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Annuaire français de droit

international

La souveraineté sur les ressources naturelles


Monsieur Georges Fischer

Citer ce document / Cite this document :

Fischer Georges. La souveraineté sur les ressources naturelles. In: Annuaire français de droit international, volume 8, 1962.
pp. 516-528;

doi : https://doi.org/10.3406/afdi.1962.985

https://www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_1962_num_8_1_985

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516 ORGANISATION DES NATIONS UNIES

avance qu'il n'exercera pas ses fonctions avec impartialité, étant donné la
politique qu'il a poursuivie jusqu'alors. Plusieurs exemples récents de
décolonisation ont montré à quel point il est difficile de reconnaître à la
procédure d'autodétermination un caractère véritablement objectif, étant
donné les conditions mêmes dans lesquelles la décolonisation s'accomplit. On
peut se demander si les termes de l'accord du 15 août 1962 n'ont pas encore
aggravé ces conditions : mettant fin à un colonialisme européen, était-il
nécessaire qu'ils laissent la porte ouverte à un impérialisme asiatique ?

LA SOUVERAINETE
SUR LES RESSOURCES NATURELLES

G. FISCHER

Sous la pression des Etats nouveaux, des pays en voie de développement,


les Nations Unies se préoccupent, depuis de nombreuses années, de « la
souveraineté permanente des peuples sur leurs richesses et ressources
naturelles », considérée comme un corollaire du droit des peuples à disposer
d'eux-mêmes.
Les deux projets de pactes internationaux relatifs au droit de l'Homme
comportent, chacun, à l'article premier, la disposition ainsi conçue : « Le droit
des peuples à disposer d'eux-mêmes comprend en outre un droit de
souveraineté permanent sur leurs richesses et leurs ressources naturelles. Les
droits que d'autres Etats peuvent revendiquer ne pourront en aucun cas
justifier qu'un peuple soit privé de ses propres moyens de subsistance ».
La première résolution de l'Assemblée générale reconnaissant le principe
est celle adoptée le 12 février 1952 (1) . Suivant cette résolution « les pays
insuffisamment développés ont le droit de disposer librement de leurs
richesses naturelles... qu'ils doivent utiliser... de manière à se mettre dans
une position plus favorable pour faire progresser davantage l'exécution de
leurs plans de développement économique conformément à leurs intérêts
nationaux, et pour encourager le développement de l'économie mondiale ».

(1) Résolution 523 (VI).


LA SOUVERAINETÉ SUR LES RESSOURCES NATURELLES 517

La résolution adoptée par l'Assemblée le 21 décembre 1952 proclame que la


souveraineté des peuples sur leurs richesses et ressources naturelles implique
le droit d'exploiter librement lesdites richesses et ressources et qu'aucun acte,
direct ou indirect, ne doit porter atteinte à l'exercice par un Etat de sa
souveraineté sur ses ressources naturelles (2).
Certains membres de l'Assemblée tenaient toutefois à préciser le sens
du principe. C'est à la suite des efforts déployés par ces membres que
l'Assemblée, par une résolution du 12 décembre 1958 (3), désigna une commission
(temporaire) des Nations Unies pour la souveraineté permanente sur les
ressources naturelles. Cette commission fut chargée de procéder à une
enquête et de formuler, le cas échéant, des recommandations. L'Assemblée
précisait que l'enquête devrait tenir dûment « compte des droits et des
devoirs des Etats conformément au droit international et du fait qu'il importe
d'encourager la coopération internationale en matière de développement des
pays sous-développés » (4) .
La Commission comprenait neuf membres : Afghanistan, Chili, Etats-
Unis, Guatemala, Pays-Bas, Philippines, R.A.U., Suède et U.R.S.S. Elle a tenu
trois sessions dont la dernière en mai 1961 (5). C'est au cours de celle-ci que
la Commission a arrêté ses recommandations qui, sous une forme remaniée,
ont été adoptées, au cours de sa 17e session, par l'Assemblée sur rapport de
la deuxième commission (6). Quant aux résultats de l'enquête menée par
l'intermédiaire du secrétariat, ils ont été discutés au cours des deux premières
sessions. Ils sont maintenant consignés dans un rapport volumineux (7)
comportant de très précieuses informations mais reflétant bien insuffisamment
l'évolution considérable intervenue au sujet du droit de propriété dans la
doctrine, dans la pratique, dans les normes internes et internationales.

II

1) Un commentaire, même rapide, de la résolution du 14 décembre 1962,


doit commencer par une mise en garde : il ne s'agit pas en l'occurrence d'un
texte de caractère juridique, mais d'une sorte de proclamation de principe.
En règle générale, les résolutions de l'Assemblée ne lient pas les Etats. Elles

(2) Résolution 626 (VII).


