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1962-1965
DOI : 10.4000/books.pur.48812
Éditeur : Presses universitaires de Rennes
Année d'édition : 2014
Date de mise en ligne : 8 février 2019
Collection : Histoire
ISBN électronique : 9782753559585
http://books.openedition.org
Édition imprimée
ISBN : 9782753532649
Nombre de pages : 232
Référence électronique
HARISMENDY, Patrick (dir.) ; JOLY, Vincent (dir.). Algérie : sortie(s) de guerre : 1962-1965. Nouvelle
édition [en ligne]. Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2014 (généré le 07 mai 2021). Disponible
sur Internet : <http://books.openedition.org/pur/48812>. ISBN : 9782753559585. DOI : https://doi.org/
10.4000/books.pur.48812.
Algérie
sortie(s) de guerre
1962-1965
▼
▲
illusions de maintien d’une présence militaire ou industrielle en Algérie. Enin,
Le Président de Cazalet
de l’université Rennes 2
Presses u n i v e r s i ta i r e s d e rennes
Algérie :
sortie(s) de guerre
Collection « Histoire »
Dirigée par Frédéric C, Florian M,
Cédric M et Jacqueline S
Algérie :
sortie(s) de guerre
1962-1965
Collection « Histoire »
7
Algérie : sortie(s) de guerre
8
Algérie-France :
sortie(s) de guerre et « entrée en paix »
Patrick Harismendy
9
PAtrick HArismendy
ique francophone, lui-même entre parenthèses. G. de Maizière [« La vraie pensée des dirigeants
allemands. Ce qu’ils répondent aux articles du Petit parisien », le Petit parisien, 10 novembre 1919]
évoque un article de Hermann Müller, alors Ministre des afaires étrangères, « L’entrée en paix
de la république allemande », publié dans la « Gazette d’économie politique » [référence non
retrouvée]. La « sortie de paix » n’est pas davantage un concept en usage.
4. Stéphane audoin-rouzeau et Christophe Prochasson (dir.), sortir de la grande guerre. le monde
et l’après-1918, Paris, tallandier, 2008.
5. Les ultimes combats sont souvent les plus meurtriers et les plus barbares. De manière signiicative,
Benjamin Stora intitule le 8e et avant-dernier chapitre de son Histoire de la guerre d’Algérie
(1954-1962), Paris, La Découverte, 2004 : « La terrible in de guerre (1962) ».
6. John Horne le suggère nettement lorsqu’il écrit : « Sortir de la guerre veut dire rétablir un état de
paix par un processus qui inverse l’entrée en guerre. » [« Guerres et réconciliations européennes au
xxe siècle », Vingtième siècle. revue d’histoire 2009/4, n° 104, p. 3-15].
7. Jean-Jacques Becker, 1914. comment les Français sont entrés en guerre, Paris, FnSP, 1977. Si « retour
de guerre »/« départ à la guerre » ou « drôle de guerre »/« drôle de paix » sont communs,
« non-guerre » (appliquée à la situation en irak mais aussi aux années 1954-56 en algérie) ou
« non-paix » sont rares.
8. Sylvie thénault, « L’OaS à alger en 1962, Histoire d’une violence terroriste et de ses agents »,
Annales. Histoire, sciences sociales, 2008/5, p. 977-1001.
9. Jean-Pierre rioux (dir.), la guerre d’Algérie et les Français, Paris, Fayard, 1990.
10. Ce qu’opèrent plusieurs contributions, notamment dans la partie V, « « Logement et insertion
sociale : des enjeux de la guerre », in raphaëlle Branche, Sylvie thénault (dir.), la France en guerre
1954-1962. expériences métropolitaines de la guerre d’indépendance algérienne, Paris, autrement,
2008.
11. Jusqu’à la in des années 1960, les ferrailles de la nationale 7 étaient, de Paris à hiais, emplies de
matériels militaires prolongeant ainsi l’état visuel de postwar. On pourrait en dire autant des abords
de Mourmansk jusque peu.
12. Bruno Cabanes et Guillaume Piketty [« Sortir de la guerre : jalons pour une histoire en chantier »,
avant-propos à sorties de guerre au XXe siècle, n° spécial de Histoire@Politique, 2007, n° 3] retiennent
comme variables : la prolongation (surtout symbolique) de la guerre dans la paix ; l’incertaine
étendue temporelle des retours (blessés, prisonniers, déplacés) ; les « démobilisations culturelles » ;
les divers registres d’opprobres auxquels est voué l’ancien ennemi ou les vecteurs de retissage des
liens...
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Algérie-FrAnce : sortie(s) de guerre et « entrée en PAix »
13. Olivier Dard, « L’armée française face à l’organisation armée secrète (OaS) », in Éric Duhamel,
Olivier Forcade, Philippe Vial (dir.), militaires en république, 1870-1962, Paris, Paresses univer-
sitaires de la Sorbonne, 1999, p. 687-699.
14. Outre la question nucléaire : Marie-Bénédicte Desjuzeur, « Les intérêts pétroliers en algérie : la
Compagnie française des Pétroles (1953-1965) », in rené Gallissot (« édit.), les accords d’évian
en conjoncture et en longue durée, Paris, L’Harmattan, 1997, p. 59-66.
15. Saisissante, à cet égard, est la vision bien connue du port d’alger, immaculé de vide, tous les bateaux
l’ayant quitté – les images de liesse et de foule algériennes, souvent montées en parallèle, étant dans
les faits antérieures. un même uchronisme se retrouve entre le plein de times square à Londres (le
8 mai 1945) et le vide d’un Berlin déjà rendu à une circulation axiale le long des usines à l’été
1945.
16. abderahmen Moumen, « De l’algérie à la France. Les conditions de départ et d’accueil des rapatriés,
pieds-noirs et harkis en 1962 », matériaux pour l’histoire de notre temps, BDiC, n° 99, juillet-sep-
tembre 2010, p. 60-68.
17. antonio Ferrara [« esodi, deportazioni, e stermini. La « guerra-rivoluzione » europea (1912-1939) »
et, « esodi, deportazioni, e stermini. La « guerra-rivoluzione europea » (1939-1953) », contemporanea,
2006/3 et 4, p. 449-475 et 653-679] fournit une intéressante évaluation statistique.
18. aux véhicules jetés au fossé, faute de carburant, en 1940, répondent les biens meubles interdits
d’embarquer en 1962.
19. Le déilé – reconstitué par roman Karmen – des prisonniers hagards de Dîen Bîen Phu a même
vocation que le serpent humain des allemands défaits à Stalingrad se noyant dans la neige et la
brume de l’anéantissement.
20. La même image de vieille femme en noir (l’une aidée en 1940 par la Croix-rouge, l’autre par
un soldat en 1962) signale d’analogues systèmes de représentations pour saisir l’hébétude et le
désarroi. Sur ces questions : Benjamin Stora, « La guerre d’algérie : la mémoire par le cinéma », in
Pascal Blanchard et isabelle Veyrat-Masson (édit.), les guerres de mémoires. la France et son
histoire. enjeux politiques, controverses historiques, stratégies médiatiques, Paris, La Découverte, 2008,
p. 267-272.
21. « Des droits et libertés des personnes et de leurs garanties », chap. ii [« De l’indépendance et de la
coopération. Si la solution d’indépendance et de coopération est adoptée, le contenu des présentes
11
PAtrick HArismendy
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Algérie-FrAnce : sortie(s) de guerre et « entrée en PAix »
31. Guy Pervillé, les accords d’évian (1962). succès ou échec de la réconciliation franco-algérienne
(1954-2012) ?, Paris, a. Colin, Collection u, 2012.
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Fin de la guerre d’Algérie,
de l’événement à l’histoire
Jacques Frémeaux
15
JAcques FrémeAux
Ces citations nous rappellent que les migrations forcées sont de tous les
temps.
Certes, on trouve parallèlement des textes qui font allusion à la joie des
algériens musulmans lors de l’indépendance. un des plus lyrique, est
– paradoxalement ? – celui d’un Français d’algérie, Jules roy, dans une belle
page des chevaux du soleil :
« S’ils étaient saouls, c’était de soleil et de ce jour où ils pouvaient procla-
mer pour la première fois qu’ils avaient une patrie, qu’elle existait et qu’ils
existaient en elle, ils allaient à la rencontre de la mer, ils étaient des vagues
que rien ne pourrait arrêter. toute l’algérie en marche aluait là, grouillait
et débordait. Même la lamme et la fumée des derricks dans le désert avait
dû changer. Ce soir, la Croix du Sud allait chavirer 3... »
il convient, enin, de rappeler une citation qui insiste surtout sur le
sentiment d’incertitude, voire d’angoisse. elle est de Mouloud Feraoun,
dont on connaît le destin tragique et qui notait, dans les derniers jours
de 1961 :
« Bientôt, on le sent, ce sera la in. Mais quelle in ? La plus banale, peut-
être qui sera aussi la plus logique. Peut-être aussi la plus inattendue, qui
apparaîtra après coup comme la seule possible, celle à laquelle chacun jurera
d’avoir songé, et qui n’étonnera donc personne, mécontentera tout le
monde, permettra enin à ceux qui seront encore là de se remettre à vivre,
en commençant par oublier.
Bientôt une page sinistre sera tournée et le soleil tout blanc se lèvera dans
un ciel pur pour éclairer de son éternelle promesse un pays désolé, indifé-
rent à la douleur des hommes et insensible à ses propres ruines 4. »
Ces trois modalités, peut-on croire, résument trois formes d’état d’esprit,
dont les deux derniers ne s’excluent pas forcément l’un l’autre. il n’est pas
interdit après les avoir reconnues de les inscrire dans une rélexion métho-
dologique et programmatique.
Questions de méthode
L’événement se présente comme une collection de sensations émotion-
nelles ou de séquences, vécues et remémorées par une série de témoins
individuels, mélangeant les sensations personnelles du moment, mais aussi
des éléments de connaissance intégrés par la suite, provenant de lectures,
de propos, de rumeurs, ainsi que d’images vues dans des magazines, au
cinéma ou à la télévision. L’événement est vécu diféremment selon l’enga-
gement du témoin, selon sa distance par rapport à lui. il peut ainsi être
3. Jules roy, le tonnerre et les Anges, Paris, Grasset et Fasquelle, 1975, p. 402.
4. Mouloud Feraoun, Journal 1955-1962, 26 septembre 1961, Paris, Le Seuil, 1962, coll. Points,
p. 477.
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Fin de lA guerre d’Algérie, de l’éVènement à l’Histoire
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JAcques FrémeAux
pris par ceux qui espèrent trouver dans ses écrits un discours tout à la fois
distancié et qui ne froisse pas leur sensibilité. en attendant, il est possible
de repérer dans la littérature de témoignages, voire dans des ouvrages qui
ne se dégagent pas suisamment de leur documentation, plusieurs types de
récits. On pourrait parler à leur propos de récits collectifs dominants, qui
opèrent à partir d’un choix d’événements et aussi de leur coloration afective
un amalgame tendant à leur donner un sens qui les rend acceptables, tout
en faisant perdre de vue l’authenticité qui caractérise l’approche de l’histo-
rien. On se contente ici de caractériser très brièvement quelques-uns de ces
récits.
Quelques récits
Le plus anciennement entendu en France, sinon le plus écouté, est sans
doute le récit « pied-noir », qui achève de fonder l’identité de ce groupe au
point que certains en ont même fait, sans doute avec exagération, un récit
fondateur. C’est, pour faire bref, ce qu’on peut appeler une vision de
vaincus. il se présente comme l’histoire d’un exode inexplicable – quoique
paradoxalement annoncé depuis longtemps par le slogan « la valise ou le
cercueil » –, exode précédé et accompagné par une série d’épisodes drama-
tiques, en particulier l’action de l’OaS, dont la responsabilité, évidente,
mérite d’être mieux établie et les enlèvements par le FLn, dont on sait
qu’ils concernèrent plus de 3 500 personnes, dont la moitié ne furent jamais
retrouvées 5.
Sur 1 033 000 « non musulmans » recensés en 1958, dont 60 000 étran-
gers, et environ 100 000 Français nés en métropole, 80 % ont quitté l’algérie
avant septembre 1958. il faut se souvenir, par ailleurs, que 80 000 vont
suivre en 1963. au-delà de certaines arguties qui tendraient à réduire
l’importance du phénomène, on devrait plutôt chercher à se demander si
tous virent ces départs comme déinitifs, et pourquoi les retours souvent
désirés n’eurent pas lieu. Cela consisterait à développer l’argumentation,
indiquée par nous voici déjà vingt ans, que outre la peur, était intervenu
dans les motifs du départ le refus de vivre à égalité avec les musulmans dans
le cadre d’une république à la fois arabe, musulmane et socialiste, et que,
pour ceux qui étaient prêts à l’accepter, cette vie s’était révélée diicile, voire
impossible 6.
5. Jacques Berque, dépossession du monde, Paris, Le Seuil, 1964 (cité in Philippe Lucas et
Jean-Claude Vatin, l’Algérie des Anthropologues, Paris, Maspero, coll. textes à l’appui, 1975, p. 260).
6. Plutôt que Pierre Daum, ni Valise, ni cercueil, Paris, actes Sud, 2012, on lira Jacques Frémeaux,
« rapatriés : les conditions d’un exode », actes du colloque les rapatriés dans la région languedoc-
roussillon (1962-1992), Montpellier, université Paul-Valéry, 1992, p. 37-56, et aussi andrea L. Smith,
“Coerced or Free ? Considering Post-Colonial returns”, in richard Bessel, Claudia Haake (eds),
removing People, Forced removal in modern World, German Historical institute London, Oxford,
2009, p. 395-414.
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Fin de lA guerre d’Algérie, de l’éVènement à l’Histoire
Cet exode est aussi la in d’un monde, dont la destruction est symbolisée
par les incendies allumés par l’OaS, et qui peuvent être interprétés moins
comme la conséquence d’une tactique que comme « ces feux du désespoir »
qui servent de titre au dernier volume de l’Histoire de la guerre d’Algérie
d’Yves Courrières. De manière moins dramatique, cet exode s’accompagne
d’un repli plus réléchi, sinon toujours bien organisé, de l’armée, des
administrations, des entreprises, ensemble de procédures qui relèvent du
« démontage colonial » étudié sous la direction de Daniel Lefeuvre 7.
Le voyage et l’arrivée en France méritent aussi l’intérêt. On ignore
encore beaucoup de la logistique des départs. Les archives des compagnies
maritimes et de l’aviation pourraient être sollicitées 8. Fort légitimement,
les premiers mois de l’installation sont généralement décrits sur un mode
traumatisant. Les mesures d’accueil prises par le gouvernement et l’admi-
nistration commencent aussi à être bien connues. On a rarement travaillé,
en revanche, sur les quelques expressions de satisfaction qui ont pu exister.
Michel Droit, qui a évoqué ce type de situation dans le retour, n’a-t-il écrit
qu’un roman 9 ? Le type de réaction en fonction des générations, des genres
et évidemment des milieux sociaux mériterait aussi d’être étudié.
Le récit algérien contraste à l’évidence très fortement avec le précédent :
c’est une vision de vainqueurs, parallèle plutôt que contraire à celle des
Pieds-noirs. Si on comprend bien la tristesse des vaincus, comment doit-on
interpréter au fond une joie populaire telle que celle qui s’exprime dans les
journées suivant la proclamation de l’indépendance ? La forme de ces
manifestations mériterait d’être questionnée comme l’ont été les fêtes de la
révolution française, en étudiant les symboles, les rituels, les organisateurs,
la composition même des foules. L’analyse des sentiments qui s’expriment
mériterait également d’être faite. est-il possible qu’aux expressions de joie
ne se mêle pas l’exaltation d’une identité qui n’est pas exclusive, soit chez
les simples, soit chez ceux qui les manipulent, des sentiments de xénophobie,
et plus encore, comme le manifeste le sort des harkis, d’une volonté d’épu-
ration de forme terroriste ?
La victoire, par ailleurs, ne saurait efacer les tragédies éprouvées. en
général, les seuls à goûter un bonheur sans mélange sont ceux qui connais-
sent la victoire par procuration, sans bien comprendre, ni ce qu’elle a coûté,
ni ce qu’elle apporte. toute victoire en efet entraîne avec elle des sentiments
complexes, qui tiennent au fait qu’on se sait condamné, pour demeurer
victorieux, à vivre avec son adversaire et à répéter sans cesse les épisodes
d’un combat. Ce sentiment, combiné avec la revendication des victimes
7. Colloque démontages coloniaux, archives d’Outre-Mer aix-en-Provence, 5-6 mars 2010, riveneuve,
2013. Jean Fremigacci, Daniel Lefeuvre et Marc Michel (dir.), démontages d’empires, Paris,
riveneuve éditions, 2012.
8. Colloque 1962, mémoire maritime du rapatriement d’Algérie, alcazar, Bibliothèque de Marseille, 8
et 9 septembre 2008.
9. Michel Droit, le retour, Paris, Julliard, 1964.
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JAcques FrémeAux
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Fin de lA guerre d’Algérie, de l’éVènement à l’Histoire
mentaire oiciel à l’événement, selon une froideur qui a parfois été repro-
chée aux dirigeants. L’une est celle de l’échange entre le Président de la
république et son Premier ministre à l’issue du Conseil des ministres du
21 février 1962 :
« – Charles de Gaulle : n’oubliez jamais à quel point, pendant des années,
les arabes ont été humiliés !
– Michel Debré : Je ne l’oublie pas, mais je n’oublie pas non plus l’œuvre
de la France !
– Charles de Gaulle : L’Histoire en gardera le souvenir, mais les temps ne
sont plus ce qu’ils étaient 12. »
L’autre rappelle la réponse du Général à Christian Fouchet, dernier
représentant, avec le titre de haut-commissaire, de la lignée des gouverneurs
généraux de l’algérie, le 4 juillet 1962 :
– C’est à vous seul, mon général, que je veux poser la question que voici :
M. Farès m’a demandé d’assister cet après-midi à une cérémonie devant le
bâtiment de l’exécutif provisoire, où le drapeau algérien sera hissé, pour la
première fois, en haut d’un mât. Je ferai ce que vous direz de faire.
[...]
– Je ne vois pas qu’il soit nécessaire d’assister à cette cérémonie, ni de
vous y faire représenter 13. »
Cette distanciation, au moins apparente, n’est pas celle de tous les
responsables politiques. François Mitterrand, alors farouche opposant au
gaullisme, écrit peu après : « Quelle honte dépassera celle qui nous atteint
tous devant le sort des centaines de milliers d’algériens qui n’ont plus de
patrie parce qu’ils ont choisi la nôtre 14 ? » Pierre Messmer, ministre des
armées en 1962 et idèle du général de Gaulle, n’est pas loin de dire,
un quart de siècle plus tard, la même chose en regrettant de ne pas avoir
tenté d’obtenir du Président de la république une déclaration dénonçant
les exactions du FLn et exigeant leur arrêt. « au moins, écrit-il, l’honneur
eût été sauf 15. »
Ce n’est qu’en refusant de voir les aspects les plus insoutenables de ces
violences de in de guerre ou en ne les jugeant que très secondaires, en
regard des « atrocités du colonialisme », que les partisans français du FLn
peuvent justiier leur soutien à celui-ci. ils ne réussissent guère pour autant
à populariser sa cause. Si l’opinion française renonce assez facilement à la
iction de l’algérie française, c’est parce qu’elle permet d’espérer ne plus
rien avoir à faire avec l’algérie tout court, et avec ses tueries. Beaucoup
diraient sans doute, comme l’a écrit Pierre Messmer : « Je ne suis jamais
12. Michel Debré, mémoires, t. 3, gouverner, 1958-1962, Paris, albin Michel, 1988, p. 304.
13. Christian Fouchet, mémoires d’hier et de demain. Au service du général de gaulle, Paris, Plon, 1971,
p. 190.
14. François Mitterrand, le coup d’état permanent, Paris, Plon, 1964, p. 46.
15. Pierre Messmer, les Blancs s’en vont. récits de décolonisation, Paris, albin Michel, 1998, p. 180.
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JAcques FrémeAux
16. ibid.
17. Pierre Messmer, Après tant de batailles, Paris, albin Michel, 1992, notamment p. 266.
18. Colloque la nation et ses rapatriés. Pieds noirs et Vertriebene dans une perspective comparée, institut
historique allemand, 7-9 mars 2012. Voir aussi Olivier Forcade et Philippe nivet (dir.), les réfugiés
en europe du XVIe au XXe siècle, Paris, nouveau Monde Éditions, 2008.
