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Interview I Felwine Sarr : «

Pourquoi j’ai quitté l’Ugb pour


rejoindre Duke… »
Par
 kgb
 -
28/08/2020
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Son départ a été diversement apprécié, certain parlant d’une énième fuite
des cerveaux. Mais pour Felwine Sarr, il n’est pas question de se justifier – «
je ne fuis rien », martèle-t-il –, mais d’expliquer les raisons d’un choix
motivé par « l’envie de trouver le lieu de (sa) plus haute fécondité
intellectuelle », de « reprendre le chemin de l’apprentissage ». Bref, d’aller
chercher « le feu nouveau » et de confronter sa pensée à l’échelle du monde.
Dans cet entretien exclusif au « Soleil », l’universitaire sénégalais nous livre
aussi sa réflexion sur la géopolitique des savoirs, la mobilité des chercheurs
et ce qui attirent tant d’intellectuels africains (et du reste du monde) aux
Etats-Unis.
Pourquoi après treize ans à Gaston Berger avez-vous décidé de
rejoindre l’Université Duke aux Etats-Unis ?

J’ai tout simplement décidé, après treize ans de bons et loyaux services, sur
lesquels je reviendrai, de reprendre ce que j’appelle mon chemin
d’apprentissage. Cela fait des années que je souhaite élargir mon champ
disciplinaire. J’ai une formation initiale d’économiste, mais avec une
inclination pluridisciplinaire et suis intéressé par les humanités dans
lesquelles je fais des travaux ; et je voulais faire une sorte de migration
disciplinaire et continuer à construire une expérience à la croisée des
sciences humaines et des sciences sociales. Et très peu de départements
dans nos universités offrent cette pluridisciplinarité dans la réalité. Il n’y a
pratiquement pas de départements d’humanités dans le sens où on peut,
dans le même enseignement, croiser plusieurs disciplines. On est encore
dans une ère où on cloisonne les disciplines et on a hérité de ce système de
cloisonnement-là. J’ai fait treize ans à l’Ugb et ce n’est pas une démarche
que j’apprécie, très franchement, de faire un bilan statistique et comptable
de tout ce que j’ai fait, mais je crois que c’est nécessaire pour éclairer notre
discussion. J’étais recruté en tant qu’enseignant chercheur en 2007 au
département d’économie. Dès que je suis arrivé, je me suis impliqué dans la
vie du département et de l’Ufr (Unité de formation et de recherche, Ndlr). Je
me suis occupé du Master de développement local et de coopération.
Ensuite, j’ai dirigé le Master d’analyse économique et quantitative, j’ai été
directeur adjoint de l’Ufr. Enfin, j’ai été élu doyen de la fac d’économie, que
j’ai dirigée pendant trois ans. J’ai été aussi cofondateur du Laboratoire de
recherche en économie de Saint-Louis (Lares) et du Laboratoire d’analyse
des sociétés et pouvoirs / Afrique-Diasporas (Laspad) qui est un laboratoire
beaucoup plus transdisciplinaire. Je me suis vu confié la mise en place de
l’Ufr Crac (Civilisation, Religions, Art et Communication) qui n’existait pas
avant. Le recteur de l’époque, Mary Teuw Niane, avait initié une grande
discussion dans l’université et une commission pour réfléchir à une Ufr qui
allait mettre les savoirs endogènes, les littératures africaines, les arts, les
religions au cœur de sa démarche pédagogique. Et à l’issue des discussions,
il m’a demandé de la mettre sur pied, ce que j’ai fait. Je me rappelle ce jour,
sortant de l’assemblée de l’université, avec un document autorisant
l’ouverture de trois départements l’année en cours et de trois autres l’année
suivante, j’ai dû travailler avec mon assistante de l’époque, Khady Ndiaye, à
trouver les locaux, à suivre les chantiers, à mettre en place les commissions
de recrutement pour l’administration, à recruter les profs, les étudiants, et à
faire tout le travail pour que l’Ufr existe et sois une réalité. C’était une
entreprise titanesque. Et je l’ai dirigée pendant trois ans. Sur le plan de la
recherche, j’ai énormément encadré des étudiants en Master et en thèse :
plus de 150 mémoires de Master, une vingtaine de thèses de doctorat
encadrées et soutenues sous ma direction. La dernière, je l’ai faite soutenir
quelques jours avant de quitter le Sénégal. Et d’ailleurs j’étais très heureux,
puisque mon premier docteur, Cheikh Tidiane Ndiaye, était avec moi membre
du jury, parce qu’il était devenu agrégé en économie en novembre dernier.
Donc, durant ces treize ans, j’ai enseigné, j’ai fait de l’administration à
plusieurs niveaux, j’ai contribué à la formation doctorale, j’ai accompagné
des collègues aux concours d’agrégation, j’ai dirigé deux Ufr et j’ai formé la
relève. Beaucoup de mes docteurs sont aujourd’hui professeurs à la fac, à
Saint-Louis, à Dakar, à Bambey et à Ziguinchor. D’autres sont au ministère
de l’Economie et du Plan, dans le privé, dans les Ong, etc. Comme on dit en
Wolof, je pourrais considérer que « sama jan wacna » (mission accomplie,
Ndlr). J’ai eu beaucoup de chance d’atterrir à l’Ugb au retour de mes études.
A l’Ufr de sciences économiques j’ai trouvé des mentors qui m’ont accueilli
avec bienveillance, notamment le professeur Adama Diaw et j’ai trouvé
également une université dynamique et innovante sous le leadership de Mary
Teuw Niane qui offrait un espace d’expérimentation et d’action.

