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Olivier Picard

Shpresa Gjongecaj

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Trésor d'Apollonia 1941


In: Revue numismatique, 6e série - Tome 153, année 1998 pp. 103-105.

Abstract
Summary. - A hoard of 77 bronze drachmas from Dyrrachion, with the pattern of the sucking cow, was found in the Illyrian
Apollonia during excavations. All the coins were minted with the same dies. Some considerations about the fabrication of this
fakes.

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Picard Olivier, Gjongecaj Shpresa. Trésor d'Apollonia 1941. In: Revue numismatique, 6e série - Tome 153, année 1998 pp.
103-105.

doi : 10.3406/numi.1998.2193

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/numi_0484-8942_1998_num_6_153_2193
Olivier PICARD* et Shpresa GJONGECAJ**

TRÉSOR D'APOLLONIA 1941

(PL VIII)

composé
faux.
avec
Résumé.
la même
de-77
Publication
paire
drachmes
de coins.
d'un
de Dyrrachion
Considérations
trésor trouvé
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Summary. - A hoard of 77 bronze drachmas from Dyrrachion, with the pattern of the
sucking cow, was found in the Illyrian Apollonia during excavations. All the coins were
minted with the same dies. Some considerations about the fabrication of this fakes.

Dans un développement sur les « faux et imitations de drachmes »


d'Apollonia et de Dyrrachion, H. Ceka1 signalait un trésor trouvé à
Apollonia en 1941 qui n'a pas retenu l'attention des numismates. Ce
trésor avait été trouvé au cours des fouilles que l'archéologue italien
P.C. Sestieri avait menées sur le site, dans un sondage à l'extérieur du
rempart2, et il est actuellement conservé au cabinet numismatique de
l'Institut archéologique de Tirana. L'ensemble se compose de 77 pièces,
dont 15 totalement oxydées3.
Vache à droite allaitant son veau, qu'elle lèche en retournant la tête. Au-dess
us, en deux lignes, АЛЕ EANAPOI.
Double motif floral, horizontal, dans un cadre carré fait de deux lignes. À l'ex
térieur, tout autour, ATP au-dessus, ЛГ HQ. NOS sur les trois autres côtés.
Toutes les pièces sont frappées par la même paire de coins.
Poids des pièces illustrées pi. VIII : 4,2 - 4,9 - 3,40 - 3,90 - 3,45 - 3,57 - 4,10
- 3,45 - 3,55 - 3,50 g.

* Institut archéologique, Tirana, Albanie.


** Professeur à l'Université de Paris Sorbonně, 1, rue Victor Cousin, 75005 Paris.
1. Hassan Ceka, Questions de numismatique illyrienne, Tirana, 1972, p. 53. Ce livre est la tra
duction, un peu réduite, de l'édition albanaise, Problème të numismatikës Hire, Tirana, 1967.
2. P.C. Sestieri, Scavi ad Apollonia d'Illiria, Rivista d'Albania, III. 1, ,1942, p. 40-50. Cf.
P. Cabanes, Corpus des inscriptions grecques d'Illyrie méridionale et d'Épire, I, Paris, 1995,
p. 17.
3. D'où sans doute le chiffre de 60 pièces que donnait Hassan Ceka, 1.1.

Revue numismatique, 1998, p. 103-105


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Ces pièces surprennent. Non par leurs types qui sont bien connus : ce
sont ceux des très nombreuses drachmes frappées parallèlement par les
deux colonies corintho-corcyréennes fondées sur la côte illyrienne,
Dyrrachion et Apollonia4. Ces drachmes sont les tiers des statères à la
vache allaitant, présents dans le trésor de Kreshpan que publie ci-dessus
Sh. Gjongecaj. Leurs poids se situent entre 3,70 et 3,50 g, c'est-à-dire
sensiblement au même niveau, mais dans une fourchette moins large que
nos pièces. Le diamètre est le même. Le monétaire, que rien ne permet de
qualifier de prytane, contrairement à l'assertion habituelle5, est lui aussi
connu6.
Le point surprenant est leur métal. Nos drachmes, puisqu'il faut les
qualifier ainsi, ont toutes les caractéristiques des drachmes d'argent, à
une seule près : elles sont en bronze. Au même moment, les deux cités
frappent chacune séparément des séries de bronzes, avec leurs types
propres : tête d'Héraclès / armes du héros et Zeus / trépied à Dyrrachion,
Apollon / obélisque (un peu plus légères et de diamètre plus petit que nos
pièces) et tête d'Artémis / trépied (nettement plus lourdes) à Apollonia,
pour ne citer que les types principaux. L'hypothèse d'une série de bronze
aux même types que le monnayage d'argent, frappée parallèlement à
celui-ci, est à écarter. Nous nous sommes demandé si nos pièces n'étaient
pas en métal saucé. Mais aucune trace d'argent n'a été décelable, ni à
l'œil nu, ni par les analyses chimiques qui ont été faites à l'Institut a
rchéologique de Tirana. Il faut se résoudre à admettre que nous avons af
faire à des falsifications antiques, comme le prouvent aussi bien leur dé
couverte dans des fouilles régulières que l'emploi d'un métal qui les
rendait invendables sur le marché moderne.
Techniquement, leur qualité est mauvaise. La gravure est maladroite.
Le dessin du groupe de la vache et du veau est linéaire et sec : ainsi la
hanche de la vache laisse un triangle en creux sur le dos et un autre creux
au bas ventre ; le pis n'est pas dessiné ; la pauvre bête paraît d'une mai
greur qui contraste avec les formes pleines des vaches des statères ou des
bonnes drachmes, ainsi qu'avec l'impression de prospérité que la scène
est censée évoquer. Au revers, les lignes du carré encadrant le motif flo
ral sont d'une épaisseur irrégulière, interrompues par des points ou des
creux. Le motif floral est fait de traits épais, sans aucune élégance.
L'emploi du bronze, métal moins malléable, explique sans doute l'irr
égularité plus grande des poids ainsi que les défauts de la frappe, avec des
tréflages ; le coin de revers s'est vite abîmé. Toutefois, la gravure des

