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û Résumé û Summary
Objectif : en France, l’interface entre les soins primaires et les Objective: The interface between primary care and hospital care
soins hospitaliers est la principale fracture de l’offre de soins. is the main divide in the delivery of health care. The aim of this
L’objectif de cette étude était de recueillir l’opinion des study was to assess the opinion of general practitioners (GPs) on
médecins généralistes, sur la qualité du service rendu par un the quality of service provided by hospitals and their relation-
hôpital et sur leurs relations avec les équipes hospitalières. ships with hospital teams.
Méthodes : il s’agissait d’une enquête par questionnaire auto- Methods: Self-administered questionnaires were mailed to GPs
administré, adressé par voie postale aux médecins généralistes belonging to the Grenoble University Hospital health territory.
du territoire de santé du Centre Hospitalier Universitaire de Results: Among the 778 GPs included in the study, 327 (42%)
Grenoble. returned an evaluable questionnaire. The overall satisfaction
Résultats : parmi les 778 médecins généralistes inclus dans score was 55.5/100. The indicator for care delivered to patients
l’étude, 327 (42 %) ont renvoyé un questionnaire exploitable. obtained the highest mean score (66/100), followed by indica-
L’indicateur de satisfaction globale obtenait une note moyenne tors for continuity of care (45/100) and access to health
de 55,5/100. Le score le plus élevé (66/100) était attribué à care (43.9/100). Lowest scores were obtained for the discharge
l’indicateur portant sur les soins dispensés aux patients. summary (35.9/100) and preparation of hospital discharge
Venaient ensuite les indicateurs portant sur la continuité des (29.3/100). GPs were critical about their relationships with
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Unité d’évaluation médicale – CHU Grenoble – BP 217 – 38043 Grenoble cedex.
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Laboratoire TIMC-IMAG CNRS – Université Grenoble 1.
Correspondance : P. François Réception : 02/10/2013 – Acceptation : 25/02/2014
pfrancois@chu-grenoble.fr
particulier (angiologie par exemple) ; ou exerçant exclusi- terme « avis favorable ». Les variables quantitatives ont été
vement dans des établissements de santé ; ou exerçant décrites par la médiane et l’intervalle interquartile. Les
partiellement au CHU de Grenoble ; ou exerçant dans un relations entre variables ont été analysées par le test du
service de l’État, de l’assurance maladie ou des collectivités Chi2 pour les variables qualitatives et le test de Wilcoxon
territoriales. pour les variables quantitatives. Le seuil de significativité
des tests était α = 0,05.
Des indicateurs ont été calculés sur les réponses au ques-
Recueil de données tionnaire SAPHORA-CE© selon la méthode proposée par le
CCECQA [16]. Une valeur a été affectée à chaque modalité
Nous avons utilisé le questionnaire SAPHORA-CE© de réponse : 0 pour « pas du tout satisfait », 25 pour « peu
élaboré et validé par le Comité de coordination de satisfait », 50 pour « assez satisfait », 75 pour « satisfait » et
l’évaluation clinique et de la qualité en Aquitaine 100 pour « tout à fait satisfait ». La moyenne des valeurs
(CCECQA) [16]. Il est composé de 19 questions à réponse obtenues pour les questions d’un même thème permettait
ordinale selon une échelle de Likert à cinq modalités [16]. d’obtenir un score par questionnaire et par thème. La
Il explore la satisfaction globale (une question), l’accès aux moyenne des scores d’un thème sur l’ensemble des répon-
soins (quatre questions), la qualité des soins (trois questions), dants donnait un indicateur à interpréter comme une note
la continuité des soins (quatre questions), la préparation de 0 à 100.
de la sortie (quatre questions) et le courrier de fin d’hospi- Les réponses aux questions ouvertes ont été intégra-
talisation (trois questions). lement retranscrites. Deux médecins investigateurs ont
Un groupe de travail composé de médecins de santé indépendamment lu et analysé ces réponses pour identifier
publique et de représentants de la direction de l’établis- et répertorier les thèmes et idées cités par les médecins.