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Fin de lA guerre d’Algérie, de l’éVènement à l’Histoire
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JAcques FrémeAux
Conclusion
au total, on peut dès maintenant percevoir la multiplicité et la profon-
deur des recherches que suggère cette problématique de in de la guerre
d’algérie. Évidemment aucun colloque, aucun livre, ne saurait répondre à
toutes ces interrogations. Malgré tout, c’est en avançant patiemment dans
le dévoilement des processus historiques qui s’expriment à travers cet
épisode particulier qu’on peut espérer les faire entrer dans un ensemble
d’expériences destinées, non point à instruire un procès quelconque, mais
plutôt à constituer un savoir dans lequel il serait sans doute vaniteux de lire,
comme le souhaitait Schopenhauer, « l’expérience de l’humanité », mais qui
pourrait au moins contribuer à un rapprochement franco-algérien.
24
Première partie
PArtir-Arriver
Survivre à l’indépendance algérienne :
itinéraires de Moghaznis en 1962-1963
Gregor Mathias
1. Gregor Mathias, les sections administratives spécialisées en Algérie, entre idéal et réalité (1955-1962),
Paris, L’Harmattan, 1998.
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gregor mAtHiAs
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surViVre à l’indéPendAnce Algérienne
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gregor mAtHiAs
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surViVre à l’indéPendAnce Algérienne
« ils ont égorgé presque devant moi : Madjoub, deux Bengoulal, aytolla,
Benkaya... ils ont tué mes amis devant moi, car ils étaient harkis. Benkouar
Boualam a été tué devant moi. il y en a un qu’ils ont brûlé vivant avec de
l’essence en pleine journée Madjoub, un ancien sergent-chef d’indochine. »
Sa famille étant dispersée, il réussit pourtant à la réunir et rejoint un camp
militaire d’Orléansville, où sont présentes 400 à 500 personnes formant les
familles de supplétifs, qui sont évacuées sur alger et la France.
31
gregor mAtHiAs
chercher plus tard. La réaction des harkis a été une peur terrible et des
pleurs. » il prend une chambre dans un hôtel tenu par un juif et lui raconte
son histoire. Ce « Juste » l’héberge gratuitement et lui permet de passer les
contrôles : « il m’a présenté à une personne en lui disant : c’est un jeune
homme qui veut absolument quitter l’algérie. il n’a pas ses papiers.
Faites-moi plaisir, embarquez-le avec vous. » il se retrouve au milieu de
femmes, d’enfants, de harkis menacés de mort en algérie : « en quelque
sorte, je suis passé clandestinement en France et par piston ! » il ne donne
aucune nouvelle pendant 10 ans à sa famille restée en algérie, qui croyant
à sa mort organise une cérémonie funéraire sans corps. il ne retournera en
algérie qu’en 1979.
32
surViVre à l’indéPendAnce Algérienne
33
gregor mAtHiAs
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surViVre à l’indéPendAnce Algérienne
ne laisserait pas les gens faire n’importe quoi aux harkis. Ce sont le chef du
FLn et le caïd d’arris qui nous ont dit de ne pas avoir peur de l’indépen-
dance ». M amar se fait arrêter lors d’une bagarre. interrogé, il avoue avoir
été harki. Son cousin, membre du FLn, le fait libérer en disant qu’il n’a
rien fait. « Là-bas, j’ai vu les harkis Gharda abder ahmane, Ben Guella et
Baziz se faire maltraiter. ils sont morts. » Peu rassuré sur son avenir, il décide
de rejoindre lu aussi le camp militaire de telergma.
B. 26 se voit proposer par son oicier de partir en France au moment de
l’indépendance. Comme tous les moghaznis de M’Chounech (Biskra), il
refuse en raison des garanties ofertes par le FLn : « Le FLn disait qu’il avait
gagné, que l’on devait rester, qu’il ne nous arriverait rien. » en mars 1962,
il rejoint les terres de son père qu’il cultive.
« Vers les 15-16 août, le FLn est venu avec des camions. ils ont ramassé
tous les harkis, les moghaznis. ils nous ont mis dans les camions et emmené
à la prison de M’Chounech. On était 300 à 400. ils nous ont dispersés
à droite, à gauche. On est restés à travailler. On n’avait pas beaucoup à
manger. On nous a fait sortir deux-trois jours au milieu des civils. On nous
a frappés avec des bâtons, avec des cailloux... On ne voyait pas lorsqu’ils
tuaient les personnes. On entendait parler que tel ou tel était mort. »
après un an et demi de travail (octobre 1963), il décide de s’évader et
rejoint un cousin à Biskra. À la police de Biskra, on le soupçonne d’avoir
été harki. il nie et réussit à obtenir des papiers. il quitte l’algérie et atterrit
à Marseille : « Lorsque je suis arrivé à Marseille, j’ai dit ça y est (rire), je suis
sauvé ! (rire). »
Ces trois moghaznis du Sud-Constantinois, après avoir été rassurés par
le FLn, sont restés dans l’aurès et sont arrêtés durant l’été 1962. ils sont
obligés de travailler plusieurs mois à des travaux de construction dans la
région. Certains assistent ou entendent parler d’exécutions, qui semblent
peu nombreuses par rapport à d’autres régions (Kabylie, algérois), mais
qu’il ne faut pas sous-estimer. néanmoins, la longueur de la peine des
travaux forcés, 9 mois à 2 ans, et l’absence de perspective d’amnistie les
incitent à s’enfuir.
Dans d’autres régions, les supplétifs sont épargnés. C’est ainsi qu’en
Kabylie, B. 27 de la SaS de Zemourah (Bordj-Bou-arreridj) explique que
son oicier SaS leur a proposés de partir, mais personne n’a voulu partir :
« On avait la trouille. On avait peur. On préférait mourir devant notre
famille que de mourir au loin. » Le préfet de Bordj Bou arreridj était
« un algérien de nationalité française » qui a donné des garanties que tout
se passerait bien : « il a demandé que l’on ne touche pas à ceux des SaS,
sauf ceux qui ont fait du mal. il a promis aux moghaznis que personne ne
35
gregor mAtHiAs
serait tué. C’est cela qui nous a fait croire que tout se passerait bien. »
À Banilanam, les moghaznis retournés à la vie civile et le maire sont rassem-
blés pour payer une amende importante en contrepartie ils ne sont plus
menacés. Cependant, en octobre 1962, lors de la troisième phase de massa-
cres, celle où le gouvernement de Ben Bella veut légitimer son pouvoir :
« J’ai vu que les choses tournaient d’une manière plus diicile. Les
deux familles qui étaient avec le FLn redevenaient agressives. Comme elles
étaient armées par le FLn, cela risquait de mal se terminer. Je suis venu
ici en France. »
Le témoignage de B. permet de voir que dans certains douars, au sud-est
d’akbou, l’engagement dans la SaS a été puni sous la forme d’une forte
amende, d’humiliations ou des menaces, mais qu’il n’y a pas eu d’exactions.
La responsabilité de la persécution des supplétifs semble être davantage le
fait de rivalité de familles. en Oranie, M. attou 28 conirme aussi qu’à la
SaS d’aïn el afeurd (Perrégaux, sud-est d’Oran), qu’il a fréquentée
10 mois : « ils sont tous vivants, ils sont tous là-bas. Personne ne les a
touchés. »
Dans certaines régions, les moghaznis prennent la décision de partir en
France, mais ils sont enlevés avant d’avoir pu rejoindre l’armée française.
Le fait que les arrestations se situent systématiquement au moment du
départ du village suppose qu’ils sont surveillés par les militants FLn du
village. en 1962, après le cessez-le-feu, M. andré 29, moghazni à la SaS de
Feraoun (Bougie) et trouna (Lafayette), fait le choix de prendre ses afaires
et de partir en France :
« Je suis retourné dans mon village de Feraoun. J’ai été arrêté par les
fellaghas et mis [en prison] avec les 50 autres prisonniers. ils en ont tué
quinze devant moi. tout cela s’est passé dans la commune de Feraoun. Les
autres, je ne sais pas ce qu’ils sont devenus après que je me sois enfui. Les
quinze personnes exécutées étaient harkis ou moghaznis, sauf l’imam du
village qui n’était pas harki. ils l’ont tué, car il était attaché [civil] à la SaS
et à la compagnie de Chasseurs. il était aussi décoré. »
il proite du départ de ses geôliers partis arrêter d’autres supplétifs pour
assommer son gardien, s’enfuir et rejoindre Bougie. il part en France par
l’intermédiaire de la Croix-rouge. Le témoignage de M. andré permet
d’étudier la situation à Feraoun (Bougie), situé au nord-est du département
d’akbou. L’aLn est clairement mentionnée dans l’organisation des arres-
tations et les exécutions massives. Les harkis et les moghaznis, ainsi que
deux responsables civils (chef de village et imam civil à la SaS), sont arrêtés
et des exécutions ont lieu. une fois les exécutions pratiquées, l’aLn poursuit
la même procédure dans un autre village. Les arrestations de harkis, de
28. Phonothèque de la MMSH, aix-en-Provence, n° 631. entretien réalisé par G. Mathias.
29. Phonothèque de la MMSH, aix-en-Provence, n ° 606. entretien réalisé par G. Mathias.
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Conclusion
au total, même dans les régions considérées comme ayant été peu
touchées par les exactions, comme l’aurès étudié par l’historien nordine
Boulhaïs ou l’Ouarsenis examiné par l’anthropologue Giulia Fabbiano, des
violences ciblées visent des supplétifs de l’armée française. il est frappant
de voir que dès l’évacuation de ses camps par l’armée française débutent les
exactions à l’encontre des supplétifs 44. La Kabylie et le sud de l’algérois
semblent avoir été touchés par davantage de massacres. Si les clans chaouis
ont pu limiter les exactions, les travaux forcés gratuits et la relégation
rendent la vie insupportable aux supplétifs qui s’enfuient de l’aurès dans
les années suivant l’indépendance, d’autant qu’il ne semble pas y avoir
d’amnistie.
Les catégories visées par les règlements de compte sont parfois limitées
aux moghaznis ayant été gradés, décorés ou ayant tué en combat des
combattants de l’aLn, parfois se concentrent sur les auteurs d’exactions.
Dans d’autres régions, acquises à la France, les moghaznis, les agents de
renseignement, les civils travaillant dans les SaS sont collectivement visés.
Derrière le qualiicatif « harkis », on regroupe d’emblée les moghaznis des
SaS, les harkis de l’armée, les gardes GMS du ministère de l’intérieur. On
oublie en revanche trop souvent de mentionner que les élus, les conseillers
municipaux, les conseillers généraux, les maires, sont également victimes
de la répression du FLn démontrant que ce parti entend s’airmer comme
la seule expression des algériens et récuse les résultats de la souveraineté
populaire de la période précédant l’indépendance de juillet 1962.
Les témoignages concordent pour dire que les supplétifs et leur famille
sont victimes d’exactions, allant de l’extorsion de fonds, au vol organisé, à
41. Sylvie thénault, « Massacre des harkis ou massacre de harkis ? Qu’en sait-on ? » in Fatima Besnaci-
Lancou, Gilles Manceron (dir.), Harkis dans la colonisation..., op. cit., p. 81-91.
42. témoignage de M. de Kervénoaël, tV5, 30 avril 2012 [http ://www.dailymotion.com/video/
xqhmnc maurice-de-kervenoael-je-defends-la-memoire-des-harkis news].
43. Gregor Mathias, loc. cit., p. 241-265.
44. Sylvie thénault, loc. cit., p. 91. témoignage d’aïcha Baziz, épouse de harki sur arris et Baniane.
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45. abderahmen Moumen, « Les massacres des harkis lors de l’indépendance de l’algérie », loc. cit.,
p. 63-76.
46. Phonothèque de la MMSH, aix-en-Provence, n° 641 et Pierre Schœndœrffer, op. cit., p. 190-191.
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Sorties de guerre et OAS
Olivier Dard
1. Olivier Dard et Victor Pereira (dir.), Vérités et légendes d’une oAs internationale, Paris, riveneuve
éditions, 2013. Y sont traités les cas de la Belgique, de la Suisse, de l’italie, de l’espagne, du Portugal
et de l’argentine.
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44
sorties de guerre et oAs
« L’ofensive généralisée » :
le verbe, les actes et les résultats
Dès février 1962, soit quelques semaines avant les accords d’Évian,
l’état-major de l’OaS algérie anticipe leur éventualité et réléchit aux
réponses à y apporter. Les mots d’ordre sont à la « mobilisation » et Salan,
dans son instruction n° 29, précise la marche à suivre d’une « ofensive
généralisée » face à « l’irréversible qui est sur le point d’être commis 5 ».
L’objectif est bien d’empêcher la mise en place d’éventuels accords. Sont
privilégiées la population citadine, dorénavant considérée comme un « outil
valable », l’armée, dont on espère encore un basculement de certaines unités
ou la création de « zones insurrectionnelles » qui prendraient la forme de
maquis inspirés de l’expérience indochinoise. Le choc frontal au plan
militaire se double d’une volonté politique de voir le régime en place déchu
puisque le 3 mars 1962 un Conseil national de la résistance française en
algérie (CnrFa) a vu le jour. Lorsqu’Évian annonce la sortie de guerre
pour ses deux parties négociatrices, l’OaS entre pour sa part dans une guerre
sur deux fronts, poursuivant sa lutte contre le FLn mais surtout accentuant
sa rupture avec le gouvernement légal de la France. au lendemain d’Évian,
l’OaS joue son va-tout. L’épreuve de force tourne rapidement au désastre et
ses grandes étapes sont bien connues. La mobilisation citadine, incarnée par
le bouclage de Bab el-Oued est un premier échec qui s’achève dans la
fusillade dramatique de la rue d’isly (26 mars 1962). Les « zones insurrec-
tionnelles » dont les « maquis » devaient être le fer de lance sont balayées dès
leurs balbutiements comme l’illustre la débâcle du maquis de l’Ouarsenis
au début d’avril 1962. enin, les ralliements de militaires ne sont nullement
au rendez-vous et avant même l’arrestation de Salan, l’OaS est un bateau
ivre miné par ses divisions et où, selon les termes mêmes de Gardy, une clari-
ication des objectifs s’impose. Le 17 avril 1962, ce dernier, dans un courrier
adressé à Salan et mis en copie à Godard, qualiie d’« utopiques » les objec-
tifs précédemment aichés par l’OaS : « il serait illusoire de considérer que
5. Olivier Dard, Voyage au cœur de l’oAs, Paris, Perrin, 2011, p. 233 sq. Les termes soulignés le sont
dans les documents originaux.
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17. François-Xavier Hautreux, l’armée française et les supplétifs « Français musulmans » pendant la guerre
d’Algérie (1954-1962). expérience et enjeux, thèse de doctorat d’histoire, université de Paris X-
nanterre, 2010, p. 390-391 et p. 450-451.
18. Cité in Georges Fleury, tuez de gaulle ! Histoire de l’attentat du Petit-clamart, Paris, Grasset, 1996,
p. 365-366.
19. Jean-Claude Perez, debout dans ma mémoire, tourments et tribulations d’un rapatrié de l’Algérie
française, Hélette, Harriet, 1996, p. 114.
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20. alain de La tocnaye, comment je n’ai pas tué de gaulle, Paris, Éditions nalis, 1969, p. 173-174.
Voir aussi l’interrogatoire de Bastien-hiry à l’audience du 2 février 1963 : le procès de l’attentat du
Petit-clamart, compte rendu sténographique, Paris, éditions albin Michel, 1963, p. 267 sq.
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n’est pas transformé en arène comme ce fut le cas pour les Brigades rouges
par exemple. De même, à l’exception notable de Jean-Marie Curutchet dont
la déclaration liminaire évoque « ceux de [s]a génération qui furent plongés
dans le drame algérien » et le « devoir de tout remettre en question, frayant
ainsi la voie aux jeunes qui se préparent à prendre notre relève 25 », la plupart
des protagonistes consacrent leur propos à refaire l’histoire de la « trahison »
du 13 mai et le procès du général de Gaulle. il n’est donc pas question de
nouvelles luttes sur lesquelles fonder un avenir. il en va de même de la vie
carcérale des détenus OaS qui n’entendent pas, à la diférence de ceux
l’ira, transformer la prison en école de formation. La guerre est donc bien
inie en ce sens que les procès sonnent le glas de la lutte armée. On ajoutera
que la presse nationaliste, de rivarol à europe-Action, si elle demeure acquise
aux prisonniers de l’algérie française et dénonce leurs conditions d’incar-
cération dans les « prisons du régime » n’exalte pas le combat de l’OaS.
Certaines personnalités, notamment Dominique Venner, tirent même
un bilan négatif de l’expérience. Dans sa brochure Pour une critique positive,
l’ancien dirigeant de Jeune nation fait dès l’été 1962 le procès des « tares
de l’opposition nationale », du « défaut de conception » de l’action entre-
prise depuis le putsch d’alger et du « terrorisme aveugle » considéré comme
« le meilleur moyen de se couper d’une population » et assimilé à un « acte
de désespéré ». La conclusion est donc sans appel : « Les dernières séquelles
de l’OaS, qui sont désormais un atout puissant du régime, doivent être
éliminées parce que néfastes 26. »
Cette position n’est pas unanimement partagée, notamment du côté des
anciens de l’esprit public et des proches de Pierre Sergent qui ont poursuivi
la lutte ou créé à leur libération en 1966 le Mouvement Jeune révolution
(MJr) qui s’appuie sur le mensuel éponyme. il s’agit de difuser la propa-
gande du Cnr et de rendre hommage à l’expérience de l’OaS en héroïsant
des igures mortes pour la cause (Bastien-hiry, Jean de Brem) ou encore
sur la brèche comme Pierre Sergent. Dans l’hexagone, l’inluence du Cnr
et du MJr est réduite. L’existence de ces entités et la perpétuation d’atten-
tats contre le général de Gaulle jusqu’en 1966 (opération « Oscar ») ont
pourtant contribué à nourrir la thématique d’une OaS encore menaçante
et d’autant plus puissante et qu’elle serait relayée par des réseaux internatio-
naux d’une « OaS internationale ». un colloque de mai 2012, déjà évoqué,
invite à largement relativiser la puissance d’une « OaS internationale » qui
se maintiendrait voire se développerait après la in de la guerre d’algérie dans
le sillage du Cnr-OaS et du Conseil national de la révolution. il faut
rappeler que si la branche OrO (Organisation renseignement Opérations)
de l’OaS-Métro dirigée par le capitaine Curutchet a tenté de s’implanter en
25. le procès Jean-marie curutchet. compte rendu sténographique des débats, Paris, nouvelles Éditions
latines, 1965, p. 10.
26. Cité in Olivier Dard, Voyage au cœur de l’oAs, op. cit., p. 336-337.
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Conclusion
un demi-siècle après l’indépendance de l’algérie et les grands procès de
l’OaS, la question de la sortie de guerre d’algérie reste posée. Les termes
du questionnement sont bien diférents du triptyque « Partir, rester, faire
27. Francis Balace, « Pierre Joly, passeur d’illusions », in Olivier Dard (édit.), doctrinaires, vulgarisa-
teurs et passeurs des droites radicales au XXe siècle (europe-Amériques), Berne, Pie Peter Lang, 2012,
p. 69-70.
28. Olivier Dard, Voyage au cœur de l’oAs, op. cit., p. 325-326.
29. Curutchet y revient longuement dans une lettre au juge d’instruction Braunschweig datée du
20 décembre 1963[ in le procès Jean-marie curutchet..., op. cit., p. 337-340]. Sur l’espagne et le
Portugal, voir les contributions d’anne Dulphy, riccardo Marchi et Victor Pereira réunies in
Oliviet Dard, Victor Pereira (dir.), Vérités et légendes d’une oAs internationale, Paris, riveneuve
éditions, 2013.
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sorties de guerre et oAs
30. Pour une première approche, Olivier Dard, « Éditer au nom de la défense de l’algérie française
(1960-1968) », in Béatrice Fleury et Jacques Walter (dir.), qualiier les lieux de détention et de
massacre (4). dispositifs de médiation mémorielle, Questions de communications, série actes, n° 13,
2011, p. 335-362. À ces récits, il faut ajouter des chansons, notamment de Jean-Pax Méfret, « le
chanteur de l’Occident » et quelques romans, notamment de Michel Déon (les poneys sauvages,
Gallimard, 1970) ou de Frédéric Musso (martin est aux Afriques, Paris, La table ronde, 1978).
