N°185

MARS 2018

MENSUEL - BELGIQUE 9,50 € - SUISSE 13,50 FS - CANADA 14,00 $ - LUX. 10,00 €

P.06 LE SAMPLER
P.08 LES DIX COMMANDEMENTS :
Des C.D. ?
ARJEN LUCASSEN (AYREON)
« Je n’ai plus acheté un seul CD depuis que j’ai un smartphone. Pas un

P.10 LE PURGATOIRE : AC/DC

seul ! Je suis abonné à un service de streaming légal - Spotify, pour ne pas
le nommer - et très franchement, ça me convient à la perfection. Je ne

P.12 TELEX : L’actu métallique

devrais sans doute pas dire ça parce que nous avons concocté des éditions
CD de Bloodstone & Diamonds plus belles et fouillées que jamais.

P.16 DE + EN + NET
On y trouve un livret de 28 pages, il y a une édition en cuir, etc. » Ça,
c’est ce que Robb Flynn, le leader de Machine Head, me confiait en

P.18 TOUTE PREMIERE FOIS :

septembre 2014 (Cf. RH148). Depuis, les ventes de CDs n’ont eu de
cesse de baisser. Encore moins 18,5% aux USA l’an dernier. Aux

JOHAN NIEMANN (EVERGREY, EX-THERION)

DR
Etats-Unis toujours, c’est carrément depuis 2015 que l’écoute en

P.20 I LIKE TO MOVIE, MOVIE :

ligne via les services de streaming (Apple Music, Deezer, Qobuz, Spotify et autres Tidal) est
devenue la première source de revenus de l’industrie musicale, distançant nettement le

BRANN DAILOR (MASTODON)

téléchargement légal, mais aussi les ventes physiques en magasin. Il faut dire que pour un
abonnement mensuel inférieur au prix d’un seul CD, on peut « tout » écouter en illimité. A ce

LES INTERVIEWS :
tarif, c’est quasiment de la concurrence déloyale ! Mais c’est surtout la réalisation d’un rêve,
voire d’une utopie, pour tous les assoiffés de musique qui n’auraient jamais pu imaginer

P.22 MICHAEL SCHENKER

pareille aubaine il y a encore de cela deux décennies. Outre-Atlantique, le disque compact

P.29 LETZTE INSTANZ

vient encore de se prendre un sacré coup sur la galette : les magasins Best Buy, sorte de Fnac
américaine forte d’un millier de points de vente, viennent d’annoncer qu’ils ne vendront plus

P.30 ANGRA
un seul CD dès le mois de juillet. En revanche, ils vont continuer à vendre des… vinyles !
Imaginez que la Fnac en fasse de même. Impossible, n’est-ce pas ? En fait, quiconque s’y rend à

P.32 MEMORIAM
intervalles réguliers depuis des années se doute que ça finira bien par arriver. On y assiste à la
fonte progressive des bacs de CDs et à l’élargissement de ceux regroupant les vinyles, format

P.34 WISHBONE ASH

qui n’avait jamais eu autant le vent en poupe qu’en 2017 où ses ventes mondiales ont été les

P.38 MANOWAR
plus importantes… de tous les temps ! Qui l’eût cru, très franchement ? Certainement pas moi
qui, ado, regardais la collection poussiéreuse de vinyles éraflés de mon père comme des vestiges

P.41 METALTHEQUE :
quasi préhistoriques ! Si le vinyle marche si fort en 2018, c’est notamment parce qu’il vient
pallier les réelles faiblesses du streaming. Sur un vinyle, l’artwork et les paroles sont dignement

VOLUME 33
mis en valeur, et le lien « physique » avec le groupe est maintenu par ce bel objet qu’on peut
même accrocher au mur. Streaming et vinyles semblent donc former un cocktail gagnant

P.49 HOWLING
enterrant le CD, ce bout de plastique auquel votre serviteur est pourtant, génération oblige,
toujours attaché. En tant que lecteur avide de la presse metal tombé dans la marmite au milieu

SYCAMORE
des années 90, je ne compte pas les découvertes réalisées grâce aux CDs sampler des magazines

P.50 GLENN HUGHES

spécialisés, en des temps « que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître ». Tiens, parmi
ces groupes se trouve justement un certain Machine Head. Je m’en souviens comme si c’était

P.52 SUIVEZ LE GUIDE !

hier. A Rock Hard, nous vous proposons un sampler tous les mois depuis 2001. 185 « rondelles
qui trouent la tienne », comme disait le poète, multipliées par tant d’exemplaires écoulés dans

RUSH
chaque numéro qu’on pourrait couvrir des kilomètres rien qu’avec ces pochettes cartonnées de
12 cm de côté. Si j’étais bon en maths, je vous ferais un savant calcul pour vous dire combien

P.54 DEATH ALLEY

de terrains de foot tous ces CDs recouvrent, mais si j’avais été fort en maths, je ne me

P.56 SATAN JOKERS

retrouverais pas en train d’écrire ces lignes ! En 2018, Rock Hard est l’un des rares magazines à
vous proposer encore un CD 15 titres TOUS LES MOIS. Qui sait, nous sommes peut-être

P.58 GRETA VON FLEET

bien le seul magazine metal mensuel européen (mondial ?) à le faire. Ce modèle nous réussit et
nous y sommes attachés, mais être seul sur ce créneau rend la tâche compliquée. Petit à petit,

P.60 THE CROWN

les représentants en place au sein des labels perdent de vue l’intérêt promotionnel de ces CDs,
certains refusant carrément que nous utilisions « gratuitement » (nous payons tout, de la

P.62 HOGJAW
fabrication aux droits Sacem) un morceau que, pourtant, ils ont déjà mis en accès libre sur

P.64 KAMELOT
YouTube depuis des semaines. Va comprendre... Heureusement, d’autres maisons de disques
jouent le jeu et nous les en remercions. Nous sommes conscients que ce sujet prête à débat,

P.66 POP EVIL

mais nous vous interrogerons sur notre page Facebook (facebook.com/rockhardfr) dans les
prochaines semaines pour sonder le fond de votre pensée et récolter vos idées. Si le sujet vous

P.68 STUDIO-REPORT
inspire, vous pouvez également nous envoyer une bafouille sur notre mail. Qui sait, peut-être
préféreriez-vous que ce CD cartonné soit remplacé par une alternance de... posters et de 45

DIMMU BORGIR
Tours collectors ? Bienvenue en 2018 !

P.70 NO ONE IS
MORGAN RIVALIN

INNOCENT
39, rue Santos Dumont - 75015 Paris

P.72 NAPALM DEATH

Tél : 01.40.28.43.41 - Fax : 01.40.43.02.98

P.75 STONE BROKEN

Directeur de la publication : Marc Villalonga (marc@rockhard.fr)
Rédacteur en chef : Philippe Lageat (phil@rockhard.fr)

P.70 GIGS YOUR ASS !

Rédacteur en chef adjoint : Morgan Rivalin (morgan@rockhard.fr)
Rédaction : Charlélie Arnaud, Benji, François Blanc, Emmanuel Hennequin, Julien Monsenego,

Accept + Cradle Of Filth

Guillaume Fleury - Stagiaire : Léo Pommier-Girth - Photographes : Marc Villalonga, Nidhal Marzouk

+ Dropkick Murphys
Directrice artistique : Vanessa Girth (vanessa.rhmag@gmail.com)
Publicité « musique » : Vanessa Girth / e-mail : vanessa.rhmag@gmail.com

+ Therion
Courrier : redaction@rockhard.fr
Rock Hard est une publication de : GRANDS MALADES EDITIONS SARL de presse au capital de 320

P.80 KRONIKS CDs

Euros (Ça en fait du pèze, ça !) RCS : Paris B 435 205 364 (2001B05771) - SIRET : 435 205 364 00019

P.90 ABONNEMENT CDS

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Privezac - Tél.: 05 65 81 54 86 - mail : contact@bopress.fr

& DVDS
Commande anciens numéros (anciensnumeros@rockhard.fr) : Rock Hard 39, rue Santos Dumont
- 75015 Paris - Distribution : NMPP - Imprimé : Imprimerie Aubin - Dépôt légal : à parution

P.101 MUSÉE DE CIRE

Commission paritaire : 0921 K 81345 - N° ISSN : 1630 - 8204

P.102 AGENDA :
Ce numéro contient un CD qui ne peut être vendu.
La rédaction n’est pas responsable des textes, illustrations, dessins et photos publiés qui engagent la seule responsabilité de leurs
auteurs. Les documents reçus ne sont pas rendus et leur envoi implique l’accord de l’auteur pour leur libre publication. Les indications

Calendrier des concerts

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P.104 ANCIENS NUMÉROS

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CONCERTS
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www.trouverlapresse.com qui vous indiquera l’adresse des revendeurs les plus proches.
 Sur chaque sampler figure un morceau extrait de la démo d’un groupe francophone non signé.
Espérons que ce petit « coup de pouce » attire l’attention des labels et autres maisons de disques
et débouche sur des signatures. Jeunes combos, n’hésitez donc pas à nous envoyer vos démos
(CDs uniquement) agrémentées d’une bio complète et d’une photo à l’adresse suivante :
Rock Hard/Strass - Démos Sampler - 60, rue Brancion - 75015 Paris. Bonne chance !
1 - KAMELOT
« RavenLight »
The Shadow Theory, le douzième album studio de
Kamelot, explore rien moins que la part d’ombre de
l’être humain. Lauren Hart (Once Humain) ou encore
Jennifer Haben (Beyond The Black) sont invitées sur le
dernier opus du combo power metal sur lequel jouera
2 - TRUST
son batteur de plus de vingt ans, Casey Grillo.
« Ni Dieu Ni Maître »
Une décennie après 13 A Table (2008), Trust remet
(enfin) le couvert. Dans Le Même Sang, nouvel album
des Frenchies qui a été mixé par la légende Mike Fraser
(AC/DC, Metallica, etc.), fait suite à une tournée
hexagonale taille « XXL » qui a notamment vu nos
3 - THE DEAD DAISIES
compatriotes jouer au Hellfest. Sortie le 30/03.
« Rise Up »
Armé de Burn It Down (sortie le 06/04), The Dead
Daisies fera bientôt monter la température au Trabendo
(Cf. Agenda). Comptez sur John Corabi (ex-Mötley
Crüe), Doug Aldrich (ex-Whitesnake) ou encore Deen
Castronovo (ex-Journey), le nouveau batteur du combo,
4 - RIOT V
pour livrer un show chaud, chaud, chaud !
« Victory »
« What the phoque ?! » Rien ne vaudra jamais l’artwork
improbable de Narita (1979), mais la pochette illustrant
Armor Of Light, nouvel album de Riot V, vaut quand
même son pesant de cacahuètes ! Le bassiste Don Van
Stavern est une nouvelle fois l’artisan principal de cet
5 - NO ONE IS INNOCENT
opus attendu le 27/04 dans les bacs.
« Ali (King Of The Ring) »
Ce morceau-hommage au boxeur Mohamed Ali allie
vraiment le fond et la forme. Sur Frankenstein (sortie le
30/03), leur septième album studio, les Parisiens de No
One Is Innocent musclent leur jeu, montrent les dents
et enchaînent les uppercuts dans les mâchoires
6 - AYREON
d’auditeurs 100% consentants. Bim !
« Everybody Dies » (Live)
Ayreon étant (trop) rare sur scène, le maestro Arjen
Lucassen a bien raison d’immortaliser ses concerts de
2017 sur Ayreon Universe - The Best Of Ayreon Live,
CD/DVD/Blu-ray réunissant pas moins de 16 vocalistes
dont Floor Jansen (Nightwish) ou encore Hansi Kürsch
7 - LOFOFORA
(Blind Guardian). Sortie le 30/03.
« Les Boîtes »
Un peu à la manière des esthètes helvètes des Young
Gods, Lofofora se lance dans une parenthèse unplugged,
calme le jeu et se met à nu sur le bien-nommé Simple
Appareil, un album entièrement acoustique attendu le
06/04. Précisons qu’il ne comporte que de nouvelles
8 - VISIGOTH
chansons composées à cette occasion.
« Steel And Silver » (Edit)
Fans des récents albums de Grand Magus, vous
pourriez craquer sur Conqueror’s Oath de Visigoth, une
formation heavy américaine qui fait parler d’elle outre-
Rhin. Ecouter « Steel And Silver » ne serait-ce qu’une
fois vous verra fredonner son refrain en boucle au moins
jusqu’au surlendemain.
6
9 - SATAN JOKERS
« Fetish X »
Symphönïk Kömmandöh : söus ce tïtre-hömmage à Magma
se cachent pas moins de 16 extraïts puïsés dans la fécönde
dïscögraphïe de Satan Jökers, maïs retravaillés en
compagnie de l’Örchestre Symphönïque Phöcéen. Vöïcï le
mörceau-tïtre de Fetish X, album publïé par Renaud
10 THE SWORD
Hantson et ses amïs en 2009.
« Deadly Nightshade »
Used Future, le sixième opus des Texans de The Sword,
débarquera dès le 23/03 dans les bacs, et ceux qui ont
apprécié la direction plus « ZZ Top-ienne » empruntée par
le gang d’Austin feraient bien de se mettre dans les
starting-blocks. D’où nous nous trouvons, un « épée »
11 - AXEL RUDI PELL
nuage de fumée est déjà en vue...
« The Wild And The Young »
En allemand, « régularité » se dit « Axel Rudi Pell ». Knights
Call (sortie le 23/03) est le 17ème album studio d’une carrière
« solo » qui fêtera ses trente ans l’an prochain et qui, sur
scène, rameute encore et toujours les foules, de l’autre
côté du Rhin. Autant de Teutons doivent forcément avoir
12 - PRIMORDIAL
raison, non ?
« Stolen Years » (Edit)
Ainsi qu’en convient le frontman Alan « Nemtheanga »
Averill, ce premier extrait de Exile Amongst The Ruins
pourra décontenancer ceux qui aiment Primordial quand il
est plus épique. « Stolen Years » est l’une des surprises
contenues dans le nouvel opus du groupe black/celtique.
13 - THE GOLDEN GRASS
Sortie le 30/03.
« The Spell »
Si les Anglais sont les rois incontestés du gazon, c’est des
USA (Brooklyn, précisément) que nous vient The Golden
Grass, un trio « heavy-country-funk-boogie » biberonné au
son du Allman Brothers Band ou encore de Grand Funk
Railroad. Absolutely verra le jour le 30/03. « Psyché-délice »
14 - MEMORIAM
en vue !
« Bleed The Same » (Edit)
Memoriam ne se tourne pas les pouces. Un an pile après
For The Fallen (2017) sortira The Silent Vigil, un album dont
les textes ont été en partie inspirés à Karl Willets (ex-Bolt
Thrower) par la montée de la xénophobie. C’est le thème
de ce premier extrait intitulé « Bleed The Same ». Sortie le
DECOUVERTE DU MOIS : 15 - DEVOID
23/03.
« The Clock Is Ticking »
Le Brestois Shad Mae (Shadyon) a beau réunir Mattias « IA » Eklundh (Freak
Kitchen) ou encore Henrik Danhage (Evergrey) sur Cup Of Tears, ce premier
album de Devoid n’est pas, ainsi que le disait Charlélie Arnaud dans le RH182,
un disque de « guitariste pour guitaristes ». Soilwork, Dream Theater,
Megadeth, Dokken et bien d’autres groupes venus des sphères AOR/FM sont
autant d’influences brassées tout au long de cette pépite heavy/progressive.
Extrait de l’album Cup Of Tears
Web : facebook.com/shadmaedevoid
Mail : devoidmusic1@gmail.com
éro de
Le prochain num avril 2018
du 8
ue aux alentours
sera en kiosq
 Propos recueillis : Morgan Rivalin
Entretien téléphonique réalisé le 20 février 2018
Chaque mois, un musicien évoque
les dix albums qui ont changé sa
vie, ses « Dix Commandements ».
A l’occasion de la sortie, le 30 mars,
du CD/DVD/Blu-ray Ayreon Universe
- The Best Of Ayreon Live, nous
avons passé un coup de fil au maestro
Arjen Lucassen.
1. THE BEATLES – Magical
Mystery Tour (1967)
Un album sous-estimé, sans doute
parce que le film du même nom
était à chier ! Mais ce disque
renferme tous mes morceaux
préférés. Les débuts pop du
groupe à la « I Want To Hold Your
Hand » ne me bottent pas du tout, mais j’adore
la période psychédélique des Beatles, quand ils
ont arrêté de donner des concerts et commencé
à expérimenter en studio. « Strawberry Fields
Forever », « I Am The Walrus », etc. : tous ces
morceaux intemporels, éclectiques et aventureux
sont regroupés sur ce disque.
2. PINK FLOYD – Wish You
Were Here (1975)
Je le préfère à Dark Side Of The
Moon (1973). A part le solo de
saxo sur « Shine On You Crazy
Diamond » (et encore !), Wish You
Were Here réalise un parcours
sans-faute. C’est un disque
« calme », mais intéressant du début à la fin.
C’est mon rêve d’en composer un, mais je n’y
parviens pas : il faut toujours que je colle tout
un tas de plans extravagants et épiques !
(rires) Pourtant, les quatre notes qui lancent
« Shine On You Crazy Diamond » sont bien plus
parlantes que n’importe quelle avalanche de
notes.
3. LED ZEPPELIN – Led Zeppelin III (1970)
Le troisième groupe de ma Sainte
Trinité ! Comme les Beatles et
Pink Floyd, Led Zeppelin était une
formation aventureuse et éclec-
tique : il était à la fois rock, folk,
blues, acoustique, etc. Voilà tout
ce que j’aime chez Led Zeppelin,
bien plus que sa facette purement
rock’n’roll. Je choisis III pour « Immigrant
Song » ou encore « Since I’ve Been Loving
You », mais aussi parce qu’on y entend pas mal
de mandoline. C’est mon péché mignon !
4. RAINBOW – Rising (1976)
Le meilleur album de rock
jamais enregistré, avec l’incroya-
ble « Stargazer », la meilleure
chanson de tous les temps ! C’est
une autre Sainte Trinité à lui
seul puisqu’on y trouve Ritchie
Blackmore à la guitare, Ronnie
James Dio au chant et Cozy Powell à la batterie.
Rising, c’est un mélange unique de groove et
de puissance, un album aventureux, épique et
bourré de mélodies qui, pour moi, prouve que
Rainbow était encore meilleur que Deep
Purple. Incontournable !
5. ALICE COOPER – Love It To Death
(1971)
Mon héros de jeunesse ! Pour moi, tout a vraiment
8
commencé avec Alice Cooper. Le mot
« aventureux » revient tout le temps
dans ma bouche, mais c’est encore une
fois l’adjectif qui va bien à Alice
Cooper, sa théâtralité et son côté
imprévisible. Avec son côté acoustique
et ses cris possédés, « Ballad Of
Dwight Fry » est sans doute mon titre
préféré de Love It To Death.
6. QUEEN – Queen II (1974)
Un album... aventureux ! (rires) Les
quatre premiers albums de Queen sont
géniaux. Ici, j’aime particulièrement
« The March Of The Black Queen ». A
l’époque, Queen était « mon » groupe.
J’avais découvert ces quatre musiciens
extraordinaires, au même titre que
ceux des Beatles, de Pink Floyd et de Led Zeppelin.
C’est un incroyable alignement d’étoiles, comme dans
chaque formation mythique.
7. RUSH – Permanent Waves (1980)
Plus jeune, j’aurais choisi le conceptuel
– et aventureux !!! – 2112 (1976), ou
encore Hemispheres (1978), mais je
leur préfère encore Permanent Waves.
J’adore le chant aigu et le jeu de basse
de Geddy Lee, mais je suis particuliè-
rement friand des textes de Neil Peart
(batterie). Il s’agit sans doute de mon parolier préféré.
8. BLACK SABBATH – Heaven And
Hell (1980)
Master Of Reality (1971) m’a donné le
virus du metal, mais quand Dio a
rejoint Black Sabbath, j’ai carrément
pété un plomb ! (rires) Mes héros Dio et
Iommi, dont j’adorais les riffs de guitare
massifs, enfin réunis ! Je ne dirais pas
que c’est un album aventureux – héhé ! – mais Heaven
And Hell n’a pas de point faible.
9. RAMMSTEIN – Reise, Reise
(2004)
Quand Rammstein a explosé, mes
amis m’en parlaient tout le temps.
Moi, j’avais décidé que ce n’était pas
pour moi... Jusqu’au jour où un copain
a mis le groupe à fond dans ma voiture
et que la production m’a mis sur le cul.
J’aurais également pu choisir Mutter (2001) car ces
deux disques sont parfaits d’un point de vue sonore.
C’est l’excellence et l’efficacité que j’aimerais atteindre,
mais je remplis trop l’espace avec tous mes synthéti-
seurs ! Rammstein est un groupe qui écrit de bonnes
chansons, bourrées de bonnes mélodies cachées dans
son mur de son. Sur Reise, Reise, j’adore notamment
celle de « Dalai Lama ».
10. DEVIN TOWNSEND – Terria
(2001)
Aïe ! J’aurais également aimé citer
des disques de Hawkwind, Lynyrd
Skynyrd, Kansas, Blue Öyster Cult,
Uriah Heep, etc. Mais bon, histoire de
ne pas passer pour un vieux schnock,
je choisis un disque plus récent, de
Devin Townsend. Terria est un album... aventureux !
Hé oui. Il est imprévisible : atmosphérique, mélodique,
bombastique, etc. C’est tout ce que j’aime. Devin
expérimente beaucoup et ne sonne comme personne
d’autre. C’est un grand musicien, mais qui ne se prend
pas au sérieux. Une grande qualité ! Y
 Ponctuellement, nous revenons sur un
album « décrié », un peu à part dans la
discographie d’un groupe. Un « mal aimé »,
en quelque sorte. Par certains critiques,
certains fans, et, parfois, par ses
géniteurs eux-mêmes. Un album qui,
pourtant, vaut le détour et mérite
qu’on le réhabilite sans plus attendre.
L’autopsie d’un « échec » qui n’en est
pas vraiment un, l’idée étant de faire
parler les musiciens « à froid »,
plusieurs années après la sortie de ce
disque, afin de mieux comprendre ce
qui, à l’époque, n’a pas collé. Pourquoi
les étoiles n’étaient pas alignées. Ce
mois-ci, Philippe Lageat revient sur le
Flick Of The Switch d’AC/DC paru en
1983.
Si certains albums sont nés sous une bonne étoile,
ce n’est pas le cas de Flick Of The Switch qui
déboule dans les bacs en plein été, le 15 août
1983. Il faut dire que ses trois prédécesseurs
ont placé la barre très haut : Highway To Hell
(1979) a permis à AC/DC d’accéder à la
première division du rock. Back In Black (1980) a
vu le groupe surmonter le décès de Bon Scott
et son remplacement par Brian Johnson en
devenant le chouchou incontesté des teenagers
(aujourd’hui encore, 50 millions d’exemplaires
plus tard, il s’agit du deuxième album le plus
vendu dans le monde !). Quant à For Those
About To Rock (1981), en dépit de certaines
critiques qui ont commencé à s’élever, il s’est
hissé à la première place des charts US (une
performance qu’AC/DC ne rééditera qu’avec
Black Ice, 27 ans plus tard !). Faire mieux ou
aussi bien que cette triplette magique s’avère
donc Mission:Impossible. AC/DC, Malcolm
Young en tête, le sait pertinemment et, pour
conjurer l’immense pression qu’il subit, décide
d’aller à contre-courant de ce que le label
Atlantic espère de lui : contre toute attente,
le producteur Mutt Lange, qui a poli le son du
groupe depuis 1979 (et jugé comme en partie
responsable du monumental succès des trois
précédents albums), n’est pas convoqué, Angus
et Malcolm décidant, pour la première fois, de se
produire eux-mêmes. Il faut dire qu’en 1981,
l’enregistrement de For Those About To Rock a duré
une éternité. Pour autant, cette décision de se séparer
du perfectionniste Lange est radicale et souvent
incomprise.
Malcolm Young : Je veux que nous enregistrions très
rapidement, probablement en réaction à ce qui s’est
passé pour For Those About To Rock, car j’en ai assez
de toutes ces conneries et je me refuse à l’idée de
passer encore une éternité en studio.
Angus Young : Nous voulons que le nouvel album soit
aussi cru que possible, avec un son de guitare gros,
mais naturel. Pas question d’échos et de réverb’ dans
tous les coins, ni d’extracteurs de bruit.
Brian Johnson : J’ignore pourquoi les Boys ne veulent
pas retravailler avec Mutt. La lenteur des choses en
1981 est peut-être un début d’explication. (…)
J’ignore si c’est le fruit d’une décision bilatérale entre
Angus et Malcolm, mais je crois que ces derniers
veulent essayer de s’autoproduire. Tout musicien a un
jour ce genre d’envie, ce qui est bien naturel.
Ian Jeffery (manager) : Malcolm et Angus souhaitent
10
faire appel à Tony Platt (Ndlr : assistant de Mutt Lange
qui a bossé sur les albums Highway To Hell et Back
In Black) en tant que simple ingénieur du son. (…)
Ce qu’ils oublient, c’est que Mutt est un producteur
fantastique qui, dès qu’il a commencé à travailler sur
Highway To Hell, leur a apporté une bouffée d’air frais
et leur a permis de percer en radio. Ce choix plus que
discutable inquiète – c’est peu de le dire – la maison
de disques qui ne cesse de me dire que ce prochain
album est une étape délicate qu’il faut bien négocier.
AC/DC s’enferme donc aux Compass Point Studios
de Nassau (Bahamas), là où, trois ans plus tôt, il a
enregistré Back In Black. Les consignes de Malcolm
sont très claires, ainsi que l’admet Tony Platt :
« L’idée est vraiment de revenir aux racines (…)
Vous connaissez le « Mannish Boy » de Muddy Waters
produit par Johnny Winter ? (Ndlr : sur l’album Hard
Again de 1977) Là où on les entend tous crier dans le
fond ? C’est ce feeling, cette sensation d’être au
milieu de la pièce dans laquelle le groupe joue, que
Malcolm veut tenter de capturer ». « Authenticité » est
le maître mot qui guide les sessions d’enregistrement.
Des sessions qui, contrairement à ce qui s’est passé à
Paris en 1981, ne traînent pas en longueur et vont
droit au but… au grand étonnement de certains
« cadres » de l’équipe technique.
Ian Jeffery (manager) : Le groupe est depuis une
semaine sur place que, déjà, je reçois un coup de fil de
Malcolm me demandant de venir : « Nous avons
presque fini l’album ! ». Je suis à deux doigts de
tomber de ma chaise (…) Il m’apprend que toutes les
bases des chansons, les structures, sont déjà en boîte,
et qu’il ne reste plus qu’à y ajouter les pistes de chant.
(…) J’écoute tous les titres, les uns après les autres.
Et je n’en pense pas grand-chose. (…) Il est vrai que
les chansons, à ce stade, n’ont qu’une ligne de chant
« guide », mais ce que je découvre ne me plaît pas. (…)
Tony Platt, lui aussi, n’est pas franchement convaincu.
Il m’apprend que les lignes de chant et le mixage vont
être supervisés à New York par George Young et
Harry Vanda. Ce qui, pour moi, est un pas en arrière.
Mais Malcolm et Angus ont toujours ce sentiment
qu’on les a forcés à travailler avec Mutt en 1979. Or,
pour eux, la famille prime toujours.
Le renvoi de Phil Rudd, le batteur « historique », après
qu’il ait enregistré ses parties (et qu’il en soit venu aux
mains avec Malcolm !) n’envoie pas lui non plus, de
bonnes vibrations à l’entourage du groupe et aux
fans. De même que la pochette de l’album, dessinée
par Angus, souvent jugée trop sobre alors qu’elle
illustre pourtant au mieux cette envie de retour à un
rock’n’roll dépouillé et authentique. Flick Of The
Switch, lorsqu’il paraît, est massacré par la presse
hexagonale, et s’il devient rapidement Disque d’Or en
France, est honni par une frange non négligeable du
public hard qui célèbre de nouveaux héros comme
Iron Maiden et Metallica. Bien des années plus tard,
Malcolm Young ira même jusqu’à reconnaître que le
groupe est peut-être allé un peu vite en besogne et
que cet album est loin d’être son préféré. Connaissant
le regretté guitariste, on peut toutefois douter de
cette inhabituelle confession. Car, à y regarder de
plus près, Flick Of The Switch est un bon disque qui,
hélas, a souffert – on l’a dit – d’une succession de
malentendus : absence de Lange, départ de Rudd,
choix de s’autoproduire, pochette dépouillée, etc.
Son manque de reconnaissance est également à
mettre sur le compte d’un For Those About To Rock
qui s’est certes vendu par palettes, mais dont
la production ampoulée (certains diront
boursouflée) a fait fuir certains fans de la
première heure. C’est dommage car si Flick Of
The Switch a pu décontenancer et rebuter à
cause de certains de ses titres pesants comme
de mauvais cassoulets (« Nervous Shakedown »
– quel mauvais choix de premier single ! –,
« Deep In The Hole », « Badlands »), il renferme
des morceaux heavy mais inspirés (« Rising
Power » qui fait un peu écho au « I Love It
Loud » de Kiss, le mid tempo « This House Is On
Fire »), des chansons plus enlevées tout à fait
convaincantes (« Flick Of The Switch » et son
superbe solo, « Bedlam In Belgium », « Guns
For Hire » qui, curieusement, est en face B
quand il aurait dû ouvrir le disque comme il
ouvrira les shows de la tournée) et de vraies
fusées comme AC/DC n’en fera quasiment plus
décoller par la suite (« Landslide », « Brain
Shake »). Et si l’on a souvent critiqué le choix
des frères Young de s’autoproduire, il faut
aujourd’hui se rendre à l’évidence : moins léché,
mais plus authentique que celui de Lange,
le son n’a finalement pas pris une ride
(contrairement à celui de Fly On The Wall qui
sortira deux ans plus tard) et répond
parfaitement aux attentes du clan AC/DC qui
souhaitait alors remiser les effets et les dorures au
placard pour boire de nouveau à la source mère du
blues et du rock. Les clips de ces morceaux, filmés
dans un simple hangar alors que le groupe répètait en
vue de sa tournée mondiale (Angus ne portant même
pas son blazer « signature »), furent eux aussi la
parfaite illustration de cette envie de simplicité. Reste
que, 35 ans plus tard, pour peu qu’on ait envie de lui
(re)donner une chance et qu’on soit de bonne foi, ce
Flick Of The Switch demeure un plaisir coupable dont
peu de groupes sont capables. Réhabilitez-le ! Y
Track-listing de l’album original :
1/ Rising Power - 2/ This House Is On Fire - 3/ Flick Of
The Switch - 4/ Nervous Shakedown - 5/ Landslide - 6/
Guns For Hire - 7/ Deep In The Hole - 8/ Bedlam In
Belgium - 9/ Badlands - 10/ Brain Shake
Producteur :
Angus & Malcolm Young
Line-up d’époque :
Brian Johnson (chant) – Angus Young (guitare) – Malcolm
Young (guitare) – Cliff Williams (basse) – Phil Rudd (batterie)
 Le Monde… du Metal
LE CHIFFRE
17ème ANNÉE - N°185
4325
C’est promis : ça bouge enfin du
côté de Tool qui doit débuter
l’enregistrement de son nouvel
album courant mars. Récemment
de passage dans le local du groupe
californien, l’ex-Skid Row Sebastian
Bach a décrit les nouvelles compos
du combo comme le « metal pro-
gressif le plus atmosphérique » et
le chanteur Maynard James Keenan
a déclaré arriver au bout de sa
copie. L’attente est longue pour
les fans qui, au 1er mars dernier,
guettaient déjà le successeur de
10’000 Days (2006) depuis… 4325
jours. Allez, plus que 5675 et le
compte sera bon !
LA PHRASE DU MOIS
• « Je ne prends pas ma
retraite ! Je donnerai toujours
des concerts. C’est juste que je
ne partirai plus en tournée
pendant six mois d’affilée ».
(Ozzy Osbourne interviewé
par Rolling Stone au sujet de
sa « tournée d’adieux » No
More Tours 2, en référence au
No More Tours Tour qui avait
vu le chanteur faire ses adieux
aux tournées… en 1992 !)
DR
NOUVELLES DU FRONT
Queen Of Time est le
titre du treizième album
d’Amorphis qui sortira le 18
mai. Il a été produit par Jens
Bogren (Opeth, Paradise
Lost). Les fans du groupe
finlandais y retrouveront
son bassiste originel, Olli-
Pekka Laine, parti en 2000 et revenu l’an
dernier. Anneke van Giersbergen (ex-The
Gathering, Vuur) devrait apparaître sur un
titre. 6 Zeno Roth est décédé le 05 février à
12
GLENN TIPTON LE BOUT DE LA ROUTE
100% INDÉPENDANT
Le 12 février 2017, un mois à peine avant la sortie de
l’excellent Firepower, le nouvel album de Judas Priest,
nous apprenions, par le biais de son management, que
Glenn Tipton, guitariste de la première heure et à ce jour
unique musicien avec le bassiste Ian Hill à apparaître sur
tous les albums du Priest, n’allait pas – ou quasiment –
participer à la prochaine tournée du groupe anglais. Voici
ce qu’en disait le communiqué officiel : « Il y a dix ans,
l’âge de 61 ans. Selon son frère aîné, Uli Jon
Roth (ex-Scorpions), le musicien était malade
depuis plusieurs années. Le guitariste féru de
blues et de musique néoclassique a publié
cinq albums entre 1986 et 2006 et s’adonnait
également à la poésie. R.I.P. 6 Après cinq
albums, Truckfighters a décidé de faire une
« longue, longue pause ».
La formation suédoise dit
qu’elle reviendra « plus forte,
ou... pas du tout ! ». 6 Black
Stone Cherry publiera
Family Tree le 20 avril, un
album que le groupe améri-
cain a enregistré lui-même.
PHOTOS : M.VILLALONGA
il a été diagnostiqué que Glenn avait
développé les premiers symptômes de la
maladie de Parkinson. Jusqu’à récemment,
Glenn a réussi à mener la vie de grand
guitariste du heavy metal qu’il n’a jamais
cessé d’être, en maintenant, selon ses
propres critères, ce standard de qualité et
de performance qui lui est si cher. A présent,
Glenn est capable jouer les titres les moins
compliqués de notre répertoire, mais du
fait de la progression de sa maladie, il veut
que vous sachiez qu’il ne partira plus en
tournée. Fidèle à l’esprit metal qui veut que
« le show se doit de continuer », Glenn a
demandé à Andy Sneap (Ndlr : coproducteur
de Firepower) de porter le flambeau pour
lui sur scène. Glenn : « Je veux que tout le
monde sache qu’il est vital que la tournée
de Judas Priest ait lieu comme prévu et
que je ne quitte pas le groupe : mon rôle a
simplement changé. Je n’exclus pas la
possibilité de monter sur scène quand je me
sentirai prêt à balancer quelques titres !
Alors, dans un futur proche, j’ai hâte de
tous vous revoir, magnifiques metal
DR
maniacs ! » Rob (Halford), Richie
(Faulkner), Ian (Hill) et Scott (Travis)
ajoutent : « Nous avons eu le privilège
d’observer la détermination et la volonté
inébranlables de Glenn à travers les
années, démontrant sa passion et sa
conviction durant les sessions d’écriture et
d’enregistrement avec Priest - c’est un
véritable héros du metal ! Nous ne sommes
pas surpris du fait qu’il insiste pour que
nous partions en tournée et remercions
Andy de se joindre à nous afin que les
souhaits de Glenn deviennent une réalité.
Comme Glenn l’a dit, il nous tarde également
qu’il vienne nous rejoindre à l’occasion, où
que ce soit, sur la route. Nous t’aimons
Glenn ! » Une bien triste nouvelle, assuré-
ment... Autant dire que voir Judas Priest sans ses deux
guitaristes originaux (rappelons que KK Downing a quitté
le groupe début 2011, remplacé par le flamboyant Richie
Faulkner) va s’avérer une expérience étonnante…
Néanmoins, rendez-vous au Hellfest en juin prochain
pour assister à un show qui promet d’être aussi explosif
qu’historique et émotionnel. En attendant, Glenn Tipton,
valeureux soldat du metal, nous te saluons !
Warren Haynes (Allman Brothers Band, Gov’t duit par Dave Sardy (ZZ Top,
Mule) y fait une apparition. 6 Ihsahn (Emperor) Incubus). 6 Sixx:A.M. étant
publiera Ámr le 04 mai prochain. On y trou- en pause, le chanteur James
vera notamment le guitariste Michael et le guitariste DJ
Fredrik Akesson (Opeth). 6 Ashba (ex-Guns N’Roses) ont
Le 13 avril Behemoth sortira annoncé la naissance d’un
un CD/DVD/Blu-ray live inti- nouveau projet nommé
tulé Messe Noire et articulé Pyromantic. 6 Atheist rejoint
autour de deux concerts de le label polonais Agonia
2016 : celui donné au festival Records. Le successeur de
Brutal Assault et un show Jupiter (2010) devrait y voir
livré à Varsovie durant lequel The Satanist le jour avant la fin de l’année.
(2014) a été joué dans son intégralité. 6 Le 6 La version remixée et
nouveau A Perfect Circle, qui se nomme Eat remasterisée de Believe In
The Elephant, sortira le 20 avril. Il a été pro- Nothing (2001) de Paradise Lost évoquée
MR. BIG ADIEU, MISTER TORPEY
DISPARITION

Pat Torpey s’est éteint le 07

février à l’âge de 64 ans. Le
batteur et membre fondateur de
Mr. Big avait révélé, en 2014,
être atteint de la maladie de
Parkinson, une maladie neurodé-
générative qui a engendré des
complications à l’origine de son
décès. Grandement affaibli, Pat
Torpey avait toutefois joué sur
quelques titres de Defying
Gravity (2017) et supervisé
l’enregistrement des parties inter-
prétées par son remplaçant, un
Matt Starr qu’il a également
secondé aux percussions et aux
chœurs sur certains concerts de
Mr. Big l’an dernier. Le batteur
qui est tombé amoureux de cet
instrument à l’âge de 7 ans et qui,
DR

au cours de sa carrière débutée au

début des années 80, a joué avec The Knack, Robert Plant, Impellitteri, Ted
Nugent ou encore aux cotés de David Lee Roth, était également un chanteur
accompli doté d’une grande tessiture qui rendait souvent hommage aux
Beatles lors de ses soli de batterie. « Il est l’homme le plus résistant que je
connaisse. C’est une si forte personnalité (…) Si Pat tire sa révérence,
personnellement, j’en ferai tout autant », confiait Eric Martin, le frontman de

DEVIN TOWNSEND NOUVELLE ERE !

Mr. Big, à Total Rock, le 19 novembre dernier. R.I.P., Pat Torpey.

SURPRISE

Au fil du temps, nous avons appris à

ne plus jurer de rien avec Devin
Townsend. Ce dernier, pourtant, a
encore réussi à surprendre son
monde le 31 janvier dernier. Après
huit années passées à diriger le
Devin Townsend Project, le Canadien
a en effet décidé de mettre ce projet
entre parenthèses, si tant est qu’il y
revienne un jour, afin d’assouvir
d’autres envies. Dans ce même
communiqué, il évoquait déjà quatre
(!) nouveaux albums, sans toutefois
en dire plus : « La musique étant
étroitement liée à mon développement
personnel, je me sens dans l’obligation
de suivre cette muse, où qu’elle me
mène. Ne pas le faire serait en
opposition directe avec ce que j’ai
fondamentalement fait durant toutes
ces années ». Le chanteur/guitariste
a également précisé qu’il mixait actuellement le DVD/Blu-ray qui retracera
le concert exceptionnel donné le 22 septembre 2017 dans l’amphithéâtre
romain de Plovdiv (Bulgarie). Ce set, en sus de douze titres choisis par les
fans et joués en compagnie d’un orchestre et d’un chœur, l’avait vu reprendre
l’extraordinaire album Biomech d’Ocean Machine (1997) dans son intégralité
et dans l’ordre. On en salive d’avance !

par le groupe dans la rubrique « Le ou encore Skunk Anansie. Sortie prévue

Purgatoire » du RH180 verra le jour à la fin
du mois de juin. 6 Gus G. (Firewind, ex-Ozzy
Osbourne) sortira son nouvel
album solo le 20 avril. On
retrouvera notamment, sur
ce Fearless, Dennis Ward
(Pink Cream 69, Unisonic)
et Will Hunt (Evanescence).
6 Floor Jansen (Nightwish)
et Jorn Viggo Lofstad
(Pagan’s Mind) unissent leurs talents au
sein de Northward, un groupe plutôt rock
produit par Jacob Hansen (Volbeat) que le
duo rapproche de Foo Fighters, Alter Bridge
cette année chez Nuclear Blast. 6 En parlant
du célèbre label metal allemand, voici un
tour d’horizon de sorties prévues au mois de
juin qui nous apportera des albums de The
Night Flight Orchestra, Madball, Soulfly et
Rise Of The Northstar (enregistré à New
York chez Joe Duplantier
de Gojira), mais aussi un
nouveau live d’Opeth.
Quant au mois de juillet, il
nous offrira de nouveaux
disques d’Epica, Metal
Allegiance (avec Mike
Portnoy, David Ellefson et
 LA PLAYLIST DES PROS
GLENN HUGHES
1. THE BEATLES – Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band
2. STEVIE WONDER – Music Of My Mind
3. SLY AND THE FAMILY STONE – There’s A Riot Goin’ On
ROCK HARD IL Y A 10 ANS...
Rage Against The Machine, récemment
(par Philippe Lageat)
connais pas ces mecs, mais… ». Bien plus
4. THE ROLLING STONES – Exile On Main St. reformé après sept années d’absence, ne jovial, Mark Osegueda, le chanteur de Death
5. MARVIN GAYE – What’s Going On donne pas encore d’interviews, ce qui ne Angel, se réjouit d’avoir pu jouer plus de
nous empêche pas de lui consacrer la une de temps que prévu au Graspop 2006, Guns
MARKO TERVONEN ce RH75, les places du concert qu’il donnera N’Roses ayant une fois de plus décidé de
(THE CROWN) à Bercy en juin 2008 s’étant arrachées. Voilà monter sur scène avec un inexcusable
1. MORBID ANGEL – Altars Of Madness
2. MORBID ANGEL – Blessed Are The Sick
donc l’occasion rêvée de retracer son parcours retard : « Merci Axl ! Tout le monde pense
3. MORBID ANGEL – Covenant militant en ressortant notamment des que t’es un connard fini, mais pas nous ! ».
4. PARADISE LOST – Lost Paradise cartons des phrases aux allures de cock- Tout aussi drôle – malgré lui – le jeune
5. PARADISE LOST – Gothic tails molotov, à prendre probablement au guitariste Gus G fait très fort dans la famille
premier degré : « Une excellente chanson « prends nous pour des billes » en nous
KEMAR doit donner envie de démolir des bagnoles jurant, droit dans les yeux : « Je veux donner
(NO ONE IS INNOCENT) de flics ! ». Les interviews présentes dans ce toute mon énergie à Firewind. Pourtant, j’ai
1. ELECTRIC WIZARD – Wizard Bloody Wizard numéro sont par ailleurs légion : Destinity, eu quelques belles propositions... Mais je ne
2. FU MANCHU – Clone Of The Universe
The Tangent, Cradle Of Filth, Rage, donnerai aucun nom ! ». Quelques mois
3. POGO CAR CRASH CONTROL – Déprime Hostile
4. BODY COUNT – Bloodlust
Moonspell, In Flames, Kingdom Of Sorrow, plus tard, le gaillard, pourtant, ne se fait pas
5. TAGADA JONES – La Peste Et Le Choléra Klone, Steve Lukather, Dylath-Leen, Andre prier pour rejoindre Ozzy Osbourne… Croix
Matos, Norther, Danko Jones, Septicflesh, de bois, croix de fer, si je mens, j’vais en
OEDS BEYDALS etc. Le 14 février 2008, à l’Underground enfer !
(DEATH ALLEY) de Cologne (Allemagne), nous assistons à
1. MAGMA - Üdü Wüdü l’un des premiers concerts européens Top Albums de la Rédaction RH75 :
2. ALICE COOPER – Killer d’Airbourne et tombons sous le charme des • DYLATH-LEEN – Semelon (B. Bages)
3. MOTORPSYCHO – The Tower
dynamos australiennes. « Au point, écrit-on, • E-FORCE – Modified Poison (Benji)
4. HENRIK PALM – Many Days
5. DIRTY FENCES – Goodbye Love
que tout cul-de-jatte devrait se payer un plus tolérante est à mettre à l’actif d’un Max • FIREWIND – The Premonition
concert du groupe plutôt qu’un voyage à Cavalera qu’on croyait plus ouvert d’esprit : (M. Rivalin)
KARL WILLETTS (MEMORIAM) Lourdes ! ». Pendant ce temps-là, dans sa « J’ai récemment vu Killswitch Engage en • MESHUGGAH – obZen (P. Lageat)
1. SACRILEGE – Behind The Realms Of Madness cave, à l’abri de la chaleur et de la lumière, concert et je me suis dit : « Je ne fais pas • PROTEST THE HERO – Fortress
2. SLAYER – Show No Mercy l’ami Bruno Bages se pignole en rédigeant partie de cette scène, c’est putain de gay ! » (S. Auzilleau)
3. CELTIC FROST – To Mega Therion une bonne moitié du volume 20 de notre (…) Je ne connais pas ces mecs, ils sont • SEPTICFLESH – Communion
4. ANTISECT – In Darkness There Is No Choice Metalthèque Idéale consacré à ce doom qu’il sur le même label que moi, mais j’ai trouvé (I. Le Maguet)
5. AXEGRINDER – The Rise Of The Serpent Men affectionne tant. C’est devenu une tradition, ça très décevant et gay ». Mesdames et • ZIMMERS HOLE – When You Were

LES INSOLITES DU WEB

les « phrases du mois » ne manquent pas. La Messieurs les jurés apprécieront le « je ne Shouting… (L. Reymond)
RAFAEL BITTENCOURT
(ANGRA)
1. RUSH – Caress Of Steel
2. SEAL – Human Being
INTERNET
3. SANDRO HAICK & MICHAEL PIPOQUINHA – Nosso
Mundo
4. PROJECT46 – Tr3s Envoyez-nous vos liens à l’adresse insolites@rockhard.fr !
5. PINK FLOYD – The Final Cut
• En plus d’être un batteur très doué (écoutez « Addicted To That Rush »,
HAYLEY CRAMER (POP EVIL) « Temperamental » ou encore « Take Cover » !), Pat Torpey empoignait souvent
1. LOWER THAN ATLANTIS – Safe In Sound
2. ROYAL BLOOD – How Did We Get So Dark ? le micro, comme à la fin de cette reprise ultra fun de « Smoke On The Water »
3. GIRAFFE TONGUE ORCHESTRA – Broken Lines voyant les musiciens de Mr. Big échanger leurs instruments
4. SIA – This Is Acting
5. DEFTONES – Diamond Eyes
en 2011, au Bataclan. http://bit.ly/mrbig-smoke
• Difficile de digérer l’annonce de la retraite de Slayer
RICH MOSS (STONE BROKEN) qui se lancera bientôt dans une dernière tournée... A cette
1. BLACK COUNTRY COMMUNION – BCCIV
2. BLACK STONE CHERRY – Magic Mountain
occasion, un docu en plusieurs parties retrace la carrière
3. NICKELBACK – Feed The Machine du combo thrash légendaire, mais un absent de taille n’a pas été interviewé… (Indices :
4. HALESTORM – The Strange Case Of... prénom « Dave » et nom « Lombardo ») http://bit.ly/slayer-pt1
5. SHINEDOWN – Threat To Survival
• Metaphump, un groupe qui, sur YouTube, a notamment
THOMAS YOUNGBLOOD repris le « Killing In The Name » de RATM ou encore
(KAMELOT) « Master Of Puppets » (Metallica) à la sauce funk, s’est
1. MUSE – Drones également attelé à cette relecture « jazz groove » éminemment personnelle du
2. RENE DUPERE – Cirque Du Soleil – La Nouba (B.O.)
3. SONATA ARCTICA – The Days Of Grays « Tornado Of Souls » de Megadeth. Une version qui force le respect !
4. ANGEL VIVALDI – Synapse http://bit.ly/megajazz
5. JUDAS PRIEST – Painkiller • « C’est vraiment comme ça qu’on organise
JONBOAT JONES (HOGJAW) une tournée US Def Leppard/Journey de 60
1. LYNYRD SKYNYRD – Pronounced Leh-Nerd-Skin-Nerd dates ? Ça a l’air vachement simple ! »
2. THE MARSHALL TUCKER BAND – Country Tucker Réponse : NON. Malheureusement, cette vidéo de promotion pour cette tour-
3. CLUTCH – From Beale Street To Oblivion
4. IRON MAIDEN – Piece Of Mind
née estivale ne répond pas à LA question vitale : comment
5. METALLICA – Master Of Puppets Joe Elliott entretient-il sa chevelure impeccable ?
http://bit.ly/defjourney
RENAUD HANTSON • Notre camarade Benji, qui ne ménage pas ses efforts
(SATAN JOKERS)
1. RAINBOW – Rising quand il s’agit d’arpenter les quatre coins du web, a dégoté pour vous un site regroupant un
2. PETER GABRIEL – New Blood très grand nombre de pochettes de vinyles français publiés depuis 1978. Comme lui, vous allez
3. JOHNNY HALLYDAY – Best Of « maison »
4. KATE BUSH – The Dreaming
forcément y dénicher de jolies pépites pas piquées des vers !
5. GRAND FUNK RAILROAD – Live Album http://www.45toursderockfrancais.net/rockfrancais/famillehard.htm

Alex Skolnick) ou encore Immortal. A suivre !
6 Yossi Sassi, l’ancien guitariste/compositeur
d’Orphaned Land, et ses
camarades de The Oriental
Rock Orchestra publieront
Illusion Of Choice le 04
avril. 6 Après la tournée
hologramme de Dio qui, à
ce jour, n’est pas encore
passée par la France, celle
mettant en scène un hologramme de Frank
Zappa débutera à la fin de l’année. Ray
White, Mike Keneally, Scott Thunes, Robert
Martin ou encore Joe « Vaultmeister » Travers
feront partie du groupe qui, sur certaines
dates, sera rejoint par Steve Vai, Vinnie
Colaiuta ou encore Napoleon Murphy
Brock. Précisons que Dweezil Zappa (Zappa
Plays Zappa) n’est aucune-
ment impliqué dans ce projet
instigué par son frère et ses
sœurs. 6 A en croire son
frontman H.R., Bad Brains
enregistre actuellement Mind
Power, le successeur de Into
The Future (2012). Il s’agira
du dixième album du pionnier du hardcore
punk. 6 En mai 2017, Foreigner fêtait ses
40 ans de carrière en donnant deux concerts
à Lucerne (Suisse) en compagnie
du 21st Century Symphonic
Orchestra & Chorus, un
orchestre symphonique de 58
musiciens accompagné d’une
chorale de pas moins de 60
chanteurs. Ces shows seront
immortalisés sur le bien-
nommé Foreigner With The 21st Century
Symphony Orchestra & Chorus, un CD/DVD
/double vinyle live attendu le 27 avril dans les
bacs. 6 James Hetfield, le frontman de
Metallica, incarne un policier dans un long-
métrage actuellement en cours de tournage
dont le titre anglais est Extremely Wicked,
Shockingly Evil, And Vile.
Ce thriller réalisé par Joe
Berlinger, l’un des réalisa-
teurs du documentaire
Metallica : Some Kind Of
Monster (2004), est centré
sur l’histoire du tueur en
série Ted Bundy. 6

14
 L’OEIL DE VERRE
Dave Murray, Steve Harris, Blaze Bayley,
Nicko McBrain & Janick Gers (Iron
Maiden), Londres, le 31 août 1995.
Cette session a été réalisée lors de la soirée de
lancement de l’album The X Factor. Il y avait,
dans cette salle, une dizaine d’attractions faisant
référence aux chansons du disque. Les journalistes
pouvaient donc se faire photographier sur cette
chaise électrique, reproduction de celle figurant
au verso de l’album. C’est fou comme il est
plus facile d’obtenir des sessions lorsqu’un
groupe débute ou quand sa carrière est en perte
de vitesse. Ici, du fait de l’arrivée de Blaze
Bayley au chant, Iron Maiden avait besoin de
relancer la sienne et donc de faire plus de
promo, voire des sessions photos. Aujourd’hui,
pouvoir les réunir tous les six pour une session
est devenu quasi impossible car ils n’en ont
plus besoin. Ce qui est bien dommage…

Tous les mois, une photo « plein pot » extraite des archives de Marc Villalonga et commentée par le photographe himself…

Il y a quelques mois, un musicien français connu pour quelques projets antérieurs m'a fait parvenir
l'album autoproduit de son nouveau groupe. A plusieurs reprises, il a gentiment insisté pour que j'en parle
dans cette rubrique, ce que j'ai fini par faire de bonne grâce. Seulement voilà : comme je dis toujours ce
que je pense, quand bien même je connais la personne depuis des années, je suis resté honnête en parlant
d'un album « de tradition » avec une production « à l'ancienne ». Ça n'a pas dû plaire à Môssieur. Début
février, dans une conversation Facebook où il était question de Rock Hard, ledit musicien a cru bon de
« chroniquer » le magazine en ces termes dithyrambiques : « C'est des baltrinques, ils y connaissent
rien au metal ». Support The Underground… il vous le rendra au centuple !
ALTERED BEAST
Béziers
Groove metal
Avant toute chose et afin d’éviter quelque
méprise, nous ne parlons pas ici du Altered
Beast amiénois qui œuvre dans un tout
autre style, mais bien du Altered Beast
biterrois – ce qui devrait permettre un jeu
de mots sans trop de souci, mais ce n’est
pas le genre de la maison. Dès les
premières mesures de l’album Hybrid…, il
apparaît comme évident que nos amis du
Sud n’ont pas lésiné sur le budget
production : le tandem basse/batterie
sonne véritablement très gros et les
THE WITCH
Douai
Metal/hardcore extrême progressif
En 2013, l’EP Black Flower Field de
The Witch nous avait méchamment
interpellés. Le quartette du Nord y
développait alors des ambiances à la
Mastodon et faisait montre d’un sacré
talent d’écriture. L’album Lost At Sea,
paru en début d’année, autorise cette fois
le groupe à avancer de trente cases et à
toucher 20.000. Une mandale, une
vraie, du genre à vous décrocher les
chicots ! En onze titres, la sorcière nous
balade au travers d’un dédale d’ambiances
16
La rubrique du plan B de Christine Angot, par Charlélie Arnaud.
guitares ne rigolent pas des genoux. Qui
dit « groove metal » dit bien évidemment
Pantera et/ou Lamb Of God, et c’est
évidemment dans cette direction que
lorgnent à la fois le son et les compos du
quintette occitan. Avec une surprise
toutefois : le chant de Guillaume Codina
est bien plus lyrique et moins « aboyé »
que ce à quoi le style nous a habitués.
Majoritairement mid-tempo, les compos
d’Altered Beast sont équilibrées et bien
écrites. « Hell Rises », groovy en diable,
délivre un excellent refrain. L’intro
« WAR », qui sent bon l’ambiance de jeu
vidéo, débouche sur un « Generation Of
Blood » dont les premières mesures ne
choqueraient pas sur un album de Pantera.
et de styles complexes et variés qui se
fondent l’un à l’autre avec une évidence
insolente. Les gars n’ont aucune limite :
« Afligido » ouvre les débats sur une note
quasiment death metal, mais propose
rapidement un refrain au riff groovy,
« Hopeless Odds » (qui a fait l’objet d’une
lyric video géniale) balance des plans de
guitare d’une technicité que ne renierait
pas The Dillinger Escape Plan, « Not
Enough Space To Land » fleure bon le
Voïvod, tandis que « Wreckage & Havok
In The Holy Land Of Mercy » nous
montre comment The Witch envisage
« Fight Mercyless », le gros morceau du
disque, est d’une efficacité à toute
épreuve et permet au batteur Ric Raf de
se dérouiller les chevilles sur sa double
pédale (là encore, un refrain remarquable
est au rendez-vous). Taillés pour la scène,
les huit titres doivent certainement
faire des heureux dans les moshpits.
Seul petit regret : Hybrid… est un peu
linéaire et aurait mérité quelques franches
accélérations histoire de varier les tempi.
A noter que l’album est disponible à la
fois en digital, en CD et en vinyle (édition
limitée), ce qui est tout à fait rarissime
pour une pure autoproduction. A
encourager chaudement !
http://alteredbeastmetal.bandcamp.com
son interprétation du
thrash metal. Hardcore,
stoner, structures à
tiroirs, gueulantes,
plans mélodiques
(Cf. la fin de « Mud
Drinking », très Black
Sab’ dans l’âme), etc.
Il y a de tout, pour
tout le monde, quelle
kermesse mes amis !
Très affutés technique-
ment, les musiciens
ne tombent cepen-
dant jamais dans la
démonstration stérile
et mettent tout leur
talent au service de
compositions vraiment passionnantes. 42
minutes est un timing parfait pour ce type
d’album bourré d’informations jusqu’à la
gueule et d’une intensité qui supporterait
difficilement la surcharge pondérale.
The Witch frappe très fort avec Lost At
Sea et devrait en tout logique être
exposé au grand jour dans les
mois/années qui viennent, tant il est
évident que nous tenons ici l’un des
meilleurs espoirs de la scène under-
ground française. Pas moins. Découverte
obligatoire et urgente !
http://thewitch.bandcamp.com
• BARRAKUDA (dont nous vous avons déjà parlé)
s’en revient avec un nouvel EP à la pochette pour
le moins visible. Si le contenant laisse imaginer
que le combo a pris un virage glam, il n’en est
rien : le quintette distille toujours un hard rock aux
sonorités typiquement australiennes, que seul un
chant en français très réussi et personnel permet
de dédouaner de l’influence majeure du groupe :
AC/DC. Musicalement, en revanche, tout y est.
Mais ne boudons pas notre plaisir : des titres
comme « De Sueur Et De Rage », « Mort Ou Vif »
et « Entre 4 Murs » font obligatoirement taper
du pied. Seul hic : le morceau « Fureur », dont le
riff principal est une photocopie de celui du
« Independent » de Sacred Reich. Méchamment
entrainant, quoi qu’il en soit.
www.barrakuda.fr
• Comme les impôts et le Beaujolais nouveau, le
sampler digital gratuit COMBAT NASAL revient à
intervalles réguliers pour vous décrasser les
esgourdes avec le meilleur de l’underground,
s’imposant peu à peu comme l’extension logique
de votre rubrique favorite. Le Vol.14 (disponible
fin mars) sera particulièrement varié puisque
vous pourrez y découvrir notamment Disfuneral,
Freitot, Conviction, Scarlean, Lou Kelly,
Molybaron, The Third Kind, Vorkog et bien
d’autres… Les treize volumes précédents (qui
couvrent plus de sept années de découvertes dans
tous les styles de metal et assimilés) sont toujours
disponibles en téléchargement gratuit à l’adresse
désormais bien connue :
http://combatnasal.com
• LA FIN DE LA SOCIETE TELLE QUE NOUS LA
CONNAISSONS n’est pas un combo inconnu.
Originaire de Bayonne et déjà responsable de l’EP
Circkle produit par Joe Duplantier en 2006, il
revient aujourd’hui avec un album éponyme
frappadingue pour lequel le terme « alternatif »
semble avoir été inventé. Tour à tour progressif
(« Over » et ses chœurs très 70’s), foufou
(« Bombek » et son final black metal surmonté
d’un violoncelle), cinématographique (l’intro de
« Last Chance »), ou encore pop (le refrain de
« Animal Time », qui se termine en thrash),
LFDLSTQNLC ne s’interdit absolument rien et
rappelle en cela ses défunts collègues d’Empalot.
Si « débile » est un compliment pour vous (c’est
notre cas), ruez-vous sur cet album débile !
http://lafindelasocietetellequenouslaconnaissons
.bandcamp.com

Propos recueillis par François Blanc
Photo : Marc Villalonga
Interview réalisée le 04 février 2018 en Haute Mer
Lors de la croisière 70.000
Tons Of Metal, nous avons
rencontré Johan Niemann,
bassiste d’Evergrey, et l’avons
soumis à notre fameux
questionnaire mensuel.
Rock Hard : Ton premier héros musical ?
Johan Niemann : Gene Simmons. Mon frère
Kristian (Sorcerer, ex-Therion) a ramené
quelques disques de Kiss à la maison,
dont Alive II (1977), et j’ai halluciné en
découvrant Gene dans sa tenue de démon,
avec son visage couvert de sang. A mes
yeux, c’était le mec le plus cool du monde !
Le premier disque acheté avec ton argent
de poche ?
A l’âge de huit ans, ma mère a accepté de
me conduire chez un disquaire. J’ai acheté
Down To Earth (1979) de Rainbow, dont la
pochette me plaisait beaucoup, et Shout At
The Devil (1983) de Mötley Crüe. Deux
classiques que j’ai usés jusqu’à la corde !
Le premier concert auquel tu as assisté ?
Kiss, lors de son passage à Stockholm le 17
septembre 1988. Le groupe de première
partie, Kings Of The Sun, avait un son
strident et absolument horrible. Je n’avais
que onze ans et ne portais aucune protection
auditive : mon ouïe a été endommagée de
façon permanente. Aujourd’hui encore, je
souffre d’acouphènes…
Ton premier instrument ?
Le professeur de musique de l’école avait
monté un groupe et m’avait placé à la basse
car la batterie et la guitare étaient déjà
attribuées à d’autres. J’étais content car je
n’avais pas besoin de jouer plus d’une note
à la fois ! Mais mon père tenait à m’inculquer
quelques bases de solfège et m’a donc offert
une guitare acoustique à Noël. J’ai appris
les deux instruments simultanément, ce qui
m’a été très utile par la suite.
Ton premier concert ?
Mes camarades d’école et moi avions appris
à jouer « House Of The Rising Sun » (Ndlr :
un classique du folk américain popularisé par
The Animals en 1964) sous l’impulsion de
notre professeur. Ce doit être la seule
chanson que peuvent interpréter des
gamins de dix ans sans la massacrer !
(rires) Nous l’avons jouée dans un théâtre
pour la fête de Noël. J’avais un trac fou,
mais je crois me souvenir que cela s’était
bien passé.
18
Ton premier groupe ?
Afterglow, qui a rapidement changé de
nom pour Mind’s Eye, choisi en hommage
à Vinnie Moore (UFO). Je n’avais que
treize ans lorsque j’ai été recruté ! Nos
influences allaient de Toto à Faith No
More, en passant par Queensrÿche. Nous
n’avons donné que très peu de concerts,
mais avons publié six albums ! Nous étions
de vrais handicapés sociaux obsédés par
leur musique : nous répétions trois nuits
par semaine et voulions jouer mieux que
tout le monde ! Le groupe avait un niveau
technique très élevé. Nos signatures
rythmiques étaient particulièrement
compliquées !
Ta première cuite ?
A 17 ans, lors d’une fête, j’ai voulu découvrir
ce que signifiait vraiment « être bourré ».
Comme je ne sentais rien après une bière,
j’ai décidé de finir les verres de tout le
monde ! Je me suis senti vraiment mal. Or,
j’avais une longue marche à faire pour
rentrer chez moi. Je me souviens m’être
endormi sur la route enneigée et réveillé
dans mon lit, mes vêtements soigneusement
pliés à côté de moi. Je n’ai pas la moindre
idée de comment j’ai accompli ce prodige !
(rires)
Ta première tournée ?
J’avais 22 ans. C’était en 2000, avec
Therion. Nous partagions notre bus, un
Beat The Street noir à deux étages, avec
Voivod. C’était franchement géant !
J’adorais regarder Eric Forrest (Voivod)
jouer. Après la tournée, j’ai suivi son
exemple et commencé à tenir ma basse
plus bas et à jouer au médiator, avec une
forte distorsion. Cet homme a changé ma
vie.
La première fois où tu t’es senti idiot
sur scène ?
Je ne me souviens plus de la première,
mais la pire est survenue hier !!! (rires)
Evergrey jouait « Black Undertow ». J’ai
voulu reculer et me suis pris la jambe
dans la guitare de Tom, notre chanteur.
J’ai atterri sur le cul et le dos, avec les
pieds en l’air. C’était vraiment ridicule !
Henrik (Danhage/claviers) pleurait de rire,
mais pas notre batteur, Jonas (Ekdahl),
qui redoutait que je me sois vraiment fait
mal ! J’espère que quelqu’un a filmé ce
moment…
Ta première groupie ?
C’était avec Therion lors de mon premier
passage en Amérique du Sud, en 2001. Un
soir, après notre concert, nous nous
sommes rendus dans un bar. Là, une jeune
fille m’a abordé en ces termes : « Tu fais
partie du groupe ? Tu as une chambre
d’hôtel ? Hé bien, allons-y ! » C’est toujours
agréable de se sentir apprécié ! (rires) Y
 Propos recueillis par Morgan Rivalin Ta Bande Originale de film
Interview réalisée le 29 novembre 2017 à Paris préférée ?
Sans doute celle de L’Empire
Chaque mois, un musicien revient sur les contre-attaque (1980)
films de sa vie, ses grands moments sur composée par John Williams,
grand (et petit) écran. Cette fois-ci, c’est parce que je suis un grand fan
de Star Wars, mais surtout
Brann Dailor, batteur/chanteur de Mastodon
parce qu’on trouve, sur cette
(récemment auréolé d’un Grammy Award. B.O., « La Marche Impériale » :
Bravo à lui !), qui s’y colle. Car après tout, le fameux thème de Dark C’est difficile à décrire…
« he likes to movie, movie »… Vador. C’est un morceau incroyablement sombre et heavy Il faut la regarder pour comprendre, mais je trouve
qui te file des frissons et sonne bien plus diabolique que cette série hilarante et elle me met en joie !
Rock Hard : Quels sont tes cinq films n’importe quel groupe de black metal. Je suis sûr que les
préférés ? black métalleux sont verts de ne jamais pouvoir rivaliser Ton film d’animation préféré ?
Brann Dailor : Elephant Man (1980), avec ce morceau ! Toute la B.O. est géniale, tout comme La Planète Sauvage (1973) (Ndlr :
l’un des meilleurs films de David Lynch. le film. Lucas avait eu raison de le confier à un autre en anglais, ce film franco-
Je l’ai vu jeune et c’est le premier réalisateur. Coup de génie ! tchécoslovaque se nomme
long-métrage qui m’a vraiment Fantastic Planet). Le titre est
énormément ému. J’ai compris que le Ton réalisateur préféré ? parfait : il s’agit bel et bien
cinéma était autre chose que de Alejandro Jodorowsky. C’est un d’une planète fantastique sur
simples images posées sur pellicule, sacré personnage, un artiste ultime laquelle j’ai tout de suite eu
qu’il pouvait avoir un sens et un qui a voué sa vie à l’Art sous toutes envie de vivre. Ce film
impact extrêmement profonds. Ce film a également ses formes. Ses films semblent d’animation de science-fiction
beaucoup inspiré le musicien obsédé par Joseph Merrick abstraits, mais ils fourmillent de ne remonte pas à hier, mais sa
que je suis devenu ! (Ndlr : les trois premiers albums de détails qui prouvent à quel point il beauté est inégalée.
Mastodon s’achèvent sur un instrumental en lien avec la les travaille. Il surpasse tout le
vie de Joseph Merrick, l’homme dont le A. Jodorowsky monde en termes de créativité et Le dernier film que tu as vu ?
destin a inspiré Elephant Man) d’imagination. Comment réussit-il à financer des films Moi, Tonya (2017) (Ndlr : sorti dans
Avant La Nuit (2000), un long-métrage pareils ? Comment a-t-il pu tourner La Montagne Sacrée les cinés français le 21 février
de Julian Schnabel traitant de la (1973) ? Je me le suis très souvent demandé ! 2018), un biopic consacré à la
persécution des homosexuels par le patineuse artistique Tonya Harding.
régime de Cuba, comme décrite dans Ton affiche de film préférée ? J’ai trouvé ça bon, avec des
le livre de Reinaldo Arenas, interprété Frankenstein Junior (1974) de Mel personnages bien campés. Les
ici par l’excellent Javier Bardem. Brooks. J’ai une version géante de scènes de patinage sont géniales,
Comme lorsqu’on se trouve en état de cette affiche chez moi et je me suis hyper réalistes, mais le film ne m’a
choc dans la vraie vie, il faut quelques également fait tatouer la tête de pas vraiment ému.
instants pour réaliser ce qu’on est Gene Wilder sur le torse (Cf. « Dans
réellement en train de voir à l’écran. Un grand et beau la peau de... » du RH119). Je suis un Ton documentaire préféré ?
film, superbement mis en musique. immense fan de Gene Wilder. Off The Charts : The Song-Poem Story (2003). Ce n’est
Le Docteur Jivago (1965) : classique Respect éternel. pas forcément mon docu préféré, mais j’ai envie de parler
parmi les classiques réalisé par David de cette pépite qui mérite
Lean, maître du cinéma « épique ». Ton acteur préféré ? d’être vue. Le documentaire
La photographie est incroyable, cette Sir Daniel Day-Lewis. C’est un choix s’intéresse à cette chose
histoire d’amour qui rencontre assez convenu, mais cet acteur méconnue qu’on appelle les
l’Histoire avec un grand « H » est semble entièrement dédié à son art. « poèmes-chansons » (Ndlr :
extraordinairement prenante, les Il s’implique plus que quiconque, au « song poem »). Depuis les
personnages sont délicieusement point d’être souvent méconnaissable 60’s/70’s, aux USA, on trouve
complexes et tout en nuances, etc. dans ses films. J’ai vu Lincoln (2012) des pubs au dos des
C’est un film incontournable que ma cinq fois au cinéma parce que magazines assurant que
femme et moi prenons toujours plaisir à regarder pendant D. Day-Lewis plusieurs scènes m’ont fait ressentir quiconque envoie un poème
les fêtes de fin d’année. des choses extrêmement fortes... de son cru (et une certaine
Un Ticket Pour Deux (1987). La J’y suis retourné et les ai ressenties à chaque fois. C’est somme d’argent) le verra mis
rencontre de John Candy et de Steve son jeu d’acteur qui est à l’origine de ça. Je pourrais en musique et pressé en
Martin est mon casting ultime ! C’est un également citer My Left Foot (1989), There Will Be Blood vinyle. « L’accroche » est
film parfait que je regarde à chaque fois (2007) ou encore Gangs Of New York (2002), pour son qu’on dit au poète en herbe
qu’il passe à la télé, même si j’ai des interprétation hors du commun de Bill le Boucher. que le morceau aura des chances de devenir un
choses à faire. Surtout si j’ai des choses à tube rapportant une somme d’argent non négligeable !
faire, en réalité ! (rires) A chaque fois que Ton actrice préférée ? (rires) Ça a donné la plus étrange collection de chansons
je tombe dessus par hasard c’est un peu Kathy Bates. Bien sûr, elle est rassemblant des musiciens, des collectionneurs et, bien
comme si je venais de gagner au Loto ! avant tout connue pour son rôle sûr, des poètes tous plus intéressants les uns que les
E.T. L’extra-terrestre (1982). J’ai dû le de psychopathe dans Misery autres. C’est un aperçu fascinant d’un monde musical dont
voir au moins trente fois au cinéma quand j’étais gamin. (1990) (Ndlr : elle a remporté on n’a pas la moindre idée qu’il puisse exister.
A sa sortie, tout le monde est tombé l’Oscar de la Meilleure actrice pour
amoureux de cet extraterrestre, à juste ce film adapté du roman de Ton « méchant de cinéma »
titre ! Toutes les « ficelles » de Steven Stephen King), mais elle sort du préféré ?
Spielberg pour accrocher le spectateur lot dans chacun de ses films. Ne L’infirmière Ratched dans Vol
sont de mise, mais il n’empêche que pas être une beauté « classique » K. Bates
au-dessus d’un nid de coucou
c’est un chef d’œuvre. Et comme l’a sans (1975). C’est l’un de mes
d’habitude avec Spielberg, les enfants doute forcée à travailler deux fois films préférés et une
qui jouent dans le film sont absolument plus. Elle mérite son statut de méchante que le spectateur
extraordinaires. Même E.T. est vraiment grande actrice ! se met vite à haïr de tout son
excellent ! Ce fut son seul film, malheureusement. Je me cœur ! Sa manipulation
suis laissé dire que ses exigences salariales délirantes ont Ta série préférée ? subtile des handicapés
empêché le tournage d’une suite... Il a pris la grosse tête, Lady Dynamite (2016/2018), une mentaux de cet hôpital
est reparti sur sa planète et n’est jamais revenu chercher série Netflix avec Maria Bamford, psychiatrique est pire que l’œuvre de Dark Vador toute
son Oscar. Décevant... l’une de mes humoristes préférées. entière ! Vraiment diabolique...

