Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
es nations se hissent par le savoir et se maintiennent par la mémoire. C’est cet ensemble d’évé-
nements qui se créent successivement aujourd’hui pour qu’un jour on ait à le nommer : Histoire.
Sans cette mémoire, imbue de pédagogie et de ressourcement, l’espèce humaine serait tel un
atome libre dans le tourbillon temporel et cosmique.
L’homme a eu de tout temps ce pertinent besoin de vouloir s’amarrer à des référentiels et
de se coller sans équivoque à son histoire. Se confondre à un passé, à une ancestralité. Cette
pertinence va se confiner dans une résistance dépassionnée et continue contre l’amnésie et les
affres de l’oubli. Se contenir dans un souvenir, c’est renaître un peu. L’intérioriser, c’est le revivre ; d’où cette ardeur
permanente de redécouvrir, des instants durant, ses gloires et ses notoriétés.
En tant que mouvement dynamique qui ne s’arrête pas à un fait, l’Histoire se perpétue bien au-delà. Elle est éga-
lement un espace pour s’affirmer et un fondement essentiel dans les domaines de prééminence et de luttes. Trans-
mettant le plus souvent une charge identitaire, elle est aussi et souvent la proie pitoyable à une éventualité faussaire
ou à un oubli prédateur. Seule la mémoire collective, comme un fait vital et impératif, peut soutenir la vivacité des
lueurs d’antan et se projeter dans un avenir stimulant et inspirateur. Elle doit assurer chez nous le maintien et la
perpétuation des liens avec les valeurs nationales et le legs éternel de la glorieuse révolution de Novembre.
Il est grand temps, cinquante ans après le recouvrement de l’indépendance nationale, de percevoir les fruits de
l’interaction et de la complémentarité entre les générations. Dans ce contexte particulier et délicat, les moudjahi-
date et moudjahidine se doivent davantage de réaffirmer leur mobilisation et leur engagement dans le soutien du
processus national tendant à éterniser et à sacraliser l’esprit chevaleresque de Novembre. Ceci n’est qu’un noble
devoir envers les générations montantes, qui, en toute légitimité, se doivent aussi de le réclamer. A chaque dispari-
tion d’un acteur, l’on assiste à un effacement d’un pan de notre histoire. A chaque enterrement, l’on y ensevelit avec
une source testimoniale. Le salut de la postérité passe donc par la nécessité impérieuse d’immortaliser le témoi-
gnage, le récit et le vécu. Une telle déposition de conscience serait, outre une initiative volontaire de conviction,
un hommage à la mémoire de ceux et de celles qui ont eu à acter le fait ou l’événement. Le témoignage devrait être
mobilisé par une approche productive d’enseignement et de fierté. Raviver la mémoire, la conserver n’est qu’une
détermination citoyenne et nationaliste. Toute structure dépouillée d’histoire est une structure sans soubassement
et toute Nation dépourvue de conscience historique est une nation dépourvue de potentiel de créativité et d’inté-
gration dans le processus de développement.
C’est dans cette optique de rendre accessibles l’information historique, son extraction et sa mise en valeur que
l'idée de la création de cette nouvelle tribune au titre si approprié : Memoria, a germé. Instrument supplémentaire
dédié au renforcement des capacités de collecte et d’études historiques, je l’exhorte, en termes de mémoire objec-
tive, à plus de recherche, d’authenticité et de constance.
amar.khelifa@eldjazaircom.dz
AMMAR KHELIFA
Direction de la rédaction
Zoubir KHELAIFIA
Coordinatrices
Meriem Khelifa
Reporter - Photographe
histoire d'un coup d'etat manqué manifestation du 11 décembre 1960
Abdessamed KHELIFA
Hassina AMROUNI
P.11 Histoire
Zbiri et Boumediene
Zoubir Khélaifia
Deux hommes irréconciliables
Direction Artistique P.15 Histoire
Halim BOUZID La mobilisation avant le grand assaut tahar zbiri
P.36 P.37
SOMMA I RE
mohand oulhadj abderrahmane mira a droite
P47
P.41 Histoire
11 décembre 1960
echec au plan de gaulle
P.47 Histoire
Décès du général-major Hocine Benmaâlam
Il était l’un des compagnons du Colonel
Amirouche
P.55 Portrait
Khaled Bentounès
Un homme de médiation, d’action et de paix
Toudja
Par Adel Fathi
Guerre de libération
Histoire
Dernier chef de la wilaya I historique, le colonel Tahar Zbiri
n’a opposé aucune résistance à l’armée des frontières et l’a, au
contraire, accompagnée dans son avancée vers la capitale. Nom-
mé à l’Indépendance commandant de la 5e Région militaire,
avant d’être promu, en 1963, chef d’état-major de l’ANP, rien ne
présageait d’emblée le grand basculement dont il sera le princi-
pal acteur. Sa tentative de coup d’Etat contre le régime de Bou-
mediene, deux ans après le redressement du 19 juin 1965, est-elle
le résultat d’une défiance personnelle ou l’expression d’une rup-
ture plutôt structurelle au sommet de la hiérarchie de l’armée et
de l’Etat ? Le débat reste ouvert sur un épisode qui n’a pas fini de
livrer ses mystères.
D
ans ses mé- Ahmed Ben Bella et le colonel Boumediene passent en revue les troupes
de l’armée des frontières en 1962
moires, parues en
2011, Tahar Zbiri
justifie ce clash
avec le colonel
Boumediene par sa déception de la
« marginalisation » dont seraient vic-
times, selon lui, les anciens mou-
djahidine, au détriment des nou-
veaux officiers ayant évolué dans
l’armée française. De nombreux
acteurs historiques et d’opposants
politiques partagent cette vision et
l’ont fait savoir. Mais la question
que l’on ne peut s’empêcher de po-
ser, ici, est de savoir pourquoi Zbiri et ambigus, qui le liait à l’homme cipale qui nous avait poussés à
et ses compagnons ont attendu fort du pouvoir, à savoir le colonel destituer Benbella, malgré tout le
cinq longues années après l’investi- Houari Boumediene. Dans son ou- poids politique, historique et sym-
ture du gouvernement algérien, qui vrage, Zbiri affirme n’avoir jamais bolique dont il jouissait, explique
était composé du même personnel, été tendre avec ex-ministre sur son Tahar Zbiri, c’était justement sa
pour se décider à réagir. « penchant autocratique» . Il le lui a propension à régner sans partage.
Pour comprendre les fonde- dit un jour en ces termes : « On ne C’est vrai qu’on lui reprochait aussi,
ments de ce coup de Jarnac de s’est pas débarrassé du pouvoir de Ben- entre autres, son improvisation, ses
l’ancien baroudeur des Aurès, il se- bella pour reproduire le benbéllisme ! » tentatives de déstabiliser la cohé-
rait sans doute intéressant de foui- Le procès qu’il fait à Boumediene sion de l’armée, et la concentration
ner dans les rapports, complexes est sans appel. « La raison prin- de pouvoirs. Et voici Boumediene
Tahar Zbiri a réussi la première région, Abderrahmane Bensalem, l’arrêter, avant d’y renoncer sous la
partie de son plan, qui était de créer adjoint du chef de l’état-major gé- pression des membres du Conseil
un climat de tension et d’accélérer néral et commandant de la Garde de la révolution, dont notamment
les décantations. Boumediene, très républicaine, et le colonel Abbas, Kaid Ahmed. Devant l’impasse,
inquiété, décide alors de lui envoyer adjoint-chef d’état-major et com- Zbiri s’installe, dans un premier
un deuxième émissaire, qui ne sera mandant de l’académie militaire de temps, dans la caserne de Lido
autre que son ministre des Affaires Cherchell. D’ailleurs, tout ce panel (Bordj El-Kiffan) où se trouvait un
étrangères, Abdelaziz Bouteflika, d’officiers supérieurs étaient au bataillon blindé dirigé par un offi-
pour l’inviter à une rencontre. Zbi- départ favorables à une action radi- cier qui lui était proche, le capitaine
ri refuse et lui signifie clairement cale, mais se sont tous désisté, lais- Layachi Houasnia.
qu’il ne viendra qu’au Conseil de la sant le colonel Zbiri presque seul C’est ainsi qu’une délégation
composée du colonel Abbas, des
révolution. Ensuite, un comité de face à la machine broyeuse lancée
commandants Bensalem et Saïd
réconciliation a été créé par des of- par Boumediene contre ses unités
Abid est venue le voir au Lido pour
ficiers proches du chef d’état-major à Blida en décembre 1967.
essayer de trouver un terrain d’en-
et hostiles, du moins jusqu’alors, à Zbiri continue à refuser toute
tente et de désamorcer la crise. Il
la politique de Boumediene, parmi offre de réconciliation, et refuse
leur dira sur un ton sentencieux :
lesquels on trouve les comman- même un poste de premier mi-
« Puisqu’il veut m’arrêter, seule la force
dants Mohamed-Salah Yhiaoui, nistre qui lui aurait été proposé. La pour répondre à la force ! »
chef de la 3ème région (Béchar), tension est montée d’un cran, après
Saïd Abid, chef de la première l’ordre donné par Boumediene de Adel Fathi
Boumediene
Deux hommes
irréconciliables
Par Adel Fathi
Guerre de libération
Histoire
M
ais, malgré tout
cela, Tahar
Zbiri campe
sur ses posi-
tions et refuse
de faire confiance à Boumediene.
