« Made It To 27 »), à
l’arrière du van du trio (« Let It Fly »,
« It Ain’t Easy »), dans les loges de
l’Ancienne Belgique de Bruxelles
(« Nothing’s Changing »), ou encore
backstage au Krakatoa de Bordeaux et
à l’Ubu de Rennes (« Awesomeness Of
Love »). Pour ne citer qu’eux… Difficile
alors d’être surpris par le côté cru et
live du son (« Northpole Blues »), qui
peut décontenancer de prime abord,
mais qu’on a tôt fait d’apprivoiser et
qui fait tout le charme de ce disque
suintant l’honnêteté et l’amour de la
musique par tous les pores. En cela, la
phrase humoristique qui orne la
pochette de l’album n’a pas tort :
« Voici le nouvel album de DeWolff. Il a
été enregistré sur la route pour moins
de 50 dollars, mais sonne comme s’il en
avait coûté un million ! ». En termes de
production, on le répète, pas vraiment.
Mais niveau intention, pure musicalité
et feeling, certainement ! L’évidence
est là, à chaque seconde, l’étincelle de
vie, le son « vrai », dopé par une voix
superbe, un groove de tous les instants
et une urgence incroyable. Comme si
ces jeunes garçons incroyablement
talentueux étaient dans la pièce,
comme s’ils avaient capturé au lasso la
magie du « Mannish Boy » de Muddy
Waters, sa chaleur, son authenticité
(« Life In A Fish Tank »). La preuve que,
dans les années 60 et parfois même 70,
des prises de son simples mais jouées
avec cœur faisaient bien plus le taf que
toutes les daubes surproduites d’au-
jourd’hui. Là est le principal compli-
ment qu’on peut adresser aux artistes à
temps plein que sont les frères van de
Poel et Robin Piso. Le rock comme il
n’aurait jamais dû cesser d’être : vivant
et viscéralement humain !
PHILIPPE LAGEAT . . . . . . . . . . . . . . .8,5
constatation : contrairement au premier
opus, il n’est point ici fait mention de
Steve Harris sur la pochette, mais seule-
ment de British Lion. Un groupe donc,
un vrai, qui a passé du temps sur la
route, et dont les musiciens restent
strictement les mêmes que sur l’album
de 2012. Il lui fallait maintenant se mon-
trer plus convaincant que sur son pre-
mier disque qui, sans être totalement
raté, nous avait tout de même laissés
sur notre faim. Verdict ? Le statu quo !
Car la principale critique que nous pou-
vions émettre à propos de ce premier
opus est tout aussi applicable à The
Burning : Richard Taylor, le vocaliste,
s’avère vraiment trop « lisse » pour ce
style de musique. Pas qu’il chante mal,
le gars plaçant toujours correctement sa
voix et se montrant mélodiquement
compétent, mais quel manque d’éner-
gie, d’attaque, de conviction… Lui est-il
simplement impossible de pousser plus
et de se lâcher vraiment, ou est-ce la
peur de ne pas suffisamment bien faire
pour son mentor qui l’effraye ? Peu
importe, il est définitivement le talon
d’Achille du groupe. Finalement, un peu
comme sur « Eyes Of The Young » en
2012, il semble particulièrement à l’aise
sur les titres les plus légers, presque
pop, de l’album : « Legend » et « Land
Of The Perfect People » (une composi-
tion antérieure à la sortie du premier
disque). De façon plus globale, et
comme le suggère Steve à raison, le fait
d’avoir beaucoup tourné semble avoir
donné aux musiciens un côté plus hard
ou même metal. De fait, on peut cette
fois-ci reconnaître bien plus aisément la
« patte » Harris, même si ce dernier
aime à préciser qu’il s’agit plus que
jamais d’un effort de groupe et que son
association avec le guitariste David
Hawkins s’est avérée des plus fruc-
tueuses. Il est vrai que, musicalement,
les bons moments ne manquent pas.
C’est le cas des cavalcades « City Of
Fallen Angels », « Elysium » et
« Lightning » qui évoquent forcément la
Vierge de Fer de par leur instrumenta-
tion, leur tempo et leurs structures.
« Spit Fire » (très probable jeu de mots
avec le Spitfire, cet avion de chasse
anglais qui « survole » les scènes de
Maiden depuis deux ans), avec son intro
de basse caractéristique, ne dépareille-
rait pas non plus sur un disque de la
bête de l’East End. Sans non plus mar-
cher pour autant sur les plates-bandes
de cette dernière, et c’est tant mieux
 MON AUTRE ALBUM DU MOIS
par CHARLELIE ARNAUD
BLOOD INCANTATION
Hidden History Of The Human Race
(Century Media/Sony Music)
Death metal progressif
Sortie : déjà disponible
Depuis cette froide soirée de décembre
1986 qui a vu Robert Chotard assister
au ballet de deux soucoupes volantes
dans le ciel de Beuvron-En-Auge
(Calvados), on n’a pas encore trouvé de
meilleure preuve d’une vie extraterres-
tre que ce second album de Blood
Incantation. Il est en effet très probable
que ledit combo – supposé être origi-
naire du Colorado – soit un pur produit
de laboratoire créé par une intelligence
supérieure dans le seul but de s’intro-
duire dans les foyers du monde entier.
Et ça fonctionne, puisque les avis sont
unanimes : Hidden History Of The
Human Race est l’un des grands
disques de death metal de cette fin de
décennie. Dès l’intro de « Slave Species
Of The Gods », la sensation troublante
d’avoir mis la main sur un inédit
d’Immolation ou de Morbid Angel
période Altars Of Madness redonnerait
car Harris sortirait forcément perdant
d’une telle manœuvre. Finalement, la
plus belle surprise est placée en toute
fin de course, « Native Son » s’avérant
une sorte de power-ballad vraiment
bien menée, dotée de superbes mélo-
dies et de soli non moins remarquables,
sur laquelle Taylor se montre plus à son
aise et à sa place que sur la grande
majorité des titres de The Burning.
Alors, certes, l’évolution musicale de
British Lion devrait probablement per-
mettre aux fans de « l’autre groupe »
de Steve Harris de mieux s’y retrouver,
même si toutes les cases ne sont pas
cochées. Reste la problématique vocale
qui risque de nouveau de rebuter même
les plus curieux ou ouverts d’esprits. A
suivre néanmoins, particulièrement en
live, puisque British Lion semble bien
décidé à poursuivre ses activités sur la
route, parallèlement au grand barnum
Iron Maiden…
BENJI . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7
BROTHERS OF METAL
Emblas Saga
(AFM/Season Of Mist)
Power/viking metal
Sortie : 10.01.2020
A la lecture des propos tenus dans nos
le sourire au plus blasé d’entre nous.
Ce n’est pourtant que l’arbre qui cache
la forêt, puisque ce titre, pour efficace
qu’il soit, reste plutôt classique dans sa
construction contrairement à « The Giza
Power Plant » qui lui succède en dévoi-
lant la botte secrète du groupe : des
velléités progressives parfaitement maî-
trisées qui emmènent l’auditeur béat
faire un tour dans le cosmos. Tantôt
arabisantes, tantôt psychédéliques, ces
divagations stellaires enrichissent pro-
fondément le propos du quartette.
Comme si besoin était. Ecoutez donc
l’instrumental « Inner Paths (To Outer
Space) » au casque, et voyagez encore
plus loin et moins cher qu’en Ouigo !
Bien évidemment, la pièce maîtresse de
ce trip ultime est le tentaculaire
« Awakening From The Dream Of
Existence To The Multidimensional
Nature Of Our Reality (Mirror Of The
Soul) » dont les 18 minutes forment à
elles seules un EP au sein de l’album. Et
Blood Incantation de décliner à cette
occasion sa (vaste) palette de possibili-
tés dans un long périple audio aux
nombreux rebondissements. Seule frus-
tration à l’issue des 36 minutes de l’al-
bum : tant de richesse et aucun ennui
rendent le voyage bien trop court.
N’est-ce pas là l’apanage des grands
disques ? Alors, on appuie de nouveau
sur Play et on repart pour un tour en
prendre plein les esgourdes (et plein
l’imagination aussi). Oubliez le retour
boiteux de Nocturnus AD : le vrai
voyage dans l’excellence est ici. On
comprend mieux la tête ahurie que fai-
sait Robert Chotard sur la photo parue
à l’époque en première page d’Ouest-
France.