« C’est important que les personnes puissent faire des choix


individuels afin de réaliser pleinement leurs potentialités. Sinon,
c’est l’entropie du groupe, qui est guetté par la dégénérescence de
l’énergie. », Felwine Sarr

Je le disais tantôt, un chercheur (un écrivain aussi) à besoin d’être sans


cesse en quête des lieux de sa plus haute fécondité intellectuelle et
artistique, pour continuer à produire et à être créatif. On se déplace, on met
sa pensée et sa sensibilité à l’épreuve du monde, on va chercher ce que
j’appelle le feu nouveau et on essaie de reprendre un chantier
épistémologique. Ce lieu de sa fécondité on peut le trouver là où on est,
comme on peut ne plus le trouver là où on est parce qu’il faut changer de
cadre, changer de lieu, changer sa manière de faire, de culture scientifique,
se confronter à d’autres idées, à d’autres contextes pour continuer à
apprendre… Et puis il y a quand même une notion implicite dans la réflexion
sur mon départ, c’est celle de dette infinie. Comme si on n’avait jamais fini
de payer sa dette à la société. J’ai fait mes études au Sénégal jusqu’au bac,
j’ai étudié l’économie à l’université d’Orléans durant quinze ans, après cela je
suis rentré. Après treize ans de bons et loyaux services, avec tout ce que je
vous ai énuméré comme engagement dans ma fac, certains ont toujours le
sentiment que c’est insuffisant, qu’on n’a jamais fini de rendre. On oublie
qu’une communauté, pour qu’elle soit forte, il faut qu’elle soit composée
d’individus qui poursuivent les chemins de leurs accomplissements. Et c’est
important que les personnes puissent faire des choix individuels afin de
réaliser pleinement leurs potentialités. Sinon, c’est l’entropie du groupe, qui
est guetté par la dégénérescence de l’énergie et il faut que certains prennent
des chemins de traverse, sortent, reviennent, renouvellent l’élan, prennent
de la distance, du recul, cultivent un feu nouveau…C’est ainsi qu’ils
continueront à apporter à la communauté, y compris en prenant des chemins
que le groupe ne comprend pas sur le court terme, en continuant à cultiver
leur capital humain, s’ils en ont la possibilité.

Pourquoi préférez-vous parler de mobilité au lieu de fuite des


cerveaux ?