Il dit redouter particulièrement
ses manœuvres. « Boumediene écar-
tait de son chemin quiconque oserait lui
contester son pouvoir et lui faire obstacle,
et n’hésiterait pas à recourir à n’importe
quel moyen pour y parvenir », écrit l’ex-
chef d’Etat-major de l’ANP dans
ses mémoires.
Sous la pression de ses proches
collaborateurs, il finit par céder
et accepter d’engager le dialogue De dr. à g. le commandant Smain Mahfoud , le commandant Amer Mellah, , le colonel Tahar Zbiri
et le commandant Mohamed Salah Yahyaoui
avec Boumediene pour tenter de
trouver une solution au conflit, discussion à bâtons rompus s’en- s’était réunis sur des principes, mais toi,
mais tout en restant sur ses gardes, gagea entre les deux hommes forts tu as laissé les gens se moquer de nous…
comme il le dit lui-même. C’est du pouvoir. C’est Boumediene qui On leur a promis de leur donner meil-
ainsi que dès le lendemain de son
l’interpella le premier sur un ton leur que ce que leur avait offert Benbella
retour à Alger, il reçut la visite de
de reproche : « Cher ami, lui a-t-il ; mais la situation ne fait qu’empirer,
Boumediene chez lui à El-Biar. Il
le laisse entrer, mais refuse l’accès lancé, tu nous as créé une crise d’Hit- et les gens nous traitent de « cabranate
aux quatre hommes de sa garde ler… Tu en fais vraiment trop ! » Et » (caporaux) de Boumediene ; et nous,
rapprochée. C’est dire à quel point Zbiri de rétorquer : « Si Boume- lorsqu’on s’est mis d’accord pour écarter
Tahar Zbiri se méfiait toujours de diene, je ne crois pas que nous avons été Benbella, je vous ai posé mes conditions ;
son adversaire. Dans le salon, une ensemble à l’école, ni joué ensemble ; on mais toi, tu suis la même voie que lui ! »
Debout de dr. à g. : Saâd Castel, Ali Bouhadja, Moussa Merad, Abdelkader Abdellaoui, Chadli Bendjedid, Amar Zeghlami, Abdelkader Chabou, Mohamed Boutella,
Redouane, Hamma Loulou, Azzedine Zerrari, Said Abid (en médaillon). Assis de dr. à g. : Ibrahim Debili, Mohamed Alleg, Abdellah Bouteraâ, Salah Soufi, Salim Saâdi,
Slimane Hoffman, Abderrahmane Bensalem, Amar Chekkai, Amar Bensemra.
Puis, il lui a affirmé que son ins- Boumediene, constatant à quel rendu visite à Hydra. Cette rencontre
tallation à la caserne du Lido n’était point son vis-à-vis était remonté, pré- fut l’occasion d’étaler, avec circons-
pas fortuite, et lui a expliqué que la féra reporter la discussion à une autre pection, tous les différends en suspens
personne qui l’avait averti du plan fois. Après ce premier geste de récon- entre les deux hommes, et de consta-
ciliation, le groupe de bons offices ter l’ampleur du schisme qui s’était
supposé de Boumediene était prête
est venu demander à Tahar Zbiri de creusé entre les deux camps au cours
à s’exprimer, à condition qu’elle ne
rendre visite à Boumediene chez lui des deux dernières années. Impertur-
risque rien. Il lui a enfin promis –et pour essayer de désamorcer la crise bable, le colonel Zbiri accuse de nou-
c’est là l’engagement le plus sérieux et qui commençait à s’apaiser, même si veau Boumediene d’avoir renié tous
le plus attendu de lui - de venir si Bou- rien dans les faits, aucun problème les engagements pris lorsqu’ils avaient
mediene décide à réunir le Conseil de soulevé par les dissidents, n’a été ré- décidé de déposer l’ancien président,
la révolution. solu. Zbiri accepte la demande et lui a Ahmed Benbella, des reniements qui,
De dr. à g. : Abderrahmane Bensalem, Moussa Merad, Salah Soufi, Azzedine Zerrari, Houari Boumediene, Ali Mendjeli, à Mellag en 1961
selon lui, faisaient que la situa- Les tentatives de réconciliations n’ont pas cessé
tion du pays allait de mal en pis. pour autant, dans un souci d’éviter un affrontement
A ce moment de la discussion, fatal. Le chef d’état-major dit avoir patienté 44 jours,
le chef de l’Etat l’interrompit et durant lesquels il essaya de peser de tout son poids
lui répliqua sèchement : « Je vois dans les rouages du pouvoir dans le but de résoudre
que tu dresses devant moi un tableau le conflit sans effusion de sang. « Cela dit, soutient-il, je
noir de la situation ; mais moi je ne n’excluais aucune hypothèse, et me préparais à tous les scénarios
vois pas tout ce noir ! » « C’est cela la qui pouvaient s’imposer à tout moment ; parce qu’en l’absence de
réalité ! », lui rétorqua son hôte. solution, la situation ne pouvait que mener vers l’éclatement ».
Un hiatus s’installe entre les Lors d’une rencontre, le 12 décembre, au domicile
Colonel Abbas du commandant Saïd Abid à laquelle ont assisté, outre
deux protagonistes. Dans une
le colonel Tahar Zbiri, le colonel Abbas et le comman-
ultime tentative de débloquer la
dant Bensalem, le groupe fait le point sur la situation,
situation, Boumediene propose à son hôte une sorte de
et prend acte de l’«intransigeance» de Boumediene et
« deal », en lui demandant de lui donner des noms de
de son recul par rapport à l’engagement qu’il avait pris
personnes que ce dernier désirerait voir nommés à des au sujet du Conseil de la révolution. Et Saïd Abid de
postes de responsabilité. Déçu par cette proposition lâcher, en s’adressant à son chef : « Boumediene est entrain
qu’il juge humiliante parce qu’elle réduit son combat à de préparer un commando, prêt à liquider n’importe qui d’entre
une affaire de postes et d’individus, Tahar Zbiri décide nous. Il dit que les chefs de régions te garantiront ta sécurité, alors
de ne plus renouer avec le dialogue. Chose qui va en- que nous n’avons, en réalité, aucune garantie ! »
core faire durer le statu quo qui régnait au sommet de
l’Etat et faire monter la tension d’un cran. Adel Fathi
A
litaires, dont la plupart (Yahiaoui,
Chadli,…) continuaient à observer
vant de passer bataillons activant sous son auto- une attitude attentiste.
à l’action, Zbiri rité directe, pour occuper le « QG Deuxième démarche : occu-
échafaude un plan » de la première région militaire de per le lieu de détention du pré-
de dissuasion. Il Blida, dans le dessein bien calculé sident déchu, Ahmed Benbella, au
convoque tous les de mettre fin aux atermoiements palais Holden, situé sur la route
dani, qui lui avait assuré de sa dis- aussi le soutien d’autres officiers I historique. Mais leur problème,
ponibilité à demander à la centrale qui lui sont restés fidèles, à l’image dira Zbiri, est qu’ils « craignaient
syndicale, l’UGTA, d’organiser de du commandant Ammar Mellah, Boumediene ».
grandioses manifestations hostiles adjoint du commandant de l’état- Les plus influents sont : le com-
à Boumediene, dans le dessein de major général, chargé de l’orga- mandant Saïd Abid, chef de la pre-
conférer au mouvement de redres- nique, originaire de Batna. Il y a mière région (Blida), le comman-
sement une dynamique populaire. avait également Chérif Mehdi, se- dant Mohamed-Salah Yahiaoui,
Au sein de la hiérarchie de l’ar- crétaire-général de l’état-major gé- chef de la 3ème région (Béchar), le
mée, le chef d’état-major s’appuyait néral, originaire lui aussi de Batna. commandant Chadli Bendjedid,
a priori sur la fidélité d’un seul Au niveau des régions militaires, chef de la 2ème région (l’Oranie),
membre de l’état-major général, le la démarche du colonel Zbiri était le commandant Abdallah Bel-
colonel Abbas, puisque les autres appuyée au départ par la majorité houchet, chef de la 5ème région
étaient, soit pro-Boumediene des chefs qui étaient, de surcroit, (Constantine), le commandant
(Mohamed Zeguini, Slimane ses compagnons de lutte, que ce Ahmed Abdelghani : chef de la
Hoffman…), soit neutres. Il avait soit à la base de l’Est ou en wilaya 4ème région (Biskra).