CHARLELIE ARNAUD . . . . . . . . . . . .8,5
pages par deux des trois chanteurs de
Brothers Of Metal, formation composée
de pas moins de huit (!) membres, on
comprend mieux d’où venaient les fai-
blesses évidentes qui entachaient le
premier opus autoproduit des Suédois,
Prophecies Of Ragnarök (réédité par le
label AFM en fin d’année 2018). En
effet – comme ils le reconnaissent avec
une honnêteté appréciable –, les jeunes
Scandinaves se sont lancés dans l’aven-
ture sans ambition, sans avoir pris le
temps de définir clairement leurs
attentes et objectifs. Frappés par le
succès, les musiciens, se sachant atten-
dus au tournant, ont investi plus de
temps et de travail dans la préparation
de leur deuxième effort longue-durée,
ce fameux Emblas Saga. Mieux pro-
duite, plus symphonique (les chœurs et
arrangements de cordes du titre épo-
nyme), moins évidente que son prédé-
cesseur, cette nouvelle offrande atteste
d’une plus grande maturité. Le combo
joue avec plus d’habileté sur la versati-
lité de ses trois vocalistes, la chanteuse
Ylva Ericksson s’illustrant notamment
sur quelques parties agencées avec une
réelle pertinence (la ligne en suédois
qui ouvre « Emblas Saga » sur fond de
claviers ambient). La saturation accen-
tuée du chant clair de son comparse
Joakim Lindbäck peut s’avérer lassante
sur la durée (les couplets de « One »),
mais les parties chantées en chœur
fonctionnent très bien. On déplore sim-
plement qu’un caractère réellement
épique ne soit pas davantage mis en
avant, les guitares rythmiques demeu-
MON ALBUM DU MOIS par GUILLAUME FLEURY
LORDI
Killection (A Fictional Compilation
Album)
(AFM Records/Season Of Mist)
Heavy rock
Sortie : déjà disponible
Deuxième concept-album pour les
Finlandais de Lordi, après
Monstereophonic (Theaterror Vs
Demonarchy) en 2016, et probable-
ment le plus saugrenu et brillant depuis
un moment sur la scène hard rock/
heavy metal ! En effet, l’idée est ici de
proposer une compilation de titres des
années 70, 80, 90… mais tous enregis-
trés en 2019 ! Comme si le groupe
avait traversé les décennies, à l’instar
de sa référence absolue : Kiss. Ce sont
donc pas moins de sept studios qui ont
été investis par Mr. Lordi et sa bande
afin de mettre en boîte leur musique
dans des conditions rigoureusement
identiques à celles des époques concer-
nées, le tout étant ensuite mixé et mas-
terisé par le producteur Mikko Karmila,
comme on le ferait pour une vraie com-
pilation. Le jeu amusant est de recon-
naître les influences et l’époque de cha-
cun des onze titres concernés car ils ne
sont pas placés dans l’ordre chronolo-
gique : du plus moderne, comme ce
« Shake The Baby Silent » aux forts
accents rammsteiniens au plus ancien,
façon « Blow My Fuse » (au fuzz so
70’s) ou le remarquable « Like A Bee To
rant timorées et leur son ne brillant ni
par sa présence, ni par son agressivité.
Dommage, car des compositions de la
trempe de « Ride Of The Valkyries » et
de l’ouverture « Powersnake » auraient
largement gagné à se montrer plus
puissantes. La troupe se complait dans
un power metal symphonique rehaussé
de quelques accents folks/viking, là où
une plus grande insistance sur la dimen-
sion fondamentalement metal des com-
positions aurait doté l’œuvre d’un
potentiel d’impact bien plus important.
Brothers Of Metal, quoiqu’encore trop
inoffensif, se révèle tout de même plus
intéressant sur ce nouvel opus que sur
son prédécesseur, et les nostalgiques
du Varangian Way de Turisas (« To The
Skies And Beyond ») ou des défunts
Crimfall et Battlelore devraient trouver,
sur cet Emblas Saga, de quoi se susten-
ter en ces temps de disette.
FRANÇOIS BLANC . . . . . . . . . . . . . . . . .7
The Honey » à l’histoire assez dingue
puisqu’il s’agit d’une composition de
Paul Stanley (Kiss/Cf interview en ces
pages). Un vrai travail de fourmi a donc
été réalisé pour trouver le son de bat-
terie, de claviers, de basse, les effets
de delay ou reverb et le type de jeu
seyant à chaque instrument selon la
mode de l’époque à laquelle tel ou tel
morceau est censé avoir été enregistré.
Il en résulte une atmosphère vraiment
nouvelle pour un album de Lordi, cette
manière de procéder lui ayant permis
d’évoluer en toute liberté sur des terri-
toires qu’il n’avait encore jamais explo-
rés à ce point. Et malgré tous ces tics
empruntés aux groupes ayant réelle-
ment existé aux époques concernées, la
patte Lordi est bel et bien là, recon-
naissable dans certains accords, cer-
tains gimmicks rythmiques, et, bien sûr,
cette voix si particulière qui est celle de
son leader. Reste que le groupe, en se
focalisant vraiment à fond sur les
détails, en a peut-être parfois perdu
une certaine recherche d’accroche et
d’arrangements, qui a fait ses belles
heures passées et même plus récentes
avec les excellents To Beast Or Not To
Beast (2013) et Scare Force One (2014)
Ici, les seuls titres qui ressemblent réel-
lement à du pur Lordi et auraient pu
figurer sur un The Monsterican Dream
(2004) pour le premier et The
Arockalypse pour le second (2006) sont
l’excellent « I Dug A Hole In The Yard
For You » et un « Up To No Good »
enregistré avec un son heavy très 80’s.
Ce qui ne veut pas dire que l’album
soit mauvais, loin de là, ainsi qu’en
témoignent, outre les morceaux déjà
cités, un « Zombimbo » jouissif, qui
pourrait presque convertir les fans de
synthwave à Lordi, ou le très efficace
« Cutterfly ». Voilà qui place simple-
ment ce dixième album à part de tout
le reste de la discographie du groupe.
Cet opus n’en demeure pas moins une
réussite !
GUILLAUME FLEURY . . . . . . . . . . . . . . .8
 MON ALBUM DU MOIS par BENJI
MAGNUM
The Serpent Rings
(SPV/Season Of Mist)
Hard rock mélodique
Sortie : 17.01.2020
Il est peu de dire que chaque sortie
estampillée Magnum n’est pas atten-
due de pied ferme en France. Ventes
très faibles, concerts quasi-inexistants
depuis les débuts (ça se compte sur les
doigts d’une seule main), clairement,
l’histoire d’amour que continuent d’en-
tretenir les Anglais avec le Royaume-
Uni, l’Allemagne et la Scandinavie n’a
jamais ne serait-ce que commencé sur
notre territoire. Est-ce une raison suffi-
sante pour bouder leurs nouvelles
œuvres et ne pas s’en faire l’écho ?
D’évidence, non, la qualité de leurs
albums n’ayant d’égal que leur régula-
rité. Car le guitariste Tony Clarkin vit et
respire Magnum depuis 1972 (à l’ex-
ception d’un break entre 1995 et 2001)
et, du haut de ses 73 printemps, ne
donne aucun signe de faiblesse niveau
inspiration. A l’heure où, en France, le
départ à la retraite focalise toutes les
colères et insatisfactions, voici bien un
mot que Clarkin et son compère de
toujours, le vocaliste Bob Catley, sem-
blent avoir totalement banni de leur
vocabulaire ! Comme toujours affublé
d’une magnifique pochette bien dans la
tradition signée Rodney Matthews, The
Serpent Rings s’avère un autre excel-
lent cru dans la féconde discographie
du quintet. Une formation qui a d’ail-
leurs connu un nouveau changement de
personnel puisque, deux ans après les
GOD DETHRONED
Illuminati
(Metal Blade/Sony Music)
Melodic black/death/heavy metal
Sortie : 07.02.2020
Si l’intention antérieure du groupe de
poser un propos ancré dans l’Histoire
nous a forcément concernés, c’est sans
doute aujourd’hui, dans cette période
de plus grande fantaisie mystique, que
God Dethroned nous enthousiasme le
plus. Le line-up ayant officié sur ce nou-
vel album studio comprend à la fois
l’ancien et le nouveau guitariste : Mike
Ferguson (débarqué depuis – Cf. notre
entretien) et Dave Meester, investis
tous deux à des périodes différentes,
doivent se voir rendre les hommages :
l’ancien musicien a participé activement
départs de Mark Stanway et Harry
James, c’est un autre pilier du groupe,
le bassiste Al Barrow, figure ô combien
appréciée des fans depuis sa résurrec-
tion en 2001, qui a décidé de se faire la
belle pour se consacrer à sa famille.
Son remplaçant ne nous est pas
inconnu, puisqu’il s’agit de Dennis
Ward, ex-bassiste de Pink Cream 69,
Place Vendome et Unisonic, et égale-
ment producteur de talent (Angra,
Firewind, Silent Force, Sinner, etc.).
Cela n’a évidemment aucun impact
direct sur la musique et le son de
Magnum, puisque ces deux pôles sont
chasse-gardée de Clarkin qui, une nou-
velle fois, nous bluffe par son talent et
sa versatilité. Car loin de se complaire
dans une formule bien établie, Tony
s’efforce de varier les plaisirs, tout en
ne trahissant jamais l’esprit du groupe.
