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AVERTISSEMENT DE L'AUTEUR
PREFACE
Antoine ESTRAGNAT
Président de l'Amicale des Anciens des 27-67-107ème B.C.A.
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AVANT PROPOS
CHAPITRE 1
1954
LATOUSSAINT SANGLANTE ET SES CONSEQUENSES
des jeunes gens et des hommes. Même aujourd'hui, la notoriété d'une famille se
calcule, comme le veut un proverbe, d'oprès "le nombre de fusils qu'elle peut mettre -
aux fenêtres. "
téléphoniques.
Il y a ensuite l'Algérie du bled, avec ses communautés qui vivent encore
d'une manière presque primitive, non sans grandeur parfois, mais le plus souvent
dans une pauvreté qui contraste, plus fortement encore que dans les pays
européens, avec la modernisation très rapide des villes. Il s'agit ici encore d'un des
abcès de ce mal qui ronge la terre entière: celui des peuples sous-développés face
aux peuples à haut niveau de vie."
Joint à la brochure, le jeune soldat trouvait le " mémento pour celui qui part en
Algérie ":
le f a m e u x cor A A insigne
des chasseurs du 27ème
alpins BCA et de
la 27ème
division
le fanion du 27 ► alpine
présenté au
cours d'une
prise d'armes
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liaison vont de caches en maisons, sans connaître leurs chefs, pour transmettre
toutes sortes de messages. Un stricte cloisonnement réduit les risques de capture..
Hormis la lutte armée, la collecte des fonds et des renseignements constituent
l'essentiel des activités du comité. En 1958, dans un article intitulé: " la dîme du
FLN" un journaliste du Dauphiné Libéré qui venait de séjourner en Kabylie dans le
secteur du 27ème BCA mettait l'accent sur ces activités:
"Fortuit (un officier SAS) m'avait ramené vers son bureau et m'avait fait
découvrir le revers de la médaille:
- J'ai un secteur qui est parmi les plus pourris. Deux bandes grenouillent sur les
crêtes et elles viennent régulièrement harceler le poste. Le lendemain, il faut
regagner le terrain sans pour autant abandonner le travail en cours: courrier à
faire, état-civil à établir, dossiers de la sécurité sociale, chantiers à ouvrir, mandats
à payer.
Chaque mois, il me passe pour dix à quinze millions de mandats entre les
mains. Ils proviennent de la métropole ou d'Alger. Un bon tiers de cette somme
était immédiatement reversée au collecteur de fonds du FLN. La dîme variait de
3 0 0 à 5 0 0 0 francs par mois selon les cas et venait grossir le trésor de guerre de
la rébellion. Cela ne pouvait plus durer et nous avons institué le livret de caisse
d'épargne. Aux interessés je ne donne que l'argent strictement nécessaire aux
besoins quotidiens et je bloque le reste. je contrôle actuellement 300 livrets qui
atteignent la somme de quinze millions.
C'est une loi qui, pour ne pas être régulière, a fait ses preuves. Elle donne
à la population un alibi valable en face des exigences de la rébellion mais elle ne
saurait être indéfiniment une règle de gouvernement.
A quoi, dans un autre bordj, le capitaine Béchet, un Thononais rétorquait:
- Sans doute, mais il faut voir plus loin que l'objectif immédiat. Cette façon d'agir
nous a permis de mettre fin à certains abus. Ici, à Makouda, un individu possédait
une centaine de procurations et il tirait de ses services quelques 2 0 0 0 0 0 francs
par mois. J'ai obtenu que les destinataires, hommes ou femmes, se présentent en
personne à l'agence postale que j'ai ouverte... "
En ce qui concerne le renseignement, un document confidentiel destiné
aux cadres de l'ALN confirme son importance: "Pour obtenir des renseignements
sur l'ennemi et ses agents, il nous importe de connaître ses méthodes et de trouver
les moyens appropriés pour:
-détruire son réseau de renseignements,
- préserver le secret de notre organisation.
METHODES DE L'ENNEMI DANS LERENSEIGNEMENT
A) La première, et de loin la plus importante, est celle de l'observation.