1
3 2
5
1- Ben Ahmed Abdelghani. 2- Ahmed Medeghri. 3- Bekhti Nemiche. 4- Abderrahim.
5- Abdelmalek Guenaizia.
Le mouvement du
14 décembre 1967
Par Adel Fathi
Guerre de libération
Histoire
L
e 13 novembre, au Colonel Zbiri
matin, le comman-
dant Ammar Mel-
lah dépêcha Moussa
Houassnia chez le
lieutenant Maammar Kara à Mé-
déa pour lui donner ordre de se
déployer sur-le-champ vers Blida.
Alors que, lui, devait se rendre à
Miliana pour transmettre au lieu-
tenant Abdeslam Mebarkia, chef
du bataillon mécanique, la même
instruction. Selon le témoignage
de Tahar Zbiri, le lieutenant
Mebarkia, hésitant, appellera au
téléphone, à trois reprises, le lieu-
tenant Maammar Kara pour le Passé ce moment de flottement, gion militaire de Blida, à partir de
consulter sur la question, après les chefs des trois bataillons de la Miliana et Chélif à l’Ouest, et de
première région militaire mirent à Médéa au Sud-ouest.
avoir été contacté par Saïd Abid,
mobiliser leurs troupes et leurs dis- Le bataillon mécanique, conduit
son supérieur hiérarchique, qui positifs, dans l’attente d’un ordre. par le lieutenant Abdeslam Me-
lui enjoignait de ne pas bouger. Ils s’ébranlèrent à minuit, du 13 au barkia était chargé de sécuriser le
La même chose a été essayée avec 14 décembre 1967, en direction du pont Bouroumi, situé à proximité
Maammar Kara. quartier général de la première ré- d’El-Afroun et de le « nettoyer »
7
6 3
5 4 2
1
1- Tahar Zbiri. 2- Bentoumi ministre de la justice. 3- Djamel Abdennacer. 4- Mohand Oulhadj. 5- Chaâbani. 6- Amar Mellah. 7- Hocine Saci
Les raisons
de la déroute Par Adel Fathi
Guerre de libération
Histoire
Les accrochages entre les forces loyales et les troupes comman-
dées par le chef d’état-major se sont vite élargis pour s’étendre
à toute la zone allant de Mouzaïa, à l’ouest, jusqu’à El-Afroun, à
l’est. Au début, les combats étaient à armes égales, puisque les
belligérants ont fait usage d’armes légères et lourdes, et échangé
des tirs de mortier. Le rapport de forces commence à changer en
faveur des loyalistes suite à l’intervention de l’aviation. Certains
témoignages parlent de l’implication d’avions de fabrication so-
viétique, de type Mig 15 et 17, conduits par des pilotes russes,
chargés de former les pilotes algériens, qui auraient été mobi-
lisés pour bombarder intensément et aveuglément les troupes
insurgées, au point d’atteindre par erreur des civiles.
A
insi, les tirs de truction par les troupes pro-Bou-
l’aviation ont sé- mediene du pont Bouroumi avec
rieusement atteint des véhicules, et aussi par l’inter-
le bataillon blindé, vention de l’aviation de guerre qui
dont 9 chars furent avaient bombardé leurs positions.
détruits, et tuant plusieurs soldats. A cela s’ajoutait le non-achemine-
Des renforts ont été appelés pour ment des munitions et le manque
attaquer les rebelles à partir du de carburant dans les tanks. Cela
sud-est. De violents combats ont ne prouve-t-il pas suffisamment le
eu lieu notamment dans la forêt si- degré d’impréparation de ce mou-
tuée entre El-Afroun et Mouzaïa, vement ?
et qui était réputé pour ses reliefs Dans la foulée, Tahar Zbiri
escarpés. découvre que 9 éléments du ba-
Le soir même, le colonel Zbi- taillon blindé commandé par le
ri s’est rendu en compagnie de lieutenant Layachi Houasnia, qui
Au milieu le commandant Abdellah Belhouchet
Lakhdar Bouragaaà El-Afroun, était la force de frappe du mou-
pour s’enquérir de la situation de vement, était durement affecté, et main matin, l’appui des chefs de
ses hommes après cette grande dont 9 éléments étaient tués dans région militaire, et notamment
bataille. Il les trouve complète- les combats. de Mohamed-Salah Yahiaoui, du
ment déconfits : un grand nombre A ce moment-là, le chef donne
colonel Abbas, d’Abderrahmane
d’entre eux étaient arrêtés, les instruction aux troupes de s’ap-
Bensalem, et même aussi de Chad-
autres encerclés. Le commandant procher de Hammam Righa, où il
Ammar Mellah et les chefs de ba- y avait un dépôt d’armes, et pour li Bendjedid, mais en vain. Les
taillons lui dressent un état lieux se positionner dans les montagnes unités militaires dans les Aurès et
détaillé. D’emblée, ils justifient en attendant les ordres. A vrai les autres chefs militaires qui lui
l’incapacité des troupes à atteindre dire, le chef d’état-major espérais avaient promis de mobiliser leurs
leur objectif à Blida, par l’obs- toujours recevoir, dès le lende- troupes s’étaient rétractées après la
4 1
2
3
réussi à enlever un convoi d’arme- cette guerre fratricide, certaines sassinat contre le président Bou-
ment, de munitions et de carbu- sources avancent le chiffre de 30 mediene. Zbiri s’en lave les mains,
rant, qui se dirigeait vers le camp morts et de 130 blessés. Mais au- et avoue n’avoir aucun lien avec
de l’armée régulière, mais s’était cune statistique officielle n’a été cette affaire.
trompé de destination pour tom- publiée à ce sujet. Acculé et craignant pour sa
ber entre les mains des insurgés. Le colonel Zbir se rend compte vie, le chef de la rébellion passe la
Dans la nuit du 14 décembre, enfin qu’il n’était plus possible de frontière et rejoint la Tunisie. Puis,
les bataillons sous la conduite des vaincre Boumediene dans une il s’exile en Suisse, où il rencontre
lieutenants Maammar Kara, Am- confrontation ouverte, ni même notamment Hocine Aït Ahmed
mar Mellah, décident de se replier, de le contraindre à négocier dans et Krim Belkacem. Après un bref
essentiellement vers la caserne de de telles conditions, surtout que passage en France, où il approche
Koléa. A l’aube du 15 décembre, les alliés et les partisans commen- d’autres opposants politiques, il
les troupes rebelles –ou ce qui en çaient à se démarquer dès la pre- décide de s’installer au Maroc.
restait- étaient complètement as- mière déroute. Il rentre définitivement au pays,
après la mort de Boumediene,
siégées. L’annonce de la mort du L’issue de cette déroute est
survenue le 28 décembre 1978. Il
commandant Saïd Abid, chef de la connue : Tahar Zbiri est extradé
a choisi la date symbolique du 1er
première région donnera le coup vers les Aurès, sa région natale,
novembre (1979), pour annoncer
de grâce à cette équipée du colo- où il est traqué inlassablement
son retour au bercail.
nel Zbiri et ses hommes, mettant par la police et les services de
Tahar Zbiri reconnaitra à la fin
ainsi fin à toute possibilité de faire Kasdi Merbah. La plupart de ses
que le but du mouvement du 14
pression sur Boumediene pour hommes furent arrêtés durant la
décembre n’était pas de « renverser »
l’amener à négocier avec nous, même période. Au même moment, Boumediene, mais plutôt de l’ame-
après avoir été trahis par les chefs le 7 juillet 1968, un de ses anciens ner à restaurer la légitimité.
d’autres régions et aussi par l’UG- adjoints, le commandant Ammar
TA. S’agissant du bilan final de Mellah commet une tentative d’as- Adel Fathi
La dissidence
du commandant
Ali Hambli
Guerre de libération
Histoire
L
nemi qui avait lancé son appel à la ser aux résolutions du congrès de la
« paix des brave s». Il faut rappeler Soummam, dont Hambli et ses com-
e commandant Ali que d’autres officiers, et pas des pagnons faisaient partie. C’est certai-
Hambli s’est rendu à moindres, à l’image du colonel Salah nement pour toutes ces raisons que le
l’armée française, en Zamoum est tombé dans ce piège, vaillant officier Ali Hambli a fini par
mars 1959, alors qu’il avec les conséquences désastreuses « craquer » et abandonner définitive-
était à la tête d’un qu’a dû payer la Wilaya IV. D’autres y ment le combat.
