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Annales d'Ethiopie

L'homélie en l'honneur de l'archange Ouriel (Dersāna Urā'ēl)


André Caquot

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Caquot André. L'homélie en l'honneur de l'archange Ouriel (Dersāna Urā'ēl). In: Annales d'Ethiopie. Volume 1, année 1955.
pp. 61-88;

doi : https://doi.org/10.3406/ethio.1955.1232

https://www.persee.fr/doc/ethio_0066-2127_1955_num_1_1_1232

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L'HOMELIE

EN

L'HONNEUR DE L'ARCHANGE OUR1EL

(DERSÂNA URÂ'ËL)

PAR

A. CAQUOT

Comme l'homélie de la littérature grecque chrétienne, le dersân éthiopien est


destiné à édifier les fidèles et à répandre la doctrine de l'Eglise. L'enseignement
théologique en Ethiopie continue à reposer sur les homélies composées par les
Pères de l'Église orientale et traduites en geez. Dès la période axoumite de
l'histoire de la littérature éthiopienne (vie-ixe siècles), on a traduit du grec les sermons
anti-nestoriens de Cyrille d'Alexandrie, Sévérien de Gabala et Théodote d'Ancyre,
compilés dans le recueil qui a gardé le nom de Qêrellos (« Cyrille ») ^K La
rénovation religieuse qui marque le règne de Zar'a Yàcqob suscite un nouveau mouvement
de traduction qui fait passer de l'arabe en geez les homélies de Théophile
d'Alexandrie, Jacques de Saroug, Éphrem d'Édesse et Jean Chrysostome^2'. Enfin, sous
Galàwdëwos, la polémique anti-catholique s'alimente dans un recueil de sermons
anciens en usage parmi les Coptes d'Egypte, le Ftiràf ul-'abâ\ devenu le Hâymâ-
nota Abaw « la confession de foi des Pères »(3).
A côté d'homélies de contenu proprement théologique, s'adressant à des clercs
et ayant pour objectif la défense de la foi orthodoxe, la littérature éthiopienne
compte quelques œuvres, portant également le nom de dersân, qui, sans négliger
le point de vue dogmatique, se proposent d'édifier un public plus large, par
l'introduction d'un important élément merveilleux. Ainsi les homélies composées en
l'honneur des saints et des archanges et récitées le jour où l'on célèbre leur fête,
annuelle ou mensuelle. Les homélies en l'honneur de saint Michel sont parmi les
plus populaires et le dersâna Mikaël est souvent copié et lu en Ethiopie ('').

t1' Guidi, Storia délia letteratura etiopica, p. 17-18.


<2> Ibid., p. 36-37.
<3> Ibid., p. 72.
(4> Sur le dersâna Mikaël, voir A. Dillmann, Verzeichnis der abessinischen Handschriften der
Kôniglichen Bibliothek zur Berlin, 1878, n° 69, p. 58 et suiv. Signalons également le dersâna Afnin
publié par C. Conti Rossini, Analecta Bollandiana, 68, 1950, p. 424-435. Le manuscrit d'Abbadie
n° 94 (du XVe siècle) contient un dersâna Fâniïêl.
G2 ANNALES D'ETHIOPIE

Jusqu'ici il ne s'agit que de traductions. Mais le genre homilétique qui a connu


une telle faveur n'a pas été sans inspirer des œuvres originales, conçues par des
Éthiopiens pour des Éthiopiens. Ces compositions proprement nationales ne sont
ni nombreuses ni connues du public occidental. Bien qu'elles soient de date récente,
elles méritent d'être appréciées comme témoins de la vitalité de la littérature
religieuse en langue sacrée. Je me propose de publier dans un avenir prochain
une de ces homélies nationales, le dersâna Ragwël, « homélie de Raguel », dont
des manuscrits ont été acquis il n'y a pas longtemps par des bibliothèques
européennes^. L'homélie en l'honneur d'Ouriel qui est publiée ici ne paraît avoir été
signalée que par E. Littmann'2'.

Ouriel jouit en Ethiopie d'une grande notoriété que suffirait à expliquer le rôle
eminent tenu par cet archange dans Hénoch qui est compté par l'Église éthiopienne
au nombre de ses livres saints : Ouriel est le guide d'Hénoch et lui révèle tous les
secrets du ciel'3'. La fête d'Ouriel est célébrée le 21 hamlë. Bien que notre texte
ne le précise pas, il n'est pas douteux que l'homélie ait été composée pour être
lue à cette date.
Je dois la communication de ce texte au dabtara Seyum Walda Giyorgis, d'Addis-
Ababa. Il occupe vingt-neuf colonnes d'un volumineux manuscrit contenant
diverses homélies en l'honneur des archanges (j'ai relevé rapidement les dersân
de Michel, Gabriel, Raguel, Phanouel, Afnin). Le dersâna Urâ'êl est bien connu
des clercs de la capitale et j'ai acquis la certitude qu'il en existe plusieurs copies,
que je n'ai malheureusement pas pu confronter avec la mienne ^4'. Une enquête
rapide m'a montré que la traduction consignée dans l'homélie est largement
répandue parmi les lettrés d'Addis-Ababa. On peut l'expliquer par le fait que le
dersân, exaltant comme nous le verrons les lieux saints de l'Ethiopie, n'a pas omis
ceux du Choa méridional (en particulier Entotto et le Yarar) que la littérature
historique et hagiographique passe généralement sous silence (à l'exception du
Zeqwâlâ illustré par abbà Gabra Manfas Qeddus). La popularité de l'archange
Ouriel dans le Choa doit provenir d'une dévotion particulière que lui a vouée la
dynastie : on sait que Ménélik II consacra à Ouriel une des églises d'Addis-Ababa^5'
et la Chronique de son règne rappelle la protection assurée par l'archange à
l'Empereur^6'.

(1> B. N. , Paris, éthiopien n° 348 (Griaule 44) : voir S. Grébaut, Catalogue des manuscrits
éthiopiens de la collection Griaule, II, 1941, p. 52-53; Vatican, éthiopien 82, fol. 187-199 : voir
S. Grébaut et E. Tisserant, Codices aethiopici, p. 315.
(2' Deutsche Aksum-Expedition, I, p. 16.
<a> On trouvera les références à l'archange Ouriel dans les index de R. H. Charles, The
Apocrypha and Pseudepigrapha of the Old Testament, II, Oxford, 1913. Le rôle de l'archange est moindre
dans les apocryphes du Nouveau Testament : Ouriel est nommé parmi les archanges dans VÊvangile
(latin) de Barthélémy (M. R. James, The Apocryphal New Testament, Oxford, 1924, p. 175 et suiv.),
le Testament (éthiopien) de Notre-Seigneur (James, p. 489), les Oracles sibyllins, II, 215. Sur ses
représentations figurées, en Orient et en Occident, voir l'important article de P. Perdrizet,
L'archange Ouriel, dans Seminarium Kondakovianum, 2, 1928, p. 241-276.
(4) Je l'ai vu dans un Gadla fyosëf, ouvrage composite et de date récente, qui est conservé dans
l'église de Joseph, à quelques kilomètres d'Addis-Ababa sur la route d'Aqâqi. On m'en a également
signalé l'existence à l'église d'Ouriel, dans le quartier d'Addis-Ababa qui porte ce nom.
lB) Guébré Sellasié, Chronique de Ménélik H, I, Paris, 1930, p. 171.
<«) Ibid., p. 281.
TEXTES 63

