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Alors que les bruits entourant

Peter Gabriel la sortie de son très attendu


nouvel album se font de
plus en plus persistants,
Peter Gabriel nous propose

Flotsam and Jetsam - Part 1


Flotsam and Jetsam, une
visite en biais de sa longue
discographie sous la forme
d’une «  archive  » de près

de sept heures, composée de raretés pour ainsi dire introuvables,


voire carrément inédites. Une occasion rêvée de refaire un survol de
sa carrière solo. Mais, vu la richesse de cette petite histoire, je vous
propose de le faire en trois fois. Allez, c’est parti pour la « part one ».

Avertissement préalable  : cette Les plus vieux d’entre vous s’en souviennent certainement :
première partie concerne les quand, en 1975, Peter Gabriel annonce sa volonté de
quatre premiers albums studio du quitter Genesis, il crée un sentiment d’incompréhension et
maître. En ce qui me concerne, génère le doute, aussi bien sur son propre avenir que sur
ces albums n’ont pas de titre. Je ne celui du groupe. L’histoire a montré que les pessimistes
vais donc pas vous parler de Car, avaient tort  : pour la formation comme pour son ex
Scratch, Melt et Security, inventions chanteur, cet événement marque le début d’une très grande
tardives visant des fins purement aventure. Et pourtant, après son départ, la première action
commerciales. Dont acte. significative de Peter, c’est de faire attendre son public

impatient pendant En 1977, il sort enfin sa par Bob Ezrin (qui va s’embarquer
deux ans (période première œuvre solo. A après dans l’aventure The Wall), est
de ressourcement et l’entame, avec Moribund résolument moderne, varié et très en
premier jalon des the Burgmeister, tout phase avec la révolution musicale du
célèbres «  hiatus le monde imagine du moment  ; ce qui, finalement, n’est pas si
de Big Gab  » qui Genesis qui sonne un peu surprenant : d’une certaine manière, The
iront d’ailleurs en plus moderne, mais il va Lamb annonçait déjà assez clairement
s’amplifiant avec le s’avérer que ce n’est pas le tournant musical de la fin des 70es.
temps). ça du tout. L’album, produit Ce premier effort contient quelques-uns

des plus grands hymnes La sortie du deuxième album va encore renforcer l’impression de
de Peter (comme Modern modernité : Peter adopte un look et une démarche résolument New
Love et Here comes the Wave ; démarche qui transparait très bien dans des plages comme
Flood) et il va lui permettre On the Air ou D.I.Y. Il faut bien dire que la production abrupte
de décrocher son premier et sans concession de Robert Fripp n’y est pas pour peu. Faute
hit avec Solsbury Hill, de hit potentiel (encore que Mother of Violence a failli emporter
morceau allégorique la mise), l’album a moins de succès que le précédent. Ceci-dit, il
sur son départ de permet à notre homme de se forger une identité forte et de se créer
Genesis, qui va devenir une fan base composée à la fois de vieux followers de Genesis
son «  immanquable et d’amateurs branchés (disons, les mêmes que ceux qui écoutent
scénique » absolu. Fripp, Eno, Talking Heads et autres Magazine).

Prog-résiste 99 38 1er trimestre 2020


Toutes ces qualités seront magnifiées sur l’enregistrement Ce qui nous mène en 1982 pour
suivant qui sort en 1980 (production du grand Steve le quatrième album de Gab.
Lillywhite). Cette incontestable réussite est souvent Probablement le plus sombre et le
considérée comme son chef-d’œuvre absolu. Il faut plus complexe depuis ses débuts,
dire que les grands morceaux sont légion comme c’est aussi le plus expérimental. Les
Family Snapshot, Intruder (pour lequel Hugh Padgham et compositions sont généralement assez
Phil Collins vont « créer » le célèbre style de drumming longues, avec des réminiscences
qui fera beaucoup dans le lancement de la carrière assumées de progressif (The Family
solo du batteur) ou Games without Frontiers (qui marque and the Fishing Net, par exemple).
le début de la collaboration avec Kate Bush… heureux On y trouve également pas mal de
homme). Mais, beaucoup plus important pour la plages plus immédiates (comme Shock
suite, c’est le début, avec Biko, de la grande histoire the Monkey ou I Have the Touch) et,
d’amour de Peter avec la World Music ainsi que celui bien entendu, la World reste bien
de son engagement politique et humanitaire. Curiosité, présente (Rythm of the Heat) ainsi que
l’album ressortira dans la foulée dans une version l’engagement politique (Wallflower,
allemande (ce sera également le cas pour le suivant). splendide). Techniquement, c’est un

des premiers albums de l’histoire du rock à utiliser Concernant cette première période,
ce qui, malheureusement, va devenir une plaie Flotsam and Jetsam est à la fois très
des «  fucking 80es  », le Fairlight. Et ce sont aussi intéressant mais aussi très frustrant. En
les débuts de Peter dans le monde complexe de la plus des nombreuses versions single
production (en compagnie de David Lord). La tournée des tubes, on y trouve de véritables
qui suivra est probablement la plus remarquable de pépites comme le cover de Strawberry
notre homme et sera immortalisée sur le célébrissime Fields Forever, la version longue (et
Plays Live. Dans la foulée, il va créer le festival des totalement inédite) de Slowburn, le
musiques du monde, le célèbre Womad   ; bilan, fabuleux remix de Biko (sorti à l’époque
succès culturel éclatant mais bouillon financier en EP) et surtout, la version originale
complet (qui sera épongé grâce à un concert unique (parue sur l’album Womad) de Across
de Genesis « vieille formule »… merci les copains). Il the River (avec Stewart Copeland à
va également sortir sa première BO pour Birdy d’Alan la batterie). Pour le reste, pas mal de
Parker (pas beaucoup d’inédits mais des versions petites choses pour les puristes mais
instrumentales retravaillées de ses grands morceaux). dont l’intérêt est plus limité  : version

flexi-disc à destination époque bénie où Peter


du fanclub pour une jouait encore The lamb
peter GABRIEL
version live de Solsbury et balançait des reprises Flotsam and Jetsam
Hill, Shock the Monkey incroyables des Kinks ou Peter Gabriel Ltd. - 357’ - GBR’19
en instrumental, des de Marvin Gaye (ceci-
faces B anecdotiques… dit, c’est peut-être prévu
Mais ce qui est pour le futur  ; croisons les
dommage, c’est de doigts).
ne pas avoir mis plus
de témoignages live Nous voici arrivés à la
des tournées des trois fin d’une époque. La
premiers albums, suite, c’est l’explosion du
succès… mais ça, c’est
une autre histoire. A
bientôt.
Thierry Istace

Prog-résiste 99 39 1er trimestre 2020

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