La Base de l’Est
un cas d’école
Par Adel Fathi
Guerre de libération
Histoire
Cas unique dans l’histoire de la guerre de Libération nationale, la
dissidence de la Base de l’Est en pleine lutté armée, révèle au grand
jour l’extrême complexité des rapports entre le commandement
de la Révolution avec les maquis.
A
l’origine de cette
contestation ac-
tive, la gestion
hasardeuse et par-
fois chaotique de
l’après-congrès de la Soummam,
dont les retombées sur le devenir
de la Wilaya II (ancienne Zone 2)
se sont révélées particulièrement
négatives. Il faut dire que les diri-
geants du Comité de coordination
et d’exécution (CCE), instance de
direction issue du congrès, avaient Procès de Slimane «L’Assaut».
De dr. à g. : Chadli Bendjedid, Mohamed Aouachria, Amara Laskri (Bouglez) et Yazid Noubli
au début sous-estimé, voire mé-
prisé, l’attitude contestataire des régions. Cela dit, les maquisards prirent l’initiative de proclamer
chefs de la région de Souk-Ah- de Souk-Ahras n’ont pas tardé à une wilaya indépendante – mais
ras, rattachée à la Wilaya II selon réclamer l’autonomie de leur région jamais reconnue – qui s’appellerait
le nouveau découpage territorial. par rapport aux deux wilayas limi- Aïn El-Beïda.
Officiellement, ces derniers justi- trophes, à savoir : les Aurès (Wilaya Amara Bouglez a assis son pou-
fient leur contestation notamment I) et le Nord-Constantinois (Wilaya voir à Souk-Ahras, tout en s'ap-
par « la non-représentation de toutes les II). Les responsables de cette ré- puyant sur certains représentants
régions », et « la reconnaissance de la pri- gion se voyaient ainsi lésés, du fait du FLN en Tunisie qui sont acquis
mauté du politique sur le militaire ». Une qu’ils détenaient un levier aussi né- à sa cause. Avec la construction de
attitude largement partagée par les vralgique que vital pour les maquis la ligne Morice, le long de la route
dirigeants des Aurès-Nememchas de l’intérieur (l’acheminement des et de la voie ferrée de Bône (An-
qui, eux non plus, n’étaient pas armes par la frontière tunisienne). naba) à Souk-Ahras, en été 1957,
représentés aux célèbres assises du Mais, est-ce la seule raison ? les hommes de l’ex-zone de Souk-
20 août 1956 et avaient longtemps Fort d’un soutien franc massif Ahras, érigée désormais en « Base »,
buté sur le problème de succession des moudjahidine de la région, le deviennent incontournables pour
qui s’est posé après la mort subite de chef charismatique Amara Laskri l’acheminement des armes entre la
Mostefa Benboulaïd. Les chefs ré- dit Bouglez, mena une vaste cam- frontière tunisienne et le barrage
calcitrants furent accusés d’être des pagne de sensibilisation et inten- électrifié et miné. C’est pourquoi,
« fauteurs de troubles », et désigné par sifia les réunions avec les respon- le conflit opposant le commande-
le commandement de la révolution, sables de l’ALN à Souk-Ahras, ment de cette base à la Wilaya II
comme des « hors-la-loi ». S’en suit Sedrata, Khenchela et dans les pour le contrôle de cette route des
un blocus économique sur les deux Aurès. En décembre 1956, les alliés armes va s’exacerber.
De g.à droite : Tahar Zbiri, Abderrahmane Ben Salem, Mohamed Aouachria, Amara Laskri dit Bouglez (en surbrillance) et Tayeb Djebbar
Dès le début de la crise, les diri- très approfondi et très fraternel, Bentobal, lesquels ont tout fait, en
geants du CCE ont tenté d’aplanir d’après le récit de Chadli Bendje- coulisse, pour rallier de force cette
le différend par voie du dialogue, did qui était présent à la rencontre. zone «récalcitrante» au commande-
en envoyant des émissaires : il y a eu Mais la confiance est difficile à ment de l’ALN.
d’abord l’initiative conduite par les reconstruire dans une conjoncture Il y a eu aussi un rôle très actif
deux officiers Mezhoud et Benaou- marquée par la multiplication des joué par Ali Mahsas, porte-voix de
da. Une initiative qui se solda, se- manœuvres et une reconfiguration Ben Bella, dans ce conflit entre la
lon des témoignages recoupés, par forcenée des structures de la Révo- Base de l’Est et les « congressistes ».
la mort de plusieurs moudjahidine. lution issues du congrès. Aussi, le Pour ces deux anti-Soummam dé-
Puis, il y eut la mission confiée au choix d’Ouamrane pour essayer de clarés, c’était de bonne guerre : il
colonel Amar Ouamrane. Celui-ci ramener les dissidents dans le giron faut renforcer, par tous les moyens,
est venu rencontrer Amara Bou- du «nidham» ne semblait pas le toute option qui puisse délégitimer
glez dans son QG à Souk-Ahras. mieux indiqué, au vu de sa proxi- les résolutions du congrès. A un
Les deux parties ont eu un échange mité avec Krim Belkacem et de moment, la situation a failli dégé-
De g. à dr. : Chadli Bendjedid, Yazid Ben Yezzar, Hachemi Hadjeres et Commandant Chabou
nérer en guerre fratricide, n’état- dés que la Révolution avait dévié totale de la contestation prônée par
ce la sagesse des responsables qui, de sa voie initiale. Le conflit avait le commandement de la Wilaya I et
heureusement, a primé à la fin. d’abord abouti à la dissolution, la Base de l’Est. L’exécution du co-
L’affaire dite « le complot des jugée prématurée et aux consé- lonel Lamouri et ses compagnons
colonels », exécutés par un tribu- quences incalculables du COM ébranlera durablement le moral
nal révolutionnaire en mars 1959, (Commandement des opérations des moudjahidine de cette région
est venue envenimer davantage la militaires) de l’Est, sous la direc- et instaurera un climat de suspi-
situation. Cette triste fin des offi- tion du colonel Si Nacer (Moham- cion qui perdurera, pour certains,
ciers contestataires de la Wilaya I medi Saïd) et secondé par Amara jusqu’au cessez-le-feu. L’une des
souleva une vague de révolte parmi Bouglez, chef historique de la Base conséquences de cette situation est
les combattants de la Base de l’Est, de l’Est, et le colonel Mostefa Be- que le démantèlement de la Base
où les bataillons vont vite déclarer naouda, son rival. Les cadres de de l’Est allait perturber gravement
leur dissidence contre l’état-major cette structure qui avait son égale à l’acheminement des armes et des
de l’ALN. Il a fallu de longs pour- l’Ouest étaient accusés d’incompé- munitions vers l’intérieur, tâche as-
parlers avec ses dirigeants pour les tence. Cette décision de dissolution surée depuis le début par les unités
ramener au calme. Ces derniers marqua le début d’un long proces- relevant de cette base.
n’en étaient pas moins persua- sus conduisant à la marginalisation Adel Fathi
I
l s’agit du premier mouve-
ment de contestation de
cette ampleur en Kabylie
depuis le déclenchement
de l’insurrection. A la dis-
parition du colonel Amirouche,
en mars 1959, la Wilaya III connut
une période de flottement à cause
d’une lutte sourde pour le leader-
ship entre ses deux adjoints : les
commandants Mohand-Oulhadj
et Abderrahmane Mira. Arrivé en
Kabylie au lendemain de la mort
d’Amirouche, Mira s’investit com-
mandant de wilaya et tenta de
réorganiser les maquis de fond en
comble. Il a, entre autres, ordon-
né de libérer tous les combattants
détenus abusivement dans le cadre
de la « bleuite », et a pu gagner rapi-
dement la sympathie des moudja-
hidine de sa wilaya. Mais il n’a pas
réussi à asseoir son autorité sur l’en-
En tenue claire le colonel Mohand Oulhadj
semble des officiers, notamment le
commandant Mohand-Oulhadj déployait son armada dans le cadre se ravitailler en armes en Tunisie,
qui se prévalait de sa désignation de l’opération « Jumelles », qui se n’avaient pas réussi à franchir la
comme chef par intérim au départ révélera dévastatrice à plus d’un ligne Morice.