L'ennemi observe et étudie notre mode de vie quotidienne, notre façon de nous
habiller, nos déplacements etc... Des documents saisis par nous ont permis de
connaître les méthodes de travail d'un capitaine. Dès son arrivée dans une région,
il fait une étude aussi poussée que possible: l'histoire, la géographie, les moeurs et
coutumes, les sentiments religieux, les croyances, les sentiments patriotiques,
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REMARQUES
Il est important de connaître deux méthodes actuellement utilisées par
l'ennemi:
- Payer des agents pendant plusieurs mois sans que ceux-ci ne lui fournissent le
moindre renseignement. Au jour "J", quand il est prêt à râtisser, l'ennemi fait signe
à ses agents; les renseignements affluent de toutes parts: le but de l'ennemi serait
alors de détruire notre organisation;
- Un renseignement recueilli par un agent passerait par une filière, c'est à dire
plusieurs intermédiaires se trouvant en différents lieux avant de parvenir au poste.
Ces méthodes restent inefficaces si les postes de l'ennemi sont désertés, si
les déplacements et les relations de personnes suspectes sont observés. Il est donc
absolument nécessaire de rompre tout contact avec l'ennemi. L'immatriculation
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doit être interdite, les soins donnés par notre service sanitaire. Tout individu se
rendant au poste pour n'importe quel motif est, jusqu'à preuve du contraire,
considéré comme suspect. Tout individu qui vient d'être relâché par l'ennemi doit
être scrupuleusement surveillé. Une enquête minutieuse doit être faite sur les
causes de son internement, de son élargissement, sur ses activités et ses relations.
Il ne faut pas oublier aussi la méthode d'obtenir des renseignements en faisant
circuler de faux bruits.
L'OBTENTION DE RENSEIGNEMENTS
Pour obtenir le renseignement, plusieurs méthodes doivent être utilisées:
1°- Méthodes d'observation
Il est important pour nous de connaître la vie du poste, ses habitudes, les
moindres détails de sa vie quotidienne, son plan, son effectif, son équipement, ses
patrouilles, ses déplacements, la façon dont il se ravitaille, etc... avec tous les
détails possibles. Méthodes recommandées: les postes, le chef, actions entreprises,
soins, secours et identités. Moyens et styles employés: les autres formes d'action
psychologique ou de propagande ennemie, les tracts. Amplifier la répression
ennemie, profiter de ses erreurs psychologiques. Observer la situation: état d'esprit
des c o l o n s e u r o p é e n s , des a d m i n i s t r a t e u r s e n n e m i s , o p i n i o n s , a c t i o n ,
comportement. Il est important pour nous de connaître aussi la source du
renseignement afin de pouvoir contrôler sa véracité.
2°- Autres méthodes
Par des promesses de grâce, les traîtres vivant au poste peuvent fournir des
renseignements sur l'ennemi. Cependant, une grande méfiance est de rigueur. Les
premiers renseignements peuvent être vrais, peut-être même exploitables. Ensuite
les renseignements deviennent imprécis et peuvent induire en erreur; exemple:
- Demain rafle possible telle région: demain rafle, mais région à côté!
Les ennemis ( officiers, policiers... ) peuvent nous fournir des renseignements par
corruption, compromission, promesses, femmes, chantage... Pour préserver la vie
d'un agent et ne pas éveiller l'attention de l'ennemi, on peut par exemple ( après
l'avoir averti ) lui adresser une lettre de menaces, égarer un document dans lequel,
entre autre, on médit sur son compte ( cette correspondance s'effectuant entre
membres supposés de notre organisation ), simuler une attaque contre lui. Ceci
doit se faire toujours avec une certaine habileté. Par contre, un traître à notre
cause pourrait être compromis auprès de l'ennemi par une lettre de félicitations de
notre part.