(3) Résolution 1314 (XIII).
(4) Cf. la Résolution 1514 (XV) : « Affirmant que les peuples peuvent, pour leurs propres
fins, disposer librement de leurs richesses et ressources naturelles, sans préjudice des
obligations qui découleraient de la coopération économique internationale, fondée sur le principe
de l'avantage mutuel, et du droit international ».
(5) Le rapport de la Commission figure dans le Doc. O.N.U. 62. V. 6., Etat de la question
de la souveraineté permanente sur les richesses et ressources naturelles et Rapport de la
Commission, N. Y., 1962, pp. 257 s.
(6) La résolution de l'Assemblée a été adoptée le 14 décembre 1962. Le projet a été voté
par la 2e Commission le 3 décembre 1962. V. Doc. A/C. 2/L. 705.
(7) Document cité supra, note 5.
518 ORGANISATION DES NATIONS UNIES

peuvent, en revanche, exercer une influence sur le droit et la jurisprudence.


On sait que le 13 septembre 1952, le Tribunal civil de Rome a décidé que les
lois de nationalisation iraniennes étaient applicables en Italie et que leur
légalité était implicitement confirmée par la résolution 626 (VII) de
l'Assemblée générale (8).
D'autre part, on ne trouve dans la résolution du 14 décembre 1962 aucune
définition satisfaisante pour le juriste de la notion de souveraineté permanente
sur les ressources naturelles. D'ailleurs l'étude du problème a été renvoyée
par l'Assemblée à sa deuxième Commission dont la compétence s'exerce dans
le domaine économique. La majorité des délégués a insisté sur les aspects
économiques et politiques du principe. En revanche l'un des deux membres
qui ont voté contre la résolution (celle-ci a été adoptée par 87 voix contre 2
avec 12 abstentions), la France, a justifié son vote en affirmant qu'il
s'agissait d'une question juridique qui devait être soumise à l'examen des
juristes (9).
En réalité, la souveraineté permanente sur les ressources naturelles
constitue, du moins pour l'instant, non une règle du droit international, mais
une doctrine. Ce n'est pas la première fois qu'une doctrine fait son apparition
et joue un certain rôle au sein de la communauté internationale. Rappelons
les doctrines Monroë, Drago, Calvo, pour ne citer que celles-là. Les
conditions dans lesquelles elles naissent, se développent et se transforment, le cas
échéant, en norme juridique, n'ont pas fait l'objet de beaucoup d'études. Il y
a là un champ fructueux pour la recherche. Ici nous devons nous contenter
de donner une définition provisoire et approximative du phénomène. Une
doctrine, au sens que l'on vient de préciser, constitue une norme directrice
ou une ligne de conduite, souvent politique, toujours systématique et
continue, reflétant les intérêts et les conceptions du pays ou du groupe de pays qui,
à la faveur du changement, réel ou supposé, du rapport des forces, l'énonce
et cherche à la faire accepter par les autres Etats et, en dernière analyse, à
la transformer en règle du droit international.
Dans le cas qui nous occupe, il convient de noter une particularité
intéressante. Par le passé, les doctrines ont été proclamées unilatéralement par
un pays ou un groupe de pays qui tentait bien d'obtenir l'accord de la
Communauté internationale. Mais celle-ci n'intervenait qu'au stade, pas toujours
atteint, où la doctrine était transformée en règle de droit. La souveraineté
permanente, avant de devenir une règle de droit, a été énoncée au sein et
par l'intermédiaire des Nations Unies où coexistent des conceptions, des
tendances diverses. Aussi, dès qu'il s'est agi de préciser quelques-unes des con-

(8) International Law Reports, 1955, pp. 23 s.


(9) V. notamment A. G., 1194' séance plénière; aussi 2e Commission, 842e séance.
L'Assemblée n'a d'ailleurs pas ignoré l'aspect juridique de la question et dans sa résolution que nous
analysons elle a déclaré accueillir « avec satisfaction la décision de la Commission du Droit
International d'accélérer ses travaux sur la codification de la question de la responsabilité
des Etats ».
LA SOUVERAINETÉ SUR LES RESSOURCES NATURELLES 519

séquences de la doctrine, a-t-il fallu recourir au compromis, ce qui explique


les ambiguïtés et les obscurités du texte adopté.
2) En fait, les ambiguïtés et les obscurités enveloppent le sujet depuis
qu'il a été introduit aux Nations Unies. Il n'y a là rien que de compréhensible.
Le droit des peuples à disposer de leurs ressources naturelles constitue une
idée-force, exprime la réclamation et la protestation des peuples
prolétaires, leurs aspirations à la libération économique. La mise en œuvre du
principe, comme tant d'autres mutations et transformations intervenues sur
le plan interne ou international, est de nature à porter atteinte à des intérêts
qui relèvent des pays riches. Ceux-ci, la plupart du temps, envisagent l'aide
qu'ils fournissent aux pays insuffisamment développés comme un complément
des investissements privés ou un moyen de les encourager. Dans ces
conditions, les Etats nouveaux cherchaient à éviter, pour ne pas heurter trop
brutalement les pays fournisseurs de capitaux, de préciser le contenu de la
doctrine.
Certains des Etats insuffisamment développés mettaient l'accent, au sein
de la Commission pour la souveraineté permanente déjà, sur la nécessité de
transformer cette instance temporaire en un organe permanent chargé de
faire de nouvelles études et recommandations (10). Ces études et enquêtes
devaient porter sur l'activité déployée et les projets réalisés dans les pays en
voie de développement par certaines grosses sociétés et montrer ainsi, d'une
façon continue et concrète, que le principe était justifié et qu'il était loin
d'être généralement appliqué.
La proposition précitée n'a pas été adoptée. Mais au sein de la deuxième
Commission de l'Assemblée générale, la Birmanie et le Soudan ont déclaré
que le projet de résolution — par les précisions qu'il apportait — était de
nature à limiter plutôt qu'à renforcer le principe (11) . Ils ont, en conséquence,
proposé de rétablir la Commission sur la souveraineté permanente, de
l'élargir à 18 membres et de lui confier la tâche d'examiner la partie essentielle des
recommandations de la Commission étant entendu que ladite partie ne devrait
pas figurer dans la résolution que l'Assemblée adopterait (12). Cette
proposition n'ayant pas obtenu un soutien suffisant, la résolution définitive n'en
comporte qu'un écho affaibli. Le dernier paragraphe du préambule exprime le
souhait que les Nations Unies continuent d'examiner la question. Le dispositif
charge le Secrétaire général de poursuivre l'étude du problème et de faire
rapport à la 18e session de l'Assemblée et à la 36e session du Conseil
économique et social. La Commission n'est pas rétablie.
3) Une troisième observation est liée aux deux précédentes. Aucune
définition ne vient préciser les notions que couvre le principe. Ainsi le terme

