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UNIVERSITÉ DE NICE SOPHIA ANTIPOLIS

INSTITUT DU DROIT DE LA PAIX ET DU DÉVELOPPEMENT

LA POLITIQUE FRANÇAISE A L’ÉGARD DU NUCLÉAIRE


IRANIEN

Rapport dans le cadre du Master II – Sécurité Internationale, Défense,


Intelligence économique.

Par Florian Alessandrini.

Rapport sous la direction de :

Mme ANOUCHE BEAUDOIN, Maitre de conférences

Année universitaire 2015-2016

1
2
SOMMAIRE

Introduction .............................................................................................................................. 4

Partie I : La stratégie de la France pour lutter contre la prolifération du nucléaire


iranien : une politique intérieure active et irrégulière. ......................................................... 4

Partie II : La position engagée de la France sur la scène internationale quant à la


résolution de la crise du nucléaire iranien : entre sauvegarde de principes et marquage
d’intérêts. .................................................................................................................................. 9

Bibliographie............................................................................................................................. 9

3
INTRODUCTION

« Alors oui, il faut réfléchir autrement, ensemble. Cela voudrait dire penser à une
solution sur le problème du programme nucléaire iranien autre qu’un arrêt pur et simple de
l’enrichissement d’uranium. Une solution qui pourrait redonner confiance à l’Occident sur les
intentions de Téhéran, tout en prenant en compte les intérêts et les droits iraniens en matière
nucléaire. »1. Cette citation traduit bien la longue crise nucléaire qu’ont connue
principalement l’Iran et les occidentaux. Une crise caractérisée par une diversité d’acteurs aux
positions divergentes, une évolution d’enjeux et de situations, et dont les vraies solutions
viables ne sont intervenues que très récemment. La France, par sa position diplomatique et sa
puissance, doit avoir une influence dans la non-prolifération des armes de destruction
massive. Tant une obligation, qu’un intérêt de premier ordre, la non-prolifération des armes
de destruction massive est un des objectifs de la politique de défense de la France. Dans un
climat de défiance et de méfiance, l’Iran s’est trouvé au cœur des préoccupations de la
communauté internationale. La République islamique a vécu de nombreuses évolutions quant
à sa structure étatique2 ainsi qu’à son environnement ; la guerre avec l’Irak de 1980 a laissé
penser aux occidentaux que l’Iran dissimule des installations d’enrichissement de l’uranium 3.
L’Iran est un Etat-membre du TNP4, une problématique et un paradoxe était alors d’actualité :
celle où l’Iran a le droit de développer du nucléaire civil 5 et on ne peut l’en empêcher, à
défaut de ne pas respecter le TNP, mais pour que l’Iran ne se dote pas de la bombe nucléaire,
il fallait qu’elle cesse toutes activités nucléaire civil. L’Iran est alors devenu au fil des années
une menace en adoptant une attitude laissant penser une acquisition progressive de la bombe
nucléaire.

La crise du nucléaire iranienne est née le 14 aout 2002. Dans ces circonstances, la
France, acteur majeur sur la scène internationale et signataire de nombreuses conventions sur
le désarmement va tenter à plusieurs reprises de trouver une solution malgré des relations
franco iraniennes relativement tendues. L’on peut se demander comment la France traduit
cette position ferme et rigoureuse à l’égard du nucléaire iranien à l’échelle nationale et
internationale ? Pour lutter contre la prolifération du nucléaire iranien, la France adopte une

1
Sénat Français, L’Iran : le renouveau d’une puissance régionale ?, Rapport d’information n°22, commission
des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, 7 octobre 2015, p. 19.
2
Notamment avec la révolution islamique de 1979.
3
S.BOUSSOIS, L’accord iranien sur le nucléaire, une révolution géopolitique pour la région et pour le monde,
Note d’analyse du Groupe de Recherche et d’Information sur la Paix et la sécurité, 27 juillet 2015, p. 7.
4
Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires.
5
L’article IV du TNP prévoit un « droit inaliénable de toutes les Parties au Traité de développer la recherche, la
production et l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques ».

4
politique intérieure rigoureuse et complexe en intégrant l’évolution du contexte international
(I). Mais la France va également avoir une position engagée sur la scène internationale afin de
faire respecter le TNP et de marquer ses intérêts politiques, diplomatiques et économiques
(II).

Partie I : La stratégie de la France pour lutter contre la prolifération du nucléaire


iranien : une politique intérieure active et irrégulière.

La France a oscillé entre dialogue et rigueur dans sa position à l’égard du nucléaire


iranien (I). Cette attitude se retrouve dans les Livres Blanc sur la Défense et la Sécurité
nationale de 2008 et 2013 (II).

