Vous êtes sur la page 1sur 6

Un ancien détenu de la fédération de France témoigne

« Je suis un ancien militant et responsable au sein de la fédération de France du FLN, arrêté le
mercredi 08 janvier 1958.lors de la création du GPRA le 19 septembre 1958, je me trouvais à la prison de
Fresnes, la plus grande prison de France. Le 8 octobre, je devais comparaître devant le tribunal de la
Seine à Paris pour « atteinte à la sureté extérieur de l’état ». Un texte avait été rédigé en commun par les
cinq ministres du GPRA, le comité de détention et le collectif des avocats du FLN. La consigne était de
faire une déclaration politique refusant à la France le droit de nous juger. Le peuple algérien ayant son
gouvernement depuis le 19 septembre, seul celui-ci était apte à lui administrer la justice. J’avais donc
appris le texte par cœur du fait qu’il était interdit aux prisonniers d’avoir un papier sur eux lors de la
comparution.
Le jour J, j’étais sur le banc des accusés en compagnie d´autres détenus, le président du tribunal a
appelé mon nom et prénom en me disant: «Inculpé, levez-vous!» Après la lecture d´usage de mon
inculpation il m´a posé la question: «Avez-vous quelque chose à dire?». Je me suis levé en me mettant
dans la position digne d´un djoundi et fixant droit dans les yeux du président, j´ai récité ma leçon
calmement et posément, en martelant quelques mots, suivant les consignes reçues.
 Monsieur le président
Nous sommes des Algériens, à ce titre, nous n´avons fait que notre devoir au service de la révolution
de notre peuple. Nous nous considérons comme des soldats qui se battent et savent mourir pour leur idéal.
Ainsi, nous faisons partie intégrante de l´Armée de libération nationale. Nous avons des chefs à qui
nous devons obéissance. Nous avons un gouvernement, le Gouvernement provisoire de la République
algérienne (G.P.R.A), que nous reconnaissons seul capable de nous administrer sa justice. Nous déclinons
ainsi la compétence des tribunaux français. Quel que soit votre verdict, nous demeurons convaincus que
notre cause triomphera, parce qu´elle est juste et parce qu´elle répond aux impératifs de l´histoire.
Face à ce tribunal, à la mémoire (des martyrs algériens morts pour la libération de leur patrie), nous
observons une minute de recueillement. 
Garde- à-vous!
Vive l´Algérie libre et indépendante!
Vive le Front de libération nationale et son Armée de Libération Nationale !
Vive la République algérienne!
Vive la Révolution algérienne!
Le président a, bien évidemment ordonné de procéder sur le champ à mon expulsion du tribunal.
Cette manifestation devant le tribunal à l’âge de 24 ans que j’évoque aujourd’hui à l’occasion du
50 anniversaire de la création du GPRA, je la dédie à notre jeunesse pour qu´elle prenne conscience des
ème

sacrifices consentis par tout le peuple algérien pour que vive l´Algérie libre et indépendante. »

Mohamed Ghafir, El Watan, 18 septembre 2008


GPRA : Gouvernement Provisoire de la République Algérienne.
Un moment phare

La date du 20 août renvoie, dans notre calendrier national, à deux événements majeurs de notre
guerre de Libération. Le premier, militaire, qui a eu lieu en 1955, a vu toute la région nord-constantinoise
entreprendre une insurrection populaire contre l’ordre colonial. Ce jour-là, pour briser l’étau qui s’est
resserré sur les Aurès, des soldats de l'Armée de libération nationale de la Wilaya II historique, le bras
armé du FLN, appuyés et soutenus par la population, ont simultanément attaqué les localités situées entre
Collo, Skikda, Guelma et Constantine. Menée à froid, contre les enfants, les femmes et les vieillards, la
répression était bestiale et le massacre à large échelle.  L’historienne française Claire Mauss-Copeaux a
d’abord relevé la manipulation et l’instrumentalisation des autorités et des médias coloniaux, en
présentant des faits mineurs perpétrés à El-Alia et à Aïn Abid, et érigées «en sur-événements, avec un
objectif : masquer l'insurrection du Constantinois et, surtout, dissimuler les terribles représailles qui se
sont abattues bien au-delà du mois d'août sur la population civile de la région». Ensuite, le fait que la
réaction de l’armée coloniale a été de décimer pendant plusieurs semaines, des civils sans défense, dans le
but de terroriser la population et d’«écraser» le mouvement de libération.