(10) Cf. Amendements de l'Afghanistan et de la R.A.U. A/AC./97L.6; A/AC97/L.7;


A/AC.97/L.8 et Rev. 1.
(11) Cf. 17e Ass. Gén. 2« Commission, 850e séance.
(12) A/C.2/L.696; A/C.2/L.698; A/L.412.
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peuple demeure vague. Au cours des débats déjà anciens, on a invoqué la


définition donnée du mot peuple par G. Scelle : « un groupe quelconque de
ressortissants étatiques» fondé sur «la cohésion des volontés des individus
qui en font partie » (13) . Toujours est-il que le terme a été constamment
utilisé dans un sens anti-colonialiste et il vise aussi tous les groupements
humains réclamant leur séparation de la métropole qui les administre.
Que faut-il entendre par l'expression richesses et ressources naturelles ?
Elle vise de toute évidence les ressources minérales, hydrauliques, agricoles,
sous-marines, etc. Elle semble s'appliquer aussi aux produits de l'industrie
transformant ou utilisant ces ressources qui ne peuvent être obtenues elles-
mêmes que grâce à l'effort humain. Mais qu'en est-il des industries
mécaniques, électrotechniques, etc ? Il est plus difficile qu'il ne semble
d'introduire des distinctions et des séparations rigides (14) .
En rapport avec le terme souveraineté, on a remarqué qu'il fallait
distinguer entre souveraineté et propriété, imperium et dominium. Dans cette
conception, la souveraineté signifie que l'Etat veille à l'intérêt général et
contrôle dans ce but, l'exercice du droit de propriété, sans plus. En d'autres
termes, « la souveraineté sur les ressources naturelles est une notion
politique qui n'est pas incompatible avec le fait que la propriété des ressources
ou le droit de les exploiter appartient à des étrangers » (15) . Mais cette
distinction, à première vue, très claire, reflète les conceptions du libéralisme
économique et semble peu compatible avec les réalités du monde présent au
sein duquel la séparation de l'économique et du politique s'avère illusoire (16).
Les Etats nouveaux, en particulier, dont toute la vie économique et
financière dépend de la production et de l'exportation d'un ou deux produits,
peuvent arriver légitimement à la conclusion que la souveraineté effective
et le droit de propriété, même réglementé, sont deux notions contradictoires
et quelquefois incompatibles et que cette contradiction ou incompatibilité est
particulièrement criante lorsque les structures économiques en place
constituent le legs de la période coloniale.
4) Essayons rapidement de dégager quelques-uns des éléments concrets
du principe de la souveraineté permanente, tels qu'ils apparaissent dans les
conceptions des porte-parole de certains Etats nouveaux.
Ces Etats estiment que leur situation et leurs structures économiques
doivent être rapidement changées et que l'indépendance politique n'est qu'un
moyen permettant de réaliser l'objectif suprême : la libération et
l'indépendance économiques. Cet objectif, conforme aux intérêts de la communauté

(13) V. Ass. Gén., 7e session, 3e Commission, 443e, 444e, 445e séances; cf. aussi Rapport de
la Commission des Droits de l'Homme sur sa 8e session, 1952.
(14) Rappelons que suivant la C.P.J.L, l'agriculture « est incontestablement l'industrie du
monde la plus ancienne et la plus considérable ». Série B, n° 2.
(15) Déclaration du membre suédois, M. Petren, A/AC. 97/SR. 22.
(16) Cf. F. Pebhoux, L'Anglo-Iranian Oil Cy et les effets de domination, Economie
appliquée, janvier-mars 1952, notamment p. 158.