On est ainsi amené à placer sous le règne de Ménélik II la composition sous sa


forme actuelle du dersâna Uraël. Pour lui conférer la valeur d'une « prophétie »,
l'auteur a eu recours au procédé de la pseudépigraphie. L'homélie est attribuée
à un certain Théodote. Malgré une allusion assez obscure à Théodote « fils des
archevêques de Behnesa » (Oxyrynchos), il semble qu'on ait voulu désigner l'évêque
d'Ancyre du Ve siècle, adversaire acharné de Nestorius et auteur d'homélies sur
la Nativité et l'Incarnation dont certaines sont passées dans le Qërellos éthiopien M.
La première partie de l'homélie qui raconte comment saint Jean expliqua à ses
disciples la fusion parfaite en la personne du Christ de la nature humaine et de la
divinité peut justifier d'une certaine manière cette attribution.
Mais Jean ne se contente pas de disserter sur la fusion des deux natures. Pour
vaincre les réticences de ses auditeurs désespérément en quête d'une solution
rationnelle au mystère de l'Incarnation, il les fait assister, dans une vision, au
spectacle des souffrances endurées par la divinité lors de sa Passion. Le dernier
épisode de cette vision forme le corps même de notre dersân. Jean montre à ses
disciples comment l'ange Ouriel recueillit le sang qui coulait du flanc du Crucifié
et parcourut le monde, répandant çà et là quelques gouttes de ce sang et marquant
à l'avance les lieux saints de l'Ethiopie. De cette manière se trouve introduit un
véritable catalogue des principaux sanctuaires qui ont fait la gloire de l'Ethiopie
chrétienne. L'ange, qu'on représente venant de Jérusalem, parcourt un itinéraire
approximativement Nord-Sud dont voici les étapes :
1° Le « pays de Nàgrân » : nom donné traditionnellement en Ethiopie à la région
nord-ouest de l'Erythrée confondue avec la ville d'Arabie du Sud qui vit la
persécution des Chrétiens par Phinéas;
2° Dabra Dàmo, le fameux monastère fondé par Za Mikâ'ël Arâgâwi^;
3° Axoum qui est appelée la nouvelle Sion;

4° L'abbaye du lac Hayq fondée par Abbâ Iyasus Moca;


5° Dabra Abbây dans le Waldebbâ, illustré par Abbâ Samu'ël l'ascète qui
domptait les bêtes fauves^;
6° Dabra Sihat, autre nom de Dabra Sinâ, fondé par Abbà Yohanni et situé sur
la chute du plateau érythréen au Nord de Addi Qayeh^. Le long épisode de la
consécration des tdbot de Dabra Sinà, devant lesquelles se prosternent les lions,
paraît en fait rattacher à une tradition locale sur la visite de la Sainte Famille^.
7° Le Làstâ, auquel on donne pour limites le « fleuve du Semën » (le Takkazë?)
et un autre fleuve appelé Takkazë Qarmëlosâwi (le Sellâri?). On rappelle que Dieu
a accordé le pardon à ceux qui feront le pèlerinage de Lâlibalâ.

W Migne, Patrologia graeca, t. 77, col. 1309-1432. Voir J. Simon, Notes bibliographiques sur
les textes de la Chrestomathia aethiopica de A. Dillmann dans Orientalia, 10, 1941, p. 305.
<2) Voir I. Guidi, // Gadla Arâgâwi, dans les Atti délia reale Accademia dei Lincei, 1896.
<3' Voir Turaiev, Monumenta Aethiopiae hagiologica, II, Saint-Pétersbourg, 1902.
(*) Voir Zënâ Dabra Sinâ (Storia del convento di Debra Sina), Rome, 1910, avec résumé partiel
en italien.
<5> Zënâ Dabra Sinâ, p. 4 et 8.
64 ANNAUES [D'ETHIOPIE

8° Dabra Qopros dans le Manzh, qui est placé sous la protection spéciale d'Ou-
riel^. Je n'ai pas trouvé ailleurs de références à cette abbaye; l'auteur de notre
homélie prend soin de le distinguer d'un Dabra Qopros qui aurait été fondé par
Ewostàtëwos^.
9° Nous passons ensuite au Choa et l'homélie énumère un certain nombre de
lieux saints qu'il n'est pas toujours possible d'identifier :
Adda Sawâ, située au-delà du fleuve Awit (?) dans le pays de Wagdâ ou Morat
(au Sud du Marhabëtë)(3);
le « pays de Gerâryâ », qui n'est autre que le territoire où s'élève le fameux
monastère de Dabra Libânos du Choa^4';
Entotto et Yarar, c'est-à-dire la région d'Addis-Ababa. La contrée que l'archange
bénit est délimitée depuis Çalaqlaqqâ, « l'eau scintillante », apparemment un lac,
jusqu'à Feluh Mây dans lequel il faut reconnaître la transcription geez de l'amha-
rique Falla Weha (Filoa), «l'eau bouillonnante». Remarquons la vénération
particulière attachée au Yarar, « centre de toute l'Ethiopie » ;
le Zeqwâlà, fameux refuge du légendaire Gabra Manfas Qeddus. Le pays de
Kabed semble être d'après les actes de ce saint la plaine qui s'étend au pied du
volcan;
le lac Zwây et son église, qui passait pour contenir d'antiques manuscrits ^ ;
enfin, Dabra Asâbot ou Dabra Wagag. Cette abbaye est située au sommet
de l'imposante montagne qui domine la plaine de Erër, au Nord de la chaîne du
Çarçar'6).
On constate que cette liste des lieux saints de l'Ethiopie est loin d'être exhaustive.
On s'étonne de n'y trouver ni les monastères du lac Tânà, ni les églises royales
de l'Amhara, ni aucun sanctuaire dju Godjam. Une brève récapitulation essaie de
combler quelques-unes de ces lacunes.

II reste beaucoup d'obscurités dans cette homélie. Elle procède par allusions,
qu'il n'est pas facile de préciser, non plus que les sources qui sont utilisées.
L'auteur indique lui-même à la fin du dersân quels sont les livres qu'il a compilés :
l'homélie de Hëryaqos (Cyriaque?) de Behnesâ, auquel on attribue la messe dite
(1) Selon le dersàna Ragwël une église en l'honneur d'Ouriel a été fondée dans le Manzh par
Yâ'qob, quatrième fils de Lebna Dengel et ancêtre des rois de Choa. On y lit aussi, à propos du Manzh,
que « ce pays est gardé par Ouriel, l'ange qui a puisé le sang immaculé du Christ ».
(z) Les actes d'Ewos^atewos (édition B. Turaiev, Corpus scriptorum christianorum orientalium,
XXI, 1, 1906) ne signalent pas la fondation par ce saint d'un Dabra Qopros, mais relatent le séjour
qu'il fit dans l'île de Chypre (en geez Qopros).
(3> Cette région paraît avoir été le domaine d'Anorëwos, l'un des onze abbés entre lesquels le Choa
fut partagé au temps de l'eçagë Fileppos (voir Heruy Walda Sellâsë, Wàzëmâ, Addis-Ababa, 1921/
1929, p. 106).
(4) Dans la recension waldebbienne du Gadla Takla Hâymânot le nom de Gerâryâ est seul
employé pour désigner l'actuel Dabra Libânos (voir Conti Rossini, II Gadla Takla Hâymânot, dans les
Memorie délia reale Accademia dei Lincei, 1894, p. 102-222).
(6) Voir Chronique de Ménélik II, I, p. 163. On a présenté comme trouvés au lac Zwây un certain
nombre de textes pseudépigraphes, en particulier le petit Kabra Nagast publié par C. Mondon
Vidailhet (Revue sémitique, 1904, XII, p. 259-268) et le dersàna Ragwêl.
(6> La liste des abbés du Choa (Heruy, Wâzêmà, p. 106) mentionne un abbâ Samuel qui évangc-
lisa le pays de Wagag (ou Asâbot). E. Cerulli a signalé qu'il possédait un Gadl inédit de Samu'ël
de Dabra Wagag, contenant d'intéressants renseignements sur l'histoire du Choa au XIVe siècle.
TEXTES 65