d’Amirouche, et s’opposait de fait titre. Lancée le 22 juillet 1959, cette Les maquis étaient même livrés
aux injonctions de Mira. opération militaire avait comme à l’anarchie et à l’indiscipline, du
Le conflit ne tarda pas à écla- objectif d’anéantir les maquis de fait de la diffusion de directives
ter entre les deux hommes, entrai- l’ALN dans la Wilaya III, alors que parfois contradictoires. La nais-
nant une paralysie dangereuse des les armes et les munitions man- sance, en ce moment précis, d’une
maquis pendant plusieurs mois, quaient cruellement. Les trois com- dissidence prônée par un « comité
au moment où l’armée coloniale pagnies envoyées en Tunisie pour des officiers libres de la Wilaya III », en
1 3
Commandant Mira en compagnie de 1- Mohammedi Said. 2- Colonel Yazourene Mohand Ameziane dit Said Vrirouche
Adjaoud Lahlou de Tazmalt 3- Le colonel Abderrahmane Mira
1
2
3
4 5
1 2
La wilaya V face
à ses dissidents
Par Adel Fathi
Guerre de libération
Histoire
La Wilaya V n’a pas échappé au syndrome de dissidence qui a
causé beaucoup de dégâts, ailleurs. Il y a eu d’abord l’affaire dite
des lieutenants, en 1957. Un groupe de lieutenants, mécontents
de la gestion des maquis au niveau de leur wilaya, sont entrés
en conflit avec le chef, le colonel Boumediene, qu’ils accusent
d’incompétence et surtout de n’avoir rien entrepris pour entraver
la construction de la ligne électrifiée le long de la frontière avec
le Maroc, et d’assurer la protection à des officiers qu’ils jugent
A
défaillants.
cculé, le comman-
dant de la wilaya
rejette la responsa-
bilité de ce mou-
vement de contes-
tation à des officiers originaires de
Kabylie et venus de la Wilaya IV
qui, selon Boumediene, sont venus
semer la zizanie en vue de faire
main basse sur la Wilaya V.
L’autre conflit auquel l’état-ma-
jor de la Wilaya V fut confronté,
est la dissidence menée par un in-
trépide et irréductible combattant
de l’ALN, ancien de l’Indochine,
le capitaine Zoubir. De son vrai
nom, Tahar Hammaidia, originaire
de la région de Tiaret, avait déserté
l’armée française en février 1956,
après avoir attaqué la caserne où
il était affecté dans les environs de
Tlemcen. Il rejoint le maquis avec
57 soldats algériens (ou 52 selon
certaines versions) en chargeant 20
mulets en armes lourdes et légères.
Grâce à sa bravoure et à ses
hautes capacités d’organisation, il
fut rapidement affecté à un poste
de responsabilité dans sa région na- - Debout de g. à dr.: Si Saleh Nehari, Colonel Abdelhamid Latréche, Si Saphar Berrouane Abderrahmene, Capitaine
tale. Il fut d’abord nommé chef de Kadiri, Abdelhafid, Boussouf dit si mebrouk, Abdelmadjid Benkedadra, Tebal Hadjadj Mahfoud,
- Accroupis de dr. à g. : Abdelaziz Bouteflika dit Commandant Abdelkader, Colonel Ali Kkafi, Houari Boumediene,
la Région VII (Tiaret), avec le grade
Capitaine Zoubir
reusement, sa requête sera ignorée Ramdane pour désigner les diri- munitions et le nombre important
par le colonel Boumediene et ses geants de l’Extérieur qu’il accusait des djounoud (mieux armés et bien
adjoints. Il s’en remet alors à Krim de mener une vie luxueuse au détri- nourris) de l’armée des frontières, le
Belkacem, dans l’espoir de trouver ment des besoins des maquis et des capitaine dissident et ses fidèles de-
une solution au problème. Devant maquisards de l’intérieur. mandèrent la protection de l’armée
l’impasse, il décide de rentrer en dis- Des démarches ont été entre- royale marocaine. Mais les autorités
sidence avec ses éléments, en décla- prises par le commandement de de ce pays finirent par remettre les
rant ne plus reconnaitre l’autorité l’Ouest pour l’amener à cesser sa fugitifs à l’ALN. Tous les hommes
de l’état-major de l’Ouest, tout en dissidence, et de rejoindre l’ALN, furent éliminés dans le camp de
gardant néanmoins le contact avec mais le capitaine Zoubir s’obstina Khemisset, sans aucun procès. Seul
Krim, pour qui il vouait, d’après les à rejeter toute offre. A la fin de la le capitaine Zoubir eut droit à une
témoignages, un grand respect. réunion du CNRA qui tenait ses parodie de procès devant un tribu-
Il déserta le maquis de l’intérieur, assises à Tripoli fin 1960, le GPRA nal révolutionnaire qui le condam-
na à mort pour indiscipline et tra-
avec une vingtaine de combattants, diligenta une enquête pour tenter
vail fractionnel, accusation d’usage
pour se rendre au Maroc. Certains de mettre fin à la crise qui sévit dans
dressée contre tous les dissidents
récits lui attribuent une attaque ver- la Wilaya V. Conduite par Lakhdar
(affaire de colonels…). Le tribunal
bale d’une rare violence à l’égard Bentobal et Mohammedi Saïd, la
était présidé par le colonel Ath-
des responsables : «N’attendez pas délégation revint bredouille. Aussi,
mane, successeur de Lotfi à la tête
de moi, aurait-il dit, que je sacrifie a-t-il refusé une offre de l’armée de la Wilaya V. Le capitaine Zoubir
mes hommes pour des profiteurs de française de rejoindre ses rangs. sera exécuté à Oujda en juillet 1960.
votre acabit, des révolutionnaires de Après quelques mois de résis-
palace», paraphrasant ainsi Abane tance, et devant le manque de Adel Fathi
I
l avait compris que l’empire
colonial français devait se
réformer, notamment en
associant à sa direction des
représentants modérés des
populations autochtones, acquises
au maintien de la présence coloniale
française.
Un plan « malgache »
Une Algérie
révolutionnaire s’est
exprimée dans les rues
Les manifestants d’Alger, Oran,
Annaba, ont manifesté aux cris de Les éléments modérés Au lendemain des manifesta-
« Algérie indépendante » et avancèrent sont déjà acquis à tions du 11 décembre 1960, le géné-
les mots d’ordre du FLN en deman- l’indépendance ral vit sa marge de manœuvre extrê-
dant l’ouverture de négociations mement rétrécie. Le choix d’une
directes avec le GPRA. Les mani- Il faut relever que la politique négociation directe avec le GPRA
festations des Algériens contre la du FLN, depuis le déclenchement fut un choix forcé. Jean Daniel écri-
violence déchaînée par les extré- de la guerre de libération, a été vait à juste titre : « Cette guerre de six
mistes européens entrainèrent la ré- de couper la voie à l’émergence années ne s’est pas faite seulement contre
action brutale de l’armée. Le mythe d’une tendance politique modé- le colonialisme. Elle s’est faite pour réveil-
de l’Algérie française telle que vou- rée, en dehors du FLN. Jean Da- ler la torpeur des masses apolitiques, pour
lue par les extrémistes avait vécu, niel écrivait dans l’Express du 15 donner à chaque Algérien une conscience
comme tombait le mythe d’un FLN décembre 1960 : « Tous les éléments nationale et un élan révolutionnaire. De-
minoritaire s’imposant aux popu- musulmans sans lesquels les institutions puis les journées de décembre à Alger et
lations algériennes par la violence. provisoires sont impossibles à mettre en Oran, le GPRA n’a plus de doutes : l’Al-
Les Algériens rejetèrent le plan de place ou perdent complètement leur sens, gérie révolutionnaire existe et l’adversaire
Gaulle d’une Algérie dépendant de tous ces éléments peu à peu renforcent leur ne peut plus se permettre aucune action
la France et dirigée par un gouver- solidarité avec le FLN. » psychologique. »
nement local totalement inféodé. Boualem Touarigt
A
De dr. à g. un Djoundi de l'Aurès, Tayeb Mauri, Hocine Benmaâlem, Ammar Ben Thabet, Abdelhamid Mehri et un autre Djoundi de l'Aurès
près l’annonce de pour l’édification du pays. « Le défunt défunt a poursuivi son combat en contri-
ce décès survenu à comptait parmi cette élite d'étudiants qui, buant à l'édification du jeune Etat au sein
l’hôpital militaire à l'appel du Front de libération nationale de l'Armée nationale populaire où il a fait
d’Aïn-Naâdja, des le 19 mai 1956, ont rejoint leurs frères montre d'une haute compétence qui lui a
suites d’une lon- combattants et ont lutté farouchement valu d'être promu aux plus hauts grades
gues maladie, le président de la contre l'injustice et la tyrannie, confiants et de se voir confier de grandes missions
République, Abdelaziz Bouteflika qu'ils étaient que la justice triompherait militaires et civiles ».
