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Le succès de l’Accord de Paris relance la dynamique mondiale de la lutte contre le changement climatique. AVRIL 2016
Il en pose les enjeux sans détour : l’humanité doit parvenir, dans la seconde moitié de ce siècle, à un monde
qui absorbe autant de carbone qu’il en émet. À plus court terme, la décennie qui vient sera cruciale : ne pas
augmenter la température de plus de 2°C suppose, de la part de tous les pays, un effort de réduction supplémentaire
des émissions de gaz à effet de serre (GES) que l’on peut estimer à 30 % par rapport aux engagements pour 2030
adoptés en amont de la conférence de Paris (graphique 1 ). Cet effort sera d’autant plus difficile à réaliser qu’il devra
s’exercer dans un monde où l’énergie carbonée restera vraisemblablement abondante et accessible à un coût modéré.
L’Union européenne devra donc, en liaison avec les États-Unis et la Chine, aller au-delà de son objectif
de réduction de 40 % de ses émissions de 1990 à 2030. Cela suppose qu’elle réduise très fortement son
recours aux hydrocarbures et au charbon et qu’elle crée un véritable signal-prix carbone dans son économie.
Pour cela, elle devra très probablement incorporer dans son marché de quotas de carbone un prix plancher (qui
pourrait ne concerner dans un premier temps que la production électrique) et envisager la création d’une taxe
carbone européenne. Elle devra également revoir l’organisation d’un marché de l’électricité qui ne permet
plus de lancer de nouveaux investissements sans soutien public.
La France doit désormais axer ses efforts sur la réduction des émissions du transport, du résidentiel/
tertiaire et de l’agriculture. Avec une baisse de près de 19 % de ses émissions depuis 1990, due, il est vrai, pour
partie à la crise de 2008 et à ses prolongements, le pays est bien engagé dans la lutte contre le changement climatique.
Cependant, cette baisse provient pour l’essentiel du secteur industriel et de la production d’énergie : la produc-
tion d’électricité est ainsi quasiment décarbonée. Atteindre la neutralité carbone entre 2050 et 2100, sans dégrader
la compétitivité, va obliger à repenser l’ampleur, le rythme et la répartition sectorielle des efforts.
La France et l’Europe vont devoir prendre des options pour l’avenir sans savoir quelle sera l’attitude
de leurs partenaires. La fixation d’orientations, le choix du mix électrique, la taxation du carbone, les trans-
formations des modes de vie ne peuvent attendre les décisions des autres signataires de l’Accord de Paris.
Nous allons devoir concilier responsabilité et compétitivité.
Engagements pré-COP21
60
40
35
30
1990 1995 2000 2005 2010 2015 2020 2025 2030
francestrategie1727.fr
Un nécessaire renforcement de la lutte contre le changement climatique
Un Accord de Paris ambitieux la COP 21[4] précise que si ces efforts n’étaient accen-
qui doit conduire à de nouveaux tués qu’à partir de 2020, il serait nécessaire de diminuer
les émissions mondiales d’environ 30 % supplémen-
engagements de réduction taires à l’horizon 2030 par rapport aux engagements
La COP21 a abouti à un accord entre 196 parties (195 actuels (graphique 1 ).