de Notre-Dame, le livre d'Abrokoros (Prochore), disciple de Jean l'Evangéliste,


l'homélie en l'honneur de Notre-Dame, les miracles de Marie et la littérature
hagiographique nationale. Une recherche précise des sources et des modèles
dépasserait le cadre de cette brève introduction. Elle devra faire l'objet d'une étude
spéciale, qui nous entraînera hors de l'Ethiopie. Le début de l'homélie et aussi les
nombreuses allusions à la doctrine de la fusion des deux natures dénotent l'influence
d'écrits monophysites de contenu proprement théologique. Je me contenterai
dès maintenant de signaler, à l'intérieur même de la littérature éthiopienne,
quelques rapprochements.
1° Les textes apocryphes du Nouveau Testament ne font pas allusion à ce rôle
qu'aurait tenu Ouriel au moment de la crucifixion. Mais une œuvre éthiopienne
du xve siècle, le Maslj,afa Mestir zasamây wamedr de Bahâyla Mikà'ël,
décrivant la descente des armées des anges autour de la Croix du Christ, précise
que l'armée de Michel protégea les plaies de ses mains, celle de Gabriel les plaies
de ses pieds tandis que l'armée d'Ouriel recouvrait la plaie de son flanc ^'. C'est
probablement un développement de cette représentation qui a fait d'Ouriel
l'archange recueillant le sang du Christ.
2° II est fait allusion à plusieurs reprises au cours de l'homélie à la « dîme de
l'Ethiopie » donnée par le Seigneur à la Vierge Marie. On reconnaît là un écho
de la croyance très répandue selon laquelle la Sainte Famille a prolongé jusqu'en
Ethiopie son voyage en Egypte^2'.
3° L'homélie d'Ouriel présente les plus grandes affinités avec YHistoire de
Dabra Sinâ, composée au début du siècle par un abbé de ce célèbre couvent éry-
thréen^3'. Comme le dersàna Uraêl, c'est un pseudépigraphe : Jean
l'Evangéliste aurait recueilli et consigné par écrit les secrets confiés à lui par la Vierge
Marie. Le cadre légendaire est légèrement différent de celui de notre homélie :
la Vierge et l'Enfant réfugiés en Egypte visitent l'Ethiopie sur un nuage
accompagnés de six lions et guidés par l'archange Ouriel : Jésus bénit l'Ethiopie et en donne
la dîme à sa mère. Mais le dessein de cet ouvrage est exactement semblable à celui
de l'homélie d'Ouriel : rehausser la gloire des sanctuaires éthiopiens en les montrant
bénis à l'avance par Jésus lui-même. Les lieux ainsi sanctifiés sont énumérés par
régions géographiques, du Nord au Sud : Tigré (D. Hâllëluyâ = D. Dâmo, Axoum,
D. Sanhit = D. Sinâ, Gadama Wâli); Amhara comprenant le Lâstâ (Roha), le
monastère du lac Hayq, les îles du Tânâ et le Godjam, le pays où les Musulmans
ne s'établiront jamais; enfin le Choa avec le pays de Gerâryâ (= D. Libânos),
Adda Sawâ du Wagdà, D. Zeqwâlâ, D. Eràr (= Yarar) et le Manzh. La liste des
principales abbayes est plus complète que dans le dersâna Uraël : une place est
faite aux lieux saints du Godjam et du lac Tânâ sans négliger pour autant ceux
du Çhoa.
Afin de garder la physionomie originale d'un texte geez moderne, je me suis
abstenu de normaliser l'orthographe. On ne sera donc pas surpris de trouver les
alternances iP/ft, Jl/0, h/0, tf/fh/'î et la vocalisation â, très fréquente, des
consonnes laryngales.
<1' Édition Pebruchon, dans Patrologia orientalis, T, p. 81
(2) Voir le Mashafa Kidâna Mehrat, provenant du lac Tânâ et contemporain de Nâ'od, publié
par G. Conti Rossini, Ilconvento di Tsana in Abissinia e le sue laudi alla Vergine, dans les
Rend'conti délia reale Accademia dei Lincei, 1910, p. 581-621, en particulier f. 68-72,
(3> Zènâ Dabra Sinâ, p. 1-17.
66 ANNALES D'ETHIOPIE

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72 ANNALES D'ETHIOPIE

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70 ANNALES D'ETHIOPIE

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78 ANNALES D'ETHIOPIE

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TEXTES 79

TRADUCTION

(Col. 1) Au nom de Dieu le Père, (du Dieu) vivant qui est et qui était avant le
commencement du monde; au nom de Dieu le Fils qui s'est incarné dans la chair
de Marie par amour pour l'humanité; au nom du Saint-Esprit qui demeure au plus
haut des cieux et qui procède du Père; (un seul Dieu), à lui soient l'honneur et la
gloire jusqu'au dernier souffle. Aux siècles des siècles, amen.
Mes frères et mes pères vénérés de l'univers, écoutez ce que nous a dit Jean notre
frère dans l'homélie de celui qui est le théologien et le nouvel apôtre, abbà Tëwodo-
tos, disciple d'Abrokoros, disciple lui-même de Jean, le bien aimé de Notre-Seigneur
Jésus- Christ :
J'étais allé trouver Jean pour l'interroger sur le miracle de l'incarnation de
notre Dieu vivificateur et lui-même m'a répondu : « Écoute-moi patiemment,
Tëwodotos, fils des archevêques de Behnesâ : (Dieu) lui-même était caché dans sa
divinité et il s'est révélé dans notre chair grâce à son union ». Alors Suntyos,
disciple d'Abrokoros, dit : « Cette existence cachée de la divinité ne te paraît pas
difficile à concevoir, mais explique-moi, mon père, s'il est possible que la chair terrestre
se soit unie à la divinité céleste selon le commandement. Si on place du bois vert
dans un feu ardent, ne fumera- 1- il pas? Or, la nature céleste de la divinité est comme
le feu et (col. 2) la chair de Marie est pareille au bois vert non séché. Cependant, celui
qui a fait les cieux par sa sagesse montre qu'il a libéré tous les hommes par le
miracle de son sang mystique^1'. C'est lui qui est la divinité, créatrice (mais) aussi
créature dans l'Incarnation ». Ensuite, je multipliai mes questions, mais Jean
restait silencieux, réfléchissant profondément. Devant son silence, je me mis à
pleurer tout en continuant à méditer sur la chair de notre Dieu et plus je pleurais, plus
je tremblais, plus mes craintes s'accroissaient. Alors Jean me blâma sévèrement
parce que toutes mes questions l'importunaient.
Abrokoros d'Anërëgës dit alors : « Celui qui a pris la chair a-t-il participé à la
divinité pendant les neuf mois ou bien s'est-il établi dans la chair de l'homme par
un changement immédiat? ». Jean répondit : « On ne peut aller jusqu'à le prétendre.
Pour moi, la chair mortelle vit par la participation à la divinité et la divinité vivante
meurt par la participation à la chair de mort. Ainsi, la divinité a obéi comme un
serviteur et elle est devenue homme parfait ; de cette manière, elle a pris notre mort
et nous a donné sa vie ».
Alors Jean prit avec lui les frères et leur montra le miracle de sa naissance
à Bethléem où il naquit de la Sainte (col. 3) Vierge. Puis il leur montra le miracle
de son baptême dans le Jourdain, où le Saint-Esprit descendit sur lui en forme de
colombe; il leur montra comment le Père rendit témoignage à son fils unique et
comment s'y manifesta le mystère de la Trinité. En troisième lieu, il montra aux
deux frères le désert de Qorontos où il jeûna quarante jours et quarante nuits et où
il adora sa Trinité, étant lui-même dans son incarnation sans être privé de son
essence. Quand cette vision eut pris fin, à la quatrième heure de la nuit, Jean les
transporta et les conduisit au Temple où étaient réunis tous les Juifs et les Anciens
(i) £yo . J(](k ». Comparer Liturgie d'Êpiphane (Mashafa qeddàsë, Addis-Ababa, 1942/
1950, p. 152, 95). ïflfl. * traduit d'ordinaire Àoy txos. Ce qualificatif rappelle la distinction faite
par Clément d'Alexandrie, Pédagogue, II, 2, 19, 4 entre le sang « charnel » (aatpxixrjv) de Jésus-Christ
qui lave du péché et le sang « spirituel » (iivsv(iaTix6v) qui oint le Chrétien pour la vie éternelle.
80 ANNALES D'ETHIOPIE