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La sortie de guerre de militants juifs algériens
et la construction d’une algérianité d’État
(1962-1963)
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plus, des membres des élites politiques se précipitent sur des thématiques
identitaires pour disqualiier les opposants, en traquant la présence de
non-musulmans – et a fortiori de juifs – dans les « complots » (réels ou
supposés) qui visent l’État. ainsi, dès 1963 et encore en 1964, des cadres
du FLn dénoncent la main d’israël et du sionisme dans l’afaire du maquis
de Dra-el-Mizan (où un juif algérien est impliqué) comme dans l’activité
du Front des forces socialistes (FFS) de Hocine aït ahmed, fondateur du
FLn entré en dissidence courant 1963. Cette ambiance idéologique et
identitaire – qui atteindra un paroxysme, en délaissant toutefois le thème
« sioniste 2 », au moment de la répression contre les opposants au coup
d’État de Houari Boumediene en 1965 – touche y compris la gauche du
FLn (comme le prouvent certains articles de Mohammed Harbi) ainsi que
les communistes qui s’expriment dans le quotidien Alger républicain 3. Dans
ce contexte, le PCa décide d’organiser séparément, au niveau des cellules,
ses militants musulmans et non-musulmans ; cette disposition est mal vécue
par des militants juifs et européens pour lesquels la cellule du PCa était
précisément l’un des lieux de construction et de vécu de leur algérianité.
Les militants juifs et européens s’en trouvent ainsi tenus non seulement
à une discrétion liée à l’autoritarisme du régime, mais aussi à une « politesse 4 »
liée à leur statut de minoritaires, ce qui contribue fortement à développer
chez eux un sentiment d’illégitimité quant à leur présence dans le pays. Les
débats parlementaires qui précèdent le vote du code de la nationalité
algérienne accentuent grandement ce sentiment d’illégitimité.
2. en septembre 1965, il sera essentiellement question d’« idéologies étrangères » et d’« aventuriers
étrangers », expressions désignant implicitement tant l’impérialisme français (et les coopérants
français) que le communisme soviétique (et les communistes algériens et français) (el moudjahid des
22, 23, 24, 25 et 28 septembre 1965).
3. Mohammed Harbi, « Don Quichotte en algérie », révolution Africaine, 17 août 1963 ; Alger
républicain, 18-19, 20, 21 et 23 octobre 1964.
4. entendue comme « neutralité politique, qui est aussi une neutralité éthique, parce qu’elle interdit à
qui n’est pas du lieu (i. e. le non-national) d’intervenir dans la vie politique propre aux maîtres de
céans, toute intervention en la matière ne pouvant apparaître que comme désordre, perturbation,
voire subversion » [abdelmalek Sayad, l’immigration ou les paradoxes de l’altérité. t. 2 : les enfants
illégitimes, Paris, raisons d’agir, 2006, p. 14].
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14. Propos d’ahmed Kaïd lors de la séance du 2 mars 1963 (JorA, 27 juin 1963).
15. Séance du 1er mars 1963 (Alger républicain, 2 mars 1963).
16. Séance du 4 mars 1963 (Alger républicain, 5 mars 1963).
17. entretien avec arlette Beckouche, 23 avril 2007.
18. JorA, 5 février 1965.
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et alors cette fameuse nationalité, qui crevait les yeux, pour nous, qui était
quelque chose de tout à fait évident, pour laquelle on s’était engagés, quand
même, voilà que ce n’était pas vrai 19... »
Les témoins interrogés hésitent quant au sens profond des dispositions
de ce code de la nationalité : sont-elles l’expression de convictions sincères
d’une partie des élites dirigeantes ou sont-elles le relet d’un sentiment
partagé dans la population et sur lequel s’appuient ces élites par populisme ?
William Sportisse estime que « les restrictions sont venues d’en haut et non
du peuple 20 » et pour andré Beckouche, le « peuple algérien » est alors
« beaucoup moins sectaire que l’assemblée 21 ». Cependant, Sadek Hadjerès
considère que les dirigeants « surfaient sur le chauvinisme 22 » d’une partie
de la population et Claude Sixou, qui pense aussi que les dirigeants
s’appuient sur des sentiments répandus dans la population, voit dans ces
dispositions – comme dans l’inscription de l’islam comme religion d’État
dans la constitution d’août 1963 – une volonté de « donner des gages aux
islamistes 23 » qui font pression sur le pouvoir. Du fait de ces débats et de
ce qu’ils perçoivent de leur représentativité quant aux sentiments du
« peuple », ces militants ne peuvent quoi qu’il en soit partager l’optimisme
de Ferhat abbas qui déclare après le vote :
« Ce n’est pas avec des décrets ou des lois que la vie se fait. Les séquelles
du colonialisme s’atténueront au fur et à mesure. nous avons tous coniance
dans une algérie nouvelle sans distinction de race ni de religion 24. »
Conclusion
Le vote du code de la nationalité en mars 1963 constitue à n’en pas
douter une rupture dans les trajectoires des individus étudiés. Dans l’immé-
diat, il accroît leur sentiment d’illégitimité quant à leur présence en algérie.
À moyen terme, les questions soulevées lors des débats parlementaires
rendent diicile pour eux la projection dans un avenir algérien, a fortiori
après le coup d’État de juin 1965 : ne se sentant pas reconnus comme
pleinement nationaux par les institutions, sensibles aux problèmes
« démocratiques » dans le pays, victimes de l’autoritarisme (qui se manifeste
par des expulsions, des tortures et des emprisonnements sans jugement
après le coup d’État), mis de facto à l’écart de certains emplois par la
politique d’arabisation accélérée, inquiets en tant que femmes ou en tant
que parents pour l’avenir de leurs illes, la majorité des témoins quittent
19. entretien avec Simone aïach enregistré le 24 février 1995 par Liliane Verspeelt.
20. entretien avec William Sportisse, 18 janvier 2011.
21. entretien avec andré Beckouche, 8 décembre 2011.
22. entretien avec Sadek Hadjerès, 1er décembre 2011.
23. entretien avec Claude Sixou, 12 février 2007.
24. Alger républicain, 13 mars 1963.
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l’algérie entre 1965 et le début des années 1970. Leurs migrations s’insèrent
ainsi à divers degrés dans les migrations postcoloniales d’européens et juifs
d’algérie – y compris non-politisés – vers la France, mais aussi dans les
migrations à caractère politique d’algériens musulmans.
Cette dernière remarque permet d’insister sur un élément : s’il peut être
tentant d’avancer une vision fataliste de l’histoire quant au caractère « irréa-
liste » et « utopique » du projet politique de ces militants, on voit en fait, à
travers l’analyse de ces mois de sortie de guerre, que l’impossibilité de ce
projet n’était pas écrite d’avance mais a résulté de rapport de forces internes
aux institutions algériennes – rapports de forces dont les victimes ont été
bien plus nombreuses que la poignée d’anticolonialistes juifs et européens.
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Une administration ex nihilo
à l’épreuve des rapatriements
des Français d’Algérie (1961-1964) :
organiser la sortie de guerre
Yann Scioldo-Zürcher
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yAnn scioldo-ZürcHer
aux yeux de l’État, entière légitimité à bénéicier des eforts du pays pour
rapidement recouvrer une situation sociale similaire à celle qu’ils avaient
perdue. il les dota tout d’abord du statut juridique de rapatrié 4. Le vote de
la loi du 26 décembre 1961 et son application par le décret du 10 mars 1962
leur donnait droit à un ensemble d’aides ain d’organiser leur réinstallation.
Ce statut ne prenait oiciellement en compte aucune distinction ethnique
ou religieuse, mais fut pensé et organisé pour ceux que l’on considérait
comme « non algériens », c’est-à-dire les « européens et les Juifs d’algérie »,
tout en laissant aux marges de cette construction les « musulmans » dont les
besoins particuliers ne furent jamais avancés dans cette construction du
droit 5. il s’ensuivit une pratique administrative qui allait non seulement
organiser l’accueil des rapatriés d’algérie en métropole, mais aussi leur inser-
tion économique et sociale. Cette mobilisation de toutes les administrations
allait d’ailleurs encadrer le million de Français, rapatriés des territoires
anciennement coloniaux, qui rejoignaient désormais le territoire métropo-
litain. ils furent plus de 600 000 au cours de la seule année 1962.
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9. a.D.S., 1023-68-1-18, un décret du 15 mai 1962 délimitait leur territoire d’intervention. Les
huit délégations régionales intervenaient tour à tour sur les régions de Lille, tours et rennes,
Bordeaux, toulouse, Lyon et Dijon, Marseille, Metz et Paris.
10. a.D.S., 1023-68-1-8.
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SCHÉMa 1. – répartition des compétences administratives entre le ministère des rapatriés et les
préfectures après les réorganisations administratives du mois d’août 1962.
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Conclusion
La pratique administrative mise en place pour l’accueil et l’insertion des
rapatriés coloniaux resta en fonctionnement jusqu’à l’automne 1964,
moment où les premières mesures mettant in aux déconcentrations
21. L’État intervint tout au long du vingtième auprès des migrants étrangers mais son action se limitait,
dans le cas d’arrivées en masse, à une politique d’accueil et de surveillance, le plus souvent en camps.
On se souvient des ceux organisés dans le Sud de la France en 1939 pour les vaincus de la guerre
d’espagne. On connaît aussi les politiques de régularisation pour les Portugais, de l’après
Seconde Guerre mondiale, arrivés clandestinement sur le territoire français. Cependant, ces actions
ne portèrent ni sur la réinstallation sociale des individus, encore moins, jusqu’au milieu des
années 1970, sur une immédiate attribution de logements. La politique mise en place pour les
Français d’algérie reste tout à fait exceptionnelle par le large spectre de son intervention, qui touche
pratiquement tous les domaines de la vie quotidienne : emploi, logement, aides sociales, scolarité,
retraites etc.
22. Jean-Marie Fecteau, Janice Harvey (dir.), la régulation sociale entre l’acteur et l’institution, pour
une problématique historique de l’interaction, Sainte-Foy (Québec), Presses de l’université du Québec,
2005.
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deuxième partie
FAire trANSitiON
Le dernier « gouverneur général » de l’Algérie :
Christian Fouchet, haut-commissaire de la république
(mars-juillet 1962)
Soraya Laribi
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sorAyA lAriBi
aîné, était oicier dans le Sahara puis méhariste. Mort en 1947, un point
d’eau dans le désert sur l’axe tindouf-Colomb-Bechar rappelle son sou-
venir : Bordj Fouchet 4. Marcel, capitaine de réserve, est tombé au champ
d’honneur en 1940. enin son troisième frère, Serge, était oicier de marine
servant dans l’aéronavale. il fut tué en service commandé dans un acci-
dent d’avion en 1935 5. Par ailleurs, l’un de ses jeunes neveux devait tomber
comme officier pendant les opérations d’algérie 6. Son beau-père,
Jean Vautrin, a été le chef de la résistance dans le sud de la France après
l’armistice de 1940 7. Sa famille est par conséquent, marquée par le sens du
service. « Servir » est au centre des mémoires de guerre comme des mémoires
d’espoir du général de Gaulle 8. il en va de même pour celles de Christian
Fouchet, Au service du général, qui paraît en 1971 un an après la mort du
général et en hommage à celui-ci.
au fond, toute sa vie il a souhaité devenir un compagnon, au sens exposé
par Pierre nora d’abord puis Bernard Lachaise plus récemment 9. Comme
on le sait, le compagnon gaulliste est le double du camarade communiste.
Christian Fouchet appartient au cercle primaire du compagnonnage car il
fut combattant de la France libre 10.
Diplômé d’études supérieures d’économie politique, de l’École libre des
sciences politiques et licencié en droit, il avait été mobilisé en septembre 1939.
Le 17 juin 1940, après son stage d’élève-observateur à la base aérienne de
Mérignac, il s’était caché dans un avion anglais et avait rejoint Londres.
Puis, il s’était mis sous les ordres du général de Gaulle dans les Forces
Françaises Libres 11.
L’inlexion de sa carrière débute en mai 1944, lorsqu’il devient conseiller
et secrétaire d’ambassade à Moscou. Délégué du gouvernement provisoire
à Lublin, puis à Varsovie 12, il occupe en 1946 la fonction de consul général
de France à Calcutta où il est délégué du gouvernement français. À ce titre,
il a la responsabilité des négociations avec le gouvernement de Delhi pour
4. Christian Fouchet, mémoires d’hier et de demain, t. i, Au service du général de gaulle, londres 1940,
Varsovie 1945, Alger 1962, mai 1968, Paris, Plon, 1971, p. 139.
5. SHD, 8Ye 36563, Dossier d’oicier de Paul Fouchet ; 8Ye 98136, Dossier d’oicier de
Marcel Fouchet ; CC7 4e moderne 747 (dossier 11) et CC7 4e moderne 3481 (dossier 15), Dossiers
d’oicier de Serge Fouchet.
6. Jean-raymond Fouchet, « Fils d’une certaine famille », espoir, n° 45, décembre 1983, p. 11.
7. SHD, 13YD 1594, Dossier d’oicier de Jean Vautrin.
8. Éric Chiaradia, l’entourage du général de gaulle, juin 1958-avril 1959, Paris, Sciences Humaines
et Sociales, Publibook, 2011, p. 317.
9. Mathieu ClaouÉ, christian Fouchet, ministre des Afaires marocaines et tunisiennes dans l’ombre de
Pierre mendès France (18 juin 1954-5 février 1955). de l’empire à l’empirisme colonial français,
mémoire de master 2 [Maurice Vaisse (dir.)], ieP Paris, 2009, p. 5-6.
10. Bernard Lachaise, « Qu’est-ce qu’un compagnon ? », in Serge Berstein, Pierre Birnbaum,
Jean-Pierre rioux (dir.), de gaulle et les élites, Paris, La Découverte, Fondation Charles de Gaulle,
2008, p. 62.
11. SHD, 16P 229 712.
12. Jean-Louis Pierron, « La mission de Christian Fouchet en Pologne, 28 décembre 1944-
31 mars 1945 », guerres mondiales et conlits contemporains, 1991, n° 163, p. 75.
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le dernier « gouVerneur générAl » de l’Algérie
Un « technicien du Maghreb 20 » ?
Dans ses mémoires, Christian Fouchet évoque l’entretien avec le général
de Gaulle en février 1962 au cours duquel la fonction de haut-commissaire
lui a été proposée. À cette période la situation en algérie est critique car
l’OaS conteste la politique d’autodétermination. il reconnaît avoir d’abord
refusé ce poste dans la mesure où il avait un mauvais souvenir de l’afrique
du nord. Ministre des afaires tunisiennes et marocaines, il avait en efet
négocié les accords prévoyant l’autonomie et débouchant, en fait, sur
l’indépendance des deux protectorats. Visionnaire ou réaliste, il avait
cessé depuis de soutenir la cause de la colonisation contrairement aux
13. [http ://www.assembléenationale.fr], Base de données historique des anciens députés. Christian Fouchet,
p. 2.
14. Bernard Lachaise, « Christian Fouchet », in Claire andrieu, Philippe Braud, Guillaume Piketty
(dir.), dictionnaire de gaulle, Paris, robert Lafont, 2006, p. 501.
15. la dépêche d’Algérie, 20 mars 1962.
16. FCDG, rPF 609. Lettre 21 février 1955 de raymond Dronne à Jacques Foccart citée par Mathieu
Claoué, christian Fouchet, ministre des Afaires marocaines..., op. cit., p. 9.
17. Pierre Ordioni, mémoires à contretemps 1945-1972, Paris, nouvelles Éditions Latines, 2000,
p. 120.
18. Michel Fourquet, « une mission de sacriice », espoir, n° 45, décembre 1983, p. 42.
19. Geofroy de Courcel, « De l’autonomie tunisienne à l’indépendance de l’algérie », espoir,
n° 45, décembre 1983, p. 29.
20. an, 97 aJ/35. démocratie 62, 22 mars 1962.
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les membres n’ont jamais revendiqué cette opération. Dans le même ordre
d’idées, rien ne prouve aujourd’hui que le haut-commissaire puisse être tenu
pour responsable de l’enclenchement des événements. Le seul témoignage
alimentant cette thèse revient à Jean Mauriac, chargé des questions du
Maghreb, qui rapporte des propos qu’aurait tenus Christian Fouchet le
28 octobre 1969 :
« J’en ai voulu au Général de m’avoir limogé au lendemain de mai 1968...
C’était une faute politique. il m’a reproché de ne pas avoir maintenu l’ordre :
Vous n’avez pas osé faire tirer.
– J’aurais osé s’il l’avait fallu, lui ai-je répondu. Souvenez-vous de l’algé-
rie, de la rue d’isly. Là, j’ai osé et je ne regrette pas, parce qu’il fallait
montrer que l’armée n’était pas complice de la population algéroise. »
Puis dans la note de bas de page qui accompagne ces lignes, il est
précisé :
« Haut-commissaire en algérie en mars 1962, Christian Fouchet semble
reconnaître ici sa responsabilité directe dans la répression sanglante de la
manifestation organisée à alger le 26 mars par l’OaS pour protester contre
les accords d’Évian 48. »
Certes, Christian Fouchet était ministre de l’intérieur lors du mouve-
ment de mai 1968. il était partisan de mesures de fermeté et il it part de ses
regrets face à l’attitude modérée du premier ministre Georges Pompidou 49.
tout ceci est bien maigre.
La seule certitude est l’annonce par le général de Gaulle, lors du conseil
des ministres le 23 mars que « [l]a question capitale est de briser par tous
les moyens et de réprimer impitoyablement l’insurrection armée qui se
développe dans les deux plus grandes villes d’algérie 50 ». en inférer que la
fusillade de la rue d’isly résulte de cette directive est risqué sinon oiseux.
Certaine, en revanche, est la stratégie du haut-commissaire pour briser
l’OaS.
L’opération Fouchet
Le 11 mai 1962, Christian Fouchet adopte six mesures anti-OaS
– annoncées le 13 mai –, qui visent « les bourgeois, la jeunesse et la police »
selon le journaliste alain Jacob 51. Les « bourgeois » – un « terme qualiiant
48. Jean Mauriac, l’après de gaulle, notes conidentielles 1969-1989, Paris, Fayard, 2006, p. 41.
49. Bernard Lachaise, « Christian Fouchet », loc. cit., p. 501. Dans l’interview donnée à Jacques Chancel
à l’occasion de la publication de ses mémoires, Christian Fouchet airme qu’il n’a jamais donné
l’ordre de tirer sur la foule en mai 1968. il reconnaît, toutefois, qu’il aurait fait tirer si l’Élysée avait
été attaqué. [Jacques Chancel, radioscopie, France-inter, interview de Christian Fouchet,
10 février 1971].
50. le Figaro, 23 mars 1962.
51. le monde, 24 mai 1962.
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60. Maurice Faivre, la croix rouge pendant la guerre d’Algérie. un éclairage nouveau sur les victimes et
les internés, Panazol, Lavauzelle, 2007, p. 61.
61. le Figaro, 22 mai 1962.
62. Chantal Morelle, comment de gaulle et le Fln ont mis in à la guerre d’Algérie. 1962, les
accords d’évian, Bruxelles, andré Versaille éditeur, 2012, p. 226.
63. SHD, 1H1794, dossier 1.
64. Maurice Faivre, les archives inédites de la politique algérienne. 1958-1962, Paris, L’Harmattan,
p. 319.
65. Christian Fouchet voulait obtenir l’engagement que l’opération de représailles menée par des
commandos FLn le 14 mai 1962, à la suite de l’attentat de l’OaS contre les dockers le 2 mai, ne
se reproduirait plus [l’express, 24 mai 1962].
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Conclusion
Durant trois mois et demi, soit cent-cinq jours 69, le dernier « gouverneur
général » a assuré la transition du pouvoir en algérie. Bien qu’il ait laissé des
dossiers en suspens, comme celui des « disparus », les spéculations des
journalistes sur son avenir révèlent qu’il a réussi sa mission de coniance :
« Fouchet aura un portefeuille 70 », « Dauphin 71 » ? De fait, Christian Fouchet
réintègre le ministère du général de Gaulle. il obtient un poste de ministre
délégué auprès du premier ministre chargé de l’information qu’il occupe
dès le 11 septembre.
66. Chantal Morelle, comment de gaulle et le Fln ont mis in à la guerre d’Algérie, op. cit., p. 234.
67. Christian Fouchet, mémoires d’hier et de demain, op. cit., p. 190.
68. le Figaro, 5 juillet 1962.