pays et l’Union européenne) pour lutter contre les émis-
sions de GES. Son ambition est de contenir le réchauffe- Repousser au-delà de 2030 cet engagement d’efforts
ment climatique « nettement en dessous » de 2°C d’ici à additionnels demanderait des réductions d’émission
2100 par rapport aux températures préindustrielles et à un rythme tellement élevé qu’il paraît inatteignable : le
de poursuivre les efforts en vue de contenir ce réchauf- montant maximal du carbone que l’on peut émettre
fement le plus près possible de 1,5°C. Le Groupe si l’on veut ne pas augmenter la température de plus
d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat de 2°C (de l’ordre de 1 000 Gt CO2e à compter de 2013)
(GIEC) estime que « la température moyenne à la serait en effet dépassé entre 2035 et 2040[5]. La solution
surface de la planète et des océans » a déjà augmenté consisterait alors à s’en remettre au progrès technolo-
de 0,85°C sur la période 1880-2012 et que la concentra- gique, en espérant que les techniques de géo-ingénierie
tion actuelle de GES devrait conduire à une augmenta- permettront d’absorber, dans la seconde moitié de ce
tion supplémentaire de 0,6°C sur le long terme[1]. siècle, plus de gaz à effet de serre que l’homme n’en
émettra. Le développement de certaines de ces techno-
Cet accord modifie notre vision de la lutte contre le logies, en particulier de la capture et du stockage du
changement climatique sur trois points. À court terme, CO2, est nécessaire, mais, en leur état actuel, se reposer
la mention d’un objectif de 1,5°C s’explique par la sur une telle perspective constituerait un pari pour le
perception dès aujourd’hui des manifestations du moins hasardeux. C’est pourquoi la Conférence des
changement climatique en certains endroits de la parties a « insisté avec une vive préoccupation » dans
planète et par la nécessité de répondre à l’appel des le préambule de l’Accord de Paris sur « l’urgence de
populations directement menacées. À moyen terme, combler l’écart significatif » qui existe entre les
la neutralité carbone envisagée dans la seconde moitié émissions actuelles et l’ambition d’un scénario nette-
du siècle à l’échelle de la planète conduit à envisager ment en dessous de 2°C (graphique 2 et tableau 1 ).
le passage à une « société sans carbone » au sein des
pays développés, probablement dès 2050. Enfin, il 2 ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE
existe un décalage entre l’objectif de limiter à 2°C DES PRINCIPAUX PAYS ÉMETTEURS
1. Cinquième rapport l’augmentation de la température et les engagements 14
du GIEC. – insuffisants – pris jusqu’à présent par les différents 12
Émissions en GtCO2e
contexte de crise économique et de baisse du prix des plarité ? Rien n’est moins sûr. Cet accord lui pose en
énergies fossiles[11], le coût des énergies renouvelables effet plusieurs défis : celui du rehaussement dès 2020 de
est resté relativement élevé, malgré des baisses spec- son objectif de réduction de ses émissions, nécessaire
taculaires qui se poursuivent, et la concurrence indus- pour se placer dans un scénario 2°C, celui de la répar-
trielle n’a pas permis l’affirmation d’un leadership tition entre les différents États membres des efforts
3
européen dans ce domaine. Pire, les marchés du car- supplémentaires à consentir et celui des instruments
bone et de l’électricité que l’Union européenne a créés à mettre en place à cette fin.
L’Union européenne ne pourra espérer relever ces nale de l’énergie, propose par exemple d’étu-
défis que si elle est capable de retrouver son lea- dier l’intégration dans le marché des distribu-
dership technologique et de surmonter le handicap teurs de carburants et de combustibles fossiles,
de sa diversité : la très grande hétérogénéité des res- en leur demandant de disposer de quotas pour
sources énergétiques, des parcs de production élec- le montant des émissions provoquées par leurs
trique et des politiques de lutte contre le changement ventes aux installations non soumises elles-
climatique de ses États membres ne favorise pas l’en- mêmes à quotas[15]. Une autre solution serait
tente sur des positions et des objectifs communs. d’instituer une taxe européenne sur le contenu
carbone des combustibles fossiles ;
Un objectif à 2030
– alors que l’une des priorités de la lutte contre le
à rehausser et à détailler changement climatique devrait être, comme le
De 1990 à 2014, l’UE-28 a réduit ses émissions de gaz souligne le dernier rapport du GIEC, d’aboutir à