Parce que le terme fuite est totalement inadéquat. Il n’y a rien à fuir. Pour
ma part, je ne fuis rien. Nous ne sommes pas en guerre à ce que je sache.
Peut-être contre l’ignorance, pour ce qui nous concerne, mais cette bataille-
là, elle se mène sur un front élargi. On peut être immobile et sédentaire et
avoir le cerveau en fuite tous les jours, parce que tout simplement, on
n’affronte pas sa réalité, on ne la pense pas, on ne l’envisage pas avec
lucidité. La quête du savoir a toujours été liée au voyage et à la mobilité. Nos
grandes figures spirituelles qu’on aime à citer en exemple sont des gens qui
ont voyagé, sont allés chercher le savoir jusqu’aux confins du monde, pour
rencontrer des maîtres spirituels, se former sur les chemins du voyage. Ils
ont pérégriné dans plusieurs zones géographiques. On est dans un monde
connecté, global et ouvert, le savoir est dématérialisé, on peut donner des
cours en ligne, faire soutenir une thèse en ligne, contribuer à la constitution
du savoir là où on est, à partir de plusieurs lieux. Ces lieux ne sont plus
forcément physiques. C’est le destin des universitaires, des quêteurs de
savoirs et des chercheurs d’être en mouvement. De plus, je pense qu’il y a
une réflexion à mener sur c’est quoi l’utilité de la présence physique d’un
chercheur dans un lieu. Dans une université, on donne des cours, on produit
des savoirs, on fait de la recherche et on transmet. Bien sûr il y a une
sémantique de la présence. Mais la transmission, ce n’est pas juste le fait
d’être dans une salle de classe devant un certain nombre d’étudiants, ce
qu’on peut d’ailleurs faire à distance, mais c’est surtout laisser des ouvrages
et une pensée, qui, on l’espère, vont durer dans le temps. D’ailleurs, dans
une université on enseigne aux étudiants des savoirs qui sont dans des
ouvrages dont les auteurs ne sont plus ou pas physiquement présents. La
base des curricula, ce sont ces textes dont les enseignants transmettent les
contenus. Je pense qu’il faut avoir une vision beaucoup plus large de ce
qu’est contribuer aux savoirs et à la formation. On contribue bien
évidemment en étant présent, en encadrant, en enseignant, des choses
qu’on peut d’ailleurs faire en ligne ; mais on contribue surtout en laissant des
ouvrages de référence, de la recherche, des articles qui vont transcender le
temps et surtout faire en sorte que le savoir soit « désacadémisé », c’est-à-
dire qu’il ne reste pas cantonné à l’université. A un moment donné on
transmet dans les espaces configurés par l’académie, puis à un autre
moment on transmet au corps social. Tant qu’on produit du savoir, on est en
train de transmettre dans une temporalité et une géographie élargie. Cette
année, j’avais deux cours (un sur l’épistémologie et un autre sur la politique
économique). Cheikh Ndiaye, mon ancien doctorant devenu agrégé, a repris
le cours de politique économique et moi je garde le cours d’épistémologie.
Donc, je continue cette forme de transmission-là. Mais les autres formes de
transmission (les ouvrages, les conférences, les articles) sont aussi
importantes, sinon plus, parce qu’elles durent dans le temps, elles
transcendent les géographies et surtout elles sortent le savoir de la salle de
classe.
Quelle place pour l’Afrique dans la géopolitique des savoirs qui se
redessine ?

