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Iris Saint-Sever T1

Devoir maison – Mémoires et histoire d’un conflit : la Guerre d’Algérie.


THEME 3. HISTOIRE ET MEMOIRES.

Sujet : Les étapes mémorielles et historiques de la Guerre d’Algérie, de 1962 à nos jours.

Après avoir déclaré en décembre 2020 qu’il fallait « finir le travail historique sur l’Algérie »,
Emmanuel Macron a ouvert en mars 2021 les archives de la Guerre d’Algérie. Ce geste apporte aux
historiens de nouvelles sources à étudier, afin de réconcilier les mémoires et permettre l’avancée de la
reconnaissance. La Guerre d’Algérie est une guerre de décolonisation qui oppose les nationalistes algériens
au pouvoir d’Etat français entre 1954 et 1962. Néanmoins, les autorités françaises ont longtemps refusé
d’utiliser le terme de « guerre », au profit des « évènements d’Algérie ». La Guerre d’Algérie est donc
source depuis son commencement de mémoires et d’histoires conflictuelles entre différents groupes. En
effet, après les accords d’Evian de 1962 permettant l’indépendance de l’Algérie, la complexité des
mémoires de ce conflit, qui sont plurielles et concurrentes, impose une implication de la discipline
historique. Par mémoires, l’on entend la faculté pour un individu ou un groupe de se remémorer des
souvenirs. Celles-ci sont étroitement liées à l’histoire, qui est l’étude scientifique des évènements passés.
Lors de la Guerre d’Algérie, les mémoires et les versions de l’histoire s’opposent entre les harkis, les pieds-
noirs, les combattants du Front de Libération Nationale (FLN) ou encore les jeunes soldats français.
Nous pourrons alors nous poser la question suivante : Comment les mémoires ont-elles influencé
l’histoire de la guerre d’Algérie, de 1962 jusqu’à aujourd’hui ?
Pour répondre à cette problématique, nous verrons dans un premier temps l’histoire et les mémoires en
France métropolitaine puis en Algérie des années 1960 à 1990. Enfin nous étudierons les relations entre
mémoires et histoire des années 2000 à aujourd’hui.

Le conflit violent de la Guerre d’Algérie divise les Français. Juste après la guerre, durant les années
1960 à 1970, le conflit se prolonge à l’histoire et aux mémoires : la France souhaite oublier la « sale
guerre ». Même après 1962, le gouvernement français n’est pas près d’assumer ses actions lors de ce
conflit. Il refuse l’appellation de guerre et préfère utiliser les termes « d’évènements d’Algérie » ou
« d’opération de sécurité et de maintien de l’ordre ». Les autorités encouragent alors l’oubli de ces
évènements : c’est la période d’amnésie. De fait, des lois d’amnistie concernant les crimes commis par les
troupes françaises et l’OAS sont promulguées, et on voit l’apparition d’une censure des témoignages. Les
raisons de ce silence sont multiples. En effet, la France a connu une série de défaites face à l’Algérie, mais
elle doit également faire oublier le traumatisme des jeunes soldats mobilisés en Algérie par le service
militaire. De plus, la perte de l’Algérie comme territoire français est considérée comme un recul et renforce
les divisions internes qui avaient commencées lors du conflit. L’oubli est alors un moyen de feindre l’unité
nationale de la France, mais le travail des historiens s’en trouve impacté. En effet, l’accès aux archives est
restreint et le gouvernement français censure des ouvrages parlant de la guerre d’Algérie  : l’Etat ne
souhaite pas mettre en place de mémoire officielle. La torture, utilisée par la France lors du conflit par la
raison d’Etat, est au centre des débats, et grâce au travail d’historiens la vérité est rétablie quant à son
utilisation. La mémoire commence ainsi lentement à se libérer, mais pas uniquement grâce à
l’historiographie. La culture joue aussi un rôle important, puisque des films représentant la guerre
dénoncent l’utilisation de la torture et autres méthodes utilisées par l’armée française.