à effet de serre d’environ 23 % (graphique 3 ) : elle dé- une production d’électricité décarbonée – pour
passe donc d’ores et déjà son objectif de 20 % de ré- ensuite substituer l’électricité aux hydrocar-
duction à 2020 [12]. Dans son nouveau paquet cli- bures dans un certain nombre d’usages (trans-
mat-énergie présenté fin 2014, le Conseil européen a port notamment) –, un objectif de réduction por-
de fait donné la priorité à la lutte contre le réchauffe- tant sur le secteur industriel de manière globale
ment climatique en ne retenant qu’un seul objectif ne réduira pas de façon rapide les émissions
contraignant pour tous les États membres[13] : la ré- liées à la production d’électricité : ainsi, un vé-
duction de 40 % de leurs émissions de GES de 1990 à hicule électrique[16] émet dans certains pays de
2030. l’UE-28 plus de gaz à effet de serre qu’un véhi-
cule neuf à essence. L’introduction d’un prix
3 UNION EUROPÉENNE : ÉMISSIONS DE CO2 PAR HABITANT
plancher du carbone dans le secteur de la pro-
14 duction électrique pourrait, dans le respect des
Émissions en tCO2 par habitant
12 Annual European
Community greenhouse
12
règles du marché ETS, contribuer à décarbo-
gas inventory 1990-2012
and inventory report
ner la production d’électricité ;
10
2014 (Inventaire annuel
des gaz à effet de serre 8
1990-2012 de la
– plus largement, le mix électrique est très diffé-
Communauté
6 rent d’un pays à l’autre. Demander des dimi-
européenne et rapport 4 nutions d’émissions de CO2 d’ampleur compa-
d’inventaire 2014),
rapport de l’Union 2 rable à celles d’un pays comme la France – qui
européenne présenté au
0 émet déjà peu de CO2 grâce à son mix électrique
Secrétariat de la
peu carboné – ou l’Allemagne – qui conserve beau-
1990
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Convention-cadre des
Nations unies sur les coup d’électricité produite au charbon et au
changements
climatiques (CCNUCC) UE-28 Allemagne France gaz – ne correspond peut-être pas à une réparti-
en juin 2014. Le chiffre Pologne Royaume-Uni tion équitable des efforts entre pays européens
de 23 % de réduction ne
comprend ni l’aviation Source : France Stratégie, à partir des données du SOeS et de l'AIE (graphique 4 ). Favoriser le déploiement du pho-
internationale (qui tovoltaïque dans les pays les plus ensoleillés
figure dans l’objectif de Cependant, même si l’Union européenne ne représente serait également une source d’économie.
réduction de 20 % de
l’UE), ni les émissions et plus aujourd’hui que moins de 9 % des émissions
les absorptions de gaz mondiales pour 7 % de la population[14], elle doit d’ores 4 ÉMISSIONS DE CO2 POUR 1 KWh
liées à l'utilisation des
terres, à leurs et déjà se préparer à renforcer ses objectifs de réduc- D’ÉLECTRICITÉ PRODUIT
changements et à la tion d’émissions à 2030. La Commission a annoncé en
forêt. 1200
mars qu’elle n’entendait pas procéder unilatérale-
13. Le texte adopté fixe ment à cette révision : il est logique que l’UE ne s’en-
un deuxième objectif 1000
contraignant : porter la
gage pas dans cette voie indépendamment de l’atti-
part des énergies tude des États-Unis, de la Chine et des autres pays dé-
renouvelables à au veloppés, cela conduirait à pénaliser son économie. 800
moins 27 % de la
Mais, in fine, elle devra participer au surcroît d’effort
Émissions en gCO2/kWh
consommation
d'énergie de l'UE d'ici à mondial. Si l’UE reprenait à son compte une diminu- 600
2030. Il n’est cependant
contraignant qu’au tion supplémentaire de 30 %, cela reviendrait à envi-
niveau européen sager de diminuer à horizon 2030 les émissions de 400
(et non pas pour chacun
des États membres). GES, non plus de 40 % mais de 60 % par rapport à
L’objectif d'économies 1990. 200
d’énergie de 27 % d'ici
2030 n’est qu’indicatif. Dans ces conditions, la question des efforts à consen-
14. Chiffres 2013. tir par État membre (qui devrait être traitée dans les 0
1990
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18. La France et le
émissions de 1990 à 2050, et adopte un objectif de 120 Royaume-Uni ont
récemment proposé
réduction de 40 % des émissions françaises de GES de 100 à leurs partenaires
1990 à 2030. La Stratégie nationale bas-carbone, publiée 80
un non-paper afin
d’encadrer la valeur du
en octobre 2016, définit des budgets carbone à ne pas 60 carbone sur le marché par
dépasser pour les dix prochaines années et met l’accent un corridor de prix.