69. Christian Fouchet, op. cit., p. 158.
70. l’express, 10 mai 1962.
71. minute, 8 juin 1962.
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Feu la chrétienté d’Algérie :
les prêtres français de la Mission de France
et du couvent dominicain d’Alger
au sortir de la guerre d’Algérie
tangi Cavalin et nathalie Viet-Depaule
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tAngi cAVAlin et nAtHAlie Viet-dePAule
1. L’histoire de l’Église catholique en algérie reste à écrire. Pour la période qui encadre la sortie de
guerre, l’ouvrage d’andré nozière (Algérie : les chrétiens dans la guerre, Paris, Éditions Cana,
1979) ofre une première mise au point, que l’on peut compléter par deux études engagées :
Jean-Jacques Perennès, chrétiens en Algérie : un souvenir de l’époque coloniale ou l’ébauche d’un nouveau
visage de l’église dans le monde ?, Paris, Centre Lebret, 1977 ; raymond Facélina, héologie en situa-
tion : une communauté chrétienne dans le tiers monde (Algérie, 1962-1974), strasbourg, CerDiC
Publications, 1974.
2. Les archives du couvent d’alger utilisées pour cette communication sont conservées aux archives
dominicaines de la Province de France (aDPF) en section iV, série 27. elles sont à compléter par la
consultation des revues du couvent, l’Afrique dominicaine devenue en 1956 les cahiers religieux
d’Afrique du nord puis, en 1964, Aujourd’hui.
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Feu lA cHrétienté d’Algérie
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tAngi cAVAlin et nAtHAlie Viet-dePAule
nouent des liens avec des familles, des responsables politiques, des membres
d’association (notamment l’entraide fraternelle d’action œcuménique
(eFaO) ou le Front de libération nationale (FLn), voulant rendre l’Église
présente dans le monde musulman et rapprocher les communautés en
présence, ain de remettre en cause les frontières instituées par la colonisa-
tion et que perpétuent les cadres ecclésiastiques. Leur écoute et leur solida-
rité, qui se traduisent souvent en gestes concrets (démarches administra-
tives, fourniture de vêtements, de médicaments, hospitalisation des
malades, etc.), débouchent sur des contacts entre chrétiens et musulmans,
mais aussi sur la dénonciation de la répression, de la torture, des exécutions
et, plus généralement, de toute entrave à la justice et au respect humain.
très minoritaires au sein du clergé catholique, ils s’attirent les foudres de la
société européenne et de l’administration française, tant et si bien qu’ils font
l’objet d’une mesure préfectorale d’expulsion de Souk-ahras en avril 1956
et doivent, pour certains d’entre eux, se replier sur alger peu après que Jean
Scotto, rejoint par Guy Malmenaide et Henri Bonnamour, quitte la cure
d’Hussein-Dey pour celle de Bab-el-Oued tandis que Jobic Kerlan, nommé
aumônier du port d’alger, s’insère dans le monde des marins et des dockers
au sein duquel il noue des contacts avec les rares chrétiens aussi bien qu’avec
les incroyants et les musulmans et, très vite, apporte son concours aux
militants du FLn.
Lorsque l’indépendance est proclamée, les prêtres de la Mission consi-
dèrent cette issue comme aussi légitime qu’inévitable. totalement insérés
en algérie, faisant leurs les revendications de la population musulmane, ils
ont, en imposant l’image du prêtre envoyé au service de tous dans un esprit
de coopération fraternelle, été des vecteurs majeurs d’une dissociation entre
l’Église d’algérie et le régime de la colonisation.
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Feu lA cHrétienté d’Algérie
Souk-ahras à partir de 1949, mais aussi parce que les communautés métro-
politaines sont en contact avec les travailleurs algériens dans les zones de
concentration industrielle de la région parisienne (Puteaux, asnières puis
Gennevilliers dans la Boucle de la Seine, Vitry ou le Xiiie arrondissement)
comme de province (Lyon, Marseille, toulouse, Montluçon, Le Havre...).
De nombreux prêtres de la Mission ont été conduits, à partir des liens de
solidarité qu’ils avaient tissés dans les quartiers dont ils avaient la charge, à
prendre position, d’abord dans le cadre de l’entraide avec les populations
les plus pauvres, puis par des gestes qui les amenaient à enfreindre la légalité
(cacher des militants nationalistes, imprimer sur la ronéo du presbytère des
tracts du FLn...). Le rappel des réservistes sous les drapeaux, à Marseille ou
à Gennevilliers 6, est l’occasion pour ceux qui sont concernés par cette
mesure d’envisager avec leurs équipiers l’insoumission ou, à défaut, la possi-
bilité d’une appartenance à la hiérarchie militaire qui soit conforme aux
valeurs évangéliques. Les positions les plus avancées de certains clercs de la
Mission (ou associés à cette institution, comme le père robert Davezies)
ne sont possibles que parce qu’elles prennent appui sur des réseaux de
complicité auxquels nombre de ses membres prêtent leur concours de
manière plus ou moins occasionnelle. Dès 1955, les expériences vécues par
les équipes sur le terrain font l’objet de discussions au sein d’une « commis-
sion des nord-africains » qui ne se contente pas de collecter les témoignages
en provenance des équipes mais élabore une pensée commune et inléchit
la rélexion des instances dirigeantes de la Mission jusqu’à faire avaliser
en janvier 1958 par son évêque, le cardinal Liénart, une déclaration
favorable à l’indépendance du peuple algérien qui sera largement reprise et
commentée par la presse 7.
tout autre est le rapport qu’entretient la Province de France de l’Ordre
de Saint-Dominique à l’algérie et au conlit qui s’y manifeste. L’orientation
« algérie française » du couvent ne renvoie ni à une option a priori coloni-
satrice de cet ordre religieux dans son ensemble, ni à une stratégie délibérée
de ceux qui sont à la tête de la Province. elle est en premier lieu le résultat
d’un modèle d’implantation qui place ses membres dans une situation
d’ainité avec les colons. La manière qu’ont les religieux de concevoir leur
rayonnement à partir d’un couvent est en efet lourde de conséquences : en
ixant dès les premières années comme préalable à tout enracinement des
valeurs dominicaines la construction d’une vaste « Cité dominicaine » dont
le inancement devait pour l’essentiel être levé localement, auprès des idèles,
les prieurs successifs se sont placés dans l’impossibilité de rompre ou même
6. Voir à ce sujet l’itinéraire de Gilbert rufenach, rappelé comme oicier en algérie en 1958,
tangi Cavalin, « un prêtre de la Mission de France dans la guerre d’algérie », golias, 54, mai-
juin 1997, p. 68-75.
7. La lettre aux communautés, bulletin interne de la Mission de France, publie en mars 1958 les conclu-
sions de la session consacrée « aux problèmes posés par la guerre d’algérie ».
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17. Pierre Le Baut, « Chronique du couvent d’alger », ut sint unum, 1er novembre 1962, p. 184.
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18. ibid.
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Conclusion
en déinitive, pour la Mission de France comme pour l’Ordre des frères
prêcheurs, les modalités de la sortie de guerre, au-delà d’une com-
mune référence à la dimension missionnaire de l’Église, se sont avérées
étroitement dépendantes des positionnements prévalant au sein de la coni-
guration historique antérieure à 1962. La force de cette contrainte était telle
que le départ massif des populations européennes n’a pu qu’imparfaitement
l’efacer. Le jeu de miroirs entre ces deux composantes du catholicisme
distingue ainsi la rapide sortie de guerre de la Mission de celle, plus longue
et comme marquée par un phénomène d’hystérésis, des dominicains.
19. tangi Cavalin, nathalie Viet-Depaule, une histoire de la mission de France. la riposte missionnaire,
Paris, Karthala, p. 264-283.
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Brèves remarques en marge de la communication
de Nathalie viet-Depaule et tangi Cavalin
Pierre Le Baut
il est des jours, où des écailles vous tombent des yeux. Ce fut le cas pour
moi le 5 juillet 1962, fête nationale de l’indépendance algérienne, après le
référendum du 2 juillet. Dans l’euphorie de cette paix et pour participer à
la liesse populaire, dans la matinée, je décidai d’aller me mêler à la foule
algérienne et de parcourir la ville. Je descendis donc des hauteurs du chemin
Laperlier et en arrivant au Carrefour télemly/Saint-Saëns, en haut de la rue
Claude Debussy, pour ceux qui connaissent alger, je fus doublé par
un camion débâché, empli de jeunes illes algériennes, arborant des drapeaux
vert et blanc et lançant à gorge déployées leurs youyous triomphants. Je dois
dire que j’étais en costume dominicain, c’est-à-dire en grande robe blanche,
rappelant celle des Pères Blancs et donc symbole d’une mission de conver-
sion. en me voyant, ces illes enthousiastes me gratiièrent d’un immense
et collectif « bras d’honneur » qui disait bien ce qu’il voulait dire !
Le coup fut tel pour moi, vêtu surtout de ma bonne conscience d’euro-
péen libéral, que je réalisai en un instant ce que signiiait objectivement
mon costume et que j’étais l’incarnation du troisième des trois M qui
symbolisent la conquête coloniale : Militaires, Marchands, Missionnaires
ou les trois C : Conquête, Commerce, Conversion.
aussitôt, je revins sur mes pas, remontai au couvent et m’habillai en
civil. Je redescendis en ville et traversai tout alger de la rue Michelet à la
place du Gouvernement et la basse Casbah, entraîné par une foule rayon-
nante de joie et de ierté.
après les accords d’Évian du 19 mars 1962, après les crimes de l’OaS
et de l’exode des européens en avril-juin 1962, après l’euphorie des premiers
jours de l’indépendance (je parle bien sûr pour ceux – rares – qui sont
volontairement restés en algérie et pour ceux qui y sont venus ou revenus
alors), il fallut s’installer dans une société où nous n’avions plus de références
idéologiques ni d’appuis sociologiques. et nous avons mis un certain temps,
si je puis dire, à ne pas trouver l’équilibre d’une véritable algérianisation.
L’avenir devait montrer et montre encore cinquante ans après, qu’il n’était
107
Pierre le BAut
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BrèVes remArques
mes vœux de joyeux noël avec le souhait qui est une certitude, que l’an
prochain vous le fêterez dans la joie la plus sereine et la ierté d’avoir contri-
bué aux premières réalisations de la république algérienne, démocratique
et populaire. À tous et à toutes, je dis “Joyeux noël”. »
Ce texte, paru dans la presse algérienne le 23 décembre, a été publié en
extraits dans le monde du 26 décembre 1962. Le texte intégral de mon
sermon est paru dans la presse algéroise (la dépêche quotidienne d’Algérie)
le 26 décembre 1962. Chacun, à sa manière, exprimait ses convictions et
son optimisme.
notre spéciicité sacerdotale dans une vie professionnelle laïque était
rien moins qu’évidente. Dans une algérie musulmane, nous pouvions être
des religieux, à titre individuel et privé, des chrétiens portant leur témoi-
gnage personnel. Sans lien organique et sacramentel avec une communauté
pour laquelle nous avions été sacerdotalement ordonnés, nous n’avions plus
de raison d’être ou au moins d’être là et sans objectif missionnaire avoué
nous étions soupçonnables de prosélytisme secret. Le clergé paroissial local,
devenu aumônier des coopérants et des personnels d’ambassades, pouvait
encore s’aicher tel et justiier de façon très oicielle sa présence. Les
religieuses hospitalières et enseignantes, pour un temps, pouvaient être
désirées ou tolérées au titre de la bienfaisance à l’égard d’une « clientèle »
musulmane très solliciteuse. Mais nous, religieux dominicains, étions, me
semblait-il, en quelque sorte « réduits à l’état laïc ». Ceux qui le pouvaient
avaient pris un emploi laïc : François Chavanes dès juillet 1965 comme
fonctionnaire au ministère de l’agriculture, moi-même d’abord au minis-
tère des Habous (cultes) en janvier 1966 puis comme psychologue dans
diverses sociétés nationales algériennes (Sonatrach, Sonathyd, DnC-anP,
expansial), le frère Christian donnant quant à lui des cours du soir de
mathématiques. nous avions fait plus que revêtir l’habit laïc, nous en avions
adopté l’état. en algérie, nous étions des hommes comme les autres et
avions en un sens perdu notre identité. Bref, notre situation en algérie était
très ambiguë, avec aux yeux de certains, un relent de néo-colonialisme larvé
et un soupçon de prosélytisme rampant. ainsi, les quelques rares religieux
restés délibérément en algérie indépendante se sont-ils mis, chacun à la
mesure de ses compétences, professionnellement au service du pays,
vraiment sans aucune arrière-pensée.
en 1969 a été publié au Journal oiciel un décret, préparé depuis 1966
(je l’avais rédigé quand je travaillais au ministère des Habous) allouant
une rétribution aux ministres des cultes chrétiens (catholiques et protes-
tants) et israélite. Pour cela, il fallait être de nationalité algérienne, en charge
d’une paroisse et la rémunération était au plus bas de celle des imams,
sans évolution de carrière. Furent concernés moins de dix prêtres catholi-
ques, cohorte en voie d’extinction pour cause de décès ou de départ à la
retraite.
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L’Algérie,
les Accords d’Évian et l’OtAN
Jenny raflik-Grenouilleau
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l’Algérie, les Accords d’éViAn et l’otAn
De fait, dès 1949, Paris obtient que les départements français d’algérie
soient inclus dans la zone d’action de l’Otan. Par conséquent, lorsqu’à
partir de 1950 l’alliance met en place sa force armée intégrée, l’algérie est
concernée par des investissements importants au titre de l’infrastructure
commune et des installations permanentes, occupées par des troupes au
double statut, national et Otan (bases aériennes, zones d’entraînement).
Le prélèvement récurrent de divisions françaises afectées à la défense de
l’europe et envoyées par la France en algérie, au nom de la défense
commune, illustre néanmoins tous les malentendus entre la France et
l’Otan 7. À partir de 1954, la France retire progressivement trois divisions
d’allemagne (la 2e DiM, la 7e DMr et la 5e DB), privant ainsi l’Otan de
ses meilleures unités dans le secteur Centre europe. alors que les alliés
s’inquiètent de voir la France dégarnir la défense sur le rhin, les Français
répondent que le danger vient du Sud et qu’en défendant l’algérie ils défen-
dent l’europe. L’attitude de leurs alliés les encourage d’ailleurs. alors que
toutes les tentatives françaises pour obtenir l’inclusion dans l’Otan du
Maroc et de la tunisie échouent 8, les États-unis multiplient les demandes
de facilités dans ces territoires, au nom de la défense commune.
tout cela rend particulièrement complexe l’étude de la position de
l’Otan en aFn. L’essentiel des installations américaines est au Maroc,
mais sans statut Otan. Des installations françaises, en algérie, disposent
d’un inancement et donc d’un statut Otan, mais sans être pour autant
assujetties aux commandements atlantiques, puisque des conventions parti-
culières sont négociées. Là encore, la position française est d’ailleurs contra-
dictoire. en efet, si « l’algérie, c’est la France », les conventions applicables
aux forces alliées en métropole ne le sont pas en algérie.
Pour essayer de mieux comprendre ce que représente l’algérie pour
l’Otan, il faut donc analyser la réalité de son implantation sur le sol
algérien au moment des accords d’Évian.
7. Otan, iS005, PV d’une réunion du Conseil tenue au Palais de Chaillot, mercredi 17 novembre 1954,
à 10 h. 15, C-r(54)43, 19 novembre 1954.
8. Jenny raflik, « Élargissements et non élargissements, débats et opposition chez les décideurs français,
1950-1955 », dans l’europe et l’otAn face aux déis des élargissements de 1952 et 1954, Bruxelles,
Bruylant, 2005, p. 89-106.
9. Otan, aC/4-M/40, Comité de l’infrastructure, mémorandum du Contrôleur pour l’infrastructure,
directives techniques – installation de bases navales de l’infrastructure commune Otan,
23 juillet 1955.
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l’Algérie, les Accords d’éViAn et l’otAn
12. MaeF, Service des Pactes, 383, note de l’État-major de la défense nationale au service des Pactes,
n° 1519/eMGDn/aG/eX, sur les installations ayant bénéicié en algérie de inancement Otan,
15 mai 1961.
13. Chifres donnés par Jean-Charles Jaufret et Maurice Vaïsse (dir.), militaires et guérilla dans la guerre
d’Algérie, Bruxelles, andré Versailles, 2012.
14. Otan, aC/29-D/3, Groupe de travail sur la déinition de l’infrastructure commune, rapport au
Conseil, 20 janvier 1953.
15. ibid.
16. SHat 8Q252, étude du SGPDn sur le programme révisé d’infrastructure Otan, iVe tranche,
très secret, 10 décembre 1952.
17. MaeF, Service des Pactes, 383, lettre de Pierre de Leusse (Service des Pactes) au Secrétaire général
de l’Otan, 3 janvier 1961.
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l’Algérie, les Accords d’éViAn et l’otAn
26. MaeF, Service des Pactes, 383, note du service des Pacte à l’attention de M. Seydoux, en vue du
Conseil des ministres du 9 janvier 1962, a. s. l’indépendance de l’algérie et le champ d’application
de l’article 6 du traité, 4 janvier 1962.
27. MaeF, Service des Pactes, 383, note du service des Pactes en vue du Conseil des ministres,
a. s. indépendance de l’algérie et article Vi du traité de l’atlantique nord, 26 juin 1962.
28. MaeF, Service des Pactes, 383, télégramme de François Seydoux, rePan, n° 14, 16 janvier 1963.
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Jenny rAFlik-grenouilleAu
29. MaeF, Service des Pactes, 383, note du service des Pacte à l’attention de M. Seydoux, en vue du
Conseil des ministres du 9 janvier 1962, a. s. l’indépendance de l’algérie et le champ d’application
de l’article 6 du traité, 4 janvier 1962.
30. MaeF, Service des Pactes, 383, note du service des Pactes en vue du Conseil des ministres, a. s.
indépendance de l’algérie et article Vi du traité de l’atlantique nord, 26 juin 1962.
120
l’Algérie, les Accords d’éViAn et l’otAn
121
Jenny rAFlik-grenouilleAu
122
l’Algérie, les Accords d’éViAn et l’otAn
Conclusion
Sans pour autant revisiter la question algérienne, l’étude des rapports
entre l’Otan et les départements français d’algérie permet ainsi, au inal,
d’éclairer certains de ses aspects d’un jour nouveau à diférentes échelles :
qu’il s’agisse des liens entre guerre froide et guerre d’algérie, entre volonté
de grandeur et d’indépendance nationale, côté français ou bien encore entre
libération et indépendance nationale, côté algérien.
Ce qui est sûr est que la France n’eut pas le temps, ni sans doute le désir,
de poursuivre ses négociations avec les alliés de l’Otan au sujet des instal-
lations en algérie. La décision de quitter SaCLant, puis les commande-
ments maritimes en 1964 annonçait le retrait de la force intégrée en 1966.
et inalement la France évacua la base de Mers el-Kebir en 1968, bien avant
la in du bail. La France, en algérie, s’est trouvée une nouvelle fois en porte
à faux entre ses ambitions mondiales et impériales et ses moyens inanciers.
Si l’algérie était un facteur de puissance indéniable au sein de l’Otan,
pour les avantages géostratégiques qu’elle représentait, elle a aussi afaibli la
position française.
Obligée de se justiier pour les transferts de troupes opérés du secteur
Centre europe vers l’algérie, obligée de se justiier face à des opinions
publiques internationales majoritairement hostiles, en diiculté à l’Onu,
la France a perdu ses atouts militaires et a exacerbé la susceptibilité de ses
alliés. Demander beaucoup pour accorder peu... tel n’était pas le principe
de la défense commune de l’Otan.
37. MaeF, Services de liaison avec l’algérie, 1957-1966, 29QO/56, note du général d’armée ailleret,
chef d’État-major des armées, au ministre des afaires étrangères, a. s. infrastructure Otan en
algérie, n° 020eMa/OrG.4, 14 février 1963.