Enfin, il faut être prudent. Dans notre organisation, les sentinelles doivent
accomplir scrupuleusement leur mission: toute défaillance doit être sévèrement
punie. Il faut se méfier des fausses alertes, des faux renseignements, des fausses
rumeurs. La source du faux doit être systématiquement recherchée. Une enquête
minutieuse est toujours poursuivie avec rigueur et les initiateurs du faux punis
avec la plus extrême sévérité. "
Comme tous les mouvements clandestins, le FLN développe une psychose de la
trahison et de la répression. Pourtant, dans ces derniers mois de 1954, l'initiative
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A formulaire rebelle d e
condamnation à mort
^ t a m p o n utilisé p a r
les rebelles dans le
secteur du 2 7 è m e BCA
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CHAPITRE 2
1955
ORGUEILLEUSE KABYLIE
Economie Kabyle
inopérantes. Dans les villes et les bourgs de quelque importance, la lutte politique
relaie l'action directe et l'incivisme dicté par le FLN sape l'autorité française. Le 20
août, un soulèvement massif éclate dans le quadrilatère Collo-Constantine-Guelma-
Bône. La surprise est de taille pour le préfet Dupuch de Constantine et les
responsables de la Sûreté: le secret a été bien gardé et la simultanéité des actions
dénote une coordination efficace. Il en va de même en ce qui concerne la
manipulation des masses populaires; il est indéniable que "les Fils de la Toussaint"
sont arrivés à la maturité politique. A partir de ce jour, la population se trouve
ainsi compromise avec le mouvement terroriste et il apparaît clairement qu'une
nouvelle guerre, sur le mode politique du conflit indochinois prend date. En
Kabylie, après une chaude alerte le 21 juin, où ils ont failli se faire prendre, Krim,
Ouamrane et leurs hommes ont regagné leur refuge du Djurdjura. Depuis son PC
de Ighril-Imoula, Krim poursuit son travail de r e g r o u p e m e n t des bandes,
organisant des unités et des états-majors, activant des campagnes de propagande
et surtout, mettant en place une logistique efficace servie par des agents de liai-
sons d'un dévouement absolu. D'autre part, Bourguiba ayant obtenu l'autonomie
interne pour la Tunisie le 1er juin 1955, on signale l'implantation des premiers
sanctuaires FLN sur le territoire tunisien et les premiers franchissements de fron-
tière par des bandes en direction de l'Aurès ou de la Kabylie.
Cette fois c'en est trop! Le ministre de l'intérieur, François Mitterrand,
ordonne l'envoi de renforts militaires en grand nombre afin de rassurer les
populations, essentiellement les européens, et d'instaurer un climat favorable à
une politique de contact et de confiance avec les musulmans. Les autorités
espèrent ainsi que cette présence massive de l'armée permettra de résorber le
terrorisme sans avoir recours à la répression et qu'une véritable politique de
pacification pourra être lancée. Voeu pieux que le FLN se chargera très vite
d'infirmer.
Néanmoins, c'est dans cet esprit que le 22 septembre 1955, le 27ème
bataillon de chasseurs alpins débarquera à Alger. Dans ce combat d'un genre
nouveau pour les chasseurs, l'action psychologique sur les populations sera
prépondérante. Cela nécessite un moral élevé et une bonne dose de certitudes.
Sur le terrain, la présence du bataillon ne doit pas être une charge pour la
communauté musulmane. Celle-ci doit la concevoir comme un geste d'amitié et de
protection à son égard. Pour cela, une compréhension réciproque est nécessaire,
basée sur le respect de la race, des moeurs et de la religion. C'est à ce prix que
l'on évitera les heurts qui rejetteraient très certainement les musulmans vers le
FLN. Face à cette mission, déterminante pour le sort de l'Algérie, comment vont
réagir les cadres, les appelés et les rappelés du bataillon arrachés à leur famille, à
leur métier et beaucoup plus préoccupés par une situation délicate laissée en
Savoie que par le sort de ce "pays de bicots ".
Savent-ils pourquoi ils vont se battre? Qu'en est-il du dépaysement, quelle sera
leur action de pacificateurs? comment sera-t-elle perçue dans l'opinion publique?