40
sur les actions d’efficacité énergétique, en particulier 19. Il s’agit des émissions
20
dans l’habitat. métropolitaines (hors
0 UTCF), qui sont passées de
1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 543 en 1990 à 440 MtCO2e
Ce succès mérite cependant d’être relativisé car, lorsque en 2014.
Transformation d’énergie Dont émissions électricité
l’on prend en compte l’empreinte carbone en comptant 20. Ce qui revient à ajouter
Industrie manufacturière Résidentiel et tertiaire
les émissions de gaz à effet de serre liées à la demande les émissions provenant
Agriculture/sylviculture hors UTCF Transports
finale intérieure[20], celles-ci sont beaucoup plus stables de la fabrication et du
transport des produits
sur la période : la baisse des émissions sur le territoire * Émissions provenant de l’utilisation des terres, de leurs changements importés et à retirer celles
français est ainsi pour partie liée à la fabrication à et de la forêt des produits exportés.
l’étranger des produits que nous consommons. Source : France Stratégie, à partir des données du CITEPA
5
De plus, cette transition énergétique bute désormais La cohérence des objectifs
sur un certain nombre de difficultés : et des actions
La loi de transition énergétique définit de multiples
– Les bons résultats obtenus sont très largement
objectifs précis. Outre que ce cadre risque de man-
imputables à la baisse des émissions enregis-
quer de souplesse pour optimiser la dépense collec-
trées par le secteur industriel et la production
tive en fonction des évolutions économiques à venir[23],
d’énergie. Or, une fois arrêtées les dernières cen-
les objectifs et actions prévus mériteraient d’être hié-
trales à charbon, les émissions du mix électrique
rarchisés pour gagner en cohérence au service de
français représenteront moins de 4 % des émis-
l’impératif d’une réduction efficace en termes écono-
sions totales françaises. À l’avenir, les efforts de
miques des émissions de GES.
réduction des émissions de gaz à effet de serre de-
vront donc se concentrer sur le résidentiel-ter-
– Cohérence des objectifs : la baisse de la
21. Cf. Stratégie tiaire, le transport et l’agriculture (graphique 5B )
nationale bas-carbone. consommation d’énergie n’est qu’un moyen
secteurs pour lesquels les réductions sont beau-
au service de l’objectif premier que consti-
22. Article 3 de la loi coup plus difficiles et coûteuses à mettre en
relative à la transition tue la réduction des émissions de gaz à effet
œuvre.
énergétique pour la de serre. La loi demande une réduction de
croissance verte : « La
France se fixe comme – La baisse des prix des hydrocarbures ne faci- moitié de la consommation finale d’énergie à
objectif de rénover 2050 sans tenir compte des émissions de gaz à
énergétiquement 500 000 lite pas le déploiement des efforts à fournir. Alors
effet de serre de chacune des sources mobili-
logements par an à que la Stratégie nationale bas-carbone souligne
compter de 2017, dont sées. Or, la diminution des usages d’une élec-
au moins la moitié est que le rythme de réduction de nos émissions
tricité produite à partir d’un mix électrique dé-
occupée par des de gaz à effet de serre devrait être doublé dans
ménages aux revenus carboné ne devrait pas revêtir le même degré
les prochaines années pour parvenir à atteindre
modestes, visant ainsi de priorité que la diminution des usages repo-
une baisse de 15 % de la les objectifs à 2030[21] et que la loi[22] indique qu’il
précarité énergétique sant sur les hydrocarbures[24]. En France, rem-
faudrait procéder à la rénovation thermique
d'ici 2020. » placer – comme le prescrit la réglementation
d’environ 500 000 logements par an, cette baisse
23. Citons notamment thermique 2012 – le traditionnel ballon d’eau
annule la rentabilité d’un grand nombre d’ac-
l’objectif lié aux chaude, qui fonctionne à partir d’un mix élec-
renouvelables : la loi tions d’efficacité énergétique et pourrait même
trique décarboné et qui peut servir de stockage
prévoit de « porter la conduire à un effet rebond dans le transport.