I/ L’attitude confuse et instable de la France à l’égard du nucléaire iranien : du dialogue


à la rigueur.

Si la France a d’abord favorisé le dialogue (A), elle s’est ensuite montrée plus
rigoureuse à l’égard du programme nucléaire Iranien (B).

A/ La stratégie ferme et volontaire de la France : une réelle intention de régler le


différend par la voie du dialogue.

Lorsque les sanctions économiques contre l’Iran sont mises en place, la France a
considérablement réduit ses échanges commerciaux avec l’Iran. Toutefois il est important de
préciser que les relations diplomatiques entre les deux pays n’ont jamais été interrompues
même au moment où les tensions ont été les plus importantes. La France souhaite s’inscrire
dans une solution diplomatique durable, et pouvoir recommencer à commercer avec l’Iran.
Elle est à l’origine des premières négociations, elle se considère comme l’un des acteurs
principaux du contentieux nucléaire iranien6. Elle privilégie le dialogue en s’inscrivant dans
une démarche pacifique qui s’oppose à la vision américaine qui favorise une politique
punitive à l’égard de l’Iran. La position du Président de la République de l’époque, Jacques
Chirac est accueillie favorablement par l’Iran qui craint les sanctions économiques des Etats-
Unis. Entre 2003 et 2005, les relations entre la France et l’Iran ont été particulièrement riches
notamment grâce aux visites bilatérales organisées entre les deux pays 7. Jacques CHIRAC
avait notamment rencontré le secrétaire iranien au Conseil Suprême de sécurité nationale,

6
Y-M. RIOLS, La singularité de la position française dans le nucléaire iranien, http://www.Lemonde.fr, 28
mars 2015.
7
La France et l’Iran, http://www.diplomatie.gouv.fr/

5
Hassan ROHANI, actuel président de l’Iran. Ce-dernier propose à la France de demander à
l’AIEA8 les mesures de contrôle qu’elle juge nécessaire afin de prouver la bonne foi de
l’Iran9. A la fin de son mandat, Jacques Chirac a considéré que si l’Iran obtenait la bombe
nucléaire, il serait irrationnel de penser que ce-dernier l’utiliserait car il y aurait
immédiatement une riposte nucléaire de la part d’Israël. Ces propos, perçus comme une
maladresse à l’époque, peuvent être analysés comme une simple application du principe de
base de la dissuasion nucléaire et rendent compte de l’irrationalité du programme iranien
nucléaire10. Cependant cette conception visait à envisager l’acquisition de la bombe nucléaire
par l’Iran et cette simple hypothèse fut très mal perçue par le reste de la communauté
internationale. Quant aux mesures que la France devait demander à l’AIEA après s’être
entretenue avec l’Iran, ces-dernières ne seront finalement jamais demandées par la France à
l’AIEA et les relations se détériorèrent progressivement à partir de l’arrivée au pouvoir du
président Nicolas SARKOZY.

B/ Le changement de stratégie de la France : le choix de l’intransigeance et de la rigueur


au risque d’employer la force armée pour régler la question du nucléaire iranien.

A partir de l’arrivée au pouvoir de Nicolas SARKOZY, les sanctions envers l’Iran se


durcirent considérablement. Il existe trois régimes de sanction envers l’Iran, les résolutions
prises par le Conseil de Sécurité dans le cadre de l’Organisation des Nations-Unis, les
sanctions prises en marge par l’Union européenne et celles prises par la législation
américaine. Concernant les sanctions européennes, la France s’est montrée intransigeante et
active pour rendre ces sanctions particulièrement contraignantes11. Les relations entre N.
SARKOZY et son homologue AHMADINEJAD sont tendues dès le début. En effet lors de
son discours sur la stratégie nucléaire, le 21 mars 2008 à Cherbourg12 il mentionne la menace
de la prolifération nucléaire et s’adresse donc implicitement à l’Iran en tant qu’ennemi
désigné. Par la suite, Nicolas SARKOZY refuse de serrer la main de « celui qui veut rayer
Israël de la carte » lors d’une conférence en France sur l’Afghanistan et Téhéran n’assistera

8
Agence Internationale d’Energie Atomique.
9
G. MALBRUNOT, Quand Hassan Rohani rencontrait déjà un président français, http://www.Lefigaro.fr,
septembre 2013.
10
N. NOUGAVREDE, Jacques Chirac minimise la menace d'une bombe nucléaire iranienne,
http://www;Lemonde.fr, février 2007.
11
Sénat français, Conclusion des travaux d’une mission d’information constitué le 11 décembre 2013 sur le
Proche et Moyen-Orient, Rapport d’information n°605, commission des affaires étrangères.
12
N. SARKOZY, Discours prononcé dans le cadre de l’exposition de la stratégie militaire française, Cherbourg,
21 mars 2005.