du peuple, circonvenant de faux témoins, à cause de sa parole et de sa doctrine de


justice. En cinquième lieu, il prit les deux frères (après les avoir préparés) par le
jeûne, la pénitence, l'abstinence et l'exercice et il les conduisit au Calvaire où fut
crucifié notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, bien qu'il fût détenteur de la toute
puissance. Là, ils adorèrent et prièrent. Après avoir passé quelque temps (en
prière), ils trouvèrent les anges du ciel réunis et rangés selon leurs classes qui
chantaient des hymnes d'allégresse et alternaient leurs louanges. Les Séraphins
et les Chérubins déployaient leurs ailes pour recouvrir les branches de la croix.
Ils étaient au nombre de dix mille myriades, répartis selon leurs ordres, ils
célébraient et chantaient le Très Haut dans des hymnes alternés et des tons
différents.
(Col. 4) Et là Jean leur montra l'union de sa chair à la divinité unique et la
grandeur de la divinité unie consubstantiellement à la rouge humanité, tandis
que de son flanc coulait le sang rouge, ce sang qui est le sang de la divinité, pour la
rémission des péchés. Cette chair sainte est la nourriture de réconfort et de joie, la
vie des croyants, la gloire des saints.
Puis, tandis qu'ils admiraient et demeuraient silencieux, dans le recueillement
et la méditation des Écritures, Dieu leur révéla un mystère de la divinité : il leur
montra comment un ange recueillit le sang du flanc du Christ et en aspergea le
monde entier pour le purifier et le sanctifier car c'était le sang de la divinité.
L'ange en teignit ses ailes et en aspergea le pays du Tigré qu'on appelle Hagera
Nàgràn, où furent mis à mort les martyrs. Puis il aspergea avec ce sang le lieu
d'Arâgàwi qui est appelé Dabra Dâmo, où demeurent les saints glorieux et les
vénérables abbés qui par leur vie sont agréables à Dieu. Il marqua alors cette abbaye
du sang de la croix du Christ, afin qu'elle soit bénie et devienne l'héritage de tous
les saints. Il la quitta, s'éleva dans le ciel et arriva au pays d'Axoum. Il parcourut
le territoire de Sion et le marqua avec le sang (col. 5) car le pays d'Axoum
ressemble au Calvaire : c'est la demeure des quatre-vingt-dix-neuf classes d'anges
et de leurs armées qui célèbrent et chantent le Seigneur. Les uns disent dans leurs
hymnes : « Dieu a élu Sion et l'a choisie pour demeure »^x'. Les autres disent : « Ses
fondations reposent sur les montagnes saintes. Dieu a préféré les portes de Sion ^K
II a élevé cette montagne jusqu'à lui son créateur, car il l'a lui-même élue et choisie
pour en faire la demeure des saints et pour que la rosée de bénédiction y descende
comme sur la montagne de Sion(3), où descend le Saint-Esprit en tout temps. Le
cercle de ses murs est plein, l'or de son assise alterne avec l'argent de ses colonnes».
L'ange partit et prit son vol. Il pénétra (dans l'île du lac) Hayq qui est la
sépulture des Pères. C'est là que demeurent les fils d'abbâ Iyasus Mo'â, épris de pureté
et de prière, serviteur de Dieu pour sa gloire. (Iyasus Mo'â) a établi la règle, il a
rendu doux aux moines le feuillage dont ils se nourrissent et rendu agréables toutes
leurs œuvres. Nombreux sont les enfants d'abbâ Iyasus Mo'â, père des moines
selon l'esprit et des nonnes à la belle conduite, grâce à la connaissance et à la
multiplication des pénitences établies par les Pères et (accomplies) sans murmure et sans
fraude par amour du Saint-Esprit. Ils sont doux comme la colombe et comme les
agneaux glorieux (col. 6) laissés par myriades dans le sanctuaire après le sacrifice
d'Abraham quand il quitta le pays de Kârràn. Ce ne sont pas les agneaux des trou-

<l> Psaume 132 (éth. 131), 13.


2 Psaume 87, 1-2.
<3> Comparer Psaume 133 (éth. 132), 3
TEXTES SI

peaux dont la laine est tondue, mais ceux qui sont appelés enfants de Dieu, ce n'est
pas la colombe de Noé au temps du déluge, mais les purs qui font leur service soit
(en coupant) du bois, soit en puisant de l'eau dans des cruches, parce que le Saint-
Esprit les affermit dans toute leur œuvre, aussi leur servitude n'est-elle pas pénible
et ils s'adonnent à leur tâche avec une grande assiduité. L'ange marqua du sang
(du Christ) cette abbaye située au milieu d'un grand lac.
Ensuite, admirant l'œuvre de Dieu, l'ange vola jusqu'à Dabra Abbây, abbaye
d'abbà Sàmu'ël, le moine plein de puissance dont la prière expulse les démons
des hommes. Il trouva là deux lions servant abbâ Sâmu'ël en compagnie de deux
taureaux qu'ils suivaient chaque jour pacifiquement. (Le saint) les avait amenés
à faire à Dieu le sacrifice de ne pas se battre et de se conduire avec douceur les
uns envers les autres : quand les lions et les panthères allaient dans la forêt, ils
conversaient correctement comme des hommes, en langage humain. Si l'un d'eux
restait en arrière, celui qui le précédait sur le chemin appelait le retardataire.
Grâce à la prière d'abbâ (col. 7) Sàmu'ël, lions et panthères obéissaient à ces saints,
il n'y avait pas de crainte dans le cœur des taureaux et des lions à la force
redoutable, mais ceux-ci allaient dans la forêt aux côtés des taureaux leurs ennemis
et ils cachaient leurs griffes. Combien grande est la puissance de Dieu! Ils étaient
unis dans l'amour grâce à la prière, du saint et miséricordieux Sâmu'ël. Les anges
du ciel, comme les lions et les panthères le visitaient en tout temps. L'ange
s'émerveilla, marqua cet endroit du sang de Jésus et bénit ceux qui y demeuraient :
les sept cents disciples qui ont reçu des mains d'abbâ Sâmu'ël le capuce et le scapu-
laire, car c'est lui le chef des ermites par le jeûne et la prière. Aussi l'œuvre bonne
est-elle abondante de jour et de nuit et les disciples qui obéissent à abbà Sàmu'êl
sont-ils devenus semblables aux anges de Dieu. Ils ne vont pas errer çà et là mais
ils sont fixés à la prière, comme des colonnes que la force du vent ne fait pas ployer
et comme un mur dont le vent d'Ouest ou d'Est n'ébranle pas la solidité, et au
service des heures canoniques diurnes et nocturnes jusqu'à la consommation de
leurs jours, selon l'ordre des Pères orthodoxes abbâ Antoine et abbà Macaire
auquel l'archange Ouriel, ange gardien d'Antoine, a donné l'habit monastique. La
grâce de Dieu se multiplia en faveur de ce Dabra Abbày, troupeau des anachorètes
(col. 8) d'abbâ Sàmu'ël, père de myriades d'agneaux.
L'ange prit son vol en disant : « Que de grâces ont été accordées à abbà Sàmu'ël!
Dieu lui a donné autorité sur tous les lions et les taureaux ». A la neuvième heure,
il arriva au moment du sacrifice à l'abbaye d'abbà Yohanni, qui est appelée Dabra
Sihat. Cette abbaye était au milieu d'infidèles et de sorciers qui multipliaient les
idoles et adoraient les faux dieux. Il y trouva une assemblée de démons hurlant
comme des hyènes et des corbeaux et mangeant des excréments d'animaux et
d'hommes. Averti par la puissance divine de l'arrivée de l'ange auprès de lui, abbà
Yohanni lui dit : « Garde-moi et ne me quitte pas, car je suis seul, pareil à un pasteur
séparé de ses chèvres, et je n'ai ni proche ni ami en ce monde; mon seul secours
est la force de mon Dieu, car il est puissant et redoutable par dessus tous ». Dieu
accorda au saint abbà Yohanni de faire périr tous les démons qui séduisent par la
parole et terrifient les hommes pour l'éternité. Il fit tout le tour de cette abbaye, la
bénissant en faisant le signe de croix. Alors le feu descendit du ciel et engloutit,
sans en laisser échapper un seul, tous ces démons qui avaient pris la forme de
magiciens. Il en périt ce jour là sept cent cinquante mille, grâce à la prière du
juste. L'ange marqua cette abbaye du sang de Jésus. L'abuna s'en réjouit et son
âme exulta. Les anges du ciel dirent ensemble et avec lui : « Louange à Dieu
82 ANNALES D'ETHIOPIE

