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L’armée Russe (1990-2000)

Difficultés et perspectives

Mémoire de géopolitique

Du Commandant (Air) Bernard LEBRUN

Dans le cadre de l'étude dirigée sur "la Russie et son environnement géopolitique"

Directeur: Mademoiselle Isabelle FACON,


Chargée de recherche à la Fondation pour la Recherche Stratégique

Avril 2001

A
FICHE DE PRESENTATION

1- L’ARMEE RUSSE DE 1990 A 2000, DIFFICUTES ET PERSPECTIVES.

2- CDT (AIR) BERNARD LEBRUN.

3- 6avril 2001.

4-Division D

5- MEMOIRE DE GEOPOLITIQUE. :SEMINAIRE SUR LA RUSSIE ET SON


ENVIRONNEMENT GEOPOLITIQUE.

6- En plein bouleversement socio-économique, la Russie se voit dans l’obligation de réformer


en profondeur ses forces armées. Depuis le début des années 90, le processus est en marche
mais le changement semble particulièrement difficile. Les guerres du Caucase ont joué le rôle
de révélateur mais les rivalités entre politiques et militaires restent nombreuses quant à
l’avenir de l’armée.

7- Armée russe, réformes, difficultés financières, doctrine, budgets.

B
L’ARMEE RUSSE DE 1990 A 2000, DIFFICULTES ET PERSPECTIVES.

SOMMAIRE

PARTIE I:

LES GRANDES EVOLUTIONS DE 1990 A 2000.

L'ORGANISATION.

LES BUDGETS ET LES MATERIELS.

LES PERSONNELS.

PARTIE II:

LES PROCESSUS DE REFORME.

LA DOCTRINE .

LES FORCES NUCLEAIRES STRATEGIQUES RUSSES.

LES REFORMES ET LES PERSPECTIVES.

LES RELATIONS ENTRE CIVILS ET MILITAIRES.

PARTIE III:

L’ARMEE RUSSE A L’EPREUVE EN TCHETCHENIE.

INTRODUCTION

LE PREMIER CONFLIT

LE SECOND CONFLIT

C
INTRODUCTION

Depuis l’éclatement de l’URSS, la nouvelle armée russe est


confrontée à deux difficultés majeures. Tout comme l’économie du pays dans son ensemble,
elle doit bien sûr faire face à d’énormes difficultés financières. De plus, à l’image des armées
occidentales, elle doit s’adapter à la laborieuse redéfinition de ses nouvelles missions : place
de la dissuasion, gestion de crises, émergence des identités régionales, participation au
maintien de la paix au sein d’organismes multinationaux, efforts de projection et de
polyvalence, réduction des formats, ou encore tentatives de professionnalisation…
Auréolée de gloire depuis la Grande Guerre Patriotique contre l’Allemagne nazie,
l’armée russe a vu son prestige décliner dès le début de l’engagement en Afghanistan. Dès
lors, son image s’est progressivement dégradée jusqu’aux pitoyables déboires du premier
conflit en Tchétchénie…
Aujourd’hui forte de près d’un million d’hommes, l’armée russe reste pourtant un
acteur important de la vie publique de ce pays. En effet, malgré les fortes restrictions
budgétaires et la perte de ses privilèges, l’armée est restée loyale dans son ensemble tant à
monsieur Eltsine qu’à monsieur Poutine. Elle reste un facteur de puissance au niveau
international et , malgré les difficultés, un élément important de cohésion nationale.
Pour mieux comprendre la véritable métamorphose de cette grande institution, il
convient tout d’abord de s’intéresser à ses évolutions structurelles au cours de ces dix
dernières années. Elément majeur de l’ancienne Union Soviétique, l’armée a en effet fait
l’objet de réformes majeures, souvent chaotiques et rarement menées à leur terme.
Enfin, les deux conflits de Tchétchénie ont véritablement constitué des tests
« grandeur nature » pour cette armée en pleine mutation. De part ce conflit, l’armée russe
reste sur le devant de la scène tant au niveau national qu’international.

1
PREMIERE PARTIE :
LES GRANDES EVOLUTIONS DE 1990 A NOS JOURS.

I L’ORGANISATION

- 1.1 Organisation organique théorique :


L’administration et la gestion des forces est assurée au sein du ministère de la défense par
l’Etat-Major Général, qui règle , en théorie, les problèmes techniques et logistiques. Ce
dernier coiffe les régions ou « districts » militaires(au nombre de 8 en 1999, à terme 6)1.

-1.2 Organisation opérationnelle théorique :


Jusqu’en 1998, le Conseil de Défense concevait, exécutait les plans et conduisait les
opérations de guerre. Il disposait d’un Grand Quartier Général (STAVKA), en partie alimenté
par l’Etat Major Général, qui coordonnaient les commandements de Théâtre d’opérations
interarmées (TVD). Du temps de l’URSS, chaque région militaire avait son TVD.
Aujourd’hui, seul subsiste celui de Kaliningrad, région de la Fédération de Russie enclavée
entre la Pologne et la Lituanie, qui constitue selon un Décret présidentiel de 1998 « une unité
miltaro-administrative indépendante, ne faisant pas partie des régions militaires des forces
armées de la Fédération de Russie ».
En pratique, et en particulier à la suite des problèmes graves de coordination lors du premier
conflit en Tchétchénie, le Conseil de défense a disparu en 1998 et une organisation plus
pragmatique a été localement adoptée.(Etat-Major Général, Etat-Major régional,
Commandement interarmées et interministériels.).
La politique de Défense, au sens le plus large du terme, est quant à elle élaborée par une
structure gouvernementale interministérielle, le Conseil de Sécurité.

-1.3 Autres forces non militaires :


Une quinzaine de ministères et d’agences disposent de forces de sécurité plus particulièrement
dédiées à la sécurité intérieure : service fédéral de sécurité( FSB, ex-KGB), ministère de
l’intérieur (MVD), Service fédéral des gardes frontières(FPS), Agence fédérale pour les
communications et l’information gouvernementales(FAPSI)…

1
( Leningrad, Moscou, Caucase Nord, Volga-Oural dont la fusion est en cours, Sibérie, Extrême-Orient)

2
Ces forces sont dotées d’armement plus légers et de véhicules de transport de troupes. Leurs
effectifs sont non négligeables (423 000 en 2000, selon The Military Balance 2000/2001) et
leur coordination avec les forces traditionnelles (tant logistique qu’opérationnelle) en période
de récession était et reste encore problématique. Le total même de ces effectifs « non
militaires » est sujet à caution et serait, selon d’autres sources, équivalent à celui des
militaires, soit près d’un million de personnes…
Enfin, les régions administratives définies par les ministères de tutelle de ces organisations ne
sont pas uniformisées à travers le pays. Six régions ou « districts » militaires, sept districts du
ministère de l’Intérieur, neuf districts des gardes frontières, neuf centres régionaux du
ministère des situations d’urgence possèdent respectivement leurs états-majors, leurs dépôts,
leurs réseaux de transport, leurs hôpitaux…2
Ces structures redondantes multiplient les chaînes de commandement, les personnels, les
structures et les coûts et devraient, à terme être regroupées.

-1.4 Organisation des forces :


Annoncé dès 1991, le regroupement des forces n’a été réalisé qu’en 1998.
La Défense Antiaérienne Nationale(PVO) a ainsi été dissoute et partagée entre les forces
nucléaires stratégiques pour la défense antimissile intercontinentaux et l’armée de l’air(VVS)
pour la défense aérienne.
En 2000, l’armée russe entretenait plus de 22 150 personnels 3 à l’étranger( Arménie, Géorgie,
Moldavie, Tadjikistan, Ukraine, dans le cadre d’accords de défense ainsi qu’en Bosnie,
Abkhazie, Moldavie et Yougoslavie dans le cadre d’opérations de maintien de la paix)

-1.5 La corruption ne peut enfin être ignorée :


Sans céder aux raccourcis trop faciles, elle est pourtant devenue une véritable institution. Au
même titre que la société civile, l’armée est le siège d’importants trafics mafieux. Lors du
premier conflit tchétchéne, aucune autorité officielle n’a contredit le général Lebed lorsqu’il a
affirmé que le nombre de blindés engagés et leurs pertes avaient été largement surévalués. 4
Ceci pour masquer des ventes occultes et illégales de matériels à l’étranger au profit de
généraux peu scrupuleux…

2
E. Busza, « Yeltsin’s Latest Military Reform Initiative :Operational-Strategic Commands », Program on New
Approches to Russian Security Policy, Policy Memo Series, Memo n°44, novembre 1998)
3
The Miltary Balance 2000/2001.IISS.
4
Henri PARIS, « Revue de la Défense Nationale », juillet 1999.