6
pas à la conférence13. Ces malaises diplomatiques qui paraissent anecdotiques ont des
conséquences graves sur les relations des deux pays et ils s’ajoutent à des évènements
fragilisant ces relations comme par exemple l’inauguration d’une base militaire aux Emirats
Arabes Unis. Même si on ne peut pas parler d’une entente amicale entre les deux pays,
l’arrivée de François HOLLANDE au pouvoir et l’élection d’Hassan ROHANI en Iran a
permis un réchauffement des relations franco-iranienne et le rétablissement progressif du
dialogue. Les deux chefs d’Etat se rencontrent au siège de l’ONU à propos de la guerre civile
syrienne et Laurent FABIUS, Ministre des Affaires étrangère rencontre l’ambassadeur iranien
à Paris et s’entretient avec son homologue Javad ZARIF 14. Cette reprise de contact entre les
deux pays est sans cesse menacée par la méfiance et l’intransigeance de la politique française.
En effet la France ne souhaite pas transiger sur la question du nucléaire iranien car elle craint
une réelle prolifération de l’arme nucléaire. En effet si l’Iran se procure la bombe nucléaire,
d’autres pays ne tarderont pas à l’acquérir tels que la Turquie et l’Egypte. De plus l’affaire
Clothilde REISS, étudiante française accusée d’espionnage en Iran 15 n’a pas favorisé la
coopération entre les deux pays. En dehors, des relations politico-diplomatiques
qu’entretiennent les deux pays, la France mène de son côté une stratégie militaire stricte
contre la non-prolifération des armes de destruction massive à travers ces livres blanc.

II/ Les Livres Blanc sur la défense et la sécurité nationale : reflet de la stratégie
rigoureuse de la France à l’égard du nucléaire Iranien.

Le Livre Blanc de 2008 s’inscrit dans une logique de modernisation de la stratégie


française notamment en matière de lutte contre la prolifération du nucléaire iranien (A). Le
Livre Blanc de 2013 adopte une approche rationnelle de la lutte contre la prolifération de
l’arme nucléaire en Iran (B).

A/ L’actualisation de la position française à l’égard du nucléaire Iranien dans le Livre


Blanc de 2008 : la crainte d’une propagation de la crise iranienne et l’absence de
solution concrète.

Dans un premier temps, le Livre Blanc constate les effets pervers de la mondialisation
sur la lutte contre la prolifération d’armes prohibées car cela facilite la diffusion des

13
F. GERE, Iran, l’état de crise, Karthala, Paris, 2010, p 181.
14
La France et l’Iran, http://www.diplomatie.gouv.fr.
15
F. GERE, op cit., p 182.

7
programmes nucléaires et bouleverse la sécurité internationale16. Ce constat semble
partiellement obsolète mais également indispensable pour poser le contexte et comprendre la
nouvelle dimension de non-prolifération des armes de destruction massive. Le Livre Blanc de
2008 expose les crises non résolues tel que le programme nucléaire et balistique de l’Iran, le
conflit israélo-palestinien, le conflit en Irak et les crises répétées au Liban à cause de l’Iran et
de l’Irak. Il souligne justement « l’incapacité des institutions internationales et des grandes
puissances à engager une dynamique de règlement pacifique et celle des pays de la région à
surmonter leurs divisions. »17 Il indique également que le programme nucléaire iranien risque
de déstabiliser tout le Moyen-Orient dans la mesure où les conflits pourraient être envisagés
sous l’angle nucléaire. Le Livre Blanc de 2008 décrit un risque majeur pour l’existence
d’Israël et désigne l’Iran comme adversaire de la France18. Cependant, on ne perçoit pas
clairement la stratégie que la France va adopter afin de lutter contre la prolifération de l’arme
nucléaire en Iran. En effet, il semble favoriser le principe du multilatéralisme19 avec une
action collective des États et une révision du conseil de sécurité pour lutter plus efficacement
contre ce problème. Mais paradoxalement sa position à l’égard de l’Iran parait tellement
stricte que cela ne laisse pas de place au compromis et au consensus. On a alors pensé que le
Livre Blanc de 2013 envisagerait la menace iranienne de manière plus large et plus ouverte au
dialogue.

B/ Le Livre Blanc de 2013 : une approche globale et rationnelle de la lutte contre la


prolifération de l’arme nucléaire en Iran.

