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S’il existe une préoccupation qui devrait tourmenter l’esprit d’un commerçant, il sera forcément
celle de la stabilité de son entreprise. Une sollicitude alimentée par le déséquilibre qui
caractérise la relation bailleur-locataire. Le législateur reste sensible à cette question, en
témoigne les efforts qu’il déploie pour la protection du locataire. En effet, méfiant à l’égard du
pouvoir du bailleur, susceptible de fragiliser le lien contractuel, il n’hésite pas à forcer les
mécanismes légaux dans le but d’assurer la stabilité du contrat du bail commercial. Certes, il a
réglementé la faculté de rupture unilatérale du contrat du bail commercial, mais son action
demeure de même impuissante face à l’ampleur du contentieux relatif aux baux commerciaux.
Bien que le bail soit destiné à durer, il ne saurait être perpétuel afin de ne pas dénaturer le droit
de propriété du bailleur et de ne pas porter atteinte à la liberté d’action du preneur1. Il va donc
pouvoir prendre fin par un « congé ». Le congé trouve ainsi sa raison d’être dans le bail à durée
indéterminée. Il est également utile pour un bail à durée déterminée, car il permettra selon les
cas de faire échec à la tacite reconduction.
Le congé est un acte unilatéral par lequel une des parties au contrat (le plus souvent le bailleur)
manifeste à l’autre son intention d’y mettre fin à l’expiration d’un certain délai dit préavis2. Il
a pour résultat, en même temps qu’il fait cesser pour l’avenir les rapports contractuels, de
permettre au bailleur la reprise des lieux avec ou sans indemnité d’éviction.
Ainsi défini, le congé se révèle comme la manifestation obligatoire du refus de renouvellement
lorsque le propriétaire en a pris l’initiative. Il en résulte qu’ayant des conséquences importantes
notamment quant au droit du locataire à exercer son droit au renouvellement, le congé est revêtu
d’un formalisme rigoureux dont le non-respect le rend caduc (I). Il doit également renfermer
certaines mentions spécifiques en vue d’informer le locataire sur les motifs allégués pour mettre
fin au bail (II).
1. Un congé particulièrement formaliste
Le contrat de bail commercial est un contrat solennel3, l’écrit constitue une condition
nécessaire à son existence et à sa validité. L’exigence de l’écrit comme condition obligatoire
pour la réalisation d’un contrat de bail commercial est une innovation très importante dans une
société plutôt réticente à toute forme de traçabilité4. Le formalisme réapparaît aussi pour le
congé mettant fin au contrat de bail commercial ou offrant un nouveau contrat à des conditions
nouvelles. C’est pour cette raison que, le bailleur ne peut user de son droit de refuser le
renouvellement ou de l’accepter à des conditions nouvelles que s’il délivre un congé dans une
forme spéciale (A), et selon un mode de notification particulier (B).
1.1. La forme du congé
Avant de se pencher sur la question de la forme que doit revêtir le congé, une question doit être
résolue. Quels sont les auteurs et les destinataires du congé.
1.1.1. L’auteur du congé
Evoquer l’acteur du congé alors que le congé est un acte juridique unilatéral5 peut sembler
curieux. Dès lors que seule une personne intervient dans son élaboration, le rôle du destinataire
1
Jean-Claude GROSLIERE « le congé en matière de bail ». JCL éd. G. 59 n°1537.
2
Y. CHEMINADE, « une question toujours actuelle : la nature juridique du congé en matière de louage de choses
et de services » RTD com.1972, p. 307
3
Article 3 du dahir du 18 juillet 2016 portant promulgation de la loi n°49-16 relative aux baux des immeubles ou
des locaux loués à usage commercial, industriel ou artisanal
4
MOUATAMID Ahmed « Etude analytique de la loi 49-16 a la lumière du droit comparé », revue de conseil
juridique n° 4-5, 2018
5
« Le congé est un acte unilatéral par lequel une des parties au contrat manifeste à l’autre son intention d’y mettre
fin à l’expiration d’un certain délai dit de préavis ». EL KACHBOUR Mohamed « Bail civil et bail commercial,
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est purement passif. Donc, le congé doit être envoyé par une personne qui aura la qualité de
propriétaire de la chose loué, s’il est la partie bailleur ou par toute autre personne ayant acquis
cette qualité. S’il y a plusieurs personnes, le congé doit mentionner le nom de tous les
propriétaires, sauf si les parties se font présenter par l’un d’entre eux pour envoyer le congé6.