3
II LES BUDGETS ET LES MATERIELS

2.1 LES BUDGETS


Du temps de l’URSS, le degré élevé de confidentialité ne permettait qu’une évaluation très
approximative des budgets militaires. De plus, la majeure partie de l’économie participait de
près ou de loin à l’effort de défense.
Aujourd’hui, c’est avant tout le chaos économique et l’opacité d’un jeu politique et
institutionnel complexe qui empêchent une interprétation lucide des chiffres. Les données
occidentales semblent paradoxalement plus fiables, mais ne sont que des approches. De plus,
des taux d’inflation importants (37% en 1998) et variables font du rouble une monnaie
difficile à « manier ». Les comparaisons avec les modèles occidentaux se révèlent enfin très
difficiles compte tenu des parités toutes relatives de pouvoir d’achat ou encore de la définition
exacte des postes budgétaires relatifs à la Défense en Russie…5
On peut cependant avancer les chiffres suivants :
En 1980, la défense de l’URSS engloutissait 250 milliards de dollars, soit environ 50% des
revenus de l’état.6
Depuis 1992, 15 à 20% des dépenses du budget fédéral seraient encore investis dans la
globalité de l’effort de défense. Les sources occidentales chiffrent à près de 2,7% du PIB
l’effort purement militaire en 2000, soit environ 142 milliards de roubles ( approximativement
5,1 milliards de dollars), ce qui reste théoriquement très important. Le gouvernement a
annoncé en août un complément de près de 10 milliards de roubles afin de pouvoir acquérir
des navires, du carburant et des lubrifiants et de pouvoir honorer une augmentation de la solde
des militaires.7
En 2001, le gouvernement russe prévoit un budget de 206 milliards de roubles.
En fait, ces budgets décroissent globalement depuis dix ans et les échéances budgétaires sont
rarement respectées. Cependant, il n’est pas rare que des crédits supplémentaires soient
alloués comme par exemple à l’automne 1999 pour la campagne en Tchétchénie.

5
Il suffit de se reporter à différentes sources « sérieuses » (The Military Balance de l’IISS, le SIPRI Yearbook,
…) pour constater de notables différences d’appréciations …
6
Vicken CHETERIAN, Le Monde diplomatique septembre 2000.
7
Defense News, 4 septembre 2000.

4
2.2 LES MATERIELS
Jadis privilégiée du temps de l’URSS, l’armée a hérité d’une situation difficile qui ne cesse de
se dégrader. La majorité du complexe militaro-industriel a été réorientée et ne fournit que très
peu de nouveaux matériels au ministère de la Défense ,devenu pratiquement insolvable. La
reconversion de l’industrie de Défense a, dans une large mesure, été un échec. Les usines
d’armement qui produisent encore le font essentiellement pour l’exportation. Dans une
économie elle-même en crise, les forces armées sont donc confrontées à d’énormes problèmes
logistiques.
Tous les secteurs semblent touchés, l’entretien comme le renouvellement. Ainsi en 2000, sur
400 véhicules de combat tous terrains commandés, seuls 44 ont été livrés. L’armée vit
essentiellement sur les stocks de l’Union Soviétique et, selon une prospective assez réaliste,
devrait en arriver à bout avant 2010. Ces réserves ont en particulier été sollicitées pendant les
deux crises tchétchénes.
Faute de crédits, les matériels nouveaux restent au stade de la pré-série. Ainsi, l’industrie de
défense a-t-elle été capable de mettre aux points des matériels modernes. C’est le cas du
nouveau char de combat T-958, du nouveau véhicule blindé de transport de troupes BTR-90
ou le démonstrateur technologique de l’avion de chasse de cinquième génération, le MIG
1.44.
Tout comme les dotations en matériels, les crédits consacrés à l’entraînement des forces
restent faibles. Depuis 1991, les crédits destinés aux exercices et à l’instruction ont diminués
de 90%. Au printemps 2000, le général Germadi Vasiliev, commandant des forces aériennes
russes du district militaire de Moscou, indiquait que 38% des avions de combat et près de
50% des avions de transport placés sous son commandement étaient cloués au sol faute de
crédits pour les réparer et les entretenir. 9
La situation de la marine russe est tout aussi alarmante. D’après un rapport de l’amirauté de
1999, seuls 8 à 10% des crédits nécessaires à l’entretien des navires en service sont
disponibles, selon des responsables de la marine, 70% de leurs navires ont besoin de
réparations importantes. Beaucoup de navires de surface sont en fin de vie et ils ne seront plus
que 60 en 2016 si, comme c’est le cas depuis une décennie, aucun nouveau bâtiment n’est
construit.5
De plus, l’état de délabrement de la flotte de sous-marins nucléaires est tel qu’on peut

8
Jane’s Defence Weekly, 29 mars 2000.
9
La Russie et la sécurité européenne, rapport de l’assemblée de l’UEO, novembre 2000.
5

5
craindre pour la sécurité écologique de régions entières comme la mer de Barents et les abords
de la péninsule de Kola, la mer Blanche ou encore la mer du Japon. Des pays riverains( Japon,
Norvège et Etats-Unis) ont d’ailleurs lancé un programme d’aide au démantèlement qui vise
également à limiter les risques de prolifération des armes nucléaires.
Il convient enfin de s’intéresser à la tragédie du Koursk qui, à bien des égards, est tout à fait
révélatrice des difficultés de tous ordres que connaît l’armée russe dans son ensemble.
Le 12 août 2000, lors de manœuvres, la marine perd un de ses sous-marins les plus modernes
(mis en service en 1994). Une explosion encore mal expliquée détruit la salle des torpilles.
Le chef d’état-major de la flotte du nord de la Russie a reconnu qu’il ne disposait plus depuis
cinq ans d’équipes de plongeurs en eau profonde et qu’il avait « loué » certains de ses
appareils de sauvetage à des entreprises privées afin de financer d’autres réparations urgentes.
De plus, ces manœuvres étaient les plus importantes de ces dernières années et tendaient à
redémontrer tout l’intérêt des forces navales dans les discussions budgétaires alors en cours.
Ceci en concurrence avec les forces de missiles stratégiques et en complète contradiction avec
la plus élémentaire des prudences. En effet, de nombreux experts s’accordent sur le fait que la
marine militaire russe n’était plus au niveau requis pour se lancer dans de tels exercices de
grande envergure…

III LES PERSONNELS

3.1 QUELQUES CHIFFRES


En 1980, la grande armée soviétique comptait environ cinq millions de soldats.
En théorie, l’armée russe ne comptait plus que 2,1 millions de soldats en 1994 et près d’un
million en l’an 2000.A terme ,à l’horizon 2005, elle devrait compter environ 800 000
personnels10, dont 350 000 dans l’armée de terre. Cette force sera complétée par plus de 140
000 personnels des troupes du ministère de l’intérieur.11

10
Nezavissimaya Gazeta, 14 février 2001.
11
The Military Balance 2000/2001.IISS.

6
3.2 DIFFERENTES CATEGORIES DE PERSONNELS

-3.2.1 La conscription :
Le service militaire est toujours obligatoire dans la fédération de Russie et sa durée moyenne
est de deux ans. Dés le début des années 90, des études avait été lancées pour
professionnaliser la troupe. Le coût important d’une telle réforme, en pleine récession, et des
soldes peu attractives ont fait avorter un tel projet. De plus, structurellement, cette réforme est
particulièrement audacieuse. En effet, tout comme l’était l’ex-armée rouge, l’armée russe est
dans sa grande majorité une armée de conscrits.
Au début des années 90, sur un effectif de près de 3,5 millions d’individus, les appelés
représentaient encore 2,5 millions de personnes. Il est à noter par ailleurs que cette armée
compte très peu de sous-officiers professionnels. Véritable tradition héritée de l’ex-armée
rouge, le corps des sous-officiers est principalement composé de conscrits ayant une année
d’ancienneté. Ce système était déjà un des points faibles de l’ancienne armée rouge et conduit
à une véritable catastrophe dans le processus actuel de décrépitude des armées.
En 2000, environ 90% des appelés n’ont pas rejoint la caserne. 12 Les principales raisons de
cette désaffection sont la très mauvaise image de l’institution, les premiers événements de
Tchétchénie, la montée des sentiments identitaires au sein même de la fédération, les
conditions de vie déplorables de la troupe, les faibles soldes et les brimades des « petits
gradés ». Ce dernier point, déjà bien connu dans l’ex-URSS, la célèbre « Dedovchtchina », et
ses excès font régulièrement la une de l’actualité. Chez les conscrits, les meurtres , les
règlements de compte mafieux, les abus sexuels, les suicides, les délits liés à la drogue ou à
l’alcool se comptaient par milliers en 199913. Selon la publication russe « Argumenty i
Facty », 78% des conscrits russes craignent les violences de la part des petits gradés. La
criminalité dans les armées aurait d’ailleurs augmenté, selon la même source, de plus de 30%
entre 1999 et 2000.
Tous les maux de la société russe se retrouvent accentués par la promiscuité, la corruption, le
manque de moyens, de cadres compétents et les conditions de vie difficiles. Selon des
données de l’Etat-Major Général, près de 50% des conscrits appelés en 1999 n’avaient ni
étudié ou travaillé avant de rentrer dans l’armée, ce qui accentue la détérioration qualitative
des personnels. La même année, seulement 3,7% des recrues étaient passées par
l’enseignement supérieur (de nombreux reports légaux sont possibles pour les étudiants en
12
QUID 2000, et La Croix 28 mars 2001.
13
En 1969, les cas de dedocchtchina représentaient environ 9% des crimes de droit commun, contre plus de 41%
en 1999 (Krasnaia Zvezda, 7 juin 2000, p. 3)

7
Russie). Selon les mêmes données, près de 33% de tous les appelés potentiels seraient inaptes
médicalement, tandis que 50% des conscrits souffrent d’un problème médical quelconque.