Le Livre Blanc de 2013 reflète l’ouverture de la France au dialogue et à la négociation


et l’abandon définitif de la possibilité d’une intervention armée avec l’Iran. Le Livre Blanc de
2013 procède en deux temps. Dans un premier temps le Livre Blanc de 2013 fait état de la
violation par l’Iran des 6 résolutions du Conseil de Sécurité et de la poursuite de ses activités
d’enrichissement nucléaire avec pour objectif de maitriser des capacités nucléaires
militaires20. De plus le Livre Blanc de 2013 propose une analyse de règlement des conflits
plus globale, en indiquant que les crises de prolifération pourront se résoudre seulement si les
problèmes régionaux qui leur ont donné naissance prennent fin. Par ailleurs l’intransigeance et
la méfiance de la France envers l’Iran se traduit par la prévision d’une sorte de « scénario

16
Livre Blanc sur la Défense et la Sécurité de 2008, Première partie, Chapitre 1 : L’incertitude stratégique p. 23.
17
Ibid., p. 28.
18
Ibid., p. 28.
19
Livre Blanc sur la Défense et la Sécurité de 2008, Deuxième partie, Chapitre 6, p. 111.
20
Livre Blanc sur la Défense et la Sécurité de 2013, Chap. 3, p. 30.

8
catastrophe ». En effet si l’Iran parvient à acquérir la bombe nucléaire, d’autre pays seront
tentés de l’avoir ce qui aura pour conséquence de mettre en péril le TNP, et de banaliser
l’arme nucléaire en en faisant une arme de combat21. Alors que pour la France l’arme
nucléaire est une arme de dissuasion. Dans un second temps, le Livre Blanc de 2013 établit
cinq grandes priorités stratégiques. Parmi ses priorités, on retrouve la participation de la
France à la stabilité du Moyen-Orient et du golfe Arabo-Persique22. Et plus particulièrement
la question de l’Iran et ses intentions nucléaires qui pourrait avoir un impact global sur la
planète car le détroit d’Ormuz est l’une des principales voies de transit de l’économie
mondiale en effet c’est le passage obligé d’environ 30% des exportations mondiales de
pétrole. Enfin le Livre Blanc de 2013 est complet dans la mesure où il prend en compte les
approches militaires, économiques, sociales et culturelles. Et il met en place un certain
nombre de moyens pour rendre sa stratégie de défense et de sécurité nationale effective.
Ainsi, le rôle des services de renseignement dans la lutte contre la prolifération d’arme
nucléaire est développé dans la partie « Connaitre et Anticiper ». La mission de prévention est
également valorisée dans le Livre Blanc, en effet la France considère comme « une priorité
politique l’aide aux États fragiles qui se situent dans les zones susceptibles d’affecter sa
sécurité. »23. Si la France protège ses intérêts nationaux par le biais d’une politique nationale
rigoureuse, elle se positionne aussi en tant qu’acteur international et joue un rôle de premier
plan lors des négociations avec l’Iran.

Partie II : La position engagée de la France sur la scène internationale quant à la


résolution de la crise du nucléaire iranien : entre sauvegarde de principes et marquage
d’intérêts.

La France œuvre depuis le début de la crise pour trouver une solution viable et
pérenne. Ces actions démontrent une volonté non dissimulée de maintenir son poids sur la
scène internationale, malgré une évolution de ses positions marquée par des intérêts
économiques qu’elle souhaite conserver (I). Cette volonté se manifeste également par une
contribution à la stabilité au Moyen-Orient. Or la position de la France est pointée
d’ambigüité (II).

21
Livre Blanc sur la Défense et la Sécurité de 2013, Chap. 3., p. 38.
22
Livre Blanc de 2013, Chap. 4, p. 56.
23
Livre Blanc de 2013, Chap. 6, p. 80.

9
I/ Une volonté de la France de garder un certain poids sur la scène internationale : une
évolution de position et des enjeux.

La France participe à de nombreuses initiatives internationales de lutte contre la


prolifération, notamment la résolution 1540 du Conseil de Sécurité. Face aux activités
suspectes iraniennes de création d’une bombe atomique, la France a tout d’abord œuvré avec
ses partenaires européens (A) pour trouver finalement une solution avec ses partenaires du
P5+1 (B).

A/ La France et ses partenaires européens : une alternative à la politique américaine.

Les activités suspectes iraniennes qui ont commencé en 2002 ont en quelque sorte
inquiété la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne24. Les 3 Etats membres de l’Union
Européenne ont lancé une initiative diplomatique25 à l’Iran pour qu’elle respecte les clauses
du TNP en proposant à la République islamique un « accord d’association » et proposer
l’intégration de l’Iran à l’Organisation Mondiale du Commerce26. La Communauté
européenne était alors à l’époque le premier partenaire commercial de l’Iran27. Il y avait donc
un enjeu dans la réussite certaine de ces négociations. Les Etats-Unis étaient prêts à soutenir
la démarche européenne malgré leur politique d’ambivalence concernant le Moyen-Orient28.
Mais cette stratégie des « 3 grands de la communauté européenne » était considérée comme
une « stratégie d’attente et d’exploration »29, En effet, cette politique fut finalement un échec ;
les européens n’étaient pas clairs dans leur discours. Ils reconnaissaient le droit à exercer
souverainement des activités nucléaires civiles reconnues par le TNP mais à la fois pensaient
que l’Iran ne pouvait totalement exercer ce droit30. En 2006, l’AIEA demande au Conseil de
Sécurité de se prononcer et cette affaire passe « officiellement sur la scène internationale »31.
Le rôle de la France va alors changer.