20
 De g. à d. : Doogie White, Graham Bonnet,
Ted McKenna, Robin McAuley, Michael Schenker,
Gary Barden, Chris Glen & Steve Mann

Au gré d’une carrière chaotique émaillée de coups de génie, mais aussi de périodes sombres à tous points de vue, le génial guitariste
Michael Schenker semble avoir enfin trouvé la paix intérieure, celle qu’il cherche depuis sa première composition, « In Search Of
The Peace Of Mind », apparaissant sur le premier album de Scorpions, un Lonesome Crow paru en 1972. Aujourd’hui entouré
d’une ribambelle de vocalistes et de musiciens liés par leur passé commun aux côtés du Mad Axeman allemand, Michael nous
revient plus en forme que jamais avec l’un de ses projets les plus ambitieux depuis bien longtemps. Welcome to the fest !
Rock Hard : Quand t’es venue l’idée de
ce concept de Michael Schenker Fest ?
Michael Schenker : En juin 2015, j’avais
prévu de donner quatre concerts au Japon
avec Temple Of Rock. Les promoteurs
m’ont demandé si ça me dérangeait
que Graham Bonnet (ex-chanteur de
MSG) et son groupe assurent notre
première partie, et éventuellement, si
j’étais d’accord pour que Graham
chante un ou deux morceaux avec
nous. J’ai accepté. Je pense que c’est à
ce moment-là que ça a fait « tilt » dans
mon esprit. J’en suis en quelque sorte
à la troisième phase de ma vie, où tout
n’est que célébration. J’ai donc pensé que
le timing était parfait pour organiser
une réunion avec les anciens chanteurs
du groupe. Cela faisait déjà cinq ans
que nous tournions avec Temple Of
Rock. Nous avions édité deux albums,
deux DVDs, il était temps de faire un
break, de prendre du recul, car nous
n’avons vraiment pas arrêté durant ces
cinq ans. J’ai donc saisi l’opportunité
de soumettre cette nouvelle idée à mon
management qui a contacté tous ces
chanteurs. Et ils ont tous répondu
« oui » !
Nous savons tous que ça avait mal
fini entre Graham Bonnet et toi lors
de ce fameux concert de Sheffield en
1982, qui avait viré au vinaigre
avant même la sortie d’Assault
Attack…
(Rires) Oui ! C’est pourquoi ces shows
japonais de 2015 avaient quelque
chose d’un peu irréel. Et je suppose
que, pour Graham, cela s’apparentait
aussi à la concrétisation d’une chose
qui n’avait pas été menée à son terme
en son temps. C’était une situation
intéressante. A partir de là, ça a fait
boule de neige, puisque nous avons
finalement enregistré un autre album
ensemble !
Même avant cette réunion, tu n’avais
jamais vraiment perdu le contact avec
Gary Barden, Robin McAuley et même
Graham. Il faut en effet se souvenir
que tous les trois chantaient déjà un
morceau chacun sur l’album Tales Of
Rock’n’Roll de MSG de 2006…
En effet. A cette époque, j’habitais en
Arizona. Tales Of Rock’n’Roll était au
départ censé être un concept-album
instrumental. J’avais commencé à
travailler sur ce disque dès 2000, mais
il a fallu près de six ans pour qu’il se
matérialise. Durant cette longue période,
j’ai découvert ce chanteur finlandais,
Jari Tiura, et j’ai finalement pensé qu’il
serait le vocaliste parfait pour cet
album. Les chansons s’imbriquant les
unes aux autres, sans temps morts, je
me suis dit que Robin, Graham et Gary
pourraient eux aussi y participer. Tu as
raison de le mentionner car, en effet, ce
fut une sorte de première étape avant
d’en arriver au Michael Schenker Fest.
Est-ce que Graham, Gary, Robin et Doogie
(White/ex-Rainbow) se connaissaient
avant de s’engager dans ce projet ?
24
Propos recueillis par Benji - Interview réalisée le 19 novembre 2017 à Münster (Allemagne)
Le monde de la musique est plutôt
restreint. Il est donc possible qu’ils se
soient rencontrés auparavant, mais je
ne le jurerais pas. Je ne suis donc pas
sûr qu’ils se connaissaient personnel-
lement. En revanche, chacun connaissait
le travail des autres. Ce fut vraiment
génial de voir à quel point ils se sont
tous très bien entendus dès le départ.
Nous avons eu le plaisir de vous voir
à Pampelune (Espagne) le 28 octobre
dernier (Cf. RH182) et nous avons
adoré le concert. C’était super de
voir tous ces musiciens sur scène
afficher de si grands sourires ! Que
ressens-tu, notamment à la fin de
chaque concert, quand ces trois
chanteurs « historiques » du groupe
(Barden, Bonnet et McAuley) sont à
tes côtés ?
C’est fantastique ! Cela faisait longtemps
que je ne m’étais pas produit à leurs
côtés, et évidemment, c’est la première
fois que je joue avec les trois simulta-
J’en suis en quelque sorte à la
troisième phase de ma vie, où tout
n’est que célébration. J’ai donc
pensé que le timing était parfait
pour organiser une réunion avec
les anciens chanteurs du groupe
(Michael Schenker)
nément. Le temps est juste venu. Et
puis, ça n’a pas vraiment été compliqué
à mettre en place, ce que j’ai pris
comme un signe : si les choses doivent
se faire, elles coulent de source, se
font sans difficultés. Tout le monde en
est heureux. Bien sûr, il s’agit d’un
projet plus ambitieux, plus onéreux
aussi, et, sur le long terme, plus
compliqué à coordonner. Mais mon fils
s’occupe de tout cela et il assure !
L’organisation autour du groupe est
aujourd’hui très stable et efficace, et
tous les musiciens le ressentent, c’est
réconfortant. Tout le monde est payé
comme il doit l’être, dans le respect de
chacun, et tout se passe à merveille.
Tu mentionnais l’organisation :
quasiment tous les musiciens qui
t’accompagnent aujourd’hui ont
aussi d’autres obligations, d’autres
groupes ou projets. Il faut se montrer
très carré pour que personne ne soit
lésé…
Exactement, et malheureusement, il
nous a parfois fallu renoncer à certains
concerts car les emplois du temps de
tous ne s’y prêtaient pas.
Ceci dit, c’est un projet important
qui doit plus ou moins correspondre
à la priorité de tout le monde
aujourd’hui…
C’est vrai. Le plus dur à gérer en termes
de timing, c’est Graham, car il tourne
pas mal avec son propre groupe. Je le
comprends. Robin McAuley a aussi un
contrat avec un groupe de Las Vegas,
où il se produit régulièrement. Je suis
impressionné par son professionnalisme.
Il a une sorte de « remplaçant » lorsqu’il
ne peut pas chanter là-bas. Alors, si
nous lui proposons les concerts suffi-
samment à l’avance, il se montre
toujours disponible.
D’un autre côté, on peut supposer
que c’est plus excitant pour Robin de
partir en tournée avec toi que de
chanter des reprises à Las Vegas…
(Rires) Sûrement !
En tournée, essayez-vous de passer
un peu de temps ensemble en dehors
des concerts ?
Je reste le plus loin possible d’eux !
(rires) Non, la vérité, c’est que je suis
en quelque sorte le réalisateur de tout
cela, celui qui a la vision globale du
truc, et passer du temps avec d’autres
personnes peut parfois te consumer
sans que pour autant n’en ressortent
systématiquement des idées. Je conduis
donc beaucoup lorsque je suis en tournée,
j’ai ma propre voiture, et je passe du
temps à méditer durant ces longs
trajets. Cela m’inspire pour trouver de
nouvelles idées. Si j’étais dans le bus
avec tout le monde, ça ne serait évidem-
ment pas possible. J’ai besoin de ce
silence et de ce temps pour comprendre
ce qui se passe autour de moi.
Après le premier concert du Michael
Schenker Fest au Sweden Rock
Festival le 11 juin 2016, vous avez
donné trois shows au Japon en août.
Votre gig de Tokyo, le 24 août 2016,
a été filmé et édité en DVD, et…
GENRE . Steve Mann (claviers/guitare)
. Hard rock . Ted McKenna (batterie)
LE GROUPE SITE INTERNET
.
Michael Schenker (guitare) www.michaelschenkerhimself.com
. Gary Barden (chant)
ALBUM (avec Michael
. Graham Bonnet (chant)
. Schenker Fest)
Robin McAuley (chant) . Resurrection (2018)
. Doogie White (chant)
. ARTICLES RH
Chris Glen (basse)
RH N°56, 78, 132, 153, 182, 184
& 185
(Me coupant) En fait, nous avons reçu
cette même année une proposition
pour jouer en tête d’affiche du Loud
Park Festival, à Tokyo, mais lorsque
j’ai appris que la tête d’affiche du
second soir serait Scorpions, j’ai préféré
ne pas répondre favorablement à
cette invitation. Du coup, on m’a offert
trois concerts en tête d’affiche au
Japon. Et lorsque j’ai vu, par avance, à
quoi ressemblait cette salle de Tokyo,
très sympa, d’une contenance d’environ
5.000 personnes, je me suis dit qu’il
fallait filmer cette soirée. Je n’en ai
parlé à personne, mais je savais que je
devais le faire ! Ce fut une étape impor-
tante car ça a permis au monde entier
de voir à quoi ressemblait ce nouveau
projet. Je suis très content de ce DVD.
Il y a quelques années, tu nous avais
confié avoir voulu filmer un concert
de Temple Of Rock en Hollande en
2013 car, vu le line-up incroyable
que tu avais sur cette tournée, tu
nous disais : « On ne sait jamais ce
qui peut arriver… » (Ndlr : il éclate
de rire !) Etais-tu dans le même état
d’esprit avec ce DVD à Tokyo ?
Non, les raisons étaient très différentes !
Je n’ai malheureusement jamais filmé
l’un de mes concerts au Budokan, ce
que je regrette. Du coup, ce show de
2016 m’a semblé être l’alternative la
plus proche. Les fans japonais ne
m’ont jamais laissé tomber. Ce pays et
ce peuple sont incroyables. Je suis
heureux d’avoir fait ce choix.
Qu’est-ce qui t’as fait penser que le
temps était venu d’enregistrer un
album du Michael Schenker Fest ?
J’en ai parlé à mon management, qui a
tout mis en place, et petit à petit, la vision
que j’avais de ce disque a commencé
à se matérialiser. Originellement, je
pensais simplement intituler le nom
l’album « Michael Schenker Fest »,
« fest » (festival) et « feast » (festin)
étant assez proches. Vu quelle était
notre idée de pochette, ça collait
bien. Mais finalement, nous avons
opté pour Resurrection. Ce qui, avec le
recul, est assez étrange quand on
observe que l’album renferme des
titres comme « Take Me To The
Church », l’instrumental « Salvation »,
« The Last Supper ». Tout un tas de
références bibliques… La pochette
elle-même s’apparente à un pastiche
de La Cène ! Je n’avais rien planifié de
tout cela, mais c’est ainsi que ça a
tourné.
 Du coup, l’album risque de se retrouver
dans les bacs « rock chrétien » aux
USA !
(Rires) Imagine ! C’est drôle ! Ceci dit,
d’une certaine façon, ce titre d’album
est plutôt logique car j’ai été victime
d’un certain nombre de trahisons au fil
de ma carrière, et c’est peut-être ainsi
que je m’en libère. Des choses dont je
ne me suis aperçu que bien longtemps
après…
Doogie White est aussi impliqué
dans cet album : il n’a certes pas fait
partie des line-up « classiques » des
J’espère que nous aurons la chance de voir
Klaus Meine participer à quelques concerts en 2019
pour marquer le coup et chanter ce titre avec moi.
Et qui sait, même Phil Mogg pourrait se joindre à
nous : ce serait le Michael Schenker Fest ultime !
(Michael Schenker)
années 80, mais il a toutefois été ton
principal chanteur durant la période
Temple Of Rock. Le considères-tu,
d’une certaine façon, comme le qua-
trième vocaliste le plus important de
ta carrière solo ?
Doogie ne cessait de me demander :
« Alors, quand est-ce qu’on bosse sur le
prochain Temple Of Rock ? » Mais
n’ayant ni plans précis, ni maison de
disques, je ne savais trop quoi lui
répondre. Puis, je me suis dit qu’il
pouvait lui aussi prendre part à ce
projet. Il a donc participé à l’album
au même titre que les autres : sur
scène, il chantera quelques classiques
de Temple Of Rock et n’aura plus
besoin de s’occuper des vieux titres,
c’est parfait.
26
Quel était ton état d’esprit au
moment d’écrire ce disque ? Avais-
tu déjà en tête les chanteurs qui
t’accompagnent aujourd’hui au
moment de composer ? As-tu écrit en
fonction de leurs capacités ?
Non. A dire vrai, je ne pense à rien
lorsque je compose. Et en ce qui
concerne mon état physique, j’avais
une belle inflammation dentaire, ce
qui n’était pas top ! (rires) Lorsque
j’écris, je joue et je découvre ce qui en
résulte au fur et à mesure. J’empile
des riffs, des idées, tout au long de
l’année, et lorsque vient le temps de
s’atteler à la composition d’un album,
je réécoute tout ça. Et si un riff
m’inspire, je travaille autour de lui
pour construire un titre complet. Je
continue jusqu’à avoir assez de
morceaux pour un album, puis une fois
que tout est complété, j’envoie ces
titres aux chanteurs qui choisissent
ceux qui leur correspondent le mieux.
« Messin’ Around » est un titre au
feeling très rock’n’roll, boogie, assez
inhabituel pour toi...
C’est amusant car je n’y ai vraiment
pas pensé en amont. C’était juste un
autre morceau dont j’aimais le riff
de base. Mais lorsque Gary s’en est
emparé, c’est devenu fascinant. Sa
rythmique est très simple, directe, et
la façon de chanter de Gary l’a rendu
plus remuante encore. J’aime bien ce
titre !
Comment s’est passée la « répartition »
des voix pour « Warrior » et « The
Last Supper » ?
Déjà, j’espérais que nous aurions au
moins trois ou quatre morceaux
chantés par les quatre vocalistes, tous
ensemble. Je ne voulais pas que le
résultat soit trop clinique, que chacun
d’entre eux enregistre trois titres, que
nous nous retrouvions avec un totale
de douze chansons, et basta. La
musique de « Warrior » a immédiate-
ment inspiré Michael Voss (Ndlr : le
producteur de l’album), qui en a écrit les
paroles d’une traite, en une soirée. Il
savait parfaitement qui allait chanter
quoi. Ce fut donc fort simple. Pour
« The Last Supper », qui est arrivé après,
ce fut à peu près le même processus.
Michael connaissant bien les forces et
qualités de chaque chanteur, il savait
où placer chacun d’entre eux pour en
obtenir le meilleur.
La section rythmique constituée de
Chris Glen et Ted McKenna est
incroyable. Ted nous a particulièrement
impressionnés ! Ces deux-là ont joué
avec toi sur Assault Attack (1982)
et Built To Destroy (1983), mais
aussi sur le live Rock Will Never Die
(84). Pourquoi as-tu pensé qu’ils
étaient les meilleurs candidats pour
ce projet ?
Avec le retour des chanteurs originaux,
je me suis demandé quels musiciens
seraient les plus « connectés » à cette
configuration. Chris et Ted m’ont
semblé idéaux parce qu’ils m’ont
accompagné lors des périodes que tu
as mentionnées. Le cas de Steve Mann
(claviers/guitare) est intéressant lui
aussi car il a été impliqué durant la
période McAuley Schenker Group
(Ndlr : 1986/1993, puis quelques dates
en 2012), ce qui crée un lien entre
plusieurs époques.
Kirk Hammett (Metallica) jamme avec
toi sur le titre « Heart And Soul ». Tu
l’as rencontré le 14 avril 2015 lors
de l’émission télé américaine That
Metal Show animée par Eddie Trunk …
En réalité, nous nous étions croisés
dans un même lieu quelque temps
auparavant, mais Kirk n’était pas venu
me parler car il est un peu timide.
Mais Eddie Trunk l’ayant entendu dire
qu’il adorerait jammer avec moi, il a
fait en sorte d’organiser ça pour son
émission. Kirk est un gars très gentil,
c’est un fan, et il joue dans le plus
grand groupe du monde. Alors, je me
suis dit : « Hé, viens jammer sur notre
album ! » (rires)
Lui avais-tu déjà proposé de jouer
sur un titre de ce nouvel album lors
de cette première rencontre ?
Non, car je ne savais même pas que
j’allais enregistrer ce disque ! (rires)
Mais l’idée d’un Fest, c’est d’inviter
des gens, de recevoir du monde. En
fait, je pensais même inviter d’autres
personnes, comme Dee Snider que
j’aurais bien vu chanter « Time Knows
When Its Time ». Nous avons lancé
l’invitation, mais nous n’avons reçu
aucun retour… Lorsque j’ai croisé Dee
tout récemment aux Hard Rock Hell
Awards, en Angleterre, je lui en ai
parlé et il m’a dit que personne ne lui
avait transmis cette information. Il
était dégouté car il aurait adoré le
faire. Nous avions aussi demandé aux
gars d’Apocalyptica de faire une intro
pour nous. Ils étaient ok, mais là, c’est
nous qui avons merdé car nous étions
si occupés que nous avons oublié de leur
donner les instructions nécessaires.
C’est donc râpé pour cette fois-ci, mais
qui sait, plus tard peut-être...
On peut imaginer qu’il n’a pas été si
aisé d’obtenir l’accord du management
de Metallica pour que Kirk soit autorisé
à jouer sur l’album…
Tu sais quoi ? C’est le management de
Metallica qui a payé tous les frais de
voyage et d’hôtellerie lorsque Michael
Voss est allé enregistrer les parties de
Kirk à Hawaï ! Cela signifie que Kirk
et son management étaient vraiment à
fond derrière cette idée (Ndlr : il faut
dire que Peter Mensch, l’un des managers
de Metallica, a géré le début de carrière
solo de Michael au début des années 80).
La prochaine tournée du Michael
Schenker Fest aura lieu aux USA en
mars et avril prochains. Les concerts
avec trois chanteurs étaient déjà très
longs (plus de deux heures), alors
qu’est-ce que ça va être avec quatre !
Ils devraient durer deux heures et

Le retour de trois des vocalistes
les plus emblématiques de la
carrière du blond Germain
(Graham Bonnet, Gary Barden
et Robin McAuley), couplé à
l’implication d’un de ses
chanteurs les plus réguliers de
ces dernières années (Doogie
White), valait bien un petit
récapitulatif de la carrière de
chacun d’entre eux, mais aussi
un focus sur leur discographie
avec Michael (dont les albums
sont ici « notés » sur 10). Petit
flashback et rappel des princi-
paux faits d’armes de ces frères
de sang.
GARY BARDEN
Ayant fait ses armes au sein d’innom-
brables formations sans lendemain (Moses,
Falkenhayn, Whiskey, Stormbringer,
Foxey Lady et Fraser Nash), Gary
Barden est découvert par Michael en
1979, alors que ce dernier vient de
quitter UFO et de donner un coup de
main à Scorpions pour l’enregistrement
de Lovedrive et le temps de quelques
concerts. Schenker monte alors son
groupe solo, le MSG (pour « Michael
Schenker Group »), dont Barden est,
au moment de l’enregistrement de The
Michael Schenker Group en 1980 (9),
le seul membre permanent. Sur ce
premier opus quasi parfait, la voix
pleine de chaleur de Gary copule avec
la géniale guitare d’un Schenker alors
au sommet de son art. Une formation
haut de gamme est montée pour la
tournée qui suit (Paul Raymond aux
claviers et à la guitare rythmique,
Chris Glen à la basse et Cozy Powell à
la batterie, excusez du peu !), ces
musiciens participant également à
l’enregistrement de MSG (8) en 1981
et, la même année, du live incendiaire
One Night At Budokan (8,5) capté
dans la célèbre salle japonaise. Mais
Gary est remercié par le manager
Peter Mensch persuadé que MSG se
doit d’être piloté par un vocaliste
ayant déjà « un nom ». Barden n’at-
tend pas bien longtemps avant de
recevoir un coup de fil de ce même
FRERES DE SANG
management qui, la queue entre les
jambes, lui demande d’assurer le
concert ô combien important du
groupe en tête d’affiche du festival de
Reading le 29 août 1982, après que
Graham Bonnet ait saboté sa première
prestation avec MSG. Par la suite,
Gary fait donc un autre bout de chemin
avec Michael en enregistrant Built To
Destroy (7) en 1983 et le live Rock
Will Never Die (7,5) en 1984, avant
de partir une nouvelle fois vers
d’autres aventures. Statetrooper est
son premier groupe post-MSG, puis il
rejoint Praying Mantis et monte
Silver, avec qui il grave pas moins de
cinq albums entre 2001 et 2005,
autant qu’en solo de 2004 à 2011. Il
retravaille avec Michael en 2008 : de
cette réunion nait In The Midst Of
Beauty (7), un album de bonne facture
malheureusement passé inaperçu.
GRAHAM BONNET
Graham a tout juste 21 ans lorsqu’il
grave son premier single avec The
Marbles en 1968. Il édite également
plusieurs 45 Tours sous son propre
nom dans les 70’s et signe ses deux
premiers albums solo en 1977 et 78. Mais
c’est avec Rainbow, qui l’embauche
suite au départ de Ronnie James Dio,
qu’il plonge dans le grand bain. Down
To Earth (1979) demeure l’un des plus
beaux fleurons de la discographie du
gang de Ritchie Blackmore, à la grâce
des deux irrésistibles singles que sont
« Since You Been Gone » (signé Russ
Ballard) et « All Night Long ». Mais il
est remercié après un concert en tête
d’affiche de la première édition des
Monsters Of Rock de Castle Donington,
le 16 août 1980. Graham reprend
alors sa carrière solo avant qu’un
nouveau virtuose de la guitare ne
s’attache ses services : Michael
Schenker, avec qui il grave Assault
Attack (8,5) en 1982, qui se veut
alors le disque le plus heavy de sa
carrière. Et quelles compositions ! Ce
coup de maître, hélas, tourne court
après un cataclysmique premier
concert à Sheffield qui signe le renvoi
sur le champ d’un Bonnet remplacé
dans la foulée par le « revenant » Gary
Barden. Graham rebondit vite en
formant Alcatrazz, au sein duquel se
succèdent rien moins qu’Yngwie
Malmsteen et Steve Vai aux guitares,
avant de faire équipe avec un autre
shredder de folie, Chris Impelliteri.
Bonnet traverse ensuite les années
90 et 2000 de façon bien plus discrète
avant de revenir à la scène, en solo et
plus régulièrement, à partir de 2014.
Nul doute qu’il apprécie aujourd’hui
à sa juste valeur cette nouvelle
aventure aux côtés de Michael. Une
revanche sur le passé…
ROBIN MCAULEY
L’irlandais Robin McAuley débute sa
carrière à Londres avec Raw Deal en
1980, puis intègre Grand Prix en
1981, au sein duquel il remplace
Bernie Shaw (qui rejoint Praying
Mantis, Stratus, puis Uriah Heep).
Ses deux albums avec Grand Prix,
There For None To See (1982) et
Samurai (1983), marchent plutôt bien
et permettent de décrocher plusieurs
belles tournées en Angleterre (notam-
ment avec Sammy Hagar et Iron
Maiden). Pourtant, le groupe se
sépare en 1984. Robin rejoint alors
GMT avec Phil Taylor (Motörhead) et
Chris Glen (Alex Harvey Band, MSG),
le temps de graver l’EP One By One
(1985), puis participe au projet Far
Corporation avec qui il rencontre, en
1985, un succès inattendu grâce à une
reprise du « Stairway To Heaven » de
Led Zeppelin. Mais en 1986, quatre
ans après avoir refusé une offre de
Schenker (à priori pour remplacer
Graham Bonnet), Robin accepte de
travailler avec ce dernier. Michael
souhaitant s’associer avec McAuley et
non le considérer comme un simple
exécutant, il change le nom MSG
en McAuley Schenker Group. En
1987, Perfect Timing (8), au son bien
plus américanisé que celui de ses
prédécesseurs, fait son trou aux USA
sans pour autant casser la baraque. Il
est aussi plutôt bien accueilli en
Europe où MSG assure la première
partie du Hysteria Tour de Def
Leppard. En 1989, Save Yourself (7)
maintient un haut standard de qualité,
alors qu’en 1991, un MSG (6,5)
moins inspiré laisse entrevoir le
déclin du tandem. Un EP et un live
acoustiques et anecdotiques mettent
fin à cette collaboration. Momenta-
nément… Robin donne ensuite des
concerts avec Survivor aux USA
durant cinq ans, puis fait profil bas
jusqu’en 2012 où, à la surprise
générale, il effectue une tournée
américaine avec MSG. Depuis 2013, il
se produit à Las Vegas dans le cadre
du spectacle Rock Vault qui le voit
chanter des reprises aux côtés de
Paul Shortino (Quiet Riot), Bobby
Kimball (Toto) et Joe Lynn Turner
(Deep Purple, Rainbow). Il partage
aujourd’hui son temps entre Rock
Vault et le Michael Schenker Fest.
DOOGIE WHITE
Doogie White débute dans son Ecosse
natale avec La Paz et Midnight Blue,
avant de rejoindre Praying Mantis en
1991. Mais c’est en 1995 qu’il décroche
la timbale en étant choisi par Ritchie
Blackmore, ce dernier venant de
quitter Deep Purple (pour la dernière
fois) et reformant Rainbow. Stranger
In Us All sort en 1995, et même s’il
s’agit d’un disque honnête, on est loin
des classiques de l’Arc-en-ciel des
années 70 et 80. Doogie enregistre
ensuite quatre albums studio et un
live avec Cornerstone entre 2000 et
2007, années durant lesquelles il
jongle aussi avec Yngwie Malmsteen.
Il enregistre deux opus avec le Suédois,
Attack !! (2002) et Unleash The Fury
(2005), tout en enchaînant les piges
pour d’innombrables tribute-albums.
White se stabilise néanmoins avec
Tank, le temps de deux disques studio
en 2010 et 2012, et rejoint Schenker
pour la première fois en 2011, le
temps de poser sa voix sur un titre de
Temple Of Rock. Il finit par devenir le
principal chanteur live de Michael
dans le cadre de ce projet avec qui il
grave Bridge The Gap (7) en 2013 et
Spirit On A Mission (7) en 2015. Sur
ces deux opus solides apparaissent
également deux ex-Scorpions, Francis
Buchholz et Herman Rarebell. Alors,
certes, Doogie ne peut revendiquer
pas le statut de « star des 80’s » de ses
trois camarades de jeu au sein du
Michael Schenker Fest, mais sa
détermination et sa disponibilité ont
payé. Well done ! Y
27
 côté je suis censé être ! (rires) Mais
c’est vrai, j’ai fait quelques allers-
retours depuis le début de ma carrière.
Sans raison précise, juste parce que
je sentais que c’était nécessaire.
Aujourd’hui, j’aime être positionné du
côté droit lorsque tu es face à la scène,
tout bêtement parce que, quand je
mitraille la foule avec ma guitare, je
vois toute la salle. Si je fais ça depuis
la gauche, je vois un quart de la salle,
puis je regarde le mur ! (rires) C’est
moins drôle ! Mais en vérité, je pense
que l’Univers me protège et qu’il ne
souhaite pas que je perde mon audition
d’un seul côté. Alors, il me fait
changer de position pour équilibrer
tout ça ! (rires)

Nous l’avons appris hier après-midi

demi. Avec un peu de chance, nous
serons encore tous en vie après la
tournée ! Nous savons déjà précisément
ce que nous allons jouer, mais bien sûr,
je ne vais rien te dire ! (rires)
Quand serez-vous de retour en
Europe ?
Nous bossons sur une tournée qui va
durer jusqu’à la fin 2019. Alors, bien
sûr, nous viendrons en Europe, mais
quand, je ne le sais pas encore préci-
sément. Ceci dit, 2019 serait l’occasion
de célébrer les cinquante ans de la
première collaboration entre Klaus
Meine (Scorpions) et moi, sur Lonesome
Crow (Ndlr : Michael fait référence à
l’année 1969, année durant laquelle
auraient été composés plusieurs titres de
ce premier album de Scorpions qui a été
enregistré en octobre 1971 et publié en
février 1972). Ma toute première
composition fut « In Search Of The
Peace Of Mind ». Alors j’espère que
nous aurons la chance de voir Klaus
participer à quelques concerts dans
cette configuration en 2019 pour
marquer le coup et chanter ce titre
avec moi. Et qui sait, même Phil
Mogg (UFO) pourrait se joindre à
nous : ce serait le Michael Schenker
Fest ultime !
Lovedrive (1979) de Scorpions, quand
le groupe a vraiment commencé à
cartonner en France. J’ai d’ailleurs
donné plusieurs concerts avec eux sur
cette tournée. Je n’étais censé aider
Scorpions qu’à enregistrer cet album,
mais ils ont insisté pour que je reste.
Alors, je leur ai dit : « Désolé, je viens
tout juste de quitter UFO, je n’ai pas
envie de me relancer tout de suite dans un
format groupe ! » Je venais de réussir à
me séparer de Scorpions et, à mon
retour en Angleterre, Peter Mensch,
mon manager de l’époque, m’attendait
les bras ouverts. Il m’a dit : « Tu ne
voudrais pas rejoindre Aerosmith ? »
(rires) Et dans la foulée, Ozzy
Osbourne m’a lui aussi appelé… Tout
ça en moins d’un an !
Nous avons remarqué quelque
chose de curieux : depuis tes débuts,
tu te positionnes soit à droite, soit
à gauche de la scène. Cela dure
quelques années, puis tu changes de
côté, avant de changer de nouveau…
Y-a-t-il une raison particulière à
cela ?
Je ne sais pas vraiment si je le fais
consciemment ou si j’oublie de quel
(Rappel : interview réalisée le
19.11.2017), Malcolm Young est
décédé. Tu es un fan d’AC/DC… Quel
est ton sentiment au regard de cette
nouvelle ?
Au départ, j’ai cru que c’était Angus :
ça m’a foutu un sacré coup ! Puis j’ai
compris qu’en réalité, il s’agissait de
Malcolm. Je savais qu’il était très
malade, alors cela m’a attristé, bien
sûr, mais j’ai été moins choqué par la
nouvelle. C’est juste un autre signe
qui nous rappelle que rien ne dure
éternellement et que nous devons tous
partir un jour. C’est difficile à accepter,
évidemment, mais ces différentes
étapes nous apprennent petit à petit
qu’un jour, notre temps viendra lui
aussi. Pour être honnête avec toi, je
n’ai jamais été un fan absolu d’AC/DC.
Mais c’est l’un de ces groupes qui a
touché un très large public et lui a
permis de comprendre ce qu’étaient
le rock et le hard rock et de venir
vers eux. Car il jouait une musique
« simple ». Ce fut une excellente
éducation car certains se disaient :
« C’est génial, et je suis sûr que je peux
faire ça, moi aussi ! » Y

Entre 2012 et 2015, tu as donné

pas moins de 22 concerts en France
avec Temple Of Rock, probablement
plus que durant toute ta carrière
auparavant !
C’est dingue, non ? C’était génial de
revenir en France, dans plein de lieux
où je n’avais même jamais mis les
pieds avant. Je pense que le fait
qu’Herman Rarebell et Francis
Buchholz (Ndlr : tous deux ex-
Scorpions) fassent partie du groupe a
beaucoup contribué à mettre en place
toutes ces dates. La setlist que nous
jouions y était aussi pour beaucoup
(Ndlr : allusion au fait que plusieurs
titres de Scorpions étaient alors interprétés).
Je suis connecté avec la période

28
De g. à d. : Mr Stolz, David Pätsche, Holly Loose, Oli, Benni Cellini & Michael Ende

Propos recueillis par Charlélie Arnaud - Interview réalisée par e-mail le 15 février 2018
Fondé en 1996, Letzte Instanz est avec ses compatriotes de Subway To Sally, l’un des fers de lance du metal médiéval allemand,
un style très en vogue chez nos amis d'Outre-Rhin. Rendez-vous téléphonique pris avec Holly Loose, chanteur du groupe, le bonhomme
semble très embêté que nous ne parlions pas sa langue car lui s'exprime très mal en anglais. C'est donc par mail, une fois n'est
pas coutume, que nous avons voulu en savoir plus sur ce combo de grand talent malheureusement trop peu exposé chez nous,
ainsi que sur son nouvel opus, Morgenland.
Rock Hard : Morgenland est votre et à « surfer » sur ce succès pour si, en revanche, nos lignes de guitare qu’en bonus sur la version CD/DVD).
treizième album studio, et pourtant, conquérir de nouveaux territoires ? peuvent tout à fait coller au style. Et Peux-tu m’en dire plus sur cette
nous n’avons pas souvent entendu Figure-toi que tu es le premier à me puis, la façon dont nos instruments à chanson ?
parler de vous en France. Comment poser cette question ! Mais non, je ne cordes (Ndlr : violon et violoncelle) sont Il s’agit d’une reprise de leur titre
l’expliques-tu ? pense pas. Les gens qui écoutent des joués ne colle pas non plus avec le « Children », partiellement chantée en
Holly Loose : Je pense que c’est prin- groupes chanter en allemand sont metal. Mais pour être honnête, est-il allemand. Lorsque j’ai découvert cette
cipalement dû au fait que nous nous clairement une minorité. Ce qui est vraiment important de savoir à quel chanson et son clip sur YouTube, elle
exprimions dans notre langue maternelle drôle, en revanche, c’est que certains genre on appartient ? L’important est m’a ému aux larmes car, en tant que
et que nous ne jouions quasiment de nos textes sont parfois utilisés à d’avoir une identité en tant que grou- père, protéger mes enfants est un
jamais dans des endroits non-germa- l’étranger par des profs d’allemand qui pe. A nos concerts, tu peux croiser des devoir et l’une de mes principales
nophones. Nous avons joué en Chine et s’en servent pour enseigner la langue. métalleux jouxtant des fans de préoccupations. J’ai évoqué l’idée de
en Russie, mais il s’agissait de dates Ce n’est pas commun. musique médiévale qui côtoient des reprendre ce titre avec les autres
isolées, pas de réelles tournées. Je crois emos. Et chacun s’entend bien et membres du groupe, qui l’ont validée
qu’en tant que groupe chantant en Depuis des années, vous avez toujours apprécie la musique sans se poser de dans la minute, tout comme Kobi Fahri
allemand, ce sont peut-être les deux été travaillés par des labels metal. questions sur son étiquette. (Ndlr : chanteur d’Orphaned Land) a
seuls pays dans lesquels on peut espérer Pourtant, ce style n’est jamais cité immédiatement accepté d’y participer
avoir un petit succès. Mais nous aimerions dans votre biographie. Je pense Subway To Sally et vous êtes les deux lorsque je lui ai soumis ma demande.
venir jouer en France, dans votre beau néanmoins que vous avez une sérieu- « têtes d’affiche » de votre créneau Le message général de cette chanson
pays ! se carte à jouer auprès de son en Allemagne. Leur ancien batteur pourrait être en résumé que la guerre
public. Avez-vous un « problème » joue avec vous aujourd’hui. Les deux est « la merde la plus merdique de toutes
Cela n’a pas empêché Rammstein de avec ce style ? groupes sont-ils très liés ? les merdes » (sic).
cartonner dans le monde entier. Je Non, absolument pas ! Je pense qu’il Nous partageons parfois la même
suppose qu’on te pose la question est difficile de nous classer dans la scène lors de festivals. Je suis également Pour nous autres, pauvres laissés
sans cesse, mais n’avez-vous jamais sphère metal car mon chant est très très ami avec Mrs. Schmitt et Erik pour compte, pourrais-tu expliquer
pensé à vous engouffrer dans la brèche éloigné des standards du genre, même Fish (Ndlr : la violoniste et le chanteur en quelques mots à quoi ressemble
de STS). Nos deux groupes partagent l’un de vos concerts ?
GENRE ALBUMS ARTICLE RH la même fanbase, mais je pense que les Nous essayons de faire la symbiose
. Metal médiéval . goûts de nos fans sont plus variés. entre le sérieux et une forme de diver-
Brachialromantik (1998) RH N°185
. Das Spiel (1999) Subway To Sally est plus proche de la tissement plus légère, avec de l’humour.
LE GROUPE . Kalter Glanz (2001) scène dite « medieval rock ». Nous L’humour est un formidable vecteur
. Holly Loose (chant) . Götter Auf Abruf (2003)
. Live (live – 2004) entretenons de bonnes relations et d’idées fortes. Je pense que si nous ne
. Oli (guitare) . Ins Licht (2006) buvons toujours une bière ensemble jouions que des titres tristes et étions
. . Wir Sind Gold (2007)
Michael Ende (basse) . lorsque nous nous retrouvons sur un toujours austères, on ne verrait pas
Das Weisse Lied (2007)
. David Pätsche (batterie) . Schuldig (2009) festival. grand monde à nos shows. De ce fait,
. Heilig (2010) nous nous efforçons de mélanger
. M. Stolz (violon) . Ewig (2012)
. Im Auge Des Sturms Vous avez enregistré un titre avec équitablement toutes les facettes du
. Benni Cellini (violoncelle) (2014) Orphaned Land sur ce nouvel album groupe, qui vont de la contemplation à
SITE INTERNET
. Liebe Im Krieg (2016)
. Morgenland (2018) (qui ne figure malheureusement l’agressivité. Y
www.letzte-instanz.de
29
 GENRE
. Metal progressif
LE GROUPE
. Fabio Lione (chant)
. Rafael Bittencourt (guitare, chant)
. Marcelo Barbosa (guitare)
. Felipe Andreoli (basse)
. Bruno Valverde (batterie)
SITE INTERNET
www.angra.net
ALBUMS
. Angels Cry (1993)
. Holy Land (1996)
. Freedom Call (EP – 1996)
. Holy Live (live EP – 1997)
. Fireworks (1998)
. Rebirth (2001)
. Hunters And Prey (EP – 2002)
. Rebirth World Tour - Live In Sao Paulo
(live – 2003)
. Temple Of Shadows (2004)
. Aurora Consurgens (2006)
. Aqua (2010)
. Angels Cry: 20th Anniversary Tour (live – 2013)
. Secret Garden (2015)
. Ømni (2018)
ARTICLES RH
RH N°4, 9, 20, 38, 60, 109 & 185

De g. à d. : Marcelo Barbosa,
Fabio Lione, Bruno Valverde,
Felipe Andreoli, Rafael Bittencourt
30

Si Angra, à ses débuts, bénéficiait d’une véritable aura et d’un statut bien particulier (notamment en France), voilà de
nombreuses années que le quintet brésilien demeure au creux de la vague. Déjà affaibli par les départs du chanteur Edu
Falaschi et du batteur Ricardo Confessori, le groupe parviendrait-il à surmonter la désaffection de l’incroyable soliste
Kiko Loureiro, parti mettre ses multiples talents au service de Megadeth ? Il semblerait bien que oui… Car si le guitariste
Rafael Bittencourt, dernier rescapé du line-up d’origine, fait entrer Angra dans son « troisième âge », ØMNI, son neuvième
opus, s’apparente à une véritable cure de jouvence.
Rock Hard : Notre dernière interview
d’Angra remontant à 2011, peux-tu
résumer les évènements qui ont
conduit à votre séparation d’avec
Eduardo « Edu » Falaschi en 2012 ?
Rafael Bittencourt : Cela faisait déjà un
bon bout de temps qu’Edu ne se sentait
plus très à l’aise avec sa voix. Aurora
Consurgens (2006) et Aqua (2010) ont
été très difficiles à enregistrer car il ne
parvenait pas à livrer d’aussi bonnes
performances qu’autrefois. Plus le temps
passait et plus il perdait confiance en
lui. Son mal-être nuisait à ses relations
avec les membres du groupe, et notamment
avec Kiko. Les choses allaient si mal
que nous redoutions de devoir choisir entre
les deux ! Avec le temps, la pression
est devenue trop forte pour Edu : le public,
tout comme nous, avait des attentes
élevées, qu’il ne parvenait pas à combler.
Découragé, il a fini par jeter l’éponge.
Qu’est-ce qui a provoqué cette soudaine
crise de confiance ?
Je ne sais pas, et je peux difficilement
parler au nom d’Edu. Mais quelle que soit
l’origine du problème, j’ai le sentiment
qu’il ne l’a pas pris suffisamment au
sérieux. Nous l’avons continuellement
soutenu et encouragé à suivre des
traitements afin que sa voix guérisse et
retrouve toute son amplitude, mais lui
ne prenait pas soin de sa condition
physique et négligeait les conséquences
psychologiques liées au fait qu’il ne soit
plus capable de chanter. Il n’en faisait
qu’à sa tête, ce qui est une attitude
indigne d’un chanteur professionnel. Je
pense que tout aurait pu se régler
rapidement, mais qu’il s’est laissé
bouffer par son angoisse. A partir de là,
nous avons vu ses capacités vocales
décliner de semaine en semaine…
On se souvient notamment de sa
performance désastreuse lors de
l’édition 2011 du Rock In Rio…
Oh oui. C’est d’ailleurs à la suite de ce
concert que nous avons décidé d’arrêter
de « forcer » la situation. Cela traînait
depuis 2007 ou 2008 ! Nous aurions dû
prendre les choses en main bien avant,
quitte à mettre le groupe en pause s’il
avait fallu. C’était très frustrant pour nous
tous, et notamment pour moi, car Edu était
l’un de mes amis les plus chers. Même si
nous demeurons en contact, notre relation
a souffert de tous les moments stressants
que nous avons vécus et nos rapports sont
devenus un peu bizarres. Cependant, il
reste un membre de la « famille Angra ».
Lorsque Fabio (Lione) n’est pas dispo-
nible, nous nous produisons au Brésil
sous le nom Angra & Friends et invitons
des amis à chanter à nos côtés. Edu a
participé à plusieurs de ces évènements
spéciaux et est toujours le bienvenu.
Nos portes lui sont ouvertes !
Quand on fait la liste de tous les
problèmes que vous avez rencontrés,
on ne peut qu’admirer votre ténacité.
Vous êtes allés de l’avant, là où d’autres
auraient jeté l’éponge…
Il y a des moments où nous étions dans
l’impasse, incapables de trouver des
solutions pour améliorer notre situation,
mais jamais nous n’aurions interrompu
la carrière d’Angra. C’était parfois
très difficile, notamment pour Kiko
dont la carrière solo était couronnée
de succès. Il fallait constamment se
battre ! Un groupe de metal est un
vaisseau qui s’efforce de maintenir le
cap alors que les vents lui sont contraires.
Il nous a fallu fournir énormément
d’efforts et investir de fortes sommes
simplement pour qu’Angra puisse
continuer d’exister…
Comment avez-vous recruté Fabio ?
Juste après le départ d’Edu, nous avons
été invités à participer à la croisière
70.000 Tons Of Metal 2012. Nous n’avions
pas de chanteur, mais l’organisateur du
festival était si fan de notre travail
qu’il a insisté pour que nous venions
tout de même et s’est engagé à recruter
un vocaliste pour nous. Cela a été un
moment très important et remotivant
pour Kiko et moi. J’étais ravi qu’on
nous suggère de collaborer avec Fabio,
que je connais depuis longtemps. A
vrai dire, nous lui avions déjà proposé
Il y a des moments où nous étions
dans l’impasse, mais jamais nous
n’aurions interrompu la carrière
d’Angra (Rafael Bittencourt)
d’intégrer Angra en 2000, avant
qu’Edu ne nous rejoigne, mais il était
trop occupé avec Rhapsody et Vision
Divine et ne pouvait pas tout concilier.
Il a donc assuré les concerts de la
croisière, et tous les métalleux qui ont
découvert Angra à cette occasion ont
adoré les prestations. Fabio a donc
continué à chanter à nos côtés en tant
qu’invité et a fini par nous rejoindre
pour de bon. Ce fut un sentiment
délectable que d’avoir de nouveau un
véritable frontman dans nos rangs !
Pourtant, vous n’aidez guère Fabio à
assumer pleinement son rôle : il y a
beaucoup d’invités qui prennent le
micro sur Secret Garden (2015), le
premier opus que vous avez enregistré
avec lui, et tu assures aussi une bonne
partie des voix en live !
Je suis d’accord avec toi en ce qui
concerne Secret Garden, mais il faut
bien garder à l’esprit qu’à l’époque,
nous ne savions absolument pas si
Fabio comptait ou non rester dans le
groupe. Nous ne voulions pas annoncer
officiellement son recrutement et faire
tout un album avec un chanteur qui
risquait de se barrer juste après ! A
l’époque, lorsque les gens nous deman-
daient si Fabio était notre chanteur, je
n’avais pas de réponse à leur donner
car je n’en savais rien. Cela me mettait
très mal à l’aise, d’autant que Fabio,
Propos recueillis par François Blanc - Interview réalisée le 30 janvier 2018 via Skype
aujourd’hui encore, refuse de signer le
moindre contrat et déclare souhaiter
rester avec nous « aussi longtemps qu’il
lui plaira ». Cependant, depuis son
départ de Rhapsody Of Fire, je me sens
bien plus rassuré. Il a largement prouvé
son implication et assumera davantage
son rôle de chanteur durant les
concerts à venir. Nous avons développé
une véritable connexion, un lien plus
fort que n’importe quel contrat !
En 2015, Angra a connu un autre
tournant : Kiko Loureiro, présent
depuis toujours, a quitté le groupe
pour rejoindre Megadeth. Comment
as-tu vécu ce départ ?
J’ai eu beaucoup de temps pour me
faire à l’idée car Kiko m’a téléphoné
avant de prendre son avion pour
Nashville, où il devait rencontrer Dave
Mustaine pour un entretien. Il m’a dit
que s’il avait la chance d’être recruté,
il accepterait le poste. J’ai été ravi qu’il
le décroche. Kiko est mon frère ! Nous
nous connaissons depuis une trentaine
d’années. J’estime qu’il est parfaitement
apte à assumer cette responsabilité et
je suis très fier de lui car je sais à quel
point il a travaillé dur et s’est battu
pour avoir le niveau qu’il a aujourd’hui.
Il mérite ce qui lui arrive. Le seul
problème, c’était de trouver quelqu’un
qui puisse maintenir ce même standard
de qualité. Kiko, qui tenait à s’impliquer
dans le recrutement de son remplaçant,
m’a suggéré Marcelo, que nous
connaissons depuis longtemps. De mon
côté, j’avais déjà pensé à lui ! Ce fut
une vraie bénédiction que d’avoir un
ami si talentueux et motivé sous la
main. Les choses se sont déroulées le
plus naturellement du monde.
Désormais, nous sommes cinq à faire
d’Angra notre priorité absolue. Nous
sommes impliqués à 100% et prêts à
tout pour que le groupe prospère.
Angra est plein de vitalité !
En 2016, votre nouveau line-up s’est
lancé dans une grande tournée pour
célébrer les vingt ans de Holy Land
(1996), l’un de vos plus beaux
disques. Votre premier chanteur,
André Matos, a fait de même de son
côté au Brésil. Pourquoi ne pas vous
être réunis, au moins le temps de
quelques dates ?
C’était mon intention ! Il se trouve
que notre manager est un bon ami
d’André. Il s’est efforcé de le convain-
cre de se rapprocher de nous, mais il
semble qu’André ne soit toujours
pas motivé par cette perspective. Je
respecte son choix, mais ne le comprend
pas et suis désolé qu’il refuse de
travailler avec moi. Personnellement,
j’aimerais beaucoup collaborer avec
lui, d’autant qu’André est une énorme
icone du metal brésilien. Nous
devrions être soudés, nous faire
bénéficier l’un et l’autre de nos atouts
respectifs ! Je pense que ce serait super
de tourner ensemble ou de travailler
sur quelques chansons, mais la balle
est dans son camp, la décision lui
appartient. Personnellement, j’aimerais
faire la paix. Je ne veux pas mourir en
ayant gardé des ennemis. Je tiens à
être en bons termes avec toutes les
personnes qui ont joué un rôle dans
mon existence.
Parlons de votre nouvel album. Les
anciens fans seront sans doute
déstabilisés par le recours à des
parties djent et très modernes.
Comment justifier leur présence sur
un album d’Angra ?
Il est indéniable que notre formation
actuelle a un son, des influences et des
références différentes des miennes.
Notre batteur, Bruno Valverde, a 26
ans, ce qui est exactement l’âge
d’Angra. C’est dingue ! Felipe (Andreoli/
basse), Marcelo (Barbosa/guitare) et lui
sont à fond sur le djent et le metal
progressif moderne. Or, je tenais à ce
que ØMNI amène de nouvelles choses,
des influences contemporaines, capables
d’enrichir le son du groupe. Et pour
trois membres, voilà comment cette
démarche s’est traduite. Cela s’est fait
naturellement, spontanément. Je ne
tenais pas à restreindre leur mode
d’expression.
Par ailleurs, vos fans, anciens ou
nouveaux, seront heureux de trouver
en ØMNI une sorte de synthèse de la
carrière du combo.
Oui, et c’est exactement ce que je
voulais. Nous avons beaucoup réécouté
nos anciens disques avant de travailler
sur celui-ci. Le grand défi était de
maintenir un équilibre entre les choses
qui évoquent le passé et les nouveautés.
J’oserais une comparaison avec la
rhétorique des philosophes anciens ;
les dix premières années du groupe
nous ont permis de poser notre thèse :
André et moi avons fondé notre style et
appris à mélanger metal, musique
classique et folklore brésilien, et à
structurer nos chansons à la manière
des compositeurs classiques. Puis,
nous avons connu un changement de
line-up massif et sommes entrés dans
l’antithèse : chanteur avec une voix
plus heavy et puissante, batteur plus
énergique et expérimenté, nouveau
son, influences progressives plus
appuyées, etc. Nous entrons désormais
dans le troisième âge, celui de la
synthèse : nous essayons de combiner
les deux périodes, tout en continuant à
explorer, comme l’a toujours fait le
groupe. Je suis sincèrement et intimement
convaincu qu’Angra vient de débuter
son plus bel âge. Y
31
 GENRE
. Death/grind metal
LE GROUPE
. Karl Willetts (chant)
. Scott Fairfax (guitare)
. Frank Healy (basse)
. Andrew Whale (batterie)
SITE INTERNET
www.memoriam.uk.com
www.facebook.com/Memoriam2016
ALBUMS
. For The Fallen (2017)
. The Silent Vigil (2018)

ARTICLES RH
RH N°177 & 185

De g. à d. : Scott Fairfax, Karl Willetts,

Frank Healy & Andy Whale
32

Quelque chose de Benediction et de Bolt Thrower survit à travers Memoriam, projet grind/death de Birmingham au sein
duquel se retrouvent Karl Willetts (chanteur de Bolt Thrower), le bassiste Frank Healy (Benediction, Napalm Death),
Andrew Whale (ancien batteur de Bolt Thrower) et le guitariste Scott Fairfax (Benediction). Cela dit, attention à ne pas
envisager Memoriam comme produit de substitution aux anciens projets cultes. Les anciens savent d’où ils viennent, mais
ne veulent rien répéter. Leur nouvel opus, The Silent Vigil, a une enveloppe étonnante et donne un successeur de poids
à un premier album remarqué, For The Fallen (2017). C’est le disque des suites de la guerre : un symbole de vie, l’arbre,
s’impose sur sa pochette, et la clôture de la trilogie est déjà en travail. Les mots de Willetts, affable, glissent sur le fil des
époques. Toujours se souvenir d’où l’on vient pour mieux savoir où l’on va.
Rock Hard : Le premier album de
Memoriam est sorti peu de temps
après votre formation. Le guitariste
Scott Fairfax avait alors dominé le
processus d’écriture. Cela a-t-il encore
été le cas pour The Silent Vigil ?
Karl Willetts : Ça a été plus ou moins
la même chose, oui. Scott est notre
principal compositeur au sens où c’est
lui qui amène les premiers riffs, les
fondements de notre musique. Il a préparé
les choses chez lui, sur son ordinateur,
et face à cette base, nous avons réagi
en groupe. Nous avons pris confiance,
les années passant, et la mélodicité
plus forte de ce disque le traduit. Notre
bassiste Frank prend le relai sur ces
riffs. Il est très bon pour sentir les
problèmes de structures au sein des
titres… Et puis, il a tendance à vouloir
injecter de la lenteur à ce que nous
faisons, ce qui contrebalance la création
de Scott, qui verse plus dans les tempi
rapides. Chez nous s’applique le principe
de l’abandon : lorsque la matière arrive
entre les mains du groupe, celui qui
en est à l’origine l’offre au collectif.
Lorsque nous nous retrouvons en salle
de répétitions, tout change car ces choses
fabriquées dans un premier temps sur
ordinateur, avec batteries programmées,
sont réinvesties collectivement. Là,
Andrew apporte sa signature rythmique
et tout se transforme : le morceau n’est
plus le même animal ! Mes textes se
finalisent une fois née cette créature,
et je suis surpris par la rapidité avec
laquelle nous parvenons à finir les
choses. Nous ne nous attardons pas,
contrairement à ce que nous avons pu
connaître avec nos groupes précédents.
Nous pensons savoir ce qui fonctionne
ou pas (petit rire), nous le faisons, et
hop, nous passons à la suite. D’ailleurs,
Memoriam n’avait pas fini The Silent
Vigil que nous pensions déjà au prochain
album. L’expérience nous a appris que
le temps passe vite, la vie aussi, et
qu’il faut saisir les choses lorsqu’elles
sont là, le plus fermement possible.
Memoriam est un nouvel espace de
liberté et nous voulons nous y permettre
des choses. Par exemple, pour le premier
album, nous avions intégré des samples
à notre musique. C’est quelque chose
que nous rêvions déjà de faire dans
nos précédents groupes. J’aime sentir
que nous avons cette liberté, cet espace
d’expérimentation : il est possible
d’essayer ! C’est vraiment fascinant de
voir naître les choses. Il y a à la fois du
plaisir et une dimension magique dans
ce moment d’assemblage des éléments.
Le temps a passé et vous avez
aujourd’hui l’expérience pour vous.
Reste que créer du neuf, c’est toujours
chercher une voie ensemble. Quel bilan
avez-vous tiré du premier album, qui
vous ait servi pour The Silent Vigil ?
Il y a effectivement eu bilan entre nous,
une discussion sur le contenu de For
The Fallen. Nous sommes très critiques
Propos recueillis par Emmanuel Hennequin - Entretien téléphonique réalisé le 31 janvier 2018
vis-à-vis de nous-mêmes car nous
sommes les mieux placés pour le faire.
Après tout, nous connaissons ces choses
mieux que personne : enregistrer, réen-
registrer, mixer, remixer, masteriser,
remasteriser, etc. Nous avons travaillé
ces morceaux à un point tel que nous
en connaissons chaque détail, chaque
recoin, la moindre pulsation. Ça devient
ta vie et nous espérons délivrer le
meilleur d’elle à l’instant T. A mon
sens, le premier album constituait une
prise de distance entre ce que nous
devenions à ce moment-là, Memoriam,
et de l’autre côté, ces fantômes du
passé qui nous accompagnent. En
même temps, nous étions conscients
des attentes que fait germer le souvenir
de Benediction et Bolt Thrower dans
l’esprit du public. Il y a forcément un
lien entre hier et aujourd’hui. Mais
nous sommes Memoriam et voulons
exister en tant que tel. Ce premier album
a moins représenté une satisfaction
totale qu’un moment symbolique, le
changement. Nous gardons quelque regret
de manière générale, je n’ai pas
peur de donner mon opinion sur la
tournure que prend l’histoire du
monde (Karl Willetts)
sur certains aspects de l’enregistrement
numérique. Le nouvel album a gagné un
son plus naturel, un feeling organique,
une qualité d’écriture – il représente
davantage le groupe que nous sommes.
Nous gardons dans ce que nous faisons
une dimension traditionnelle propre à
notre culture musicale, mais nous nous
émancipons aujourd’hui de Benediction
et Bolt Thrower. Et en ce qui me concerne,
il y a en plus un écart important sur le
plan textuel, entre The Silent Vigil et
For The Fallen. Le thème de la guerre a
fortement imprégné mes précédents
travaux, mais cette fois, je crois avoir
développé une substance plus person-
nelle dans les mots, encore plus que
sur For The Fallen. Les évènements
m’affectant ou nous touchant en tant
que groupe ont nourri les textes de
Silent Vigil, et j’ai trouvé l’exercice à la
fois exigeant et captivant. Je crois me
faire davantage confiance. Aborder les
problèmes du monde, la politique, peut
aboutir à des choses vulgaires et désuètes
si c’est fait maladroitement. Mais de
manière générale, je n’ai pas peur de
donner mon opinion sur la tournure que
prend l’histoire du monde.
Justement, quel animal politique es-
tu, aujourd’hui ?
Je parle à ce sujet en mon nom et non
en celui du groupe. Je suis quelqu’un
d’orienté à gauche, à mi-chemin entre
l’anarchie et le communisme. En tout cas,
c’est comme ça que je me qualifierais.
Et humaniste, plus que tout le reste.
Les principaux enjeux sociétaux relèvent
pour moi de l’égalité des droits et de la
lutte contre les discriminations, quels
que soient ses critères : couleur de peau,
sexualité, origine sociale. Je crois en la
force des différences. La montée des
droites, partout et tout spécialement
en Amérique, fait de ce monde un
monde dangereux. Je me considère
aussi comme pro-Européen car l’Europe
représente cette volonté politique de
combiner nos différences, de les faire
vivre ensemble. L’Angleterre ne sera ni
plus belle ni plus grande hors d’Europe.
Si les Britanniques se retrouvent dehors,
ils seront privés de cette richesse. Ils
ne seront plus… que des Britanniques,
et leur opinion sera polarisée, ce qui
nuira au projet d’unité. Quand tu penses
que les générations les plus anciennes,
particulièrement sujettes à la manipu-
lation médiatique, ont voté majoritai-
rement pour le Brexit, ont emporté le
vote et ont choisi le destin qui serait
celui des jeunes générations… Je trouve
ça déprimant. Alors oui, mes textes
transpirent parfois de ma préoccupation
politique. Le morceau « Bleed The
Same » a pour sujet l’égalité et
contient un extrait d’un speech de
Martin Luther King : le fameux dernier
discours qu’il a donné avant qu’il soit
assassiné.
Il y a un an, tu revenais sur Bolt
Thrower et évoquais cette exclusivité
accordée par ses membres au groupe.
Existait-il une loi qui empêchait que
vous vous en évadiez pour faire
d’autres choses, sans parler d’aban-
donner le navire ?
Il y avait, je ne dirais pas une loi mais
un pacte, quelque chose de non-dit. Et
j’ai trouvé personnellement restrictif
ce principe de « devoir se consacrer à ».
Il y avait, chez certains, cette crainte
que si nous allions voir ailleurs, nous
disperserions notre énergie et dilue-
rions la force de Bolt Thrower. Mais
quelque part, tu te fermes des portes
en suivant ce principe. Je trouvais,
pour ma part, très fort de faire Bolt
Thrower ; mais en même temps, enre-
gistrer un album tous les cinq ans, ne
donner que quelques shows dans
l’année, et encore, si tu as un peu de
chance… Tout cela se déroulait à un
rythme très lent. C’était frustrant à
divers égards et ça ne fonctionnait pas
pour moi… Je me rappelle avoir parlé
avec Kiddie (Ndlr : alias Martin Kearns,
batteur dont la mort a entraîné la fin de
Bolt Thrower) début 2015 avant son
décès de la possibilité de faire autre
chose, en dehors de Bolt Thrower. Mais
voilà, il y avait cette loi. Pour moi,
cette loi est morte. A tel point que je
travaille actuellement, en dehors de
Memoriam, sur un autre projet studio
(Ndlr : Troikadon, avec Dave Ingram et
Kam Lee [Massacre, Death]). Il ne faut
pas empêcher les choses de se produire
et je suis heureux de les faire.
Comment comparerais-tu la qualité
des échanges musicaux et humains
entre Bolt Thrower et Memoriam ?
Bolt Thrower s’est développé sur un
cycle étendu dans le temps, la longévité
caractérisait notre parcours. Il y avait
entre nous un feeling organique, nous
nous connaissions très bien en tant
que musiciens. Nous avions un sens
musical commun et formions une unité
forte sur scène. Les chansons elles-
mêmes... Nous les avons tellement
jouées que j’ai le sentiment de les
connaître encore par cœur aujourd’hui,
de les avoir en moi. Après, au-delà de
cette activité musicale, nous ne
partagions pas spécialement une vie
sociale. Nous nous retrouvions pour les
shows, nous ne sortions pas beaucoup
les uns avec les autres… Cela ne me
pose aucun problème, les choses sont
ce qu’elles sont. Memoriam, à de
nombreux égards, est l’opposé de Bolt
Thrower. C’est aussi une expérience
que nous connaissons à un âge plus
avancé, et la camaraderie fait partie
de l’histoire d’aujourd’hui : nous nous
sommes choisis mutuellement et cela
crée quelque chose de spécial. Je crois
en notre chimie, elle est forte. En ce
sens, nous avons encore davantage ce
caractère d’unité que ne l’avait Bolt
Thrower.
Existe-t-il du côté du camp Bolt
Thrower des projets de sorties :
concerts, raretés ?
Ce n’est pas un camp, mais un
bivouac ! (rires) Non, nous n’avons rien
prévu en ce sens. Il ne reste d’ailleurs
plus grand-chose à sortir, en vérité,
même si j’aimerais qu’il en soit autre-
ment. Bolt Thrower est mort, vive Bolt
Thrower ! Et si le groupe comptait un
jour refaire quelque chose (Ndlr : début
mars 2017, un communiqué faisait part
du désir d’une sortie hommage à Kearns),
ce genre de projet ne m’investirait pas
a priori.
Une dernière chose : le fameux mor-
ceau « Drone Strike » n’apparaît pas
sur le track-listing officiel de The
Silent Vigil… A-t-il été réenregistré à
l’occasion de vos dernières sessions ?
Oui ! « Drone Strike » version 3 !
(rires) La première était sur la démo, la
deuxième avait été virée du track-
listing du premier album, mais cette
fois, c’est la bonne. Elle apparaîtra en
titre bonus sur le format CD. Y
33
 Propos recueillis par Benji - Photos Benji - Entretien téléphonique réalisé le 12 février 2018
Wishbone Ash a connu son heure de gloire dans les années 70, jouant dans les plus grandes salles et assurant la tête d’affiche des
festivals les plus renommés. Depuis, le groupe anglais est en quelque sorte devenu « culte », avec tout ce que cela implique de
respect, mais aussi d’oubli… Ayant influencé d’innombrables formations au sein desquelles les guitares sont reines, Wishbone Ash
célèbre aujourd’hui ses années fastes avec la sortie d’un incroyable coffret disponible en édition limitée, loin d’être accessible à
toutes les bourses (environ 280 euros), mais d’une qualité et exhaustivité indéniables. Avant le retour du combo sur les routes
françaises pour une série de sept dates (Cf. agenda), il était temps que nous donnions enfin la parole à Andy Powell, son très
sympathique dernier membre originel qui nous a tout dit sur cet objet du désir, et bien d’autres choses encore.
Rock Hard : En avril, Wishbone Ash donc un coffret pour les vrais fans, En effet. Snapper Music, le label lon- cela représentait un challenge diable-
publiera un imposant coffret ceux qui nous suivent depuis toujours donien en charge de ce coffret, a fait ment excitant. En un sens, Wishbone
nommé The Vintage Years 1970- ou presque, mais aussi pour ceux qui exactement le même constat que toi : Ash est une sorte de groupe culte que
1991. Cela fait plusieurs années sont intéressés par l’évolution du toutes nos anciennes maisons de beaucoup de groupes dont vous parlez
que vous bossez sur ce projet. Qui groupe durant ses vingt premières disques ne faisaient strictement rien, régulièrement dans vos colonnes – je
en est à l’origine et quelle a été ton années (Ndlr : Andy oublie de préciser ou presque, pour tenter de faire vivre pense à Iron Maiden et Opeth, par
implication dans sa conception ? que ledit coffret contient aussi un cette discographie. Snapper est exemple – citent ouvertement comme
Andy Powell : Ce coffret représente livre/poster de 36 pages, un flexi-disc, 4 rompu à l’art du coffret et a déjà reçu une influence. Ce coffret est aussi
environ trois ans et demi de travail. reproductions d’affiches de concerts, une des prix pour la qualité de ceux qu’il l’occasion, pour les fans de ces
Il couvre donc toute la période de la reproduction du pack promotionnel du a consacrés à Steve Hillage, The groupes-là, de découvrir notre passé
formation dite « classique », qui incluait premier album et des photos signées par Pretty Things, etc. Là où il est très en profondeur.
Martin Turner au chant et à la basse, tous les membres du groupe !). doué, c’est dans la négociation avec
Ted Turner à la guitare et au chant, Martin, Ted, Steve et Laurie ont
Steve Upton à la batterie, et moi-
même à la guitare et au chant. Tous
Wishbone Ash est une sorte de également été impliqués dans la
conception de l’objet. Nous savons
les albums parus à partir de 1974,
avec Laurie Wisefield à la guitare et
groupe culte que beaucoup de qu’en 2013, un sérieux conflit t’a
opposé à Martin (Ndlr : en 2005,
au chant, y sont également inclus,
ainsi que ceux avec des formations
groupes – je pense à Iron Maiden Martin Turner, après des années
passées sans enregistrer ou
encore différentes (Ndlr : avec notamment
les bassistes John Wetton, Trevor Bolder
et Opeth, par exemple – citent tourner, a repris la route sous le
nom de Martin Turner’s Wishbone
et Mervyn Spence et le batteur Ray
Weston). On y trouve donc un total de
ouvertement comme une influence Ash. Un arrangement à l’amiable
s’avérant impossible, Powell a
16 albums studio remastérisés – dont
certains avec des titres bonus – ainsi
(Andy Powell) intenté un procès à Turner et a
gagné les droits sur l’exploitation
que les trois principaux live officiels Il est étonnant d’observer que très les anciens labels qui détiennent les du nom car lui n’avait jamais
sortis durant cette longue période peu des albums parus durant la droits sur ces disques : dans notre cessé de tourner sous la bannière
(Ndlr : à savoir Live Dates, Live In période couverte par ce coffret ont cas, Universal, Decca et MCA. Comme Wishbone Ash). D’évidence, les
Tokyo 78 et Live Dates 2, respectivement été réédités de façon sérieuse. tu peux t’en douter, plus aucun contacts ont dû être plus que limités
parus en 1973, 79 et 80). Cerise sur le Exception faite d’Argus (1973), employé de l’époque ne fait partie des les années qui ont suivi, mais avez-
gâteau, nous y avons ajouté huit ressorti en version Deluxe double équipes actuelles. On ne se préoccupait vous été amenés à communiquer à
concerts complets sur 11 CDs balayant CD en 2007 et de quelques autres donc plus de nos albums. Nos fans se propos de ce coffret ?
la période 1973/1980. Que des choses comme No Smoke Without Fire lamentaient de cet état de fait. Ils Nous n’avons pas été en contact
jusqu’ici inédites, mais dont les fans (1978) et Just Testing (1980) qui souhaitaient pouvoir mettre la main direct. Par contre, nous en avons eus
connaissaient l’existence. Au final, renfermaient quelques titres sur des versions remastérisées de ces par différents intermédiaires (petit
cela fait un total de 30 CDs ! Cette bonus, mais rien d’extraordinaire. opus, mais aussi pouvoir découvrir rire). Nous avons tous été interviewés
somme est agrémentée d’un livre En tout cas, vous étiez jusqu’ici des raretés, des choses inédites séparément pour le bouquin et nous
grand format de plus de 150 pages moins bien lotis que nombre de vos présentées de jolie façon. Snapper m’a avons coordonné nos contributions à
renfermant de nouvelles interviews contemporains. Est-ce l’une des fait part de son projet en me disant ce coffret : Martin et moi possédions
de tous les membres du groupe, ainsi raisons majeures de la sortie de ce que, vue la masse de matière qu’il de nombreuses archives audio de très
que des tonnes de photos rares. Voilà coffret ? envisageait d’inclure dans ce coffret, bonne qualité. Alors nous avons
enterré la hache de guerre et collaboré
. Nouveau Calls (1987) pour que tout le monde soit gagnant,
GENRE ALBUMS . ARTICLE RH
Here To Hear (1989)
. Hard rock/progressif . . Strange Affair (1991) à commencer par les fans qui se
Wishbone Ash (1970)
. RH N° 185
. Pilgrimage (1971) Illuminations (1996) procureront cet objet. C’est vrai, je
LE GROUPE . Argus (1972) . Trance Visionary (1997)
. . Wishbone Four (1973) . Psychic Terrorism (1998) n’ai pas appelé Martin pour lui
Andy Powell (guitare, chant) . . Bare Bones (1999) demander ce qu’il avait dans son
There's The Rub (1974)
. Mark Abrahams (guitare) . Locked In (1976) . Bona Fide (2002)
. New England (1976) . Clan Destiny (2006) garage. Ça ne s’est pas passé comme
. Bob Skeat (basse, chant) . . Power Of Eternity (2007) ça, Snapper a servi d’intermédiaire.
Front Page News (1977)
. . No Smoke Without Fire (1978) . Elegant Stealth (2011)
Joe Crabtree (batterie) . . Blue Horizon (2014) Non seulement il a négocié avec nos
Just Testing (1980)
. Number The Brave (1981) . The Vintage Years 1970 – 1991 anciens labels, mais il a aussi su
SITE INTERNET . Twin Barrels Burning (1982) (coffret – 2018)
. + une quinzaine de live et autant de
discuter avec chacun des membres
wishboneash.com Raw To The Bone (1985)
compilations du groupe, faisant en quelque sorte

