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Je suis frustré !
J'ai adoré la cérémonie du 13e degré qui a titillé, à la fois, mon esprit scientifique et mon
appétit symbolique.
Il est clair qu'il fallait identifier les sephiroths car sans cela il n'y pas de différence et
d'altérité. Mais pourquoi donc traduire en français les mots originaux ?
Déjà pourquoi y mettre des mots ? On pouvait les numéroter ou les identifier par un
dessin, une lettre, un caractère.
D'autant qu'il y a déjà ceux gravés sur les portes successives : un cercle de 22 points, une
pierre d'angle, un soleil rayonnant, une tête de lion, une lune resplendissante, une règle,
une courbe gracieuse, un oeil, un rouleau de la Loi et une couronne royale
Même si on saisit le principe des choses par le cœur, on ne peut rien transmettre sans la
parole. Si le nom ne distinguait pas la chose, le jugement ne s’activerait pas de manière
claire. Par les paroles et les dénominations, il est possible de concrétiser la communication
avec autrui.
Pourtant, si la forme n’est pas nommée, il est clair que ce qui est carré est carré et ce qui
est rond est rond. Même sans nommer les couleurs, ce qui est noir est noir et ce qui est
blanc est blanc. Le nom n’ajoute rien aux choses et la parole n’a pas d’effet sur le principe.
Par contre, il en a sur la compréhension qu'il induit. Surtout si le nom existe déjà. Alors il
entraîne avec lui toutes une séries de significations et connotations. Celles-ci peuvent être
pertinentes et éclairer la compréhension mais elles peuvent aussi amener des
incompréhensions.
Pour expliquer à un étranger ce qu'est un bol, dire que c'est une "grande tasse" peut être
pertinent, sauf que le bol n'a pas d'anse comme les tasses. Il vaudrait mieux dire "grande
jatte". Mais là aussi, ceux qui ne connaissent pas "jatte" n'en sont pas plus avancés.
Alors le dessin devient la solution évidente.
On voit tout de suite qu'on aurait eu avantage à utiliser les dessins gravés sur les portes.
Mais qu'en est-il des principes qu'on ne sait pas dessiner ? L'amitié, la résilience,
l'empathie, l'ontologie, l'intelligence, la vengeance, la sagesse, le talent, l'ambition,
l'amour …
Il nous faut plus que des mots, il nous faut une parole complexe, ou des exemples mais
en nombre suffisant pour ne pas tomber dans le cliché.
Car les choses n’ont pas de noms naturels. La chose ne s’appelle pas ainsi de manière
déterminée. Par conséquent, il faut choisir un nom si on veut parler d’une chose. Il faut
choisir une parole pour le principe afin d’en présenter le sens et les fins. Ainsi, le nom
change en fonction des choses, et la parole change en fonction du principe.
Cependant, pour arriver à une image mentale la plus fidèle possible, il nous faut varier les
explications, les exemples, les descriptions. Et plus il y en a, plus la compréhension
s'affine.
Tout comme le compagnon s'enrichit lors des visites dans d'autres ateliers.
Je vous donne une anecdote: dans ma loge on dit "quittons la chaîne d'union". Lorsque
j'étais apprenti, je m'interrogeais sur le geste de secouer les bras. Jusqu'au jour où,
comme compagnon, je suis allé dans une loge où on disait "éprouvons et quittons la
chaîne d'union".
La parole et les mots utilisés forgent et déterminent l'image mentale qu'on se fait de
l'objet ou du principe.
Une amie m'avait raconté avoir trouvé "pas terrible" le physique du personnage de
Christian Grey dans le film "50 nuances de Grey". Or, en ayant vu les photos de l'acteur, je
lui disais qu'il était canon. Ce à quoi elle me répondit que oui mais que par rapport à
l'image qu'elle s'en était faite à la lecture du livre, elle avait été déçue car il était
quelconque.
Ça c'est la magie du livre ou de l'histoire contée, chacun se forme des images mentales
qui lui sont propres et bien différentes du voisin.