C’est seulement à partir des années 1980 à 1990 que les mémoires commencent réellement à se
libérer, non sans difficultés. Les mémoires et l’histoire de différents groupes mémoriels s’opposent. Après
la guerre, environ 40 000 harkis, des Algériens combattant du côté de l’armée française, quittent l’Algérie
car leur vie y est menacée et sont accueillis en France. Ils résident alors dans des camps de transit dans une
extrême pauvreté. La France, malgré l’aide reçue de ces combattants algériens, ne les rapatrie pas tous,
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alors même qu’ils sont considérés comme des traitres en Algérie. A partir des années 1970, les enfants de
harkis se révoltent pour lutter contre ces conditions de vie miséreuses, mais également afin de faire
reconnaitre les combattants de leur famille. Les pieds-noirs, français installés en Algérie lors de la
colonisation, sont rapatriés en France puis placés dans des camps de réfugiés. Néanmoins, ils ne sont
réellement acceptés nulle part et considèrent leur départ comme une expatriation forcée, et vont alors
cultiver la « nostalgérie ». Enfin, à partir des années 1990, les jeunes soldats appelés à combattre
commencent à témoigner pour évoquer les horreurs qu’ils ont vécu, mais d’autres zones d’ombres de la
guerre sont également étudiées par les historiens, comme la répression de la manifestation du 17 octobre
1961 durant laquelle des centaines de manifestant ont été jetés dans la Seine. On voit donc la réalisation de
documentaires, comme Guerre d’Algérie, la déchirure, qui est co-réalisé par l’historien Benjamin Stora. Ce
documentaire est une preuve du travail fourni par les historiens qui accompagne le réveil progressif des
mémoires. L’Etat français s’engage alors lentement dans une politique de reconnaissance mémorielle. En
1983, la guerre d’Algérie commence à être enseigné dans le système scolaire, et la même année, le
président algérien est officiellement invité en France. En 1999, la loi reconnait l’appellation de « guerre »
d’Algérie et le statut d’ancien combattant est accordé aux jeunes ayant fait leur service militaire en Algérie.

En Algérie aussi, le processus mémoriel est long et complexe. Bien que l’obtention de
l’indépendance soit considérée comme une fierté, voire une « guerre de libération », cela ne concerne pas
tous les groupes mémoriels algériens. Lors des années 1960 à 1970, les mémoires seront confisquées au
profit d’une « mémoire officielle ». Ainsi la Toussaint Rouge, journée de manifestation par le biais
d’attentat dans le but d’obtenir l’indépendance, devient une fête nationale : la « Fête de la Révolution ». Le
FLN, après avoir pris le pouvoir par un putsch, instaure une « mémoire officielle », une vision de l’histoire
qui correspond à ses intérêts. Le régime en place souhaite légitimer la prise du contrôle du pays par l’armée
et met en valeur les héros de guerre. L’histoire officielle qui a été imposée est donc celle d’une Algérie
victorieuse et unie pour la libération, le slogan « Un seul héros, le peuple » sera même adopté. Ainsi, seul le
rôle des combattants du FLN est pris en compte dans l’histoire et les divisions internes du pays sont niées.
En effet, les autres groupes de mémoire comme les combattants non FLN, les berbères ou les opposants
algériens du FLN ne sont pas représentés, de même que la diversité sociale et culturelle entre les villes et
les campagnes. Cette mémoire officielle implique également que le gouvernement contrôle la recherche
historique. Le travail des historiens est alors difficile à la sortie de la guerre puisque l’histoire est contrôlée
par l’Etat et que les sources manquent.

A partir des années 1980-1990, on voit un réveil des mémoires en Algérie. C’est durant cette
période que le discours officiel commence à être remis en cause. Le président Chadli amorce un début de
rupture avec la décennie précédente en libérant Ben Bella, le président de la République avant la prise du
pouvoir du FLN. Ensuite, la jeunesse algérienne ou encore les Kabyles (berbères) contestent la mémoire
officielle du FLN en 1988. Ils souhaitent connaitre la réalité de l’histoire et lutter contre les mémoires
confisquées et la dictature. Plusieurs historiens vont à leur tour remettre en cause le discours officiel, mais
l’histoire et les mémoires peinent à se dégager de l’emprise de l’Etat. Les archives ne sont pas disponibles
et les sources restent rares car les témoignages sont principalement oraux. De plus, la pression de la société
et la censure les entravent encore plus.