24
F. SANTOPINTO, La crise nucléaire iranienne : un enjeu international, Note d’analyse, Groupe de
Recherche et d’Information sur la Paix et la sécurité, 14 juin 2005, p. 4.
25
Groupe nommé « Groupe UE-3 » à l’époque.
26
Celui-ci est un accord commercial que peut proposer l’UE à des Pays tiers. Il a pour principal but d’offrir des
avantages commerciaux.
27
T. COVILLE, Quel rôle pour l’UE sur le dossier du nucléaire iranien ?, Compte-rendu de conférence, Institut
de relations internationales et stratégiques, 9 décembre 2009, p. 2.
28
F. SANTOPINTO., op. cit., p. 5.
29
F. GERE, op cit., p. 102.
30
Ibid., p. 108.
31
F. GERE, op cit., p. 106.

10
B/ La position ferme, robuste mais surtout risquée de la France avec ses partenaires du
groupe P5+1 concernant les négociations avec l’Iran.

« La France est un acteur déterminé de la lutte contre la prolifération »32. Déterminée à


faire respecter la résolution 1540 du Conseil de Sécurité, la France s’est engagée à ce que
l’Iran respecte le TNP. C’est ainsi que son rôle dans le groupe du P5+1 33 a été d’une
« robustesse constructive »34. L’un des premiers pas dans le rétablissement de la confiance
entre l’Iran et l’Occident a été l’accord préliminaire du 24 novembre 2013 de Genève35.
L’action de la France dans ces négociations a été plus qu’importante : les négociateurs avaient
oublié des points clés, notamment la dangerosité du réacteur d’Arak et la France a alors
affirmé sa position sur ce sujet-là et l’accord fût renforcé36. Après l’échec des négociations du
24 novembre 2014, un accord intermédiaire fût trouvé à Lausanne le 2 avril 2015. Les
négociateurs ont œuvré pour finalement trouver un « accord historique »37 le 14 juillet 2015 à
Vienne. Celui-ci prévoit en outre la limitation des capacités nucléaires iraniennes, une
transparence et vérification des sites par l’AIEA etc… La France a alors fait preuve de la
même fermeté qu’auparavant. C’est notamment elle qui a insisté38 sur le mécanisme de
« snapback »39. Cependant cette fermeté n’est pas sans conséquence. Il est certain qu’un Etat
qui négocie un accord a toujours des intérêts à faire valoir, qu’ils soient dissimulés ou non. En
effet, l’Iran a finalement perçu l’action de la France comme un frein dans les négociations.
Cette ligne pourrait s’expliquer par des liens commerciaux que possède la France avec
l’Arabie Saoudite et Israël.40 La France n’avait peut-être pas totalement en tête la lutte contre
la prolifération nucléaire mais une certaine sauvegarde d’intérêts économiques. A plusieurs
reprises, la France a rallongé le temps des négociations du fait de sa vigueur parfois superflue.
Cela pose alors la question de la stabilité au Moyen-Orient, la France y réfléchit depuis bien

32
L’action de la France contre la prolifération, Conférence d’examen des parties du TNP, mai 2010, p. 1.
33
Groupe composé de la France, du Royaume-Uni, de l’Allemagne, des Etats-Unis, de la Chine et de la Russie
cherchant à trouver une solution diplomatique avec l’Iran concernant son programme nucléaire.
34
Iran – Déclaration à la presse de M. Laurent Fabius (Vienne, 2 juillet 2015), http://www.diplomatie.gouv.fr.
35
Accord quantifiant certains engagements du côté Iranien, notamment suspendre l’enrichissement d’uranium à
plus de 5% et du côté « occidental », principalement den ne pas imposer de nouvelles sanctions.
36
F. NICOULLAUD, Iran nucléaire : où mène l’accord de Lausanne ? Note n°264, Fondation Jean-Jaurès, 7
avril 2015, p. 4.
37
S.BOUSSOIS, L’accord iranien sur le nucléaire, une révolution géopolitique pour la région et pour le monde,
Note d’analyse du Groupe de Recherche et d’Information sur la Paix et la sécurité, 27 juillet 2015, p. 3.
38
Nucléaire iranien : Laurent Fabius raconte au « Monde » les coulisses des négociations,
http://www.lemonde.fr, 15 juillet 2015.
39
Si l’accord n’est pas respecté, les sanctions contre l’Iran sont automatiquement remises en place.
40
Négociations sur le nucléaire iranien : pourquoi Téhéran pense que la France sera la perdante d’un accord,
http://www.atlantico.fr, 10 juillet 2015.