34
Andy Powell
 office de juge de paix. Cette boîte est
habituée à ce genre de situation,
puisque lorsqu’elle s’est lancée dans
ce genre d’entreprise dans le passé,
elle a souvent été confrontée à ce
genre de situation : les musiciens ne
jouaient plus ensemble, s’étaient
parfois brouillés, comme cela peut
arriver dans une famille. Tu as alors
besoin d’une personne indépendante
capable de discuter avec tout le
monde sans provoquer de drame.
Finalement, les décisions se sont faites
en parfaite harmonie, il n’y a eu aucun
accroc, ce dont je suis heureux.
Est-il vrai que vos premiers
concerts en dehors du Royaume Uni
Martin Turner et moi avons enterré la hache de
guerre et collaboré pour que tout le monde soit
gagnant, à commencer par les fans qui se
procureront ce coffret (Andy Powell)
ont eu lieu à Paris entre le 02 et le
07 avril 1970 ? On parle de deux
soirs au Bilboquet, deux autres au
Golf Drouot, et les deux derniers
au Rock’n’Roll Circus ?
C’est parfaitement exact. Notre manager
de l’époque avait un ami français
avec qui il avait été à l’université, et
ce gars vivait à Paris. Je pense que
c’est ce dernier qui nous a aidés à
décrocher cette série de concerts.
Pour nous, c’était très exotique : en
ce qui me concerne, je n’avais jamais
quitté l’Angleterre avant de venir
donner ces shows parisiens ! Nous
avons même croisé Mick Jagger au
Rock’n’Roll Circus. Je n’en croyais
pas mes yeux ! Je garde de superbes
souvenirs de ces shows, mais aussi
du voyage pour rallier votre capitale.
Il faut se souvenir qu’à l’époque, les
36
routes n’étaient pas aussi directes
qu’aujourd’hui, tant en Angleterre
qu’en France. Ce fut donc une vraie
aventure ! Les gens voyageant moins
d’un pays à l’autre, la différence de
cultures nous paraissait immense.
Une autre venue en France dont tu
dois sûrement te souvenir est votre
concert en tête d’affiche du
Festival d’Orange, le 17 août
1975, dans le cadre somptueux du
Théâtre Antique. Vous avez débuté
votre show à environ quatre heures
du matin, pour finir au lever du
jour !
Je m’en souviens comme si c’était
hier ! Les festivals, dans les années
70, étaient loin d’être aussi « carrés »
qu’aujourd’hui. On te disait que tu
serais sur scène à 23h00 ou minuit,
mais en général, tout prenait un retard
monstre. C’était un peu chaotique,
dans un esprit « hippie », sans
pression… J’étais à mon hôtel en
train d’attendre qu’on me dise de
venir sur le site du festival pour
jouer, et ça n’en finissait pas. Je ne
buvais pas d’expressos à l’époque,
mais là, je me suis dit que si je
voulais tenir durant le concert, j’en
aurais bien besoin ! Je me souviens
de ce lieu sublime, où j’ai d’ailleurs
amené mon fils des années plus tard
afin de lui montrer où j’avais joué.
Comme une sorte de pèlerinage…
L’atmosphère dans cet amphithéâtre
romain était incroyable, et tu as raison,
nous avons fini par « Phoenix » quand
les premières lueurs du soleil sont
apparues. Quel souvenir ! Encore
aujourd’hui, lorsque je viens en France,
on m’en reparle. Il faisait beau et chaud,
les gens étaient cools, profitaient du
moment. Je m’en souviens particuliè-
rement parce que, pour moi aussi, ce
fut un évènement pas comme les
autres. Nous avons donné pas mal de
gros concerts cet été-là en Europe et
aux USA, mais celui-ci sort du lot à la
grâce de son atmosphère magique.
Muddy Manninen, votre guitariste
depuis 2004, vous a quittés début
2017. Il a été remplacé par Mark
Abrahams. Pourquoi est-il parti et
comment avez-vous déniché Mark ?
Mark Abrahams & Andy Powell
Les treize années que Muddy a passées
dans le groupe ont été très productives.
Nous avons vraiment bien travaillé
ensemble, mais j’ai senti qu’au fil
du temps, il n’était plus enchanté à
l’idée de jouer autant que nous le
faisons. Lors de nos dernières tournées,
il était présent physiquement, mais
plus vraiment motivé. Il est donc
parti, logiquement, mais je n’ai que
de bonnes choses à dire à son sujet.
Je connaissais Mark depuis un
moment. Il est originaire de Leeds et
a grandi au son de notre musique :
son père étant un gros fan du groupe,
il a appris à jouer de la guitare en
écoutant nos disques. Lors de la
première Wishbone Ash Convention en
Angleterre, en 1994, Mark a joué
avec son groupe et je l’ai remarqué.
Je suis resté en contact, le croisant
de temps à autre à son magasin de
musique, à côté de Leeds. Je savais
qu’il était bon guitariste, mais je
n’imaginais pas à quel point avant
que je joue avec lui. Un jour, nous
nous produisions à Sheffield, et
Mark, sa copine, Bob, notre bassiste,
et moi sommes allés boire quelques
coups dans un pub. A vrai dire, nous
étions un peu saouls ! Je savais déjà
que Manny n’était plus heureux dans
le groupe et qu’un changement allait
être imminent. J’ai donc demandé à
Mark, un peu sur le ton de la plaisan-
terie : « Et si tu rejoignais le groupe ? »
Il a accepté, et les premières répétitions
ont été incroyables.
Nous avons assisté à votre premier
concert avec Mark, en juin 2017,
au Sweden Rock Festival, et nous
avons été bluffés par le show.
Impossible de deviner que c’était sa
première apparition avec vous !
Je n’aurais jamais pensé que ça se
passerait aussi bien ! Ça aurait pu
être un problème car ce n’était pas
un petit concert, même si nous jouions
très tôt dans la journée, vers midi.
Mais Mark a vraiment assuré. Il peut
s’adapter très facilement à l’environ-
nement, que ce soit un festival, une
grande salle ou un petit club. Il sait
comment s’y prendre pour obtenir un
bon son et connaît notre répertoire
sur le bout des doigts. On aurait dit
que c’était écrit, un vrai rêve ! Au
Sweden Rock, nous avons donné un
concert plutôt intense, assez hard
rock, et ça a très bien marché : nous
sommes sortis de scène sur un
nuage !
Tu utilises une Flying V depuis tes
débuts, ou quasiment. C’est devenu
une vraie marque de fabrique.
Quand et comment es-tu tombé
amoureux de cette guitare ?
Aujourd’hui, beaucoup considèrent la
Flying V comme la troisième guitare
iconique du rock, et en particulier
dans le metal. Tu as la Stratocaster, la
Les Paul et la Flying V. Mais à la fin
des années 60, c’était loin d’être le
cas. Les gens trouvant sa forme un
peu trop futuriste, elle était très peu
utilisée. Il fallait vraiment être un
extraverti pour s’en servir ! De plus,
il n’était pas simple d’en trouver à
Londres. Néanmoins, un magasin en
avait deux en stock, des modèles
1967, encore dans leurs étuis d’origine.
J’étais venu acheter un ampli Orange,
que nous utilisions beaucoup à cette
époque, et j’ai dit au vendeur : « J’ai
besoin d’une guitare pour le tester ». Il
m’a tendu l’une de ces Flying V et j’ai
tout de suite accroché. J’aimais le
son qu’elle dégageait avant même de
l’avoir branchée ! Elle avait déjà cinq
ans d’âge (Ndlr : ce devait donc être
aux alentours de 1971), mais elle n’avait
jamais été utilisée et était donc en
parfait état. Je me suis dit que je
pouvais faire une bonne affaire, alors
j’ai fait une offre pour sa somme de
300£. Le vendeur a accepté et, le soir
même, elle trônait dans mon petit
appartement londonien. Je n’arrivais
pas à croire qu’elle était à moi ! J’ai vite
réalisé que sa forme me correspondait
bien car c’est vraiment une guitare
 (dont Cliff Williams, futur bassiste
d’AC/DC, faisait également partie),
est-ce que cela t’a ouvert d’autres
horizons ?
Bien sûr. Laurie avait à la base un
style assez différent du mien, plus
américain si je puis dire, West Coast,
alors que j’ai une base plus bluesy.
Nous avons tous deux pioché dans les
influences de l’autre pour mieux
nous comprendre, et ça nous a permis
d’ouvrir encore notre travail sur les
sections de guitares. Sur There’s The
Rub (1974), on entend clairement de
nouvelles choses dans ce département,
des tonalités différentes.
Nous savons que la communication
avec les anciens membres du
groupe n’a pas toujours été simple.
l’ont quitté, alors qu’il y a un gouffre
entre ce qu’il était alors et ce qu’il
est aujourd’hui. Pour moi, Wishbone
Ash est une entité en évolution
permanente, liée aux différents
musiciens qui en ont fait partie et lui
ont apporté leur créativité. Pour eux,
cela se limite aux vingt premières
années couvertes par le coffret. Certes,
beaucoup considèrent qu’il s’agit de
la période « classique » du groupe,
mais les 25 années qui ont suivi ont
aussi généré d’excellents disques à
mon sens. Mais bon, il ne faut jamais
dire jamais. Le procès que tu as évoqué
a été difficile à vivre, mais j’avais
continué à porter le flambeau de ce
groupe durant toutes ces années.
Alors, même si j’étais très réticent à
l’idée d’engager ce procès, je n’ai

Ma Flying V est devenue, au fil des

faite pour donner des concerts. Il
n’est pas très pratique d’en jouer
assis, il faut bouger avec. J’étais un
gamin très mince à l’époque, et c’était
comme une extension de mon corps.
J’ai vraiment adoré, immédiatement,
et cette guitare est devenue, au fil
des ans, synonyme de mon style, tant
au niveau son que visuel. Je pense
que cela a pu donner des idées à
d’autres musiciens, et j’en suis fier.
Je sais que Michael Schenker nous a
vus en concert à nos débuts. Son frère
Rudolf (Scorpions) m’a d’ailleurs
acheté un paquet de Flying V !
Le duo que tu formais avec Ted
Turner, et plus tard avec Laurie
Wisefield, a influencé bien d’autres
tandems de guitaristes. Acceptes-
tu la « paternité » de groupes
comme Iron Maiden, Thin Lizzy et
Judas Priest, pour n’en citer que
quelques-uns ?
Complètement ! Bien sûr, ils ont leur
propre style, qui est plus dur que le
nôtre, mais si tu écoutes notre travail
sur album ou en concert, tu t’aperçois
que nous avons beaucoup évolués dans
l’utilisation des guitares jumelles.
Tout comme ces groupes, et d’autres
plus récents, ont continué de s’appro-
prier cette technique et offert de
nouvelles choses encore. Et puis,
sans que nous ayons eu besoin de les
copier, nous écoutions nous aussi
d’autres formations dans lesquelles
évoluaient deux guitaristes, comme
Fleetwood Mac et Blossom Toes, qui
sont en quelque sorte les racines de
notre propre évolution. Mais il est
sûrement vrai de dire que peu d’autres
groupes ont autant développé ces
duels de guitare que nous à l’époque.
ans, synonyme de mon style, tant au
niveau son que visuel (Andy Powell)
Mais dirais-tu que la porte est pas eu le choix. Après, il y a eu des
fermée à double tour et qu’il est avocats, un jugement, des tensions,
impossible d’envisager un concert, mais au final, il reste la musique. Je
voire une tournée, avec les trois suis une personne plutôt facile à
autres membres originaux, et pour- vivre et il en faut beaucoup pour me
quoi pas aussi avec Laurie qui fut pousser à bout. Je crois que ce groupe
lui aussi un musicien très important a produit sa meilleure musique
du groupe ? lorsque tous ses musiciens étaient sur
La porte n’est pas fermée, non. Même la même longueur d’ondes, gardaient
Bob Skeat si c’est sûrement plus difficile pour un esprit ouvert et bossaient tous
eux que pour moi de l’envisager. J’ai dans le même sens. Alors, je préfère
En 1974, nous avons enregistré toujours fait partie de cette formation, ne pas dire « jamais ». Mais si cela
l’album There’s The Rub, le premier alors qu’ils l’ont tous quittée à un doit se faire, il faudra que ce soit
avec Laurie Wisefield, au Criteria moment ou un autre, pour des raisons dans des circonstances qui font que
Studio de Miami, avec le producteur différentes. Ils ont sûrement encore tout le monde se sentira concerné
Bill Szymczyk. Ce dernier a ensuite en tête le groupe à l’époque où ils pour les bonnes raisons. Y
enregistré deux albums des Eagles
dans ces mêmes studios, dont Hotel Joe Crabtree
California en 1976. Or, tu noteras qu’il
y a beaucoup d’harmonies à deux
guitares sur ce disque, en particulier
sur le titre « Hotel California ». J’ai
tendance à croire que c’est dû à une
petite influence de notre part…
On peut imaginer que Ted et toi
avez passé des heures et des heures
à développer ces harmonies et ce
jeu à deux, tout ou presque étant à
faire dans ce domaine…
C’était un livre ouvert, et tu as parfai-
tement raison, nous avons passé
beaucoup de temps ensemble à travailler
sur ces possibilités. Je pense qu’une
des clés de notre musique est qu’elle
est pleine de feeling, et ces parties de
guitares faisaient partie intégrante de
ces ambiances. Ce fut beaucoup de
boulot, mais c’était passionnant.
Nous utilisions aussi la basse comme
une troisième guitare, ou presque, et
c’est un aspect qui est souvent oublié
car on a tendance à mettre en avant
nos guitares. Je crois qu’au moment
où est sorti Argus (1972), nous étions
arrivés à une sorte d’équilibre parfait
et que nos compositions suivaient
cette pente ascendante. C’est proba-
blement pour cette raison que ce
disque a été si bien accueilli.
Lorsque Ted et parti et que Laurie
a rejoint le groupe en 1974, lui qui
venait de Home, une formation plus
progressive que Wishbone Ash

37
 Propos recueillis par François Blanc - Photos Marc Villalonga - Interview réalisée le 30 janvier 2018 à Paris
Tranchante et mortelle comme un coup d’épée, la nouvelle s’est abattue le 25 mai 2016 : Manowar, parangon emblématique et plus
vaillant défenseur du « vrai » metal a annoncé, comme d’autres avant lui, qu’il déposerait bientôt les armes afin de s’octroyer un
repos mérité. Mais que tous les « Manowarriors » se rassurent, une très longue tournée, dont les dates seront bientôt précisées,
retardera le moment des adieux ! Nous avons retrouvé Joey DeMaio dans le hall de son luxueux hôtel parisien, alors que l’inénarrable
leader parcourait l’Europe à la rencontre des promoteurs et des journalistes. En plus de figurer au palmarès des hommes les plus
virils du monde, le mythique bassiste s’est avéré un interlocuteur très amical et loquace. Nous nous sommes simplement permis de
couper quelques-uns de ses panégyriques adressés au groupe et à ses fans – les meilleurs du monde, cela va sans dire – pour ne
pas avoir à tripler la taille de cet article. Nous espérons que vous nous pardonnerez !
Rock Hard : En décembre dernier, que mon corps était victime d’une avons eu des difficultés à trouver des respecté notre musique et nos fans, à
une intoxication alimentaire et une infection. Comme nous avions trois lieux acceptant de nous laisser jouer tel point qu’à chaque fois que nous
sévère déshydratation t’ont conduit jours de pause avant le show suivant, comme nos fans le voulaient et avions un problème avec une maison
à annuler les deux concerts que je pensais qu’une cure de sommeil comme nous le voulions. Nous ne de disques, nous l’envoyions se faire
Manowar devait donner à Stuttgart. suffirait à me remettre sur pied. Le voulons pas enfreindre la loi ou poser foutre. Notre musique est restée pure
Que s’est-il passé ? Comment te lendemain, je me suis tout de même des problèmes, mais Manowar doit et n’a jamais changé. Nous n’avons
sens-tu aujourd’hui ? rendu dans une clinique, où une jouer fort ! Or, cette règle va à l’en- jamais bradé la qualité de nos perfor-
Joey DeMaio : Je me sens infiniment nouvelle batterie de tests a permis de contre des lois sur le nombre de mances : nous ne pourrions pas jouer
mieux et suis de nouveau à 100% de déterminer que j’étais sous l’effet décibels autorisé dans vos salles de avec du matériel de location de
mes capacités. Ça m’a beaucoup d’une intoxication alimentaire parti- spectacles. Mais rassurez-vous : jamais merde et laisser les fans avec un son
peiné de devoir annuler ces concerts, culièrement violente. On m’a placé sous nous n’oublierons nos fans français ! pourri. Il en va de même pour la fin
d’autant qu’en presque quarante ans antibiotiques et injecté des fluides en Ils sont extrêmes dans leur foi en le du groupe : nous tenons à partir
de carrière, ça ne m’était encore intraveineuse. Je n’étais certes pas groupe, dans leur fidélité à notre dignement, alors que nous sommes
jamais arrivé. Bien sûr, j’ai déjà en forme, mais le pire pour moi était musique et à son message. Comme ils encore au top.
assuré des performances alors que je
n’étais pas au mieux de ma forme,
mais un rhume ou des maux de tête
Nous ne voulons pas enfreindre Cela signifie-t-il qu’il n’y aura plus
jamais de nouvel opus studio de
n’ont jamais affecté mon jeu ou mon
attitude. Tout a commencé lors du
la loi ou poser des problèmes, Manowar ? En 2015, tu déclarais
avoir consigné quelques nouvelles
concert de Trier (Ndlr : en Allemagne,
le 12 décembre). Nous venions de mais Manowar doit jouer fort ! idées sur bandes…
J’ai la chance de disposer de mon
débuter notre deuxième chanson
lorsque, tout à coup, la pièce s’est (Joey DeMaio) propre studio, ce qui fait que je suis
constamment en train de bosser sur
mise à tourner. Dix minutes plus tard, de décevoir les fans en annulant sont frustrés que nous ne passions de nouvelles mélodies. Mais pour
le phénomène se reproduisant, j’ai deux dates. C’est en prenant cette pas en France, ce sont eux qui l’instant, il m’est impossible de
préféré avertir Eric (Adams/chant) : décision que je me suis senti le plus viennent à nous et voyagent pour répondre à ta question. J’y pense, oui,
« Tu ferais bien de me surveiller, il est mal ! D’un autre côté, je ne pouvais assister à nos concerts ! C’est un mais je veux avant tout tirer le
possible que je m’évanouisse ! ». Dès pas les laisser payer leurs tickets immense privilège et nous éprouvons meilleur parti du temps dont nous
que j’ai pu, je me suis éclipsé backs- alors que je n’étais pas capable de beaucoup de gratitude. Nos fans sont disposons. Devons-nous exclusivement
tage et j’ai dit à notre tour-manager jouer, cela n’aurait pas été juste. si géniaux et dévoués… Nous avons nous concentrer sur le fait de donner
d’appeler des médecins. Entre les Nous travaillons donc actuellement à énormément de chance. le plus de concerts possibles à travers
chansons, je leur ai fait vérifier ma la reprogrammation de ces concerts. le monde ? Avant de penser à un
pression sanguine, mon pouls, mon Des informations seront bientôt mises Manowar a officiellement communi- éventuel album, je veux voir jusqu’où
rythme cardiaque, etc. A première vue, en ligne. qué sur l’imminence de son départ cette tournée nous mènera. Encore
tout était normal, même s’ils m’ont en retraite. Qu’est-ce qui vous a une fois, c’est une question de temps
dit que je devais boire davantage car Votre dernière tournée s’est exclu- poussés à prendre cette décision ? et de qualité. Si les étoiles s’alignent
j’étais vraiment déshydraté. Après sivement concentrée sur l’Allemagne Manowar a toujours été un groupe et que nous avons le temps de nous
avoir pris de l’oxygène et une bonne et la Scandinavie. Mais qu’en est-il qui fait et vit les choses à 100%. rendre en studio pour faire un excellent
bouffée d’air frais, je me suis senti un de la France, pays où vous n’êtes Nous avons un niveau d’exigence très album, alors nous le ferons. Mais à ce
peu mieux et j’ai réussi à aller au plus passés depuis 2012 ? élevé et avons toujours mis l’accent stade, je n’en sais rien. Je ne peux et
bout du concert. Une fois le show Nous avons un lourd passif en sur la qualité. Ainsi, nous avons ne veux rien promettre. Ce que je
achevé, les docteurs m’ont signalé France. Dès les années 80, nous toujours pensé qu’il valait mieux puis affirmer, c’est que je n’ai jamais
s’arrêter trop tôt que trop tard. Oui, manqué d’idées. Où que j’aille et quoi
. Gods Of War Live (live – 2007) c’est une décision difficile à prendre, que je fasse, j’ai toujours de nouvelles
GENRE ALBUMS . Classics (best of – 2009)
. Heavy metal . . Battle Hymns MMXI mais actuellement, nos performances mélodies à l’esprit !
Battle Hymns (1982)
. Into Glory Ride (1983) (réenregistrements – 2010) sont excellentes et je ne veux pas
LE GROUPE . Hail To England (1984) . The Lord Of Steel (2012)
. . Sign Of The Hammer (1984) . The Lord Of Steel Live subir de déclin. Le pire serait que les Disposes-tu de matériel totalement
Eric Adams (chant) . (live – 2013) fans en viennent à se dire : « Oh merde, inédit dans tes archives, de démos
Fighting The World (1987)
. Karl Logan (guitare, claviers) . Kings Of Metal (1988) . Kings Of Metal MMXIV
. The Triumph Of Steel (1992) (réenregistrements – 2014) ce n’est plus aussi bien qu’avant ! ». Je ou de titres qui n’ont encore jamais
. Joey DeMaio (basse) . ne veux jamais en arriver là. été dévoilés ?
Louder Than Hell (1996)
. Marcus Castellani . Anthology (best of – 1997) ARTICLES RH L’honnêteté et l’intégrité, voilà ce (Il réfléchit) Probablement… Mais il
(batterie live) . Hell On Wheels – Live RH N° 11, 86 & 185 qui définit Manowar et nous garantit faut bien garder à l’esprit que je
(live – 1997)
. Hell On Stage Live (live – 1999) cette relation privilégiée avec notre possède une gigantesque quantité
SITE INTERNET . Warriors Of The World (2002)
www.manowar.com . Gods Of War (2007) public. Année après année, album d’archives. Partir à la recherche de
après album, nous avons toujours ce genre de documents reviendrait à

38
Joey DeMaio
 fouiller dans un énorme tiroir à
chaussettes qui contiendrait l’équi-
valent de trente ans de linge sale !
(rires) Peut-être que je m’attèlerai à
cette tâche plus tard, quand je
disposerai de plus de temps. Il
pourrait certainement en ressortir
des choses intéressantes.
En 2010 et 2014, Manowar a
respectivement réenregistré deux
de ses albums les plus embléma-
tiques, Battle Hymns (1982) et
Kings Of Metal (1988). Pourquoi
ce choix ?
Un disque s’apparente toujours à une
photo de famille : c’est un instantané,
le témoignage d’un moment précis.
Lorsque tu es en studio, tu fais de ton
mieux, avec le meilleur équipement
et les meilleurs partenaires possibles.
Or, le studio dans lequel nous avions
enregistré Battle Hymns avait beau-
coup de problèmes. Avec le temps et
l’expérience, nous avons appris à
mieux maîtriser les choses. Et puis,
chaque année, la technologie progresse.
Te souviens-tu du moment où les
VHS et les fax étaient à la pointe de
la modernité ? Dès que nous avons eu
le privilège d’avoir notre propre
studio, j’ai été obsédé par l’idée de
réenregistrer certains de nos vieux
albums. Dieu sait à quel point j’aime
les chansons qu’ils contiennent,
mais je ne peux en dire autant de la
production et de l’enregistrement
d’origine. J’étais satisfait à l’époque,
bien sûr, car c’était le meilleur
résultat que nous pouvions obtenir.
Aujourd’hui, il est possible d’aller
bien plus loin, d’offrir de bien
meilleures versions de nos chansons.
Nous le ferons peut-être avec Sign Of
The Hammer (1984) à un moment
donné. Ce serait en tout cas mon
troisième choix après Battle Hymns et
Kings Of Metal.
Que s’est-il passé avec Donnie
Hamzik, votre ancien batteur qui a
quitté le groupe l’an dernier ?
Il nous a simplement dit qu’il avait
des choses personnelles à régler, ce
que je peux tout à fait entendre. Je
respecte sa décision. Si quelqu’un me
demande de l’aide, je fais de mon
mieux, et s’il a besoin d’être écouté,
je suis là. J’aurais du mal à en dire
plus concernant Donnie car je suis
loin d’être au courant de tout.
J’ignore, par exemple, s’il réintégrera
ou non le groupe plus tard, cela
dépendra de lui. Il sera toujours le
bienvenu : lorsque quelqu’un rejoint
Manowar, il devient un frère pour
toujours.
Comment avez-vous rencontré
Marcus Castellani, son remplaçant
en tournée ?
C’est Manuel, notre manager, qui nous
l’a chaleureusement recommandé
car ce sont deux grands amis.
Marcus a jadis fait partie d’un tribute-
band à Manowar. C’est un vrai coup
de chance de l’avoir rencontré, un
beau cadeau comme la vie en fait
parfois. Les choses se déroulent très
bien et nous sommes très satisfaits.
Marcus a une bonne énergie. C’est un
bon musicien, qui avait l’avantage de
40
bien connaître les chansons avant
même de rejoindre le groupe.
Actuellement, il y a une très bonne
énergie au sein de Manowar. Tout le
monde est heureux, la vie est belle !
Assurez-vous toujours la direction
du label Magic Circle Music ?
Oui, absolument ! Il n’y a pas de nou-
velle sortie en ce moment, mais nous
avons toujours les oreilles ouvertes
au cas où nous débusquerions un
Nous tenons à partir dignement,
alors que nous sommes encore au
top (Joey DeMaio)
groupe intéressant qui serait vraiment
prêt à travailler dur. Le monde du
metal est un business particulier : les
choses ne tombent pas toutes prêtes
du ciel. Personne ne va venir toquer
à ta porte pour te demander si tu
veux assurer la tête d’affiche des
Monsters Of Rock ! En premier lieu, il
faut donner tout ton cœur et toute
ton âme à la musique, puis te démener
pour la faire découvrir aux fans et
être prêt à voyager autour du monde,
jour et nuit, dédier ta vie à cela. Peu
de gens sont prêts à prendre un tel
engagement. Ils préfèrent faire le jeu
de la télévision : passer à l’antenne,
chanter un titre et être élevé au rang
de star le lendemain. C’est une gloire
éphémère : ce n’est pas ainsi qu’on
construit une carrière qui dure une
vie entière.
Eric Adams
En novembre 2019, tu tourneras
seul en Allemagne dans le cadre du
projet Blood Of The Kings. L’idée,
c’est d’aller de ville en ville conter
aux fans l’histoire de Manowar,
n’est-ce pas ?
Oui, tout à fait, mais cela ne s’arrêtera
pas à l’Allemagne. Ce sera une tournée
mondiale qui, j’espère, fera aussi
étape en France. Les gens se posent
toujours toutes sortes de questions
sur le groupe : ses origines, ce que
ses membres faisaient avant de
rejoindre Manowar, quelles sont nos
activités lorsque nous ne tournons
pas, comment se déroule l’enregis-
trement d’un album, etc. Par chance,
il se trouve que la carrière du groupe
a été documentée avec beaucoup
de soin. J’ai beaucoup d’affiches,
d’images… Notre entrepôt s’apparente
à un véritable musée. Je me réjouis à
l’idée d’accomplir cette tournée et de
raconter des histoires, de montrer
des éléments de nos archives, ainsi
que des images et des vidéos encore
jamais révélées et qui, j’en suis sûr,
passionneront nos fans.
As-tu envisagé d’écrire un livre sur
ta vie et celle du groupe ?
Oui, mais encore une fois, c’est une
question de temps. Cela pourrait être
cool, notamment avec toutes les
photos que je mentionnais plus tôt…
Nous verrons. Une fois la carrière de
Manowar achevée, je me vois plutôt
me consacrer à la composition de
bandes originales de films ou de jeux
vidéo. Il suffit que quelqu’un me
montre une suite d’images pour que
j’imagine la musique qui pourrait
l’accompagner ! Je n’ai jamais eu
l’occasion de m’y mettre car l’enga-
gement que j’ai auprès de Manowar
et de ses fans est le plus important
de ma vie, ma priorité absolue. Je
m’assure toujours que rien ne puisse
interférer avec cela ou troubler ma
concentration.
Tu n’as pas, comme Eric avec la
chasse, une autre passion en
dehors du groupe ?
Non. Manowar est toute ma vie. C’est
comme si tu demandais à un poisson
ce qu’il fait lorsqu’il n’est pas en
train de nager. S’il ne nageait pas, il
mourrait. Je préfère rester dans le
bain ! (rires) Si je ne suis pas en studio
ou en tournée, je vais à la rencontre
des promoteurs et des journalistes.
C’est une vie à plein temps. Un vrai
musicien est comme un docteur :
même si sa journée de travail est
finie, il est toujours « en service ». Un
médecin ne va pas laisser mourir un
mec à ses pieds sous prétexte que ses
heures de service sont terminées !
C’est pareil pour moi. J’ai pris un
engagement et, pour moi, il n’y a rien
d’autre. Je suis né pour faire cela,
c’est ce qui me définit.
En 2009, Manowar avait assuré la
tête d’affiche du Hellfest. A-t-on une
chance de vous y revoir un jour ?
Lors de notre précédent passage,
nous avons passé un putain de bon
moment. Nous nous sommes vraiment
éclatés ! Nous sommes très fiers
d’avoir participé à l’une des premières
éditions du Hellfest. Nous sommes
encore plus fiers lorsque nous voyons
qu’il s’agit aujourd’hui d’un des festi-
vals les plus spectaculaires d’Europe,
une putain de fête de malade ! Ce
rassemblement est à l’image de la
culture française : classe, élégant, avec
un caractère unique. Je me souviens
encore du catering : tout était si
savoureux et bien présenté que j’avais
l’impression d’être dans un hôtel
cinq étoiles plutôt que dans un festival
de rock ! (rires) Je sentais déjà que ce
festival allait grossir jusqu’à devenir
incontournable. Les organisateurs
méritent ce succès car c’est le résultat
de plus de dix ans de travail acharné,
ce qui est vraiment admirable. Dès
que le Hellfest nous invitera, nous
répondrons présent. Nous sommes
prêts et déterminés ! Ce serait un
honneur d’y retourner. Y
 BLACK SABBATH
Master Of Reality
(Vertigo)
1971
Origine : UK
En 1970, Black Sabbath a frappé fort en
publiant deux classiques, Black Sabbath et
Paranoid. Comment aborder un troisième
album lorsqu’on vient, en quelques mois, de
signer des classiques comme « N.I.B. »,
« Black Sabbath », « Iron Man », « War Pigs »
et « Paranoid » ? En faisant une nouvelle fois
(la troisième) appel au producteur Rodger
Bain, le quatuor anglais, enfermé au Island
Studio de Londres de février à avril 1971,
cache bien son jeu. Car loin de se reposer
sur ses lauriers, il ne branche pas le pilote
automatique et, courageux, ose aller de
l’avant sans regarder dans le rétro. Bien sûr,
les principaux éléments qui ont contribué à
son début de renommée – lourdeur, puis-
sance, noirceur, riffs répétés à l’envi, chant
hypnotique – sont là, ainsi qu’en attestent
plusieurs morceaux. D’entrée, le groovy
mais pesant « Sweet Leaf », ode à Marie-
Jeanne (« you introduced me to my mind »)
précédée d’une quinte de toux de Tony
Iommi (la faute à un énorme spliff qu’Ozzy
Osbourne fait tourner), se posera, deux
décennies plus tard, en table de loi du
stoner en dépit d’une de ces chevauchées
dont Iron Maiden deviendra plus tard
friand. Avec son intro futuriste, un refrain
enlevé et la basse toute en rondeurs de
Geezer Butler, « After Forever », qui s’inter-
roge sur l’existence de Dieu et créerait le
scandale aujourd’hui (« Aimerais-tu voir le
Pape se balancer au bout d’une corde ? ») a
lui aussi pour squelette une rythmique
bulldozer, tout comme le répétitif « Lord Of
This World » et le désincarné « Into The
Void » ânonné par le robot nasillard Ozzy.
Mais on trouve également, sur ce Master Of
Reality, des choses plus surprenantes : le
court instrumental « Embryo » qu’on croirait
sorti d’un violon grinçant (en fait, la SG de
Iommi), la plage acoustique « Orchid »,
subtile et délicate, un « Solitude » mélanco-
lique sur lequel Osbourne se transforme en
hippie et Iommi sort la flûte ! Ou le visage
apaisé du Noir Sabbat. Mais c’est « Children
Of The Grave » (qui incite la jeunesse, en
pleine Guerre Froide, à prendre son destin
en main face à la menace nucléaire), propulsé
par la batterie tournante de Bill Ward,
qui décroche probablement la palme de
« meilleur titre jamais écrit par le Sab ».
Bible d’innombrables combos stoner, doom
et grunge, ce Maître de la Réalité soufflant
le chaud et le froid se hisse dans le Top 10
US. Un exploit que Black Sab’ ne rééditera
que… 42 ans plus tard.
PHILIPPE LAGEAT
AUTRE ALBUM A CONSEILLER :
Heaven And Hell (1980)
42
JETHRO TULL
Thick As A Brick
(Chrysalis)
1972
Origine : UK
Successeur du mythique Aqualung sorti un
an plus tôt, Thick As A Brick est le cinquième
album de Jethro Tull et probablement son
premier opus réellement progressif, les
précédents relevant plus du folk rock, voire
du folk hard rock. Composé d’un seul titre
de 44 minutes, ce disque est originellement
une parodie de concept-album, genre
alors très en vogue. Mais le groupe de Ian
Anderson (chant, flûte) s’est tellement pris
au jeu qu’il délivre là une œuvre majeure du
genre. Cette dernière caracole alors en tête
de tous les référendums consacrés au rock
progressif. Demandez, par exemple, à
Steve Harris (Iron Maiden) et Geddy Lee
(Rush), grands fans du combo, ce qu’ils en
pensent ! Avec sa pochette représentant un
article de journal et sa thématique parodique
(la mise en musique du poème d’un génie
imaginaire de huit ans), Thick As A Brick
a de quoi intriguer. Mais musicalement, on
reconnait rapidement le style inimitable de
Jethro Tull, basé sur le jeu de guitare incisif
de Martin Barre, les claviers virevoltants de
John Evan, qui a recours à de nombreuses
sonorités, et bien évidemment la flûte de
son leader qui accentue le côté folk de
l’ensemble. Le groupe incorpore, sur cet
album, toute une palette d’autres instru-
ments : trompette, saxophone, xylophone,
violon, clavecin, etc. Bref, voilà une
sorte d’orgie sonore, mais d’une redoutable
cohérence. Il n’est point question ici de se
faire plaisir ou de donner dans la démons-
tration car ce n’est pas le genre de la
maison. Les différentes sections de l’unique
titre sont de vraies chansons et les passages
instrumentaux toujours bien costauds. La
fin de l’album, au cours de laquelle le duo
claviers/guitare se voit renforcé par l’inter-
vention d’un orchestre, est absolument
splendide et émouvante. Alors que les
parties instrumentales sont pleinement en
phase avec les productions de l’époque, les
vocaux d’Anderson sont eux plutôt ancrés
dans les années 60, ce qui donne un côté un
peu décalé à l’ensemble. En tout cas, le
quintette n’a rien perdu de sa personnalité
avec cet album qui est assurément l’un de
ceux, de sa discographie, qui passe le mieux
le test du temps. Il est à noter que Ian
Anderson publiera, quarante ans plus tard
et sous son nom propre, un Thick As A Brick
2 traitant de la vie adulte du jeune génie
évoqué sur Thick As A Brick.
STEPHANE AUZILLEAU
AUTRE ALBUM A CONSEILLER :
Aqualung (1971)
ZZ TOP
RIO GRANDE MUD
(London)
1972
Origine : USA
ZZ Top’s First Album, le premier opus
du trio de Houston paru en 1971, tout
prometteur qu’il était, n’a pas soulevé de
grandes vagues d’enthousiasme. L’année
suivante, les Texans, toujours accompagnés
du producteur Bill Ham, remettent le
couvert avec Rio Grande Mud. « Francine »,
le titre d’ouverture, est chanté par le
bassiste Dusty Hill et s’impose d’entrée
comme un futur classique. Lorgnant sans
vergogne sur le « Brown Sugar » des Rolling
Stones sorti un an plus tôt, la rythmique de
ce premier hit influencera à son tour AC/DC
en 1978 (« Rock’n’Roll Damnation »). Le trio
a musclé son jeu et trouvé ce son qu’il peau-
finera durant l’ensemble de sa carrière.
Bref, premier titre, premier tube. « Just Got
Paid », qui suit, a lui aussi tout pour plaire :
groovy, moite, doté d’un chant hendrixien
et d’un superbe solo de Billy Gibbons, il
vaut avant tout pour sa rythmique à faire se
trémousser un serpent à sonnette. Le
batteur Frank Beard, à l’instar d’un Phil
Rudd, n’en met pas une à côté, son jeu tout
à l’économie s’avérant à la fois carré et
swinguant. Qui ne bouge pas son corps là-
dessus est une statue du Musée Grévin !
Deux grands morceaux pour ouvrir les
débats, voilà qui promet ! La suite place elle
aussi la barre très haut, oscillant entre blues
traditionnel (« Mushmouth Shoutin’ », sur
lequel Gibbons, soutenu par Pete Tickle à
la gratte sèche, dégaine l’harmonica), boogie
(l’instrumental « Apologies To Pearly »
saupoudré de slide), titres sautillants et plus
hargneux (« Bar-B-Q », « Ko Ko Blue »,
« Whiskey’n Mama ») et subtile ballade
(« Sure Got Cold After The Rain Fell »). Doté
d’un son plus propre que son prédécesseur,
moins rêche mais tout aussi authentique
(on parle ici du mix originel, non de celui,
effroyable car modernisé façon 80’s, du
coffret 3 CDs Sixpack de 1987), cette Boue
du Rio Grande cache bien d’autres pépites,
à commencer par le sublime « Chevrolet »,
tout en décontraction, qui voit Dusty
s’enfoncer, aux cris d’Alléluia, au cœur du
Texas au volant d’une Chevy bien carrossée.
Varié juste comme il faut, ce deuxième
opus, qui permet à ZZ Top de se trouver en
créant un mélange unique de blues, boogie,
swing et southern rock, surpasse le First
Album de la tête, des épaules et des
nachos. On y voit déjà, sans tamiser son
eau fangeuse, le terreau sacré sur lequel le
trio créera des bijoux comme Tres Hombres
(1973) et Degüello (1979). De l’or en barre !
PHILIPPE LAGEAT
AUTRE ALBUM A CONSEILLER :
Tres Hombres (1973)
ALICE COOPER
Welcome To My Nightmare
(Atlantic)
1975
Origine : USA
En 1974, rien ne va plus au sein du Alice
Cooper Band. Le rythme intensif des
tournées et les excès divers et variés ont
considérablement émoussé l’amitié qui
régnait entre Vincent Furnier (véritable
patronyme du frontman) et ses comparses.
Le vocaliste décide donc de poursuivre
l’aventure en solo et, à l’aide de Bob Ezrin
(qui a déjà produit quatre albums d’Alice et
s’illustrera bientôt aux côtés de Kiss et Pink
Floyd) et du guitariste Dick Wagner, met
en branle le premier concept-album de sa
carrière. En 43 minutes, Welcome To My
Nightmare conte le terrifiant cauchemar de
Steven, petit garçon qui représente la part
d’innocence d’Alice Cooper et s’imposera
progressivement comme l’un des héros
récurrents de son œuvre. Accompagné par
les membres du groupe de Lou Reed –
outre Wagner, on y retrouve le batteur
Pentti Glan, le guitariste Steve Hunter et le
bassiste John Prakash – le showman nous
entraîne dans un voyage burlesque et
malsain qui doit énormément aux arrange-
ments et à la créativité hors-norme d’Ezrin,
ce dernier coécrivant sept des onze chansons
de l’album. Dès les premières écoutes,
l’opus, qui bénéficie sur « Devil’s Food »
d’une narration assurée par l’acteur Vincent
Price (célèbre pour ses rôles d’épouvante),
impressionne par sa variété et son caractère
imprévisible. Outre les brûlots de hard rock
que sont l’hymne caustique « Department
Of Youth », le dynamique « Black Widow »
mené par la voix menaçante et grinçante du
maître de cérémonie et relevé d’excellents
soli, ou le typiquement rock’n’roll « Cold
Ethyl », qu’on redécouvre avec grand plaisir
à chaque concert (ou presque), Welcome To
My Nightmare vaut aussi pour l’immémoriale
ballade « Only Women Bleed » qui traite
des violences domestiques subies par les
femmes et fera l’objet de nombreuses
reprises (par Tina Turner, aussi bien que par
Tori Amos), ou pour le délirant « Some
Folks » relevé par une section de cuivres et
l’impressionnant « Steven », d’une intensité
rarement atteinte. Ce disque symphonique
et morbide manque certes d’un brin de
mordant, mais conserve une très forte
dimension visuelle et théâtrale, en plus
d’offrir l’une des meilleures performances
vocales d’Alice. Un véritable classique qui a
d’ailleurs fait l’objet d’une captation vidéo
disponible en DVD. Immanquable !
FRANÇOIS BLANC
AUTRE ALBUM A CONSEILLER :
Billion Dollar Babies (1973)
VAN HALEN
Van Halen II
(Warner Bros.)
1979
Origine : USA
Vous, je ne sais pas, mais moi, je n’aurais
pas voulu me retrouver à la place de Van
Halen en 1979, lorsqu’il lui a fallu donner un
successeur au légendaire Van Halen I sorti
un an plus tôt. Impossible de surpasser un
tel chef d’œuvre, effet de surprise oblige.
Seule solution dès lors : essayer de faire
aussi bien, mais pas exactement pareil.
Ce à quoi ce Van Halen II s’emploie en
développant une ambiance encore plus
festive que le premier album susmentionné
– si, si, c’est possible ! – même si les ingré-
dients de base sont évidemment peu ou
prou les mêmes : riffs turbocompressés
d’Eddie Van Halen, gouaille de David Lee
Roth (qui nous fait ici un vrai festival de
petits feulements aigus comme on les aime
tant), chœurs parfaits de Michael Anthony
(basse), et rythmique mythique du tandem
Anthony/Alex Van Halen. Seul un esprit plus
« funky » (toute proportions gardées) s’invite
à la fête et donne une couleur plus gaie à
l’ensemble. Van Halen II pioche en (petite)
partie dans des démos écrites pour le premier
album et alors enregistrées avec Gene
Simmons (« Beautiful Girls » et « Somebody
Get Me A Doctor », deux des trois singles
issus du disque), mais réunit principalement
du nouveau matériel. Rien à jeter sur ces 31
courtes minutes (à l’époque, les groupes
sortaient un album, voire deux, par an, d’où
des durées plus contenues), uniquement des
hits potentiels au format radio à l’exception
du court instrumental « Spanish Fly », pendant
acoustique de son grand frère « Eruption »
qui donne une fois encore la mesure du talent
d’Eddie et de son apport majeur pour des
générations entières de guitaristes à venir.
« Dance The Night Away », premier single
choisi, est évidemment un tube de grosse
section, mais « Light Up The Sky » (sorte de
« Hot For Teacher » avant l’heure), « D.O.A. »
et le très sexy « Women In Love... » ne sont
pas en reste et confortent l’assise du combo,
encore frais émoulu à l’époque. Des titres
finement ciselés, des musiciens émérites, un
chanteur au charisme monumental, et un
son réellement personnel (signé, une fois
encore, par l’indéboulonnable Ted Temple-
man) : la légende est définitivement en
marche (Ndlr : sans mauvais jeu de mots
puisqu’il se dit que Lee Roth s’est cassé un
talon en faisant le saut dont la photo figure
au dos de la pochette). Forcément plus
discret dans l’histoire du groupe que son
illustre prédécesseur, Van Halen II reste
néanmoins un incontournable du combo
américano-batave.
CHARLELIE ARNAUD
AUTRE ALBUM A CONSEILLER :
Van Halen I (1978)
WHITESNAKE
Lovehunter
(United Artists)
1979
Origine : UK
En 1979, David Coverdale a déjà vécu, en
moins de sept ans, une vie digne des plus
vertigineuses montagnes russes. Six ans
plus tôt, lorsqu’il rejoint Deep Purple en
1973, il n’est qu’un illustre inconnu qui se
produit localement dans de petits clubs. Il
connaît alors la gloire au sein d’un des plus
gros groupes du moment, mais le rêve
tourne assez rapidement au cauchemar
lorsque Purple se sépare officiellement en
juillet 1976. David panse alors ses plaies
en sortant deux albums solo qui passent
quasiment inaperçus, Whitesnake (1977) et
Northwinds (1978) : des œuvres pleines de
feeling dans lesquelles le chanteur renoue
avec ses racines blues et soul. Déjà, il colla-
bore avec le guitariste Micky Moody, un ami
de longue date. Courant 1978, le guitariste
Bernie Marsden, le bassiste Neil Murray, le
claviériste Pete Solley et le batteur Dave Dowle
s’associent au duo et forment officiellement
Whitesnake. Après un EP « de chauffe »
(Snakebite/1978), le combo édite, en octobre
de cette même année, Trouble, son premier
album. On note un changement de taille
dans les rangs du gang, puisque Jon Lord,
le claviériste de Deep Purple, se joint à la
fête. Une année plus tard, Lovehunter et sa
pochette délibérément machiste (en réponse
aux critiques déjà virulentes de la presse
anglaise à l’encontre de la personnalité
affirmée de Coverdale) fait passer la forma-
tion dans la division supérieure. Si Trouble
contenait déjà quelques titres qui allait
définir le style de Whitesnake pour les
années à venir (« Lie Down », « Trouble »,
« Take Me With You »), ce nouvel opus
renferme le premier classique des Anglais,
à savoir le remuant « Walking In The Shadow
Of The Blues » qui deviendra un incontour-
nable de leurs prestations live. « Love
Hunter », tout aussi percutant et gavé de
slide, marque de fabrique de Moody, s’impose
aussi comme l’un des grands titres du combo.
Moins populaires mais tout aussi remarqua-
bles, « Long Way From Home », le superbe
blues « Help Me Thro’ The Day » (une reprise
de Leon Russell) et le tonitruant « Mean
Business », porté par la basse de Murray,
s’avèrent eux aussi de vraies réussites. Une
curiosité : « Outlaw » est chanté par Bernie
Marsden (comme ce fut le cas avec « Free
Flight » sur Trouble), une « anomalie » qui ne
se répètera pas. Enfin, « We Wish You Well »,
une ode aux fans, achève délicatement cet
opus magique.
BENJI
AUTRE ALBUM A CONSEILLER :
Ready An’ Willing (1980)
MOTÖRHEAD
Overkill
(Bronze Records)
1979
Origine : UK
Son premier album éponyme paru sur le
label Chiswick en août 1977 n’a pas cassé la
baraque. Et pour cause, il a été enregistré
en deux jours, avec la bite et le couteau, ne
retranscrivant que très modérément le son
live d’un Motörhead qui, pour boucher les
trous, s’est aussi frotté à l’exercice de la
reprise. Courant 1978, le trio marque des
points essentiels en recrutant le manager
Douglas Smith qui le fait signer chez Bronze
Records (Uriah Heep, Manfred Mann’s Earth
Band) et entrer en studio à Londres, de
décembre 1978 à janvier 1979. Là, en
compagnie du producteur Jimmy Miller (qui
a mis en boîte plusieurs classiques des
Rolling Stones), Lemmy Kilmister (chant,
basse), Fast Eddie Clarke (guitare) et Philthy
Animal Taylor (batterie) se métamorphosent
en dynamiteurs de l’extrême. C’est aussi le
cas du Snaggletooth aux allures de puissant
champignon atomique qui orne la pochette
de l’album, parfaite illustration de l’implosion
qui secoue alors le groupe dans ses fonda-
tions. Il faut dire que, depuis la sortie de
son premier opus, Motörhead a eu le temps
de peaufiner de nouveaux titres qui, pour
la plupart, s’avèrent donc excellents. Est-il
encore utile de présenter « Overkill » et sa
légendaire intro à la double grosse caisse ?
Probablement l’un des plus grands classiques
du hard rock, voire du rock. Un morceau
que tout amateur de musique connaît, sans
quoi il n’en est pas un. Et puis, ces paroles
qui résument l’affaire : « Only way to feel
the noise is when it’s good and loud / So
good I can’t believe it, screaming with the
crowd »… Du bon son, du volume, la foule
qui hurle, bref, de la furie barbare en barre.
Motörhead se trouve enfin en dégoupillant
un mélange inédit de rock’n’roll, de sauvagerie
métallique et d’urgence punk (six titres
sur dix n’atteignent pas les trois minutes !).
La basse de Lemmy, guitare rythmique
tronçonneuse, les sublimes riffs et soli
d’Eddie le Rapide, et un jeu de batterie
tentaculaire digne du Muppet Show distillent
un cocktail explosif alors inégalé dans son
ultra violence. Les banderilles sanglantes se
succèdent (« Damage Case », coécrit par
Mick Farren de The Deviants, « Stay Clean »,
« No Class », etc.), mais la triplette excelle
aussi dans les climats urbains plus sombres,
fiévreux et étouffants (« Capricorn »,
« Metropolis »), faisant de cet Overkill
l’acte de naissance d’une légende. Tout
simplement.
PHILIPPE LAGEAT
AUTRE ALBUM A CONSEILLER :
Aftershock (2013)
YES
90125
(Atco)
1983
Origine : UK
90125 est le onzième album studio de Yes
et l’une des pierres angulaires de sa carrière.
En 1981, après la tournée Drama (premier
album réalisé sans Jon Anderson, la voix
mythique du combo, et sans Rick Wakeman,
son claviériste emblématique), Yes décide
de faire un break pour une durée indéter-
minée. Chris Squire (basse) et Alan White
(batterie) forment alors Cinema, un projet à
orientation plus commerciale, en s’associant
avec le guitariste sud-africain Trevor Rabin
et leur ancien camarade Tony Kaye (claviers)
qui avait quitté Yes en 1971. Le groupe
travaille sur la base de morceaux composés
par Rabin, dont « Owner Of A Loney Heart »
ou encore « Changes ». La production d’un
premier album est confiée à Trevor Horn,
qui occupait le poste de chanteur sur
Drama. Mais au cours de l’enregistrement,
le patron d’Atlantic, Phil Carson, juge que
les parties vocales de Rabin et Squire
manquent de personnalité. Il suggère alors
de faire appel à … Jon Anderson ! Ce dernier
est donc contacté par Chris Squire.
Convaincu par les démos que lui fait
écouter le bassiste, Anderson s’embarque
dans l’aventure. Entre temps, Tony Kaye
quitte le projet, en raison notamment de
tensions avec Trevor Horn qui estime son jeu
trop daté par rapport à l’esprit et l’ambition
du projet. C’est Trevor Rabin, assurément
plein de ressources, qui se charge donc de
la majorité des parties de claviers. L’album
sort finalement sous le nom de Yes et non
de Cinema. Quant à son titre énigmatique,
c’est simplement le numéro de catalogue
du disque sur le label Atco (après que l’intitulé
The New Yes Album ait été écarté). Le résultat
est un album très moderne au potentiel
commercial énorme, « Owner Of A Lonely
Heart » devenant un hit planétaire et de très
loin le plus gros tube de Yes. Mais résumer
ce disque à son premier morceau serait une
erreur car il contient bien d’autres pépites.
L’épique « Changes » est tout simplement
époustouflant, Trevor Rabin s’y imposant
comme un guitariste de génie. « Our Song »
est d’un dynamisme incroyable, tandis que
« Hold On », au parfum de Toto, propose
des parties vocales de toute beauté. Car c’est
aussi ce qui est marquant sur cet album :
Anderson y partage le chant avec Rabin et
Squire, pour un résultat des plus réjouissants.
La même équipe réalisera ensuite Big Gene-
rator (1987) et surtout, après un Union (1991)
rassemblant d’autres membres historiques
du combo, l’impérial Talk (1994), souvent
sous-estimé alors qu’absolument génial.
STEPHANE AUZILLEAU
AUTRE ALBUM A CONSEILLER :
Close To The Edge (1972)
RAVEN
The Pack Is Back
(Atlantic)
1986
Origine : UK
En 1984, le double Live At The Inferno clôt
un premier chapitre dans la carrière de
Raven puisqu’il se veut un parfait condensé
de ses trois premiers albums : Rock Until
You Drop (81), Wiped Out (82) et All For
One (83). Autrement dit, le meilleur de ce
groupe anglais associé à la N.W.O.B.H.M.,
mais qui, dans les faits, fut l’un des pionniers
du speed metal, son proto-thrash technique,
furieux et original influençant de nombreux
groupes en devenir, à commencer par un
Metallica bourgeonnant. En 1985, le trio
composé des frères Gallagher (John/chant,
basse et Mark/guitare, chant) et du batteur
Rob « Wacko » Hunter, repéré par la major
Atlantic à la grâce de concerts ultra éner-
giques (on parle alors d’athletic rock), publie
Stay Hard. Raven, désormais encadré par un
management américain, met de l’eau de son
vin, délaissant les productions « à l’arrache »
de ses débuts pour un son gros et propre
mettant en valeur des compositions calibrées
lorgnant vers le heavy US. Et quand bien
même Stay Hard renferme de bons morceaux,
nombreux sont les fans qui pensent que les
Corbeaux ont vendu leur âme au diable
pour tenter de décrocher le jackpot. Un an
plus tard, ceux-là n’en croient pas leurs
oreilles en découvrant The Pack Is Back
produit par Eddie Kramer (Kiss, Hendrix).
Loin de faire machine arrière, le trio y enfonce
le clou, ce cinquième album s’avérant le
plus commercial de sa carrière. Passons outre
sa pochette ridicule (maquillage et perma-
nentes, ouch !), ce disque vaut néanmoins
le détour… pour peu qu’on oublie avoir ici
affaire au gang de Newcastle qui a pondu
des diableries comme « Rock Until You
Drop », « Tyrant Of The Airways », « Faster
Than The Speed Of Light » et « Take
Control ». Finis les hurlements de chouette
de John Gallagher – qui pouvaient rebuter
d’entrée –, place à un chant plus stéréo-
typé, façon supporter (« The Pack Is Back »,
« Rock Dogs ») et aux gros refrains répétés
à l’envi (« All I Want » et un « Screamin’
Down The House » limite Ratt !). A l’instar
de Judas Priest sur Turbo, Mark sort même
la guitare-synthé à plusieurs reprises
(« Young Blood », la reprise « Gimme Some
Lovin’ »), tandis qu’une section de cuivres
apporte des couleurs surprenantes à « Don’t
Let It Die » et « Hyperactive ». Commercial,
facile, « vendu » ? Peut-être, mais The Pack
Is Back n’en est pas moins un opus aux
refrains contagieux et une curiosité plaisante
pour qui n’a rien contre le « syndrome Def
Leppard ».
PHILIPPE LAGEAT
AUTRE ALBUM A CONSEILLER :
Wiped Out (1982)
ICON
Right Between The Eyes
(Atlantic)
1989
Origine : USA
Icon apparaît sur les écrans radars en 1984,
au moment du déferlement de la vague
glam rock sur les Etats-Unis, avec un premier
album éponyme produit par Mike Varney
(l’homme qui a révélé au monde bon nombre
de shredders). Emmené par Stephen Clifford
(chant) et Dan Wexler (guitare), le combo
originaire du Phoenix publie un premier
disque solide contenant notamment le
morceau « On Your Feet » qui bénéficie de
nombreux passages radio. Mais c’est avec
Night Of The Crime, l’année suivante, que
le groupe frappe le plus fort. Bien moins
brute que son prédécesseur, cette galette
produite par le légendaire Eddie Kramer
(Kiss, Hendrix) est un album de référence en
matière d’AOR. Malheureusement, la chute
est dure pour Icon, ensuite viré par le label
Capitol, concomitamment au départ de son
chanteur, remplacé par Steve Young puis
Jerry Harrisson. More Perfect Union, son
troisième album, sort donc de manière
confidentielle (et uniquement en format K7)
en 1987, mais l’accueil qui lui est réservé
permet à Icon de signer un contrat avec
Megaforce/Atlantic et de publier Right
Between The Eyes deux ans plus tard. Les
vocaux de Jerry Harrisson sont bien plus
agressifs que ceux de Clifford et ce qua-
trième opus, le dernier de la carrière du
groupe, est sans conteste le plus musclé. Il
bénéficie même de la présence d’Alice
Cooper sur deux morceaux, « Two For The
Road » et « Holy Man’s War ». Le jeu de
guitare de Dan Wexler est assez identifiable,
et si l’on devait rapprocher le style de cet
album de celui d’un groupe plus connu, ce
serait sans doute de Dokken, pour cet
équilibre entre guitare intense et chant, les
deux étant mis en avant sans que l’un ne
soit lésé par rapport à l’autre. Les refrains
sont souvent immédiatement mémorisables
(« Taking My Breath Away »), à défaut d’être
toujours mémorables. Néanmoins, force
est de constater que nous avons droit ici
à des titres solides, à commencer par le
bien nommé « Right Between The Eyes » en
ouverture, qui donne d’emblée le ton de
cette galette. Wexler envoie vraiment du
lourd en rythmique comme en solo (« A Far
Cry »), à tel point qu’on peut s’étonner qu’il
n’ait pas été davantage reconnu par ses
pairs, et Harrisson est réellement impres-
sionnant. Ce solide album d’AOR musclé
renferme quelques perles, à l’instar de
« Holy Man’s War », et procure aujourd’hui
encore un vrai plaisir à l’auditeur.
STEPHANE AUZILLEAU
AUTRE ALBUM A CONSEILLER :
Night Of The Crime (1985)
TESTAMENT
Practice What You Preach
(Atlantic/Megaforce)
1989
Origine : USA
Troisième album de Testament après le
tellurique The Legacy (1987) et le mieux
dégrossi The New Order (1988), Practice
What You Preach entérine la direction
prise par le combo : celle d’un thrash moins
sauvage que celui de ses collègues directs
d’Exodus, plus souvent mid-tempo, et
enluminé par les soli d’Alex Skolnick qui en
impose sérieusement en tant que shredder
(« Perilous Nation »). Le chant de Chuck Billy
suit le mouvement et s’en va taquiner
James Hetfield sur son propre terrain avec
des lignes vocales toujours très mélodiques.
Si, à la première écoute, Practice What You
Preach semble quelque peu manquer de
niaque par rapport à la concurrence (trois
ans plus tôt, Slayer a écrit les tables de la
loi du thrash avec Reign In Blood), il s’avère
rapidement être un disque addictif, car
truffé d’idées mélodiques qui s’impriment
durablement dans l’esprit (l’intro de « Time
Is Coming », notamment). Cerise sur le
gâteau, Testament s’offre même l’audace
de proposer une vraie power ballad (la très
justement nommée « The Ballad ») qui se
termine tout de même assez méchamment.
Ce titre fait grand bruit à l’époque car, hormis
Metallica, toujours en avance sur tout le
monde avec son « One », peu de combos
de thrash osent se frotter à l’exercice, et a
fortiori en faire un single assorti de son clip.
Avec du recul, cette orientation du groupe à
l’époque ne fait pas grand mystère : alors
que la concurrence emploie des batteurs
très à l’aise avec les excès de vitesse (Dave
Lombardo chez Slayer, Tom Hunting chez
Exodus et Charlie Benante chez Anthrax),
Louie Clemente s’avère bien plus efficace
dans un jeu moins véloce et confesse rapi-
dement ses limites dès que les cavalcades
effrénées durent plus de quatre mesures.
Preuve en est, le quintette d’Oakland prendra
bien davantage de liberté avec la vitesse
dès son remplacement en 1992 par une
succession impressionnante de monstres
tels que Paul Bostaph, Jon Dette, Chris Kontos,
John Tempesta, Gene Hoglan et même
Dave Lombardo ! Practice What You Preach
reste néanmoins un album vraiment attachant
de par son accessibilité, à l’image de sa
magnifique pochette assez éloignée des
visuels thrash « classiques » (et pour cause,
puisque cette œuvre de William Benson
était à l’origine destinée à The Real Thing
de Faith No More, qui a gentiment décliné
l’offre). Et puis, rien que pour le fantastique
« Nightmare (Coming Back To You) », pas de
doute, on a envie d’en reprendre deux fois.
CHARLELIE ARNAUD
AUTRE ALBUM A CONSEILLER :
The Gathering (1999)
DIRTY LOOKS
Turn Of The Screw
(Atlantic)
1989
Origine : USA
Dans la très longue série « aurait pu cartonner,
mais… », Dirty Looks occupe une place de
choix, si l’on peut dire… Formé en 1984, à
San Francisco, par le guitariste/chanteur
d’origine danoise Henrik Ostergaard, Dirty
Looks galère pendant plusieurs années.
Mais au lieu de se plaindre de son manque
de succès, le combo prend son destin en
main en éditant de façon indépendante un
EP et trois albums entre 1984 et 1987 (le
premier, Dirty Looks – 1984 – sort aussi sur
le label français Axe Killer en 1985). Mais la
roue tourne enfin en 1987 quand le puissant
label Atlantic signe le gang, alors composé,
outre Ostergaard, de Paul Lidel à la guitare,
Jack Pyers à la basse et Gene Barnett à la
batterie. Produit par Max Norman (Ozzy
Osbourne, Y&T), Cool From The Wire, bien
accueilli par le public et la critique en 1988,
permet au gang de passer la vitesse supé-
rieure et de tourner plus intensément aux
USA. Dirty Looks ne perd pas de temps et
entre en studio l’année suivante avec un
autre producteur très en vogue, Beau Hill
(Ratt, Winger, Warrant, Kix). Hélas, la sauce
ne prend pas, le quartet ne goûtant que
peu le son trop propre que leur concocte ce
dernier. Soucieux de garder une image de
teigneux du hard rock plutôt que d’être
affiliés à une scène qui ne leur correspond
pas, les musiciens remercient Hill et engagent
John Jansen (Bang Tango, Love/Hate,
Britny Fox, Cinderella, Faster Pussycat) en
compagnie duquel ils réenregistrent l’inté-
gralité de Turn Of The Screw. Et à l’écoute
de cet album direct, on se dit qu’ils ont fait
le bon choix. D’entrée, le titre éponyme et
« Nobody Rides For Free » (le single de
l’album) donnent le ton : riffs répétitifs et
appuyés, soli courts, refrains en forme
d’hymnes, rythmes binaires, on a ici affaire
à du hard rock comme l’ont beaucoup
pratiqué les Ricains à la fin des 80’s (Kix,
Rhino Bucket, Dangerous Toys…) et dont
les influences sont clairement à chercher du
côté d’AC/DC. Qu’il s’agisse de compos
speedées (« C’Mon Frenchie »), de mid
tempi (« Hot Flash Jelly Roll », « Always A
Loser », l’excellent « L.A. Anna »), voire de
metal (« Love Screams »), Dirty Looks sait y
faire. Seule la ballade « Go Away » semble
hors contexte dans un ensemble par ailleurs
très solide. Indispensable ? Non. Agréable et
de qualité ? Sans aucun doute. A la mémoire
d’Henrik Ostergaard, seul membre permanent
de toutes les incarnations de Dirty Looks,
décédé le 27 janvier 2011.
BENJI
AUTRE ALBUM A CONSEILLER :
Dirty Looks (1984)
BULLETBOYS
Freakshow
(Warner Bros.)
1991
Origine : USA
Avant de former BulletBoys en 1986, le
chanteur Marq Torien a déjà bien roulé sa
bosse sur le Sunset Boulevard de Los Angeles.
Il fait notamment partie de la toute première
mouture de Ratt (avant que ce dernier ne
soit signé) en tant que guitariste et devient
brièvement frontman de King Kobra en
1987. Il ne repart pas les mains vides du
groupe de Carmine Appice, puisqu’il lui
chipe son guitariste Mick Sweda et fonde
BulletBoys avec le bassiste Lonnie Vincent
et le batteur Jimmy D’Anda. Les gaillards
sont immédiatement signés par la major
Warner Bros. Torien réalise alors un rêve de
gosse puisque le premier disque éponyme
du groupe, qui sort en 1988, est produit par
rien moins que Ted Templeman, celui qui fut
notamment derrière la console sur les six
premiers opus de Van Halen et le premier
album solo de David Lee Roth. Torien, dont
la façon de chanter, le look et la grande
gueule laissent clairement transparaître une
influence Lee Roth est donc comme un
poisson dans l’eau. L’album se vend extrê-
mement bien, aidé par des clips matraqués
sur MTV. Comme on ne change pas une
équipe qui gagne, c’est dans la même
configuration que le quartet et son produc-
teur chéri se remettent au travail en 1991
et accouchent de Freakshow. Le souci, c’est
que trois ans, à l’époque, c’est quasiment
une éternité et que le public est déjà passé
à autre chose (le grunge, au hasard…).
Freakshow ne réalise donc pas la même
percée que son prédécesseur. L’un des
singles choisis pour représenter cet opus
est un peu incongru puisqu’il s’agit d’une
reprise burnée du « Hang On St-Christopher »
de Tom Waits : une excellente version sur
laquelle Torien s’éclate sur des congas,
mais dont l’aspect plus sombre déstabilise
probablement nombre de fans accrocs au
premier opus. Certes, des subsides de cette
larger than life attitude persistent, comme
sur « Talk To Your Daughter », autre reprise
improbable autant que sautillante du
bluesman J.B. Lenoir, un « Do Me Raw »
plus van halenien que l’original ou le big
rock de « Freakshow » et « Ripping Me »,
mais l’album, bien que bon, ne trouve pas
son public. Depuis, BulletBoys, dont le line-
up a vu défiler des musiciens comme DJ
Ashba, Steven Adler, Jason Hook et Keri Kelli,
s’est enfoncé dans la troisième division du
genre, mais poursuit son aventure autour
de Torien, son bouillant et autocentré leader.
BENJI
AUTRE ALBUM A CONSEILLER :
BulletBoys (1988)
KYUSS
Blues For The Red Sun
(Dali)
1992
Origine : USA
Après Wretch (1991), un premier album
prometteur mais empreint d’une certaine
naïveté, Kyuss signe le premier de ses
classiques en sortant Blues For The Red
Sun. Produit par Chris Goss, le chanteur/
guitariste des épatants Masters Of Reality,
ce deuxième opus voit ce pionnier malgré
lui se forger un son unique qui va influencer
tant de groupes qu’un genre à part entière,
le stoner, verra le jour dans la foulée. Jamais,
en effet, n’a-t-on entendu ce mix inédit,
boueux et sablonneux qui plonge en plein
désert, à l’aube, sous le cagnard l’après-
midi, mais aussi au crépuscule, à l’heure où
les vils coyotes s’en vont chasser le bip bip.
Il faut dire que le guitariste Josh Homme se
branche dans un ampli basse, tissant une
toile rythmique d’une incroyable densité
avec la quatre cordes déjà fort proéminente
de Nick Oliveri (qui sera par la suite
remplacé par Scott Reeder de The Obses-
sed) et les percussions grondantes comme
le tonnerre de Brant Bjork. Le résultat ? Une
masse mouvante informe rampant sous le
sable entre les racines de cactus (« Thumb »),
une Ford Mustang orange vif qui avale
l’asphalte, dopée au kérosène (le groovy et
swinguant « Green Machine », avec solo de
basse !), un tremblement de terre à faire
couiner les dunes (« Caterpillar March »).
Chacun, ici, est à sa place et abat un boulot
titanesque, à tel point qu’on se demande
comment John Garcia parvient à surnager
dans ce maelström en fusion. Sauvage et
félin, ce fan de Ian Astbury (The Cult) glisse
sa patte ci et là, par touches, comme un
puma jouant avec sa proie. Un spectacle
fascinant quand, à l’autre bout du spectre,
ses trois acolytes tronçonnent par paquets
de douze, ne relâchant la pression que
temporairement (« Capsized ») et invitant
l’auditeur, hagard, à se joindre à la danse, à
la transe. Pour autant, le combo varie son
propos : doom (l’instrumental « Molten
Universe »), speed quasi punk dégueulant
sur fond de psychédélisme (« 50 Million
Year Trip (Downside Up) »), monument de
sensualité sur canevas hypnotique à ériger
en tables de loi du stoner (« Freedom
Run »), voix filtrée à l’agonie (« Mondo
Generator » chanté par Oliveri ), etc., la
palette de couleurs est vaste, mais cohérente.
Kyuss achève de se trouver sur ce magni-
fique album ponctué d’un simple « Yeah ! »
de Garcia qui résume parfaitement le fond
de notre pensée. Un mythe fondateur.
PHILIPPE LAGEAT
AUTRE ALBUM A CONSEILLER :
Welcome To Sky Valley (1994)
PANTERA
Vulgar Display Of Power
(Atco)
1992
Origine : USA
Une vulgaire démonstration de puissance.
Jamais disque n’aura mieux porté son titre
que ce sixième album de Pantera. En 1990,
Cowboys From Hell voit le quartette (alors
groupe de hair metal lambda) crever les
enceintes du monde entier. Heavy comme
pas deux, mais aussi groovy, hargneux et
terriblement bien produit, cet opus impose
directement Pantera comme un groupe avec
lequel il va falloir compter. Deux ans plus tard,
Vulgar Display Of Power enfonce définitive-
ment le clou et devient LE disque du moment,
celui qui (on ne le sait pas encore à l’époque)
demeure toujours, 26 ans plus tard, une
référence absolue en termes de son et
d’écriture. Onze titres, aucun déchet, et des
riffs devenus cultes à la pelle. Difficile de
commencer à détailler ce qui est ici le plus
remarquable : le groove de « Mouth For
War » ? La violence de « Fucking Hostile » ?
La prodigieuse rythmique de « Walk » ? La
sublime mélodie de « Hollow » ? Les chorus
prodigieux de Dimebag Darrell qui émaillent
les 52 minutes de l’album ? Le chant de Phil
Anselmo qui devient une influence majeure
pour les chanteurs de la planète metal ? Le
son monstrueux concocté par Terry Date
et le batteur Vinnie Paul ? Certainement la
conjugaison de tout cela, à n’en point douter.
Toujours est-il que nous sommes ici en pré-
sence d’un de ces disques fondateurs qui
créent un style, inventent un son et changent
à tout jamais le paysage. Un album parfait
qui est au heavy metal ce que Appetite For
Destruction de Guns N’Roses a été cinq ans
plus tôt au hard rock : un coup de pied dans
la fourmilière qui redistribue les cartes. Car
non content d’être outrageusement heavy,
Pantera se paye le luxe d’aller provoquer
les groupes de thrash sur leur propre terrain,
voire de leur donner une bonne leçon (encore
et toujours « Fucking Hostile »). L’auditeur
sort totalement laminé de la première
écoute, « rouleau-compressé », exsangue,
plein de bleus. Et n’a qu’une seule envie : y
retourner direct pour se refaire tarter le
groin comme le gars de la pochette (Ndlr :
oubliez la légende du fan du groupe payé
10 dollars pour chaque coup pris dans la
gueule : le photographe Brad Guice a depuis
expliqué qu’il s’agissait d’un modèle profes-
sionnel shooté en train de se faire « taper »
au ralenti avec un ventilo dans les cheveux
pour donner l’impression de mouvement).
Vulgar Display Of Power est une pierre
angulaire, le certificat de naissance du
groove metal, et l’un des albums majeurs
de l’histoire du metal. Rien de moins.
CHARLELIE ARNAUD
AUTRE ALBUM A CONSEILLER :
Cowboys From Hell (1990)
COVERDALE/PAGE
Coverdale/Page
(Geffen Records)
1993
Origine : UK
Hormis la courte parenthèse qu’a représenté
le projet The Firm (auteur de deux bons
albums enregistrés en compagnie de Paul
Rodgers/Free, Bad Company), le guitariste
prodige Jimmy Page n’a pas beaucoup fait
parler de lui artistiquement depuis l’arrêt
forcé de de Led Zeppelin en 1980, suite au
décès du batteur John Bonham. En ce
début des années 90, décidé à relever un
nouveau challenge, il soumet donc des
compositions à un David Coverdale trop
heureux de l’aubaine qui lui permet de
« s’échapper » quelque temps de son
principal projet, même si la carrière de
Whitesnake est toujours au beau fixe.
Comme un symbole, l’ouverture « Shake My
Tree » a initialement été composée pour
l’album In Through The Out Door (1979) de
Led Zeppelin, mais non conservée à
l’époque, celle-ci ne faisant pas l’unanimité
au sein du quatuor anglais. Secondés par
des musiciens de sessions, Coverdale (à la
fois au chant et à la guitare acoustique sur
plusieurs morceaux) et Page (qui se fend
également de plans de basse, mais aussi
d’une ligne d’harmonica sur le titre « Pride
And Joy ») affichent une forme remarquable,
chacun d’eux délivrant de mémorables
parties et Jimmy signant de beaux soli, à
l’instar de celui de la ballade « Take Me For
A Little While ». En vérité, cet album se veut
presque un résumé de ce qu’aurait proba-
blement donné Led Zeppelin musicalement
dans les années 90 s’il n’avait pas splitté
auparavant. La production – assurée par
Page, Coverdale et Mike Fraser (AC/DC,
Aerosmith, The Cult) – délivre un savant
mélange entre le son hard rock des années
70 et celui, plus « lourd » et puissant, des
Nineties. Un titre comme « Pride And Joy »
ayant, par exemple, largement pu trouver
sa place sur n’importe quel album du
Dirigeable, c’est bien en terrain archi-connu
que le guitariste bouclé évolue, Coverdale
s’évertuant – pour de nombreux détracteurs
– à singer Plant. Malgré la grande qualité
de cet album, son succès commercial (plus
d’un million d’albums aux USA) et son
aspect culte pour nombre de fans des deux
musiciens, ces derniers ne réitéreront jamais
l’expérience, Page rejoignant Plant dans
la foulée au sein du projet No Quarter et
Coverdale décidant de concentrer ses efforts
sur Whitesnake (qui sortira son dixième
effort, Restless Heart, en 1997). C’est tout
de même un brin frustrant au regard de la
qualité générale de l’ensemble, que beau-
coup qualifient de « meilleur album de Led
Zeppelin sans Robert Plant au chant » !
GUILLAUME FLEURY
AUTRE ALBUM A CONSEILLER : -
MARILLION
Afraid Of Sunlight
(EMI)
1995
Origine : UK
Comme touché par la grâce l’espace de
deux ans et quelques, le Marillion Mark 2,
celui avec Steve Hogarth au micro, compose
sur cette période fort restreinte deux chefs
d’œuvre bien distincts. Le premier d’entre
eux, Brave, paraît en 1994, et même s’il
modernise encore plus son propos pour
sortir le groupe de l’ornière néo-progressive,
ce concept-album conserve des points de
repères immanquables pour l’amateur du
genre. C’est bien moins le cas de son
successeur, Afraid Of Sunlight donc, qui lui
emboîte le pas l’année suivante. Sans fil
directeur identifié, si ce n’est les affres de
la starification (les paroles évoquent autant
Elvis que Kurt Cobain), il s’agit également
d’un disque « mutant » musicalement parlant,
presque patchwork par moments. Ce manque
de cohérence le déssert et explique que cet
opus n’ait pas le succès attendu, précipitant
par la même occasion le départ des Anglais
de leur label de toujours, EMI. Le temps a
pourtant fait son œuvre, et aujourd’hui, les
extraits d’AOS font partie des moments
les plus attendus en concert. Ceux-ci ne
reprennent cependant que rarement la
première partie du disque. « Gazpacho »
ouvre ainsi le bal sur un faux rythme, « Can-
nibal Surf Babe » s’approprie de manière
surprenante l’héritage des Beach Boys, tandis
que le single « Beautiful » tombe dans la
ballade facile, mais impeccablement réalisée.
Tout ce qui suit n’est en revanche que pure
magie, jamais reproduite par la suite malgré
de très bons disques. La doublette « Afraid
Of Sunrise »/« Afraid Of Sunlight » fait
tourner le même refrain sur un fond paisible
(quelles parties de basse de Pete Trewavas !),
puis effréné. « Out Of This World » nous
emmène effectivement loin, sur fond de
batterie lascive et d’arpèges typiques du
jeu de Steve Rothery, tandis qu’Hogarth
livre une prestation intimiste bluffante, y
compris sur le final évanescent qu’il illumine
de sa voix reconnaissable entre mille.
« King » finit d’assommer avec sa montée
en puissance irrésistible durant laquelle
« H » semble s’adresser autant à l’auditeur
qu’aux rock stars maudites sur des paroles
très finement amenées et jusqu’à ce qu’une
conclusion bruitiste ne mette brutalement
fin à l’expérience. S’il fallait résumer ce
disque en un mot, on serait tenté de dire
« intemporel » tant il fait partie de ces albums
sans âge et sans repères qui n’appartiennent
qu’à leur propre univers. La marque des
grands, assurément.
DJUL
AUTRE ALBUM A CONSEILLER :
Brave (1994)
SEPULTURA
Roots
(Roadrunner Records)
1996
Origine : Brésil
Si Chaos A.D. (1993) voyait déjà Sepultura
colorer ponctuellement sa musique de
percussions brésiliennes et s’éloigner du
death et du thrash des origines au profit
d’une approche plus groove metal « à la
Pantera », nul ne pouvait, à l’époque, anti-
ciper le phénomène Roots. Inspiré par le
film En Liberté Dans Les Champs Du
Seigneur (1991), le chanteur et guitariste
Max Cavalera décide, à la grande surprise
du label Roadrunner, d’emmener ses
comparses dans les forêts inextricables
du Mato Grosso à la rencontre d’une tribu
indienne, les Xavantes. Durant quelques jours,
le groupe partage la vie des populations
indigènes et ramène dans ses valises de
nombreux enregistrements de percussions
tribales (berimbau, djembé…) et de
chants traditionnels. Parfaitement et très
judicieusement intégrés à l’album, ces
passages ethniques explosent de façon
impressionnantes (les tambours de l’énorme
« Ratamahatta », qui bénéficie en outre de
la participation du célèbre percussionniste
brésilien Carlinhos Brown) ou génèrent des
moments d’apaisement bienvenus au milieu
de cette jungle sonore (les interludes
« Jasco » et « Itsári »). Car si la section
acoustique apporte beaucoup à ce disque,
il ne faudrait pas laisser de côté une section
metal ahurissante. Produit par Ross Robinson
qui vient de s’illustrer sur le premier méfait
de Korn, ce sixième opus de Sepultura se
nourrit intelligemment des influences de la
scène néo metal émergente : guitares
(largement) sous-accordées au son incroya-
blement lourd et gras, références industrielles
(cette saturation du micro sur « Straigh-
thate »), scratchs typés électro assurés par
DJ Lethal (House Of Pain) sur « Lookaway »,
sur lequel on retrouve d’ailleurs Jonathan
Davis (Korn) et Mike Patton (Faith No
More)… Le cocktail est absolument déton-
nant, d’autant que le groupe nous offre,
au passage, quelques hits mémorables :
l’incontournable « Roots, Bloody Roots », le
tribal « Ratamahatta », l’agressif « Attitude »
(et son référentiel cri de guerre, « I won’t
take it ! »), le punkisant « Dictatorshit »…
En 1996, Sepultura, sur le point de perdre
son leader, a accouché d’un monstre qui a
cartonné en France et s’est écoulé à plus de
deux millions d’exemplaires dans le monde.
Un disque à hisser au panthéon du metal,
rien de moins !
FRANÇOIS BLANC
AUTRE ALBUM A CONSEILLER :
Chaos A.D. (1993)
MACHINE HEAD
The More Things Change…
(Roadrunner)
1997
Origine : USA
Difficile d’imaginer tâche plus difficile que
celle de succéder à un disque aussi cultissime
et influent que Burn My Eyes (1994). Avec
ce premier album, Machine Head a placé la
barre très haut d’entrée de jeu : instigateur
d’un son nouveau et doté, en prime, d’une
véritable attitude, il fait partie de ces rares
groupes qui se sont imposés comme une
évidence sur la scène metal dès leur coup
d’essai. Un coup de maître, donc, qu’il faut
confirmer. Pour cela, la bande de Robb
Flynn prend l’auditeur à la gorge avec
quatre titres efficaces placés en début
d’album. Le classique « Ten Ton Hammer »,
sur lequel le chanteur/guitariste varie très
intelligemment son chant, et « Take My
Scars », qui continue d’apporter sa pierre à
l’édifice de l’évolution de la six-cordes avec
son début de solo sous forme de « scratch »
qui fait écho à la partie presque rappée du
pont, sont imparables. Notons qu’il s’agit
là de la dernière performance studio du
guitariste Logan Mader avec le groupe,
qu’il quittera au cours de la tournée qui
suivra. « Struck A Nerve » et ses relents
hardcore permettent à la fois de ramener le
combo aux sources de ses influences, mais
surtout au nouveau batteur, Dave McClain
(débauché de chez Sacred Reich), de montrer
qu’il a bien l’intention d’éclipser le partant
Chris Kontos en faisant étalage de sa frappe
cadencée, mais aussi de son groove, en fin
de morceau. Le plus pesant « Down To
None » donne l’occasion aux Californiens de
se fendre d’une rythmique « sabbathienne »
mettant en relief des guitares au son distordu,
toujours l’œuvre de Colin Richardson. Si la
suite du disque est moins marquante (« The
Frontlines », notamment), « Spine » et ses
montagnes russes, tout comme les inquié-
tants « Violate » et « Blood Of The Zodiac »
(à propos du serial killer américain du même
nom) démontrent tout l’art de Flynn de
poser et développer des atmosphères aussi
uniques que tourmentées sur des formats
plus longs. Forcément un peu éclipsé par
son prédécesseur, qui a tant marqué les
esprits, The More Things Change… mérite
pourtant une certaine réhabilitation et tient
bien sa place dans la discographie de MH,
même s’il est loin d’être immédiatement
accessible. Contrairement à ce que pourrait
suggérer son titre, cet album propose une
évolution intéressante à la formule initiale
des Américains sans tomber dans la redite,
ou, à l’inverse, sans faire autant table rase du
passé que The Burning Red ne le fera en 1999.
DJUL
AUTRE ALBUM A CONSEILLER :
Burn My Eyes (1994)
SLIPKNOT
Iowa
(Roadrunner)
2001
Origine : USA
Comment se faire remarquer lorsqu’on
vient du grenier de l’Amérique, à des années-
lumière des décideurs de la musique ? En
faisant plus de boucan que les autres, ou
encore en s’accoutrant comme personne.
Les neuf masqués de Slipknot, turbulent
groupe fondé en 1995 à Des Moines, dans
l’Iowa, tapent dans l’œil de Roadrunner et de
Ross Robinson (Korn, Sepultura), producteur
avec lequel ils enregistrent leur album
éponyme de 1999. Plus encore que ce
disque, ce sont des prestations scéniques
complètement débridées qui permettent au
gang de marquer les esprits. Mais une fois
qu’on a été remarqué, comment être pris au
sérieux quand on arbore un masque de
clown et que les « true » métalleux fustigent
vos accointances avec le néo metal « à
baggy » ? Réponse : en publiant un album
BEAUCOUP plus heavy. De sérieux problèmes
d’addictions et les tensions qui apparaissent
(déjà !) dans les rangs du combo l’aident à
accoucher de compos bien plus énervées :
à période « noire », album bien plus sombre.
On peut même dire que cet Iowa dézingue
à tout va. Le premier degré est de mise sur
le classique « Les gens, c’est du caca »
(« People = Shit »), et pour comprendre le
degré d’exaltation de ce Slipknot gonflé à
bloc, il suffit de poser une oreille sur ces
blast beats sortis du kit de batterie d’un
Joey Jordison pilonnant tel un Woody
Woodpecker sous cocktail coke/ecstasy.
Les percus chères au cœur du combo sont
appelées en renfort pour taper fort sur les
ciboulots et ce diable de Corey Taylor martèle
son propos en débitant ses vocaux à la vitesse
d’un TGV avant que des touches de chant
clair viennent (un peu) éclaircir le tableau
(« My Plague » et « Left Behind », tous deux
nommés aux Grammys). « The Heretic
Anthem » et son célèbre « If you’re 555,
then I’m 666 » montre toutefois que Slipknot
est clairement venu pour en découdre, ainsi
que l’indiquait déjà cette pochette ornée
d’un superbe bouc, référence claire à ce bon
vieux Satan. La légende est en marche, dans
tous les sens du mot puisque la bande assure
que Taylor a enregistré les quinze minutes
du morceau-titre de l’album nu comme un
ver, couvert de vomi et en se lacérant avec
des tessons de bouteille… LOL, comme on
dit. Mais au-delà de ces considérations,
l’incontournable Iowa a un impact énorme
sur plus d’une génération, pas seulement
sur les millions de mineurs pour lesquels cet
album coup-de-poing est un acte majeur.
MORGAN RIVALIN
AUTRE ALBUM A CONSEILLER :
Vol. 3: (The Subliminal Verses)
(2004)
NICKELBACK
Silver Side Up
(Roadrunner)
2001
Origine : Canada
Contrairement à ce qu’on est tenté d’imaginer
en entendant débarquer Nickelback sur les
ondes des radios du jour au lendemain, Silver
Side Up (2001) n’est pas le premier fait
d’armes du combo post grunge canadien.
En 2001, Nickelback, qui s’est formé en
1995, a en effet déjà publié un EP et deux
albums indépendants. Ces derniers tapent
dans l’œil d’un Roadrunner (Machine Head,
Sepultura) cherchant à élargir ses horizons :
coup de maître ! En 2000, la réédition de
The State (1998) est boostée par le single
« Leader Of Men » et, l’année suivante, la
bande est sacrée Découverte de l’Année
aux JUNO Awards, équivalent canadien des
Victoires de la Musique. Comme on dit dans
le rugby, l’essai doit toutefois être transformé.
Afin de mettre toutes les chances de son
côté, Nickelback place son destin entre les
mains expertes du producteur Rick Parashar
(Temple Of The Dog, Alice In Chains, Pearl
Jam) et confie le mixage à Randy Staub
(Metallica, Bon Jovi). Ce tandem gagnant
offre une production de toute beauté à Silver
Side Up, un album qui s’ouvre au son d’une
subtile alliance de sonorités grungy et de
guitares musclées (« Never Again »). LE
tube ne tarde pas à débouler. Il s’agit bien
sûr de « How You Remind Me », power ballad
imparable diffusée en boucle sur les ondes
des radios, y compris françaises. Cette
chanson est largement responsable du
Disque d’Or que décroche ce troisième opus
dans l’Hexagone, mais aussi de sa dizaine
de millions d’exemplaires (!) écoulés dans le
monde. Bardé de compos accrocheuses
situées à la croisée des chemins entre rock
et metal, Silver Side Up impressionne aussi
pour ses guitares archi soignées (la talk-box
de « Woke Up Thing Morning », la superbe
slide du bluesy « Good Times Gone »). La
voix de Chad Kroeger (chant, guitare) est
l’ingrédient le plus identifiable d’une recette
qui a tendance à bégayer (« Hangnail » et ses
similitudes avec « How You Remind Me »).
C’est ce qui explique en partie pourquoi,
depuis ce premier succès mondial, Nickelback
est en proie à de nombreuses moqueries. La
plus méchante d’entre toutes étant sans
doute celle assurant que, comparé aux
attentats du World Trade Center du 11
Septembre 2001, la sortie de Silver Side Up
le même jour était encore pire ! Malgré ce très
mauvais timing, Nickelback est aujourd’hui
le groupe étranger qui a écoulé le plus
d’albums aux USA après… les Beatles. Pas
si nul, n’est-ce pas ?
MORGAN RIVALIN
AUTRE ALBUM A CONSEILLER :
Feed The Machine (2017)
DREAM THEATER
Train Of Thought
(Elektra)
2003
Origine : USA
Si le passionnant et ambitieux double
album Six Degrees Of Inner Turbulence
(2002) voyait déjà Dream Theater durcir le
ton et opter pour un son de guitare lourd
et massif, ce n’est rien en comparaison de
son successeur. Jamais encore le quintet
new-yorkais n’a sonné si « metal » du début
à la fin d’un disque que sur le puissant Train
Of Thought (le claviériste Jordan Rudess est
d’ailleurs le premier surpris par cette
nouvelle donne !). Cette orientation est le
fruit d’une démarche volontaire orchestrée
par John Petrucci (guitare) et Mike Portnoy
(batterie), qui envisagent même, dans un
premier temps, de collaborer avec le
producteur Andy Wallace (Slayer, Sepultura)
avant de se retourner vers le fidèle Kevin
Shirley (Iron Maiden). Ce dernier repense
entièrement son mix pour satisfaire les
exigences très spécifiques du duo. Composé
en l’espace de trois semaines (!) et enregistré
aux Cove City Sound Studios de New-York
dans lesquels le groupe se rend pour la
première fois, Train Of Thought comptabi-
lise près de soixante-dix minutes de musique
divisée en sept titres, dont cinq dépassent
la barre des dix minutes. En dépit de ces
formats longs, l’efficacité est de mise :
uniformément sombre, mais bien plus
créatif qu’il y paraît de prime abord, cet
opus unique dans la riche discographie du
combo revendique pleinement l’influence
de Metallica (ce qui n’est guère surprenant
– un an plus tôt, Dream Theater interprétait
l’intégralité de Master Of Puppets sur scène).
Ainsi, les saccades du dense et agressif
« Honor Thy Father » adressées au beau-
père de Portnoy rappellent « Blackened »
et « Battery », l’introduction de la superbe
ballade « Vacant » fait songer à « One », il y
a du « Welcome Home… Sanitarium » et
du « The Call Of Ktulu » dans « Endless
Sacrifice », etc. On retrouve également du
Mudvayne sur l’épique « This Dying Soul »,
seconde partie de la Twelve-step Suite de
Mike Portnoy traitant de son combat contre
l’alcoolisme. Mais il serait bien limitatif de
ne voir en Train Of Thought qu’un simple
condensé d’influences ; ce disque riche
et brillamment écrit (quelle créativité
débordante sur l’instrumental « Stream Of
Consciousness », quelle émotion sur le final
du tragique « In The Name Of God ») étant
toujours aussi passionnant à écouter. A
recommander chaudement !
FRANÇOIS BLANC
AUTRE ALBUM A CONSEILLER :
Images And Words (1992)
OPETH
In Live Concert At The Royal
Albert Hall
(Roadrunner)
2010
Origine : Suède
En 2010, ça fait déjà vingt ans qu’Opeth est
né. Mélange unique de death metal, de
guitares acoustiques ou encore de chant
clair, Orchid (1995), premier album qui
lorgne aussi du côté du jazz et de la folk, se
fait remarquer et une ascension inarrêtable
est lancée. Si le groupe de Mikael Akerfeldt
(chant, guitare) est peu présent sur scène à
ses débuts, Blackwater Park (2001) change
la donne. Avec ce cinquième album, le premier
produit par Steven Wilson (Porcupine Tree),
la bande repousse ses limites, raffine son
son et élargit son public en recrutant sur les
terres progressives. Quand vient le moment
de célébrer son vingtième anniversaire, à
l’occasion de six concerts (quatre en Europe,
deux aux USA), interpréter Blackwater
Park dans son intégralité semble logique.
Enregistrer un nouveau live (DVD et triple
CD) à Londres est également frappé au coin
du bon sens, Opeth se produisant rien
moins qu’au légendaire Royal Albert Hall, là
même où Deep Purple inaugura son mythique
Concerto For Group And Orchestra (1969).
D’orchestre il n’est toutefois pas question
ici, ce qui n’empêche pas les Suédois de
doter leur In Live Concert At The Royal
Albert Hall (2010) d’une pochette rendant
habilement hommage à celle de leurs
glorieux aînés et de se rebaptiser le Loyal
Disharmonic Orchestra. Le set Blackwater
Park de ce show de 2h45 en offre une
interprétation fidèle à l’extrême, ce qui
n’est pas une mince réussite. Bien que le
cadre soit guindé, le public, qui ne boude
pas son plaisir, frappe dans les mains en
rythme sur « The Drapery Falls » comme s’il
s’agissait d’un méga hit ! Mais la deuxième
moitié de ce set, durant laquelle les musiciens
jouent un extrait de chaque album du
groupe (en ordre chronologique), est la plus
intéressante. Outre les fameux speeches du
pince-sans-rire Akerfeldt qui chambre
Steven Wilson sur ses terres (« Il a qualifié
Opeth de « plus grand groupe de tous les
temps ». Si si ! »), elle nous offre notamment
deux très belles versions de « Forest Of
October » et « Advent », témoignages des
premiers pas du groupe qui quittent enfin
leur statut de diamants bruts pour briller de
mille feux. Ce set de huit (gros) morceaux
est une sorte de best of justifiant à lui seul
l’achat de ce triple live de toute beauté.
C’est aussi un testament marquant la fin
d’une époque, Heritage (2011) s’apprêtant
à remiser les growls à la cave…
MORGAN RIVALIN
AUTRE ALBUM A CONSEILLER :
The Roundhouse Tapes (2007)
MASS HYSTERIA
Matière Noire
(Verycords)
2015
Origine : France
Pas besoin d’attendre quinze ans avant de
vous recommander un disque essentiel.
C’est le cas de Matière Noire, un album
publié par Mass Hysteria en 2015 qui mérite
de trôner dans votre Metalthèque. Depuis
Le Bien-être Et La Paix (1997), nos compa-
triotes brassent joyeusement, dans leur
chaudron, leurs influences métalliques et
indus’ à l’aide de la plume bien trempée
de Mouss, chanteur au flow sans faille. Le
parcours du combo est vallonné et chacun
de ses albums oscille entre puissance de feu
(« P4 ») et une certaine légèreté qui lui sied
si bien (« Respect To The Dance-floor »).
Avec Failles (2009), son sixième opus, Mass
Hysteria prend clairement du muscle et
opère un tournant. Il lorgne même du côté
de la dimension martiale de Rammstein,
référence en matière de riffs hachés menu,
mais aussi dans le domaine des visuels. Ces
derniers sont d’ailleurs plus soignés que
jamais sur le bien-nommé et très réussi
L’Armée Des Ombres (2012), un album qui
en rajoute dans la noirceur. Le quintet se
drape à nouveau de noir sur… Matière
Noire (2015), premier opus sur lequel Fred
Duquesne (Bukowski, ex-Watcha), le produc-
teur du groupe depuis 2007, joue également
de la guitare. Au nom des « sans-dents »,
Mass montre les crocs et nous saute à la
gorge dès « Chiens De La Casse ». Un côté
martial tout germanique ressort une nouvelle
fois de « Vae Soli ! », titre doté d’un final
hypnotique. « Vector Equilibrium » surprend
davantage Furieuses et Furieux (le petit
nom des fans de Mass) en enchaînant intro
lyrique et riff bulldozer venu du hardcore,
mais aussi en envoyant une accélération
thrashy faite pour engendrer du circle-pit.
Tout ça n’empêche pas Matière Noire de
donner le change en matière de refrains
mémorables et efficaces en diable (« L’Enfer
Des Dieux »), ou encore de proposer un cri
de ralliement aux allures d’hymne du nom
de « Plus Que Du Metal » (« Si le silence est
d’or, alors le bruit est de métal ! »). Loin
d’être « A Bout De Souffle », le parolier
Mouss s’y révèle très inspiré, jusqu’aux
dernières notes du vibrant hommage sur
lequel l’album s’achève en beauté (« Mère
d’Iroise »). A l’image de la matière visqueuse
ornant sa pochette, l’ultra efficace Matière
Noire s’immisce illico dans tous les interstices.
Préparez-vous à ce qu’il vous colle telle une
deuxième peau.
MORGAN RIVALIN
AUTRE ALBUM A CONSEILLER :
Contraddiction (1999)
47