-3.2.2 Les cadres professionnels :


Les cadres, pour la plupart officiers, sont bien sûr tentés par le départ. On assiste à une
désaffection pour le métier des armes chez les jeunes et les écoles d’officiers jadis
prestigieuses sont largement boudées. Lors d’un séminaire récent, le général Valery Manilov
de l’Etat major général du ministère de la Défense, annonçait que 47 des 102 académies
militaires russes avaient fermé leurs portes depuis 1998 et que 10 autres fermetures suivraient
encore14. Manilov explique que ces fermetures permettront un recrutement plus sélectif et
donc de meilleure qualité. En fait, le général Leonid Zolotov, commandant la célèbre Frunze
Académie de Moscou se montre moins optimiste. Il explique que ses jeunes officiers
stagiaires ont un niveau très faible. Leurs conditions de vie sont mauvaises et ils doivent
travailler au noir après les cours. « Ils dorment souvent pendant les cours, épuisés. De
nombreuses cartes secrètes ont été perdues dans le métro par des stagiaires assoupis…Le
ministère de la Défense nous demande de réduire le programme de l’académie de trois à deux
ans et appelle cela une réforme. Ce n’est pas une réforme, c’est seulement une réduction
irréfléchie ».
Le faible niveau du recrutement s’accompagne d’une fuite des plus jeunes et des plus
qualifiés vers le secteur civil. En 1997, sur 20 000 démissions, 30% des partants avaient
moins de 30 ans 15. En 1998, les départs de cadres se chiffraient à 100 000. Même si ces
départs et les désertions massives d’appelés accompagnent les réductions d’effectifs décidées
par le gouvernement, la situation au quotidien des militaires est très difficile. La majorité de
ceux qui restent, souvent les moins brillants, possède un deuxième emploi, et le moral général
est faible.
Une enquête interne au ministère de la Défense montre que 98% des officiers de carrière
considèrent leur situation matérielle comme mauvaise ou très mauvaise16. La même étude
montre que le revenu mensuel moyen d’une famille de militaires de trois personnes, dont
l’épouse ne travaille habituellement pas, est de seulement 480 roubles (soit 17 dollars). Cela
reste très en deçà, du salaire officiel minimum national. Un commandant des forces de
missiles stratégiques gagne 150 dollars par mois. Un lieutenant touche environ 50 dollars par
mois, soit le salaire d’une femme de ménage et il n’est pas rare qu’une famille ne puisse
14
Pavel FELGUENHAUER, Moscow Times, 15 février 2001.
15
Selon l’état-major général, RFE/RL Newsline, 12 novembre 1997.
16
Vladimir MUKHIN, Nezavisimaya Gazetta/The Russia Journal, 14 au 20 octobre 2000.

8
subsister que grâce à l’apport d’un second mode de revenu. Ainsi, l’étude du ministère cite
nombre d’exemples de cadres travaillant la nuit dans des emplois de gardiennage, le week-end
aux champs ou à toutes sortes de « petits boulots »…On y mentionne également le cas
d’unités qui élèvent des porcs et des moutons dans l’enceinte même de leurs camps afin de
subvenir aux besoins de leurs familles. Dans une ville telle que Moscou, les officiers qui ne
trouvent pas de second emploi vivent dans des conditions matérielles très difficiles.
De manière plus générale, des conditions de vie laborieuses, un entraînement faible, un
encadrement de niveau médiocre et une motivation faible ne facilitent en rien les réformes en
cours…
Ainsi et par exemple, les pilotes militaires n’effectuent en moyenne qu’un ou deux vols par
mois pour cause de pénurie de carburant, et leur faible niveau de formation est à l’origine de
nombreux accidents. Dans le même temps leur homologues occidentaux ont des standards de
près de 200 heures de vol par an. Ces derniers estiment que le niveau opérationnel minimum
ne peut être garanti en dessous de 100 heures par an(seuls les pilotes russes engagés en
Tchétchénie atteignent ponctuellement ce total). Là encore, le moral du personnel est bas, les
pilotes et les autres personnels spécialisés quittant massivement l’aviation militaire en raison
des faibles rémunérations et du manque de moyens d’entraînement.

En ce début d’année 2001, c’est toujours une situation de crise qui


domine l’armée russe. Certains analystes affirment sans doute un peu rapidement qu’aucune
réforme n’a véritablement été menée ces dix dernières années…
Pourtant, incontestablement, de nombreuses réflexions de fond ont été menées. Les
réalisations et les mises en pratique n’ont pas encore rencontré le succès escompté, mais de
profondes réformes sont en cours.

9
DEUXIEME PARTIE :
LES PROCESSUS DE REFORME

Au cours des dix dernières années, les gouvernements russes ont tenté de réformer l’outil
militaire. Trois étapes importantes peuvent être discernées : 1993, 1997 et 2000.

I LA DOCTRINE.

Il s’agit tout d’abord de discerner les fondements de la politique de la Fédération de Russie en


matière militaire.
-Le premier document de doctrine militaire de la Russie date de novembre 1993.
Il fut rédigé sous l’influence des généraux qui avaient attaqué le parlement le mois précédent.
Ils espéraient toucher les dividendes de leur loyauté au président Eltsine.
Un point important de ce document concernait surtout le renoncement à la « non utilisation en
premier » de l’arme nucléaire.
Par ailleurs, les généraux russes furent très partagés sur un autre point de doctrine qui sous-
entendait que l’armée pourrait avoir à apporter son soutien au MVD dans la règlement des
crises intérieures. Ces crises devenaient d’ailleurs officiellement la préoccupation majeure du
gouvernement Eltsine au détriment d’hypothétiques conflits extérieurs. Les problèmes
identitaires au sein même de la fédération semblaient en effet beaucoup plus préoccupants
qu’un hypothétique conflit majeur également écarté par l’Occident. Pour certains militaires, il
s’agissait là d’une mission « contre nature » pour l’armée russe, héritière de l’armée rouge et
toujours considérée comme l’émanation du peuple, sans considération ethnique.
Au cours des dernières années, les arbitrages budgétaires ont souvent privilégié les forces
nucléaires stratégiques. En effet, malgré plusieurs déclarations d’intention, plus de 70% du
budget d’acquisition du ministère de la défense a été consacré au développement d’armes du
type de l’ICBM Topol-M(SS-27)17. On peut bien sûr y voir un effort désespéré pour maintenir
un instrument symbolique d’une grande puissance. C’est aussi et surtout le résultat de luttes
internes avec des acteurs puissants comme l’actuel ministre de la défense, le Maréchal Igor
Sergueev, ancien chef des forces missiles stratégiques terrestres…
Le concept de sécurité de décembre 1997, plus global, remet en exergue les menaces
d’instabilités et de conflits dans la proche périphérie de la Russie. Différents éléments

17
La Russie et la sécurité européenne, rapport de l’assemblée de l’UEO, novembre 2000.

10
évoquent encore les risques potentiels liés à l’occident (notamment l’élargissement de
l’OTAN), mais cette menace demeure lointaine.

-Le second document important de la période concerne le concept de sécurité de la Russie,


adopté en janvier 2000 qui, tout d’abord ne cherche pas à masquer les réalités sur l’état actuel
des forces armées et précise même :
« L’évolution négative constatée dans les forces armées est aggravée par les retards dans la
réforme des forces armées et de l’industrie de défense de la fédération de Russie, par
l’inadéquation du financement de la défense et par l’insuffisance du cadre réglementaire et
juridique. Pour l’heure, cela se traduit par une insuffisance grave de la formation
opérationnelle et militaire des forces armées de la fédération de Russie et des autres forces
ainsi que des organes et autorités militaires, par la réduction inacceptable du taux
d’acquisition d’armements et de matériels militaires ou spécialisés modernes, et par des
problèmes sociaux d’une extrême gravité. Tous ces éléments conduisent à un affaiblissement
de la sécurité militaire de l’ensemble de la fédération. »
Ce constat plutôt pessimiste souligne le changement dans la politique nucléaire de la Russie
depuis 1993.
En fait, l’état des forces conventionnelles renforce le sentiment de vulnérabilité depuis
« l’agression du Kosovo » par les forces de l’OTAN. En effet, cette opération a été
déclanchée sans consultation préalable du Conseil de sécurité de l’ONU. La Russie a de ce
fait été « contournée » et donc, en quelque sorte « bafouée »…Le gouvernement russe ressent
cette intervention comme une ingérence grave dans les affaires intérieures d’un état souverain
et peut craindre le risque d’une intervention similaire dans sa région de prédilection, l’ex-
URSS.
Plus médiatique que réel, le mythe de la « fraternité slave » semble avoir été largement
instrumentalisé, mais l’attitude russe face à l’occident est tout de même bouleversée.
En « recours » au déclin des forces conventionnelles, on assiste en fait au renforcement du
poids du facteur nucléaire face à la résurgence de menaces extérieures (élargissement de
l’OTAN à l’est, présence de bases militaires étrangères proches de la Russie). Le document de
janvier 2000 précise d’ailleurs que les armes nucléaires seront utilisées « pour repousser une
attaque armée si tous les autres moyens de règlement de crise ont été épuisés ou se sont
révélés inefficaces »…
Détaillant le concept de sécurité, la nouvelle doctrine militaire, adoptée en avril 2000,
confirme cette tendance « anti-occidentale » : de « l’ingérence dans les affaires intérieures »