Ces images sont une construction de notre esprit à nous. Elles sont déterminées par notre
vécu, notre éducation, notre environnement et surtout par nos émotions.
Bien sûr on va me rétorquer que l'image est induite par l'écriture de l'auteur du livre qui
décrit sa propre image mentale des personnages nés de son imagination. Certes. Mais
même avec les mots de l'écrivain, notre image est unique et intimement liée à nous.
Je cite Marcel Proust: "Le véritable voyage, ce ne serait pas d'aller vers de nouveaux
paysages, mais d'avoir d'autres yeux, de voir avec les yeux d'un autre, de cent autres, de
voir les cent univers que chacun d'eux voit, que chacun d'eux est".
Car les mots disent ce que nous percevons des objets et pas ce qu'ils sont.
Son qualificatif ne lui est apposé que par notre perception de son état extérieur et non pas
de ce qu’il est à l’intérieur.
Il serait intéressant de se pencher sur la couleur qu’il est vraiment, celle qu’il absorbe, et
là ce serait le vert, mélange du bleu et du jaune.
Je vais prendre deux exemples de mots qui nous sont familiers alors qu'ils n'ont jamais été
traduits:
D'autant que nous avons l'habitude des mots substitués: Moabon, Adonaï, ...
Adjoindre un mot français à chaque sephira c'est prendre le risque d'une compréhension
très partielle, voire même fausse.
Je ne dis pas qu'il ne fallait rien dire. Mais on aurait du expliquer le sens généralement
admis pour telle ou telle sephiroth, voire même citer une liste de mots substitués. Mais
pas en extraire un seul qui devient prédominant dans le sens à trouver.
Une fois qu'on a écrit: Binah = Intelligence, c'est fini, c'est fixé, gravé, mémorisé. Le
cerveau ne cherche plus, il n'enrichit pas le terme Binah qui restera lié à Intelligence. Or il
est évident que Binah n'est pas l'Intelligence.
Nous pouvons bien sûr essayer de dépasser le mot pour en trouver différentes acceptions.
Comme pour tous nos symboles. Mais ce sera toujours au départ du mot Intelligence qui
nous poursuivra. Il faudra faire des efforts pour ne pas se laisser enfermer dans un sens.
Alors que si on n'avait pas traduit Binah, toutes les portes restaient ouvertes. L'esprit
pouvait vagabonder et explorer mille chemins imaginaires.
Son nom est parfois traduit par « Prudence ». Cette interprétation la lie encore un peu
plus à la Sagesse en ce sens que rien n'est simple et évident et il faut une humilité dans la
compréhension des mystères de l'arbre de vie.
Binah est aussi : "construction" ou "formation"
Elle est le centre de cristallisation de la Forme en quelque chose d'intelligible. Binah donne
à la création sa capacité à être structurée. En posant la possibilité d'une limite, Binah
permet à la force de se réaliser en « quelque chose » de manifeste et d'actif.
Binah est également appelée Marah, la grande Mer, avec l'idée des grandes eaux
matricielles. Binah est encore Khorsia, le Trône, siège du pouvoir divin.
Cette Sephira porte aussi le titre de « La robe extérieure de dissimulation ». C’est elle qui
recouvre Hokhmah, la robe Intérieure de gloire, comme la substance contient l’énergie
alors formulée. Cette image nous incite à aller au coeur des choses, à passer outre l’aspect
extérieur.
Elle signifie encore "Intériorité", rappelant que le divin est en soi et que le chemin vers la
compréhension est intimement personnel et ne peut être expliqué par d'autres.
Binah est donc polysémique. A la fois jumelle liée à Hokhmah et ses sens et actions ne
peuvent en être dissociés, et une unité complexe à elle seule.
Comme on le voit, il faut vraiment se garder des routes droites et de la facilité, les
chemins sinueux de forêt sont bien plus riches en émerveillements.
Je conclus, pour le moment, que si nommer réduit le sens du symbole, traduire le nom
d'origine dénature la compréhension qu'on peut en faire.