ANTHRAX
For All Kings
(Megaforce/Nuclear Blast)
2016
Origine : USA
Dernier album studio en date des maîtres
thrasheurs, For All Kings est aussi celui de
la « rédemption » pour Anthrax, après un
Worship Music (2011) moyen que notre
rédaction n’a, à juste titre et à sa sortie,
apprécié que modérément. C’est aussi celui
qui met fin à des années d’annonces contra-
dictoires par certains membres du groupe
et d’un line-up sous turbulence qui semblait
même au bord de l’implosion depuis le
départ de John Bush. Le rappel est ici
battu, et avec la manière. L’efficacité de la
main gauche de Scott Ian est toujours de
mise sur les riffs d’airain qui parsèment le
disque, de l’entrée martiale de « You Gotta
Believe » en passant par son morceau-titre
grondant. La voix de Joey Belladonna,
qu’on a parfois connue capricieuse, est ici
bien maîtrisée, que ce soit sur le single
« Breathing Lightning » ou lorsqu’il s’exerce
à la moduler de manière encore plus mélo-
dique (le pont de « Blood Eagle Wings »,
entre autres). Et n’occultons pas la précision
toujours métronomique de Charlie Benante
derrière les fûts sur le délicieux et old-school
« Evil Twin », qui s’ouvre à la manière du
compte à rebours d’un détonateur de
bombe. On apprécie aussi d’entendre
Anthrax se frotter à un registre un peu
différent du pur thrash qui l’a fait connaître,
comme sur le très heavy « All Of Them
Thieves » franchement jouissif, que ce soit
sur sa première partie mid-tempo ou sur les
soli de guitare éruptifs de Jonathan Donais
(ex Shadows Fall) lorsque ce titre passe la
seconde (voire la cinquième…). Idem sur le
trépidant « This Battle Chose Us », dont la
rythmique irrésistible et le refrain sous
testostérones nous ramèneraient presque à
l’époque de The Sound Of White Noise
(1993). Très cohérent et dense, le disque
s’écoute d’une traite et sans temps morts
ou faibles à déplorer. Une réussite qu’il faut
sans doute mettre partiellement sur le
compte du temps pris pour le finaliser.
Défendu de manière convaincante sur
scène, notamment au Hellfest en 2016 (en
présence de Benante qui n’est pas toujours
de la partie en live à cause d’un poignet
récalcitrant), For All Kings permet donc
de s’assurer qu’on peut compter sur cet
éminent membre du Big Four dans le futur
au moment-même où d’autres abonnés à
ce club très fermé semblent bientôt en
passe de jeter l’éponge (Slayer, pour ne pas
le nommer).
DJUL
AUTRE ALBUM A CONSEILLER :
Sound Of White Noise (1993)
48
Mis aussi...
La liste des vingt-cinq disques que nous venons de vous présenter a été entièrement établie
par nos soins et n’est que le résultat d’une concertation, parfois agitée, entre tous les
membres de la rédaction. Si le choix des groupes n’a, en soi, pas été simple, celui des albums
s’est avéré être, dans certains cas, un véritable casse-tête. Il est évident que l’opération « Metal
Matters », qui propose dès maintenant de nombreux CDs à prix étudié, ne se résume pas
uniquement à cette sélection. Trouvez ci-dessous la liste quasi-exhaustive des albums
concernés par cette opé qui devrait vous permettre de compléter votre discothèque.
• AIRBOURNE – No Guts. No Glory / Doremi Fasol Latido • SABATON – Carolus Rex / Heroes / The
Black Dog Barking / Running Wild
• ALTER BRIDGE – AB III / Fortress
• HEAVEN AND HELL – The Devil You Know
• JETHRO TULL – Bursting Out - Live /
Last Stand
• SATYRICON – The Age Of Nero /
• ANNIHILATOR – Alice In Hell / Never, Songs From The Wood / Stand Up / Satyricon /
Neverland Aqualung • SAVATAGE – Edge Of Thorns
• AVENGED SEVENFOLD – Avenged • KILLSWITCH ENGAGE – Incarnate • SEPULTURA – Beneath The Remains /
Sevenfold / Nightmare / City Of Evil / • KISS – Sonic Boom Live Chaos A.D. / Morbid Visions / Roots /
Hail To The King • KORN – III : Remember Who You Are / Schizophrenia
• BARONESS – Purple The Path Of Totality / The Serenity Of • SKID ROW – Slave To The Grind
• BLACK LABEL SOCIETY – Order Of The Suffering • SLASH – Apocalyptic Love / World On
Black / Shot To Hell • KVELERTAK – Meir Fire / Slash
• BLACK SABBATH – Black Sabbath / • KYUSS – And The Circus Leaves Town / • SLAYER – Repentless
Paranoid / Mob Rules / Born Again Wretch / Welcome To Sky Valley • SLIPKNOT – 5 : The Gray Chapter / 9.0 :
• BLACK STONE CHERRY – Black Stone • LINDEMANN – Skills In Pills Live / All Hope Is Gone / Iowa / Slipknot
Cherry / Between The Devil And The • LYNYRD SKYNYRD – God Guns / Last / Vol. 3 : The Subliminal Verses
Deep Sea / Folklore And Superstition / Of A Dyin’ Breed / The Last Rebel • SOULFLY – 3 / Conquer / Dark Ages /
Magic Mountain • MACHINE HEAD – The Blackening / Primitive / Soulfly
• BODYCOUNT – Bodycount Burn My Eyes / The Burning Red / • STAIND – The Singles / Break The Cycle
• CAVALERA CONSPIRACY – Blunt Force Supercharger / Through The Ashes Of • STONE SOUR – Come What(ever) May /
Trauma / Inflikted Empires / Unto The Locust / Hellalive Stone Sour
• CHICKENFOOT – Chickenfoot • MANOWAR – Kings Of Metal / The • STONE TEMPLE PILOTS – N°4 / Purple /
• ALICE COOPER – Billion Dollar Babies / Triumph Of Steel Stone Temple Pilots
Easy Action / From The Inside / Killer / • MARCUS HOOK ROLL BAND – Tales Of • STRATOVARIUS – Nemesis
Lace And Whiskey / Love It To Death / Old Grand-Daddy • THE TEMPERANCE MOVEMENT – The
Pretties For You / Muscle Of Love / • MARILLION – F.E.A.R. / Fugazi / Holidays Temperance Movement / White Bear
School’s Out / Welcome To My Nightmare In Eden / Marbles In The Park / Script • TESTAMENT – The Legacy / Low / Souls
• COVERDALE / PAGE – Coverdale/Page For A Jester’s Tear / Sounds That Can’t Of Black / Practice What You Preach /
• CRADLE OF FILTH – Godspeed On The Be Made The New Order
Devil’s Thunder • MASS HYSTERIA – A l’Olympia (2 CD + • TRIVIUM – The Crusade / In Waves /
• DEATH – Symbolic DVD) / L’Armée Des Ombres Shogun / Vengeance Falls / Ascendancy
• DEEP PURPLE – Deep Purple / In Rock / • MASTODON – Blood Mountain / Crack / Silence In The Snow
Shades Of Deep Purple / Now What ?! / The Skye / Once More ‘Round The Sun / • TWISTED SISTER – Stay Hungry – 25th
Copenhagen 1972 / From The Setting Emperor Of Sand / The Hunter Anniversary Edition (2CD) / You Can’t
Sun / To The Rising Sun / Graz 1975 / • MINISTRY – Land Of Rape And Honey / Stop Rock’n’Roll
• DEF LEPPARD – Def Leppard Psalm 69 • TYPE O NEGATIVE – October Rust / The
• DEFTONES – Saturday Night Wrist / • MOTÖRHEAD – Ace Of Spades / Origin Of The Feces
Diamond Eyes / Around The Fur / Orgasmatron / Overkill / Rock’n’Roll / • VAN HALEN – 5150
Adrenaline / Deftones / White Pony / Live At Brixton ’87 / On Parole • WHITESNAKE – Lovehunter
Koi No Yokan / Gore / • NAPALM DEATH – Utopia Banished • THE WINERY DOGS – Hot Streak / The
• DISTURBED – Asylum / The Sickness / • NICKELBACK – All The Right Seasons / Winery Dogs
Ten Thousands Fists / Indestructible Dark Horse / Here And Now / The Long • ZZ TOP – One Foot In The Blues
• DOWN – Down II / Down IV Part 1 / Road
Down IV Part 2 / Over The Under / NOLA • NIGHTWISH – Endless Forms Most Mais aussi des trésors cachés qui ne sont
• DREAM THEATER – 6 Degrees Of Inner Beautiful plus disponibles au catalogue des maisons
Turbulence / A Dramatic Turn Of Events • NO ONE IS INNOCENT – Propanganda de disques en physique, mais le sont
/ Awake / Black Clouds Silver Linings / / Barricades Live désormais au format digital. Parmi ces
Dream Theater / Images And Words / • OPETH – Ghost Reveries / Heritage / derniers, des disques d’Alien, Axe, Baton
Octavarium / Metropolis Part 2 / Train Watershed / Pale Communion Rouge, Beautiful Creatures, The Big F,
Of Thought • OVERKILL – Horroscope / The Years Of BulletBoys, Death Angel, Desmond,
• ENTOMBED – Wolverine Blues Decay / Under The Influence Distance, Dogs D’Amour, Easy Action,
• FAITH NO MORE – Album Of The Year / • PANTERA – Cowboys From Hell / Far Fair Warning, The Great Kat, Hawkwind,
Angel Dust / King For A Day… Fool For Beyond Driven / Official Live : 101 Jethro Tull, Kickback, Mastodon, Rainmaker,
A Lifetime / The Real Thing Proof / Vulgar Display Of Power Raven, Saigon Kick, Skagarack, Sha-Boom,
• FEAR FACTORY – Demanufacture / • RAMONES – End Of The Century / Stone Sour, Swedish Erotica, TAD, TNT,
Obsolete Road To Ruin / Rocket To Russia Tuff, Twisted Sister, Whitesnake, Yes,
• GOJIRA – L’Enfant Sauvage / Magma • RIVAL SONS – Great Western Walkyrie / Xentrix et Dimebag Darrell.
• HAWKWIND – In Search Of Space / Masters Pressure & Time / Hollow Bones / Head
Of The Universe / Space Ritual-Live / Down
Photo couverture : ZZ Top (© Marc Villalonga)
Davide Tiso

Propos recueillis par Djul - Entretien téléphonique réalisé le 19 février 2018

Difficile d’imaginer vision plus tourmentée, originale et personnelle que celle du guitariste et compositeur Davide Tiso (Ephel
Duath) au sein de son nouveau projet Howling Sycamore (qui doit son nom au Twin Peaks de David Lynch). Il a pourtant réussi
à réunir deux musiciens de premier plan pour la concrétiser : Jason McMaster (Watchtower) au chant et Hannes Grossmann (Obs-
cura, Necrophagist) à la batterie. Le résultat est un premier album éponyme aussi technique que sombre, qui tranche à bien des
égards avec les canons parfois éculés du metal dit progressif. Tiso, Italien désormais expatrié sur la côte Ouest des USA, a dé-
croché son téléphone de bon matin pour évoquer, de son accent chantant, la genèse de ce premier opus.
Rock Hard : Ce projet est avant à donner le jour à mes compositions, avait presque volontairement poussé C’est arrivé très tôt. Sur un titre comme
tout ton bébé. Comment l’as-tu vu j’ai cherché les musiciens pouvant ses parties à fond, ou chanté sur des « Obstinate Pace », j’entendais du
évoluer au fil du temps et jusqu’à les développer. Avec Jason et parties instrumentales qui n’étaient saxophone en écrivant avec ma
la sortie de ce premier album ? Hannes, je savais qu’ils arriveraient pas faites pour ses interventions guitare. Il y a même des espaces
Davide Tiso : Lorsque j’ai reçu le même à les transcender ! vocales ! (rires) Et effectivement, il y entiers inclus dans les compositions
vinyle, je dois dire que le produit fini a des passages, sur le disque, sur d’origine pour de telles interventions.
n’avait plus grand-chose à voir avec Ces deux musiciens sont connus lesquels je n’aurais jamais cru qu’il Et Bruce était parfait pour ce rôle
ma vision initiale, un an auparavant. pour être assez « jusqu’au-bou- était possible de chanter ! (rires) car c’est un fan de metal à la
J’ai presque eu l’impression de tistes » dans leur approche : a-t-il base, qui joue de son saxophone de
recevoir un disque auquel je n’avais fallu les canaliser, d’une manière On y retrouve des titres plus atmo- manière puissante et originale. Il
pas participé ! Au départ, je travail- ou d’une autre ? sphériques, comme « Chant Of sera bien entendu de la partie pour
lais avec le batteur d’un groupe de Non, au contraire ! Il me fallait des Stillness » et « Dysphoria »… la suite…
black metal assez connu (que je parties de batterie aussi folles que Ça a été le seul point de discussion
préfère ne pas nommer, même si possible et une voix exubérante à la avec notre producteur, Scott Evans Il y aura donc une suite ?
nous restons en excellents termes), Dio, et ils étaient parfaits pour cela. (Ghoul, Fred Firth Trio), qui envisa- Absolument, et il y aura sans doute
qui m’a fourni des parties de batterie Je trouve que l’équilibre de l’ensemble geait un disque à fond du début à la encore plus de contrastes sur le
pour un projet commun. Pendant se tient parfaitement. Je n’ai rien eu fin, et n’imaginait pas y ajouter une prochain album. A l’heure où je
deux semaines, je ne suis arrivé à à modifier. La seule direction que j’ai ballade comme « Chant Of Stillness ». parle, la plupart des prochains mor-
rien, mais soudain, j’ai fini par fournie l’a été à la demande de De ce point de vue, j’ai été très ceaux sont même écrits, à l’exception
rentrer dedans et j’ai composé toutes Hannes qui voulait écouter les parties influencé par des groupes comme le des paroles. Hannes doit enregistrer
mes parties de guitare en un rien de de batterie originelles à partir Katatonia des débuts et le Death de ses parties de batterie en mai prochain.
temps. Pour autant, le projet n’a fina- desquelles j’avais composé mes riffs, la fin, qui parvenaient à créer de Nous avons une quarantaine de
lement pas vu le jour et nous avons juste pour comprendre d’où j’étais l’émotion et de la lumière sur un minutes sous le coude, et il est
convenu de « reprendre » nos contri- parti. Mais ce que tu dis n’est pas fond très sombre. A dix-huit ans, donc hors de question que Howling
butions respectives. Tenant vraiment faux : Jason m’a même avoué qu’il j’étais vraiment dans le black metal Sycamore ne sorte qu’un album.
le plus « originel », mais je voulais J’espère aussi que nous pourrons
GENRE SITE INTERNET mixer ces éléments dissonants avec jouer sur scène, mais vus nos agendas
. Metal progressif le contraste des mélodies, des atmo- respectifs, il est probable que ce
www.howlingsycamore.
bandcamp.com sphères qui élèvent l’auditeur et qui soit lors d’occasions spécifiques. De
LE GROUPE
. Jason McMaster (chant) poussent à l’introspection. festivals, par exemple, si nous
ALBUM
sommes demandés… Je ne me vois
. Davide Tiso (guitare, basse) . Howling Sycamore (2018)
D’où est venue cette idée d’ajouter pas demander à Jason ou Hannes de
. Hannes Grossmann ARTICLE RH ces parties de saxophone à la mettre leurs propres groupes entre
(batterie)
John Zorn avec l’apport de Bruce parenthèses le temps d’une tournée
qui n’en vaudrait pas la peine. Y
RH N°185
Lamont (Yakusa) ?

49
 GENRE
. Deep Purple 1973/1976 revisited
LE GROUPE
. Glenn Hughes (chant, basse)
. Soren Andersen (guitare)
. Jay Boe (claviers)
. Fernando (batterie)
SITE INTERNET
www.glennhughes.com
ALBUMS
(studio avec Deep Purple)
. Burn (1974)
. Stormbringer (1974)
. Come Taste The Band (1975)

ARTICLES RH
RH N°18, 41, 57, 170 & 185

50

Du haut de ses 65 ans, Glenn Hughes fait preuve d’un dynamisme de jeune premier. Alternant albums solo et projets de
groupe, Glenn a décidé, en 2018 et 2019, de rendre hommage à ses pourpres années en célébrant son passage éclair,
mais ô combien marquant, avec Deep Purple entre 1973 et 1976. Et pour une fois, la France sera aux premières loges,
puisque le premier show de cette tournée sera donné au Rock’N Festival de Chauny le 07 avril prochain. Glenn, toujours
aussi bavard, nous dit tout sur ses motivations.
Rock Hard : Tu es sur le point d’entamer
une tournée intitulée Glenn Hughes
Performs Classic Deep Purple Live.
Lorsque nous nous étions rencontrés
en juillet dernier à Paris (Cf. RH179),
tu avais évoqué la possibilité d’une
telle tournée en Australie, qui a bien eu
lieu en septembre et octobre dernier.
Pourquoi poursuis-tu ce projet ?
Glenn Hughes : Je suis sûr que tu peux
te mettre à ma place : lorsqu’un artiste
arrive à mon âge, il se pose toujours
des questions. Qu’est-ce que je vais
bien pouvoir faire maintenant ? Je pense
simplement que le temps est venu de
me lancer dans une telle tournée. David
Coverdale a, il y a peu, enregistré The
Purple Album. Deep Purple a annoncé
qu’il s’agissait de sa dernière longue
tournée. Alors, je crois que c’est désor-
mais à mon tour d’honorer l’héritage
de Deep Purple en donnant ces shows
uniquement basés sur des chansons de
son répertoire. J’ai toujours joué certains
de ces titres en concert, mais ce sera la
première fois que je n’interpréterai que
des morceaux de ce groupe. Nos shows
australiens et néozélandais de fin 2017
ont si bien marché… Je me dois d’être
précis : je ne vais pas jouer les titres
tels que tu les connais sur les albums
studio, mais plutôt comme tu les as
entendus sur nos divers live enregistrés
à l’époque, mais édités plus tard,
comme Made In Europe (1975), Live In
Paris (1975) et Live In Long Beach
Arena (1976). Je crois que c’est ce que
les fans veulent entendre, et nous
sommes vraiment impatients de faire
découvrir cela à notre public français.
Cela signifie-t-il que déjà, à l’époque,
tu pensais que vos versions live
étaient plus solides ou intéressantes
que vos versions studio initiales ?
Je le crois. Deep Purple a toujours été
un groupe qui improvise sur scène. J’ai
de nombreux enregistrements live de
cette époque, et vraiment, il y avait entre
nous une musicalité extraordinaire.
J’aimerais parvenir à capturer ce feeling,
et il n’y a qu’une solution pour y arriver :
tourner intensément. Car je suis sûr
que ces chansons vont évoluer au fur et à
mesure de nos shows. Je suis un artiste
qui aime se produire live et je vais vrai-
ment tout faire pour que ces chansons
soient les plus vivantes possibles.
Nous n’avons pas pu nous empêcher
de jeter à un œil à la setlist de ces
concerts australiens. Si certains titres
sont en effet très régulièrement joués
lors de tes concerts « classiques »,
d’autres ne l’ont plus été depuis
longtemps. Quelles chansons ont
constitué de vrais challenges ?
« You Fool No One » en est une. La version
en concert avait pour habitude d’être
très largement rallongée, notamment par
les interventions de Ritchie Blackmore.
J’avais besoin de retrouver ce feeling.
Je ne dirais pas qu’il s’agit d’un titre
difficile à jouer, mais le vrai challenge,
c’est de parvenir à trouver les bonnes
vibrations, celles en rapport avec
Propos recueillis par Benji - Photo : Marc Villalonga - Entretien téléphonique réalisé le 15 février 2018
Purple. Chaque groupe avec lequel j’ai
joué possèdait une ambiance qui lui
était propre : Trapeze, Hughes/Thrall,
Black Country Communion… Je veux
vraiment capturer l’ambiance du Deep
Purple des 70’s. C’était un groupe très
talentueux et je veux que la magie qui
s’en dégageait soit aussi présente lors
de ces shows qui s’annoncent.
La formation qui t’accompagnait en
Australie était composée de Jeff Kollman
à la guitare, Lachy Doley aux claviers
et Pontus Engborg à la batterie.
Sera-t-elle la même sur la tournée ?
Pas du tout ! (rires) Tu es le premier à qui
j’en parle. Soren Andersen se chargera
de la guitare. Il joue dans mon groupe
solo et sera de retour à mes côtés car
je pense qu’il est parfait dans ce rôle.
Aux claviers, ce sera Jay Boe, qui nous
vient du Danemark, tout comme Soren,
et avec qui j’ai déjà donné quelques
shows en 2017. C’est un expert en
orgues Hammond. Et j’ai un tout nouveau
batteur, Fernando, qui nous vient de
Santiago du Chili. C’est un jeune gars
qui, si je peux me permettre, joue dans
un style très proche de celui de Ian
Paice. C’était pour moi une nécessité
car ces morceaux ont besoin d’être
Mon boulot, aujourd’hui, c’est de
continuer à porter un message
d’espoir, d’amour et de foi
(Glenn Hughes)
joués de façon appropriée. Mon but est
de faire sonner ces titres aussi Purple
que possible. Cette formation va donc
répéter la première semaine d’avril à
Copenhague où nous donnerons un
concert secret en tout petit comité,
puis nous serons fin prêts pour notre
premier show au Rock’N Festival. Le
premier show officiel aura donc lieu en
France et sera très important. Tu me
connais, j’ai toujours voulu donner des
tas de concerts, et c’est aujourd’hui
possible grâce à l’équipe qui s’occupe
de gérer tout cela pour moi. Je vais
donc tourner dans le monde entier
pendant quasiment deux ans avec ce
show, et je compte bien donner beaucoup
d’autres dates en Europe.
Tu mentionnais l’importance de
recréer les parties de Ian Paice, mais
s’attaquer à celles de Blackmore et de
Tommy Bolin n’est pas non plus
chose aisée. Tu accordes donc ta
confiance à Soren pour ce job…
Je suis bien conscient que cela n’a rien
d’évident… Je suis moi-même en quelque
sorte de retour dans la peau du Glenn
des 70’s : j’ai laissé pousser mes
cheveux et je tente de redevenir le
personnage que j’étais à l’époque. Il
est donc important que les musiciens
qui m’accompagnent soient dans le
même état d’esprit. Je pense que Soren
est l’homme de la situation.
Vas-tu utiliser ta basse iconique de
l’époque, ta Rickenbacker rouge ?
Bien sûr ! Pas seulement celle-là,
mais aussi les autres modèles que
j’ai utilisés durant ces années. Le son
que nous allons développer est bien
évidemment essentiel, mais aussi
l’aspect visuel.
Tu vas réaliser un documentaire lors
de cette tournée. Sais-tu précisément
de quoi il va s’agir ?
Eh bien, tu es également le premier à
qui j’en parle… Ce sera un film auto-
biographique qui ne va pas uniquement
se concentrer sur cette tournée et
Deep Purple, mais couvrira ma vie
entière. Je viens de voir le documentaire
d’Eric Clapton, Life In 12 Bars, et c’est
vraiment excellent. Il se trouve que la
vie d’Eric et la mienne sont connectées
dans le sens où il a connu la gloire
assez tôt, puis est tombé dans l’alcool
et la drogue, avant d’arriver à remonter
la pente petit à petit. Cela ressemble
étrangement à mon parcours. Bien sûr,
il a connu un drame que je n’ai pas eu
à supporter : la mort de son enfant.
J’aime Eric, c’est un homme bon. Mon
boulot, aujourd’hui, c’est de continuer
à porter un message d’espoir, d’amour
et de foi, et c’est que je vais faire dans
ce film, ainsi qu’au cours de cette
tournée. L’amour est si important
aujourd’hui, nous vivons des temps si
troublés… La prochaine fois que je
jouerai à Paris, je ferai tout pour que ce
soit au Bataclan. J’y tiens beaucoup.
Le premier concert officiel de cette
tournée se tiendra donc au Rock’N
Festival, le 07 avril 2018. Le dernier
show de Deep Purple Mark III, avec
Ritchie Blackmore, a eu lieu le 07
avril 1975 au Palais des Sports de
Paris. Soit 43 ans précisément avant
ce concert de Chauny, en France.
C’est une étrange coïncidence !
C’est sûr, ça va rendre cette date
encore plus spéciale ! Merci beaucoup
pour cette information, je n’avais pas
fait le lien. Je vais faire en sorte que les
fans soient au courant de ce curieux
retour des choses.
Ton ami David Coverdale, comme tu
l’as rappelé plus tôt, a également
revisité à sa manière de nombreux
classiques de votre période commune
avec Deep Purple sur The Purple
Album (2015) de Whitesnake. L’as-tu
écouté ?
J’en ai écouté quelques passages, oui.
J’ai d’ailleurs jammé avec lui et son
groupe à Los Angeles en juin 2015 sur
quelques morceaux de Purple. C’est
cool, David a fait sa propre rétrospective
de titres liés à cette époque et c’est à
mon tour de le faire. Je crois vraiment
que ces concerts vont être bouillants !
Je suis très spontané en live, et même
si, bien sûr, de nombreuses choses sont
répétées, je laisse toujours de la place
à l’improvisation. Il faut faire en sorte
que cela soit aussi authentique que
possible.
Quelques mots sur deux autres de tes
récentes activités. Black Country
Communion a donné deux concerts à
Wolverhampton et à Londres début
janvier. Les chroniques à leur propos
ont été très favorables. Qu’en as-tu
pensé de ton côté ?
J’ai adoré ! Je savais que les concerts
que nous donnerions seraient plus que
limités et… Bon, soyons clairs : il n’y
aura pas d’autres shows de Black
Country Communion cette année. Ce
n’est tout simplement pas possible en
raison des plannings de chacun (Ndlr :
Joe Bonamassa tourne en solo, Derek
Sherinian avec Sons Of Appolo et Jason
Bonham avec The Led Zeppelin
Experience). Nous étions conscients,
lorsque nous avons joué en Angleterre,
que ça se limiterait à cela, bien que
nous donnions un show supplémentaire
sur la croisière Blues Alive At Sea fin
février. J’aime Joe de tout mon cœur
et BCC est un groupe extrêmement
talentueux. Je reste persuadé que si
nous étions tous dans l’idée de faire de
ce groupe une priorité, nous pourrions
devenir l’un des meilleurs et plus
populaires au monde. Mais cela n’arri-
vera jamais à cause des autres activités
de tous ses membres. Ceci dit, je le
répète, j’ai intensément aimé nos
concerts de janvier.
Récemment, tu as également participé
à l’enregistrement du premier disque
sur lequel tu joues uniquement de la
basse : What Happens Next (2017)
de Joe Satriani. En décembre dernier,
Joe nous confiait qu’à terme, vous
aimeriez composer un album ensemble,
sur lequel tu chanterais. Tu confirmes
l’intention ?
Absolument. Pas plus tard que demain,
je me rends à New York pour jammer
avec Joe, Phil Collen et John Petrucci
lors de leur concert avec le G3 au
Beacon Theater. Nous avons déjà évoqué
cela lors des sessions de ce disque,
puis récemment encore lorsque j’ai
aussi chanté avec le G3 à Los Angeles.
L’idée, c’est que Joe vienne passer
quelques jours chez moi en août pour
composer et voir ce qu’il en ressortira.
A ce stade, rien n’est planifié, je ne
sais pas qui fera partie du projet à
l’exception de Joe et moi évidemment.
Pour être franc, j’aimerais beaucoup que
Chad Smith puisse en être à la batterie
car c’est l’un de mes meilleurs amis.
En tout cas, Joe et moi souhaitons
vraiment aller au bout de cette idée.
Joe est l’une des personnes les plus
sympas que j’ai rencontrées. Juste un
mec gentil, généreux et prévenant. Y
51

Chaque mois, l’un de nos journalistes, le financement de l’enregistrement d’un nouvel album,
pétri de bonnes intentions mais flanqué sous réserve que celui-ci soit « commercial ». Malgré le
d’une incroyable mauvaise foi, extrait doute qui les étreint, les Canadiens décident de se fier
la substantifique moelle de la carrière à leur instinct et de ne pas respecter la volonté de leur
d’un groupe afin de proposer un « guide maison de disques. Ils composent alors le titre fleuve
« 2112 », suite futuriste sur la thématique de la
d’achat » qui n’est, bien évidemment, que
redécouverte de la musique dans une société qui
le reflet de ses goûts douteux. Dans ce
l’avait bannie. Subdivisée en sept parties, « 2112 »,
numéro, c’est Rush qui est passé au crible qui occupe toute la face A de l’album, voit le groupe
par Stéphane Auzilleau. utiliser des claviers pour la première fois. Quarante
ans plus tard, ce titre, qui définit les canons du hard
rock progressif, n’a rien perdu de son impact. Les
LES INCONTOURNABLES autres morceaux sont extrêmement variés, entre
ballade romantique (le très beau « Tears »), rock à la
Led Zeppelin (« Something For Nothing ») ou hard
2112 rock à consonances orientales (« A Passage To
(Mercury, 1976) Bangkok »). Ce disque est un succès artistique, mais
Avec ce quatrième album, également commercial, qui lance pour de bon une
le trio joue en 1976 rien carrière qui sera longue.
de moins que sa survie,
notamment vis-à-vis de sa
maison de disques. En HEMISPHERES
effet, après des ventes (Mercury, 1978)
encourageantes de ses Hemispheres reprend
deux premiers disques, exactement là où s’arrêtait
l’ambitieux et très A Farewell To Kings (1977)
progressif Caress Of Steel un an plus tôt. En effet,
(1975) a été fraîchement accueilli par le public, à tel « Cygnus X-1 » était le
point qu’il a fallu tout le talent du manager Ray Danniels dernier morceau de son
pour obtenir du label Mercury une dernière chance et prédécesseur, tandis que
52
« Cygnus X-1 Book II » occupe toute la
première face de cet opus considéré
par de nombreux fans comme la
quintessence de Rush, tant du point
de vue musical que des textes
extrêmement travaillés de Neil Peart,
plus métaphoriques que jamais.
Puisqu’on parle du batteur, cet album
est également celui qui met ce dernier
le plus en avant. Impossible, en effet,
de ne pas se rêver assis sur son
tabouret dès la première descente de
fûts du disque, et ce, jusqu’à la dernière
note de « La Villa Strangiato »,
premier instrumental de la carrière
du groupe, qui reste sans doute,
à ce jour, le plus redoutable
techniquement. Nombreux sont les
musiciens professionnels qui le
considèrent encore comme injouable
! La production de ce disque n’a pas
pris une ride et demeure vraiment
impressionnante de clarté. Elle
permet en effet de distinguer les
subtilités de chaque instrument, et
les ambiances sont parfaitement
rendues. Le chant de Geddy Lee est
encore assez agressif dans les aigus,
mais semble bien plus maîtrisé. « The
Trees » se pare d’une magnifique
intro à la guitare acoustique, tandis
que « Circumstances », le morceau le
plus direct (avec une partie de refrain
en français !), renferme un riff
redoutable. L’équilibre parfait entre
passion et précision. Intemporel.
MOVING PICTURES
DR
(Mercury, 1981)
En 1981, Rush est clairement à son
apogée créatrice. Il achève
le cycle le plus progressif
de sa carrière qui,
paradoxalement, lui
permet également de
signer ses plus gros tubes.
Moving Pictures, qui va
s’écouler à 4,4 millions
d’exemplaires rien qu’aux
Etats-Unis, offre en effet
une flopée de titres absolument imparables,
notamment en début de parcours : « Tom Sawyer »,
« Limelight » ou encore l’incroyable instrumental
« YYZ » ne quitteront plus les setlists du groupe
durant les 35 années suivantes. C’est une véritable
démonstration de force technique et mélodique qui
nous est ici offerte. Neil Peart propose des parties de
batterie époustouflantes, Geddy Lee fait vrombir sa
basse, tandis qu’Alex Lifeson est simplement
éblouissant côté solo. Les synthétiseurs sont
parfaitement dosés, parvenant à créer des ambiances
propres à chacun des titres, du léger à l’angoissant
(« Witch Hunt »), Rush s’aventurant même avec
bonheur sur le terrain du reggae (« Vital Signs »). Rien
à jeter, de la première à la dernière seconde, pour ce
disque parfait, point de transition du groupe vers une
musique plus riche en claviers et moins progressive.
Moving Pictures reste l’album de référence du combo,
tout en étant également le plus accessible pour ceux
qui souhaitent découvrir ce dernier.
 EGALEMENT RECOMMANDÉS DÉCONSEILLÉ discographique. Pourtant,
force est de constater que
ce Gold ne s’en sort pas si
mal. En 29 titres, ce
PERMANENT WAVES VAPOR TRAILS double CD parvient en
(Mercury, 1980) (Anthem, 2002) effet à ne pas oublier les
Paru en janvier 1980, Difficile de déconseiller un débuts les plus rock du
Permanent Waves est sans album de Rush car le trio groupe, tout en explorant
doute l’album le plus n’a pas à proprement assez profondément les
équilibré de Rush, dans la parler sorti de mauvais années 80 sans toutefois
mesure où il contient deux disque. On aurait pu mettre l’accent sur les morceaux les plus épiques. Un
morceaux épiques, deux choisir Caress Of Steel effort aurait également pu être fait pour inclure des
titres taillés pour les (1975), un peu trop extraits de Roll The Bones (1991) et Counterparts
radios de l’époque et ambitieux, ou encore Test (1994). Si on peut le regretter, c’est un parti pris
deux pièces plus intimistes For Echo (1996), plus compréhensible dans un tel cadre. Au final, Gold est
(« Entre Nous » et l’aérien faible que ses donc un bon résumé de l’âge d’or (1974-87) du trio.
« Different Strings »), pour une durée totale de 35 prédécesseurs de la même période, mais c’est
minutes seulement. Mais quelles minutes ! Le bien finalement Vapor Trails qui est sans doute le moins
nommé « The Spirit Of Radio » est un titre
emblématique en forme de voyage en Grand Huit qui
intéressant des opus du trio, notamment en raison
d’un gros problème de production/mastering. A tel
LE COFFRET
fait tourner la tête et contient même un break reggae. point que le groupe se sentira obligé, onze ans plus
« Freewill » est du même tonneau et ces deux tard, d’en sortir une version remixée ! Cet album est SECTOR 2
morceaux imparables passent encore en boucle sur aussi celui qui lui aura demandé le plus long temps de (Mercury, 2011)
toutes les radios classic rock nord-américaines. réalisation (14 mois). Si nous étions ravis de voir Rush En 2011, Mercury publie
« Jacob’s Ladder », en grande partie instrumental, est revenir à la musique après un hiatus de cinq ans suite une série de trois coffrets
de ces morceaux épiques qui fascinent de la première aux terribles drames familiaux qui avaient frappé Neil reprenant les albums
à la dernière seconde par leur construction subtile et Peart, et que Vapor Trails contient quelques titres remasterisés du groupe de
leur puissance évocatrice. Quant à « Natural Science », solides (« Secret Touch », « Earthshine »), il sera 1974 à 1989. Chacun
qui clôt les hostilités, c’est incontestablement, avec ensuite largement surclassé par Snakes And Arrows d’entre eux contient
« 2112 », le titre le plus incroyable de la discographie (2007) et, plus encore, le remarquable Clockwork quatre albums studio
du groupe. En « seulement » neuf minutes et vingt Angels (2012). (dont un en DVD audio
secondes, ce morceau offre une palette émotionnelle 5.1) et le live qui les suit.
stupéfiante. Le riff de guitare principal est
particulièrement entêtant et les parties de batterie de LE LIVE L’ensemble est très
soigné, proposant, par exemple, des reproductions
Neil Peart sont à tomber à la renverse. Voilà une des pochettes des vinyles originaux et des livrets, ces
démonstration de force et de style, et surtout un titre derniers contenant les textes des chansons. Voilà qui
trippant qui vous fait entièrement lâcher prise d’avec DIFFERENT STAGES change des premières rééditions CD, y compris
la réalité. Les mélodies sont éblouissantes et le chant (Mercury, 1998) remasterisées, très spartiates, voire indignes quand on
de Geddy Lee survole ce morceau avec grâce. Avec une régularité qui sait le soin apporté par le groupe à ses textes et la
force le respect (ou frise qualité de sa production de manière générale. Sector
l’obsession), Rush a, 2 couvre donc la période la plus créative du trio (1977-
POWER WINDOWS durant les 25 premières 81) via quatre classiques, de A Farewell To Kings (en
(Mercury, 1985) années de sa carrière, 5.1 sur le DVD) à Moving Pictures, en passant par le
La discographie de Rush toujours clôt un cycle de live Exit… Stage Left. Bref, que du bon à se mettre
est si riche, diversifiée et quatre albums studio avec dans les oreilles. Un très bel objet au service d’une
qualitative qu’il est assez un double live… Souvent, musique intemporelle et sans équivalent.
compliqué de sélectionner d’ailleurs, pour faire
un album plus qu’un autre. ensuite évoluer son style
Entre 1982 et 1987, le trio
est dans sa période la plus
dès le disque suivant. Different Stages, enregistré,
comme son nom l’indique, à différents endroits du
LE DVD
clinique, avec une forte globe entre 1994 et 1997, fait donc la part belle aux
présence de claviers (dont années 1990, sans toutefois oublier le reste de R30
Geddy Lee se charge, en l’œuvre du groupe, puisque certains titres plus anciens (Sanctuary Visual Entertainment, 2005)
plus de la basse et du chant), parfois au détriment de et emblématiques font ici leur apparition live pour la En 2004, Rush décide
la guitare. Les trois premiers albums de cette ère, à première fois : le classique « Limelight », le dantesque d’effectuer une tournée
savoir Signals (1982), Grace Under Pressure (1984) et « Natural Science », ou encore l’intégralité de célébrant ses trente ans
Power Windows (1985), sont magnifiques et d’un « 2112 ». Cerise sur le gâteau, il propose, en plus de de carrière et passant
niveau équivalent. Mais Power Windows est peut-être ces 2h25 de show des années 90, un CD capté à pour la première fois
celui de cette série qui trouve le meilleur point Londres en 1978. Le menu est donc on ne peut plus depuis douze ans en
d’équilibre entre les différents instruments, équilibré et retrace bien l’ensemble de la carrière du Europe, notamment à
notamment par rapport à son prédécesseur, aussi trio. Ajoutez à cela une qualité sonore bluffante Francfort où est enregistré
glacial que sa pochette. Et si le guitariste Alex Lifeson restituant impeccablement l’énergie du groupe (la ce DVD. Toute la
a parfois pu émettre quelques regrets quant à cette guitare y est particulièrement à l’honneur) et la discographie du groupe y
période, force est de constater qu’il demeure l’un des ferveur du public, et une interprétation toute en est représentée, parfois
atouts maîtres du groupe et s’avère ici émotion (« Nobody’s Hero »), et vous comprendrez sous forme de medleys. Le
particulièrement inspiré. Les huit morceaux de ce pourquoi nous avons retenu ce live parmi les dix show est filmé avec grand
disque sont très homogènes, parfaitement ciselés et publiés à ce jour. soin et complété par de
ultra mélodiques. La voix de Geddy Lee est plus posée nombreux documents inédits (interviews, prestations
et les textes, toujours magnifiques, de Neil Peart plus télé, archives live, etc.). Que du bonheur ! A noter que
ancrés dans la réalité (le sublime « Manhattan
Project » traite, par exemple, des ambiguïtés de
LA COMPILATION la version Blu-ray, publiée en 2009, renferme le
concert dans son intégralité, soit huit titres de plus
l’arme atomique). Les claviers sont présents par que le DVD. Nous vous recommandons aussi, dans un
nappes et les soli de Lifeson parmi les meilleurs de GOLD autre genre, le magnifique documentaire Beyond The
toute la discographie du combo (« Marathon »). (Mercury, 2006) Lighted Stage (2010). Y
Emblématique d’une des facettes de Rush. Une carrière aussi remplie (19 albums studio et 10 live)
et diversifiée que celle de Rush n’est pas facile à
résumer à travers un best of, qui aura forcément
tendance à minorer certains aspects de sa production

