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Bakdi Chourouk M2 LGC Courant littéraire (le postcolonialisme)

Les indices postcoloniaux dans un extrait (le premier extrait) d roman


«  Le ventre de l’Atlantique  » de Fatou Diome

Le ventre de l’Atlantique est un roman publié en 2003 par l’écrivaine sénégalaise Fatou
Diome, d’où est extrait le texte présent. L’autrice a insufflé sa propre histoire à son héroïne
pour mettre en avant le phénomène de l’exil et donc la recherche de soi : la quête identitaire
en s’inscrivant dans une période post-coloniale.

Dans le travail présent, nous allons soumettre ce texte à une étude postcoloniale et faire
sortir des indices qui participent à l’évolution de cette théorie dans l’extrait, en répondant
ainsi aux problématiques suivantes : Quels sont les indices postcoloniaux dans le texte ? et
est-ce que le personnage principal peut se réidentifier et trouver une place dans la
société de l’autre, surtout si, cet Autre est l’ancien ennemi ?

Pour pouvoir répondre à ces problématiques, nous allons d’abord définir le


postcolonialisme en dégageant les notions principales qui permettent de s’installer dans cette
approche à savoir l’identité et l’exil.

En effet, il s’agit d’une théorie qui met en cause l’héritage idéologique colonial né dans
les années 70 en développant des concepts clefs tels que la langue, l’identité, l’exil, l’altérité,
le féminisme, … etc. Partant de ces notions, nous pouvons dire que l’autrice a choisi d’écrire
en langue française car c’est un lieu de rencontre entre la littérature subsaharienne et la culture
française. Elle se manifeste comme un « terrain de prédilection » pour affirmer une identité
déchirée par l’ex-colonisé et donc la langue française est prise comme un objet de révolte et
de perplexité, comme a dit Kateb Yacine : « J’écris en français pour dire aux français que je
ne suis pas français ».

Dans le début de ce texte, l’écrivaine nous ouvre la porte sur un déchirement qu’a
connait le personnage principal entre deux monde complètement différents « deux bords »,
l’un représente sa patrie « l’Afrique », tandis que l’autre est l’exil « l’Europe ». En effet, les
deux mondes s’opposent, le premier est le continent où se trouve son pays natal, ces
coutumes, ses traditions et toute sa culture, le deuxième, quant à eux, c’est là où elle se
cherche, où elle ne se retrouve jamais, elle se perd dans une société hybride. Cette opposition
crée, donc, une manifestation d’une altérité culturelle qui est le fait d’accepter l’autre en tant
qu’un être différent comme l’a défini professeur Ait Dahmane : « l’Altérité désigne le fait
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d’être autre, ou le caractère de ce qui est autre »1, nous pouvons donc la détecter facilement
dans le texte avec la présence de : « moi » et « l’Autre », « l’Afrique » et « l’Europe », « Vert,
Jaune, Rouge » et « Bleu, Blanc, Rouge », « le rouge de chaleur africaine » et « froid bleu
européen », « les loups » et « les champs » et de « joie de vivre » et « brulure d’exister ».

Dans ce chemin qui mène au même à l’autre, nous remarquons la présence d’une quête
de soi qui trouve une place tout au long de ce passage. L’héroïne, dès les premières lignes, est
présentée souffrante de l’exil, d’une part, de fait qu’elle est loin de son pays natal que
représente lui-même un exil et d’autre part, exilée dans le pays du colonisateur donc elle se
sent perdue, elle n’est pas complètement africaine, mais elle est non plus européenne. Ce
malaise s’inscrit à une identité personnelle, elle dit à propos de ça : « […] quel bout de moi
leur appartient », ce passage montre un véritable conflit identitaire dans lequel se trouve la
protagoniste divisée entre deux cultures différentes, elle dit aussi « Exilée en permanence, je
passe mes nuits à souder les rails qui mènent à l’identité », là nous remarquons qu’elle trace
son cheminement vers la recherche de son identité. Ce conflit qui se trouve à l’intérieur de
l’héroïne est résumé avec une expression dite dans le texte : « Je suis l’enfant présenté au
Sabre de Salomon pour le juste partage », là il s’agit d’une métaphore qui raconte l’histoire
de deux mamans à l’époque du roi Salamon, roi d’Israël, qui contestaient la maternité d’un
bébé, alors, le roi a donné son épée « Sabre » à un soldat et lui demande de deviser ce bébé en
deux pour donner une moitié à chacune, et avec cette astuce, le roi Salamon a pu connaitre la
vraie maman de ce bébé quand elle a interagi en demandant de ne pas faire cela et d’accepter
de donner son fils à l’autre femme. Là, le bébé est la protagoniste alors que les deux mamans
représentent les deux continents « l’Europe » et « l’Afrique ».