11
des états et autres « tentatives d’ignorer (de miner) les intérêts de la Russie dans la résolution
des problèmes de sécurité internationale », à la formation (le développement) de groupes de
forces, conduisant à la destruction de l’équilibre des forces existant à proximité de la frontière
d’Etat » de la Russie et « l’élargissement de blocs et alliances militaires au détriment de (sa)
sécurité militaire » en passant par « le déploiement de troupes étrangères sur le territoire
d’Etats voisins … et amis en violation de la Charte de l’ONU ». Tous ces éléments renvoient
aux préoccupations et griefs sur lesquels officiels et experts russes s’appuient pour justifier
leur scepticisme quant aux perspectives des relations entre leur pays et l’Occident.
Le Kremlin a beaucoup insisté sur l’idée que l’un des facteurs de la révision de la
doctrine a été la nécessité de prendre en compte les changements dans la stratégie de
l’OTAN18, dont le Kosovo est vu par Moscou comme une mise en œuvre à priori (opérations
hors de la zone de responsabilité de l’OTAN, sans mandat de l’ONU).
De plus, les projets de défense antimissile des Etats Unis ne sont pas de nature à
favoriser la réduction de l’arsenal nucléaire russe.
Enfin signalons que les interventions de l’armée dans les crises intérieures sont formalisées.

II LES FORCES NUCLEAIRES STRATEGIQUES RUSSES.

Selon les éléments récents d’appréciation stratégique russes, à moyenne échéance, les
forces nucléaires stratégiques deviendront très probablement l’ossature de la puissance
militaire russe.
En 2010, le missile intercontinental SS-27 (RS-12M Topol-M) constituera la pièce
maîtresse des forces stratégiques. Il s’agit d’un missile tri-étage à poudre, doté d’une seule
tête, d’une portée de près de 11OOO kilomètres et qui sera utilisé sur site fixe comme sur
plate-forme mobile. Entré en service en 1998 pour le modèle en silo, la version mobile devrait
être opérationnelle en 2003. De plus, tout au long de cette mise en service progressive, la
Russie conservera deux familles de missiles plus anciens, le SS-25 (Topol) et le SS-19.
Début 2000, la Russie comptait encore 69 bombardiers stratégiques, 756 missiles
balistiques intercontinentaux et 348 missiles balistiques lancés de sous-marins (le nombre de
sous-marins stratégiques russes est passé de 62 à 18 en 10 ans) .19.Ce total de près de 6000
têtes pourrait être ramené à 1500 selon les négociations entamées pour.l’élaboration du traité
START III. Le traité START II fixant un plafond de 3500 têtes n’a cependant pas été

18
Cf. adoption d’un nouveau Concept stratégique par l’OTAN en avril 1999.
19
SIPRI Yearbook 2000.

12
complètement ratifié par le Congrès des Etats Unis, au moins en ce qui concerne les
amendements exigés par la Russie. Les autorités russes considèrent de plus que la mise en
place d’un système de NMD constituerait une violation du Traité ABM de 1972, susceptible
d’avoir une incidence négative sur la stabilité stratégique mondiale. Elles font valoir que la
Russie a ratifié le Traité START II à la condition que les Etats-Unis ne déploieraient pas de
système NMD, et elles indiquent également qu’un tel système constituerait une violation du
traité de non-prolifération (TNP).
La Russie et plus particulièrement monsieur Poutine semble prêt à négocier des
niveaux encore inférieurs.20 « La Russie et les Etats Unis pourraient diminuer leurs arsenaux
nucléaires bien en dessous de 1500 ogives, ce qui est parfaitement envisageable d’ici à
2008. »,… « il ne doit pas y avoir de pause dans le désarmement nucléaire » déclarait en effet
Monsieur Poutine. Même si l’importance des forces nucléaires reste essentielle, une réduction
de leur format ne pourrait qu’être bénéfique à l’amélioration qualitative et quantitative des
capacités conventionnelles.

III LES REFORMES ET LES PERSPECTIVES.

En concordance avec la doctrine élaborée en 1993, le ministre de la Défense d’alors, le


général Gratchev, désirait transformer radicalement l’armée russe. Tenant compte des
nouvelles réalités stratégiques, il considérait que les intérêts de son pays étaient désormais
ceux d’une puissance régionale et non plus globale. Il voulut donc transformer l’armée russe
en une force plus professionnelle, plus restreinte mais plus mobile et mieux entraînée
susceptible d’être déployée rapidement dans les points de crise.
La réalisation de ce programme fut mise à mal par les autres urgences, notamment le
rapatriement des 300 000 hommes et leurs familles basés dans les pays d’Europe centrale et
orientales et les pays baltes. De plus, les difficultés financières (exacerbées dans les années du
ministre de la Défense Igor Rodionov en 1996 et1997)et le début de la guerre en Tchétchénie
freinèrent encore toute tentative de réforme.
Ces difficultés non surmontées expliquèrent un certain sentiment d’immobilisme jusqu’en mai
1997.

20
Déclaration officielle du président, en date du 13 novembre 2000, cité par Patrick COCKBURN, The
Independant, 14 novembre 2000.

13
La première et désastreuse campagne de Tchétchénie (développée en dernière partie)
et le mécontentement de très nombreux militaires ont eu pour effet salutaire de faire prendre
en compte par le pouvoir le besoin de réformes de l’outil militaire russe.
Aussi en 1997 le président Eltsine promulgue un nouveau signe un décret sur les Mesures
prioritaires en matière de réforme des forces armées de la Fédération de Russie et
d’optimisation de leurs structures, suivi, en août 1998, du Programme de réforme des forces
armées jusqu’en l’an 2005.
Ces mesures ambitieuses doivent être menées à budget sensiblement constant par le nouveau
ministre Sergueev (mai 1997), ancien commandant en chef des forces de missiles stratégiques
(RVSN). Elles doivent tout d’abord se traduire par des réductions massives et permettre
l’optimisation des moyens existants. Elle vise la suppression des redondances et des
réductions cohérentes avec les autres « structures de force » ( Intérieur, FSB, gardes
frontières…).
Cette phase de réduction quantitative devrait être complétée d’un effort plus substantiel en
matière de recherche et développement qui permettra un équipement ultérieur en matériels
plus modernes.
Les priorités sont données à l’entraînement, la souplesse, la modularité, et la préparation au
combat, aux forces mobiles et de réaction rapide. Ces projets s’inspirent plus ou moins
largement des modèles occidentaux.
Le principe général d’une armée plus compacte, plus mobile, au moins partiellement
professionnalisée et équipée d’équipements plus modernes fait désormais l’objet d’un
consensus très large au sein des élites politico-militaires russes. Cet objectif correspond à la
nouvelle évaluation des menaces ; la priorité aux risques de conflit locaux et régionaux,
notamment dans la proche périphérie.
Pour le reste du spectre des menaces, et compte tenu de l’incapacité des finances russes à
financer dans des délais rapides la modernisation des forces conventionnelles, la dissuasion
prend une importance cardinale et doit donc bénéficier d’un traitement budgétaire privilégié.
La nomination d’Igor Sergueev ne doit donc rien au hasard, malgré les critiques des tenants
d’une priorité aux forces conventionnelles.
Les programmes de réformes comptent différents « chapitres », regroupés en deux grandes
étapes théoriques :

-Etape 1 :1997-2001 :

14
.Inclusion dans les forces de missiles stratégiques (RVSN) des forces spatiales (VKS,
responsables des lancements et de l’entretien des satellites) et des défenses ABM (VRKO, qui
incluent les systèmes d’alerte avancée), formant ainsi les « forces de missiles stratégiques »
(RVSN).
.De cinq services, les forces armées doivent passer à quatre, via la fusion entre les
forces aériennes (VVS) et la défense anti-aérienne (PVO), devant ainsi constituer les forces
aériennes.
.Réduction des effectifs budgétisés de près d’1,8 million estimé en 1997 à 1,2 million.
Compression des personnels civils du ministère de la Défense et de l’Etat-Major
général.
.Suppression du Commandement en chef des forces terrestres (SV), qui seront
directement subordonnées à l’Etat-Major Général ; transfert de ses fonctions aux régions
militaires (VO) ; l’armée russe devra avoir une dizaine de divisions en état de préparation au
combat permanente ( 80 à 90% des effectifs aptes au combat, dotés d’équipements modernes)
.Réduction du nombre de régions militaires de huit à six et transformation en
commandements territoriaux.
.Effort de recherche et développement (renseignement, armes guidées, guerre de
l’information…)limité pendant quelques années à la construction de prototypes qui serviront
ultérieurement à la production massive et à l’équipement des forces.

-Etape 2 : 2001-2005 :


.L’accent est placé sur l’amélioration de la préparation opérationnelle et sur la
modernisation des équipements. Des temps budgétaires meilleurs doivent permettre des
acquisitions importantes, un entraînement et une formation de haut niveau.
.A l’horizon 2005, la Défense devrait être organisée sur le principe « des trois
milieux » (terre, mer et aérospatial) et ne compter donc que trois armées.