123
Jenny rAFlik-grenouilleAu
124
troisième partie
APrèS-GUerreS
Se définir Pied-noir :
l’impossible construction d’une identité politique
chez les Français d’Algérie rapatriés dans le Gard
Didier Lavrut
127
didier lAVrut
La gestion de l’urgence
Face à une situation de panique non anticipée et dont le caractère
déinitif n’est pas encore admis par les autorités, il faut gérer l’urgence et
mobiliser les énergies comme les volontés. Le 29 mai 1962, le Préfet réunit
pour la première fois un Comité départemental d’accueil chargé de
coordonner les actions de la Croix-rouge, des Ponts et chaussées, de la
municipalité, des associations catholiques et protestantes et de l’entraide
gardoise. On se répartit l’accueil en gare, le transport, la distribution des
repas et la gestion des 9 centres d’hébergements 4. À partir de juin 1962, le
1. Mohand Khellil et Jules Maurin (dir.), les rapatriés d’Algérie en languedoc-roussillon, 1962-1992,
Montpellier, université Paul Valéry Montpellier iii, 1992.
2. arch. dép. du Gard, Ca 1603.
3. arch. dép. de l’Hérault, 1188 W 2.
4. arch. dép. du Gard, Ca 1559.
128
se déFinir Pied-noir
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didier lAVrut
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se déFinir Pied-noir
14. Didier Lavrut, « Les associations de rapatriés : une histoire à construire. L’exemple du Gard et de
l’Hérault », la France en guerre 1954-1962. expériences métropolitaines de la guerre d’indépendance
algérienne, Paris, autrement, 2008, p. 309-315.
15. association nationale des Français d’afrique du nord d’Outre-mer et leurs amis.
131
didier lAVrut
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se déFinir Pied-noir
L’association passe des annonces, trouve des emplois, des logements, des
meubles, des poussettes, des vêtements pour bébés. elle aide les épouses des
activistes internés à l’ardoise en mai et juin 1962. elle s’associe à la Cimade
et au Secours Catholique à noël 1962 dans une grande campagne pour
ofrir des jouets aux 2 000 enfants de harkis de l’ardoise. elle fait le lien
entre les rapatriés et la presse. Jusqu’à l’automne 1962, les revendications
de l’association départementale concernent le logement et l’emploi et alain
de Cacqueray, convaincu de la bonne volonté du Préfet, collabore avec lui
sans contester son action. La période critique passée, les revendications
portent essentiellement – et cela jusqu’à l’automne 1963 – sur le reclasse-
ment, en particulier celui des petits agriculteurs. Ce n’est qu’à partir de l’été
1963 que le discours se fait plus radical, plus politique, portant sur l’indem-
nisation totale des biens et sur l’amnistie en faveur des activistes OaS.
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didier lAVrut
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didier lAVrut
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se déFinir Pied-noir
la politique dans les mois qui suivent l’exode 27. Les cantonales de 1964 ne
les mobilisent guère plus.
137
didier lAVrut
Conclusion
Se déinir Pied-noir en métropole au moment de la sortie de guerre
relève avant tout d’une entreprise politique dont les ressorts tournent autour
de trois idées : la détestation de de Gaulle, la douleur de l’exil et la convic-
tion que la France est débitrice. Être Pied-noir, c’est se reconnaître dans
cela. Pour autant, dès 1963 et surtout à partir de 1964, le reclassement
professionnel avec souvent de meilleurs revenus qu’en algérie ainsi que la
nécessité de dialoguer avec les autorités municipales ou préfectorales, font
que certains rapatriés s’engagent dans un rapport à la politique qui est avant
tout celui de la gestion de la cité. Yann Scioldo-Zürcher a montré tout le
processus par lequel les rapatriés sont devenus métropolitains. Se déinir
Pied-noir c’est au fond, après l’être devenu, rester métropolitain. et puisque
sans algérie, il n’y a plus de métropole, rester métropolitain c’est continuer
28. « La liste tailhades est le seul rempart contre le succès communiste. aussi, au nom du combat
commun que nous avons mené et perdu ensemble pour votre maintien en algérie, je vous demande
de ne pas écouter les mauvais bergers partisans de la politique du pire » [arch. dép. du Gard, Ca
1757].
29. le Provençal, 20 mars 1965.
30. id.
31. arch. dép. du Gard, Ca 1757, rapport du 9 février 1965.
32. id.
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139
Sorties de guerre sur la Côte d’Opale
(1962-1963)
Marc Coppin
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mArc coPPin
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sorties de guerre sur lA côte d’oPAle
Le soutien à de Gaulle
Les repères idéologiques sont bouleversés par l’issue politique du conlit.
La solution négociée, le canard enchaîné l’attend de la gauche au pouvoir.
Dès octobre 1958 à propos de la politique du général de Gaulle :
« Ce sabre est en train d’accomplir un prodige. il ouvre une voie dans
laquelle Pierre Mendès France lui-même aurait hésité à s’engager... Que
dois-je faire sinon dire : bravo ?... C’est un monde, avouez-le, qu’un général,
même en retraite, se mette à faire le boulot du chef du Parti socialiste, que
dis-je ? À réparer les dégâts causés par celui-ci. Jules Guesde s’en arracherait
la barbe. Quelle époque de c... 21 ! »
C’est un militaire classé à droite et accusé de surcroît de « coup d’État »,
qui prend l’initiative de provoquer l’autodétermination et devient dès lors,
la cible des tenants de l’algérie française.
Les désaccords de la gauche apparaissent au grand jour lorsque les
accords d’Évian, entrés en vigueur le 19 mars 1962, doivent être ratiiés par
les Français. Le PSu – section de Calais – comme le Sni, appelle dans
une tribune libre à répondre « oui à la paix et non au pouvoir personnel 22 ».
alors que le PCF, qui rappelle avoir « proposé cette solution dès les premiers
jours de la guerre en novembre 1954 », prône une décision contraire :
« Malgré l’hostilité de principe de notre Parti au système de référendum,
notre opposition irréductible au pouvoir personnel et à la malfaisance de
sa politique, considérant avant tout l’intérêt de la paix et de la France, nous
vous appelons à répondre Oui 23... »
nord littoral prend très clairement position en faveur du « oui » :
« Comme le faisait remarquer pertinemment le brillant chroniqueur du
canard enchaîné, Morvan Lebesque, c’est la première fois que le peuple est
appelé à décider de la in d’une guerre [...] Votez Oui... Pour que tous nos
jeunes soldats reviennent rapidement d’algérie [...] Pour que soit écrasée
la menace fasciste qui pèse sur la France. Pour que soit réduite la durée du
service militaire 24. »
L’éditorial résume bien à la fois la lassitude devant la longueur du conlit
qui a conduit à l’éloignement, à la séparation d’avec les jeunes appelés du
littoral et la peur de voir triompher l’extrême-droite au détriment de la
démocratie.
21. Laurent martin, « L’honneur du canard enchaîné », l’Histoire, n° 292, 2004, p. 48 sq.
22. nord littoral, 4 avril 1962, p. 2.
23. nord littoral, 6 avril 1962, p. 2.
24. nord littoral, 8 avril 1962.
145
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146
sorties de guerre sur lA côte d’oPAle
28. Yves-Marie Hilaire, Bernard Ménager (dir.), Atlas électoral nord-Pas-de-calais, 1946-1972, univer-
sité de Lille 3, éditions universitaires, 1972, p. 74.
29. Ibid., p. 76.
30. arnaud Brécy, la vie municipale dans la commune de saint-martin-Boulogne depuis 1945, mémoire
de Maîtrise, uLCO [P. Villiers, B. Béthouart (dir.)], 1997.
147
mArc coPPin
148
sorties de guerre sur lA côte d’oPAle
réinsertions et insertions :
parcours d’appelés et d’expatriés
reprendre une vie normale, se réadapter, c’est avant tout retrouver le
climat de la Côte d’Opale, reprendre ses habitudes, retrouver famille, amis
et vie professionnelle. Beaucoup d’appelés sont dépaysés, perdus à leur
retour. Ce retour tant attendu est parfois source de déception, pour cause
d’absence de la femme aimée qui n’a pas su attendre, de diicultés à recons-
truire une situation sociale. Mal préparés pour cette guerre, les appelés du
littoral ont mal préparé leur retour. ils ne peuvent oublier un conlit qui les
a profondément déstabilisés.
Presque pour tous se dégage un sentiment de frustration car le départ
retarde l’entrée dans la vie professionnelle, le passage d’examens ou un futur
mariage. Les pouvoirs publics prennent toute une série de dispositions,
visant à garantir l’emploi de ceux que les événements d’algérie ont conduits
ou maintenus sous l’uniforme. Quelques exemples 37.
« La loi du 27 mars 1956, modiie en faveur des rappelés l’article 25
du Livre i du Code du travail : le contrat de travail ou d’apprentissage ne
peut être rompu pour cause d’obligations militaires. La durée des services,
à compter de la date du rappel, entre en compte pour la détermination de
l’ancienneté dans l’entreprise. Les militaires rappelés ont également l’entier
bénéice de l’article 54 g du Livre ii du Code du travail, relatif aux congés
payés. tout militaire du contingent ayant manifesté son désir de réoccuper
l’emploi qui était le sien avant son incorporation doit, selon la loi, être
réintégré dans l’entreprise dans le mois qui suit le retour à la vie civile. »
Comme vétérinaire, Jean-Pierre Comiant a dû actualiser ses connaissances
après avoir été appelé sous les drapeaux de novembre 1959 à février 1962 38.
De nombreux appelés originaires du littoral de la Côte d’Opale ont, tout au
contraire, facilement retrouvé le chemin de la vie active. Jean Gardy savait
trois mois avant de rentrer déinitivement en métropole quelle était son
afectation en tant qu’instituteur débutant. Libéré en novembre 1962, il a
commencé à travailler tout de suite, sans formation préalable ! La réinser-
tion sur le marché du travail de M. Masson, de Gouy-Saint-andré, a dû
37. Frédéric Médard, « Les dispositions sociales relatives à la protection des militaires appelés, rappelés
ou maintenus, 1954-1962. », in Jean-Charles Jauffret (dir.), des hommes et des femmes en guerre
d’Algérie, Paris, autrement, 2003, p. 416.
38. Les témoignages qui suivent ont été recueillis par l’auteur.
149
mArc coPPin
être facilitée par le pécule qu’il a ramené de son séjour de deux ans dans le
Sahara, entre 1960 et 1962. « Je suis revenu avec 220 000 francs d’écono-
mies. Là-bas, il n’y avait rien à dépenser. » D’autres ont le sentiment d’avoir
perdu deux ans d’avancement dans leur carrière. ils sont en tout cas plusieurs
à penser que leur service aura été une perte de salaire « pour une voiture,
un mariage ».
Pour les expatriés, l’insertion est encore plus diicile, si loin des rivages
de la Méditerranée. Dans muriel ou le temps d’un retour d’alain resnais,
qui se déroule en 1963 à Boulogne-sur-Mer, alphonse évoque les 15 années
à alger, où il était gérant d’un café :
« un bien beau pays, les plus belles années de ma vie, on ne peut pas se
faire à l’idée qu’on a quitté tout ça. il me faudra du temps, beaucoup de
temps, avant que je puisse parler à cœur ouvert de ce sujet. »
Le rapport des rG du 6 septembre 1962, décrit la population rapatriée
présente dans le département du Pas-de-Calais 39. Le nombre total des
réfugiés d’algérie recensés au 31 août est de 1 243, soit 350 hommes,
405 femmes, 488 enfants. ne sont pas compris dans ces statistiques les
450 fonctionnaires dont près de 400 appartiennent à la Police et le millier
de membres de leurs familles. Dans leur majorité, les rapatriés d’algérie, au
moins pour ceux qui n’appartiennent pas à la fonction publique, sont aigris
et désabusés. ils ne cachent pas leur ressentiment envers le gouvernement
qui, d’après eux, ne s’est absolument pas soucié du sort que sa politique leur
réservait. Certains airment que leurs intérêts ont été totalement sacriiés.
ils entretiennent cependant en général de bonnes relations avec les métro-
politains bien qu’ils reprochent assez souvent à ceux-ci de « ne pas les com-
prendre ». Chez les fonctionnaires l’état d’esprit est un peu diférent.
D’abord, un certain nombre d’entre eux, notamment parmi ceux qui ne
sont pas originaires d’algérie, se montrent moins sévères à l’égard du gou-
vernement. Surtout, ils n’ont pas le souci de trouver un emploi. enin, la
plupart se déclarent satisfaits de l’accueil qu’ils ont reçus dans leurs services
respectifs et rendent hommage à la gentillesse dont leurs collègues métro-
politains ont fait preuve à leur égard lors de leur arrivée.
Le problème de l’emploi est beaucoup plus sérieux. Le nombre des
rapatriés non fonctionnaires ayant repris une activité professionnelle
demeure faible. ils répugnent en général à accepter une profession autre que
la leur et à se satisfaire d’un salaire inférieur à celui qu’ils avaient en algérie
et qui ne leur permettrait pas de retrouver un niveau de vie analogue à celui
qu’ils ont eu jusqu’alors. nombreux sont ceux qui préfèrent épuiser les
délais qui leur sont impartis pour le choix d’une profession et vivre de leur
indemnité de subsistance qui, par le jeu de la prime géographique, est assez
souvent supérieure au salaire qui leur est ofert. il semble que certains
39. aD du Pas-de-Calais, 1W44505, document soumis à dérogation.
150
sorties de guerre sur lA côte d’oPAle
employeurs hésitent à embaucher des rapatriés, car ils craignent que des
incidents éclatent entre ceux-ci et leurs camarades de travail métropo-
litains.
L’apport économique constitué par les rapatriés d’algérie est considéré
comme absolument négligeable dans le Pas-de-Calais. Sur le plan politique,
ils accordent leur sympathie aux organisations hostiles au gouvernement,
mais compte tenu de leur faiblesse numérique et de leur dispersion, ils ne
sont pas susceptibles de modiier la physionomie politique ni à l’échelon
départemental, ni même dans les localités où ils se trouvent. ils seraient du
reste incapables de former, sous le couvert de la défense de leurs intérêts
particuliers, une organisation politique de quelque puissance.
Les blessures de la communauté rapatriée sont sans doute davantage
d’ordre mémoriel plutôt que pécuniaire. Le ressentiment porte d’abord sur
ce qu’ils sont nombreux à considérer comme une trahison à la parole
donnée, comme antoine tomi, installé au touquet :
« Même maintenant, pour moi de Gaulle c’est un grand homme, car il a
fait beaucoup pour la France pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais
pour la guerre d’algérie, pour moi, c’est un type qui a trahi, c’est tout,
je le ressens comme ça... Quand il y a eu les attentats contre de Gaulle, si
j’avais pu être parmi cette bande là, je l’aurais fait, je l’aurais fait volon-
tiers 40. »
Le ressentiment ne s’exprime pas à l’encontre de la population, mais
bien envers le gouvernement.
Des harkis s’installent également à Dunkerque, après un long séjour,
4 ans parfois, dans des camps comme celui de Saint-Maurice-l’ardoise.
en 1964, la population harki dans le nord de la France compte entre
1 500 et 2 000 individus très inégalement répartis 41. Dans l’aggloméra-
tion dunkerquoise 102 familles sont présentes, soit 714 personnes. Pour
le Pas-de-Calais, 78 familles sont recensées. Par contre, pour l’espace
littoral du département, le nombre des ex-supplétifs musulmans est extrê-
mement faible 42. La grande majorité des harkis réside dans le bassin minier.
Peu d’algériens s’installent sur la Côte d’Opale, à l’exception de l’agglomé-
ration de Dunkerque en raison de la présence du gigantesque complexe
sidérurgique d’usinor. environ 500 personnes sur les 23 405 que compte
la région en 1962 43. un certain ressentiment s’exprime chez les rapatriés à
l’égard des algériens en général et des travailleurs immigrés en particulier.
40. « la guerre d’Algérie. témoignages 1954-1962 », travail réalisé par les élèves de la section vente action
marchande du lycée professionnel de Montreuil-sur-Mer et leurs professeurs d’histoire géographie
et de mathématiques, année scolaire 2004-2005.
41. nordine Boulhaïs, des harkis berbères de l’Aurès au nord de la France, Villeneuve d’ascq, Presses
universitaires du Septentrion, 2002, chap. Vi.
42. aD du nord, 1624W258, document soumis à dérogation.
43. ali Salah, la communauté algérienne dans le département du nord, université de Lille iii, Éditions
universitaires, Paris, 1973.
151
mArc coPPin
en écho à la guerre
Des blessures ont laissé leur empreinte indélébile sur d’innombrables
appelés originaires du littoral. irrémédiablement marqués sur le plan
psychologique, des soldats ont dû faire appel au monde médical pour
apprendre à vivre avec leurs souvenirs, à surmonter ce que l’on appelle
aujourd’hui le PtSD ou post traumatic stress disorder. Parmi les souvenirs
stressants, il y a la peur récurrente pendant les gardes de nuit, la crainte de
mourir dans une terre inconnue lors d’une embuscade et surtout la mort
des camarades. Les pouvoirs publics instaurent diverses mesures de protec-
tion, dont certaines relèvent des lois d’exception, dérogeant au droit
commun français. La loi n° 55-1074, du 6 août 1955 permet de faire bénéi-
cier les personnels militaires participant à des opérations de maintien de
l’ordre hors de la Métropole, de dispositions légales ou réglementaires du
Code des pensions d’invalidité et victimes de guerre et de l’ensemble des
dispositions prévues en matière de blessures au combat qui, normalement,
sont appliquées seulement en temps de guerre 44.
Face à cette non-guerre, la mémoire des anciens combattants de la
Côte d’Opale est une « mémoire du désarroi » selon l’expression de
Claire Mauss-Copeaux 45. Face à un passé jugé honteux par ceux qui ne
retiennent de cette guerre que ses aspects coloniaux les plus abjects, ils se
sentent oubliés et abandonnés, prisonniers d’une chape de silence.
Jacques Hotille, de Cucq, garde le souvenir de l’incompréhension de ses
proches :
« Lorsque je suis rentré d’algérie et que je parlais des “événements” de
là-bas, je n’étais pas toujours bien compris ; il m’arrivait parfois même d’être
l’objet de remarques plus ou moins désobligeantes ; j’avais donc décidé de
ne plus en parler 46. »
Jean Fourcroy de Boulogne-sur-Mer s’est tu longtemps :
« Mon paquetage rendu, j’ai laissé mes souvenirs avec. J’ai repris mon
travail la semaine suivante. Je n’ai plus parlé de l’algérie pendant 40 ans,
sauf avec ceux qui l’on faite 47. »
Pourtant les souvenirs sont intacts. Le plus dur est de réussir à les
partager avec d’autres personnes que ses frères d’armes, avec ses proches, ses
enfants notamment. Mais la volonté de perpétuer le souvenir se heurte
parfois à une véritable peur, celle que personne ne puisse comprendre ce
44. Frédéric Médard, « Les dispositions sociales relatives... », loc. cit., p. 416.
45. Claire Mauss-Copeaux, Appelés en Algérie. la parole conisquée, Paris, Hachette-Littératures, 1998,
rééd. 2001.
46. Comité local de Montreuil-sur-Mer et environs de la Fédération nationale des anciens Combattants
en afrique du nord, nous avons accompli notre devoir, Éditions Henry, Montreuil-sur-Mer,
juin 2008.
47. témoignage recueilli par l’auteur.
152
sorties de guerre sur lA côte d’oPAle
qui a été vécu. Cela peut favoriser le mutisme. Paul Levray, de la FnaCa
de Calais a un ils qui n’a jamais vu ses albums photos « Je ne pense pas
qu’il comprendrait. » Le souvenir de la mort et des exactions est extrême-
ment douloureux. « On n’oublie pas mais vaut mieux ne pas trop soulever
ces moments-là qui ne peuvent que remuer des souvenirs douloureux et de
la haine 48. »
Conclusion
Les habitants de la Côte d’Opale semblent s’être assez vite résignés à la
perte de l’algérie. Lieu de repli ou d’exil, le littoral accueille plusieurs
centaines de rapatriés, dans une relative indiférence. trop peu nombreux
pour constituer des ghettos ou former des groupes de pression, les Pieds-
noirs désireux de rester sur la Côte d’Opale s’insèrent assez rapidement. Peu
de harkis s’installent sur le littoral, à l’exception de l’agglomération dunker-
quoise à la recherche de main-d’œuvre pour son gigantesque complexe
sidérurgique. C’est également vers Dunkerque que s’oriente l’immigration
algérienne, tant les besoins d’usinor sont importants.