sement a complété le questionnaire SAPHORA-CE© pour Après confrontation des deux lectures, les thèmes élémen-
prendre en compte certaines questions posées lors d’une taires ont été regroupés en rubriques, elles-mêmes
enquête similaire réalisée en 1999 dans le même établis- regroupées en catégories. Les occurrences de chaque thème
sement [17]. Trois groupes de questions à réponses fermées ont été dénombrées afin d’identifier les idées dominantes
ordinales selon une échelle à quatre modalités ont été et de les classer par fréquence.
ajoutés. Elles interrogeaient sur la transmission du compte-
rendu d’hospitalisation, les relations avec les médecins
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Tableau I : Caractéristiques des médecins inclus (n = 778) [Centre hospitalier universitaire de Grenoble (France) 2010]
Opinion sur le service rendu par le CHU moins favorables à ce que le courrier de sortie soit confié
au patient (56 %) sauf s’ils en recevaient une copie par la
L’indicateur de satisfaction globale des médecins généra- poste (83,5 %). La transmission par messagerie électro-
listes concernant les prises en charge réalisées au CHU nique serait acceptable pour 59,6 % des médecins alors
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Tableau II : Scores des indicateurs et items SAPHORA (n = 327) [Centre hospitalier universitaire de Grenoble (France) 2010]
Les réponses aux questions ouvertes ternie par le vécu de leurs relations professionnelles avec
les médecins hospitaliers. Les médecins généralistes
Parmi les 327 médecins répondants, 285 ont cité au déclarent rencontrer de grandes difficultés à les joindre, à
moins un point fort. Les médecins généralistes soulignaient identifier le médecin en charge de leur patient et à obtenir
d’abord la qualité du plateau technique et la compétence les informations qui leur paraissent nécessaires pour la
des professionnels de l’hôpital, médecins et personnels continuité des soins. Ces difficultés étaient déjà signalées
soignants (111 médecins généralistes soit 39 %). Le thème comme principaux points faibles dans une enquête réalisée
qui se dégageait ensuite était la qualité des soins délivrés en 1999 dans le même établissement [17]. En dix ans, la
au patient (16 %), notamment quand il s’agit de patients situation s’est plutôt détériorée avec une note de satisfaction
lourds ou difficiles. globale passant de 63 % à 55 % et une baisse de certains
Parmi les médecins répondants, 290 ont cité au moins un critères tels que la facilité à programmer une intervention
point faible et 262 ont émis au moins une proposition pour chirurgicale. Ce déficit de communication entre la méde-
améliorer le service rendu par le CHU. Le point faible le plus cine de ville et la médecine hospitalière n’est pas spécifique
souvent cité (128 médecins, soit 44 %) était le défaut à notre établissement, ni à notre pays [4]. Une enquête
d’accessibilité des médecins hospitaliers. Les médecins réalisée dans 26 établissements hospitaliers d’Aquitaine
répondants citaient ensuite (106 médecins, soit 37 %) avec le même questionnaire trouvait les mêmes points
le manque de communication et de relations entre les faibles [18]. Des enquêtes réalisées auprès de médecins
médecins hospitaliers et les généralistes. De nombreuses généralistes sur des hôpitaux universitaires en Australie ou
remarques (64 médecins, soit 22 %) portaient sur les cour- aux Pays-Bas, signalaient aussi le manque d’informations
riers de fin d’hospitalisation qui n’étaient pas assez systé- concernant l’admission de leurs patients à l’hôpital, leur
matiques et surtout trop tardifs. Un deuxième groupe de évolution, y compris le décès, et leur sortie [19, 20].