part des énergies énergétique pour les ENR, par des dispositifs à
renouvelables à 23 % de C’est certainement le point le plus urgent à
partir de gaz moins consommateurs d’énergie
la consommation finale traiter.
brute d'énergie en 2020 conduit à plus d’émissions.
et à 32 % de cette
consommation en 2030 ; Dans ce contexte, plusieurs questions se posent pour
à cette date, pour – Cohérence économique : les enjeux techni-
les dix années qui viennent. Elles concernent :
parvenir à cet objectif, co-économiques du mix électrique doivent
les énergies renouve-
lables doivent – les cohérences internes à la loi : alors que celle-ci prendre en compte le souci de préserver
représenter 40 % de la notre compétitivité. Le développement des
production d'électricité, fixe des objectifs multiples (réduction de la
ENR[25] au sein d’un mix électrique déjà décar-
38 % de la consomma- consommation d’énergie, évolution du mix
tion finale de chaleur, boné et en situation de surcapacité a pour but
15 % de la consomma- électrique français…), priorité doit être donnée
non pas de réduire les émissions de gaz à effet
tion finale de carburant à la baisse des émissions, en privilégiant les so-
et 10 % de la de serre mais de diminuer la part du nucléaire
consommation de gaz ». lutions les moins coûteuses ; les autres objec-
dans notre production d’électricité. Cet objectif
tifs doivent être pensés en liaison avec cette
24. De la même façon, la est au premier ordre sans incidence sur le
ambition première ;
réglementation volume total des émissions. Pour autant, la mi-
thermique 2012 et le
crédit d’impôt pour la
– le rythme des actions à mener : la mise en place nimisation du prix des énergies doit rester une
transition énergétique priorité pour préserver notre compétitivité :
ont pour objectif d’un signal-prix carbone crédible, croissant dans
premier la réduction de une hausse de 10 % des prix de l’électricité en
le temps et adapté à l’objectif finalement retenu
la consommation France réduirait la valeur de nos exportations
d’énergie et non la pour 2030 constitue le meilleur moyen de dé-
de 1,9 %[26]. Le montant des dispositions prises
réduction des émissions clencher de nouveaux investissements ;
de gaz à effet de serre. en faveur du développement des énergies re-
25. La loi prévoit un – la cohérence des politiques publiques (qui doivent nouvelables (solaire et éolien) pourrait, selon
objectif de réduction de les prévisions de la Commission de régulation
la part du nucléaire dans être dimensionnées en fonction du signal-prix
de l’énergie (CRE) de 2013, atteindre 8 mil-
la production carbone) et les changements de comportement
d’électricité à 2025. Les liards d’euros en 2025 pour une production
nécessaires.
travaux menés par RTE d’environ 40 TWh[27]. Dans ces conditions, il est
ont montré qu’un tel mix
ne posait pas de souhaitable de distinguer les énergies renou-
difficulté technique 5B FRANCE : ÉMISSIONS SECTORIELLES DE GAZ velables matures, dont le prix se rapproche des
particulière. À EFFET DE SERRE EN 2014 (EN %) conditions de marché, des énergies dont le
26. Bureau D., Fontagné L. coût reste très élevé et qu’il convient probable-
et Martin P. (2013), Transformation d'énergie
« Énergie et compétitivité »,
ment de réserver à des opérations de démons-
9%
Les notes du conseil tration : le coût de la production du biomé-
d’analyse économique,
n° 6, mai. Industrie manufacturière thane, compris entre 45 € et 95 €/MWh[28], est
30% très nettement supérieur au prix actuel du gaz
27. Ce chiffre correspond
23% sur le marché (voisin de 13 €/MWh en mars) ;
à une approximation par Résidentiel et tertiaire
défaut de la réalité : le l’électricité produite par une éolienne offshore
prix du marché de gros revient à 200 €/MWh[29] alors que le prix actuel
(qui sert de référence au
calcul) est nettement Agriculture/sylviculture du marché est – certes anormalement bas –
hors UTCF
plus haut que le prix
19% 19% d’environ 25 €/MWh. En coût de la tonne de
actuel.