dans les cieux, paix sur la terre et bienveillance envers les hommes &\ Dieu a fait
un prodige en faveur de ses saints ». Ensuite, abbà Yohanni établit la règle de la
communauté : il rassembla tous les saints parés de bonnes œuvres par son
intercession et il confondit la puissance de son ennemi. Ceux qui naquirent de
lui par (la prise du) capuce et de l'habit monastique étaient au nombre de soixante-
dix mille, sans compter les femmes et les enfants. Les membres de sa
communauté étaient groupés ensemble, fermes dans l'amour mutuel et leur prière était
agréable à Dieu, conformément à la parole de l'apôtre Pierre dans son épître :
« Aimez- vous de tout votre cœur»'2'. Ils étaient constants à la prière, petits et
grands, dans l'amour de leur père spirituel et ils triomphèrent de l'assemblée
des démons qui mettent la rancune au cœur des méchants.
L'abuna ordonna à sa communauté de faire un tàbot au nom de Marie (et un
autre) au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ puis il envoya les deux tâbot au
métropolite appelé Théodore, homme craignant Dieu et juste dans ses fonctions
épiscopales, car il était droit de cœur et pur {col. 10) de pensées. Comme les
porteurs du tâbot étaient en route, un lion de grande taille les frappa d'épouvanté;
(mais) il se prosterna devant le tàbot en disant : « Sion, Sion, arche de la Loi de
Dieu, toi que Moïse le chef des prophètes a vue sous la forme du buisson. Ton fils
est de sa nature pareil à la flamme, mais tu es de la glace dans l'incarnation. Tu es
le candélabre d'or de Zacharie^, avec ses sept lampes et ses sept réservoirs
d'huile : les lampes, ce sont les prophètes et les réservoirs d'huile, ce sont les
apôtres, pierres angulaires de l'Eglise ». Puis une lionne sortit de la forêt de l'Ouest
et mit en fuite par son aspect terrifiant ceux qui entouraient le tâbot, portant au-
dessus de lui le dais d'or et d'argent et des étoffes rouges de feu et de pourpre. La
lionne se prosterna trois fois devant le tâbot pour honorer sa royauté et dit :
« Marie ! Tu es la reine du monde, la mère des martyrs et la sœur des anges ». Marie
s'adressa alors à la lionne : « Cesse de parler, garde le silence, contente-toi de dire
la splendeur de la majesté divine ». La lionne tressaillit de joie en présence de tous
les croyants vénérables et justes comme un veau bondit en présence de la vache.
Ce spectacle remplit de crainte les saints et les frappa de saisissement. Ils se disaient
« Voici une chose étrangère aux hommes et aux anges ». Alors, {col. 11) Notre-Dame
Marie dit à la lionne : « Retourne à l'abbaye d'abbâ Yohanni, père de nombreux
moines et reste là-bas à m'attendre ». Les deux lions acquiescèrent ensemble à
l'ordre de Notre-Dame Marie et, glorifiant Dieu, retournèrent à l'abbaye d'abbâ
Yobanni où ils demeurèrent soixante-dix jours, racontant les miracles et les prodiges
accomplis par Dieu en faveur de la lionne.
(Abbâ Yohanni) rassembla douze prêtres et diacres et les choisit pour pasteurs
de ceux qui suivent la règle des saints Pères.
Avant l'arrivée des tâbot, Notre-Seigneur apparut à l'évêque dans une vision
nocturne et lui dit : « Salut, mon bien-aimé Théodore, réveille-toi, je dois t'annoncer
une bonne nouvelle : l'arrivée chez toi du tàbot de Marie ma mère. Il vient de
l'abbaye d'abbâ Yohanni qu'Orna a élevé et nourri du lait de ses mamelles ». A la
voix de Notre-Seigneur, l'évêque fut rempli d'émerveillement. « Mon Seigneur,
dit-il, c'est une chose courante pour tout évêque (de consacrer des tâbot), mais
pour que je puisse consacrer celui-ci, sanctifie-moi et purifie-moi, car tous les
croyants se prosterneront devant lui. Seulement, mon Seigneur, retire-moi de ce
W Luc, n, 13.
<2> I Pierre, iv. 8.
<3) Zacharie, IV, 3.
TEXTES 8,°,

monde, laisse-moi me reposer de toutes mes fatigues (col. 12), car je suis bien las
de la vie humaine. Si toi tu ne le veux pas, ce n'est pas par ma volonté que viendra
la mort, comme le dit Esdras : « la mort vient du Père lorsque je dis que quelqu'un
doit mourir ». Notre Seigneur lui répondit : « Je vais te donner le repos de toute la
misère de ce monde, toi qui pour moi a pris de la peine et enduré la faim. Je t'ai
préparé les délices du royaume des cieux, repens-toi de tes péchés et bénis tes
enfants ». A ces mots, il disparut. L'évêque se réveilla plein de joie. Il réunit son
troupeau, ses enfants et les gens de sa maison et leur dit : « Mes frères, célébrez
aujourd'hui l'Eucharistie car la mère de Notre-Seigneur, Notre-Dame Marie, vient
à nous dans la joie, pour que je bénisse la myrrhe (et consacre son tàbot) ». Ils lui
répondirent : « Père, Marie va-t-elle descendre du ciel sur la terre pour en remonter
comme la paille et les feuilles mortes? ». Il répondit à la question de ses disciples :
« Elle vient maintenant de chez abb à Yohanni, par la volonté de Dieu qui s'est
incarné en elle ». Puis il fit placer des gardes aux quatre routes donnant accès à la
ville, il appela quatre prêtres et quatre diacres et les fit accompagner de dix-huit
clercs pour chanter les psaumes agréables à entendre et le sebhat. Il réunit aussi
toutes les vierges et les nonnes vénérables, vieilles et jeunes, et fit préparer dans
chaque maison une vache grasse et mettre de côté dix-huit vases de miel pour la
boisson. Puis il fit siéger au banquet (col. 13), à sa droite et à sa gauche, les savants
et les docteurs de la Loi et appela par leurs noms ceux qu'il avait choisis : Simon,
le second Pierre de Syrie, Barthélémy d'Ethiopie, Jean de Behnesà, Marc de Sula-
gyâ qui sont les colonnes de l'Église et leur annonça l'approche de son départ et ce
que Dieu lui avait dit. En l'entendant, ses enfants furent remplis de tristesse à cause
de leur père spirituel et dans l'excès de leur douleur, ils tombèrent à ses pieds et
lui répondirent en pleurant amèrement : « Père, pourquoi nous abandonnes-tu ici,
sans père? Nous devenons orphelins, pareils à un enfant abandonné de son père
et de sa mère. Nous ressemblons à (ce qu'il y a de plus) pauvre et (de plus) misérable
au monde. Que nous avons dû irriter Dieu! C'est toi qui es notre père, notre force
et notre espérance après le Dieu de justice! »
Ils finissaient de parler quand les gardes vinrent de leurs postes annoncer à
l'évêque l'arrivée du tàbot avec des cris de joie. On entendit le son des hymnes et le
chant des prêtres. Quand le tàbot fit son entrée, le miracle fut connu du monde
entier. L'évêque le reçut et fit une grande fête. Il pénétra dans le sanctuaire en
portant le tàbot de Dieu accompagné de tous ses prêtres et de tous ses chantres. Il le
consacra, ayant à sa droite vingt-quatre ampoules d'or et à sa gauche vingt-quatre
ampoules d'argent, (col. 14) II donna à chaque prêtre un habit rutilant d'écarlate
et de soie. Il consacra trois flacons de myrrhe. Il leur donna aussi douze coffres
d'habits de pourpre et deux livres d'encens. L'évêque se jeta ensuite aux pieds des
prêtres qui étaient venus à lui et leur dit : « Mes frères, ne m'oubliez pas dans votre
prière et rappelez-moi à mes pères, les saints qui vivent à l'abbaye d'abbâ Yohanni;
car Dieu m'a appelé dans son héritage comme mes pères les saints ». Puis il les
renvoya en paix. Confiants dans le secours de ce tàbot, les grands du pays l'acclamaient
à grands cris, de près et de loin, disant : « C'est le tàbot où demeure la Loi, il est
recouvert d'or de tous côtés »^.
Apprenant la nouvelle, abbâ Yohanni envoya des prêtres et des diacres accueillir
le tàbot de la Loi à environ vingt-cinq milles de son abbaye. Il sortit lui-même et les
rangea par groupes. Trente-six parmi eux faisaient entendre les accents joyeux de la

