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LE 20/04/2021

Louis-Philippe Dalembert : "En tant


qu'écrivain, on peut créer une autre
langue"
Réécouter Louis-Philippe Dalembert : "En tant qu'écrivain, on peut créer
une autre langue"ÉCOUTER (55 MIN)
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AFFAIRES CULTURELLES  par Arnaud Laporte
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Le 25 février dernier a paru aux Editions Points Ces îles de plein sel, et
autres poèmes, une anthologie du poète et romancier haïtien Louis-
Philippe Dalembert. A cette occasion, il revient au micro d’Arnaud Laporte
sur son parcours et sur ce qui nourrit son désir d’écriture.
Louis-Philippe Dalembert• Crédits : Joël Saget - AFP

Ces îles de plein sel, et autres poèmes, une anthologie du poète et


romancier haïtien Louis-Philippe Dalembert, a paru le 25 février dernier aux
Editions Points. Au micro d’Arnaud Laporte, il revient sur les thématiques
qui nourrissent son œuvre et ses méthodes de travail. 

Une enfance en Haïti


Louis-Philippe Dalembert a grandi à Port-au-Prince. Dès son enfance, il
baigne dans la littérature, la poésie haïtienne et le cinéma. Ayant connu la
dictature, il croit très jeune en une littérature engagée et publie son premier
ouvrage à 19 ans. Puis, après des études de littérature et de journalisme, il
quitte Haïti pour la France en 1986. Depuis, il a publié une dizaine de
romans, mais aussi des recueils de poésie.
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Réécouter Nuit des îles (9/12) : "Poètes d'hier et d'aujourd'hui sur les
ondes, la poésie de l'insulaire" : Césaire, Dorsinville, Rabearivelo, Maunick,
Guillen, etc.40 MI N
LES NUITS DE FRANCE CULTURE
Nuit des îles (9/12) : "Poètes d'hier et d'aujourd'hui sur les ondes, la poésie
de l'insulaire" : Césaire, Dorsinville, Rabearivelo, Maunick, Guillen, etc.
Que l’on vive en Haïti ou que l’on vive à l’étranger, on doit faire les comptes
avec ces deux langues-là quand on écrit, que l’on écrive en français ou en
créole. Dans mon cas précis, je dois faire le compte avec d’autres langues
dans lesquelles j’ai vécu comme l’italien ou l’espagnol. […] Je suis obligé
de faire cette "opération traduisante". [...] Quand on écrit, on est porté par
l’univers où se déroule l’histoire et les expressions viennent dans la langue
de ce pays-là. Mais ce n’est pas évident de trouver de manière précise
l’équivalence. C’est là qu’on peut inventer nous-mêmes en tant qu’écrivain
et créer une autre langue.

Ecrire depuis l’enfance


Dans son œuvre, l’enfance tient une place centrale. Dans Le crayon du
bon Dieu n’a pas de gomme (Stock, 1996), où il raconte son enfance
caribéenne, elle lui sert par exemple de porte d’entrée à la création
littéraire. De ce fait, ses écrits, à l’image de son enfance, sont marqués par
la forte présence de femmes, de la religion, particulièrement l'Ancien
Testament, mais aussi par l’absence d’un père. 

Quand on commence à écrire, on commence par ce que l’on connaît, on


revisite un certain nombre de moments de sa vie. Sauf que moi je ne le fais
pas à la manière de l’autofiction, je prends plus de distance par rapport à
mon enfance, mais elle est présente car c’est elle qui m’a nourrie
essentiellement. Quand on écrit, il y a une part d’inconscient qui entre en
ligne de compte.
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Lire : « La vie devant soi »

Par ailleurs, son œuvre et sa vie sont traversées par le vagabondage.


Louis-Philippe Dalembert, qui a lui-même vécu en Haïti, en France, en
Italie, à Jérusalem ou encore Berlin, met en effet en scène des
personnages qui rêvent d’ailleurs comme dans Mur Méditerranée (Sabine
Wespieser éditeur, 2019) où il dresse le portrait de trois femmes aux
origines sociales et religieuses différentes, réunies par leur expérience de
l’exil. 
Pour écrire un roman comme Avant que le sombres s’effacent, j’ai fait
beaucoup de recherches. Mais il faut savoir oublier tout ça, pour pouvoir
être un narrateur naïf et ne pas être dans l’autoanalyse du texte que j’écris.
[…] Mes personnages sont autonomes et ce n’est pas une façon de parler :
je n’écris pas en sachant tout de l’histoire que je raconte, ni des
personnages. Au début j’ai un certain nombre d’idées, un plan très
sommaire et au fur et à mesure les personnages naissent et je suis obligé
de les suivre, alors que souvent ce sont des personnages qui n’ont pas la
même opinion que moi, qui n’ont pas les mêmes idées que moi. Comme
des enfants à qui on a donné naissance qui prennent leur envol : on doit
les laisser grandir, devenir ce qu’ils sont, ce qu’ils doivent être.

Héritier de la poésie haïtienne


Louis-Philippe Dalembert a également publié de nombreux recueils de
poésie. Et si on y retrouve l’importance de l’enfance et du vagabondage, sa
poésie est également marquée par ceux qui l’ont précédé et qui nourrissent
son écriture, poètes de la Caraïbe et du monde entier.

L’écriture poétique est présente dans mes romans. De plus en plus, mon
écriture est contaminée par l’écriture poétique et par la citation des poètes
qui m’ont accompagné. La poésie m’a construit : d’une part avec ma mère,
institutrice, et d’autre part avec un certain nombre de poètes comme René
Depestre. C’est un poète que je voyais avec une admiration extraordinaire :
je suis né et j’ai grandi sous une dictature et René Depestre faisait partie
de ces écrivains haïtiens de l’exil. Quand je lisais ses textes, j’étais fasciné
par l’univers poétique et politique qu’il nous ouvrait.
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Haïti, la danse contre la dictature

Son actualité : son ouvrage Ces îles de plein sel et autres poèmes a paru
le 25 février aux Editions Points, collection Point Poésie.

Sons diffusés pendant l'émission


 Saint-John Perse, à Marseille, alors qu’il vient d’être proclamé Prix
Nobel de Littérature, 1960.
 René Depestre dans Le Bon Plaisir, Renée Elkaïm-Bollinger, France
Culture, 1990.
 Anthony Phelps lit "Mon pays que voici" tiré du disque Mon Pays Que
Voici dit par l’auteur © 1966 Les Disques Coumbite © 2000 Anthony
Phelps / Les Productions Caliban.
 "Sinnerman" Nina Simone, Pastel Blues, 1965.
 Yanick Lahens, dans A Voix Nue, "Haïti microcosme du monde",
diffusé sur France Culture le 13 novembre 2019.

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