De plus, nous constatons qu’il y a une répétition de l’expression « Je cherche mon pays », le
pays ici représente le soi, l’appartenance, c’est comme si elle dit « J’essaie de me retrouver »
ou « Je cherche mon appartenance », et elle essaie de trouver sa voix justement avec le biais
de l’écriture. Cette dernière est un pont qui lie les deux continents, comme nous pouvons le
voir dans le texte « L’écriture est la cire chaude que je coule entre les sillons creusés par les
bâtisseurs de cloisons des deux bords » ou encore « Je cherche mon territoire sur une page
blanche ; un carnet, ça tient dans le sac de voyage ». Donc, l’écrivaine utilise l’écriture
comme un moyen pour supprimer la distance qu’il y est entre le Sénégal et la France, car elle
refuse de choisir.

En outre, Fatou Diome s’est inspiré de l’océan pour exprimer l’importance de la liberté,
chaque personne peut le traverser pour arriver à l’Europe « Aucun filet ne saura empêcher les

1
Karima Ait Dahmane, Algérie/France Altérité, Discours et Mémoire, El Ibiz, 2020, p.34
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algues de l’Atlantique de voguer et de tirer les saveurs des eaux qu’elles traversent », ce
dernier représente le chemin incertain de la liberté et donc une sorte d’immigration et ce qui
aide à mettre des frontières entre les deux pays « les bâtisseurs de cloisons », comme nous
voyons dans l’extrait suivant : « Le départ est le seul horizon offert à ceux qui cherchent les
mille écrins où le destin cache la solution et ses mille erreurs ». En revanche, ces limites entre
la France et le Sénégal n’existent pas en réalité à cause de l’histoire colonial qu’ils partagent,
car la France était un pays colonisateur tandis que le Sénégal un pays colonisé.

En ajoutant à cela la couleur mauve qui est présente dans l’extrait, elle est le symbole de
l’égalité où s’identifie l’héroïne, c’est le mélange d’une couleur de chaque drapeau de ces
deux pays (le rouge et le bleu) « Je préfère le mauve, cette couleur tempérée, mélange de
rouge chaleur africaine et du froid bleu européen. », cette couleur vient mettre les deux
continents dans la même ligne, c’est-à-dire ils partagent un seul cheminement.

Sur le plan linguistique, nous remarquons la présence de pronom personnel « Je » qui est fictif
mais qui fait appel à l’autobiographie, d’ailleurs dans ce roman « Le ventre de l’Atlantique »,
Fatou Diome raconte son histoire en la transportant avec un personnage fictif pour s’éloigner
du récit, et pour faire vivre son personnage. Donc ce « Je » permet de s’identifier d’abord
pour pouvoir s’adresser aux autres en ayant un statut bien précis.

En conclusion, Fatou Diome donne à son héroïne une identité pertinente, elle ne peut
rester dans son pays, comme elle ne peut être une européenne, c’est ce qui crée une sorte de
révolte intérieur avec un sentiment de l’exil. L’océan quant à lui représente, pour elle, un
élément qui unie la France et le Sénégal en supprimant les frontières, en parallèle, l’écriture
peut être la porte-parole du peuple immigrés en Europe pour dénoncer les non-dits. Dans son
texte, l’écrivaine s’inscrit dans la théorie postcoloniale en développant plusieurs concepts :

La langue : le fait d’écrire en langue française qui est avant tout la langue du colonisateur
s’inscrit clairement dans cette théorie

L’Altérité : cet extrait s’organise autours de deux continents différents celui du colonisé et
celui du colonisateur et donc la présence du « moi » et de « l’Autre »

L’identité : Il ne peut y avoir une altérité sans la présence de l’identité, comme a dit
Emmanuel Levinas : « […] c’est grâce à l’autre que je me constitue et me découvre comme sujet. »2.

2
Brahmi Hanane, mémoire de Master « Identité et altérité dans Hôtel Saint-Georges et La dépossession de
Rachid Boudjedra » prise de chez Emmanuel Levinas, La lettre philo, « l’altérité », édition N°22 novembre, 2014.
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L’identité du personnage principale est très particulière car il essaie d’appartenir à deux pays pour
finir avec un sentiment d’exil

L’exil : l’héroïne, dans le texte, dit le malaise de l’exil, le déchirement qu’elle connait entre deux pays,
elle n’appartient ni à l’un ni à l’autre, elle raconte aussi le sentiment du manque qu’elle a

L’analyse du discours : - la métaphore de « Sabre de Salamon » qui vient résumer tout ce qui a été
dit tout au long de cet extrait

- La présence du « Je » qui permet de s’identifier pour s’adresser aux autres

- la couleur mauve qui symbolise l’égalité entre ces deux pays.

P2. Consulté le 20/11/2022 à 20h24

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