53
 GENRE
. Proto-metal/hardcore punk
LE GROUPE
. Douwe Truijens (chant)
. Oeds Beydals (guitare)
. Sander Bus (basse)
. Uno Bruniusson (batterie)
SITE INTERNET
www.deathalley.nl
ALBUMS
. Black Magick Boogieland (2015)
. Live At Roadburn (live – 2017)
. Superbia (2018)

ARTICLE RH
RH N°185

De g. à d. : Sander Bus, Uno Bruniusson,

Douwe Truijens & Oeds Beydals
54

Du space rock, de la musique psychédélique, mais aussi une grosse dose de punk/hardcore : voilà les rayons auxquels il
faut s’exposer pour avoir le « teint Alley ». Histoire d’approfondir le dossier, Rock Hard a passé un coup de fil à Oeds
Beydals (ex-The Devil’s Blood), le guitariste et cofondateur de Death Alley, groupe néerlandais que certains qualifieraient
de « proto-metal » qui publie déjà son deuxième album, Superbia. « Allô, Oeds ? »
Rock Hard : Nous avons découvert
Death Alley à Clisson (Cf. Hors-série
Hellfest 2016) et l’avons revu l’an
dernier avec Kadavar (Cf. RH181).
Quels souvenirs gardes-tu de ces
concerts et tournées ?
Oeds Beydals : Nous nous entendons
très bien avec les gars de Kadavar, avec
qui nous avons joué et tourné plusieurs
fois depuis la création de Death Alley,
en 2013. Nous avons d’ailleurs publié
un split single l’an dernier (Monkeys/
The Sewage Pt.1). Tourner avec eux est
un vrai plaisir. Ça nous permet aussi de
jouer dans des salles archi pleines, ce
qui n’est pas une mauvaise chose !
Quant au Hellfest, j’y avais joué en 2012
avec The Devil’s Blood et je gardais un
excellent souvenir de ce show. Il s’était
vraiment passé quelque chose de fort
ce jour-là, une vraie osmose entre le
public et nous. J’ai de nouveau ressenti
ces bonnes vibrations en 2016. Le
Hellfest est un endroit unique ! J’espère
de tout cœur y rejouer l’an prochain,
quand notre nouvel album aura fait un
bout de chemin. Ce serait fantastique !
Quel a été le point de départ de la
création de Death Alley ?
Ça remonte bien avant 2013. Douwe
(Truijens/chant) et moi faisions partie
d’un groupe de punk/hardcore punk
nommé Gewapend Beton (Ndt : « Béton
armé ») avec lequel nous avons sillonné
toute l’Europe. Nous étions des gamins
de treize/quatorze balais quand ce groupe
est né et avons sorti des albums, multiplié
les shows, etc. En 2011, Gewapend
Beton a commencé à battre de l’aile.
J’ai alors rejoint The Devil’s Blood avec
qui j’ai donné des concerts jusqu’au split
du groupe, deux ans plus tard. Refaire
de la musique avec Douwe était une
évidence pour moi : c’est l’un de mes
meilleurs amis et, musicalement parlant,
nous sommes sur la même longueur
d’ondes. Nous avons lancé Death Alley
en nous donnant pour but d’être le plus
fidèles à nos larges influences musicales,
mais aussi d’être plus sérieux, voire
plus « ambitieux » cette fois-ci.
Avais-tu l’impression d’avoir tout dit
dans le domaine du hardcore/punk ?
Oui, et ça ne me correspondait plus
vraiment. Les fans du groupe ont été
déboussolés par le dernier album de
Gewapend Beton (Big Dumb Kids/2011)
qui contenait des passages space rock
et des riffs tout droit sortis des 70’s,
même s’ils étaient « hardcorisés ». Ce
disque montrait bien que nous nous
embarquions dans une autre direction
qui ne pouvait passer que par un
changement de nom. Après, nous
sommes toujours les mêmes musiciens,
avec les mêmes influences. Je pense
que notre côté punk/hardcore ressort
toujours chez Death Alley.
Le nom du groupe est d’ailleurs un
joli clin d’œil à cette scène puisqu’il
s’agit du titre d’un album de Zeke...
(Ndlr : publié en 2001)
Exact. C’est aussi un hommage à
Rainbow dont nous adorons le morceau
« Death Alley Driver » (Straight Between
The Eyes/1982). Ça incarne bien la
diversité de nos influences musicales
car nous aimons autant Rainbow que
Zeke ! Douwe et moi adorons Zeke et
nous avons grandi en écoutant Cro-Mags,
Bad Brains, Poison Idea, etc. Mais
nous écoutons et digérons beaucoup
d’autres styles aujourd’hui.
Superbia lorgne davantage du côté
du prog que votre premier album,
n’est-ce pas ?
Oui, c’est sûr. Je dirais que le punk rock
et le prog rock sont les deux genres qui
influencent le plus Death Alley. Sur
notre nouvel album, je trouve que ces
deux ingrédients sont quasiment à doses
égales. On y retrouve des morceaux
piochant autant du côté de l’énergie de
Bad Brains que de la musicalité de King
Crimson et qui ne sont pas étranges pour
autant. C’est quasiment schizophrène !
C’est marrant : en t’entendant parler de
ce mélange de punk et de prog, j’ai tout
à coup visualisé Robert Fripp (King
Crimson) sur un skateboard ! (rires)
(Rires) C’est l’idée ! On me parle souvent
de ces mélanges que certains trouvent
contre-nature, mais il ne faut pas
oublier que les contraires s’attirent. Et
Le punk rock et le prog rock sont les
deux genres qui influencent le plus
Death Alley (Oeds Beydals)
puis, sans la musique progressive, le
punk n’aurait jamais vu le jour ! Le
punk était une réaction à tout ça, à
ces albums que les punks trouvaient
clairement « excessifs ».
Superbia réalise le grand écart en
offrant aussi bien des morceaux de
trois minutes que de onze. Voilà qui
incarne bien ton propos !
C’était très important pour nous. On
nous taxe parfois de groupe rétro, mais
ce qui nous intéresse le plus dans le
rock des 70’s, c’est la liberté totale qui
jaillissait constamment de la production
musicale de l’époque. Les disques
étaient tous plus éclectiques les uns
que les autres. C’est ce qui ressort tout
de suite quand on passe un album de
Captain Beyond ou encore du MC5
aujourd’hui. Les groupes n’en faisaient
qu’à leur tête. Je trouve que c’est encore
le meilleur conseil qu’on puisse donner
à un musicien aujourd’hui !
Il est vrai que c’est le diktat des radios
qui a beaucoup formaté la musique...
Et nous n’y passerons jamais de toute
façon, alors fuck it ! (rires)
La chaîne de magasins Best Buy, le
deuxième plus gros vendeur de
disques aux USA, a annoncé qu’elle
arrêtera totalement de vendre des
CDs dans les prochains mois. Elle va
toutefois continuer à vendre des
vinyles. Qu’est-ce que ça t’inspire ?
Propos recueillis par Morgan Rivalin - Entretien téléphonique réalisé le 13 février 2018
Enfin ! Je n’ai jamais vraiment aimé le
CD. Le vinyle est le meilleur format
pour raconter une histoire. Les pochettes
des CDs sont bien trop petites. Quant
au streaming, n’en parlons même pas.
L’artwork en est vraiment le parent
pauvre. Pour moi, le visuel donne une
vraie clé de compréhension et va de
pair avec le contenu musical. Internet
a plongé l’industrie du disque dans la
crise, mais aujourd’hui, je trouve qu’on
peut être plutôt heureux de ce tandem
qui, au départ, semblait improbable
qu’est ce mélange de streaming (Ndlr :
les Deezer, Spotify, Apple Music,
Qobuz, etc.) et de vinyles. Le streaming
reste une façon pratique d’avoir accès
partout à la musique, et le vinyle, qui
est le meilleur format d’expression
possible pour les groupes, maintient ce
lien « physique » avec le public. On ne
s’en sort pas si mal !
A quoi le titre de l’album, Superbia,
fait-il référence ?
Ce mot latin, qui signifie « orgueil »,
fait allusion au péché originel. C’est un
thème qui a inspiré tous les titres de
l’album. Mais de façon plus terre-à-
terre, il a également bien décrit ce que
nous avons vécu lors de la gestation de
ce deuxième opus : les petites batailles
d’ego, les doutes qu’on peut ressentir
au niveau personnel, la pression qu’on
se met quand on veut trop bien
faire, etc. Je trouve que la pochette de
l’album l’illustre avec beaucoup de
justesse, au travers de ce démon à
plusieurs têtes qui coupe le cordon.
C’est un visuel qu’on doit à un artiste
californien de grand talent du nom
de John Vochatzer, plus connu sur
Instagram sous le nom de CalamityFair.
Il réalise principalement des collages.
Cette pochette s’inscrit dans la conti-
nuité de celle de notre premier album,
Black Magick Boogieland (2015),
comme si le personnage de ce premier
disque avait muté. Je trouve que ça
décrit bien l’évolution de Death Alley.
Nous l’illustrons également au travers
du passage du noir et blanc, sur la
pochette, à un collage ultra coloré à
l’intérieur du disque. Ça symbolise la
fécondité qui a fait suite à la période
sombre que nous avons traversée...
Tu as fait partie de The Devil’s Blood
de 2011 à 2013. Vois-tu quel impact
ce groupe a eu sur le musicien que tu
es devenu aujourd’hui ?
Je ne vois plus du tout la musique de la
même façon. Elle a pris une signification
bien plus profonde. On peut être trans-
formé par la musique, elle peut nous
apporter un sentiment de transcendance...
Plus concrètement, apprendre tous ces
morceaux sur le bout des doigts a
beaucoup modifié le guitariste que
j’étais. La scène dont nous faisions
partie et tous les musiciens qui gravi-
taient autour d’elle m’ont vraiment tiré
vers le haut.
Comme Selim Lemouchi, qui était le
leader de The Devil’s Blood (Ndlr : il
s’est suicidé en 2014), te sens-tu
attiré par l’occulte ?
Oui. Quand tu fais partie de The Devil’s
Blood, tu finis forcément par t’intéresser
aux liens qui unissent la spiritualité et
la musique. Je trouve que ça ressort
par moments chez Death Alley, mais
contrairement à The Devil’s Blood, qui
correspondait à 100% à la vision de
Selim, Death Alley est le produit des
influences et des envies de quatre
individus qui créent de la musique et
tirent le groupe dans une direction qui
leur correspond. Il est normal que
chaque ingrédient se retrouve dilué et
fondu dans un collectif.
Farida Lemouchi, ex-chanteuse de
The Devil’s Blood et sœur de Selim,
avait posé des chœurs sur
« Supernatural Predator », le titre
phare de votre premier album.
Apparaît-elle sur Superbia ?
Non, elle ne chante pas sur notre
nouveau disque. Il faut dire que si
Farida a chanté sur « Supernatural
Predator », c’est parce que ce titre
était très particulier pour nous tous. Il
a été composé la semaine de la mort de
Selim. Nous avions besoin d’un exutoire
et c’est à ce moment que nous avons
posé les bases de ce titre de douze
minutes aux relents space rock. Farida
était tellement liée à ce que ce morceau
symbolisait pour nous que sa présence
sur ce titre s’était imposée d’elle-
même. Refaire appel à elle pour des
chœurs me paraissait un peu répétitif,
mais aurait surtout sous-employé ses
talents de chanteuse. Nous avons déjà
évoqué la possibilité de refaire de la
musique ensemble, mais je trouve qu’il
faut que ça se fasse dans le cadre d’une
véritable collaboration artistique, et
non par le biais d’une petite participation
à un disque. Cette « petite participation »
nous a toutefois donné un énorme coup
de pouce, bien sûr.
Le 20 juin dernier, vous avez « refor-
mé » The Devil’s Blood le temps
d’un morceau, « Voodoo Dust », joué
en l’honneur de Danny « Bidi » van
Drongelen, le manager et tourneur
du groupe (Ndlr : cette figure du
metal au Bénélux est décédée bruta-
lement en plein Rock Hard Festival,
en Allemagne). Un moment chargé
d’émotion, bien sûr...
Oui... Nous nous sommes réunis pour
redonner vie à la musique de The
Devil’s Blood une dernière fois afin de
montrer à Bidi que nous l’aimions et à
quel point il a compté pour nous. Nous
ne pensions jamais rejouer du Devil’s
Blood un jour, et certainement pas
dans ce contexte... (Il marque une pause)
Nous avons beaucoup aimé rejouer
ensemble, mais ce fut un moment
doux-amer pour nous tous. Y
55
 GENRE
. Hard rock
LE GROUPE
. Renaud Hantson (chant)
. Michaël Zurita (guitare)
. .
Pascal Mulot (basse)
. Aurel Ouzoulias (batterie)
De g. à d. : Michaël Zurita, Renaud Hantson,
Pascal Mulot & Aurel Ouzoulias SITE INTERNET
www.facebook.com/satanjokersfanpage
56
ALBUMS ARTICLES RH
. Les Fils Du Métal (1983) RH N°47, 114, 128, 150 & 185
. Trop Fou Pour Toi (1984)
. III (EP – 1985)
. Best Of Live (live – 2005)
. Hardcore Collectors (raretés & live – 2008)
. SJ 2009 (2009)
Fetish X (2009)
. Addictions (2011)
. Psychiatric (2013)
. Live Bootleg (live – 2014)
. Sex Opéra (2014)
. Symphönïk Kömmandöh (2018)

Depuis Sex Opéra, concept-album « show show show » paru fin 2014, nous étions sans nouvelles de Satan Jokers.
Etrange car le stakhanoviste Renaud Hantson nous avait, depuis la reformation du groupe en 2008, habitués à un rythme
effréné, publiant cinq albums studio et un live en l’espace de six ans ! Dans l’intervalle, l’homme n’a pourtant pas chômé,
publiant un quadruple florilège en concert (Live!), un premier roman (Rock Star - 48 Heures d’Une Vie Rêvée), un opéra
rock, et donnant une série de concerts en hommage au maître Michel Berger. On se réjouit donc, en dépit de cet emploi
du temps de ministre, de voir l’artiste défendre aujourd’hui, avec la gouaille qu’on lui connaît, Symphönïk Kömmandöh
(2018), un album qui renferme des relectures symphoniques de l’œuvre des Jokers sur lesquelles le classique rocke.
Rock Hard : Comment t’est venue cette
idée de projet symphonique ?
Renaud Hantson : Florent Gauthier a
été le déclencheur de cet album. Il est
venu nous voir en concert au Korigan de
Luynes en janvier 2016. Au milieu de ce
show, j’ai dit au micro : « Si je n’ai pas
une grande idée, j’arrête ! ». Satan Jokers
étant un groupe un peu culte, autant
préserver cette image et partir en héros
plutôt que de faire, comme d’autres groupes
de la même génération, des trucs non
cautionnés par le public. Et voilà qu’après
le concert, un mec vient me voir et me
dit, de but en blanc : « La grande idée,
c’est moi ! ». Ça me fait marrer car c’est
le genre de phrase dont je me suis fait
une spécialité. Et il continue : « Je suis
arrangeur classique et chef d’orchestre, prof
au conservatoire, mais j’ai la double culture :
metal/musique classique. J’aimerais travailler
avec vous sur des adaptations classiques de
certains de vos morceaux ». Intrigué, je
prends son téléphone. Le lendemain,
au bout d’une heure de discussion au
téléphone, je sais que c’est la bonne
personne. Il est comme moi : je peux
paraître arrogant, mégalo, mais ce que
je dis, je le fais. Et je sens, de la même
façon, que Florent va aller au bout. Je
lui précise quand même que je vais le
laisser dans sa merde, que je n’ai pas le
budget nécessaire, et qu’il va lui falloir
gérer intégralement la partie classique
du projet. Il me répond que ce ne sera
pas un problème. Quinze jours plus tard,
il m’envoie déjà les partitions.
Bon nombre de groupes de metal se
sont frottés à des orchestres classiques
et le résultat n’a pas toujours été à la
hauteur… Qu’est-ce qui te séduit dans
un tel projet ?
Pour moi, cette association ne fonctionne
pas, c’est contre-nature. Je n’aime pas
ce qu’ont fait Metallica, Kiss, Scorpions,
etc., au niveau symphonique. Même
Deep Purple ; et pourtant, Jon Lord était
probablement le plus à même de faire
ça… Et c’est ce que je dis à Florent :
« Ça ne marchera pas ! ».
Tu penses donc que ce projet a toutes
les chances de se planter, et pourtant,
tu dis « oui ». Pourquoi ?
C’est le côté mégalo de Satan Jokers. De
nouveau l’envie de faire un truc qui va
faire chier les autres (sourire), qui leur
fasse se poser des questions : « Comment
ont-ils réussi à faire ça ? Ils sont milliar-
daires ? ». Ben, non, on ne l’est pas, mais
on sait se démerder…
Justement, sur un tel projet, comment
vous êtes-vous partagé les rôles ?
Michaël (Zurita/guitare) et Pascal (Mulot/
basse) ont enregistré leurs parties
respectives chez eux, dans leur home-
studio. Anthony Arconte, mon ingé-son
depuis trente ans, a mis en boîte la
batterie d’Aurel Ouzoulias dans notre
local de répétitions, à Saint Ouen (Ndlr :
aux studios Mains d’œuvres). Ces musiciens
sont des tueurs, ils savent se gérer eux-
mêmes, ce qui m’enlève une épine du
pied en termes de production. Moi aussi,
j’ai enregistré mes voix dans ce petit
local. Bref, c’est assez « roots ». Je ne
vais plus dans de gros studios. Ça coûte
trop cher, c’est une escroquerie. Et ça
ne sert à rien… Florent, quant à lui, a
tout enregistré dans le sud avec cette
structure qu’il a montée et qui a pour
nom Orchestre Symphonique Phocéen.
C’était, pour moi, la condition sine qua
non. Tout le monde pense que je suis
un casse-couille, mais là, l’idée était
justement qu’il gère totalement sa partie.
C’est ça qui m’excitait ! Du coup, je n’ai
pas peur de le dire, c’est l’album de
Satan Jokers dans lequel je me suis le
moins investi car j’ai beaucoup délégué.
Avez-vous, pour ce qui est de l’élec-
trique, totalement réenregistré les
seize morceaux retenus ?
J’ai fait « l’escroc » sur cinq ou six chan-
sons en réutilisant les voix d’enregistre-
ments réalisés depuis la reformation.
Les réenregistrer n’aurait servi à rien car
je savais pertinemment que je n’arriverais
pas à faire mieux. Par contre, Michaël,
Pascal et Aurel n’ont jamais été aussi
carrés que sur cet album, ce qui fait
d’ailleurs tout son intérêt.
Satan Jokers, c’est une autre sphère,
un autre délire, un autre discours,
une autre manière de concevoir la
musique, une autre écriture, une
autre technicité… (Renaud Hantson)
Vous avez choisi des titres de l’ensemble
de votre carrière. Comment s’est faite
cette sélection ?
Elle a eu lieu à table, à l’occasion d’un
concert de Furious Zoo au Pitchtime de
Dourdan (Ndlr : le 27.05.2017). Florent
est monté de Marseille et a dîné avec
Michael et moi. Au bout de trois bouteilles
de rouge, le choix s’est imposé comme
une évidence ! (rires) Plus sérieusement,
Florent connaît autant Satan Jokers que
moi. C’est un vrai fan qui, comme Laurent
Karila (Ndlr : psychiatre addictologue qui
a travaillé avec Renaud sur les albums
Addictions/2011, Psychiatric/2013 et
Sex Opéra/2014), a compris que Satan
Jokers était différent de tous les autres
groupes de metal français : c’est une
autre sphère, un autre délire, un autre
discours, une autre manière de conce-
voir la musique, une autre écriture, une
autre technicité… Et Florent, qui est un
technicien de la musique, nous a dit
« voilà, j’ai pensé à ces titres-là ! » et nous
a soumis une liste. Nous avons fait une
ou deux suggestions, mais nous n’avons
pas discuté ses choix car je savais qu’il
était au même niveau que les mecs de
mon groupe, que ce n’était pas du
pipeau et qu’il irait au bout du truc. Il a
commencé par nous faire parvenir ses
arrangements joués par lui, au synthé,
afin que nous ayons une meilleure idée
Propos recueillis par Léo Pommier--Girth - Interview réalisée le 14 février 2018 à Paris
de ce qu’il comptait faire. Mais, les sons
étant « en carton », nous n’y avons pas
compris grand-chose. Il y a même eu un
moment de doute, quatre ou cinq mois
après le début du projet, car Florent est
bavard. Or, nous aussi, car Satan Jokers,
c’est quatre solistes, quatre leaders.
Alors, nous flippions qu’avec quarante
solistes, le résultat soit incompréhensible,
pour ne pas dire imbitable. Trop d’infor-
mations. Mais au final, ça a fonctionné.
Ça va encore paraître arrogant, mais à
la différence de certains de nos collègues
francophones dans le metal, nous écri-
vons de « vraies » chansons. Et même si
elles sont un peu complexes, Florent est
parvenu à en extraire toute la joliesse.
Un titre comme « Quand Les Héros Se
Meurent » est magnifié grâce à l’orchestre.
C’est ce que semblent penser ceux qui
ont joué le jeu du crowdfunding en nous
précommandant l’album et qui ont reçu
ce dernier il y a trois semaines. Ce qui
me fait le plus plaisir, c’est de voir que
ceux qui m’aiment pour la pop et non
pour le metal semblent également
accrocher.
Ce doit être une sensation que de
redécouvrir ses propres morceaux
ainsi liftés ?
Il m’arrive de me passer nos albums
pour les disséquer, voir ce qui colle, là
où nous aurions pu mieux faire… Et
honnêtement, je trouve que Symphönïk
Kömmandöh est réussi. Qu’en croisant le
chemin de Florent, nous avons fait une
belle rencontre. Que les mecs du groupe
sont parmi les meilleurs musiciens
français. Que le titre de l’album est bien
entendu un hommage au Mekanïk
Destruktïw Kommandöh (1973) de
Magma. Que c’est une belle épitaphe et
que ça devrait s’arrêter là !
Arrête ! A chaque fois qu’on se parle,
tu me dis la même chose. A force de te
voir hurler au loup, je ne te crois
plus ! (rires)
(Sourire) Bon, Karila va me casser les
couilles : « Renaud, j’ai une idée d’album
concept sur la fracture sociale ! ». Et moi,
je vais flipper, pensant que ça va faire
trop Trust, et il va me répondre : « non,
non, on va faire ça autrement ! ». Donc, je
sais que dans les trois années, il va…
Enfin, j’en sais rien. Si j’arrive encore à
beugler… Quand je vois Brian Johnson
ou Robert Plant – même si je suis plus
« toxique », façon Lemmy ou Ozzy
Osbourne – je me dis que, ouais, j’en ai
encore envie. J’ai envie que ça dure.
Après tout, ce ne serait pas une mauvaise
idée de continuer. Tant que je peux,
que j’ai la santé. Mais c’est compliqué
car aujourd’hui, on ne vend plus rien.
Satan Jokers n’a ni management, ni
production de spectacles, alors, forcé-
ment, c’est difficile de se projeter car
nous faisons tous – je parle des groupes
français des années 80, Trust étant
l’exception qui confirme la règle – des
dates à l’arrache.
Conclusion logique, Symphönïk
Kömmandöh, un jour, sur scène, avec
un orchestre symphonique, c’est
Mission:Impossible ?
Oui, c’est totalement ingérable. Lors du
dernier Satan’s Fest (Ndlr : le 6 janvier
2018 au Pacific Rock de Cergy), nous
avons utilisé les mixages d’Anthony
Arconte qu’Aurel a lancés au click. Nous
avons donc joué avec l’orchestre… sans
qu’il soit là ! C’est la seule façon de
procéder pour des raisons financières
évidentes.
Ces dernières années, il y a eu les
concept-albums avec Karila, cette
revisite symphonique… Tâter de l’acous-
tique ne te brancherait pas ?
C’est marrant, tu n’es pas le premier
à me poser la question. Pascal Mulot
voudrait que nous le fassions, mais je
pense que ça décevrait les gens qui
nous aiment pour notre côté « baston ».
Je crains qu’une majorité de fans de
hard rock me chie dans les bottes en
se plaignant que l’aspect pop de nos
compositions est trop présent.
Attention, ça sonnerait car, comme je
le disais plus tôt, nous écrivons de
« vraies » chansons. Et puis, une voix,
une gratte sèche, un piano, ce serait
un exercice de style, et j’adore ça. Mais
de là à séduire notre public le plus
metal...
Contourne le « problème » en sortant
un simple EP ou en glissant cinq titres
acoustiques en bonus d’un prochain
album !
Pourquoi pas ? Ça, c’est une idée ! Ce
serait un juste milieu. Mais un album
entier de Satan Jokers avec 14 titres
unplugged, je n’y crois pas… Il manquerait
quelque chose, la puissance.
Ayant joué dans la comédie musicale
Starmania, tu as été touché par la
récente disparition de France Gall, le
7 janvier dernier…
Oui, forcément. Tout m’est revenu à
la gueule : les soirées chez elle, les
discussions, etc. C’était une belle femme,
très talentueuse. C’était ma pote. Elle
a toujours été là pour moi, et inverse-
ment. Elle se cachait au Théâtre de Paris
pour me voir répéter. Elle disait que je
lui faisais penser à Daniel Balavoine et
parce qu’elle trouvait qu’avec mon
numéro de batterie, je donnais une
nouvelle dimension au personnage de
Ziggy. J’étais son chouchou… Y
Remerciements très spéciaux à Philippe
Lageat
57
 GENRE
. Hard rock
LE GROUPE
. Josh Kiszka (chant)
. Jake Kiszka (guitare)
. Sam Kiszka (basse, claviers)
. Danny Wagner (batterie)
SITE INTERNET
www.gretavanfleet.com
ALBUMS
. Black Smoke Rising (EP – 2017)
. From The Fires (EP – 2017)

ARTICLE RH
RH N°185

De g. à d. : Jake Kiszka, Danny Wagner,

Josh Kiszka & Sam Kiszka
58
 Propos recueillis par Stéphane Auzilleau - Entretien téléphonique réalisé le 08 février 2018
Si, parfois, l’adjectif « phénoménal » est galvaudé dès lors qu’on l’appose à certains nouveaux groupes, nul doute qu’il
s’applique de manière totalement pertinente à Greta Van Fleet, quartet du Michigan apparu sur nos écrans radars l’an
dernier avec son premier EP 4 Titres. Black Smoke Rising, sorti en avril 2017, a immédiatement affolé les compteurs
des radios rock indépendantes américaines et provoqué une pluie de critiques dithyrambiques. En écoutant ces quatre
gamins, dont trois frangins (les jumeaux Josh et Jake Kiszka, 21 ans, leur petit frère Sam, 18 ans, et le batteur Danny
Wagner, lui aussi tout juste majeur), impossible de ne pas penser à Led Zeppelin : même intensité des compositions et du
jeu de guitare, hurlements de husky du chanteur rappellant forcément un certain Robert Plant, jeu de batterie ultra
puissant à la John Bonham, etc. Un second EP, From The Fires, paru en novembre dernier, a confirmé le talent
absolument indécent de ce groupe qui ne cesse de remplir les salles aux USA, et même en Europe où il débarque en fin
de mois (son concert parisien du 28 mars affiche complet depuis plusieurs semaines déjà). Il se passe quelque chose de
tout à fait hors norme avec ce quatuor. C’est le très humble guitariste Jake Kiszka qui a accepté de faire les présentations.

Rock Hard : Jason Flom (Ndlr : une
référence dans l’industrie de la
musique), qui vous a signés sur
Lava/Universal, affirme à qui veut
l’entendre que « Greta Van Fleet est
le futur du rock authentique ». Ça ne
vous met pas un peu la pression ?
Jake Kiszka : Ce qu’il exprime est son
point de vue et reste relatif. Cela ne
nous met pas une pression particulière,
même si c’est plutôt flatteur. Ça nous
force juste à donner le meilleur de nous-
mêmes et à créer la musique la plus
authentique qui soit. Bien sûr, nous
essaierons de ne pas le décevoir. Ni lui,
ni personne d’autre d’ailleurs. C’est une
source de motivation plutôt positive.
Certes, mais les grands espoirs peuvent
également générer de grandes déceptions
si tout ne se passe pas comme prévu…
C’est tout à fait exact. Mais je constate
que cette forme de pression est plutôt
un élément moteur pour nous. Nous
nous attachons à toucher les gens au
plus profond d’eux-mêmes, à évoluer
dans ce qu’il y a de plus authentique,
voire de plus organique.
Parlons de vos influences. Il semble-
rait que vous ayez été nourris par la
collection de disques de vos parents…
Oui, nous avons grandi au milieu des
vinyles – des vieux vinyles même,
devrais-je dire – de mes parents, qui
avaient principalement des albums de
folk et de soul. Dès notre plus jeune
âge, nous avons donc écouté Bob Dylan,
Joni Mitchell, John Denver, Elmore
James, Muddy Waters, Sam & Dave, etc.
Les choses les plus rock que nous avons
entendues étaient Jimi Hendrix et Cream,
ainsi que quelques artistes plus obscurs.
Nous n’écoutions pas la radio et ce n’est
que lorsque nous sommes allés au collège
que nous avons été exposés à la
musique plus récente, notamment dans
le bus scolaire qui diffusait des stations
FM. Ça a été un choc !
A quel âge avez-vous formé Greta Van
Fleet ?
Josh (Kiszka/chant) et moi devions avoir
15 ou 16 ans, et Sam (Kiszka/basse,
claviers) seulement 12 ou 13. A l’époque,
je jouais déjà dans un groupe de reprises
de jazz, au lycée. J’ai réussi à convaincre
mon partenaire de réorienter un peu notre
répertoire vers des choses plus rock,
comme The Black Keys ou Jack White.
Notre groupe était seulement composé
d’un batteur et d’un guitariste, comme
The White Stripes. Et un jour, Josh est
venu chanter avec nous. De là a germé
l’idée de monter un véritable groupe.
Ressens-tu une connexion spécifique
avec tes frères au sein du groupe ?
Oui, forcément, même si nous connaissons
Danny Wagner, notre batteur, depuis la
maternelle. Mais le fait de grandir
dans la même maison, en écoutant
les mêmes disques, a évidemment tissé
des liens particuliers entre nous trois.
Nous avons une compréhension les
uns des autres qui est très naturelle.
Humainement, mais également au plan
musical. Nous nous accordons très
rapidement, ce qui est très agréable.
Vous arrive-t-il néanmoins d’être en
désaccord lorsqu’il s’agit de votre
musique ?
(Rires) Nous nous entendons bien, mais
forcément, il nous arrive parfois de ne
pas avoir la même vision des choses. Et
c’est tant mieux. Il y a alors débat,
chacun tentant de convaincre les autres.
Mais globalement, pour être totalement
honnête, nous sommes quand même très
souvent sur la même longueur d’ondes.
Nous nous faisons confiance.
Tu parlais de Danny, votre batteur.
Parvient-il à trouver pleinement sa
place dans un groupe dont tous les
autres membres forment une fratrie ?
Je ne pense pas que cela lui pose pro-
blème. Il a toute sa place, aussi bien en
Led Zeppelin ne fait pas partie de notre
éducation musicale (Jake Kiszka)
tant qu’individu que force créatrice.
Néanmoins, il a bien compris qu’il ne
lui fallait surtout pas prendre parti
lorsque mes frères et moi sommes en
désaccord ! (rires)
Impossible de ne pas aborder le sujet
Led Zeppelin, tant votre musique
évoque celle de ces géants. Quel est
votre rapport à ce groupe ?
Nous n’avons pas grandi en écoutant
Led Zeppelin, mais des choses plus
anciennes, notamment de la soul et du
blues qui ont servi de fondation au rock
et ont donc, à ce titre, aussi influencé
les membres de Led Zeppelin eux-
mêmes. Ce n’est qu’assez tard que nous
avons découvert ce qui se faisait dans
les années 70. Notre compteur s’était
arrêté avant. Led Zeppelin ne fait donc
pas partie de notre éducation musicale
initiale et n’a pas contribué à forger
notre son. C’est de manière naturelle,
instinctive même, que nous sonnons
comme eux. Il n’y a aucune volonté de
notre part de les copier. Par contre, c’est
clair que lorsque j’ai découvert le groupe,
ça a été un choc violent de constater à
quel point nous lui ressemblions ! Je
pense donc que nous avons simplement
partagé des influences communes et
que cela ressort de la même manière
dans notre façon de composer et de
jouer. Je suis désolé, mais je n’ai pas
vraiment pas d’autre explication.
Tu n’en as pas marre qu’on vous en
parle et qu’on vous compare à eux ?
Absolument pas. C’est un grand honneur,
au contraire, qu’on évoque Led Zeppelin,
l’un des plus grands groupes de rock,
comme référence lorsqu’il s’agit de
décrire Greta Van Fleet. Nous avons
énormément de respect pour ce géant.
Dans une interview récente pour une
radio de Louisville, Robert Plant a dit
de ton frère Josh : « Il est plutôt bon.
Je crois qu’il y a un job pour lui
quelque part ! ». Quand on sait qu’il
s’oppose à une reformation de Led
Zeppelin alors que Jimmy Page semble
plutôt intéressé, on peut interpréter
cette phrase comme une sorte d’adou-
bement de sa part. Soyons fous : ima-
ginons qu’on propose à ton frère de
tourner avec Led Zeppelin. Quelle
serait ta réaction ? L’encouragerais-tu
à accepter ?
C’est drôle car nous en avons justement
parlé il y a quelques jours. Josh nous
disait que ce n’est pas quelque chose
qui l’intéresserait aujourd’hui. Il a
envie de suivre sa propre voie avec
Greta Van Fleet et ne souhaite pas faire
de compromis de quelque nature que ce
soit. Bien sûr, ça reste une réponse
théorique car il nous faut rester très
humbles par rapport à cela : ce serait
déjà un honneur absolument incroyable
que Jimmy Page ne fasse même que
prendre en considération une telle
hypothèse !
Vous êtes en train de composer et
d’enregistrer votre premier véritable
album, avant de repartir sur la route
dans un mois et demi. Que peux-tu
nous en dire ?
Nous sommes effectivement en studio et
travaillons sur dix à douze morceaux
originaux pour ce premier LP. Nous
l’aurons quasiment terminé d’ici notre
prochaine tournée européenne, mais je
ne crois pas pour autant qu’il sera tota-
lement fini. Nous aurons probablement
à y retravailler ensuite à la marge. La
plupart des nouveaux morceaux a été
composée lorsque nous étions en tournée.
Qui produit ce nouvel album ?
Nous travaillons de nouveau avec trois
personnes, dont Marlon Young et Al
Sutton, comme sur nos précédents
enregistrements. L’idée est d’essayer
d’avoir plusieurs avis, histoire d’avoir
des perspectives différentes sur nos
chansons et de nous superviser tout en
nous questionnant. Enfin, Herschel
Boone, qui a assuré les chœurs sur
différents albums de Kid Rock, apporte
beaucoup à Josh dans le domaine des
parties de chant. C’est un appui très
précieux. Nous sommes un groupe live
et nous le resterons. C’est notre ADN,
c’est ce que nous sommes. Donner des
concerts est quelque chose de très
naturel pour nous. Enregistrer des
morceaux en studio l’est bien moins.
Nous avons donc besoin d’aide pour
cela.
Vous donnez effectivement beaucoup
de concerts. Est-ce une nécessité, à une
époque où l’on peut devenir célèbre
avec une seule vidéo sur YouTube ?
C’est impératif pour construire quelque
chose sur le long terme ; c’est ce qu’il y
a de plus important car c’est la seule
manière de te connecter vraiment à ton
public et de l’emmener dans ton univers.
Une vidéo ne suffit pas. Le partage est
bien plus fort en live car chaque concert
est une expérience unique.
2017 a été très intense pour vous :
sortie de deux EPs, très nombreux
concerts, etc. Quel est ton meilleur
souvenir de cette année ?
Difficile à dire, car elle a vraiment été
extraordinaire… C’est si étrange de voir
autant de personnes que tu ne connais
pas chanter tes chansons, réaliser des
bannières à ton effigie, etc. Savoir que
tu touches les gens, que tu les émeus,
est ce qu’il y a de plus fort pour un
musicien. Nos concerts en tête d’affiche
ont donc été des moments intenses.
D’un autre côté, ouvrir pour l’immense
Bob Seger dans le cadre d’un festival,
chez nous, dans le Michigan, a également
été une sacrée expérience. Ce mec est
une légende et l’une de nos influences.
Faire sa première partie est quelque
chose dont je me souviendrai forcément
toute ma vie.
Vous avez enregistré diverses reprises,
sur vos EPs notamment. Reprendre
récemment « Rolling Into Deep »
d’Adele (Ndlr : pour Spotify) parait
étonnant. Qui a eu cette idée ?
C’est un choix très naturel. Parmi les
artistes contemporains, Adele est en
effet l’un de ceux qui nous a le plus
influencés car elle est sincère et
cherche à toucher les gens. Et puis, elle
vient du même univers que nous, à
savoir la soul et le blues. Alors, quand
nous décidé de faire une reprise d’un
artiste contemporain, Sam a suggéré
Adèle et nous avons tous trouvé l’idée
excellente.
Une dernière question. Es-tu capable
de chanter comme Josh ?
Oui, car j’ai une voix assez similaire.
Mais lorsque j’essaie de moduler comme
lui, le résultat est très différent… J’ai
l’air d’un crétin ! (rires) Y

59
 GENRE
. Death thrash
LE GROUPE
. Johan Lindstrand (chant)
. Marko Tervonen (guitare)
. Robin Sörqvist (guitare)
. Magnus Olsfelt (basse)
. Henrik Axelsson (batterie)
SITE INTERNET
www.thecrownofficial.com
ALBUMS
. Hell Is Here (1999)
. Deathrace King (2000)
. The Burning (2002)
. Eternal Death (2002)
. Crowned In Terror (2002)
. Possessed 13 (2003)
. Crowned Unholy (2004)
. Doomsday King (2010)
. Death Is Not Dead (2015)
. Cobra Speed Venom (2018)
ARTICLES RH
RH N°10, 25, 103, 151 & 185

De g. à d. : Henrik Axelsson, Johan Lindstrand (en bas)

Robin Sörqvist, Magnus Olsfelt & Marko Tervonen

60

Elle est longue, mais elle est dure, la route qu'a parcourue The Crown depuis ses débuts en 1990 (alors sous le patronyme
de Crown Of Thorns). Eternel second couteau d'une scène death suédoise qui a pourtant connu des heures glorieuses, le
combo s'est empêtré dans des changements de line-up à répétition, est revenu, est reparti, bref, n'a jamais réellement
réussi à consolider sa construction. Aujourd'hui de retour avec un Cobra Speed Venom qui rappelle les origines de son
style, The Crown semble vouloir revenir à l'endroit exact où tout a commencé à cafouiller, comme pour racheter les
errances du passé. C'est ce que nous a expliqué le guitariste Marko Tervonen en ce jour bien choisi de la Saint-Valentin.
Rock Hard : Avec Cobra Speed
Venom, The Crown semble revenir
directement aux fondamentaux.
Marko Tervonen : Oui, c’est assez
exact, particulièrement dans la façon
dont il a été conçu. Je crois que nous
avons vraiment dévié de notre route
avec les deux albums précédents, qui
ont été conçus très différemment. Nous
avions voulu tenter une approche plus
moderne, composer tout à distance en
nous envoyant des fichiers, etc. Nous
n’avions même pas répété les titres
une seule fois avant de les enregistrer,
d’où un résultat final très différent.
Entre temps, nous avons eu une sorte
d’épiphanie : ce groupe avait vraiment
besoin d’être un groupe ! Notre
musique est assez old-school : pour
donner le meilleur d’elle-même, elle a
donc besoin que nous, en tant que
compositeurs et interprètes, agissions
également à l’ancienne : répéter tous
ensemble, lancer des idées à chaque
répétition afin d’améliorer les morceaux,
agir comme un vrai groupe en somme.
Même chose en ce qui concerne le
studio : j’avais produit nos deux
albums précédents, ce qui représente
une tâche considérable lorsque tu dois
porter deux casquettes. Cette fois,
nous sommes retournés tous ensemble
dans un vrai studio, nous avons dormi
sur place, chacun était là pour l’enre-
gistrement des autres, etc. C’est toute
cette complicité et cette façon de faire
qui, à mon avis, donnent naissance aux
meilleurs albums.
Par instants, j’ai eu l’impression
d’écouter la suite logique de Hell Is
Here (1999), votre premier album…
Avec une production plus actuelle,
évidemment.
Nous n’avions pas de plan spécifique,
mais en commençant à composer pour
ce nouvel album, ce qui a fait toute la
différence a été le fait d’avoir avec
nous ce fantastique batteur qu’est
Henrik (Axelsson). Il est si rapide et
précis que nous avons spontanément
eu envie de repartir dans cette direction.
Et une fois deux ou trois titres écrits
dans cette veine, ça a donné le ton
pour le reste de l’album. Quant au
son, le côté dépouillé de la production
a toujours fait partie de notre identité :
nous n’avons jamais rien sorti de sur-
produit. Cette fois, nous avons décidé
d’aller au studio Fredman, mais avec
comme seul but d’enregistrer ce que
nous jouions, pas d’avoir recours non-
stop à des logiciels d’édition pour
essayer de corriger telle ou telle
partie… Nous avons tout enregistré en
sept ou huit jours, ça a été très intense.
Il y a presque ce côté punk, on peut
vraiment ressentir l’énergie… Mais
cela suppose aussi une bonne dose de
confiance en soi et la certitude de
savoir où l’on va. De nos jours, les
jeunes groupes qui enregistrent pour la
première fois ont tant de facilité à
gonfler leur son avec des tonnes de
machines que leur impose parfois
Propos recueillis par Charlélie Arnaud - Entretien téléphonique réalisé le 14 février 2018
l’ingé-son, qu’au final, ils n’auraient
par exemple même pas eu besoin de
batteur, mais juste d’un type sachant
programmer des rythmes.
La carrière de The Crown s’étend sur
de nombreuses années, mais n’a pas
été une ligne droite toute tracée, loin
s’en faut…
Oui, c’est vrai. Nous en gardons évidem-
ment quelques souvenirs exceptionnels,
comme notre toute première fois dans
un « vrai » studio, ou notre arrivée
chez Metal Blade après deux albums
sur un tout petit label suédois (Ndlr : à
l’époque Crown Of Thorns), et toutes nos
années sur Metal Blade de 1999 à 2004
où nous nous sentions soutenus, où
nous avons tourné aux Etats-Unis, où à
chaque album le nom du groupe ne
cessait de grossir… L’un dans l’autre,
même si tout n’a pas été facile, il y a eu
davantage de positif que de négatif, ce
qui explique certainement pourquoi
nous sommes toujours là. Parfois, ça a
été très chaud, comme quand notre
batteur nous a quittés une semaine
avant d’enregistrer notre album
précédent… Il travaillait chez Apple
et, du jour au lendemain, on lui a
Notre break de cinq ans nous a
permis de reprendre nos marques
dans la vraie vie (Marko Tervonen)
demandé de prendre de nouvelles
fonctions aux Etats-Unis. Ça nous a
mis dans une belle merde. Mais bon,
faisons fi de tout cela : The Crown
aujourd’hui est au mieux de sa forme,
nous sommes super fiers de cet album,
nous sommes enfin de retour chez
Metal Blade… Tout va bien.
Qu’est-ce qui a motivé ce retour chez
Metal Blade après deux albums chez
Century Media ?
Notre contrat de deux disques avec
Century Media était arrivé à terme, et
nous avons simplement essayé de
réfléchir à ce qui serait le mieux pour
l’avenir du groupe. Nous avons
maquetté quatre titres au studio
Fredman, où nous n’avions pas remis
les pieds depuis Possessed 13 (2003),
et nous avons spontanément envoyé ça
à Metal Blade. Ils ont été emballés dès
la première écoute et nous n’avons
même pas cherché à démarcher
ailleurs, l’affaire était entendue : nous
revenions « dans la famille ». Je suis
content d’être allé voir ailleurs entre
temps : nous avions besoin de ce
changement, de travailler avec de
nouvelles personnes… Et puis, cela te
permet d’avoir des points de comparaison
lorsque tu as de nouveau un choix à
faire.
Plusieurs chanteurs se sont succédés
au sein du groupe pour qu’au final,
Johan (Linstrand) revienne au bercail
en 2011. Force est de constater que
son chant est l’une de vos « marques
de fabrique ». Peux-tu imaginer qu’il
soit à nouveau remplacé un jour ou
l’autre ?
Non, je préfère ne pas penser à cela,
bien sûr… Nous avons déjà eu beau-
coup de chance lorsqu’il a quitté le
groupe de pouvoir le remplacer par les
meilleurs chanteurs de notre entourage
(Ndlr : Tomas Lindberg d’At The Gates et
Jonas Stålhammar de God Macabre)…
Après, je ne lui jette pas la pierre quant
à son départ du groupe. Nous étions
très jeunes quand nous avons débuté,
14 ou 15 ans. Il est logique d’évoluer
au bout d’un moment, de vouloir tenter
de nouvelles choses. Jamais nous n’avons
été fâchés. Il y a toujours eu beaucoup
d’amitié entre tous les membres de ce
groupe, et cela va bien au-delà de la
musique. Mais je suis bien sûr très
heureux qu’il soit revenu parmi nous.
C’est donc aujourd’hui le line-up
définitif du groupe ?
Y a intérêt ! (rires) J’en ai marre du
turnover, d’autant que là, tout est nickel.
J’ai déjà prévenu les deux derniers
arrivants Robin (Sörqvist/guitare) et
Henrik que s’ils quittaient le groupe, je
les tuais de mes mains ! (rires)
Chacun d’entre vous, au fil des
années, a développé d’autres projets
musicaux. Dans ton cas, Angel Blake,
Lady Mourning et Dobermann. Qu’en
est-il aujourd’hui de ces formations et
que t’ont-elles apporté créativement ?
Ont-elles eu indirectement une incidence
sur The Crown ?
Ces projets étaient absolument néces-
saires. Lorsque nous avons mis un
terme à The Crown entre 2004 et 2009,
je savais que, pour autant, il me serait
impossible de cesser d’écrire de la
musique. Et je n’avais pas envie de
faire du death metal avec d’autres
personnes, les membres de The Crown
étaient l’équipe parfaite pour cela. J’ai
donc enregistré les deux albums d’Angel
Blake dans un style très différent
(Ndlr : heavy metal traditionnel), Magnus
(Olsfelt/basse) a enregistré un album
de punk avec Stolen Policecar, puis les
années ont passé et, un beau jour,
Magnus m’a appelé : « Hé ! J’ai une
dizaine de morceaux thrash/death. Qu’est-
ce qu’on en fait ? » (rires) Nous avons
donc décidé de les enregistrer sous le
nom de Dobermann, mais au fur et à
mesure, nous avons enrôlé des ex-The
Crown dans le projet. Alors, nous avons
fini par nous dire qu’il serait plus
intelligent de reprendre ce patronyme.
Je suis vraiment heureux que nous
ayons pu faire ce break, il a été salvateur.
Comme je l’ai dit, nous avions commencé
très jeunes, et ces cinq années nous
ont permis de reprendre nos marques
dans la vraie vie, si je puis dire : le
meilleur exemple est que j’ai enfin pris
le temps de fonder une famille. Ainsi,
lorsque nous avons relancé The Crown,
nous l’avons fait en ayant tous un
meilleur équilibre de vie.
J’ai cherché en vain des traces de
Lady Mourning sur Internet, mais je
n’ai trouvé aucune chanson. Avez-
vous enregistré quelque chose ?
Oh, c’était un projet très basique. Ma
femme est prof de chant. Elle m’a
beaucoup aidé en enregistrant des
pistes de chant témoin pour Angel
Blake lorsque j’écrivais les titres, et
comme j’avais en stock quelques
chansons vraiment plus soft ainsi que
des reprises, nous les avons enregistrées
tous les deux sous le nom de Lady
Mourning. Il devait y avoir quatre ou
cinq titres, que nous avions uniquement
mis sur YouTube. Et puis, avec le recul,
nous nous sommes dit tous les deux
que ce n’était pas passionnant et avons
décidé d’un commun accord, il y a
quelques années, de retirer ces morceaux
du serveur.
En additionnant les années Crown Of
Thorns et les années The Crown, vous
approchez tout doucement de votre
30ème anniversaire. T’imagines-tu
réunir tous les musiciens qui sont
passés par les deux groupes pour
faire un gros happening unique ?
Oui, ce serait une super idée ! Ce serait
évidemment beaucoup de boulot, mais
vu qu’il n’y a aucune animosité entre
nous et tous les ex-membres, ce serait
tout à fait faisable, et même franchement
cool ! Et merci au passage de me
rappeler que le groupe va avoir trente
ans : ça me fout un bon coup de vieux
par la même occasion ! (rires)
Avec le nombre d’albums studio que
vous avez au compteur, comment se
fait-il que vous n’ayez jamais sorti
d’album live ? L’opportunité ne s’est-
elle jamais présentée ?
Pour être honnête, je n’aime pas les
albums live. J’adore les DVDs de concerts,
mais les albums live ne m’intéressent
pas du tout. Même chez mes groupes
favoris : Morbid Angel a sorti Entangled
In Chaos, que je trouve affreux. Ça ne
me procure aucune des sensations que
j’ai lorsque je vois un groupe sur scène.
Le visuel compte beaucoup pour moi –
je ne m’exprime qu’en mon nom, pas
en celui de The Crown. Je sais que
Johan est un gros fan de Kiss et qu’il
vénère leurs albums live, mais person-
nellement, je n’ai encore jamais
entendu un enregistrement live qui me
fasse changer d’opinion. J’adore
Metallica, mais quand ils ont sorti le
coffret Live Shit : Binge & Purge
(1993), je n’ai pas touché aux CDs
(rires). En revanche, j’ai usé les VHS
qui, pour moi, étaient le Graal ! Y
61
 GENRE
. Southern rock
LE GROUPE
. Jonboat Jones (chant, guitare)
. Jimmy Rose (guitare, chant)
. Elvis DD (basse)
. Kwall (batterie, chant)
SITE INTERNET
http://hogjawmusic.com
ALBUMS
. Devil In The Details (2008)
. Ironwood (2010)
. Sons Of The Western Skies (2012)
. If It Ain’t Broke (2013)
. Rise To The Mountains (2015)
. Way Down Yonder (2018)
ARTICLE RH
RH N°185

De g. à d. : Jonboat Jones, Jimmy Rose, Kwall & Elvis DD

62

Depuis sa formation en 2006 au fin fond de l’Arizona, Hogjaw a toujours pris son destin en main, en éditant de façon
plutôt confidentielle une série d’albums d’excellente facture et en tournant en Europe à un rythme que bien des formations
pourraient lui envier. Ce n’est donc que justice qu’un label digne de ce nom vienne enfin lui prêter main forte pour l’aider
à s’imposer un peu plus encore sur notre Vieux Continent qui l’a toujours accueilli à bras ouverts. Le guitariste/chanteur
Jonboat Jones nous présente cette formation qui fleure bon l’Amérique profonde.
Rock Hard : Les membres d’Hogjaw
se sont rencontrés au lycée alors que
vous deviez avoir aux alentours de
15/16 ans. Jouiez-vous déjà de vos
instruments à cette époque ou avez-
vous décidé de monter un groupe et
pratiqué ensemble au fil du temps ?
Jonboat Jones : Tous les autres
jouaient déjà depuis un petit bout de
temps. J’étais le seul à débuter vraiment
car je commençais juste à jouer de la
guitare. C’est à leur contact et à force de
jouer avec eux que je me suis amélioré.
Kreg Self, notre premier guitariste, et
moi répétions régulièrement ensemble.
Nous jouions pour des amis, un processus
d’évolution normal qui fait que nous en
sommes là aujourd’hui. C’est à partir
de 2006, quand nous avons décidé
d’aller plus loin avec Kwall, notre
batteur, et Elvis, notre bassiste, que les
bases de ce qu’est devenu Hogjaw ont
commencé à être réellement posées. A
ce moment-là, j’étais devenu assez
compétent pour jouer correctement et
être en mesure de donner de vrais
concerts ! (rires)
Dès la sortie d’Iron Wood, votre
deuxième disque paru en 2010, vous
avez régulièrement tourné en Europe.
Fin 2017, alors qu’aucun de vos
albums n’y était distribué et que vous
ne bénéficiiez que d’une promotion
limitée, vous avez tourné pour la
cinquième fois sur notre continent.
C’est assez étonnant !
J’aime à croire que c’est la musique
qui nous a portés jusqu’à vous.
Aujourd’hui, les gens peuvent chercher
et trouver la musique qu’ils veulent
écouter. C’est ainsi que ça se passe, où
que ton groupe soit basé dans le
monde. Il se trouve que beaucoup de
personnes en Europe se sont manifestées
pour nous dire qu’elles appréciaient ce
que nous faisions. Notre musique, et
peut-être aussi les quelques clips que
nous avons mis à disposition du public,
ont eu un écho qui fait que certains ont
en parlé et échangé cette trouvaille
avec d’autres. Ça a fait boule de neige
et attiré l’attention de Teenage Head
Music, un tourneur basé en Belgique,
qui nous a fait confiance et, en 2011, nous
a fait venir en Europe pour la première
fois. Ensuite, le bouche-à-oreille a
fonctionné à plein régime et a fait que
nous avons pu revenir encore et encore
pour jouer devant un peu plus de
monde à chaque fois. Cela nous a
récemment amenés à signer un contrat
discographique avec Snakefarm (Ndlr :
sous-label de Spinefarm), ce qui, j’imagine,
va nous permettre d’intensifier encore
nos venues en Europe.
Vous avez, à l’occasion de ces cinq
tournées, joué sept ou huit fois en
France, dans des villes de moyenne
importance. Quel est ton sentiment
par rapport au public français ?
En effet, nous avons donné une moyenne
de deux concerts en France à chacune
de nos venues en Europe. C’est peu,
c’est vrai, mais nous continuons à
chercher des promoteurs qui pourraient
nous aider à décrocher plus de dates.
Ceci étant dit, nous restons en contact
régulier avec de nombreux fans qui
nous soutiennent vraiment. J’ai donc le
sentiment que nous pouvons faire bien
mieux chez vous, et je garde bon espoir
que nous y parvenions car je n’ai que
de bons souvenirs des shows que
nous avons donnés sur votre territoire.
Nous venons jouer au Royaume Uni en
octobre prochain, alors j’espère que
nous pourrons en profiter pour caler
quelques dates en France.
En Espagne, par contre, vous avez
déjà donné une bonne cinquantaine
de concerts. Comment se fait-il
qu’Hogjaw y ait été aussi présent ?
Sincèrement, je ne saurais l’expliquer.
Je sais simplement que notre tourneur
a toujours eu de bons contacts là-bas et
que l’Espagne est un pays affamé de
musique. Il semble donc que de nombreux
promoteurs ou salles soient prêts à nous
accueillir. Et le public y est vraiment
motivé !
D’évidence, vous avez plus de succès
en Europe qu’aux USA et vous n’êtes
Je pense que vous, Européens,
choisissez vraiment la musique que
vous voulez écouter (Jonboat Jones)
pas le premier groupe dans ce cas.
Sachant que vous jouez un southern
rock ancré dans une tradition très amé-
ricaine, qu’est-ce que ça t’évoque ?
C’est surprenant, je l’avoue, d’autant
que moi-même, avant que cela n’arrive
de façon concrète, je n’aurais jamais
imaginé une telle situation. Je pense
que vous, Européens, choisissez vraiment
la musique que vous voulez écouter.
Nous avons tout de même des fans aux
USA et sommes en mesure d’y donner
des concerts, bien sûr, mais jamais sur
la durée et aussi régulièrement qu’en
Europe car nous n’y disposons pas
encore du même réseau. Un point sur
lequel nous travaillons.
Kreg Self, votre guitariste originel, a
décidé de quitter le groupe en 2014
pour raisons de santé. Comment se
porte-t-il aujourd’hui et comment
avez-vous déniché son remplaçant,
Jimmy Rose, qui jouait dans le
groupe solo de Frank Hannon, le
guitariste de Tesla ?
Kreg est aujourd’hui en bonne forme,
tout va bien. Merci pour lui. Quant à
Jimmy, nous le connaissions bien avant
qu’il ne rejoigne le groupe de Frank car
il jouait déjà, il y a longtemps, dans
une formation originaire du même coin
que nous, avec laquelle nous avons
donné pas mal de concerts communs.
Notre amitié remonte à 2007 environ.
Alors, quand Kreg a décidé de partir, le
choix de Jimmy s’est imposé de lui-
même : nous savions que c’était un mec
Propos recueillis par Benji - Entretien téléphonique réalisé le 08 février 2018
cool et que son style nous correspondait
parfaitement.
En quelques mots, pourrais-tu nous
présenter vos cinq albums précédents ?
Devil In The Details (2008), notre premier
disque, est certainement celui sur
lequel nous avons le plus travaillé si
l’on considère qu’il était le fruit de
deux ans de composition. J’en suis très
fier. Nous en étions encore dans une
phase d’apprentissage : j’apprenais à
chanter depuis peu de temps, un peu
contraint et forcé d’ailleurs, mais au fur
et à mesure, j’ai commencé à m’habituer
et à trouver mes marques. Cet album
est donc le résultat de plusieurs années
de travail passées à apprendre à composer
et à jouer ensemble. Ironwood (2010)
me semble une progression naturelle
par rapport à ce premier album. Nous
disposions encore de pas mal de titres
écrits lors de nos premières années
communes, que nous avons en partie
utilisés sur ce disque, même si nous
avons aussi créé de nouvelles chansons
donnant dans des styles un peu différents.
Nous apprenions encore beaucoup de
choses à l’époque, mais cet opus reste
l’un de mes préférés. Sons Of The
Western Skies (2012) nous a permis
d’explorer davantage encore, sans que
nous nous imposions aucune barrière.
Le titre du disque reflétait notre façon
de vivre car nous sommes vraiment
des « enfants des cieux de l’Ouest ».
L’expression If It Ain’t Broke (2013)
nous a servi de fil conducteur pour le
quatrième disque (Ndlr : en anglais, « if
it ain’t broke, don’t fix it » signifie « ne
changeons pas ce qui fonctionne »). Nous
avons simplement continué d’avancer
à notre façon, tout en essayant encore
de proposer de nouvelles choses… Il
est parfois difficile d’expliquer cette
évolution si tu n’es pas avec nous
durant le processus de composition.
Malheureusement, ce fut notre dernier
album avec Kreg. Rise To The Mountains
(2015) marquait donc l’arrivée de
Jimmy à la guitare, et je pense que cela
s’entend tant dans le son que la vibration
générale du disque. Jimmy ne s’est pas
contenté de jouer. Il a aussi apporté ses
compositions et s’est investi autant
que possible. Pas une nouveauté car
nous avons toujours travaillé en équipe.
J’adore ce disque !
On en arrive donc à Way Down
Yonder (2018). Il semble que vous
ayez porté un soin tout particulier
aux mélodies vocales sur ce disque,
mettant ton chant particulièrement
en valeur, mais aussi ceux de Jimmy
et de Kwall…
C’est en effet un point sur lequel nous
voulions aller plus loin. Même si, au fil
des ans, nous avons toujours travaillé
en ce sens, l’idée était d’améliorer encore
ces harmonies vocales. Jimmy est un très
bon chanteur, et je dois dire que ça
m’arrange qu’en concert, il prenne le relais
de temps en temps car ça me permet de
souffler un peu et de me concentrer sur
mon jeu de guitare. Il semble que nous
ayons surpris quelques personnes en
intensifiant le chant et en le partageant
plus qu’à l’accoutumée. C’est donc une
bonne chose.
Tu restes néanmoins le principal
chanteur du groupe, mais penses-tu
qu’à l’avenir, vous allez continuer à
vous partager de plus en plus les
parties vocales ?
Absolument. Je ne vois aucune raison
de nous arrêter en si bon chemin !
J’adore chanter, tout autant que j’adore
entendre les autres chanter nos morceaux.
D’ailleurs, nous sommes en train de
bosser sur de nouvelles compositions
et, dans le domaine du chant, nous
fonctionnons de la même façon que sur
Way Down Yonder. Encore une fois,
nous sommes presque dans une phase
d’apprentissage en ce qui concerne ce
chant partagé et je suis curieux de
voir où cela va nous mener. Je ne serais
pas surpris que, dans le futur, nous
sortions plus de morceaux à plusieurs
voix, à l’instar d’un titre comme
« Redemption ».
« Dark Horse » est, comme son titre
le suggère, une chanson plutôt sombre
et l’une des plus heavy de votre réper-
toire. Nous savons que tu es aussi un
grand fan de metal. Dirais-tu ce que
ce morceau se rapproche le plus de
tes influences metal ?
Tout à fait. Je ne suis pas le seul fan de
metal dans ce groupe car nous avons
tous grandi avec cette musique dans
les années 80. Ça n’est que plus tard
que nous nous sommes pris de passion
pour le southern rock et la country. En
tout cas, « Dark Horse » nous est venu
naturellement. Ce rythme lent et
lourd… C’est dans nos racines.
Le clip de « Brown Water » est superbe :
vous l’avez filmé à bord d’un vieux
bateau à vapeur sur le Canyon Lake,
en Arizona. D’où de très belles vues
naturelles. Quelle était l’atmosphère
durant ce tournage ?
Ce fut très festif ! Ce titre s’intitulant
« Brown Water » (Ndlr : comprendre
« whisky »), nous en avons beaucoup
servi, ainsi que de la bière, à tous les
« passagers » qui n’étaient autres que
des amis et de la famille. Nous ne
disposions que d’un temps limité pour
filmer tout ce dont nous avions besoin,
environ deux heures, mais je dois dire
que nous avons pris beaucoup de plaisir
à réaliser ce clip. J’ai l’impression que
le tournage n’a duré qu’un instant ! Et
cette partie de l’Etat est vraiment
magnifique. Parfois, les gens ne réalisent
pas que l’Arizona n’est pas qu’un désert
et qu’on y trouve aussi de superbes
plans d’eau comme celui-ci. Y
63
 GENRE
. Metal symphonique
LE GROUPE
. Tommy Karevik (chant)
. Thomas Youngblood (guitare)
. .
Oliver Palotai (claviers)
. Sean Tibbetts (basse)
. Johan Nunez (batterie)
SITE INTERNET
De g. à d. : Johan Nunez, Thomas Youngblood, www.kamelot.com
Tommy Karevik, Oliver Palotai & Sean Tibbetts
64
ALBUMS ARTICLES RH
. Eternity (1995) RH N°18, 43, 61, 67, 103, 125, 154 & 185
. Dominion (1996)
. Siége Perilous (1998)
. The Fourth Legacy (1999)
. Karma (2001)
. Epica (2003)
The Black Halo (2005)
. One Cold Winter’s Night (live – 2006)
. Ghost Opera (2007)
. Poetry For The Poisoned (2010)
. Silverthorn (2012)
. Haven (2015)
. The Shadow Theory (2018)

Nous avons beau avoir passé un bon moment en compagnie de Thomas Youngblood, le guitariste et fondateur de Kamelot
n’a fait aucunement allusion au remplacement du batteur Casey Grillo par Johan Nunez (Firewind), information qui n’a
été dévoilée sur internet que quelques jours après notre entretien. Bizarre, non ? Fort heureusement, nous avions bien
d’autres sujets à aborder : le succès croissant du quintet aux Etats-Unis, les enjeux du développement rapide des
technologies et, bien sûr, les secrets de la conception de The Shadow Theory, douzième opus moderne, ambitieux et très
finement arrangé.
Rock Hard : Quels souvenirs conserves-
tu du cycle de tournées qui a suivi la
sortie de Haven (2015) ?
Thomas Youngblood : Haven nous a
clairement permis de franchir un
palier. L’album s’est très bien classé
dans tous les pays dans lesquels il est
sorti et s’est même hissé en tête des
charts de la catégorie « hard rock »
aux Etats-Unis ! Surréaliste ! Juste au-
dessous de nous, il y avait des groupes
très populaires, dont Slipknot… J’avais
franchement du mal à y croire ! (rires)
Nous avons accompli deux tournées là-
bas et sommes passés par de nombreuses
villes où nous n’avions encore jamais
joué. Ces dernières années, nous avons
aussi participé à plus de festivals que
d’ordinaire et nous sommes produits
dans plusieurs nouveaux pays. Ce beau
succès nous a totalement confortés
quant à la direction musicale que nous
avions empruntée avec Haven. Le
public ayant pleinement adhéré à la
modernisation de notre son, nous
avons poursuivi notre démarche sur
The Shadow Theory.
Cette reconnaissance doit signifier
beaucoup pour toi, qui es né et as
grandi aux Etats-Unis où le power
metal n’a jamais été très populaire…
Oui, tout à fait. Il y avait une petite
scène en Floride, où j’ai passé mon
adolescence… Mais dès que Kamelot
s’est formé, nous avons délibérément
ignoré les USA pour privilégier
l’Europe, et notamment l’Allemagne.
Nos démos ont directement atterri
dans les bureaux de Noise Records,
qui avait bossé avec Helloween. Nous
n’avons jamais considéré les States
comme un marché potentiel. Notre
première tournée là-bas fut une brève
excursion sur la côte Est en 2005. A
l’époque, nous ne jouions que pour 200
personnes par soir, alors qu’aujourd’hui,
nos concerts en Californie rameutent
environ 3.000 fans !
Votre nouvel opus, The Shadow
Theory, vous a demandé un an de
travail. C’est la première fois que la
préparation d’un album nécessite
autant de temps !
C’est exact. Après une pause d’un an,
qui nous a permis de recharger nos
batteries, Oliver (Palotai/claviers) et
moi nous sommes réunis en Allemagne
en décembre 2016 afin de commencer
à bosser sur de nouvelles chansons. J’y
suis retourné deux mois plus tard pour
achever les structures de base. De leur
côté, Tommy (Karevik/chant) et notre
producteur Sascha Paeth (Avantasia,
Angra, Epica) ont écrit quelques titres
et pris en charge l’intégralité des
textes et des mélodies vocales. Enfin,
ces quatre derniers mois, nous avons
ensemble peaufiné l’enregistrement
et le mixage des chansons. Ce n’est
qu’hier que nous avons reçu le maste-
ring de Jacob Hansen (Pretty Maids,
Delain, Epica) !
Lors de notre précédent entretien (Cf.
RH154), Tommy nous disait qu’il
s’était mis à la guitare et espérait
contribuer à l’écriture des futurs
disques de Kamelot…
Lorsque j’ai contacté les membres du
groupe pour leur demander de m’envoyer
les idées dont ils disposaient, Tommy m’a
expédié un riff que j’ai immédiatement
apprécié. Certes, il n’y a pas besoin
d’être Yngwie Malmsteen pour l’inter-
préter, mais j’ai trouvé l’idée excellente.
J’ai donc construit la chanson
« RavenLight » à partir de cette base.
Je vais devoir surveiller Tommy : s’il
devient aussi bon à la guitare qu’au
chant, mon poste au sein du groupe
sera sérieusement menacé ! (rires)
Parlons des thèmes abordés par cet
opus. Pour commencer, qu’est-ce que
la « Théorie De L’Ombre » ?
Ce concept m’est venu à l’esprit
lorsque j’ai découvert l’œuvre du
psychologue suisse Carl Gustav Jung.
L’un de ses ouvrages explique que
chaque personne possède une ombre
qui fait partie de son subconscient,
mais dont il est nécessaire d’admettre
et d’accepter l’existence. L’ombre n’est
J’aimerais pouvoir transférer
ma conscience dans un corps
artificiel et vivre éternellement
(Thomas Youngblood)
pas forcément une mauvaise chose en
soi, mais elle peut devenir néfaste si
l’on cherche à l’étouffer. Ce thème
constitue le point de départ de l’album,
qui traite aussi de notre fascination
pour l’intelligence artificielle qui s’est
développée de façon ahurissante ces
dernières années.
Comment ressens-tu cette évolution ?
Est-ce quelque chose qui t’intéresse
ou qui t’effraie ?
Je trouve cela très cool. J’aimerais
pouvoir transférer ma conscience dans
un corps artificiel et vivre éternellement !
Mais même sans aller aussi loin, il
existe actuellement sur Terre des
communautés d’individus qui cherchent
à prolonger leur vie en contrôlant très
strictement tout ce qu’ils absorbent.
Ces gens se contentent du minimum
que leur corps réclame et sont moins
exposés aux cancers et aux maladies
cardiaques car ils échappent aux
perturbateurs endocriniens et aux
additifs nocifs qu’on retrouve dans la
majorité des produits de consommation
courante. Théoriquement, ils seraient
susceptibles de vivre 110 ou 120 ans,
ce qui est assez fascinant. D’autres
recherches ont lieu dans le domaine de
la génétique : notre vieillissement
résulte du travail de certaines cellules
de notre corps. Par exemple, les
Propos recueillis par François Blanc - Interview réalisée le 25 janvier 2018 à Paris
enfants atteints de progéria, qui ont
l’air d’avoir 80 ans alors qu’ils n’en
ont que 15, souffrent d’une déficience
génétique. Si l’on pouvait isoler ces
cellules et les manipuler, une personne
de soixante ans pourrait garder l’appa-
rence de quelqu’un de vingt-cinq. Ce
scénario-là est certainement plus
réaliste que les histoires à la Ghost In
The Shell (Ndlr : film d’animation japonais
qui s’interroge sur les distinctions entre
robots et humains). Nous pourrions choisir
l’âge auquel nous voudrions rester et
interrompre notre vieillissement ! Bien
sûr, cela ne serait pas sans conséquences
sur la société, dont le fonctionnement
serait probablement altéré en profon-
deur… Cependant, je suis sûr qu’une
personne aux moyens financiers illimités
finira par concrétiser quelque chose de
ce genre. S’il le voulait, Jeff Bezos, le
fondateur d’Amazon qui représente plus
de cent milliards de dollars à lui seul,
pourrait très facilement financer ce
genre de recherches. Nous vivons une
époque intéressante : la science évolue
de plus en plus vite. Certaines théories
du complot disent que c’est grâce à
l’intervention de forces extra-terrestres
qui nous auraient notamment permis
de découvrir la puce électronique.
Pour moi, ce sont des conneries ! (rires)
La chanson « Amnesiac » traite de
l’annihilation de l’esprit critique, thème
que vous avez déjà abordé par le passé…
C’est un sujet qui nous concerne. Aux
Etats-Unis, il y a une chaîne de télévision
qui est tout simplement la voix de Trump.
Or, beaucoup de gens la regardent toute
la journée et croient tout ce qu’ils
entendent ! C’est effarant de voir à quel
point les gens peuvent être naïfs. On
réalise aussi comment des personnes
comme Hitler ont pu accéder au pouvoir
en jouant sur la peur de l’autre. La télé
martèle en boucle que les Mexicains
cherchent à piquer le travail des
Américains. Alors qu’en réalité, ils
accomplissent surtout des tâches que
les Américains ne veulent plus faire !
Il est choquant de voir que des gens
passifs, qui ne prennent pas la peine
de réfléchir, se laissent convaincre par
ce discours.
Les thématiques exploitées par
Kamelot demeurent inhabituellement
sombres pour du power metal.
Oui, et c’est sans doute le cas depuis
Karma (2001). On ne peut guère trouver
de sujet plus sombre que l’histoire
d’Elizabeth Bathory ! A partir de cette
époque, nous avons laissé de côté l’aspect
kitsch du heavy metal dans lequel nous
ne nous reconnaissions plus. J’ai toujours
préféré les sombres romances aux
aventures de chevaliers et de dragons !
Comme de coutume, plusieurs invités
ont apporté leur contribution à votre
album. Peux-tu nous les présenter ?
Le 1er juillet 2017, nous avons donné
un concert en première partie d’Iron
Maiden en Californie. Kobra Page, la
chanteuse de Kobra And The Lotus,
était sur scène avec nous pour assurer
le chant féminin. Elle avait amené avec
elle son amie Lauren Hart (Once
Human), qui s’occupait des voix extrêmes.
Lauren ayant fait du très bon boulot, nous
avons fait appel à elle afin « d’épicer »
certains titres de notre nouvel album.
Nous collaborons d’ordinaire avec
Alissa White-Gluz, mais elle est très
occupée avec Arch Enemy et n’aurait
pas pu nous accompagner en tournée.
Lauren sera donc avec nous aux Etats-
Unis et ça s’annonce vraiment bien !
Nous avons aussi reçu Jennifer Haben
de Beyond The Black, qui a une voix
franchement unique. Je savais que ça
ferait plaisir à nos fans allemands,
pays dans lequel cette jeune chanteu-
se est très populaire. Son chant se
marie à la perfection avec celui de
Tommy sur la ballade « In Twilight
Hours ». J’ai l’impression d’entendre
une version rock de La Belle Et La
Bête. C’est très romantique !
La plupart des membres de Kamelot
sont impliqués dans d’autres projets
musicaux. Est-ce quelque chose auquel
tu songes aussi ?
Tout à fait ! Oliver et moi avons commencé
à plancher sur un projet nommé Veritas,
à mi-chemin entre Ayreon et Trans-
Siberian Orchestra, avec de nombreux
chanteurs différents. Je ne me vois pas
me lancer dans un autre groupe qui
serait susceptible de tourner car cela
impliquerait que Kamelot se mette en
pause durant de longues périodes. Mais
un projet ponctuel qui ne donnerait
que quelques concerts soigneusement
sélectionnés, cela me botterait bien.
D’autant qu’Oliver est un compositeur
si prolifique que je pourrais lui déléguer
une grande partie du travail et ne jouer
qu’un rôle de producteur exécutif ! (rires)
J’ai déjà contacté plusieurs chanteurs
qui m’ont tous donné leur accord de
principe. Je tiens à inviter Simone Simons
(Epica), Elize Ryd (Amaranthe), Alissa
White-Gluz, Jeff Scott Soto (Sons Of
Apollo, ex-Malmsteen), Fabio Lione
(Angra, ex-Rhapsody)… Tous ont appré-
cié les premières idées que je leur ai
envoyées. Après, comme avec n’importe
quel projet, les deux facteurs décisifs
seront le temps et l’argent. Après The
Shadow Theory, Kamelot va plancher sur
son nouveau Blu-ray qui retracera le
concert que nous allons donner à l’013
de Tilburg le 14 septembre prochain.
J’envisage de lancer le projet Veritas
juste après cette sortie ! Y
65
 GENRE
. Rock/metal alternatif
LE GROUPE
. Leigh Kakaty (chant)
. Dave Grahs (guitare)
. Nick Fuelling (guitare)
. Matt DiRito (basse)
. Hayley Cramer (batterie)
SITE INTERNET
www.popevil.com
ALBUMS
. Ready Or Not (EP – 2005)
. Lipstick On The Mirror
(2008)
. War Of Angels (2011)
. Onyx (2013)
. Up (2015)
. Pop Evil (2018)