LA SOUVERAINETÉ SUR LES RESSOURCES NATURELLES 521

internationale tout entière, ne peut être poursuivi avec succès sans que
soient bouleversées des structures économiques mises en place, par des
étrangers au profit de capitalistes étrangers, pendant la période coloniale ou
semi-coloniale caractérisée par l'inégalité des rapports entre pays. Il y a donc
deux périodes : avant et après, et la plus grande liberté doit être reconnue
à l'Etat de changer ou bouleverser les contrats intervenus, les concessions
accordées, les droits acquis pendant la première période. Le délégué de la
Yougoslavie a, d'une façon symptomatique, fait écho à cette thèse en
déclarant qu'il s'agissait d'un problème d'émancipation économique. Il a affirmé
qu'on ne pouvait pas « traiter de la même manière la propriété étrangère
acquise au moment où les deux Etats intéressés étaient souverains et la
propriété étrangère acquise quand l'un des Etats était souverain et l'autre non.
On ne saurait automatiquement appliquer à une situation où la plupart des
pays sont indépendants, les normes du droit international qui étaient
appliquées lorsque la moitié du genre humain vivait dans un état de
dépendance ». Le même délégué faisait appel à la compréhension des pays
développés, en soulignant le contraste qui existait entre le domaine des fonds publics
où la souplesse prévalait (prêts à long terme et à très faible taux d'intérêt)
et le domaine des investissements privés, régi encore par des conceptions
trop rigides (exigence par les Etats développés d'une indemnisation prompte,
effective et satisfaisante en cas de nationalisation) (18).
Les autres éléments qui, suivant les pays en voie de développement,
découlent du principe de la souveraineté permanente pourraient être
indiqués comme suit. En cas de nationalisation ou d'expropriation une indemnité
est due, mais le montant de celle-ci et les conditions dans lesquelles elle est
versée sont fixées par la loi nationale (19) . Le droit interne régit aussi tous les
contrats conclus par l'Etat avec une entité non étatique. Les différends qui
naîtraient d'un tel contrat sont de la compétence des tribunaux nationaux.
Lorsque, pour sauvegarder ses intérêts nationaux, un pays est obligé de
modifier un contrat conclu avec un étranger ou d'acquérir, nationaliser ou
exproprier les biens d'un étranger, l'Etat dont relève cet étranger ne devrait
intervenir ni sous la forme de la protection diplomatique ni sous une autre
forme quelconque. L'aide économique et technique fournie par un Etat à un
autre ne devrait comporter aucune condition incompatible avec ce qui
précède (20).

(18) 17e Ass. Gén., 2e Commission, 846e séance.


(19) Suivant le Comité juridique consultatif africano-asiatique « Une indemnité est versée
du chef d'une telle acquisition, expropriation ou nationalisation, conformément à la législation
locale ». V. Doc. cit. supra note 5, p. 21.
(20) Par exemple, conformément à un amendement de portée générale, adopté par le
Congrès en 1962 en relation avec la législation concernant l'aide à l'étranger, le gouvernement
des Etats-Unis a averti, le 8 janvier 1963, le gouvernement de Ceylan que l'aide américaine
à ce pays prendrait fin le 1er février 1963, si des mesures ne sont pas) prises en vue de
l'indemnisation des sociétés pétrolières américaines expropriées en 1962. The Times, 9, 10
et 12 janvier 1963. Les pays insuffisamment développés considèrent sans doute qu'en l'occu-
rence l'aide publique est employée comme un moyen de pression destiné à faire échec à
l'application du principe de la souveraineté permanente. Encore faut-il remarquer que la
522 ORGANISATION DES NATIONS UNIES

Les Etats nouveaux ne rejettent pas le droit international dont ils


prétendent que les règles sont conformes aux principes précités. Mais si la
situation était aussi claire, on ressentirait peut-être moins le besoin de proclamer
la doctrine et de s'employer à en obtenir l'acceptation. En réalité, la doctrine
de la souveraineté permanente, comme les doctrines Drago et Calvo, reflète
la volonté des pays prolétaires de contester les règles traditionnelles d'un
droit international élaboré par et pour les Etats nantis, « civilisés » (21) et
qui ne s'adapte pas à un rythme acceptable, au gré des contestants, à
l'évolution des faits, des conceptions et de la pratique (22) .
5) Quant à la position des pays développés, elle est fondée, d'une manière
générale, sur les principes suivants. L'acceptation de la doctrine est
inévitable, mais il faut en limiter la portée. Les investissements privés constituent
un élément essentiel du développement économique des Etats nouveaux. Or,
pour attirer les capitaux privés, il convient de créer un climat favorable
fondé sur la sécurité. Le sentiment de sécurité ne peut exister sans le respect
scrupuleux du droit international, c'est-à-dire des droits acquis et de la
« norme minimum », régissant le traitement des étrangers et de leurs biens.
La primauté du droit international signifie notamment une indemnité prompte,
adéquate et effective en cas de nationalisation ou d'expropriation. Les
intérêts nationaux quelque respectables qu'ils soient doivent être appréciés à la
lumière de l'interdépendance des Etats et des exigences de la coopération
internationale. Enfin, la doctrine de la souveraineté permanente doit
s'appliquer seulement aux pays indépendants (23).
6) Le texte de la résolution tel qu'il a été finalement adopté, représente
un compromis entre les deux tendances. La doctrine de la souveraineté
permanente est réaffirmée — une fois de plus — mais elle est assortie de
limitations et de conditions. Les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont réussi à faire
éliminer du texte définitif un paragraphe qui, à la demande de l'U.R.S.S.,
avait été adopté par la deuxième commission de l'Assemblée : « L'Assemblée
appuie pleinement les mesures que prennent les peuples et les Etats pour
rétablir ou renforcer leur souveraineté sur leurs richesses et ressources
naturelles et juge inadmissibles les actes visant à entraver l'exercice, la protection
et le renforcement de cette souveraineté ». Les Etats-Unis ont déclaré que