a adressé un message de condo- de la machine de guerre dévastatrice mise Pour le président Abdelaziz Bou-
léances à la famille du défunt, dans en marche par l'occupant et de ces procédés teflika, «les grades dont il a été dé-
lequel il a salué l’engagement du criminels et terroristes », écrit le chef corés et les postes qu'il a occupés
« moudjahid et frère Hocine Benmaâlem de l'Etat avant d’ajouter : « Une fois ne l'ont pas empêché de demeu-
» tant durant la guerre de libéra- l'assaillant vaincu et la liberté recouvrée rer un homme modeste et affable,
tion nationale que durant la bataille sur l'ensemble du territoire national, le pourvu d'une volonté de fer et
d'une intégrité parfaite», ajoutant Cependant Amirouche qu’il ren- l’Algérie indépendante aura besoin
que le défunt était «de ces hommes contre un jour, par le biais d’une de nous. Nous étions déçus et nous
pétris de loyauté et de probité, un connaissance commune, n’accède rejoignîmes notre établissement. Ce
militant entier et un moudjahid pas à sa demande et lui conseille n’est qu’après la grève des étudiants,
sincère et franc. Ses Mémoires, une de poursuivre d’abord ses études. qui a eu lieu quelque temps après,
œuvre valeureuse intitulée « Un Dans une interview datant de 2010, que nous sommes venus le revoir. Il
jeune homme dans la guerre qui restitue Hocine Benmaâlem se souvient de accepta à ce moment-là de nous re-
aux générations les étapes importantes cet épisode : « Ma première rencontre cruter. Il m’a dit de suivre le chef de
de l'histoire de notre glorieuse révolution, avec Amirouche remonte au printemps secteur. Il a ajouté : « Nous nous rever-
témoignent de son illustre parcours ». 1956 dans mon village natal : Kalaâ des rons bientôt ». Lors de la grève de mai
Beni Abbès. C’était pendant les vacances 1956, et à l’instar des lycéens et étu-
De la Kelaâ Nath Abbas de Pâques ; j’étais, à ce moment-là lycéen. diants algériens, il rejoint le Front de
aux maquis de l’ALN Je me trouvais dans un magasin avec un libération nationale. « En m’engageant
ami également lycéen, Benmeni Mahdi, qui dans l’ALN, je m’étais préparé à tout ;
Natif de la Kalaâ des Ath Abbas, est tombé par la suite au champ d’honneur. je n’ignorais pas que ce serait difficile : la
village rattaché à la commune d’Ighil Amirouche, qui était responsable de la vie au maquis était effectivement très dure,
Ali, dans la wilaya de Bejaïa, Hocine Petite Kabylie, passa accompagné de Krim mais je n’ai à aucun moment et malgré mon
Benmaâlem y voit le jour en 1939. Belkacem. Ils étaient venus rencontrer la jeune âge, 17 ans et demi, regretté de m’être
Scolarisé à l’école du village puis au délégation des Aurès conduite par Omar engagé dans cette voie ».
lycée Eugène-Albertini de Sétif, le Ben Boulaïd. Le commerçant, qui les a Placé sous l’autorité du com-
jeune lycéen, nourri au discours na- invités à prendre un thé, était au courant missaire politique régional, le jeune
tionaliste de ses aînés, veut en suivre de notre intention de rejoindre l’ALN, il Hocine Benmaâlem affiche dévoue-
les traces. Il a 15 ans lorsqu’éclate la dit alors aux deux responsables : « Ces ment et engagement total à la cause.
guerre de libération nationale mais jeunes veulent rejoindre l’ALN. » Ils Deux mois et demi plus tard, il
son jeune âge n’est pas un frein à répondirent tous les deux qu’il n’en rejoint le staff de Amirouche, alors
son désir de porter les armes pour était pas question, qu’il fallait que capitaine. Il passe une année à ses
se battre contre l’occupant colonial. nous continuions nos études, car côtés, durant laquelle il l’accom-
pagne dans les Aurès et en Tunisie. d’artilleur, avant de revenir en Tuni- nationale. A travers cet ouvrage,
Cette proximité lui permet de mieux sie pour être formateur de jeunes il dit avoir voulu témoigner « d'un
connaître l’homme, ses valeurs, ses recrues puis responsable de la pre- moment de notre histoire par des éclai-
principes et sa rigueur, tant morale mière école de cadets créée pour les rages focalisés sur les personnes connues ou
que militaire. enfants des refugiés algériens. anonymes que j'ai côtoyées, sur des faits
En 1957, Hocine Benmaâlem se Au lendemain de l’indépen- d'armes ou de simple bravoure ; sur mes
voit ordonner par Amirouche d’aller dance, Hocine Benmaâlem retrouve pérégrinations pédestres dans les maquis
faire des études au Moyen-Orient. Il ses proches à Sétif. Il décide alors d'Algérie, qui m'ont mené à palper de
quitte alors le front à contrecœur et de servir dans cette wilaya où il sera très près le cœur frémissant de la Révo-
s’en va rejoindre l’Ecole des officiers nommé officier de liaison régionale. lution, à appréhender ses fragilités aussi
de réserve d’Alep, puis l’Académie C’est le début d’une longue et riche ». Revenant sur les motivations qui
militaire de Homs et enfin celle du carrière au sein de l’Armée nationale l’ont amené à l’écriture, il indiquera
Caire. A la fin de sa formation en populaire (ANP) dont il assurera qu’il y a deux raisons essentielles «
avril 1959, il retourne au maquis et notamment, le commandement de tout d’abord, parce que j’estime que tous
là, il apprend que le colonel Ami- la 4e Région militaire et plus tard la ceux et celles qui ont participé à la révo-
rouche est tombé au champ d’hon- direction de cabinet de la présidence lution ont le devoir de témoigner. Leurs
neur quelques jours auparavant, le de la République. écrits serviront les historiens et pourront
28 mars. « Cela a été un grand choc éclairer le lectorat algérien sur la période.
pour moi et une grande perte pour Eclairages sur la Révolution La deuxième raison de ma contribution,
l’Algérie », confie-t-il. c’est de combler certaines lacunes, d’appor-
A partir de cette date et jusqu’à En 2014, le général-major Hocine ter quelques correctifs, de faire en sorte
l’indépendance, il intègre les troupes Benmaâlem publiait aux éditions que mon témoignage se rapproche le plus
des frontières au sein d’un bataillon Casbah, le premier tome de ses possible de la vérité historique. Pour cela,
stationné à Ghardimaou. En avril Mémoires intitulé Mémoires du j’ai voulu être le plus objectif possible ».
1961, il part pour la Tchécoslo- général-major Hocine Benmaâlem.
vaquie où il effectue un court stage Tome I : La guerre de Libération Hassina Amraoui
Un compagnon d’Abane
Ramdane et intellectuel
impénitent
N
é en 1921 dans les Abane Ramadane
« bannissement » du politique, que frais d’une première « purge » au la direction du parti. Il pense au-
certains dirigeants ne voyaient que sein du MTLD, lors de la fameuse jourd’hui que « le handicap de l’Algérie
dans le rôle d’idéologue ou, pire, crise dite berbériste, dont il était n’est pas l’anti-intellectualisme. Ce serait
de démagogue. Une vision mani- l’un des protagonistes, aux côtés plutôt une pesanteur sociologique faite
chéenne que ne partage pas Me d’anciens militants de Kabylie d’individualisme, tribalisme, régionalisme
Belhocine, qui a pourtant fait les qui ont contesté « l’ostracisme » de et féodalisme ».