ARTICLES RH
RH N°144 & 185

De g. à d. : Hayley Cramer, Nick Fuelling,

Leigh Kakaty, Matt DiRito & Dave Grahs
66

Pop Evil, késako ? Tout simplement un groupe alternatif américain qui fait son trou en enchaînant les singles à succès
tel Jésus multipliant les pains. Cette formation multi-facettes originaire du Michigan est capable de se produire avec des
groupes venus d’horizons très divers. Elle prouvera d’ailleurs encore une fois son caractère hétéroclite en sillonnant
bientôt les USA en compagnie de Poison et Cheap Trick. Nous avons rencontré la batteuse Hayley Cramer et le guitariste
Nick Fuelling afin d’en savoir plus sur le cinquième opus du combo : un album sobrement intitulé… Pop Evil.
Rock Hard : Quel a été le moment fort
de la carrière de Pop Evil depuis la
sortie de Up (2015) ?
Nick Fuelling : Il s’agit clairement
du recrutement, en 2016, de Hayley
(Cramer/ex-McQueen) à la batterie. Et
je ne dis pas ça parce qu’elle est assise
à côté de moi ! (rires) C’est arrivé juste
avant une tournée majeure pour nous,
effectuée en compagnie de Disturbed
et de Rob Zombie. Ce fut assez flippant,
mais tout s’est extrêmement bien passé.
Hayley Cramer : Ce n’était pas seulement
flippant pour moi, mais aussi pour les
gars qui jouaient depuis cinq ans avec
mon prédécesseur, Joshua (Ndlr :
Joshua Marunde, alias Chachi Riot).
Devoir changer de batteur au milieu
d’une tournée aussi importante a de
quoi angoisser plus d’un musicien ! De
plus, Joshua est un sacré personnage,
ultra charismatique. Son jeu de batterie
était un élément important de Pop Evil.
Heureusement, il a tout fait pour m’aider
et pour que je me sente à l’aise. La
transition a été aisée : pendant deux
semaines environ, nous avons joué
ensemble lors des balances. Et un soir,
je me suis enfin lancée dans le grand bain.
Que s’est-il passé avec Joshua ?
Nick Fuelling : Rien de grave. Cela faisait
longtemps qu’il souhaitait passer plus de
temps avec sa famille. Depuis son arrivée
en 2011, Pop Evil n’a de cesse d’enchaîner
les tournées. Un groupe comme le nôtre
doit sans cesse être sur les routes et,
au bout d’un moment, cela peut lasser.
Je le comprends parfaitement. Mais comme
Hayley l’a dit, la transition fut aisée et
nous sommes en très bons termes. Je
pense qu’il viendra sans doute jouer un
titre ou deux avec nous quand nous
serons de passage dans le Michigan.
Hayley, comment t’es-tu retrouvée
dans Pop Evil ?
Le manager de mon ancien groupe,
McQueen, est un Américain. Je suis
anglaise, originaire de Brighton, mais
j’ai toujours aimé passer du temps aux
USA. J’ai fait savoir à ce manager que
je cherchais à y retourner et, quelques
semaines plus tard, il m’a dit que Pop
Evil cherchait quelqu’un. J’ai préparé
quelques vidéos de moi jouant sur plu-
sieurs morceaux du groupe, même si,
très franchement, je n’y croyais pas :
« Pourquoi un groupe du Michigan voudrait-
il recruter une batteuse anglaise ? Bonjour
le cauchemar logistique !!! » (rires)
Nick Fuelling : Nous avons reçu pas
mal de vidéos de la part de batteurs et
de batteuses, mais c’est lorsque nous
avons reçu l’audition de Hayley que
nous avons su que nous tenions la
bonne personne. J’ai tout de suite flashé
sur son jeu. Nous nous trouvions dans
un aéroport. C’est là que nous avons
décidé de la faire venir le plus vite
possible. La qualité de son jeu et le
soin apporté à cette vidéo montraient
que nous avions déniché la perle rare !
Comment avez-vous abordé ce cinquième
album simplement intitulé Pop Evil ?
Déjà, nous avons tourné avec Hayley
pendant un an avant de commencer à
travailler sur des morceaux. Après un
mois de vacances, nous avons passé six
semaines tous ensemble pour composer
ces chansons qui ont été enregistrées
durant six semaines supplémentaires
dans la foulée, à Nashville. C’était une
grande première pour nous qui n’avions
jamais autant travaillé en groupe, mais
qui n’avions également jamais pu
allouer autant de temps à l’écriture. Ce
fut vraiment différent de Onyx (2013)
et Up (2015).
Hayley Cramer : Mais bon, ce n’est quand
même pas notre Chinese Democracy ! (rires)
(Ndlr : rappelons que ce fameux album du
Guns N’Roses version Axl Rose a nécessité
onze ans de gestation avant de voir le jour)
Pop Evil, qui rencontre du succès, est
un groupe qui doit être courtisé par
pas mal de producteurs. Pourquoi
avoir choisi Kato Khandwala (The
Pretty Reckless, Blondie) ?
Nick Fuelling : Principalement parce que
c’est le seul à avoir tenu un discours de
vérité à notre égard. Tu as raison :
quand tu rencontres un peu de succès,
tous les producteurs te font la cour. Ils
Quand tu te mets à enchaîner les
tournées, tu ne jammes généralement
plus que quelques minutes par jour,
lors des balances. C'est dommage
(Hayley Cramer)
te parlent tous comme si tu étais la
huitième merveille du monde ! Kato est
le seul à nous avoir dit que, selon lui,
nous avions encore du travail pour
définir ce qu’est vraiment Pop Evil et
pour asseoir notre identité. Il a été assez
« cash » avec nous et ça a marché,
notamment parce qu’il a été force de
proposition. Nous avons décidé de lui
confier les rênes et ne l’avons pas
regretté le moins du monde.
Leigh Kakaty est-il le seul chanteur
apparaissant sur Pop Evil ? On a
parfois l’impression d’entendre
d’autres voix que la sienne...
La voix additionnelle que tu entends
est sans doute celle de Kalen Chase : le
frontman du nouveau groupe de Joey
Jordison, Vimic (Ndlr : il a également été
le deuxième chanteur de Korn pendant
plusieurs années). C’est Kato, qui a
bossé avec Joey Jordison sur Scar The
Martyr, qui nous a recommandé Kalen.
C’était la première fois que je rencontrais
quelqu’un qui a l’oreille absolue. En
résumé, la musique est une chose qua-
siment innée pour lui. Kalen a plein de
bonnes idées d’harmonies. Il est venu
passer un peu de temps avec nous et
s’est retrouvé à chanter des chœurs et
des harmonies sur plusieurs titres de
l’album. Il a également proposé des
idées d’harmonies pour certains de
Propos recueillis par Morgan Rivalin - Interview réalisée le 25 janvier 2018 à Paris
mes soli. C’est vraiment un chouette
type, très sympa et très pro. C’est
super d’avoir quelqu’un comme lui à
tes côtés pour t’épauler en studio.
Avez-vous choisi d’appeler cet album
Pop Evil parce qu’il rassemble les
différentes facettes de votre musique,
à la fois très accrocheuse (la face
« pop ») et indéniablement heavy (le
côté « evil ») ?
Oui, c’est un album très varié qui nous
résume bien. Le « concept » était de sortir
le disque le plus « Pop Evil » possible :
un album à la fois plus heavy et ultra
catchy. Il est très varié, c’est certain,
mais nous le trouvons tout de même
plus « homogène » que les précédents.
C’est sans doute parce que, comme je
le disais à l’instant, nous avons vraiment
bossé ensemble sur ces morceaux, dans
la même pièce. Par le passé, chacun avait
tendance à composer de son côté. Ce n’est
pas nécessairement une mauvaise chose,
ça nous avait d’ailleurs bien réussi jusqu’à
présent, mais composer à cinq a apporté
une belle dynamique à l’album.
Hayley Cramer : Quand un groupe existe
depuis aussi longtemps, puisque Pop
Evil est né en 2001, il est tout à fait
normal que chaque musicien se mette à
travailler dans son coin. C’est extrême-
ment fréquent. Mais après toutes ces
années, il est très bénéfique de revenir
aux origines de ton groupe, quand tu
jammais dans un local, voire dans ton
garage. Nous avons tous commencé
comme ça. Quand tu te mets à enchaîner
les tournées, tu ne jammes généralement
plus que quelques minutes par jour,
lors des balances. C’est dommage ! Je
suis très heureuse d’être arrivée dans
Pop Evil au moment où le groupe a
décidé de revenir à ses racines. Ça me
convient très bien et l’album me plaît
énormément.
On y retrouve aussi bien des airs de
rap metal à la Rage Against The
Machine, (« Art Of War » et « Colors
Bleed ») que des relents de grunge
sur « God’s Dam », qui fait penser à
du Pearl Jam. Ce sont des influences
que vous revendiquez ?
Nick Fuelling : Bien sûr ! Pour en avoir
beaucoup parlé avec Leigh, je sais qu’il
revendique sans problème l’influence
de Rage Against The Machine, et
notamment de Zack de la Rocha. Il est
vrai que la référence s’entend clairement
sur les deux morceaux que tu as cités.
Avant de fonder Pop Evil, Leigh rappait.
Ce flow qu’on entend sur ces titres est
absolument naturel pour lui. C’était
également ce dont ces textes vindicatifs
avaient besoin. En toute honnêteté,
nous avons pas mal écouté de Rage
Against The Machine en studio pour
nous mettre dans l’ambiance… Ce
n’est donc pas si étonnant ! (sourire)
Quant à Pearl Jam, c’est effectivement
un groupe qui fait l’unanimité chez
nous. Notre génération a grandi en
écoutant du grunge. Ça s’entend sur
« God’s Dam », sans l’ombre d’un doute.
Hayley Cramer : J’adore vraiment ce
morceau. C’est certainement mon titre
préféré de l’album.
... sans doute parce que tu y as droit
à une superbe intro de batterie à la
« Rosanna » (Toto) !
(Rires) C’est marrant : nous trouvions
aussi qu’elle sonnait comme l’intro de
« Rosanna » quand nous étions en
studio ! C’est un grand compliment en
tout cas. Merci d’avoir entendu la
référence ! (sourire) Je suis une grande
fan du regretté Jeff Porcaro (Ndlr :
batteur originel de Toto disparu en 1992).
C’est mon grand frère, qui aime beaucoup
Toto, qui m’a encouragée à bien écouter
son jeu et à disséquer cette fameuse
intro. Ça peut sembler tout bête, mais
avoir mon « instant Rosanna » sur ce
disque est un bel accomplissement
pour moi.
A part Toto, quelles sont tes influences
principales ?
Stewart Copeland de The Police, sans
hésiter, mais aussi Roger Taylor de
Queen. J’ai énormément écouté ces
deux groupes avant de m’intéresser à
des « femmes fortes » : Skunk Anansie,
No Doubt... Skunk Anansie a vraiment
eu un très gros impact sur l’ado que
j’étais. J’aime beaucoup le chant et les
textes de Skin, mais également la
batterie du groupe, qui est hyper
pêchue. C’est ce que je recherche
dans cet instrument : de la puissance à
l’état brut ! C’est également pour cette
raison que j’apprécie beaucoup Foo
Fighters : le jeu de Taylor Hawkins est
hyper énergique.
Et toi, Nick, qu’est-ce qui t’a amené à
la guitare ?
Nick Fuelling : Mon père en joue.
Quand j’ai eu 12 ou 13 ans, il s’y est
remis. J’ai en quelque sorte appris la
guitare en même temps qu’il s’y
remettait aussi. C’est un grand fan de
Deep Purple, Led Zeppelin ou encore
de Van Halen. J’ai grandi au son de ces
disques avant de passer à des choses
plus heavy : Pantera, Metallica, voire
du metal progressif assez technique à
la Dream Theater... J’ai vraiment adoré
le Dream Theater période Awake
(1994), mais je dois dire que j’ai plutôt
lâché l’affaire depuis le départ de Mike
Portnoy.
Beaucoup espèrent son retour...
Hayley Cramer : Hé, ne comptez pas
sur moi pour espérer le retour d’un
ancien batteur : ça risquerait de me
porter la poisse !!! (rires) Y
67
 Studio-report réalisé par François Blanc le 20 janvier 2018 à Donzdorf (Allemagne) été assurées par le trio « officiel », les
claviers ont pourtant été joués par
Lors de notre précédent entretien avec Silenoz (en mars 2017, Gerlioz et la batterie par le stakhanoviste
Cf. RH175), le guitariste affirmait avec confiance que le neuvième polonais Daray. Notons cependant la
opus des Norvégiens de Dimmu Borgir sortirait « avant la rentrée présence des deux musiciens sur les
2017 ». Une déclaration bien optimiste, puisque la publication photos promo du combo, qui apparaît
ainsi sous forme de quintet. Pas facile de
d’Eonian s’est finalement vue repoussée au 4 mai 2018 ! Cette
s’y retrouver…
Shagrath présentera le concept en ces
mots : « Eonian représente l’illusion du
temps, tout ce qui est et a toujours été.
Il marque le vingt-cinquième anniversaire
de Dimmu Borgir. L’album en lui-même
est un hommage à notre propre histoire
et à celle du black metal norvégien ».
Maintenant que vous en savez autant que

DEMONS ET MERVEILLES
attente prolongée ayant grandement amplifié notre impatience, nous, passons au plat de résistance !
nous n’avons pas hésité un seul instant à répondre favorablement Au moment de présenter l’album, le duo
à la proposition du label Nuclear Blast qui nous a invités à rallier refuse de prendre la parole. Il faudra
ses locaux pour une écoute officielle – en avant-première, cela va attendre la fin de soirée (et la mise en
sans dire – de l’album en question. Voici le compte-rendu de nos boîte de toutes les interviews des Une étrange introduction d’une quinzaine
premières impressions ! nombreux journalistes présents) pour de secondes, composée de sonorités
pouvoir s’entretenir avec les musiciens distordues et de percussions synthétiques
Pour une fois, le terme n’a rien de gal- photo promo de la formation dans ses de façon plus décontractée. Bien moins évoquant d’étranges machines, se charge
vaudé : l’arrivée d’Eonian est un véritable « uniformes » bruns et rouges, qui tran- menaçant « au naturel » que sur les de nous mettre dans l’ambiance avant
évènement. Référence incontournable en chent intelligemment avec le blanc neigeux planches, Shagrath demeure timide et qu’un bref larsen ne débouche sur un riff
matière de « black sympho », Dimmu d’Abrahadabra. Gageons que ces tenues discret, tandis que Silenoz se montre plus black distordu et menaçant, bardé d’échos

LE TEMPS DES SECRETS

Borgir n’a plus donné le moindre concert
depuis août 2014 et la publication
d’Abrahadabra, son précédent opus studio,
remonte à septembre 2010. Cette année
2018 célèbre donc le grand retour scénique
et discographique du trio le plus en vue
de Norvège.
Une fois installés, les journalistes découvrent
simultanément la pochette de l’album, un
visuel soigné et élégant – hautement
symbolique, quoique franchement chargé
– signé Zbigniew M. Bielak (Ghost,
Behemoth, Mayhem) et une première
feront leur petit effet sur scène…
Si Galder (guitare) est resté en Norvège
auprès de sa famille, Shagrath (chant) et
Silenoz (guitare) sont présents pour
soutenir leur travail et, une fois la séance
d’écoute achevée, répondre aux questions
des journalistes. Sans surprise, il n’est
nullement fait mention des musiciens qui
accompagnent la formation, tant en live
qu’en studio, depuis plus de huit ans
déjà. Si les lignes de basse de l’album ont
liant et loquace. Le guitariste s’épanche
volontiers sur ses anecdotes de tournée,
depuis les problèmes à répétition survenus
à l’aéroport Charles De Gaulle (« A éviter à
tout prix si vous avez une correspondance !
Je ne sais combien de fois nos bagages
et instruments y ont été égarés… »)
jusqu’à ses rencontres chaleureuses avec
les membres de Judas Priest lors de la
résonnants et soutenu par des toms
lourds à souhait. Des chœurs viennent
bientôt se greffer à l’ensemble et le
justement nommé « The Unveiling »
(« Le Dévoilement »), lors d’une accélé-
ration de tempo salvatrice, nous propulse
dans un univers dense, inquiétant et
fascinant. Dès cette première minute,
une constatation, qui vaudra pour tout
Daray

Shagrath
De gauche à droite : Silenoz, Jens Bogren, Galder (de dos)
participation commune des deux groupes
à la Ozzfest 2004.
Détail appréciable, l’intégralité des
paroles de l’album nous est distribuée
avant d’entamer l’écoute afin que nous
puissions en prendre connaissance. Si
quelques formulations directes et assez
naïves peuvent prêter à sourire (s’assurer
les services de chœurs grandioses pour
leur faire chanter des maximes aussi
fouillées que : « si tu ne peux voir, tu ne
peux réellement savoir » ou encore
« pour t’auto-régir, tu dois connaître tes
ténèbres/pour t’auto-régir, tu dois
connaître ton passé », il faut oser ! Epica
n’est pas loin…), les thèmes abordés
demeurent assez classiques. Dimmu
Borgir exalte la pleine connaissance de
soi, l’accès à une plus large perception de
l’univers (le titre « Eonian » fait référence
à l’éternité) et évite généralement le
satanisme plus agressif et « premier
degré » dans lequel il puisait au tournant
des années 2000. Lors d’un entretien
largement relayé sur internet quelques
jours après cette session d’écoute,
l’album, s’impose : Eonian jouit d’un son
absolument gigantesque. Cette première
collaboration entre Dimmu Borgir et
l’incontournable suédois Jens Bogren
(Opeth, Kreator, Arch Enemy) s’avère une
véritable leçon de production. En dépit
de l’aspect « chargé » et très riche de
certaines parties, la puissance n’est
jamais sacrifiée aux arrangements, la
section metal et les éléments sympho-
niques cohabitant toujours de façon
intelligente et harmonieuse. Le trio, qui
a lui-même pris en charge la production,
a réussi à protéger son univers et à
conserver son identité, mais en dotant
« son » son d’une force nouvelle. Eonian
est un blockbuster colossal qui ne
dépareillerait pas en fond sonore d’une
énorme production cinématographique
hollywoodienne !
La grande majorité des titres commence
de façon plutôt minimaliste avant d’opter
pour des chemins sinueux et imprévisibles
et des développements inattendus. L’une
des grandes forces de l’album – et
cela ne devrait pas déstabiliser les

68
De gauche à droite : Shagrath, Daray, Silenoz, Galder
« habitués » – est de proposer des
structures peu conventionnelles, tout en
veillant à toujours fournir de bons
repères mélodiques. « Mélodique », le
mot est lâché : Eonian s’avère particuliè-
rement riche en soli ultra accrocheurs et
chaque titre contient au moins un passage
marquant ou un break aérien, dans la
plus grande tradition du combo.
L’une des premières surprises de
l’album est l’omniprésence des
chœurs. On songe parfois au géné-
rique de La Ligue Des Champions
(les amateurs de football comprendront
immédiatement cette référence,
soufflée par notre collègue Rivalin), à
Epica (la conclusion entièrement
symphonique du majestueux « I Am
Sovereign » rappelle, par exemple,
l’introduction du « Living A Lie » du
combo hollandais), ou encore au
travail effectué par les Norvégiens
lors de leurs concerts avec orchestre
et chœurs, immortalisés sur l’excel-
lent DVD Forces Of The Northern
Night (2017). Gaute Storaas, grand
allié du combo depuis Puritanical
Euphoric Misanthropia (2001), s’est
chargé de la direction et des arran-
gements des chœurs du Schola
Cantrum Choir norvégien, et le résultat
s’avère bluffant. Jamais encore
Shagrath, Galder et Silenoz n’avaient
écrit des lignes aussi grandioses.
L’absence de chant clair masculin
solo (à l’exception d’une très brève
ligne chantée, selon toute vraisem-
blance, par Shagrath lui-même sur
« Archaic Correspondence »), qui faisait
partie intégrante de l’identité du combo
depuis Spiritual Black Dimensions (1999),
est compensée par ces voix lyriques
Silenoz
majestueuses utilisées avec beaucoup de
dynamiques (les chœurs sont mixtes et
alternent les prédominances masculines
et féminines).
Shagrath
Et puisque nous parlons chant, voici un
autre élément surprenant de Eonian :
la voix black de Shagrath n’a jamais
été aussi peu utilisée. Il y a des susurre-
ments inquiétants (l’orientalisant « I Am
Sovereign » qui bande les muscles façon
SepticFlesh ou Behemoth, mais évoque
aussi le Mare Nostrum des Italiens de
Stormlord par ses arrangements), des
narrations distantes (les couplets de
« The Unveiling », dont l’atmosphère
aqueuse et les chœurs rappellent immé-
diatement le Sirenia de At Sixes And
Sevens), des parties passées sous filtre
comme à l’époque de Death Cult
Armaggedon (2003), où le groupe
abusait de cette pratique, mais on ne
retrouve que ponctuellement ce chant
black râpeux qui compte pourtant parmi
les spécificités du combo. Voilà qui nous
rend d’autant plus curieux d’entendre
une restitution en concert… rent un manque d’agressivité et de
noirceur et ont l’impression que Dimmu
Petite nouveauté d’importance, sur Borgir penche davantage du côté
Shagrath & Silenoz mai ! Y
laquelle il convient de nous attarder et
qui illustre les propos de Shagrath quant
à la dimension d’hommage revêtue par
cette neuvième et imposante galette ; vous
souvenez-vous de ce son de clavier
modeste, fantomatique et inquiétant
dont usait Burzum à l’époque du
fantastique « Dunkelheit » ou de
l’iconique instrumental « Tomhet » ?
Ce son éthéré, doux et percussif
qu’on pourrait assimiler à un gloc-
kenspiel qui serait joué depuis un
autre monde ? Eh bien, Dimmu se
l’approprie et l’utilise dans chacun
de ces dix morceaux, en faisant
même le principal fil rouge de
l’album. Son usage le plus marquant
se trouve sans doute dans la mon-
tée spectaculaire du diabolique
« Lightbringer », où les chœurs
couplés aux blasts de batterie et
aux guitares suivies d’un riff inhabi-
tuellement costaud ramènent aux
débuts du groupe, et notamment
aux tubes de Enthrone Darkness
Triumphant (1997). Aucun instrument
symphonique n’a été utilisé sur
Eonian, il ne s’agit que de samples
virtuels. Pourtant, on jurerait enten-
dre un véritable orchestre, tant les
cordes semblent réalistes (« Rite Of
Passage », petite sœur mélancolique
de « Perfection Or Vanity »).
Quant à la dimension black metal que
Silenoz nous avait promise, force est de
constater qu’elle demeure relativement
ténue : certes, les riffs distordus à la
Satyricon ou Watain sont bel et bien
présents, mais à la première écoute, on
retient davantage des refrains très
mélodiques (le single « Interdimensional
Summit », très accrocheur), des lignes
de guitares jumelles et des soli chantants
(les déliés et variations superbes de
« Council Of Wolves And Snakes ») et
des influences heavy metal savoureuses.
Le dernier mot prononcé sur l’album est
« free » (« libre »), ce qui paraît approprié,
Dimmu Borgir ayant assurément mené sa
CONCLUSION
barque comme il l’entendait.
Si certains confrères journalistes déplo-
d’Epica que d’Emperor,
nous ressortons bluffés
par cette démesure sym-
phonique et orchestrale
qui conserve malgré tout
des mélodies évidentes et
terriblement accrocheuses.
Nul doute que Eonian a
fait l’objet d’un travail
gigantesque ! Nous atten-
dons avec impatience de
pouvoir réécouter cet
album d’une ambition
titanesque qui fera très
certainement parler de
lui dans les mois à venir.
Chronique et interview
dans notre numéro de
EONIAN
LE TRACK-LISTING
1. The Unveiling (5:47)
2. Interdimensional Summit (4:39)
3. Aetheric (5:27)
4. Counsil Of Wolves And Snakes
(5:20)
5. The Empyrian Phoenix (4:44)
6. Lightbringer (6:06)
7. I Am Sovereign (6:48)
8. Archaic Correspondence (4:55)
9. Alpha Aeon Omega (5:18)
10. Rite Of Passage (5:16)
69
 GENRE
. Rock/metal
LE GROUPE
. Marc « Kemar » Gulbenkian
(chant)
. François « Shanka » Maigret
(guitare)
. Bertrand « Popy » Laussinotte
(guitare)
. Bertrand Dessoliers (basse)
De g. à d. : Popy, Gaël, Kemar, Bertrand & Shanka
. Gaël Chosson (batterie)
SITE INTERNET ARTICLES RH
www.nooneisinnocent.net RH N°155 & 185
ALBUMS
. No One Is Innocent (1994)
. Utopia (1997)
. revolution.com (2004)
. Siempre De Suerte (live – 2005)
. Gazoline (2007)
. Drugstore (2011)
. Propaganda (2015)
. Barricades Live (live –2016)
. Frankenstein (2018)

70

No One Is Innocent n’a pas arrêté d’être Charlie après le très direct et incisif Propaganda de 2015, année de l’apparition du
groupe parisien en première partie d’AC/DC au Stade de France. Barricades, le live, retraça pour sa part le bouleversement
intérieur du groupe face aux évènements de la fin 2013 (regardez le DVD du show filmé quelques jours après les attentats et
sorti en 2016). Frankenstein, le nouvel album, se situe dans un temps différent : une résistance se réfléchit, et après l’émotion
pure vient le moment du recul. Aux inépuisables absurdité et stupidité humaines, No One oppose plus que jamais le nerf et l’âme.
Rock Hard : En 2016, en plein Hellfest,
Shanka (Ndlr : guitare) et toi annonciez
avoir démarré la composition de
nouveaux titres. Entre la vibration
des démos et ce que nous découvrons
aujourd’hui sur Frankenstein, y a-t-il
une grande différence ?
Marc « Kemar » Gulbenkian : Pas trop !
L’ADN de Frankenstein est arrivé vite.
Popy (guitare), Shanka et moi étions
totalement en phase pour l’écriture.
Nous voulions rester dans la vibration
de Propaganda, tout en allant un peu
plus loin sur certaines choses.
Lesquelles ?
No One aspirait à ce que Frankenstein
soit plus organique encore. Sentir le
bloc guitare/basse/batterie plus groupé.
J’espère que nous avons réussi.
Probable ! D’ailleurs, penses-tu qu’après
cette période passée, plus digitale ou
électronique dans votre son, No One
essaie, depuis quelque temps, de se
rapprocher le plus possible en studio
du son qu’il produit sur scène ?
Oui, absolument. Les fans font part de
cet appétit pour notre son live, et plus ça
va, plus nous avons nous-mêmes envie
de nous en rapprocher en enregistrant.
Avec Fred Duquesne à la production, le
son réel, pour Frankenstein, était donc
en ligne de mire.
Justement. Duquesne est encore là après
Propaganda. Ce suivi dans la production,
c’est recherché ? Ça vient d’où ?
Fred est devenu un acteur majeur de
notre évolution. Avant de travailler avec
nous, c’était un pote de bande. On s’est
toujours vus à Paris pour boire des coups
ou faire des petits restos en compagnie
d’une bande d’amis. Bref, avant le studio,
nous nous connaissions bien et c’est
très important. Fred a un talent rare.
C’est un mec travailleur, réfléchi, et qui
a envie d’aller voir ailleurs. Il écoute les
compos, développe des idées, propose
des directions. Sur telle ou telle chanson,
il va dire « j’ai envie de vous amener là ».
Il nous donne envie, et à partir de là, on
discute. Nous n’avions pas pour but de
diriger le réalisateur de notre album,
c’était même plutôt l’inverse.
Considères-tu le rôle de Fred décisif sur
certains titres ? Vous a-t-il emmenés
ailleurs ?
Oui. Il nous a beaucoup fait évoluer sur
« Frankenstein », « Desperado », « La
Gloire Du Marché » ou encore « Nous
Sommes La Nuit ». Je peux même dire
que sa production a sublimé ces titres.
Et puis, il y a quelqu’un d’autre :
Emmanuel de Arriba, toujours à tes côtés
pour les textes. Qu’est-ce qui explique
la longévité de votre binôme ?
Emmanuel est un peu le gardien du
temple. L’écriture des textes part d’une
relation spécifique et ce binôme nous
rend plus exigeants. Il occasionne un
ping-pong depuis revolution.com (2004)
et, à travers lui, nous recherchons une
forme d’excellence dans l’écriture,
même si ça peut être perçu comme un
grand mot. Mais ce n’est pas parce
Propos recueillis par Emmanuel Hennequin - Entretien téléphonique réalisé le 07 février 2018
qu’on fait tel ou tel type de musique
qu’on doit délaisser l’écriture ! La force
de No One tient aussi à ça : si les gens
lisent nos textes, ils peuvent sentir le
travail, ce qui est hyper important pour
nous. Emmanuel a un talent authentique.
Il provoque ton doute et peut se prendre
la tête pendant deux semaines sur deux
petites phrases. J’apprécie cette exigence-
là plus que tout. Fred et lui sont des
talents qui te portent vers le haut, pas
des gens qui viennent pousser le petit
bouton ou torcher trois mots à la va-
vite. Manu et moi sommes potes depuis
le lycée et nous avons toujours eu le
même amour pour cette musique. Vieux
frères, vieux couple à la fois. D’ailleurs,
les amis nous apostrophent souvent en
utilisant cette expression. Manu, c’est
quelqu’un avec qui j’ai écouté Kill ‘Em
All (Metallica) pour la première fois,
avec qui je suis allé voir AC/DC… Nous
avons tous deux vécu des moments forts
à travers cette musique.
Ton travail avec Emmanuel, c’est de
l’empirisme pur : vous vous jetez
des blocs à la figure, comment ça
marche ?
D’abord, il y a réflexion sur les thèmes :
chacun gratte de son côté et ensuite,
Je suis friand des critiques
extérieures, celles des personnes
qui me sont proches et qui
comprennent. Elles me forcent à
être meilleur (Kemar)
nous nous retrouvons. Nous gardons ce
que nous considérons être bon et
nous retravaillons ce qui doit l’être. Et
puis, il y a aussi le fait que les choses
évoluent, le phrasé avec, qu’il faut
repenser. C’est un ping-pong entre
musique et mots.
En studio, le texte est-il susceptible
d’évoluer ?
Eventuellement, à la marge. Ça s’est
peu produit sur Frankenstein, mais sur
Propaganda, oui. Fred est lui-même par-
tie prenante à ce sujet. Par exemple, il
nous avait poussés dans nos retranche-
ments sur le refrain de « Charlie », alors
j’ai révisé ma copie. Je suis friand des
critiques extérieures, celles des personnes
qui me sont proches et qui comprennent.
Elles me forcent à être meilleur.
No One sonnait « brut » à ses débuts,
ce qui est de nouveau le cas aujourd’-
hui. Sur le plan de l’intention sonore,
vous n’avez jamais été aussi proches
de 1994, non ?
Peut-être, quelque part, mais avec
vachement plus de… maturité, si je
peux utiliser ce mot. Notre premier
album avait une âme particulière et des
compositions personnelles, c’est sûr,
mais… ça jouait un peu cul serré, alors
qu’aujourd’hui, tout me semble ouvert,
libéré. Du coup, je prends un plaisir
dingue à faire les choses !
Il semble qu’il y ait aujourd’hui plu-
sieurs pôles de composition dans
No One Is Innocent : les guitaris-
tes, chacun de leur côté, toi au
milieu… Comment ça marche ? Tu fais
l’arbitre ?
Popy et Shanka ont deux personnalités
différentes, deux façons d’écrire.
Shanka, c’est un peu le gratteux fou
qui va te sortir le riff sublime ou une
compo dont nous conserverons quinze
secondes essentielles à partir desquelles
nous retravaillerons. Popy, lui, est un
stakhanoviste : il est capable de
réfléchir sur un riff pendant deux
jours. Ils sont très complémentaires et
éprouvent un profond respect mutuel.
Ils se marrent et, moi, je fais un peu
office de médiateur avec, dans le viseur,
l’esprit de la compo. C’est une relation
fraternelle qui, je crois, nous mène vers
de bonnes chansons.
Vous reprenez « Paranoid » de Black
Sabbath à la fin de Frankenstein.
L’officialisation de l’arrêt du groupe a-
t-elle déclenché cette décision ?
Non, ce projet est bien antérieur.
Shanka avait un début d’adaptation du
titre dans ses tiroirs, et en réécoutant
des choses chez lui avec Popy, nous
nous sommes enthousiasmés sur ce
qu’il avait commencé à faire. Il fallait
creuser cette façon de jouer ce titre.
Reprendre un morceau, c’est lui apporter
quelque chose, et c’est ce qui me plaît :
on chante à deux avec Shanka, et il est
devant là-dessus. Il est vocalement
acteur, comme il l’avait été sur un titre
de Propaganda.
Tous ces géants du rock et du metal
qui arrêtent progressivement, vous
qui avez grandi avec cette musique, ça
vous fait quoi ?
Je n’éprouve pas de nostalgie particu-
lière, c’est la vie. A un moment
donné, il faut savoir rentrer à la maison,
tourner la page. Ces gens nous ont
donné tant de bons moments, tant
d’inspiration… La seule chose que je
ressens, c’est une forme de respect.
Il y a trois ans, devant Black Sabbath
au Hellfest, nous ne pouvions nous
empêcher de ressentir de l’admiration,
même avec un Ozzy en demi-teinte.
Geezer Butler et Tony Iommi demeurent
tout de même exceptionnels…
Mais carrément ! Et leur jeune batteur
aussi ! De toute façon, leurs morceaux
sont gravés dans cette musique, ils
résonneront toujours.
A l’époque de Propaganda, la France
était dans un niveau aigu de tensions
religieuses et sociales. L’album le
disait, d’ailleurs. Dans quel état
d’esprit avez-vous composé cette
fois-ci ?
Propaganda traduisait une réaction
essentiellement émotionnelle aux
évènements. Frankenstein, lui, est plus
dans une idée du genre : « Posons-nous,
réfléchissons ». Prendre du recul. Des
morceaux comme « Frankenstein » et
« Les Revenants » disent : « Qui sommes-
nous et qu’avons fait ou provoqué ? ».
As-tu des réponses personnelles à ces
questions ?
J’en ai, oui, j’ai un avis. Nous, les
Occidentaux, sommes, au gré du
contexte, alliés des Américains ou des
Russes. Et nous avons semé le désordre
au Moyen-Orient. Il manque un recul
à notre société, y compris dans le
traitement médiatique, quant à notre
responsabilité. Et le fait de ne pas
poser les mots sur ces choses engendre
une citoyenneté en souffrance. Si nous
mettions les mots, les gens se senti-
raient peut-être plus français, il y aurait
peut-être moins de débats sur la laïcité
ou la nationalité… Nous nous porterions
mieux.
Quelles différences vois-tu entre la
France d’aujourd’hui et celle qui se
disait Charlie en 2015 ?
C’est compliqué. C’est une histoire de
cycles, comme en musique. A un
moment, tu as Nirvana et Rage Against
The Machine. Ça explose, et puis les
choses se posent, se décantent, et
quelque chose d’autre prend le relai.
Pour la société, c’est pareil : sur le
moment, la France a été totalement
bouleversée, et dans le temps qui suit,
il y a débat. Certaines personnes ou
choses sont alors pointées du doigt et,
du coup, les gens se sentent moins
Charlie. Nous, nous ne sommes carrément
pas là-dedans. Nous sommes restés
dans la conviction ferme de défendre
certaines choses : la liberté d’expression,
la laïcité, Charlie. L’essentiel, en ce qui
nous concerne.
Reste, dans la société, une forme
d’inculture sur cette notion fondatrice
de la laïcité qui, personnellement, me
sidère. Elle n’est pas bien expliquée
aux gens qui, parfois, n’y compren-
nent rien ! Bref, il y a du pain sur la
planche. La laïcité, le principe de
neutralité de l’Etat, c’est avant tout la
liberté, non ?
Mais oui ! Les gens ont parfois l’im-
pression que « laïcité » signifie « privation
de liberté ». C’est le contraire ! A ce
compte-là, comment se priver d’un
Charlie ou d’un Siné Hebdo ? Ce sont
juste des dessins ! Que certains pètent
un coup, ça ira mieux ! Des crobars ne
font pas changer la société, le mariage
gay non plus d’ailleurs… De notre
point de vue, tout cela confine à
l’absurdité, et ceux qui luttent contre
cette dernière doivent être entourés et
défendus. Les gens de Charlie, nous
continuons et continuerons de les voir,
ce sont nos amis ; et ça, ça ne date pas
des attentats. Y
71

GENRE
. Grindcore
LE GROUPE
. . Harmony Corruption (1990)
Barney Greenway (chant)
. Mitch Harris (guitare)
. Shane Embury (basse)
. Danny Herrera (batterie)
SITE INTERNET
www.napalmdeath.org
72
ALBUMS
. Scum (1987)
. From Enslavement To
Obiteration (1988)
. Utopia Banished (1992)
. Fear, Emptiness, Despair (1994)
. Diatribes (1996)
. Inside The Torn Apart (1997)
. Words From The Exit Wound
(1998)
. Enemy Of The Music Business
(2000)
. Order Of The Leech (2002)
. Punishment In Capitals
(live – 2003)
. The Code Is Red… Long Live
The Code (2005)
. Smear Campaign (2006)
. Time Waits For No Slave (2009)
. Utilitarian (2012)
. Apex Predator – Easy Meat (2015)
. Coded Smears And More
Uncommon Slurs (compilation –
2018)
ARTICLES RH
RH N°16, 43, 59, 84, 86, 118,
150 & 185

On le connaît par cœur, le principe de la compilation de raretés et autres faces B… Bien souvent, une seule écoute suffit
à comprendre pourquoi les titres qui la composent sont restés dans un tiroir quelques années. Souvent jetée en pâture à
des fans qui s'impatientent avant un nouvel effort, il arrive aussi qu'elle permette de mener à terme un contrat
discographique avant que le groupe aille voir ailleurs s’il y est. Rien de tout cela ici : Coded Smears And More Uncommon
Slurs réunit en effet, sur deux CDs, pas moins de 37 titres d'une qualité affolante enregistrés entre 2004 et 2016. Du
Napalm Death pur jus pour 1h30 de bonheur total… Tout sauf un produit au rabais. Shane Embury (basse) nous en a
conté la genèse avec sa bonhommie légendaire.
Rock Hard : L’idée d’une telle
compilation est-elle dans les tuyaux
de longue date ? Je suppose qu’on
ne rassemble pas autant de matériel
sans y avoir pensé en amont.
Shane Embury : A vrai dire, l’idée ne
vient pas de nous à 100 %, mais de
l’entourage direct du groupe : notre
webdesigner notamment, qui est un gros
fan de Napalm Death et collectionne
tout ce que nous enregistrons, que ce
soit officiel ou non, et également
certains fans acharnés du groupe qui
sont toujours en quête d’une rareté à
se mettre sous la dent. Tous ces gens
nous ont un peu tannés pour que nous
rassemblions une bonne fois pour
toutes des titres qui jusqu’alors
n’étaient disponibles que sur des
versions japonaises de nos albums, ou
bien des leftovers (Ndlr : titres enregistrés
durant les sessions d’un album, mais qui
n’apparaissent pas sur celui-ci). Cela fait
des années qu’on nous le demande. Je
n’étais jusqu’ici pas très chaud, mais
le fait est que notre prochain album
va nous prendre plus de temps que
prévu. Alors, en y réfléchissant bien,
nous nous sommes dit que c’était
probablement le bon moment de
rassembler tout ça. Ce qui est sympa,
c’est qu’avec les années, tu réécoutes
des titres que tu avais complètement
oubliés avec des oreilles vierges. Au
final, j’ai adoré l’expérience de me
replonger dans tout ça.
Comment avez-vous pu accumuler
autant de matériel rare ou inédit
d’un tel niveau de qualité ? Tout
sonne vraiment comme du Napalm
Death premium !
Il y a plusieurs raisons à cela.
Lorsque nous enregistrons un album,
nous mettons avant tout en boîte une
collection de nouvelles chansons,
parfois une vingtaine. Nous n’avons
jamais de track-listing en tête et nous
ne savons pas encore celles que nous
allons garder pour le disque. Ce n’est
qu’une fois l’enregistrement terminé
que nous nous réunissons pour
sélectionner les titres qui figureront
effectivement sur l’album. Cela donne
lieu à des réunions pour le moins
animées au cours desquelles chacun
défend sa position, particulièrement
Mitch (Harris/guitare) et moi. Il y a
toujours un gros noyau de titres sur
lequel tout le monde est d’accord, et
le reste se négocie ! (rires) Il faut
toujours garder au moins un titre
exclusif pour le marché japonais.
Comme nous sortons beaucoup de
split EPs, nous mettons également de
la matière intéressante de côté dans
ce but. Il y a aussi le cas des morceaux
que nous trouvons très bons, mais qui
ne cadrent pas vraiment avec la couleur
générale de l’album. Et puis, il y a les
titres qui font débat entre nous : Mitch
va adorer tel morceau que je trouve
Propos recueillis par Charlélie Arnaud - Entretien téléphonique réalisé le 05 février 2018
Il y a encore des choses à
découvrir, notamment sur l'album
à venir qui réserve quelques
surprises (Shane Embury)
moins intéressant, et vice versa… A
chaque session, il n’est pas rare que
nous nous retrouvions avec quatre ou
cinq chansons qui ne finissent pas sur
le pressage « classique » du disque.
D’où la quantité de matière accumulée
en douze ans.
Y a-t-il des titres que vous avez
réenregistrés ou spécialement com-
posés pour cette compilation ?
Non, tout est exclusivement constitué
de matériel d’époque et a été laissé
« en l’état ». Russ Russell (Ndlr : pro-
ducteur du groupe) a juste remasterisé
l’ensemble pour corriger des différences
de niveau entre les titres. Il a
d’ailleurs fait un sacré boulot car il a
fallu garder une cohérence de son entre
tous ces morceaux parfois enregistrés
à plus de dix ans d’intervalle. Mais
comme d’habitude, il nous a bluffés.
A tel point que lorsqu’il nous a fait
écouter le résultat final, durant les
six ou sept premiers titres, j’ai eu
l’impression d’écouter un nouvel
album ! (rires)
Certains titres datent de 2004,
l’année de la mort de Jesse Pintado
(ex-guitariste). Joue-t-il sur certains
d’entre eux ?
Non, car la santé de Jesse l’avait
contraint à s’éloigner du groupe
depuis déjà un bon moment avant
qu’il décède. J’aurais bien voulu
intégrer à la compilation au moins un
titre resté inédit sur lequel il joue,
mais nous n’avons retrouvé que deux
reprises que nous ne pouvions pas
publier pour des raisons de droits.
Avez-vous vraiment utilisé tout ce
que vous aviez à disposition ou
vous reste-t-il encore quelques
fonds de tiroir ?
Il ne nous reste plus que ces deux
fameuses reprises, toutes deux de
Septic Death (Ndlr : groupe de thrash-
core américain des années 80 dont le
chanteur, Brian « Pushead » Schroeder,
est célèbre pour les visuels qu’il a créés,
notamment pour Metallica, Misfits et
Prong), enregistrées à l’époque de
l’album Order Of The Leech (2002).
Nous ne pouvons malheureusement
pas les utiliser car nous n’avons pas
réglé ces questions légales et nous
n’avions pas le temps de le faire. Il
faudra qu’on s’en occupe un de ces
jours car j’adore ces versions et je
voudrais vraiment qu’elles puissent
être publiées.
Sur certains titres, vos influences
industrielles se font particulièrement
prégnantes. Pensez-vous un jour creu-
ser cette direction et, pourquoi pas,
sortir quelque chose exclusivement
dans cette veine ?
Hum… Honnêtement, j’adorerais car
c’est l’une des facettes du groupe qui
me plaît énormément. Je compose
beaucoup de choses dans cet esprit
lorsque je suis seul chez moi, des
musiques lourdes, lentes, des paysages
sonores… Ça me tient à cœur et j’en
ai déjà parlé à Barney (Greenway/
chant), mais il est très attaché aux
racines mêmes de Napalm Death, ce
côté rapide et chaotique… Peut-être
sortirai-je mes expérimentations un
jour sous forme de projet parallèle ou
d’album solo. Qui sait ?
Cette heure et demie de musique
permet de voir l’étendue de styles
que Napalm Death couvre : punk,
hardcore, indus, death, grind… A-t-
on ici une photographie exhaustive
de vos possibilités ou y a-t-il encore
des choses à découvrir que nous ne
connaissons pas ?
Je pense qu’il y a encore des choses à
découvrir, notamment sur l’album à
venir qui réserve quelques surprises.
Napalm a toujours été et sera toujours
un groupe extrême, mais au fur et à
mesure que nous avançons, l’envie de
diversité se fait plus insistante…
Vous n’avez pas encore goûté à toutes
les parts de notre étrange gâteau !
(rires)
Il y a aussi eu cette courte période
plus groovy sur les albums
Diatribes (1996) et Inside The
Torn Apart (1997).
73
 J’aime bien ces disques ! En tant que
musicien, tu as forcément besoin
d’apporter de l’eau fraîche au moulin,
de te renouveler un peu, de ne pas
toujours jouer la même chose. Cela nous
a fait beaucoup de bien à l’époque.
Nous étions en pleine période nu-metal
et cela nous a aussi permis d’intéresser
des gens qui n’auraient jamais écouté
Napalm Death en temps normal,
même si nous étions loin de sonner
comme Korn (rires). Comme de bien
entendu, certains fans ont détesté
ces disques et crié à la trahison mais,
vingt ans plus tard, ils semblent plus
unanimement appréciés qu’ils l’ont
été à l’époque. Evidemment, si ces
disques nous avaient amenés à
splitter, j’aurais probablement un
autre regard sur eux, mais nous
De g. à d. : Shane Embury, Mitch Harris, Danny Herrera & Barney Greenway
Rush est l’un de mes groupes favoris (Shane Embury)
sommes toujours là et il est agréable
de pouvoir regarder en arrière toutes
les périodes que ton groupe a traver-
sées. Rush, par exemple, est l’un de
mes groupes favoris. En quarante ans
de carrière, il a lui aussi enregistré
des disques très différents les uns
des autres, mais de qualité constante.
Il est dans la nature humaine d’évoluer.
Si tu écoutes Scum (1987) et ce que
nous faisons aujourd’hui, ça n’a plus
rien à voir, même si ça reste extrême.
Nous avons toujours suivi notre cœur,
ce qui me paraît capital... (il réfléchit)
A l’époque de ces deux albums, on
nous a reproché d’expérimenter, ce
qui me fait un peu sourire avec le
recul. Comme si nous avions été un
groupe mainstream qui tombe subite-
ment dans la cacophonie (rires). Scum
et plus encore From Enslavement To
Obliteration (1988) n’étaient eux
aussi que de l’expérimentation, si tu
y réfléchis bien…
Tu parlais, il y a quelques minutes,
du futur album. Que pouvons-nous
74
en attendre et, surtout, quand
pourrons-nous l’écouter ?
Quand ? C’est une bonne question, je
ne le sais pas vraiment moi-même…
Nous devons finaliser cette semaine
en studio les prises basse/batterie
avec Danny (Herrera/batterie), et
nous avons une vingtaine de nouveaux
titres plus quatre ou cinq reprises.
L’album sera très varié, avec des
choses très rapides et d’autres plus
sombres et dramatiques. Une suite
logique de notre précédent disque, en
quelque sorte, mais qui va encore
plus loin dans toutes les directions.
Nous essayons d’ouvrir davantage
encore le champ d’action du groupe
en tentant de nouvelles choses,
notamment à la guitare. Le résultat
sera, je pense, assez inattendu, mais
rassure-toi, ce sera toujours « in
your face », bien sûr. Je suis content
que nous prenions un peu plus de
temps que d’habitude avec ce disque
car nous avons vraiment envie de
le peaufiner. Je peux me tromper,
mais je pense qu’il marquera à sa
façon l’histoire du groupe comme
certains de nos albums l’ont fait par
le passé.
L’autre grande question est : Mitch
jouera-t-il sur cet album et a-t-il
participé à l’écriture ? (Ndlr :
Harris a cédé sa place sur scène
à John Cooke du groupe Corrupt
Moral Altar depuis 2014 afin
de résoudre des problèmes
familiaux. Il est néanmoins tou-
jours membre officiel de Napalm
Death).
Absolument, Mitch jouera sur cet
album. Il est censé enregistrer ses
guitares au mois de mai. En termes
de compositions, il y aura ci et là
quelques-unes de ses idées, mais
bien moins que sur nos précédents
albums. Néanmoins, je ne m’inquiète
pas car il a un son et un jeu si person-
nels qu’une fois passé entre ses
mains, n’importe quel riff pourrait
sonner comme quelque chose qu’il a
lui-même écrit.
Comment va-t-il ? Peut-on espérer
le revoir à vos côtés sur scène un de
ces jours ?
Il va très bien, il est en bonne santé.
Je l’ai justement eu au téléphone la
semaine dernière. Et non, il n’est
pas malade, n’a pas eu de deuil
autour de lui, etc. Il s’est juste un
beau jour retrouvé à devoir de toute
urgence gérer des choses qui étaient
incompatibles avec notre planning de
tournée qui est très chargé. Je ne
désespère pas de le voir un jour
réintégrer le groupe. Il sait que la
porte est grande ouverte, mais je
n’en sais pas plus que toi à ce sujet.
Mitch est un frère, tu sais, et il le
restera toujours. Nous sommes si
proches depuis si longtemps… Et
nous avons eu beaucoup de chance
de pouvoir lui trouver un remplaçant
en la personne de John, qui est un
excellent guitariste et humainement
quelqu’un de très bien.
Comme tu le soulignes, votre
planning de concerts est toujours
hyper chargé. Pourtant, dès que tu
as un peu de temps libre, tu le
consacres à l’un de tes projets
parallèles (Brujeria, Lock Up,
Venomous Concept…). D’où vient
cette boulimie ?
(Rires) Ma femme n’arrête pas de
dire que je suis fou ! Les Brujeria
sont des amis de longue date (Ndlr :
Shane y joue de la guitare et de la basse
sous le pseudonyme de Hongo depuis
1989) et jouer dans ce groupe s’appa-
rente un peu à des vacances. J’étais
encore en studio à Los Angeles avec
eux la semaine dernière. Lock Up et
Venomous Concept sont très cools
eux aussi. Il y a une vraie dimension
amicale dans tous ces groupes, et j’y
consacre le temps que je peux, mais
il est vrai que ça devient de plus en
plus compliqué. Chaque groupe
représente l’une de mes facettes
musicales, mais je fais aussi des
choses tout seul, des démos, etc. Dans
mon travail en solitaire, je compose
des choses très sombres, un peu dans
l’esprit de Coil, parfois aussi des titres
qui lorgnent vers Cocteau Twins,
voire carrément progressifs et barrés
dans l’esprit de Cardiacs. La musique
est un tel espace de liberté pour moi
qu’il m’est impossible de faire sans.
Tu as peut-être entendu parler de
Tronos, mon projet commun avec
Russ Russell ? Il s’agit de doom
planant et très sombre. Notre
premier album sort dans les mois
qui viennent. Il devrait y avoir pas
mal d’invités dessus, mais je ne
peux pas encore dire de qui il
s’agit, désolé (Ndlr : Sous la torture,
les noms de Billy Gould/Faith No
More, Troy Sanders/Mastodon et
Daniel Mongrain/Voïvod semblent se
préciser).
Tu es très actif sur les réseaux
sociaux. Quiconque est abonné
à ta page Facebook connaît
depuis longtemps toute ta
famille, mais aussi ton goût
prononcé pour la bouffe (il éclate
de rire). Alors, selon toi qui
arpente le monde entier à longueur
d’années, où trouve-t-on les
meilleures tables ?
J’adore la cuisine italienne et la
cuisine japonaise. Il y a tant de
choix dans ces deux types de
gastronomie qu’on n’a jamais l’im-
pression de manger deux fois la
même chose. Et comme tu as dû le
voir, mon épouse est japonaise.
Alors, même lorsque je rentre à la
maison, la nourriture asiatique est
toujours au menu. Ceci dit, j’essaie
vraiment de me calmer un peu. Avec
l’âge et le mode de vie assez intense
que nous avons, faire attention à
soi devient malheureusement une
condition sine qua non si tu veux tenir
le coup. La bouffe est mon péché
mignon, mais si je veux continuer à
en profiter, il me faut impérativement
réduire les quantités et faire gaffe au
gras.
Last but not least : Slayer vient
d’annoncer sa retraite imminente.
Imagines-tu Napalm Death faire de
même à plus ou moins long terme ?
Pas vraiment, non. Il est très probable
que nous levions le pied sur les
concerts un jour ou l’autre afin de
ménager la machine car ces dernières
années nous avons pas mal tiré sur la
corde, mais je ne nous vois pas prendre
notre retraite. Et si, dans le pire des
cas, nous ne pouvions plus faire de
scène, nous ne pourrions jamais cesser
d’écrire de la musique et de sortir
des albums. Ça, c’est une certitude
absolue. Je crois que je continuerai à
composer jusqu’à mon dernier souffle.
C’est absolument vital. Y
De g. à d. : Kieron Conroy, Rich Moss, Robyn Haycock & Chris Davis

Propos recueillis par Morgan Rivalin - Interview réalisée le 08 février 2018 à Paris
Amateurs de rock/hard à la Nickelback/Shinedown, vous pourriez bien craquer pour Ain’t Always Easy de Stone Broken.
Pratique : le groupe ne vit pas outre-Atlantique, mais de l’autre côté de la Manche. Nous avons retrouvé son chanteur/guitariste
Rich Moss… à Paris !
Rock Hard : Comment Stone Broken Birmingham et de tourner partout au Votre fan-club se nomme la Broken Ce fut très différent car All In Time
est-il né ? Royaume-Uni. Army. Clin d’œil à... avait été peaufiné pendant plus
Rich Moss : Robyn (Haycock/batterie) Kiss, bien sûr ! Ce sont nos fans qui d’une année. Cette fois, nous n’avons
et moi l’avons fondé il y a environ Quels sont les moments forts de ont choisi ce nom. Une autre proposition eu que six semaines en tout et pour
quatre ans. Nous jouions dans un votre carrière à ce jour ? était The Stoners, mais ça aurait fait tout. Nous en avions prévu douze,
autre groupe avant, jusqu’au décès Sans hésiter, le Download Festival de un peu « enfumé » pour nous ! mais la proposition de la tournée
de notre guitariste. L’alcoolisme a eu Castle Donington, en juin dernier, européenne de Glenn Hughes est
raison de lui alors qu’il avait seulement parce que c’est un festival énorme, Vous venez des environs de arrivée. Impossible de ne pas la faire,
27 ans... Ça m’a éloigné de la musique mais aussi parce que le site est Birmingham, mais beaucoup de gens même si ça signifiait que la moitié
pendant des années. Mais voilà : j’étais mythique. Je pense aussi au festival doivent vous croire Américains, du temps allouée à l’album allait
terriblement frustré. J’étouffais vrai- Ramblin’ Man où nous avons eu n’est-ce pas ? s’envoler. Comme Glenn, notre
ment dans mon quotidien d’employé l’honneur de jouer sur la scène Oui, on nous le dit souvent. Quand guitariste Chris (Davis) vient de
de bureau. Robyn et moi avons donc principale quelques heures avant nous sommes en première partie, le Cannock. Il n’aurait pas supporté !
repris un local de répétitions, juste ZZ Top. Je retiens également notre public qui nous découvre pense que (sourire) J’ai démissionné de mon taf
pour le plaisir. Nous avons passé tournée européenne avec Glenn nous sommes Américains jusqu’à ce que et nous sommes partis dans la foulée.
un an à écrire, puis à réécrire les Hughes et nos concerts avec Cheap je prenne la parole ! (rires) Ce n’est Stylistiquement, je trouve que Ain’t
chansons de notre premier EP (The Trick, ou encore aux côtés de Living pas calculé. Nous sommes simplement Always Easy s’inscrit dans la lignée
Crow Flies/2014) et avons eu la Colour. De façon plus générale, influencés par beaucoup de groupes de All In Time, mais avec des titres
chance qu’il trouve son public, mais nous pouvons être heureux d’avoir rock US comme Shinedown, Alter plus dynamiques.
c’est notre premier album (All In réussi à nous faire repérer alors que Bridge, Skillet, Halestorm, etc.
Time/2016), entièrement autoproduit, nous sortions nos disques tous seuls, Vois-tu « Let Me See It All » comme
qui a changé la donne. Plusieurs dans notre coin. C’est ça, pour le Difficile également de ne pas penser votre « Girls, Girls, Girls » (Mötley
extraits sont passés sur des radios moment, notre plus belle réussite ! à un groupe canadien : Nickelback. Crüe) ?
nationales britanniques et nous Nous la devons à notre travail car Une influence revendiquée ? (Rires) Nous avons sciemment cherché
avons pu nous produire sur les nous bossons énormément pour ce Oui, nous les écoutons aussi. Je pense à composer une chanson pour strip-
scènes de festivals prestigieux. groupe, mais aussi à nos fans, qui que la comparaison est surtout liée à teaseuses, je l’avoue ! Ce morceau
Tout ça nous a permis de ne plus sont très organisés. Ils nous aident ma voix. C’est marrant, les gens possède un double niveau de lecture
nous cantonner aux environs de beaucoup. prennent souvent des pincettes quand car ses textes parlent d’un addict
ils me parlent de Nickelback. Ça cherchant à satisfaire son manque,
GENRE SITE INTERNET donne : « Ne le prends pas mal, mais je mais le côté « enlève tes vêtements »
. Rock/metal alternatif trouve que vous sonnez un peu comme du morceau est tout aussi intéres-
www.stonebroken.com
Nickelback... » (rires) Hé, être comparé sant... (sourire) C’est d’ailleurs la
LE GROUPE
ALBUMS à un groupe qui a écoulé des millions carte que nous jouons en live : nous
. Rich Moss (chant, guitare) . The Crow Flies (EP – 2014) d’albums dans le monde, ça me va ! diffusons une intro/medley de
. Chris Davis (guitare) . All In Time (2016)
. Ain't Always Easy (2018) « Cherry Pie » (Warrant), « Girls,
. Kieron Conroy (basse) Comment avez-vous abordé Ain’t Girls, Girls » et « Pour Some Sugar
. Robyn Haycock (batterie) ARTICLE RH Always Easy, votre premier album On Me » (Def Leppard) dans la
RH N°185 publié par le label de premier plan sono, histoire de faire monter la
qu’est Spinefarm ? température ! Y

75
 THERION – IMPERIAL AGE – NULL POSITIV – MIDNIGHT ETERNAL
LE 16 FEVRIER 2018 A PARIS (TRABENDO)
Imperial Age
Il n’est que 17h40 lorsque Midnight Eternal débute
sa prestation. Si la musique du groupe new-yorkais
n’est pas désagréable, on ne saurait en dire autant
de la voix de sa chanteuse Raine Haili, nasillarde et
crispante. Rien à voir avec celle d’Eli Berlin, la front-
woman de Null Positiv, qui alterne avec brio entre
douce voix claire et chant extrême puissant. Nous
serions tout de même curieux de savoir comment le
quatuor allemand s’est retrouvé sur cette tournée,
son rock/néo metal moderne sans imagination
détonnant vraiment avec le reste de l’affiche !
Découvert en première partie de Therion lors de son
précédent passage au Trabendo, Imperial Age est
un sextet russe qui compte en ses rangs un chanteur
(le compositeur et leader Alexander Osipov, reluisant
dans sa tenue d’officier) et deux chanteuses lyriques.
Servie par un très bon son et menée tambour battant,
la prestation s’avère franchement plaisante (comment
résister à l’exaltant « Anthem Of Valour » ?). Le
« Therion Russe », s’il n’évite pas l’écueil du kitsch,
a beaucoup gagné en professionnalisme et mérite
d’être suivi de près. En décembre 2013, Christofer
Johnsson (guitariste, compositeur et tête pensante
de Therion) soumettait au public français quelques
Therion
extraits de son fameux opéra rock,
cTheme Of Antichrist
que les fans désespéraient de voir
cThe Blood Of Kingu
publié un jour. Pourtant, c’est un extrait cDin
de ce fameux Beloved Antichrist cBring Her Home
(dans les bacs depuis deux semaines) cNight Reborn
qui ouvre la soirée ! Aux côtés du cNifelheim
chanteur Thomas Vikström et de sa fille cGinnungagap
Linnéa, qui se frotte au chant extrême cTyphon
avec plus ou moins de succès selon les cTemple Of New
morceaux (l’agressif « Din » n’est Jerusalem
guère convainquant dans cette confi- cAn Arrow From
guration), on retrouve la soprano The Sun
Chiara Malvestiti, éblouissante du début cWine Of Aluqah
à la fin du show (« Ginnungagap », cLemuria
l’émouvant « Lemuria »). Le son est cCults Of The Shadow
d’une parfaite netteté, ce qui permet cThe Khlysti
d’apprécier les cinq extraits de Evangelist
l’opéra (généralement précédés d’un cMy Voyage Carries On
cThe Invincible
mot d’introduction des vocalistes),
cDer Mitternachtslöwe
plus puissants et convaincants sur cSon Of The Staves
scène que leurs pendants studio. Si Of Time
des classiques de la trempe de « Cult cRise Of Sodom And
Of The Shadows » déchaînent le Gomorrah
public, c’est un plaisir de retrouver cTo Mega Therion
des titres moins évidents, dont deux
extraits du progressif Gothic Kabbalah (2007).
Etincelant dans son habit d’or, Johnson, comme de
coutume, prend la parole en prélude à « To Mega
Therion », dédiant le morceau à France Gall : « Où
qu’elle soit, au paradis ou en enfer, je veux qu’elle
puisse vous entendre chanter ! » En dépit des récla-
mations de l’audience, « Les Sucettes », qui aurait
pourtant été de circonstance, ne sera pas interprété.
Ce n’en fut pas moins un très bon concert – un de
plus à mettre à l’actif de Therion !
FRANÇOIS BLANC
Photos : Nidhal Marzouk

DROPKICK MURPHYS – FLOGGING MOLLY – GLEN MATLOCK

LE 17 FEVRIER 2018 A PARIS (ZENITH)
Depuis 2010, les Parisiens peuvent
régulièrement s’attendre à voir leur
hiver égayé par un passage de Dropkick
Murphys. Et depuis 2013, c’est le Zénith
qui accueille le gang de Boston qui,
cette année, s’y produit deux fois en
deux jours ! Seul avec sa guitare, Glen
Matlock, bassiste original des Sex
Pistols, nous conte quelques anecdotes
et puise majoritairement dans un réper-
toire issu des années 70 et 80 (« Ambi-
tion », écrit en compagnie d’Iggy Pop).
L’accueil du public est poli, mais n’a
rien à voir avec le triomphe que reçoit
Flogging Molly, « l’autre » référence ab-
solue du punk celtique. Dès les pre-
mières notes de « Drunken Lullabies »,
tout le monde (ou presque) se lève et la
salle s’enflamme ! Il faut dire que les
sept musiciens sont en forme olympique
et que les allocutions du chanteur
Dave King (ex-Fastway) sont toujours
aussi savoureuses (« Comme je le disais
à Jimmy Page hier soir, je dois une fière
chandelle à Paris : j’y ai demandé ma
femme en mariage il y a douze ans ! »
s’exclame-t-il en désignant la violoniste
Bridget Regan). Si la fête bat son plein
avec des titres comme « The Hand Of
John L. Sullivan » ou « Devil’s Dance
Floor », « Float », dédié aux familles
des victimes de la tragédie du Bataclan,
est joué de façon plus dépouillée. Le
classique « The Seven Deadly Sins » clôt à la
Dropkick Murphys perfection ce concert qui n’a pour seul défaut
cThe State Of que de trop ressembler à celui de la veille.
Massachusetts Ce n’est pas le cas de Dropkick Murphys, qui
cThe Boys Are Back a fait l’effort de concocter deux sets très
cThe Gang's All Here complémentaires : « Nous allons interpréter
cSunday Hardcore 24 chansons ce soir, dont seize différentes
Matinee d’hier ! » annonce le bassiste, chanteur et
cThe Warrior's Code membre fondateur Ken Casey. Une véritable
cGoing Out In Style aubaine pour les fans ! Le show du soir
cBlood s’avère étonnamment old-school, le septuor
cBuried Alive honorant même son tout premier opus Do Or
cThe Outcast Die (1998) lors d’un medley de quatre titres.
cI Had A Hat Si la fosse se fait un plaisir de reprendre en
cBarroom Hero/Do Or
chœur les classiques récents et plus mélo-
Die/Never Alone/Boys
diques que sont « Rose Tattoo » et « Blood »,
On The Docks
cThe Fields Of Athenry
dont le texte s’affiche à l’écran, les chansons
(Pete St. John) plus rapides et nerveuses génèrent une
cForever ambiance explosive (il y a même un wall of
cCaptain Kelly's Kitchen death sur « Going Out In Style »). Moment de
cJimmy Collins' Wake répit et d’émotion, « Forever » est dédié « à
c(F)lannigan's Ball ceux qui nous ont quittés », trois musiciens
cCurse Of A Fallen Soul du groupe ayant perdu un membre de leur
cRose Tattoo famille au cours de ce cycle de tournée.
cPrisoner's Song L’énorme fête celtique se termine sur le
cCaught In A Jar doux amer « Until The Next Time », dont les
cJohnny, I Hardly Knew Ya paroles d’adieu s’avèrent parfaitement
cOut Of Our Heads appropriées et qui voit nombre de specta-
Rappel : trices rejoindre le groupe afin de danser
cI'm Shipping Up To sur scène. Une clôture appropriée à cette
Boston formidable célébration !
cUntil The Next Time
FRANÇOIS BLANC
Photo : Marc Villalonga