démarche américaine réclame que le principe de l'indemnisation, reconnu par Ceylan, reçoive
un commencement d'exécution, mais qu'elle n'insiste, ni sur le montant de l'indemnité ni sur
les modalités de l'indemnisation.
(21) Cf. J. Castaneda, The underdeveloped Nations and the development of International
Law, International Organization, XV, 1 (1961), pp. 38-48.
(22) Suivant un tribunal arbitral, le principe du respect des droits acquis est l'un des
principes fondamentaux du droit international public et du droit interne de la plupart des
pays civilisés (Arbitration between Saudi Arabia and Aramco, Award, 1958, p. 101) . On peut
se demander si cette constatation est conforme à l'évolution récente des faits, de la pratique
et de la doctrine. Cf. Kuhn, A.J.I.L., 1951, pp. 709-12; Annuaire de l'I.D.I., vol. 43-1, 1950,
pp. 42 s., et vol. 44-11, 1952, pp. 251 s.; P. de Visscher, R.G.D.I.P., 1958, pp. 400-443; Unesco/
SS/ Coop. /Inter 1, Annexe 4 (1958) ; Lachs, A.F.D.I., 1961, pp. 43-66.
(23) Cf. Hyde, A.J.I.L., 1956, pp. 854-867.
LA SOUVERAINETÉ SUR LES RESSOURCES NATURELLES 523

ce paragraphe, s'il était accepté, légitimerait toutes les mesures, y compris


les mesures discriminatoires, celles violant le droit international, les traités,
les contrats et les principes du droit de propriété formulés par la Déclaration
Universelle des Droits de l'Homme. L'élimination de ce paragraphe, décidée
par 41 voix contre 38 et 15 abstentions, a permis aux Etats-Unis de voter
en faveur du texte définitif (24).
Les Etats occidentaux ont réussi aussi à faire inclure dans la résolution
deux références au droit international et un passage relatif à l'importance de
la coopération internationale pour le développement économique. Suivant le
délégué de la Tunisie « le débat sur cette question a eu pour effet de conférer
plus d'équilibre au projet initial, équilibre entre, d'une part, l'affirmation uni-
voque du droit inaliénable des Etats à l'exercice de leur souveraineté sur les
ressources naturelles et, d'autre part, l'harmonisation ou l'adaptation de cette
souveraineté au droit international, à l'équité et aux principes de coopération
internationale » (25) .
7) Suivant la résolution adoptée, « le droit de souveraineté permanente
des peuples et des nations sur leurs richesses et leurs ressources naturelles
doit s'exercer dans l'intérêt du développement national et du bien-être de la
population de l'Etat intéressé ». Il convient de souligner l'importance de ce
principe et le fait que la plupart des pays occidentaux l'ont accepté, du moins
à l'Assemblée. Or, dans la doctrine occidentale on a, jusqu'à présent, surtout
insisté sur les droits et les devoirs des nations industriellement avancées ou
de la communauté internationale (dominée par ces mêmes nations) d'accéder
aux ressources naturelles du globe et de les exploiter dans l'intérêt de
l'humanité, du moins dans la mesure où ces ressources ne seraient pas utilisées
ou exploitées d'une manière satisfaisante par d'autres (26) .
Cette doctrine, comme celle de la porte ouverte (27) à laquelle elle
s'apparente, reflète une conception suivant laquelle sur le plan national
comme dans le domaine international, entre individus comme entre
groupements politiques, prévaut l'harmonie des intérêts, érigée en principe par
Adam Smith et les libéraux. Cette doctrine est rapidement devenue un moyen

(24) A/PV. 1193 et 1194. Les 41 pays ayant voté en faveur de l'élimination du paragraphe
comprennent notamment les Etats occidentaux, presque tous les pays d'Amérique latine et
d'autres pays en voie de développement tels que le Pakistan, les Philippines, Trinidad et Tobago,
la Turquie, la Malaisie, la Grèce. Les 38 pays ayant donné leur appui au paragraphe
comprennent les Etats du bloc soviétique, la Jordanie, le Liban, la Libye, la Mauritanie, le
Maroc, le Nigeria, Panama, l'Arabie Séoudite, le Sénégal, Sierra Leone, la Syrie, le
Tanganyika, le Togo, la Tunisie, l'Ouganda, la R.A.U., le Yemen, la Yougoslavie, l'Afghanistan,
l'Algérie, la Birmanie, le Cambodge, Ceylan, le Congo (Léopoldville) , Cuba, la Guinée,
l'Indonésie, l'Iran et l'Irak.
(25) A/PV. 1193.
(26) Cf. Leith, Exploitation and world progress, Foreign Affairs, octobre 1927; Politis,
Le problème des limitations de la souveraineté et la théorie de l'abus des droits, R.C.A.D.I.,
vol. 6, 1925, pp. 34-35; Ph. M. Brown, A.J.I.L., 1945, pp. 85-86; Nitze, Department of State
Bulletin, 16 février 1947, pp. 300-302; Wilson, A.J.I.L., 1954, pp. 355-79.
(27) Cf. Fischer, Problèmes internationaux relatifs aux pays sous-développés, Cours de
l'Institut des Hautes Etudes Internationales, Paris, 1954-55, pp. 39-85.