W Hébreux, iv. 4.
84 ANNALES D'ETHIOPIE

trompe, accompagnés des sistres et du tambour (ou) soufflaient dans les cornes
(ou) jouaient de la lyre; quarante-neuf sonnaient de la trompette; soixante-quinze
accompagnaient (sur la harpe) le chant des psaumes; cent six tendaient les cordes
de la cithare pour accompagner le chant. Tous ceux qui étaient rassemblés là auprès
du tâbot (col. 15) étaient au nombre de soixante-dix mille. Ils demeuraient dans
la crainte et le tremblement tout en se réjouissant de l'arrivée du tâbot à l'abbaye.
Ils entreprirent la construction d'un sanctuaire comparable à celui que Salomon
édifia à Jérusalem sur la montagne de Sion. Il fut achevé en deux mois mais on aurait
cru qu'il l'avait été en quinze ans. C'est que Dieu l'avait fondé et préféré à tout
autre. (Abbâ Yohanni) y installa le tâbot et l'entrée fut aussi joyeuse que celle d'une
mariée dans la maison de son mari. Il nomma l'église Maison de Marie, respectable
par sa grandeur et pure par sa virginité. Après cela, il institua (une allocation) de
vingt-trois mesures de froment pour le sacrifice quotidien. Les dix mille adeptes
assistaient chaque mois à tour de rôle au repas, sans avancer ni retarder (leur tour)
pendant sept mois. Lorsque quelqu'un était impur charnellement, il ne communiai l
que le septième jour et s'il était demeuré sept jours sans impureté charnelle. Si
quelqu'un transgressait cette règle, sa pénitence devait être de sept ans au pain sec,
sans boire de vin ni de bière, sans sel ni huile. Si c'était un diacre, sa pénitence
devait être d'un an et six mois. Quant (abbâ Yohanni) eut établi cette règle, les sept
patriarches prononcèrent avec lui l'excommunication (contre les transgresseurs).
L'ange quitta l'abbaye d'abbâ Yohanni et passa au pays de Làlibalâ, le roi juste
qui méprisa la royauté (col. 16) de ce monde comme Gabra Krestos, le juste, le
fils du roi Théodose. Il marqua du sang (du Christ) cette abbaye qui est dans la
province du Lâstâ, à l'Ouest de l'Angot. Il en parcourut tout le territoire et le bénit
en faisant le signe de croix depuis le fleuve du Semën jusqu'au Takkazê Qarmë-
losâwi. Bien des années après, Notre-Seigneur apparut à Làlibalâ et lui dit : « Salut,
mon bien-aimé Lâlibalà, reçois ce pays que je te donne en dîme. Quiconque meurt
et y est enterré en mon nom et en ton nom (deux cent quatre-vingt mille et deux
cents âmes) même s'il a transgressé mes commandements, qu'il soit juste ou pêcheur,
pauvre et misérable ou riche, je t'accorde son pardon jusqu'à sept générations,
à condition qu'il fasse mémoire de toi, invoque ton nom là où tu as posé ton pied,
goûte la terre et boive l'eau là où il prie. J'exaucerai toutes tes intercessions ».
Làlibalâ répondit : «Mon Seigneur, pourquoi me fais-tu une telle promesse'1'?
C'est ton habitude d'accorder la grâce et la miséricorde. Jure-moi seulement
que tu accompliras tout ce que tu m'as dit ». Notre-Seigneur lui répondit : « Je le
jure par ma mère, au nom de mon Père et du Saint-Esprit le Paraclet qui est
descendu sur les apôtres ». Làlibalâ dit à Notre-Seigneur : « Vraiment, ta bonté
est plus abondante que les étoiles (col. 17) du ciel et le sable de la mer! Qu'ai-je
fait pour que tu m'accordes cela? C'est que tu es bon et que tu aimes les hommes,
ô mer de miséricorde inépuisable, illimitée et infinie ». Alors Notre-Seigneur dit à
Làlibalâ : « Que le pacte que j'ai donné aux apôtres vaille également pour toi »
et il disparut. Ayant vu la grandeur de son Dieu et (reçu) son pacte de justice,
Làlibalâ éprouva une grande joie.
L'ange partit, portant le sang sur son aile et passa au pays de Manzh. Il choisit
de se tenir immobile en planant dans le ciel, pareil à la colonne de feu que Moïse
vit au Sinaï. (Moïse vit) le fils de Dieu sous forme d'une flamme ardente unie

(1) Un \i,fi'i i est la promesse faite par Dieu à la Vierge (le \i*ii i tm^/^ > est le \\J>¥} i par
excellence) ou à un saint d'exaucer toutes les prières faites en son nom.
TEXTES 85

consubstantiellement à la verdure (du buisson). Puis déployant ses ailes, il se posa