Ce numéro d’équilibriste est fort bien
négocié ainsi qu’en témoignent, par
exemple, « Not Forgiven » dont le riff
et le rythme rappellent un certain
AC/DC (pour lequel Tony n’a jamais
caché son admiration) et « House Of
Kings », avec des parties parmi les plus
agressives proposées par le groupe
(Catley en crache ses tripes !) couplées
à des arrangements léchés d’où se
détachent une… trompette et un piano
lounge lors d’un break venu de nulle
part ! Assurément, l’une des composi-
tions les plus atypiques de l’histoire de
la formation ! Les fans du côté progres-
sif du combo y retrouveront aussi leurs
petits, notamment avec « Man » et ses
très beaux chœurs « pompeux », le
sublime titre éponyme, « The Archway
Of Tears » ou encore le dynamique
« Where Are You Eden ? », excellente
ouverture dotée d’atours symphoniques.
Le très heavy « You Can’t Run Faster
Than Bullets », l’émotionnel « The Last
One On Earth » (sur lequel Bob nous file
la chair de poule) et enfin l’imposant «
Crimson On The White Sand » concluent
ce voyage dont on revient, une nouvelle
fois, ravi par les divers panoramas et
avec la sensation de s’être évadé, pen-
dant une heure, en dehors de toute
forme de contrainte et de souci. Rien
que pour ça, merci messieurs !
BENJI . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .8
à la composition des nouveaux titres,
fort bien tenus, quand le nouveau mem-
bre permanent (recruté initialement
pour le live) a posé ici quelques soli

d’envergure. Lui a donné sa touche
finale à l’enregistrement, sa distinction.
La charge mystique et cinématogra-
phique de l’album n’est pas à prendre à
la légère : l’ordonnancement des titres
a fait l’objet d’une réflexion poussée, et
le résultat est millésimé. Les composi-
tions se suivent, construisant un ensem-
ble homogène dont la dynamique varie
bellement en intensité. De quoi vivifier
l’intérêt pour ces exposés sonores
ambiancés et pétris d’obsessions franc-
maçonnes : Henri Sattler, membre per-
manent de God Dethroned, ne cache
pas son intérêt pour cette sphère d’in-
fluence et de réflexion, et en profite
pour coucher certaines de ses mélodies
les plus efficaces depuis des lustres
(« Book Of Lies » et ce « Gabriel » aux
parures gothiques sont de vrais tubes !
). Certains fragments revendiquent une
forme épique (« Speech Of Belzebub »)
et, par moments, God Dethroned
renoue avec ses réflexes primitifs (le ful-
gurant « Satan Spawn », rythmiques
slayeriennes). Mais la présence des mid-
tempi, l’enrobage des claviers et l’impé-
ratif mélodique de l’album contribuent
à en faire l’un des disques les plus
directs et en même temps nuancés du
groupe de Beilen. Une ambiance du
tonnerre et un beau retour après une
période de reconstruction.
EMMANUEL HENNEQUIN . . . . . . . .7,5
GODSTICKS
Inescapable
(K-Scope Music/Wagram)
Metal progressif
Sortie : 07.02.2020
C’est à force de patience que Godsticks
a gravi les échelons après des débuts
confidentiels il y a dix ans : autoproduc-
tions sur ses trois premiers albums,
dates de concerts à l’avenant d’abord,
puis quelques tournées avec les amis de
The Pineapple Thief et The Aristocrats,
et, enfin, une signature sur K-Scope en
2017 pour le dernier album en date,
Faced With Rage, etc. voilà pour les
principales étapes de sa carrière.
Emmené par le chanteur/guitariste
Darran Charles, le groupe s’est d’abord
fait connaître par son art du riff tordu,
dans la grande tradition britannique
récente d’Oceansize et Amplifier, et
c’est sans surprise qu’il a durci son
répertoire au fil des ans pour aboutir à
cet Inescapable. « Denigrate », qui
ouvre le disque, ne fait que confirmer
cette orientation plus heavy et ce focus
sur les deux guitares, tout en s’offrant
un invité de choix au micro avec Daniel
Tompkins (TesseracT, White Moth Black
Butterfly). En parlant de micro, le plus
net progrès de Godsticks concerne le
chant de Charles, bien plus assuré dés-
ormais et dont le côté ténébreux
évoque par instants un mix entre Mike
Vennart (Oceansize), en particulier sur le
final de « Resist », et Eddie Vedder
(Pearl Jam), comme sur « Surrender » et
son spleen plutôt classieux. Des réfé-
rences grunge assez rafraichissantes
qu’on retrouve aussi sur « Change » en
clair-obscur, avec ses coups de boutoir
qui s’enchaînent à des couplets som-
bres, empruntant un peu à la formule
d’un Alice In Chains, le fond de claviers
et la technicité en plus. Le martial
« Time » lorgne quant à lui avec succès
sur les territoires de Tool et de Soen,
confirmant le fait que Godsticks est dés-
ormais davantage à ranger dans la caté-
gorie « metal » que « rock progressif »,
et que cette mue lui sied bien. Cela
n’empêche pas de profiter des quelques
respirations derrière cet épais barrage
de rythmiques dressé à coups de poi-
gnet, comme le beau « Breathe », voix
de tête et discret piano en avant.
Inescapable est un disque parfaitement
poli et produit, léché instrumentalement
NOTRE ALBUM DU MOIS par MORGAN RIVALIN,
PHIL LAGEAT & CHARLÉLIE ARNAUD
SEPULTURA
Quadra
(Nuclear Blast/PIAS)
Thrash polymorphe (© C. Arnaud)
Sortie : 07.02.2020
« Ah, enfin un concept-album qui s’inté-
resse à nous ! Bravo Sepultura de par-
ler enfin des quadras !!! ». Euh, le sujet
serait absolument passionnant, il est
vrai, mais s’il est effectivement concep-
tuel, Quadra ne parle malheureusement
pas des pérégrinations des quadragé-
naires. Sur le concept à proprement
parler, l’interview qui figure en ces
pages vous renseignera. Puisque nous
avions craqué sur Machine Messiah
(2017), puis sur les concerts de
Sepultura qui déboulèrent dans la fou-
lée, nous attendions Quadra de pied
ferme. Nous n’avons pas été déçus.
Une fois de plus, Derrick Green (chant),
Andreas Kisser (guitare), Paulo Jr.
(basse) et Eloy Casagrande (batterie),
sans oublier le producteur du disque,
l’excellent Jens Bogren (Opeth, Myrath,
etc.), nous proposent un album haute-
ment audacieux et créatif. Vous avez
raté plusieurs épisodes ? Pas de pro-
blème : plongez la tête la première
dans cet univers musical ultra riche où,
au hasard, le thrash polymorphe fricote
avec des chœurs grandioses, où le
groove est toujours aussi tribal, où des
éléments brutaux venus du hardcore
côtoient des envolées orchestrales
savamment distillées, où l’on trouve
des percussions, de la guitare acous-
tique flamenco ou néo-classique, du
sitar, d’autres cordes venues tout droit
de Katmandou ou encore une pluie de
soli de haut vol, souvent furieusement
mélodiques. Il y a tout ça dans Quadra,
et bien plus encore. Cet inventaire peut
faire craindre un vaste foutoir, mais il
n’en est rien. Ici, tout est guidé par la
clairvoyance de grands musiciens qui,
depuis Machine Messiah (2017),
connaissent clairement un regain de
créativité, comme si un complément
dopant boostait leurs facultés, mises au
service de compos qui ont de quoi lais-
ser bouche bée. Ecoutez le divin
« Guardians Of Earth », morceau de
tous les superlatifs, et vous compren-
drez ! Un bonheur n’arrivant jamais
seul, cette soif d’arrangements chiadés
ne pénalise jamais le côté « franc du
collier » qu’on aime tant chez Kisser,
Green & Co. En labourant la terre sans
relâche (« Means To An End »), la gratte
rythmique retombe régulièrement sur
des racines thrash jamais profondément
enfouies (« Last Time »). « Frontal » et
massif, le hardcore ressurgit également
sur le riff de « Ali », titre sur lequel le
maousse costaud Derrick Green bruta-
lise son micro à la manière d’un Chuck
Billy (Testament) ultra remonté, ce qui
ne l’empêche pas de mettre en lumière
d’autres facettes de sa personnalité. A
la manière de « Machine Messiah », le
grand Green pose son beau grain, mag-
nifié par Bogren, sur le très bon
« Agony Or Defeat ». Puis, sur « Fear
Pain Chaos Suffering », il est rejoint par
la voix d’Emmily Barreto (Far From
Alaska) pour un duo inédit, preuve que
36 ans après sa naissance, Sepultura a
encore envie d’emprunter de nouvelles
voies, histoire de construire un pont de
plus. Fidèles à leurs « roots », les gars
de Sepultura n’oublient jamais de faire
avancer le schmilblick et prouvent inlas-
sablement qu’ils n’ont pas encore tout
dit. Rendez-vous au Hellfest pour leur
tirer un grand coup de chapeau. Ou de
casquette, plutôt.