IV LES RELATIONS ENTRE CIVILS ET MILITAIRES.

15
-4.1 La population russe et son armée :
La prestigieuse armée soviétique a beaucoup perdu de son renom dés la Guerre menée en
Afghanistan. En fait, le pacifisme exerçait ses effets dès le début des années 80et un certain
antimilitarisme s’est développé pendant la perestroïka et surtout la glasnost.21
Ce déclin de popularité s’est trouvé renforcé, entre autres facteurs par les évènements de 1989
en Europe de l’est qui ont sonné le signal du départ pour les troupes stationnées dans les
anciens pays « frères ». Le relogement de près 30 000 personnes a fait l’objet d’un
financement chaotique et de nombreux trafics révélés par la presse russe ont contribués à
ternir l’image de ce retour sans gloire au pays Les conditions du retour des militaires et de
leurs familles de Tchécoslovaquie, de Hongrie puis d’Allemagne ont été très difficiles.22
La fidélité de la majorité des militaires lors des crises institutionnelles de 1991 et de 1993 n’a
rien changé dans la perception de l’institution militaire par la population.
Le premier conflit de Tchétchénie, évoqué en troisième partie, et sa très large couverture
médiatique a porté le coup le plus dur à l’image d’une armée devenue impopulaire et accusée
d’être l’image caricaturale d’une société en complète déliquescence.
Le drame du sous marin nucléaire Koursk (août 2000) et les conditions de vie difficiles des
militaires ne permettent pas de dissiper l’impression de malaise.
Malgré tout, l’image des institutions militaires s’est quelque peu améliorée depuis 1999.
Déçue par l’échec des réformes économiques et politiques, les scandales financiers de la
famille Eltsine, les crises financières (1998) et politiques (1999, « valse » des premiers
ministres du président Eltsine ) et les attentats islamistes de Moscou, la population se tourne
vers des valeurs refuges. Elle semble en effet séduite par la forte personnalité de son nouveau
président (mars 2000) et par l’armée qui s’est ressaisie en Tchétchénie.
Les difficultés restent cependant nombreuses et des voix s’élevèrent à son arrivée dans les
médias pour dénoncer le retour d’un pouvoir musclé et militarisé23.

-4.2 Les relations entre civils et militaires au sein du gouvernement russe :


Pilier incontournable de la vie politique du temps de l’Union Soviétique, les forces armées ont
vu leur rôle contesté par la Glasnost et la Perestroïka de Mikhaïl Gorbatchev. De par
l’importance de ses budgets, l’armée était alors considérée comme un frein important aux
21
Général René ERNOULD, « Quelle puissance dans l’avenir ? »,Dossier 45, FEDN.
22
Krasnaya Zvezda, 12 juillet 1991.
23
Pavel FELGUENHAUER, cité par Marie JEGO, « Le Monde », 1er mars 2001.

16
réformes économiques en cours. Réformée, l’armée devait également perdre de son
importance politique relative.
Cette dernière tendance va se poursuivre avec Boris Eltsine qui va progressivement tenter de
déposséder l’armée des questions de défense. En parallèle d’un profond bouleversement
socioéconomique, l’institution militaire elle-même est agitée de débats internes depuis le
début des années 90. Les partisans d’une force professionnalisée compacte et moderne,
modèle issue des analyses des conflits en Afghanistan et en Irak, s’opposent aux « anciens »
qui prônent le maintien du modèle de l’ère soviétique. Toutes ces interrogations concernant la
place de l’armée dans la société ne seront pas propices à un plan cohérent de réformes.
Aussi, aucun changement significatif ne semble intervenir avant 1997.
L’échec d’une armée à l’échelle de la CEI ainsi que le rapatriement des forces russes
d’Europe Centrale seront en fait les principales préoccupations militaires jusqu’au premier
conflit en Tchétchénie. En 1994, Pavel Gratchev, ministre de la défense, convint l’équipe des
proches de Boris Eltsine, contre l’avis des états majors, que l’armée est capable d’une victoire
rapide.
L’échec de cette première campagne marque une véritable rupture entre le pouvoir politique
(en particulier le ministre Gratchev, ancien des forces aéroportées, très critiqué dans les
armées et favorisant sa spécialité d’origine) et la majorité des chefs militaires.
En 1996, le général Rodionov prend la place de ministre de la défense au grand soulagement
de nombreux officiers. Pourtant, ses projets ambitieux de réformes se heurteront à des
« prétentions »budgétaires irréalistes et incompatibles avec la reprise de contrôle des dépenses
militaires engagée par Boris Eltsine et ses conseillers civils (en particulier Iourij Batourine,
conseiller du président en matière de sécurité).
Enfin, l’irruption de fortes personnalités militaires, comme le général Lebed, sur la scène
politique peut faire craindre au gouvernement Eltsine des « débordements » radicaux.
Au delà des querelles de personnes et des difficultés financières, les leçons tirées du premier
conflit de Tchétchénie semblent à l’origine d’un consensus entre civils et militaires, au moins
sur la nécessité de réformes, même si les grandes orientations font l’objet de tractations
difficiles.
Aussi en 1997, à l’issue de plusieurs limogeages dans la haute hiérarchie militaire, Boris
Eltsine tente une reprise en main et nomme comme ministre de la défense le général
Sergueev. Ce dernier sera l’artisan des réformes difficiles entamées la même année et
évoquées plus haut (planifiées dans un cadre budgétaire contraint, en accord avec les
directives gouvernementales).

17
Le second conflit tchétchéne semblait marquer un certain consensus entre le pouvoir civil, la
population russe et l’armée, « rassemblés » autour de thèmes fédérateurs au Caucase ou
encore en matière de politique étrangère avec l’occident.
Les réformes engagées prêtent pourtant toujours à de vives discussions entre la communauté
militaire et le gouvernement (sur la place du nucléaire dans l’appareil de défense), comme le
montre la destitution de six généraux du ministère de la défense début août 2000.24
Même s’il a autorisé une rallonge budgétaire aux forces armées à l’occasion du conflit
caucasien et fait des promesses de financement, le président Poutine souhaite poursuivre des
réductions draconiennes. Il déclarait il y a peu « qu’il serait inacceptable de maintenir une
organisation militaire aussi lourde »25.
De plus, l’appareil de défense russe semblait dans une situation d’impasse depuis quelques
mois. Un conflit devenu personnel entre le ministre Sergueïv et le chef de l’Etat-Major
Général, Anatoly Kvashin, bloquait le processus décisionnel.
Aussi, à l’issue d’un remaniement ministériel important le 28 mars 2001, Vladimir Poutine
semble vouloir d’ailleurs confirmer cette nouvelle reprise en main des institutions militaires et
affirme même son désir de « démilitariser la société russe » et de procéder à la modernisation
des forces armées.26
Entre autres changements importants, Sergueï Ivanov, ancien général du KGB et jusque là
secrétaire du Conseil National de Sécurité, est nommé au poste de ministre de la Défense. Son
prédécesseur Igor Sergueïv devient conseiller du chef de l’état à la stabilité stratégique. Enfin,
autre fait notable, Madame Lioubov Koudelina, ex-vice-ministre des finances, a été nommée
vice-ministre de la Défense et devient ainsi la première femme dans l’histoire du pays à
occuper un poste aussi important au sein de ce ministère…
Ancien « frère d’arme » du président Poutine au KGB, Sergueï Ivanov semble en parfait
accord avec le désir de réformes radicales annoncées par le président. Pourtant certains
analystes doutent déjà de la capacité du pouvoir de réformer un outil encore largement présent
dans de nombreux ministères et agences de l’état27.

24
Vicken CHETERIAN, Le Monde diplomatique, septembre 2000.
25
International Herald Tribune, 10 novembre 2000.
26
Boris TOUMANOV, La Libre Belgique, 29 mars 2001.
27
Alexander GOLTS, The Russia Journal, 30 mars au 5 avril 2001.

18
Alors que la fédération de Russie et son armée doivent faire face à de
profondes et difficiles mutations, les conflits en Tchetchénie vont constituer une véritable
épreuve de vérité. Toutes les difficultés politiques et militaires du pays vont en effet y trouver
une tragique illustration. Le premier engagement fera ainsi l’objet d’une grave crise
gouvernementale. Par ailleurs, les forces armées russes devront pour la première fois répondre
aux nécessités d’un engagement majeur. Le premier conflit jouera ici le rôle d’un véritable
électrochoc dont la seule conséquence salutaire fut d’être le « catalyseur » de profondes
réformes.

TROISIEME PARTIE :
L’ARMEE RUSSE A L’EPREUVE EN TCHETCHENIE

19
INTRODUCTION.

Deux guerres ont eu lieu en Tchétchénie ces dernières années. La première, de


décembre 1994 au 27 mai 1996 ; la seconde, a commencé en septembre-octobre 1999. Malgré
les affirmations du gouvernement russe, la seconde n’est pas totalement terminée (février
2001). Ces guerres reposent sur un lourd contentieux historique et culturel, mais recèlent des
enjeux tout à fait actuels.