Une année après cette insurrection, qui a permis à la fois aux Aurès de mieux respirer, et à la
Révolution de se raffermir et de s’étendre davantage, à la même date, a eu lieu un événement politique
d’une grande portée, avec la tenue du Congrès de la Soummam, au cours duquel des décisions historiques
ont été prises, comme l’adoption d’une charte structurante s’inspirant de la Proclamation du Premier
Novembre 1954, ainsi que la mise en place des institutions et des structures militaires et administratives.

Ce qu’il convient peut-être de retenir de ces deux évènements, c’est la grande détermination de
l’élite éclairée et aguerrie, qui a animé l’un et l’autre, d’en découdre définitivement avec l’ordre colonial
et de jeter les bases d’une Algérie libre et indépendante.
    EL MOUDJAHID. Du : 20-08-2018
Manifestations du 11 décembre 1960 :

Le principe de l’autodétermination réaffirmé

Parmi les dates qui ont marqué l’histoire de la lutte de libération du peuple algérien, il y a lieu de
citer celle du 11 décembre 1960. De gigantesques manifestations se sont produites provoquant un grand
retentissement dans le monde et ont imposé l’unique alternative d’une négociation du pouvoir colonial
avec le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA).
Ce n’était pas la première fois que les Algériens occupaient la place publique et exprimaient leur
opposition à la politique de la France. (…) Le 11 décembre 1960, les Algériens sont sortis manifester
massivement pour réaffirmer pacifiquement le principe de l’autodétermination contre la politique du
général de Gaulle.
Les manifestants ont surgi, par milliers, des quartiers ségrégués, au cœur des centres-villes
coloniaux, subissant une terrible répression. Le général de Gaulle avait prévu un séjour en Algérie du 9
au 12 décembre 1960 pour promouvoir son projet néocolonial dénommé « Algérie algérienne ». Calqué
sur les modèles imposés dans les anciennes colonies françaises, il consistait à mettre en œuvre une
nouvelle forme de vassalisation.
À Oran, à Alger et dans plusieurs autres agglomérations, des commandos de jeunes Européens
humilient et attaquent aussi les Algériens. C’est donc rue de Stora (devenue rue des frères Chemloul) à
Oran ou rue de Lyon (Belouizdad) à Alger, qu’éclatent, le 10 décembre, les premières révoltes, et c’est
là aussi que se forment les premiers cortèges de manifestants insurgés. Les soulèvements naissent ainsi
sur les frontières urbaines de la ségrégation coloniale. À Alger, les premières révoltes à Belcourt sont
suivies par celles des habitants du bidonville de Nador puis des autres zones précarisées. Des cortèges
de femmes prennent la tête des manifestations et enfoncent des barrages militaires. Les soldats
mitraillent nombre d’entre elles. Leur courage est bouleversant.
De Belcourt, les manifestations s’étendaient comme un feu de brousse aux quartiers populaires de
la périphérie d’Alger, puis, dans les jours qui suivent, gagnent Constantine, Annaba, Sidi Bel-Abbès,
Chlef, Blida, Béjaïa, Tlemcen... Pendant près d’une semaine, des soulèvements sont réprimés
impitoyablement par l’État et les ultras.
Les manifestations de décembre forcent le général de Gaulle à abandonner son projet de «troisième
voie».
Mohamed Bouraib, EL Moudjahid, 9-
12-2020.
Témoin Zohra DRIF

"J'ai posé des bombes dans les cafés pieds-noirs"

" Jeune fille, j'étais solitaire, d'une timidité maladive. J’étais surtout nourrie de littérature, d’histoire.
J'avais dévoré la condition humaine de Malraux. Par le cinéma, la résistance française a été pour moi un
exemple. Mon père était cadi, descendant d'une grande famille. Il possédait au sens plein la double
culture, arabe et française. Ma mère était fille d'une "grande tente" des hauts plateaux. J'étais petite,
blonde, j'avais mené jusqu'alors la vie d'une Européenne. Interne dés l'âge de 10 ans au lycée Fromentin,
le lycée de la bonne société européenne, c'est dire. Le 1er novembre 1954, j'étais en vacances à Tiaret, ma
ville natale, après une année de droit, chose exceptionnelle pour une Algérienne. Le moment le plus le
plus important de la journée, c'était l'arrivée du car de Blida qui amenait les journaux. Ce jours là mon
frère a presque défoncé la porte en hurlant : "ça y est, ça explose." J'ai tout de suite compris que c'était le
départ de ce que nous attendions : la lutte contre l'occupation française.