Les échanges commerciaux entre le littoral et l’algérie, principalement
constitués de vin, suscitent une activité économique et portuaire proitable
en particulier à Calais et Dunkerque. Mais après l’indépendance, la Côte
d’Opale proite de sa proximité géographique avec l’europe du nord. La
politique de grandeur et d’indépendance nationale du chef de l’État fait
oublier la perte de la principale colonie du pays d’autant plus facilement
que la Côte d’Opale est la partie du territoire métropolitain la plus éloignée
de la Méditerranée.
Parmi les appelés du littoral, 378 perdent la vie en algérie. Presqu’aucune
commune n’est épargnée par la mort. Les autres tentent de reprendre
une vie normale, mais les blessures morales et psychiques, le stress post-
traumatique, perdurent bien au-delà du cessez-le-feu. Souvent aigris et
prématurément vieillis par l’expérience de la guerre, les soldats de la Côte
d’Opale ne comprennent pas pourquoi ils se sont battus pour une terre que
l’opinion a très majoritairement laissé évoluer vers l’indépendance. ils savent
par contre que rien ne peut leur rendre leur jeunesse perdue si loin des
leurs.
aussitôt les accords d’Évian signés, les Français se sont empressés de
tourner la page, d’oublier le passé colonial. Longtemps considéré comme
synonyme de décadence, l’abandon de l’algérie est très vite ressenti comme
un soulagement pour la région.
153
La vie politique
à la in de la guerre d’Algérie en Bretagne
(1958-1962)
Christian Bougeard
1. Pour une vue d’ensemble : Jacqueline Sainclivier, la Bretagne de 1939 à nos jours, rennes, éditions
Ouest-France, 1989.
2. ainsi l’uDSr rené Pleven, deux fois président du Conseil, les MrP andré Colin, andré Monteil
et Pierre-Henri teitgen, les socialistes tanguy Prigent et Jean Le Coutaller, le radical-socialiste andré
Morice et le CniP raymond Marcellin. Dans la législature de 1956 à 1958, pas moins de six députés
de Bretagne participent aux gouvernements.
155
cHristiAn BougeArd
déterminant dans les nombreux votes émis de 1958 à 1962 ? toute une série
de facteurs sont à l’œuvre et l’évolution tortueuse de la guerre d’algérie n’en
est qu’un élément. il faudrait tenir compte des mutations économiques et
sociales en cours dans une région agricole confrontée à l’entrée dans le marché
commun de l’europe des Six et à la modernisation de ses structures, mais
aussi agitée par de violentes manifestations paysannes en 1961 et 1962.
3. Jean Pascal, les parlementaires bretons de 1789 à 1983, Paris, PuF, 1983.
4. Christian Bougeard, « Le basculement à gauche de la Bretagne. Les grandes étapes d’une implan-
tation réussie de 1958 à 1981 », in Laurent Jalabert (dir.), les gaullistes dans l’ouest atlantique dans
les élections léglislatives de 1958 à 1981, rennes, Pur, 2013, p. 55-71.
156
lA Vie Politique à lA Fin de lA guerre d’Algérie en BretAgne
157
cHristiAn BougeArd
9. Christian Bougeard, tanguy Prigent, paysan ministre, op. cit. ; Christian Bougeard, « Origines
et implantation du PSu en Bretagne : les fédérations des Côtes-du-nord et du Finistère », in
tudi Kernalegenn, François Prigent, Gilles richard, Jacqueline Sainclivier (dir.), le Psu vu
d’en bas, rennes, Pur, 2009, p. 45-57.
158
lA Vie Politique à lA Fin de lA guerre d’Algérie en BretAgne
159
cHristiAn BougeArd
160
lA Vie Politique à lA Fin de lA guerre d’Algérie en BretAgne
12. Les indépendants siègent dans le groupe parlementaire indépendants et Paysans d’action Sociale
(iPaS).
13. Les autres députés sont Olivier de Sesmaisons (CniP, élu depuis 1945) à ancenis, Henri robichon
à nantes 3, Jean de Grandmaison à Paimbœuf.
14. ayant appuyé le retour de de Gaulle aux afaires, ils ont eu l’assurance de l’unr en gestation de ne
pas avoir d’adversaire gaulliste. Jean Crouan doit pourtant afronter, outre un MrP, Suzanne Ploux,
candidate « indépendante gaulliste » qui se désiste en sa faveur (erwan Crouan, Jean crouan
1906-1985. un notable inistérien dans la tourmente du XXe siècle, maîtrise d’histoire, uBO, Brest,
2001, p. 167-169).
15. Selon son témoignage recueilli par Sébastien Pocquet, de Poulpiquet n’aurait été investi par l’unr
qu’entre les deux tours car « ils ont vu que j’allais gagner » (Sébastien Poquet, les élus du Finistère
et la guerre d’Algérie (1958-1962), maîtrise d’histoire, uBO, Brest, 1997).
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cHristiAn BougeArd
16. La candidate de l’unr Corentine Piriou, 12,3 % des voix au 1er tour, est dépassée par un gaulliste
de gauche. Yves Jaouen, battu, démissionne de son mandat de maire.
17. Pierre Dathanat, l’unr et les gaullistes dans le Finistère de 1953 à 1969, maîtrise d’histoire, uBO,
Brest, 2001.
18. L’ancien rPF Victor Golvan est élu sénateur unr du Morbihan en 1958.
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90,7 % des Français et 94,5 % des Bretons [carte 3]. tous les partis ont
appelé à voter « oui » sauf le PSu qui s’est prononcé de fait pour un vote
nul 31.
avec la in de la guerre d’algérie, la vie politique reprend ses droits. Le
27 avril 1962, la coniance au nouveau gouvernement de Georges Pompidou
n’est votée que par 21 députés de Bretagne, deux contre (Pleven et
Bourdellès mécontents d’une réponse du premier ministre sur les questions
européennes) et 10 abstentions (4 MrP et 6 indépendants dont Lombard
et Pinvidic). Quelques-uns votent les motions de censure du 5 juin (contre
le chaos algérien) et du 11 juillet 1962 sur la politique nucléaire (6 MrP
sur 8). Le général de Gaulle veut rebattre les cartes du jeu politique pour
consolider les institutions après plusieurs tentatives d’attentats de l’OaS
contre sa personne.
L’implantation de l’unr en Bretagne paraît encore fragile. aux élections
sénatoriales du 23 septembre 1962, le député Jean Crouan, président du
Conseil général du Finistère depuis 1951 souhaite rejoindre le Sénat. avec
l’accord du CniP qui est dans la majorité, il prépare une liste avec les
gaullistes (3 indépendants et l’unr Yves Le Bot) qui peut espérer
deux sièges. Mais au second tour, ce sont les 4 MrP qui l’emportent.
Plusieurs facteurs expliquent cet échec dont en premier lieu l’opposition de
plusieurs CniP à l’alliance avec les gaullistes du fait de l’indépendance de
l’algérie. Pinvidic et Lombard auraient fait voter pour le MrP. La profes-
sion de foi de la liste airmait « qu’il n’y avait plus d’autre solution, à moins
d’envisager une guerre sans in et avec l’engloutissement de la substance
nationale, la in de la république et de notre propre indépendance 32 ».
ensuite, l’annonce par le ministre des transports d’une réforme tarifaire de
la SnCF défavorable aux transporteurs et aux agriculteurs bretons a sans
doute joué.
Mais c’est la crise politique déclenchée à l’automne 1962 par la réforme
du mode d’élection présidentielle qui va provoquer un bouleversement à
droite du paysage politique breton. Formés dans la culture politique parle-
mentaire du premier modèle républicain, les députés de droite et du centre
n’acceptent pas la manière de procéder du général de Gaulle : le recours au
référendum plutôt qu’au parlement. Le 5 octobre 1962, 280 députés votent
la censure du gouvernement Pompidou proposée par Paul reynaud. au
moins 24 députés bretons MrP, centristes et indépendants de droite ont
voté pour dont Jean Crouan et le Dr Le Duc, par discipline de parti semble-
t-il. Deux unr sur six l’ont aussi votée dont Bernard Le Douarec qui est
intervenu dans le débat à l’assemblée et a quitté le groupe unr le
4 octobre alors que ses collègues Poulpiquet et l’abbé Laudrin défendaient
31. La consigne est d’inscrire sur le bulletin : « Oui à la paix en algérie. non à de Gaulle ».
32. erwan Crouan, op. cit., p. 179-183.
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la réforme 33. absent le jour du vote (maladie), Hervé nader a fait voter
pour censurer le gouvernement, ce qui lui vaut d’être exclu de l’unr.
en revanche raymond Marcellin a voté contre, ce qui est logique car il
est redevenu ministre de la Santé publique et de la Population dans le
gouvernement Pompidou (mai 1962-janvier 1966). C’est aussi le cas
de Yves du Halgouët, d’isidore renouard et du MrP de Guingamp,
alain Le Guen.
rené Pleven souligne que pour ceux qui avaient répondu à l’appel de
l’homme du 18-Juin, ce choix a été diicile mais au nom d’une lecture
parlementaire de la Constitution il fait campagne pour le « non » car la
décision du référendum est « entachée de très grave illégalité » et il ne
veut pas s’associer « à la violation de la Constitution 34 ». Cette analyse
relète la position des centristes, dont le MrP qui a rompu avec de Gaulle
sur la politique européenne, de nombreux indépendants, mais pas de
tous. Quelques jours après avoir censuré le gouvernement, Crouan et
Le Duc appellent à voter « oui » au référendum du 28 octobre 1962 au nom
de la stabilité du pays. Les partis de gauche sont pour le « non » alors
que de Gaulle met en garde contre « une majorité faible, médiocre et
aléatoire ».
La réponse de l’électorat est sans ambiguïté puisque le « oui » obtient
74,4 % en Bretagne pour seulement 61,7 % au niveau national (avec
une abstention de 22,8 %). Les Côtes-du-nord n’ont donné que 69,1 % et
même 39,1 % de « non » dans la circonscription de Guingamp. Dans les
régions de droite, le « oui » lirte avec les 82-87 % [carte 4]. L’agitation
paysanne de 1962 sur les questions tarifaires n’a pas pesé. au contraire,
l’électorat breton a désavoué ses notables traditionnels et il semble en passe
de se convertir au gaullisme.
Le général de Gaulle ayant dissout l’assemblée le 10 octobre, des
élections législatives se déroulent les 18 et 25 novembre 1962. Des sortants
comme Joseph Pinvidic et Jean Crouan ne se représentent pas laissant le
champ libre à des unr. une association pour la Ve république, pilotée
par andré Malraux, distribue les investitures. Ces élections sont marquées
en Bretagne comme en France par une forte poussée de l’unr (233 sièges)
au détriment des indépendants, sauf la fraction giscardienne qui a appelé à
voter « oui » et se regroupe entre les deux tours dans le groupe des
républicains indépendants (ri – 36 députés). avant les élections, le général
de Gaulle a imposé la fusion des gaullistes de gauche de l’union démocra-
tique du travail (uDt) de Louis Vallon avec l’unr, ce qui permet de
ratisser plus large.
Ce scrutin est ouvert en Bretagne avec 152 candidats dont 65 de gauche.
La poussée gaulliste y est particulièrement marquée car ses 26 candidats du
33. Journal oiciel. Assemblée nationale. 4 et 5 octobre 1962, p. 3231-3269.
34. le Petit Bleu des côtes-du-nord, « Le choix diicile », 27 octobre 1962.
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Carte 4. – le référendum du 28 octobre 1962 sur l’élection du chef de l’état au sufrage universel direct.
cHristiAn BougeArd
1er tour passent de 16,5 % des voix en 1958 à 28,6 % en 1962. au soir du
second tour, la Bretagne envoie 16 unr-uDt à Paris. C’est un vrai raz de
marée dans le Finistère (36,7 % des voix au 1er tour, 6 députés sur 8) et en
Loire-atlantique (28,8 % des voix, 5 sur 8) [carte 5]. Dans le Finistère,
Gabriel de Poulpiquet est réélu au 1er tour avec 73,8 % des voix. À Quimper,
le militant roger Évrard prend le relais de l’incontrôlable Hervé nader qui
est désavoué (14,4 % au 1er tour). Prolongeant leur duel sur la guerre
d’algérie, l’afrontement est très dur à Brest entre Georges Lombard et
Charles Le Goasguen. Le gaulliste l’emporte dans une triangulaire avec
l’ancien député communiste Gaby Paul. À Douarnenez, Gabriel Miossec
s’impose avec 70,5 % contre Xavier trellu. À Landivisiau, antoine Caill
prend la relève de Joseph Pinvidic jusqu’en 1976. enin, la situation est très
confuse à Châteaulin pour assurer celle de Jean Crouan. Suzanne Ploux,
déjà candidate « gaulliste indépendante » en 1958, ne l’emporte qu’avec
33,3 % des voix dans une quadrangulaire avec un MrP, un SFiO et un
centriste radical.
en Loire-atlantique, les trois circonscriptions nantaises sont gagnées au
2e tour contre des socialistes : Henry rey est réélu à nantes-1, albert Dassié
est élu à nantes-2 (jusqu’en 1973 sauf en 1967-1968), Benoît Macquet à
nantes-3-rezé (jusqu’en 1978). Pierre Litoux l’emporte à Guérande où
Bernard Le Douarec ne s’est pas représenté et Lucien richard à Paimbœuf
contre l’indépendant sortant Jean de Grandmaison.
Dans le Morbihan, l’abbé Laudrin (73,6 % au 1er tour) est renforcé par
Maurice Bardet (57,6 %) élu à Lorient contre le communiste Jean Maurice.
en ille-et-Vilaine, l’unr n’obtient que deux sièges, perdant celui de
Fougères, ce qui ne relète pas sa forte poussée électorale (un tiers des voix
au 1er tour). Le général Guillain de Bénouville ne s’est pas représenté car il
s’est opposé à la politique algérienne du Général et a été exclu de l’unr.
À rennes-sud, l’avocat François Le Douarec, le frère de Bernard (Guérande),
bat le sortant Henri Jouault (Cni) ; il sera réélu jusqu’en 1981. On voit
aussi le « parachutage » à Saint-Malo, souligné dans la presse locale et natio-
nale (France observateur), d’Yvon Bourges qui a des attaches familiales en
ille-et-Vilaine. C’est un haut-fonctionnaire qui a fait carrière en afrique
noire (gouverneur général d’aeF en 1958) et est devenu en 1961 le direc-
teur de cabinet du ministre de l’intérieur, roger Frey 35. À la recherche
d’un point de chute électoral, le décès du maire de Dinard lui permet
en juin 1962 de prendre la succession. en novembre, il l’emporte au 2e tour
avec 77,3 % des voix, car il a bénéicié du désistement du député sortant
MrP Georges Coudray contre un communiste. Les Côtes-du-nord, où les
centristes ont recueilli 42,9 % des voix au 1er tour, restent toujours rétifs au
gaullisme même si l’entrepreneur en bâtiment robert richet (unr-uDt,
35. Jacqueline Sainclivier, « Yvon Bourges et le gaullisme en Bretagne (1962-1978) », l’ouest dans les
années 1968, op. cit., p. 175-186.
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lA Vie Politique à lA Fin de lA guerre d’Algérie en BretAgne
Carte 5. – les députés élus en Bretagne lors des élections législatives de novembre 1962
(les chifres indiquent les numéros du département et de la circonscription).
cHristiAn BougeArd
Conclusion
De 1958 à 1962, la guerre d’algérie a eu un double efet électoral
durable en Bretagne. D’une part, on note un afaiblissement de la gauche
36. isidore renouard est réélu à redon.
37. il s’agit de Marie-Madeleine Dienesch et alain Le Guen (Côtes-du-nord), Louis Orvöen (Finistère),
Henri Fréville et alexis Méhaignerie (ille-et-Vilaine), Christian Bonnet et Paul ihuel (Morbihan).
174
lA Vie Politique à lA Fin de lA guerre d’Algérie en BretAgne
PCF 6 0 0
SFiO 5 0 1
PSa-PSu 0 1
radical-socialiste 1
uDSr-Centristes 1 3 3+1
MrP 13 12 7
indépendants et paysans-CniP 8 12 4
Poujadistes : 4 5 0
+ 1 non-inscrit
Gaullistes, républicains-sociaux, unr 0 6 16
Nombre de députés 39 33 33
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Les socialistes bretons
face au choc de la guerre d’Algérie :
générations, recompositions, trajectoires
François Prigent
177
FrAnçois Prigent
Événement algérien
et crise de la gauche socialiste bretonne
Les recompositions partisanes induites par le renouvellement des généra-
tions 3 militantes et l’ombre portée du conlit algérien invitent à repenser la
périodisation de l’implantation socialiste en Bretagne. en efet, la révolu-
tion gaulliste et la guerre combinées font des années 1958-1962 une césure
majeure pour les milieux socialistes. Forgés dans les années 1930 puis
consolidés en 1944-1947, ces cercles explosent alors, entraînant la déstabi-
lisation du système partisan régional. en résultent de nouveaux équilibres 4
entre les forces politiques, redéinissant les contours des sensibilités et des
cultures partisanes. Ces événements inluent en profondeur sur les trajec-
toires militantes et se trouvent bien souvent à la source des engagements
socialistes. Plus largement, le clivage entre la Section Française de l’inter-
nationale Ouvrière (SFiO) et le Parti Socialiste uniié (PSu) sur la question
algérienne afecte les générations militantes qui intègrent et contrôlent le
milieu partisan du PS dans les années 1970.
On peut même soutenir que cette cassure politique conirme l’idée
d’une sortie du socialisme – i. e. ancienne manière – par la guerre d’algérie.
aux législatives de novembre 1958, la SFiO perd ses sept sièges de députés
acquis en janvier 1956 5 avant un rebond électoral en mars 1962, limité au
retour au Parlement des anciens espoirs du Front Populaire : François
Blancho à Saint-nazaire (SFiO), tanguy Prigent à Morlaix (PSu) 6. aux
cantonales (mars 1958, mars 1961), la formation de groupes séparés de la
SFiO et du PSu contribue à réduire l’inluence socialiste 7. Les municipales
de mars 1959, à l’instar de la perte de la mairie de Lorient par la SFiO en
partie liée aux divisions face à la guerre d’algérie 8, conirment la sanction
3. Christophe Bouneau et Jean-Paul Callède (dir.), Figures de l’engagement des jeunes : continuités et
ruptures dans les constructions générationnelles (à paraître, actes du colloque GeneratiO, Bordeaux
4-5 avril 2013).
4. C’est le sens de l’étymologie du mot « crise » en grec.
5. Jean Le Coutaller à Lorient, Jean Guitton à Saint-nazaire, alexis Le Strat à rennes, tanguy Prigent à
Morlaix, Hervé Mao à Châteaulin, antoine Mazier à Saint-Brieuc, alexandre homas à Guingamp.
6. Ferme opposant au gaullisme lors de la crise du 13 mai 1958, l’ancien ministre, député sans discon-
tinuer depuis 1936 mais battu en novembre 1958 se heurte aux molletistes (dont Hippolyte Masson)
au sujet de la guerre d’algérie. Passé au PSa en même temps que Mendès France, sans avoir bien
préparé localement la scission, il emporte au PSu la majorité de ses soutiens laïques du trégor, mais
son départ de la SFiO est mal compris par les socialistes du Finistère. afaibli, prenant des distances
avec les formes militantes, il est réélu député en 1962 avant de préparer son retrait de la vie politique
à l’été 1966 [Christian Bougeard, tanguy Prigent, paysan-ministre, Pur, 2002].
7. Le poids de la dualité SFiO/PSu, reste une singularité du paysage politique breton [François Prigent,
« La mutation des milieux socialistes dans l’Ouest breton (1967-1973) : réseaux, trajectoires,
identités », in Christian Bougeard, Vincent Porhel, Gilles richard, Jacqueline Sainclivier (dir.),
l’ouest dans les années 1968, Pur, 2012, p. 211-223].
8. L’alliance entre la liste PSa de rené Dervout et le PCF précipite la défaite de Jean Le Coutaller,
ancien secrétaire d’État, député-maire et secrétaire fédéral. en novembre 1957, une crise interne
divise fortement la fédération SFiO, lorsque r. Dervout, leader syndical du Syndicat national des
instituteurs (Sni), signe un tract dénonçant les violences en algérie en compagnie d’élus de
178
les sociAlistes Bretons FAce Au cHoc de lA guerre d’Algérie
179
FrAnçois Prigent
CFtC), ce qui suscite de vives tensions à Force Ouvrière (FO) traversé et tiraillé par deux courants
socialistes engagés dans une guerre fratricide symbolisée par l’afrontement notamment sur la
question algérienne entre Francis Mahéo (PSu) et raymond Garcia (proche d’andré Laithier et
Mathurin Bertho, militants SFiO). ancien du corps expéditionnaire français en italie et responsable
des anciens prisonniers de guerre, raymond Garcia, né en 1916 en algérie, est secrétaire départe-
mental de la fédération FO des Ptt en 1962.