MORGAN RIVALIN . . . . . . . . . . . . . .8,5
et très en progrès vocalement,
auquel il ne manque encore qu’un
brin d’originalité pour faire l’una-
nimité.
DJUL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7,5
GRAND SLAM
Hit The Ground
(Marshall Records)
Hard rock mélodique
Sortie : déjà disponible
Grand Slam ? Ce nom rappelle
certainement de vieux souvenirs
aux fans de Thin Lizzy, puisqu’il
s’agit du groupe fondé par Phil
Lynott après la fin de la légende
irlandaise. Durant l’année 1984,
le quintet aura tourné sans cesse
au Royaume-Uni et composé une
petite dizaine de morceaux origi-
naux, qu’il mixait en concert avec
des titres plutôt rares de Thin
Lizzy et quelques reprises. Les
maisons de disques été restées
hermétiques à ce projet, Grand
Slam a jeté l’éponge fin 84, sans
avoir sorti le moindre album ou
single. Puis Phil nous a quittés en
1986… Entre 2002 et 2008, Mark
Stanway, le claviériste du combo,
exhume certains enregistrements
(des démos studio et des bandes
live) et les édite sur d’obscurs
labels. Puis, en juin 2016, « coup
de théâtre » avec la reformation
de Grand Slam, incluant Stanway,
Laurence Archer (le guitariste ori-
ginel du groupe qui a entre-
temps effectué un rapide tour du
côté de UFO), le batteur Micky
Barker (ex-Magnum), le bassiste
« itinérant » Neil Murray et le
chanteur Stefan Berggren (ex-
Company Of Snakes). Ce line-up
de vieux briscards ne donne que
deux concerts (dont un presti-
gieux au Sweden Rock Festival),
puis, de nouveau, silence radio,
jusqu’à l’arrivée de Hit The
Ground, son tout premier album
« officiel ». Il y a eu un
sacré remue-ménage depuis
2016 : Stanway, même s’il a enre-
gistré les claviers de cinq titres,
ne fait plus partie du gang, seul
Laurence Archer restant aux com-
mandes, épaulé par le vocaliste
Mike Dyer, le bassiste Dave
Boyce (ex-Samson) et le batteur
Benji Reid. Des dix titres figurant
sur cet opus, six sont issus des
travaux communs de
Lynott/Stanway/Archer, et quatre
des nouveautés composées par
Archer. Même si Grand Slam n’a
rien publié du vivant de Lynott,
plusieurs extraits de ce disque
vous seront familiers. « 19 », par
exemple, a été le dernier single
édité par Lynott fin 1985, mais
dans une version assez différente
de celle figurant sur Hit The
Ground, qui est bien plus rock et
directe. « Military Man » fut éga-
lement retravaillé par Lynott et
Gary Moore sur l’album Run For
Cover (1985) : sa version 2019,
sur laquelle Dave Boyce se fend
d’une très belle prestation, est
aussi très intéressante, même si
l’on ne peut s’empêcher de pen-
ser à l’interprétation poignante
de Lynott… Ceci dit, rendons jus-
tice à Mike Dyer qui fait de son
mieux pour rester fidèle aux
lignes de chant originelles du
grand Phil, tout en tentant de ne
pas de le singer. Un juste équili-
bre qu’on retrouve sur
« Dedication », titre qui donna
son nom à la compilation de Thin
Lizzy sortie en 1991, et pour
lequel Archer n’avait même pas
été crédité… Pour la petite his-
toire, ce dernier a attaqué les
ayant droits du groupe à ce sujet
et gagné son procès. Enfin, pour
ce qui est des anciens titres revus
et corrigés, citons le très rock
« Crazy », « Sisters Of Mercy »,
l’un des petits bijoux méconnus
du groupe original, et le plus dis-
pensable « Crime Rate » qui se
traîne un peu. Quant aux « nou-
veautés » (même si certains mor-
ceaux ont vu le jour à la fin des
années 80), la plupart s’avèrent
très réussies. « Gone Are The
Days », aux guitares très liz-
zyennes, est une entame d’album
particulièrement enjouée, « Hit
The Ground » se détache grâce à
son refrain bien senti, et l’instru-
mental « Grand Slam », tout
récemment composé par Archer,
conclut l’opus avec classe. Reste
la ballade « Long Road », peu
convaincante, même si Laurence
s’y fend d’un superbe solo final.
Au bout du compte, on se dit
qu’une attente de 35 ans pour un
premier disque, c’est long, mais
que le résultat est bon !
BENJI . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7,5
GARY MOORE
Live From London
(Provogue/Wagram)
Blues énervé
Sortie : 31.01.2020
Le 02 décembre 2009, Gary
Moore donnait, à l’Islington
Academy de Londres, un concert
relativement intimiste en guise de
dernier show de la tournée en
support à son ultime album stu-
dio, Bad For You Baby (2008).
Une dizaine d’années plus tard,
et environ neuf ans après son
décès (Gary nous a quittés le 06
février 2011), ce document audio
est exhumé afin de nous rappeler,
une fois encore, quel fantastique
guitariste s’en est allé. Comme il
en avait pris l’habitude sur ses
albums/concerts solo en configu-
ration blues, Gary se faisait un
plaisir de jouer ses compositions
personnelles s’inscrivant dans
cette veine et des reprises de ses
idoles du genre. Ici, de la pre-
mière catégorie se détachent par-
ticulièrement un fort remuant
« Down The Line » (extrait de Bad
For You Baby), le sautillant
« Since I Met You Baby » et le
magnifique « Still Got The
Blues », titre éponyme de l’album
qui a vu Gary débuter sa
« deuxième » carrière presque
entièrement dédiée au blues en
1990. Sans oublier, évidemment,
« Parisienne Walkways », ballade
coécrite par Moore et Phil Lynott,
qui ne cesse de donner le frisson,
même chantée par Moore… Côté
reprises, Gary se fait plaisir en
s’attaquant à du Otis Rush (« All
Your Love (I Miss Loving) », égale-
ment repris par John Mayall,
Buddy Guy et Aerosmith) ou au
très touchant « I Love You More
Than You’ll Ever Know » de Blood
Sweat & Tears, durant lequel il
délivre un solo d’une autre
galaxie. On note aussi les habi-
tuels « Oh, Pretty Woman »
d’Albert King et « Walking By
Myself », que Gary a tellement
joués qu’ils faisaient partie inté-
grante de son répertoire. Assez
peu de surprises donc sur ce live
néanmoins très intéressant car
signant la dernière tournée du
guitariste à consonance 100%
blues. Ce qui nous permet de
rebondir en demandant à nos
amis de Provogue (ou toute autre
maison de disques bien attention-
née) de bien vouloir se pencher
sur les enregistrements captés
lors du dernier baroud d’honneur
de l’Irlandais réalisé entre mai et
octobre 2010, principalement
dans des festivals européens,
ainsi qu’en Ukraine et en Russie
(son tout dernier concert a été
donné le 30 octobre 2010 à
Moscou). La setlist proposée lors
de ces concerts spéciaux, où il fut
rejoint par son vieux compère
Neil Carter (claviers/guitare/chant)
et mixant de façon totalement
inédite classiques blues et titres

MON ALBUM DU MOIS par DJUL
SONS OF APOLLO
2020
(Inside Out/Sony Music)
Hard rock progressif
Sortie : 17.01.2020
Déjà doté d’un nom ambitieux – pré-
tentieux diront certains (on parle des
fils du dieu grec de la musique, tout de
même !) – Sons Of Apollo en remet
une couche en nommant son album par
l’année de sa sortie. Il s’agit certes d’un
des premiers disques à paraître sur
cette décennie qui s’ouvre, mais cela
induit également que cet opus mar-
quera l’année en question. Difficile
cependant d’en tenir rigueur au combo
au regard du pédigrée de ses membres
qui autorise une certaine confiance en
soi et, c’est le plus important, parce
qu’à son écoute, ce disque tiendra sans
doute sa place d’ici décembre prochain.
Très nettement au-dessus de Pyschotic
Symphony (2017), un excellent premier
album mais quelque peu monolithique,
ce 2020 prouve qu’avec deux ans de
maturité et des dizaines de concerts,
Sons Of Apollo est devenu un groupe à
part entière. Et même si le tandem
d’ex-Dream Theater Mike Portnoy (bat-
terie) et Derek Sherinian (claviers)
continue d’attirer la lumière et de s’im-
poser comme la force motrice de la for-
mation (à l’image de leur duo qui porte
« King Of Delusion » tout du long),
deux autres individualités ressortent
très nettement de cette évolution. La
première est Ron « Bumblefoot » Thal,
au souffle celtique issus de Run For
Cover (1985), Wild Frontier (1987) et
After The War (1989), ferait à n’en pas
douter la joie de tout fan si elle était
enfin éditée en version audio officielle.
A bon entendeur… A noter que Live
From London est disponible en CD,
mais aussi en double vinyle bleu.