CO2 évitée, l’éolien en mer revient à 438 €/tCO2
Transports
et le biogaz à partir de déchets agricoles à 373 €[30] :
6 à dépense constante, d’autres actions permet-
Source : France Stratégie, à partir des données du CITEPA traient d’économiser bien plus de CO2.
Les choix intertemporels : – La baisse forte des prix des hydrocarbures consti- 28. Cf. Pour les
installations de stockage
la nécessité d’instaurer tue une deuxième raison d’augmenter la valeur de déchets non
tutélaire du carbone. La commission Quinet dangereux, les tarifs
un signal-prix du carbone n’avait pas proposé de faire dépendre la valeur
d’achat du biométhane
injecté sont compris
Ainsi que le souligne la Stern review, « le changement tutélaire du carbone du prix du pétrole, en entre 45 € et 95 €/MWh
selon la taille de
climatique présente un défi unique pour l’économie : considérant que les valeurs du carbone propo- l’installation. Pour les
il constitue l’échec du marché le plus important et le sées restaient valables pour un prix du pétrole autres unités de
plus étendu que l’on ait jamais connu » : les dommages méthanisation, les tarifs
compris entre 50 et 100 euros le baril. Cependant, d’achat du biométhane
résultant de nos émissions de gaz à effet de serre seront la faiblesse actuelle des cours, si elle était du- injecté (hors coefficient
payés par les générations futures. Dans ces conditions, rable, et le fait qu’elle provienne largement d’une d’indexation annuelle) se
composent d’un tarif de
le rapport Stern recommande d’imputer à chaque ins- augmentation de l’offre de combustibles fossiles base compris entre 64 €
tant au carbone marginalement émis la valeur actua- justifieraient, sinon une augmentation supplé- et 95 €/MWh selon la
taille de l’installation.
lisée des dommages qu’il va provoquer. Appliquée à la mentaire pérenne du signal-prix correspondant, http://www.developpe-
France, selon une approche coût/efficacité, cette dé- du moins un avancement du calendrier de la ment-durable.-
gouv.fr/Pour-l-injec-
marche a conduit la Commission[31] présidée par Alain hausse projetée. tion-dans-les-reseaux
Quinet à recommander d’augmenter la valeur « tutélaire »
du carbone de 4 % par an, pour la porter à 56 €/tCO2 29. Tarif de rachat pour
les derniers appels
en 2020 et 100 €/tCO2 en 2030, ce qui permettrait d’at- La nécessaire mise en place d’autres d’offres.
teindre l’objectif de diviser par quatre les émissions
françaises de GES à l’horizon 2050. La loi relative à la instruments de politique publique 30. « Les énergies
renouvelables : quels
transition énergétique pour la croissance verte a repris La mise en place d’un prix du carbone à un niveau enjeux de politique
suffisant est indispensable pour minimiser la dépense publique ? », Lettre
ces valeurs pour le volet carbone de la taxe sur les Trésor-Éco, n° 162, mars
combustibles fossiles. collective dans la lutte contre le réchauffement clima- 2016.
tique. Pour autant, le prix du carbone ne peut suffire
Cependant, les objectifs ambitieux retenus lors de la à lui seul à guider la transition énergétique.