12. Changement de dénomination, à ce moment précis, révélateur, puisqu’à l’appellation « outre-mer »
se substitue le terme de vice-présidence « extérieur ».
180
les sociAlistes Bretons FAce Au cHoc de lA guerre d’Algérie
13. L’argumentation comporte trois axes : incidences sur le monde étudiant de cette « rupture », replacée
dans le contexte des évolutions de l’uneF depuis 1954 ; « la jeunesse dans le conlit » (scolarisation,
dissolution de l’uGeMa) ; « les libertés bafouées ». imprimé par l’aGe de Lille, ce texte de 91 pages
s’achève par la motion votée lors du congrès de Lyon (avril 1960), décidant la « réconciliation avec
les étudiants algériens », soit la reprise oicielle des relations avec l’union Générale des Étudiants
Musulmans algériens, branche étudiante du FLn, illégale en France, qui fait grand bruit en
juin 1960.
14. François Prigent, « Mondes laïques, mondes chrétiens, ch. 6, thèse, op. cit., p. 477-579.
15. François Prigent, « Bernard Lambert, Bernard hareau : portrait(s) croisé(s) », recherche socialiste,
n° 58-59, 2012, p. 131-142.
16. « Quelques rélexions sur l’algérie » rapport adressé les 23-25 septembre 1956 à la direction de la
JaC sur l’armée et la guerre d’algérie. Discours inachevé de Bernard Lambert, « Ce que je n’ai pas
pu dire au Palais-Bourbon », témoignage chrétien, 19 juin 1959 (CHt, LaM 1).
17. en 1956-1958, il fait partie de l’équipe Debatisse qui prend la direction du Centre national des
Jeunes agriculteurs (CnJa) en s’appuyant sur les principaux animateurs de la Jeunesse agricole
Chrétienne (JaC).
181
FrAnçois Prigent
politique qui le conduit vers cette formation en 1966, puis à la création des
« paysans-travailleurs » avant la théorisation des « Paysans dans la lutte des
classes » dans les années 1968. il démontre à quel point l’efervescence
politique de cette question renverse les critères traditionnels du clivage
gauche/droite.
182
les sociAlistes Bretons FAce Au cHoc de lA guerre d’Algérie
183
FrAnçois Prigent
marqué par son service militaire en algérie en 1957, il est rapatrié suite au
décès de son père en septembre 1958. À partir de juin 1959, il reprend
l’exploitation familiale 23. Ce schéma n’est pas forcément systématique. en
efet et a contrario, François Philippot, né en 1935 dans une famille d’élus
SFiO, est certes marqué par la guerre d’algérie lors de son service militaire
(1956-1958). Mais il ne suit pas la scission du PSu. Ce jeune syndicaliste
paysan, engagé localement dans la mouvance laïque, se présente comme
suppléant de H. Mao en 1962 dans la circonscription de Châteaulin.
Le milieu enseignant
un autre vecteur d’engagement est le PSu, dont la nébuleuse militante
et laïque hostile à la guerre d’algérie, passe notamment par le Sni 24. Dans
le Finistère, dès 1957, la direction du Sni voit s’afronter socialistes et
communistes sur le dossier laïc et la guerre l’algérie. Mais dès 1964, le
courant unitaire l’emporte sur la tendance autonome. On doit y voir là le
bilan tiré de l’opposition commune à la guerre d’algérie. Le phénomène
est plus précoce et plus marqué encore dans les Côtes-du-nord en raison
de la proximité entre militants PSu et PCF proches sur les questions anti-
coloniales, la défense des lois laïques et le développement des luttes
ouvrières. Dès 1959 Maurice renault, secrétaire départemental et respon-
sable communiste, propose l’entrée du courant minoritaire à l’intérieur du
bureau. L’ouverture est conirmée en 1960 par une liste d’union avec les
dissidents de la SFiO, dont Sylvain Loguillard. Le bureau du Sni, pluriel
entre 1963 et 1969, s’inscrit dans la tradition d’unité syndicale du dépar-
tement et remet ainsi en cause les divisions issues de l’autonomie de la Fen
en 1948.
23. La démonstration peut être étendue à une autre classe d’âge. exerçant des responsabilités équiva-
lentes, Yvon Le Bris, né en 1940, conseiller général (1985-2011) et maire de Bannalec (1987-2008)
et andré Lucas, né en 1941, maire (depuis 1995) et conseiller général de Plestin-les-Grèves
(1998-2011) ont des parcours divergents. Y. Le Bris est inséré dans des réseaux familiaux et laïques
dans le sillage de l’émergence d’un socialisme dans les ilières chrétiennes dans un espace de fort
enracinement communiste : fort bagage scolaire, rôle indirect de la guerre d’algérie. La prise de
conscience et la crise de conscience de la trajectoire d’a. Lucas, comparable dans la forme, présente
en réalité des modalités diférentes (école privée, formation basique, deux ans en algérie).
24. Le père de Yannick Simbron, secrétaire départemental de la Fédération de l’Éducation nationale
[Fen] (1969-1973) puis secrétaire général de la Fen (1987-1991), milite dans les réseaux de la
Fédération des Œuvres laïques (FOL), du Sni et de la SFiO. Secrétaire fédéral adjoint, chargé des
questions laïques, ernest Simbron mène la liste SFiO aux municipales de 1947, aboutissant à la
défaite du maire PCF sortant de La Montagne. en 1951, son maintien au second tour dans le
canton de Le Pellerin favorise l’élection d’un uDSr. en 1956, il s’oppose à la tendance École
Émancipée, qui distribue des tracts contre la guerre d’algérie à la veille du congrès du Sni. en
Loire-atlantique, les évolutions internes du Sni, plus tardives, témoignent de dissonances généra-
tionnelles entre des militants engagés au moment du Front Populaire et dans les années 1968.
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Conclusion
au total, la guerre d’algérie a bien propagé une onde de choc qui boule-
verse et recompose l’intégralité du milieu socialiste et constitue à ce titre
un événement matriciel. Cette période fait sens pour toute une génération,
accélère la crise des socialismes bretons et attise les crises individuelles et
33. amie personnelle d’eugène Descamps et secrétaire de « Frédo » Krumnow, elle tape le rapport sur
la déconfessionnalisation de la CFtC/CFDt en 1964.
34. Dont la femme conduit en 1977 la liste PSu à Lorient.
187
FrAnçois Prigent
35. Plusieurs élus PS sont nés en algérie, dont Geneviève Chignac (conseillère régionale de
Loire-atlantique en 1998) et Jean-Yves Simon (conseiller général de Lézardrieux 1976-2001).
36. Le caractère similaire de la portée politique du choc des guerres (engagements résistants et contes-
tations anticoloniales) apparaît clairement dans certains noyaux du PSu [arch. du CrBC, fonds
alain Le Dilosquer].
37. Le parcours de Gwenegan Bui, député de Morlaix depuis 2012, révèle une autre étape, celle de la
distanciation et de l’analyse des engagements passés, de par son inscription en thèse sur la théma-
tique du rôle du syndicalisme (notamment FO) en algérie entre 1948 et 1958.
188
conclusion
1. Jeannine Verdès-Leroux, les Français d’Algérie de 1830 à nos jours, Paris, Fayard, 2001, p. 359. La
commode synthèse de Jean Lacouture, Algérie, la guerre est inie, Bruxelles, Complexe, 1985 donne
l’essentiel de la trame événementielle.
2. Charles de Gaulle, mémoires d’espoir, t. 2, l’efort, Paris, Plon, 1971, p. 11.
3. Stéphane tison, comment sortir de la guerre ? deuil, mémoire et traumatisme (1870-1940), rennes,
Pur, 2011, p. 386.
4. Benjamin Stora, la gangrène et l’oubli. la mémoire de la guerre d’Algérie, Paris, La Découverte,
1991.
5. Laurent Mauvignier, des hommes, Paris, Éditions de Minuit, 2011.
189
Vincent Joly
Les précédents
en indochine, au lendemain de Dien Bien Phu, les civils français avaient
rapidement quitté le tonkin. ils étaient peu nombreux – moins de 5000 –,
mais certains d’entre eux avaient passé toute leur vie sur place et n’envisa-
geaient pas leur départ à l’image des « ensablés » italiens qui étaient restés
en Éthiopie après 1941 8. ainsi, le journaliste Lucien Bodard décrit ces
« quelques vieux de la colonie » qui avaient juré de rester à Hanoi ou encore
ces « petits Blancs » qui, sans argent ni amis, étaient contraints de prendre
le chemin de la France où ils ne connaissaient personne et où ils allaient
devenir « des gens de nulle part 9 ». ils n’avaient pas réellement le choix.
Certes, pendant la conférence de Genève, les représentants de la rDVn
avaient donné des garanties concernant les biens des entreprises françaises
dans le nord du Vietnam mais ces dernières n’y croyaient pas et en 1955,
leur repli était terminé 10. La question des indemnités avait bien été posée
6. Stéphane audoin-rouzeau, Christophe Prochasson (dir.), sortir de la grande guerre. le monde
et l’après 1918, Paris, tallandier, 2008, p. 15. George Mosse, de la grande guerre au totalitarisme.
la brutalisation des sociétés européennes, Paris, Hachette, 1999. On consultera également le numéro
spécial des cahiers du ceHd, n° 24, 2005 consacré aux sorties de guerre et en particulier les contri-
butions de Jacques Frémeaux, Michel Bodin, Jean-Charles Jaufret et Marie tomassetti qui portent
sur l’empire colonial français.
7. il s’agit du jour de l’inauguration d’un mémorial quai Branly à Paris.
8. Fabienne Le Houérou, l’épopée des soldats de mussolini en Abyssinie, 1936-1938, Paris, L’Harmattan,
1994.
9. Lucien Bodard, la guerre d’indochine, t. i, l’enlisement, Paris, Grasset, 2003, p. 23.
10. Hughes tertrais, « Les intérêts français en indochine entre 1954 et 1975 », in Pierre Brocheux
(dir.), du conlit d’indochine aux conlits indochinois, Bruxelles, Complexe, 2000, p. 41-43.
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« on PréFérAit Presque mourir que d’y Penser »
mais sans qu’une solution ne puisse être trouvée et après bien des tentatives
même la Banque de l’indochine y avait renoncé en 1957 11. rien dans la
déclaration inale de la conférence de Genève ne concernait les Français
d’indochine. en revanche, le point 9 stipulait bien qu’au nord comme au
Sud, les autorités ne devaient pas admettre de représailles individuelles ou
collectives contre ceux qui avaient collaboré avec l’une des parties pendant
la guerre. Sur le terrain, cette garantie était rapidement apparue intenable.
Dès la in mai 1954, les provinces de Phat Diem et de Bui Chu s’étaient
vidées de leur population catholique et dans les semaines qui suivirent,
un vaste mouvement d’exode avait touché le tonkin et toutes les couches
de la population, poussant au moins 1 million de personnes vers le Sud 12.
La sortie de guerre d’indochine avait été douloureuse en particulier pour
les militaires qui avaient été vaincus mais qui avaient aussi eu le sentiment
d’avoir été abandonnés pendant toute la durée de cette guerre aussi bien
par les gouvernants que par une opinion publique métropolitaine qui leur
avait témoigné de l’indiférence voire de l’hostilité. Or, ces hommes s’étaient
moralement investis auprès des populations locales et leur départ s’appa-
rentait pour ces dernières à un véritable abandon aux mains de leurs
ennemis d’hier. Beaucoup avaient éprouvé à cette occasion un profond
sentiment de culpabilité, l’impression justiiée de trahir des engagements
pris auprès de ces hommes, soldats, partisans ou supplétifs, auxquels ils
avaient promis de ne jamais partir. Le commandant de Saint Marc se
souvient de ces moments terribles lorsque, après la signature des accords de
Genève, il fallut les désarmer. « Ce fut un moment pénible », écrit-il,
« “un moment de honte...”. L’un d’eux me lança : “alors vous nous laissez
tomber mon capitaine ?” Je n’ai pas répondu. S’ils nous avaient tués à ce
moment-là, cela aurait été juste 13 ». Beaucoup pressentaient le sort terrible
qui attendait ces hommes et cette image devait les hanter lorsque huit ans
plus tard en algérie, il fallut afronter le regard des harkis et moghaznis dans
les mêmes circonstances.
Le mouvement de retour des populations civiles avait commencé dès
1945. Des civils et des militaires qui étaient restés pendant toute la durée
de la guerre et qui avaient été internés après mars 1945 par les Japonais,
avaient été les premiers rapatriés. Jusqu’en 1954, ils furent environ 35 000
sur les 45 000 Français que comptaient l’indochine à prendre le chemin de
la métropole. Parmi eux iguraient 15 % d’eurasiens qui n’avaient pas de
liens avec la métropole. Leur arrivée en France relevait sans doute davantage
de l’immigration que du rapatriement et elle se révéla d’autant plus délicate
11. Marc Meuleau, des pionniers en extrême-orient. Histoire de la Banque de l’indochine, 1875-1975,
Paris, Fayard, 1990, p. 513-514.
12. Pierre Brocheux et Daniel Hémery, indochine, la colonisation ambiguë, 1858-1954, Paris,
La Découverte, 1994, p. 364. Les accords de Genève prévoyaient qu’entre le 21 juillet 1954 et le
21 mai 1955, les personnes pouvaient opter pour le nord ou le Sud.
13. Hélie de Saint Marc, mémoires. les champs de braises, Paris, Perrin, 2002, p. 162-163.
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« on PréFérAit Presque mourir que d’y Penser »
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accords d’Évian qui promettaient l’impunité à tous pour les actes commis
avant le cessez-le-feu et les opinions émises avant le scrutin d’autodéter-
mination. Les autorités françaises ne souhaitaient pas encourager une
venue massive, les directives de Pierre Messmer, Ministre des armées et de
Louis Joxe, Ministre d’État en charge de l’algérie étaient sans ambiguïtés,
prévoyant non seulement des sanctions contre les oiciers qui faciliteraient
les départs mais aussi, des mesures de refoulement pour ceux qui seraient
parvenus sans autorisation en France. Pour de Gaulle, ils n’étaient pas des
rapatriés mais de réfugiés. Du reste, très rapidement, au cours de l’été 1962,
on ne les désigna plus comme des « Français musulmans de souche nord-
africaine » ou des « rapatriés musulmans ». ils devinrent alors des « harkis »,
des « réfugiés ». Ce glissement sémantique n’était pas neutre, il témoignait
du refus de la part des autorités de voir ces populations faire valoir leurs
droits de rapatriés 39. Les exactions sont diiciles à évaluer quantitativement,
mais pour ceux qui sont restés en algérie, la in de la guerre a signiié le
début d’une phase douloureuse de malheurs en tout genre qui ne commença
à prendre in qu’à partir de 1967, lorsque furent libérés les premiers détenus.
Ce qui ne signiiait pas in de la guerre pour ceux qui étaient installés en
métropole en quête d’une reconnaissance toujours refusée.
L’abandon de ces hommes tranche par rapport aux eforts engagés par
l’État en direction des Français rapatriés d’algérie. La loi du 26 décembre 1961,
la création la même année d’un secrétariat d’État aux rapatriés, témoi-
gnaient d’une prise de conscience réelle. il s’agissait d’accueillir un nombre
croissant de familles au fur et à mesure que l’on s’approchait de la in de la
guerre 40. L’ampleur du mouvement était sans précédent. De 1954 à 1961,
180 000 départs avaient été recensés. en janvier 1962, seulement 1329
personnes étaient arrivées en métropole mais plus de 82 000 en mai et près
de 330 000 en juin. Le lot diminua les mois suivants mais demeurait consi-
dérable. en quelques mois, la communauté française d’algérie avait quasi-
ment disparu. Leur accueil imposa la création d’un ministère à part entière
en novembre 1962. L’objectif était d’intégrer le plus rapidement possible
ces hommes et ces femmes qui, pour certains, étaient arrivés complètement
démunis en France. il s’agissait d’une nécessité politique car comme le
montre Yann Scioldo-Zürcher, l’État savait qu’en ne leur donnant pas les
moyens de leur installation, il risquait de « compromettre la paix sociale du
pays 41 ». L’enjeu explique la célérité et l’eicacité de l’administration même
si les principaux intéressés n’en eurent pas toujours conscience. À la in de
l’automne 1964, les dispositifs installés furent allégés et la disparition du
39. Yann Scioldo-Zürcher, « Les harkis sont-ils des rapatriés comme les autres ? », les temps modernes,
nov.-déc. 2011, n° 666, p. 90.
40. Yann Scioldo-Zürcher, « une administration ex-nihilo à l’épreuve des rapatriements des Français
d’algérie. 1961-1964, organiser la sortie de guerre », p. 69-78.
41. ibid., p. 77.
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Conclusion
au total, ces rélexions sont à la fois neuves et très riches. elles soulignent
la diversité des perceptions en matière de sortie de la guerre d’algérie dans
le temps mais aussi selon les acteurs. Pour ne prendre qu’exemple, aux yeux
d’un certain nombre d’oiciers, elle n’était que le prolongement de la guerre
d’indochine et une phase dans un conlit plus long qu’ils menaient contre
le communisme 69. De nouvelles pistes peuvent s’ouvrir comme le souligne
Jacques Frémeaux dans l’introduction pour envisager la sortie de la guerre
d’algérie au prisme du genre, des générations ou encore des milieux
sociaux 70. en France même, une comparaison systématique à l’échelon du
département permettrait d’ainer la question de l’accueil des rapatriés, de
leur intégration mais aussi celle de leurs comportements politiques 71. en
68. Catherine Simon, Algérie, les années pieds-rouges. des rêves de l’indépendance au désenchantement
(1962-1969), Paris, La Découverte, 2009.
69. Mathieu rigouste, l’ennemi intérieur. la généalogie coloniale et militaire de l’ordre sécuritaire dans
la France contemporaine, Paris, La Découverte, 2009.
70. Jacques Frémeaux, « Fin de la guerre d’algérie, de l’événement à l’histoire », p. 15-24.
71. Dans le même esprit que le collectif dirigé par raphaëlle Branche et Sylvie hénault, la France en
guerre, 1954-1962, Paris, autrement, 2008.
203
Vincent Joly
algérie, comment le phénomène a-t-il été vécu par une société qui sortait
de 130 ans de colonisation et qui devait se réapproprier son propre pays ?
D’autres pistes s’ouvrent dans le cadre d’une comparaison avec les autres
sorties des guerres coloniales ou plus simplement, avec les exils qui ont
accompagné les décolonisations et les mentalités de leurs acteurs 72. ainsi,
il y avait environ 715 000 italiens installées en Libye, Éthiopie, Érythrée et
Somalie en 1940, ils ne sont plus que 72 000 en 1961. Le nombre de
ceux qui rentrèrent au pays est diicile à préciser car la question du retour
est compliquée par ceux qui quittèrent la tunisie et l’Égypte dans les
années 1950 et qui, pour certains, prirent un autre chemin que celui de la
mère-patrie 73. Quel rôle ont-ils joué dans l’italie d’après-guerre et quelle
fut leur contribution à la perception de l’image des immigrés d’origine
africaine dans la péninsule ou encore dans la création du mythe d’un impéria-
lisme qui aurait été plus bienveillant que les autres 74 ? L’ouvrage collectif
dirigé par robert Brickers donne des informations et une bibliographie sur
le cas de l’empire britannique qui, il est vrai, ne connaît pas de phénomène
de retour massif au moment de la décolonisation 75. Le phénomène, rapporté
à la population métropolitaine totale, fut plus important aux Pays-Bas.
250 000 Hollandais d’indonésie dont 60 à 70 % d’eurasiens vinrent s’y
installer entre 1952 et 1957 alors que beaucoup n’y avaient jamais mis les
pieds. Le cas plus proche des rapatriés français d’algérie est sans doute celui
des retornados portugais. en à peine 13 mois, après l’indépendance de la
Guinée-Bissau proclamée le 10 septembre 1974, le vieil empire colonial
s’était efondré, poussant vers la métropole entre 500 000 et 600 000 rapatriés.