Justement, la crise dite ber- antagonismes idéologiques vont nationale constituante sur la liste
bériste cristallise, aux yeux des disparaitre après le déclenchement Sétif-Bejaia. « Dans cette assemblée,
historiens, ce clivage endémique de la révolution, en 1954, lorsque raconte-t-il, je n’ai fait partie ni de la
entre une volonté d’émancipation les différents courants vont ad- majorité Ben Belliste ni de l’opposition,
idéologique, et donc fatalement hérer à la stratégie tracée par le je votais selon ma conscience en fonction
intellectuelle, et une organisa- congrès de la Soummam, où des du texte proposé, tout simplement comme
tion bureaucratisée et soucieuse militants de l’UDMA (libéral), des un député sans collier ». En été 1964,
d’abord de la discipline et de l’effi- gauchistes et des Oulémas seront il sera élu à l’Assemblée législative.
cacité. Née au sein de la fédération désignés comme membres de l’ins- Suite à quoi, il se retire définiti-
de France du MTLD, en 1949, tance de souveraineté de la Révo- vement de la vie politique, et se
cette crise était déclenchée par un lution, à savoir le CNRA. consacre pleinement à son activité
groupe d’étudiants et de militants À l’indépendance, Mabrouk d’avocat à Alger.
pro-marxistes, dont faisait partie Belhocine a été élu à l’Assemblée Adel Fathi
Un homme
de médiation,
d’action et de paix
Par Leïla Boukli
Guerre de libération
Histoire
A
Le 1er Sommet mondial sur l’humanité qui s’est tenu les 23 et 24 mai 2016 à Istanbul
mesure que nous lisme bat son plein, nous ne man- demande-t-on. Une discussion
avançons dans la quons pas de lui demander si nous s’ensuit. C’est alors que Cheikh
discussion, nous serons capables un jour d’élaborer Bentounès aborde le 1er Sommet
découvrons un une vision enfin adulte de nos ap- mondial sur l’humanité qui s’est
cheikh moderne, partenances, de nos croyances, de tenu les 23 et 24 mai 2016 à Istan-
de grande culture, à l’esprit libéral, nos différences et du destin de la bul. Trois propositions appuyées
animé d’une foi inébranlable en planète, qui nous est commune. par l’Algérie ont été adoptées, dit-il.
l’avenir et dans le progrès de l’hu- L’humanité aurait-elle atteint son Donner à l’humanité une per-
manité. A une période où le radica- seuil d’incompétence morale ? lui sonnalité juridique, une réalité
L
contres d’Assises (Italie) à l’appel du Pape Jean Paul II,
Portrait de Cheikh Ahmed Ben Mustapha El Alawi
qu’il rencontre.
es zaouïas font partie intégrante de notre En janvier 1991, il fonde les Scouts musulmans de
patrimoine historique spirituel. Lieux de France avec des ramifications dans toute l’Europe. En
savoir et de science, elles ont de tout temps 1999, il crée l’Association Terres d’Europe, trait d’union
constitué une source de rayonnement spi- entre l’Islam et le monde occidental afin de favoriser
rituel et culturel pour la société algérienne un dialogue de paix et de réconciliation. Puis la même
qui vient y requérir le savoir et un enseignement reli- année sur invitation du Dalai Lama, il rejoint la Ren-
gieux. Mais aussi consolation et réconfort en cas de contre Intertradition en Savoie. En janvier 2000, il est
détresse ou encore pour régler les litiges familiaux. l’initiateur du Colloque international pour un « Islam
1- Un évènement de portée
internationale
M me Fadila Laanan et le Pr Mohamed Aziza remettent le prix reste du Monde Discours de Raymond Chrétien,
à Raymond Chrétien lauréat Reste du Monde
PRIX MENTION
SPECIALE Chaire « Emir
Abdel Kader »
8- Remise de la clé de la
ville de Mostaganem au
maire d’El Kader (USA) Discours de M. Driss Djazairy, Directeur exécutif du Centre de Genève pour la
promotion des Droits de l’Homme et le Dialogue global
Discours de J.R Pope maire de la ville découvrait pour la première fois Chester Sage, décident ainsi de
d’El-Kader (USA)
le pays dont le fondateur avait nommer leur petit campement
Le dernier intervenant de la donné le nom à sa ville. Dans son qui deviendra la ville d’El Ka-
journée était un invité particu- discours plein d’émotion, il s’est der. L’émotion était à son comble
lier. Il s’agit de Joshua Robert dit fier de représenter la ville qui lorsque le maire de Mostaganem
Pope, maire de la seule ville au porte le nom de ce personnage il- a remis symboliquement la clé de
monder qui porte le nom d’El – lustre et il est revenu sur l’histoire la ville de Mostaganem à M. Pope
Kader, siège du comté de Clayton de la création de la ville. C’est en qui nous a dit qu’elle sera exposée
dans l’Iowa aux Etats-Unis. Venu 1846 que, trois Américains, John dans son bureau de la mairie de la
spécialement pour l’occasion, il Thompson, Timothy Davis et ville.
J.R Pope maire de la ville d’El-Kader (USA) reçoit la clé de la ville de Mostaganem des mains du maire de Mostaganem
9- Partage du dîner
en fin de soirée
Ville
El Kantara surnommait « La Porte d’or ».
Eugène de Fromentin
S
Artiste peintre et écrivain français
El Kantara
premier noyau urbain qui deviendra El
Kantara. De par leur position élevée,
les habitants de la Dachra Dhahraouia
parvenaient à repousser les éventuels
assaillants et envahisseurs qu’ils atta-
quaient tantôt à l’aide de lance-pierres
ou à l’aide de gourdins lorsque ces der-
niers osaient s’aventurer sur le pont sé-
parant les deux rives, droite et gauche
de l’oued El Haï. Cependant, malgré
toute leur vigilance et leur courage,
ils ne pourront guère empêcher l’arri-
vée des Ottomans qui y établiront un
centre de collecte des impôts impor-
tants ni même celle des Français.
Colonisation française
El Kantara
mité de la révolution dans le but de cuisinent pour les moudjahidine. Très
sensibiliser les habitants de la région vite, El Kantara devient un point de
et les amener à jouer un rôle effectif ravitaillement pour les hommes se
dans la guerre et dans le mouvement trouvant au combat. Produits alimen-
national. Le 1er mai de la même an- taires et vêtements transitaient à dos
née, le comité de la révolution est of- de mulets par la région.
ficiellement installé, composé de six Des opérations militaires ponctue-
membres, à leur tête Hocine Ben Ab- ront, par ailleurs, l’engagement armé
delbaki. Dès lors, toute la région se des habitants de la région, comme
voit impliquée dans la lutte, convain- des coupures de poteaux télépho-
cue que l’union des forces était la niques, le minage de la voie ferrée
seule voie possible vers la liberté. Aux pour faire sauter les trains, etc.
hommes qui montent aux maquis, se L’armée française décide, dès
joignent les femmes qui cousent et 1956, de lancer de nombreux raids
Hassina Amrouni
Histoire
d'une
Ville
Louis Bertrand Théophile Gautier André Gide
El Kantara
D
ans les Belles-lettres, de cent pas dans le défilé, vous tombez,
nombreux écrivains dont par une pente rapide, sur un char-
André Gide, Théophile mant village, arrosé par un profond
Gautier, Louis Bertrand cours d'eau et perdu dans une forêt
et bien d’autres encore de plusieurs milliers de palmiers.
se sont distingués par des textes lit- Vous êtes dans le Sahara. Au-delà
téraires d’une grande finesse, au tra- s'élève une double rangée de collines
vers desquels ils évoquent El Kantara dorées, derniers mouvements du sol,
et sa magie ensorceleuse. qui, douze lieues plus loin, vont expi-
De passage dans la région en 1853, rer dans la plaine immense et plate
Eugène Fromentin la décrit ainsi : du petit désert d'Angad, premier essai
« El-Kantara, le pont garde le défilé et du grand désert. Grâce à cette situa-
pour ainsi dire l'unique porte tion particulière, El-Kantara, qui est,
par où l'on puisse passer, du sur cette ligne, le premier des villages
Tell, pour pénétrer dans le sahariens, se trouve avoir ce rare pri-
Sahara. Ce passage est une vilège d'être un peu protégé par sa
déchirure étroite, qu'on dirait forêt contre les vents du désert, et de
faite de main d'homme, dans l'être tout à fait contre ceux du nord
une énorme muraille de ro- par le haut rempart de rochers auquel
chers de trois ou quatre cents il est adossé. »
pieds d'élévation. Le pont, de Plus poétique, André Gide écrit en
construction romaine, est jeté 1897 : « À El-Kantara, où je m'at-
Eugène de Fromentin
en travers de la coupure. Le tarderais deux jours, le printemps
Artiste peintre et écrivain français pont franchi, et après avoir fait naissait sous les palmes, les abri-
El Kantara
imaginer de plus clair que ces floraisons
blanches abritées par les hauts pal-
miers, dans leur ombre abritant, om-
brageant à leur tour les céréales. Nous
passâmes dans cet éden deux jours
paradisiaques, dont le souvenir n'a rien
que de souriant et de pur ».