A partir de ce moment, je n'ai plus souhaité qu'une chose : devenir le Tchen de Malraux. Je
cherchais un contact, je voulais être intégrée dans les groupes armés en ville parce que j'avais le type
européen. Je connaissais les Français, je fonctionnais comme eux, et je pouvais être plus efficace au
maquis ou j'aurais été une infirmière. C'est Boualem Ossedik , frère d'une amie, qui m'a mise en contact
avec " l'organisation" en 1955 .

En 1956 je rejoins le groupe de la Casbah qui portent la terreur dans la ville européenne. La
première fois que j'ai pénétré dans la Casbah , guidée par Djamila Bouhired , j'étais malade à l'idée que
ma mère apprenne que j'étais dans cet endroit qui , pour elle , était synonyme de débauche. Moi-même, je
ne savais pas que des familles y vivaient.

Un jour, nous avons lu qu'il y avait un film sur la résistance française, alors nous avons été dans
un cinéma du centre. Quelle imprudence ! Au retour, nous avons descendu la rue d'Isly. On n'imaginé pas
combien Alger était gaie à l'époque. C'était l'été, les filles étaient bronzées, les terrasses des cafés
bondées, il y avait des bals partout. Mais quand nous sommes arrivées à l'entrée de la casbah, c'était un
silence de deuil. Peu de temps avant, une bombe européenne avait sauté en pleine nuit rue Thèbes .Un
carnage .Quand nous sommes arrivées dans notre planque, Djamila s'est mise à pleurer de rage en disant :

" Les S…, les pourris, même si c'est la guerre, ils vivent "

C'est sans doute à cause de cette rage, de l'audace de la jeunesse, de ma conviction absolue qu'il
fallait le faire que j'ai posé les premières bombes dans les cafés chics de la jeunesse pieds-noirs.Nous
n'avions pas le choix. Pour nous les véritables adversaires, c'étaient les pieds-noires pour lesquels on nous
bombardait, on nous tuait, on nous torturait .Au moment de l'action la seule chose à laquelle tu penses,
c'est que tu dois réussir et ne pas te faire arrêter parce que tu sais ce qui t'attend. Si nous nous étions posé
des questions morales, nous n'aurions pas fait la guerre. Nos moyens étaient dérisoires, les bombes étaient
énormes comme les pièces d'un réveil géant, elles étaient dans des boites en bois comme des plumiers, et
il fallait les faire sortir de la casbah. Nous toutes, les Djamila Bouhired, Hassiba Ben bouali , Samia
Lakhdari , nous étions des filles ,on a joué là -dessus, on les mettait dans des sacs de plage, on était
jeunes, minces, habillées au goût du jour. Nous avons passé comme ça les barrages qui bouclaient la ville
arabe."
Propos recueillis par chania moufok,
Journaliste à Alger
Cadi : magistrat musulman qui remplit des fonctions civiles, Judiciaires et religieuses
Tchen: le héros révolutionnaire et fanatique dans la condition Humaine (un roman d'André Malraux )
Youyou et mortier traditionnel symbole de solidarité et de résistance de peuple algérien

[…]A chaque exécution la casbah hurlait…

Pendant la guerre d’indépendance algérienne, de 1954 à 1962, plus de 1 500 condamnations à mort furent
prononcées par la justice française, dans le couloir de la mort les prisonniers n’étaient pas seuls… ils
étaient accompagnés par les chants patriotiques et les cris de « Tahia el Djezaïr ! », « vive l’Algérie libre !
» de l’ensemble les détenus de la prison.

