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Avant-propos

Avant-propos

Un peu de « celte » dans les nourritures de l’esprit ?

Cela fait déjà quelques années que je m’intéresse à la culture et à la civilisation des anciens Celtes. Je pourrais
presque donner la date, ou même l’heure, à laquelle j’ai commencé à succomber à cette « étrange » passion :
c’était très exactement le jour de la première diffusion du film Braveheart sur une des chaînes de la télévision
belge.

Bien que l’œuvre de Mel Gibson, basée sur la vie du héros de l’indépendance écossaise William Wallace, ait
suscité de nombreuses critiques à cause de son manque de rigueur historique, il n’en demeure pas moins
qu’elle a sensibilisé beaucoup de monde en instillant chez plus d’un spectateur le virus (inoffensif) de la
« celtitude ». Il faut croire qu’à cette époque je n’étais pas immunisé.

Dans son Atlas historique du monde celte, à propos de cet engouement récent et persistant pour la culture celtique,
Angus Konstam a écrit : « … le film Braveheart (…) qui opposait les Celtes aux Anglo-Saxons, (…) fit réapparaître
l’esprit celte indépendant. Il avait également quelque rapport avec le romantisme, revenant vers l’âge idyllique de la chevalerie,
comparable à celui de la légende d’Arthur pour les générations précédentes ».

J.R.R. Tolkien, grand connaisseur des cultures de l’ancienne Europe, disait avec justesse de la « celtitude »
qu’elle est « une pochette surprise dans laquelle on peut mettre tout et n’importe quoi ». C’est dans ce « n’importe » quoi que
l’on trouve généralement les éléments qui rendent le mot « celte » si sensible à l’oreille d’une partie du grand
public.

En effet, personne n’ignore, et la plupart des médias ne sont pas là pour faire la part des choses tant est grande
leur soif de sensationnalisme, que les éléments de la culture celtique sont régulièrement récupérés, déviés et
corrompus par une catégorie de personnes infréquentable et nostalgique d’une époque maudite entre toutes.
Nul besoin ici de citer leur nom ou les titres de leurs livres de chevet, tout le monde aura compris de qui et de
quoi il s’agit, malheureusement.

Comme dans bon nombre de domaines, l’ignorance est mère de tous les maux. Mieux connaître une culture,
c’est être mieux préparé à la défendre ou tout au moins être prêt à ne pas laisser dire n’importe quoi à son
propos afin que les légendes, les mythes, les symboles et l’histoire d’un peuple ne puissent pas être utilisés à
des fins de propagande ou dans d’autres buts fallacieuxI.

Si j’insiste sur ce point, c’est qu’au fil de mes recherches documentaires, je me suis rendu compte que de
nombreux auteursII éprouvaient le besoin de justifier leur intérêt pour l’histoire des Celtes, ou, pire encore, de
nier toute appartenance à quelque mouvement que ce soit, politique ou religieux, afin d’échapper aux
amalgames. Quelqu’un qui s’intéresse à l’histoire de Rome ou aux mythes de l’Egypte ancienne ne donnera
jamais ce genre d’avertissement, du moins je n’ai jamais rien lu de tel.

Tout ceci n’est pas anecdotique, c’est symptomatique. A mon humble avis, les milieux culturels ont un rôle à
jouer dans la diffusion d’une image réaliste, objective et neutre de la civilisation celte en tant que grande

I Au service mercantile d’éventuels mouvements sectaires, par exemple.

Guillaume Roussel (voir notice n°3) donne sur la page d’accueil de son site L’arbre celtique un avertissement à ceux qui voudraient récupérer à des fins
II

malveillantes tout ou partie de son travail. David Chauvel (voir notice n° 45), au dos de la page de titre du premier tome de la série Arthur : une épopée celtique
défend au lecteur de rechercher dans son texte une éventuelle « exaltation ethnique » du personnage d’Arthur. Venceslas Kruta (voir notice n°6 notamment),
éminent celtologue et archéologue, a vu ses chantiers de fouilles être qualifiés par d’aucuns de « chantiers de droite » parce qu’il avait imposé le port du casque à
ses ouvriers, … Les exemples sont légion.

ii
Avant-propos

civilisation de l’Antiquité au même rang que les Mésopotamiens, les Egyptiens, les Grecs ou les Romains, et
ceci bien sûr en se maintenant loin de tout discours apologique (ce que certains latinistes devraient également
faire quand ils décrivent l’Empire romain).

Montrer quelle est la part réelle d’héritage que nous ont légué les anciens Celtes, démontrer que cet héritage
est avant tout culturel et pas génétique, affirmer qu’il fait partie de notre conscience collective au même titre
que le legs de la culture gréco-romaine ou les influences culturelles des peuples du monde moderne… voilà
qui, mais je peux me tromper, devrait être de nature à désamorcer les bouffées de délire « celtomaniaqueIII » de
quelques politiciens en mal de pouvoir absolu, gourous illuminés et autres suiveurs « moutonnants ».

Tout ceci, évidemment, et heureusement, n’est qu’une des deux raisons pour lesquelles j’ai opté pour ce sujet.
L’autre est purement personnelle. Ce n’est pas vraiment une raison d’ailleurs mais plutôt une question de goût,
un goût immodéré (!?) pour tout ce qui touche au fantastique, aux univers imaginaires et spirituels, des univers
tellement prégnants dans la culture celte qu’ils s’expriment avec une vigueur quasi exceptionnelle dans les
mythes, les légendes, les littératures et l’art des pays celtiques, depuis les temps les plus obscurs jusqu’à nos
jours.

Au final, je pense que celles et ceux qui s’intéressent pour eux-mêmes à la culture celtique cherchent avant tout
à retrouver une sagesse perdue et une certaine manière de vivre qui ne sont plus de ce monde (l’ont-t-elles
jamais été ?) et qui pourraient se trouver résumées dans ces quelques mots extraits de Bilbo le Hobbit :

“If more of us valued food and cheer and song


above hoarded gold, it would be a merrier world.”IV

III Le « celtomaniaque » est quelqu’un d’irraisonné qui voit l’influence des Celtes partout et en toutes circonstances.

IV« Si un plus grand nombre d'entre nous préféraient la nourriture, la gaieté et les chansons aux entassements d'or, le monde serait plus rempli de
joie ». In John Ronald Reuel Tolkien. Bilbo le Hobbit. Trad. de Francis Ledoux. Paris : Le livre de poche, 1969, p. 297.

iii

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