34
524 ORGANISATION DES NATIONS UNIES

pour justifier les privilèges du groupe économique dominant. La doctrine et


la position du groupe dominant ont été contestées, sur le plan interne et sur
le plan international, par ceux dont les intérêts étaient différents. Dès son
accession à l'indépendance, le jeune Etat américain, pour effacer les vestiges
économiques de la domination britannique, a recours à l'intervention
gouvernementale dans la vie économique, prône l'industrialisation, applique une
politique protectionniste, proclame la doctrine Monroë, fait prévaloir la
spécificité de ses intérêts et de ses aspirations (28) . Sur le plan interne, comme
sur le plan international, les notions abstraites — individu, communauté,
interdépendance — tendent à être dépassées. Un droit social se développe de
la sorte qui prend en considération les besoins spécifiques, la réalité des
intérêts, leur antagonisme, l'état de faiblesse ou de puissance économique ou
sociale. La résolution de l'Assemblée fait donc preuve de réalisme lorsque,
tenant compte de la diversification de la société internationale, elle insiste
sur l'intérêt du développement national et du bien-être de la population de
l'Etat intéressé.
8) La résolution du 14 décembre 1962 prévoit que les nations et les
peuples peuvent, en toute liberté, autoriser, interdire ou limiter les activités
des capitalistes étrangers et édicter des règles et conditions relatives à l'entrée
des capitaux, la prospection, la mise en valeur et l'écoulement des ressources.
Rappelons qu'au lendemain de la deuxième guerre mondiale, les Etats-
Unis se sont efforcés d'inclure dans la Charte de La Havanne (art. 12) une
disposition suivant laquelle les bailleurs de fonds étrangers auraient
bénéficié du traitement national, en ce qui concerne les possibilités
d'investissements dans les pays adhérents. Cette proposition n'a pas été retenue et la
liberté des signataires d'admettre ou de ne pas admettre des capitaux
étrangers, a été pleinement reconnue. Les accords bilatéraux conclus dans le
cadre du plan Marshall disposaient que les citoyens américains bénéficiaient,
dans les mêmes conditions que les nationaux, du droit d'accès au
développement des ressources naturelles. Les traités d'amitié, de commerce et de
navigation signés par les Etats-Unis depuis la fin de la deuxième guerre mondiale
prévoient, en principe, que l'entrée des capitaux étrangers est régie par le
traitement national (29).
Le droit international général reconnaît le pouvoir discrétionnaire de
l'Etat d'admettre ou de ne pas admettre des capitaux étrangers. En fait, le
principe affirmé par la résolution de l'Assemblée a une portée pratique et
politique, plutôt que juridique. Les Etats-Unis se sont toujours efforcés de
faire adopter aux autres Etats le principe de la porte ouverte, de les faire

(28) Cf. Nurske, Problems of capital formation in underdeveloped countries, Oxford, 1953,
p. 153; Clairmonte, Le libéralisme économique et les pays sous-développés, Genève-Paris,
1958, pp. 26 s.
(29) V. sur ces problèmes Fischer, Un cas de décolonisation : Les Etats-Unis et les
Philippines, Paris, 1960, pp. 287 s.
LA SOUVERAINETÉ SUR LES RESSOURCES NATURELLES 525

renoncer au principe de la sélection des investissements. Les pays latino-


américains ont tenu à faire insérer dans la Convention économique de Bogota
de 1948 (qui n'est jamais entrée en vigueur) une disposition reconnaissant le
droit des parties contractantes d'édicter « des normes relatives à l'exécution,
aux conditions et aux termes dans lesquels sera autorisé à l'avenir
l'investissement étranger » (30) .
9) En vertu de la résolution du 14 décembre, lorsqu'une autorisation est
accordée, les investissements qui en bénéficient sont régis par cette
autorisation, la loi nationale et le droit international. On peut se demander si les
rédacteurs du texte ont entendu se référer au droit international pour le
cas où l'autorisation comporterait des dispositions incompatibles avec ce
dernier (31) ou seulement pour le cas où l'autorisation serait violée ou
arbitrairement modifiée.
La résolution précise que les bénéfices obtenus devront être répartis
entre les capitalistes et l'Etat d'accueil, dans une proportion librement
convenue dans chaque cas, sans que soit restreint le droit de souveraineté de cet
Etat. Cette disposition est d'une obscurité et d'une ambiguïté rares. L'Etat
ne peut-il pas fixer cette proportion par voie d'autorité ? Tout ce qui
précède le laisse précisément entendre. D'autre part, comment concilier le terme
« librement » avec la réaffirmation, dans ce passage, du droit de souveraineté
de l'Etat
Qu'en est-il du statut ou du traitement des investissements qui ne font
pas l'objet d'une autorisation ou qui sont antérieurs à une telle autorisation ?
La Résolution ne comporte, à l'exception du paragraphe relatif aux
nationalisations, qu'un seul passage de caractère général traitant de ce problème :
« les accords relatifs aux investissements étrangers librement conclus par ou
entre des Etats souverains seront respectés de bonne foi ». Certains
représentants ont vivement protesté contre le fait de mettre sur le même pied des
traités et des contrats conclus par un Etat avec une entité privée (32), ces
contrats devant être régis par la loi nationale. Qu'il suffise de rappeler que,
comme l'a montré M. P. de Visscher, on ne peut pas assimiler le contrat à
un engagement international, que le droit international ne détermine pas lui-
même l'étendue des droits acquis et que les concessions de services publics
et sur le domaine public sont, par essence, précaires (33) ,
10) Une des rares dispositions claires de la résolution est celle
concernant la nationalisation, l'expropriation et la réquisition. Ces mesures doivent