à Dabra Qopros qui est le pays de Kâlënà, c'est-à-dire Emmagwâ, l'oratoire des
saints. Il y trouva une foule de démons qui égaraient les insensés et les sages
incapables de leur résister par le jeûne et la prière. Car le jeûne et la prière sont des
flèches contre Satan, ils percent son œil et écrasent sa tête comme un bâton.
L'ange répandit le sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ sur le couvent de Qopros.
Aussitôt les démons furent confondus. Dieu anéantit tous ses ennemis qui se
trouvaient à cet endroit. Il les chassa dans la forêt et ils ne servirent plus les
magiciens. Il les appela par leur nom (col. 18) pour les conjurer. Il les éloigna et ils ne
s'approchèrent plus. La grâce du Saint-Esprit y abonda jusqu'au temps où d'autres
(moines) qui ne ressemblaient pas aux Pères vénérables y prièrent. Les esprits
impurs disparurent du couvent de Qopros.
Il y avait un homme qui adorait le serpent et commandait à toutes les bêtes
fauves. Tantôt il prenait l'apparence d'un oiseau, ou d'un corbeau, rugissait comme
un lion et ouvrait une gueule béante. Tantôt il mangeait et buvait jusqu'à l'ivresse
et son œil fondait en larmes de sang. Lorsque l'ange de Dieu vit la perversité de
cet homme il pria et demanda à Dieu : « Manifeste ta force contre ce séducteur ^
et que son souvenir disparaisse de la terre à cause de l'abomination de son œuvre ».
Dieu permit à l'ange de le faire périr. Il lui donna la puissance victorieuse de l'éclair
et du tonnerre. L'ange de Dieu descendit plein de colère sur Qopros ; la terre en fut
ébranlée, les rochers tremblèrent à leur racine et tous les siens en furent épouvantés.
Il frappa l'ennemi de son épée de feu comme Dieu frappa les idolâtres et celui-ci
mourut de maie mort. Puis l'ange prit la terre de Qopros et dit (à Dieu) : « Bénis-la
en ma faveur par ta parole et sanctifie-la par ta bonté, toi qui as sanctifié (col. 19)
la maison d'Abraham et que l'œuvre de cet injuste ne souille plus cet endroit.
Sanctifie-le par ta majesté et fais-en la demeure de ton nom ». Alors la bénédiction
du ciel et de la terre descendit, la bénédiction des justes et des martyrs abonda à
l'extérieur et à l'intérieur de l'abbaye et Dieu dit : « Que ce pays soit ton héritage,
j'en fais ton lot ». L'ange lui dit : « Tu as fait là une bonne œuvre, par ta miséricorde,
non pas à ma demande ». Après que l'ange l'eût imploré, il bénit à nouveau le pays
et le rendit semblable au premier Dabra Qopros, abbaye d'abbà Ewostâtëwos,
qui prêcha par son exemple et traversa la mer sur son vêtement sans le secours
d'un navire. (L'ange) dit encore : « Que (cette abbaye) ne demeure pas vide, résides-y
toi ou ta mère » et Dieu lui répondit : « Plus tard j'y établirai la demeure de ma
mère, j'y mettrai ma joie éternelle, je répandrai ma gloire sur les saints et je
manifesterai la parole de Dieu, cette parole qui se répand pour la vie, dans le froid
et l'épreuve, pour engendrer des (hommes) saints et miséricordieux. Garde (cette
abbaye) dans la voie de la paix et de la justice par ton secours et par ta prière ».
Puis l'ange s'en alla, s'envola et descendit au pays du Sud (Azêb) dont le
territoire est voisin du désert. Il y répandit le sang du Christ à l'extérieur et à l'intérieur.
C'est là que se trouvèrent de nombreux saints venus (col. 20) d'Egypte et de Rome,
sanctifiant et célébrant trois fois la Trinité divine. Les anges de Dieu montent au
ciel et descendent pour visiter chaque jour le lieu où l'on communie au corps et
au sang de Jésus-Christ. L'aile lavée par le contact du sang (du Christ, Ouriel)
fut saisi de crainte et de tremblement devant la grandeur de la divinité. Quand les
saints virent les gouttes de sang, ils se dirent entre eux : « Que Dieu qui nous a
montré ce signe en Ethiopie soit béni dans son royaume, avec son Père et le

(1) Corriger peut-être tmfifcf0 « en aoti'Pfî j, comparer col. 19 début.


SO V.W VLES D'ETHIOPIE

Saint-Esprit dans sa Trinité, maintenant, toujours et d'éternité en éternité. Amen ».


L'ange quitta le couvent de Qopros et passa au pays de Wagdâ, franchissant le
fleuve Awit. Il arriva à l'abbaye de Adda Sawâ et la marqua du sang pur et
lumineux sorti de la lumière de son flanc divin. Après cette abbaye, comme le temps
passait, il arriva au pays de Morat et entendit la voix de saint Gabriel l'annonciateur,
son compagnon. Le saint archange Ouriel qui portait sur son aile le sang de Notre-
Seigneur Jésus-Christ s'arrêta au-dessus du pays de Morat de Wagdà. Saint
Gabriel, l'archange qui annonça la naissance de Sabaoth de Notre-Dame Sainte-
Marie, lui dit : « Verse sur cette abbaye le sang du Christ, marque tout son
territoire, ses alentours et ses villages, car (col. 21) Notre-Seigneur en a fait le pays de
sa Sainte-Mère et lui en a donné la dîme le jour où elle s'exila de Jérusalem en
Egypte, pour prix de l'épreuve et de la peine qu'elle a connues avec lui. Plus
tard demeureront ici deux saints, de la descendance des lévites, des prêtres de Sion
(qui est) la table de Moïse, élu et bienheureux parmi les prophètes d'Israël les purs.
Ils créeront là de nombreuses églises au nom de la Vierge et il en sera engendré
par le Saint-Esprit de nombreux moines qui aimeront Notre-Dame Marie, mère du
Verbe du Père, parfaite lumière divine qui a pris sa chair immaculée et l'a jointe
à la divinité (qui est) la splendeur de la vie d'Adam et de ses enfants, demeurés
dans les ténèbres et asservis à Satan. Les saints nés des lévites illumineront par la
prédication de l'Évangile tout le pays d'Ethiopie d'un bout à l'autre ». Alors saint
Ouriel marqua (l'abbaye) du sang du fils de Dieu et depuis elle fut appelée Day
(« verse »). Plus tard, au temps d'abbâ Zënâ Mârqos et du roi Germa Asfarë, qui
est Amda Seyon, elle fut appelée Dabra Besrât et au temps de Zar'a Yâeqob on
a appelé le paya de Morat, pays de Heryat (l'élection) car Notre-Dame l'a élu au
temps (col. 22) où le roi Zar'a Yà'qob a fondé pour elle une église à son nom.
On a aussi appelé Adda Sawà, Dabra Masoba Warq (« abbaye du ciboire ») parce
que le miracle de la chair de notre Dieu s'y est montré dans un ciboire sous les
espèces du pain eucharistique, comme une flamme ou comme un pur joyau d'or.
Ensuite, l'ange monta sur le char de lumière, passa au-dessus du lac de Sehgâ,
de Ensâro, et arriva au fleuve du pays de Gerâryâ. Il entendit alors saint Michel lui
dire : «Verse dans ce fleuve le sang qui a jailli du flanc pur et divin de Notre-Seigneur
Jésus-Christ afin qu'il serve à purifier les péchés de tous les Éthiopiens. Bénis les
cités du pays de Gerâryà, sanctifie ses sources et toutes ses demeures, car Notre-
Seigneur a donné ce pays à sa mère en prix de son exil au temps où elle a souffert
l'épreuve en Egypte. Plus tard ce sera le domaine des saints, de nombreuses
églises y seront fondées et la splendeur de la grâce du Saint-Esprit ne s'en écartera
jamais ». L'archange Ouriel marqua ce lieu et le sanctifia par le sang de la splendeur
de notre Dieu et la lumière divine l'enveloppa. C'est pourquoi ce fleuve fut appelé
Zëgâwadam (c'est-à-dire) Zawgâdam (« pareil au sang »), et aussi fleuve d'(coZ. 23)
Agât parce que la lumière du sang l'avait enveloppé (agatâ). Ce jour-là, le soleil
ne brilla pas : c'était le 27 magâbit, jour de la crucifixion de notre Dieu. Mais après
que l'ange Ouriel fut venu y répandre le sang de notre Dieu, la lumière éclata.
L'ange repartit, monta sur la nuée et passa au pays de Molo. Il arriva à Dabra
Entotto, y répandit le sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ et en marqua tous les
alentours. Puis il s'en alla et descendit à Dabra Yarar. Il la bénit avec le sang de
notre Dieu depuis la plaine de Çalaqlaqqà jusqu'à Feluh Mây et tout à l'entour,
à l'Est et à l'Ouest, à droite et à gauche, car le Dabra Yarar est le centre de toute
l'Ethiopie. Ensuite, il monta en haut du Dabra Zeqwâlâ et mêla à (l'eau de)
ses lacs le sang rouge de la divinité, qui coula du flanc de son Incarnation, (car)
TEXTES eS7