Au XXIème siècle, la France comme l’Algérie voient de nombreux progrès par rapports aux
mémoires et à l’histoire. En Algérie, la mémoire officielle ne passe plus car la perception du conflit évolue,
principalement chez la jeunesse. Elle la retourne même contre le pouvoir en place, en utilisant le slogan
« un seul héros, le peuple » pour désigner le peuple uni face au régime du président Bouteflika, qui tire sa
légitimité de la Révolution algérienne. En France, un processus de reconnaissance par les autorités débute
lors des années 2000. On voit ainsi la mise en place de mémorial et de journées nationales en hommage
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aux morts en Afriques du Nord et aux harkis entre 2002 et 2005, puis dans les années 2010 la
reconnaissance de la responsabilité de l’Etat dans la répression de la manifestation du 17 octobre.
L’historiographie connait aussi une avancée puisqu’en 2001, l’ouverture des archives est accélérée et
permet d’aborder de nouvelles thématiques, notamment celle de la torture. C’est un sujet délicat à aborder
et qui peut être représenté par l’Affaire Maurice Audin. Cet algérien avait été enlevé, torturé puis assassiné
par l’armée française lors de la guerre, et c’est seulement en 2018 qu’Emmanuel Macron reconnaitra la
responsabilité du gouvernement et de l’armée française. Néanmoins, la reconnaissance n’est pas toujours
évidente puisqu’en 2007, le président Sarkozy déclare que « le colonisateur a pris, mais qu’il aussi donné »,
en référence à la loi de 2005 qui insistait pour que les programmes scolaires reconnaissent le rôle positif de
la présence française en Afrique du Nord. Cette décision sera annulée grâce aux historiens refusant une
histoire officielle de la France.

Ces progrès permettent des coopérations. En effet, la présence d’une grande communauté algérienne
en France a permis en 2008 de devenir membre de l’Union pour la Méditerranée, une organisation
promouvant la coopération et l’intégration dans la région euro-méditerranéenne. Les intérêts économiques
et militaires communs entre les deux pays les entrainent à signer en 2012 une déclaration sur « l’amitié et
la coopération entre la France et l’Algérie » pour lutter contre le terrorisme. De plus, des collaborations
entre historiens, comme celle de Mohamed Harbi et Benjamin Stora, permet de montrer qu’il est possible
et nécessaire de construire une histoire partagée. Néanmoins, des tensions subsistent malgré les avancées,
notamment à cause de la sensibilité de ces évènements ou de la pression des groupes mémoriels. Par
exemple, l’Algérie souhaite des excuses officielles et la qualification de « crime d’Etat » de la part de la
France même après son processus de reconnaissance, et ce malgré les tensions créées par l’extrême droite
en France, qui est en désaccord avec un approfondissement du processus de reconnaissance. En outre, la
reconnaissance mémorielle reste incomplète, notamment par rapport aux violences perpétrés durant la
guerre.

En conclusion, les mémoires et l’histoire de la Guerre d’Algérie sont conflictuelles et plurielles.


Après une période de silence, la lente reconstruction de l’histoire s’appuie sur les mémoires et diffère d’un
groupe mémoriel à un autre, alors même que ces acteurs de la guerre demandent reconnaissent ou
réparation. Le travail des historiens devient alors essentiel à la création d’une histoire commune aux deux
pays, malgré les tensions toujours bien présentes. Les historiens doivent alors continuer leurs recherches
grâce à l’ouverture progressive des archives pour éclairer les dernière zones ombres de cette guerre, tandis
que les groupes mémoriels doivent communiquer pour ne pas entrer dans une concurrence des victimes.
L’enjeux est donc d’atteindre des mémoires apaisées et une vision historique juste du conflit à l’avenir.

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