BENJI . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7
SERENITY
The Last Knight
(Napalm/Season Of Mist)
Power metal symphonique
Sortie : 31.01.2020
Fondé en 2001, Serenity n’est plus à
ex-Guns N’ Roses et virtuose de la gui-
tare qui est bien plus présent sur ce
disque : le premier single « Goodbye
Divinity » lui est tout dédié, et l’on se
délecte de ces riffs carrés et de ces soli
en tapping joués de façon déliée qui
sont sa marque de fabrique. On
retrouve même ici, par moments, des
petites effluves du Chinese Democracy
(2008) auquel il a participé. La seconde
est le chanteur Jeff Scott Soto (ex-
Journey et Trans-Siberian Orchestra),
qui impose sa voix puissante sur cer-
tains morceaux semblant mieux taillés
pour lui que les précédents, notam-
ment quand ils se font plus sombres et
plus lents, à l’image de l’étonnante
power ballad « Desolate July ». Le
groupe a nettement progressé dans sa
capacité à imposer des refrains accro-
cheurs, comme ceux de « Fall To
Ascend » et de « Wither To Black »,
rendant ce deuxième essai encore plus
accessible que le premier. Et lorsqu’à
l’inverse, il s’étale sur les seize minutes
de « New World Today » en fin de par-
cours, il se fait certes plaisir, mais à
nous aussi. Cet incroyable morceau qui
débute à la manière d’Emerson, Lake &
Palmer et de UK pour dériver vers des
parties thrashisantes du meilleur effet,
et qui voit Thal sortir de délirantes par-
ties en roue libre, est ce que nous
avons entendu de mieux dans le regis-
tre metal progressif de la part de
Portnoy depuis de très nombreuses
années. Les esprits chagrins regrette-
ront peut-être les références trop évi-
dentes au Falling Into Infinity (1997) de
Dream Theater, pourtant assez inévita-
bles avec Portnoy et Sherinian à bord,
à l’image d’un « Resurrection Day » qui
sonne comme une resucée du « Just Le
Me Breathe » figurant sur l’album en
question. Cela ne suffira pas à calmer
notre enthousiasme au sujet de ce pre-
mier indispensable de 2020 qui voit
Sons Of Apollo trouver enfin l’équilibre
bluffant entre hard rock, heavy metal et
rock progressif qu’il promettait à ses
débuts, en 2017.
DJUL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .8
considérer comme l’étoile montante du
power metal symphonique qu’il a long-
temps été. Petit à petit, le groupe autri-
chien a fait son nid et s’impose
aujourd’hui en valeur sûre du style,
quelque part entre les galaxies respec-
tives de Kamelot, de Sonata Arctica,
voire d’Epica. Comme très souvent, son
frontman féru d’Histoire (l’Histoire avec
un grand « H », pas les histoires drôles
de Guy Montagné si chères au cœur de
notre camarade Emmanuel Hennequin)
a doté The Last Knight de paroles large-
ment inspirées par un personnage histo-
rique. C’est sur Maximilien d’Autriche,
alias Maximilien Ier, que c’est tombé.
Répondons sans tarder à LA question
que vous vous posez tous, à savoir :
« Ai-je impérativement besoin d’avoir lu
un maximum de biographies consacrées
à la vie de Maximilien d’Autriche avant
d’écouter l’album ? ». Hé bien, ça ne
fera pas de mal aux plus étourdis d’en-
tre vous de vous remettre en mémoire
Maximilien d’Autriche : Souverain du
Saint Empire germanique, bâtisseur de
la maison d’Autriche, 1459-1519 (310
pages – ça se lit très bien à la pause
déjeuner), ou de (re)lire Correspondance
de L’Empereur Maximilien 1er Et de
Marguerite d’Autriche, Sa Fille
Gouvernante Des Pays-Bas : de 1507 à
1519 (562 pages, écrites petit), mais ça
reste tout de même rigoureusement
inutile dans le cas du disque qui nous
intéresse ici. Si les « Carpe noctem »
chantés par de puissants chœurs (« Call
To Arms ») ressemblent à ceux d’Epica
au point d’en perdre son latin, c’est la
ressemblance, déjà évoquée dans nos
pages, entre le timbre de Herr
Neuhauser et celui de Tony Kakko
(Sonata Arctica) qui laisse pantois.
Serenity (prononcer « Zerenity » quand
on est allemand, autrichien ou originaire
de Suisse alémanique), propose néan-
moins une mixture qui lui est propre de
power metal symphonique léché, pui-
sant autant du côté d’une batterie de
cuivres solennels (« The Last Knight »,
intro digne d’un blockbuster) que de
refrains conquérants (puissant
« Invictus »), ou encore de riffs raisonna-
blement costauds (« Souls And Sins »).
Le groupe n’évite pas les plans télépho-
nés du style « ni vu ni connu, je monte
d’un demi-ton dans les dernières enca-
blures, à la manière des 973.000 chan-
sons arrangées par Desmond Child » et
autres ballades archi convenues (« My
Farewell »), mais le tout est fait avec
suffisamment de conviction pour nous
embarquer dans un joli voyage. A ce
sujet, « Set The World On Fire », en
écoute sur le sampler du mois, est indé-
niablement accrocheur, et malgré son
contenu bien moins « ivôl » que son
titre le laissait envisager, « Down To
Hell » interpelle facilement l’auditeur à
l’aide d’un refrain calibré pour
l’Eurovision. Ainsi que notre collègue
François Blanc l’a souvent regretté dans
nos colonnes, l’ensemble est encore un
peu trop aseptisé en termes de produc-
tion et de prises de risques pour nous
éblouir et nous convaincre à 100%, mais
Serenity livre indéniablement un sep-
tième album qualitatif. Dernière préci-
sion : après vérification, ce disque rem-
plit bel et bien ses obligations contrac-
tuelles vis-à-vis de l’auditeur amateur de
power metal en faisant mention d’un
aigle et de ses ailes dans l’une de ses
chansons (« Home of the eagle with
wings of pride », dans « Wings Of
Pride »). Ouf...
MORGAN RIVALIN . . . . . . . . . . . . . .7,5
TEMPERANCE
Viridian
(Napalm Records/Season Of Mist)
Heavy metal
Sortie : 24.01.2020
Premier effort chez Napalm Records
pour les Italiens de Temperance après
quatre albums en six ans de carrière.
Autant dire que le quintet ne ménage
pas ses efforts. Le groupe rôde ici la
formule de son précédent album, Of
Jupiter And Moons, ce qui semble
logique puisqu’il s’agit ici du deuxième
disque signé par un line-up qui avait
perdu pas moins de trois membres en
2017, dont sa première chanteuse,
Chiara Tricarico. Deux vocalistes,
Michele Guaitoli et Alessia Scolletti, se
partagent donc encore le chant sur
Viridian, même si la seconde tient géné-
ralement le devant de la scène (Michele
reprenant néanmoins la main sur le der-
nier tiers de l’album). Particulièrement
habiles et aujourd’hui totalement expé-
rimentés, les musiciens enchaînent les
titres hyper efficaces (« I Am The Fire »
étant un vrai hit en puissance). Tout est
pensé pour rentrer dans le lard à l’aide
d’une production très claire et puis-
sante, et l’ensemble fonctionne parfaite-
ment malgré une recette très classique
car l’écriture est ici particulièrement
intelligente. S’il y a quelque chose de
très « metal italien » par certains
aspects, notamment le chant masculin
(peut-être parce que celui-ci évoque à
plusieurs moments l’expression d’un
Fabio Lione ?), le groupe évite du mieux
possible certains écueils traditionnels
comme une trop grande ressemblance
avec les pontes que sont Nightwish et
Epica. Bien sûr, les deux groupes (sur-
tout le premier) sont parfois évoqués,
mais jamais trop (même si on frôle par-
fois la correctionnelle, mais frôler n’est
pas toucher !). Ce qui n’empêche pas
certaines grosses ficelles inhérentes au
genre, comme le très classique « Let It
Beat » et la ballade « Scent Of Dye »,
de poindre par instants. Temperance
parvient heureusement à compenser ces
défauts par une très solide maîtrise de
son écriture (à ceci près qu’il serait de
bon ton que les groupes arrêtent de
reprendre des refrains à l’octave ou de
conclure des titres sur des fade out !).
Le seul bémol est peut-être que cet
album a tendance à s’avérer très calibré
et prévisible (malgré quelques « sur-
prises » comme des chœurs d’enfants
sur « Nanook » et une chorale gospel
sur la conclusion « Catch The Dream »),
mais n’est-ce pas là la faiblesse générale
d’un style qui a déjà tout dit depuis
belle lurette ? Vous avez vingt minutes.
GUILLAUME FLEURY . . . . . . . . . . . . . . .7
THY CATAFALQUE
Naiv
(Season Of Mist)
Metal avant-gardiste
Sortie : 24.01.2020
La bête curieuse du mois est sans
conteste ce nouvel album du one-man
band hongrois Thy Catafalque qui voit
son géniteur Tamás Kátai plus affranchi
que jamais des codes et conventions.