Je trouve que le continent profite déjà de la mobilité des savoirs dans le


monde. Moi qui ai dirigé deux Ufr dans mon université, je vois très bien quel
a été l’apport des chercheurs étrangers, de l’Afrique, de la diaspora, mais
aussi d’autres zones géographiques, à venir dans nos universités, à encadrer
des thèses, à nous aider dans des formations pour lesquelles nous n’avions
pas la ressource, à effectuer des missions d’enseignement pour nos
formations de troisième cycle. Nous continuons à profiter énormément de la
mobilité des chercheurs. Nous avons des jeunes chercheurs que nous
envoyons faire des thèses en cotutelle à l’étranger dans des laboratoires et
beaucoup de nos formations ont été soutenues par la circulation des savoirs
et le fait que les chercheurs du monde entier viennent apporter leur
contribution à ce que nous faisons sous nos cieux. Mais il ne s’agit pas juste
que de cela. Le continent doit produire des savoirs qui répondent aux besoins
de ses sociétés, des savoirs nouveaux pour les besoins présents et à venir. Il
doit aussi contribuer aux grandes questions de l’humanité : la question du
vivant et comment réparer le vivant, les questions liées à la technoscience,
au vivre ensemble, aux écologies, aux économies qu’il faut réinventer. Donc,
là aussi, il y a de grands défis pour que le continent reprenne sa place dans
une géopolitique des savoirs qui se redessine avec différents pôles ; et
surtout ne plus se considérer juste comme un consommateur de savoirs
produits ailleurs. Mais pour cela, il y a toute une politique et un
investissement dans la recherche dans l’enseignement supérieur beaucoup
plus conséquent que nos pouvoirs publics devraient consentir. Et pour ce qui
est de la perte supposée, elle est moins liée à la circulation de nos
chercheurs, mais plutôt à ces milliers d’étudiants que nous envoyons à
l’étranger à qui nous donnons des bourses et qui après leurs études pour une
grande partie ne rentrent pas. Cette perte-là elle est silencieuse et invisible,
elle n’en est pas moins réelle.

Quelles initiatives comptez-vous mettre en place pour favoriser la


circulation des savoirs dans les deux sens ?
Je n’ai pas attendu d’aller à Duke pour prendre des initiatives dans ce sens.
C’est en étant au Sénégal, à Saint-Louis, que j’ai monté,avec Achille Mbembé
en 2016, les Ateliers de la pensée qui, pour moi, sont une plateforme qui fait
circuler les savoirs parce que les gens viennent de l’Afrique, des diasporas et
du monde entier pour venir réfléchir à des problématiques du continent et du
monde. Aujourd’hui, on en est à trois éditions, plus une école doctorale, et je
pense qu’il n’y a pas plus éloquent comme plateforme sur la question. Il y a
aussi des choses qui peuvent se faire au niveau de l’université comme faire
venir des doctorants, des post-docs monter des programmes de recherche
qui font circuler les gens entre l’Afrique et d’autres lieux. C’est des choses
que j’ai bien évidemment l’intention de faire et la chaire que j’occupe me
permettra de le faire. Mais je pense que le grand projet de circulation des
savoirs (les Ateliers de la pensée) on l’a déjà mis en place et il continuera à
exister.

Compte tenu de ce que vous représentez, est-ce que votre départ ne


risque pas de faire croire à la jeune génération de chercheurs
sénégalais que le summum d’une carrière universitaire ne s’obtient
qu’à l’étranger ?

Je pense que non. J’ai envie de dire que le summum de ma carrière, en toute
modestie, je l’ai déjà atteint au Sénégal. Je suis rentré en 2007 et ai débuté
comme maître assistant. En 2009, je suis devenu agrégé au Cames et en
2016 je suis devenu professeur titulaire. Donc, j’ai franchi toutes les étapes
de la carrière universitaire jusqu’au bout en restant dans mon université. J’ai
obtenu le Prix Abdoulaye Fadiga pour la recherche scientifique en étant dans
mon université. Et je pense que ce qu’il faut dire surtout, c’est que mon
travail de chercheur, je ne le considère pas comme une carrière à manager
dont on recherche le sommet. Je le considère comme une quête continue et
ininterrompue de clairvoyance, pour laquelle aucun sommet n’est jamais
atteint. Je le considère comme un lieu d’élargissement de mes capacités de
compréhension du monde. Si on devait réfléchir en termes de carrière, je
pense que je l’ai faite au Sénégal et j’y ai gravi tous les échelons de la
profession d’universitaire.
« Je souhaite que mon départ soit interprété comme un désir
d’élargir mes horizons intellectuels et d’être beaucoup plus fécond.
Nous ne sommes pas seulement affectés par les lieux où nous allons,
nous les affectons aussi par notre présence. », Felwine Sarr