11
longtemps, y contribue-t-elle pour faire respecter la sécurité internationale et la Charte des
Nations-Unies ou simplement par intérêts économiques ?

II/ La détermination ambiguë de la France de faire respecter la sécurité internationale


par une idée de stabilité au Moyen-Orient.

L’invasion américaine de l’Irak a en quelque sorte changé la donne dans une zone déjà
en conflit et l’a transformé en un territoire chaotique. Or « Téhéran a gardé une influence
stratégique dans la région depuis 40 ans »41. Il n’était pas alors question de voir l’Iran comme
un ennemi mais plus comme un partenaire. L’aboutissement d’une longue crise nucléaire
donne un nouveau souffle dans les relations entre l’Occident et l’Iran permettant de remporter
de nouveaux défis dans une zone en conflit. La France qui est en contradiction sur des points
clés avec l’Iran devra faire des concessions (A). Elle devra également prendre en compte les
effets d’un nouveau partenariat avec la République islamique en conservant ses intérêts
économiques (B). Tout ceci la met alors dans une position relativement ambiguë.

A/ Une nouvelle situation obligeant la France à faire des concessions avec l’Iran dont ses
positions sont en contradiction avec elle.

« But if in a region as eruptive as the Middle East you have nuclear weapons,
obviously it would be very dangerous and I do not have to comment on that. »42. Cette
déclaration de Mr L. Fabius s’inscrit dans une politique plus globale qu’entretient la France
depuis longtemps pour une paix et stabilité au Moyen-Orient. Par ailleurs, la France
« soutient, depuis l’origine, le projet de création d’une zone exempte d’armes de destruction
massive et de leurs vecteurs au Moyen-Orient »43. En outre, lutter contre la prolifération
d’arme de destruction massive et faire respecter les engagements internationaux de l’Iran,
notamment le TNP irait dans le sens d’une certaine sérénité dans la région. Finalement, la fin
de cette crise laisse apparaitre un nouveau regard aux occidentaux car c’est en quelque sorte
une « redécouverte » des capacités étatiques Iraniennes : force diplomatico-militaire
importante des atouts économiques non-négligeables44 et la France aurait alors tout à y

41
S.BOUSSOIS, op cit., p. 8.
42
Déclarations officielles de politique étrangère du 30 juin 2015, Point de presse de M. Laurent Fabius,
ministre des affaires étrangères et du développement international (New York, 29/06/2015), www.
diplomatie.gouv.fr
43
Rapport de la France dans le cadre des actions 5, 20 et 21 du document final de la conférence d’examen du
TNP, 2010.
44
Sénat Français, L’Iran : le renouveau d’une puissance régionale ?, Rapport d’information n°22, commission
des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, 7 octobre 2015, p. 38 et 48.

12
gagner. Cependant, nombreux sont les sujets dont la France et l’Iran sont en complète
contradiction ce qui pourrait freiner une coopération. Premièrement, le cas des droits de
l’Homme ; la France condamne depuis longtemps les nombreuses violations des droits de
l’Homme commises en Iran45. Sur ce point-là, une critique peut être émise, en effet lorsque le
président F. Hollande n’évoque pas la question de ces droits lorsqu’il se rend en Arabie
Saoudite où la pratique des droits de l’Homme est négligée46. Deuxièmement, le soutien
iranien au régime de Bachar Al-Assad47. Mais un juste équilibre pourrait finalement être
trouvé : l’actualité brulante indique bien que Daesh représente une menace commune. Et par
les capacités et positionnements iraniens, la solution serait de voir l’Iran comme un partenaire
essentiel dans la lutte contre l’Etat islamique et ainsi tendre vers une stabilité régionale 48. Or,
la France peut avoir des problèmes sur des notions fondamentales qu’elle protège avec des
Etats et pourtant être un partenaire économique avec ces mêmes Etats. Ces mêmes partenaires
ne vont pas bien accueillir cette nouvelle configuration diplomatique avec l’Iran.

B/ La prise en compte par la France des effets ricochets d’une nouvelle alliance avec
l’Iran : le cas de ses partenaires voisins.