76
 ACCEPT – NIGHT DEMON
LE 1 FÉVRIER 2018 A PARIS (ÉLYSÉE MONTMARTRE)
er

Accept
cDie By The Sword
cStalingrad
cRestless And Wild
cLondon Leatherboys
cBreaker
cThe Rise Of Chaos
cKoolaid
cNo Regrets
cAnalog Man
cFinal Journey
cShadow Soldiers
c(Solo de guitare)/
Boléro (Maurice Ravel)
cNeon Nights
cPrincess Of The Dawn
cMidnight Mover
cUp To The Limit
cObjection Overruled/
(Duel guitare & basse)
cPandemic
cFast As A Shark
Rappel :
cMetal Heart
cTeutonic Terror
cBalls To The Wall

Nous retrouvons ce soir Accept dans un Elysée Montmartre
où il ne s’est plus produit depuis 2011, quelques semaines
seulement avant l’incendie qui ravagea la salle de concert.
Les Californiens de Night Demon, qui ouvrent le bal,
enchaînent pas moins d’une douzaine de roquettes extraites
de leurs deux albums, Curse Of The Damned (2015) et
Darkness Remains (2017). Certes, le guitariste Armand
John Anthony n’est pas Joe Satriani, et Jarvis Leatherby,
chanteur/bassiste qui se produit également en concert
avec Jaguar, n’est pas Ronnie James Dio, mais l’efficacité
du power trio heavy metal n’est jamais prise en défaut.
L’infatigable Dusty Squires (batterie) insuffle une sacrée
dose d’énergie à ces morceaux évoquant régulièrement
Iron Maiden (« Black Widow »), voire Diamond Head
(« Screams In The Night »). La Mort, qui débarque en chair
et (surtout) en os sur « The Chalice », est certes très cheap,
mais cette prestation qui respire la passion et la sincérité
marque des points auprès du public, et pas seulement
quand la bande rend un bel hommage à Fast Eddie Clarke
(récemment disparu), Lemmy Kilmister et Philthy Animal
Taylor, le classic line-up de Motörhead, en propulsant un
extrait du mythique « Overkill ». Le très bon concert du
Trianon de décembre 2015 étant encore dans toutes les
mémoires, les fans d’Accept ont hâte de prendre une dose
« XL » de leur groupe préféré. Rappelons que la dernière
prestation parisienne du groupe, en janvier 2017 à l’Olympia,
fut fort courte car la légende allemande n’était « que » la
première partie de Sabaton... Depuis, Accept a publié The
Rise Of Chaos, quinzième album (le quatrième chanté par
Mark Tornillo) dont un extrait ouvre logiquement ce set
(« Die By The Sword »). D’emblée, le public en prend plein
les mirettes. Un backdrop extra-large couvre le fond de
scène, des portes métalliques du plus bel effet trônent
sur les planches, la batterie est bien surélevée et des
promontoires permettent à Wolf Hoffm… euh, aux musiciens
d’être encore plus visibles. Chose rarement vue à l’Elysée,
deux projecteurs (des poursuites, comme on dit) sont
également actionnés depuis le balcon de la salle. Impossible
de manquer une miette de l’action ! Si le volume sonore est
très (trop) fort, la mise en son est de qualité et l’efficacité
allemande vient tout laminer. Un concert lancé avec « Sta-
lingrad », « Restless And Wild », « London Leatherboys »
et « Breaker » est forcément placé sur de très bons
rails, ce qui motive la salle à donner de la voix. Dans ce
domaine, on a connu Mark Tornillo en meilleure forme, le
chanteur semblant un peu s’économiser sur cette quin-
zième date d’une tournée qui en compte encore treize.
Heureusement, ses camarades lui prêtent toujours main
forte sur les chœurs et refrains, y compris Christopher
Williams, pas le dernier à pousser la chansonnette derrière
son kit de batterie. Seul point faible de ce set des « Teutons
flingueurs », Accept regroupe trop de nouveaux titres
dans ce qui s’avère le ventre mou de ce concert. « The Rise
Of Chaos » (introduit par des sirènes et gyrophares ad
hoc), « Koolaid », « No Regrets », « Analog Man » (et
même « Final Journey », du récent Blind Rage/2014) : it’s
a bit strong... Pourquoi ne pas panacher ces compos, tout
à fait valables par ailleurs, avec d’anciens titres connus de
tous ? Ce constat ne s’applique toutefois pas au très bon
« Shadow Soldiers », un morceau de 2012 qui fait déjà
figure de classique (et que l’Américain Tornillo dédie aux
« militaires qui, aux quatre coins du monde, se battent
pour notre liberté »). Comme d’habitude, Wolf Hoffmann
(guitare) prouve son amour de la musique (néo)classique
en interprétant un air du « Boléro » de Ravel qui figurait
déjà sur son album solo de 1997 (Classical) avant que la
salle ne semble téléportée dans les années disco quand
une boule à facettes entre en piste (« Neon Nights »). Suit
une sacrée flopée de pépites : « Princess Of The Dawn »,
repris à gorges déployées par un public bien échauffé et
harangué à souhait, « Midnight Mover », « Up To The
Limit » ou encore « Objection Overruled » et son « duel » entre
Hoffmann et l’excellent Peter Baltes (basse). « Pandemic »
n’est pas en reste, ce titre de Blood Of The Nations (2010)
étant doté d’un superbe solo et d’un final du feu de Dieu,
et « Fast As A Shark », toujours introduit par le fameux
« Heidi, Heido, Heida » issu du folklore, vient mettre tout le
monde d’accord. Le rappel tape tout aussi fort, « Teutonic
Terror » (encore un autre classique récent !) collant aux
basques d’un « Metal Heart » introduit par des lumières
grandioses. Sans surprise, l’incontournable « Balls To The
Wall » vient alors refermer ce gros concert de deux heures
de toute beauté, non sans que le quintet, qui en connaît
un rayon en matière de mouvements chorégraphiés, ne
nous livre une dernière salve de moulinets synchronisés.
La bande prend congé en n’oubliant pas de nous donner
rendez-vous au Hellfest en juin. Nouveau carton en vue
sur la Main Stage 1 !
MORGAN RIVALIN
Photo : Nidhal Marzouk

77
 Etiez-vous à l’Elysée-Montmartre le premier week-end d’avril

CRADLE OF FILTH – MOONSPELL

2005 ? Si oui, nous en déduisons que vous avez déjà assisté
aux deux concerts évènementiels associant ces grandes figures
du metal gothique extrême (au sens large du terme) des années
90, Moonspell et Cradle Of Filth ! Depuis, les formations, qui
LE 19 FEVRIER 2018 A PARIS (MACHINE DU MOULIN ROUGE) se connaissent et s’apprécient depuis de longues années, ont
sillonné les USA ensemble. C’est un plaisir de les retrouver en
Cradle Of Filth Europe, d’autant que chaque groupe dispose d’un temps de
cAve Satani (intro) jeu adéquat. Il est assez satisfaisant, pour une fois, de ne pas
cGilded Cunt avoir un plateau de quatre combos et un concert qui débute à
cBeneath The Howling Stars 16h30 ! Ainsi, l’audience est déjà installée et prête à en découdre
cBlackest Magick In Practice lorsque Moonspell débute son set à 19h40 pétantes. Vêtu d’un
cHeartbreak And Seance long manteau, un chapeau vissé sur le crâne et une lanterne à
cBathory Aria la main, le charismatique chanteur Fernando Ribeiro s’avance
cDusk And Her Embrace lentement et commence à susurrer le texte inquiétant de « Em
cThe Death Of Love Nome Do Medo », introduction du nouvel opus du groupe,
cYou Will Know The Lion l’historique 1755 (qui, pour rappel, se concentre sur les trem-
By His Claw blements de terre survenus à Lisbonne durant cette fameuse
Rappel : année et les conséquences du drame sur la population). Passé
cThe Promise Of Fever cette introduction théâtrale du plus bel effet, les autres
cNymphetamine (Fix)
membres de la troupe entrent à leur tour pour interpréter la
cHer Ghost In The Fog
seconde partie du morceau façon metal (comme sur l’album
cBorn In A Burial Gown
Alpha Noir). Fernando prend alors la parole en français (ce qu’il
fera durant l’intégralité du set, avec un bel accent chantant) et
nous souhaite la bienvenue en 1755. Il faut dire que le douzième
album est très largement représenté, pas moins de sept extraits
sur dix étant joués sur cette tournée. Si certaines compositions
ont tendance à nous laisser de marbre (« Evento »), il faut
reconnaître qu’un effort supplémentaire de mise en scène a été
effectué pour donner vie au concept : Fernando se cache
derrière un masque de médecin de la peste revisité façon
steampunk sur « 1755 », brandit une croix dont s’échappent
deux rais de lumière rouge sur l’efficace et dramatique « Todos
Os Santos », fait trembler sa lanterne sur « Evento »… On note
aussi une participation plus active de l’unique guitariste Ricardo
Amorim aux voix claires (Pedro Paixão étant toujours caché
derrière son clavier orné de tuyaux d’orgues), qui a d’ailleurs
coupé ses cheveux depuis la dernière tournée. Si les nouveaux
morceaux fonctionnent assez bien, les classiques que sont
« Night Eternal » (« La nuit est à nous car la nuit est éternelle »),
« Opium » et l’imparable duo final « Alma Mater/Full Moon
Madness » recueillent tous les suffrages. En dépit d’un son
inégal (la guitare n’était pas toujours distincte), le quintet
portugais a convaincu une très large frange du public.
Si Cradle Of Filth ne jouit plus de l’aura mystérieuse qui
l’enveloppait à la fin des années 90, la bande à Dani, dont les
deux derniers opus ont recueilli de nombreux suffrages, peut
toujours compter sur le soutien inconditionnel des nostalgiques
et sur l’enthousiasme de fans nouvellement conquis. Certes, on
sent bien que quelques spectateurs ne sont venus que pour
Moonspell, mais la fosse réagit tout de même avec passion aux
premiers riffs du musclé « Gilded Cunt ». « Nous sommes ce
rebut d’infamie qui se cache sous le nom de « berceau de la
crasse » » déclare le leader sans sourire en prélude à « Blackest
Magick In Practice ». Il est d’ailleurs amusant de constater le
décalage entre l’attitude, toujours volontairement hautaine,
froide et renfrognée de Dani, et le plaisir visible que prend
la chanteuse et claviériste canadienne Lindsay Schoolcraft
lorsqu’elle assure ses parties. De leur côté, les deux guitaristes
se montrent généralement inexpressifs au possible, même si
les acrobaties qu’assure Richard Shaw sur le manche témoignent
de son impressionnant bagage technique. « Cette année marque
les vingt ans de Cruelty Of The Beast, ce qui confirme que je
suis vraiment putain de vieux. Nous dédions ce prochain titre
à Fred Leclercq de Dragonforce ! » Si la réédition de cet album
culte se fait actuellement attendre, c’est un plaisir de savourer
les trois parties consécutives de l’ambitieux « Bathory Aria »,
dont la première interprétation scénique ne remonte qu’à
2017. Satisfait de l’accueil reçu, Dani, dont les gimmicks prêtent
toujours autant à sourire (cette façon d’annoncer les titres, avec
une alternance entre voix death putride et cris aigus façon
Moonspell « crissement de pneu » !) se lâche et va même jusqu’à raconter
quelques anecdotes (dont une allusion à son arrestation par la
cEm Nome Do Medo police en Alsace, dont il ne garde que peu de souvenirs, soirée
c1755 arrosée oblige). Si le son n’est pas toujours au top et que certaines
cIn Tremor Dei parties sont un peu confuses d’un point de vue rythmique
cDesastre (défaut récurrent des vampires anglais depuis de longues
cNight Eternal années), le public se régale des rappels mélodiques que sont
cRuínas « Nymphetamine (Fix) » et l’incontournable « Her Ghost In The
cOpium Fog », que Dani incite à reprendre en chœur. Belle soirée en
cEvento somme, même si nous aurions préféré entendre davantage de
cTodos Os Santos
classiques de la part de Moonspell.
cAlma Mater
FRANÇOIS BLANC
cFull Moon Madness
Photos : Nidhal Marzouk

79
 PLAYLISTS
CHARLELIE ARNAUD
1. NAPALM DEATH – Coded Smears And More
Uncommon Slurs
2. THE WITCH – Lost At Sea
3. GAIDEN – Once Upon A Joke
4. ABDUCTION – A L'Heure Du Crépuscule
5. SCARLEAN – Ghost
STEPHANE AUZILLEAU
1. GRETA VAN FLEET – From The Fires
2. BLACK MAMBA – Heritage
3. KINO – Radio Voltaire
4. JUDAS PRIEST – Firepower
5. BLUE ÖYSTER CULT – Fire Of Unknown
Origin
BENJI
1. JUDAS PRIEST – Firepower
2. RICK PARFITT – Over And Out
3. WISHBONE ASH – Four
4. WISHBONE ASH – Argus
5. DEATH ALLEY – Superbia
FRANCOIS BLANC
1. KAMELOT – The Shadow Theory
2. KHÔRADA – Salt (advance CD)
3. PRIMORDIAL – Exile Among The Ruins
4. DIMMU BORGIR – Abrahadabra
5. SEPULTURA – Roots
DJUL
1. LEGEND OF THE SEAGULLMEN – Legend
Of The Seagullmen
2. HOWLING SYCAMORE – Howling Sycamore
3. BETWEEN THE BURIED AND ME –
Automata, Part I
4. BARREN EARTH – A Complex Of Cages
5. KINO – Radio Voltaire
GUILLAUME FLEURY
1. MELTED SPACE – Darkening Light
2. PRIMORDIAL – The Gathering Wilderness
3. OPETH – Blackwater Park
4. SATURNUS – Veronika Decides To Die
5. AURI – Auri
VANESSA GIRTH
1. CARPENTER BRUT – Leather Teeth
2. GHOST – Ceremony And Devotion
3. HANGMAN’S CHAIR – Banlieue Triste
4. DEATH ALLEY – Superbia
5. MINISTRY – AmeriKKKant
EMMANUEL HENNEQUIN
1. ERYN NON DAE. – Abandon Of The Self
2. CRIPPLED BLACK PHOENIX – Horrific
Honorific
3. MEMORIAM – The Silent Vigil
4. OCTOPUS – Supernatural Alliance
5. NO ONE IS INNOCENT – Frankenstein
PHILIPPE LAGEAT
1. HANGMAN’S CHAIR – Banlieue Triste
2. CARPENTER BRUT – Leather Teeth
3. THE DAMNED – Evil Spirits (advance CD)
4. JUDAS PRIEST – Firepower
5. RICK PARFITT – Over And Out
MORGAN RIVALIN
1. DEATH ALLEY – Superbia
2. DIMMU BORGIR – Eonian (advance CD)
3. DEVOID – Cup Of Tears
4. BETWEEN THE BURIED AND ME –
Automata I
5. LEGEND OF THE SEAGULLMEN – Legend
Of The Seagullmen
MARC VILLALONGA
1. TRIBULATION – Down Below
2. MINISTRY – AmeriKKKant
3. CORROSION OF CONFORMITY – No Cross
No Crown
4. MICHAEL SCHENKER FEST – Resurrection
5. PHIL CAMPBELL AND THE BASTARD SONS
– The Age Of Absurdity
80
AURI
Auri
(Nuclear Blast/PIAS)
Rock atmosphérique
Sortie : 23.03.2018
Tuomas Holopainen nous l’avait confié
lors de notre dernier entretien, il y a de
cela un peu plus d’un an : la pause sab-
batique prise par Nightwish en 2017
allait lui permettre de recharger des bat-
teries créatives totalement vidées en se
concentrant sur tout autre chose que la
musique, et notamment l’élevage de ses
chevaux. Mais il est bien connu qu’un
artiste, aussi déterminé soit-il à prendre
du recul, ne sait résister à l’appel de son
expressivité (après tout, lorsqu’on a
passé plus de vingt ans à ne se concen-
trer que sur cela, sait-on encore exister
autrement que par la musique ?). Il
n’aura donc pas fallu plus de quelques
mois au compositeur finlandais pour
retrouver ses claviers, même s’il s’agit,
pour la première fois depuis la création
de Nightwish, d’un véritable effort colla-
boratif, mené aux côtés de sa femme, la
chanteuse Johanna Kurkela, et de son
compère « de groupe », le multi-instru-
mentiste et chanteur Troy Donockley. En
effet, là où l’excellent album solo Music
Inspired By The Life And Times Of
Scrooge (2014), que votre serviteur
considère comme l’un des tous meilleurs
travaux de la carrière du compositeur,
était entièrement chapeauté par ce der-
nier, de la musique aux textes, ce pre-
mier effort d’Auri l’a vu partager l’écri-
ture de la musique et des textes avec ses
camarades. Et contrairement à l’effort
solo précité, la patte si caractéristique
d’Holopainen n’est pas si marquée, Auri
se révélant franchement éloigné des
atmosphères proposées jusqu’ici par le
maestro, même si une saveur « bande
originale de film » trahissant sa passion
pour des compositeurs comme Dany
Elfman (« Savant ») est palpable en plu-
sieurs occasions. En vérité, le plus désta-
bilisant ici est d’avoir la sensation de
découvrir une œuvre enregistrée sans la
moindre idée directrice précise, comme
une immense improvisation qui voit s’en-
chaîner ambiances folk, pop, world
music et expérimentations incongrues
(nous évoquions les chevaux de Tuomas,
eh bien, sachez que l’un d’entre eux
signe une partie de claviers sur cet
album, si, si ! Plus d’infos dans notre
interview le mois prochain !) pour un
rendu global assez minimaliste. Un tra-
1 - 3 = naze / 4 - 6 = moyen / 7 - 8 = bon / 9 - 10 = génial !
MON ALBUM DU MOIS par STEPHANE AUZILLEAU
BLACK MAMBA
Heritage
(Doweet)
Hard rock
Sortie : déjà disponible
On dit souvent que les goûts et les
couleurs ne se discutent pas, mais la
pochette de cet Heritage est quand
même particulièrement vilaine… C’est
dommage car ce premier album des
Italiens est bien plus intéressant que ce
que son emballage laisse supposer. Et,
non, il n’est point question ici de punk
ou de glam rock de bas étage.
D’ailleurs, la musique proposée par ce
trio, composé d’Irma Mirtilla (guitare,
chant), Cecilia Napo (basse) et Federico
Maragoni (batterie), est assez inclassa-
ble, voire indéfinissable. Heritage est le
premier album de ces Transalpins, plutôt
habitués à fouler les planches pour
interpréter des reprises des Red Hot
Chili Peppers, Deep Purple ou Rush, et
les vidéos postées sur leur site montrent
une vraie maîtrise dans ce domaine !
Ces influences diverses ont sans doute
nourri les compositions originales pré-
sentées ici, paradoxalement person-
nelles, groovy (« Loop »), efficaces, avec
une hargne affleurant à chaque instant.
Sur la durée, il est difficile de rappro-
cher cette mixture d’un groupe en par-
vail accompli « sans filet », comme si la
créativité du trio avait été relâchée sans
le moindre contrôle : bref, le contraire
total de ce à quoi sont habitués les fans
de Nightwish, groupe foisonnant de
détails qui ne laisse aucune place au
hasard ! Cette approche laisse parfois
perplexe tant les atmosphères sont ici
différentes, comme si le groupe ne
savait pas lui-même où il voulait aller (et
il s’en moque sûrement, d’ailleurs !).
Disque cathartique très planant et tota-
lement dénué de metal (qui a permis à
Tuomas de s’atteler à la composition du
prochain effort de Nightwish, dont six
morceaux sont déjà écrits), porté par la
voix enchanteresse de Johanna Kurkela,
Auri est assurément un effort agréable,
mais il ne propose pas de grand moment
inoubliable (malgré de très belles atmo-
sphères, notamment « Night 13 » et
« The Name Of The Wind »), là où le pré-
cédent projet « à part » de Tuomas
Holopainen en était truffé, ce qui nous
laisse donc un peu sur notre faim. Un
ticulier : certes, « Lost In Translation »
évoque Rush, mais « Heritage » fait plu-
tôt penser à du Pat Benatar (à noter
qu’Irma a d’ailleurs un timbre de voix
rappelant celui de la divine chanteuse
new-yorkaise, avec ce décroché si carac-
téristique, tout en évoquant également
celui de Sandra Nasic de Guano Apes),
« Never Obey » dégage des effluves de
Guano Apes, « The Lie » est un blues
léger, tandis que « What Is Untold » (en
dépit de son refrain très Benatar lui
aussi) et « The Golden Cat », avec leur
basse très conquérante (vraiment un de
points forts du disque), s’inspirent pro-
bablement des Red Hot. De belles réfé-
rences quand même… Et surtout, le trio
surprend à chaque instant, prenant sou-
dain, au sein même d’un morceau, une
direction inattendue (« Wreckage »)
pour un résultat le plus souvent franche-
ment convaincant. Irma Mirtilla possède
un niveau technique exceptionnel (en
solo comme en rythmique, avec parfois
des petits gimmicks à la Steve Vai du
plus bel effet, comme sur l’excellent
« Pills In The Sun »), de même que sa
collègue bassiste, qui slappe comme
pas une (« Revenge »). Il est un peu
dommage que leur camarade masculin
ait un jeu qui sonne de manière plus
basique. Question de production aussi,
sans doute, car Federico (qui a produit
l’album et a peut-être voulu mettre en
valeur ses camarades) n’a pas l’air
d’être manchot. En dix titres et 42
minutes, Heritage séduit et fait voyager
loin avec ses morceaux à tiroirs fourmil-
lant d’excellentes idées et de passages
prenants. Il faut sans doute que le
groupe creuse maintenant son sillon
dans une voie mieux définie et s’attache
à décocher des refrains imparables,
mais il y a là un gros potentiel, et ce
disque est une vraie bonne surprise qui
STEPHANE AUZILLEAU . . . . . . . . . . .7,5
séduit, y compris sur la longueur.
agréable voyage, quoique difficile à cer-
ner complètement, mais qu’on espérait
plus marquant au regard du potentiel
GUILLAUME FLEURY . . . . . . . . . . . .6,5
des musiciens concernés.
AXEL RUDI PELL
Knights Call
(SPV/Season Of Mist)
Hard rock
Sortie : 23.03.2018
Le temps passe, les modes se sucèdent
et s’éteignent, le monde continue de
tourner, et quelque part en Allemagne,
sûrement perché dans un château aux
tours aussi hautes qu’aucun son autre
que celui de sa guitare ne trouble sa
quiétude, Axel Rudi Pell reste imper-
méable à tout cela. Cela fait 29 ans que
ça dure avec son groupe solo, et même
34 ans si l’on considère qu’Axel et son
fidèle bassiste Volker Krawczak ont tous
deux fait leurs armes au sein de Steeler,
dont le premier opus date de 1984. Une
façon élégante de vous dire que Pell
fait, comme toujours, du Pell, ce qui, sur
le principe, ne nous pose aucun pro-
blème. Mais pour être franc, cette fois-
ci, on s’ennuie un peu à l’écoute de ce
Knights Call. Certes, tous les ingrédients
qui font qu’on respecte et apprécie
l’homme et sa musique sont ici présents.
Il ne manque rien : les titres fleuves aux
longs soli de six cordes (« The Crusaders
Of Doom », « Tower Of Babylon » et sa
plaisante ambiance orientale), le mor-
ceau nerveux du début d’album précédé
de son intro gothique (« The Medieval
Overture » et « The Wild And The
Young »), l’hymne à reprendre à pleins
poumons (« Long Live Rock »), l’indis-
pensable ballade (« Beyond The Light »),
le hard rock pur et dur (« Wildest
Dreams » et sa descente de basse en
introduction qui rappelle celle du
« Black Night » de Deep Purple)… Alors,
à l’exception d’une reprise, exercice
dans lequel Axel s’est souvent illustré
avec brio, toutes les cases habituelles
sont ici cochées. Et il ne fait aucun doute
qu’entre le savoir-faire de Pell et de ses
musiciens confirmés (outre Krawczak, on
retrouve Johnny Gioeli au chant, Ferdy
Doernberg aux claviers et Bobby
Rondinelli à la batterie), l’ensemble tient
la route et ne peut intrinsèquement être
pris en défaut. Mais comme cela peut
arriver avec ce genre d’opus calibré
pour les fans, sans aucune prise de
risque même si l’on adhère à ce style,
lorsque l’inspiration vient à manquer
comme c’est le cas sur ce Knights Call,
on trouve le temps bien long… Avec
cette désagréable sensation d’écouter
des titres interchangeables issus de
n’importe quel autre album enregistré
avec Johnny Gioeli depuis 1998. Les
mauvaises langues diront que c’est déjà
le cas depuis vingt ans… Il n’empêche
que nous avons, en d’autres temps, bien
plus accroché à certains autres des
disques de Pell (à commencer par
l’avant-dernier, Game Of Sins, paru en
2016), certes toujours proches les uns
des autres dans l’esprit, mais parfois tra-
versés de mélodies et de riffs qui font
que nous demeurions touchés par l’ar-
tiste. Ici, seul l’instrumental plutôt
rapide « Truth And Lies », avec ses belles
parties de guitare plus parlantes que
n’importe quelle performance de Gioeli
et d’excellents soli de claviers au son
très Hammond, nous fait vraiment vibrer
et tendre l’oreille. Nous confortant ainsi
dans l’idée que si Pell était capable de
pondre plus souvent ce genre de perles,
nous nous montrerions plus enthou-
siastes. On se revoit en 2020 pour faire
BENJI . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .6
le point…
BETWEEN THE BURIED
AND ME
Automata, Part I
(Sumerian Records/ADA/Warner)
Metal progressif
Sortie : 09.03.2018
Nous avions laissé les Américains de
BTBAM sur un succès, celui de Coma
Ecliptic, un magnifique concept-album
paru en 2015 qui leur avait permis de
parcourir de nouveau la planète, seuls
ou en compagnie de nombreuses forma-
tions (notamment The Devin Townsend
Project et Enslaved), en tête d’affiche ou
lors de festivals (à l’image du Be Prog
My Friend barcelonais). Ce disque a tel-
lement été promu et mis en avant que le
groupe a même réussi à en sortir un
DVD l’an dernier (Coma Ecliptic : Live),
restituant son interprétation intégrale
sur les planches ! Autant dire qu’on en a
« bouffé » de cette histoire de coma, et
que, pour eux comme pour nous, il était
temps de passer à autre chose ! Vu leur
faconde, il n’a pas fallu attendre long-
temps pour voir arriver le nouveau cha-
pitre de leur carrière, et ô « surprise »,
voilà un double album ! Automata paraî-
tra cependant en deux chapitres, le
second étant attendu un peu plus tard
cette année. Notre première crainte, à
titre purement subjectif, était de voir le
groupe, victime d’un retour de balan-
cier, revenir à sa « période Parallax » qui
l’avait vu, en 2011 et 2012, proposer un
EP puis un LP autour d’un même
concept, et durant laquelle il avait sans
doute délivré sa musique la plus com-
plexe et outrancière. Un chapitre qui a
pu parler à certains, mais que nous
étions bien contents de voir se refermer.
La bonne nouvelle (pour nous et non
ceux visés juste avant !), c’est que
BTBAM a plutôt cherché à bâtir sur les
fondations de Coma Ecliptic, conservant
ainsi un certain sens de la concision, des
voix claires bien présentes (même si le
growl fait ici un retour notable), et aussi
cette manière bien à lui de créer des
transitions entre les titres. Cet
Automata, Part 1 est d’autant plus
accessible qu’il dure moins de quarante
minutes, format digeste vu la densité de
notes et de plans à la minute ! Si le pre-
mier extrait dévoilé, « Condemned To
The Gallows », ne révolutionne pas la
formule, on se délecte vite d’une cer-
taine folie qui pouvait manquer à son
prédécesseur. On pense, par exemple, à
cette alternance vocale sidérante sur
« House Organ », sur laquel le chanteur
Tommy Rogers fait étalage de son talent
et ajoute également les sonorités élec-
troniques de ses claviers, prouvant que
son incartade solo sous le pseudo de
Thomas Giles sert aussi sa formation
principale. Et comment ne pas citer
« Yellow Eyes » qui enchaîne, sur neuf

minutes échevelées, des passages vir-
tuoses rappelant le magnifique « Swim
To The Moon » (The Great
Misdirect/2009), des entrelacements de
guitares, marque de fabrique de Paul
Waggoner, avec un pont acoustique très
Opeth et un passage fusion témoin des
influences jazz rock du bassiste Dan
Briggs. L’épique « Millions » dispose
d’un refrain grandiloquent qui lorgnerait
presque du côté de Devin Townsend
avec son riff massif dopé aux synthés qui
laisse la place à un autre, encore plus
entêtant : du grand art dans la composi-
tion ! Même les influences de Dream
Theater, quelque peu laissées au placard
depuis des années, ressurgissent libre-
ment sur le long « Blot » qui, après
quelques intonations indiennes, laisse
les deux guitaristes délivrer des parties
typiquement petrucciennes et autres
unissons instrumentaux. Quant à l’his-
toire développée, on reste ici dans l’ap-
proche « d’anticipation » chère à Rogers,
au sein d’une société qui autorise les
consommateurs à se délecter des rêves
des autres par écran interposé. Avec ce
nouveau succès à son actif, nous n’avons
pas qu’une hâte, mais deux : en décou-
vrir la seconde partie et voir l’ensemble
en concert, BTBAM ayant annoncé un
accompagnement visuel complet sur
DJUL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .8
scène !
CHAOSTAR
The Undivided Light
(Season Of Mist)
Avant-garde/electronica/world music
Sortie : 23.03.2018
Une croyance peut s’être formée chez
les gens hermétiques au rock, au metal,
ou à toutes les formes de musiques
binaires un brin dégénérées : les acteurs
de pareilles créations ne resteraient que
musiciens approximatifs et coupables de
peu d’académisme. Malheureusement
pour les certitudes, l’humanité est un
ensemble complexe, et Christos
Antoniou un exemple non-orthodoxe.
Pilier d’un des combos les plus lourds et
réputés du metal orchestral grec
(Septicflesh), Christos est aussi initiateur
et protagoniste principal de Chaostar,
projet expérimental monté dans les
années 1990. Et ça tient. Chaostar est un
espace de liberté dont Christos ne sau-
rait se défaire, même s’il a pu prendre
quelque pause au gré du parcours. Avec
aujourd’hui à son service la chanteuse de
Septicflesh, à savoir la lyrique Androniki
Skoula (dont la compétence s’est substi-
tuée à celle de Natalie Rassoulis),
Antoniou libère une musique moins
codée et directement physique que celle
issue de sa production metal, mais impo-
sante à sa manière aussi. Les deux uni-
vers sont quasi hermétiques l’un à l’au-
tre : peu de moments, dans la discogra-
phie de l’homme commun aux deux enti-
tés, les ont fait se rejoindre en esprit. Et
sans surprise, ce nouvel opus confirme
l’autonomie artistique de Chaostar : The
Undivided Light reste, après son prédé-
cesseur (réalisé aussi avec Androniki),
dans ce lyrisme étrange et nimbé d’un
82
feeling fantastique. Dans un clair-obscur
permanent, Chaostar pose un paysage
plein de tensions paradoxales et marqué
en même temps par une certaine rete-
nue (« Stones And Dust »). Ancien étu-
diant au London College of Music et
diplômé en musique (master obtenu
sous le tutorat d’Adam Gorb, chef de la
composition au Royal Northern College
of Music), Christos impose une nouvelle
fois une discipline très personnelle en
musique, et en laquelle certains verront
une dimension visionnaire. La technolo-
gie fait partie du voyage (« The
Undivided Light », où les vocalises
d’Androniki prennent une allure à la Lisa
Gerrard) et Chaostar déroule une bande-
son labyrinthique et d’une grande
beauté de forme. Un son énigmatique
EMMANUEL HENNEQUIN . . . . . . . . . . .7
et, surtout, plus original que jamais.
THE CROWN
Cobra Speed Venom
(Metal Blade/Sony Music)
Death thrash metal
Sortie : 16.03.2018
En vingt ans de carrière, The Crown s’est
pas mal emmêlé les pinceaux à force de
changements de line-up, et le beau
départ sur les chapeaux de roues
qu’avait pris le groupe en 1999 s’est ter-
miné sur la bande d’arrêt d’urgence,
avec les feux de détresse et le triangle
rouge réfléchissant cinquante mètres en
amont. Il suffit de faire un micro-trottoir
sur le combo suédois auprès de l’homme
de la rue et de la ménagère de moins de
50 ans : tous ne se souviennent que de
l’excellent Hell Is Here (1999) et, à la
rigueur, de Deathrace King (2000), mais
beaucoup confessent avoir lâché l’affaire
ensuite. Le bref passage de la formation
par la case Century Media s’est avéré si
calamiteux que la réception de Cobra
Speed Venom a provoqué chez votre
serviteur autant d’enthousiasme que la
vue d’une assiette de purée laissée à l’a-
bandon dans un évier pendant trois
jours. C’est dire si la surprise fut de taille
dès les premières notes de « Destroyed
By Madness » ! Intro grandiloquente, et
c’est parti mon kiki (si je puis me perme-
ttre). Frénésie maximale, double grosse
caisse ininterrompue, blasts, Johan
Lindstrand en mode « beuglard », riffs
vicieux et basse claquante : The Crown
tape dans le tas de toutes ses forces
comme un gars qui n’a plus rien à per-
dre. Le retour à la case départ est fla-
MON ALBUM DU MOIS par PHILIPPE LAGEAT
CARPENTER BRUT
Leather Teeth – Original Motion
Picture Soundtrack
(No Quarter Prod/Caroline International)
Darksynth/électro rigolo
Sortie : déjà disponible
Il nous en avait parlé à demi-mot
lorsque nous l’avions interviewé en sep-
tembre dernier alors qu’il assurait la
promotion de CARPENTERBRUTLIVE,
son premier disque « en concert ». Mais
de là à penser que Frank B. Carpenter,
la tête pensante de Carpenter Brut,
nous livrerait du nouveau matériel aussi
rapidement, il y avait un pas… Le gail-
lard a donc surpris son monde en dévoi-
lant sans prévenir (« sans sommations,
ni préliminaires » comme nous assure la
bio avec un bon goût exquis), à ses fans
comme à la presse, ce Leather Teeth (un
hommage au Leatherface de Massacre
A La Tronçonneuse ?) qu’il présente
comme la bande originale d’un film ima-
ginaire sorti en 1987 et dont voici le
synopsis : un geek, Bret Halford (matez
la pochette hyper flashy, vous compren-
drez mieux le clin d’œil à Bret Michaels
de Poison et Rob Halford de Judas
Priest), chahuté par les sportifs de son
lycée, est amoureux d’une pom-pom
girl qui, bien sûr, l’ignore totalement et
n’a d’yeux que pour le quarterback de
l’équipe de foot (un musculeux sans cer-
velle, évidemment). Le gringalet tente
donc, avec son manuel de parfait petit
chimiste, de créer un breuvage qui lui
permettra de tomber les filles. Hélas,
l’expérience foire et notre ami se
retrouve défiguré. Il décide alors de
devenir Leather Teeth, une rockstar qui
chante au sein du groupe Leather
Patrol. Vous l’aurez compris, Bret
Halford est un peu le Peter Parker du
hair metal. Voilà, peu ou prou, l’intrigue
de ces 32 minutes pour huit titres qui
pourraient constituer le premier volet
d’une nouvelle trilogie après celle de
2015 réunissant EP I (2012), EP II (2013)
et EP III (2015). Accompagné, comme
en concert, des deux Hacride que sont
Adrien Grousset (guitare) et Florent
Marcadet (batterie), ici surnommés
Adrian Glitter et Flo Sparkles, Frank B.
Carpenter (oui, c’est un pseudo…)
grant, et heureux. « Iron Crown », avec
son intro keupon, pourrait presque pass-
er pour du Impaled Nazarene ! « We
Avenge ! », au chant scandé et à la ryth-
mique saccadée, a des airs de single
tout trouvé, mais le gros du menu pro-
pose majoritairement de la baston
reprend les choses là où il les a arrêtées,
allant même plus loin encore dans le
délire. Le premier titre, « Leather
Teeth », instrumental démarrant comme
un tube du Depeche Mode cheesy des
débuts, nous emmène en terrain connu,
se transformant rapidement en une
lame de fond (de son) surpuissante,
immédiatement identifiable au style
développé par Carpenter Brut : dark-
synth mixant électro, pop, new wave et
B.O. synthétiques de films d’horreur ou
de SF des années 80. « Sunday Lunch »
ose dégainer un saxo mielleux à la
« Careless Whisper » (George Michael)
sur fond de groove funky quasi thrille-
rien bientôt charcuté par les fulgu-
rances d’un synthé d’un autre temps (au
hasard, les 80’s) et d’une guitare aussi
taquine que pertinente. Mais Carpenter
Brut sait aussi monter le ton et se faire
plus sombre, « carrément méchant
jamais content » (© Alain Souchon) : les
instrumentaux up tempo que sont
« Monday Hunt », « Hairspray
Hurricane » (le nom de ce morceau pro-
pice au headbanging débridé va rendre
les Steel Panther verts de jalousie !) et
« Inferno Galore », tube qu’on croirait
emprunté à la B.O. de Midnight Express
(1978) signée Giorgio Moroder (notam-
ment « Chase »), en sont d’excellents
exemples. Et puis, on aime ce souci du
détail qui tue, à l’instar de cette K7
d’époque qu’on rembobine et qui s’em-
mêle les pinceaux en couinant quand on
la relance (fin de « Leather Teeth »,
début de « Sunday Lunch »).
L’expérience live a également inspiré
Carpenter Brut qui, loin de se cantonner
à de l’instrumental, signe ici deux mor-
ceaux chantés (« Cheerleader Effect » et
« Beware The Beast »), le premier par
Krystoffer Rygg (sur des textes de Yann
Ligner de Klone), le second par Mat
McNerney. Des pseudos, évidemment…
Là, Frank tutoie, sans la moindre
pudeur, l’électro la plus pop en emprun-
tant à la new wave la plus commerciale
des années 80 (OMD, Tears For Fears,
voire un A-ha qui aurait mangé du
Topset, on en passe et des bien pires…
). Vous voyez le topo ? Ajoutez à cela
des nappes de synthé kitsch à souhait,
des intonations à la Billy Idol (« Beware
The Beast »), une pincée de shred façon
Van Halen, des refrains super accro-
cheurs (« running with the devil »), et
vous obtenez là deux « hits de chez
hits », de la tubâsse par boîte de
douze ! I-RRÉ-SIS-TI-BLE ! Un générique
de fin (« End Titles »), et voilà que tu
attends déjà et avec grande fébrilité de
trémousser la liane qui te sert de corps
sur le dancefloor du Hellfest en clôture
du festival. Et tu sais quoi ? Tu as bigre-
ment raison, l’ami, car ici, c’est fun à
PHILIPPE LAGEAT . . . . . . . . . . . . . . . . .8
tous les étages !
sévère (« Cobra Speed Venom »,
« Necrohammer », « Rise In Blood », The
Sign Of The Scythe ») avec, au beau
milieu de tout cela, un instrumental en
forme de power ballad (« Where My
Grave Shall Stand ») qui surprend autant
qu’il ravit. Bref, un carton plein pour cet
album qui nous ramène tout droit à Hell
Is Here, pas moins ! Reste à savoir si The
Crown est à nouveau sur les bons rails
ou s’il s’agit d’un coup de bol (car même
une horloge en panne donne l’heure exacte
deux fois par jour). Nous réserverons
notre verdict sur la durée, mais une
chose est sûre : Cobra Speed Venom est
sans conteste ce que le groupe a fait de
CHARLELIE ARNAUD . . . . . . . . . . . .7,5
mieux ces 18 dernières années.
HEAVATAR
Opus II – The Annihilation
(EarMusic/Wagram)
Power metal
Sortie : déjà disponible
Après avoir assuré la première partie de
Grave Digger en Europe en 2014 et
communiqué sur son changement de
bassiste, Heavatar a observé un silence
inhabituellement long. Ce n’est qu’en
2017 que Facebook nous apprend que
le quatuor prépare activement la suite
de All My Kingdoms. Pour rappel, le pro-
jet mené par le chanteur et guitariste
Stefan Schmidt (tête pensante de Van
Canto) repose sur un concept très claire-
ment défini : mettre en musique la
réponse à une question toute simple :
« Que se passerait-il si Mozart, Chopin,
Beethoven et leurs amis formaient un
groupe de metal ? » Attention, pas
question pour Heavatar de recourir à
des instruments classiques ou à des sam-
ples d’orchestrations dantesques ;
comme son titre l’indique, The
Annihilation propose au contraire un
metal relativement puissant, revendi-
quant l’héritage du heavy traditionnel
(avec quelques touches de thrash en
sous-main), où s’intègrent des mélodies
classiques, reprises à la guitare ou au
chant, plus ou moins habilement fon-
dues et camouflées dans les morceaux.
Bien sûr, on retrouve quelques claviers
épars ci et là (l’introduction de « A
Broken Taboo »), du chant féminin (le
doux et presque folk « An Awakening »)
ou quelques chœurs sur les refrains (le
titre éponyme, qui puise sa ritournelle
chez Beethoven et évoque directement
Van Canto, tant en termes d’arrange-
ments que de mélodies utilisées), mais
cela tient de l’exception. La démarche
d’Heavatar rappelle plutôt celle de
Falconer, qui cachait adroitement des
airs folk dans ses riffs ou mélodies
vocales. Au programme donc, un disque
plus varié qu’il y paraît et qui emprunte
à pléthore de compositeurs, de
Beethoven à Puccini (le burné « None
Shall Sleep »), en passant par Chopin (le
bizarre « Hijacked By Unicorns » aux
allures de gros rock américain reprend le
« Prélude En Mi Mineur » dont Angra
avait fait bien meilleur usage sur
« Visions Prelude ») et… Manowar
(l’opus se conclut sur une reprise très
convenue de « Metal Daze »). Tout cela
est sympathique sur le papier, mais force
est de constater que l’exécution n’est
pas toujours à l’avenant : en dépit des
qualités des musiciens, et notamment du
jeu de batterie puissant de Jörg Michael
(ex-Stratovarius, ex-Running Wild), diffi-
cile de se passionner pour The
Annihilation. La production demeure
trop rêche et modeste pour rendre plei-
nement justice aux objectifs fixés, et le
chant de Schmidt va du correct (la plu-
part du temps) au franchement pénible
lorsque le bougre sort de sa tessiture
familière (le refrain raté de « Hijacked By
Unicorns », la prestation poussive qui
tire le mélodique « A Look Inside » vers
le bas). A la manière du Headbangers
Symphony de Wolf Hoffmann (Accept),
qui optait pour un concept peu ou prou
similaire à celui d’Heavatar, difficile
d’imaginer qu’il puisse exister un public
FRANÇOIS BLANC . . . . . . . . . . . . . . . . .6
pour ce disque de notre côté du Rhin.
MON ALBUM DU MOIS par MORGAN RIVALIN
DEATH ALLEY
Superbia
(Century Media/Sony Music)
Proto-metal punkoïde
Sortie : 23.03.2018
En 2018, parler de « proto-metal », ce
sous-genre teinté de psychédélisme et
de blues rock chevillé aux années 60,
donne l’impression de monter dans la
machine à remonter le temps. C’est
d’ailleurs sans doute dans cette der-
nière que se sont engouffrés les mem-
bres de Gewapend Beton, groupe hard-
core punk néerlandais, avant d’en res-
sortir complètement transformés avec
force pattes d’eph et de belles paires
de rouflaquettes. C’est en effet dans
« Béton Armé » que Oeds Beydals et
Douwe Truijens, le guitariste et le chan-
teur de Death Alley, ont fait leurs pre-
mières armes avant que le gratteux ne
parte rejoindre The Devil’s Blood. Death
Alley, le nouveau chapitre de leur car-
HOWLING SYCAMORE
Howling Sycamore
(Prosthetic Records)
Heavy death progressif
Sortie : déjà disponible
Attention, phénomène underground !
Howling Sycamore revisite à sa sauce le
heavy death technique popularisé par le
très regretté Chuck Schuldiner sur la fin
de Death et surtout avec son projet
parallèle Control Denied. Le relais fut
pris dans les années 2000 par des
rière (vous l’avez peut-être croisé au
Hellfest ou en tournée, avec Kadavar),
fait référence à ces années « hardcore
punk » en empruntant son nom à un
disque du pionnier Zeke, mais sur le
plan musical, une attitude et une hargne
venues du punk planent aussi au-dessus
de Superbia. C’est assurément un cock-
tail rare que nous offre le successeur de
Black Magick Boogieland (2015), un
disque qui assume une virtuosité quasi
prog sans sourciller. Pas si étonnant de
la part d’un groupe qui, pêle-mêle, cite
volontiers l’influence des Stooges et de
King Crimson, d’Hawkwind et de Poison
Idea. Les adeptes de « tricotages » à la
Mastodon ne seront pas déboussolés
par le pont de « Daemon », mise en
boucle de neuf minutes (!) qui tape fort,
et ceux qui cherchent leur fix de psyché-
délisme se régaleront à l’écoute du riff
tordu de « The Chain », des good vibra-
tions d’un « Feeding The Lions » aux
relents go-go, et traversé par une basse
ronflante à souhait, ou du morceau de
bravoure « The Sewage » (onze minutes
au garrot) et ses percus en transe.
Ajoutez à cela, sur « Pilgrim », des
chœurs d’une précision digne de Yes
(Chris Squire, es-tu là ?) ou encore des
morceaux à tiroirs au cours desquels
Death Alley prouve une agilité féline en
retombant toujours sur ses pattes
(« Headlights In The Dark »), et vous
obtenez un superbe Splendi… euh, un
splendide Superbia, impeccable pour
MORGAN RIVALIN . . . . . . . . . . . . . . . .8
bien ouvrir ses chakras.
groupes comme Zero Hour et Charred
Walls Of The Damned, emmené par
Richard Christy, lui-même transfuge des
deux formations créées par Schuldiner.
C’est très clairement à ces différentes
influences que ce nouveau projet
emprunte, mais le tour de force réalisé
ici est de les avoir emmenées vers
une musique éminemment originale et
personnelle. Il faut dire que la réunion
de talents fédérée par le compositeur
italien Davide Tiso (Ephel Duath) laissait
peu de doutes sur sa capacité à
transcender ce genre un peu tombé
aux oubliettes : Jason McMaster
(Watchtower) au chant, Hannes
Grossmann (Necrophagist, Obscura) ou
encore Kevin Hufnagel (Gorguts,
Dysrhythmia) aux guitares sont ainsi réu-
nis au sein de ce qui s’apparente à un all-
star band. L’un des marqueurs de ce
style est bien entendu le chant criard,
mais mélodique. On n’échappe pas ici à
la règle et c’est à prendre en compte
tant ce choix est clivant. McMaster maî-
trise son sujet (pas surprenant vu son
nom de famille…), dans le registre d’un
Bruce Dickinson ou d’un Geoff Tate, en
plus abrupt et moins contrôlé. Et si
l’oreille est forcément un peu hérissée
aux premières écoutes, l’adéquation de
cette voix écorchée à une trame qui fait
le yoyo entre folie instrumentale et
atmosphères sombres, voire glauques,
finit par s’imposer. Musicalement, l’in-
troductif « Upended » est la porte d’en-
trée rêvée pour résumer l’univers
unique de ces fans de l’arbre à feuilles
d’érable (ou plus probablement de Twin
Peaks) : guitares stridentes, éruptions
rythmiques incontrôlées qui nous ramè-
nent du temps de Coroner, le tout dans
une ambiance de fin du monde, rien ne
nous est épargné. Pas même la première
d’une série d’interventions qui finissent
de donner une touche unique à l’album :
des soli déchirants de saxophone de
MON ALBUM DU MOIS par EMMANUEL HENNEQUIN
ERYN NON DAE.
Abandon Of The Self
(Debemur Morti)
Metal
Sortie : 09.03.2018
Changer une équipe qui gagne n’est
pas forcément l’idée du siècle. Parlez-
en à Jack Girac. Or, Eryn Non Dae. a
réalisé, en compagnie de Mobo
(Conkrete Studio), divers exploits sur
ses premiers enregistrements officiels :
phrasé rythmique, sens de l’ambiance,
harmonisation, jeu de la dissonance.
Clairement, l’accompagnateur sur la
finition sonore a compris où voulaient
en venir les Toulousains. Alors, d’écueil
il n’y a pas sur ce troisième album,
remarquable, des Français. Mobo reste
aux manettes, et ce que vous réservent
aujourd’hui les ex-END. est tout simple-
ment à se damner. Ce nouvel et troi-
sième opus concentre tout ce qui a fait
la force des précédents essais, à quoi
Bruce Lamont (Yakuza, Brain Tentacles),
rappelant inévitablement les flirts de
John Zorn avec le monde du metal, que
ce soit avec Naked City ou plus récem-
ment lorsqu’il se produisit avec Dave
Lombardo sous la Pyramide du Louvre
l’an dernier. Le même Lamont continue
de séduire sur le passage central de
« Obstinate Pace », au tempo un peu
plus serein et qui tire l’ensemble vers du
King Crimson. Une sophistication qu’on
retrouve dans cet art de superposer une
rythmique épileptique à des arpèges
et/ou des riffs de guitares joués à une
cadence bien plus lente, comme autant
de contrepoints exploités à la perfec-
tion. Mais là où Howling Sycamore fait
plus fort encore, c’est dans sa capacité à
décliner de véritables atmosphères der-
s’ajoute une ambition de mélodie et de
structuration un cran au-dessus.
L’univers reste assurément des plus
typés, et Eryn Non Dae. vous convoque
à une expérience psychique. Guitares
en tension, ambiances suspendues, fee-
ling apocalyptique et voix écartelées,
mais qui, cette fois, trouvent un chemin
vers la clarté : tout est là pour faire de
ce rendez-vous l’un de vos classiques de
2018 en matière de metal complexe et
avant-gardiste. C’est Eryn Non Dae. en
posture de conquête et d’élévation. La
force d’inspiration de cet opus III est
ressentie dès l’écoute du premier titre :
un « Astral » dont la phase terminale est
littéralement cosmique. Les flottements
de guitares se reproduiront, et vous en
aurez pour votre compte (« Halo »). Le
groupe se réinvente aussi dans son tra-
vail d’ambiance, accentué (« Omni »), et
dans la texturation de sa musique : le
travail d’effets donne à son groove
austère une apparence aquatique
(« Stellar », bluffant). La désespérance
prend parfois aussi une teinte héroïque
(« Eclipse »). Ailleurs, vous aurez une
impression plus marécageuse (la fin de
parcours, avec le bruitisme poisseux
d’« Abyss »). En bref : c’est de l’écriture
et de l’arrangement de haute volée, et
certainement l’un des groupes français
les plus passionnants qu’il nous ait été
donné d’écouter depuis sa naissance.
Trop confidentiel, alors qu’il est simple-
ment immense. Ruez-vous sur Abandon
EMMANUEL HENNEQUIN . . . . . . . . . .9
Of The Self, vous n’en reviendrez jamais.
rière cette trame démonstrative :
« Midway » lorgnerait presque sur l’héri-
tage d’un Katatonia, par exemple, tan-
dis que l’énorme « Descend To Light »
(littéralement porté par la batterie de
Grossmann) développe des climats apo-
calyptiques dignes d’un King Diamond.
Et même si les 38 minutes du disque
sont exécutées à un rythme globalement
effréné, on note quelques respirations
bienvenues, à l’image de « Chant Of
Stillness », titre semi-acoustique un peu
folk et presque zeppelinien, ou le final
« Dysphoria », marche funéraire et ins-
trumentale qui ne dépareillerait pas en
clôture d’un film de John Carpenter.
Avec une telle démonstration, Tiso et
ses compères illustrent à la perfection ce
que l’adjectif « progressif » se doit de
décrire lorsqu’il est accolé au genre
« metal », tant ce premier essai casse les
codes et dégouline de la personnalité de
DJUL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .8
ses auteurs.
GAIDEN
Once Upon A Joke
(MusikOeye/Season Of Mist)
Metal progressif
Sortie : Déjà disponible
Par quel miracle n’avions-nous jamais
entendu parler de ce combo parisien ?
Dieu seul le sait. Ce n’est pourtant pas
faute de ratisser à la recherche de la
perle rare. Bref, mieux vaut tard que
jamais : Once Upon A Joke, sorti en avril
2017 sous forme d’autoproduction, est
aujourd’hui réédité avec une distribution
digne de ce nom sous l’égide du jeune
label MusikOeye. Et le moins que l’on
puisse dire, c’est que cette seconde
chance est amplement méritée !
Amateurisme : 0 % ! Qu’il s’agisse de la
production, du chant, des riffs, des soli,
de la rythmique, tout ici réunit les quali-
tés requises pour être porté aux nues.
Musicalement, Gaiden pourrait être une
version plus progressive et un peu plus
soft d’Annihilator et de Racer X. Les
rythmiques acérées et les soli flam-
boyants du guitariste Alex Jok (égale-
ment compositeur et producteur de l’al-
bum) rappellent en effet Jeff Waters et
Paul Gilbert, ce qui, à ce jour, reste un
sacré compliment pour tout gratteux qui
se respecte ! L’autre arme de destruc-
tion massive de Gaiden s’appelle Ego, et
sa voix a la beauté du diable. Véritable
couteau suisse de la corde vocale, le
gazier virevolte sur la portée avec une
aisance insolente. Il se permet même
quelques growls en portion congrue sur
« Ancient Blood » pour un résultat tout à
fait convaincant, mais c’est bel et bien
dans les registres les plus délicats que le
vocaliste extraordinaire nous assied
totalement (comme sur le superbe
« Broken Hopes »). Détail amusant : sur
les passages les plus heavy, son timbre
rappelle régulièrement celui de Michael
Sweet (Stryper). L’album s’égrène sur
plus d’une heure qui paraît bien courte
tant la diversité des pièces évite le moin-
dre ennui : rien que les deux volets de
« Afterlife Inc » totalisent pas loin de 17
minutes et réunissent à eux seuls davan-
tage d’idées qu’un album entier de
(mettez ici le nom du groupe de votre
choix). Once Upon A Joke est bel et bien
une vraie révélation, malheureusement
accompagnée d’une nouvelle frus-
trante : en totale synchronisation avec la
ressortie de son album, Gaiden a fêté la
chose en splittant. Vraiment dommage,
tant on aurait aimé connaître la suite des
aventures de ce combo à part. Reste ce
testament qui suscitera bien moins de
polémiques que celui de Johnny. Un
sacré legs à verser au patrimoine du
CHARLELIE ARNAUD . . . . . . . . . . . . . .8
metal français !
KINO
Radio Voltaire
(Inside Out/Sony Music)
Pop rock progressif
Sortie : 23.03.2018
C’était il y a treize ans, mais on s’en sou-
vient encore. A l’époque, en 2005 donc,
le néo-progressif était un gros mot, sur-
tout lorsque les influences les plus eigh-
ties ressortaient chez les plus téméraires
osant les revendiquer. Pourtant, dans ce
contexte où seul le metal progressif
semblait avoir un avenir, quelques
« vieux de la vieille » se réunissaient sous
le nom de Kino et balançaient, avec leur
premier album Picture, un délice de
MON ALBUM DU MOIS par FRANÇOIS BLANC
KAMELOT
The Shadow Theory
(Napalm Records/Season Of Mist)
Power metal symphonique
Sortie : 06.04.2018
On peut désormais l’affirmer sans crainte,
le départ du charismatique chanteur
Roy Khan en 2011 et son remplacement
par le beau gosse suédois Tommy
Karevik n’ont en rien émoussé la créati-
vité du guitariste Thomas Youngblood
et du claviériste Oliver Palotai, qui
semblent au contraire aborder ce nouvel
âge du groupe avec une sérénité et une
inspiration enviables. Sans surprise, The
Shadow Theory, douzième opus de
Kamelot, suit le chemin déjà soigneuse-
ment balisé par son prédécesseur, le très
solide Haven (2015). Voici déjà quelques
années que le combo d’origine américaine
a entrepris de moderniser son propos
et d’ouvrir son power metal mélodique
à de nouvelles influences. Ainsi, The
Shadow Theory, porté par un concept
original et des textes bien pensés (qui
donnent notamment à réfléchir sur les
enjeux du développement de l’intelli-
gence artificielle), voit Kamelot pousser
ses contrastes et toucher à différents
styles sans perdre en cohérence ou en
contrepied musical. Véritable sucrerie
ou plaisir coupable, c’est selon, ce
disque aux claviers très en avant et aux
refrains pop complètement assumés
ramenait vingt ans en arrière et soufflait
un vrai vent de fraîcheur sur le genre et
sur le catalogue de son label, Inside Out.
qualité. La présence de la vocaliste
Lauren Hart (Once Human) sur plusieurs
titres n’y est pas étrangère : son chant
death, plus bestial et caverneux que
celui d’Alissa White-Gluz (Arch Enemy),
ajoute un regain d’énergie aux parties
rapides (l’ouverture « Phantom Divine »,
très efficace) ou des montées en inten-
sité bienvenues (la pièce de bravoure
« The Proud And The Broken », presque
progressive et qui contient même des
blast beats !). De l’autre côté du spec-
tre, Kamelot exploite avec brio des
mélodies flirtant avec la pop (« Static »),
opte pour un chœur d’enfants mené par
le fils de Youngblood lui-même (la
conclusion de « Burns To Embrace »),
fait appel à une chanteuse connue pour
la douceur de son timbre (Jennifer
Haben de Beyond The Black sur la belle
ballade « In Twilight Hours »), se permet
des incursions acoustiques, etc. Très
finement arrangé, The Shadow Theory
atteste de la pleine maîtrise du combo
sur son univers : l’agencement de l’al-
bum, qui alterne pleins et vides avec
une rare pertinence, permet de multi-
plier les écoutes sans ressentir de lassi-
tude. Si le chant est toujours largement
flatté par le mixage et que les lignes
s’avèrent franchement homogènes
(reproche que nous avons déjà formulé
par le passé), la guitare dispose d’un
espace d’expression inhabituellement
important (l’ouverture de « Amnesiac »,
qui affiche, l’air de rien, une petite
influence djent), les soli étant inhabi-
tuellement nombreux sur l’album
(« Vespertine »). Ajoutez à cela un usage
parcimonieux d’effets industriels qui
collent parfaitement au propos tenu, et
vous obtenez une très solide démons-
tration de power metal contemporain, à
FRANÇOIS BLANC . . . . . . . . . . . . . . . . .8
la fois efficace et raffiné.
Il aura donc fallu attendre treize ans
avant de voir ce projet revoir le jour, ce
qui n’est guère surprenant vu l’emploi
du temps surchargé de ses membres,
que ce soit Pete Trewavas (Marillion,
Transatlantic), Craig Blundell (Steven
Wilson, Frost*) et plus encore John
Mitchell. Ce dernier est d’ailleurs à
l’origine du regain de concurrence
subie sur ce genre lors de la décennie
qui s’est écoulée, avec son projet solo
Lonely Robot et surtout ses participa-
tions à Frost*, sans compter les plus
anciens Arena et It Bites. Et si l’on ne
s’arrête que sur Frost*, par exemple, ce
nouvel album souffre de la comparaison
avec les dernières livraisons de cette
autre formation anglaise, et en particu-
lier l’excellent Falling Satellites paru en
2016. Ainsi, quand Kino essaie de rap-
procher sa formule de sphères plus
contemporaines avec les riffs metal et
les effets électro de « The Dead Club »,
le résultat est certes réussi, mais pas
autant que Frost* sur le disque en
question. Quand, à l’inverse, Kino
investit un champ plus calme, comme
sur « Idlewild », ballade au piano lor-
gnant très clairement sur les premiers
albums de Peter Gabriel dont Mitchell
est le sosie vocal, c’est là encore
« sympa », mais sans plus. Finalement,
c’est quand le groupe se rapproche le
plus de sa formule originale qu’il reste
vraiment irrésistible, à l’image de
« Grey Shapes On Concrete Fields »,
aux intonations très Rush et au rythme
syncopé d’un Blundell toujours aussi
efficace derrière sa batterie. Idem sur
le superbe « The Silent Fighter Pilot »,
émouvant titre débuté au piano avant
de prendre plus d’ampleur sur
quelques arpèges de guitare en ape-
santeur. Le constat est dur, mais proba-
blement honnête : Kino a perdu de son
originalité et, par la même, de sa perti-
nence entre ses deux albums. Et le
paradoxe, c’est que c’est par la faute
d’un de ses géniteurs, John Mitchell lui-
même, qui aurait peut-être mieux fait
de se concentrer sur les autres projets
qu’il a lancés et de laisser Kino à son
DJUL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .6,5
statut de formation « culte ».
LETZTE INSTANZ
Morgenland
(AFM/Season Of Mist)
Rock metal médiéval
Sortie : déjà disponible
Entendons-nous bien : si Letzte Instanz
est présenté par son label en tant que
groupe de metal médiéval, c’est proba-
blement parce qu’il est presque impossi-
ble de mettre une étiquette sur le
combo allemand. Alors, vu qu’il y a un
violoniste et un violoncelliste dans le
line-up, voyez-vous… Mais au final, si
quelques sonorités peuvent effective-
ment se rapprocher de la scène dite
médiévale, nous sommes avant tout en
présence d’un groupe de rock metal
qui pond tube sur tube, possède une
sacrée science de la mélodie, et réussit
le tour de force de faire passer la
langue de Goethe comme une lettre à
la poste. Sur fond de grosses guitares,
les trois titres d’ouverture campent le
paysage rapidement : un
« Morgenland » enlevé et lumineux, un
« Schwarz » aux relents new-wave irré-
sistibles, et un « Disco D’Amour » qui
rappellerait presque les mélodies entê-
tantes d’un ABBA. Nous sommes donc
assez loin du flûtiau et de la viole de
gambe. La superbe voix grave de Holly
Loose est mise au service de vraies
lignes vocales contrastées, elle sait se
faire douce autant que rageuse et,
pour tout dire, les phrasés empha-
tiques et mixés très en avant du chan-
teur donnent envie d’apprendre l’alle-
mand pour comprendre ce qui se dit
tant il a l’air passionné ! Assurément
l’un des atouts majeurs du combo. A
l’écoute de Morgenland, une question
se fait jour : pourquoi n’avons-nous
jamais entendu (ou presque) parler de
ce groupe dont le premier album est
sorti il y a tout juste vingt ans ? Letzte
Instanz mériterait même, avec certains
de ses titres, les honneurs des stations
de radio généralistes aux heures de
grande écoute ! Après tout, en 1983,
tout le monde sifflotait le « 99
Luftballons » de Nena, pas vrai ? Les
quotas et les clivages stylistiques nous
interdisent aujourd’hui de profiter d’un
sacré panel de talents… Dans un
monde guidé par le seul amour de la
chanson, « Mein Land » de Letzte
Instanz, tout comme « He Is » de Ghost
par exemple, pourraient prétendre à
une belle carrière « grand public ».
Mais les lois du marketing sont impéné-
trables (celles du Seigneur, à côté, c’est
une tranche de Leerdammer). Gardons
donc nos secrets comme des imbéciles,
mais au moins, vous, lecteurs chéris,
êtes prévenus : quiconque aime les
belles mélodies et les chansons effi-
caces craquera inévitablement pour cet
album sans que la barrière de la langue
vienne faire bugger la machine. Un joli
CHARLELIE ARNAUD . . . . . . . . . . . .7,5
disque pour une fin d’hiver lumineuse.
 MON AUTRE ALBUM DU MOIS
par PHILIPPE LAGEAT
HANGMAN’S CHAIR
Banlieue Triste
(MusicFearSatan)
Doom mélodique
Sortie : déjà disponible
Hangman’s Chair surprend d’entrée
avec la pochette de ce cinquième album
qu’on croirait empruntée au Renaud
Séchan période Place De Ma Mob
(1977) ou Ma Gonzesse (1979). Ici, l’im-
portant n’est pas de savoir si le person-
nage central est en pleine dépression, a
littéralement perdu la tête, ou pisse une
tasse sans les mains, mais d’observer
que le groupe nous invite en milieu
urbain, terreau qui sied à ravir à sa
musique pesante, polluée et noire de
suie. Pochette surprise, donc, mais pour
le reste, Hangman’s Chair prend les
mêmes et recommence pile poil là où
l’excellent This Is Not Supposed To Be
Positive nous avait laissés fin 2015, à
savoir sur les mots « Tout est mort et
tout revit / Sans eux et sans nous
demain, que sera Paris ? / Toujours
Paris ». Paris, effectivement, n’a pas
bougé, continuant de laisser proliférer à
ses portes les tours de béton et les ter-
rains vagues. Une nouvelle fois produit
par Francis Caste (Es La Guerilla,
Kickback, Bukowski), qui lui a concocté
une production aux petits oignons ser-
vant parfaitement le propos, bardée
d’échos et incroyablement adaptée, le
quatuor sort aujourd’hui un disque
sublime si homogène dans le son et les
thèmes abordés qu’il pourrait s’agir
d’un concept-album… ou pas (réponse
dans notre interview du mois prochain).
Tout commence par le morceau-titre, un
instrumental introductif de 2’40 qui
plonge déjà dans l’ambiance avec ce
bruit inquiétant claquant comme un
coup de fusil résonnant en stéréo, som-
bre, avant qu’une guitare ne fende la
crasse, comme la vie surgirait du néant.
La suite est à l’avenant, mur du son sor-
dide d’une impressionnante densité
MEMORIAM
The Silent Vigil
(Nuclear Blast/PIAS)
Death metal
Sortie : 23.03.2018
Karl Willetts n’est pas de ceux qui
oublient, mais il n’a pas dit non plus qu’il
ressasserait toute sa vie. Bolt Thrower
est, en ce qui le concerne, une affaire
entendue, voire enterrée, quels qu’aient
(amoureusement concocté par Julien
Chanut/guitare, Cédric Toufouti/chant,
guitare, Mehdi Birouk Thépegnier/bat-
terie et Clément Hanvic/basse), citerne
de goudron en ébullition déversée à
même les esgourdes par un groupe à la
personnalité unique (« Naive »,
« Negative Male Child »). Son tour de
force est de nous emmener avec lui
dans ce cauchemar lancinant en noir et
blanc au sein duquel surnage la sublime
voix de Cédric, cette dernière, spec-
trale, donnant le sentiment à l’auditeur
qu’il est prisonnier d’un rêve étrange,
voyeur paralysé qui observe, incapable
de réagir (« 04/09/16 », l’un des meil-
leurs titres du disque, « Touch The
Razor » et son long passage instrumen-
tal qui monte crescendo comme le jour
blafard se lèverait sur une nuit pathé-
tique jusqu’à ce que des coups de
pétoire crèvent l’aube, « Sleep Juice »,
etc.). Les 8’13 de « Tired Eyes » sont
une preuve supplémentaire du pouvoir
hautement évocateur du metal
doomy/sludgy d’Hangman’s Chair.
Quand confiera-t-on enfin la bande son
d’un film à ces jeunes gens ? Certains
reprocheront peut-être à l’ensemble
son côté monolithique, un manque de
variations, mais c’est probablement ce
qui fait la force d’un tel album : sa cohé-
rence. Tout juste « Sidi Bel Abbes », clin
d’œil à une commune algérienne située
non loin d’Oran, sort un peu du lot, la
guitare de l’invité belge Marc DeBacker
(Mongolito, Wolvennest) branchée sur
une fuzz et une wah wah défigurant une
toile (aux sonorités arabisantes en fili-
grane) plutôt apaisée par ailleurs. Ci et
là, par ailleurs, de petits grigris spatiaux
(« l’instrumental « Tara » avec sa batte-
rie robotique façon chaîne de mon-
tage) et le crissements de cordes de
guitare (« 04/09/16 ») viennent déchirer
des histoires de type crevant dans une
salle d’hôpital, de couple qui se déchire,
de suicide aux cachetons, de paradis
chimiques, de dépression ou de rap-
ports parents/enfants conflictuels, les
textes donnant un certain nombre de
clefs, mais laissant par ailleurs l’auditeur
libre de toute interprétation. Certains
titres sont longs, mais on ne voit jamais
le temps passer. Une prouesse vu le
style proposé ! Tout se finit encore par
un sample (« Full Ashtray », du George
Bataille dans le texte, semble-t-il) et, au
regard de la personnalité unique et de
la qualité d’écriture et d’interprétation
des gaillards, par un nouveau 8,5. Ce
qui, tout bien considéré, vaut toujours
PHILIPPE LAGEAT . . . . . . . . . . . . . . .8,5
mieux qu’une 8,6, même fraîche.
pu être les communiqués récents du
projet concernant une sortie commémo-
rative en l’honneur du regretté batteur
Martin Kearns. Cette parution reste
d’ailleurs, et pour l’heure, hypothétique.
Ce malheur a définitivement fait pen-
cher la balance en faveur d’autres aven-
tures pour Willetts – aller voir ailleurs
était interdit jusque-là – et depuis deux
albums, Karl passe sa vie en compagnie
d’un ex-Bolt Thrower (Andrew
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Date de fin de validité : / Signature indispensable :
Whale/percussions) et de gens de
Benediction (dont le guitariste et com-
positeur Scott Fairfax). Le cadre nou-
veau se nomme Memoriam. Son nouvel
opus, successeur de l’estimé For The
Fallen, confirme dans un son un peu plus
gras et live les velléités de puissance du
premier album. Le ton guerrier et mor-
tuaire de ce dernier, fruit des pertes
enregistrées sur un plan humain notam-
ment, avait précédé ce second volet
légèrement plus mélodique, mais tou-
jours très assis rythmiquement. Il y sera
remarqué un savoir-faire consommé
pour des choses retenues en tempo,
mais épaisses et toujours agressives sur
le fond (« Nothing Remains »). Par
contre, ne pas espérer trouver ici de
solution de substitution à Bolt Thrower :
il ne s’agit pas du même groupe, du
même son, mais l’envie et l’urgence
qu’on ressent dans l’attaque sont jouis-
sives : Memoriam s’est installé dans sa
propre existence, et la forme de son tra-
vail se déconnecte des projets anté-
rieurs (« From The Flames »). Clairement,
et au regard de ce nouveau matériel, le
groupe mérite une reconnaissance
dépassant la simple estime ou la nostal-
gie. Résonance lourde et old-school, ce
deuxième album offre une musicalité
unie et typée. La dose de ralentissement
voulue par le bassiste Frank Healy se
ressent au fil de l’écoute (« The Silent
Vigil ») et l’imprégnation du son par
cette lenteur donne un style supplémen-
taire à des reliefs plus ouverts et assu-
rés. Il ne s’agit pas là que de réflexes
(éprouvante attaque, au passage, que
celle d’un « As Bridges Burn »), mais
bien d’écriture : le groove, austère,
imprime mouvement sous couvert d’une
unité de production assez remarquable.
La suite au prochain épisode, qui clôtu-
rera le triptyque. De ce qui se passera
EMMANUEL HENNEQUIN . . . . . . . .7,5
ensuite, nul ne sait rien.
NIGHTWISH
Decades
(Nuclear Blast/PIAS)
Metal symphonique
Sortie : déjà disponible
Résumer une vingtaine d’années de car-
rière en 22 titres, pour une formation
aussi prolifique et au catalogue aussi
varié que Nightwish, n’est pas forcé-
ment chose évidente. Ainsi, forcément,
qu’il s’agisse des mordus de la première
ère (celle de la chanteuse Tarja
Turunen/de 1996 à 2005), ceux de la
deuxième (Anette Olzon/de 2007 à
2012) ou de l’actuelle (Floor
Jansen/depuis 2013), il y aura des
déçus ! Comment , par exemple, le fan
de la première heure peut-il ne pas
regretter l’impasse faite sur l’excellent
« The Pharaoh Sails To Orion » (présent
sur Oceanborn/1998), qui a pourtant
marqué toute une génération de pas-
sionnés de metal symphonique ?
Néanmoins, si cette sélection de près de
2h30 préfigure les setlists de la tournée
anniversaire à venir, alors il y a claire-
ment de quoi être enthousiaste ! Hormis
les incontournables singles faciles
(« Storytime », « Amaranth », « Nemo »),
ce balayage à rebours de la carrière du
groupe n’omet heureusement pas ses
grands classiques, le plus récent étant
bien sûr l’exceptionnel « The Greatest
Show On Earth », considéré par le clavié-
riste compositeur Tuomas Holopainen
comme son plus grand achèvement aux
côtés de « The Poet And The
Pendulum » publié en 2007 sur l’album
Dark Passion Play (lui aussi logiquement
présent). Pour les plus nostalgiques, dif-
ficile de bouder le plaisir de se repasser
« 10th Man Down » ou le plus rare
« Devil And The Deep Dark Ocean ».
Seule réelle « curiosité » ici, la démo
« Nightwish », déjà connue des fans purs
et durs, mais qui permet d’illustrer l’im-
pressionnante évolution du combo fin-
landais depuis ses débuts. Bref, s’il est
toujours difficile de réellement juger un
best of, celui-ci a le mérite de se mon-
trer exhaustif et de rappeler le poids
impressionnant pris par Nightwish en
l’espace de vingt ans dans l’histoire de
la musique metal, 22 titres n’étant claire-
ment pas de trop pour donner une idée
de son parcours. Le public de la bande
de Kitee rassemblant aujourd’hui sur-
tout de plus jeunes générations (il suffit
de voir les réactions « timides » à l’an-
nonce d’un titre pré-2004 sur scène), il y
a ici de quoi se « rattraper » ou, tout
simplement, bien réviser ici avant la pro-
chaine tournée, tout en imaginant com-
ment Floor Jansen va s’approprier les
hits les plus anciens. Mais quand on voit
le niveau de son interprétation sur un
titre aussi ardu que « Ghost Love
Score », régulièrement joué depuis son
intégration, il n’y a pas franchement de
GUILLAUME FLEURY . . . . . . . . . . . . .7,5
quoi être inquiet !
NO ONE IS INNOCENT
Frankenstein
(Verycords/Warner Music)
Rock/metal
Sortie : 30.03.2018
Il y aura toujours ceux qui ont le senti-
ment que cette musique est celle d’une
époque, un fourre-tout du rock français
laïc, voire contestataire. Bof – nous lais-
sons ce linceul de mémoire à ceux que
les clichés n’effraient pas, car c’est avant
tout à un rock vivace et extrêmement
bien fait que nous avons encore affaire
aujourd’hui. Une impressionnante force
de vie et de groove jaillit des disques de
No One Is Innocent depuis plusieurs
volumes, et il faut réviser un brin pour
saisir à quel point c’est vrai.
L’expérience se vérifie davantage
encore en concert, où NOII prend une
dimension spectaculaire et définitive-
ment physique. Propaganda, armé d’une
nouvelle configuration de guitares, avait
vu le collectif délivrer en 2015 l’un des
disques les plus survoltés et directs de
ses dernières années d’existence, cou-
ché dans la foulée des attentats du
début 2015. Que les adeptes ne crai-
gnent rien, l’aventure continue et tout
espoir est permis en 2018 : Frankenstein
enfonce le clou d’une approche orga-
nique et physique. Son de feu, force de
tempérament. Dans le genre, qui dira
mieux ? Le binôme de guitares formé
 MON ALBUM DU MOIS par BENJI
JUDAS PRIEST
Firepower
(Columbia)
Heavy metal
Sortie : 09.03.2018
Un nouvel album de Judas Priest reste,
à bien des égards, un évènement dans
le monde du heavy metal. Car le combo
de Birmingham demeure l’un des plus
anciens représentants du genre encore
en activité, notamment depuis que son
voisin de palier, Black Sabbath, a
déposé les armes. Et surtout car, depuis
presque cinq décennies, Judas Priest
incarne littéralement le heavy metal,
que ce soit musicalement ou visuellement,
et qu’il dispose d’une discographie
gavée d’un grand nombre de classiques
absolus. Certains ne manqueront pas de
signaler que ça fait maintenant bien
longtemps qu’on ne peut plus considé-
rer que le combo ait accouché d’un vrai
classique : le débat reste ouvert, les
points de divergences pouvant être
débattus entre défenseurs acharnés du
groupe – dont votre serviteur fait indé-
niablement partie – et les sceptiques…
Mais, ceci étant dit en tentant de faire
preuve de la plus grande objectivité,
nous pouvons clamer haut et fort que ce
Firepower va faire date dans la carrière
du Priest. Commençons par l’aspect
visuel de ce disque : si, depuis 1988, le
groupe était resté fidèle à Mark
Wilkinson pour illustrer la grande majo-
rité de ses pochettes, un changement a
cette fois-ci été opéré, puisque c’est le
Chilien/Italien Claudio Bergamin (Rob
Halford, Battle Beast, Rata Blanca,
Arjen Lucassen ou encore Parramon,
dernier groupe dont a fait partie Richie
Faulkner avant de rejoindre Priest) qui a
conçu Firepower. Et si l’on se demande
ce qu’il représente précisément, nous
retrouvons ici un design aux lignes dia-
gonales propres aux artworks de
Stained Class (signé Roslaw Szaybo),
Screaming For Vengeance, Defenders
Of The Faith ou encore Turbo (réalisés
par Doug Johnson) : tout, sauf un
hasard ! En termes de production, l’in-
novation est de mise. Mixant le savoir-
faire old-school et la complicité qui lie le
groupe à Tom Allom (aux manettes sur
tous les albums studio du gang de 1979
à 1988 et sur ses plus récents live), aux
techniques plus modernes utilisées par
Andy Sneap (qui reste néanmoins un
pur produit des 80’s et un grand
connaisseur de la carrière du Priest),
Firepower se voit doté d’un des meil-
leurs sons de toute la discographie du
groupe. Et surtout, après une période
de découverte et d’acclimatation, déjà
probante sur le recommandable
Redeemer Of Souls (2014), le trio Rob
Halford (chant)/Richie Faulkner (gui-
tare)/Glenn Tipton (guitare) propose
des compositions abouties, inspirées et
variées, dont certaines deviendront très
probablement des futurs incontourna-
bles en concert. Au rang des titres sur
lesquels le batteur Scott Travis et le fia-
ble bassiste Ian Hill propulsent une ryth-
mique relevée, « Firepower », qui ouvre
le bal de façon on ne peut plus directe,
« Lightning Strike », « Necromancer » et
le vicieux « Traitors Gate » prouvent que
les vétérans peuvent toujours durcir le
ton quand nécessaire. Mais c’est plus
encore les mid-tempi qui s’affirment
comme les vraies perles de ce disque.
« Evil Never Dies », avec son refrain tout
simple sur lequel Rob se montre vérita-
blement evil, le majestueux et pur
« Rising From Ruins » (et sa courte intro-
duction piano/guitare « Guardians »),
sur lequel Halford fait de nouveau des
merveilles, ainsi que le génial
« Spectre » au riff distordu et addictif
font à n’en pas douter partie des très
grands moments de l’album. « Never
The Heroes », mélodique en diable,
« Children Of The Sun », plus appuyé, le
rock’n’roll « Flame Thrower » et surtout
« No Surrender », encore une fois porté
par un Rob franchement bluffant, sont
également de fort bonne facture. Dans
un esprit sabbathien, voire proche d’un
Fight (« l’autre » groupe d’Halford de
1993 à 1995) période A Small Deadly
Space (1995), « Lone Wolf » surprend,
dans le bon sens. Quant à « Sea Of
Red », courageuse tentative de titre
acoustique évoluant en power ballad
fort bien chantée par Rob, elle risque
de ne pas faire l’unanimité, mais tel est
le prix à payer lorsqu’une icône s’essaye
à autre chose que ce pour quoi elle est
habituellement célébrée (Priest s’y est
souvent risqué, avec un bilan contrasté).
Il n’empêche que Firepower s’avère une
franche réussite. Hélas, la sortie de cet
album s’accompagne d’une fort mau-
vaise nouvelle, Glenn Tipton ayant
annoncé qu’il souffrait déjà une dizaine
d’années déjà de la maladie de
Parkinson, et que son état de santé ne
lui permettait plus de tourner avec son
groupe de toujours (Cf. news). Ce der-
nier sera remplacé sur le Firepower Tour
par… Andy Sneap qui s’avère, tout pro-
ducteur à succès qu’il est, un guitariste
d’excellent niveau ayant œuvré dans
Sabbat, puis Hell (dont il fait toujours
BENJI . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .8,5
partie). Wait and see…
par François « Shanka » Maigret et Popy
fonctionne à plein sur ce nouvel album
que le permanent Kemar (chant) taxe
« de réflexion », successeur de celui de
l’émotion. La production de Fred
Duquesne (Mass Hysteria), de nouveau à
l’œuvre, extrait le jus de la vitalité : la
vibration est live, c’est presque comme
si le groupe jouait dans la pièce. Les
riffs sont acérés (tourneries d’enfer sur
« Ali (King Of The Ring) » et l’écrasant
« Nous Sommes La Nuit »), et les mid-
tempi vénéneux. Voir, à ce sujet,
« Frankenstein » et ses tourneries
hantées et zombies, à rapprocher de
l’esprit de « Mad King » : deux mor-
ceaux formant un cadre d’ambiance
pour le disque. Les constructions de
puissance s’assoiront donc, le cas
échéant, sur un important travail de cli-
mat (« Les Revenants »). Il y a aussi, de
manière plus basique, le punk rock jubi-
latoire (« What The Fuck »). Feu d’arti-
fice final, la reprise de l’éternel
« Paranoid » de Black Sabbath, où
Shanka prend les devants : un hommage
par la réinvention et, en même temps,
exemplaire du respect de NOII pour les
géants du heavy doom. Frankenstein est
un disque taillé pour la scène, et au
regard de l’envie qu’il exprime et de sa
vitalité de nerf, ce n’est pas demain que
EMMANUEL HENNEQUIN . . . . . . . . . .8
fondront les espérances des adeptes.
RICK PARFITT
Over And Out
(EarMusic/Wagram)
Rock & boogie
Sortie : 23.03.2018
Le 24 décembre 2016, Rick Parfitt nous
quittait brutalement à l’âge de 68 ans.
Nous savions, hélas, la santé du blond
guitariste fragile, ce dernier ayant été
victime de plusieurs attaques cardiaques
depuis 1997, résultat d’années d’abus
de toutes sortes liés à sa vie de rocker
de l’extrême. La dernière en date, le 14
juin 2016, avait fini par avoir raison de
son irrépressible fringale de scène, le
forçant à abandonner son bien-aimé
Status Quo aux mains de Francis Rossi,
avec qui le torchon brûlait depuis plu-
sieurs mois déjà. Mais après une période
de convalescence bienvenue, Rick s’est
attelé dans l’ombre à la réalisation d’un
album solo. Disque qu’il n’aura malheu-
reusement pas eu le loisir d’achever,
mais qui, grâce à l’abnégation de son fils
aîné Rick Jnr et aux coups de main spon-
tanés de son ami Brian May (Queen) et
des bassistes Chris Wolstenholme
(Muse), Alan Lancaster (bassiste histo-
rique du Quo) et John « Rhino »
Edwards (le successeur de Lancaster
depuis 1986), voit aujourd’hui le jour.
Aussi dingue que cela puisse paraître,
cet opus posthume est le premier
disque solo de Rick, même si ce dernier
avait sérieusement planché sur un album
du même acabit dès 1985, lors d’un rare
break du Quo, dont le titre de travail
était Recorded Delivery. Cet album n’a
jamais vu jamais le jour, mais la plupart
de ses morceaux ont fini sur diverses
faces B de singles en 1986 et 1988, par-
fois avec des titres différents.
« Halloween » en faisait partie puisque
sa première version estampillée Status
Quo figurait sur le 45 Tours « Who Gets
The Love » (1988), pourtant crédité au
trio Parfitt/Rossi/Pip Williams, et qu’on
redécouvre ici dans une interprétation
très similaire. « Without You », initiale-
ment intitulé « Living My Life Without
You », fut également écrit lors de ces
sessions de 1985 : il s’agit d’une poi-
gnante ballade dédiée au fiston Rick Jnr.
que Rick senior chante d’une voix fragile
et qui, dans le contexte actuel, rend son
écoute bien difficile… Mais le Parfitt
qu’on a connu et aimé se dévoile une
nouvelle fois à travers plusieurs titres où
le boogie et le rythme règnent en maî-
tres : « Twinkletoes » (dont le lumineux
solo laisse très fortement penser que
c’est ici qu’intervient Brian May), « Fight
For Every Heartbeat », le rock’n’pop «
Long Distance Love » (Brian May une
nouvelle fois au solo ?), mais surtout
« Everybody Knows How To Fly » et le
génial « Lonesome Road » au final explo-
sif. Voilà les passages se rapprochant le
plus dans l’esprit de cette période où
Rick, Francis Rossi, Alan Lancaster et
John Coghlan faisaient cramer leurs
Marshall. L’amour de Rick pour le
rock’n’roll 50’s pur jus est aussi dévoilé
au grand jour via le très sympathique
« Lock Myself Away », aux chœurs déli-
cieusement vintage. Parfitt, malgré son
allure d’éternel rocker pourfendeur de
riffs (et son aversion pour les concerts
acoustiques que Status Quo a distillés
de façon trop systématique ces der-
nières années), n’a pourtant jamais
hésité à livrer ses émotions au gré de
titres plus touchants. Cet album se
devant de le représenter tel qu’il est,
ces moments plus tendres ne manquent
pas. « Over And Out » en fait partie,
tout comme « When I Was Fallin’ In
Love », à l’orchestration très réussie, ou
encore « Without You » mentionné plus
haut. Alors, si l’on tente (difficilement)
de mettre de côté l’émotionnel à
l’écoute de Over And Out, Rick Jnr. A,
en toute objectivité, bien fait d’aller au
bout du projet initié par son paternel car
ce dernier s’y dévoile sous son meilleur
jour. A noter que l’album sera aussi dis-
ponible sous la forme d’un double CD
renfermant, en sus, une version de l’al-
bum au mixage originel plus « brut » que
celui concocté pour celle finalisée par
MON ALBUM DU MOIS par DJUL
LEGEND OF THE
SEAGULLMEN
Legend Of The Seagullmen
(DineAlone Records/Caroline/Universal)
Metal hollywoodien et progressif
Sortie : déjà disponible
Les membres de Mastodon ont décidé-
ment la bougeotte. Outre un rythme
« studio/tournée » dépourvu de temps
morts, ils ont multiplié les projets paral-
lèles depuis deux ans, que ce soit au
sein de Giraffe Tongue Orchestra,
Arcadea ou encore Gone Is Gone. Si une
telle effervescence est rarement bon
signe quant à la pérennité du groupe
principal, elle n’a pour l’instant pas eu
de répercussions négatives sur ce der-
nier, et, encore plus surprenant, ces
side-projects sont aussi diversifiés que
réussis. Ce constat s’applique égale-
ment, et peut-être plus encore, au der-
nier bébé de Brett Hinds : Legend Of
The Seagullmen. Derrière ce nom, ce
logo et cette espèce de « concept »
digne de Pirates des Caraïbes (raccord
avec le physique hirsute du chanteur/
guitariste) se cache une musique aussi
vintage que cinématographique.
Comment faire autrement d’ailleurs,
lorsqu’il s’agit d’illustrer des paroles en
forme de contes mystérieux, d’histoires
de marins et autres légendes des fonds
des mers ? L’équipage retenu par
Captain Hinds est à même de braver
toutes les tempêtes : Danny Carrey de
Tool à la batterie, qu’on se régale d’en-
tendre à nouveau du fait du chômage
technique de sa formation d’origine,
Pete Griffin de Zappa Plays Zappa et
Dethklok à la basse et, surprise, Jimmy
Hayward à la guitare, ce dernier étant
Ash Howes. Voilà une démarche respec-
tueuse qui se doit d’être saluée. Salut
BENJI . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7,5
Rick, et encore merci pour tout !
RED MOURNING
Under Punishment’s Tree
(Bad Reputation/Socadisc)
Metalcore bluesy
Sortie : déjà disponible
Red Mourning jouit, depuis ses débuts,
d’un capital sympathie prononcé au sein
de notre équipe qui l’invita même à se
produire au Hellfest en 2008. Son précé-
dent album, Where Stone And Water
justement réalisateur de films, notam-
ment de Jonah Hex dont la bande son
avait été assurée en 2010 par…
Mastodon ! On est vite mis dans le bain,
au son de quelques craquements de
coques de bateaux et autres chants
lointains sur l’introductif « We Are The
Seagullmen » dont la batterie qui s’ins-
talle par roulements de toms si caracté-
ristiques ne laisse pas de doute quant à
l’identité de celui qui officie derrière les
fûts. On retrouve ce son crasse, mais
joué de manière si précise, qui a fait le
succès de Mastodon, que ce soit sur les
riffs nerveux ou les soli dégoulinants de
guitare. Il y a aussi ce goût pour des
compositions aussi épiques que mas-
sives partagé avec la formation princi-
pale de Hinds, à l’image de
« Shipswreck », qui sonnerait presque
comme le « The Rime Of The Ancient
Mariner » d’Iron Maiden remanié à la
sauce sludge/stoner ! Une référence sty-
listique qu’on entend également sur le
ludique morceau-titre, où l’on croirait
découvrir un titre du MC5 joué par
Queens Of The Stone Age… ou inverse-
ment ! A côté de ces morceaux assez
directs figurent aussi des pépites moins
accessibles au fond de cet océan battu
par l’orage, et en particulier en fin de
périple. Le poisseux « Rise Of The
Giant » développe, par exemple, une
folk hantée par quelques chœurs, des
claviers sépulcraux, et une (contre)
basse dégoulinante, tandis que Hinds se
la joue Leonard Cohen. « The Orca »
évoque Blue Öyster Cult, y compris lors
de sa référence à des « villes en feu »
(« cities in flames » qui fait écho à
« Cities On Flame With Rock And Roll »).
Enfin, « Ballad Of The Deep Sea Diver »
est un magnifique final cinématogra-
phique, avec renfort d’orchestre en mode
Ennio Morricone (enregistré dans le
studio de Hans Zimmer, s’il vous plaît !),
allant jusqu’aux chœurs bien kitsch en
début de morceau (« oh-ah » !). En 38
minutes menées tambour battant,
Legend Of The Seagullmen impose sa
marque comme une évidence et s’affirme
sans doute comme le projet le plus
convaincant sorti de l’univers parallèle
de Mastodon : une sacrée réussite vue
DJUL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .8
la compétition en la matière !
Meet (2014), lui avait permis de décro-
cher un enthousiasmant « 8 » dans nos
colonnes. Ce ne sera pas le cas cette
fois-ci, hélas, car le groupe, sur son qua-
trième opus, semble avoir (partielle-
ment) perdu ce qui faisait toute son ori-
ginalité. De nouveau produit par Francis
Caste (Bukowski, Hangman’s Chair,
Lazy), qui lui a confectionné un son inha-
bituellement brouillon d’où rien ne res-
sort vraiment, Red Mourning semble,
par exemple, avoir inscrit aux abonnés
absents cet harmonica qui faisait beau-
coup pour sa personnalité. Il est là pour-
tant, mais il faut désormais tendre
l’oreille pour le deviner (« Calls Of Pan »,
« Dying Days », « Grow My Feathers »).
Pire, il faut attendre le dernier titre,
« Cross The Moat », pour le voir enfin
mis en valeur dans un mix qui le noyait
MON ALBUM DU MOIS par GUILLAUME FLEURY
MELTED SPACE
Darkening Light
(Sensory Records/Season Of Mist)
Metal symphonique
Sortie : 23.03.2018
The Great Lie, troisième effort de l’am-
bitieux projet Melted Space mené par
le claviériste, compositeur et désormais
chanteur Pierre Le Pape, avait mis la
barre très haut, tant l’expressivité et la
profondeur à la fois musicale et théma-
tique étaient impressionnants. Eh bien,
Darkening Light vient aujourd’hui
repousser cette barre encore un peu
plus haut ! Il suffit pour s’en convaincre
d’écouter le sublime premier véritable
titre, « Newborns », porté par un refrain
beau à pleurer, une mélodie enivrante
et un solo remarquable de l’excellent
guitariste Adrian Martinot (Disconnected).
Ce morceau écrit de main de maître
résume à lui seul la profondeur de cet
effort, de loin le plus sombre et mélan-
colique de l’histoire du projet. Chaque
fois qu’est abordé le travail de Melted
Space, l’accent est forcément mis sur
les nombreux invités de marque qui
viennent prêter leurs voix aux person-
nages issus de la mythologie née de
l’imagination de Pierre Le Pape. Ici
encore, la liste est sacrément belle : Jeff
Scott Soto (Sons Of Apollo, ex- Yngwie
Malmsteen), un Mikael Stanne (Dark
Tranquillity) fidèle au poste et l’impres-
sionnante mezzo-soprano Catherine
Trotmann, invités de marque, entourent un
line-up live désormais stable comptant
par ailleurs. Pourquoi ? On s’interroge
également sur certains choix artistiques
que nous jugeons – ce n’est que notre
avis – peu pertinents : profusion de
blastbeats qui sied aussi bien au propos
de Red Mourning qu’un nez et une per-
ruque de clown à Alain Juppé (« A
Whole Different Life », « Dying Days »,
etc.), final de « Clench The Mystery »
s’évanouissant dans un fade-out indigne
alors qu’il aurait mérité de traîner en
longueur et en lourdeur, vocaux quasi
systématiquement sur-énervés d’un
Jean-Christophe Hoogendoorn au bord
du vomi et de l’AVC, etc. Ce dernier, en
effet, n’est jamais aussi bon que lorsqu’il
pousse le désormais quintet (qu’Alex a
rejoint à la deuxième guitare) à sortir
des sentiers mille fois battus et rebattus,
comme sur les acoustiques « Slow
notamment Guillaume Bideau (ex-Scarve,
ex-Mnemic), Aylin Giménez (Sirenia) ou
encore Clémentine Delaunay (Visions Of
Atlantis). Mais le plus important ici est
bel et bien que jamais l’impression n’est
donnée de vouloir empiler les noms.
Chaque intervenant apporte un réel
plus à l’univers global et c’est un
ensemble parfaitement cohérent qui
dépasse largement ses individualités
qui nous est ici proposé. Soulignons
néanmoins le fait amusant que les
deux « Le Pape » du metal français se
retrouvent enfin sur un même album,
puisque Gildas Le Pape, ex-guitariste
de Satyricon, se fend d’un remarquable
solo sur le non moins remarquable
« Trust In Me » (quel technicien que ce
musicien dont il est aisé de deviner la
passion pour le jazz !). Si l’accent est
moins porté sur la grandeur des arran-
gements orchestraux, le propos se
veut nettement plus sombre, colérique,
tragiquement beau en vérité (magni-
fique « Missing Creed ») ! Suite à
l’expérience live acquise grâce à l’album
précédent, il est également évident que
les morceaux ici proposés sont tous
taillés pour proposer des prestations
scéniques de haute volée. Et hormis
quelques clins d’œil évidents (notam-
ment celui à Dark Tranquillity sur « Trust
In Me »), il apparaît que Pierre Le Pape
s’est encore un peu plus émancipé de
ses influences pour délivrer un travail
vraiment marqué d’un sceau « Melted
Space », une entité qui n’a probable-
ment jamais été aussi cohérente sur la
longueur. L’ensemble est une fois de
plus produit de main de maître par
François Maxime Boutault (le mastering
ayant quant à lui été confié à l’incon-
tournable Alan Douches), sans oublier
une pochette sublime (qui colle à mer-
veille à l’atmosphère globale), la plus
belle proposée par le groupe depuis ses
débuts, œuvre de l’artiste Adrien
Bousson. Une réussite totale, en
somme, pour ce metal symphonique à
la fois puissant et mélancolique qui
GUILLAUME FLEURY . . . . . . . . . . . .8,5
emmène très loin !
Bend » (hélas trop court) et « Chained To
The Stones » où la slide est de sortie sur
fond d’ambiance cajun/bluesy, de voix
claire et de chœurs marécageux façon
Alice In Chains. « Blue Drums » vaut
aussi le détour avec sa batterie tribale,
ses negro spirituals et son orgue. C’est
ça, précisément, qu’on attend de Red
Mourning, non des choses mille fois
entendues comme « Under Punishment’s
Tree ». Nous aimons aussi les pointes de
chant rappé de « Grow My Feathers »,
tout comme le piano nu et désincarné
d’un « A Question » dopé de chœurs
virils. Malheureusement, ce dernier n’est
qu’un court interlude. Pourquoi, hein,
pourquoi ??? On a presque le sentiment
que le groupe a sciemment gommé tout
ce qui aurait pu faire de ce quatrième
album un disque à la personnalité affir-
mée, au son unique. C’est d’autant plus
frustrant que cette galette se tient par
ailleurs, un énorme travail ayant notam-
ment été réalisé dans le traitement des
voix qui s’entrecroisent souvent avec
bonheur (« Up From The Barn », « Calls
Of Pan » au refrain chaloupé, etc.). Ne
nous faites pas dire ce que nous ne
disons pas : ce disque est tout à fait
convenable, mais Red Mourning – qui
n’est jamais aussi bon que lorsqu’il
écoute son cœur et suit ses aspirations –
nous avait habitués à mieux, à plus per-
sonnel surtout. D’où notre frustration,
PHILIPPE LAGEAT . . . . . . . . . . . . . . . . .7
légitime ou pas…
ROTTING CHRIST
Their Greatest Spells
(Season Of Mist)
Black metal
Sortie : 23.03.2018
A prendre son petit shoot régulier de
black metal grec et rentre-dedans
(comptez une injection tous les deux
trois ans), l’homme en perd de vue le
temps qui passe. Pour autant, une
œuvre s’est construite au fil des ans, et
voici de quoi remettre quelques pen-
dules à l’heure : « I Will Not Serve », seul
vrai nouveau titre de cet ensemble,
conclut une compilation retraçant une
carrière de trente ans. Et les puristes
black metal crient : c’est un best of, oui,
appelons-le comme ça puisque son inti-
tulé général nous y invite ouvertement.
Cette collection célèbre, sous le cha-
peautage du leader Sakis Tolis, une tren-
taine d’années au service d’une musique
extrême, rituelle et aux relents folklo-
riques assumés. La théâtralité du son de
Rotting Christ ne s’est jamais démentie,
quoique chacun développe ses préfé-
rences : certains aiment sa crasse origi-
nelle (la première période de création,
Cf. le sévère « Forest Of N’Gai », issu de
Passage To Arcturo/1991), quand les
autres préfèreront ses relents heavy old-
school (« Fgmenth Thy Gift », extrait de
Thy Mighty Contact/1993) à des échos
gothiques, mais un peu moins ouverte-
ment que le spleenesque « Among Two
Storms » extrait de A Dead Poem
(1997). D’autres encore resteront sur le
modernisme de la production (le son de
l’album Genesis, dont il nous reste
« Dying »). Son disque le plus intéressant
et le plus achevé esthétiquement reste
néanmoins et à notre avis Sanctus
Diavolos, dont est extrait l’obsédant
« Athanati Este » (un riff principal à relier
– c’est le moment gimmick – à la tour-
nure de « Demonon Vrosis », issu
d’Aealo/2010). Mais si Sanctus Diavolos
marque l’œuvre, il ne la résume pas.
Ainsi, plus de trente morceaux soigneu-
sement empaquetés et sélectionnés
avec le concours du leader (plus de deux
heures et demie de musique) permet-
tront à l’auditeur de revivre une épopée
aux tons vivaces. De quoi ressaisir, au fil
de l’écoute, la cohésion de style (pour
ne pas dire sa codification) et le carac-
tère entêtant de constructions pleines
d’attaques et d’ambiances. Sans citer
tous les titres, quelques exemples :
« The Sign Of Prime Creation », l’opéra-
tique « Grandis Spiritus Diavolos », ou
encore la noire intériorité de « Art Of
Sin ». De l’ensemble, il faut retenir ambi-
tion de style et fourniture orchestrale. Il
nous manque le morceau phare
« Sanctus Diavolos » (ouiiiin !), mais évi-
demment, il était impossible de tout
mettre. Bonnes révisions à tous, et à
EMMANUEL HENNEQUIN . . . . . . . . . .8
Sakis & Co. : merci pour ces moments.
THE SWORD
Used Future
(Razor & Tie/Spinefarm/Universal)
Rock hard stonerisé
Sortie : 23.03.2018
The Sword continue la mue amorcée sur
High Country (2015), un album pas for-
cément bien accueilli par les fans de la
première heure du gang heavy/stoner
doomy originaire d’Austin. Exit les riffs
de bûcherons ultra tranchants qui incar-
naient si bien le nom du groupe, place à
un répertoire plus sage lorgnant claire-
ment du côté du classic rock, voire du