(30) Art. 24. V. le texte dans Chamisso, Une politique économique d'hémisphère, Paris,
1953, pp. 599 s.
(31) II peut paraître absurde de faire intervenir le droit international après avoir reconnu
le droit discrétionnaire de l'Etat d'édicter les normes régissant les investissements à venir.
Mais le problème a pu être soulevé au sujet de la clause Calvo. Shea, The Calvo Clause,
Minneapolis, 1955.
(32) Cf. C.I.J., Recueil 1952, p. 112.
(33) R.G.D.I.P., 1958, pp. 436-39.
526 ORGANISATION DES NATIONS UNIES

se fonder sur des raisons d'utilité publique, de sécurité ou d'intérêt national.


Dans tous les cas, l'Etat qui prend la mesure est tenu de verser une indemnité
adéquate conformément à sa législation et au droit international. Par
indemnité adéquate, on entend une indemnité prompte, satisfaisante et effective (34) .
Plusieurs pays en voie de développement ont soutenu que si le droit
international prévoit l'obligation d'indemniser, il ne prescrit ni le montant
de l'indemnité, ni les modalités de son versement (34bis). Il convient aussi de
rappeler que suivant les réserves formulées par huit pays latino-américains
à la Convention de Bogota, les problèmes du montant de l'indemnité et des
modalités de versement sont de la compétence exclusive de la législation et
des tribunaux internes. Au cours des débats à l'Assemblée générale, le
Mexique et la R.A.U., par exemple, ont déclaré que les indemnités qu'ils
avaient versées en raison des nationalisations effectuées étaient conformes
au droit international et à la disposition précitée de la résolution.
Quant aux différends relatifs à la question de l'indemnisation, la
résolution prévoit que les recours internes doivent être épuisés, mais que
l'arbitrage pourra intervenir à tout moment si les Etats et autres parties intéressées
sont d'accord. Cette étrange rédaction couvre évidemment les arbitrages qui
interviendraient dans les affaires opposant une société privée à un Etat. Une
formulation plus favorable au règlement arbitral, proposée à un stade
antérieur par l'Afghanistan et la Suède (35), avait été repoussée.
11) La résolution stipule que les dispositions que nous venons d'analyser
sous le 10) ne portent en aucune façon atteinte à la position qu'un Etat,
ancienne colonie, adopterait au sujet de ses droits et obligations relatifs aux
biens acquis sur son territoire, avant son accession à l'indépendance. La
limitation de la portée de la résolution s'explique par un amendement algérien
retiré par la suite et qui était ainsi conçu :
« Considérant que les obligations du droit international ne sauraient
s'appliquer aux prétendus droits acquis avant l'accession à la complète souveraineté
nationale des pays anciennement colonisés et qu'en conséquence ces prétendus
droits acquis doivent donner lieu à revision entre Etats également souverains » (36)
Suivant les délégués de l'Algérie et de la R.A.U., le compromis adopté
sur l'initiative américaine permet de distinguer entre les contrats conclus
avant l'indépendance et ceux intervenus après cet événement et laisse les
Etats intéressés libres de décider de la légitimité des droits acquis ainsi que
de l'octroi et du montant des indemnités (37).
Or, le texte transactionnel qui figure dans la résolution mentionne
seulement les biens acquis avant l'indépendance et non les droits acquis ou les
contrats. L'omission ne paraît pas volontaire et s'explique sans doute par le

(34) A/C.2/SR.835.
(34b is) y. aussi supra, note 19.
(35) A/AC.97/L.5 et Rev. 1.
(36) A/C.2/L.691.
(37) A/C.2/SR.858 et A/P.V.1194.
LA SOUVERAINETÉ SUR LES RESSOURCES NATURELLES 527

fait que le texte n'est pas l'œuvre de juristes. Les contrats semblent bien être
visés aussi, puisque d'après le paragraphe 9 seuls « les accords... librement
conclus... seront respectés de bonne foi ». Le terme librement pourrait se
prêter d'ailleurs à des interprétations variées.