Les autorités portugaises s’inspirèrent-elles du précédent français pour les
accueillir et les réinsérer ? La question, à ma connaissance, reste ouverte et
suggère de prometteuses comparaisons 76.
72. Ce qui avait été engagé par Jean-Louis Miège et Colette Dubois dans l’europe retrouvée (op. cit.), il
y a maintenant une dizaine d’années.
73. romain rainero, « rapatriés et réfugiés italiens : un grand problème méconnu », in Jean-Louis
Miège et Colette Dubois, op. cit., p. 23-33. nicola Labanca ne consacre que trois pages à cette
question dans sa synthèse oltremare. storia dell’espansione coloniale italiana, Bologne, il Mulino,
2002, p. 438 sq. La question est à nouveau abordée mais sous un angle diférent par Marie tomasseti,
« Le départ des italiens de tunisie après la seconde guerre mondiale : une étape de la normalisation
des relations franco-italiennes », cahiers du ceHd, n° 24, 2005, p. 141-148.
74. ruth Ben-Ghat, Mia Fuller (eds.), italian colonialism, Londres, Palgrave, 2005 ouvrent quelques
pistes de rélexion dans la partie intitulée legacy.
75. robert Brickers (ed.), settlers and expatriates, Oxford, university Press, 2010.
76. il existe un excellent recueil de données sociodémographiques : r. Pena Pires, M. J. Maranhao,
J. P. Quintala, F. Moniz, M. Pisco, os retornados. un estudio sociographico, ieD, n° 14, 1987
(2e édit.). On trouve quelques références bibliographiques dans le chapitre consacré à l’immigration
dans Francisco Bethencourt, Kirti Chaudhuri (dir), Historia da expansao Portuguesa, vol. 5,
ultimo imperio e recentramo (1930-1998), Lisbonne, Circula Leitores, 1999.
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index des personnes1
1. Les positions indiquées sont celles occupées par les individus dans le temps du récit développé par
les auteurs.
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Algérie : sortie(s) de guerre
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Algérie : sortie(s) de guerre
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index des Personnes
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Algérie : sortie(s) de guerre
Hunault, Xavier, député non-inscrit (droite) Kerlan, Joseph (Jobic), prêtre de la Mission
de Châteaubriant (1958-1993), 174. de France à Souk-ahras puis à alger, 97,
Hutin-Desgrées, Paul, fondateur-direc- 98, 104.
teur de ouest-France, député MrP du Kervenoaël, Maurice (de), oicier, chef de
Morbihan (1946-1956), 163. harka, 41.
Kopf, Joseph, 100, 101, 102.
I Krumnow, « Frédo », responsable national
ihuel Paul, député de droite du Morbihan de la CFDt, 187.
(1936-1940), puis MrP d’Hennebont de
1945 à 1974, ministre, président du Conseil L
général du Morbihan, 160, 174-175. La Chambre, Guy, ancien député radical
(Saint-Malo) et ancien ministre de la
J iiie république, réélu député CniP
Jacob, alain, journaliste, 88. d’ille-et-Vilaine (1951-1958), ministre,
Jaouen, Yves, sénateur-maire de Brest 161.
(MrP), 162. La tocnaye alain (de), lieutenant, impli-
Jeanneney, Jean-Marcel, ambassadeur de qué dans l’attentat du Petit-Clamart,
France auprès du nouvel État algérien, 92. 51.
Jordi, Jean-Jacques, 44, 192, 195, 198- Laborde, Jean (Dr), conseiller général,
199. ancien directeur du Front pour l’algérie
Josselin, Charles, vice-président chargé des Française, 89.
questions internationales à l’uneF, 180, Lachaise, Bernard, 82, 83, 88.
187. Lacordaire, Henri, restaurateur de l’or-
Jouault, Henri, député CniP de rennes- dre dominicain en France au xixe siècle,
Sud (1958-1962), 161, 172. 96.
Jouhaud, edmond, général, chef de l’OaS- Lagaillarde, Pierre, activiste d’extrême
Oran, 44, 46, 48, 50, 144. droite à alger, partisan de l’algérie fran-
Jouhaud, Léon, secrétaire général de la çaise, leader de la Semaine des barricades
CGt, 136. (janvier 1960), 89, 165.
Jourdan, Émile, maire communiste de Laithier, andré, professeur, militant SFiO
nîmes, 137-138. et FO des Côtes-du-nord, 179-180.
Joxe, Louis, Ministre d’État chargé des afai- Lambert, Bernard, syndicaliste agricole,
res algériennes, 91, 144, 197-198. JaC-FnSea, député MrP de Château-
Juin, alphonse, général, 112. briant (1958-1962), 160, 174, 181.
Juquin, Pierre, député, membre du bureau Lanquetot, Dominique, prêtre de la Mis-
politique du PCF, 187. sion de France à Hussein-Dey à partir de
1959, 104.
K Laparre, Michel (de), prêtre à Oran, 86.
Kaïd, ahmed, « commandant Slimane » de Laudrin, l’abbé Hervé, député gaulliste
l’aLn, 64, 66. (unr-uDr) de Pontivy (1958-1977),
Karmen, roman, cinéaste, 11. 162-163, 168, 172.
Karolinski Hugues, membre du Comité Laurent, andré, militant de la JOC, de la
de quartier de Courbessac, candidat aux CFtC et du PSu de Lorient, 182.
municipales nîmoises de 1965, 137. Laurent, Jean, adjoint SFiO de Quéven
Katz, Joseph, général, chef du corps (1959), 185.
d’armée d’Oran, 47. Laurent, Jean-Yves, maire et conseiller
Kerguéris, Jo, syndicaliste uneF, conseiller général PS de Quéven, 185.
général et parlementaire centriste du Lauriol, Marc, député de la 2e circonscrip-
Morbihan, 187. tion d’algérie (alger-Banlieue), 132.
210
index des Personnes
Le Baut, Pierre, prieur du couvent domini- Le Moënic, Louis, conseiller général SFiO
cain d’alger (1958-1959), 7, 96, 102-104, de Plouay (1945-1970), 179.
107, 110. Le Montagner, Louis, député Cni de
Le Blé, Francis, responsable Cir, militant Lorient (1958-1962), 160, 161.
CFtC puis de la CFDt à l’arsenal de Le Pen, Jean-Marie, député poujadiste,
Brest, 182. 132.
Le Bot, Yves, responsable unr du nord- Le Pensec, Louis, responsable de l’uneF
Finistère, ancien sénateur rPF, 162-163, à rennes, 187.
168. Le Strat, alexis, dirigeant du Sni, député
Le Bris, Yvon, conseiller général (1985- et adjoint SFiO à rennes, 178.
2011) et maire PS de Bannalec (1987- Lebesque, Morvan, journaliste au canard
2008), 184. enchaîné, 145.
Le Caroff, Guillaume, député communiste Lechantre, Jean, journaliste à nord-matin,
des Côtes-du-nord (1956-1858), 160. 147.
Le Coutaller, Jean; responsable de la SFiO Lefebvre (Mgr), Marcel, évêque, 144.
du Morbihan, député SFiO de Lorient Lefeuvre, Daniel, 19, 144, 194.
(1945-1956), 155, 160, 178. Lefèvre, Louis, dominicain du couvent
Le Douarec, Bernard, député unr de Gué- d’alger (1935-1963), 96, 104.
rande (1958-1962), 162, 168, 172. Leroy, Michel, dirigeant du Front nationa-
Le Douarec, François, député gaulliste liste, 46.
(unr-uDr-rPr) de rennes-Sud (1962- Levray, Paul, ancien combattant d’algérie,
1981), 172. 153.
Le Drian, Jean-Yves, responsable national Leynaud (Mgr), augustin Fernand, archevê-
de la JeC, 186. que d’alger, 94.
Le Duc, Jean (Dr), maire de Morlaix, député Liénart (Mgr), achille, cardinal, évêque
indépendant (1958-1962), 158, 161, 163, de Lille, prélat de la Mission de France,
165, 168, 170, 174. 99.
Le Faucheur, Jean, dirigeant de la CFtC Litoux, Pierre, député unr de Guérande
puis de la CFDt des Côtes-du-nord, (1962-1967), puis suppléant d’Olivier
militant du PSu, 182. Guichard, 172, 175.
Le Floch, Jean, syndicaliste agricole des Loguillard, Sylvain, militant du Sni et du
Côtes-du-nord, conseiller général PS de PSu des Côtes-du-nord, 184.
Lanvollo, 183. Lombard, Georges, maire indépendant
Le Foll Yves, maire PSu-PS de Saint- (droite) de Brest, député (1958-1962,
Brieuc, député (1967-1968 et 1973-1978), 1967-1968), puis sénateur du Finistère,
160, 179. 161, 163, 164, 165, 166, 168, 172.
Le Gal, Léon, militant de la CGt puis de Lorenzo, M. et Mme, rapatriés d’Oran,
FO, conseiller municipal SFiO de Lorient, 129.
185. Lucas, andré, syndicaliste agricole des
Le Garzic, Jean, responsable FO et SFiO Côtes-du-nord, conseiller général PS de
des Côtes-du-nord, 179. Plestin-lès-Grèves, 184.
Le Goasguen, Charles, responsable unr
du Finistère, député de Brest (1962-1967), M
163-164, 172. Macias, enrico, 133.
Le Guen, alain, député MrP de Guingamp Macquet, Benoît, député unr-uDr-rPr
(1958-1967), 160, 170, 174. de nantes-3-rezé (1962-1978), 172.
Le Lann, Jean-François, député Centre Madjoub, sergent-chef en indochine, harki,
démocrate de Fougères (1962-1967), 31.
174. Maizière, G. (de), 10.
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Algérie : sortie(s) de guerre
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index des Personnes
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Algérie : sortie(s) de guerre
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index des Personnes
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Index des lieux
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Algérie : sortie(s) de guerre
F Marignane, 55.
Feraoun (Bougie), 36. Marseille, 35, 72, 99, 131, 198.
Ferryville, 185. Mascara, 37.
Fougères, 162, 172, 174-175, 182. Mechtras, 38.
Médéa, 30, 33.
G Mers el-Kebir, 112, 114-116, 120-124, 135,
Gennevilliers, 99. 196.
Gerrouma, 38. Miliana (afreville), 96.
Ghrib, 30. Montluçon, 99.
Gouy-Saint-andré, 149. Morlaix, 158, 163, 166, 174, 178, 188.
Guingamp, 160, 170, 178. Moscou, 82, 144.
Mostaganem, 90.
H
Hanoi, 190. N
Haouch-adda, 91. nantes, 161-162, 166, 174, 178, 188.
Hennebont, 160. nemours, 90, 196.
Hussein-Dey, 95, 97-98, 104. nieppe, 147.
nîmes, 127, 129-132, 134-138.
I nivot, 183.
iferounene, 39. noyant, 192.
K O
Kairouane, 38. Oran, 36-37, 43, 46-48, 86, 89-90, 108,
La Gacilly, 185. 114, 115-116, 129, 134-136, 148, 199-
202.
L Oran-Lartigue, 114, 116, 120, 196.
La Montagne, 184. Orléansville, 91.
Lanester, 166. Ouadhias, 38.
Lannion, 160. Oued amizour (Sidi aïch), 29.
Lanvollon, 183. Oued Chélif (Ouarsenis), 32.
Le Havre, 99.
Le Pellerin, 184. P
Le Petit-Clamart, 43, 49-52. Paimbœuf, 161, 172.
Le Vigan, 129. Palestro, 38.
Lézardrieux, 188. Paris, 10, 64, 72, 83, 113, 117, 135, 164,
Lille, 72, 144, 179, 186. 172, 187, 193, 201.
Lisieux, 95, 97. Penhars, 163.
Londres, 11, 82, 122, 157. Philippeville (Skikda), 40.
Lorient, 160-161, 172, 175, 178, 182, 185- Pirette, 38.
187. Plestin-les-Grèves, 184.
Loudéac, 160, 187. Ploërmel, 161, 183.
Lublin, 82. Plugufan, 166.
Lyon, 72, 99, 181. Pommerit-le-Vicomte, 183.
Pontivy, 162, 166.
M Pont-Saint-esprit (Gard), 132.
M’Chounech (Biskra), 35. Puteaux, 97.
M’Sila, 33.
Maal-el-isseri, 38. Q
Marhoum (Le telagh, Oranie), 37. Quéven, 185.
218
index des lieux
219
index des organisation et situations
C I
CaFi, 192. ira, 53.
CDJa, 160, 183.
Centre démocratique, 174. J
Cercle Saint-Charles (royaliste, nîmes), JaC, 181, 183.
137. JeC, 183.
CFDt, 186-187. JOC, 186-187.
CFtC, 143, 160, 163, 180, 182-183, 187. JOCF, 187.
CGt, 143, 163, 179, 185-186. JSu, 186-187.
CGt-FO, 143.
Cir, 186. L
Club des Jacobins, 180. LiCa, 186.
Cni, 136, 165, 172, 175. Ligue de l’enseignement, 143.
CniP, 155-156, 161, 163-165, 168, 174- Ligue des Droits de l’Homme, 143.
175.
CnJa, 185.
221
Algérie : sortie(s) de guerre
M R
MJr, 53. raF, 164.
Mouvement de la Paix, 143.
S
O Secours Catholique, 133, 135, 148.
OaS, 10-11, 18-19, 43-55, 58, 60, 69, 81, SFiO, 137-138, 143, 147-148, 155-158,
83, 85-91, 107, 127, 131-135, 143-144, 160, 162-163, 165, 178-181, 183-185,
146, 166, 168, 187, 195, 198-199, 201. 200.
OaS-algérie, 46. SneS, 143.
OaS-Belgique, 54. Snet, 143.
OaS-Métro, 52. Sni, 143, 145, 178, 184.
OaS-Oran, 47-48.
OCrS, 201. U
uDMa, 64.
P uDt, 170, 172.
Parti radical, 157. uFD, 160.
PCa, 59-61, 63-64. uGeMa, 181.
PCF, 117, 136, 143-145, 155-156, 158, uGta, 60.
160, 162-163, 165, 174-175, 178, 184, uneF, 163, 180-181, 187.
186-187. unr, 70, 131-132, 135, 137, 160-165,
PS, 177, 180-183, 186, 188. 168, 170, 172, 174-175, 199.
PSa, 160, 162-163, 175, 177-180.
PSu, 144-145, 155, 158, 163, 165, 168,
174, 177-182, 184, 186-188, 200.
222
index des périodiques
F N
France observateur, 172, 186. nord Littoral, 142-145, 148.
France-soir, 85. nord matin, 147.
J O
Journal de montreuil (Pas-de-Calais), 146. ouest-France, 160, 163, 166.
L R
l’Afrique dominicaine, 94, 96. rivarol, 53.
l’esprit public, 53, 144.
l’express, 91-92, 187. T
la croix, 86. témoignage chrétien, 181.
la dépêche quotidienne d’Algérie, 83, 109.
la Vie intellectuelle, 101.
223
Sigles
225
Algérie : sortie(s) de guerre
226
sigles
ri républicains indépendants.
rnur regroupement national pour l’unité de la république.
rPF rassemblement du Peuple Français.
rS républicains sociaux.
SaCeur supreme Allied commander europe (Commandant
suprême des forces alliées en europe – Otan).
SaCLant supreme Allied commander Atlantic (Commandement
allié atlantique – Otan).
SaS Section administrative spécialisée.
Sau Section administrative urbaine.
SFiO Section française de l’internationale ouvrière.
SHaPe supreme Headquarters Allied Powers europe
(Grand quartier général des puissances alliées
en europe – Otan).
SneS Syndicat national de l’enseignement secondaire.
Snet Syndicat national de l’enseignement technique.
Sni Syndicat national des instituteurs.
uDMa union démocratique du Manifeste algérien.
uDra union de défense des réfugiés d’algérie (poujadiste).
uDSr union démocratique et socialiste de la résistance.
uDt union démocratique du travail.
uFD union des Forces Démocratiques.
uGeMa union Générale des Étudiants Musulmans algériens.
uGta union générale des travailleurs algériens.
uneF union nationale des étudiants de France.
unr union pour la nouvelle république.
227
table des matières
Patrick Harismendy
Algérie-France : sortie(s) de guerre et « entrée en paix » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
Jacques Frémeaux
Fin de la guerre d’Algérie, de l’événement à l’histoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
Première partie
PArtir-Arriver
Gregor Mathias
survivre à l’indépendance algérienne : itinéraires de moghaznis en 1962-1963 . . . . 27
Olivier Dard
sorties de guerre et oAs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
Pierre-Jean Le Foll-Luciani
la sortie de guerre de militants juifs algériens et la construction
d’une algérianité d’état (1962-1963) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
Yann Scioldo-Zürcher
une administration ex nihilo à l’épreuve des rapatriements
des Français d’Algérie (1961-1964) : organiser la sortie de guerre . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
deuxième partie
FAire trANSitiON
Soraya Laribi
le dernier « gouverneur général » de l’Algérie : christian Fouchet,
haut-commissaire de la république (mars-juillet 1962) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81
tangi Cavalin, nathalie Viet-Depaule
Feu la chrétienté d’Algérie : les prêtres français de la mission de France
et du couvent dominicain d’Alger au sortir de la guerre d’Algérie . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93
Pierre Le Baut
Brèves remarques en marge de la communication
de nathalie Viet-depaule et tangi cavalin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .107
229
Algérie : sortie(s) de guerre
Jenny raflik-Grenouilleau
l’Algérie, les Accords d’évian et l’otAn . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111
troisième partie
APrèS-GUerreS
Didier Lavrut
se définir Pied-noir : l’impossible construction d’une identité politique
chez les Français d’Algérie rapatriés dans le gard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .127
Marc Coppin
sorties de guerre sur la côte d’opale (1962-1963). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .141
Christian Bougeard
la vie politique à la in de la guerre d’Algérie en Bretagne (1958-1962) . . . . . . . . .155
François Prigent
les socialistes bretons face au choc de la guerre d’Algérie :
générations, recompositions, trajectoires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .177
Vincent Joly
conclusion. « on préférait presque mourir que d’y penser »
sortir de la guerre d’Algérie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .189
230
H I S T O I R E
▲
Sous la direction de
▲
Vincent Joly et Patrick Harismendy
Algérie : sortie(s) de guerre – 1962-1965
▼
S
ouvent prisonnier de « mémoires affrontées », le traitement historique de
la guerre d’Algérie a eu peine à sortir de tels horizons. Qu’il s’agisse des
mémoires combattantes (surtout françaises), de celles des victimes de toutes
natures, de leurs collatéraux, voire des États, la liste est longue des travaux portés
par le besoin — plus ou moins conscient — de faire le deuil, sans qu’on sache
toujours ce qui relève de la mise à jour objectivée ou de l’enfouissement.
En la matière, la période postérieure au 19 mars 1962 est souvent absorbée,
dans les images mentales des métropolitains, par un besoin de passer à autre
chose, qu’exprime bien l’idée de liquidation du passé colonial. Il y a là, au cœur de
l’événementialité, une asymétrie voisine et violente, rappelant celle vécue après
septembre et surtout décembre 1944. L’oblitération métropolitaine des violences,
▼
qui de militaires deviennent au printemps et à l’été 1962 désormais civiles (dans
leur immense majorité), doit donc être évaluée.
La compréhension de ce hiatus est en effet centrale pour saisir les mécanismes
de sorties de guerre. Il y a d’abord celles des hommes (supplétifs, soldats perdus
de l’OAS, militants anticolonialistes, prêtres) dont les destins basculent entre la
fuite éperdue et l’espoir bientôt démenti de pouvoir « faire société » en Algérie.
▲
Il y a ensuite celles de l’État qui génère des temporalités différentes allant de
l’urgence du rapatriement et de l’insertion (pour les Français) en métropole aux
illusions de maintien d’une présence militaire ou industrielle en Algérie. Enin,
il y a les échos régionaux de la guerre. À cet égard, l’intégration économique
voire sociale des rapatriés n’exclue ni des conlits d’identités individuelles, ni de
profonds clivages politiques dont les effets se font encore sentir : le combat anti-
colonial étant la matrice d’une génération.
Patrick Harismendy est professeur d’histoire contemporaine à l’université Rennes 2 et
membre du Centre de recherches historiques de l’Ouest (CERHIO-UMR CNRS 6258).
Vincent Joly est professeur d’histoire contemporaine à l’université Rennes 2 et
membre du Centre de recherches historiques de l’Ouest (CERHIO-UMR CNRS 6258).
ISBN 978-2-7535-3264-9
www.pur-editions.fr 18 €