Depuis 2007, la position de la France s’est inscrite dans une idée de raffermissement
par rapport au nucléaire iranien. L’idée était de replacer la France sur la scène internationale
comme puissance nucléaire majeure et surtout se rapprocher d’Israël 49. Nombre de
personnalités politiques critiquent la France de suivre la position d’Israël depuis le début des
négociations50. Elle était également accusée de « chercher s’attirer les faveurs d’Israël ou de
ses grands clients de la péninsule arabique ».51 La France a fait donc preuve d’une ambiguïté
relative : à la fois démontrer à ses partenaires occidentaux qu’elle ne peut aller à l’encontre
d’une négociation bénéfique pour le Moyen-Orient et à la fois prouver à ses partenaires
économiques comme Israël qu’elle restera trop ferme et rigoureuse dans les négociations. La
France est alors dans une position de « diplomatie combinant forcément défense de principes

45
Sénat Français, L’Iran : le renouveau d’une puissance régionale ?op cit., p. 60.
46
Négociations sur le nucléaire iranien : pourquoi Téhéran pense que la France sera la perdante d’un accord,
http://www.atlantico.fr, 10 juillet 2015.
47
Que faire avec l’Iran jusqu’au 30 juin 2015 ? Des pistes pour la nouvelle phase de négociations sur le
programme nucléaire iranien, et au-delà, point d’ancrage, fondation Jean Jaurès, 6 janvier 2015, p. 11.
48
Ibid., p. 11.
49
C. GOLGOTIU, Le programme nucléaire iranien – Un défi pour la politique extérieure franco-allemande,
2008, p. 4.
50
Négociations sur le nucléaire iranien : pourquoi Téhéran pense que la France sera la perdante d’un accord,
op. cit.
51
F. NICOULLAUD, Iran nucléaire : où mène l’accord de Lausanne ? Note n°264, Fondation Jean-Jaurès, 7
avril 2015, p. 4.

13
et défense d’intérêts »52. Israël dénonce sans cesse l’accord du 14 juillet 201553, pour le
premier ministre B. Netanyahou, la menace numéro un est le nucléaire iranien. Il serait alors
préférable qu’à l’avenir, la France se positionne de manière claire et non équivoque.

Durant toute la crise du nucléaire iranien, la France s’est imposée comme un acteur
dont la caractéristique principale fût la perplexité. En effet, la crise qui commence
véritablement en 2002 a donc connu trois Présidents de la République française. Les lignes
politiques de ces 3 Chefs de l’Etat s’inscrivent forcément dans une continuité de protection
des principes fondamentaux auxquels la France est attachée et les Livres blanc en témoignent.
Mais ces lignes fluctuent lorsque des intérêts nationaux sont en jeu. Ces positions vont alors
changer d’un Président à un autre, l’ouverture de J. Chirac, la fermeté quasi absolue de N.
Sarkozy et la volonté de rétablir le dialogue avec F. Hollande. Ce dernier, représenté par L.
Fabius s’est pourtant montré très ferme dans les négociations de 2015. On peut se demander si
cette attitude extrêmement rigoureuse à l’égard de l’Iran permet de lutter efficacement contre
la prolifération des armes de destruction massive ou s’il serait plus pertinent pour la France de
se repositionner comme interlocuteur principale de l’Iran. Ce calcul politico-militaire ne peut
aboutir qu’à un conflit armé avec l’Iran et cette solution ne sera jamais celle retenue par la
communauté internationale. Par ailleurs, cette fermeté de la France a finalement failli faire
échouer les négociations ou du moins les rallonger inutilement. Ce choix va ralentir l’idée
d’une paix et stabilité au Moyen-Orient ce qui semble regrettable compte tenu de la situation
actuelle.

52
F. NICOULLAUD, op cit., p.4
53
S.BOUSSOIS, op cit.p. 13.

14
BIBLIOGRAPHIE

I- Ouvrages et manuels.

• P. ANIDJAR, La bombe Iranienne, Israël face à la menace nucléaire, Édition du


seuil, 2008.
• D. BILLION, L’Iran, plaque sensible des relations internationales, Dalloz/IRIS,
Paris, 2008
• P. BONIFACE et B. COURMONT, Le monde nucléaire, Armand Colin, Paris, 2006
• F. GERE, Iran, l’état de crise, Karthala, Paris, 2010.

II- Articles parus sur l’internet et sites internet.