COP de Paris et la forte baisse du prix des énergies
fossiles doivent conduire à accélérer l’évolution de la Ainsi, l’innovation verte est freinée par l’habitude des
valeur du carbone : industriels à innover dans les technologies qu’ils ont
l’habitude d’utiliser[35] et qui rejettent plus de carbone
– Tant que les 196 parties ne révisent pas leurs que les innovations vertes. Des subventions pour la R&D
efforts de lutte contre le changement climatique verte (aide aux premiers usages des technologies in-
(leurs INDC), les valeurs actuelles inscrites dans novantes, suppression des barrières hors marché, fa-
la loi peuvent être maintenues. En revanche, cilitation de la substitution entre technologies propres
une révision de 40 % à 60 % de l’objectif 2030 et technologies polluantes) apparaissent dès lors sou- 31. La valeur tutélaire
du carbone, Rapport
de réduction des GES en Europe supposerait, haitables. de la commission présidée
dans une première approche, d’augmenter la par Alain Quinet, Centre
d’analyse stratégique,
valeur du carbone d’une cinquantaine d’euros D’autres barrières existent, en particulier dans le ré- juin 2009.
pour la porter à 150 € tCO2 à 2030 : le calcul précis sidentiel tertiaire. Au-delà du recours à la norme et à
32. En 2016, pour une
tenant compte de l’objectif post-2050 de neu- la réglementation et des actions déjà mises en œuvre[36], composante carbone
tralité carbone reste à effectuer. À l’échelle natio- l’introduction progressive d’une taxe carbone sur les de la TICPE de 22 € tCO2,
le produit attendu était
nale, le prélèvement d’une taxe de ce montant énergies utilisées dans les bâtiments actuels permet de 3,6 Mds €.
sur l’ensemble des combustibles fossiles (l’équiva- d’adresser aux différents ménages un signal-prix qui ne
33. Rapport de la
lent d’une taxe d’environ 40 cts € sur le litre d’es- pourra que s’accroître dans le temps. Une partie des conférence des experts et
sence) serait loin d’être neutre sur les revenus et sommes recueillies peut être recyclée dans l’incitation de la table ronde sur la
contribution Climat et
la consommation[32]. Elle devrait s’accompagner à la rénovation thermique et la lutte contre la préca- Énergie, présidées par
d’une baisse de la fiscalité sur d’autres assiettes : rité énergétique. Le calcul socioéconomique (inté- Michel Rocard, ancien
selon la DG Trésor[33], une telle taxe, si elle était grant les conditions économiques actuelles, en parti- Premier ministre, juillet
2009.
redistribuée aux entreprises et aux ménages, culier la faiblesse des taux d’intérêt) devrait per-
pourrait favoriser la croissance. Procéder à une mettre de préciser projet par projet ceux qui pourraient 34. Voir Trajectoires
2020-2050 : vers une
baisse du coût du travail encouragerait l’emploi. être réalisés. L’arbitrage intertemporel ainsi envisa- économie sobre en carbone,
Le produit de la taxe pourrait aussi permettre gé conduit à effectuer dès maintenant les actions ren- Rapport élaboré sous la
présidence de Christian de
de financer des aides à la reconversion profes- tables et à repousser à plus tard celles qui le devien- Perthuis, Centre d’analyse
sionnelle[34] et des actions de rénovation éner- dront pour un prix du carbone plus élevé : il doit na- stratégique, 2012.
gétique, de lutter contre la précarité énergétique turellement tenir compte des barrières propres à 35. Voir Aghion P.,
et de subventionner la R&D verte. chaque secteur. Hemous D. et Veugelers R.
(2009), Quelles politiques
pour encourager
l’innovation verte ?,
la lutte contre le changement climatique : l’on veut tenir l’objectif « moins de 2°C », mais il requiert consacrés à la rénovation
des bâtiments publics et
des efforts supplémentaires substantiels et rapides. des logements sociaux, la
mise en place de sociétés
a) Le respect, sans plus, des engagements pris par
c) Le non-respect des engagements pris, comme le de tiers financement.
chaque pays avant la conférence de Paris et un report
protocole de Kyoto l’a parfois montré.
des efforts supplémentaires au-delà de 2030. Cela re-
viendrait en pratique à renoncer à contenir l’éléva- Le dimensionnement des efforts – de plus en plus né-
tion de la température en dessous de 2°C. cessaires – d’adaptation en dépend.