Ces chants, ces slogans étaient accompagnés par les youyous et les coups de mortiers des femmes de la
casbah comme un cri de guerre pour leur donner de courage…

On demanda à Abdelkader Guerroudj, dit « Lucien », ancien condamné à mort, chef de le branche armée
de parti communiste algérien, s’il se souvenait les premières exécutions capitales de la guerre d’Algérie,
voici ce qu’il a répondu :

« Bien sûr. Elles avaient créé une émotion immense. Barberousse, la prison d’Alger, est située en haut de
la casbah. Tous les habitants vivaient cela dans leur chair. Immédiatement après, les femmes avaient
hurlé, fait le youyou pendant que les 2 000 prisonniers tapaient les murs avec leurs gamelles, leurs
cuillères. Tout le monde comprenait aussi que nous étions, cette fois, installés dans la guerre totale. Sans
cadeaux, ni d’un côté, ni de l’autre. »

Propos recueillis par François Malye dans « La guillotine et la guerre d’Algérie », 17 octobre 2019
https://histoirecoloniale.net/la-guillotine-et-la-guerre-d.html
1er novembre 1954

«Toussaint rouge» en Algérie

Le 1er novembre 1954, en Algérie, des indépendantistes commettent plusieurs dizaines d'attentats, dont
certains meurtriers. C'est la « Toussaint rouge », à l'origine de la guerre d'indépendance de l'Algérie.

Ces événements surviennent dans une Algérie française découpée en plusieurs départements mais
profondément divisée entre :

– 8 millions de musulmans qui ont un statut d'indigène et relèvent du droit coranique coutumier,
– près d'un million de citoyens français : immigrants de la métropole et du bassin méditerranéen, juifs
locaux naturalisés en 1870, musulmans en très petit nombre ayant renoncé à leur statut coranique.

Quelques mois plus tôt, en Indochine, les Français ont été défaits par le Vietminh. Quelques
indépendantistes algériens y voient un encouragement à se lancer à leur tour dans la lutte armée contre la
puissance coloniale, bien qu'ils soient en très petit nombre (quelques centaines au plus) et presque
totalement dépourvus d'armes. Ils forment au printemps 1954 un Comité révolutionnaire d'union et
d'action (CRUA) et choisissent la date du 1er novembre pour déclencher l'insurrection. Une trentaine
d'attentats plus ou moins désordonnés ont lieu en ce jour de la Toussaint : récoltes incendiées,
gendarmerie bombardée...

On compte au total dix morts. Les deux premières victimes, assassinées la veille de la Toussaint, sont
deux Français d'Algérie : un chauffeur de taxi de confession juive, Georges-Samuel Azoulay et Laurent
François, libéré depuis 6 mois du service militaire. Les autres victimes sont l'agent forestier François
Braun, l'agent de police Haroun Ahmed Ben Amar et quatre appelés : le soldat Pierre Audat et le
brigadier-chef Eugène Cochet, tués en pleine nuit dans le poste de Batna, dans le massif des Aurès, ainsi
qu'André Marquet et le lieutenant Darneaud. Sont également tués le caïd Ben Hadj Sadok et Guy
Monnerot, qui voyageaient ensemble.

La mort de ce dernier émeut plus particulièrement l'opinion. Ce jeune instituteur est venu de la métropole
avec son épouse pour instruire les enfants du bled. Leur autocar est attaqué dans les gorges de
Tighanimine. Ils sont extraits du véhicule ainsi que les autres passagers et touchés par une rafale de
mitrailleuse destinée au caïd Hadj Sadok.

Guy Monnerot succombe sur le champ mais sa femme Jeanine survivra à ses blessures. Les meurtriers des
deux Français auraient enfreint l'ordre de ne tuer que le caïd, membre de l'élite musulmane francophile.
Ils auraient été plus tard sanctionnés par leurs chefs.

En définitive, les attentats de la « Toussaint rouge » ont très peu de retentissement dans l'opinion
française et la presse métropolitaine en fait à peine écho. Ils n'en marquent pas moins le début de la guerre
d'Algérie, huit années de tourments qui ont marqué durablement les esprits et les cœurs des deux côtés de
la Méditerranée...

Par André Larané, 28-10-2019

Vous aimerez peut-être aussi