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Analyse de l’œuvre/ Eldorado de L Gaudé

1) L’auteur :
Né en 1972. Dramaturge, romancier, nouvelliste français.
A eu de nombreux prix : Goncourt pour le soleil des Scorta / Goncourt des lycéens pour la
mort du roi Tsongor.
Bq de ses pièces sont régulièrement jouées en Europe.
Double inspiration : thèmes d’actualité mais aussi mythologie grecque. Souvent, L Gaudé
établit des parallèles entre ces 2 thèmes.

2) Les origines et la structure du roman :


- Paru en 2006.
- Sources documentaires : L Gaudé s’appuie sur des articles de l’époque concernant
l’émigration clandestine en Méditerranée. 2005 : événements de Ceuta et Melilla : 500
migrants subsahariens (Afrique noire) tentent de franchir les grillages barbelés de ces 2
enclaves espagnoles dans le nord du Maroc.
- L Gaudé évoque aussi ici des thèmes que l’on retrouve dans l’ensemble de son œuvre :
outre les thèmes de l émigration et de la clandestinité, il évoque la quête de soi, la
liberté, la déshumanisation et la solidarité.
- Structure : 2 récits/ 2 trajectoires opposées/ 2 voyages initiatiques/2 quêtes de soi/
Les 2 personnages sont construits en miroir :
. Salvatore Piracci : commandant de la marine Italienne à la dérive, se dirige vers le Sud.
Va vers la déshumanisation, l’effacement et la mort.
. Soleiman : candidat à l’émigration clandestine vers le Nord. Chemin vers la liberté,
l’humanité.
. Rencontre des 2 personnages comme un passage de relais.

3) Résumé :
- Voir doc : surligner les étapes essentielles du récit. / Tracer sur la carte la trajectoire
des 2 personnages.

4) Etude des personnages :


- Salvatore Piracci : (40 ans environ)
. Salvatore signifie en italien le sauveur. Rô le qui est le sien dans le roman : il sauve la
femme du Vittoria, les clandestins jetés à la mer, Soleiman (à qui il donne le courage
de poursuivre sa route). Mais il ne parviendra pas à se sauver lui-même : a perdu la
« foi », le sens de ce qu’il fait, le sens de la vie.
. Commandant de la marine italienne depuis plus de 20 ans sur la frégate Zeffiro
(vent : dans la mythologie, personnage pour lequel on organise des sacrifices). Il fait
des allers retours entre Catane (Sicile) et l’île de Lampedusa, porte d’entrée des
émigrés clandestins venus d’Afrique. Il sauve certains migrants / les arrête pour les
remettre aux autorités en vue d’une expulsion.
. C’est un personnage seul : divorcé, un seul ami.
. Sa vie est faite d’habitudes, d’un confort routinier.
. Il est dans l’insatisfaction/ Forme de dépression : ne voit plus de sens à son travail :
les migrants sont toujours plus nombreux (travail sans fin). Absurdité : il les sauve et
les « condamne » (paradoxe).
. A le fin, le personnage se déshumanise, disparaît (au sens 1er et symboliquement) /
devient l’ombre de Massambalo et meurt « comme un chien ».
. 2 rencontres vont être pour lui des chocs : la femme qui a perdu son enfant/
l’émigré qu’il ne va pas aider (force, détermination). Il quitte alors tout pour devenir
un migrant sans papiers. Il fait le voyage en sens inverse des clandestins. Il recherche
ce qu’il envie dans le regard des clandestins : l’espoir, le rêve, la volonté.
- Soleiman :
. Jeune soudanais de 25 ans.
. Son prénom signifie « parfaitement intègre » en arabe.
. Il quitte son pays sans avenir pour tenter sa chance en Europe ; Pas de nom de
famille : comme s’il abandonnait son identité en quittant la terre de ses ancêtres. Il
est sans papiers, sans nom.
. Comme les autres postulants au départ, désir d’ailleurs pour lequel il est prêt à tout
endurer : c’est un bloc de volonté (comme la femme du Vittoria), comme Boubakar.
. Soleiman, comme dans un conte (ou dans candide) va vivre un voyage initiatique :
jeune homme volontaire et confiant, il part (aventure, voyage). Il vit un certain
nombre d’épreuves. Il doit lutter contre les autres (passeurs malhonnêtes, gardes
marocains) et contre lui-même (vol du marchand algérien, découragement). Dans sa
quête, il a des aides : son frère Jamal, Boubakar « son frère d’enfer », son compagnon
de route. Comme dans les contes, on trouve des éléments auxquels on attribue des
pouvoirs magiques : talisman (collier de perles vertes)/ Intervention divine avec la
légende de Massambalo. A la fin, Soleiman a réussi, est devenu plus sage et plus
humain.
- Les passeurs : (terme à double sens)
. Ceux qui font du passage de migrants clandestins une activité lucrative.
. Dans la mythologie, ceux qui font passer les êtres d’un monde dans un autre, de la
vie à la mort (Cf. Charon)
. Plusieurs personnages, ici, sont des passeurs : Jamal puis Boubakar, passeurs pour
Soleiman. Lien affectif avec Soleiman (désignés par leur prénom/ frère et substitut
du frère). Jamal permet à Soleiman de passer la 1ere frontière, de quitter l’Afrique
noire ; Boubakar permet à Soleiman de passer le poste frontière espagnol (frontière
avec le Maroc).
. Salvatore rencontre aussi des passeurs mais qui le guident vers la mort : la femme
du Vittoria, l’homme rencontré au cimetière, la reine d’ Al-Zuwarah…Tous ces
personnages liés à la mort, fantô mes sans identité réelle et précise.
. Donc, opposition entre les passeurs de Soleiman qui le conduisent vers la vie et les
passeurs de Salvatore qui le conduisent vers la mort. On retrouve les 2 sens opposés
du terme de « passeur »