UNE REGION QUI N’A JAMAIS ETE COMPLETEMENT PACIFIE PAR LE POUVOIR
MOSCOVITE
La zone caucasienne a toujours été, tant pour l’empire russe que pour le régime
soviétique, une zone de troubles. La politique coloniale de Pierre le Grand y rencontre une
forte résistance. Les premières guerres tchétchénes datent de 1795. De nouveaux conflits ont
lieu en 1816, et surtout en 1834-1859 et mobilisent 300 000 soldats russes. Cet état de guerre
quasi permanent a pour conséquence l’installation de colons cosaques, et l’émigration d’une
grande partie de la population tchétchéne vers l’empire ottoman qui constitue une diaspora
active et bien organisée. La révolution bolchevique ne change pas fondamentalement
l’antagonisme entre Tchétchénes et Russes. Le processus de recolonisation, de dé-islamisation
ne compense pas la création d’une république montagnarde en 1920, qui se divise en petites
républiques, dont la république d’Ingouchie-Thétchénie. Des troubles violents se déclenchent
de 1929 à 1937, provoquant l’envoi de 13 000 hommes de Moscou. La période des purges est
particulièrement sanglante en Tchétchénie (80 000 exécutions).
L’avancée allemande vers la Caspienne provoque dans ce contexte quelques sympathies,
même si les forces allemandes n’atteindront jamais la Tchétchénie, et bien que 30 000
tchétchénes servent dans l’armée rouge. Le reflux allemand provoque dès 1943 une répression
terrible, puis la décision de déporter la totalité de la population tchétchéne au Kazakhstan en
plein hiver 1943-1944. Environ 200 000 Tchétchénes sur un total de 600 000 vont périr dans
cette déportation. En 1957, le peuple tchétchéne est réhabilité, 232 000personnes reviennent
dans la « République Socialiste Soviétique Autonome des Tchétchénes et des Ingouches ».
Cette RSSA compte en 1959 28% de Russes, 13% d’Ingouches et 59% de Tchétchénes,
proportion qui reste stable jusqu’1989. Les guerres récentes depuis 1994 sont le prolongement
de cet état de conflit qui dure depuis 1795.
Une structure traditionnelle forte qui a su préserver ses particularités :
Les Tchétchénes forment un peuple peu nombreux (800 000 au maximum) qui ont su

20
préserver leur identité à travers une structure clanique classique, alliée à la pratique d’un islam
modéré.La double spécificité clanique et islamique modérée engendre une société à forte
cohésion, sur laquelle les autorités de colonisation ont peu de prise et qui est renforcée par la
brutalité systématique des politiques soviétiques puis russes dans la région.

I LE PREMIER CONFLIT

1.1 DES ENJEUX NOUVEAUX OU RENOUVELES :

La Russie se préoccupe tout d’abord de la préservation de son intégrité territoriale.


Eltsine poussait à l’autonomie des républiques dans son rapport de force avec Gorbatchev. La
Tchétchénie fut en fait la seule à manifester des sentiments véritablement indépendantistes.
De mai à octobre 1990, les forces politiques se déclarèrent en faveur de l’indépendance et
malgré de multiples pressions, l’indépendance fut déclarée par deux fois en juin 1991 et le 1 er
novembre 1991.
Le général Doudaiev, l’un des rares généraux allogènes de l’ex-armée rouge, a été en poste
dans les états Baltes et voulut s’inspirer de leur expérience. Elu président le 27 octobre 1991,
son habileté politique lui permit de déjouer les premières tentatives de reprise en main de
Eltsine qui s’appuyait sur des clans rivaux ( en particulier par la fourniture d’armes et de
conseillers militaires…). La Tchétchénie refusa de signer le traité fédéral russe (1992), se
comportant comme un état, envoyant des représentants à l’étranger (le président Doudaiev au
salon du Bourget en 1993 et après la première guerre, le président Masladov en France).
Enfin, le Caucase dans son ensemble est une région « fragile » et instable. La Russie y
craignait une application de la théorie des dominos, car l’ensemble de la zone est surtout
composée de pays faiblement peuplés et multiethniques.
L’idée communément répandue de l’avancée islamique, menace pour les Russes, n’a
pas de rapport avec la réalité et plus particulièrement en 1993-1994. L’islam n’avait que peu
d’emprise réelle sur la population même si la première guerre importa quelques volontaires
islamistes, bien payés et bien armés et attirant de ce fait des jeunes. Malgré tout, ces éléments
furent minoritaires dans le pays.
Le gouvernement de la fédération désirait également mettre fin à une tradition
terroriste. Le peuple tchétchéne est régulièrement en proie à des difficultés internes et tant la

21
période 1991-1993 que l’entre deux guerres (1996-1999) conduisirent à une situation de
concurrences entre clans sur fond de développement des activités maffieuses (enlèvement,
rançons). L’un des objectifs russes, cautionné par les pays avoisinants, fut d’éviter que la
Tchétchénie ne versa dans une zone de non droit, gouvernée par un président qui ne tenait
véritablement que Groznyï et victime ailleurs de véritables chefs de guerre. Cette situation
terroriste s’étendit vers le Daguestan dès 1997 avec une intensification en 1999.
De plus, le pétrole fut un facteur non négligeable. La première intervention russe a été
déclenchée après que l’Azerbaïdjan, enclavé, ait signé 20 contrats importants, ce qui rendait à
la zone Caucase un rôle stratégique de passage des oléoducs. Le pays en lui même est
économiquement peu important pour la fédération : 1% du pétrole, 0,2% du gaz, 2% du
raffinage.
Par ailleurs, la Tchétchénie représentait l’exemple de l’échec de la politique de reprise
en main de Eltsine. Par deux fois, le blocus économique décidé après la proclamation de
l’indépendance en novembre 1991 fut un échec De même que le soutien aux opposants avec
une tentative avortée de coup d’état (31 mars 1992) eut pour effet de souder le peuple
tchétchéne.
Enfin et peut-être surtout, un facteur essentiel résidait dans l’espoir de Boris Eltsine et
de son entourage ( dont le controversé ministre de la défense, Pavel Gratchev), d’une victoire
rapide qui pourrait redorer le blason présidentiel et détourner l’attention du public des affaires
de corruption dans le milieu civil comme dans le milieu militaire.

1.2 LA PREMIERE GUERRE A ETE MAL ETE GEREE :

Elle est déclenchée après une nouvelle tentative de coup d’état en novembre 1994, qui
débouche sur un ultimatum puis l’intervention russe le 10 décembre. C’est l’application de la
doctrine militaire soviétique : le rouleau compresseur, en compensant la perte de puissance de
la nouvelle armée russe par une forte utilisation de l’artillerie et de la composante aérienne.
Pourtant, seulement 35 000 hommes sont déployés, dont de nombreux appelés, mal adaptés
aux conditions du combat .Ils doivent faire face à une force tchétchéne équivalente en
nombre, très motivée, mobile, légère et parfaitement soutenue par les populations locales. Les
unités russe sont pour beaucoup formées pour la circonstance, sans homogénéité, peu
entraînées, peu motivées et mal équipées(en particulier en matière de soutien logistique et
médical).

22
L’armée peine a rassembler initialement plus de 80 chars et le vice ministre de la défense, le
général Gromov, déclare même publiquement que ses forces ne sont pas prêtes. Plus de 500
officiers démissionnent à cette occasion. La guérilla tchétchéne ne dispose pourtant que
d’armements légers, de téléphones portables mais pratique la guerre des commandos et des
embuscades avec une adresse certaine. Organisées en « unités » de cent à plusieurs centaines
d’hommes sous les ordres d’un « commandant », plus chef de guerre que réel officier rendant
compte à « l’état-major » tchétchéne, les forces tchétchénes ont toujours eu une totale liberté
de manœuvre en fonction des opportunités. A un niveau inférieur, on trouve le groupe de
combat, fort de quinze à vingt combattants divisé en équipes de trois à quatre partisans. Ces
équipes s’articulent autour d’un tireur antichar, armé d’un RPG-7 ou d’un RPG-18, d’un
mitrailleur, d’un sniper armé d’un fusil Dragunov et d’un ou deux voltigeurs équipés d’AK-
74. Les combattants tchétchénes n’hésitent pas à s’habiller en civil, se mêlant même aux
réfugiés, afin d’attaquer les arrières des forces russes.
La tactique tchétchéne de contrôle des espaces et de résistance dans les villes joue à plein.Les
embuscades se multiplient sur les arrières, la prise de Groznyï se faisant au prix de lourdes
pertes du 15 décembre 1994 au 19 janvier1995, les montagnes restant inaccessibles. Les
troupes déployées sont mal coordonnées (forces spéciales, MVD, Omon, forces classiques) et
multiplient les erreurs. Ainsi, le manque de coordination provoque de nombreuses pertes
fratricides et un gaspillage des moyens. Des chars lourds sont utilisés dans les combats
urbains. Handicapés par leur faible mobilité, ils constituent des proies faciles…
A partir du mois de mai 1995, les Russes vont contrôler les villes principales de la république,
repoussant les unités tchétchénes vers les montagnes du sud.
Durant plusieurs mois, aucun des deux adversaires ne semble pouvoir l’emporter de façon
décisive. Les Russes se déployaient pour encercler un village, alors que les Tchétchénes
infligeaient dans le même temps des pertes aux colonnes russes en mouvement. Puis les
Russes bombardaient le village jusqu’à ce que les tirs adverses cessent, avant d’y pénétrer.
Les Boïeviki (combattants en tchétchéne) occupaient alors un autre village et ainsi de suite…
Ce type d’opérations sera cependant interrompu à plusieurs reprises par des cessez-le-feu et
par des prises d’otages très médiatisées par les Tchétchénes. Ainsi, la prise d’otages de soldats
russes à l’hôpital de Boudennovsk, le 14 juin 1995, à 150 kilomètres au nord du pays est très
symbolique de cette faiblesse militaire russe (surprise, négociations laborieuses, prises de
responsabilité hésitantes…). Même si elle se termine dans un bain de sang, tout comme celle
de Pervomaïskaïa (9 janvier 1996), ce type d’incident ne change rien au déroulement global
des opérations.