Ce neuvième effort pousse encore le
bouchon un peu plus loin (Maurice) que
son prédécesseur Geometria (2018),
déjà fort délectable. Un titre tel que
l’instrumental « Tsitsushka », qui doit
autant à la new wave qu’à la funk et au
metal, semble en effet n’obéir à aucun
diktat de l’image et/ou de l’étiquette,
pas plus qu’un « Embersólyom »
emmené par un chant féminin aux sono-
rités folkloriques (et foudroyé, sur les
dernières mesures, par un plan pure-
ment extrême). Comment diable un seul
cerveau peut-il abriter autant d’idées
aussi diamétralement opposées ? On
imagine bien Kátai en savant fou,
enfermé dans un laboratoire et entouré
d’éprouvettes fumantes aux couleurs
fluorescentes, secoué par un rire hysté-
rique à l’idée de la créature hybride
qu’il est en train de créer. Toutefois, il
serait on ne peut plus erroné de voir, en
ce gigantesque patchwork d’idées, un
« grand n’importe quoi ». Tout cela se
tient parfaitement, reste cohérent et
engendre plus une admiration respec-
tueuse qu’une indignation incrédule. «
Kék Madár (Négy Kép) » semble avoir
été placé stratégiquement en milieu
d’album pour ménager une pause bien
méritée à l’auditeur : généreuse atten-
tion avant un « Napút » qui constitue la
seule réelle faute de goût du disque (on
n’est ici pas très loin de la musique
d’ambiance des restaurants asiatiques
en termes de mélodies vocales).
Heureusement, l’excellent « Veto »,
avec ses riffs typiquement death metal,
rattrape vite le tir sur plus de huit
minutes, et l’écoute de Naiv se termine
comme elle avait commencé, dans un
bonheur mêlé d’étonnement. Les com-
bos de la trempe de Thy Catafalque ne
sont pas légion – on comprend un peu
pourquoi en cette époque où tout est
standardisé – mais sont sans conteste
indispensables au paysage musical.
Naiv, en tout état de cause, fera office
de pain béni pour les plus aventureux
d’entre vous.
CHARLELIE ARNAUD . . . . . . . . . . . . . .8
VICTORIUS
Space Ninjas From Hell
(Napalm Records/Season Of Mist)
Speed/power metal
Sortie : 17.01.2020
« Tomber » dans le metal lorsqu’on est
adolescent est toujours une expérience
des plus gratifiantes et significatives.
Remué jusqu’au fond des tripes par une
musique puissante et porteuse
d’images, inexplicablement ignorée des
grands médias, on jouit d’un sentiment
de liberté profond et c’est avec délecta-
tion qu’on s’efforce alors de maîtriser
tous les codes et références de la com-
munauté des ardents défenseurs de ce
style unique et sauvage. Hélas, passée
cette phase d’émerveillement, on
constate que, comme tout ce qui rap-
porte, le metal (c’est heureusement
bien moins vrai dans l’underground)
subit les dérives de la société de
consommation et d’un mercantilisme
outrancier. Si, autrefois, les groupes qui
atteignaient un réel succès voyaient aus-
sitôt se profiler une ribambelle de
copistes désireux de surfer sur la vague,
il semble qu’aujourd’hui, dans un mar-
ché arrivé depuis longtemps à satura-
tion, la seule façon de « présenter » un
combo en devenir soit de lui coller une
étiquette hautement restrictive sur la
gueule. Victorius, dont nous chroni-
quons aujourd’hui le cinquième opus,
est un véritable cas d’école. Nous ne
saurions dire si ce modeste fleuron du
power metal « à l’allemande » a modifié
son apparence et « recentré » son
concept pour plaire aux pontes du label
Napalm Records ou si c’est le label qui
lui a imposé cette refonte, mais les faits
sont là : le quintet teuton arbore désor-
mais des armures noires moulantes et
ne parle plus dans ses chansons que de
puissants guerriers ninjas réfugiés dans
l’espace. A l’heure du succès des films
de super-héros aux scénarios maintes
fois resucés qui sacrifient la profondeur
psychologique au divertissement ininter-
rompu, il semble que les maisons de
disques aient impérativement besoin de
produits dépourvus de toute subtilité,
de formations aux identités parfaite-
ment définies afin de mâcher le travail
des consommateurs et auditeurs poten-
tiels (le terme « fans » serait trop valori-
sant dans ce contexte). Avec Victorius,
pas de tromperie sur la marchandise :
les titres des chansons, l’accoutrement
des musiciens et leur imagerie nous
disent tout ce qu’il y a à savoir. Et heu-
reusement que son apparat le « dis-
est de surcroît interprété comme l’au-
rait fait le prodige anglais : vif dans
l’attaque des guitares et détaché dans
le chant. L’interprétation est impecca-
ble et la mise en son du disque réelle-
ment prodigieuse, à la fois limpide et
particulièrement élégante. Bref, tous
les éléments sont réunis pour faire de
cette galette un disque remarquable.
nous ne pouvons que vous inciter à
vous faire votre propre opinion en
donnant sa chance à ce très beau
disque. Il n’est en effet pas exclu que
vous tombiez sous son charme si vous
êtes amateur de Pink Floyd (« I’ll Be
There For You » est même agrémenté
de vocaux féminins rappelant le « The
Great Gig in The Sky » du Floyd, en
moins intense, forcément…) et Steven
Wilson.
STEPHANE AUZILLEAU . . . . . . . . . . . . .7
voit Alex Colin-Tocquaine (guitare,
chant) livrer une prestation vocale affo-

tingue » des autres car on ne peut pas
compter sur sa musique pour faire la
différence : Space Ninjas From Hell est
parfaitement bien produit, très bien
chanté, exécuté avec une réelle maes-
tria et fort plaisant à écouter… si vous
aimez DragonForce (et notamment le
tout dernier opus des shredders les plus
rapides du multivers), que la formation
semble avoir étudié dans les moindres
détails (« Tale Of The Sunbladers »
et « Shuriken Showdown » sont les
exemples les plus prégnants de cette
tentative de mimétisme). On retrouve
aussi du Gloryhammer, tant dans l’hu-
mour (le petit sketch introductif de
« Wasabi Warmachine ») que dans l’écri-
ture des refrains, les narrations pom-
peuses et le rôle tenu par les claviers,
ainsi qu’un soupçon d’influences plus
FM (impossible de bouder son plaisir à
l’écoute de « Cosmic Space Commando
Base », mid-tempo porté par un refrain
Bon Joviesque). Tout cela est fort joli,
mais au moment de noter un tel album,
nous voici bien emm…pruntés. Avons-
nous apprécié son écoute ? En bons
amateurs de power metal accrocheur et
bien produit, oui, il serait vain de pré-
tendre le contraire. Avons-nous trouvé
un quelconque intérêt d’ordre artistique
à ce clone de Dragonforce et à son
concept « over the top » pour nostal-
giques de DragonBall Z ? Non.
Contentons-nous donc d’un 6,5/10 de
convenance et laissons nos amis lecteurs
se faire leur propre opinion !
FRANÇOIS BLANC . . . . . . . . . . . . . .6,5
YOGI LANG
A Way Out Of Here
(Gentle Art Of Music/www.builtbyfrance.com)
Rock progressif
Sortie : déjà disponible
Yogi Lang est le chanteur de RPWL, un
groupe allemand formé en 1997 qui a
démarré sa carrière en faisant des
reprises de Pink Floyd avant de com-
poser ses propres morceaux. Cela
n’étonne donc personne que ce
deuxième album solo (neuf ans après
No Decoder) présente une musique
fortement influencée par la bande à
David Gilmour, notamment en ce qui
concerne les parties de chant (« Love
Is All Around »). L’autre référence
majeure qui vient à l’esprit à l’écoute
de A Way Out Of Here est Porcupine
Tree/Steven Wilson. Et cela d’entrée
de jeu car l’imposant « Move On » qui
ouvre les hostilités semble tout droit
sorti du cerveau de Steven Wilson. Il
REEDITION
lante en mode « subwoofer ». De
même, deux titres issus de la démo
Satan’s Sodomy et une version live cap-
turée à même la table de mix du raris-
sime « Crazy And Free » viennent enri-
chir la moitié dévolue à Agressor. Moins
AGRESSOR/LOUDBLAST d’exclu pure et dure sur la partie réser-
Licensed To Thrash vée à Loudblast, mais du lourd tout de
(Listenable Records/PIAS) même, puisque les cinq bonus ne sont
Thrash culte autres que la démo Ultimate Violence
Sortie : déjà disponible dans son intégralité. Ce trésor caché,
Mais pour autant, on a du mal à s’en Initialement paru en 1988 (putain, 31 initialement paru en septembre1986,
convaincre... La raison en est la sui- ans !), le mythique split-album Licensed est pour la toute première fois disponi-
vante : même après de très nom- To Thrash (qui constitue le premier ble en CD. En bref, 77 minutes d’antho-
breuses écoutes, aucun titre ne retient témoignage vinylique des darons de la logie avec, en prime, un joli livret et son
réellement l’attention, à l’exception scène extrême française, Agressor et pêle-mêle de photos d’époque qui nous
peut-être du magnifique instrumental Loudblast) est depuis bien longtemps montrent de jeunes et sveltes adoles-
« Early Morning Light ». Les chansons épuisé. Histoire de casser le business cents prêts à bouffer le monde. Les plus
sont très chouettes et leur écoute tou- des petits malins qui le monnayaient sur physionomistes d’entre vous reconnaî-
jours agréable, mais on a pour autant eBay au prix d’une Clio d’occasion, tront au hasard des clichés quelques
le sentiment de ne pas « imprimer ». Il Listenable a eu la riche idée de le réédi- trognes bien connues comme celles
est assez frustrant de ressentir un tel ter en vinyle et en CD. De quoi complé- d’Euronymous, Mille Petrozza, Chuck
décalage entre le cerveau, qui nous dit ter sa collection grâce à cette version Billy ou encore Gene Hoglan. Il n’y a
que nous tenons là un album parfait, bénéficiant d’un remastering costaud et, pas à tortiller : Licensed To Thrash est
et le cœur, qui, au final, ne ressent pas sur le CD, d’une pluie de titres bonus. une pièce incontournable de l’histoire
grand-chose et n’éprouve pas de On ne manquera pas de se réjouir à du metal français, et cette réédition lui
manque une fois l’album fini. Mais l’écoute d’une fantastique version iné- fait grandement honneur. B.O.D. !