elle s'est incarnée en Notre-Dame Marie fille d'Abraham, d'Isaac et de Jacob,


purs parmi les enfants d'Adam et élus parmi tous les peuples. Le lac du Zeqwâlâ
paraissait (à la fois) de la couleur rouge'1' d'une pierre précieuse et de couleur
blanche. Il était comme une source d'où coulait le sang du flanc divin mêlé à l'eau
blanche. L'ange bénit (col. 24) l'endroit tout entier, dans les quatre directions et le
lac du sommet se cailla comme du lait et cessa de se déverser de tous côtés, car
auparavant l'eau de ce lac se répandait sur les quatre faces de la montagne et
descendait dans tous les alentours. L'armée céleste conduite par saint Ouriel vint chasser
l'assemblée de démons qui demeuraient au sommet. Les gens qui habitaient au pied
de la montagne virent la troupe des anges resplendissant comme l'étoile du matin
au-dessus des forêts. C'est pourquoi le Dabra Zeqwàlà fut appelé « l'étoile de la
forêt ».
L'ange alla de là au pays de Kabed et le marqua du sang de Notre-Seigneur comme
il avait fait au couvent de Qopros, pays de Kâlënà, depuis Mehur jusqu'aux bords
du lac Zwày. Ce pays eut le nom de Manzh et de Saltë.
Puis il alla au-dessus de la grande abbaye qui est au milieu du lac Zwày. Il se
tint au-dessus, puis descendit de la nuée et répandit d'une aile le sang de Notre-
Seigneur Jésus-Christ versé lorsqu'il fut frappé par le soldat Longinus et en
teignit (les eaux du lac) des deux ailes. Il y mêla le sang du Christ et aspergea le pays
depuis la Kanbât jusqu'à la limite de l'Enâryà et (à celle de) l'Arab.
Puis il alla vers l'Orient et monta à (col. 25) Dabra Sebâh. Il sanctifia toutes les
abbayes des pays de Yâgmu et Hazalo. Alors qu'il montait à Dabra Asàbot, saint
Michel lui dit : « Hâte-toi de marquer cette abbaye, ne tarde pas, car maintenant
Notre-Seigneur descend au Chéol pour racheter Adam de son asservissement à
Satan par la vertu de son sang vivificateur. Nous devons l'accompagner ». Ouriel
se hâta de sanctifier Dabra Asâbot avec le sang du Christ. L'abbaye tout entière
brilla plus vivement que le soleil et les anges du ciel l'appelèrent Dabra Wagag
(« abbaye de l'aurore »), pays de la lumière, car lorsqu'Ouriel la marqua c'était
l'heure du soir où Notre-Seigneur descendit en personne dans le sein du Chéol pour
en retirer les âmes des justes et de leurs enfants. La magnificence de la divinité
illumina les ténèbres du lieu de la damnation terrible et éternelle. Il racheta par
sa mort les âmes de tous ceux qui demeuraient aux abords du Chéol où jamais
n'apparaît la moindre lumière.
Alors l'ange quitta Dabra Wagag et vint au grand fleuve d'Egypte appelé l'Ab-
bây ou le Giyon d'Ethiopie et d'Alexandrie et il s'y trempa, tremblant encore
dans sa nature ignée d'avoir porté sur son aile le sang terrible et vivificateur de la
divinité.
Ecoutez donc ceci, Chrétiens d'Ethiopie : il n'est rien dans tout le domaine de
l'église d'Ethiopie que l'archange Ouriel n'ait sanctifié par le sang vivificateur de
Notre-Seigneur Jésus-Christ (col. 26). Il a seulement laissé le pays d'Arab, province
des Musulmans. Il a exalté toutes les abbayes de l'Ethiopie afin que le nom de la
Mère du Verbe du Père y soit invoqué et commémoré jusqu'à la consommation
des siècles : dans le Tigré, à Dabra Hâllëluyà, au couvent de Sihat, à Dabra Abbây
et à Gadama Wàli, à Axoum, la seconde Sion; dans l'Amhara : à Roha du Lâstâ
qui est à l'Ouest de l'Angot jusqu'à Oflâ à l'Est, où sont les abbayes des trois rois
Lâlibalà, Yemreha Krestos et Na'akweto La'ab, leur frère, également à l'abbaye
de Yekuno Amlâk, Gannata Mâryâm, à Dabra Karbë de Dâwit II, à Serha Aryâm

(i) ffrflfh, s Voir S. Grébaut, Supplément au Lexicon linguae aethiopicae, Paris, 1951, p. 178.
88 A AN VLES D'KTIIIO |>IE

du Bagëmder, dans l'île du lac Tânâ où des églises ont été fondées par Abrehâ
et Asbeha les rois justes et par Zar'a Yâ'qob l'orthodoxe aimant Dieu; dans le Choa:
au pays de Kâlënà (qui est) le Manzh, à Dabra Mes'âla Mâryâm appelé Emmagwâ,
à Dabra Adda Sawâ, à Dabra Besràt, ainsi qu'à Dabra Libânos, couvent des saints,
élu et honoré par dessus toutes les abbayes, à Dabra Wagag de l'Orient, au Zeq-
wâlâ et à Ambâ Mâryâm; dans le pays de Morat, à Gadâma Dans et à Dabra
Esâ.
(Col. 27) Écoutez encore, mes pères et mes frères en Christ, la belle histoire que
nous tenons de nos Pères bien aimés de Notre-Dame Marie, la Vierge mère de Dieu
et sainte entre toutes les femmes filles d'Eve. Quand aura lieu le concile de la
religion orthodoxe (les moines) de Dabra Abbâ Sinodâ descendront avec leur
évêque venu du siège de Marc l'Évangéliste et triompheront des prêtres de Rome et
de leur évêque fidèle à l'hérésie excommuniée par Dioscore, patriarche
d'Alexandrie, ainsi qu'il est dit dans les actes de Victor, martyr de Notre-Seigneur Jésus-
Christ et fils d'un roi de Rome, et la grandeur (de Dabra Abbâ Sinodâ) en sera
accrue. Ils nous disent aussi que Dabra Abbây, Gadâma Wâli, Dabra Wagag,
Gadâma Dans et Ambâ Mâryâm sont protégés et aimés de Notre-Dame Marie
plus que toutes les abbayes que nous avons nommées précédemment. Nous en
avons trouvé aussi l'histoire dans l'homélie sur les actes de ces moines purs, œuvre
de nos saints Pères, œuvre véridique, droite et digne de foi.
Nous vous racontons la belle histoire de l'ange de lumière, saint Ouriel, d'après
de nombreux écrits dus (col. 28) à abbâ Heryâqos de Behnesâ, l'évêque qui a
composé la messe de Notre-Dame Marie, d'après le livre d'Abrokoros disciple de
Jean l'Evangéliste bien aimé de Notre-Seigneur Jésus-Christ et d'après d'autres
livres : l'homélie de Notre-Dame Marie et ses Miracles, le livre des Miracles des
saints de notre pays d'Ethiopie qui ont vécu au temps des rois Abrehâ et Asbeha,
Kalëb, Gabra Masqal jusqu'à Nâ'od le roi orthodoxe, rejeton des rois orthodoxes
Dâwit, Zar'a Yàq'ob et Ba'eda Mâryâm et frère d'Eskender, qui méprisa la royauté
terrestre, passagère comme l'ombre et le songe.
Rois jacobites enfants d'Israël vénérez le saint archange Ouriel car il vous a
assistés au temps de l'épreuve et du péril, depuis les jours du premier David, roi de
Jérusalem, votre père, jusqu'au retour de Jésus-Christ. Vénérez-le aussi et rendez-
lui honneur et gloire, vous, archevêques, évêques et chefs du clergé car votre
espérance est en Dieu grâce à l'intercession de ce saint archange Ouriel. Le secours
de sa prière vous sauvera de la puissance des démons mauvais et des esprits impurs
qui vous détournent des bonnes œuvres, il vous protégera (col. 29) de tout mal au
temps de l'épreuve et du péril comme il a protégé Esdras et Daniel les prophètes
d'Israël. Il vous protégera au temps de l'affliction et de la tentation par le respect de
la parole divine et il vous affermira dans les bonnes œuvres pour l'éternité.
Que l'intercession clémente et la prière secourable de saint Ouriel archange
soient avec son serviteur Walda Mâryâm au siècle des siècles, amen, amen, ainsi
soit-il, ainsi soit-il.

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