Aux textes des auteurs étran-
gers viennent s’ajouter ceux d’enfants
du pays, des natifs de la région qui
consacrent des textes littéraires et poé-
tiques à la vaillante El Kantara.
Né en 1927, Boubaker Seddik Cherha-
bil fait partie, sans doute, des poètes les
plus prolixes de Dechra El Hamra. Bien
qu’autodidacte, ses poèmes ont dépassé
les frontières de son village natal et cer-
tains ont même été primés.
En 1953, il écrit ce très beau poème :
El Kantara
1862, Napoléon III entre- sont exposés au musée la- Mais au fur et à mesure
prend de le conforter et pidaire d’El Kantara. C’est que la collection grandis-
ouvre un tunnel de plus grâce à l’archéologue fran- sait, il fut obligé d’agran-
de 40 m pour l’installation çais Gaston De Vulpillières dir l’espace où étaient en-
d’une ligne ferroviaire, tra- qui vivait depuis de nom- treposés tous ces objets.
versant l'oasis d'El Kantara breuses années dans la « L’ensemble de la collec-
jusque vers le Sahara. dechra El Hamra que cela tion de Vulpillières est très
Le pont n’est cependant a pu être possible. Ce der- homogène : presque tous
pas le seul héritage de nier a, en effet, entrepris ses éléments proviennent
l’époque romaine, les ar- dès 1921, la collecte du de l’oasis même d’El Kan-
chéologues ont également plus grand nombre possible tara ou des sites voisins qui
découvertn en 2008, les d’éléments témoignant de s’égrènent le long de la val-
restes d’un fort. Ce dernier cette période de l’histoire. lée de l’oued El-Hai, depuis
est situé à quelque six kilo- Il parvint ainsi à réunir un Kherbet-Hanout (quinze ki-
mètres au sud d’El Kanta- tas de débris d’architecture, lomètres au nord), jusqu’à
ra, dans le vieux village de des inscriptions, des reliefs, El Outaya (vingt-cinq kilo-
Siwana. exposés sur un petit terrain mètres au sud). D’autre
Nombre de vestiges ap- autour de la modeste mai- part, elle rassemble presque
partenant à cette période son en terre qu’il habitait. tous les monuments dignes
La grande palmeraie
d’El Kantara
S
’ils sont nombreux à avoir de rejoindre dès 1947, l’école primaire
été sacrifiés sur l’autel de indigène et la médersa « El Houda » de
cette chère liberté, les l’Association des oulémas musulmans
Kantris se souviennent où il parfait son savoir. Doué d’une
aujourd’hui, avec une grande intelligence et affichant un
fierté non feinte, du rôle prépondérant goût immodéré pour les études, il
joué par deux des leurs dans ce long décide de quitter son village natal en
cheminement vers l’indépendance. 1952 pour se rendre à Constantine
Natif d’El Kantara où il voit le jour où, après quatre années d’études, il
le 26 août 1934 au sein d’une famille sort diplômé de la grande Medersa du
d’éleveurs, Abderrahmane Abdaoui Cheikh Abdelhamid Ibn Badis. Le 19
fréquente, à l’instar des autres mai 1956 et à la suite du mot d’ordre
enfants du village, les bancs de l’école de grève lancé par le FLN, il n’hésite
coranique, où il assimile l’ensemble pas à suivre le mouvement lui, dont
des versets à l’âge de 11 ans, avant le sentiment nationaliste fut nourri
El Kantara
le pousse à monter au front juste
après la grève, ralliant ses frères
de combat de la Wilaya I, zone 3,
dans les Aurès. Décelant chez ce
jeune un engagement total pour la
cause mais surtout une intelligence
vive, les responsables de l’ALN
décident de lui confier plusieurs
postes de responsabilité et, à suite
de la réorganisation de la zone 3
de la Wilaya I en Wilaya VI, au
mois d’août 1958, Abderrahmane
Abdaoui est désigné commandant
de Zone, laquelle s'étend de Bou
Saâda à Ghardaïa sous les ordres
du colonel Ahmed Ben Abderrazak
dit « Si El Haoues ». Ce poste de
commandement au sein de l’Armée
de libération nationale l’amène à
travailler en étroite collaboration
avec plusieurs figures de la
révolution, à l’image du colonel
Mohamed Chaâbani, Saïd Abadou,
Tahar Laadjel, El Hadj Tamer
El Kantara
Commandant Omar Driss blessè lors de l'embuscade de Djebel Thameur le 29 mars 1959
Le 28 mars 1959, Djebel Thameur - Boussaâda, les corps des martyrs tombés au champ d'honneur
dont le colonel Amirouche et Si El-Haoues
D
oué d’une verve peu com- Jamais je n’oublierai Bigeard ni Massu
mune, Si Boubakeur n’a pas Et Challe ,et Salan et leur complot déçu,
été suivre des cours dans Et la main rouge et les tueurs de l’OAS.
une quelconque université. Et les terribles massacres d’Alger, hélas !
Ni les milliers de morts d’Oran et Constantine,
Grandir dans une Algérie co-
Ni cet innocent peuple que l’on extermine ;
loniale l’a privé de ce privilège, mais cela Les tortures et les prisons et la famine,
ne l’a guère empêché de raconter sa cité Ni tous ces malheureux rongés par la vermine.
avec toute la force des mots et des vers. Et Melun et Evian et les fausses attentes,
Né à El Kantara en 1927, Boubakeur Et les informations plus ou moins éclatantes,
Cherhabil, aujourd’hui âgé de près de Et l’angoisse et l’impatience de tous ces jours,
90 ans, jouit du respect et de la consi- Et l’absent dont on attend en vain le retour.
dération de tous les Kantris qui le consi- ON N’OUBLIERA PAS, on parlera toujours
dèrent comme l’un des poètes les « fer- Du colonialisme et de son morne séjour,
De tout ce qu’il a laissé chez nous de souffrance
tiles ». Dans son escarcelle, des poèmes
Depuis son premier jour, jusqu’à l’indépendance ».
sur la vie sociale, les us et coutumes, la (El Kantara, septembre 1963)
Révolution nationale. Témoin des joies
et des souffrances de son peuple, ac- Gorges d’El Kantara
teur dans les événements vécus par ce
« Gorges d’El-Kantara, ô vision magnifique !
même peuple durant la guerre d’indé- Des arbres poussent sur les roches antiques
pendance, il en traduit les plus infimes Des fleurs croissent dans les ravins
émotions dans des vers taillés à fleur de Embaumant l’air de beaux parfums.
mots. Il a fallu que notre force recule,
Et s’écroule sous l’épée d’Hercule,
Et que la brèche soit ouverte
Extraits de poèmes : Livrant passage à la conquête.
Carthage est-elle passée par là ?
Je n’oublierai jamais… L’ombre de sa trace ne demeure pas ;
«( …) Sans doute est-elle passée telle la brise,
Je n’oublierai pas Guy Mollet ni Lacoste, Qui, sur tes dures parois, la nuit se brise.
Dodo, Gaillard, toutes les casernes et les postes, Les Grecs, les Egyptiens et les Phéniciens
Les mortiers, les bombes, les chars, les mitrailles Avaient-ils touché, jadis tes murs anciens ?
Chaque jour, c’était une nouvelle bataille. Ont-ils mené la folie de leurs conquêtes
Comment oublier ces mensonges du Treize mai, Jusqu’au dessous de tes immortelles crêtes ?
Et « des braves » cette trompeuse et fausse « paix » , (…)
Pas plus que les bêtises et les fanfaronnades Aujourd'hui, voici le drapeau vert et blanc
De cette fameuse lutte des barricades. Ornementé de l'étoile et du croissant,
Et De Gaulle et son triste »Je vous ai compris » Fier, orgueilleux et sublime
Et les milliards versés pour apaiser l’esprit, Au dessus de tes hautes cimes.
Et la fausse bonté et les vaines promesses, Venant des lointains, le voyageur s’arrête ;
Et les grands encadrements de notre jeunesse. Son âme étonnée, enthousiasmée, muette,
Et les camps et les centres de regroupement S’éveille devant ces sites mystérieux :
Et les acclamations et les attroupements, Joie pour le cœur et pour les yeux ».
Un peuple à la merci d’une armée déchaînée (El Kantara, 1953)
Hassina Amrouni
Dans un grand abîme a failli être entraîné. Source : OLT El Kantara