dans la mesure où cette disjonction dite du « Uncontrolled Desire » (Ndlr : Buy Or Die !)
entre organes est très personnelle, d’Agressor enregistrée en 1998, qui CHARLELIE ARNAUD
LE BOOK QUI TUE (« Aces High » et l’intro « Churchills’ Speech »
prennent ici tout leur sens). Et puis, il y a l’arrivée de
Bruce au sein d’Iron Maiden, son escapade solo et
Chaque mois, un musicien vous recommande son retour triomphant dans le plus grand (?) groupe
son livre de chevet. Puisse cette rubrique de metal. Bien sûr, ce livre parle aussi de ses
vous donner envie, amis lecteurs, de vous compétitions d’escrime et de ses brevets de pilote,
plonger (ou vous replonger) dans un bon ce qui est assez peu commun. Mais le plus déroutant
bouquin au son d’un chouette disque ! est l’humanité incroyable que dégage cet homme au
Un plaisir rare. Dans ce numéro, c’est Julien travers de ses choix et de son parcours. Le recul
Bernard, chanteur/bassiste de 7Weeks, dont il fait preuve vis à vis de la musique et du
qui s’y colle. business est unique, et le mythe – très ancré dans le
metal – du groupe « à la vie à la mort on partage
What Does This Button Do? (de Bruce tout » en prend un coup… surtout quand Bruce
Dickinson) expose son rapport avec un Steve Harris qui est à peu
J’ai toujours aimé lire les biographiess près son opposé parfait. D’où la force, sans doute, de
musicales, et si l’on trouve pas mal de leur collaboration. Cela n’empêche pas un respect
déchets en ce domaine, mal écrits ou mal sans faille pour Iron Maiden (« Blood Brothers », tout
documentés (voire truffés de poncifs), il reste de même). Nous nous retrouvons en définitive face à
possible de dégoter de véritables perles. Ce quelqu’un d’incroyablement libre dans sa pensée et
qui, pour tout musicien ou amateur de ses actes, quelqu’un d’une intelligence et d’un humour
musique, permet de recentrer l’œuvre dans peu communs. La partie du livre qui relate sa carrière
le contexte et donne source d’inspiration, solo est fascinante, et l’épisode à Sarajevo en pleine
voire de réflexion, sur sa propre vie. Les plus intéressantes guerre serbo-croate est hallucinant, surtout pour la star
sont souvent les autobiographies des chanteurs, ces derniers qu’est déjà Dickinson à cette époque ! C’est à ma
étant par essence des gens à la personnalité très forte. connaissance la chose la plus « couillue » jamais osée par un
Essayez Steven Tyler, Lemmy Kilmister ou Bruce Springsteen. musicien. Dans un milieu où beaucoup jouent les durs, en voici
Tout le monde connait Iron Maiden et L’Épopée des Killers de un vrai. Au final, on peut dresser un parallèle entre la vie de
Mick Wall est déjà en soi une très bonne biographie. Mais Bruce et un concert de Maiden : Dickinson y est un électron
avec cette autobiographie du chanteur Bruce Dickinson, on libre, il est partout à la fois. « I’m not a number, I’m a free
touche autre chose. Le mythe est totalement hors propos et man ». De quoi donner envie de réécouter Skunkworks (1996),
l’on suit un personnage profondément humain, au parcours album solo magistral et oublié.
incroyable qui commence dans l’Angleterre d’après Blitz
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& PRODUCTIONS BY CARAMBA

THE DARKNESS
25/01 - Strasbourg, Laiterie
LOFOFORA 26/01 - Paris, Cigale
31/01 - Paris, Trabendo 27/01 - Bordeaux, Krakatoa
03/02 - Lyon, Ninkasi Kao
THE DARKNESS ANATHEMA
08/03/2020 - Paris, Trianon
27/01 - Bordeaux, Krakatoa
STEVEN WILSON 30/06 - Paris, Seine Musicale 09/03/2020 - Rennes, Antipode
21/09 - Paris, Zénith 01/07 - Nîmes, Festival de Nîmes
DIR EN GREY 20/07 - Carcassone, Festival
07/02 - Bordeaux, Rocher de Palmer
ANVIL 24/07 - Colmar, Foire aux Vins
26/02 - Colmar, Grillen
27/02 - Lyon, Rock'n'Eat BRUCE DICKINSON
28/02 - Savigny-Le-Temple, Empreinte (AN EVENING WITH)
29/02 - Vauréal, Forum 14/02 - Paris, Trianon

AQME DIMMU BORGIR + AMORPHIS

10/01 - Savigny-Le-Temple, Empreinte + WOLVES IN THE THRONE ROOM
11/01 - Paris, Trianon 23/01 - Paris, Bataclan DROPKICK MURPHYS
08 & 09/02 - Paris, Zénith
DRAGONFORCE THE ARISTOCRATS (Guthrie Govan, DIR EN GREY
12/02 - Bordeaux, Krakatoa 07/02 - Bordeaux, Rocher de Palmer
Marco Minnemann, Bryan Beller)
GLORYHAMMER + NEKROGO-
PENDRAGON 31/01 - Marseille, Cherrydon
DORO BLIKON + WIND ROSE
03/03 - Paris, Maroquinerie
28/01 - Paris, Trabendo
16/03 - Toulouse, Rex BIDACHE METAL FESTIVAL 10/11 - Paris, Maroquinerie
29/01 - Toulouse, Metronum
19/03 - Lyon, CCO
avec MISANTHROPE + MANIGANCE +
AGRESSIVE AGRICULTOR + RED DEAD DRAGONFORCE 01/02 - Lyon, Ninkasi Kao
I PREVAIL 07/02 - Charleville-Mézières, Forum
+ DEMONIK + THE HELLECTRIC DEVILZ
10/03 - Paris, Trianon
21/03 - Bidache (64), Salle des Fêtes 08/02 - Strasbourg, Laiterie GRAND MAGUS
17/03 - Paris, Petit Bain
DEATHSTARS 09/02 - Lyon, CCO
05/05 - Bordeaux, Rocher de Palmer BORDEAUX HEAVY DAYS 11/02 - Paris, Machine du Moulin Rouge
HELLOWEEN
avec MORTUARY + CARCOHL 12/02 - Bordeaux, Krakatoa
SORTILEGE + STEATORRHEA + AD PATRES 13/02 - Toulouse, Metronum 07/10 - Paris, Olympia
28/04 - Paris, Elysée Montmartre 09/10 - Lyon, Transbordeur
+ CARBON SEED + PUTREFIANCE 14/02 - Istres, Usine
24-25/01 - Le Haillan, Salem
DROPKICK MURPHYS IGORRR
ABBATH + 1349 + VLTIMAS CAR BOMB + JESSE AHERN 26/03 - Strasbourg, Laiterie
+ NUCLEAR 25/03 - Paris, Backstage By The Mill 29/01 - Bordeaux, Rocher De Palmer 27/03 - Lille, Aéronef
28/01 - Paris, Machine du Moulin Rouge 28/03 - Nantes, Stereolux
29/01 - Nantes, Sterolux CERNUNNOS PAGAN FEST EQUILIBRIUM + LORD OF THE 29/03 - Tours, Temps Machine
30/01 - Toulouse, Metronum avec PRIMA NOCTA + SOJOURNER LOST + NAILED TO OBSCURITY 31/03 - Poitiers, Confort Moderne
02/02 - Lyon, Ninkasi Kao 21/01 - Paris, Trabendo 01/04 - Toulouse, Metronum
+ RASTABAN + VERMILIA + VELIO-
22/01 - Toulouse, Metronum 24/04 - Lyon, Ninkasi Kao