23
De plus, l’opinion publique adhère mal à cette guerre mal engagée, le comité des mères de
soldats est très médiatisé et la Douma vote un appel à la suspension des combats. Les attaques
de commandos tchétchénes ridiculisent Moscou et débordent du territoire tchétchéne. La
guerre est en fait une succession ininterrompue d’embuscades et de coups de main des
indépendantistes et d’actions de ratissage des unités de l’armée et du ministère de l’intérieur.
Le conflit cristallise d’ailleurs de manière dramatique toute les difficultés de l’armée dans son
ensemble(corruption, mauvais traitements infligés aux conscrits, manque de moyens adaptés
et de personnels qualifiés, sous entraînement, faible coordination et concurrence des trop
nombreux acteurs de l’appareil de sécurité…). Le général Doudaiev décède cependant
pendant le conflit28 (avril 1996), mais les Tchétchénes reprennent en partie Grozny en mars
1996 ; totalement le 6 août.
En avril, si les unités russes tiennent encore les routes, les combattants tchétchénes ont repris
le contrôle de fait des villes et des principales agglomérations. Cette guerre coûte 4000
hommes aux Russes. Aucune estimation réaliste des pertes militaires ou civiles adverses ne
peut être donnée.
Un accord est dégagé par l’intervention du général Lebed et est ratifié par Victor
Tchernomyrdine en novembre 1996. Le statut de la Tchétchénie est gelé jusqu’en décembre
2001, la reconstruction du pays est engagée. Cet accord est clairement temporaire et ne règle
rien. La gestion catastrophique de l’entre deux guerres renforce les enjeux déjà soulignés
(indépendance, terrorisme, islamisme).

1.3 L’ENTRE DEUX GUERRES ,EXEMPLE D’EFFET LOCAL DES REFORMES DE


1997 :

Le gouvernement russe lance un vaste programme de réduction et d’optimisation de ses


forces armées en 1997.Ces réformes ont déjà été évoquées en deuxième partie, mais il
convient de s’intéresser à quelques aspects propres au conflit en Tchétchénie.
Les réformes ont en effet une incidence directe sur les structures liées de près ou de loin à la
crise en Tchétchénie.
En premier lieu, la première transformation administrative majeure a été le changement de
statuts des régions militaires. La plupart d’entre elles ont été reconfigurées en
« commandements stratégiques opérationnel » (en russe, OSK). Sous leur ancienne forme, les
régions militaires étaient essentiellement des structures administratives. A présent, une

28
Il sera victime d’un missile tiré d’un avion après que son téléphone portable ait été localisé.

24
« OSK » est une entité opérationnelle, responsable du commandement de toutes les forces
armées sur son territoire, y compris les gardes frontières, les forces du ministère de l’intérieur
et autres structures de forces. Le concept est encore récent et les différents ministères ont
montré quelques réticences à « abandonner » ainsi certaines de leurs prérogatives…
Malgré les problèmes organisationnels et financiers, ces nouvelles entités ont réussi à
organiser plusieurs exercices combinés du type de celui rencontré en Tchétchénie. Les
procédures ont pu être harmonisées au niveau des états majors et, autant que possible, mises
en application par des exercices sur le terrain.

II LE SECOND CONFLIT

2.1 LE CONTEXTE :

Le chef de guerre Chamil Bassaiev entre à la tête de plus d’un millier de combattants
tchétchénes au Daguestan en août 1999. Plusieurs villages du Daguestan sont déclarés, par la
force, régions islamiques.
Dans la même période, une campagne d’attentats éclate à Moscou en septembre 1999 et fait
près de 300 morts. Les causes de ces attentats sont encore inconnues mais sont imputés sans
réelles preuves aux « terroristes » islamistes tchétchénes…
Ces événements font l’objet d’une vigoureuse campagne dans les médias russes et le contexte
interne est favorable après le traumatisme des attentats. Il semble alors émerger a un pacte
d’union nationale accompagné d’une grande indifférence aux souffrances des Tchétchénes.
De plus, la Russie se préparait activement depuis plusieurs mois une vaste opération militaire,
comme l’a déclaré depuis l’ancien premier ministre Sergueï Stepachine (mai à août 1999) au
quotidien Nezavissimaya Gazeta29. Au début de la campagne, le général Victor Kazantsev,
chef d’état-major de la région militaire du Caucase du Nord affirma même, très optimiste,
« que la reconquête de ce district n’est qu’une question de jours ».
Par ailleurs, le contexte international est plutôt favorable aux Russes. En effet, l’intérêt
occidental se focalise plutôt sur les événements du Kosovo et donc beaucoup moins sur cette
région perdue du Caucase…
Enfin, il n’existe pas de dissension notable dans ce nouvel épisode tchétchéne entre le pouvoir
et les militaires russes. Le président est très clairement le chef des armées, comme le
29
Le Monde, 26 janvier 2000.

25
souligneront ses visites aux combattants ( en particulier l’arrivée spectaculaire, et largement
médiatisée, du président Poutine sur le théâtre en place arrière d’un SU 27, venu remettre des
décorations et galvaniser ses troupes...).

2.2 LA SECONDE GUERRE ,UN DEROULEMENT MIEUX MAITRISE :


Faisant preuve d’une plus grande souplesse d’emploi, les forces russes semblent avoir
su faire évoluer leurs tactiques tout au long du déroulement du second conflit. Il semble
possible de discerner trois étapes principales. Tout d’abord, l’écrasement de la rébellion au
Daghestan du 2 août au 30 septembre 1999. Puis l’attaque massive et l’invasion du territoire
tchétchéne proprement dit du 1er octobre 1999 au 22 avril 2000. Enfin, à partir de mai 2000,
une période de guérilla plus ou moins intense.
La deuxième guerre semble quelque peu différente de la première, malgré un apparent
recommencement (attaque d’un pays montagneux en hiver). Les villes sont contournées au
maximum, sauf Groznyï qui reste très symbolique. Les Russes disent s’inspirer des tactiques
occidentales au Kosovo : attaques systématiques des usines, des centrales électriques, du tissu
industriel, utilisation d’armes de précision…Dans la réalité, la comparaison reste très
audacieuse car le niveau technologique de la coalition au Kosovo fut nettement supérieur à
celui des forces russes dans le Caucase. Ainsi, les bombes lancées par l’OTAN étaient guidées
pour près de 90%, alors que le ratio des mêmes équipements est marginal au sein des forces
aériennes russes.
Les troupes russes recherchent le contact, se retirent ensuite systématiquement pour
limiter les pertes et laisser la place aux bombardements massifs de l’aviation ou de
l’artillerie(utilisation en particulier de missiles sol-sol FROG 7).
En accélérant le rythme des opérations et en pourchassant les combattants tchétchénes
la nuit ou par conditions météorologiques défavorables, les forces russes comptent bousculer
leurs adversaires et limiter leurs propres pertes. Dans les localités, pour faire échec aux
snipers tchétchénes embusqués dans les immeubles , les Russes placent systématiquement
dans leurs colonnes blindées des engins automoteurs antiaériens ZSU-23-4 et 2S6 à la
puissance de feu dévastatrice en tir direct.
L’armement et les tactiques des combattants tchétchénes ont peu changés depuis la
première campagne. Les chefs de l’aviation russe doutent que les rebelles possèdent
réellement des missiles sol-air américains Stinger comme parfois annoncé dans la presse30. Il
semblerait qu’ils possèdent des missiles russes Strela-3 et Igla-1 en nombre très restreint.
30
Alexey KOMAROV, Aviation Week, 14 février 2000.