Le congé doit préciser et désigner clairement l’adresse et la situation géographique des locaux
susceptibles d’éviction. Rien ne s’oppose à ce que le congé soit délivré à l’adresse des locaux
où le locataire exploite son fonds de commerce7.
Il est fréquent en pratique que le titulaire du droit d’agir qui est ici le propriétaire confié ses
pouvoirs à un mandataire. Il a été admis que le congé mettant fin au contrat de bail peut être
donné par le représentant gérant ou mandataire de la personne physique ou morale propriétaire
de l’immeuble8, à la condition toutefois que l’existence du mandat de donner congé soit établie9.
La cour de cassation française a cependant condamné le congé anonyme ; il faut donc porter
sur l’acte, entendu comme instrument, le nom et l’adresse du titulaire du droit10.
Néanmoins, ce congé ne doit pas être délivré par un tiers qui n’a aucune relation avec les parties
au contrat de bail, comme par exemple une personne prétendant être le propriétaire des locaux
ou immeubles. Pour ce qui est du nouvel acquéreur des locaux celui-ci est considéré comme un
ayant droit du vendeur pouvant ainsi délivrer le congé11.
Au-delà de ces hypothèses où l’auteur du congé est une personne unique ou représentée par une
personne unique, il en existe d’autres où plusieurs personnes qui interviennent sans pour autant
remettre en cause l’unicité des parties. Il s’agit de l’indivision. En cas d’indivision, et en
l’absence de texte spécifique, les articles 815 et suivants du code civil trouvent ici application.
C’est ainsi que, le congé relevant de la catégorie des actes d’administration12, doit être donné
en principe par tous les coîndivisaires. L’accord de tous est requis pour la conclusion du bail13,
ou pour y mettre fin. Nous optons pour notre part pour cette solution car le défaut de conclusion
d’un bail par l’ensemble des coîndivisaires est sanctionné par la nullité du bail, pour y mettre
fin, il doit en être de même.
Toutefois et toujours en cas d’indivision, la Cour suprême a décidé que le congé comportant le
refus du bailleur de renouveler le bail délivré par un coîndivisaire qui dispose d’une part de
43 /45 du bien indivis est valable, car la résiliation du bail relève de la catégorie des actes
d’administration ; le propriétaire de la majorité des parts dispose du droit de le délivrer tout
seul14.
Les difficultés relatives à la détermination de l’auteur du congé étant résolues ; il importe
d’analyser celles qui apparaissent quand il s’agit de déterminer le destinataire du congé.
1.1.2. Le destinataire du congé
Le principe est simple, tout comme l’auteur du congé est le cocontractant qui prend la mesure,
le destinataire du congé est le cocontractant qui va la subir. C’est en effet lui qui va devoir réagir
étude dans le cadre du dahir du 24 mai 1955 et dahir du 25 décembre 1980 », Imprimerie Anajah Aljadida
Casablanca 1ère édition, 1997, Yvonne CHEMINADE « une question toujours actuelle : la nature juridique du
congé en matière de louage de choses et de services » R.T.D.C 1972, p. 307.
6
Mohamed BOUNABET -le bail commercial entre le dahir du 24 mai 1955 et le code de commerce, série Afak
AlKANOUNE N 2, année 1999.
7
Ahmed ASSIM « La protection juridique du bail commercial, étude théorique et pratique des textes à la lumière
des arrêts de la Cour de cassation », 3 ème édition, La maison marocaine d’édition, 1988.p. 47.
8
Cass. Civ. 29 Avril 1949, Bull. civ. II, n°178.
9
Cass. Civ. 10 October 1972, Rev. Loyers 1972, 559.
10
Cass. Ass. Plénière. 13 février 1998, JCP. 1998, II 10060.
11
Arrêt de la cour suprême du 2 juin 1978, Revue de juridiction et de droit, n° 129. p. 92.
12
Cass. Civ 2 février 1950, D 1950. 228.
13
Orléans 18 avril 198, Loyers et cop. 1989, n° 23.
14
Arrêt de la cour suprême du 17 novembre 2004, n° de l’arrêt 1257.