CASSES + INFINITYUM + TOTER FISCH
ADAM BOMB + IN VINO VERITAS + ANOMALIE… 25/01 - Lyon, Ninkasi Kao 25/04 - Reims, Cartonnerie
17/01 - Marseille, Cherrydon 26/04 - Paris, Cigale
22-23/02 - Noisiel (77), Ferme du Buisson
EXODUS + DEATH ANGEL
ADX CONCEPTION 02/03 - Cognac, Abattoirs I PREVAIL
25/01 - Paris, Petit Bain + TITAN 10/03 - Paris, Trianon
15/05 - Paris, Maroquinerie
22/02 - Châteauroux, Fire Master Festival FIVE FINGER DEATH PUNCH +
01/03 - Fismes, Salle des Fêtes DEATHSTARS MEGADETH + BAD WOLVES IRON MAIDEN + AIRBOURNE
07/03 - Clermont-Ferrand, Maison de l’Oradou 05/05 - Bordeaux, Rocher de Palmer 28/01 - Paris, Zénith + AVATAR
16/05 - Staples, Du Metal Au Village 2 11/07 - Paris, La Défense Arena
12/05 - Strasbourg, Laiterie
FU MANCHU
AEROSMITH DEEP PURPLE (30th Anniversary Tour) JINJER
30/06 - Paris, AccorHotels Arena 22/06 - Laiterie, Strasbourg 15/04 - Strasbourg, Laiterie
20/06 - Clisson, Hellfest

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& GÉRARD DROUOT & MUZIVOX

& NAPALM & VERYSHOW
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THE NEW ROSES PAPA ROACH

LOUDNESS 06/02 - Lyon, Hard Rock Café + HOLLYWOOD UNDEAD
14/04 - Vauréal, Forum 13/02 - Colmar, Grillen 13/03 - Paris, Zénith
14/02 - Paris, Backstage By The Mill
15/02 - Nantes, Ferrailleur
DREAM THEATER LOUDNESS
(20 ans de Scenes From A Memory) 14/04 - Vauréal, Forum PARKWAY DRIVE + HATEBREED
26/01 - Paris, Seine Musicale + STICK TO YOUR GUNS
27/01 - Lyon, Halle Tony Garnier LUCIFER 15/04 - Paris, Zénith + VENOM PRISON
14/05 - Strasbourg, Laiterie
PENDRAGON
LYNYRD SKYNYRD 03/03 - Paris, Maroquinerie
29/06 - Nîmes, Arènes 16/03 - Toulouse, Rex
06/07 - Paris, Boulogne-Billancourt BLUE ÖYSTER CULT
18/03 - Bordeaux, RockSchool Barbey 02/06 - Paris, Trianon
19/03 - Lyon, CCO
MACHINE HEAD (Burn My Eyes 21/03 - Pagney-Derrière-Barine, Chez Paulette
25th Anniversary Tour)
02/05 - Toulouse, Bikini PEARL JAM
03/06 - Lille, Aeronef 19/07 - Paris, Hippodrome de Longchamp
(Lollapalooza)
MADBALL
JOE SATRIANI 30/06 - Biarritz, Atabal QUEEN + ADAM LAMBERT
30/05 - Gérardmer, Motordays Festival
26/05 - Paris, AccorHotels Arena
31/05 - Strasbourg, Laiterie MARKO HIETALA
02/06 - Paris, Olympia
18/02 - Paris, Machine du Moulin Rouge NIGHTWISH
04/06 - Nantes, Cité des Congrès RAGE 25/11 - Paris, Accor Hotel Arena
05/06 - Saint-Malo, Nouvelle Vague
09/02 - Colmar, Grillen
06/06 - Clermont-Ferrand, Coopérative de Mai MARS RED SKY 13/02 - Lyon, CCO
07/06 - Lyon, Transbordeur
04/03 - Paris, Maroquinerie
05/03 - Tours, Temps Machine RAMMSTEIN
06/03 - Tours, Metronum 09/07 - Lyon/Décines, Groupama Stadium
13/03 - Dijon, Vapeur
14/03 - Orléans, Astrolabe REGARDE LES HOMMES
28/03 - Gerardmer, Maison de la Culture TOMBER
13/03 - Lévin, Liévin Metal Fest
MESHUGGAH 21/03 - Nantes, Stereolux
29/06 - Grenoble, Belle Electrique
30/06 - Toulouse, Bikini
09/04 - Paris, Petit Bain ROSE TATTOO
13/05 - Lyon, Epicerie Moderne 21/03 - Strasbourg, Laiterie
05/07 - Bordeaux, Rocher de Palmer 14/05 - Amiens, Lune Des Pirates 24/03 - Paris, Cigale
25/03 - Lyon, Ninkasi Kao
16/05 - Strasbourg, Laiterie
MORTUARY
17/01 - Lille, Brat Cave ROBERT JOHN & THE WRECK
TARJA + TEMPERANCE 18/01 - Rennes, Marquis De Sade 04/06 - Paris, Etoiles
13/03 - Marseille, Cepac Silo 19/01 - Nantes, Scène Michelet
15/03 - Strasbourg, Laiterie 21/01 - Toulouse, Usine A Musique
16/03 - Paris, Cigale SKÀLD
22/01 - Fréjus, Monster's Art WMC 24/01 - Bitche, Espace René Cassin
23/01 - Lyon, Rock N'Eat
KISS 24/01 - Bordeaux, Heavydays SLIPKNOT + BEHEMOTH
09/06 - Paris, AccorHotels Arena 25/01 - Paris, Klub WITHIN TEMPTATION
30/01 - Paris, AccorHotels Arena + EVANESCENCE
07/02 - Dijon, Deep Inside Klub 02/02 - Lyon, Halle Tony Garnier
KRISIUN + GRUESOME + VITRIOL 29/02 - Saint-Hilaire-de-Riez, 45 Tours 05/04 - Paris, Accorhotels Arena
30/03 - Reims, Cartonnerie 23/05 - Belley, Intégral SONS OF APOLLO
13/06 - Thimory, Gatinaicticut Metal Fest
09/04 - Paris, Backstage 17/03 - Marseille, Cepac Silo UNEVEN STRUCTURE + MOLY-
MYRATH + ELEINE
18/03 - Paris, Machine du Moulin Rouge BARON + ODC + DISCO-NECTED
KVELERTAK + PLANET OF ZEUS 29/02 - Paris, Gibus
03/03 - Paris, Trabendo 05/03 - Istres, Usine SORTILEGE
21/03 - Lille, Aéronef 07/02 - Rennes, Antipode + ANTHARES WISHBONE ASH
LAMB OF GOD + KREATOR 22/03 - Vauréal, Forum 14/03 - Nancy, Chez Paulette 14/05 - Hérouville St Clair, Big Band
17/04 - Paris, Olympia + POWER TRIP 24/03 - Lyon, Ninkasi + SPEED QUEEN + LARD OF DEATH 15/05 - Riom, Puce à l'Oreille
25/03 - Toulouse 28/04 - Paris, Elysée Montmartre 16/05 - St. Etienne, Stass
LEPROUS + MANIGANCE (concert filmé) 19/05 - Notre-Dame-d'Oé (Tours), Oesia
09/02 - Strasbourg, Laiterie NAPALM DEATH + EYEHATE- 20/05 - Vauréal, Forum
GOD + MISERY INDEX + BAT STARSET 21/05 - Ris Orangis, Plan
LINDEMANN + ROTTEN SOUND 15/02 - Paris, Machine du Moulin Rouge
27/02 - Lyon, Ninkasi Kao
21/02 - Paris, Olympia (nouvelle salle !)
28/02 - Nantes, Warehouse
WITCHES + SPIRIT + KOB +
SVART CROWN UNTIL DEAD + IN PURULENCE
LITTLE CAESAR 29/02 - Toulouse, Metronum 08/02 - Toulon, Hélice 23/02 - Blendecques (62), Salle Aimée Vasseur
04/10 - Paris, Etoiles 01/03 - Biarritz, Atabal 07/03 - Strasbourg, Laiterie + GOST
03/03 - Paris, Machine du Moulin Rouge 10/03 - Nancy, Autre Canal + GOST YES
LORDI 11/03 - Paris, Petit Bain + GOST 22/05 - Paris, Olympia
27/02 - Istres, Usine THE NIGHT FLIGHT ORCHESTRA 12/03 - Nantes, Ferrailleur + GOST
02/03 - Toulouse, Bikini + ONE DESIRE ZAKK SABBATH (Zakk Wylde
08/03 - Paris, Machine TAGADA JONES
03/03 - Angers, Chabada
09/03 - Toulouse, Metronum
playing Black Sabbath)
05/03 - Epinal, Souris Verte 27-28/11 - Paris, Trianon 15/02 - Paris, Trianon
06/03 - Paris, Machine du Moulin Rouge 12/03 - Lyon, CCO

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