26
Selon les pilotes russes, leur efficacité est très limitée, en particulier grâce aux tactiques
élaborées en Afghanistan et au peu d’entraînement des tireurs. L’armement antiaérien des
tchétchénes consiste essentiellement en mitrailleuses montées sur des plateaux de véhicules.
L’efficacité de ces derniers semble assez bonne en particulier contre les hélicoptères de
transport de type MI-8, faiblement blindés et particulièrement exposés.
Pour l’armée russe, toute cette expérience accumulée permet bien sûr une amélioration
des savoirs faire et, dans une certaine mesure, d’imposer certaines améliorations techniques.
« Nous sommes conscients que nous mettons en œuvre des avions dépassés de troisième
génération, …, de nouveaux appareils capables de rivaliser avec les systèmes d’armes
occidentaux sont en cours de développement, mais hélas leur production est rendue
impossible pour des raisons économiques… » explique le général Valery Gorbenko,
commandant de théâtre des forces aériennes.
L’encerclement de Groznyï est progressif pour y faire le vide et éviter les actions sur
les arrières des forces russes. L’assaut n’est lancé que début 2000 et les forces tchétchénes
évacuent les ruines début février. Groznyï a été bombardé et a subit un niveau de destruction
tel que les forces russes semble avoir éprouvé des difficultés a trouver des bâtiments capables
d’accueillir leur quartier général31. Certains analystes décarent d’ailleurs que la bataille de
Groznyï est la bataille en zone urbaine la plus importante depuis Stalingrad…
La coordination des quelques 90 000 soldats russes (face à environ 30 000
« rebelles »), et la part importante laissée aux troupes d’élite (Spetsnaz, Omons..), renforce la
qualité de l’ensemble. De plus, de nombreux personnels ont acquis une expérience
particulièrement utile lors du premier conflit. Dès le début, le commandement est unifié sous
la responsabilité de l’armée( Etat Major Général, Etat Major Régional, Commandement
Interarmées).
De nombreux exercices préparatoires ont permis de renforcer la cohésion des unités.
Les appelés sont maintenus autant que possible à l’arrière, ce qui constitue aussi un effort en
direction des familles, et qui renforce par là même le soutien de la population civile. Le
remplacement des personnels en première ligne a été effectué à un rythme beaucoup plus
rapide qu’en 1994-1996. Pour cette seconde campagne, le temps de service en opérations a
compté double et les personnels ont reçus des compensations financières significatives. Ainsi,
un soldat a reçu en moyenne 950 roubles ( 30 dollars) par jour en opération. Le salaire moyen
d’un commandant est monté dans ces conditions à près de 400 dollars par mois.32

31
David A. FULGHUM, Aviation Week, 14 février 2000.
32
The Military Balance 2000/2001 IISS.

27
Contrairement au premier conflit, le gouvernement et l’armée ont exercé un contrôle
très étroit des médias, dénigré l’action des journalistes indépendants et pratiqué une sous
estimation systématique des pertes et des exactions 33. L’accès de la zone aux journalistes
restait et reste très limité, comme le montre par exemple l’arrestation d’Andreï Babitski,
journaliste russe de Radio Free Europe en janvier puis en février 2000, inculpé « d’usage de
faux documents »34.
De plus, l’armée russe tente de démontrer son nouveau savoir-faire en déployant
quelques matériels modernes comme des drones(Pchela-1T)35, des avions modernisés et aptes
« tous temps » (SU-24M, SU-25T, SU-30 modernisés…), des hélicoptères de combat récents
(KA-50, MI-28) , de nouveaux véhicules blindés (BMP-3) ou encore des armements guidés36.
Leur emploi demeure encore assez marginal et les dégâts « collatéraux » restent fréquents…
Les forces armées russes, malgré des difficultés certaines, gagnent le contrôle des montagnes
dont la vallée de l’Argoun, terrible échec de la première campagne, ainsi que des villes
nouvelles comme Urus-Matan, Bamout ou Vedeno.
Le maintien des positions acquises devra s’inscrire dans la durée et des problèmes récurrents
réapparaissent d’ailleurs déjà. Ainsi, des cas d’indiscipline semblent avoir été à l’origine de
nouveaux trafics d’armes. De plus, les troupes de bon niveau engagées initialement doivent
être relevées et les errements de la période 1994-1996 affaiblissent à nouveau le niveau
général des forces ( sous entraînement, sous équipement…)37
Enfin, la campagne en Tchétchénie se révèle particulièrement dommageable aux stocks des
forces armées russes. Il a été officiellement reconnu que pour maintenir un niveau suffisant
d’approvisionnement, le carburant et les munitions ont été prélevés sur d’autres unités de la
fédération. Cette pratique risque de grever le potentiel à moyen terme tant en terme de
matériels que d’entraînement. Ainsi la campagne en Tchétchénie monopolise à elle seule près
de 60% du budget annuel des forces aériennes.38
Malgré tout, les Russes semblent avoir gagné la partie même si la résistance n’a pas
complètement disparu. La décision du président Poutine de retirer une partie des forces
fédérales(18 mars 2000) souligne le succès global de l’armée russe. Sa décision de mise sous
tutelle de la république pendant deux ans est une première atteinte à la politique d’autonomie

33
Le Monde, 16 février 2000.
34
Le Monde, 3 octobre 2000.
35
Les essais du tout nouveau drone tactique de reconnaissance « STROY-P » semblent avoir été un succès et
l’engin a été commandé par le ministère de la défense.
36
The Military Balance 2000/2001, IISS.
37
Isabelle FACON, Le courrier des pays de l’Est, n°1004, Avril 2000.
38
David FULGHUM, Aviation Week, 14 février 2000.

28
des républiques russes, et constitue un avertissement clair. Le gouvernement russe semble
vouloir s’appuyer sur la population des plaines contre celles des montagnes où l’armée
poursuit les rebelles mais doit toujours « tenir » le terrain. « Nos troupes vont
progressivement assurer la transition vers un régime de temps de paix,…, la priorité absolue
reste la liquidation des groupes criminels armés… », assure le Général Valery Gerasimov,
commandant la région militaire du Nord Caucase. Prés de 30 000 personnels des différents
ministères impliqués resteront stationnés en permanence sur le territoire.39

Même si les bilans sont très hasardeux et les chiffres, là aussi, peuvent prêter à
caution, le ministère de la défense russe annonçait officiellement (début février 2001) 2728
morts et 7971 blessés parmi les forces fédérales depuis le 1er octobre 1999. Selon
l’Association des mères de soldats, les pertes réelles seraient deux fois plus importantes…
Toujours selon les sources officielles, quelques 15 000 combattants tchétchénes auraient été
tués pendant la même période.

CONCLUSION

39
Vladimir MUKHIN, Nezavissimaya Gazeta, The Russia Journal, 20-26 janvier 2001.

29
Les conflits en Tchétchénie ont permis de souligner les carences graves des
forces armées de la Fédération de Russie. Ils ont été également à l’origine des grandes
réformes de l’institution. D’un format plus compact, mieux organisée et en meilleure
cohérence avec les autres structures de forces, l’armée russe semble être sur la voie de la
rationalisation et du pragmatisme.
Son destin reste cependant largement conditionné par les évolutions économiques et
financières du pays. Les stocks de matériels accumulés par l’Union Soviétique s’amenuisent
et l’achat d’équipements modernes est repoussé à des temps budgétaires meilleurs…
Le fossé technologique avec les pays occidentaux s’accélère et les choix gouvernementaux
entre les armes stratégiques et les armes conventionnelles s’avèrent difficiles.
De plus, des changements notables sont intervenus dans l’évaluation plus globale des
menaces : problèmes internes à la fédération, ouvertures vers l’OTAN des anciens « pays
frères », conséquences importantes du conflit du Kosovo, maintien difficile de la Russie dans
le cercle des grandes puissances, retard technologique considérable par rapport au
occidentaux…
Tous ces éléments ont des répercussions évidentes en politique intérieure et extérieure
et en particulier pour l’armée.

BIBLIOGRAPHIE

OUVRAGES :

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31
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http://www.russiajournal.com/
http://perso.club-internet.fr/kozlowsk/home.html
http://www.liberation.fr/russie/index.html
http://www.fas.org/news/russia/index.html

TABLE DE MATIERES
INTRODUCTION.....................................................................................................................1

PREMIERE PARTIE : LES GRANDES EVOLUTIONS DE 1990 A NOS JOURS.........2


I L’ORGANISATION.............................................................................................................2

32
1.1 Organisation organique théorique
1.2 Organisation opérationnelle théorique
1.3 Autres forces non militaires
1.4 Organisation des forces.
1.5 La corruption
II LES BUDGETS ET LES MATERIELS.............................................................................4
2.1 Les budgets
2.2 Les matériels
III LES PERSONNELS...........................................................................................................6
3.1 Quelques chiffres
3.2 Différentes catégories de personnel
3.2.1 La conscription
3.2.2. Les cadres professionnels
DEUXIEME PARTIE : LES PROCESSUS DE REFORME.............................................10
I LA DOCTRINE..................................................................................................................10
II LES FORCES NUCLEAIRES STRATEGIQUES RUSSES............................................12
III LES REFORMES ET LES PERSPECTIVES..................................................................13
IV LES RELATIONS ENTRE CIVILS ET MILITAIRES..................................................15
4.1 La population russe et son armée
4.2 Les relations entre civils et militaires au sein du gouvernement russe
TROISIEME PARTIE : L’ARMEE RUSSE A L’EPREUVE EN TCHETCHENIE......20
INTRODUCTION.................................................................................................................20
I LE PREMIER CONFLIT....................................................................................................21
1.1 Des enjeux nouveaux ou renouvelés.
1.2 La première guerre a été mal gérée
1.3 L'entre deux guerres
II LE SECOND CONFLIT....................................................................................................25
2.1 Le contexte
2.2 La seconde guerre, un déroulement mieux maîtrisé
CONCLUSION.......................................................................................................................30

BIBLIOGRAPHIE..................................................................................................................31
ARTICLES :..........................................................................................................................31
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TABLE DE MATIERES........................................................................................................33

33

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