Il faut plutôt interroger le fait que lorsqu’on se déplace dans un autre lieu,
que nous accordions symboliquement plus de poids et plus d’importance à ce
lieu-là. Bien qu’on y va parce que ces lieux sont féconds pour nous, mais cela
ne veut pas dire pour moi que le summum c’est ici à Duke. Quant à la
symbolique des lieux, c’est nous qui leur accordions un sens et un poids. En
résumé, mon départ ne devrait pas être interprété comme ça. Je souhaite
qu’il soit interprété comme je l’ai expliqué : un désir d’élargir mes horizons
intellectuels et d’être beaucoup plus fécond. « Jambaar dawul défa uti dooley
», dit le proverbe wolof. Par ailleurs, il faut considérer que l’Afrique est
déterritorialisée, elle déborde la géographie du continent, elle est dans ses
diaspora. Elle est surtout là où nous la portons. Et surtout, nous ne sommes
pas seulement affectés par les lieux où nous allons, nous les affectons aussi
par notre présence. J’ai écrit un livre intitulé « Habiter le monde » dans
lequel je réfléchis à ces questions.

Pourquoi de plus en plus de chercheurs africains (et du monde


entier, du reste) préfèrent désormais aller aux Etats-Unis ? Qu’est-ce
qui vous attire là-bas ?

Parce que c’est l’un des lieux qui offrent les meilleures conditions de
recherche. C’est aussi simple que cela. Mais c’est aussi l’un des lieux de la
plus grande ouverture épistémologique. On y rencontre une diversité
intellectuelle, on peut y poser des questions avant-gardistes parce que le
dispositif qu’ils mettent en place le permet, et surtout des moyens sont mis à
votre disposition pour que vous exploriez les questions qui vous intéressent.
Moi, j’amène ma recherche à Duke, ce n’est pas Duke qui m’impose le thème
de ma recherche. J’ai amené un projet de travail sur les humanités africaines
et un projet sur les écologies des savoirs et l’université me crée un cadre
approprié, met les moyens à ma disposition pour que je puisse explorer ces
questions qui sont fondamentalement liées à l’Afrique. Il y a une ouverture
épistémologique, qui fait que quand vous arrivez, vous avez la latitude
d’explorer des champs nouveaux. Quand on regarde la frilosité avec laquelle
en France on considère les études décoloniales ou postcoloniales ou les
débats d’un autre âge qui veulent les empêcher d’accéder à l’université, on
comprend bien que beaucoup de gens aient envie d’aller dans des lieux les
plus ouverts d’un point de vue intellectuel et épistémologique. Et il y a une
forte tradition entre les penseurs postcoloniaux et les Etats-Unis. Beaucoup
d’écrivains, de Maryse Condé à Dongala, Waberi, Alain Mabanckou, Ngugi Wa
Thiong’O en passant par Edouard Glissant et (Foucault et Derrida en France)
sont passés par là, des Indiens (Spivak, etc.), des Latino-américains
(Mignolo, Arthuro Escobar), des Asiatiques. On y a aussi de grands
philosophes et penseurs africains, Mudimbe, Wiredu, Appiah, Souleymane
Bachir Diagne, Mamadou Diouf. Achille Mbembé y circule beaucoup. C’est
comme la musique ou les autres formes d’art. Les musiciens de jazz vont
dans les capitales où ils rencontrent les grandes figures de cette musique, les
clubs de jazz… Picasso a quitté son Espagne natale pour venir à Montmartre
à Paris, parce qu’à l’époque c’était la capitale mondiale du renouveau de la
peinture. Les chercheurs dans tous les domaines, que ce soit l’architecture,
la musique, la littérature, la pensée, les sciences dures vont dans les lieux de
la plus haute créativité intellectuelle et artistique. Et il y a des clusters, des
lieux comme ça, où, à un moment donné, vous allez confronter votre
expérience à celle des autres, mettre votre pensée à l’épreuve du monde et
vous l’enrichissez au contact des archives du tout-monde. Pourquoi nous les
Africains serions-nous exclus de ce mouvement, alors que nous avons porté
la vie aux confins du monde et marqué de notre empreinte les cultures du
monde ? A une époque, à Sankoré, au Mali, les gens venaient du monde
entier pour s’y former, parce que c’était un lieu d’une grande fécondité et ce
sont des lieux comme ça que nous devons créer à nouveau.

Propos recueillis par Seydou KA


LESOLEIL

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