III

II serait facile de relever les contradictions, les lacunes et les obscurités


de la résolution du 14 décembre 1962. Mais, répétons-le, ce serait se placei
sur le terrain juridique; or, la résolution n'est pas un document juridique,
mais politique. Elle affirme une doctrine consacrée par l'Assemblée générale.
Elle est donc inévitablement le résultat d'un compromis. Les pays
insuffisamment développés ont dû renoncer à obtenir l'inclusion dans la résolution
de quelques-unes de leurs thèses traditionnelles. Les Etats occidentaux (du
moins dans leur majorité) ont obtenu certaines satisfactions (en ce qui
concerne l'indemnisation, les références au droit international, le respect des
contrats), et ont pu ainsi voter en faveur d'un texte pour lequel ils
n'éprouvaient sans doute pas un enthousiasme excessif.
Le Tiers Monde (ou son aile la plus militante) n'a donc pas obtenu une
satisfaction totale. Sur ce plan, on peut rappeler le précédent de la doctrine
Drago. Celle-ci, elle aussi, n'a été que partiellement consacrée par la
convention de La Haye de 1907 concernant la limitation de l'emploi de la force
pour le recouvrement des dettes contractuelles. D'autre part, la doctrine
Drago a pu recevoir une consécration limitée, car pour des raisons qui
tiennent à la situation politique et au rapport des forces au début du siècle,
une grande Puissance, les Etats-Unis, a soutenu partiellement la position des
pays insuffisamment développés et reconnu, au moins en principe — par la

bouche du général Porter — que la souveraineté est « la première protection


des nations faibles contre l'oppression des nations fortes » et que les
capitalistes n'ont « aucun droit à ce qu'un contrat privé soit converti en
obligation nationale » (38) .
La doctrine Drago a été proclamée par un gouvernement national, reprise
par d'autres gouvernements latino-américains et finalement transformée en
norme juridique par la deuxième conférence de La Haye. En ce qui concerne
la doctrine de la souveraineté permanente, on constate l'existence d'un stade
intermédiaire ou supplémentaire, celui représenté par la résolution de
l'Assemblée générale qui ne constitue pas un document juridique, mais manifeste
l'acceptation de la doctrine par un organe international politique.
Au sein de l'O.N.U., de la société internationale actuelle, le Tiers Monde
dispose d'une indépendance accrue, de possibilités de marchandage et de
pression plus grandes que par le passé; sa position est plus forte : il
(38) H. Moulin, La doctrine de Drago, Paris, 1907.
528 ORGANISATION DES NATIONS UNIES

comprend des membres en nombre sans cesse croissant et les deux


grands se disputent ses faveurs. Mais ses possibilités et son influence
sont limitées. Dans le domaine où se situe la doctrine que nous venons
d'analyser, cette limitation s'explique par la faiblesse économique et
les besoins financiers du Tiers Monde, par la nécessité de faire appel
à l'aide économique des nations riches et aussi par les divisions qui se
manifestent dans son propre sein. Peut-être certains pays prolétaires
sont-ils en train de s'embourgeoiser. Toujours est-il qu'au cours des
discussions qui ont eu lieu à la 17e session de l'Assemblée, des pays comme l'Inde et
même le Ghana, pour ne mentionner que ceux-là, ont semblé adopter à
l'égard des investissements privés étrangers, des attitudes nouvelles,
singulièrement plus modérées.

CONFERENCE DES NATIONS UNIES POUR L'ELIMINATION


OU LA RÉDUCTION DES CAS D'APATRIDIE DANS L'AVENIR
(Deuxième partie New York 1961)

La Convention sur la réduction des cas d'apatridie

Santiago TORRES BERNARDEZ

La deuxième partie de la « Conférence des Nations Unies pour


l'élimination ou la réduction des cas d'apatridie dans l'avenir » (1) qui s'est réunie à

(*) Santiago Torres Bernardez, Docteur en Droit des Universités de Valladolid


(Espagne) et de la Sarre (République fédérale d'Allemagne), membre du service
juridique (division de la codification) de l'O.N.U. Publication : L'Espagne et les
Organisations Internationales, Annales Universitatis Saraviensis, Sarrebruck, 1958, vol. VI, fasc.
2/3/4; La nociôn jurîdiea de la intervention en la comunidad international organizada,
Estudios de Derecho Internacional (cahiers en l'honneur du professeur Camilo Barcia
Trelles) Santiago de Compostela, 1958, p. 307; La participation de Espana en la
organization europea, Politica Internacional, Madrid, 1958, vol. 35, p. 9.
Les idées exprimées dans cette note sont strictement personnelles et n'engagent que
la responsabilité de l'auteur.
Les documents cités sans autres références sont des documents officiels de VO.N.U.
(1) Pour la première partie de la Conférence voir : M. Gustave Peiser, « La Conférence
de Genève sur l'apatridie », Annuaire français de droit international, 1959, pp. 504 à 522.
Le travail de M. Peiser traite des travaux préparatoires et de la première partie de la
Conférence. Cette note ne fait que compléter ledit travail en y ajoutant des commentaires sur les
dispositions de la Convention et les Résolutions adoptées lors de la deuxième partie de la

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