Autant de questions auxquelles ont tenté de répondre les chasseurs tout au long
de la guerre d'Algérie:
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équipe. Dans la vie du poste, les embuscades sont systématiques. Presque toutes
les nuits, un détachement quitte silencieusement le poste et va se mettre en place
à plusieurs centaines de mètres ou à quelques kilomètres de là, auprès de telle
piste ou le long de tel oued susceptible d'être emprunté par les hommes du FLN.
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"Le képi bleu que portait le sous lieutenant Fortuit était l'un des 600
affectés aux sections administratives spécialisées. Un chiffre dérisoire lorsqu'il
s'agit d'apaiser les esprits et de calmer de légitimes impatiences. Six cents képis
pour neuf millions de musulmans sous-évolués, sous- administrés ou sous-
alimentés. Autant de faits brutaux devant lesquels avait été placé Fortuit. Et son
adolescence, à peine libérée de l'université, avait à se colleter à des problèmes
auxquels des années de rétention donnaient une consistance de béton. A la vérité,
il avait 17000 problèmes sur les bras, autant que son secteur comptait
d'individus, et il en était encore à comptabiliser ses contacts personnels à la
dizaine. Il n'avait d'autre arme que celle de ses 22 ans pour investir des citadelles
d'hostilité que nos erreurs avaient dressées sous ses pas. Et il avait à peine réussi à
entamer la méfiance du village qui vivait à deux cents mètres de ses fenêtres. Et
derrière celui là, un autre se lèverait. Combat singulier où un échec enterre dix
victoires d'un seul coup.
J'étais arrivé à Souama pour célébrer la première victoire de Fortuit. Elle
lui avait demandé six mois de présence et d'efforts constants. Encore, à peine
savait-il si le jeu valait cette chandelle que le moindre souffle de la rébellion
pouvait éteindre. Mais cette chandelle était une fillette.
Sur la banquette arrière de la jeep elle s'agitait sous les couvertures. Un
groupe de musulmans nous l'avait descendue, geignante sur un brancard. Le
retour de flammes d'un feu de bois d'oliviers lui avait flambé les deux jambes
jusqu'aux cuisses. Une sale plaie qui suintait à travers les chiffons mal noués.
- C'est la première fois, m'avait dit Fortuit, qu'on m'amène un malade. Jusqu'à ce
jour, Souama me les dissimulait par ordre de la cellule terroriste locale. Demain, je
conduirai la gosse à l'hôpital d'Azazga.
Il avait installé la petite blessée sur un lit de camp, à l'intérieur du poste et, sur sa
feuille des "contacts personnels" il avait ajouté un trait au crayon. A l'échelle de
l'Algérie et du conflit, ce geste aurait pu paraître puéril. Nul communiqué n'en
parlerait à la conférence de presse d'Alger. Il resterait ignoré de tous, sauf peut-
être du village. Il méritait pourtant le respect. Au milieu des grands drames il se
trouve toujours quelques raisons d'espérer de l'homme. L'officier SAS est né d'une
guerre perdue quelque part en Indochine. D'anciens prisonnier du Viet-Minh
avaient vu l'armée prendre en main la population et s'en assurer le concours. Ils
furent parmi les 25 "officiers itinérants" qui, s'inspirant de ces méthodes
révolutionnaires, lancèrent et implantèrent les "Sections administratives
spécialisées". Missionnaires en uniforme, ils trouvèrent devant eux des territoires
que n'avaient jamais foulés les fonctionnaires d'Alger et des murettes de
scepticisme. Avec un coup de chance, ils pouvaient convaincre. C'est ainsi que
dans un village kabyle, un officier itinérant marqua des points dès son arrivée. Il
avait réuni la population mais n'avait tout d'abord obtenu aucune réponse à ses
questions, aucune approbation à ses arguments. Pas d'hostilité, mais quelque
chose comme de la crainte. Le lendemain il trouva une lettre sous sa porte. Elle
dénonçait le refuge que les rebelles avaient creusé dans le village. On y récupéra
des armes et des munitions. Une heure après cette opération, les langues se
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CHAPITRE 3
JUIN-DECEMBRE 1955
LES ALPINS EN KABYLIE
Le douar Idjeur
L'AUTEUR
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