5) Clés de lecture :
- Le mythe de L’Eldorado : fable venue d’Amérique du Sud évoquant l’existence d’une
contrée fabuleuse regorgeant d’or. Donne le titre à l’œuvre.
- Plusieurs sens dans le roman :
. Ce que représente l’Europe pour les émigrés du continent africain : promesse d’or et
de prospérité. Dans le contexte actuel, rêve d’un travail et de conditions de vie
décentes. Lors de son voyage, Salvatore Piracci se trouve confronté à des hommes et
des femmes qui refusent de le croire quand il tente de les dissuader de poursuivre un
voyage dangereux (cf. dans le bus). Ils lui en veulent de briser leur rêve.
. Tournant dans le roman : rencontre de Salvatore Piracci avec un inconnu dans le
cimetière de Lampedusa : il comprend alors qu’il y a un Eldorado pour chacun :
métaphoriquement, la perspective d’un ailleurs, d’un avenir meilleur (quête du
bonheur), ce qui donne envie de poursuivre sa vie, la volonté de lutter. C’est après
cette rencontre que Salvatore, las de sa vie (solitude, milliers d’arrestations,
confrontation avec la mort de migrants) décide de partir à la recherche de son
propre Eldorado, celui qui fait naître la fièvre dans les yeux de ceux qui le désirent.
. Mais, comme l’a montré Voltaire dans Candide, l’Eldorado est un mythe et surtout
prétexte à un voyage initiatique (ici pour les 2 héros)
- Frontières et migrations :
. Champ lexical des frontières et barrières très présent dans l’œuvre : récit de 2
migrations croisées. Face aux constructions humaines (citadelles, forteresses,
barbelés), s’oppose la volonté humaine plus forte que tout : les frontières sont des
obstacles que l’on peut franchir.
. Les frontières se traversent au prix de sacrifices : la mort d’un enfant, des
renoncements (son nom, sa famille, sa jeunesse pour Soleiman).
. Les seuls obstacles que l’on ne peut pas franchir ne sont pas matériels mais
humains : la maladie (Jamal), la mer décrite comme un corps vivant qui engloutit les
migrants, la perte de goû t à la vie de Salvatore.
. Ce roman est aussi une fable humaniste : solidarité, générosité :
Soleiman/Boubakar/ Salvatore.
. Fin du roman : Salvatore lui aussi passe une frontière, celle de la vie et de la mort. /
La dernière frontière.
- Univers symbolique et inspiration dramatique : L Gaudé relie ici un sujet d’actualité à
la civilisation antique.
. Univers symbolique et légendaire : les héros sont confrontés à des personnages
mystérieux (l’homme du cimetière, la femme, Massambalo). Ces personnages
s’apparentent à des fantô mes, des oracles, des messagers des Dieux. Lien avec la
mythologie grecque et les légendes africaines. La mer est ici comme un monstre, une
divinité maléfique que les hommes cherchent à apaiser en chantant.
- Une inspiration dramatique : ce roman s’apparente à une tragédie/ L Gaudé, auteur
de tragédies.
. Violence des émotions et des sentiments.
. Omniprésence des signes et symboles qui annoncent la mort de Salvatore.
. Grands thèmes tragiques : mort, vengeance, violence, honte.
. Essence tragique : l’homme se débat contre des puissances qui le dépassent/ notion
de destin.
- Une forme narrative au service du récit :
. Des narrations distinctes : 1personnage= 1 narration= 1 focalisation). Roman à 2
voix avec alternance par chapitre : pour Salvatore, narrateur omniscient à la 3eme
personne du singulier/ Distanciation pour ce personnage qui n’a pas la main sur son
propre récit, se « déconstruit », perd son identité. Pour Soleiman, narration à la 1ere
personne/ Il construit son propre destin, est en devenir.
. Des narrations en décalage temporel : les 2 histoires débutent simultanément puis
un décalage temporel intervient dans la narration : l’entrevue entre les 2 hommes a
lieu plus tô t dans le récit de Soleiman que dans celui qui concerne Salvatore.
. Cette rencontre a un sens différent pour les 2 personnages : pour Soleiman, c’est
une étape dans le chemin qu’il lui reste à parcourir, un « signal de Dieu » qui lui
permet de se détacher de l’Afrique, de son passé, de trouver la force et le courage
d’aller vers l’Europe, une nouvelle vie (Renaissance). Pour Salvatore, c’est la fin de
son histoire, de son parcours : il devient alors une ombre avant de disparaître :
comme s’il transmettait la vie à Soleiman.

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