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15
Arrêt de la cour suprême, n° 1829, 1984. Revue de la jurisprudence de la cour suprême, n° 38, p. 9.
16
Arrêt de la cour suprême du 9 novembre 1981. Revue de la jurisprudence de la cour suprême, n° 30, p. 23.
17
Il s’agit d’un texte de loi promulgué en 1965 qui concerne l’arabisation la marocanisation et l’unification des
tribunaux au Maroc.
18
Un arrêt de la cour suprême de 8juin 1987 en matière civile n°93159, cité par ASSIM : p 31 qui dit que le congé
peut être écrit en français puisque ce dernier n’est pas concerné par la loi de l’arabisation lié uniquement aux
plaidoiries et aux requêtes.
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intéressée ne comprend pas la langue française, et peut être éventuellement lésée, par
l’incompréhension d’une langue imposée19.
Par contre, la signature du congé par le bailleur est une formalité indispensable à sa validité ; la
doctrine et la jurisprudence ont mis l’accent plusieurs fois sur cette question, et considérer la
signature comme acte corollaire de la validité du congé, sans quoi le caractère sérieux de ce
dernier ne peut être prouvé20. De même, la jurisprudence française, a affirmé dans un arrêt
ancien que l’absence de signature dans un congé entraîne la nullité de ce dernier21.
1.2. Notification du congé
Le congé est un acte récepteur. Il doit donc être porté à la connaissance de son destinataire. Si
le congé régi par le droit commun n’est soumis à aucun mode de notification particulier ; il n’en
est pas de même de celui régi par la loi 49-16, qui impose des modes de notifications
particulières et le respect du délai de préavis.
1.2.1. Les modes légaux de la notification
Aux termes de l’article 34 de la loi 49-16, le congé peut être donné de deux manières, soit par
un huissier de justice22, soit dans les formes prévues dans le code de la procédure civile (les
articles 37, 38 et 39 du CPC). Ainsi la notification par huissier de justice a mis fin aux
contradictions jurisprudentielles concernant la validité du congé délivré par huissier de justice ;
il a exclu de ce fait les autres modes de notification et, il s’agit là aussi d’une innovation par
rapport au dahir du 24 mai 1955. L’ancien texte laisse une possibilité de choix entre le congé
donné selon les formes prévues aux articles 37, 38, et 39 du CPC ou par lettre recommandée
avec demande d’avis de réception. Ce faisant le bailleur évite de nombreux obstacle résultant
de la notification par lettre recommandée avec accusé de réception, tel le refus de réception,
prétendre que la notification a été faite à quelqu’un dépourvu de qualité, ou encore avancer que
l’enveloppe postale était vide23. Ainsi, le congé doit être fait selon les dispositions juridiques,
s’il est envoyé au locataire lui-même, à son épouse, ces proches, ou son conjoint ou bien à toutes
autres personnes résida avec lui conformément à l’article 39 de la procédure civile. La cour
suprême prend en considération l’obligation d’indiquer dans le certificat de réception l’identité
du récepteur c’est ce qui ressort d’un arrêt qui décide que « la réception correcte doit indiquer
sous peine de nullité le nom et le prénom du récepteur »24.
L’article 26 de la loi 49-16 englobe des dispositions dangereuses concernant les règles de base
d’un litige ou d’un procès.
L’alinéa 1 dispose que le bailleur qui entend mettre fin au bail, doit adresser au locataire un
congé motivé, et lui accorder un délai pour vider les lieux à compter de la date de notification,
pourtant le même article dispose en cas d’impossibilité de notification pour cause de fermeture
du local, le bailleur peut s’adresser au tribunal pour demander la validation du congé après
expiration du délai à compter du jour de l’établissement d’un PV constatant les faits.
L’article 26 a empiété sur le principe contradictoire et le droit de défense reconnu au défendeur
par la constitution, et constitue ainsi un recul vis-à-vis des règles ancrées par le travail
jurisprudentiel. La jurisprudence a considéré que l’envoi du préavis n’est pas suffisant ainsi que
19
V Jaouad Amahmoul, « le renouvellement du bail commercial à la lumière du dahir du 24 mai 1955 ». Faculté
pluridisciplinaire des sciences humaines juridiques économiques et sociales, perpignan année 1999. p.75.
20
Ahmed ASSIM., « la protection juridique du bail », op. cit. p. 47.