points faibles portait sur l’organisation de la prise en charge Le point le plus critique de ce défaut de collaboration
des patients. Les médecins répondants se plaignaient se situe à la sortie du patient [5]. Des études ont montré
d’abord (86 médecins, soit 30 %) des difficultés à obtenir que des interventions visant à améliorer l’organisation
un rendez-vous pour une hospitalisation ou une consul- de la sortie pouvaient avoir des résultats positifs sur la
tation spécialisée et de la quasi impossibilité de faire hospi- qualité des soins, en particulier sur la fréquence des
taliser leur patient directement dans les services de ré-hospitalisations [21-23]. La plupart de ces interventions
spécialité, sans passer par le service des urgences. comportaient une implication du médecin généraliste et
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médecin traitant ou la mise en ligne des informations sur que d’obstacles à la communication : un standard télé-
un serveur sécurisé [29-31]. phonique de l’hôpital trop souvent saturé, des secrétariats
Notre étude montre que l’opinion des médecins généra- insuffisamment disponibles et un manque d’informations
listes varie beaucoup selon les services. Cela signifie que la générales telles qu’un annuaire des praticiens hospitaliers.
qualité de l’interface ville-hôpital dépend des équipes et de Venaient ensuite des facteurs socioculturels. Les représen-
facteurs humains qui relèvent de la culture organisation- tations que les uns avaient des autres étaient assez néga-
nelle, de l’aptitude aux relations interprofessionnelles et de tives. Les médecins généralistes se sentaient non reconnus,
la conscience du parcours de soin [10, 32]. Le service des mal considérés ou méprisés ; on notait l’absence de
maladies infectieuses du CHU de Grenoble étant cité comme dialogue, et l’oubli du médecin traitant et de son rôle. Les
modèle par de nombreux répondants, nous nous sommes facteurs liés aux caractéristiques de l’institution hospita-
penchés sur ses particularités dans une approche de bench- lière relevaient de l’inertie de la structure, de filières de
marking. Cette équipe a mis en place depuis plusieurs soins non lisibles, de parcours mal organisés, de délais pour
années une consultation mobile d’infectiologie dotée d’une les prises en charge et de déficit de l’offre ambulatoire. Ces
ligne téléphonique portable active 24h/24, 7 jours/7 [33, 34]. facteurs étaient aussi liés au manque de moyens (manque
Initialement destinée à répondre aux demandes d’avis de personnel, manque de lits, services saturés) et à l’absence
internes, l’usage de cette astreinte téléphonique s’est rapi- de système d’information (dossier patient) partagé.
dement étendu aux professionnels de santé extérieurs à À partir de ces causes du déficit de relations et d’échanges,
l’établissement. Ainsi, en 2008, l’astreinte d’infectiologie le groupe de travail a élaboré des propositions d’action. La
a enregistré 7 863 appels dont 4 407 (56 %) provenaient première consistait à organiser des permanences télé-
de professionnels de soins primaires, essentiellement des phoniques dotées de téléphones portables dédiés, par
médecins généralistes [33]. Les médecins généralistes solli- spécialité, avec la possibilité de donner des consultations
citaient l’infectiologue pour une aide à la prise en charge d’urgence. Il était proposé ensuite de revoir l’organisation
de leur patient (96,5 % des appels). La consultation débou- des secrétariats pour garantir une permanence télé-
chait le plus souvent sur un conseil diagnostique (46,5 %) phonique continue de 8 h à 18 h. La sortie des patients devrait
et/ou thérapeutique (66,2 %), mais aussi, dans 29,6 % des être organisée par une procédure et une check-list compor-
cas, sur une consultation d’urgence ou une hospitalisation tant un contact avec le médecin traitant. L’amélioration des
directe dans le service d’infectiologie [34]. Cette expé- circuits de communication comportait une réorganisation
rience, qui reste singulière, montre qu’il est possible de du standard téléphonique, l’élaboration d’un annuaire des
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Notre conclusion rejoint les idées développées dans un 11. Berwick DM. Launching accountable care organizations--the
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disait que : « L’amélioration des liens de travail entre méde-
12. République Française. Loi n° 2009-879 portant réforme de
cine de ville et médecine hospitalière est un enjeu fort pour l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.
la qualité de l’accueil des patients et la fluidité de leurs Journal Officiel de la République Française. 22 juillet 2009.
parcours de soins », et précisait la nature de l’enjeu : « Le 13. Cordier A, Chêne G, de Hass P, Hirsh E, Parisot-Lavillonnière F,
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