blues. Hé oui : quand on vit au Texas, à
un moment ou un autre, on se doit
d’adresser un coup de chapeau à ZZ
Top. Si le sacré trip et le superbe défilé
de paysages offert par High Country
avait grandement séduit votre serviteur,
force est de constater que Used Future
se révèle moins probant. Comme déca-
pité par son propre jouet, The Sword y
cherche constamment sa route, enchaî-
nant expérimentations instrumentales
(« Nocturne » et « Brown Mountain »,
dénués de chant) et des titres un peu
trop calmes. Le groove tranquille d’un
« Deadly Nightshade » est certes tout à
fait appréciable, le côté tripant, limite
shoegaze, de « The Wild Sky » n’est pas
inintéressant, et nul doute que « Sea Of
Green » a tout pour faire passer un bon
moment dans un club, avec une bonne
bière fraîche à la main, mais Used Future
déboussole trop l’auditeur et ronronne
trop gentiment. Quand, tout à coup, un
vrai riff ressurgit sans crier gare (« Book
Of Thoth »), on est comme pétrifié par
l’effet de surprise ! Difficile de s’y faire
quand on a encore en tête les moments
de bravoure de Age Of Winters (2006)
et Gods Of The Earth (2008) qui avaient
convaincu un certain Metallica de pren-
dre The Sword sous son aile. Espérons
un sursaut car le prochain coup d’épée
MORGAN RIVALIN . . . . . . . . . . . . . .6,5
dans l’eau pourrait être celui de trop...
VENIN
La Morsure Du Temps
(Grumpymood Records)
Hard rock
Sortie : 16.03.2018
En 1981, Venom défraye la chronique en
éditant Welcome To Hell, puis, dans la
foulée, un Black Metal aussi haï
qu’adulé. Un an plus tard, de façon bien
plus discrète, un quartet marseillais
nommé Venin aiguise ses riffs, enchaine
les shows dans sa région et grave deux
démos (en 1982 et 1985). La signature
tant espérée avec une maison de
disques se faisant attendre, Venin prend
alors le parti d’autoproduire son pre-
mier maxi-45 Tours 4 Titres en 1986
(aujourd’hui quasi introuvable, ou à des
prix prohibitifs.) Malheureusement,
même si elle est bien accueillie, cette
première carte de visite ne lui permet
pas de passer à l’échelon supérieur, et le
groupe se sépare cette même année.
MON ALBUM DU MOIS par CHARLELIE ARNAUD
NAPALM DEATH
Coded Smears And More
Uncommon Slurs
(Century Media/Sony Music)
Grindcore
Sortie : 30.03.2018
Une compilation d’inédits et de raretés
en guise d’album du mois ? Lorsque j’ai
crié mon idée à tue-tête dans les cou-
loirs de la rédaction, toute le monde
m’a pris pour un fou (c’était avant de
m’apercevoir que j’étais dans les locaux
de L’Auto-Journal – une erreur d’étage).
Je persiste et signe : cette collection de
titres enregistrés entre 2004 et 2016
est à envisager comme un album de
Napalm Death à taux plein : non seule-
ment un album, mais un de ses meil-
leurs, qui plus est ! Shane Embury
(basse) lui-même en atteste dans notre
interview de ce mois : il y a une telle
cohérence de son entre les différents
titres que le côté « patchwork » habituel
des compilations s’en trouve ici presque
complètement gommé, ce qui relève de
Surprise, en 2014, lorsque le label gau-
lois Cameleon Records (spécialisé dans
la réédition au format vinyle d’albums et
singles rock et hard rock français indis-
ponibles depuis une éternité) remet sur
le marché des exemplaires à l’identique
de ce maxi, de même qu’un CD compi-
lant le maxi et la deuxième démo du
groupe, mais aussi un LP basé sur cette
démo. Contre toute attente, Venin se
reforme un an plus tard autour de deux
de ses membres originaux, Jean-Marc
Battini (chant, guitare) et Fabienne
Perrio (basse), épaulés par Vincent
la prouesse sur une durée aussi longue
que 90 minutes (31 titres sur deux CDs
! C’est Noël !). Impossible de citer les
morceaux marquants car tous le sont à
différents degrés, mais il est plaisant
d’avoir ici un tour d’horizon complet
des différentes facettes du groupe : du
pur grind, bien sûr (« Oh So Pseudo »,
« Will By Mouth »…), des titres plus
modernes (« Losers », ou encore l’excel-
lent « Earthwire » notamment), du hard-
core (« Paracide », « Everything In
Mono »...), de l’indus sur pas moins de
quatre blocs monolithiques (dont l’in-
croyable « Oxygen Of Duplicity »), et
quelques curiosités comme cet éton-
nant « To Go Off And Things » (réjouis-
sante reprise des Cardiacs), ou encore
une version longue de « Weltschmerz »
(initialement intro du Smear Campaign
de 2006 sur laquelle figurent des voca-
lises d’Anneke van Giersbergen). On se
souvient bien sûr des deux compilations
de covers sorties par la formation
(Leaders Not Followers en 1999 et
2004) : celles-ci étaient on ne peut plus
inégales. Ici, c’est tout le contraire :
Napalm Death vient d’inventer le
Greatest Unknown Hits ! Un best of de
titres inconnus, dont on se demande
bien comment ils ont pu garder ça pour
eux tout ce temps ! A la fois un magni-
fique cadeau pour tous les fans et une
excellente introduction à l’univers du
groupe pour les néophytes, Coded
Smears And More Uncommon Slurs se
hisse d’entrée de jeu parmi les sorties
les plus indispensables de la très longue
CHARLELIE ARNAUD . . . . . . . . . . . .8,5
discographie du groupe. Parole de fan !
Boetto (batterie/ex-Marécage, autre for-
mation phocéenne ayant œuvré à la
même époque) et Fabrice « Boule »
Baud (guitare/ex-Quartiers Nord) qui
rejoint Venin en 2017. Après quelques
concerts, le groupe s’attaque au chan-
tier resté en suspens dans les 80’s : un
album ! Uniquement constitué, semble-
t-il, de nouvelles compositions (en tout
cas, il ne reprend aucun titre de la démo,
ni du maxi), La Morsure Du Temps voit
Venin continuer d’œuvrer dans un hard
rock traditionnel chanté en français, en
faisant ainsi l’un des très rares spéci-
mens du genre encore en activité. Et si
l’on pouvait légitimement se demander
ce qu’allait donner une telle entreprise
trente ans après ses derniers pas, nous
sommes très agréablement surpris par
la qualité des morceaux, mais aussi de
l’interprétation, du chant, ainsi que par
le son global de l’album. Bien sûr, le
style développé ici parlera principale-
ment aux fans qui ont eux aussi grandi
lors de ces années « hardos » du début
des années 80, et nul doute que les
amateurs de metal véritablement
« chanté » dans la langue de Jean-Pierre
Papin y trouveront leur compte. Avec
des couplets et des refrains souvent
 entonnés à deux ou trois voix, ce chant
posé et appliqué est l’un des atouts du
groupe, tout comme les nombreux soli
de très bonne facture, à l’instar de celui
du titre éponyme, des très mélodiques
« Guet-Apens » et « Les Tourments »,
mais aussi de la ballade « Souviens-Toi
De Moi ». « Trafiquant De Rock », « La
Nuit Des Fous », « La Faute Aux
Souvenirs », aux saveurs plus typique-
ment heavy metal, et plus encore
« L’instant » se veulent quant à eux plus
mordants et agressifs. Bref, dans le
genre, c’est une réussite ! En tout cas,
Venin semble bien décidé à rattraper le
temps perdu puisque, outre cet album,
vous pourrez notamment le retrouver
sur scène à l’affiche de trois festivals old-
school (le Pyrenean Warriors Open Air
de Toreilles, le South Troopers de
Marseille et le Festival de Vouziers) d’ici
des errances regrettables (« Prelude To
Beltan » aurait vraiment mérité d’être
interprété par un flûtiste plus expéri-
menté) ou à quelques passages rythmi-
quement peu précis, et nous le déplo-
rons d’autant plus que ce disque compte
nombre de bons riffs, de soli épiques
(très réussi sur « Antrustion ») et d’idées
solides (les superbes guitares harmoni-
sées qui concluent le titre éponyme,
l’harmonie entre les flûtes et guitares de
« In Tribute To Beltan » qui évoquent la
ont régulièrement le loisir de se procu-
rer moult raretés audio. Il est aussi très
prolifique en matière de DVDs de
concerts/reportages qu’il édite lui-
même sur son site internet, mais qu’on
retrouve aussi distribués à plus large
échelle. Depuis son retour avec Wonder
Days en 2015, son nouveau label,
EarMusic, joue donc le jeu du groupe et
propose aujourd’hui Stage, un DVD/Blu-
nant entre 3.000 et 6.000 places, voire
plus, sans le moindre problème.
Pourtant, même dans des lieux aussi
imposants, Thunder reste un groupe de
rock dans la plus pure tradition : rien de
particulièrement spectaculaire à noter
au niveau scénique, si ce n’est un beau
light-show disposé de façon originale
(presque verticalement). Bref, voilà un
groupe de la vieille école qui laisse par-
ler la musique en premier lieu. Et il faut
dire qu’il a de quoi faire avec un tel
répertoire. Fort de onze albums studio,
Thunder n’a que l’embarras du choix
pour établir une setlist qu’il veut équili-
brée, faisant la part belle aux classiques
des 90’s, à ceux des années 2000, mais
aussi aux extraits de ses deux derniers
opus. Ce qui signifie qu’il lui faut cruci-
fier certains titres pourtant populaires
(« She’s So Fine », « Low Life in High

BENJI . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7
la fin de l’année. Bon Mistral, les gars ! Ray filmé le 24 mars 2017 à la Places », « River Of Pain », « Stand Up »,
Motorpoint Arena de Cardiff, au Pays de « Loser », « The Devil Made Me Do It »…

WERGELD
Imperium Delecta
(Khaos Division Prod.)
Pagan black metal
Sortie : déjà disponible
Né en 2013 sous l’impulsion du guita-
riste et compositeur Greg MacLeod,
Wergeld – qui tire son nom d’un système
de compensation qui régissait la loi
salique chez les Francs – est un quintet
basé sur Angoulême dont le but avoué
est d’exalter l’Histoire de France, et plus
scène irlandaise, Waylander et Cruachan
en tête), etc. Manque encore à la horde
de MacLeod, qui ne manque visiblement
pas de passion, de fougue et d’idées,
une meilleure maîtrise de ses voix claires,
de son enregistrement et de sa produc-
tion. Le talent et les idées sont là, le
potentiel ne demande qu’à s’exprimer.
En attendant, Imperium Delecta est un
Galles. Outre les versions « simples »
DVD/Blu-Ray, vous pourrez le retrouver
sous d’innombrables formes, incluant
notamment les CDs du concert, trois
vinyles, un autre DVD filmé au 100 Club
de Londres en janvier 2016 ou encore un
CD live capté à Hambourg. Bref, il y en a
pour tout le monde et pour toutes les
bourses ! Aux dires du groupe, cette
date de Cardiff a été spécifiquement
choisie car, en 2013, lors de ses premiers
concerts de reformation en première
partie de Whitesnake et Journey à tra-
vers le Royaume Uni, le quintet avait été
) au profit de nouveautés qui le valent
bien (« No One Gets Out Alive », « The
Enemy Inside », « Rip It Up »…). Luke
Morley, qui fait son entrée sur scène
chapeauté, décoche comme à son habi-
tude des soli de toute beauté (quel final
sur « Right From The Start » !), alors que
Danny Bowes, intenable vocaliste, ne
cesse de motiver un public qui lui mange
dans la main. Une foule qui se montre
très sonore lors du très émouvant
« Resurrection Day », ou encore lors d’un
« Love Walked In » durant lequel Bowes
se pose en véritable acteur pour récla-

DVD
précisément l’époque des Mérovingiens, premier opus touchant en dépit de – ou abasourdi par l’accueil que lui avaient mer encore plus de bruit à une salle
dynastie qui régna sur une grande partie grâce à, c’est selon – ses maladresses, réservé les Gallois. Du coup, de retour pourtant motivée ! Et cette émotion
de notre territoire du Vème au VIIIème siè- mais encore trop rustre et malhabile dans cette même salle, mais cette fois-ci dans sa voix sur « Don’t Wait For Me »…

cle. Et quoi de mieux, pour mettre en
son de grandes batailles épiques, que
de recourir à un pagan metal d’obé-
dience black revendiquant les influences
conjointes de Bathory et Moonsorrow ?
Dès les premières notes de chant grégo-
rien qui ouvrent ce premier opus longue
FRANÇOIS BLANC . . . . . . . . . . . . . . . . .6
pour espérer convaincre pleinement.
en tête d’affiche, il lui semblait évident
que le lieu était approprié pour graver
un souvenir de la tournée Rip It Up, un
album sorti à peine un mois et demi
avant ce show. Et le moins que l’on
puisse dire, c’est que les Gallois sem-
blent déjà très familiers avec le nouveau
La chanteuse Lynne Jackaman rejoint
Danny pour des vocalises très haut per-
chées sur « She Loves The Cocaine »,
avant un « Dirty Love » à l’intro rallon-
gée à l’envi par un Bowes taquin.
Vraiment, un chouette concert ! Côté
bonus, pas grand-chose à se mettre sous

durée, nous nous trouvons en terrain
connu, les deux géants cités plus haut
ayant eu recours à des effets similaires
par le passé. Bien sûr, ce prélude se
trouve rapidement suivi par une salve de
riffs épiques et revanchards, sous-tendus
par un rythme de batterie rapide et pré-
cis et des voix claires graves. « Imperium
Delecta », titre éponyme qui lance les
hostilités, s’avère très représentatif de
l’album qui va suivre, de ses nombreuses
fulgurances et de ses gaucheries,
défauts de jeunesse inhérents à tout
premier album. Nous pourrions faire
l’impasse sur cette production rêche,
certains disques du genre disposant
pourtant d’un cachet formidable n’étant
pas forcément des mieux lotis non plus
(au hasard, les premiers opus de Menhir
ou de Falkenbach). Le chant black rugis-
sant, pas très éloigné de celui des
Germano-islandais d’Arstidir Lifsins,
tient son rôle avec conviction et fonc-
tionne bien. En revanche, les harmonies
plus qu’approximatives du chant clair,
qui alterne généralement entre le passa-
ble et le faux, tendent à ruiner le climat
général instauré. Le côté « maison » de
l’enregistrement donne parfois lieu à
THUNDER
Stage
(EarMusic)
Depuis ses débuts, Thunder s’est fait
spécialiste des EPs/Maxis/versions spé-
ciales/Deluxe grâce auxquels les fans
LE BOOK QUI TUE
Chaque mois, un musicien vous recommande
son livre de chevet. Puisse cette rubrique vous
donner envie, amis lecteurs, de vous plonger
(ou vous replonger) dans un bon bouquin au
son d’un chouette disque. Un plaisir rare. Dans
ce numéro, c’est Biff Byford, chanteur de
Saxon, qui s’y colle.
Le Dernier Royaume (de Bernard Cornwell)
J’adore les romans. J’ai récemment dévoré Le
Dernier Royaume (The Last Kingdom) de Bernard
Cornwell, qui n’est pas à proprement parler une
nouveauté, puisqu’il a originellement été édité
en 2004. J’aime beaucoup ce genre d’intrigue
qui est une fiction basée sur des faits réels. Au
neuvième siècle, un gamin, le dernier fils d’un
répertoire vu, une nouvelle fois, le la dent, si ce n’est une interview des
triomphe qui est fait au quintet londo- cinq membres du groupe dans leur tour-
nien ! Nous avons du mal à le réaliser en bus, hélas non sous-titrée. Néanmoins,
France, vu le succès confidentiel du voilà un document plus que sympa-
groupe chez nous (à Paris, il n’arrive pas thique pour les fans curieux de voir ce
à remplir la Maroquinerie…), mais au que Thunder représente de l’autre côté
Royaume Uni, il peut enchaîner une de la Manche…
dizaine de dates dans des salles conte- BENJI
seigneur anglais, Uthred Ragnarson, est fait
prisonnier sur ses propres terres et utilisé comme
esclave par des vikings danois. Mais ces derniers
vont aussi lui apprendre l’Art de la guerre et
vont, plus tard, tenter d’envahir l’Angleterre et
devoir affronter les Saxons. Alors qu’ils sont sur
le point de faire capituler le pays, ce gosse, qui
est devenu un homme, s’évade et s’en va
combattre auprès des Anglais et du Roi Alfred,
qui va lui apprendre à lire et à écrire. Il se venge
ainsi de ses anciens bourreaux, ce qui
évidemment est un gros avantage car il connaît
parfaitement leurs façons de procéder. Ce livre fait
partie d’une série de cinq ouvrages basés sur le
même thème et a fait l’objet d’une série télévisée
diffusée en Angleterre en 2015. La lecture de ce
bouquin m’a en outre inspiré les paroles du morceau
« Sons Of Odin » qui apparaît sur notre dernier album,
Thunderbolt.

100

Ces dernières années, le vinyle revient en force,
ce qui n’est pas pour nous déplaire. Chaque mois,
dorénavant, nous vous proposons donc une sélection des
plus chouettes nouveautés. C’est parti, mon kiki !
Pour fêter son vingtième anniversaire
(même s’il a, dans les faits, été inactif de
2007 à 2017), Pleymo, reformé depuis le
29 mars dernier, publie, chez Legacy/
Sony Music, un best of judicieusement
intitulé… Best Of. Disponible en format
double vinyle, il renferme seize titres,
soit quatre extraits de chaque opus
studio du combo de Fontainebleau :
Keçkispasse (1999), Episode II : Medecine
Cake (2002), Rock (2003) et Alphabet
Prison (2006). Les fans apprécieront le
fait que les musiciens aient eux-mêmes
élaboré le track-listing de ce Meilleur De
et conçu son sympathique artwork
rehaussé d’une pochette ouvrante et
d’inserts. Cerise sur le gâteau, ce double
LP est proposé en vinyle blanc limité à
2000 exemplaires (dont certains à rafler
sur notre page FaceBook), ce qui fait
déjà de lui un collector. Ne traînez donc
pas à vous le procurer ! Century Media
édite, pour sa part, un vinyle du nouvel
album d’Avatar, le petit groupe qui
monte, qui monte. Au menu, une
pochette gatefold renfermant le disque
Android (liens ci-dessous). Cette version dématérialisée est enrichie à l'aide de liens cliquables
Une rubrique de Philippe Lageat
en vinyle 180 grammes, mais aussi en
CD, ainsi qu’un insert sur lequel figurent
les textes des morceaux. Le visuel de
Avatar Country, timide en petite taille,
prend ici toute sa dimension, dilatant
enfin les pupilles comme il se doit. De
son côté, Warner met en bacs une triplette
qui a de la gueule : Magma de Gojira,
sobre mais racé (avec insert contenant
les textes), The Serenity Of Suffering de
Korn (sa pochette ne vaut d’être vue que
dans ce format où elle se révèle totalement)
et surtout Gore de Deftones, en double
vinyle blanc 140 grammes avec insert et
Retrouvez également ROCK HARD tous les mois sur vos smartphones et tablettes Apple et
que vous pourrez ouvrir sans quitter l'application. Bonne lecture !
Apple / AppStore :
http://bit.ly/appleRH
pochette gatefold d’une grande élégance.
Ces trois LPs renferment une carte sur
laquelle figure un code de téléchargement.
Chez Nuclear Blast, c’est, une fois de plus,
la fête à la cire. Jugez-en plutôt : trop
fier d’avoir signé l’un de ses plus légen-
daires compatriotes, le label allemand
met le paquet pour promouvoir le nouvel
album de Michael Schenker ou, plus
précisément, le premier album de
Michael Schenker Fest. Resurrection,
c’est son nom, est disponible à la vente
dans une pochette ouvrante (avec textes
reproduits sur un insert) en double vinyle
noir, mais aussi en double LP coloré. Au
choix : or, splatter rouge/ transparent, ou
transparent, les deux premiers étant
respectivement limités à 300 et 500
copies. Les collectionneurs apprécieront
le fait que le label germain en profite
également – une fois n’est pas coutume
– pour sortir un Maxi 45 Tours du single
« Warrior », dont la face B n’est autre
que le titre « Heart And Soul » sur lequel
apparaît Kirk Hammett, le guitariste de
Metallica. Disponible en vinyle noir ou
transparent, ce Maxi est plus rare encore
dans son édition orange limitée à 300
exemplaires. Nuclear Blast, décidément
taquin, fait aussi jouer la nostalgie à plein
en profitant de la sortie imminente d’Eonian,
le premier album de Dimmu Borgir en
huit ans (!), pour éditer un 45 Tours. La
face A de ce dernier, « Interdimensional
Summit », n’est autre qu’un premier
extrait de cet opus attendu comme le
messie, tandis qu’en face B figure une
version live de « Puritania » captée à
Oslo avec un orchestre symphonique en
2011 et uniquement disponible jusqu’ici
sur le DVD Forces Of The Northern Night
(2017). Là encore, plusieurs éditions sont
mises à la vente : un vinyle noir (700 copies),
mais aussi un splatter noir/transparent
(500 copies). Reste que le titre de « plus
beau vinyle du mois » revient probablement
au Vignette de Letters From The Colony.
Ce groupe suédois de metal progressif
se fend en effet, toujours chez Nuclear
Blast, d’un double LP de couleur noire
qui vaut avant tout pour sa pochette
gatefold, évidemment sublime en grand
format, et son magnifique livret au format
vinyle de 12 pages abritant des dessins
(animaliers) supplémentaires, des photos
du groupe, mais aussi les textes des
morceaux. Pur plaisir des yeux que cette
œuvre d’art à part entière !
Android / Google Play :
http://bit.ly/androidRH
 Partenaire favori des plus grands tourneurs français !

& GERARD DROUOT

& PRODUCTIONS
BUTCHER BABIES
18/03 - Paris, Basckstage O Sullivans

PERSEFONE
24/03 - Lyon, Ninkasi Kao
31/03 - Paris, Petit Bain

MISANTHROPE OUTCH! FESTIVAL

MELTED SPACE UNLEASHED + ROTTING CHRIST
04/04 - Paris, Boule Noire + IGORRR + NOSTROMO + FUBAR
+ WIEGEDOOD + BLOCKHEADS
PUNISH YOURSELF + CARCARIASS + HIEROPHANT
+ CHRISTIAN DEATH + COLLISION DOCTOR + LIVINGSTONE HELLFEST
+ VOLKER + INSANITY ALERT + DEATHRITE ETC. AVEC IRON MAIDEN + JUDAS
19/04 - Paris, Boule Noire 26-27/05 - Langres, Lac de la Vingeanne PRIEST + AVENGED SEVENFOLD +

ANGRA + OPERATION MINDCRIME

MEGADETH + NIGHTWISH + HOLLY-
WOOD VAMPIRES + MARILYN MAN-
STEVEN WILSON
12/03 - Paris, Olympia (complet !) Indisponible
+ HALCYON WAY + AVELION SON + LIMP BIZKIT + PARKWAY en abonnement
24/03 - Vauréal, Forum DRIVE + BODY COUNT + STONE 13/03 - Lille, Théâtre Sébastopol
SOUR + DEFTONES + A PERFECT 07/07 - Paris, Olympia. Indisponible en
ANNIHILATOR CIRCLE, ETC. (Affiche complète page 95) abonnement
28/10 - Paris, Petit Bain 22-23-24/06 - Clisson
30/10 - Grenoble, Illyade Indisponible en abonnement
31/10 - Toulouse, Metronum

A PERFECT CIRCLE 15/04 - Marseille, Moulin

26/06 - Paris, Olympia (complet !) 16/04 - Colmar, Grillen

AVATAR DEAD CROSS

ROCK’N FESTIVAL avec Glenn
Hugues + Derek Forbes +
Skarlett Riot - Morgan Ji - Edgar
07/04 - Chauny
& VERYSHOW
14/03 - Paris, Trianon 17/06 - Brétigny-sur-Orge, Download Paris
20/06 - Cognac, West Rock
BLACK LABEL SOCIETY 23/06 - Clisson, Hellfest
08/03 - Paris, Bataclan
09/03 - Toulouse, Bikini THE DEAD DAISIES
+ THE NEW ROSES
BLACK RAIN 06/05 - Paris, Trabendo
08/03 - Nantes, Scène Michelet EUROPE
DEMONTOOL 27/09 - Paris, Trianon
BLAZE BAYLEY 17/03 - Eragny, Covent Garden
07/04 - Marseille, Jas Rod + LUKE APPLETON + BOMBERHEAD + MALEMORT
+ SILVERWIND 31/03 - Ste-Geneviève des Bois, Bières à l'Affût
25-26/05 - Pagney derrière Barine, Chez Paulette + FENRIR
+ LUKE APPLETON 28/04 - Dourdan, Pitchtime

BULLET DIAMOND HEAD + BLAZING WAR

15/05 - Paris, Klub MACHINE + YANN ARMELLINO &
EL BUTCHO + THRASH GANGSTERS
BULLY ON ROCKS 5 31/03 - Chalons En Champagne, Contrepoint
25/05 - Bully Les Mines avec DAN BAIRD
& HOMEMADE SIN + THIRTEEN DISKORD + CRYPTIC BROOD
STARS + BIGFOOT 22/03 - Cavaillon, Iron Bar SCORPIONS
26/05 - Bully Les Mines avec LITTLE CAESAR 26/06 - Paris, AccorHotels Arena
WITHIN TEMPTATION
16/11 - Paris, Zénith
+ NITROGODS + RAGDOLL
+ OVERDRIVERS
EARTHLESS + COMET CONTROL
07/04 - Paris, Petit Bain
GRETA VAN FLEET
CARPENTER BRUT + YOUTH CODE EXODUS 28/03 - Paris, Etoiles
13/03 - Lyon, Transbordeur 05/06 - Paris, Petit Bain
17/03 - Bruxelles (BE), Ancienne Belgique 26/06 - Pagney, Chez Paulette GUNS N’ROSES
20/03 - Lille, Splendid 27/06 - Lyon, CCO 18/06 - Brétigny Sur Orge, B.A. 217
24/03 - Paris, Olympia 26/06 - Bordeaux, Stade Matmut Atlantique
EVANESCENCE (TOURNÉE 'SYN-
CROWBAR THESIS' AVEC ORCHESTRE) HANGMAN’S CHAIR
08/04 - Savigny-Le-Temple, Empreinte 28/03 - Paris, Grand Rex 10/03 - Nancy, 915 Kaffe
16/03 - Toulouse, Rex
DAGOBA + PYOGENESIS G3 avec JOE SATRIANI + ULI JON 17/03 - Avignon, Akwaba + WITCHTHROAT
23/03 - Savigny-Le-Temple, Empreinte ROTH + JOHN PETRUCCI SERPENT + MUDBATH
15/04 - Lyon, Amphithéâtre Cité Internationale 27/04 - Cannes, MJC Picaud
DARK TRANQUILLITY 16/04 - Boulogne-Billancourt, Seine Musicale 28/04 - Marseille, Jas Rod
+ EQUILIBRIUM 17/04 - Bordeaux, Metropole Arena 04/05 - Paris, Maroquinerie
11/05 - Blois, Chatodo (Outbreak Festival)
NIGHTWISH
10/11 - Paris, AccorHotels Arena
30/03 - Metz, Gueulard Plus
08/04 - Lyon, CCO
18/04 -
19/04 -
Toulouse, Zénith
Nantes, Zénith 12/05 - Gueret, Metal Culture(s)
09/04 - Bordeaux, Rockschool Barbey 23/04 - Lille, Zénith 15/06 - Brétigny-sur-Orge, Download Festival
 ABONNEMENT
Si vous vous abonnez et que vous êtes inté-
Envoyez vos dates à : redaction@rockhard.fr ressé par une place de concert, outre les
& Alternative Live shows proposés en page 106, vous pouvez
choisir n’importe quelle date indiquée dans
DANCE GAVIN DANCE un cadre doré en le précisant clairement
& + VEIL OF MAYA sur votre coupon.
10/03 – Paris, Backstage By The Mill

OF MICE & MEN

PRETTY MAIDS
20/03 - Grenoble, Ilyade
19/04 – Paris, Trabendo & 106DB
21/03 - Savigny Le Temple, Empreinte
SLEEPING WITH SIRENS
24/05 – Paris, Machine du Moulin Rouge
INSOMNIUM
+ TRIBULATION STATE CHAMPS
05/04 - Toulouse, Metronum 23/05 – Paris, Maroquinerie
13/04 - Annemasse, Chateau Rouge
14/04 - Angers, Chabada ASKING ALEXANDRIA
15/04 - Strasbourg, Laiterie
08/06 – Paris, Trabendo
DARK TRANQUILLITY SILVERSTEIN
EQUILIBRIUM DOWNLOAD 21/06 – Paris, Backstage By The Mill
08/04 - Lyon, CCO
09/04 - Bordeaux, Théâtre Barbey 15/06 - Brétigny Sur Orge, B.A. 217 avec THE CHRIS SLADE TIMELINE
16/04 - Colmar, Grillen OZZY OSBOURNE + GHOST + POWER- PHIL CAMPBELL & THE BASTARD 15/03 - Verviers (Belgique), Spirit Of 66
01/05 - Limoges, John Lennon SONS
02/05 - Paris, Machine WOLF + CONVERGE + ELUVEITIE, etc. 23/03 - Istres, Usine
19/03 - Paris, Boule Noire 24/03 - Lax, Festival Lax'n'Blues
16/06 - Brétigny Sur Orge, B.A. 217 avec 23/03 - Vauréal, Forum 20/04 - Savigny le Temple, Empreinte
ENSIFERUM MARILYN MANSON + THE OFFSPRING 21/04 - Le Mans, 24h du Mans
18/04 - Strasbourg, Laiterie
19/04 - Grenoble, Belle Electrique + TURBONEGRO + MESHUGGAH + PLEYMO 22/04 - Saint Agathon, Grande Ourse
20/04 - Limoges, John Lennon ULTRA VOMIT, etc. 23/03 - Paris, Trianon (complet !) 11/05 - Pagney derrière Barine, Chez Paulette
25/04 - Toulouse, Metronum 31/03 - Paris, Olympia 12/05 - Fismes, Hard Rock Legend Festival
17/06 - Brétigny Sur Orge, B.A. 217 avec FOO 13/05 - Colmar, Grillen
FIGHTERS + THE HIVES + DEAD CROSS 09/06 - Penmarc'h, Festl God Save The Kouign
SKID ROW + SLAVES + FRANK CARTER, etc.
PRIMORDIAL + MOONSORROW +
16/06 - Couvelon, Festival Musicool
23/05 - Savigny Le Temple, Empreinte DER WEG EINER FREIHEIT 22/06 - Clisson, Hellfest
18/06 - Brétigny Sur Orge, B.A. 217 avec 14/04 - Paris, Trabendo 05/07 - Embrun, Festival Trad'in
ROSE TATTOO GUNS N’ROSES, etc. 22/07 - Châteauneuf Les Martigues, Blue
14/06 - Strasbourg, Laiterie RAISMES FEST #20 avec SONS Beach Biker Fest
OF APOLLO + ECLIPSE + STOCKS
HELMET MACHINE HEAD + BAD TOUCH + STICKY BOYS + GLENN HUGHES
29/06 - Paris, Petit Bain 22/03 - Rouen, 106 ÖBLIVÏON, etc.
24/03 - Paris, Bataclan
07/04 - Chauny, Rock Aisne Festival
15-16/09 - Raismes, Château de la princesse
ANNIHILATOR 26/03 - La Rochelle, Sirène
27/03 - Bordeaux, Rocher de Palmer
d’Arenberg WISHBONE ASH
28/10 - Paris, Petit Bain 16/03 - Compiègne, Ziquodrome
30/10 - Grenoble, Ilyade 08/04 - Toulouse, Bikini RED MOURNING + PITTBULLS IN 17/03 - Istres, l'Usine
31/10 - Toulouse, Metronum 09/04 - Marseille, Cabaret Aléatoire THE NURSERY + M.F. CREW 20/03 - Brest, Vauban
15/04 - Lyon, Transbordeur 23/03 - Paris, Boule Noire 21/03 - Ballan-Miré (Tours), Parenthèse
24/04 - Strasbourg, Laiterie 22/03 - Paris, New Morning
RHAPSODY (avec Luca & Fabio 23/03 - Fleyming-Merlebach, Esp. Théodore Gouvy
HEAVEN SHALL BURN + AUGUST MEGADETH 25/03 - Pagney Derrière Barine, Chez Paulette
BURNS RED + WHITECHAPEL, etc. pour le 20ème anniversaire)
04/07 - Strasbourg, Laiterie 16/03 - Paris, Trabendo
27/03 - Paris, Machine du Moulin Rouge 05/07 - Lyon, Transbordeur 17/03 - Toulouse, Metronum
STONECAST + SENTINHELL +
HYPNO5E MODERN LIFE IS WAR STYLE TRIP
05/05 - Paris, Café de la Danse ROBERT PLANT & THE SENSATIONAL
22/06 - Paris, Petit Bain + CRO-MAGS SPACE SHIFTERS 21-22/09 - Marseille, Jas Rod
IGORRR 23/07 - Paris, Salle Pleyel
MYRATH + MANIGANCE
01/06 - Rambouillet, Usine à Chapeaux 24/03 - Montauban, Rio Grande STICKMEN feat. TONY LEVIN
SCORPIONS (TOURNEE « CRAZY WORLD »)
25/03 - Narbonne, DB 22/03 - Nantes, Zénith Métropole 18/03 - Savigny-le-Temple, Empreinte
IRON MAIDEN 30/03 - Nantes, Ferrailleur
24/06 - Clisson, Hellfest + VANDENBERG’S MOONKINGS
24/03 - Clermont-Ferrand, Zénith (complet !) THE TEMPERANCE MOVEMENT
05/07 - Paris, AccorHotels Arena (complet !!!) NE OBLIVISCARIS + ALLEGAEON 01/04 - Bordeaux, Rocher de Palmer
06/07 - Paris, AccorHotels Arena + VANDENBERG’S MOONKINGS
25/04 - Nice, Altherax Music 26/03 - Limoges, Zénith Métropole 02/04 - Nantes, Ferrailleur
28/04 - Bordeaux, Rock School Barbey + VANDENBERG’S MOONKINGS
KAMELOT 29/04 - Nantes, Ferrailleur TOTO (TOURNEE « 40 ANS »)
15/09 - Paris, Elysée Montmartre 28/03 - Toulon, Zénith Omega
01/05 - Paris, Gibus + VANDENBERG’S MOONKINGS 15/03 - Lille, Zénith
02/05 - Nancy, L'Autre Canal 30/03 - Rouen, Zénith 25/03 - Marseille, Dôme
KING CRIMSON 26/03 - Toulouse, Zénith
15-16/11 - Paris, Olympia + VANDENBERG’S MOONKINGS
NICKELBACK 04/04 - Bruxelles (Belgique), Forest National 27/03 - Lyon, Halle Tony Garnier
26/06 - Paris, Palais des Sports 24/06 - Amnéville, Galaxie 30/03 - Paris, Seine Musicale
LES VEGAS (Soft White
Underbelly/pré-B.Ö.C) 26/06 - Paris, AccorHotels Arena
NINE INCH NAILS 28/06 - Saint-Vulbas, Printemps de Pérouges TRIVIUM + POWER TRIP + VENOM
22/03 - Paris, New Morning 25/06 - Paris, Olympia PRISON
23/03 - Freyming Merlebach, Espace Théodore 30/06 - Rennes, Liberté
01/08 - Colmar, Foire Aux Vins 13/04 - Paris, Bataclan
Gouvy OBITUARY
25/03 - Pagney Derrière Barine, Chez Paulette 14/03 - Paris, Trabendo UGLY KID JOE
SEPULTURA + OBSCURA + GOATW-
16/03 - Lyon, CCO Villeurbanne HORE + FIT FOR AN AUTOPSY 05/05 - Paris, Bataclan
LEAVES’EYES + MAYAN 17/03 - Mulhouse, Noumatrouff
+ ALMANAC 20/03 - Paris, Elysée Montmartre
ULTRA VOMIT
18/04 - Paris, Petit Bain ORIGIN + RINGS OF SATURN + 13/10 - Paris, Olympia
SOUTH TROOPERS FESTIVAL avec
HIDEOUS DIVINITY + GRAVESLAVE DIAMOND HEAD + SATAN + NIGHT
LOFOFORA 13/04 - Paris, Glazart YES
07/06 - Paris, Maroquinerie DEMON + TITAN + LONEWOLF +
14/04 - Lyon, Rock'n'Eat TENTATION + SPEED QUEEN + 30/03 - Paris, Olympia
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15-16-17-18 juin / Brétigny sur Orge (France) 10/11/18 - Paris, AccorHotels Arena
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22 N° Rock Hard (valeur : 143 €) Offert par VERYSHOW

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OUTCH! FESTIVAL : IGORRR +
10-11-12 aout / Courtrai (Belgique)

UNLEASHED + ROTTING CHRIST etc.

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200 €
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DROUOT PRODUCTIONS
26-27/05 - Langres, Lac de la Vingeanne
(voir programmation complète page 102)

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