21
Tribunal, civ. Lyon 28 mars 1929, D.H. 1929, p. 296.
22
Voire l’article 15 de la loi 81-03 portant organisation de la profession d’huissier de justice (B.O n° 5400 du 2
mars 2006)
23
- Najat Al KASSE, « Le droit au bail, élément du fonds de fonds de commerce, et l’étendu de sa protection
instituée par le dahir du 24 mai 1955 » thèse de doctorat (en arabe), FSJES, Université Hassan 2, année de
soutenance 2004-2005.
24
Arrêt de la cour suprême du 15 mars 1978, n°188. Revue de justice et de droit, n°129, p.76.
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le bailleur devait prouver que le locataire a reçu le préavis et que le congé répond aux exigences
de l’article 6 du dahir de 1955.25
1.2.2. Le délai de congé
Quel que soit le régime auquel se trouve soumis le bail, le congé ne va pas produire ses effets
immédiatement, le législateur impose en effet le respect d’un préavis, dont il quantifie lui-même
la durée. Le préavis relève de l’ordre public de protection, il en effet été édicté dans l’intérêt du
destinataire du congé.
L’article 26 de la loi 49-16 édicte deux délais de congé, se différent selon le motif invoqué. Le
délai est fixé à 15 jours pour des cas précis et de 3 mois pour d’autres.
-15 jours, il s’agit de deux cas qui sont :
• lorsque le locataire est en demeure de paiement des loyers ;
• lorsque le local est menacé de ruine ou d’effondrement.
-3 mois dans les autres cas, à savoir :
• la récupération du local pour utilisation personnelle ;
• l’évacuation du local pour cause de démolition et reconstruction ;
• l’évacuation du local pour cause d’expansion et surélévation ;
• l’évacuation du local pour cause de non-respect des clauses contractuelles.
En ce qui concerne la durée de validité du congé la nouvelle loi dispose que le droit du bailleur
pour demander la validation du congé auprès du tribunal se prescrit par 6 mois à compter de
l’expiration du délai du congé, mais le bailleur peut souvent s’adresser au tribunal pour la
validation du congé sur la base d’un nouveau congé notifié au locataire dans les mêmes
conditions citées par l’article 26 de la loi 49-16. La nouvelle loi a apporté une nouvelle
disposition à ce propos, l’ancien dahir dans son article 33 fixe un délai de deux ans pour la
prescription de toute action intentée dans le cadre de ce dahir, la même position était adoptée
par la cour de cassation.
2. L’analyse du contenu du congé
Les interventions spéciales pour encadrer le régime de certains baux ont toutes réglementé le
congé délivré par le bailleur en imposant des motifs qu’il doit alléguer pour mettre fin au bail.
C’est ainsi que la loi 49-16 relative aux baux commerciaux a principalement prévu dans l’article
26 la motivation du congé par le propriétaire qui dispose, « le bailleur qui entend mettre fin au
bail, doit adresser au locataire un congé exposant obligatoirement le motif ….». La nécessité
d’une motivation valable est le fruit de l’ancien dahir de 1955, mais l’objet de cette nécessité
se diffère dans le cadre de la nouvelle loi.
Mais, il est important de signaler que, cette obligation de motiver n’était cependant pas absolue
sous l’empire du dahir du 24 mai 1955. En effet, la motivation n’a pas la même teneur pour le
bailleur en toutes situations26.
Certainement, lorsque le bailleur délivre un congé avec offre de renouvellement, la motivation
consistera simplement dans l’offre ferme de renouveler. Le congé dans ce cas ne peut être non
valable, s’il ne mentionne aucun motif.
Mais, en cas de refus de renouvellement, il faut distinguer entre le refus avec indemnité
d’éviction, et le refus sans indemnité d’éviction.
En ce qui concerne, le refus sans indemnité d’éviction, une question s’est posée celle de savoir
si le refus pur et simple, ne mentionnant pas l’offre d’une indemnité, constitue en lui-même un
motif suffisant comme impliquant ipso facto l’obligation de payer une indemnité, le bailleur
n’étant tenu de motiver son refus que s’il entend s’exonérer du versement de cette indemnité.
25
Décision de la cour de cassation n° 474 à la date 25/04/2007 dossier commercial n° 1319/3/2/2004.