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L’Union européenne doit-elle prendre d’autres prélèvements. Comment donner une crédi-
les devants ou suivre le rythme bilité à cette trajectoire ? Sommes-nous prêts à porter
de la communauté internationale ? le prix du carbone à 40 cts le litre d’essence pour res-
Comment concilier compétitivité pecter l’objectif « moins de 2°C » ? Quel usage faire de
Auteurs :
cette recette ? Cette taxe est-elle suffisante pour en-
Dominique Auverlot, et ambition climatique ?
gendrer des changements de comportement ? Quelles
Étienne Beeker Alors qu’elle ne représente plus aujourd’hui que 10 % politiques mettre en œuvre pour, plus généralement,
des émissions mondiales, l’UE doit-elle se fixer unila- adapter nos modes de vie ?
téralement un objectif de réduction supplémentaire
de 30 % à l’horizon 2030 au risque de sacrifier sa
Sur quelle base reconstruire
compétitivité ? Doit-elle au contraire conditionner cet
le marché de l’électricité ?
effort à une coopération mondiale ? Comment répar-
tir les réductions à consentir entre les États membres ? La situation actuelle du marché de l’électricité ne
L’Union européenne peut-elle et doit-elle enfin créer permet pas d’assurer la rentabilité des installations
à dix ans une taxe carbone européenne ? Comment de production, à moins qu’elles ne soient subvention-
doit-elle encourager l’innovation ? nées : elle n’est pas durable. La Commission euro-
péenne et les États membres sont donc confrontés à
Comment réduire la part du charbon plusieurs scénarios possibles : le laisser-faire condui-
sant à la remise en cause économique – voire à la dis-
dans la production d’électricité
parition – des opérateurs historiques, le retour de
européenne ?
l’État planificateur et régulateur, la primauté accor-
L’introduction d’un prix plancher du carbone dans le dée aux seules forces du marché, ou la création de
secteur de la production électrique pourrait permettre modèles hybrides rémunérant à la fois l’énergie et la
(1) de favoriser les énergies alternatives au charbon puissance.
et de baisser les émissions, (2) de relever le prix du
marché de gros, (3) de ne pas trop pénaliser les autres En France, cela conduit à s’interroger à horizon de
secteurs industriels. Faut-il suivre une stratégie de ce dix-vingt ans sur la place de l’électricité dans le mix
type ? Recourir à la réglementation ? Attendre le relè- énergétique et sur la composition du mix électrique,
vement du prix du carbone ? sur les développements possibles des smarts grids, de
Directeur de la publication :
Jean Pisani-Ferry,
la production d’énergie décentralisée, et sur le rôle
commissaire général Le gaz est-il un intermédiaire nécessaire dans la tran- qu’auront demain les réseaux électriques.
sition ?
Directeur de la rédaction :
Fabrice Lenglart,
commissaire général adjoint Quelle trajectoire en France pour
Secrétaire de rédaction : le prix du carbone ? Comment faire
Valérie Senné évoluer les comportements ?
Impression : La taxe carbone sur les carburants, qui devrait at-
France Stratégie teindre 25 cts en 2030, peut être bénéfique à l’écono-
Dépôt légal : mie si elle est intelligemment utilisée pour alléger
avril 2016
N° ISSN 1760-5733
Contact presse :
Jean-Michel Roullé,
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Édition-Communication, La croissance mondiale Jeunesse, vieillissement : Dette, déficit, dépense :
01 42 75 61 37, d’une décennie à l’autre quelles politiques ? perspectives pour les finances publiques
jean-michel.roulle@
strategie.gouv.fr
Joris Aubrespin,
chargé des relations presse Nouvelles formes du travail Climat : comment Politiques de l’emploi
01 42 75 60 27 et de la protection des actifs agir maintenant ? et du marché du travail
06 20 78 57 18
joris.aubrespin@
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nous suivre
de la décennie qui suivra
la prochaine élection
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