4. Sur ces drachmes, voir notre étude, La politique monétaire ď Apollonia, à paraître dans Iliria.
5. A. Maier, Die Silberprágung von Apollonia und Dyrrachium, NZ, 1908, p. 1-33. H. Ceka,
op. cit., p. 31. Corpus des inscriptions grecques d'Illyrie méridionale et d'Épire, II, Paris,
1997, p. 113-144.
6. A. Maier, op. cit. n. 5, n° 289. H. Ceka, op. cit. n. 1, p. 188, n° 26. Corpus, II, n° 26,
p. 124.

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TRÉSOR D'APOLLONIA 1941 105

noms ne comporte aucune faute. Tout a été fait, même avec maladresse,
pour donner à ces pièces l'aspect des drachmes officielles, au métal près.
Le fait que ces 77 drachmes de bronze aient été frappées avec seule
ment une paire de coins indique que la frappe a eu lieu à Apollonia même,
le trésor ayant été constitué à la sortie même de l'atelier. L'état de conser
vation, qui ne montre pas de traces d'usure (à distinguer, bien entendu, de
l'oxydation provoquée par les conditions de conservation depuis leur
abandon), ne permet pas de savoir si les pièces ont été mises en circula
tion, avant d'être, très vite, thésaurisées volontairement, ou si elles n'ont
pas été jetées au rebut, par dessus le rempart. Au risque de pousser un peu
loin l'hypothèse, on pourrait même se demander si l'opération n'a pas été
interrompue avant que les pièces ne soient saucées et ne reçoivent un peu
de l'apparence des véritables drachmes. En tout cas, elles ne portent au
cune trace de cisaillement, aucun trou indiquant qu'elles auraient fait
l'objet d'une saisie et d'une condamnation.
Ni ces observations ni le contexte de la trouvaille n'apportent d'éclai
rcissement à la question de l'origine de ces monnaies : falsification de
faux monnayeurs ou fabrication honteuse de la cité ? La première hypo
thèse était celle de H. Ceka, qui parlait de « falsification véritable », peut-
être à cause de l'absence totale de trace d'argent. La seconde ne nous pa
raît pas pouvoir être écartée sans plus d'examen, même si elle est
indémontrable. Dans les deux cas, il est intéressant de constater que ces
pièces fausses portent l'ethnique non d'Apollonia, où elles ont été fabri
quées, mais de Dyrrachion, le partenaire de l'alliance monétaire.
Faute de précisions fournies par le contexte de la trouvaille, nous
n'avons pas d'autre moyen de dater l'émission que l'analyse de son style.
Le dessin du cadre au revers, qui est carré et non concave, et la graphie
du nom du monétaire, AAEEANAPOX, en entier, au lieu d'un simple mo
nogramme au droit, placent ces drachmes dans la deuxième période de la
série, qu'il convient de dater, à la suite de Hassan Ceka, dans la deuxième
moitié du IIIe siècle.
H. Ceka avait déjà souligné l'importance des monnaies fourrées des
deux cités, à côté d'exemplaires d'un alliage pauvre, voire très pauvre.
Ces pièces sont particulièrement nombreuses dans les trésors retrouvés
dans les Balkans, qui sont, il est vrai, plus tardifs, et circulent parallèl
ement aux imitations locales7. Si nous avons affaire à une émission de
l'atelier de la cité, on pourrait en conclure qu' Apollonia au moins a joué
très tôt sur la valeur métallique des pièces de l'alliance monétaire.

7. Alexandru Sasianu, Imitations and Counterfeits of the Apollonia and Dyrrachium Type
Drachmas and their Circulation, Lïllyrie méridionale et l'Épire dans l'Antiquité, I, Paris, 1987,
p. 209-219.

ЛЛЧ998, p. 103-105
PI. VIII Revue Numismatique 1998

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Trésor d'Apollonia 1941

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