26
J. VIATTE « La motivation des congés en matière de baux commerciaux » Revue. Loyers, 1962, p. 349.
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La doctrine s’est divisée sur ce point. Certains auteurs estiment que le bailleur est tenu d’offrir
expressément le paiement d’une indemnité d’éviction pour satisfaire à l’obligation de motiver27.
L’offre de cette dernière sera ainsi une motivation suffisante28. Même la cour de cassation a
jugé suffisamment motivé le congé qui manifeste l’intention du bailleur de mettre fin au bail et
de payer l’indemnité d’éviction ; l’offre de cette dernière sera une motivation suffisante29.
D’autres sont d’une opinion contraire. Selon ces auteurs le propriétaire n’est jamais tenu de
consentir le renouvellement, il a le droit absolu de le refuser sauf à payer l’indemnité ; il n’a
pas de motif à donner : le motif c’est sa volonté de refuser30. Dans cette thèse, le congé est
suffisamment motivé s’il contient un refus pur et simple de renouvellement, ce refus impliquant
sans qu’il soit nécessaire de l’indiquer expressément l’offre d’une indemnité. Par conséquent,
le motif non valable ne conduit pas à la nullité du congé mais il donne lieu à l’indemnisation
du locataire évincé.
Toutefois, Certaines juridictions déclarent que le congé qui porte des motifs inexacts ou qui
énonce des motifs inopérant et non sérieux est nul31. Une telle solution a été critiquée. M. El
KECHBOUR32 approuve le fait que la nullité du congé soit écartée au profit du bailleur qui ne
mentionne pas les motifs du refus de renouvellement dans le congé. D’une part, parce que le
législateur n’a pas sanctionné le défaut de cette obligation par la nullité du congé, et d’autre
part parce que le législateur a automatiquement fait bénéficier le locataire, dans le cas d’un
refus non fondé, d’une indemnité d’éviction.
Devant ces opinions extrêmes, la Cour suprême n’est pas parvenue à prendre une position claire.
Tantôt, elle considère le congé qui ne mentionne pas les motifs de refus comme non valable et
rejette une décision de la cour d’appel de Rabat, qui avait appliqué les dispositions de l’article
dix du dahir, sans chercher à savoir si le bailleur avait justifié son refus par des motifs sérieux
et réels33.
Tantôt, elle valide le congé portant des motifs inopérants ou inexacts ou qui ne mentionne aucun
motif, en affirmant que le congé portant des mentions inopérantes ou non sérieuses n’est pas
nul, le locataire ayant droit à l’indemnité d’éviction34. Le bailleur a toujours la faculté de refuser
sans motif, dès l’instant qu’il offre l’indemnité d’éviction, il semble logique d’admettre qu’en
cas d’annulation de motifs de refus, qui l’auraient dispensé de l’indemnité intégrale, le congé
doit être interprété comme un refus pur et simple.
A contrario, la nécessité de la justification du congé sous l’empire de la nouvelle loi 49-16 se
diffère à celle qu’on a vu dans les dispositions du dahir de 24 mai 1955, ainsi, le défaut de
motivation n’a qu’une seule conséquence, bien, évidemment le refus du congé et le rejet de la
demande et non pas la possibilité d’indemnisation, ce qui constitue l’inverse des décisions
antérieures de la cour de cassation.
27
Robert Martin Maus René et Pierre Lafarge, « Manuel des baux commerciaux, propriété commerciale,
prorogation, révision », Edition Librairie Dalloz, 1951 p. 319.
28
Ahmed ASSIM. « La protection juridique du bail commercial » op. cit, ; p. 55
29
Arrêt de la Cour de cassation, 19 novembre 2008, non publié
30
ARCHEVEQUE Jean, BELOT Philipe, LEGRAND Jacques « Les baux commerciaux », 2eme édition, Paris
Sirey 1954 p. 230.
31
Cour d’appel de Casablanca du 28 octobre 1980, Revue Almohamet, année 1982. p. 95 ; Arrêt de la cour
suprême, du 30 novembre 1988, cité par TAWFIK. Abdel Aziz.la jurisprudence de la cour suprême sur le bail
commercial, Année 1957- 2004. p.194 ; cour d’appel de Rabat 4 mars 1960, GTM. 25 novembre 1961, p. 105.