• MALBRUNOT G. Quand Hassan Rohani rencontrait déjà un président français,


www.lefigaro.fr, 13 septembre 2013.
• NOUGAYREDE N. Jacques Chirac minimise la menace d'une bombe nucléaire
iranienne, www.lemonde.fr, 1 février 2007.
• RIOLS Y-M., La singularité de la position française dans le nucléaire iranien,
www.lemonde.fr, 28 mars 2015.
• Nucléaire iranien : Laurent Fabius raconte au « Monde » les coulisses des
négociations, www.lemonde.fr, 15 juillet 2015.
• Négociations sur le nucléaire iranien : pourquoi Téhéran pense que la France sera la
perdante d’un accord, www.atlantico.fr, 10 juillet 2015.
• www.diplomatie.gouv.fr

III- Travaux de recherche et interventions

• S.BOUSSOIS, L’accord iranien sur le nucléaire, une révolution géopolitique pour la


région et pour le monde, Note d’analyse du Groupe de Recherche et d’Information sur
la Paix et la sécurité, 27 juillet 2015.
• T. COVILLE, Quel rôle pour l’UE sur le dossier du nucléaire iranien ?, Compte-
rendu de conférence, Institut de relations internationales et stratégiques, 9 décembre
2009.

15
• C. GOLGOTIU, Le programme nucléaire iranien – Un défi pour la politique
extérieure franco-allemand, 2008.
• F. NICOULLAUD, Iran nucléaire : où mène l’accord de Lausanne ? Note n°264,
Fondation Jean-Jaurès, 7 avril 2015.
• F. SANTOPINTO, La crise nucléaire iranienne : un enjeu international, Note
d’analyse, Groupe de Recherche et d’Information sur la Paix et la sécurité, 14 juin
2005.
• Que faire avec l’Iran jusqu’au 30 juin 2015 ? Des pistes pour la nouvelle phase de
négociations sur le programme nucléaire iranien, et au-delà, point d’ancrage,
fondation Jean Jaurès, 6 janvier 2015.

IV- Documentation officielle.

• L’action de la France contre la prolifération, Conférence d’examen des parties du


TNP, mai 2010.
• Sénat français, Conclusion des travaux d’une mission d’information constitué le 11
décembre 2013 sur le Proche et Moyen-Orient, Rapport d’information n°605,
commission des affaires étrangères.
• SARKOZY N. (2008), Discours prononcé dans le cadre de l’exposition de la stratégie
militaire française, Cherbourg, 21 mars 2005.
• Rapport de la France dans le cadre des actions 5, 20 et 21 du document final de la
conférence d’examen du TNP, 2010.
• Sénat Français, L’Iran : le renouveau d’une puissance régionale ?, Rapport
d’information n°22, commission des affaires étrangères, de la défense et des forces
armées, 7 octobre 2015,

V- Législation.

• Livre Blanc sur la Défense et la Sécurité de 2008.


• Livre Blanc sur la Défense et la Sécurité de 2013.
• Traité de non-prolifération sur les Armes de destruction massive.

16
TABLE DES MATIERES

Partie I : La stratégie de la France pour lutter contre la prolifération du nucléaire iranien : une
politique intérieure active et irrégulière. .................................................................................... 5

I. L’attitude confuse et instable de la France à l’égard du nucléaire iranien : du dialogue à


la rigueur. ................................................................................................................................ 5

A- La stratégie ferme et volontaire de la France : une réelle intention de régler le


différend par la voie du dialogue. ....................................................................................... 5

B- Le changement de stratégie de la France : le choix de l’intransigeance et de la


rigueur au risque d’employer la force armée pour régler la question du nucléaire iranien. 6

II. Les Livres Blanc sur la défense et la sécurité nationale : reflet de la stratégie rigoureuse
de la France à l’égard du nucléaire Iranien. ............................................................................ 7

A- La réactualisation de la position française à l’égard du nucléaire Iranien dans le Livre


Blanc de 2008 : la crainte d’une propagation de la crise iranienne et l’absence de solution
concrète. .............................................................................................................................. 8

B- Le Livre Blanc de 2013 : une approche globale et rationnelle de la lutte contre la


prolifération de l’arme nucléaire en Iran............................................................................. 8

Partie II : La position engagée de la France sur la scène internationale quant à la


résolution de la crise du nucléaire iranien : entre sauvegarde de principes et marquage
d’intérêts. .................................................................................................................................. 9

I. Une volonté de la France de garder un certain poids sur la scène internationale : une
évolution de position et des enjeux....................................................................................... 10

A- La France et ses partenaires européens : une alternative à la politique américaine. . 10

B- La position ferme, robuste mais surtout risquée de la France avec ses partenaires du
groupe P5+1 concernant les négociations avec l’Iran. ...................................................... 11

17
II. La détermination ambiguë de la France de faire respecter la sécurité internationale par
une idée de stabilité au Moyen-Orient.. ................................................................................ 12

A- Une nouvelle situation obligeant la France à faire des concessions avec l’Iran dont
ses positions sont en contradiction avec elle. .................................................................... 12

B- La prise en compte par la France des effets ricochets d’une nouvelle alliance avec
l’Iran : le cas de ses partenaires voisins. ........................................................................... 13

Bibliographie........................................................................................................................... 15

Table des matières ................................................................................................................. 17

18

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