Observation Pr, ELKECHBOUR
32
Mohamed EL KACHBOUR « Le droit au bail élément du fonds de commerce. Etude dans le cadre du 24 mai
1955, et le code de commerce », Série des études juridiques 2, Impremerie Anajah Aljadida, casablanca 1er édition
1998.
33
Arrêt de la cour suprême du 13 octobre 1993. Revue de la jurisprudence de la cour suprême. N°4, p. 52.
34
Arrêt de la cour suprême du 23 juin 1999, cité par TAWFIK. Abdel Aziz., la jurisprudence de la cour suprême
sur le bail commercial, Année 1957- 2004, p. 56
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Conclusion
De ce qui précède on peut conclure que le congé témoigne de l’importance du formalisme en
la matière. En réalité, le formalisme qui entoure la matière sert à éviter toute discussion
ultérieure sur la notification du congé et sur l’interprétation de ce qu’il renferme. Il empêche en
outre, les surprises des mentions particulières par la précision de son contenu. En effet, la
motivation du congé n’est pas une simple formalité matérielle mais constitue une mention
substantielle. La motivation exigée consiste en une prise de position au sujet de l’exercice du
droit au renouvellement. Son but est de permettre au locataire de vérifier la régularité du congé,
de se renseigner sur les intentions réelles du bailleur et de prendre parti pour surveiller ses droits
et intérêts notamment son droit au renouvellement ou ses corollaires et ce, soit en contestant le
motif invoqué ou en demandant une indemnité d’éviction. C’est pour cette raison que le congé
doit porter les motifs du refus de renouvellement. Ces motifs doivent être réels et sérieux.
Bibliographie
• Al KASSE Najat, « Le droit au bail, élément du fonds de fonds de commerce, et l’étendu
de sa protection instituée par le dahir du 24 mai 1955 », thèse de doctorat (en arabe),
lieu de soutenance FSJES Université Hassan 2, Casablanca année 2004-2005.
• AMAHMOUL Jaouad, « Le renouvellement du bail commercial à la lumière du dahir
du 24 mai 1955 », Faculté pluridisciplinaire des sciences humaines juridiques
économiques et sociales, perpignan 1999.
• ARCHEVEQUE Jean, BELOT Phillipe, LEGRAND Jacques, « Les baux
commerciaux », 2eme édition, Paris Sirey 1954.
• ASSIM Ahmed, « La protection juridique du bail commercial, étude théorique et
pratique des textes à la lumière des arrêts de la Cour de cassation », 3ème édition, La
maison marocaine d’édition, 1988.
• BOUNABET. Mohamed, « Le bail commercial entre le dahir du 24 mai 1955 et le code
de commerce », série Afak Alkanoun, N 2, 1999.
• CHEMINADE Yvonne, « Une question toujours actuelle : la nature juridique du congé
en matière de louage de choses et de services » R.T.D.C 1972, p. 307.
• Dahir du 18 juillet 2016 portant promulgation de la loi n°49-16 relative aux baux des
immeubles ou des locaux loués à usage commercial, industriel ou artisanal.
• EL KACHBOUR Mohamed, « Le champ d’application du dahir du 1955 et du dahir du
1980 », Revue Almaiadine, n°8, 1993.
• EL KACHBOUR Mohamed, « Le droit au bail élément du fonds de commerce. Etude
dans le cadre du 24 mai 1955, et le code de commerce », Série des études juridiques, N
2, Imprimerie Anajah Aljadida, Casablanca 1ère édition, 1998.
• EL KECHBOUR Mohamed, « Bail civil et bail commercial, étude dans le cadre du dahir
du 24 mai 1955 et dahir du 25 décembre 1980 », Imprimerie Anajah Aljadida
Casablanca 1ère édition, 1997.
• GROSLIERE Jean-Claude « Le congé en matière de bail ». JCL éd. G. 59 n°1537
• La loi 81-03 portant organisation de la profession d’huissier de justice (B.O n° 5400 du
2 mars 2006).
• La loi promulguée en 1965 qui concerne l’arabisation la marocanisation et l’unification
des tribunaux au Maroc.
• Robert Martin Maus René et Pierre Lafarge, « Manuel des baux commerciaux, propriété
commerciale, prorogation, révision», Edition Librairie Dalloz, 1951.
• MOUATAMID Ahmed, « Etude analytique de la loi 49-16 a la lumière du droit
comparé », revue de conseil juridique n° 4-5, 2018.
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